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(Dix heures treize minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants. Merci.
Veuillez vous asseoir.
L'Assemblée entreprend ses travaux en ce mardi 19 juin.
Aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclaration ministérielle.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents, M. le ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
Cadre de référence pour le plan
quinquennal d'investissements universitaires 1989-1994
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le document suivant, cadre de référence pour le
plan quinquennal d'investissements universitaires 1989-1994.
Le Président: Alors, ce document est déposé.
M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Rapport annuel de l'Office du crédit
agricole
M. Pagé: M. le Président, qu'il me soit permis de
déposer le rapport de l'Office du crédit agricole, rapport annuel
pour l'année financière se terminant en mars 1990.
Le Président: Ce document est déposé. M. le
président du Conseil du trésor et ministre des Finances par
intérim.
Rapport annuel de Loto-Québec
M. Johnson: M. le Président, il me fait plaisir de
déposer le 20e rapport annuel, soit celui pour l'année
financière 1989-1990, de Loto-Québec.
Le Président: Ce document est déposé. M. le
ministre du Travail.
Rapport annuel du ministère du Travail
M. Séguin: Oui, M. le Président, il me fait plaisir
de déposer le rapport annuel du ministère du Travail pour
l'année 1989-1990.
Le Président: Alors, ce document est déposé.
M. le ministre de la Sécurité publique.
Rapports annuels du Bureau du coroner et de la
Régie des permis d'alcool du Québec
M. Elkas: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer les rapports annuels 1989-1990 du Bureau du coroner et de la
Régie des permis d'alcool du Québec.
Le Président: Alors, ces documents sont
déposés. Mme la ministre des Communications.
Rapport annuel du ministère des
Communications
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, il me fait
plaisir de déposer le rapport annuel du ministère des
Communications pour l'année 1989-1990.
Le Président: Ce document est déposé.
Décisions du Bureau de l'Assemblée
nationale
J'ai l'honneur de déposer trois décisions prises par le
Bureau de l'Assemblée nationale. Alors, ces documents sont
également déposés.
Dépôt de rapports de commissions. M. le président de
la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et
député de Nicolet-Yamaska.
Étude détaillée du projet de loi
15
M. Richard: M. le Président, je dépose le rapport
de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui
a siégé les 7, 8, 11 et 12 juin 1990 afin de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi 15, Loi sur la
mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche
et modifiant d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a
été adopté avec amendements, M. le Président.
Le Président: Ce rapport est déposé. M. le
vice-président de la commission des institutions et député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Étude détaillée du projet de loi
47
M. Trudel: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des institutions qui a
siégé les 15 et 18 juin 1990 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 47, Loi modifiant le
Code civil du Québec concernant le partage du patrimoine familial. Ce
projet de loi a été adopté avec des amendements.
Le Président: Ce rapport est déposé. M. le
président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Lévis.
Étude détaillée du projet de loi
51
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et
des équipements qui a siégé le 18 juin 1990 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 51, Loi modifiant la Loi sur les élections et les
référendums dans les municipalités. Le projet de loi a
été adopté avec des amendements.
Étude détaillée du projet de loi
60
Je dépose également le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements qui a siégé les 15
et 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 60, Loi sur la Société
québécoise de récupération et de recyclage. Le
projet de loi a été adopté avec des amendements.
Étude détaillée du projet de loi
50
Je dépose sans honneur le rapport de la commission de
l'aménagement et des équipements qui a siégé les 13
et 14 juin 1990 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 50, Loi modifiant la Loi sur la
Régie de l'assurance automobile du Québec et d'autres
dispositions législatives. Le projet de loi n'a pas été
adopté.
Le Président: Ces rapports sont déposés. Mme
la présidente de la commission des affaires sociales et
députée de Taillon.
Étude détaillée du projet de loi
70
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a
siégé les 14, 15 et 18 juin 1990 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 70, Loi concernant
l'adoption et modifiant le Code civil du Québec, le Code de
procédure civile et la Loi sur la protection de la jeunesse. Le projet
de loi a été adopté avec des amendements.
Étude détaillée du projet de loi
32
M. le Président, j'ai aussi l'honneur de déposer le
rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 18
juin 1990 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur la
protection de la santé publique. Le projet de loi a été
adopté, M. le Président.
Étude détaillée du projet de loi
42
J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des
affaires sociales qui a siégé le 18 juin 1990 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 42, Loi modifiant la Loi sur l'as-surance-maladie et la Loi sur la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Le projet de loi a
été adopté avec un amendement, M. le Président.
Étude détaillée du projet de loi
61
Enfin, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des
affaires sociales qui a siégé le 18 juin 1990 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 61, loi modifiant la loi sur les services de garde à l'enfance. le
projet de loi a été adopté.
Le Président: Alors, ces rapports sont
déposés.
Dépôt de pétitions. M. le député de
Gouin.
Surseoir à la décision de fermer le
bureau de Radio-Québec en Gaspésie
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je dépose le
cinquième extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 787 pétitionnaires, citoyens et
citoyennes de la région de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine. Les faits invoqués sont les suivants:
"Considérant l'importance de Radio-Québec en tant que
véhicule privilégié de la réalité culturelle
du Québec; "Considérant que cette réalité
culturelle est constituée de plusieurs composantes culturelles
régionales; "Considérant que la région de la
Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine se doit d'être
présente dans l'univers culturel de l'ensemble des
Québécois et Québécoises; "Considérant que
la fermeture du bureau régional de Radio-Québec en
Gaspésie attaque directement la présence de la région de
la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine dans cet univers culturel
et, par conséquent, risque de déformer la vision de la
réalité culturelle du Québec offerte à l'ensemble
des Québécois et Québécoises;"
Et l'intervention réclamée se résume ainsi: "Que
l'Assemblée nationale intervienne auprès de la ministre des
Communications afin qu'elle demande au conseil d'administration de
Radio-Québec de surseoir à sa décision de fermer le bureau
régional de Radio-Québec en Gaspésie." Merci, M. le
Président. (10 h 20)
Le Président: Votre pétition est
déposée. Mme la députée de Verchères.
Empêcher la commercialisation du dimanche et
limiter les heures d'ouverture le soir
Mme Dupuis: Je dépose l'extrait d'une pétition
adressée à l'Assemblée nationale par 67
pétitionnaires, consommateurs et consommatrices de la région de
Saint-Hilaire. Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant
que les signataires sont contre l'ouverture des commerces le dimanche;"
Et l'intervention réclamée se résume ainsi: "Que
l'Assemblée nationale du Québec inter-
vienne afin que le gouvernement légifère rapidement dans
le but d'empêcher la commercialisation du dimanche et de préserver
la qualité de vie au Québec, plus précisément: "Que
l'Assemblée nationale demande que l'extension des heures d'ouverture en
semaine soit limitée au mercredi soir jusqu'à 20 heures et que
seuls les commerces qui sont exploités en tout temps avec pas plus de
quatre employés incluant le propriétaire soient autorisés
à ouvrir le dimanche et en dehors des heures prévues par la
loi."
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: Cette pétition est
déposée. M. le député de La Prairie.
Inclure le boisé Tailhandier dans le parc de
conservation du mont Saint-Bruno
M. Lazure: M. le Président, je dépose l'extrait
d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par
101 citoyens et citoyennes de Saint-Bruno, comté de Chambly. Les faits
invoqués sont les suivants: "Considérant que le boisé
Tailhandier, contigu au parc de conservation du mont Saint-Bruno, contient des
richesses botaniques et ornithologiques remarquables; "Considérant que
la ville de Saint-Bruno semble souhaiter la construction d'un
développement domiciliaire qui détruirait ce boisé;
"Considérant qu'en octobre 1985, le Parti libéral s'engageait
à étendre le territoire du parc de conservation du mont
Saint-Bruno "pour y inclure tous les boisés existants sur la montagne
elle-même, dont le boisé Tailhandier"; "Considérant que ce
boisé est un prolongement naturel du parc de conservation du mont
Saint-Bruno";
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que
l'Assemblée nationale intervienne auprès du ministre du Loisir,
de la Chasse et de la Pêche afin qu'il acquière ce boisé
pour l'inclure dans le parc de conservation du mont Saint-Bruno ou, à
tout le moins, qu'il mette ce boisé en réserve d'achat pour une
période de deux ans."
Cette pétition s'ajoute à celle remise à la
députée de Chambly et ministre des Affaires culturelles, de 9400
noms, mais qu'elle n'a pas déposée à l'Assemblée
nationale. Merci.
Le Président: Alors, cette pétition est
déposée. M. le député de Bertrand.
Permettre l'ouverture des fruiteries le
dimanche
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Suite à la
pétition que je présentais hier, je présente une
deuxième pétition adressée à l'Assemblée
nationale par 8332 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du
Québec. Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant
que plus de 90 % des revenus des fruiteries proviennent de la vente de produits
périssables; "Considérant que le commerce des fruiteries exige un
approvisionnement quotidien qui peut comporter plusieurs arrivages;
"Considérant que la minutie, la manipulation fréquente et
délicate qu'exigent les produits périssables des fruiteries les
obligent à une flexibilité dans le nombre d'employés
requis; "Considérant que les fruiteries du Québec sont un
important débouché pour les producteurs maraîchers locaux
du Québec; "Considérant que les fruiteries emploient un grand
nombre de jeunes et d'étudiants; "Considérant que l'ouverture des
fruiteries le dimanche ajoute à la qualité de vie des
Québécois et reçoit l'appui de plus de 78 % des
Québécois consultés par IQOP;"
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que
l'Assemblée nationale intervienne auprès du ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie afin qu'il amende le projet de
loi 75 sur l'ouverture des commerces le dimanche, conformément aux
recommandations formulées par l'Association provinciale des fruiteries
du Québec."
Le Président: Cette pétition est
déposée. Maintenant, M. le député de Laviolette.
Vous n'avez pas de pétition? Très bien. Alors, il n'y a pas
d'autres pétitions?
Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège
ou sur un fait personnel.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Questions et réponses orales des députés. Je vais
reconnaître, en première question principale, M. le
député de Lévis.
Processus d'embauché des employés
occasionnels
M. Garon: M. le Président, le président de la
Commission d'accès à l'information, M. Jacques O'Bready,
déclare dans le journal de ce matin que la centralisation de fiches
personnelles au cabinet du ministre délégué à la
voirie contrevient à la Loi sur l'accès aux documents des
organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et qu'il
fera enquête.
M. le Président, pourquoi le ministre a-t-il choisi de
contrevenir à la Loi sur l'accès aux documents des organismes
publics et sur la protection des renseignements personnels en centralisant
à son cabinet les fiches d'embauché des employés
occasionnels?
Le Président: Alors, M. le ministre
délégué aux Transports.
M. Vallières: M. le Président, j'ai eu l'occasion
de relire ce que le président de la commission avait dit. J'indique
immédiatement au député de Lévis que ce dont il a
parlé, c'est plutôt de vérification. Je laisserai la
commission faire le boulot qu'elle a à faire, faire son travail. Je veux
indiquer au député de Lévis, par ailleurs, qu'au moins
deux lois de ce gouvernement, soit la Loi d'accès aux documents des
organismes publics, à l'article 8 de cette loi, de même que la Loi
sur la fonction publique, à l'article 37, permettent à celui qui
vous parle, comme premier gestionnaire du ministère, d'obtenir des
informations de la nature de celles qui ont été
divulguées.
Pour ce qui est du geste qui a été posé, j'ai
déjà indiqué les réprimandes qui ont
été adressées à mon employé à cet
égard-là. Je veux indiquer au député de
Lévis que, d'ores et déjà, la contribution du
ministère des Transports est acquise à la commission afin de
s'assurer que non seulement l'esprit de la loi, mais que la lettre de la loi
également soit respectée. Je me permets d'indiquer au
député de Lévis de se référer très
directement aux propos qu'a tenus le président et non pas à
l'interprétation qu'il pourrait faire des propos qu'il a tenus à
l'intérieur des journaux.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, je vais redemander au
ministre... C'est une question que j'ai posée hier. Est-ce qu'il fait
une distinction entre le droit du ministre d'obtenir des renseignements sur une
personne, sur un cas d'embauché ou sur une personne qui a postulé
un emploi - qu'est-ce qui arrive, est-ce qu'il a gagné le concours,
où c'est rendu - et son droit, qui n'existe pas, de compiler des listes
à partir des demandes d'emploi que font, à différents
endroits de son ministère, les gens qui veulent occuper des emplois
occasionnels?
Le Président: M. le ministre.
M. Vallières: M. le Président, je veux rectifier
les propos du député de Lévis. Mon cabinet ne
reçoit pas toutes les demandes d'emploi occasionnel qui sont faites
à l'intérieur des différents districts ou des
différentes régions. Je veux être bien clair
là-dessus. Il n'y a pas de compilation et il n'y a pas de liste à
cet effet-là.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Est-ce que le ministre nous donne une nouvelle
information, ce matin, contraire à ce qu'il nous a dit depuis le
début, que, d'une façon systématique, il avait la liste
des employés occasionnels pour pouvoir répondre aux questions
éventuelles qui viendraient des députés? Est-ce qu'il dit
le contraire, ce matin, de ce qu'il a dit depuis le début?
Le Président: M. le ministre.
M. Vallières: M. le Président, je veux reprendre la
même information que j'ai véhiculée à ce jour. Il
n'y a pas de liste de tous les occasionnels; je vous indiquerai qu'il y a 30
000 postulants au ministère des Transports. Alors, je veux vous indiquer
que, toujours dans ce souci de transmettre une information de qualité
aux électeurs de même qu'à la deputation qui pourrait faire
des demandes en ce sens, il y a des fiches, comme celle qui a été
rendue publique, qui sont en possession de mon cabinet. Mais, M. le
Président, je pense qu'il est à l'honneur de la deputation
québécoise que des gens qui pourraient porter certaines plaintes
ou s'interroger sur des postes auxquels ils ont appliqué, aillent voir
leur député comme étant la première porte
d'entrée afin de justifier de l'embauche qui a été faite
par le ministère des Transports. Un peu - et je ne veux le reprocher
à personne -comme le député de Shefford l'a fait
récemment. Je pense que le député faisait son boulot, au
même titre, M. le Président, que d'autres députés et
même des électeurs, directement, sollicitent une justification
auprès de mon cabinet. Par conséquent, M. le
député, je pense que c'est à l'honneur de notre deputation
et l'objet de mon cabinet, l'objectif qui est poursuivi, c'est de donner une
information de qualité. C'est la raison pour laquelle j'ai dit
récemment que j'avais besoin d'une instrumentation minimum. Je veux
également indiquer que ma collaboration et celle du ministère
sont acquises à la Commission afin de s'assurer que non seulement
l'esprit de la loi, mais la lettre de la loi soit respectée.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: Est-ce que le ministre peut nous dire clairement quelle
est cette instrumentation minimum dont il dispose pour pouvoir répondre
à des questions éventuelles des députés?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Transports.
M. Vallières: M. le Président, je
réfère le député de Lévis au document qu'ils
ont rendu public récemment. C'est exactement cette fiche dont on se
sert.
M. Gendron: En additionnelle, M. le Président.
Le Président: En additionnelle, M. le leader
adjoint de l'Opposition. (10 h 30)
M. Gendron: Est-ce que le ministre, au lieu de dire à peu
près toutes sortes de propos contradictoires, pour faire preuve de sa
bonne foi, et afin de démontrer le caractère isolé du cas
du ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'on appelle chez nous
le cas Côté, le ministre est-il disposé à
déposer dès aujourd'hui le relevé des imprimés des
communications émises et reçues sur les
télécopieurs de son cabinet politique au cours du dernier mois?
Êtes-vous prêt à déposer ça?
Une voix: Oui, oui, bonne idée.
Le Président: M. le ministre délégué
aux Transports.
M. Vallières: M. le Président, ce que je pourrais
indiquer au député d'Abitibi-Ouest, afin de répondre,
à tout le moins en partie, à son questionnement face à la
procédure qui est suivie au ministère, c'est que j'ai fait
relever un deuxième échantillonnage. J'ai non seulement,
maintenant, 100 cas, mais 200 cas d'individus qui ont postulé à
des postes au ministère des Transports à titre d'occasionnels et
l'on m'indique que, dans les gens qui ont été retenus ou les 200
cas que j'ai fait relever - les 200 par ordre chronologique - quelque 34 %
figuraient en première liste d'ancienneté; 31 %, en
deuxième; 35 %, en troisième. Ça indique très
clairement, M. le Président, que les dossiers sont traités par
ordre de priorité d'inscription des gens dans les différents
districts, dans les différentes régions auxquelles ils
s'adressent pour postuler.
M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest me
demande de lui déposer ce qui est au registre des communications, ce
qu'on appelle communément les bélinos.
M. Gendron: Je vais demander au... En additionnelle.
Le Président: Très bien, une additionnelle,
allez-y.
M. Gendron: De toute évidence, le ministre
délégué à la voirie ne veut pas comprendre ou fait
semblant de ne pas comprendre. Ce que je lui demande, c'est simple...
Le Président: Votre question, s'il vous plaît, votre
question.
M. Gendron: Est-il disposé...
Le Président: Un instant! un instant! Alors, une question
directement, sans préambule, s'il vous plaît.
M. Gendron: Est-il disposé à déposer
dès aujourd'hui les relevés imprimés des communications
émises et reçues sur les télécopieurs de votre
cabinet politique depuis le dernier mois?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Transports.
M. Vallières: Premièrement, M. le Président,
je veux indiquer au député d'Abitibi-Ouest que je doute fort
d'avoir ça présentement en ma possession au cabinet. Je doute
fort qu'on garde ce type d'information. J'espère qu'on ne me demande pas
de m'en souvenir de mémoire, ni à mes attachés politiques
à cet effet-là.
Deuxièmement, M. le Président, est-ce que ça
signifie que le député d'Abitibi-Ouest voudrait voir rendre
publique toute cette information qui, à mon avis, doit demeurer un
instrument de travail interne au sein de mon cabinet? J'espère que ce
n'est pas ça qu'il me demande de faire.
M. Gendron: Justement. En additionnelle.
Le Président: Dernière question additionnelle, M.
le leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: C'est un peu ce qu'on attendait, instrument de
travail... Alors, à cette condition-là, est-ce que vous seriez
d'accord, à ce moment-là, de les acheminer confidentiellement,
sous pli confidentiel, au président de la Commission d'accès
à l'information qui, lui, devrait juger si c'est un instrument de
travail utile pour faire du patronage ou si c'est un instrument de travail pour
la responsabilité du respect de la directive concernant l'embauche des
occasionnels qui, en passant, se fait dans les régions. Les
députés appellent dans les régions, pas au
ministère...
Le Président: M. le député. Très
bien. M. Gendron: ...voyons!
Le Président: Alors, M. le ministre
délégué aux Transports.
M. Vallières: M. le Président, j'ai
déjà indiqué au député d'Abitibi-Ouest que
mon intention était de collaborer avec la Commission. C'est clair, net
et précis. Et, M. le Président, je veux indiquer également
- et je le répète au député d'Abitibi-Ouest - que
l'information dont on dispose est une information qui vise à être
donnée à des gens qui nous en font la demande et qui sont
justifiés de nous faire cette demande, ce qui distingue très
nettement cette opération de celle à laquelle fait allusion le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Dernière additionnelle.
Le Président: Une toute dernière question
additionnelle, c'est la septième.
M. Gendron: Est-ce que le ministre délégué
à la voirie est prêt - comme le président de la Commission
d'accès à l'information semble l'exiger ce matin - à
transmettre et à acheminer confidentiellement les communications
émises et reçues sur votre télécopieur qui ont
été transmises à votre cabinet politique et qui ont
été également transmises au cabinet politique du ministre
de la Santé et des Services sociaux? Et là, après l'avis
du président de la Commission d'accès à l'information, on
avisera.
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Vallières: M. le Président, j'ai
déjà offert ma collaboration. Le document auquel fait allusion le
député d'Abitibi-Ouest a déjà été
rendu public. Je n'ai été saisi d'aucune demande en ce sens par
le président de la Commission jusqu'au moment où on se parle.
Le Président: Alors, en question principale, M. le
député de Labelle.
Ampleur des cabinets politiques
M. Léonard: M. le Président, la Presse canadienne
par son journaliste Norman Delisle lève un voile ce matin sur l'ampleur
des cabinets ministériels sous le gouvernement Bourassa; un total de 570
attachés politiques pour 30 ministres, pour une somme de 18 000 000 $.
Et le journaliste ajoute que le cabinet moyen d'un ministre sous
l'administration Bourassa est composé de 19 personnes, 2 de plus que
sous la précédente administration péquiste, où le
cabinet moyen comptait 17 personnes. Comment le président du Conseil du
trésor peut-il justifier une telle situation surtout lorsqu'on regarde
certains cabinets, en particulier celui du ministre de la Santé et des
Services sociaux qui dispose de 38 personnes?
Le Président: Alors, M. le ministre
délégué à l'Administration et à la Fonction
publique et président du Conseil du trésor.
M. Johnson: Oui, M. le Président, ce que nous nous sommes
restreints à faire depuis la fin de 1985, c'est de mettre à la
disposition des différents membres du Conseil exécutif les
ressources financières qui leur permettent de constituer des cabinets,
d'embaucher des gens, que ce soit, évidemment, ici même au
siège social ou dans leurs comtés, les deux, en
réalité, on sait que, dans ce cas-là, c'est comme
ça que ça fonctionne. Et le choix qu'on a fait, ça n'a pas
été de décider de combien de personnes humaines ou
d'individus un ministre pouvait avoir besoin pour fonctionner, mais bien d'une
masse salariale qui, aujourd'hui, est de quelque 18 000 000 $ - je pourrais
vérifier précisément - et qui, lorsque nous sommes
arrivés, était dans les cabinets péquistes de 20 000 000
$.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, en complémentaire, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Alors, M. le Président, c'est
déjà fait, les calculs ont déjà été
faits. Comment le président du Conseil du trésor peut-il
justifier une telle situation lorsqu'on se rappelle qu'en 1985 le Parti
libéral, au lendemain de son élection, par la bouche du
conseiller du premier ministre, M. Jean-Claude Rivest, promettait de
réduire de 20 à 25 % le personnel des cabinets politiques?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: M. le Président, je suis en train de me
demander vraiment quel est l'objectif du député de Labelle. Je
lui indique que l'annonce qui avait été faite en décembre
1985, c'était une réduction du personnel à salaire
égal, et j'en suis, je comprends et j'accepte, mais que la
décision que j'ai à administrer et que le gouvernement doit
respecter et s'est engagé à respecter, c'est celle d'un niveau de
rémunération et de ressources financières, de l'argent,
des dollars et des cents consacrés à des cabinets politiques.
Il y a eu une coupure, dès l'entrée, de 25 % des masses
maximales autorisées...
Des voix:...
M. Johnson: Je regrette... Vous pouvez rire, mais c'est le cas.
C'est le cas. Une réduction de 20 % à 25 % de la masse salariale
disponible par cabinet. Et, aujourd'hui, au moment où on se parle, la
masse salariale disponible en dollars courants pour l'ensemble des cabinets est
inférieure à ce qu'elle était lorsque vous étiez au
pouvoir la dernière année.
Des voix: Bravo!
Le Président: En complémentaire.
M. Léonard: M. le Président, le président du
Conseil du trésor doit en parier en termes d'efficacité et il
reste qu'il doit expliquer qu'à partir d'un engagement de réduire
de 20 % à 25 % le personnel politique, ce n'est pas ce qui s'est
passé, c'est le contraire. Et comment, pour y revenir, le
président du Conseil du trésor peut-il justifier, par exemple,
qu'au ministère de la Santé et des Services- sociaux il y ait 38
personnes au cabinet de ce ministère? Est-ce que c'est en relation avec
le travail qu'il doit faire
avec le ministre délégué aux Transports?
Le Président: Alors, sur une question... Des
voix:...
Le Président: S'il vous plaît! Alors, question de
règlement. (10 h 40)
M. Pagé: M. le Président, la question
formulée par le député de Labelle allait bien. Les
réponses sont données. Plutôt que d'imputer des motifs, si
vous avez quelque chose à reprocher au ministre, présentez donc
une motion! Faites donc quelque chose! Prenez donc vos
responsabilités!
Le Président: Alors, à la question, M. le
président du Conseil du trésor.
M. Johnson: M. le Président, je ne vois pas en quoi on
pourrait juger la façon dont un ministre peut organiser son cabinet. Si,
à même les quelque 18 000 000 $, l'ensemble des membres du Conseil
exécutif décide de s'entourer et d'avoir recours aux services de
quelque 500 personnes plutôt que de quelque 400 personnes, ce qui est
pertinent, c'est, a mon sens, la masse salariale et les ressources
financières qu'on met à la disposition de l'ensemble des membres
du cabinet.
On m'indique ici, M. le Président - on me rafraîchit la
mémoire - qu'en décembre 1985, à la toute fin du mandat du
gouvernement du parti d'en face, la masse salariale des cabinets était
de 19 900 000 $. Au 1er janvier 1986, trois semaines plus tard, et c'est vrai
pour l'année 1986, elle était de 15 000 000 $.
Des voix: Ah!
M. Johnson: Qu'on nous fasse grief aujourd'hui que les 15 000 000
$ soient devenus 18 000 000 $ alors qu'on a hérité d'une
situation où c'était déjà 20 000 000 $, c'est un
grief, quant à moi, que je rejette.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question complémentaire.
M. Léonard: Le président du Conseil du
trésor peut-il admettre que, finalement, il peut engager plus de
personnel avec moins d'argent, mais cela peut signifier qu'il engage plus de
documentalistes et moins de grands conseillers politiques? C'est ça.
Des voix: Ah!
M. Léonard: Deuxièmement. Pour...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! À l'ordre! Très bien. Une deuxième
question.
M. Léonard: Ce qui explique-Le Président:
Non, mais, écoutez. Vous ne pouvez pas donner d'argumentation. Vous
pouvez poser une question, mais vous faites un préambule indirectement.
Votre question est posée. M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: M. le Président, je n'ai pas à juger
des tâches qui sont confiées à l'intérieur des
différents cabinets au personnel politique.
Ce que je dis, c'est que la vraie façon de contrôler les
dépenses publiques et la vraie façon de contrôler ce qui
est disponible à l'intérieur des cabinets politiques pour des
fins politiques, comme c'est permis évidemment par la loi, c'est de
contrôler la masse salariale. Ce que j'indique, c'est que nous avons
décidé de contrôler la masse salariale par toutes sortes de
petits gestes, notamment celui de ne pas exiger, nous, que nos conseillers
politiques contribuent 1 % de leur salaire brut à la caisse du parti,
comme vous l'aviez fait.
Le Président: En question additionnelle, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président...
Le Président: Mmes et MM. les députés, s'il
vous plaît. Alors, en question complémentaire, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, le président du
Conseil du trésor peut-il justifier également une autre situation
tout aussi ridicule que celle du cabinet du ministre
délégué à la Francophonie qui, lui, compte 11
attachés politiques pour un ministère regroupant tout au plus une
douzaine de fonctionnaires, et tout ça pour la bagatelle de 205 940
$?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: M. le Président, un membre du Conseil...
M. Chevrette: Onze fonctionnaires attachés.
M. Johnson: Bien, si le leader parlementaire de
l'Opposition...
Le Président: Je prierais les deux côtés de
l'Assemblée, s'il vous plaît, d'éviter les commentaires. M.
le président du Conseil du trésor. Pour votre réponse, M.
le président du Conseil du trésor.
M. Johnson: M. le Président, les choix que
les membres du Conseil exécutif font le sont chacun à la
lumière de leurs attributions, de leurs devoirs, de leurs pouvoirs.
À partir du moment où nous voulons contrôler l'explosion
qu'on avait observée de l'autre côté à ce titre, la
meilleure façon est de contrôler la masse salariale. Si nous
avions simplement continué le système qui existait et l'ampleur
et le niveau de dépenses qui existaient en décembre 1985, nous
serions aujourd'hui à un niveau de 24 200 000 $. Or, nous sommes
à 18 000 000 $ ou à peu près. C'est une économie de
25 % par rapport a la masse salariale disponible dans les cabinets
péquistes en 1985. Qu'est-ce que vous voulez de plus?
Le Président: En question principale, M. le
député de Lévis.
Attitude du gouvernement face au refus de sa
proposition par les camionneurs artisans
M. Garon: M. le Président, les camionneurs artisans ont
rejeté hier, à l'unanimité - sans même prendre de
vote tellement c'était évident que tout le monde était
contre - la dernière offre du ministre des Transports qui leur
était totalement inacceptable parce que, encore une fois, elle n'aurait
fait que reporter à plus tard la solution au problème actuel,
problème qu'ils vivent actuellement. On se retrouve donc à quatre
jours de la fin de la session dans une impasse totale.
Alors, M. le Président, à la suite du refus unanime et
sans équivoque de sa proposition finale de règlement, qu'est-ce
que le ministre des Transports entend faire, où il va être
impliqué personnellement pour régler ce conflit?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: Si vous me permettez, quand on dit qu'on a
rejeté le vote, la proposition et que c'était unanime, comment
pouvons-nous penser que c'était unanime quand il n'y a pas eu de vote?
Il y a des gens qui sont rentrés des régions pour voter et ils
n'ont pas eu l'occasion de le faire. On démontre vraiment les couleurs
des représentants de l'ANCAI. Quant à moi, M. le
Président, je suis toujours prêt à écouter une
contre-proposition, mais il n'y a rien qui a été fait.
Le Président: En complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, comme le ministre a
été impuissant à trouver une solution à ce conflit
et comme les camionneurs demandent que le premier ministre s'en mêle,
est-ce que le ministre des Transports entend demander au premier ministre
d'intervenir dans ce dossier pour qu'enfin quelqu'un s'occupe vraiment du
dossier?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: M. le Président, je n'ai pas l'intention de
demander au premier ministre vu que j'ai l'appui du premier ministre.
Le Président: En complémentaire.
M. Garon: Alors, est-ce que vous pourriez nous dire si vous allez
faire quelque chose? N'importe quoi, mais quelque chose!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, M. le ministre des Transports.
M. Elkas: M. le Président, je suis prêt à
négocier en tout temps. Ce pauvre ministre qui est supposément
très fatigué et tout ça, tous les beaux propos de
l'Opposition, je suis prêt à négocier n'importe quand.
Le Président: En question additionnelle, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle, je
voudrais demander si le ministre des Transports a été mis au
courant, M. le Président, que le climat se détériorait au
niveau des camionneurs et que les leaders n'ont plus le contrôle
nécessairement sur leurs effectifs. Est-ce qu'on ne lui a pas
indiqué, lui qui a un double chapeau, qu'il y avait une urgence
d'agir?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: M. le Président, je suis préoccupé
de la situation. C'est pour cette raison que je suis prêt à
m'asseoir à n'importe quelle heure avec ces gens.
Le Président: En additionnelle.
M. Chevrette: Est-ce à dire que le ministre des Transports
est prêt à aller personnellement rencontrer les dirigeants de
l'ANCAI et chercher, dans les toutes prochaines heures... Est-ce qu'il va
continuer à faire ce qu'il a fait, envoyer des représentants, ou
si c'est lui-même qui va se présenter à la table pour faire
une négociation?
Le Président: Alors, un instant, s'il vous plaît! La
réponse est au ministre des Transports. M. le ministre.
M. Elkas: M. le Président, c'est totalement faux. On a
envoyé des médiateurs à trois occasions; le restant du
temps, c'est moi personnellement qui suis allé.
Une voix: C'est ça. (10 h 50)
Le Président: Alors, une dernière additionnelle, M.
le député de Lévis.
M. Garon: Est-ce que le ministre, comme ministre des Transports,
n'est pas en train de laisser pourrir le dossier parce qu'il a hâte
d'intervenir comme ministre de la Sécurité publique?
Des voix: Oh! Une voix: Indigne! Le Président:
Un instant! Des voix: Indigne!
Le Président: S'il vous plaît! Alors, un rappel au
règlement, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, le moins qu'on puisse
dire, c'est qu'il n'est pas opportun de formuler une question telle que celle
qui est posée. Je vous indique tout de suite que le ministre n'y
répondra pas.
Une voix: C'est ça!
M. Pagé: Ça contrevient à l'article
77...
Une voix: Bravo!
M. Pagé: ...et ce n'est pas de nature à aider le
règlement du dossier, ce qui devrait être votre
responsabilité.
Le Président: Alors, en question principale, Mme la
députée de Chicoutimi.
Programme d'incitatifs fiscaux à la recherche
et au développement
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Une étude
intitulée "Bilan et perspective en recherche et développement
pour les entreprises québécoises", réalisée en mars
1990 par l'Association des directeurs de recherche industrielle du
Québec à la demande du ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science, conclut que les incitatifs fiscaux à
la recherche et au développement - et je cite l'étude - "ne
comptent pas pour beaucoup dans les stratégies de recherche et
développement des grandes entreprises, ne causent pas une
accélération du programme de recherche et développement
et, encore plus choquant, incitent peu les entreprises, grandes ou petites,
à entreprendre des projets plus risqués ou plus ambitieux." En
fait, le programme ne rejoint pas les objectifs pour lesquels il a
été créé. Et l'étude confirme de nombreuses
études existant sur le sujet et justifie nos appréhensions: ce
programme coûte cher et rapporte peu.
Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie. Compte tenu des conclusions de cette étude, le ministre
a-t-il l'intention de revoir son programme d'incitatifs fiscaux à la
recherche et au développement et de privilégier, tel que le
propose l'étude, des mesures, des formes alternatives d'incitatifs
à la recherche?
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): Je suis toujours surpris, surtout quand
on parie de recherche et développement, des questions de la
députée de Chicoutimi parce qu'on a eu l'occasion, en commission
parlementaire, de nombreuses heures, d'exprimer clairement que le gouvernement
du Québec a une politique intégrée au niveau de la
recherche et du développement. Ça ne comprend pas juste les
incitatifs fiscaux. Ça comprend également d'autres incitatifs,
entre autres, le Fonds de développement technologique qui vient jouer un
rôle complémentaire.
Je n'entends pas la députée de Chicoutimi venir nous dire
que le Fonds de développement technologique a annoncé le projet
Macroscope, a annoncé le projet Métro Plus. 60 000 000 $ de
recherche additionnelle, au Québec, par des entreprises de chez nous, je
pense que c'est une contribution valable. Je n'entends pas, non plus, la
députée de Chicoutimi venir nous confirmer que l'Association des
directeurs de recherche industrielle du Québec a dit que les
crédits d'impôt, comme mesure d'incitation à la recherche
et au développement, c'est apprécié par les petites
entreprises qui peuvent avoir le crédit d'impôt remboursable,
même s'il ne génère pas de profits, et qui peuvent
appliquer ces crédits d'impôt sur la taxe sur le capital, sur la
masse salariale. Également dans le dernier discours sur le budget, il a
été clairement exprimé que, si les PME
québécoises ont besoin de financer ces crédits
d'impôt là, on peut le faire par le biais de la
Société de développement industriel du Québec.
Donc, il ne faut pas isoler un aspect d'une politique fiscale globale pour
favoriser la recherche et le développement. Je pense que ça va
bien. Depuis 1986, on a eu une augmentation de 11,7 % de recherche et
développement au Québec, croissante. Donc, c'est une
amélioration nette, et on va continuer dans cet ordre-là.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question complémentaire.
Mme Blackburn: M. le Président, si vous le permettez, nous
allons revenir aux incitatifs fiscaux, même si ça irrite le
ministre;
910 000 000 $ sur cinq ans, ça vaut la peine d'en parier. Le
ministre, sachant que 85 % de la recherche et du développement sont
réalisés dans quelque 50 grandes entreprises
québécoises, reconnaît-il que son programme d'incitatifs
fiscaux à la recherche et au développement constitue un cadeau
aux grandes entreprises, tel que le dit l'étude, de plus de 770 000 000
$ sur cinq ans, car selon l'étude du professeur Blais les financiers
refusent généralement de les considérer comme des revenus
à percevoir, ils sont considérés comme des "windfall
profits", c'est-à-dire des revenus soudains? Alors, est-ce qu'il ne
considère pas que, de toute façon, ces entreprises feraient de la
recherche? On les paie pour faire ce qu'elles font déjà, et c'est
inacceptable.
Le Président: je voudrais simplement, m. le ministre,
demander la collaboration et l'attention de tous les députés,
s'il vous plaît. alors, m. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): J'ai reconnu, à de nombreuses
reprises en commission parlementaire, que les grandes entreprises
bénéficient des avantages fiscaux, c'est vrai, mais ça
nous permet de travailler avec les grandes entreprises pour,
premièrement, favoriser les transferts technologiques pour les petites
entreprises. Ça nous permet d'aller voir une entreprise comme Spar et de
débuter des incubateurs d'entreprises qui font que des entreprises comme
Héroux ou Fré Composite ont des contrats de 4 100 000 $.
Ça nous permet, également, d'aller voir des PME qui se regroupent
dans un projet mobilisateur pour favoriser le développement
technologique du Québec. Oui, c'est vrai que les grandes entreprises, en
ce moment, en profitent plus; je ne le nie pas. Par contre, si on regarde la
croissance et les efforts additionnels qu'on demande à nos PME
québécoises pour faire face à la mondialisation des
marchés, je pense que c'est positif et ça fait partie du
rôle d'éducation économique du ministère de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Le Président: En complémentaire.
Mme Blackburn: M. le Président, c'est
précisément ce que je dis au ministre. Est-ce qu'il ne
reconnaît pas que ce programme, qui voulait inciter à la recherche
plus ambitieuse ou plus risquée dans les PME, n'atteint pas son objectif
puisque 85 % de ces profits tombent dans les grandes entreprises qui, de toute
façon, en font? Alors, c'est ça, le problème, M. le
ministre. Pourquoi ne le corrigez-vous pas pour assurer d'autres modes
d'intervention qui favorisent nettement les PME et non pas les grandes
entreprises?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Je viens de mentionner qu'une entreprise
comme Fré Composite et qu'une entreprise comme Héroux
bénéficient des crédits d'impôt également. Je
viens de mentionner, quand on parie de l'automatisation de nos entreprises,
quand on dit que nos PME québécoises n'ont pas au moins une
technologie de l'information, que les PME québécoises en
profitent. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus, sauf qu'on a une
politique favorisant le regroupement des entreprises pour
accélérer le processus de recherche et de développement au
Québec? Je pense qu'on commence à avoir les retombées
économiques positives des gestes qu'on a posés depuis 1985.
Le Président: En additionnelle.
Mme Blackburn: Une dernière, M. le Président.
Est-ce que le ministre reconnaît que 85 % de la recherche est faite dans
les grandes entreprises et que la conclusion qu'on doit tirer, c'est que
seulement 15 % de ce programme est effectivement efficace? Est-ce qu'il
reconnaît ça? Après ça, on pariera d'autre
chose.
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Ce que je reconnais, c'est que la
compagnie Bristol-Myers, récemment, a décidé de
transférer son siège social de l'Ontario au Québec parce
qu'on fait de la recherche et du développement par le biais d'incitatifs
fiscaux. Ce que je reconnais, c'est que quand IBM investit 200 000 000 $
à Bromont, c'est parce qu'on a des incitatifs fiscaux. Si Pratt et
Whitney investit des sommes considérables... Oui, oui, ce sont de
grandes entreprises, mais il ne faut pas oublier que la sous-traitance est
biaisée, ciblée en faveur de PME québécoises.
Alors, je dis: Oui, c'est vrai qu'on aide de grandes entreprises, mais
on a des retombées économiques positives pour toutes les PME au
Québec.
Une voix: C'est ça.
Le Président: Alors, en question principale, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
Insalubrité de l'air au cégep du
Vieux-Montréal
M. Gendron: Oui. J'avais l'occasion, il y a quelques semaines, de
poser une question au ministre concernant l'insalubrité de l'air au
vieux cégep de Montréal, au cégep du
Vieux-Montréal, pardon; mais, dans le cas présent, c'est le vieux
cégep compte tenu de l'insalubrité de l'air.
Le ministre de l'Éducation m'avait dit qu'il y avait
mésentente entre certains intervenants, mais il y a une chose qui est
sûre, c'est que,
récemment, le collectif intersyndical, regroupant toutes les
associations et la population collégiale du québec, y allait
d'une dénonciation qui n'est pas une mince affaire. on disait: "on
dénonce publiquement l'attitude malhonnête de la direction du
collège dans le dossier de l'insalubrité de l'air du cégep
du vieux-montréal.''
La question au ministre: Est-ce qu'il partage cette évaluation?
Pourquoi ne donne-t-il pas les garanties au collectif qu'en septembre ces
gens-là pourront entrer dans un cégep où l'air sera
respirable?
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation
et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. (11
heures)
M. Ryan: J'avais indiqué à cette Chambre, M. le
Président, que tandis que le syndicat faisait une campagne de propagande
à l'aide de l'avis d'un expert qu'il avait consulté la direction
du cégep du Vieux-Montréal avait commandé, de son
côté une expertise. Cette expertise avait été
commandée à l'institut Armand-Frappier dont le
député d'Abitibi-Ouest a déjà prétendu se
faire le défenseur. Nous autres, nous recourons à sa
compétence. Alors, l'institut Armand-Frappier a remis son rapport dans
lequel on pouvait lire que la qualité de l'air à
l'intérieur du cégep du Vieux-Montréal est meilleure que
celle qu'on trouve à l'extérieur.
Des voix: Ha, ha, ha!
Une voix: On est mieux dehors qu'en dedans.
M. Ryan: II peut arriver... Pardon? Une voix:...
M. Ryan: C'est dans une langue qui est difficile à
comprendre autant en français qu'en anglais, je peux vous dire
ça. C'est un langage très technique sur lequel, moi, je ne
voudrais pas me prononcer. Mais les experts ont parlé, par la voix de ce
mandat qui avait été confié à l'institut
Armand-Frappier. On n'est pas obligé de partager l'opinion des experts.
Il y a un groupe de syndiqués qui ne la partagent point. Mais je vous
dirai que leur campagne à ce sujet coïncide avec une campagne de
dénigrement plus générale que plusieurs d'entre eux ont
entreprise contre la direction du cégep du Vieux-Montréal, et je
n'entends point m'associer à cette campagne en aucune
manière.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député, d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui, le ministre peut bien faire son drôle que
l'air est meilleur qu'à l'extérieur, mais est-ce qu'il va
admettre que tous ceux qui vivent à l'intérieur disent l'inverse?
Et est-ce que vous allez admettre qu'il y avait deux parties à
l'étude et qu'une seule partie de l'étude a été
complétée? Et ma question, c'est la suivante: Pourquoi
faites-vous une conclusion comme vous venez de faire, alors que vous savez
très bien qu'il y a une seule partie de l'étude qui a
été faite? Et celle concernant tous les
prélèvements de surface - ce qu'on appelle communément le
frottis - pour chaque échantillon d'air a été impossible,
elle n'a pas été faite. Et, en conséquence, tout le monde
reconnaît qu'il y a une seule partie de l'étude qui a
été complétée. Quand allez-vous exiger que l'autre
partie de l'étude soit complétée, qui pourrait arriver
à des conclusions autres que votre prétention à l'effet
que l'air intérieur serait meilleur que l'air extérieur?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: La Direction générale de l'enseignement
collégial a mandat de veiller à cette situation et de me tenir
informé de toute chose qui fonctionnerait mal. Mais, dans ce cas-ci, la
Direction ne m'a pas saisi d'urgences particulières à la suite de
l'étude qui a été faite. Et que les études qui
n'ont pas été complétées le soient, tant mieux,
nous le souhaitons tous. Mais, en ces choses, je pense qu'il faut faire montre
d'un certain discernement et d'une grande prudence.
Le Président: En complémentaire, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Puisque le collectif - et je répète, M.
le Président - qui comprend l'intersyndical, les associations
étudiantes, la population collégiale du cégep du
Vieux-Montréal, a décidé de poursuivre le directeur des
ressources techniques concernant son attitude téméraire et
déréglée vis-à-vis la santé et la
sécurité au travail, est-ce que vous ne croyez pas que ça
vous appartiendrait un peu, comme ministre de l'Éducation, de regarder
ça? Est-ce que vous ne croyez pas que ça vous appartiendrait de
vous mettre - puisque vous l'avez le nez dans à peu près tous les
dossiers...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: ...M. le Président, est-ce que vous ne croyez
pas que ça vous appartiendrait de regarder ça pour s'assurer que
les étudiants en septembre puissent habiter un cégep où
l'air est respirable, contrairement à ce que vous prétendez?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: J'apprends avec quelque étonnement que le
député d'Abitibi-Ouest voudrait que le ministre se fourre le nez
dans les procédures
judiciaires une fois qu'elles sont instituées. Ce n'est pas dans
ses habitudes. Il s'occupe de bien des choses, mais il ne se met pas le nez
dans la justice.
Le Président: En question complémentaire... S'il
vous plaît! Question complémentaire. Un instant, s'il vous
plaît! J'ai une question complémentaire de M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Au ministre de
l'Environnement, puisque, contrairement à ce que prétend le
ministre de l'Éducation, il ne s'agit pas d'une campagne de propagande,
mais il s'agit d'une situation où nous avons deux opinions d'experts:
d'une part, le docteur Pierre Auger, expert en médecine industrielle
depuis 12 ans, d'autre part, l'institut Armand-Frappier. Devant cette
contradiction, M. le Président, je demande au ministre de
l'Environnement s'il ne croit pas qu'il serait temps que lui agisse et qu'il se
serve de sa loi de la protection de l'environnement pour commander une
étude qui soit objective et qui soit neutre et qui éclaire tout
le monde sur ce problème-là?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, j'ai
de la difficulté à saisir le but de l'intervention du
député de La Prairie. J'ai écouté attentivement,
comme vous, M. le Président, les réponses claires fournies par
mon collègue de l'Éducation à des questions parfois
nébuleuses du député d'Abitibi-Ouest. Le
député de La Prairie me demande d'intervenir en vertu de la Loi
sur la qualité de l'environnement alors qu'il sait très bien et
ce, depuis fort longtemps, que la Loi sur la qualité de l'environnement
limite toute intervention possible du ministre de l'Environnement à ce
qui se passe à l'extérieur des bâtiments et exclut
directement tout ce qui se passe à l'intérieur des
bâtiments. J'invite donc - et il me fart signe que non - le
député de La Prairie, dans les circonstances,
(à lire la loi, pour une première fois, s'il ne l'a
pas encore lue.
Le Président: Une dernière additionnelle, M. le
député.
M. Lazure: M. le Président, conformément à
son habitude, le ministre invoque des lacunes dans la loi. La loi...
Le Président: Un instant! Un instant, M. le
député de La Prairie, je vous demanderais de poser une question
directement. Vous ne pouvez pas faire de préambule ni de façon
indirecte. Alors, une question précise, s'il vous plaît.
M. Lazure: Oui, est-ce que le ministre de l'Environnement ne
pense pas que son habitude d'invoquer des lacunes dans sa loi est de nature
à l'empêcher de prendre ses responsabilités? Est-ce qu'il
ne pense pas que la loi est assez large, la loi dit: Partout où la
santé est en jeu, le ministre de l'Environnement peut intervenir.
Qu'est-ce qu'il attend pour intervenir?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, moi, je
n'ai pas d'objection, à l'occasion des commissions parlementaires
où nous aurons l'occasion de discuter la portée de la Loi sur la
qualité de l'environnement, de discuter de l'application possible de la
Loi sur la qualité de l'environnement à l'intérieur de
tous les édifices publics, y inclus l'Assemblée nationale du
Québec, de discuter de l'application de la Loi sur la qualité de
l'environnement à l'intérieur de tous les établissements
commerciaux et industriels également de la province de Québec.
Maintenant, le législateur précédent, dans toute sa
sagesse, lorsqu'il a adopté la Loi sur la qualité de
l'environnement ou même la Loi sur la Commission de la santé et de
la sécurité du travail ou d'autres pièces
législatives, a décidé de départager le travail
entre différents ministères et, pour autant que je suis
informé, lorsque le législateur a adopté une Loi sur la
Commission de la santé et de la sécurité du travail, il a
donné des pouvoirs d'intervention aux comités locaux en
matière de santé et sécurité du travail, partie
patronale, partie syndicale, et je ne suis pas convaincu que, compte tenu de
l'évolution de la société, au moment où nous nous
parions, ces parties, tant patronale que syndicale, soient prêtes
à abdiquer leurs responsabilités quant à la
qualité, entre autres, de l'air qui peut se retrouver à
l'intérieur des bâtiments comme tels.
Maintenant, je demeure ouvert à toutes les suggestions du
député de La Prairie à condition qu'il les accompagne
d'une demande officielle de ressources additionnelles pour le ministère
de l'Environnement, si nous sommes pour nous aventurer dans chacune des
usines...
Le Président: M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de la province de
Québec.
Le Président: Dernière question principale, M. le
député de Shefford.
Projet de la Société de zoologie de
Granby en attente
M. Paré: Oui, merci, M. le Président.
Malheureusement au niveau touristique au Québec, le déficit
continue d'augmenter. Pourtant, des attraits majeurs sont en attente de
réalisation et je pense ici aux projets découlant des
sociétés zoologiques à travers le Québec,
spécialement le zoo de Granby. Au sommet socio-économique de
1987, un projet majeur était retenu comme projet priorisé. Ce
fut, en plus, un engagment électoral et, à la biennale de
février 1990, donc il y a quelques mois à peine, le gouvernement,
à nouveau, prenait l'engagement de réaliser ce projet et d'amener
une contribution importante. On devait attendre les crédits et le
budget. Maintenant que les crédits ont été
déposés, que le budget est connu, qu'est-ce que le ministre
attend pour concrétiser cet engagement qui date de 1987 et qui a
été réaffirmé à la biennale de 1990?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Blackburn: M. le Président, j'ai eu l'occasion, au
moins une couple de fois, de répondre au député de
Shefford que l'engagement qui avait été pris lors de la
dernière campagne électorale n'était d'aucune façon
nié par le présent gouvernement. Ce que nous faisons
actuellement, c'est tout simplement la question des délais, pour faire
en sorte qu'effectivement cet engagement soit respecté et nous sommes
actuellement à regarder la possibilité de le faire, mais dans les
meilleurs délais possible.
Le Président: C'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de vote reporté.
Je vais demander l'attention des députés s'il vous
plaît.
Aux motions sans préavis. M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Oui. Un instant. Est-ce qu'il y a consentement à ce que les avis
pour les commissions soient donnés immédiatement et que nous
revenions après pour les motions sans préavis? Alors, il y a
consentement? (11 h 10)
Écoutez, il n'y a pas de vote reporté. Il n'y a pas de
vote ce matin.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...s'il vous plaît. On nous a avisés
qu'il y avait une motion non annoncée qui requiert le consentement des
deux tiers de la Chambre. Si tel est le cas, on va procéder à
cette motion non annoncée et, après ça, on fera l'avis...
En ce qui me concerne, j'étais consentant à ce qu'on donne
l'avis, M. le Président, pour les projets de loi privés, mais
après qu'on aura fait le vote sur la motion qui requiert le consentement
des deux tiers de la Chambre.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Je voudrais indiquer au leader de l'Opposition et
aux membres de cette Chambre que je n'ai pas l'intention de présenter
cette motion aujourd'hui. Si elle doit être faite, elle sera faite
demain, auquel cas j'aviserai en conséquence. À la lumière
de ça, je demande au leader de l'Opposition le consentement pour donner
les avis pour que les commissions parlementaires puissent commencer à
siéger dans les meilleurs délais, particulièrement la
commission pour l'étude des projets de loi d'intérêt
privé.
Le Président: II y a consentement pour que nous donnions
immédiatement les avis touchant les travaux des commissions. M. le
leader du gouvernement, pour les avis touchant les travaux des commissions.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Pagé: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes
jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si
nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à
l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi modifiant la
Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et
diverses dispositions législatives.
Aussi, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de
15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24
heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de
l'économie et du travail procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 77, Loi modifiant la Loi sur les mines
et la Loi concernant les droits sur les mines.
Je rappelle à cette Assemblée qu'aujourd'hui, après
les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18
heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle
Louis-Hip-polyte-La Fontaine, la commission du budget et de l'administration
entendra les intéressés et procédera à
l'étude détaillée des projets de loi
d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre
ci-après indiqué: projet de loi 247, Loi concernant La Compagnie
de Fiducie Impériale; projet de loi 253, Loi concernant La Laurentienne,
corporation mutuelle de gestion et La Laurentienne Vie, compagnie d'assurance
inc.; projet de loi 249, Loi concernant Assurance-vie Desjardins et La
Sauvegarde Compagnie d'Assurance sur la Vie Itée; projet de loi 237, Loi
concernant K & M Investments Ltd; projet de loi 229, Loi modifiant la
charte du Club de golf de Saint-Hyacinthe Itée. J'indique aux
collègues qui seront en commission parlementaire que très
probablement, selon la procédure, nous aurons un vote qui sera
appelé vers 12 h 50.
Le Président: Très bien. Je voudrais simplement
vous aviser que cet après-midi, de 14 heu-
res à 15 heures, la commission de l'économie et du travail
se réunira en séance de travail à la salle RC171 de
l'Hôtel du Parlement.
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, sur les renseignements
sur les travaux de l'Assemblée.
Le Président: Bien, madame, nous y reviendrons
ultérieurement, puisqu'il y avait tout simplement la rubrique des avis
touchant les travaux des commissions après les motions sans
préavis.
En demandant l'attention et la collaboration de toute
l'Assemblée, nous allons maintenant procéder aux motions sans
préavis, et je vais reconnaître M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Je m'excuse encore une fois, M. le
Président. C'était convenu entre le leader de l'Opposition et moi
que cette motion très importante qui est présentée par le
député du comté de Lac-Saint-Jean ferait l'objet d'une
intervention de notre côté, du côté du gouvernement,
et d'une intervention disponible pour le bénéfice des
députés indépendants.
Le Président: Très bien. Alors, si vous voulez
présenter votre motion, M. le député de
Lac-Saint-Jean.
Motion proposant que l'Assemblée
souligne
la lutte courageuse de M. Nelson Mandela
pour la reconnaissance des droits
du peuple noir d'Afrique du Sud
M. Brassard: M. le Président, avec le consentement de
cette Chambre, je demande le débat et l'adoption de la motion suivante:
"Qu'à l'occasion du passage à Montréal de M. Nelson
Mandela l'Assemblée nationale souligne sa lutte courageuse en faveur de
la reconnaissance des droits du peuple noir d'Afrique du Sud et l'encourage
à poursuivre ses efforts pacifiques visant à mettre fin au
régime d'apartheid."
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour que nous
débattions de cette motion? Il y a consentement. Je comprends
également qu'il y aura une intervention, pour l'Opposition officielle,
du député de Lac-Saint-Jean, une intervention du
côté ministériel, une intervention pour les
députés indépendants, le tout limité à un
maximum de cinq minutes dans chaque cas. C'est un ordre de
l'Assemblée?
M. Pagé: Oui.
Le Président: Donc, c'est un ordre de
l'Assemblée.
M. le député de Lac-Saint-Jean, pour votre motion.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, Nelson Mandela est devenu le
symbole vivant, une espèce de mythe de la lutte contre le régime
d'apartheid instauré officiellement en Afrique du Sud il y a maintenant
42 ans. Libéré le 11 février dernier après 27
années et demie passées en prison, après avoir
été condamné, en 1964, à la prison à vie
pour sabotage et complot visant à renverser le régime
d'apartheid. Il poursuit aujourd'hui, à 71 ans, sa lutte pour
démanteler ce système. Par sa tournée dans 18 pays,
où il appelle au maintien des sanctions économiques contre
l'Afrique du Sud, Nelson Mandela, je pense, mérite le respect de tous
pour la cause juste qu'il défend. Il est un modèle de
ténacité et de persévérance pour tous ceux qui,
à travers le monde, militent en faveur du respect des droits de
l'homme.
Le démantèlement du régime d'apartheid d'Afrique du
Sud s'est amorcé modestement: d'abord, par la libération de
Mandela lui-même, mais également par la légalisation de
l'African National Congress, l'ANC, principal parti politique
représentant les Noirs sud-africains; et aussi, l'état d'urgence
décrété il y a quatre ans a été levé
la semaine dernière, à l'exception cependant de la région
du Natal où l'on assistait récemment à des affrontements
violents entre Noirs et Blancs.
Il y a donc progrès, certes, mais beaucoup reste à faire.
Je pense qu'il faut constater qu'il y a progrès, le dialogue s'est
établi. Le seul fait que le dialogue se soit établi, ce n'est pas
un événement négligeable. C'est, je pense, la condition
essentielle pour que d'autres progrès suivent. Mais il faut prendre
conscience également que beaucoup reste à faire en Afrique du
Sud. La loi sur la séparation des races, le fondement juridique de
l'apartheid, est toujours en vigueur. Il est évident que cette loi doit
être abrogée dans les plus brefs délais. D'autre part, les
Noirs doivent siéger au Parlement sud-africain dans le cadre d'une
nouvelle constitution qui reconnaîtra leurs droits fondamentaux. M.
Mandela résume la situation parfois, avec son sourire maintenant devenu
légendaire, en disant: Je n'ai toujours pas le droit de vote en Afrique
du Sud.
Le dialogue engagé donc par Nelson Mandela et
Frédérik de Klerk doit se poursuivre, car il est la principale
garantie d'un règlement négocié et pacifique permettant
l'instauration d'un régime démocratique en Afrique du Sud. Les
chances d'un dénouement pacifique sont bonnes. Elles existent mais il
faut, je pense, aussi être bien conscients qu'il existe aussi des risques
de dérapage dans la violence puisqu'il y a, de
chaque côté, des extrémistes, aussi bien du
côté des Blancs que du côté des Noirs. Il y a du
côté des Blancs des partisans farouches et plus ou moins fascistes
du maintien intégral du régime d'apartheid et prêts
à user de violence pour ce maintien. Mais il y aussi, du
côté des Noirs, des partisans toujours de la lutte armée et
de la violence. Donc, un danger de guerre civile persiste toujours dans ce
pays. Mais les chances quand même d'un dénouement pacifique sont
là. Il faut les soutenir et les encourager.
Le maintien des sanctions économiques de la Communauté
internationale est une condition essentielle au processus de
démantèlement du régime d'apartheid, dans la mesure
où ces sanctions ont pour effet d'inciter le gouvernement de Klerk
à négocier avec les dirigeants de l'ANC en particulier, afin
d'accélérer le démantèlement du système
d'apartheid.
Nous désirons, M. le Président, et je conclus
là-dessus, exprimer modestement par cette motion notre solidarité
à l'égard de la lutte de Nelson Mandela et du peuple noir
d'Afrique du Sud pour le respect de ses droits fondamentaux.
Le Président: Je veux maintenant reconnaître M. le
député de Sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: M. le Président, il y a près de 30 ans,
en Afrique du Sud, un homme et quelques-uns de ses compagnons sont
arrêtés, mis en prison et condamnés à la
réclusion à vie pour avoir osé défendre
publiquement les principes fondamentaux des droits de la personne. M. Nelson
Mandela, avocat et défenseur de centaines d'Africains, accusé
sous la loi de l'apartheid, devient en 1952 l'un des principaux leaders du
Congrès national africain. En 1955, il joue un rôle clé
dans la lutte pour les droits fondamentaux des peuples d'Afrique du Sud en
réunissant le Congrès des peuples qui adopte alors la
célèbre charte de la liberté, Freedom Charter. Peu
après, M. Nelson Mandela est arrêté, emprisonné et
accusé de haute trahison pour avoir fait adopter la charte de la
liberté par les participants au congrès des peuples. Le
procès débute deux ans plus tard et se terminera par
l'acquittement, en mars 1961, de M. Nelson Mandela et de 155 autres personnes.
(11 h 20)
Au cours de la même période, le Conseil national africain,
l'ANC, est déclaré hors la loi par le gouvernement sud-africain,
obligeant cet homme de liberté et de paix à oeuvrer dans la
clandestinité. Au retour d'une mission auprès de chefs
d'État africains et d'un bref séjour en Grande-Bretagne le 5
août 1962, il est arrêté, mis en prison et condamné
à cinq ans de détention pour, entre autres, avoir quitté
le pays illégalement. Près de 30 ans de prison pour avoir
défendu les droits de la personne. Plus d'un quart de siècle au
cours duquel un homme continue à se battre de sa prison, sans
relâche, gardant espoir et confiant en la justesse de sa cause, celle de
son peuple, celle des femmes et des hommes libres et respectés.
M. le Président, je veux saluer en M. Nelson Mandela celui qui,
le 20 avril 1964, par son fameux discours "I am prepared to die", criait toute
sa détermination à lutter sans fin pour les droits et
libertés de la personne.
M. le Président, permettez que je me fasse le porte-parole des
Québécoises et des Québécois pour saluer M. Nelson
Mandela avec chaleur, amitié et respect, comme l'on salue un grand
frère aimé, respecté et admiré. L'exemple de M.
Nelson Mandela nous enseigne que la lutte pour les droits et libertés ne
doit jamais cesser. Vive M. Nelson Mandela! Vive la fraternité! Et vive
le respect des droits et libertés! Merci.
Le Président: Sur la même motion, je vais maintenant
reconnaître M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: M. le Président, c'est avec une très
grande joie que je m'associe à cette motion, au nom de ma formation
politique, et c'est avec une plus grande humilité encore que, au nom de
ma formation politique, je souhaite la bienvenue à M. Nelson Mandela que
je vais rencontrer, en effet, cet après-midi, à
Montréal.
M. Mandela est devenu, pour la plupart des pays du monde, le symbole de
la répression en Afrique du Sud ainsi que le martyr de tout individu
enfermé pour ses convictions morales. Pendant 27 ans, sa liberté
a été supprimée, mais le 11 février 1990, suite aux
énormes et insurmontables pressions de la communauté
internationale, le gouvernement prétorien a concédé.
All Canadians must rejoice today and, in fact, this week in welcoming to
our country not a mere mortal, but a symbol of freedom and liberty throughout
the world who will continue for centuries to be that symbol of freedom and
liberty.
Notre pays, qui demeure un des endroits privilégiés du
monde entier, était devenu une force majeure dans le déroulement
des sanctions imposées au gouvernement d'Afrique du Sud. La
réputation du Canada sur le plan des relations étrangères
est sans équivoque. Notre crédiblité au sein de la
communauté internationale nous a permis un rôle de premier rang
afin de combattre l'incertitude quant a la nécessité des
sanctions économiques.
Lors de la réunion des chefs du gouvernement des pays du
Commonwealth tenue à Nassau, en 1985, les pays membres ont lancé,
à l'instigation de notre pays, un programme visant à contrer
l'apartheid. Les 40 pays participants
avaient alors déclaré que les sanctions économiques
étaient un moyen efficace d'exercer des pressions sur l'Afrique du
Sud.
La Grande-Bretagne ayant refusé, il appartenait au Canada de
diriger le front. Bien que les sanctions imposées par notre gouvernement
aient été accrues par des appuis financiers aux groupes militant
contre l'apartheid, la position du Canada a toujours été et doit
toujours rester de poursuivre des solutions par des moyens pacifiques.
Avec un mouvement global tendant vers la démilitarisation et la
paix, le progrès, par des moyens violents, ne sert qu'à faire
replier les débats. Le terrorisme, M. le Président, qu'il soit
moralement justifié ou non, demeure du terrorisme, et toute
société soi-disant civilisée ne peut jamais s'aveugler en
distinguant entre la violence justifiée versus une violence
injustifiée.
Je maintiens, M. le Président, un optimisme catégorique
à l'effet que la fin de l'apartheid, que les problèmes de
l'Afrique du Sud seront un jour réglés par le dialogue et la
diplomatie si bien personnifiée par M. Nelson Mandela. Merci.
Le Président: Alors, le débat étant
terminé, est-ce que la motion présentée par M. le
député de Lac-Saint-Jean, motion qui se lit comme suit:
"Qu'à l'occasion du passage à Montréal de M. Nelson
Mandela, l'Assemblée nationale souligne sa lutte courageuse en faveur de
la reconnaissance des droits du peuple noir d'Afrique du Sud et l'encourage
à poursuivre ses efforts pacifiques visant à mettre fin au
régime d'apartheid", est adoptée?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée,
Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Oui, M. le Président, je souhaiterais pouvoir
interroger le leader et lui demander si son gouvernement entend appeler le
projet de loi 76, et lui dire que nous sommes prêts à collaborer
à l'adoption du projet de loi, s'il est scindé, selon qu'il
modifie la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur les
accidents du travail.
Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, pour répondre
à la question de Mme la députée, je dois lui dire, dans un
premier temps, qu'il est dans l'intention du gouvernement que le projet de loi
76 sur ta sécurité du revenu soit effectivement adopté au
cours de cette présente session, c'est-à-dire d'ici la fin de la
semaine.
Je retiens, M. le Président, que Mme la députée
s'est bâtie une crédibilité, je pense, de contribuer de
façon importante au projet de loi. Que ce soit les législations
se référant à la sécurité du revenu, que ce
soit les législations se référant à ceux qui sont
plus particulièrement touchés et affectés dans notre
société, et je présume que, dans ce projet de loi, comme
dans d'autres législations qui ont été adoptées
ici, elle pourra enrichir nos travaux, notre réflexion et nos analyses
à la lumière de son expérience et de ses connaissances et
qu'elle pourra soit présenter des amendements ou proposer des
recommandations, des suggestions à l'honorable ministre de la
Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui, comme on le sait,
a toujours manifesté beaucoup d'ouverture et particulièrement
beaucoup de respect pour l'ensemble des députés dont,
évidemment, Mme la députée de l'Opposition.
Le Président: Alors, il n'y a pas d'autres questions? Ceci
met donc fin à la période des affaires courantes.
Motion de censure proposant que
l'Assemblée
blâme le gouvernement de ne pas être
intervenu
dans le dossier de la CECM relatif à la
langue
Maintenant, aux affaires du jours, nous avons, aux affaires
prioritaires, une motion de censure inscrite par le député de
D'Arcy-McGee, en vertu de l'article 304 du règlement, motion qui se lit
comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement du
Québec pour ne pas être intervenu de façon décisive
dans le dossier de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, en condamnant les articles 16 et 18 du projet de politique qui
contreviennent directement aux droits les plus fondamentaux et qui, par
surcroît, pourraient endommager de façon irréparable
l'image de tolérance que cette province manifeste à
l'égard de ses communautés culturelles."
Pour la durée de ce débat qui se déroulera à
compter de maintenant jusqu'à la suspension de nos travaux, ce midi, il
est convenu qu'une réplique de cinq minutes sera exercée par
celui qui est l'auteur de la motion, le député de D'Arcy-McGee,
et cette réplique commencera au plus tard à 12 h 45. Pour le
reste du débat, 15 minutes sont accordées aux
députés indépendants, et le reste du temps sera
partagé également entre la formation ministérielle et la
formation de l'Opposition officielle, étant entendu qu'il n'y aura
aucune limite de temps à l'intérieur de l'enveloppe
accordée à chacune des formations politiques. Également,
j'avise immédiatement l'Assemblée qu'il a été
convenu que, sur cette motion, un vote par appel nominal sera appelé et
qu'il se déroulera avant la suspension des travaux pour le dîner,
soit avant 13 heures.
Je suis donc prêt à reconnaître dès maintenant
celui qui a présenté la motion, le député de
D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président. Le coeur du
débat d'aujourd'hui ne devrait pas être concentré sur la
substance de la politique de la langue dans le réseau des écoles
françaises de la Commission des écoles catholiques de
Montréal. La Commission a proposé de nombreuses mesures pour
atteindre certains objectifs importants. Notre position est sans
équivoque; nous sommes favorables à la majorité des
recommandations de la CECM, mais nous avons de sérieuses objections
quant aux articles coercitifs, tels 16 et 18. Le ministre de
l'Éducation, lui aussi, s'est opposé à ces articles et
même le Parti québécois, après avoir agonisé
sur le sujet, a conclu que ces mesures étaient peut-être
exagérées. (11 h 30)
Cette motion de censure, M. le Président, ne vise pas la CECM
mais bien le gouvernement. Ce gouvernement n'a pas agi de façon
décisive, en permettant au débat de traîner et de faire les
manchettes des médias hors Québec. Il a permis des audiences
publiques et, en conséquence, a permis à de nombreux groupes
représentant certains Québécois, telles l'Association des
directions d'écoles de Montréal et la Société
Saint-Jean-Baptiste, de favoriser publiquement de telles mesures
répressives. Le gouvernement s'est totalement
désintéressé des audiences publiques, pendant que le Parti
québécois et aussi une autre formation politique ont
été très visibles. L'étalage public dans le reste
du Canada et même aux États-Unis aurait été amoindri
si le gouvernement du Québec avait clairement, et ça, depuis le
début, dénoncé les articles en question comme étant
inacceptables dans notre société québécoise.
Même si le ministre de l'Éducation s'est prononcé
contre ces articles, la première réaction du gouvernement
était de gérer ce dossier par l'entremise de discussions calmes
et raison-nées. Ils ont dit, de plus, que le fait de dénoncer
vertement de telles mesures mettrait sérieusement en danger des
relations constructives et nécessaires. Dans Le Devoir, on a
cité: "Claude Ryan invite la CECM à tempérer l'obligation
d'usage du français."
M. le Président, dans bien des cas, le gouvernement a
entièrement raison de procéder de façon délicate.
Cependant, dans ces cas-ci où les articles 16 et 18 sont des violations
tellement évidentes des droits et des libertés individuels, et
particulièrement de la liberté d'expression, le gouvernement
avait l'obligation morale de les dénoncer vigoureusement. Par des
mesures explicites, il importait au gouvernement de faire savoir clairement
à la CECM qu'elle avait outrepassé les bornes de
l'acceptabilité. Mais, suite à cette inaction, toute la
population québécoise a été assimilée
à celle du gouvernement et, une fois de plus, le tout a
été mal digéré à l'extérieur de nos
frontières.
Quand la loi 178, M. le Président, a été
adoptée, en décembre 1988, il y eut des répercussions
à travers le Canada entier, allant jusqu'à toucher certains
endroits des États-Unis. L'accord du lac Meech a souffert d'un recul
important et l'intolérance à l'endroit des francophones hors
Québec a augmenté dramatiquement. En réalité, M. le
Président, les libéraux ont payé un prix politique en
perdant quatre de leurs sièges les plus sûrs au Québec au
profit du Parti Égalité.
Mais ceci n'est rien, comparé aux retombées potentielles
des propositions de la CECM, si jamais elles parviennent à être
adoptées. Mais, même sans cela, nous avons déjà subi
des dommages. Le Québec est déjà représenté
au Canada anglais comme un endroit où non seulement il est
défendu d'étaler une langue officielle canadienne sur les
affiches commerciales extérieures, mais aussi où il existe
maintenant un début de mouvement qui décourage les gens
d'être entendus lorsqu'ils parlent privément dans un endroit
public.
Aujourd'hui, M. le Président, c'est l'occasion idéale pour
le gouvernement d'envoyer un message clair et ferme à la CECM avant
qu'elle rende publique sa décision dans les prochaines semaines. Nous
devons affirmer que des mesures telles que les articles 16 et 18 sont
intolérables et doivent être enterrées à tout
jamais. Nous connaissons déjà le résultat du vote de
censure. Évidemment, nous connaîtrons le résultat du vote
de censure d'aujourd'hui qui aura lieu sous peu, mais, au moins, au moins, la
motion d'aujourd'hui, M. le Président, permettra au gouvernement de se
prononcer sans équivoque.
Dans cette province, il sera toujours nécessaire de travailler
afin d'assurer une force, une vitalité et un dynamisme envers la langue
française et la culture qui s'y rattache. Les communautés
minoritaires du Québec, y inclus la communauté anglophone du
Québec, reconnaissent la réalité du Québec
d'aujourd'hui. Jadis, ils ont contribué à l'objectif de la
promotion du français, et, de toute évidence, vont continuer
à le faire. Mais nous devons trouver un équilibre juste entre la
promotion et la protection de la langue de la majorité, d'un
côté, et de l'autre, le droit de chaque individu, de chaque membre
d'une communauté minoritaire. Nous avons une Charte des droits et
libertés qui nous le permet. L'article 1 de la Charte canadienne permet
la justification d'aspirations collectives dans une société libre
et démocratique, mais seulement lorsque justifiées dans cette
société libre et démocratique. Et l'exemple précis
en est les mesures positives et incitatives contenues dans le projet politique
de la CECM, qui devrait être adopté immédiatement. Ce sont
des exemples de
promotion de la vitalité de la langue, et de la culture
française, une promotion à laquelle les membres des
communautés culturelles pourraient participer. Et c'est quelque chose
qui ne compromet pas les droits individuels et les droits des
communautés minoritaires.
Les articles coercitifs, les article 16 et 18, contreviennent à
la Charte des droits et libertés du Québec, à la Charte
canadienne des droits et libertés, à la Déclaration
universelle des droits de l'homme, et à la Convention sur les droits de
l'enfant. La position du ministre de l'Éducation est claire. Elle a
indiqué qu'une obligation aussi étendue ne lui paraissait pas
raisonnable et irait à l'encontre des droits de la personne. Si tel est
le cas, pourquoi déambuler dans l'espoir que la décision finale
sera celle qu'on a souhaitée? Pourquoi ne pas établir des
directives solides ne permettant aucune tergiversation, aucune
répercussion hors Québec en attendant? Il faut prévenir
plutôt que guérir. Si ces mesures parviennent à être
adoptées, la boîte de Pandore continuera son chemin devant les
tribunaux, aboutissant, après de nombreuses années, devant la
Cour suprême qui, vraisemblablement, les annulera.
Notre parti, M. le Président, a déposé le projet de
loi 190, qui était une tentative d'éliminer le problème
ayant comme but d'empêcher la situation de s'envenimer. La loi 190
rendrait les articles 16 et 18 illégaux, et éviterait les
contestations éventuelles devant nos cours. La solution du
problème que la CECM essaie de résoudre n'est pas facile. Comme
j'ai dit tantôt, une solution immédiate serait d'adopter les
mesures incitatives. Une autre solution possible, M. le Président, que
nous avons présentée aux audiences publiques, et qui est
très importante, c'est le concept de la liberté de choix pour la
langue d'enseignement. C'est un débat que nous devrons stimuler, encore
aujourd'hui, dans le contexte actuel, même 15 ans après l'adoption
de la loi 101. Nous croyons que l'assimilation forcée des immigrants qui
n'ont pas la bonne volonté, sous forme de politique destinée
à renforcer la langue et la culture de la majorité, ne peut
fonctionner et n'a jamais fonctionné. La crise actuelle que
véhicule l'exposé de projet politique de la CECM est un exemple
typique. Comme résultat, bon nombre de gens se rendent compte de l'effet
opposé qui se produit au lieu de celui désiré: un
mélange de langues qui, en définitive, affaiblira la langue qu'on
voulait protéger au début.
La liberté de choix, de fait, ne compromet aucunement les
objectifs de la loi 101, ou de la loi concernant l'éducation. La loi 101
ne vise pas l'assimilation culturelle des immigrants dans la
société québécoise, mais, et je cite: "Elle est
résolue à faire du français la langue de l'État et
de la loi, aussi bien que la langue normale et habituelle de travail, de
l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires." La menace de
l'anglais sur le plan des statistiques n'est pas la même menace qui, pour
certains, existait en 1976. Nous croyons qu'une telle politique
répondrait aux objectifs recherchés par la proposition de la
CECM, aussi bien, ou mieux, que la présente loi. Ce n'est pas un retour,
M. le Président, parce que, aujourd'hui, la société
québécoise est beaucoup plus forte, beaucoup plus confiante et
riche que jamais. (11 h 40) si le gouvernement devait choisir de rester sur sa
position, il revendiquera sans doute que la façon la plus responsable de
traiter les exagérations des articles 16 et 18 est par un dialogue
ouvert et compréhensif où le bon sens prévaudra
éventuellement. nous pouvons apprécier la position
élevée du gouvernement qui est un répit en regard des
dénonciations, des attaques viscérales et des colères
démesurées de l'opposition officielle des fois. cependant, dans
ces circonstances particulières, on a permis au dialogue d'être
exubérant au point où une dissociation linguistique dans le
système public scolaire est à un plus haut point. c'est
ça, le coeur. on n'a qu'à faire un petit tour dans les
écoles de montréal qui ont une forte population d'immigrants pour
le constater.
De plus, en terminant, M. le Président, le débat est
envenimé davantage lorsqu'on soupçonne la commission scolaire en
question d'adopter des pratiques plus ou moins catholiques. Je me
réfère en particulier à l'affaire Zuniga. Lorsque la
Commission des droits de la personne dénonce les dirigeants de la plus
grande commission scolaire au Québec pour avoir congédié
un employé pour la simple raison qu'il avait un mauvais accent, il
devient difficile pour un gouvernement de justifier une position neutre
à l'égard de certaines politiques de cette commission
scolaire.
Alors, pour cette raison, le gouvernement doit prendre ses
responsabilités. Merci, M. le Président.
Le Président: Je vais maintenant céder la parole
à M. le ministre de l'Éducation.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, la motion du
député de D'Arcy-McGee procède d'un bon naturel,
d'intentions généreuses, mais je crois qu'elle rate la cible dans
la manière dont elle est formulée et dans les jugements qu'elle
comporte. J'en viens tout de suite à l'incident qui a donné
naissance au débat d'aujourd'hui. La Commission des écoles
catholiques de Montréal, en avril dernier, publiait un
énoncé de politique à l'état de projet visant
à valoriser la langue française dans ses écoles où
l'enseignement se donne en langue française. L'énoncé, a
été rédigé par un groupe d'éducateurs, une
dizaine de personnes comprenant en majorité, d'après ce que j'ai
compris, des directeurs d'école. Cet énoncé
comprend des principes fondamentaux, des objectifs et des moyens
d'action. Au niveau des principes fondamentaux, personne ne peut être en
désaccord. Le document dit: On agira à la lumière de la
Charte de la langue française, à la lumière de la Charte
des droits de la personne et d'autres documents semblables. Je pense bien que
tout le monde sera d'accord là-dessus. On propose des objectifs
généraux sur lesquels il n'y a pas de débat entre nous. Au
niveau des moyens, le document qu'a rendu public la Commission des
écoles catholiques de Montréal comportait une quarantaine de
moyens, dont la plupart sont des moyens calqués sur ceux qui
étaient proposés dans le plan d'action pour la promotion du
français mis à la disposition des commissions scolaires et des
écoles par le ministère de l'Éducation, il y a trois ans,
et dont l'application se poursuit dans les écoles publiques et
privées de tout le Québec. Alors, sur ces objectifs en
général, il n'y avait pas de difficulté
particulière.
Deux moyens ont soulevé des difficultés
particulières. Ce sont les moyens dont a parlé le
député de D'Arcy-McGee, 16 et 18. Dans le moyen 16, on disait: II
faut généraliser la pratique qui consiste à inscrire dans
les codes de conduite des écoles l'obligation de parler français
sur les lieux de l'école et dans toutes les activités scolaires
organisées en dehors de ces lieux, et dans le moyen 18, on disait: Aider
les écoles qui ont de la difficulté à assurer un
environnement français à mettre en place des mesures incitatives
et, lorsque nécessaire, les règles de discipline qui
recréeront cet environnement. Alors, l'idée de coercition qui
était implicite dans ces deux moyens a soulevé des
réactions, comme il fallait s'y attendre, mais il faut bien situer le
document dans son contexte, là. La CECM reçoit un rapport d'un
groupe d'experts à qui elle a demandé de faire une étude
et de proposer des moyens d'action. Elle le reçoit; elle le trouve, dans
l'ensemble, acceptable; elle le publie; elle le soumet à la discussion
publique pour une période de deux mois, période au cours de
laquelle tout le monde pourra s'exprimer, puis elle ajoute même qu'elle
sera prête à tenir des audiences publiques sur le sujet.
En agissant de la sorte, la Commission des écoles catholiques de
Montréal agit dans le cadre de ses attributions légales. Elle ne
fait rien qui soit contraire aux lois du Québec et, en particulier,
à la Loi sur l'instruction publique. Elle provoque un débat sur
un sujet à propos duquel elle n'est pas certaine d'être en mesure
d'arrêter des conclusions claires et définitives. Alors, le
débat s'est poursuivi pendant deux mois. Je crois comprendre,
d'après la résolution qui nous est présentée ce
matin, qu'il aurait fallu que le ministre de l'Éducation émette
un ukase pour dire: Pas de débat, nous avons la vérité,
à Québec, nous allons vous l'imposer de force, nous ne voulons
pas que vous discutiez de ces choses. Nous avons dit: Au contraire. Moi, j'ai
exprimé mon avis dès le début, dans cette question. J'ai
exprimé l'avis de l'honnête homme qui agit avec son jugement et
son expérience. J'ai dit: II y a deux points sur lesquels vous allez
trop loin, messieurs, mais je vais laisser le débat public se faire,
puis on verra en temps utile.
Alors, là, le débat est terminé, quelque 38 ou 39
organismes ont été entendus en séance publique, et la
Commission des écoles catholiques de Montréal livrera le texte
définitif de sa politique d'ici le mois de juin. Selon les indications
que je reçois, la commission, fidèle d'ailleurs à
l'engagement qu'elle avait pris d'agir à la lumière de la Charte
des droits de la personne, tiendra compte, dans la version finale de son
document, des indications qui étaient contenues dans l'intervention que
la Commission des droits de la personne a faite au cours des auditions
publiques. Et la Commission des droits de la personne a clairement
distingué. Elle a dit: II y a des activités dans une école
française.
Je pense bien que le député de D'Arcy-McGee conviendra que
l'enseignement doit se donner en français, sauf l'enseignement de
l'anglais, j'imagine, autrement, ce ne serait pas une école
française. Il conviendra, je pense bien, que les rapports entre les
personnes qui incarnent l'école et les élèves devraient se
faire en français. Il conviendra aussi que les activités
scolaires et parascolaires, à moins que ce ne soit une activité
visant directement l'apprentissage de l'anglais langue seconde, devrait se
faire en français. S'il y a des activités avec les parents, par
exemple, en général ces activités devront se faire
également en français. S'il y a des services qui sont mis
à la disposition de l'élève, un service de
bibliothèque, un service d'infirmière, un service d'orientation,
je pense bien qu'on conviendra que ces services devraient être
disponibles en français, habituellement. Ça devrait être la
règle du jeu à l'intérieur de cette école, si on
l'appelle une école française.
Mais le règlement, comme il était formulé, le
projet de politique pouvait aller plus loin. Il aurait pu comporter
l'obligation, pour deux élèves qui sont dans le fond d'une cour
d'école, de se parler en français sous peine de sanction grave
pouvant aller jusqu'à l'expulsion. Il y en a qui ont trouvé
ça un petit peu fort; moi le premier. Moi le premier, je leur ai dit:
Laissez-les donc tranquilles, quand ils sont dans le fond de la cour de
l'école; ce n'est pas de nos affaires d'aller vérifier ce qu'ils
se disent entre eux. N'allons pas créer des prétentions comme
celles-là de la part d'un organisme public. Je crois que ça a
été compris. Le message a été compris. Il ne faut
pas nécessairement agir d'autorité en partant d'en haut. We must
trust common sense in a democratic society, it is the first foundation of an
orderly society. Common sense.
On a dit: Fonctionnons comme cela et on va voir. Et je suis convaincu
que les résultats que nous aurons avec la politique qui sera
promulguée prochainement par la Commission des écoles catholiques
de Montréal tiendront compte de toutes les objections valables
formulées au cours des deux derniers mois. J'aime beaucoup mieux, M. le
Président, infiniment mieux que nous en soyons arrivés à
ce résultat. D'abord, par la voie du débat démocratique
ouvert. De ce côté, je rends hommage à la Commission des
écoles catholiques de Montréal. Elle avait des
éléments discutables dans son document initial, elle s'est
soumise au tamisage du débat public, puis elle rendra publiques
prochainement des orientations qui tiendront compte des meilleurs avis
reçus. Alors, voici un premier point qui est un gain pour la
démocratie, parce que le problème s'est résolu par le
débat public et non pas par une intervention autoritaire. (11 h 50)
Deuxièmement, en ce qui touche les rapports du ministre avec les
commissions scolaires, le ministre a toujours dit: Je ne suis
indifférent à rien de ce qui se passe dans une commission
scolaire. Mais ça, ça ne veut pas dire que je puis m'arroger le
droit de dicter la ligne de conduite des commissions scolaires tous les jours.
Les commissions scolaires ont des attributions que leur définit la Loi
sur l'instruction publique et le ministre est soumis à la Loi sur
l'instruction publique tout autant que les commissaires d'école. Les
rapports entre les deux doivent se définir dans un climat de respect de
la loi par les deux éléments concernés et j'aurais agi,
à mon humble point de vue, au-delà de mes prérogatives en
me donnant l'autorité d'intervenir dans ce débat sous forme de
directives, avant même qu'il ait eu lieu et qu'il ait été
conduit vers des conclusions normales. Ça, c'est très
important.
Maintenant, je voudrais dire aussi que le ministère de
l'Éducation n'a pas attendu ce débat autour du caractère
français des écoles de la Commission des écoles
catholiques de Montréal pour intervenir de diverses manières,
afin de favoriser l'instauration d'un climat favorable au français dans
les écoles françaises, surtout dans les écoles où
l'on trouve une concentration d'élèves en provenance des
communautés ethniques, ce qui peut causer des problèmes au point
de vue du mixage des langues et des cultures. Par exemple, nous avons
institué des mesures spéciales de soutien linguistique à
l'intention des enfants qui arrivent à l'école. On a des classes
d'accueil où ils sont reçus, des classes d'accueil qui sont
financées par le ministère de l'Éducation et pour
lesquelles le ministère de l'Éducation dépense cette
année 11 000 000 $. La plupart de ces classes d'accueil sont
situées dans la région de Montréal, évidemment.
Mais ce n'est pas tout ça. Quand l'élève est passé
par la classe d'accueil, il faut qu'il s'en aille en classe
régulière et on constatait que les conditions de passage
n'étaient pas toujours favorables. Or, nous avons institué un
programme spécial de soutien linguistique à l'intention de ces
élèves qui font la transition de la classe d'accueil à la
classe régulière et j'ai ici le rapport pour la présente
année, la ventilation budgétaire des sommes que nous avons
accordées à la Commission des écoles catholiques de
Montréal pour cette fin. On lui a accordé des sommes qui vont
chercher au-delà de 1 000 000 $. Or, ces sommes ont été
réparties dans toutes les écoles de la CECM où il y a une
certaine concentration d'élèves ethniques.
La CECM a été en mesure d'accorder, avec le budget qu'on
lui a donné, un budget spécial de 500 $ par élève
pour lui fournir le soutien linguistique. Ça peut être un
accompagnateur linguistique, l'accès à des cours spéciaux,
des travaux spéciaux qui sont corrigés par des personnes
engagées à titre de personnel auxiliaire, etc. Il y a
au-delà de 1900 élèves intégrés qui
bénéficient cette année de ce programme. On a donné
des sommes également pour développer de meilleures relations
entre les écoles où il y a une concentration
d'élèves en provenance des communautés ethniques et les
familles de ces élèves et les communautés culturelles dans
lesquelles ces élèves s'inscrivent avec leur famille. On a un
programme spécial qui va permettre d'établir de meilleurs
rapports. On s'est rendu compte que l'élève réussit mieux
à l'école si ses parents sont vraiment intégrés
à la vie de l'école. Ce n'est pas une chose très
compliquée; c'est une vérité du sens commun, mais dans le
cas des communautés ethniques, nous l'avions trop souvent
oubliée.
Alors, il y a des mesures du gouvernement qui viennent stimuler ces
choses-là, mais la politique du gouvernement en ces matières est
foncièrement incitative. Je pense qu'elle produit des résultats
très encourageants.
Je voudrais dire au crédit de la CECM qu'elle est engagée
dans ce travail depuis bien plus longtemps que tous ceux qui en parlent en
cette Chambre. Moi, j'ai été en rapport avec la CECM, M. le
Président, dès les années cinquante. Je me souviens que
j'avais organisé à Montréal un congrès sur
l'immigration qu'on avait intitulé, et je pense que ça a toujours
défini la conception que je me fais de l'immigration, "Ils sont nos
frères". C'est comme ça qu'on avait intitulé le
thème du congrès. Les principales collaborations que nous avons
reçues pour la réalisation de ces assises qui avaient eu lieu
vers 1954 ou 1955 venaient de la Commission des écoles catholiques de
Montréal, laquelle était déjà bien plus au fait de
ces problèmes que tous ceux qui ont commencé à en parler
25 ans plus tard.
Pensez-vous que la CECM a oublié toute cette tradition, qu'elle
l'a laissée de côté? Voyons donc! Je vois le
député Parent qui a été président de la CECM
pendant quelques années, il pourra parler de ce qui se faisait dans
son
temps, de ce dont il a été lui-même responsable. On
ne traite pas ces gens-là de haut. On ne leur donne pas des directives
à partir de Québec, parce qu'on se pense plus fins qu'eux. On
prend soin d'abord de se renseigner sur ce qu'ils font. C'est ce que nous avons
fait, nous leur avons dit: Qu'est-ce que vous faites? En quoi pourrions-nous
vous aider davantage à mieux accomplir votre travail? Voilà la
ligne de conduite que suit le gouvernement en ces matières et
j'espère qu'il maintiendra longtemps cette ligne de conduite.
Je rappelle simplement que pour la présente année, nous
avons, en plus des mesures dont j'ai parlé tantôt, plusieurs
mesures qui visent particulièrement l'objectif dont nous avons
parlé dans le débat d'aujourd'hui dont la tenue me
réjouit, parce que je suis convaincu que cela nous permettra de
rapprocher nos points de vue. Nous accordons des ressources spéciales
pour l'encadrement organisationnei et pédagogique du personnel qui est
chargé de l'action pédagogique auprès des enfants. Dans
les écoles, il y a une forte concentration d'enfants en provenance de
communautés ethniques. Le personnel enseignant a besoin d'être
soutenu, a besoin d'être aidé d'une manière
spéciale.
Or, nous avons des mesures qui visent précisément cet
objectif, des mesures de perfectionnement des enseignants également.
Nous avons des mesures d'apprentissage du français, langue seconde, pour
les adultes allophones. Je pourrais continuer, M. le Président, mais je
pense que le temps se fait court. Je voudrais simplement ajouter une
dernière remarque. Le député de D'Arcy-McGee voudrait
profiter de ce débat-ci pour ouvrir le débat sur certains
éléments fondamentaux de la loi 101, en particulier, la question
de la liberté de choix. Le gouvernement ne peut pas le suivre sur ce
terrain, parce que l'étude qui avait été faite, il y a 20
ans, et qui nous a conduits à définir nos politiques d'admission
de manière différente en matière d'écoles
françaises et anglaises, a produit des conclusions qui sont encore
valides aujourd'hui.
Il faut que nous autres mêmes, les francophones, nous renouvelions
continuellement notre choix en faveur de notre caractère
français. Et la première manière dont la loi nous invite
à renouveler ce choix, c'est d'envoyer nos enfants - nous autres
mêmes pour commencer - à l'école française. Et si
nous nous imposons ces sacrifices pour maintenir le caractère
français du Québec, il est normal que nous exigions le même
sacrifice de ceux qui viennent de l'extérieur pour partager notre vie et
notre destin au Québec. C'est ça qui est la loi fondamentale.
Moi-même, ça m'a imposé des sacrifices pour
l'éducation de mes enfants. Mais ce sont des sacrifices qui ne nous ont
en rien diminués, ils nous ont grandi et je peux témoigner qu'ils
n'ont pas empêché mes enfants non plus d'avoir accès
à l'apprentissage de la langue anglaise. On pourrait faire des
améliorations de ce côté-là dans nos écoles
françaises, mais prétendre rouvrir ce débat-là dans
le contexte actuel au point d'évolution où nous en sommes, je
crois que c'est se nourrir d'impossibles illusions.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: merci, m. le président. avant d'aborder la
question de la motion qui est sur la table, il serait utile, je pense, de
rappeler quelques faits. d'abord, à la cecm, 30 % des
élèves qui fréquentent la cecm sont des allophones. 80 %
à 90 % de ces élèves se retrouvent dans certaines
écoles, c'est-à-dire une concentration d'allophones qui peut
aller jusqu'à 80 % ou 90 % dans certaines écoles.
Dans ces écoles, de plus en plus, les jeunes utilisent l'anglais
comme langue de communication et, qui plus est, certains professeurs pour
être mieux compris à l'occasion de l'enseignement des
mathématiques, s'adressent à ces élèves en anglais,
ce qui compromet non seulement leur intégration à la
communauté francophone, mais également l'acquisition d'une solide
connaissance du français, ce qui constituera un handicap certain au
moment où ils voudront poursuivre des études.
M. le Président, qu'est-ce qui explique cette situation? Je
dirais deux ou trois bonnes raisons. Est-ce qu'il s'agit simplement de la
fronde de jeunes adolescents qui veulent provoquer leurs professeurs ou les
élèves francophones aux alentours? Peut-être bien. Mais je
ne pense pas que ce soit là la principale raison, parce que la fronde
des adolescents, je pense qu'à un moment donné, elle passe avec
l'adolescence.
Ce qui est beaucoup plus grave, c'est que ces jeunes allophones sont
témoins quotidiennement de la capacité que leurs parents ont de
gagner leur vie au Québec en anglais. Ça, il ne faut jamais
l'oublier, parce que la plupart des immigrants travaillent non pas dans nos
grandes entreprises où on a réussi à instaurer une
certaine pratique et un certain respect du français, langue de travail.
Ils travaillent presque exclusivement dans des petites entreprises où la
langue de communication est l'anglais, et ces jeunes étant
témoins de la possibilité pour leurs parents de vivre, de
travailler et d'être servis en anglais, ils ne voient pas la
nécessité d'apprendre le français.
La seconde raison, M. le Président - et si j'avais un reproche
à adresser à ce gouvernement, c'est là qu'il se situerait
- c'est que ce gouvernement, par ses attitudes, par son inertie a semé
l'ambiguïté et a créé, en quelque sorte, les
situations qu'on connaît. Rappelons d'abord
les objectifs du projet de règlement de la CECM. Il est important
de les rappeler pour bien situer, dans sa perspective, l'ensemble de ce
débat. (12 heures)
Les objectifs du projet de règlement: améliorer la
maîtrise du français écrit et parlé; valoriser la
culture de la langue française, son histoire et sa littérature;
garantir aux élèves un enseignement et un environnement où
les échanges auront lieu en français. L'Opposition est tout
à fait d'accord avec les objectifs poursuivis par la CECM et il faut
absolument que nous reconnaissions à l'unanimité de cette Chambre
qu'il est de la responsabilité et du devoir des directeurs
d'école, des enseignants et des enseignantes de la CECM de mettre en
place les conditions qui leur permettent d'assurer un enseignement en
français de qualité à tous les jeunes allophones comme
à tous les francophones.
Actuellement, la situation qui prévaut dans certaines
écoles de la commission scolaire de la CECM est telle que les jeunes
francophones, soit parce qu'ils sont l'objet d'intimidation ou simplement parce
qu'ils entrent dans le rang, adoptent cette pratique de s'adresser à
leurs collègues en anglais et on vient contester, par cette situation,
le droit des jeunes francophones de vivre et de se développer dans un
milieu francophone et dans des écoles françaises.
M. le Président, telle que libellée, nous ne pouvons pas
être d'accord avec la proposition, la motion de blâme
présentée par le député de D'Arcy-McGee et j'y
reviendrai. D'abord, quelques commentaires sur le porteur de cette motion de
blâme. Je dois dire que la crédibilité du
député de D'Arcy-McGee dans ce dossier est questionnable. En
effet, la démagogie dont il a fait preuve devant la décision de
dizaines de municipalités ontariennes de refuser officiellement et par
voie de résolution quelque service que ce soit aux francophones
résidant sur leur territoire nous laisse songeurs quant au souci de ce
député face au mépris des droits et libertés des
personnes.
Vous vous rappellerez qu'à cette occasion le député
de D'Arcy-McGee avait comparé ce qui se passait en Ontario avec la loi
178. La loi 178 sur l'affichage bilingue, il l'avait comparée au
traitement fait aux francophones en Ontario, mais il avait comparé le
traitement que le Québec fait aux Anglo-Québécois à
celui qui est fait aux Noirs d'Afrique du Sud. Je l'écoutais, tout
à l'heure, commenter l'appui à la visite de Nelson Mandela et
à sa lutte pour le respect des droits et libertés des personnes
et je m'étonnais. Quand on ose comparer la situation qui est faite aux
Anglo-Québécois, ici, à la situation qui est faite dans
l'apartheid de l'Afrique du Sud, c'est non seulement démagogique, mais
c'est totalement irresponsable. M. le Président, cette motion questionne
la sincérité du député de D'Arcy-McGee, lui qui a
eu si peu d'égards à l'endroit des francophones de l'Ontario
à qui on a retiré tous les droits ou la possibilité
d'avoir des services en français dans leur municipalité.
M. le Président, je voudrais revenir à la motion. Telle
que libellée, nous ne pouvons l'appuyer. Inviter le ministre à
plus d'interventions qu'il n'en fait, jamais, M. le Président.
Là, là-dessus, on ne pouvait pas, sur le fond, demander au
ministre d'intervenir à la CECM.
Une voix: Ça nous a surpris.
Mme Blackburn: Jamais! Ça nous a surpris un peu qu'il s'y
refuse, mais ça, c'est une autre question. On aura l'occasion d'y
revenir. Pour nous, pour l'Opposition officielle, une politique de
français à la CECM, ça appartient exclusivement à
la CECM, à ses professeurs, à ses administrateurs et aux parents
et élèves qui en font partie.
M. Libman: Question de privilège, M. le
Président.
Le Président: Alors, sur une question de privilège,
M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: La députée de Chicoutimi m'attribue des
déclarations que je n'ai jamais faites. C'est irresponsable.
Le Président: Évidemment, ce n'est pas une question
de privilège. Si vous voulez, après l'intervention, il y a
possibilité de faire une correction en vertu de notre règlement
ou de vous prévaloir des dispositions pertinentes au niveau de fait
personnel que vous pouvez soulever demain, à la période des
affaires courantes. Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. S'il faut condamner
le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur,
responsable de l'application de la loi 101, s'il faut condamner ce gouvernement
- et il faut le faire - c'est d'abord parce qu'il a limité, dans un
premier temps, ses réactions à deux articles du projet de
règlement, laissant planer l'impression que tout était
coercition. Ça, j'ai trouvé que c'était dommageable. S'il
faut le condamner - et nous le condamnons fortement, M. le Président -
c'est parce que ce gouvernement, le ministre de l'Éducation, a
favorisé une dégradation par son inertie, son
incompétence, parce qu'il a semé l'ambiguïté par les
nombreuses atteintes qu'il a portées à la loi 101, au moment
où il a amnistié les illégaux, leurs descendants et les
cousins, les cousines. Vous savez, c'était énorme. Au moment
où il n'est pas allé en appel du jugement Steinberg, c'est 400 ou
500 personnes plus leurs descendants qui se sont enfilés dans cette
brèche-là. Alors qu'aujourd'hui il a doublé le nombre de
dérogations à la fréquentation des écoles, nous
laissant voir, M. le Président... Ça a
l'air peu, 60 enfants qui sont autorisés à
fréquenter l'école anglaise en dépit des dispositions de
la loi 101; ça a l'air peu, cependant, le message est clair, ce serait
pénalisant pour ces enfants de s'en aller dans les écoles
françaises alors qu'à notre avis, il est profondément
pénalisant pour ces jeunes, le fait qu'ils ne maîtrisent pas bien
le français, et c'est leur avenir comme travailleurs, comme citoyens du
Québec, qui est remis en cause.
Il faut condamner ce gouvernement qui n'a pas su réaffirmer le
droit des francophones, des Franco-Québécois à une
école française, qui n'a pas voulu réaffirmer le
caractère français de l'école française et le
devoir qui incombe aux autorités publiques de maintenir ce
caractère. Il a refusé également de réaffirmer le
droit et le devoir des allophones qui fréquentent l'école
française de recevoir un enseignement en français dans un
environnement français qui facilite leur intégration au
marché du travail et leur épanouissement personnel dans un
Québec français.
Il faut le condamner également parce qu'il n'a pas su rappeler
l'obligation de l'école française qui implique de facto
l'obligation de l'usage du français dans le cadre de l'école,
entendu que les moyens employés pour s'en assurer tiendraient compte des
situations et de la nature des activités. J'y reviendrai.
M. le Président, il faut condamner ce gouvernement parce qu'il a
semé l'ambiguïté, ne serait-ce qu'au moment où il a
décidé qu'il fallait qu'il crée un comité pour
revoir s'il y avait nécessité de faire de la signalisation
routière bilingue. Si c'était une question de
sécurité, c'aurait dû être confié au ministre
des Transports, M. le Président, mais il en a fait une question
linguistique, semant encore l'ambiguïté et le doute quant aux
dispositions de la loi 101.
C'est la nature de cette attitude, cette attitude, certains propos,
certaines décisions qui font que de plus en plus d'allophones, dans nos
écoles, à la CECM, pensent effectivement que l'avenir est du
côté anglais et qu'ils n'y voient aucun frein qui serait mis par
le gouvernement et le ministre responsable de la loi 101. Aussi longtemps que
les jeunes allophones seront témoins de parents qui peuvent gagner leur
vie, vivre, se développer en anglais sur l'île de Montréal,
parce qu'ils sont majoritairement concentrés là, ils ne verront
jamais, mais jamais, l'obligation ou la nécessité d'apprendre le
français.
J'en viens à la situation qui existe actuellement par rapport au
français langue de travail. Un rapport a été
déposé en mars ou avril 1989 et la francisation à
relancer... Je me permets de citer un article, un editorial de Gilles Lesage
paru dans Le Devoir du 4 avril 1989. On ne peut pas l'accuser de
partisanerie, et il a fait une lecture assez juste du rapport Jolicoeur sur la
situation prévalant dans les industries, dans les entreprises, en regard
du français langue de travail. M. Lesage a dit: "Une action
concertée du patronat et des travailleurs de l'État est
nécessaire pour relancer la francisation des entreprises." "Le
français langue de travail, une nécessaire réorientation",
titrait le document. Et M. Lesage de poursuivre: "Après avoir fait des
progrès remarquables dans les quelques années qui ont suivi
l'adoption de la loi 101 en 1977 - donc, 13 ans plus tard - la francisation des
entreprises a atteint un plateau. Elle fait du sur-place depuis un bon moment,
l'enthousiasme et la vigilance des débuts a cédé le pas
à une certaine tolérance des bureaucrates et gestionnaires et
à l'assouplissement des travailleurs, comme si la loi avait des vertus
magiques." (12 h 10)
On apprenait en même temps que ce rapport était
déposé, M. le Président, que seulement 45 % des
entreprises de 100 employés et plus avaient un certificat de
francisation, ce qui est déjà intéressant. Mais le vrai
problème, ce sont toutes les entreprises de moins de 50 employés
qui embauchent massivement des allophones qui acceptent de travailler dans des
petites entreprises où les salaires sont moins élevés, M.
le Président.
M. le Président, toujours dans le même article, M. Lesage
considérait que les moyens proposés, si pertinents soient-ils,
misent tellement sur la bonne volonté des partenaires qu'on se demande
s'ils ne se sentiront pas contraints de relancer l'offensive souhaitée.
L'État devra entreprendre une campagne médiatique, disait le
porte-parole de ce rapport, entre autres sujets, sur le statut et la
revalorisation de l'usage du français en milieu de travail. Rien
là de très sorcier, soulignait M. Lesage, et litigieux. Pourtant,
dès hier, M. Ryan a repoussé cette suggestion sous
prétexte qu'elle confinerait à la propagande.
M. le Président, parler de l'obligation de travailler en
français, de l'obligation de recevoir un enseignement en
français, c'est faire de la propagande. M. le Président,
descendre plus bas que ça, se faire aussi humble, c'est risquer la
disparition. Quand on est gêné de faire valoir les droits des
francophones sur le territoire du Québec, M. le Président, et que
c'est le ministre responsable de l'application de la loi 101 qui dit ça,
évidemment, ça a de quoi inquiéter, mais ça
explique également l'attitude de ces jeunes dans ces écoles.
M. le Président, M. Lesage poursuivait en disant: "Les moyens
proposés ne sont pas inadéquats, il s'en faut: publicité,
incitation, et ainsi de suite. Toutefois, en raison de la recherche de
compromis agréables à tous, ils ne vont pas au fond des choses.
L'ampleur des problèmes est telle qu'on voit mal comment il peut y avoir
relance et concertation sans que l'État s'y mette résolument. Or,
tout se passe comme s'il devait se faire - il parle de l'État et de son
ministre,
j'imagine - discret, presque effacé. Et fidèle à
lui-même, dit-il, M. Ryan n'est pas porté vers le grand plan
d'ensemble tel celui que son prédécesseur, M. Guy Rivard,
mijotait depuis un an."
M. le Président, ces attitudes, les nombreuses atteintes faites
à la loi 101, l'absence de soutien aux allophones, la faiblesse des
moyens qui sont consentis pour que les allophones puissent apprendre le
français - je parle des adultes - les programmes de COFI reportent
jusqu'à un an la possibilité pour eux d'avoir accès
à un programme de formation en langue française, M. le
Président... Un an avant qu'on puisse leur dire oui, nos portes sont
ouvertes, vous êtes admis, vous pourrez apprendre le français.
Comment voulez-vous dans ces circonstances que les jeunes allophones se sentent
seulement invités à apprendre le français, sentent que ce
soit utile pour eux de le faire, M. le Président? Le gouvernement aurait
pu et dû à cette occasion relancer l'idée que nous avions
mise sur la table, à l'effet qu'il fallait amorcer, et rapidement, la
francisation des entreprises de moins de 50 employés.
M. le Président, je le rappelle, nos allophones trouvent
massivement un emploi dans ces entreprises. À cette occasion, le
ministre aurait pu, avec son gouvernement, rendre applicables aux cégeps
les dispositions de la loi 101 en matière d'enseignement. Ce n'est pas
ça qui se fait, on dit aux jeunes allophones: Vous avez
étudié votre secondaire en français, qu'à cela ne
tienne, on va vous donner une bourse et vous allez poursuivre vos études
collégiales dans un collège anglophone.
M. le Président, ce n'est pas fait pour les aider à
s'intégrer. Le gouvernement aurait dû réclamer... Ça
n'a pas été fait à l'occasion de la seconde ronde de
négociations qui s'amorce. Il y a toute une liste de demandes qui
viennent des différentes provinces canadiennes pour la prochaine ronde
de négociations constitutionnelles. Il aurait dû réclamer
le rapatriement au Québec de tous les pouvoirs, particulièrement
en langue, en immigration, en éducation, culture et communications, M.
le Président. C'est cette situation, cette inertie, la peur de
déranger qui fait que la situation qui prévaut actuellement dans
les écoles de la CECM n'a rien pour nous étonner. Cependant, M.
le Président, elle nous préoccupe profondément parce
qu'elle compromet la capacité des jeunes allophones de s'intégrer
à la majorité et elle nie le droit des jeunes francophones qui
fréquentent ces écoles à avoir un enseignement et un
environnement en français. Merci, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député de Jacques-Cartier pour un maximum de trois minutes
conformément au partage du temps convenu pour les députés
indépendants.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. I would in general
agree with the Minister of Education in the appeal to common sense in dealing
with educational issues. But, unfortunately, we are dealing with an issue here
where common sense, unfortunately, does not exist or, at least, is not found in
ordinary amounts. Common sense implies the idea that there is a community with
some kind of agreement as to just what it is doing in education in this
direction, but that community of agreement does not exist right now. With a
compulsory public educational system that is pluralist, that involves students
of different backgrounds, different cultures, different mother tongues, it is
impossible to use the doctrine of in loco parentis.
The admittedly somewhat abstract idea of the civil rights of the
individual have to be applied instead, or the sense of injustice grows and
grows within the communities that are involved in the public educational
system. If this is not recognized by this National Assembly and if this kind of
activity by the Montréal Catholic School Commission is tolerated or
accepted, the dangers for Québec society, the dangers certainly for
Montréal are very large indeed. We cannot leave this simply to the
matter of the good nature and reasonableness of the school commissioners and
the teachers. Most of them are good-natured and reasonable people. The
situation they find themselves in was created by the laws of this Province, not
by their individual character. We must therefore stick with our determination
to assert that the rights of the individual must come ahead of what the
Minister conceives of as common sense in this case. Thank you, M. le
Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député de Sauvé.
M. Marcel Parent
M. Parent: Merci, M. le Président. Laissez-moi vous dire
que je suis étonné de la motion de censure
présentée par le Parti Égalité. À mon avis,
cette motion de censure n'a pas sa raison d'être et j'entends
démontrer que l'attitude du gouvernement et celle du ministre de
l'Éducation dans le dossier du rejet de la politique linguistique de la
CECM a été judicieuse et pleine de mesure. La CECM, M. le
Président, nous la connaissons. Nous connaissons sa tradition. Nous
connaissons le respect dont elle a toujours fait preuve envers les
minorités. Et nous connaissons aussi son esprit de
générosité. Et il n'aurait pas été
sérieux de la part du gouvernement d'intervenir d'une façon
rapide devant ce projet de règlement, car ce projet de règlement
n'est encore qu'un projet, il n'est pas adopté. Et je pense qu'il
était de bon ton, de la part du
ministre de l'Éducation et de la part du gouvernement du
Québec d'attendre et de regarder de quelle façon la CECM se
proposait d'appliquer ce projet de règlement. Et on a eu raison, M. le
Président, car la CECM a fait preuve de démocratie, elle a
reçu à la salle des commissaires à Montréal, les
différents intervenants. Elle les a écoutés dans un climat
de démocratie que l'on ne voit pas toujours, et on doit l'en
féliciter.
Les partis d'Opposition nous disent souvent que le ministre a une
politique interventionniste, que le ministre se met le nez dans
l'administration des commissions scolaires. Eh bien, cette fois, le ministre
n'a pas fait d'intervention directe. Il a surveillé d'un oeil
sérieux l'évolution du projet. (12 h 20)
Quant à la motion présentée par le Parti
Égalité à l'égard du gouvernement du Parti
libéral et à l'égard du ministre de l'Éducation,
pour ma part, M. le Président, la position historique du Parti
libéral du Québec est connue. Les militants et les militantes ont
défendu avec acharnement les principes de protection et de promotion des
lois individuelles, et ce, dans la perspective des intérêts
collectifs de la société québécoise. Certains
verront certainement une ambiguïté. D'autres, au contraire,
constateront qu'une nuance objective reflète bien le profil du
Québec dans son ensemble économique, social et culturel. Le tout
est de savoir si oui ou non la notion de droit individuel comporte des
restrictions. Enfin, la réponse n'est pas si simple. Mais j'emprunterai
les paroles d'un politicologue bien connu, M. Léon Dion, qui, dans le
cadre d'un colloque sur le Québec des libertés tenu en mars 1977,
positionnait ce concept de droits et de libertés dans la perspective
où règne la démocratie. Je le cite. M. Dion disait: "La
démocratie ne saurait sans renier faire abstraction de la
diversité des groupes culturels socio-économiques ou
régionaux. Mais elle est en danger dès lors que, d'une quelconque
de ces unités collectives partielles,- elle entend imposer à
l'ensemble ses intérêts et ses conceptions du monde et de la vie."
Il va sans dire, M. le Président, qu'une telle définition suscite
une dynamique dans tout pays démocratique.
Pour sa part, le Parti libéral du Québec a toujours cru
que la recherche de l'équilibre était non seulement possible et
nécessaire dans une société qui se caractérise par
sa distinction, bien sûr, mais également par sa diversité.
Et à cet égard, notre formation politique a résolument mis
l'accent sur la valorisation des droits individuels en prévision des
années quatre-vingt-dix. Nous concevons, cependant, que cette
valorisation embrasse un champ d'action plus long que celui rapporté
dans cette motion du Parti Égalité. La protection de la jeunesse,
le sort des sans-abri, la reconnaissance de l'action des membres des
communautés culturelles constituent quelques-uns des domaines où
le gouvernement libéral a mis des efforts individuels et alloué
des ressources importantes pour une meilleure qualité de vie au
Québec.
M. le Président, le gouvernement libéral doit gérer
ses dossiers dans cette perspective des intérêts supérieurs
du Québec. Nous reconnaissons d'emblée toutefois que tous les
groupes sont en droit d'exprimer ces opinions ou ces revalorisations dans une
société démocratique. Ce virage est même essentiel
pour son bon fonctionnement, M. le Président. Mais
présentée de cette façon, nous ne pouvons endosser une
telle motion du Parti Égalité puisque la position défendue
ne reflète qu'une partie des intérêts collectifs du
Québec, donc, constitue une vision potentielle de la solution
avancée. Le gouvernement libéral peut, d'autre part, se
féliciter de ces efforts accomplis en faveur des droits individuels.
Depuis 1985, il a fait adopter des politiques précises visant, à
l'atteinte ses objectifs, de protéger et de promouvoir les droits
individuels. Par ailleurs, nous comprenons aisément l'approche du Parti
Égalité. Nous ne pouvons appuyer ce qui sous-entend leur
philosophie, convaincus que nous sommes que leurs intérêts sont
beaucoup trop sectoriels et non conformes aux intérêts de
l'ensemble du Québec. Et comme nous disions dans le cadre d'un
congrès tenu en avril 1987: Pour mieux s'ouvrir à demain, la
question des droits individuels n'est pas catégorique car la
capacité d'une société de progresser est intimement
liée à la capacité de son système
démocratique de générer rapidement des consensus sociaux.
Et, M. le Président, la meilleure preuve que le Parti libéral du
Québec reconnaît et défend avec acharnement cette notion
des droits individuels ne repose-t-elle pas sur cette réalisation
majeure qui remonte à 1974 lorsque fut adoptée la Charte des
droits et libertés de la personne?
M. le Président, intégrer des immigrants à la
communauté francophone, c'est une chose. Mais vouloir contrôler
les conversations des enfants à l'extérieur des salles de cours
en est une autre, même si, pour le Parti libéral du Québec,
bâtir et faire évoluer une société, c'est d'abord et
avant tout travailler à favoriser l'épanouissement individuel et
collectif de ceux et celles qui en font partie. Merci, M. le
Président.
Le Président: Alors, je cède maintenant la parole
à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président. Dans le temps qui nous
est imparti, c'est sûr que je ne pourrai pas développer autant que
je l'aurais souhaité. Je tiens à féliciter ma
collègue de Chicoutimi qui a très bien résumé notre
position. Rapidement, sur la motion, pour que les positions
soient claires, c'est évident qu'on ne pourra pas appuyer cette
motion de Equality Party - parce que c'est de ça dont il s'agit -
surtout pas quand on connaît leur réputation en cette
matière et surtout quand ils te laissent voir qu'il y aurait là
un danger de donner l'image que le Québec ne manifesterait pas à
l'égard de ces communautés culturelles toute l'ouverture. S'il y
a un endroit au monde où on n'a pas de leçon à recevoir
sur l'ouverture, même si on nous fait toujours des discours
là-dessus, c'est bien ici même, au Québec. Donc, c'est
important de clarifier ça tout de suite, c'est sûr que nous, nous
sommes contre la motion telle que proposée.
Sur la politique elle-même, moi, personnellement, et notre
formation politique félicitons au contraire la CECM, et là,
j'espère que le député de Sauvé s'est
trompé, mais je l'ai cité et j'ai pris note quand il a
mentionné: "Je félicite l'attitude du ministre d'avoir
rejeté la politique de la CECM", j'espère qu'il s'est
trompé quand il a dit ça. Il ne voulait sûrement pas dire
ça, parce que la politique de la CECM est légitime, elle est
correcte, elle est bien faite et c'est un projet de règlement pour,
effectivement, faciliter et encourager, et améliorer, de grâce, la
maîtrise du français écrit et parlé, comme ça
devrait être la préoccupation de tous les parlementaires de cette
Assemblée. Que je sache, on vit au Québec et on a tous ou on
devrait tous avoir comme objectif la promotion d'une meilleure qualité
du français parlé et du français écrit. On devrait
également avoir comme objectif la valorisation de la culture et de la
langue française, de son histoire et de sa littérature, parce que
nous, nous n'avons pas honte de l'histoire de la langue française et de
sa littérature, et "on devrait garantir aux élèves un
enseignement et un environnement - écoutez bien ça - où
les échanges devraient avoir lieu également en français."
J'y reviendrai pour le petit aspect négatif du fond de cour.
Ce qui nous a déplu dans les commentaires du ministre - et moi,
je le lui ai dit personnellement, puis je le dis publiquement, puis ma
collègue l'a très bien fait - c'est qu'il s'est empressé
de dénoncer plutôt les deux petits aspects un peu plus pointus des
18 éléments du règlement, alors qu'il y avait 16 autres
dispositions qui étaient très très très correctes
par rapport à quelqu'un, surtout, qui a la responsabilité de
faire respecter la loi 101, de faire respecter la promotion et la valorisation
de la langue française et, en conséquence, on va replacer les
choses rapidement dans leur contexte.
Nous, nous disons ceci: Cette réflexion de professeur, que je
félicite - parce que ça origine de là - "le projet de
politique de la langue française dans le réseau des écoles
françaises de la CECM constitue le premier volet d'un plan d'action
visant à améliorer l'accueil des immi- grants et à
promouvoir les relations interculturelles." Il s'appuie sur une volonté
d'améliorer la structure d'accueil aux immigrants et de favoriser
l'ouverture de tous les Québécoises et Québécois
à une clientèle scolaire pluriethnique qu'on ne nie pas: on la
connaît, nous aussi, on y va, en ville, de temps en temps, on
connaît la clientèle pluriethnique.
Par ailleurs, cette politique a pour but d'aider l'école à
réaliser un défi de taille, c'est-à-dire franciser les
jeunes allophones - je répète - franciser les jeunes allophones
et les intégrer à la communauté francophone. Et c'est pour
ça que le mot, le reproche, la motion de blâme, en fait, aurait pu
davantage être adressée au gouvernement actuel et au ministre qui,
dans un laisser-aller, depuis quatre ans, a donné à peu
près tous les signaux contraires au renforcement du fait français
et de la langue française. Que ce soit l'amnistie des illégaux,
que ce soit, comme ma collègue l'a dit, de faire... Écoutez,
quand un ministre responsable fait une étude pour savoir s'il y a du
danger concernant la signalisation, quel signal donne-t-il? Il donne un faux
signal, il donne le signal d'une préoccupation davantage comme si
c'était toujours la minorité anglophone qui était en
danger puis en souffrance, puis qui était donc maltraitée, alors
que c'est l'inverse dans les faits. C'est complètement l'inverse dans
les faits. Heureuse initiative! Félicitations pour ceux qui l'ont
initiée! Bravo à la CECM, en ce qui nous concerne! Puis, nous,
là, on n'a pas peur des 18 éléments qui sont en
consultation, c'est clair, ça? On n'a pas peur de ça
pantoute.
Nous donnons également notre assentiment à l'ensemble des
moyens préconisés. Quant aux deux moyens qui ont soulevé
des controverses et de l'indignation chez certains intervenants qui se sont
énervés avant même de regarder l'ensemble de l'affaire, des
nuances s'imposent. Oui, des nuances s'imposent, sur les deux faits un petit
peu plus pointus. Je voudrais en parler, parce que c'est là que
ça devient fondamental. Autrement que ça, sous prétexte de
deux petits éléments qui mériteraient d'être
regardés, bien, on préfère créer des ghettos, parce
que c'est ça qui va arriver: sans règlement sur la langue, les
écoles deviendront des ghettos. (12 h 30)
Et moi, j'aime bien mieux deux petits éléments qu'il y a
lieu de regarder et essayer d'atténuer les effets coercitifs et aller
avec des mesures incitatives, promotionnelles, compréhen-sives, que de
former des ghettos comme c'est le cas actuellement, si on n'est pas vigilants,
si on ne se réveille pas. Donc, je dis: généraliser la
pratique qui consiste à inscrire dans les codes de conduite des
écoles ou les codes de vie l'obligation - je n'ai pas peur de ça,
je le maintiens - de parler français sur les lieux de l'école et
dans toutes les activités organisées en dehors des lieux; cela
veut dire les activités parascolaires, sous supervision d'un
accompagnateur,
d'un professeur.
J'ai enseigné 10 ans, c'est un milieu, l'éducation, sans
aucune prétention, que je pense connaître. J'ai toujours
été collé au milieu de l'éducation et je sais ce
que c'est, enseigner. Je connais les battements dans les corridors, les
battements scolaires, les déplacements de cinq minutes. Je sais ce que
c'est, organiser une classe de chasse-neige, organiser une classe de visite
industrielle pour intégrer un peu mieux les jeunes avec l'entreprise. Et
si, dans toutes ces occasions-là, c'est le "free for all", excusez
l'expression, parce que c'est ça que ces gens-là voudraient...
Là, c'est le "free for all". C'est des écoles françaises,
mais là vous parlez la langue que vous voulez. Quelle langue vont-ils
parler? Quelle langue leur donne-t-on encore? On leur donne ce que ma
collègue leur disait. Puisque, de toute façon, il n'y a pas
d'obligation, à peu près dans toutes les entreprises, que ce soit
le français la langue de travail, la plupart des parents de ces jeunes
allophones, quelle langue parient-ils à la maison? L'anglais. Donc, il y
a un peu de normalité que ces jeunes-là glissent plutôt
vers l'anglicisation que la francisation.
Il me semble que nous, ça devrait être tout à fait
l'inverse qu'on devrait promouvoir. Aider les écoles qui ont des
difficultés, les aider, leur donner plus d'argent pour assumer mieux
leur environnement en français, mettre en place des mesures incitatives
et, lorsque nécessaire, des règles de discipline qui
recréeront un environnement positif, une espèce de fierté
d'apprendre le français et de parier français dans les
écoles françaises. Des règlements prescrivant l'usage du
français figurent déjà dans les codes de conduite ou codes
de vie de certaines écoles de la CECM et même de certaines
écoles privées. Et je ne vois pas la différence pour un
professeur qui a à faire appliquer un code de vie ou un règlement
interne à l'école concernant toute la question du
blasphème, concernant toute la question de l'habillement, concernant une
série d'éléments qu'on appelle le règlement de
régie interne à l'école, d'être habilité
à faire appliquer les mêmes dispositions concernant le fait
français. C'est quoi le crime? C'est quoi le drame? Il n'y a pas de
drame, il n'y a pas de crime, en ce qui nous concerne.
J'ai l'impression qu'il y a du monde qui ne sait pas ce que c'est qu'une
école. Une école, ce n'est pas une boîte physique. Une
école, c'est un milieu de vie. Et si on n'enseigne pas aux jeunes comme
premier élément que l'école étant un milieu de vie,
un milieu dans lequel tu vis, il faut que l'environnement soit en
français, selon nous... C'est ça, le règlement de la CECM
qui est en consultation. Nous, au contraire, on trouve que c'est une initiative
heureuse qui aurait dû être encouragée par le ministre de
l'Éducation. Ses premiers commentaires, ça n'aurait pas dû
être encore de nous donner ses diktats comme d'habitude et dire: Oui,
mais il y a deux affaires qui me chicotent là-dedans. Parce que quand
deux élèves se parlent dans le fond de la cour de
récréation, ça ne nous regarde pas et il n'est pas
question de regarder ça. Bien, ça, c'est un point très
mineur, mais ça aurait été bien plus responsable, comme
ministre de l'Éducation, comme porteur de la défense du fait
français, de dire: Moi, je trouve que c'est une initiative heureuse. Et
je trouve que les professeurs qui ont eu l'initiative à la CECM de
bâtir une réglementation qui permet d'améliorer
l'apprentissage de ia langue, d'améliorer la qualité,
d'améliorer la connaissance de la culture, d'améliorer
l'intégration de ces jeunes allophones au milieu francophone... Il me
semble que ça, c'aurait été senti, si nous avions un
ministre vraiment responsable de la défense des intérêts
francophones ici au Québec... Nous, on aurait été fiers du
ministre s'il avait commenté globalement en disant: II s'agit là
d'une heureuse initiative, parce que le contenu de la politique est bon
globalement, les objectifs sont valables: améliorer la maîtrise de
la langue française, valoriser la culture et garantir un milieu
éducatif où les échanges ont lieu en français. Je
ne parle pas du fond de la cour de récréation, et arriver
là avec le fouet ou la règle, comme anciennement, ou le bout de
la "strappe". Ça, ce sont des enfantillages. Et moi, ça ne
m'intéresse pas, les enfantillages. Ce qui m'intéresse, c'est les
orientations valables que j'ai vues là, et les professeurs qui ont mis
du leur, qui ont mis beaucoup de réflexion, qui ont analysé
pendant des années et qui vivent dans ce contexte-là. Moi, j'aime
bien mieux faire confiance à ces professeurs-là et leur donner
des outils et des moyens qui vont faire que, véritablement, on va
promouvoir la langue, et on va laisser savoir d'une façon on ne peut
plus claire que, dans des écoles dites françaises, il est
logique, légitime, défendable que ça se passe en
français et non en anglais. Merci.
Le Président: Alors, je cède maintenant la parole
à M. le député de LaFontaine.
M. Jean-Claude Gobé
M. Gobé: Merci, M. le Président. La discussion de
cette motion, aujourd'hui, particulièrement des articles 16 et 18 du
projet de réglementation de la CECM, démontre bien, si
c'était encore nécessaire, les difficultés qu'on peut
avoir, dans notre société québécoise, pour trouver
l'équilibre entre ia promotion et la revalorisation de la langue
française, avec les immigrants, les nouveaux arrivants dans notre
société, et l'apprentissage d'autres langues, tel l'anglais, et
aussi l'utilisation, par ces mêmes immigrants, dans leur propre milieu,
de leur langue d'origine. Car, ne nous trompons pas, contrairement à ce
que j'entendais, et c'est une information qu'il me fait plaisir de donner
au
député d'Abitibi-Ouest, les gens, les immigrants,
lorsqu'ils arrivent dans notre pays, bien souvent arrivent ne parlant ni le
français ni l'anglais. Ou ils ont peut-être une connaissance de
l'anglais qu'ils ont appris à l'école, comme à peu
près tous les citoyens du monde, mais ils connaissent surtout leur
langue d'origine, qui peut être aussi bien l'espagnol que l'arabe,
l'allemand ou l'italien. Et je peux vous assurer que lorsque les gens arrivent,
ils arrivent généralement à 25 ou 30 ans, donc à un
âge où leurs études sont faites, et ils les ont faites dans
leur langue d'origine. Si bien qu'à la maison, chez eux, la
première langue qu'ils vont parler, c'est la langue dans laquelle ils
ont vécu 20 ou 25 ans de leur vie, qui est la langue maternelle ou la
langue de leur pays. Et leurs enfants, bien entendu, parlent cette même
langue. Alors, je crois qu'il est un peu faux et hasardeux de dire que, dans
les maisons, les immigrants parlent anglais. Ce n'est pas vrai. Mes
expériences d'immigrant moi-même, mais qui vit dans un
comté où il y a beaucoup d'immigrants, m'ont amené, depuis
une dizaine d'années déjà, à me rendre compte que
ce n'était pas une réalité.
Bien entendu, par la suite, ces jeunes enfants, eux, vont aller à
l'école. Les parents vont aller travailler et chacun va devoir employer
une langue pour communiquer. La députée de Chicoutimi disait,
dans son discours, que, bien souvent, ces gens-là vont travailler dans
des petites entreprises de moins de 50 employés où la langue qui
va être employée va être l'anglais, parce que, bon, c'est
une entreprise avec des gens de qualification moindre, et où les
salaires sont moins élevés. Et il y a peut-être une raison
à cela. Ce n'est pas, probablement, parce que la promotion de l'anglais
fait foi au Québec, mais c'est parce que, lorsqu'un immigrant arrive,
généralement, la semaine suivante où il est arrivé,
il a besoin de travailler. Il a besoin de commencer à fonctionner, et,
croyez-moi, c'est certainement bien souvent plus facile de fonctionner dans ce
genre d'entreprises là, qui sont déjà tenues par d'autres
immigrants, qui sont au Québec depuis de nombreuses années, qui,
bien souvent, ont eu le droit, en fonction de la loi 101, d'étudier ou
d'aller à l'école anglaise. Donc, lorsqu'ils se sont
établis en affaires, ils ont établi leur entreprise dans la
langue française et la langue anglaise. Et, pour un immigrant, pour un
individu, tout le monde reconnaîtra qu'il est plus facile, en dedans de
deux ou trois semaines, de commencer à apprendre quelques mots
d'anglais, pour fonctionner et pouvoir se débrouiller, que de commencer
à apprendre le français. Et c'est peut-être
déplorable, mais c'est une réalité. Ce qui explique
probablement cette raison-là.
Pour les enfants, lorsqu'ils arrivent à l'école, eh bien,
là, on trouve certainement d'autres raisons. Vous savez lorsqu'on
immigre, lorsqu'on vient d'un autre pays, d'abord, on ne sait pas qu'on vient
au Québec dans un pays francophone, 9 fois sur 10. On nous le dit
à l'immigration, mais ce n'est pas évident qu'on en a une
certaine conscience. On vient surtout en Amérique du Nord. Lorsqu'on
quitte notre pays, on s'en va en Amérique. On s'en va au Canada. Et je
crois que, depuis des générations et des
générations, ce qui a été, pour les immigrants, la
destination, c'est l'Amérique, avec tout ce qu'on peut voir comme
vitrines, dans notre pays d'origine, par la télévision, par les
films, les magazines. L'Amérique de la réussite,
l'Amérique de la société de consommation. Automatiquement,
il y a une tendance à vouloir s'adapter à ce modèle
nord-américain, car c'est l'Amérique de la réussite. (12 h
40)
Tout immigrant qui quitte son pays, lorsqu'il fait ce sacrifice - ce
n'est pas facile de quitter son pays; ce n'est pas facile de partir, de rompre
les liens avec sa famille, avec son milieu, avec son histoire - bien, il ne le
fait pas pour se retrouver dans une situation qui lui semble inférieure
ou qui lui semble semblable à celle qu'il vient de quitter. Il veut
s'identifier à quelque chose qui va signifier pour lui la
réussite. Bien souvent, c'est l'Amérique du Nord; et qui dit
Amérique du Nord dit l'anglais. Il y a donc, pour ces jeunes, une
tendance naturelle à vouloir parler anglais. Ce n'est pas pour rejeter
la langue française, mais c'est peut-être un signe de
valorisation.
Dans les écoles, on voulait légiférer, on voulait
dire: Nous allons passer des lois, on va essayer de mettre des
réglementations très sévères qui vont faire en
sorte qu'on va obliger les gens à parler français. Je ne crois
pas, M. le Président, que ce soit là une solution. Je crois au
contraire que ça va?peut-être avoir un effet de repoussoir.
Je me souviens, moi, étant jeune, que ma grand-mère - vous savez
que je suis né près de la frontière belge, pas loin de
l'Alsace-Lorraine - me racontait que, lorsqu'elle était petite fille,
l'Alsace-Lorraine appartenait, avait été conquise -
échangée, à la suite d'une guerre - par les Allemands et
que les Alsaciens et les Lorrains n'avaient plus le droit de parler
français. Il fallait parler allemand absolument dans les écoles.
Si vous parliez français, vous pouviez avoir des amendes ou aller en
prison, selon le nombre de fois que vous répétiez cette
offense.
Moi, je peux vous assurer que plus on empêchait ces jeunes ou ces
Alsaciens et ces Lorrains de parler français, plus ils l'ont
conservé le français. Il y avait une espèce de défi
à l'autorité qui disait: Nous n'accepterons pas qu'on nous impose
une langue que nous jugeons utile de parler. Alors, ils ont appris l'allemand,
mais ils ont aussi conservé le français. Je crois que c'est
peut-être significatif, parce que dans notre société, si
nous voulions agir d'une manié-
re autoritaire dans ce domaine, nous pourrions nous créer ce
genre de situation où des générations de jeunes immigrants
apprendraient le français à contrecoeur et se
dépêcheraient de parier anglais dès qu'ils quitteraient les
lieux où ils seraient obligés de parler français. Je ne
crois pas que ce soit là le but visé par la loi ou par les
écoles. Je ne crois pas que ce soit la mission des écoles. Je
crois plutôt que la mission est d'intégrer les jeunes à la
société québécoise.
Dans mon comté, je dois vous dire que j'ai des écoles
où il y a des gens qui vont à l'école anglaise et des gens
qui vont à l'école française qui viennent de la même
communauté. J'ai pu assister à des choses extrêmement
intéressantes, pour la députée de Chicoutimi qui ne va pas
souvent à Montréal. Malheureusement, c'est que les jeunes qui
vont dans les écoles anglaises de ma circonscription parlent tous
français. Ils parient tous très bien français et ils
parient tous très bien anglais, bien entendu, en plus de leur langue
maternelle qui, bien souvent, est l'italien ou l'espagnol. Les jeunes du
même groupe d'origine qui, eux, n'ont pas eu le droit, pour des raisons
de date, d'aller à l'école anglaise parient français et
anglais, parce qu'ils ont jugé utile d'apprendre l'anglais au contact de
leurs cousins, de leurs voisins. je crois qu'on assiste là,
peut-être, à ce à quoi on devra assister dans la
région de montréal et dans le québec de l'avenir, c'est
que, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, la langue française
doit être la langue qui va cimenter la société
québécoise de l'avenir, c'est la langue de tout le monde, la
langue de la majorité, mais nous ne pourrons jamais évacuer la
langue anglaise, car c'est la langue de l'amérique du nord, c'est la
langue des affaires, c'est la langue du libre-échange nord-sud, c'est la
langue de la souveraineté-association pour certains de nos amis. comment
voulez-vous vous associer avec des pays de langue anglaise, si vous ne pariez
pas leur langue? je crois qu'il faut donc être très prudents dans
toute législation qui aurait pour but de répudier une langue ou
une autre.
En terminant, M. le Président, le député
d'Abitibi-Ouest disait que le ministre avait comme mandat de faire la promotion
de la langue française. C'est sûr et c'est évident, et
personne dans le Québec ne s'étonnera et ne niera que M. le
ministre de l'Éducation, depuis son arrivée, a fait beaucoup de
travail en ce qui concerne la promotion et la valorisation de la langue
française. Je termine, M. le Président. Et je crois que les
résultats importants qu'il a obtenus, particulièrement dans la
langue pariée au travail, ont été débattus lors de
la commission parlementaire sur les crédits du ministère, et
même la députée de Chicoutimi, à l'époque, ne
semblait pas avoir grand-chose à redire dans ces choses-là. Il y
a beaucoup de choses à faire, il y a beaucoup de chemin à faire
pour protéger notre langue, pour faire en sorte qu'elle soit
valorisée, pour faire en sorte que ce soit le ciment de notre
société québécoise, mais je ne crois pas que ce
soit par des législations difficiles ou sévères que nous
allons y arriver et je ne comprends pas non plus le député de
D'Arcy-McGee...
Le Président: En conclusion, M. le député,
s'il vous plaît.
M. Gobé: ...de vouloir mettre une motion de blâme
sur le ministre, car je ne crois pas que ce soit ce genre d'attitude là
non plus qui soit propice à un dialogue entre les deux
communautés qui parient ces deux langues. merci, m. le
président.
Le Président: Je voudrais maintenant céder la
parole à M. le député de D'Arcy-McGee pour l'exercice de
son droit de réplique.
M. Robert Libman (réplique)
M. Libman: Merci, M. le Président. Je pense que personne
n'a vraiment écouté notre intention avec cette motion. Si tout le
monde était assez raisonnable et profitait de la même ouverture
d'esprit que le ministre de l'Éducation, je serais tout à fait
d'accord avec le ministre quant au calme qui doit prévaloir lorsqu'on
arrive tous à situer un document dans son contexte.
Je n'accuse pas le ministre d'avoir adopté une mauvaise
politique. Mon reproche est à l'effet que le gouvernement n'a rien fait
afin d'indiquer aux élèves impliqués dans le débat
que, peu importe le déroulement, leurs droits seront respectés.
Les élèves ont eu le temps de mijoter les différents
scénarios au point de déstabiliser les relations entre les
francophones et les communautés culturelles, et, aujourd'hui, le
gouvernement a une occasion claire d'envoyer un message fort que les droits des
élèves vont être respectés.
Et une chose qu'il faut souligner, il faut regarder l'ensemble du projet
de politique de la CECM. Et notre formation politique est en faveur que nous
mettions en vigueur immédiatement les initiatives incitatives et
positives pour réussir le but de la CECM, parce que, comme le
député d'Abitibi-Ouest l'a dit, les buts et les objectifs de la
CECM, il faut les applaudir. Un meilleur apprentissage du français, une
valorisation de la langue française doivent être le but pour
chaque parlementaire ici, doivent être l'aspiration de la
société québécoise, mais, comme je l'ai dit
tantôt, il faut trouver cette ligne d'équilibre entre ces
aspirations légitimes, ces aspirations collectives et le respect des
droits individuels, le respect des droits des minorités. C'est pour
ça que le gouvernement avait une responsabilité morale de
clairement articuler que les proposi-
tions 16 et 18 ne sont pas valables dans notre société
québécoise.
The Montreal Catholic School Commission's decision is coming up shortly
and the fact that the Government has only admitted that, yes, these measures go
a bit too far but that they are unwilling to say that these measures are
completely acceptable, this can have an influence on the decision of the
Montreal Catholic School Commission because when they make their decision, if
they feel that the Government strongly opposes these two regulations and will
not accept these two regulations, they will have serious second thoughts about
putting into practice these aspirations, these two propositions that threaten
minority rights.
En terminant, M. le Président, quant à la
députée de Chicoutimi, je l'inviterai, dans un premier temps,
à venir faire un tour à Montréal afin d'obtenir une plus
grande compréhension des situations particulières. Dans un
deuxième temps, je dois lui rappeler qu'en tant que parlementaire elle
est nécessairement tenue à un niveau de responsabilité
au-delà de celui qu'elle a démontré ce matin. Les propos
qu'elle a tenus à mon égard, M. le Président, ainsi que
les paroles qu'elle m'attribue...
Le Président: Un instant! Je vais demander la
collaboration des députés, évidemment, nous venons pour un
vote, mais il y a toujours le droit de réplique qui existe du
député de D'Arcy-McGee et je vous prierais de prendre place en
silence. Vous pouvez poursuivre, M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Libman: Les propos qu'elle a tenus à mon égard
ainsi que les paroles qu'elle m'attribue sont enracinés dans le faux. Je
n'ai jamais prononcé les propos qu'elle m'attribue. Le ouï-dire
provenant de certains de ses collègues ou recherchistes à mon
égard me démontre à quel point la députée de
Chicoutimi continue de croire ce qu'elle veut, au lieu d'être
honnête envers la vérité.
En terminant, M. le Président, après avoir entendu
certains de ces discours, ce matin, le Parti québécois doit
réaliser que l'apprentissage d'une deuxième langue ne menace pas
la maîtrise de la première langue. Il n'y a personne au
Québec, même dans la communauté anglophone, même dans
les communautés culturelles, qui veut que nous perdions ce visage
français du Québec, ce caractère français du
Québec. Il faut être fiers d'avoir une société
pluraliste, une société pluraliste qui respecte l'importance du
caractère français et l'importance des droits individuels au
Québec. Le moment où le pluralisme et les droits individuels sont
rejetés par notre société est le moment où notre
société marche vers la désintégration. Merci, M. le
Président.
Le Président: Alors, ceci met donc fin au débat sur
la motion de censure présentée par le député de
D'Arcy-McGee. Nous appelons maintenant les députés puisque nous
devons procéder à un vote par appel nominal. Alors, qu'on appelle
les députés.
Une voix:...
Le Président: M. le député de D'Arcy-McGee,
s'il vous plaît. Alors, j'ai une demande du leader de l'Opposition pour
vous poser une question en vertu de l'article 213. Est-ce que vous acceptez une
question du leader de l'Opposition?
M. Libman: Non.
Le Président: Non. Très bien. Donc, pas de
question. Alors, qu'on appelle les députés. (12 h 51 - 12 h
56)
Le Président: Mmes, MM. les députés,
veuillez prendre place, s'il vous plaît.
Nous allons maintenant mettre aux voix la motion de censure inscrite par
le député de D'Arcy-McGee en vertu de l'article 304 du
règlement, motion qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée
blâme le gouvernement du Québec pour ne pas être intervenu
de façon décisive dans le dossier de la Commission des
écoles catholiques de Montréal, en condamnant les articles 16 et
18 du projet de politique qui contreviennent directement aux droits les plus
fondamentaux et qui, par surcroît, pourraient endommager de façon
irréparable l'image de tolérance que cette province manifeste
à l'égard de ses communautés culturelles. "
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Libman (D'Arcy-McGee), M.
Cameron (Jacques-Cartier).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Portneuf), M. Ryan
(Argenteuil), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Séguin (Montmorency), Mme
Robic (Bourassa), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Cusano (Viau), Mme Bleau
(Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M.
Rivard (Rose-mont), Mme Trépanier (Dorion), M. Beaudin (Gaspé),
M. Bélisle (Mille-Îles), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), Mme Pelchat (Vachon),
M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Tremblay (Rimouski), M.
Williams (Nelligan), M. Kehoe (Chapieau), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Fradet (Vimont), M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard
(Nicolet-Yamaska), Mme Bégin (Belle-chasse), M. Bélanger
(Laval-des-Rapides), M.
Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé
(LaFontaine), M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau
(Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Au-det (Beauce-Nord), M. Parent
(Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Cardinal
(Châ-teauguay), M. Després (Limoilou), M. Farrah
(fles-de-la-Madeleine), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri),
M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville).
M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Perron
(Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon
(Lévis), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Artha-baska), Mme Juneau
(Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme
Vermette (Marie-Victc-rin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M.
Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), Mme Dupuis (Verchères), M.
Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière).
Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?
Le Secrétaire: pour: 2 contre: 71
Le Président: La motion est donc rejetée.
Puisque nous arrivons à 13 heures, l'Assemblée va
suspendre ses travaux qui reprendront cet après-midi, à 15
heures.
(Suspension de la séance à 13 heures)
(Reprise à 15 h 5)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, j'appelle l'article 53 du
feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 69 Adoption
Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 53. Il est
proposé par le ministre de l'Éducation d'adopter le projet de loi
69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur
l'enseignement privé. Il s'agit de la troisième lecture. M. le
ministre de...
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: avec tout le respect que j'ai pour cette chambre,
on ne doit pas démarrer nos travaux sans avoir constaté le
quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, comme il n'y a
pas quorum, veuillez appeler les députés.
M. le ministre de l'Éducation, je vous reconnais comme premier
intervenant sur le projet de loi 69.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de prendre la
parole à l'occasion de cette étape ultime du cheminement qu'a
suivi le projet de loi 69 dans le programme des travaux de cette Chambre.
Ainsi que je le rappelais hier soir, les choix que définit le
projet de loi 69 ne sont pas des choix de dernière heure. Ils ne sont
pas des choix qui comportent quelque source d'étonnement que ce soit
pour l'Opposition. Ces choix furent clairement définis par le
gouvernement dès le dépôt des crédits
budgétaires de l'année 1990-1991, le 28 mars dernier, dans cette
Chambre. Dès ce jour, le président du Conseil du trésor
faisait connaître, par les crédits, la décision qu'avait
prise alors le gouvernement d'autoriser les commissions scolaires à
puiser des revenus additionnels à même l'impôt foncier, de
manière à permettre au gouvernement de réduire les
subventions de fonctionnement ou d'équilibre budgétaire qu'il
octroie à chaque année aux commissions scolaires.
Ce choix avait été dicté au gouvernement par un
ensemble de facteurs dont les principaux étaient les suivants. Tout
d'abord, par le jeu des conséquences de la loi 57, adoptée en
1979, les commissions scolaires étaient tombées dans une
dépendance financière de plus en plus grande vis-à-vis du
gouvernement. Autrefois, les commissions scolaires retiraient la
majorité de leurs revenus de l'impôt foncier, mais, depuis
l'adoption de la loi 57, en 1979, la part de leurs revenus qui leur provient de
subventions gouvernementales n'avait cessé d'augmenter au point qu'elle
atteignait, ces dernières années, 92 % ou 93 %. La portion
congrue qu'on leur avait laissée au titre de l'impôt foncier
n'avait pas été laissée parce que le gouvernement croyait
à la nécessité ou à l'opportunité d'une
présence des commissions scolaires dans le champ de l'impôt
foncier, mais simplement parce que le gouvernement craignait des
procédures judiciaires qui auraient déclaré
inconstitutionnelle une législation sortant complètement les
commissions scolaires du champ de l'impôt foncier. C'était une
mesure hypocrite, une mesure réductrice, une mesure qui sauvait les
apparences, mais étouffait graduellement la substance.
En outre, la formule de péréquation créée
sous la même loi 57 avait des effets pervers. Elle
procurait des revenus supplémentaires à certaines
commissions scolaires, et d'autres se voyaient privées de revenus alors
que leur richesse n'était pas plus élevée que celle de
leurs voisines. Il fallait vraiment mettre de l'ordre là-dedans.
Ça, c'est la première raison qui a motivé l'intervention
du gouvernement. En second lieu, le gouvernement, en assumant ces charges de
plus en plus lourdes à l'endroit des commissions scolaires, se grevait,
lui aussi, d'obligations qui le privaient d'une marge de manoeuvre
nécessaire pour faire face à ses autres obligations dans tous les
secteurs de l'activité collective. Et le gouvernement a jugé
qu'un certain allégement de sa propre responsabilité
financière à l'endroit des commissions scolaires serait une
mesure saine à prendre dans les circonstances, autant pour les
commissions scolaires que pour la santé des finances publiques. Alors,
voilà l'origine du projet de loi dont l'essentiel fut communiqué,
encore une fois, dès le 28 mars dernier, puis confirmé dans le
discours sur le budget prononcé quelque temps plus tard.
En commission parlementaire, lorsque nous avons étudié les
crédits du ministère de l'Éducation, nous nous sommes
penchés longtemps sur ce problème. L'Opposition nous a
interrogés, comme c'était son droit et son devoir de le faire.
Nous avons fourni dès cette époque les explications pertinentes.
Nous avons continué de cheminer d'explication en explication jusqu'au
dépôt du projet de loi le 15 mai dernier et ensuite, il y a eu les
différentes phases. Et si nous avons dû venir plus rapidement
devant l'Assemblée nationale et interrompre, en conséquence, les
travaux de la commission parlementaire de l'éducation chargée
d'étudier le projet de loi article par article, ce fut parce que nous en
étions venus à la conclusion irréfutable que l'Opposition
s'était jurée d'empêcher l'adoption du projet de loi par le
recours à toutes sortes de manoeuvres dilatoires familières aux
parlementaires d'expérience. Et lorsque nous avons dû faire le
choix, le gouvernement devait faire un choix: soit permettre à
l'Opposition d'empêcher la volonté gouvernementale de se
réaliser en bloquant le projet de loi, soit faire passer au premier plan
la volonté du gouvernement, qui est le reflet de la volonté
librement exprimée de la majorité de la population. Le
gouvernement, acculé à ce choix par les tactiques de
l'Opposition, n'avait pas d'autre option que de retenir celle de l'action
concrète, celle du résultat. Il fallait absolument procurer ces
revenus nouveaux aux commissions scolaires en vue de leur prochain exercice
financier qui commence le 1er juillet de cette année,
c'est-à-dire dans une douzaine de jours. Il fallait également que
le gouvernement puisse disposer de la marge de manoeuvre accrue que lui
apportera la réduction des subventions de fonctionnement aux commissions
scolaires. Voilà, par conséquent, le tableau qui fournit
l'arrière-plan de tout ce projet de loi et qui nous permet de
comprendre, par conséquent, le reste.
En second lieu, je rappelle que, dans le projet de loi 69, contrairement
à ce que nous avons entendu, il n'y a aucun principe qui soit vraiment
nouveau. Déjà, les commissions scolaires étaient
implantées dans le champ de l'impôt foncier. Les
municipalités sont implantées également. Les
municipalités restent implantées dans le champ de l'impôt
foncier, les commissions scolaires également. Mais l'équilibre de
l'implantation de chacune est modifié. Les commissions scolaires se
voient attribuer une part un peu plus large de l'impôt foncier, mais les
municipalités, en retour, ne perdent rien de ce qu'elles occupaient.
Vous allez me dire: Comment ça se fait? Vous donnez à l'un, vous
n'enlevez rien à l'autre. Comment cela se fait-il? L'explication est
bien simple, M. le Président. C'est parce qu'au Québec,
l'impôt foncier est beaucoup moins fortement occupé par les
gouvernements que ce n'est le cas dans les autres provinces canadiennes. Il y
avait une marge ici qui pouvait être occupée, au moins en partie,
par des nouvelles mesures fiscales sans qu'il en résulte un
déséquilibre général pour la fiscalité au
Québec. Et la plus belle preuve que je puisse vous en donner, je la
trouve dans un document que des économistes de l'Union des
municipalités avaient rédigé à l'intention de
celle-ci, dans lequel ils faisaient une analyse des besoins financiers du
gouvernement dont ils reconnaissaient l'acuité, et dans lequel ils
concluaient aussi que, si le gouvernement décidait d'agir de
manière à procurer davantage de ressources aux commissions
scolaires, il le ferait très probablement et très
vraisemblablement par le recours à l'impôt foncier. Par
conséquent, il n'y a rien de nouveau. Le pourcentage de l'impôt
foncier que pourront s'approprier les commissions scolaires est accru, mais les
municipalités ne perdent rien. Les deux pouvoirs locaux restent
solidement implantés dans le champ de l'impôt foncier. De ce point
de vue, je puis affirmer, M. le Président, sans crainte d'être
contredit par qui que ce soit, que le projet de loi 69 n'introduit aucun
principe révolutionnaire dans notre pratique démocratique
québécoise.
En troisième lieu, le projet de loi est une mesure
instituée par le gouvernement pour répondre à des besoins
précis. On a essayé de faire dire au gouvernement que
c'était un premier pas qui serait suivi d'autres pas devant
éventuellement entraîner des ponctions pouvant aller
jusqu'à 1 000 000 000 $, 1 300 000 000 $, 1 500 000 000 $ dans le champ
de l'impôt foncier. J'affirme que, à ma connaissance, il n'est pas
question de mesures de cette nature et que, lorsque le gouvernement voudra
discuter de telles mesures, il le fera dans un esprit de consultation avec ses
partenaires majeurs que sont en ces matières les municipalités et
les commissions scolaires. Je souligne d'ailleurs, tout en déplorant le
climat de malentendu qui a pu
exister pendant quelques semaines, que déjà les choses ont
commencé à se normaliser ces derniers temps, et nous pouvons
envisager la reprise de conversations sérieuses entre les
municipalités, les commissions scolaires et le gouvernement en vue d'une
définition des champs de responsabilité et d'imposition qui
tiendra compte des besoins de chaque partenaire et qui trouvera sa solution
dans un esprit de conversation.
Le gouvernement a créé récemment un comité
ministériel chargé d'examiner ces questions, et je suis
très heureux que le premier ministre ait décidé d'inviter
à faire partie de ce comité, qui sera présidé par
mon collègue le ministre des Affaires municipales, le ministre des
Finances, le président du Conseil du trésor et le ministre de
l'Éducation entre autres. Je pense qu'il y a une couple d'autres
collègues qui font partie du comité, mais tous les
collègues dont on prétend qu'ils ne se parleraient point ou qui
n'auraient pas d'intérêt à se retrouver ensemble se
retrouveront ensemble à cette table ministérielle dont la
première réunion doit avoir lieu dès demain. De ce point
de vue, je pense que nous rétablirons un climat de collaboration qui est
absolument nécessaire. Je veux affirmer, en ce qui me touche, mon
très grand respect pour les institutions municipales.
Comme vous le savez, M. le Président, j'ai l'honneur de compter
dans ma propre famille un frère qui est maire d'une des plus grandes
villes du Québec depuis maintenant 28 ans. On ne tolérerait pas
dans ma famille la moindre attitude de manque de respect envers les
municipalités. Je peux vous assurer que les liens d'amitié, de
respect familial qui nous unissent m'ont beaucoup aidé à
comprendre au cours des années l'importance des fonctions que
vous-même, M. le Président, avez exercées longtemps
à titre de maire d'une municipalité de très grande
importance également. Alors, soyez assuré que cette attitude est
celle de tous mes collègues du gouvernement et que nous entendons
démontrer, par notre comportement pratique, notre attitude à
transiger ces questions avec les élus, autant du monde municipal que du
monde scolaire. Et la différence qui caractérise l'attitude du
gouvernement, c'est qu'il veut que les trois partenaires soient
présents, et non pas seulement deux. La racine des problèmes
auxquels nous apportons des éléments de solution avec le projet
de loi 69, c'est le caractère incomplet de la démarche faite en
1979, alors qu'on laissait complètement de côté les
commissions scolaires. Nous autres, nous les avons remises dans le paysage, et
maintenant c'est un paysage à trois, puis c'est dans ce paysage, dans ce
cadre que nous devrons trouver demain les solutions aux problèmes
d'aujourd'hui. (15 h 20)
En quatrième lieu, j'ajoute que, en plus de faire en sorte que
chaque commission scolaire devra trouver une portion accrue de ses revenus dans
l'impôt foncier, le projet de loi 69 institue une nouvelle formule de
péréquation qui produira des résultats plus justes et plus
équitables pour toutes les commissions scolaires que la formule
actuelle. La formule actuelle a prouvé - on en a fait la
démonstration à d'innombrables reprises - des effets pervers qui
créaient des situations vraiment inéquitables d'une commission
scolaire à l'autre. Grâce au jeu combiné de l'impôt
foncier comme nous l'avons aménagé dans la loi 69 et de la
formule de péréquation renouvelée qui est définie
dans le projet de loi 69, chaque commission scolaire se verra garantir, pour la
gestion de ses équipements matériels, de ses équipements
immobiliers, un montant annuel de base qui variera de 500 $ à 600 $ par
élève admissible par année. Quand on regarde la
manière dont ces revenus seront partagés entre les commissions
scolaires, on fait des constatations très intéressantes. Tout
d'abord, on constate que les commissions scolaires plus populeuses et plus
riches seront celles qui se verront attribuer le montant de base le plus
faible. Les commissions scolaires de l'île de Montréal, par
exemple, se verront garantir un montant de base d'à peu près 505
$ par élève admissible tandis que les commissions scolaires de
l'Abftibi, qui sont plus pauvres, qui ont une clientèle moins nombreuse
et qui doivent desservir la population sur un territoire beaucoup plus vaste,
se verront attribuer pour le même objet, la gestion des
équipements immobiliers, des montants de base pouvant graviter de 550
$à600 $.
J'écoutais parler hier le député d'Ungava et je
pensais à la commission scolaire du Nouveau-Québec. Celle-ci se
verra attribuer un montant de base de l'ordre de 600 $. Ça, ça
tient compte des disparités qui existent d'un territoire à
l'autre, et je pense qu'avec ce système, nous aurons d'un bout à
l'autre du territoire une garantie offerte à chaque commission scolaire
quant aux ressources dont elle pourra disposer pour s'occuper convenablement de
ses équipements immobiliers.
J'entendais le député d'Abitibi-Ouest nous dire: La
péréquation, on n'en veut plus; c'est la nouvelle
Saint-Vincent-de-Paul moderne. Je lui demande ce qu'il veut à la place.
Qu'est-ce qu'il veut à la place? Il veut des subventions directes du
gouvernement. C'est la même chose. C'est la même chose. Nous
autres, nous voulons la responsabilité des élus locaux. Nous
voulons qu'ils aillent chercher au plan local au moins une modeste partie de
l'argent public qu'ils seront appelés à dépenser. Ils ont
un mandat d'élus du peuple et vous voudriez qu'ils dépendent
entièrement de la manne qui vient de Québec. Ce n'est pas notre
conception. Nous reconnaissons que l'éducation est une
responsabilité publique. Nous reconnaissons qu'elle est une
responsabilité de la société politique, mais nous refusons
de considérer qu'est seul synonyme de la société politique
de l'État québécois. L'État municipal, c'est aussi
la société politique. La commission
scolaire, c'est aussi la société politique, et il s'agit
d'aménager les responsabilités de manière que chaque
palier de responsabilité dans ce grand tout qu'est la
société politique occupe sa place, pas seulement au point de vue
des choses qu'il reçoit de l'autre, mais au point de vue des
responsabilités qu'il est capable d'assumer directement. Ça,
c'est une différence profonde de conception entre l'Opposition et le
gouvernement actuel qui s'est manifestée dans le débat, et je
vais donner une conséquence de la position que défend
l'Opposition. On l'entend souvent se gausser de son intérêt pour
les commissions scolaires, de son désir de les défendre. J'ai
écouté les discours hier. J'ai constaté qu'il y en a
plusieurs qui voudraient que l'éducation soit financée
entièrement par l'État québécois. Il y en a qui
l'ont dit hier. Plusieurs l'ont dit. Plusieurs l'ont dit. Mais la
conséquence... Puis, un de vos porte-parole a dit hier: Si nous avons
mis dans la loi 57 les petits 6 % de dépenses admissibles, c'est parce
que nous ne voulions pas avoir d'ennuis avec les tribunaux; autrement, il n'y
aurait rien eu. C'est ce que m'ont dit des gens qui étaient parmi les
auteurs de cette loi-là. À ce moment-là, s'il n'y a plus
de pouvoir fiscal pour les commissions scolaires, la prochaine étape -
nous le savons tous, vous l'aviez inscrite dans des documents du gouvernement,
il y a quelques années - c'aurait été l'abolition des
gouvernements scolaires, leur absorption par les gouvernements municipaux.
Ça, nous n'en voulons pas au Québec. Nous avons une tradition
bipolaire en matière de structure locale: d'un côté, des
corps démocratiques élus par les citoyens pour diriger les
affaires municipales et, de l'autre côté, des corps
démocratiques également élus par les citoyens pour diriger
les affaires scolaires. Et un corollaire de cette position, c'est que les
élus scolaires doivent avoir une certaine marge de
responsabilités en matière fiscale. Voilà, M. le
Président, un élément très important qui
sépare le gouvernement de l'Opposition, et je suis prêt à
défendre la position gouvernementale avec fermeté, et
longtemps.
Une voix: Bravo!
M. Ryan: On a dit que le projet de loi 69 invite les commissions
scolaires à accepter quatre trente-sous pour une piastre. On a dit: Vous
leur donnez quatre trente-sous, puis, en retour, vous leur arrachez un dollar.
Ce n'est pas vrai. Il y a une partie d'échange dans la loi - personne ne
cherchait à le cacher. Nous avons dit aux commissions scolaires:
Dorénavant, vous prendrez la responsabilité financière de
vos équipements immobiliers. Entre parenthèses, il n'y a pas de
changement de fond là-dessus; elles l'ont toujours eue, la
responsabilité de leurs équipements immobiliers. Elles continuent
de l'avoir. Mais nous leur disons: Vous allez la financer différemment,
vous allez en financer une bonne partie avec la taxation, et l'autre partie
viendra de la péréquation. Mais je vous dis là-dessus
qu'en plus de cet échange, il découlera de l'adoption du projet
de loi 69 une marge de manoeuvre accrue de plus de 40 000 000 $ pour les
commissions scolaires. Ça, c'est de l'argent frais qui vient s'injecter
dans le système pour fournir un niveau de ressources accrues aux
commissions scolaires. On fait des gorges chaudes avec 40 000 000 $. On dit: Ce
n'est rien, ça, 40 000 000 $. Mais, je regrette, là, quelqu'un
qui a été appelé à gérer les affaires
scolaires depuis quelques années est en mesure d'affirmer que c'est
beaucoup, dans le contexte de restrictions budgétaires extrêmement
sévères dans lequel le gouvernement est appelé à
prendre ses décisions d'ordre financier et administratif. N'oubliez pas:
40 000 000 $ de marge additionnelle. Et j'ai fait les calculs, M. le
Président, pour savoir où ira cette marge de manoeuvre accrue qui
est accordée aux commissions scolaires. Elle va aller surtout dans les
régions les moins favorisées du Québec, dans les
régions qui en ont davantage besoin, par le mécanisme de la
péréquation améliorée que nous mettons de
l'avant.
Je pense qu'il y a raison d'être fier d'un mécanisme comme
celui-là, qui permettra de répartir les ressources à
travers le territoire du Québec d'une façon qui permettra
à chaque commission scolaire de maintenir ses équipements
immobiliers en bon état. Et j'ajoute une chose: Nous faisons ce
transfert de responsabilités à un moment où nous nous
sommes d'abord assurés de l'excellente qualité du parc scolaire.
J'ai entendu des porte-parole municipaux dire: On sait bien, les écoles,
c'est tout délabré aujourd'hui, c'est dans un état
abandonné, puis le gouvernement en profite pour se débarrasser de
cette responsabilité et la transférer aux commissions scolaires.
M. le Président, ce n'est pas la réalité que je connais.
Nous avons fait un inventaire, au ministère de l'Éducation, avant
de procéder à des changements comme celui-là, nous avons
établi un bilan de la qualité de nos écoles à
travers tout le Québec. Nous avons 3700 immeubles scolaires à
travers le Québec et, sur ces 3700, à la suite d'un inventaire
détaillé que nous avons fait de chaque immeuble, nous en arrivons
à la constatation qu'à peine 150 ont besoin de réparations
importantes. Les autres sont tous dans un état qui peut être
considéré soit comme excellent, soit comme satisfaisant. Bien,
c'est formidable! Par conséquent, ce que nous mettons entre les mains
des commissions scolaires aujourd'hui, ce n'est pas un héritage
frauduleux, c'est un héritage d'excellente qualité qu'elles ont
contribué à bâtir avec le gouvernement. Et j'espère
que cet esprit de partenariat dans lequel nous avons construit cet inventaire
extrêmement intéressant d'actifs que représentent les
immeubles des commissions scolaires, j'espère que nous pourrons
continuer à le maintenir en bon état et à
l'améliorer dans l'avenir, parce que c'est l'un
des grands actifs dont dispose la société
québécoise. j'ajoute un autre élément. aucune
commission scolaire ne sera perdante à la suite des modifications qui
découleront de l'entrée en vigueur du projet de loi 69. il y a
des commissions scolaires qui m'ont écrit. j'en rencontrais une,
dimanche, dont les dirigeants m'ont dit: c'est bien beau, votre affaire, mais,
nous, nous perdons de l'argent. et je venais justement de faire ma
correspondance, le matin, j'avais répondu à cette commission
scolaire qui m'avait envoyé sa résolution. j'ai dit: je vous ai
répondu ce matin pour vous dire que votre conclusion est fausse, parce
que les chiffres sur lesquels elle s'appuie ne sont pas fondés. et j'ai
vérifié le cas de cette commission scolaire depuis le
début de la semaine et elle va finir avec une marge de manoeuvre
additionnelle de 250 000 $. (15 h 30)
Alors, quand on fait les calculs, là, en tenant compte de toutes
les données, j'affirme, en ma position de porte-parole du gouvernement
dans ce dossier, que chaque commission scolaire bénéficiera de
ressources autonomes accrues à la suite de l'entrée en vigueur du
projet de loi. Et nous avons prévu un système de compensation
transitoire en vertu duquel toute commission scolaire obtiendra un
accroissement minimum de 5 % de ses revenus autonomes à la faveur des
changements que nous introduisons. Par conséquent, il n'y a pas de
perdant à ce jeu-là. Il y a des commissions scolaires qui se
verront dotées d'une marge plus confortable parce qu'elles
n'étaient pas traitées en conformité avec leurs besoins
auparavant. Il y en a d'autres, qui ont une base de taxation moins riche, qui
devront compter davantage sur la péréquation. Mais toutes ces
dimensions du problème ont été considérées
de la façon la plus responsable possible par les auteurs du projet de
loi.
J'ajoute un autre point, M. le Président. Il y a urgence à
adopter ce projet de loi pour les raisons que j'ai mentionnées au
début de mon intervention d'aujourd'hui. D'un côté,
l'année budgétaire des commissions scolaires commence le 1er
juillet, c'est-à-dire dans 12 jours. Elles auront besoin, pour boucler
leur budget... Vous savez comment ça fonctionne. Les commissions
scolaires doivent adopter leur budget avant le 1er juillet et le soumettre
ensuite à l'approbation du ministre à Québec. Comment
voulez-vous qu'elles adoptent leur budget si le projet de loi n'est pas
adopté ici, s'il y a un trou de 320 000 000 $ dans le financement des
commissions scolaires, dans les revenus des commissions scolaires pour la
prochaine année? L'Opposition nous accuserait d'irresponsabilité
si nous agissions de la sorte. D'autre part, les calculs des états
financiers du gouvernement pour la présente année ont
été établis de telle manière que le gouvernement
pourra réduire ses subventions de 191 000 000 $ à l'endroit des
commissions scolai- res. Si le projet de loi n'était pas accepté,
le gouvernement aurait un problème, les commissions scolaires
également. Nous avons fait les calculs dans une perspective tout
à fait différente, une perspective de responsabilité. Je
pense que ceci milite en faveur de l'action que s'apprête à poser
le gouvernement.
On a dit: Le gouvernement se désiste de ses
responsabilités. Le gouvernement avait pris sur ses épaules la
charge de l'éducation depuis les temps de la Révolution
tranquille. Maintenant, nous assistons au désistement progressif du
gouvernement en matière d'éducation.
M. le Président, si le gouvernement avait voulu se
désister de ses responsabilités, est-ce qu'il aurait
injecté, il y a quelques mois à peine, 55 000 000 $ de plus dans
les bases de financement des universités? Est-ce qu'il aurait pleinement
indexé les dépenses autres que les salaires aux trois niveaux du
système d'enseignement pour la présente année? Est-ce
qu'il aurait signé avec les enseignants du secteur primaire et
secondaire des conventions collectives qui permettront d'alléger
considérablement, dans certains cas, la charge de travail des
enseignants, de créer des conditions plus favorables pour les
enseignants qui enseignent en première année, par exemple, en
diminuant de deux unités le nombre d'élèves moyen d'une
classe de première année, ce qui entraîne des coûts
pour le gouvernement d'à peu près 15 000 000 $ à 16 000
000 $ par année? Est-ce que le gouvernement, s'il n'avait pas
été intéressé à continuer de s'engager dans
l'éducation, aurait pris des mesures comme celles-là? Je pourrais
donner l'augmentation énorme des budgets d'investissements, des budgets
de construction et d'agrandissement d'écoles depuis trois ans. Nous
avons presque triplé les budgets consacrés aux immobilisations
scolaires depuis quelques années. Et je ne connais pas de
député dans cette Chambre dont le comté n'ait pas
bénéficié des décisions du gouvernement en cette
matière, qu'il soit du côté de l'Opposition ou du
gouvernement. J'étais récemment dans le comté de
L'Assomption, en compagnie du chef de l'Opposition, et encore une fois nous
avons annoncé une construction d'école nouvelle. C'était
la cinquième fois depuis le début du mandat du gouvernement que
nous accordions une nouvelle école dans le comté que
représente le député de L'Assomption. Et nous l'avons
accordée sans égard aux considérations de politique
partisane. Et j'en suis très fier.
Le gouvernement qui voudrait se désister agirait-il de la sorte?
Voyons-donc! Je pense que poser la question, c'est y répondre. M. le
Président, le gouvernement consacrera cette année à
l'éducation des sommes totales de 9 400 000 000 $. Les sommes qui seront
soustraites des subventions aux commissions scolaires représentent 191
000 000 $; 191 000 000 $ sur 9 400 000 000 $, je vous laisse le soin de faire
le pourcentage, je pense que c'est à peu près
2 %. Je ne l'ai pas fait avec ma calculatrice, mais c'est un pourcentage
infime. Pensez-vous qu'on peut tirer parti d'une mesure très
limitée comme celle-là pour en tirer des conclusions
générales qui autoriseraient un jugement global sur l'engagement
et la performance du gouvernement? Je pense qu'il suffit de poser la question
pour y répondre. Ce que dit le gouvernement, cependant, et ça, je
le répète avec force, si lui est disposé de son
côté à maintenir son engagement dans l'éducation, il
ne veut plus que tout soit gratuit, comme ça a été le cas
autrefois. Il veut qu'il y ait une certaine participation des citoyens. Et
quand on met une taxation foncière un petit peu plus substantielle au
plan local, ça servira à rappeler aux citoyens qu'il n'y a rien
de vraiment gratuit dans une société, que tout se paie au bout de
la ligne. Il y en a qui pensent qu'on peut payer en s'endettant
continuellement. C'est l'héritage que nous a laissé le Parti
québécois de ses neuf années de passage au gouvernement,
mais nous autres, nous avons dû conclure. Nous sommes obligés,
aujourd'hui, de consacrer 15 % des recettes de l'État, des recettes
directes de l'État, à payer l'intérêt sur la dette,
mais ces 15 %, qui représentent au bas mot 4 000 000 000 $ par
année, nous ne les avons pas pour les écoles, nous ne les avons
pas pour les hôpitaux et les routes non plus.
Il faut mettre de la santé dans les finances de l'État de
manière que notre marge de manoeuvre soit plus grande. On va mettre de
la santé en disant aux citoyens: Vous allez participer un petit peu plus
et vous n'en mourrez point. C'est ce que nous avons fait pour les études
universitaires. Nous avons dit aux étudiants d'universités: Les
études que vous faites à l'université coûtent
à la société près de 9000 $ par année par
étudiant. Ils étaient appelés à payer 540 $?
Nous leur avons dit: Sur une base de deux ans, vous allez payer 700 $ de plus.
Ça va mettre ça à 1240 $. Le coût des études,
à ce moment-là, sera probablement rendu à 9500 $ ou 9600
$. Ça veut dire 8 sur 9600 $, divisé par 12, ça fait un
huitième. Ils seront appelés à payer un huitième du
coût de leurs études universitaires, et qui va
bénéficier principalement de ces études quand ils les
auront terminées? D'abord, les étudiants eux-mêmes qui
deviendront des professionnels, des hommes d'affaires, des entrepreneurs
capables de gagner leur vie honorablement et nous en serons très heureux
pour eux, mais nous leur disons: Vous allez apprendre tôt l'école
de la responsabilité, vous allez fréquenter cette
école-là, nous allons la fréquenter tous ensemble et nous
aurons peut-être une société dont la population sera moins
appelée ou encline à regarder toujours uniquement du
côté du gouvernement qui est à Québec et dont elle
sera davantage encline à prendre une part de responsabilités sur
ses épaules.
Nous voulons, M. le Président, construire une
société où le partage des responsabilités soit
équitable et bien proportionné entre les différents
niveaux d'intervention, entre les différentes formes que revêt
notre société politique, entre les différents milieux
sociaux, entre les citoyens, selon la condition et la capacité de payer
de chacun. Nous reconnaissons que la responsabilité principale, majeure
doit demeurer à l'État québécois, nous ne le
contestons pas, mais nous voulons qu'il y ait une
complémentarité, de manière qu'après avoir
parlé de droits et de libertés de manière presque
unilatérale pendant 20 et 25 ans, nous réapprenions le langage de
la complémentarité entre liberté et
responsabilité.
C'est quand ces deux dimensions se rencontrent dans des conduites
librement acceptées par la population qu'on a une société
forte, une société dynamique, une société qui, au
lieu de bâtir des barrières qui vont l'empêcher de subir
l'influence des autres, va ouvrir les barrières pour accepter la
compétition avec les autres, accepter de se mesurer avec ce qu'il y a de
vivant et de fort dans le monde pour devenir elle-même plus vivante et
plus forte.
Voilà le message qui se dégage de la proposition
gouvernementale, M. le Président, et j'espère que la Chambre
voudra l'accepter.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le
député d'Abitibi-Ouest.
M. Gendron: Oui. Question de règlement, M. le
Président, en vertu des articles 66 et 69, très rapidement.
L'article 66 dit: Toute violation des droits ou privilèges de
l'Assemblée ou de l'un de ses membres peut être signalée
à l'Assemblée." Et l'article 69 dit ceci: "Le
député qui constate une violation de droit ou de privilège
peut la signaler tout de suite après le fait." J'ai eu la
délicatesse d'attendre la fin du discours. Contrairement à ce
qu'a prétendu le ministre de l'Éducation en disant: "Le
député d'Abitibi-Ouest s'est érigé en
défenseur des municipalités alors qu'il a voulu les sortir du
champ foncier", c'est faux. Je n'ai jamais dit ça. Je n'ai jamais tenu
ces propos-là à aucun endroit. C'est pour ça que je
voulais corriger les faits tout de suite. J'ai été sûrement
mal cité. Le député d'Abitibi-Ouest n'a jamais tenu de
tels propos. Le député d'Abitibi-Ouest a toujours dit: Restaurons
les 6 %, corrigeons la formule de péréquation et on n'aurait
même pas à discuter du débat qu'on discute. C'est
ça, les propos que j'ai tenus. (15 h 40)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du
gouvernement, sur la question de règlement.
M. Lefebvre: Le leader adjoint de l'Opposition soulève une
question de règlement qui n'en est, de toute évidence, pas une.
Il pourra toujours, à l'occasion d'une autre intervention, corriger,
s'il y a lieu et s'il le pense, le ministre, et s'il prétend qu'il a
été mal cité par un
journaliste, c'est prévu à l'article 71. Ce n'est pas une
question de privilège, c'est une question de fait personnel, M. le
Président. Évidemment, le message est passé, mais ce
n'était pas une question de privilège.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous
plaît.
M. Gendron: À la page 22 de notre règlement, et ce
n'est pas mon problème si le leader adjoint n'a pas assez
d'expérience: Interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou un fait personnel. Et il y a deux dispositions. Il y en a
une où on le signale par écrit. Ça, ce sont les article 71
et suivants. Ce n'est pas sur ça que je me suis basé, moi. J'ai
rétabli des faits sur des propos tenus par l'intervenant qui venait de
les faire. La règle veut qu'on attende qu'il ait terminé ses
propos, et l'article 69 dit: "Le député qui constate une
violation de droit ou privilège peut la signaler tout de suite
après le fait." La violation de privilège, en ce qui me concerne,
c'est d'avoir dit, en parlant du député d'Abitibi-Ouest: II s'est
érigé, comme critique de l'Opposition, comme défenseur des
commissions scolaires, alors qu'il voulait les sortir complètement. Je
l'ai entendu. On fera sortir les gâtées. Je n'ai jamais
prononcé de tels propos. J'ai dit: Laissons-les là, mais
corrigeons la formule qui est inadéquate au fil des ans, corrigeons la
formule de la péréquation, et on n'aurait même pas le
débat qu'on a là.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
je suis prêt à... M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: Si le député d'Abitibi-Ouest, M. le
Président, ne comprend pas la différence entre une question de
privilège et une contradiction entre deux parlementaires, ce n'est pas
mon problème. Les articles 68 et 69 traitent spécifiquement des
questions de privilège, lorsque les droits, les privilèges d'un
parlementaire ont été violés. Qu'il ne soit pas d'accord
avec les propos tenus par le ministre de l'Éducation, ça ne lui
permet pas, ça ne lui donne pas le droit de soumettre une question de
privilège en vertu des articles 66 et 69. Il y aura...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, s'il vous
plaît, évidemment, il ne s'agit pas d'une question de
privilège, en vertu des articles du règlement, mais, par contre,
M. le député, vous aurez l'occasion d'intervenir, si vous voulez,
à la faveur du débat, pour faire valoir votre point de vue. Et je
cède la parole au chef...
M. Gendron:... M. le Président, très court.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très court, M. le
leader adjoint de l'Opposition.
M. Gendron: M. le Président, vous dites qu'il ne s'agit
pas d'une question de privilège. J'ai le même avis que vous.
Alors, ce n'est pas là-dessus que je vous demande de vous prononcer, il
m'apparaît que c'est important de vous prononcer, vous êtes
président de cette Chambre. J'ai dit: Moi, je soulève une
question de fait personnel, et, en vertu des articles 66 et 69, c'est
très clair que c'est une question de fait personnel. Je n'ai jamais
parié de question de privilège. Ce n'est pas parce que, dans une
phrase, on lie deux éléments...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, si vous avez une question de fait personnel, vous devez,
selon le règlement, donner un avis, demain, une heure avant
Une voix: Une question de privilège.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question de fait
personnel, M. le député, je peux vous lire l'article si vous
voulez. Est-ce que vous voulez que je vous lise l'article? Non. Alors, je suis
prêt à reconnaître, pour poursuivre le débat, le chef
de l'Opposition officielle. M. le chef de l'Opposition officielle.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, j'interviens dans ce
débat relatif au projet de loi 69, pour des raisons sans doute
compréhensibles. La première fois que je me suis occupé
des règles de financement des commissions scolaires, c'était en
1964, et j'ai été souvent mêlé à
l'établissement de ces règles, depuis ce temps. J'ai
participé d'assez près à la réforme de la
fiscalité municipale, il y a dix ans, et j'ai eu l'occasion de
présider la commission d'enquête sur les municipalités, que
l'Union des municipalités du Québec a constituée en 1987.
C'est dire que j'ai été associé, je pense, d'assez
près, à ces questions, et que je pense être de mon devoir
d'exprimer maintenant, à l'occasion du projet de loi 69, que ce qui se
fait ou que ce que le gouvernement veut faire est une sorte de parodie des
principes de gestion locale qui, graduellement, se sont établies au
Québec avec le fil des années. Et je veux d'abord en
témoigner par le titre même des notes que le ministre de
l'Éducation a eues en cette Chambre le 7 juin. Le titre de ces notes, au
sujet de la loi 69, c'est: Un pas majeur vers la responsabilisation des
commissions scolaires. Je veux établir, M. le Président, que
s'appuyer sur ce projet de loi pour parler de responsabilisation des
commissions scolaires est, et je pèse mes mots, de la foutaise, du
camouflage. Ce que le gouvernement - et je vais essayer de le démontrer
et longuement - cherche à faire, c'est augmenter les taxes au
Québec, et ça n'a pas grand-chose à voir avec la
responsabilisation des commissions scolaires en aucune
espèce de façon. On va y arriver petit à petit
à cette démonstration-là.
Avant, cependant, d'aborder la démonstration, je proteste
à nouveau, M. le Président, contre le bâillon qu'on nous
impose à l'égard de ce projet de loi. Cette opération de
camouflage du gouvernement n'est au fond possible que dans la mesure où
nous n'avons pas la possibilité d'en discuter longuement entre nous.
Plus on en discutait longuement, plus il y avait de chance qu'apparaisse le
camouflage. Ce sont des choses compliquées. Ce ne sont pas
nécessairement des choses évidentes. Et il faut être
capable d'en parler longuement pour que toute la population du Québec se
rende compte du sapin qu'on est en train de lui passer. Mais pour ça, il
fallait être capable d'en parler. Évidemment, le bâillon est
commode.
Je vais d'abord commencer par parler des municipalités et de la
responsabilisation des municipalités, M. le Président. Puis vous
allez voir, on va passer de l'un à l'autre. Mais je pense qu'il est
important que je parle des municipalités pour établir clairement
le contraste qu'il peut y avoir par rapport aux commissions scolaires. Ce que
nous avons tenté de faire, et je pense avec un certain succès il
y a dix ans, c'est ceci. On voulait faire en sorte que les municipalités
du Québec puissent établir aussi étroitement que possible
une adéquation entre les impôts qu'elles prélevaient et les
dépenses qu'elles engageaient, faire en sorte que la majeure partie des
subventions aux municipalités disparaissent, qu'un bon maire ou un bon
conseil municipal, ça ne soit pas des gens qui assurent leurs
concitoyens qui sont venus frapper à toutes les portes de ministres pour
obtenir des subventions, mais que ce soient des élus qui disent à
leur population: Vous voulez un autre aréna, vous voulez dans tel
quartier un réseau d'égout, eh bien, si nous faisons ça,
c'est 0,14 $ de plus sur la taxe municipale par 100 $ d'évaluation. Vous
l'acceptez? Nous le ferons, nous, vos élus. Vous ne le voulez pas? On ne
le fera pas. Ça, c'était de la responsabilisation. Le
gouvernement n'est jamais intervenu pour dire: Voici le taux minimum de
taxation foncière que vous voulez établir ou voici le taux
maximum de taxation foncière que vous voulez établir. On n'a
jamais dit ça dans la réforme fiscale. On a dit: Chaque
municipalité se taxera en fonction des besoins que cette
municipalité veut satisfaire. (15 h 50)
Elle ne veut pas de service de loisirs? Elle n'en aura pas et elle ne
paiera pas pour. Elle se contente d'avoir des fosses septiques et un aqueduc
seulement? C'est son choix. Ils veulent avoir un système chromé
d'aqueduc et d'égout? Ils décideront. Ça, c'était
la responsabilisation. Vous voulez avoir un bon service de bibliothèques
publiques? Parfait! Très bien! Vous déciderez. On voulait qu'un
peu partout les citoyens donnent à leurs élus le mandat des
services qu'ils voulaient avoir.
Évidemment, il y avait des exceptions. Il y a des endroits
où on ne peut pas éviter l'intervention du gouvernement sous
forme de subvention, ou bien à cause de la pauvreté remarquable
de ces régions, ou bien pour des raisons de contraintes purement
physiques. Par exemple - je ne sais pas, moi - si l'Environnement
décrète que toutes les sources d'eau dans une municipalité
sont empoisonnées, là, forcément, on ne peut pas charger
la municipalité toute seule de corriger ça. Il y avait des
exceptions. Mais, dans l'ensemble, le principe demeurait, on reconnaissait que
certaines priorités devaient être appuyées par le
gouvernement. Les subventions, par exemple, continueraient pour
l'épuration des eaux. Toutes seules, les municipalités ne
s'étaient pas décidées à faire des services
d'épuration des eaux; il fallait une priorité gouvernementale de
ce côté. On savait à quel point étaient fragiles
certaines intentions municipales à l'égard des
bibliothèques publiques. Alors, forcément, on avait là des
subventions, en particulier pour l'acquisition de livres par les
bibliothèques publiques, mais c'était relativement peu de chose.
Et, il y a encore deux ou trois ans, 96 % de toutes les dépenses
municipales étaient, grâce à cette réforme de la
fiscalité, assurées par des revenus municipaux: essentiellement,
la taxe foncière et la taxe d'affaires qui est, au fond, une autre
formulation de la taxe foncière, si l'on veut. Ça, c'était
la responsabilisation, ça oui.
Oui, c'est vrai que le système du Québec, tel
qu'établi depuis 1980, a été un objet de curiosité
et ensuite un objet d'admiration de la part de bien d'autres gouvernements en
Amérique du Nord. Nous étions le seul endroit en Amérique
du Nord où l'expression de la démocratie locale jouait pleinement
sur le plan fiscal. Ça a pris du temps pour en arriver là, et ce
n'était pas parfait, je le reconnais. Il y avait encore des choses...
Par exemple, le gouvernement du Québec n'était pas encore un
parfait contribuable. Sans doute, il payait 100 % de ses taxes sur les
évaluations municipales de ses propres immeubles, mais il ne payait que
80 % sur les taxes foncières qu'auraient dû payer les services de
santé et, en particulier, les hôpitaux. Il ne payait, au
départ de la réforme fiscale, que 40 % des taxes qui
étaient payables sur les immeubles scolaires. En dépit de la
récession de 1982, on avait monté ça à 50 %, mais
il y avait encore, bien sûr, du chemin à faire. Elle
n'était pas parfaite, la réforme de la fiscalité
municipale, mais, encore une fois, c'était un virage important, majeur,
dans le sens de constituer de véritables gouvernements locaux au
Québec, où les gens, au fond, définissaient les services
qu'ils voulaient recevoir du palier de gouvernement le plus proche d'eux.
L'évolution des commissions scolaires a été tout
à fait différente, mais tout à fait différente. On
ne peut pas, du côté des commissions scolai-
res, noter, depuis 25 ans, un mouvement de responsabilisation graduelle.
C'a été tout à fait l'inverse, et tout à fait
l'inverse depuis 25 ans. Je veux dire, ça ne date pas d'hier, ça.
Petit à petit, le gouvernement du Québec, dans le cadre de la
Révolution tranquille, a accepté la responsabilité de
l'enseignement au Québec. Peut-être qu'on aurait dû
être plus clairs quant à l'évolution que fes commissions
scolaires suivaient. Peut-être qu'on aurait dû, au fond, à
l'égard des commissions scolaires, être un peu plus serrés
qu'on ne l'a été, parce que tous les gestes que tous les
gouvernements posaient étaient destinés, essentiellement,
à transformer les commissions scolaires en agences de la livraison de
services d'enseignement dont le gouvernement assumait ultimement toute la
responsabilité, y compris la responsabilité
financière.
Ce que je vais essayer de montrer, M. le Président, c'est
qu'à cet égard le projet de loi 69 n'est pas différent, en
dépit des apparences, de tout ce qu'on fait depuis 25 ans. Comment c'a
commencé? Eh bien, je vous rappellerai que, au moment où le
ministère de l'Éducation est créé, en 1962, aucune
obligation n'existe à l'égard des commissions scolaires de
fournir un enseignement qui dépasse la neuvième année. Il
y a des commissions scolaires qui iront plus loin et il y a des commissions
scolaires qui n'iront pas plus loin. Il y a, sur le plan des salaires, des
disparités absolument phénoménales. Dans certaines
commissions scolaires rurales ou éloignées, on paiera à
une institutrice ayant le même salaire, la même expérience
plutôt, et les mêmes diplômes qu'un instituteur à
Montréal, le tiers de son salaire. Pas besoin de vous dire comme c'est
facile de recruter. Il y a des services qui existent à certains endroits
et pas à d'autres. C'est tout ce qu'on veut. et donc, le gouvernement,
dans un premier temps - et là, je vous parle des années 1964,
1965, 1966 - va déterminer des normes de dépenses précises
pour toutes les commissions scolaires, non seulement pour les salaires - avec
ce qu'on a appelé à l'époque le bill 25 - mais pour des
services très particuliers, très spécifiques. on veut que
tous les enfants qui sont à l'école au québec, non
seulement aient le même programme d'étude, mais aient les
mêmes services, quelle que soit la richesse du milieu. on ne veut pas
que, parce qu'une région rurale est relativement pauvre, on ne puisse
pas offrir dans cette région tous les services d'enseignement qu'on peut
recevoir dans des endroits plus riches. ça sera l'essentiel de la
révolution tranquille dans le domaine de l'enseignement. et on dira aux
commissions scolaires: on ne vous croit pas quant à la façon dont
vous allez gérer vos bibliothèques publiques et, donc, dans les
budgets que le gouvernement va vous donner - et là, je cite des chiffres
hypothétiques, je ne me souviens plus exactement de ce que sont les
chiffres - vous aurez 6 $ à mettre par élève dans la
bibliothèque de l'école. Et trois ans plus tard, on ira plus loin
en disant: Ces 6 $, vous les placez à certains moments uniquement dans
le personnel et vous n'achetez rien. Alors, ce sera 3 $ par élève
pour les livres et 3 $ par élève pour le personnel. On cherche
à faire en sorte que les services offerts aux étudiants soient
les mêmes à travers le Québec tout entier. On
considère l'enseignement comme un service public de base qui doit
échapper totalement à des décisions locales qui seraient
basées sur la richesse relative ou l'absence de moyens.
Évidemment, ça devait se traduire dans la
fiscalité. Bien oui, la fiscalité foncière devait
graduellement refléter cet état d'esprit. Alors, qu'est-ce qu'on
a fait? Quand je dis "on", comprenons-nous bien, ce n'est pas seulement le
Parti québécois. Ce que je suis en train de faire comme
évolution s'est appliqué aux libéraux de l'époque,
à l'Union Nationale, aux libéraux à partir de 1970, au
Parti québécois à partir de 1976 et, au fond, sans le dire
aujourd'hui, ils sont en train de suivre exactement cette
évolution-là. Ma démonstration va venir. (16 heures)
Évidemment, ça devait se traduire sur le plan de la taxe
foncière. On ne pouvait pas imaginer, dans la mesure où
l'enseignement est un service public de base, que, d'une commission scolaire
à l'autre, on voie des différences importantes dans le fardeau
fiscal. Si c'est un service de base, il faut que tout le monde y ait
accès aux mêmes conditions. Alors, on a imaginé
l'impôt foncier normalisé pour les commissions scolaires.
Ça, c'était une vraie beauté, M. le Président. Avec
des termes abstraits comme ça, personne n'y comprend rien et ça
donne une petite impression scientifique ou technocratique du meilleur aloi.
Mais voici en quoi ça consistait. Chaque année, le ministre des
Finances de l'un ou l'autre des gouvernements se présentait en cette
Chambre et, à l'occasion du discours sur le budget, disait: Et pour les
commissions scolaires, à partir de cette année, le taux foncier
normalisé sera de 1,40 $ les 100 $ d'évaluation. Et alors
là, tout le monde rentrait dans le rang. Toutes les commissions
scolaires avaient 1,40 $, et il y avait un facteur de normalisation pour leur
rôle d'évaluation, puisqu'on appliquait 1,40 $ les 100 $.
Ça n'avait rien à voir avec la fiscalité foncière.
Ça n'avait pas le moindre rapport avec la responsabilisation des
commissions scolaires. Les commissions scolaires étaient des percepteurs
d'impôts pour le gouvernement. C'est tout. Qu'est-ce que le gouvernement
faisait? Il voyait combien ça avait rapporté - 1,40 $
d'impôt normalisé dans chacune des commissions scolaires - et la
différence entre les dépenses normalisées dont je parlais
tout à l'heure et les revenus normalisés, on payait cela comme
subvention. C'était tout.
Les commissions scolaires, à cet égard, n'avaient pas
l'ombre, mais pas l'ombre d'une
responsabilisation. Leurs dépenses étaient fixées
par le gouvernement et leurs revenus étaient fixés par le
gouvernement et le gouvernement payait les subventions, la différence
entre les deux. On s'est rendu compte, évidemment au bout d'un certain
temps que, peut-être, le contrôle des dépenses était
un peu trop fort. Et on a commencé à assurer ce qu'on a
appelé la transférabilité; c'est-à-dire que les
commissions scolaires recevaient des subventions et qu'on leur a permis de
faire en sorte, comment dire? de sortir un peu des règles
extrêmement rigides dont je parlais tout à l'heure. Et la
première des règles qui a sauté, ça a
été d'établir tant de dollars pour les livres et tant de
dollars pour les bibliothécaires. On leur a dit: Peut-être que
vous êtes capables de moyenner entre les deux. Et petit à petit,
on leur a donné un peu plus de marge de manoeuvre pour l'affectation des
fonds entre les différents besoins. C'était peut-être un
peu normal. Quand on veut établir un service public,
général, accessible à tous, on est un peu dur en
commençant, et puis, au fur et à mesure que le temps passe, on
donne un peu de flexibilité.
Mais au moment où la réforme fiscale municipale entre en
vigueur en 1980, qu'est-ce qu'on reconnaît à l'égard des
commissions scolaires? On reconnaît à l'égard des
commissions scolaires qu'en pratique, elles n'ont plus la possibilité de
taxer autrement que sur instruction du gouvernement. Elles n'ont plus
l'autorité de taxer, sauf sur instruction du gouvernement. La seule
exception, M. le Président, ce sera ce qu'on appellera le financement
des dépenses inadmissibles. Le terme est bizarre, mais, comme il est
entré dans les moeurs, je me sens forcé de le perpétuer.
Les dépenses inadmissibles au fond, c'étaient des dépenses
hors budget, hors du budget accepté par le gouvernement. Si, par
exemple, une commission scolaire voulait donner des cours de dessin ou des
cours de danse, enfin des choses comme celles-là, elles pouvaient les
donner et se finançait avec une toute petite marge de taxation
foncière au-delà de l'impôt foncier normalisé dont
j'ai parié. Et puisque nous reconnaissons, en 1980, que la taxe
foncière scolaire est en fait un impôt gouvernemental
déguisé, nous acceptons ce principe que nous demande les
municipalités depuis si longtemps: Faites en sorte que les commissions
scolaires évacuent le champ foncier, qu'il n'y ait plus d'impôt
foncier normalisé, que ce soit passé aux municipalités,
que le gouvernement subventionne les commissions scolaires pour la
quasi-totalité de leurs besoins, et nous, les municipalités,
alors, nous pourrons renoncer à toute une série de subventions
gouvernementales et être vraiment responsables de nos dépenses
avec toutes les sources de revenus dont nous avons besoin. C'a
été ça, l'assise de la réforme de 1980.
C'était plein de bon sens. Ça reconnaissait des choses
claires. Les commissions scolaires savaient que l'essentiel de leurs revenus
viendrait de subventions gouvernementales. Elles avaient toujours une petite
marge de fiscalité foncière disponible pour les dépenses
inadmissibles dont je parlais, mais c'était petit, c'était
limité à relativement peu de chose. Quand le gouvernement actuel
arrive au pouvoir, il commence, M. le Président, pour financer les
dépenses régulières des commissions scolaires, à
grignoter dans cette toute petite marge d'autonomie dont les commissions
scolaires disposent. L'impôt foncier scolaire autonome des commissions
scolaires pour payer les dépenses inadmissibles, pour payer les cours de
dessin, les cours de danse et les cours de musique. Le gouvernement, par ses
compressions budgétaires à l'égard des commissions
scolaires - et la vis tourne depuis 1985 - a commencé à forcer
les commissions scolaires à se servir de cette petite marge d'autonomie
qu'elles avaient pour payer l'huile à chauffage et
l'électricité. Ça, c'a été sa
décision.
En fait, jusqu'à très récemment, les commissions
scolaires, ne nous faisons pas d'illusion, ont eu moins de marge de manoeuvre
que dans les années où nous avons établi la réforme
de la fiscalité municipale et où nous avions la décence de
laisser aux commissions scolaires la petite marge qu'on leur avait
concédée. Alors on a assisté, depuis un an, un an et demi,
à une sorte de révolte des commissions scolaires. L'essentiel de
l'argumentation des commissions scolaires - et il faut la comprendre pour
comprendre tout le sens de la loi 69 - c'était: Est-ce qu'on ne pourrait
pas, puisque le gouvernement, pour des dépenses régulières
d'éducation, vient grignoter notre toute petite marge de
prélèvement foncier autonome dont on se sert pour payer les
dépenses inadmissibles, puisqu'il vient grignoter ça, est-ce que,
notre petite marge, il ne pourrait pas l'agrandir un peu? Je les comprends.
Puisque le gouvernement venait leur siphonner le peu d'argent autonome qu'ils
avaient, bien, ils ont demandé d'avoir un peu plus de marge autonome.
Ça a fait réfléchir le gouvernement.
Et là, à partir de ce moment, M. le Président,
apparaît la plus étonnante job de camouflage qu'on puisse
imaginer. Les commissions scolaires en ont eu pas mal plus qu'elles pensaient
en avoir. Jamais les commissions scolaires, dans leurs rêves les plus
fous il y a un an et demi, pouvaient s'imaginer un instant que le gouvernement
leur transférerait un pouvoir de taxation beaucoup plus
élevé pour payer des dépenses régulières.
Eux, ce qu'ils demandaient, c'est de la marge de manoeuvre pour ce qui vient en
excédent du budget ordinaire. Le gouvernement leur a fourni, pas une
marge de manoeuvre, une marge de taxation beaucoup plus considérable en
leur disant: Et avec ça, vous allez voir ce qui va vous arriver, des
dépenses que le gouvernement payait jusqu'à maintenant, c'est
vous qui allez les payer. (16 h 10)
Et on comprend, à l'heure actuelle, que les commissions scolaires
se demandent encore ce qui les a frappées. La lettre de M. Guy D'Anjou,
le président général de la Fédération des
commissions scolaires, du 11 juin 1990, pas 1890 là, 1990, il faut la
voir cette lettre-là. Mais, le pauvre homme, il se rend compte qu'il a
joué à l'apprenti sorcier. Il voulait un peu plus de marge
autonome, puis il se retrouve avec pas mal plus de taxation qui va servir
à payer l'entretien des immeubles. Et je pense, j'espère que la
leçon durera un certain temps, ce qui démontre que, quand un
corps public supplie un gouvernement de lui donner le pouvoir de taxer, il faut
toujours qu'il y aille avec une certaine prudence, parce qu'un gouvernement lui
donnera non seulement le pouvoir de taxer à sa place, mais bien plus
qu'il n'en demandait.
Moi, je n'ai jamais vu ça, un corps public qui supplie le
gouvernement: Donnez-nous le pouvoir de taxer. Et il l'a eu, le pouvoir de
taxer, pas mal plus fort qu'il pensait. Les grenouilles qui voulaient un roi,
je ne sais pas. Mais il y a une leçon à tirer de ça.
Jamais demander au gouvernement le droit de taxer à sa place. Avis
à tous les intéressés. Demandez jamais ça à
un ministre des Finances: Voudriez-vous que je taxe à votre place? La
réponse vient tout de suite. Oui.
Quoi qu'il en soit, l'Union des municipalités, voyant que les
commissions scolaires demandaient un peu plus de marge de manoeuvre pour leurs
dépenses autonomes, ont pensé faire un geste raisonnable en
disant: C'est vrai qu'on n'aime pas beaucoup que les commissions scolaires
soient dans le champ de la taxation foncière, qui est vraiment la
condition pour nous de fonctionner correctement. Mais enfin, on va faire un
compromis à l'amiable et on va dire au gouvernement qu'on est d'accord
pour que les commissions scolaires aillent chercher 75 000 000 $ de plus en
taxation foncière.
Peut-être que l'Union des municipalités n'aurait pas
dû, dès le départ, faire ce geste de conciliation.
Évidemment, ils n'étaient pas au courant. Personne n'était
au courant de ce décret du gouvernement du 6 novembre 1989. Et
là, vous êtes en face de gens de bonne foi, de commissions
scolaires qui demandent un peu plus de marges de manoeuvre, et l'Union des
municipalités qui dit: Oui, peut-être pas beaucoup, mais un peu
à concurrence de 75 000 000 $. Ils ne savaient pas ce qui avait
été décidé par le gouvernement le 6 novembre 1989.
Et là, finalement, le chat sort du sac et ce n'est pas un chat, c'est un
tigre. Là, nous apprenons que le gouvernement va demander aux
commissions scolaires d'aller chercher 320 000 000 $ de taxes foncières
additionnelles pour payer quoi? Une marge de manoeuvre. Oh, on arrangera
ça par la suite pour que les commissions scolaires puissent penser que,
peut-être, elles auront une petite marge de manoeuvre de 40 000 000 $. Il
faudra voir si jamais ça apparaît cette affaire-là.
Mais ce qu'il y a d'immédiat, c'est que les commissions scolaires
vont aller chercher 320 000 000 $ de taxes foncières pour payer presque
le même montant d'entretien sur les immeubles scolaires, ce qui avait
toujours été assuré jusque là par le gouvernement.
Comment dire, l'opération s'en trouve transformée. Le
gouvernement se dit: J'ai besoin d'argent. Si j'augmente mon déficit,
compte tenu de ce que j'ai dit, il y a bien des gens qui vont rire. Si
j'augmente mes taxes, l'opinion publique va se tourner contre moi. Alors,
qu'est-ce que je pourrais faire? Devenir le défenseur de la
responsabilisation des commissions scolaires, comme le dit le titre des notes
du ministre.
Défenseur d'une nouvelle forme de décentralisation. M. le
Président, est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut avoir l'âme assez
basse pour être contre la décentralisation? Contre la
responsabilisation? Contre l'autonomie locale? Personne ne peut avoir
l'âme assez basse, alors, on se met à jouer avec les images.
Seulement, comme je le disais précédemment, quand on regarde
spécifiquement le projet de loi 69, mais, M. le Président, il n'y
a pas plus de responsabilisation que de beurre en branche. Le système
fonctionne de la façon suivante: Chaque commission scolaire de plus de
1000 élèves aura droit à 500 $ comme montant de base pour
chaque élève; 150 000 $, plus 500 $ par élève, et
toute commission scolaire de moins de 1000 élèves aura droit
à 650 $ par élève comme montant de base. Qu'est-ce que
ça veut dire, ce montant de base? On va prendre le temps de se
l'expliquer, ce qu'on ne peut plus faire en commission, puisqu'on nous a mis le
bâillon. Alors, une commission scolaire pourra, dorénavant, aller
chercher jusqu'à 0,35 $ de taxe foncière par 100 $
d'évaluation. Mais quand je dis "pourra", attention - tintin - pas
"pourra", "devra". Et comment ça va marcher? Bien, imaginons que, dans
une commission scolaire où la matière fiscale est assez
abondante, on arrive à 500 $ par élève, avec 0,32 $ au
lieu de 0,35 $; on s'arrête à 0,32 $. Mais si, en mettant 0,35 $
de taxe additionnelle par 100 $ d'évaluation, on n'arrive pas tout
à fait à 500 $, mettons 475 $, on s'arrête à 0,35 $
et là, le gouvernement met les 25 $ qui manquent. L'impôt foncier
scolaire normalisé! On revient à la situation d'il y a 10 ans, M.
le Président. Le gouvernement détermine la taxe foncière
dans les commissions scolaires, transforme les commissions scolaires en agents
de perception des impôts; c'est tout, purement. Il n'y a pas de
responsabilisation; c'est de la rigolade de parler de responsabilisation.
Voyons!
Est-ce que toutes les commissions scolaires ont vraiment compris ce qui
va leur arriver? Elles vont jusqu'à 0,35 $ ou alors le nombre de cents
que ça prend pour arriver à 500 $. C'est clair, là? Et ce
n'est pas un droit qu'elles ont, ce n'est pas une possibilité qu'elles
ont, elles
doivent le faire. Et tant qu'elles ne l'auront pas fait, elles seront
fautives. Et si les 0,35 $ ne rapportent pas 500 $, ou 650 $ s'il y a moins de
1000 élèves, si les 0,35 $ ne rapportent pas ce qu'il faut,
là, le gouvernement paiera la différence. Grosse économie
de subvention, M. le Président! Grosse économie de subvention! Et
payée comment? Bien, payée en transformant les commissions
scolaires en agents percepteurs; c'est tout, il n'y a rien de plus que
ça. Ce qui permet au gouvernement, dans ces conditions, de
transférer aux commissions scolaires l'entretien des immeubles. Oh!
grosse responsabilisation que l'entretien des immeubles! C'est une forme de
décentralisation très poussée. J'imagine que les
commissions scolaires auront la possibilité de déterminer si, le
samedi, les immeubles doivent être chauffés à 60
degrés Fahrenheit ou à 72°; c'est probablement ça,
leur marge d'autonomie. C'est de ça dont on parle, là? C'est de
la foutaise, ça. À toutes fins pratiques, le gouvernement a
renvoyé toutes les dépenses qu'il va cesser de payer
lui-même, toutes les dépenses d'entretien des immeubles, et dit:
Vous allez financer ça avec des taxes que je vais vous imposer, à
vous, les commissions scolaires; vous aurez à aller les chercher. Eh
bien, voilà! Bravo pour la responsabilisation!
Évidemment, à cette occasion-là, on se trouve
à déplacer une partie du champ foncier hors des mains des
municipalités. Et, M. le Président, pour la responsabilisation du
schéma des municipalités, c'était fondamental, ce champ
foncier. C'est à peu près une des seules sources de revenu dont
disposent les municipalités. On n'a pas idée d'aller siphonner le
champ foncier des municipalités pour une opération de camouflage.
D'une réforme importante au Québec, d'une réforme qui
marchait, on est en train de la compromettre pour que le gouvernement puisse se
dire que ce n'est pas lui qui a augmenté les taxes, ce sont les
commissions scolaires. C'est désolant et c'est pernicieux à cause
de ce que ça représente pour l'avenir. Parce que, vous voyez,
ça, c'est juste un premier pas. (16 h 20)
Pourquoi, à partir du même principe, on n'enverrait pas les
salaires des enseignants dans les commissions scolaires? Entre nous, ce n'est
pas plus difficile comme opération. On dira aux commissions scolaires:
Vous prenez tous les salaires des enseignants et vous allez avoir à
taxer jusqu'à - je lance un chiffre en l'air, comme ça - 1,50 $
par 100 $ d'évaluation. Et si ça ne rapporte pas tant de dollars
par élève, le gouvernement paiera juste la balance. C'est tout.
Pourquoi pas? Qu'est-ce qui va les empêcher? Un gouvernement
préférera inévitablement... On peut même imaginer un
scénario où, à six mois des élections, le
gouvernement annonce une réduction considérable de l'impôt
sur le revenu au Québec avec une augmentation sensationnelle des taxes
foncières scolaires, imposée par lui, mais ça n'a pas
l'air que c'est imposé par lui.
Comprenons-nous bien, nous sommes en pleine foutaise ici, on est en
plein camouflage, on est en pleine rigolade. En fait, ce serait de la rigolade
si ce n'était pas si triste, de prendre un système qui
fonctionnait et de commencer à le détruire. Les Anglais ont un
mot remarquable à cet égard qui se dit: "When it's not broken,
don't fix it." Eh bien, ces messieurs d'en face, M. le Président, sont
en train de démolir un système de fiscalité municipale qui
marche bien, qui fonctionne bien.
Parmi les cinq conditions demandées par l'Union des
municipalités pour reprendre le dialogue avec le gouvernement - les
municipalités qui y tiennent tellement à leur système que
quand le gouvernement a commencé à le leur démolir, elles
ont mis leur drapeau en berne - il y en a une qui est extrêmement
significative. Elles veulent que ces gestes qui découlent du projet de
loi 69, que cette réforme de la fiscalité foncière des
commissions scolaires soit remise sur la table
Québec-municipalités et qu'elle soit révisée.
Extraordinaire que le gouvernement ait dit oui à cette condition. Parce
que vous comprenez à quel point, M. le Président, dire oui
à une telle condition marque à la fois un désarroi
remarquable chez le gouvernement et, d'autre part, une profonde
incohérence. Est-ce qu'on s'imagine un instant qu'un gouvernement va
transférer l'administration de tous les immeubles scolaires pour un an,
histoire de reprendre ça l'année prochaine? Donc, quand le
gouvernement dit "j'accepte que la nouvelle formule de financement scolaire
soit mise sur la table Québec-municipalités", bien, c'est une
farce.
Une voix: Oui, oui.
M. Parizeau: Mais c'est une farce. On ne va pas imaginer qu'un
gouvernement va transférer les immeubles aux commissions scolaires, les
reprendre l'année prochaine, les remettre l'année suivante et les
reprendre six mois avant les élections. Bien voyons! Ce n'est pas comme
ça qu'un gouvernement fonctionne. Mais ça, il aurait fallu
explorer ça, M. le Président. Là, il y a une sorte
d'opposition entre les cinq conditions de l'Union des municipalités,
acceptées par le gouvernement, et, d'autre part, la question de
l'administration des immeubles scolaires. Ce n'est pas compatible, ça.
Est-ce qu'il y a moyen de discuter de ça ici, en Chambre, ou bien de
discuter de ça en commission parlementaire, de faire venir les gens des
commissions scolaires en disant "est-ce que c'a du bon sens de vous envoyer les
immeubles scolaires et de les reprendre au bout d'un an", d'entendre l'Union
des municipalités en disant "qu'est-ce que vous voulez dire exactement
par une de vos cinq conditions qui visent ça"? Il n'y a pas moyen de
discuter de ça. Pourquoi il n'y a pas moyen de discuter de ça, M.
le Président? Bâillon!
L'Opposition connaît trop ces affaires-là. L'Opposition a
eu trop d'appui de bien de ces milieux municipaux, il ne faut pas que ça
s'éternise, ce débat-là. Parce que, au fond, au fur et
à mesure où avancerait ce débat-là, il serait de
plus en plus embarrassant pour le gouvernement. Il apparaîtrait de plus
en plus clairement que le gouvernement s'est imaginé faire une passe et
que ce serait vu graduellement pour ce que c'était: une passe. Alors,
qu'est-ce qu'on fait? On arrête le débat. On dit: Taisez-vous!
Vous comprenez trop bien ce qui se fait. D'autres gens pourraient
peut-être comprendre, taisez-vous. Bien, c'est ça, on nous dit de
nous taire. On nous dit de nous taire, M. le Président, mais il faut
bien comprendre une chose. Qu'un gouvernement prenne les moyens de gouverner en
fonction de ses idées, on ne peut pas le lui reprocher. Si ces
idées-là on ne les partage pas, bien on essaie de faire battre le
gouvernement aux élections qui suivent. En aucune espèce de
façon, je ne voudrais mettre en cause le droit de ce gouvernement
à gouverner. Trop souvent depuis quelques années, il a
été incapable de gouverner, il a été incapable de
se brancher.
Qu'il vienne nous dire, à l'égard des commissions
scolaires: J'ai l'intention d'appuyer leur autonomie parce que je ne crois pas
que l'enseignement doit être considéré comme un service
public de base, je pense qu'il doit y avoir des divergences fondamentales entre
les commissions scolaires quant à la qualité de l'enseignement
qui se donne là-bas, c'est un point de vue. On a déjà vu
exprimer, dans d'autres cas, que, dans des régions relativement riches,
on peut avoir de meilleurs services. Si c'est ça qu'il veut nous dire,
qu'il le dise. Je doute que c'est ça qu'il pense, moi. Mais si
c'était ça qu'il voulait faire, je le comprendrais. Si on disait:
Nous ne pensons pas que les municipalités doivent être
responsables de l'essentiel de leurs dépenses. Nous, on pense, au
gouvernement, qu'on devrait leur donner plus de subventions, qu'elles soient
plus attachées au gouvernement, que les pèlerinages à
Québec, c'est commode sur le plan politique. Il ne faut pas qu'elles
soient trop autonomes. Et donc, on va transférer la matière
fiscale des municipalités pour qu'elles soient moins autonomes et plus
dans la main du gouvernement, et on va donner plus d'autonomie aux commissions
scolaires pour qu'elles puissent avoir des services de nature différente
d'une commission scolaire à l'autre. Si c'était ça leur
point de vue, je leur dirais: Écoutez, vous êtes au gouvernement,
je ne suis pas d'accord avec vous, je vais me battre jusqu'au bout pour que
vous ne soyez pas capable de faire ça, et, si vous le faites quand
même, bien, de toute façon, on se retrouvera aux prochaines
élections.
Mais ce n'est même pas ça, M. le Président. C'est
pas ça du tout. Ce gouvernement-là cache ses hausses de taxes.
Toute l'opération est destinée essentiellement à faire en
sorte de donner l'impression qu'il ne hausse pas les taxes et que ce sont les
commissions scolaires qui vont les hausser. Ces augmentations de taxes par les
commissions scolaires sont déterminées par le gouvernement. Les
montants que chaque commission scolaire va lever à partir de ces taxes
sont déjà connus. Le gouvernement sait combien de subventions il
va avoir à donner. Le gouvernement a décidé de se trouver
des agents percepteurs. C'est commode pour lui et pour son image. Dans cette
remarquable opération cette année, qui consistera pour le
gouvernement à augmenter les taxes et les impôts de 1 200 000 000
$, alors que, dans le discours sur le budget déterminé par le
gouvernement lui-même, il n'y a que 300 000 000 $ d'augmentation de taxes
décrétée par le gouvernement lui-même... Le projet
de loi 69 s'inscrit dans cette opération de camouflage qui consiste
à faire porter 900 000 000 $ d'augmentation de taxes et d'impôts
par d'autres que le gouvernement lui-même.
Et, pour une opération de camouflage comme celle-là, on a
pris le risque de commencer la démolition de la réforme de la
fiscalité municipale qui nous avait tellement bien servis. Et quand je
dis nous, je veux dire tous les Québécois. On avait monté
un système qui faisait l'envie de bien des gens en Amérique du
Nord, qui était tout à fait original. C'est ça qu'on est
en train de démolir pour camoufler le fait que le gouvernement refuse de
prendre la responsabilité d'augmentation de taxes.
C'est pitoyable, M. le Président. C'est pire que pitoyable, c'est
minable. Merci. (16 h 30)
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de
l'Opposition.
M. François Gendron
M. Gendron: Je vous remercie, M. le Président. Je pense
que ça ne peut pas être plus clair. Je remercie
énormément le chef de l'Opposition officielle. J'ai eu
l'occasion, à chacune des étapes, de dire ces choses, mais avec
ce genre de gouvernement qu'on a en face de nous, possesseur de la
vérité tranquille, assis sur sa propre vérité... Et
les parlementaires nous l'ont répété à plusieurs
reprises, je fais encore référence, une phrase, parce que
ça ne vaut pas la peine de faire plus, au député de
Louis-Hébert qui disait: Nous, on a été élus pour
décider. L'Opposition, ça, ce n'est pas notre problème et
on ne veut rien savoir. C'était clair de même, c'est à peu
près tout ce qu'il peut dire et comprendre.
Ce qu'on vient d'illustrer, c'est tellement probant parce qu'on va avoir
du temps encore - toute la nuit - pour expliquer à ces gens-là,
pour la troisième fois, parce qu'on l'a fait à chaque
étape. Lorsqu'on légifère, il faut
vérifier si les deux objectifs poursuivis dans une loi sont
atteints. Le premier, c'était augmenter la marge de manoeuvre des
commissions scolaires. Question: Est-ce que la marge de manoeuvre des
commissions scolaires sera augmentée comme elles le réclamaient?
Réponse: non. Donc, objectif raté. J'entends le ministre dire
oui. On va lire la lettre du président de la Fédération du
11 juin; là, le chef est parti avec, mais ce n'est pas grave, je la sais
par coeur. La lettre du président de la Fédération des
commissions scolaires le disait d'une façon très claire. La
Fédération a envoyé des "telbecs", elle m'a envoyé
une lettre: "M. le critique de l'Opposition officielle en matière
d'éducation, c'est un pas dans la bonne direction, disait-il, mais la
marge de manoeuvre que nous souhaitions avoir n'est pas atteinte." Donc,
même s'il répète ça, c'est faux. Le premier
objectif, la marge de manoeuvre plus grande: Non, il n'y en a pas.
Deuxième objectif: Est-ce que les commissions scolaires seront
plus responsables? Essayer de faire accroire qu'il y a là un principe de
responsabilisation. Ça n'a pas de bon sens. On ne peut avoir de la
responsabilisation quand, en commission, le ministre, au lieu de
répondre à nos questions, au lieu de nous permettre d'entendre
les groupes qui contestaient sa réponse, savez-vous ce qu'il faisait? Il
prenait son cahier qui avait été préparé par son
armée de fonctionnaires et il nous disait: Je suis capable de vous dire
ce que chaque commission scolaire va avoir de plus. Qu'est-ce que ça
signifie, M. le Président? Ça signifie ce que M. Parizeau vient
d'illustrer. Ces montants-là sont fixés et
déterminés dans une loi à l'avance. Il disait: C'est
tellement vrai que ça va être chez vous, M. le
député d'Abitibi-Ouest, que la péréquation va jouer
le plus. Ce que je savais avant de lui poser la question. Je le savais. J'ai
toujours donné comme exemple que, à cause de l'étendue du
territoire, du fait que ce soit des petites communautés locales, c'est
certain que ça va nous donner plus de péréquation. Mais on
ne me fera jamais changer d'idée, vous lirez n'importe quel
dictionnaire, que ce soit Robert, petit Bourassa ou grand Robert, peu importe,
vous lirez dans le dictionnaire; péréquation égale:
corriger une formule qui crée des inégalités. C'est
ça, la définition de la péréquation; c'est
rééquilibrer quelque chose qui ne marchait pas. Alors, oui, on va
recevoir plus de péréquation. Mais essayer de faire accroire au
monde qu'il s'agit là d'un pouvoir de décentralisation, essayer
de faire accroire qu'on va responsabiliser les commissions scolaires davantage,
ça, c'est de la foutaise et il faut le répéter
jusqu'à satiété, parce que ce n'est pas exact. D'autant
plus qu'en plus que ces deux éléments-là ne marchent pas,
il y en a un troisième. Le ministre peut-il déposer en cette
Chambre une lettre de n'importe - je les prends toutes - quelle commission
scolaire - il y en a au-dessus de 200 - ici, en cette Chambre, où une
commission scolaire lui aurait écrit et lui aurait dit: m. le ministre,
on aimerait ça que ce soit nous-mêmes qui soyons responsables de
la gestion de nos équipements scolaires? peut-il nous déposer un
document de la fédération qui réclamait la gestion des
équipements scolaires? il ne peut pas. moi, je le sais qu'il ne peut
pas. là, à ce moment-là, on ne serait pas dans des quarts
de vérité, un huitième de vérité. là,
on pourrait faire des débats de fond. ce n'est pas ça du tout
l'histoire. l'histoire, on l'a expliquée, tous les jeux étaient
faits le 6 novembre par un décret ministériel qui disait:
dorénavant, nous ne sommes pas capables de mettre nos culottes et
certains, ça leur prend une ceinture et des bretelles pour les porter;
donc, on va faire une taxe déguisée. c'est ça qui est
arrivé parce que ça appartient au gouvernement du québec.
j'en profite à ce moment-ci, m. le président, pour corriger les
propos que j'ai toujours eus. les propos que j'ai toujours eus, ça a
été: oui, je suis d'accord que les commissions scolaires aient un
pouvoir de taxation. j'ai toujours dit ça, je ne changerai pas d'avis,
mais pour les fins pour lesquelles il a été créé.
le problème, c'est qu'on oublie que les 6 % ou les 0,25 $ par 100 $
d'évaluation, à partir de 1982, ne jouaient plus la
responsabilité pour laquelle on les a créés dans la
réforme de la fiscalité. et c'est exactement le modèle que
vous avez; c'est exactement comme mon cher et brillant député
ministre régional, le ministre délégué aux mines,
qui est de l'autre côté, là. on avait un régime
d'accréditives qui marchait en abitibi, on avait un taux de
chômage de 6 %, 7 % - on n'avait jamais vu ça, on n'a jamais vu
ça; sincèrement, j'ai 45 ans, je n'avais jamais vu 6 %, 7 % -
pendant trois ans, grâce aux accréditives que m. parizeau avait
instaurées, que le parti québécois avait
instaurées. oui, il y avait des trous dans la formule; oui, il y avait
des faiblesses dans la formule. tous les prospecteurs l'ont dit à chaque
congrès. leurs mémoires disaient: corrigez la formule. savez-vous
ce qu'ils ont fait? ils ont pris le bébé et ils l'ont jeté
avec l'eau du bain. le bébé des accréditives; ils ont
jeté le bébé et l'eau. fini, plus d'accréditives!
le problème: le taux de chômage actuellement en abitibi, 30 %.
allez voir ce qui se passe en abitibi au niveau du développement minier.
on peut bien parler de la loi sur les mines de l'autre côté et,
hier soir, nous faire accroire que c'était la meilleure loi sur les
mines au monde; ça prend du culot pour dire des affaires de même,
mais on a entendu ça. c'est vrai qu'il était, quoi, 6 heures, 7
heures du matin, et il y a peut-être plus de choses permises à ce
moment-là lorsqu'on fonctionne tellement à l'envers. c'est
ça qui est arrivé. dans ce dossier-là, c'est la même
chose. on va essayer de faire accroire, de vendre, de prendre des vessies pour
des lanternes, puis c'est par manque de courage politique, c'est par manque de
responsabilité politique. ce sont des "pelleteux"
de responsabilités, ce sont des "taxeux" dans la cour des autres.
c'est facile de gérer l'état québécois comme
ça. là, ce qu'ils ont fait, au lieu d'assumer leurs
responsabilités éducatives et de corriger les
inconvénients de la formule, parce qu'il y en avait, je le sais... je le
sais, je l'ai toujours dit. les 6 % ne jouaient plus leur rôle. la
péréquation au fil des ans avait créé des
inéquités. il y avait lieu de corriger les
inéquités et il y avait lieu de restaurer les 6 %. ce n'est pas
ça qu'ils ont fart. hypocritement, dans un décret caché,
sans mettre le monde concerné dans le coup, ils ont dit: nous, on a la
vérité et on va leur arriver par la tête. et c'est par la
tête parce que c'est à la fin de mars, début d'avril,
même en mai que les municipalités l'ont appris. à un moment
donné, on a dit: on va les faire asseoir et on va leur faire accroire
que c'est juste 75 000 000 $ qu'on a besoin, 75 000 000 $. et on a
réussi à force de leur tordre le bras, le cou et les oreilles.
les deux unions ont accepté 75 000 000 $. un an, fini; 75 000 000 $; un
an, fini, on est d'accord. mais ce n'est pas ça qui est arrivé,
ce n'est pas ça qui est arrivé. dans la lettre du premier
ministre, m. le chef de l'opposition officielle le relatait tantôt, c'est
ça qui est un peu mensonger, il dit: tout est ouvert, et on va accepter
d'en discuter, sauf que ne revenez pas avec le point de notre décision
sur la fiscalité parce que ça, c'est coulé dans le
béton. je voyais les signes de tête du ministre de
l'éducation qui disait: pensez-vous qu'on aurait fait ça juste
pour un an? parce que le chef de l'opposition officielle le questionnait. il
disait: voyons donc! pensez-vous qu'on va s'amuser avec ça? nous, on est
des gestionnaires; nous, on prend des décisions; c'est définitif;
venez vous asseoir; venez jaser du pacte, mes amis; on va recréer des
liens de grande fraternité et de ci puis de ça. le langage -
là, je ne le qualifierai pas parce que le monde concerné sait
quel genre de langage c'est...
Une voix: Maskinongé.
M. Gendron: Alors, moi, M. le Président, puisque vous me
dites qu'il me reste une minute, c'est sûr que ce n'est pas dans 10
minutes, mais ça fait plusieurs fois que j'ai l'occasion de m'exprimer
là-dessus.
Je dis, en conclusion, qu'on a assisté dans ce dossier-là,
de A à Z, à de l'hypocrisie trompeuse, à des un
seizième de vérité pour ceux qui savent ce que c'est, un
seizième de pouce; ce n'est pas bien, bien large. Et c'est certain que
dans deux, trois ans, dans quatre, cinq ans, on va se ramasser avec la
constatation qu'on est revenus aux années trente avec deux formes de
régime d'éducation: un pour les riches, l'autre pour les pauvres.
Et les pauvres auront droit à la péréquation. Bien moi,
j'ai toujours dit la même chose. La péréquation, c'est du
bien-être déguisé, et des gens responsables n'en veulent
pas. ce qu'ils auraient voulu, c'est un gouvernement responsable, mais
ça n'a pas l'air qu'on va avoir ça encore pour les prochains
mois. merci. (16 h 40)
Le Président: je cède maintenant la parole à
m. le député de gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Les membres de
l'Opposition sont, bien sûr, conscients de la situation difficile des
commissions scolaires. Cependant, tout comme mon collègue
d'Abitibi-Ouest et de la même façon dont l'a exprimé tout
à l'heure le chef de l'Opposition officielle, nous partageons l'intime
conviction que la solution du gouvernement, qui consiste à refiler un
ensemble de nouvelles responsabilités aux commissions scolaires, tout en
réduisant d'autant leurs subventions, en leur permettant
d'accroître leurs revenus par le biais de la taxe foncière,
constitue là, M. le Président, une solution qui fait preuve
d'iniquité et d'injustice.
M. le Président, s'il y a bien une réforme que le Parti
québécois a réussie avec succès, c'est bien le
pacte de la fiscalité municipale. Menée en 1979-1980 par des gens
comme le chef de l'Opposition officielle, par M. Tardif, à
l'époque ministre, et par aussi feu M. René Lévesque,
ancien premier ministre, s'il y a une réforme qui ait été
bien réussie, c'est bien celle-là. Il faut se rappeler que
ça s'est fait dans des circonstances et dans une conjoncture qui
n'étaient pas nécessairement faciles. Les municipalités,
après beaucoup de grincements de dents, avaient accepté de se
départir de la taxe de vente au profit, et moyennant, bien sûr, en
retour, la possibilité de se voir attribuer l'exclusivité du
champ de l'impôt foncier. Mais voilà, M. le Président,
qu'en deux temps, trois mouvements, en raison - et c'est important de le
souligner aussi - des compressions fédérales, comme l'a
souligné le ministre de l'Éducation au lendemain du budget
fédéral, d'une mauvaise conjoncture économique que tous
reconnaîtront et d'une forte croissance des dépenses dans d'autres
secteurs comme celui de la santé et des services sociaux, par exemple,
donc, à cause de cette forte croissance des dépenses, il est
très clair que le gouvernement libéral a décidé, en
catastrophe, de partager le champ de l'impôt foncier entre les
municipalités et les commissions scolaires et d'autoriser celles-ci
à utiliser de 10 % à 15 %, nous dit le projet de loi, de cette
réforme de taxation limitée jusqu'ici à 6 %.
Au départ, M. le Président - et c'est intéressant
de voir comment le discours a changé - on nous disait que le transfert
devait se chiffrer à 75 000 000 $. En déposant ses
prévisions budgétaires, le président du Conseil du
trésor, M. Johnson, a mentionné 191 000 000 $ et c'est plus tard,
à l'Assemblée nationale, que le
ministre de l'Éducation revenait et nous disait que le transfert
pourrait atteindre 320 000 000 $. Qu'est-ce qui est arrivé entre-temps,
entre les 75 000 000 $ du président du Conseil du trésor et les
320 000 000 $ du ministre de l'Éducation? Personne en cette Chambre
n'est capable de répondre à cette question, mais, aujourd'hui,
une chose est sûre: on nous dit que c'est un transfert d'environ 320 000
000 $ qu'on aura à subir.
En termes pratiques, M. le Président, cela signifie, pour les
citoyens et citoyennes que nous représentons, que le taux moyen de la
taxe foncière scolaire doublera et passera de 12 % à 24 % des 100
$ d'évaluation; et on dit que les études tendent à
démontrer qu'un contribuable moyen verra sa facture de taxes scolaires
augmenter de 100 $ de plus cette année. La décision prise
à la vapeur par ce gouvernement, dans un contexte aussi où nous
nous sommes vu imposer un bâillon après même pas une
vingtaine d'heures de débats en commission parlementaire, donc cette
décision prise à la vapeur par le gouvernement Bourassa est toute
croche, cette décision est incohérente, injuste et aussi
injustifiée, M. le Président.
Tout le monde reconnaîtra que le gouvernement traverse un certain
nombre de difficultés financières. Mais d'autres solutions
auraient eu avantage à être examinées plutôt que de
démolir d'un coup sec une bonne réforme qui avait
été menée par le Parti québécois. M. le
Président, de toute évidence, en plus des besoins financiers
réels de l'État, le gouvernement a voulu profiter de la
conjoncture pour redonner aux commissions scolaires une partie du champ
d'impôt foncier. Au-delà de l'argent, au-delà des
orientations fondamentales, M. le Président, est en cause, dans la
décision prise par le gouvernement libéral, une situation
où le gouvernement se déleste de ses responsabilités et
commet de graves accrocs aux principes d'universalité,
d'accessibilité et d'égalité, pourtant tous reconnus par
les membres de cette Chambre lorsque nous partons d'éducation, M. le
Président. Avec le retour de l'impôt foncier scolaire, c'est le
retour de l'iniquité et de l'injustice, comme le disait M. Claude Masson
dans La Presse du 29 mars dernier.
Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que cette taxe
sur l'impôt foncier est une taxe qui est à utiliser avec
parcimonie, parce qu'il est très clair que le conflit actuel dont nous
entendons tous parler vient du fait que, pour financer ces nouvelles
responsabilités, les commissions scolaires n'auront pas d'autre choix
que de financer leurs dépenses par le biais, justement, de cette taxe
sur l'impôt foncier, un champ qui était jusqu'alors
réservé aux municipalités.
Toutefois, dans ce qui est en train de devenir une bataille
rangée, M. le Président, gouvernement, municipalités et
commissions scolaires évitent une question qu'il est, à mon avis,
important de soulever, une question de fond qui touche l'ensemble des citoyens
et des citoyennes que nous représentons, à savoir, justement:
Quelles sont les conséquences et quelles sont aussi les leçons
que nous avons à tirer de l'utilisation de la taxe foncière?
M. le Président, la taxe foncière au Québec est
sûrement attrayante, parce que si on compare à d'autres provinces
au Canada, elle est sûrement moins utilisée au Québec
qu'elle l'est, par exemple, en Ontario. Elle constitue une source de fonds qui
est donc peu exploitée. Mais c'est une taxe aussi, et j'essaierai de le
démontrer, qui est, à bien des égards, injuste et
régressive. Et lorsqu'on la compare aussi à la TPS, on peut
facilement admettre que la taxe foncière est beaucoup plus
régressive et beaucoup plus dommageable que l'actuelle TPS
proposée par le gouvernement fédéral. Cependant, peu de
gens et peu de membres du gouvernement se sont prononcés sur cette
question.
Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que la taxe
foncière grimpe à mesure que l'évaluation municipale d'une
bâtisse, d'une résidence augmente. La taxe foncière
frappera donc plus durement les riches que les pauvres. Mais la
réalité est plus complexe que ça. Ce n'est pas aussi
simple que ça. Plus l'évaluation des maisons va monter, plus les
taxes vont monter, bien sûr, mais ce qui n'est pas vrai, par exemple,
c'est de regarder de quelle façon l'évaluation municipale est
faite.
M. le Président, il faut comprendre que la volatilité du
marché immobilier a fait que les prix des maisons a évolué
inégalement selon les régions pour carrément bondir en
flèche, notamment dans le secteur de Montréal. Donc, on se
retrouvera dans une situation où on aura deux poids, deux mesures, et la
situation à Montréal risque d'être relativement difficile.
De plus en plus, M. le Président, des gens à revenus moyens et
même modestes seront ainsi étouffés par cette taxe, parce
que la spéculation immobilière a fait grimper tout simplement le
prix des propriétés. Cette taxe, à notre avis, est donc
devenue une espèce de roulette russe.
Il faut comprendre aussi que les taxes foncières introduisent un
autre élément d'injustice si on commence à les utiliser
pour financer des activités qui étaient traditionnellement du
ressort provincial, comme les équipements scolaires.
Il y a un editorial qui avait été produit par M. Alain
Dubuc. Et laissez-moi, M. le Président, vous en citer un extrait. Ce
n'est pas les gens de l'Opposition et ce n'est pas quelqu'un non plus qui est
réputé comme étant un fervent défenseur des
intérêts du PQ.
M. Dubuc, dans un editorial du lundi 7 mai, disait: "La capacité
des commissions scolaires d'aller chercher de l'argent directement
auprès des résidents de leur territoire dépendra largement
de la valeur des propriétés dans leur ville
ou leur région. On se retrouvera ainsi de plus en plus avec des
commissions riches, capables d'obtenir sans peine des fonds pour
améliorer leurs équipements, et des commissions scolaires plus
pauvres, qui devront se contenter de projets modestes parce qu'elles sont
incapables d'augmenter le fardeau fiscal des citoyens moins bien nantis."
On se retrouvera donc, au lieu de tenir des beaux discours sur
l'universalité, sur l'équité, sur la justice, sur le grand
besoin d'accessibilité en matière d'éducation, dans une
situation où il y aura deux poids, deux mesures.
M. le Président, vous me faites signe qu'il me reste seulement
une minute, mais puis-je parler quelques instants de la situation à
Montréal. L'impôt scolaire à Montréal, à
cause de ce nouveau projet de loi, s'il prend force de loi, pourrait grimper de
128 %, ce qui veut dire, et permettez-moi de vous donner cet
exemple-là... À Montréal, le propriétaire d'une
maison qui serait évaluée à environ 121 000 $ au
rôle d'évaluation - et il faut se rappeler que le rôle
d'évaluation municipal est inférieur au rôle
d'évaluation scolaire - verra sa facture scolaire augmenter, pour cette
année, d'environ 130 $; et ça, c'est une réalité.
Alors, on n'est plus capable, on se retrouve dans une situation
financière difficile. Ce qu'on fait, on dit: On va pelleter nos
problèmes financiers, on va pelleter la réalité du
déficit dans les municipalités et on va envoyer ça aux
contribuables qui ne sont pas toujours en moyens de payer à cause de
problèmes particuliers de la spéculation à
Montréal. On se retrouvera dans une situation où il y aura deux
poids, deux mesures, M. le Président. (16 h 50)
M. le Président, le maire Doré disait, en parlant de cette
réforme: Ce fardeau fiscal est l'un des principaux facteurs
défavorables qui irritent nombre de ménages et qui les incitent
à opter pour la banlieue. M. le Président, il y a une
série d'effets pervers dans ce projet de loi là, M. le
Président. L'étalement urbain, la paupérisation de plus en
plus grandissante à Montréal en sont des exemples. Pour ces
raisons, nous ne consentirons pas à ce que ce projet de loi soit
adopté à la presse, et j'invite les membres de cette
Assemblée à s'opposer à ce projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (m.
bissonnet): merci, m. le
député de gouin. je reconnais le prochain intervenant, m. le
député de la prairie. m. le député, la parole est
à vous.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Ce gouvernement est en
train d'établir un record pour le nombre de projets de loi où il
empêche l'Opposition, où il empêche des groupes dans la
population de venir poser des questions au ministre qui présente son
projet de loi. le ministre de l'éducation a accepté à
peine une vingtaine d'heures de discussion en commission parlementaire,
vingt-trois heures, plus précisément. c'est un ministre qui
prétend avoir beaucoup de patience. c'est un ministre qui prétend
être très démocrate, être ouvert aux suggestions, aux
commentaires. mais quand arrive la dure réalité du quotidien, la
vie parlementaire quotidienne, on s'aperçoit qu'on a affaire à un
ministre de l'éducation qui est très autoritaire, genre
préfet de discipline, qui décide que vingt-trois heures c'est
assez. le bâillon!
Je le comprends un peu parce qu'il n'est pas fier de son projet de loi.
Il n'est pas fier du tout. Comme il ne doit pas être très fier
d'appartenir à un Conseil des ministres qui se sert des
municipalités, qui se sert des commissions scolaires, qui se sert de la
Régie de l'assurance automobile du Québec pour aller chercher des
centaines de millions de dollars dans la poche des contribuables. C'est un
gouvernement qui n'a pas le courage de carrément dire à la
population: Voici, nous devons monter les impôts, nous devons monter les
taxes. Il prend toutes sortes de détours, des voies indirectes; sous de
beaux principes de décentralisation, il vient forcer les
municipalités, les commissions scolaires à être des
percepteurs d'impôts.
Et quand on sait qu'à l'époque du gouvernement du Parti
québécois, l'Opposition, qui était devant nous, pouvait
avoir jusqu'à 200 heures de débat en commission parlementaire, je
pourrais vous nommer un des projets de loi, M. le Président. J'en donne
quelques exemples: la Loi sur la protection du territoire agricole, la loi sur
la langue française, la loi 101, et d'autres lois. Mes collègues
acceptaient de discuter pendant 200 heures, 250 heures. Je vois le
député de LaFontaine qui passe dans la Chambre, qui lui aussi
s'impatiente au bout d'une vingtaine d'heures de débat, M. le
Président.
Une voix: Ça n'a pas de bon sens.
M. Lazure: Lui, ça se comprend un peu, c'est un nouveau.
Il est impétueux, il est impatient. Mais venant de la part du ministre
de l'Éducation, qui est dans cette Chambre depuis longtemps, cette
impatience-là n'est pas pardonnable. Et la première
conséquence, évidemment, c'est de briser un système qui
fonctionnait bien, un système qui était commencé depuis
plus de 10 ans, qui avait été mis sur pied par le gouvernement du
Parti québécois, principalement le ministre des Finances à
l'époque, l'actuel chef de l'Opposition. Cette réforme de la
fiscalité municipale, qui établissait clairement les rôles
des municipalités, des commissions scolaires et du gouvernement... Et
les trois parties étaient satisfaites de ce
système-là.
Et tout à coup, ce gouvernement, sans préavis, vient
saborder, vient défaire ce système-
là. Des témoignages en réaction, je vous donne le
titre dans La Presse du 12 avril. "Le maire Doré en appelle au
bon sens du gouvernement québécois. La facture d'impôt
scolaire grimpera de 128 % dans I Ile de Montréal si le gouvernement de
Québec maintient son intention d'élargir jusqu'à 320 000
000 $ le champ d'imposition des commissions scolaires." Le maire Doré en
appelle au bon sens du gouvernement québécois. Le maire
Doré n'est pas un extrémiste. Il a pesé ses mots. Nous
aussi, on a fait appel au bon sens du ministre de l'Éducation, M. le
Président, mais on n'a pas eu plus de chance que le maire Doré.
Le monde municipal est entré en colère devant un tel projet de
loi, surtout lorsqu'il a découvert que c'était loin en
arrière, plus précisément le 6 novembre 1989, que le
Conseil des ministres, par un décret, décidait de donner la
commande au ministre de l'Éducation, au ministre des Affaires
municipales: Allez nous chercher, dans vos budgets, une économie, vous,
de 320 000 000 $, et vous, d'environ 260 000 000 $ par année; et en
coupant ces subventions aux commissions scolaires, aux municipalités,
vous allez leur dire: Dorénavant, vous pouvez taxer. Alors, le Conseil
des ministres et le caucus du parti gouvernemental s'imaginent qu'ils ont
caché à la population la vraie situation. Évidemment, leur
jeu a été démasqué rapidement, d'abord par l'Union
des municipalités, l'UMQ, et aussi par l'Union des municipalités
régionales de comté. Et tout le monde sait maintenant que ce
gouvernement n'a pas la franchise de taxer directement. Et son sale boulot, son
sale travail, il le fait faire par les commissions scolaires et par les
municipalités. "Les taxes scolaires vont doubler dans la région
de Québec", le 18 mai, il y a un mois, le Journal de Québec.
Et je cite: "Les commissions scolaires francophones de la région de
Québec iront chercher 53 000 000 $ dans les poches des contribuables
l'an prochain, comparativement à 24 000 000 $ cette année, une
augmentation de 117 %. Presque partout, les comptes de taxes vont passer du
simple au double, et même davantage en certains endroits."
La deuxième conséquence importante, c'est le retour en
arrière, c'est le retour à l'époque où on avait de
belles écoles dans des beaux quartiers, dans les quartiers où les
gens avaient des revenus élevés, et des écoles beaucoup
moins belles dans les quartiers pauvres ou dans les régions pauvres du
Québec, les régions rurales notamment. Et, à cet
égard, justement, en parlant de régions rurales, que dit l'Union
des producteurs agricoles de ce projet? Je vois le ministre de
l'Éducation qui entre pour suivre la discussion. Il semble avoir un peu
plus de patience ici, à l'Assemblée, qu'il n'en avait en
commission parlementaire parce que, au bout de 23 heures, il nous a dit, en
commission parlementaire: Fini! Vous arrêtez de me parler, je
n'écoute plus, silence! Alors, que disent les gens du monde rural?
L'Union des producteurs agricoles dit ceci: "Le débat actuel remet en
cause, par ce projet de loi, les principes d'équité et nous
croyons que le milieu rural subira, plus que tout autre milieu, les contrecoups
néfastes de cette opération, vu la constance et surtout la valeur
moindre de sa richesse foncière." Ça va de soi, M. le
Président. La valeur foncière des propriétés en
milieu rural, de façon générale, est beaucoup moins
élevée qu'en milieu urbain. Alors, le milieu rural, encore une
fois, va se retrouver avec une qualité de bâtiments scolaires
moindre que celle des milieux urbains. Et les bâtiments scolaires, vous
allez me dire, mais ce n'est pas la qualité de l'enseignement.
Attention! Attention! Je pourrais vous citer de longs extraits de
pédagogues et de psychologues qui vont vous démontrer clairement
que les bâtiments scolaires, les installations scolaires jouent un
rôle important dans l'environnement scolaire, dans le milieu scolaire, et
que le milieu de vie de l'enfant à l'école est grandement
influencé par la qualité des installations. On avait jugé,
au Québec, il y a déjà plusieurs années, dans les
années soixante, que c'était la responsabilité de
l'État, à même les fonds publics, de subventionner partout
au Québec l'éducation, la santé; c'étaient deux
services de base. Fini les iniquités! Fini les injustices! Ce
gouvernement-ci, en revenant à l'ancien système où les
municipalités, où les commissions scolaires, selon les revenus de
leur population, auront de plus beaux équipements ou de moins beaux
équipements scolaires, ce gouvernement nous ramème 30 ans en
arrière. (17 heures)
Alors je pense, M. le Président, qu'il faut démasquer
cette opération de camouflage du gouvernement actuel. Il faut rappeler
à l'ordre le ministre de l'Éducation qui se fait complice de
gestes qui nous ramènent si loin en arrière. Il faut
dénoncer surtout le manque de courage du gouvernement qui fait faire son
travail de percepteur d'impôts par les commissions scolaires. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous avez
remarqué que j'ai pris quelques instants pour me lever, je croyais qu'il
y avait quelqu'un du côté ministériel qui aurait pris la
parole pour défendre le ministre. Mais j'aurais peut-être envie de
vous demander: Est-ce que je pourrais prendre le temps de l'autre, plus le mien
accumulé? Je ne pense pas.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Laviolette, je sais que vous connaissez très
bien le règlement. M. le député, si vous
voulez poursuivre votre intervention.
M. Jolivet: Malheureusement, M. le Président, je n'aurai
que 10 minutes pour essayer de convaincre le ministre, ainsi que les autres
députés ministériels, du bien-fondé de notre
position. Vous, je n'ai pas besoin de vous convaincre, je n'ai qu'à
passer par vous pour essayer de les convaincre que la position qu'ils ont tenue
jusqu'à maintenant n'a pas de sens. J'expliquais au ministre de
l'Éducation que dans mon coin... Et le ministre toutes les fois... Je le
vois faire le geste d'essayer d'ouvrir son grand cahier d'explications, me
disant et cherchant un peu à l'intérieur, mais il le sait
très bien. Parce que j'ai parlé avec le président de la
commission scolaire chez moi. Ce n'est pas difficile à comprendre, M. le
Président, si j'ai 0,13 $ de taxe des 100 $ d'évaluation
actuellement et je passe à 0,35 $, maximum, c'est presque trois fois,
pas tout à fait trois fois. Donc, c'est au moins deux fois et demie.
Mais deux fois et demie, c'est deux fois et demie les taxes que le
gouvernement, par l'intermédiaire du ministre de l'Éducation,
demande à la commission scolaire d'aller taxer à sa place, pour
donner quels services?
J'ai eu l'occasion... Une commission scolaire dans mon coin, de la
Haute-Mauricie, avait décidé, à un moment donné, en
1979, et même 1979-1980, dans ce coin-là, de baisser sa taxe
à 0,13 $. Là, à un moment donné, en vertu de
l'ancienne loi, on s'en souvient, quand elle avait baissé, elle devait
rester baissée et pour augmenter plus haut que les 0,13 $ qu'elle avait
décidé comme montant de sa taxe, elle devait passer par
référendum. Pour l'erreur qu'elle avait commise à
l'époque de ne point rester au maximum, qui était de 0,25 $,
auquel elle avait droit, et de baisser à 0,13 $ parce qu'elle avait
voulu jouer un tour à du monde à un moment donné, elle
s'est retrouvée à devoir faire un référendum. Vous
savez que la taxe n'est pas éternelle ensuite, elle dure x temps. Et il
a fallu qu'elle fasse une dépense d'argent pour convaincre les gens que
si elle voulait garder ce qu'on appelle le regroupement autour de la ville de
La Tuque, elle devait, à ce moment-là, augmenter les taxes. Et
elle a réussi à le faire, même si c'étaient les gens
de La Tuque dans le centre qui payaient pour la périphérie. Il
reste une chose, c'est qu'elle s'était mise dans des conditions
difficiles. Et le gouvernement actuellement décide, pour des raisons qui
lui appartiennent, mais que nous ne voulons pas accepter, de permettre aux
commissions scolaires d'entrer dans le champ de taxation qui, de haute lutte,
avait été donné de façon normale à cette
autorité qui s'appelle la municipalité civile.
On se souvient tous, M. le Président, des longs discours, des
longs palabres des années 1974 à 1976, alors que les
municipalités essayaient de convaincre le ministre des Affaires
municipales de l'époque de prendre position, de les amener, comme
ministre des Affaires municipales, de l'époque, à prendre
position, de les amener, comme ministre des Affaires municipales à
convaincre le ministre des Finances et son gouvernement, son Conseil des
ministres de redonner aux municipalités le pouvoir de taxation. Parce
que, vous le savez, une commission scolaire, en vertu de notre histoire, n'a
pas - j'allais dire la même valeur juridique, je me tromperais, le
ministre pourrait me reprendre - le même point de départ quant
à sa formation, quant ~à ~son incrustation dans le milieu. Et,
lorsque nous avions accepté de faire la réforme fiscale,
ça a amené énormément de discussions.
Ce que l'on a vu aujourd'hui, M. le Président, ce que l'on a vu
dans les journées qui ont précédé, depuis le moment
où le ministre a amené ce projet devant nous, c'est qu'il y a
quelqu'un qui est absent des débats. Il y a quelqu'un de l'autre
côté qui est absent. Pas seulement les députés qui
ne prennent pas la parole aujourd'hui, non seulement il est absent au moment
où il doit prendre la parole, mais il est aussi absent, M. le
Président, au moment où il doit prendre le vote. Vous savez de
qui je parle, M. le Président, c'est du ministre des Affaires
municipales. Le ministre des Affaires municipales, je ne l'ai vu nulle part. Je
ne sais même pas s'il va venir voter sur le geste important qu'il reste
à poser aujourd'hui, c'est-à-dire l'adoption de la loi comme
telle. Mais ce que je peux vous dire, c'est que l'impression qui nous reste,
c'est un peu une impression de honte d'avoir laissé tomber ces
municipalités, au détriment d'une certaine façon de ces
municipalités, entre les mains d'un autre ministre plus puissant,
semblerait-il, le ministre de l'Éducation.
Le ministre de l'Éducation a donc, dans ce gouvernement,
gagné la bataille permettant à ces commissions scolaires d'aller
chercher dans le champ de taxation municipale de nouveaux montants d'argent.
Sauf que le ministre des Affaires municipales doit un peu rire, même s'il
n'a pas de barbe, M. le Président, selon l'expression, dans sa barbe,
parce qu'au moment où on se parle le ministre de l'Éducation a
joué un sale tour aux commissions scolaires. Il leur a donné un
pouvoir de taxation, mais, en contrepartie, donnant de la main droite, il est
allé retirer de la main gauche ce qu'il donnait aux municipalités
scolaires, de telle sorte qu'elles ne sont pas plus gagnantes qu'elles ne
l'étaient.
Et elles se sont aperçues de ça un peu sur le tard, elles
l'ont dit au ministre et elles vont continuer à le dire au ministre par
notre intermédiaire, M. le Président. Ce projet de loi, tel que
présenté, n'a pas d'affaire à être
présenté. Nous devons essayer de le convaincre dans les
dernières minutes qui nous restent, d'ici à la fin de ce
débat, puisque c'est la dernière occasion
que nous avons d'intervenir, tous et chacun qui voudront bien prendre la
parole sur le débat, toutes les autres étapes ayant
été passées. Il n'en reste plus qu'une, c'est celle de
l'adoption du projet de loi comme tel.
M. le Président, nous disons au ministre qu'il fait fausse route.
Nous essayons de convaincre le ministre des Affaires municipales de revenir
à de meilleurs sentiments et de dire au ministre de l'Éducation
qu'il fait fausse route et, dans les derniers instants de cette discussion,
peut-être amener le ministre de l'Éducation à retirer sa
motion, son projet de loi, et à refaire ses devoirs.
M. le Président, je crois que les commissions scolaires
s'apercevront au fur et à mesure qu'elles vivront ce projet de loi, si
jamais il était adopté, qu'elles se sont fait flouer à la
fois par le ministre de l'Éducation et par le ministre des Affaires
municipales qui n'a pas pris la peine de défendre ses
municipalités. Regardez comment ça s'est produit, M. le
Président. On leur a fait accroire que c'était un premier montant
de 75 000 000 $ au niveau de l'Union des municipalités du Québec,
de l'Union des municipalités régionales de comté du
Québec. On leur a dit finalement: Écoutez, acceptez ce premier
pas et on négociera le reste. Ou encore, on s'est aperçu au fur
et à mesure qu'on avançait, des rencontres qu'on a eues avec eux,
ils nous l'ont indiqué, ils s'apercevaient que ce n'était plus
juste 75 000 000 $, c'étaient 325 000 000 $. Et les municipalités
scolaires, elles, de leur bord, se sont aperçues de ce qu'on leur
donnait pour financement. Elles demandaient depuis fort longtemps de monter
à 9 % et un peu plus que dépasser les 0,25 $, M. le
Président. On s'aperçoit finalement que, dans les deux cas,
à la fois les municipalités civiles et les municipalités
scolaires se sont fait avoir par ce gouvernement qui n'ose pas dire de
façon directe qu'il leur donne, comme disait le chef de l'Opposition, le
devoir de devenir des percepteurs de taxes à la place du gouvernement
actuel. (17 h 10)
C'est d'amener donc les municipalités scolaires à
être, de façon cachottière pour le gouvernement, les
percepteurs de taxes et, finalement, faire en sorte que, comme dans mon cas
chez moi - je vous l'indique, M. le Président - d'une taxe d'environ 90
$, nous allons passer à près de 270 $ par année, sans
compter que les municipalités civiles auront besoin - des
élections municipales ayant lieu cette année chez nous - elles
aussi, probablement pour les besoins qui sont de plus en plus criants, de
taxer.
M. le Président, vous comprendrez très bien qu'avec mes
collègues je vais m'opposer jusqu'à la dernière
extrémité à l'adoption de ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant, pour pour- suivre ce
débat, M. le député de Dubuc. M. le député
de Dubuc, vous avez la parole.
M. Gérard R. Morin
M. Morin: Merci, M. le Président, il faut
reconnaître que c'est un petit peu frustrant d'intervenir à ce
stade-ci parce que, comme le disait mon collègue qui vient de me
précéder, je pense que les chances de faire changer le ministre
de l'Éducation sont pratiquement nulles, à moins qu'on ne
procède, par la voix du président, par message transcendental,
pour émettre des ondes qu'il est impossible de faire directement. De
toute façon, on sent bien que le compte à rebours est
commencé et qu'il n'y a plus lieu de faire grand-chose.
De toute façon, M. le Président, j'aimerais rappeler que,
lors de mes interventions précédentes, j'ai tenté de faire
la démonstration que ce projet de loi était, de façon
indirecte, un amendement à la Loi sur la fiscalité municipale, la
loi 57. Pour ce faire, j'ai fait un peu l'historique de ce qui avait
précédé la réforme fiscale de 1980, les
différentes études, les commissions, les conférences qui
étaient toutes arrivées au même constat de la
nécessité de procéder à cette réforme.
Et il y a eu l'étape de la loi 57 qui a exigé beaucoup de
courage politique de l'ancien gouvernement, soit le gouvernement du Parti
québécois, loi qui touchait plusieurs aspects de la finance, soit
la taxe de vente, les "en lieu" de taxes, l'évaluation municipale etc.
Et, récemment, je pense, lors de ma dernière intervention, je
tentais de démontrer que ce projet de loi, en plus de porter atteinte
à la réforme sur la fiscalité, eh bien, il fallait
considérer la façon dont la situation des municipalités
était en régression dû à certaines nouvelles
responsabilités qui ont été apportées aux
municipalités, certaines promesses qui n'ont pas été
remplies, certaines contestations au niveau de l'évaluation municipale
qui ont fait perdre énormément de revenus. Alors, je pense qu'il
aurait été beaucoup plus de mise de procéder à un
amendement majeur de la loi 57.
C'est curieux d'entendre les différents intervenants, que ce soit
de la part de l'Opposition comme les interventions du côté
ministériel. À entendre tout le monde, on a vraiment la
conviction, l'impression que nous sommes devant un amendement à la loi
57. Il y a eu très peu d'interventions qui touchaient l'instruction
publique ou les commissions scolaires, si ce n'est de façon presque
indirecte, tellement tout le monde est convaincu. Même que certains,
inconsciemment, ont parlé dans le sens que cette loi modifiait,
constituait un amendement à la fiscalité municipale.
Mais ce qui m'a surpris le plus, M. le Président, c'est lorsque
j'ai entendu le ministre, à la reprise des travaux, avec beaucoup de
conviction ou peut-être un peu de naïveté, tenter de
nous convaincre que ce projet de loi n'affectait d'aucune façon le champ
fiscal municipal, qu'il était bien implanté, pour reprendre sa
propre expression, et qu'on ne faisait que rélargir au monde municipal.
Bien sûr, je ne contesterais pas le fait que les municipalités
sont encore bien implantées dans le champ foncier, c'est bien
évident.
Toutefois, je rappellerais au ministre, M. le Président, comment
ça s'est fait. Je me souviens, lorsque la réforme fiscale a
été adoptée en 1980, ça avait pour effet, bien
sûr, de donner presque l'exclusivité du champ foncier aux
municipalités qu'à ce moment-là les commissions scolaires
devaient libérer. J'ai vu, par exemple, certaines commissions scolaires,
avec un taux de taxes qui était, supposons, de 1,25 $ ou de 1,50 $ les
100 $ d'évaluation, conserver le maximum, soit 0,25 $. Donc, le dollar
libéré par les commissions scolaires était
récupérable par les municipalités. Alors,
dépendamment des effets plus ou moins bénéfiques que
pouvait provoquer la réforme fiscale, certaines municipalités ont
récupéré la totalité de ce dollar
libéré par les commissions scolaires; d'autres, les trois quarts.
C'est pour ça que, lorsque le ministre dit que le fait d'élargir
le champ foncier au scolaire ne change absolument pas, au niveau des principes,
c'est une atteinte fondamentale à la loi ou à la réforme
sur la fiscalité municipale.
De toute façon, en terminant, M. le Président, lorsque le
ministre nous promettait que, dorénavant, plutôt que d'avoir un
partenariat Québec-municipalités ce sera un partenariat à
trois, puisqu'il avait l'intention d'y inclure le monde scolaire, bravo! Sauf
que si l'on considère la consultation avec le monde municipal qui a
précédé cette loi, j'avais plutôt l'impression de
comprendre ou de croire, d'interpréter les propos du ministre dans le
sens que ce partenariat n'était ni plus ni moins le même qui
faisait partie de la directive de l'automne dernier, soit le ministre des
Affaires municipales, le ministre des Finances ainsi que le président du
Conseil du trésor qui avaient pour mandat de récupérer
l'argent à même le champ foncier municipal et cela, pour
régler des préoccupations budgétaires de l'année
1990-1991. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Dubuc. Je reconnais maintenant la prochaine
intervenante, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme la députée.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. C'est la
troisième fois et c'est la dernière fois que l'on a à
s'exprimer sur le projet de loi 69 en cette Chambre. À l'instar de mon
collègue, je dois vous dire que nos espoirs de faire infléchir le
ministre de l'Éducation sont effectivement très réduits.
Mais que voulez-vous! Je tenais, moi aussi, à venir m'exprimer, encore
une fois, même si c'est la troisième fois, sur ce projet de loi
parce que vous savez, comme le disait ma collègue de Terrebonne, la
patience infinie du ministre de l'Éducation a duré seize heures
en commission parlementaire et si, pour l'Opposition officielle, c'est
impossible de faire réfléchir le gouvernement et
d'infléchir les décisions du ministre, peut-être
pourrons-nous augmenter son taux de patience afin qu'il devienne vraiment
infini.
Le projet de loi 69, on le sait, je le répète, c'est le
projet de loi qui apporte diverses modifications à la Loi sur
l'Instruction publique relativement aux modalités de financement des
commissions scolaires et du Conseil scolaire de l'île de Montréal.
C'est aussi un projet de loi qui élargit le pouvoir de taxation des
commissions scolaires et du Conseil scolaire de IHe de Montréal en
rehaussant les limites permises par la loi. Par ce projet de loi, on vient
remplacer les règles relatives à la subvention de
péréquation que le ministre de l'Éducation verse aux
commissions scolaires. En fait, si avec ce projet de loi on ne vient pas
changer les principes de façon radicale, si on ne vient pas, comme le
disait le ministre hier, changer de façon radicale les principes que les
commissions scolaires étaient dans le champ de taxation, dans le champ
d'impôt foncier et que les municipalités le sont, on sait
très bien - et je pense que le ministre doit l'admettre - qu'il vient
rompre le pacte fiscal de 1979. Le chef de l'Opposition, tout à l'heure,
en a parlé longuement. Le connaissant très bien, il s'est, je
pense, s'exprime de façon très claire et on a pu comprendre
mieux. Mais il reste que, pour en arriver à ce pacte-là en 1979,
il y avait eu de longues négociations. Ça avait été
réellement une entente lors des assises
Québec-municipalités.
À ce moment-ci, lorsqu'on parle du projet de loi 69, on sait
très bien que c'est une décision unilatérale du
gouvernement. Même si les municipalités, même si l'Union des
municipalités, même si l'Union des municipalités
régionales de comté ne sont pas d'accord, mais pas du tout
d'accord, le gouvernement procède de toute façon, le gouvernement
a décidé qu'il décrétait et qu'il faisait passer la
facture dans le camp des municipalités. Au départ, on avait
parlé de 75 000 000 $ pour faire passer un peu la facture; pour faire
passer ça de façon plus rapide, le gouvernement avait
parlé de 75 000 000 $ à l'Union des municipalités qui,
grinçant un peu des dents, avait finalement accepté. Mais
là, on se rend bien compte que c'est 320 000 000 $, et ça, il
n'en est pas question. L'Union des municipalités n'est pas du tout
d'accord. Le gouvernement lui dit: Ce n'est pas grave. Vous avez des conditions
pour qu'on se rencontre, on va se rencontrer. Mais, en même temps, dans
la
réponse qu'il lui fait, il prend aussi le soin de lui dire: On va
se rencontrer, on va en discuter, mais on ne reviendra pas sur la
décision que nous avons prise unilatéralement. (17 h 20)
Donc, c'est un projet de loi qui ne fait pas du tout l'affaire des
municipalités et, comme mon collègue de Laviolette, j'ai
hâte de voir comment le ministre des Affaires municipales va voter, lui
aussi, sur ce projet de loi. C'est un projet de loi qui ne fait pas l'affaire
de l'Union des municipalités, alors on aurait pensé qu'il
viendrait régler au moins les problèmes des commissions scolaires
parce que les commissions scolaires, on le sait, ont des besoins importants,
doivent vivre, depuis un certain temps, avec des compressions
budgétaires, en fait, qui avaient commencé lors de la
période économique difficile que l'on connaît et qui,
malgré une amélioration considérable de la situation
économique, n'ont pas été non plus
réajustées. Alors, ça fait des années que les
commissions scolaires vivent avec des compressions budgétaires et
qu'elles ont de véritables besoins.
De ce côté-là, M. le Président, l'Opposition
n'a pas du tout l'intention de nier les besoins des commissions scolaires. Il
faut que ce soit très clair et il faut que ce soit perçu de
façon qu'il n'y ait aucun doute. L'Opposition officielle est très
sensible aux besoins des commissions scolaires, sauf que nous ne sommes pas
d'accord avec le projet de loi parce que nous sommes convaincus que ce projet
de loi ne vient d'aucune façon régler le problème des
commissions scolaires. Même que, quelque part, ça pourrait leur en
créer d'autres.
Les besoins des commissions scolaires. L'automne dernier, la
Fédération des commissions scolaires a questionné les
commissions scolaires catholiques et protestantes sur les impacts concrets du
sous-financement. Les résultats ont été divulgués
et venaient de réponses de 150 commissions scolaires; donc, on peut dire
que c'est un bon sondage et que la Fédération des commissions
scolaires avait fait ses devoirs à ce niveau-là. Qu'est-ce qui
est advenu de ce sondage sur les besoins des commissions scolaires? Par rapport
au résultat du questionnaire, on peut dire - je vous cite le document,
M. le Président - que, "de façon globale, les commissions
scolaires se disent insatisfaites des services que leurs ressources
financières leur permettent d'offrir à leurs clientèles.
Elles sont, en outre, dans l'incapacité d'investir adéquatement
dans des projets de développement à caractère
pédagogique, social, sportif ou culturel." Donc, on voit qu'elles ont
des problèmes et des besoins dans plusieurs sphères de leur
activité.
Au niveau de l'enseignement régulier, du préscolaire, du
primaire et du secondaire, les commissions scolaires se disent incapables de
répondre de façon satisfaisante aux besoins de perfectionnement,
aux besoins d'encadrement et de support pour leurs enseignants, et cela, de
façon encore plus criante lors de l'implantation de nouveaux programmes.
Croyez-vous sérieusement que le projet de loi 69 pourra les aider
à réaliser cela? Par rapport à l'enseignement
professionnel, les commissions scolaires n'ont pas assez de ressources pour
acheter la matière première - Aie! c'est quelque chose, la
matière première - le matériel, le mobilier et l'outillage
requis pour l'implantation des nouveaux programmes. Elles manquent de
ressources pour aménager des ateliers et des laboratoires. On dit encore
plus: "Rappelons-le, ce type de projet suppose un financement du tiers du
coût par la commission scolaire."
Les commissions scolaires demandent des mesures particulières
d'enseignement. Services complémentaires à l'élève.
On sait qu'il y a beaucoup de problèmes dans les commissions scolaires,
que, même pour la clientèle dite régulière, les
commissions scolaires disent qu'elles ne peuvent disposer suffisamment de
psychologues, d'orthophonistes, de travailleurs sociaux, de travailleurs de la
santé et autres pour répondre adéquatement aux besoins des
élèves. Donc, manque de spécialistes de ce
genre-là. C'est très important pour la population
étudiante d'avoir les services nécessaires dans son école.
Elle souligne que le contexte dans lequel vivent les jeunes aujourd'hui
nécessite davantage de services complémentaires à
l'élève.
Je tiens à le répéter, même si on a
l'impression qu'il y a beaucoup de choses dans ça qu'on devrait savoir
naturellement, je pense que c'est important qu'on répète les
besoins des commissions scolaires parce qu'il ne m'apparaît pas du tout
évident, mais pas du tout, que le projet de loi 69 pourra venir combler
ces besoins-là. C'est probablement trop peu, M. le Président. Le
projet de loi 69, en fait, apporte aux commissions scolaires un cadeau - j'en
parlais hier et je le répète - dont les commissions scolaires
disent elles-mêmes que c'est un cadeau empoisonné, un cadeau de
320 000 000 $ sur le dos des municipalités qu'on va chercher d'un autre
côté, parce que, en même temps qu'on leur donne cet
argent-là, on les responsabilise - c'est le mot, en fait - de la
gestion, on leur donne la gestion de leur immobilier, de leur immeuble. C'est
quelque chose. C'est probablement ça, quand le ministre dit qu'il veut
responsabiliser les commissions scolaires.
Écoutez, j'entendais tantôt M. le chef de l'Opposition qui
expliquait que c'était un retour à l'impôt foncier
normalisé et que, bon, on se rendait compte, en fait, que le
pourcentage, si on veut, ou le manque à gagner qui est nécessaire
par élève pour assurer le fonctionnement à la commission
scolaire serait fourni par le gouvernement. Ce serait une
péréquation que, d'ailleurs, mon collègue d'Abitibi-Ouest
a qualifiée de bien-être social, de forme de bien-être
social, un genre de répartition des richesses, et
tout ça. On se rend compte que dans certains comtés...
Une minute? Mon Dieu! Merci, M. le Président.
Écoutez, on se rend compte que dans certains comtés les
contribuables vont avoir des problèmes à assumer ces
dépenses-là et... Bon. Puisque je dois conclure, je conclurai
donc en disant que ce n'est pas évident que les commissions scolaires
vont avoir leur compte, vont pouvoir rencontrer les besoins. C'est loin
d'être évident parce que, dans certains milieux, dans certaines
commissions scolaires, l'argent de plus qu'elles vont récupérer,
elles vont avoir encore un manque à gagner par rapport aux
dépenses qu'elles vont avoir à assumer pour l'entretien de leurs
bâtiments. La population n'aura pas plus de services. Elle va devoir
payer davantage. C'est un impôt déguisé aussi. C'est vrai
que c'est un impôt déguisé.
Ce que le ministre des Finances n'a pas réussi à faire
dans son budget, n'a pas eu le courage de faire au niveau de son budget, il le
fait faire par les municipalités. C'est les municipalités qui
vont aller chercher l'argent. En fin de compte, moi, je trouve que c'est
très inquiétant aussi de voir la façon dont le
gouvernement décide de nous passer le bâillon, de nous faire taire
et qu'on arrête d'en parler. La façon de gouverner du
gouvernement, je la trouve aussi très inquiétante. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis prêt
à reconnaître un prochain intervenant, M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Oui. M. le Président, le ministre de
l'Éducation, qui est un fin lettré, aurait dû se rappeler
cette phrase de Talleyrand qui dit: "Vaut mieux se rétracter et s'en
attribuer tous les mérites que de persister et être vaincu."
Bien entendu, M. le Président, qu'il ne sera pas vaincu en
Chambre à cause de la dictature de la majorité qui règne
de l'autre côté, mais il va être vaincu dans l'opinion
publique. Cet homme à qui on prêtait toutes les vertus lorsqu'il
exerçait un autre métier, celui de l'intégrité,
celui de la défense des libertés, s'est fait malheureusement...
Et je vais citer de nouveau Talleyrand: "L'ambition est comme le feu, elle se
nourrit des matières les plus nobles comme les plus viles." Eh bien, M.
le Président, le ministre de l'Éducation, dans une ambition
politique qu'il a, s'est fait le complice d'un bâillon,
c'est-à-dire d'un déni de liberté d'expression dans
l'endroit qui est sans doute le temple de la liberté d'expression dans
un pays, qui est l'Assemblée nationale d'un pays, le Parlement d'un
pays.
Je vais vous avouer que je n'aurais peut-être pas
été étonné de la part de certains autres ministres,
mais de la part du ministre de l'Éducation qui a influencé toute
mon adolescence quand je lisais ses éditoriaux dans un quotidien assez
connu, je dois vous avouer quand même une certaine déception.
L'idole est malheureusement descendue de son socle, la statue du commandeur a
été déboulonnée. (17 h 30)
M. le Président, le ministre, hier soir, m'a corrigé quant
aux chiffres, en disant que je m'étais trompé pour ce qui
était des montants. J'ai accepté la correction que le ministre a
apportée en toute humilité, n'étant pas détenteur
de la vérité quant à moi. Il semble que, dans son cas,
lui, il le sort. Sauf que, M. le Président, même avec les chiffres
modifiés, il va en résulter pour les femmes et les hommes de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui ont ma première allégeance, parce
que ce sont eux qui m'élisent ici dans cette Assemblée
nationale... Eh bien, ce sont eux, M. le Président, qui vont payer les
frais de cette pseudo-réforme, de cette pseudo-loi parce qu'elle n'est
pas une loi, elle est tout simplement un "hold-up" de nouveau - c'est une
phrase qui a été employée souvent et je pense que le terme
est on ne peut mieux employé dans ces circonstances - M. le
Président, un "hold-up" qui est fait dans les poches des
contribuables.
M. le Président, je n'ai jamais considéré une loi
avec une optique autre que: Est-elle bonne ou est-elle mauvaise pour les gens
de Sainte-Marie-Saint-Jacques? Ça a toujours été ma
première attitude, ce qui m'a amené, M. le Président,
à voter certaines lois que nous présentait le gouvernement parce
que j'avais l'honnêteté de les juger bonnes pour les citoyens de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mais celle-ci, elle est néfaste.
L'impôt scolaire, M. le Président, pourrait grimper de 128 %
à Montréal, ça, c'était jeudi 12 avril 1990, dans
le journal La Presse, et on disait: "Le maire Doré en appelle au
bon sens du gouvernement québécois". Je dois avouer que dans le
cas de mon maire, en appeler au bon sens du gouvernement
québécois actuel, c'était un peu téméraire
de sa part, mais enfin!
M. le Président, 128 % d'augmentation des taxes scolaires, quand
vous savez fort bien, M. le Président, puisque, avant que vous occupiez
le fauteuil de vice-président, vous étiez amené à
faire de la politique partisane... Vous avez parcouru, M. le Président,
la circonscription que je représente tentant
désespérément de me faire battre, mais tout au contraire,
votre présence, je pense, m'a aidé puisque vous connaissez la
majorité que j'ai obtenue. Mais je ne vous en tiens pas rigueur, M. le
Président, c'était en d'autres moments et en d'autres temps.
Mais vous avez vu, M. le Président, cette circonscription
où, certes, il y a de très belles réussites que vous
célébrez avec moi, M. le Président, mais où,
malheureusement, subsistent
encore des îlots, des poches de pauvreté. Et ce sont eux
qui vont payer, M. le Président. Comment peut-on penser - il s'agit
d'une réforme scolaire - aux familles de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M.
le Président, qui voudront envoyer un enfant à
l'université? Bon, premièrement, l'impôt scolaire
étant pour augmenter, forcément, les taxes augmentent. Comme,
dans ma circonscription - je tiens à le répéter comme je
l'ai fait hier soir - la très grande majorité, la
quasi-totalité, ce sont des locataires, eh bien, le propriétaire
- c'est tout à fait normal, je ne le blâmerai pas - va refiler aux
locataires la taxe, une partie de la taxe, M. le Président.
Et ce n'est pas les mesures compensatoires qui vont annuler les effets
pernicieux de cette taxe, M. le Président. Et à ça
s'ajoute, comme j'en donnais l'exemple hier, l'autre dollar qu'on est
allé chercher dans les poches des contribuables avec les tarifs
d'hydroélectricité, M. le Président, avec les sous qu'on
est allé chercher encore dans la poche des parents. Donc, des gens de
classe moyenne, dans mon comté, qu'on s'amuse à taper sur la
tête. On est allé chercher de l'argent, je vous le
répète, M. le Président, au niveau des frais de
scolarité.
On a eu l'exemple également, M. le Président, du
deuxième "hold-up", celui de la Régie de l'assurance automobile
dont le mandat est tout à fait autre, ce que le ministre veut en faire
quant aux revenus. Donc, on est allé, M. le Président, à
la pointe du revolver, chercher de l'argent. Résultat, M. le
Président: augmentation des permis de conduire, augmentation de
l'assurance automobile. J'ai déjà commencé, M. le
Président, à vous donner une série d'augmentations
subséquentes que devra payer la grande majorité des
électeurs et électrices de ma circonscription, M. le
Président.
Et on va me dire après que cette loi-là est bonne? M. le
Président, au niveau de l'éducation - et je peux vous en parler,
c'est un domaine où j'ai oeuvré treize ans avant de venir ici
à cette Assemblée nationale - ce que les parents demandaient,
c'était une chose tout à fait contraire. C'était une vraie
marge d'autonomie au niveau des commissions scolaires, c'était plus de
pouvoirs à l'école. Ils ne demandaient pas une hausse
supplémentaire.
Mais le ministre persiste parce qu'il a eu une commande. Ce n'est pas
compliqué, il a eu une commande de son premier ministre et une commande
du ministre des Finances, qui était: Vous savez, cher collègue,
c'est gênant, dans le budget, de parler d'augmentation d'impôts;
donc, il faudrait trouver une formule habile, un petit maquignonnage,
là, un petit maquillage qui rendrait la chose peu détectable; et,
finalement, on réussirait à aller chercher ces sous, là
où on veut bien les trouver, c'est-à-dire auprès de la
classe moyenne et, forcément, des gagne-petit. Le ministre,
benoîtement, pour ne pas dire bêtement, s'est fait complice d'une
décision politique comme celle-ci et nous présente un projet de
loi qui, d'une part, viole une entente qui avait été
établie en 1979 entre le gouvernement, donc l'État, et les
municipalités, et, deuxièmement, une loi dont les
conséquences vont être énormes. Le ministre aime bien
prédire, mais j'ai l'impression qu'il est, dans cette loi, incapable de
prévoir.
Pour terminer - M. le Président, puisque je sais que, dans votre
cas, ce n'est pas le bâillon que vous m'imposez, mais une règle
qui m'indique qu'il ne me reste, malheureusement, qu'une demi-minute - bref,
c'est une loi votée dans des circonstances antidémocratiques, une
loi antisociale qui, dans bien des pays, aurait soulevé des
tollés beaucoup plus forts que chez nous. Et c'est la raison pour
laquelle je vais persister à voter contre cette loi. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le
député. nous poursuivons le débat avec le leader de
l'opposition officielle et député de joliette. m. le leader.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, ce sera sans doute la dernière fois, en ce qui me
concerne, que j'interviendrai sur cedit projet de loi 69 qui, à toutes
fins pratiques, vient légaliser - si je peux m'exprimer ainsi - le
nouveau compte de taxes scolaires que l'on recevra comme citoyens; c'est un peu
ça. C'est un choix politique, je pense que le ministre de
l'Éducation l'a expliqué assez clairement. C'est un choix
politique qui a été fait par le gouvernement, c'est un fait; un
choix politique que, dans les circonstances, nous ne partageons pas. Mais c'est
un choix politique, et ça arrive qu'un gouvernement soit obligé
de faire des choix politiques. Mais nous, on ne peut pas être d'accord,
c'est évident. On ne peut pas être d'accord parce que, d'abord, en
ce qui nous concerne... Je voudrais expliquer plutôt notre point de vue
qu'essayer de deviner pourquoi le ministre... C'est à lui à
l'expliquer, son choix politique.
Nous, on avait pensé, en 1979 - dans ces années-là
- que le champ de taxation foncière devait plutôt appartenir au
monde municipal. Quand on a révisé tout le champ de taxation, la
nouvelle fiscalité municipale, après discussion, on s'est dit: II
faut de moins en moins, comme État, aller envahir ce champ et laisser ce
champ particulier au monde municipal. D'autant plus que l'éducation, ne
nous leurrons pas, il n'y a pas tant d'années que ça, les gens
avaient l'impression que ça relevait des taxes scolaires, dans bien des
cas. Mais là où il n'y avait pas de compagnie, c'était
inégal complètement, dans notre société. Il y a des
compagnies qui étaient taxées, qui venaient aide» des
petites commissions scolaires; je me souviens. La, par exemple,
si une commission scolaire avait la chance d'être près
d'une immense compagnie comme les Papiers Scott, elle avait des revenus,
pouvait avoir des titres d'éducation. On a décidé, au
Québec, que l'éducation, c'était subventionné par
le national et que, d'autre part, on laissait aux commissions scolaires une
petite marge pour pouvoir corriger les anomalies ou pouvoir se donner certains
petits services additionnels - c'est à peu près l'esprit. Ce avec
quoi j'ai toujours été d'accord parce qu'il m'apparaît que
l'éducation est une mission nationale et non pas une mission locale. (17
h 40)
Contrairement aux années 1960-1967, par exemple, où on
pouvait avoir dans un milieu d'excellentes institutrices et d'excellents
professeurs, parce qu'on avait la possibilité d'aller taxer nos
contribuables sur le plan scolaire et de se doter de services différents
ou meilleurs qu'ailleurs, on a voulu uniformiser un peu et ça part un
peu de l'année 1967 où on a commencé par uniformiser les
salaires. Après ça, on a uniformisé le mode de subvention.
On a tenu compte de différentiels régionaux, si on parle des
régions dites éloignées. Le danger que comporte le choix
politique du gouvernement actuel, à mon point de vue, il est double.
Tout d'abord on vient envahir à nouveau le champ de taxation municipal,
le champ de taxation foncier, dis-je, pas municipal nécessairement.
À mon point de vue, on réduit d'autant la capacité des
gouvernements locaux de pouvoir aller en chercher davantage pour
améliorer certains types de services. Parce que, que je sois maire d'une
municipalité, échevin d'une municipalité, c'est ma
même municipalité qui va aller chercher, à partir du champ
de taxation foncier, de l'argent pour boucler le domaine scolaire, avec des
plafonds - ça, je le reconnais - avec des limites, mais il reste
qu'à court terme on enlève la possibilité d'aller chercher
des montants pour des services qu'on se serait peut-être donnés si
on n'avait pas ce nouvel envahissement du champ foncier. Ça, c'est un
premier danger. le deuxième, à mon point de vue, aussi, c'est que
ça ne crée pas nécessairement l'équité.
ça ne crée pas nécessairement une équité, le
fait de permettre d'aller chercher jusqu'à une limite de... parce qu'il
y a des milieux... est-ce que ce sont ces milieux qui sont dans le besoin
présentement, par rapport à d'autres? je ne suis pas certain. je
ne suis pas certain que dans certains milieux... là-dessus, s'il y a un
point avec lequel je partage un peu l'analyse du ministre, c'est le suivant. et
ce n'est pas toutes les commissions scolaires effectivement - j'achète
ça, ce n'est pas toutes les commissions scolaires; je ne dis pas
qu'elles ne le feront pas - qui sont obligées de le faire, je suis
sûr que ce n'est pas toutes les commissions scolaires. mais la tentation
sera sûrement grande d'aller chercher pour les motifs suivants... parce
que s'il est vrai que le gouvernement a accepté de remettre en question,
comme cinquième point, les cinq conditions de l'union des
municipalités et l'union des cités et villes, et l'union des
municipalités régionales de comté, je pense que là,
il pourrait y avoir tentation d'aller s'approprier un gâteau, sous
prétexte qu'il n'est pas éternel. on verra.
Le deuxième danger, me dit-on, dans le milieu scolaire, c'est que
certains ne s'occuperont pas, si ça devait durer, du parc immobilier.
Ils vont plutôt se contenter d'aller chercher l'argent, de boucher
à court terme, parce qu'il n'y a pas une obligation d'attribuer l'argent
qu'on va chercher, avec la nouvelle responsabilité qui leur est
confiée, à savoir l'entretien. Il n'y a pas une
automaticité entre la perception de l'argent qui sera disponible et la
nouvelle obligation qui leur est faite. Lui, c'est l'inverse de l'autre, si
ça devait durer sur une longue période, il n'est pas certain que
la qualité du parc immobilier puisse être conservée. Il y a
toutes sortes de prétextes. Je le sais parce que je l'ai vécu
dans le domaine hospitalier. On est passé avec un parc immobilier, dans
le domaine hospitalier. C'était quasi une honte. Il y avait une
vétusté épouvantable. Il pleuvait dans des salles
d'accouchement au Québec. Même dans le comté du ministre de
l'Éducation, on se rappellera, à deux endroits, ça faisait
terriblement pitié, dans des salles d'urgence avec des boyaux au-dessus
des têtes des patients, ça faisait pitié, merci,
effectivement. De sorte que les gens ont "raboudiné" toutes sortes de
choses et n'ont pas consenti des efforts corrects sur le parc immobilier comme
tel.
Donc, M. le Président, plusieurs dangers. J'ignore
complètement quelle sera la durée ou les effets de ce projet de
loi là dans le temps mais, personnellement, je souhaite une chose, c'est
que l'Union des municipalités du Québec et l'Union des
municipalités régionales de comté du Québec et le
gouvernement en viennent à conclure une entente encore une fois pour
qu'on ait la paix dans ce secteur-là, qu'on établisse une fois
pour toutes encore, pour au moins une décennie, une entente qui
permettrait au monde municipal et au monde scolaire d'y trouver leur compte.
Parce que je ne suis pas certain, M. le Président, je ne suis pas
certain que le monde scolaire soit heureux. Le monde scolaire aurait
été heureux si les 40 000 000 $ d'argent neuf ne s'étaient
pas accompagnés de nouvelles responsabilités. Les commissions
scolaires criaient. Et je le sais, j'ai des amis dans le monde scolaire, des
directeurs généraux, des directeurs de l'éducation aux
adultes, etc., directeurs du personnel, qui nous disent: Oui, on a besoin
d'argent, mais si on a de l'argent et que c'est accompagné de nouvelles
responsabilités, ça me donne quoi? L'argent que je demandais,
c'était pour faire face aux obligations que j'avais. Mais là, les
obligations que j'avais restent entières et les 40 000 000 $ que je
reçois sur le plan national sont accompagnés de
responsabilités additionnelles. Donc, ça ne
répond pas, selon eux, aux demandes formelles qu'ils faisaient au
gouvernement.
M. le Président, on se retrouve donc devant le problème
entier, si tel est le cas. Et les commissions scolaires ont donc raison de
dire: Bon, bien moi, j'escomptais de l'argent pour faire face aux obligations
auxquelles j'ai de la difficulté à répondre. Et, d'autre
part, on me confie de nouvelles responsabilités en disant: Oui, mais on
te donne de l'argent. Mais est-ce que l'argent suffira même pour payer
les nouvelles responsabilités? Voilà toute la question. Et le
monde municipal de rétorquer: Bien, écoutez, nous, on avait un
champ de taxation privilégié et vous le laissez envahir à
nouveau, alors qu'il y a quelques années, en 1979, vous aviez
réglé ça comme gouvernement.
Donc, M. le Président, tout ça pour vous dire que ce type
de législation que l'on a aujourd'hui, qui sera adopté en
troisième lecture dans quelques heures, constitue à notre point
de vue, M. le Président, non pas un mieux-être pour la
collectivité, ça constitue tout au plus une échappatoire
pour un ministère, mais il crée des problèmes pour un
autre. Ça peut régler temporairement, je dis bien que ça
peut régler, M. le Président, temporairement les problèmes
de l'éducation, mais ça crée temporairement aussi, si on
ne trouve pas de solution, un problème pour le monde municipal.
Donc, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire qu'on sera
contre, qu'on va voter contre. On a lutté contre. On a lutté
longuement contre avec tous les moyens que nous offrait le règlement,
vous en savez quelque chose, M. le Président. Vous avez passé
quelques heures sur ce banc à écouter nos discours, mais il y
avait un objectif fondamental, il y a beaucoup de sincérité et il
y a beaucoup de conviction à l'effet que nous aurions pu nous en sortir
autrement pour le mieux-être de nos concitoyens.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de
l'Opposition officielle et député de Joliette. Je reconnais
maintenant la prochaine intervenante, Mme la députée de
Verchères. Mme la députée.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Le ministre de
l'Education a fait tantôt un savant exposé pour défendre
son projet de loi 69, M. le Président. Mais moi, ça m'a
amenée à m'inter-roger. Il y a quelques éléments
que je vais présenter sous forme de questions, même si ce n'est
pas une commission parlementaire et que ce n'est pas la période de
questions.
M. le ministre nous parlait tantôt du dialogue qu'il voulait
rétablir entre le gouvernement, les municipalités et les
commissions scolaires. Je ne doute pas de son intention et j'espère que
ce dialogue sera pour le mieux-être de nos commissions scolaires, de nos
municipalités et des concitoyens et des usagers, que ce dialogue se
rétablira, M. le Président. Cependant, ça m'amène
à interroger le ministre et à lui dire que ce dialogue existait
avant. Pourquoi l'avoir rompu? C'est bien de vouloir rétablir un
dialogue, mais il faudrait peut-être s'interroger, à savoir
pourquoi on l'a brisé avant et de façon unilatérale.
Pourquoi l'avoir fait en cachette? Le dialogue, les municipalités
l'ont su lorsque le ministre, le gouvernement, a essayé de
répondre aux demandes des commissions scolaires qui voulaient plus de
marge de manoeuvre. Quel était l'historique des commissions scolaires?
Elles avaient 6 % qu'elles pouvaient aller puiser dans le champ foncier des
municipalités, 6 % pour des projets spéciaux, locaux, selon leurs
besoins particuliers. (17 h 50)
Comme le gouvernement a baissé ses budgets pour les commissions
scolaires, il en manquait et là, ce petit budget, cette petite marge de
manoeuvre qu'avaient les commissions scolaires leur a été
enlevée parce qu'elles devaient l'utiliser - vous l'avez entendu
à maintes reprises, M. le Président - pour les tapis, les
meubles, la maintenance, si vous voulez, des équipements
immobiliers.
Là, les commissions scolaires demandent une marge de manoeuvre
plus grande. Nous avons, d'une part, un gouvernement un petit peu
obsédé de baisser sa dette, un gouvernement qui veut, par tous
les moyens, essayer de dire: Si on ne baisse pas la dette, il ne faudrait
peut-être pas l'augmenter. Et on voit que, dans ses politiques, c'est une
constante, d'essayer de baisser cette dette. D'une part, vous avez ça;
d'autre part, vous avez, comme je disais tantôt, les commissions
scolaires qui demandent plus de marge de manoeuvre. L'occasion est trop belle,
on saute dessus, on attrape la perche et on dit: Oui, je vais vous donner plus
d'argent, mais je vais vous permettre d'aller jouer dans un
deuxième...
Là, arrive la troisième partie, qui sont les
municipalités, qui ne sont pas avisées et qui, là,
apprennent que les commissions scolaires peuvent aller jouer dans le champ
foncier des municipalités. Vous allez me dire: Les municipalités,
ça ne les pénalise pas, ce n'est pas elles qui paient. Non, mais
ce sont les mêmes contribuables en bout de ligne, M. le Président,
et ça réduit la marge de manoeuvre. Il y a des capacités
de taxation que des contribuables peuvent absorber, mais il y a des limites
aussi. Au moment où les taxes sont assez hautes, que ça vienne du
municipal ou que ça vienne du scolaire, il y a des limites à
taxer les contribuables.
Ce que les commissions scolaires vont aller chercher, c'est
évident que ça réduit la marge de manoeuvre des
municipalités. C'est pour ça
qu'elles étaient si en colère. On ne peut pas dire
qu'elles sont d'accord. Moi, dans mon comté, il y a 18
municipalités; 13 m'ont envoyé des motions - "attendu que",
"attendu que"; je pense que tous les députés connaissent ce genre
de demande des municipalités - pour les appuyer afin qu'on s'oppose
ensemble au projet de loi tel que présenté par le gouvernement.
13 sur 18, c'est plus qu'une majorité ça, c'est une grosse
majorité. Ça n'a pas empêché le gouvernement de
passer sa loi quand même.
Je reviens à ce dont le ministre pariait tantôt. Il parlait
de rebâtir - je voulais soulever quelques points - le dialogue. Il parle
d'une table ministérielle et là, j'aimerais qu'il m'apporte, si
c'est possible, quelques précisions. Il dit: Nous allons bâtir une
table ministérielle, bien sûr, où les ministres
concernés devront amener leurs points de vue et participer à ces
décisions. Pour ça, je pense qu'effectivement je lui fais
confiance. Je crois à sa sincérité de vouloir
établir cette table-là. Mais là où il est moins
sûr, je pense, c'est de rétablir le dialogue avec les
municipalités et les commissions scolaires. Ça, c'est
peut-être un petit peu moins certain parce que, là, c'est un petit
peu moins sous son contrôle. Il faudrait peut-être qu'il les
ramène de bonne humeur, M. le ministre. Ils sont drôlement
choqués et avec raison, je pense.
Il y a un autre point que j'ai soulevé. M. le ministre parlait
tantôt de la marge de manoeuvre accrue des commissions scolaires. Mais,
comme disaient mes collègues tantôt et notre leader de
l'Opposition, quelle marge de manoeuvre accrue de 40 000 000 $ pour les
commissions scolaires les moins riches pour maintenir l'équipement
immobilier? Je ne suis pas certaine, moi, qu'il va y avoir plus
d'équité. Je ne suis pas certaine, puisqu'ils vont aller piger
chez des contribuables d'une municipalité. Si, dans cette
municipalité-là, les contribuables ne sont pas riches, bien, ils
ne sont pas plus riches pour aller piger dedans. Je ne suis pas sûre,
moi, que, finalement, ça va leur donner une marge de manoeuvre plus
grande. Et la responsabilité. Laquelle? 40 000 000 $ en
responsabilité. Je ne suis pas sûre, moi. Si je dis à mon
fils: Écoute, je vais te donner tant par semaine de plus et tu
t'habilles avec ça, il y a bien des chances qu'il vienne me revoir en me
disant: Maman, tu ne m'en as pas donné assez. C'est ça qu'on ne
sait pas. C'est une affirmation qui reste à prouver. Je ne mets pas en
doute la bonne volonté du ministre, loin de là, ni sa
sincérité, mais ça reste à prouver, si la marge de
manoeuvre va être accrue.
Le ministre parle aussi de 3700 immeubles et il dit que 150 à
peine ont besoin de réparations. Ils vont continuer à vieillir,
ces immeubles-là, mais sa loi va rester là. Qu'est-ce qui va
arriver quand les écoles vont avoir besoin de réparations
majeures? Il va falloir qu'on aille taxer encore plus dans le champ foncier.
Là, ça va bien, les immeubles sont bons et il y en a juste 150
qui ont besoin de réparations. Ça me fait penser un petit peu au
fédéral - je sors un petit peu du contexte - qui dit aux
municipalités: Je vais vous vendre mes quais pour 1 $. Dans mon
comté, il y a la rivière Richelieu qui passe et il dit: Je vais
vous vendre les quais pour 1 $. Mais, en voilà, un cadeau! Il y a
à peu près 150 000 $ à mettre sur les quais; ils sont dans
un état de décrépitude complète. Ça fait que
tu leur vends pour 1 $ et tu leur dis: Répare-les. Ce que j'ai
dit...
Une voix: Un cadeau de Grec!
Mme Dupuis: Un cadeau de Grec. Ce que j'ai dit, moi, au
député fédéral, c'est: Bats-toi donc pour
ça, là! Dis-leur donc qu'il le répare, le quai. Pas juste
une minute? Ça n'a pas de bon sens.
Une voix: II l'"a-tu" réparé?
Mme Dupuis: J'ai dit: Qu'il répare son quai et,
après ça, on l'achètera pour 1 $.
Une voix: ...cadeau à faire?
Mme Dupuis: C'est dérangeant quand on sait qu'il nous
reste juste une minute, hein? On a une conclusion et...
Là, je pense que je vais finir juste par un petit point. Quand M.
le ministre parle du coût des études universitaires, là,
ça me touche de près pour avoir enseigné 12 ans à
l'université, j'ai trouvé ça tout à fait
inadmissible. Qu'on remonte un peu peut-être. Mais, au point où il
est remonté, il y a eu, encore là, exagération. Je voulais
simplement souligner au ministre que nos jeunes qui finissent avec des bacs ou
des maîtrises, des fois, ça leur prend - et je sais de quoi je
parle, quand tu enseignes 12 ans au niveau universitaire, tu sais un petit peu
ce qui arrive à tes étudiants après - un an ou deux, avant
qu'ils puissent se trouver un travail adéquat. Alors, les frais de
scolarité... Donc, ils s'endettent. Et qu'est-ce qu'on fait pour nos
jeunes qui ont de la difficulté à se trouver des emplois
même s'ils ont un bac? Je ne pouvais pas passer sous silence cette
remarque du ministre au sujet du coût des études
universitaires.
Je vais conclure en disant que, bien sûr, on a sauté sur la
perche des commissions scolaires qui voulaient plus d'argent. Bien sûr,
on n'en a pas parié aux municipalités, et là, la
dernière étape, c'est: On bâillonne l'Opposition. Motion de
bâillonnement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. Compte tenu de l'heure, je suspends ces travaux à
20 heures. Pardon?
M. Dufour: ...motion d'ajournement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non. M. le
député, vous savez que si vous faites la motion d'ajournement...
Vous savez ce que c'est qu'une motion d'ajournement? Le savez-vous? M. le
député... M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Lefebvre: M. le député de Jonquière nous
indique qu'il veut être certain de pouvoir reprendre le débat.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est la suspension
parce que l'ajournement, ce n'est pas la même chose. Je m'excuse, M. le
député. Vous lirez l'article 100 et vous comprendrez.
Donc, je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à
20 heures. Merci.
(Suspension de la séance à 18 heures)
(Reprise à 20 h 15)
Le Vice-Président (M. Cannon): Veuillez vous asseoir, s'il
vous plaît. Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du
projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur
l'enseignement privé, présenté par M. le ministre de
l'Éducation le 15 mai 1990. Je suis prêt à
reconnaître le premier intervenant, M. le député de
Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. En premier
lieu, on peut constater qu'on assiste à la fin d'un débat qui,
véritablement, n'a pas eu lieu entre les véritables antagonistes
ou entre les véritables concernés, puisque ce débat, au
premier titre, aurait dû avoir lieu entre le gouvernement, les
municipalités du Québec et le monde scolaire. On peut deviner par
quel tour de passe-passe le ministre de l'Éducation a réussi son
coup fourré, parce qu'il y a une façon d'arriver à ses
fins, et ça prend une habilité presque, je dirais,
machiavélique pour passer toutes les étapes auxquelles on a
assisté, dont on a été témoins, témoins,
bien sûr, nous qui avons constaté des faits qui se sont produits
à notre insu et à l'insu des véritables concernés.
La véritable partie de bras de fer s'est jouée au Conseil des
ministres, à partir du 6 novembre 1989, et s'est résorbée
ou conclue en date du mois de mars, du 6 ou du 15 mars environ. On ne se
chicanera pas pour les dates précises, mais il y a une chose certaine,
c'est que le début, c'est le 6 novembre.
Tout ça a origine d'un ministre qui, au moment où le pacte
fiscal s'est conclu, n'était pas de la partie, avait refusé
d'admettre que ce pacte-là avait atteint ses buts, avait
été fait au vu et au su de l'ensemble de la population et avait
été accepté par les parties. Parce que, ne nous le cachons
pas, même en 1979, avant que le pacte municipal et gouvernemental soit
conclu, déjà les règles du jeu étaient connues et
déjà les commissions scolaires savaient hors de tout doute que
leur autonomie concernant le pouvoir de taxation était limitée
par les discours des ministres des Finances qui, eux, fixaient le taux de
taxation. Voilà la sorte d'autonomie dans laquelle vivaient les
commissions scolaires.
À partir de 1979, qu'est-ce qui s'est passé? On a
accordé une certaine autonomie aux commissions scolaires, avec des
barèmes très précis, mais dans lesquels elles pouvaient
évoluer. Le problème ou les difficultés ont
commencé lorsqu'il y a eu des manques évidents d'argent de la
part du gouvernement qui a serré les octrois ou n'a pas respecté
à 100 % son pacte envers le monde scolaire. Voilà, en gros, ce
qui s'est passé. Mais qu'est-ce qu'on fait pour réparer l'erreur?
C'est que celui qui a dénoncé avec le plus de
véhémence ce qui s'est passé en 1979, parce que,
prétendait-il, on avait écarté le monde scolaire de cette
négociation, a refait exactement le coup en 1990, c'est-à-dire
qu'il a réussi à écarter le monde municipal. Ce qui me
fait dire, à la suite de mon propos, que le véritable
débat a eu lieu, bien sûr, entre parlementaires, mais les
véritables concernés ont été mis de
côté. Voilà la sorte de gouvernement qu'on a devant nous,
gouvernement qui escamote les problèmes autant que faire se peut, mais
qui, en même temps, se désengage de ses responsabilités et
tranfère aux autres son propre travail.
Qu'est-ce que ça va faire, ce tranfert de responsabilités
au monde scolaire? L'autonomie nouvelle? Pour 320 000 000 $ de taxes qu'on va
collecter, les commissions scolaires auront, en argent neuf ou en argent net,
13 000 000 $, ce qui veut dire une commission de 4 % pour agir comme collecteur
ou percepteur de taxes au nom du gouvernement. Quelle est l'autonomie que ces
commissions scolaires auront en retour? L'administration des écoles et,
en même temps, ce qu'il y avait avant. Il n'y a rien de rajouté.
Donc, à ce moment-là, leur autonomie et accepter de recevoir une
péréquation augmentée de 27 000 000 $ qui leur permettrait
de vivre à peu près au seuil du minimum accordé à
l'ensemble du monde scolaire.
Quels sont les effets vis-à-vis du monde scolaire? C'est qu'il y
a un paquet de commissions scolaires qui vont vivre en dessous ou au seuil de
pauvreté, ce qui fait que l'éducation va en prendre un coup.
Donc, voilà les qualités, les principales caractéristiques
de ce projet de loi qui prendra terme au cours de la soirée. Et tout
ça, encore une fois, parce que le gouvernement agit avec
désinvolture dans la façon de taxer, parce qu'il a nié le
pacte fiscal de 1980 et qu'il a mis le partenariat des municipalités de
côté.
Rappelons-nous que, depuis 10 ans, les municipalités ont pris des
responsabilités nouvel-
les parce qu'elles avaient un champ de taxation qui leur était
propre. À partir de maintenant, les municipalités n'ont plus le
même champ de taxation, ont gardé ces responsabilités et,
en même temps, le gouvernement prévoit leur ajouter de nouvelles
responsabilités. Il s'agit de regarder ce qui se passe. Les 320 000 000
$ ne sont qu'un début. La vraie recherche de ce gouvernement, c'est 1
300 000 000 $ qu'on veut aller chercher ou faire prélever par les
autres. De quelle façon on l'obtiendra? Bien sûr en jouant sur le
taux de la taxe foncière au profit des commissions scolaires, mais
aussi, sûrement, en allant dans le transport en commun pour aller
chercher les 275 000 000 $ ou pour que le gouvernement s'abstienne de donner
275 000 000 $ aux municipalités et, en même temps, par des hausses
des coûts d'immatriculation à la recherche dans le régime
d'assurance automobile, et en même temps dans l'entretien du
réseau routier. Voilà en gros les visées et les buts que
le gouvernement poursuit sous le couvert de cette partie de bras de fer qui
s'est engagée entre deux ministres, parce que, en fait, c'est ça,
entre deux ministres. Le débat s'est fait, bien sûr, portes
closes.
Il y en a un qui a gagné, c'est le ministre de
l'Éducation. Pourquoi j'identifie le ministre de l'Éducation
comme un des vrais coupables, possiblement avec ses larrons - ils s'entendent
bien ensemble - et le président du Conseil du trésor, qui a
été certainement partie prenante. Parce qu'à aucun moment
le ministre des Affaires municipales n'était intervenu dans ce
débat. Celui qui a été élu, nommé pour
défendre les intérêts des municipalités, à
aucun moment on ne l'a entendu parler, à l'intérieur du
débat qui s'est poursuivi ici, à l'Assemblée nationale.
Les seules fois qu'on l'a entendu parler, c'est qu'on l'a entendu pleurer
quelque part, à l'extérieur pour dire: Moi, je ne voulais pas,
mais ils m'ont eu. Mais j'ai fait mon travail pareil. C'est ça, ce qui a
été dit. C'est ça qu'on constate. C'est ça qu'on
voit. Si ce n'était pas ce qui s'est passé, c'est certain que le
ministre des Affaires municipales serait ici, devant nous, pour défendre
son projet de loi. Mais il ne pourrait pas, et il n'a voté nulle part.
Je vous mets au défi de chercher, dans tous les votes qu'on a pris
concernant la loi 69, la griffe ou la présence du ministre des Affaires
municipales.
Ça ne vous étonne pas, vous autres, en face? Ça ne
vous dérange pas? Vous êtes en frais de passer non seulement sur
le dos des contribuables, mais vous passez sur le dos du ministre des Affaires
municipales qui, lui, est complètement escamoté,
évacué du débat, il ne faut pas se le cacher. Ça,
c'est la réalité. Et je vous invite à la regarder en face,
mais je voudrais aussi faire appel à des gens qui ont exercé la
fonction de maire parmi vous autres. Ceux qui ont déjà
vécu avec les bénéfices que la Loi sur la fiscalité
municipale a apportés à leurs concitoyens et à leurs
municipalités, je vous invite à réfléchir
là-dessus. De quelle façon pouvez-vous défendre une loi
qui apporte des conséquences aussi néfastes dans le milieu:
baisse de la qualité de l'éducation, baisse aussi de la
qualité de vie par rapport aux citoyens? Parce que, malgré les
éléments que j'ai soulevés, c'est évident que les
municipalités sont prêtes à s'engager dans d'autres
dossiers et dans d'autres domaines. Il s'agit juste des invitations pressantes
que le ministre de l'Environnement pourrait faire aux municipalités pour
leur dire que ça serait bien qu'elles s'impliquent dans
l'environnement.
Regardons le ministère de la condition féminine et de la
famille, c'est quoi? C'est encore des appels pressants aux
municipalités. Tous les ministres de l'autre côté sont
prêts à demander aux municipalités de leur aider à
faire un meilleur travail. Et de quelle manière qu'on le fait? C'est en
les écrasant, en les écartant du débat et en les mettant
de côté. Voilà des éléments sur lesquels on
doit réfléchir et auxquels on devrait faire attention. Ce n'est
pas comme ça qu'on peut régler les rapports entre les individus.
Ce n'est pas toujours un rapport de force, c'est surtout un rapport de
compréhension, un rapport de cheminement, de partenaires. Et le
gouvernement qu'on a en face, malheureusement, par l'entremise du ministre de
l'Éducation, a renié ce rapport harmonieux qui a existé.
Et il y a un prix à payer. Et lorsque je vois des gens qui
applaudissent, je dis que déjà ils applaudissent leur
défaite. Leur défaite, c'est justement de poser des gestes
souventefois qui sont arrogants, qui vont à rencontre des besoins de la
population et qui font qu'on transfère aux autres ce qu'on n'a pas le
courage de faire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Jonquière. Mme la députée de
Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. M. le
Président, vous me voyez un peu chagrinée d'avoir, pour la
dernière fois, la chance de parler sur ce projet de loi et je voudrais
m'adresser principalement aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Ils
ne sont pas couchés à cette heure-ci. C'est une bonne heure pour
faire une intervention pour leur parler directement à eux, aux citoyens
et aux citoyennes du Québec, mais je devrais les appeler les
contribuables parce que, depuis le discours sur le budget, ils contribuent et
ils vont contribuer. Parce que, depuis le discours sur le budget, c'est dans
leur poche que ça va faire le plus mal.
Contribuables du Québec, c'est à vous que je m'adresse ce
soir, parce que le 1er juillet 1990 - on est le 19 juin - dans exactement 11
jours, le gouvernement que nous avons en face
de nous ira chercher dans vos poches 320 000 000 $ de taxes
foncières scolaires. N'avons-nous pas raison, dans ce cas-là, de
les appeler les contribuables? On va aller chercher dans vos poches 320 000 000
$, mesdames et messieurs, pères et mères de famille, parents de
jeunes ou de plus grands enfants. Nous irons chercher dans vos poches 140 $ par
famille. C'est ça que ça représente.
Qu'allons-nous faire avec nos gens qui ont déjà de la
difficulté à arriver, qui ont de la misère à
attacher les deux bouts, pour arriver en fin de semaine? 140 $ par famille et
on dit que ce gouvernement est un gouvernement qui favorise les familles! De la
foutaise! C'est de la foutaise. Ça va coûter 140 $ de plus par
famille, simplement pour payer les taxes scolaires, pas pour 56 affaires, pour
payer les taxes scolaires.
Et ce sont les propriétaires et les locataires de l'année
prochaine, parce que là les baux sont signés, qui se verront
amputés, dans leurs poches, de 140 $ par famille, c'est-à-dire
320 000 000 $ pour tous les contribuables du Québec. Est-ce que les gens
sont en droit de s'attendre que, si on va chercher 320 000 000 $ dans leurs
poches, ils vont avoir plus de services, ils vont recevoir plus de services en
éducation? Est-ce que ce serait à ça que les gens
devraient s'attendre? "Niet". Ce ne sera pas des services de plus. Non. Non.
Pas de services de plus. Savez-vous pourquoi? Parce que pendant qu'on va
chercher 320 000 000 $ dans leurs poches, dans l'autre main, avec l'autre main,
le ministre de l'Éducation, le gouvernement du Parti libéral va
prendre 307 000 000 $ en subventions aux commissions scolaires pour le
fonctionnement des équipements. Donc, il va rester un tout petit
montant. Ça veut dire que c'est encore les contribuables qui vont payer
la facture. (20 h 30)
M. le Président, c'est une taxe foncière
répressive, c'est une taxe inacceptable, une taxe que le ministre des
Finances a annoncée et que les autres exécutent parce qu'il
n'était pas capable de le demander directement. Il fait faire la job
sale par les autres. C'est ça. Et dans 10 ans, nos écoles, de
quoi elles vont avoir l'air? Est-ce que le ministre peut nous jurer que toutes
les écoles vont être en bonne forme et qu'on n'aura pas de regret
de l'acte qu'on est en train de poser? En tout cas, ça ne sera pas notre
faute, M. le Président. On a tenté de faire toutes les
étapes du projet de loi, mais vous vous souvenez, il y a quelques jours,
de ce qui est arrivé. On a eu un bâillon, un des trois. Un des
trois bâillons, c'est ça qu'on a eu. Ce n'est pas la faute de
l'Opposition parce que l'Opposition a tenté de faire son travail et elle
va tenter de le faire jusqu'au bout.
M. le Président, est-ce que nos municipalités du
Québec vont être plus heureuses que nos familles du Québec?
Est-ce que nos municipalités vont remercier le gouvernement et lui dire:
Merci beaucoup, vous avez bien agi? Non, M. le Président. Non. Les
municipalités sont insultées. Toutes les municipalités du
Québec sont insultées d'avoir été trichées
par leur partenaire, d'avoir été mises à part, mises
à part des discussions qui auraient pu faire en sorte qu'un projet de
loi soit mis de l'avant en accord avec les deux partenaires - les trois, parce
qu'il y a deux associations: les MRC et les municipalités du
Québec. Mais leur partenaire ici, à l'Assemblée nationale,
le gouvernement libéral, c'est ce partenaire-là qui a fait
défaut. Ce ne sont pas les municipalités. Les
municipalités avaient même offert à ce partenaire 75 000
000 $, de bonne foi, pour montrer qu'elles étaient capables de faire un
acte pour aider le gouvernement à s'en sortir. Qu'est-ce que le
partenaire de ces municipalités-là a fait? Il les a laissé
tomber, il les a laissé tomber. C'est ça qu'il a fait, M. le
Président. Il ne s'est pas contenté des 75 000 000 $ qui
étaient quand même un bon montant d'argent. Il ne s'est pas
contenté des 75 000 000 $. Il a été beaucoup plus à
fond. Et il a laissé tomber ses partenaires, les
municipalités.
Je ne sais pas, M. le Président, dans l'esprit de ces
gens-là, si le mot "partenariat" a encore une signification. En tout
cas, je suis persuadée au moins d'une chose. C'est que dans l'âme
et dans le coeur des municipalités, le mot "partenariat" qu'elles
connaissaient avant n'a plus la même signification. Il est totalement
disparu. Quand tu es partenaire de quelqu'un, c'est que tu fais confiance
à quelqu'un et quand ce quelqu'un te fait faux bond, eh bien, la
confiance n'existe plus et c'est là qu'on est rendu, M. le
Président. On est rendu que les municipalités n'ont plus du tout
confiance au gouvernement libéral. Nos familles du Québec non
plus parce qu'il n'y aura pas seulement les taxes scolaires, il va y avoir les
ponctions dans la Régie de l'assurance automobile. Il va y avoir aussi,
dans plusieurs autres domaines, une augmentation par la bande; non pas
directement, mais par la bande, qui va faire que nos municipalités vont
être encore plus pauvres et vont avoir de la difficulté à
joindre les deux bouts. Et on se dit un gouvernement qui veut faire en sorte
que nos familles grossissent davantage, que nos familles soient plus à
l'aise et que nos familles soient plus heureuses? C'est la façon de ce
gouvernement de prouver à nos familles qu'il est capable de les aider.
On les égorge. C'est ça qu'on fait. On leur met taxe par-dessus
taxe et on va les chercher directement dans leurs poches. C'est encore plus
insultant, plus grave encore.
Je voudrais bien savoir, M. le Président, comment le ministre des
Affaires municipales va faire pour récupérer ce partenaire que
sont les municipalités. Quand on dit que les commissions scolaires ne
sont même pas contentes de ce qui se passe, parce qu'elles savent
très bien que le cadeau qu'elles ont reçu, c'est un cadeau
empoi-
sonné, M. le Président, empoisonné parce que la
taxe qu'ils vont chercher dans leurs poches va être diminuée
d'autant ici. Je n'en voudrais pas, moi non plus, d'un cadeau comme ça,
M. le Président. J'aime les cadeaux, mais les cadeaux sincères,
pas les cadeaux empoisonnés.
J'aimerais bien savoir comment ce gouvernement va faire pour aller
chercher, pour recouvrer cette confiance. Oui, c'est vrai, le prochain qui va
se lever de l'autre bord, va dire: Bon! On vient d'être élus,
là. On a été élus le 25 septembre...
Le Vice-Président (M. Cannon): ... Mme la
députée.
Mme Juneau: Oui, M. le Président, je vais conclure. Le 25
septembre, ça ne fait pas longtemps, on vient d'être élus.
Les gens nous ont fait confiance. Mais, après tout ce que vous avez fait
et depuis le discours sur le budget, la confiance, on la retrouve beaucoup plus
bas. Puis, M. le Président, si le ministre avait été
responsable et qu'il avait écouté l'Opposition, peut-être
qu'on n'aurait pas le problème qu'on a aujourd'hui, puis que les
familles vont payer.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée de Johnson. M. le député d'Ungava.
M. Christian Claveau
M. Claveau: M. le Président, comme vous voyez, on est
toujours en pleine forme, on est toujours prêt à continuer
à défendre les intérêts de la population devant ce
gouvernement qui semble en faire fi trop volontairement, qui expédie
d'une façon très cavalière les intérêts du
peuple du Québec.
Ce n'est pas la première fois dans les dernières 24 heures
que nous avons à intervenir sur ce projet de loi qui a fait l'objet d'un
bâillon, projet de loi qui brise le pacte fiscal de 1979, projet de loi
qui a été rejeté à l'unanimité par les
municipalités du Québec. Ça fait pas mal de monde,
ça, M. le Président. Projet de loi aussi qui a été
rejeté du revers de la main de la façon la plus spectaculaire que
l'on puisse imaginer par l'Union des municipalités régionales de
comté du Québec, parce qu'ils ne pouvaient croire, toutes ces
gens, qu'un gouvernement pouvait aussi facilement renier sa parole, qu'un
gouvernement pouvait aussi facilement fouler aux pieds un autre niveau de
gouvernement. Parce que, ne l'oublions pas, M. le Président, le domaine
municipal, c'est un niveau de gouvernement tout aussi important au niveau local
que peut l'être le gouvernement du Québec sur le plan national. Un
niveau de gouvernement qui a des responsabilités, qui a une gestion
quotidienne à faire de ces responsabilités-là et qui a
à répondre directement à la population à laquelle
il donne les services qui lui incombent.
M. le Président, ce niveau de gouvernement n'en revient toujours
pas de la façon dont il est traité par le gouvernement
supérieur qui lui a donné les mandats avec lesquels il a à
travailler aujourd'hui, tout près des populations, beaucoup plus
près des populations.
M. le Président, j'ai été maire et je vous assure
d'une chose, c'est que, lorsque vous jouez dans la taxation, lorsque vous avez
à modifier quoi que ce soit qui touche le portefeuille de vos citoyens
quand vous êtes maire, ça ne prend pas de temps que ça
rebondit à la table du conseil, ça ne prend pas de temps que
l'hôtel de ville s'emplit pour faire part des revendications. Et je peux
vous assurer d'une chose, c'est que, dans ce contexte-là, ce n'est pas
facile d'imposer le bâillon à une population.
Ici, en cette Chambre, le gouvernement peut imposer le bâillon,
facilement même, très légèrement devrais-je dire,
aux représentants du peuple qui ne sont pas de son avis, mais un conseil
de ville peut plutôt difficilement imposer le bâillon à une
population qui envahit l'hôtel de ville pour lui faire connaître
directement sur place ses points de vue, ses revendications. (20 h 40)
M. le Président, en modifiant le pacte fiscal de 1979, eh bien,
le gouvernement vient d'acculer les conseils municipaux au pied du mur. Ah! le
gouvernement dit: Nous ne touchons pas à la capacité de taxer de
la municipalité; l'Opposition n'a rien compris. Ce n'est pas là
qu'on va, c'est dans la taxe scolaire. Ça va être aux commissions
scolaires à augmenter leur taxation locale, pas aux
municipalités. Donc, en quoi, dit ce gouvernement, pouvons-nous affecter
la capacité de taxation des municipalités?
Eh bien, je vais vous le dire, M. le Président, comment ce
gouvernement est en train de jouer dans la taxe foncière et nuire
fondamentalement aux municipalités dans leur gestion du quotidien et
dans les comptes qu'elles ont à rendre immédiatement sur le
terrain à la population à qui elles donnent des services. Vous
savez, un maire peut difficilement se cacher derrière une limousine ou
dans un hélicoptère pour rejoindre sa maison de l'hôtel de
ville, il doit se promener à travers son monde. Un ministre peut
toujours se réfugier dans une limousine. Un premier ministre peut
toujours voyager en hélicoptère, s'il a peur de sa population,
mais un maire peut difficilement le faire. Il doit se promener sur le trottoir
avec ses concitoyens et, dans la plupart des cas, il travaille avec eux, parce
que les maires à temps plein, au Québec, il n'y en a pas une
foule, et la plupart sont, à toutes fins pratiques, des
bénévoles qui veulent bien participer à leur façon
à la vie active de leur communauté, mais avec leur monde, et non
pas en confrontation avec leur population.
Par ce projet de loi, M. le Président, le ministre de
l'Education, de connivence avec le
ministre des Affaires municipales, est en train d'enlever la marge de
manoeuvre que pouvaient avoir les municipalités dans leur propre champ
de taxation. C'est ça qui se passe. À partir du moment où
on va chercher 320 000 000 $ en taxes supplémentaires dans le champ
foncier pour répondre à des besoins qui, normalement, devraient
être comblés à partir des fonds du Trésor public du
Québec pour les commissions scolaires, pour le service
d'éducation, eh bien, en faisant cela, on enlève par le fait
même une marge de manoeuvre du même ordre de 320 000 000 $ aux
municipalités pour faire face aux nouveaux besoins auxquels elles auront
nécessairement à faire face.
Quand je regarde en plus, M. le Président, un ministre des
Transports qui vient nous dire en cette Chambre, bien candidement, le sourire
aux lèvres, qu'il envisage la possibilité de transférer
une part des responsabilités d'entretien des routes aux
municipalités, sous prétexte que ça coûte trop cher
au gouvernement, il pense que ça va coûter moins cher aux
municipalités? Qui va payer, M. le Président? Qui va payer? Le
gouvernement? Ce serait surprenant; s'il le transfère aux
municipalités, c'est justement pour sauver de l'argent puis pour faire
plaisir au président du Conseil du trésor. Alors, il n'enverra
sûrement pas l'argent avec, si jamais il va jusque-là. Ça
va représenter des frais supplémentaires pour les
municipalités, M. le Président. Il va falloir taxer quelque part,
ou l'argent va être allé aux commissions scolaires, parce que le
ministre de l'Éducation a été plus vite que son
collègue des Transports et il a compris qu'il fallait qu'il se
dépêche d'aller chercher cet argent-là dans les poches des
contribuables pour aider, lui aussi, son collègue du Conseil du
trésor qui semble avoir la dent longue.
Donc, M. le Président, on diminue substantiellement la marge de
manoeuvre des municipalités. On rend la gestion municipale excessivement
difficile, dans la mesure où on leur enlève une part importante
de leur capacité de taxer, en plus du niveau de taxation qu'elles ont
actuellement, parce que les municipalités sont juste comme les autres
niveaux de gouvernement, elles ont à donner des services à une
population, population qui réclame, à juste titre, ces
services-là. Elles doivent les donner dans les meilleures conditions
possible. Les municipalités aussi font face à l'indexation. Les
municipalités aussi font face à de la dette à long terme.
Les municipalités aussi font face à des problèmes du
quotidien ou des problèmes imprévus. À l'occasion, elles
doivent dépenser des sommes plus importantes qu'il était
prévu, justement parce qu'il est arrivé des
événements incontrôlables en cours d'exercice. Ça
arrive dans les municipalités. Les municipalités ont besoin de
cette marge de manoeuvre et on la leur enlève candidement, M. le
Président. Après, on se surprend qu'elles soient toutes contre.
On se surprend que les municipalités ne soient pas d'accord.
Imaginez-vous jusqu'à quel point ce gouvernement est insensible à
la dynamique sociale locale, à la dynamique de base qui régit les
relations entre les individus sur le terrain, là où se passe
l'action.
Ce gouvernement, M. le Président, est un gouvernement de tour
d'ivoire, gouvernement de 52e étage, loin du trottoir, loin de la
mêlée, loin des vrais problèmes, un gouvernement qui n'a
pas l'habitude de regarder un problème en face et qui prend panique
dès qu'il y a une vibration un peu suspecte quelque part, à
l'instar de certains de ses ministres qui se sont ramassés sous des
tables lors de certains tremblements de terre. C'est comme ça que ce
gouvernement gère. Il se ferme les yeux, il refuse de voir la
réalité. Il n'a qu'une obsession, ses équilibres
comptables, et en transférant la responsabilité à
d'autres, en modifiant les façons de taxer pour que ce soit d'autres,
finalement, ou que ce soit autrement que l'on perçoive les fonds qu'il
devrait normalement donner à partir du Trésor public, eh bien, il
réussit à donner l'opinion dans la population, à garder
une espèce d'auréole à l'effet qu'il administre bien,
qu'il diminue le déficit. C'est facile de diminuer le déficit
lorsque l'on transfère la responsabilité de payer ses dettes au
voisin.
C'est comme ça qu'on est gérés. La Loi sur
l'assurance automobile que l'on a aussi sous forme de bâillon devant
cette Chambre, c'est le même principe. On transfère la
responsabilité ailleurs et, après, on vient se vanter d'avoir
diminué le déficit, ce qui, de toute façon, n'est pas
évident. Et après on se demande pourquoi les gens ne sont pas
contents. On ne comprend pas que certains puissent être insatisfaits de
ce genre de décision là.
M. le Président, en guise de conclusion, j'inviterais le
gouvernement à sortir de sa tour d'ivoire, à se rapprocher de la
mêlée. Peut-être qu'il pourra comprendre un jour la
véritable dynamique humaine qui régit notre
société. Ce serait un avantage pour tout le monde.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député d'Ungava. M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Merci, M. le Président.
M. Khelfa: M. le Président! M. le Président! En
fonction de notre règlement, est-ce que je peux poser une question au
député d'Ungava?
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui, en fonction de
l'article 213, vous désirez poser une question au député.
M. le député d'Ungava, est-ce que vous acceptez de
répondre à une question du député de Richelieu?
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Cannon): Mme la
députée de Johnson, s'il vous plaît!
M. Claveau: Après les prochaines élections, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): D'accord. Alors, il n'y a
pas consentement. M. le député de Bertrand.
M. Khelfa: Avec la même répartition. Merci. M.
François Beaulne
M. Beaulne: À peu près tout a été dit
sur le projet de loi 69, à la fois sur son contenu et sur la
façon dont il a été piloté dans cette Chambre. Je
n'ai pas l'intention de renchérir sur ce qu'ont dit mes
collègues, mais j'aimerais simplement faire quelques remarques finales
avant l'adoption du projet en question.
M. le Président, je trouve d'abord que ce projet de loi est
malencontreux parce que la conjoncture pour l'introduire est mal choisie. Elle
est mal choisie parce que le projet de loi est introduit dans une
période d'incertitude quant à l'évolution de la
fiscalité publique, aussi bien au niveau fédéral qu'au
niveau du Québec. Il aurait été préférable,
à mon avis, de procéder à une réforme de l'ampleur
de celle-ci dans le contexte d'une réforme globale de la
fiscalité québécoise plutôt que de procéder
à la pièce, comme on est en train de le faire dans ce contexte.
Vous vous souviendrez sans doute que le gouvernement fédéral,
dans son dernier budget, ainsi que le gouvernement du Québec, dans son
dernier budget, ont déjà annoncé l'amorce d'un virage
important de la fiscalité publique, à la fois au niveau canadien
et au niveau québécois, en annonçant un virage du
côté de la taxation indirecte. Le projet de loi 69 s'inscrit
très bien dans cette mouvance vers la taxation indirecte, vers
l'augmentation des revenus gouvernementaux à partir de services rendus
spécifiquement à la population plutôt que par la voie de
l'imposition directe sur l'impôt des individus.
Il se peut fort bien que le projet en question ait pu faire l'objet
d'une réforme en profondeur dans un contexte beaucoup plus global mais,
dans le contexte actuel, il m'apparait dangereux de procéder à la
pièce plutôt que d'étudier ce projet-ci, de là
même façon qu'on étudie le projet sur la Régie de
l'assurance automobile du Québec ou d'autres projets qui ont des
incidences financières, et surtout via la taxation indirecte et la
perception indirecte de fonds, qu'on étudie ces projets de loi
indépendamment de l'orientation générale que l'on souhaite
donner aux finances publiques au niveau du Québec. Deuxièmement,
la réforme en profondeur... (20 h 50)
Le Vice-Président (M. Cannon): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président. Je m'excuse le
Président...
Le Vice-Président (M. Cannon): En vertu de quel
article?
Mme Juneau: Je ne sais pas le numéro du règlement,
M. le Président. Ce que je veux vous dire, c'est qu'on entend des
chuchotements. Mon collègue a droit à son droit de parole.
Le Vice-Président (M. Cannon): En vertu de l'article 32,
alors, "les députés doivent observer le règlement et
contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée. "Ils occupent
la place qui leur a été assignée par le président,
y demeurent assis et gardent le silence à moins d'avoir obtenu la
parole. "Ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression
d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée."
Alors, je demanderai aux collègues qui ne sont pas
assignés à leur fauteuil de reprendre leur fauteuil. Ceux et
celles qui désirent poursuivre des caucus, qu'ils aillent à
l'extérieur, il y a des places pour ça.
M. le député de Bertrand, s'il vous plaît, vous
pouvez poursuivre.
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je disais, comme
premier commentaire final sur l'opportunité d'introduire ce projet de
loi, qu'il me semblait malencontreux et inopportun en raison de l'absence d'une
réforme globale de la fiscalité publique
québécoise.
La deuxième raison qui m'incite à intervenir à ce
stade-ci à rencontre du projet concerne la façon dont il a
été piloté. Une réforme en profondeur de l'ampleur
de celle qui est envisagée par le projet de loi 69 aurait eu avantage
à se faire par voie de consensus plutôt que d'être
imposée aux principaux intervenants concernés et d'être
imposée également à l'Assemblée nationale du
Québec. Nous connaissons tous les avantages qui militent en faveur d'une
participation par consensus à des réformes de l'ampleur de celle
qui nous est présentée aujourd'hui. Malheureusement, par la
façon dont il a été piloté, à la fois dans
cette Chambre et surtout auprès des principaux intervenants
concernés, ce projet de loi n'a fait, en somme, que semer la
méfiance et éveiller les soupçons entre des partenaires
qui, jusqu'ici, s'entendaient très bien.
Troisièmement, M. le Président, cette réforme,
à mon avis, ne change pas grand-chose, sinon d'avoir contribué
à instaurer un climat de méfiance entre les municipalités
et les commis-
sions scolaires. J'ai eu l'occasion, hier, d'intervenir et d'expliquer
que selon moi, d'abord, ce projet de loi aura peu d'incidence sur la
responsabilisation des gestionnaires des commissions scolaires, puisque les
montants qui sont visés ont peu d'importance sur la
responsabilité qu'ont des gens sur l'administration des biens publics.
J'ai eu l'occasion de signaler que l'ampleur des montants a finalement peu
d'incidence sur la saine gestion que doivent avoir les gestionnaires
publics.
Deuxièmement, ce projet aura peu d'incidence sur la participation
au vote. Je n'ai vu nulle part d'indications ou d'études, ou je n'ai
été aucunement convaincu que ce projet de loi, en ajoutant des
fonds supplémentaires à être gérés par les
commissions scolaires, va inciter la population à participer davantage
au vote. Je veux bien donner au ministre le bénéfice du doute.
Nous verrons le 4 novembre prochain si, effectivement, ce genre de
démarche est de nature à inciter la population à exercer
davantage ses privilèges de vote au niveau des commissions
scolaires.
Troisièmement, je suis convaincu que ce projet de loi aura
très peu d'incidence sur les finances publiques du Québec,
puisque les fonds additionnels que les commissions scolaires iront puiser chez
les contribuables, au détriment des municipalités, n'ajouteront
pas de sommes considérables au fardeau que doit déjà
absorber le ministère de l'Éducation quant au financement du
système général d'éducation au Québec. Si
l'on ajoute l'impact de l'inflation, si l'on ajoute le vieillissement des
équipements, si l'on ajoute l'augmentation de la population scolaire,
principalement la population scolaire d'âge primaire, et par
conséquent l'augmentation de la population scolaire d'âge
secondaire, étant donné, comme on le sait très bien et
fort heureusement d'ailleurs, que le taux de natalité au Québec a
commencé à se réajuster à un niveau plus normal, il
est à prévoir que, dans les années à venir, le
ministère de l'Éducation devra assumer des responsabilités
encore plus grandes au niveau du financement des équipements, au niveau
de la création d'écoles. Et, à ce chapitre-ci, je dois
souligner que déjà le ministère a des problèmes
pour faire face à ses responsabilités en ce domaine,
principalement en raison des mouvements démographiques qui s'effectuent
autour des grands centres urbains du Québec. Aussi bien dans la
région métropolitaine de Québec que dans la région
métropolitaine de Montréal, on assiste à un
déplacement de la population qui remet en question la façon dont
ont été conçues et dont ont été
éparpillées les installations éducationnel-les dans ces
régions. Déjà, le ministère de l'Éducation a
des problèmes à faire face aux besoins de services additionnels
requis par ces populations. Sur la rive sud de Montréal, nous en vivons
des exemples tout à fait particuliers, en particulier dans la
région est de la commission régionale de Chambly.
M. le Président, pour avoir peu d'incidence finalement, somme
toute, sur les finances publiques du Québec, sur le fardeau fiscal du
ministre de l'Éducation, et, par contre, pour semer la bisbille entre
des partenaires importants comme les municipalités et comme les
commissions scolaires, j'estime que le jeu n'en valait pas la chandelle et que
plutôt que d'introduire un projet de loi de la façon dont il a
été introduit il aurait mieux valu attendre un peu plus,
élargir la base de consentement et surtout procéder par voie de
consensus. M. le Président, voilà les raisons voilà
pourquoi, en compagnie de mes collègues, je voterai contre ce projet.
Merci.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Oui, il est important
d'intervenir, en cette dernière occasion, sur le projet de loi 69 qui
nous est soumis par le ministre de l'Éducation, responsable de
l'enseignement supérieur et des sciences. Et j'allais un peu reprendre -
parce que 10 minutes pour s'exprimer sur un projet de loi qui a une telle
importance au niveau de ce qu'il va signifier pour l'avenir... J'avais
déjà eu l'occasion de m'exprimer à l'occasion de la prise
en considération du rapport de la commission qui, finalement, a
été bâillonnée et qui n'a pas pu aller jusqu'au bout
de sa réflexion autour de ce projet de loi. Je disais donc que j'allais
intervenir sur ce que signifie pour le monde municipal, pour le monde scolaire,
ce que ce gouvernement est en train de faire à ces organismes locaux,
à ces gouvernements locaux.
Le ministre reconnaissait hier qu'effectivement il s'agit bien là
d'une nouvelle taxe. Ce transfert de responsabilités du ministère
de l'Éducation vers les commissions scolaires, en particulier sur le
volet du MAO, de l'aménagement, de l'outillage et de l'ameublement, va
donc obliger les commissions scolaires à aller chercher dans l'assiette
fiscale des contribuables au niveau de l'assiette foncière, plus de sous
dans le portefeuille des familles du Québec. Et c'est de ça,
fondamentalement, qu'il s'agit de discuter ici. Ce gouvernement a choisi -
enfin jusqu'à ce qu'il se ravise, mais il ne semble pas que ce soit
l'intention du ministre jusqu'à maintenant - ce gouvernement a choisi de
dire: Nous avons un certain nombre de responsabilités qui nous sont
accordées, que nous avons adoptées ensemble au Québec au
niveau de la réforme de notre système d'éducation et je
décide, en quelque sorte, de changer les règles du jeu. Je
décide, par la bande, par ce projet de loi, que les commissions
scolaires vont devoir aller chercher dans la poche des contribuables beaucoup
plus d'argent
en termes de répartition de l'effort d'éducation au
Québec, aller chercher directement dans la poche des contribuables
plutôt que de le faire via un mécanisme
panquébécois, parce que nous nous étions donné une
approche universelle de réponse aux besoins de l'éducation de
façon que les enfants de la petite municipalité de Laforce dans
l'est du Témiscamingue, que les enfants d'Outremont, que les enfants de
la Gaspésie et que les enfants d'autres quartiers de la ville de
Québec aient exactement droit aux mêmes services, au même
support, à la même qualité pédagogique de services
et de formation pour donner l'égalité des chances pour
l'accès et l'entrée sur le marché du travail avec une
formation qui soit équitable, qui soit bonne et qui leur permette de
bien gagner leur vie et de participer à l'évolution et au
développement du Québec. (21 heures)
Ce que l'on dit aujourd'hui, c'est: On révise tout cela. Certains
pourront prétendre qu'il ne s'agit là que d'une petite partie,
que d'une infime partie du financement des commissions scolaires et que le
principe général - le ministre a même évoqué
les chiffres la nuit dernière -pour démontrer qu'il s'agissait
là de chiffres à la marge, finalement, quant au financement des
commissions scolaires... A sa face même, au niveau du financement de
l'ensemble des commissions scolaires, le ministre a raison: Là où
il faut s'inquiéter, c'est ce qu'on est en train d'introduire comme
principe de gestion. Il suffit d'ouvrir un tout petit peu la porte pour
comprendre qu'en ayant le pied qui, maintenant, dépasse le seuil de la
porte d'autres seront tentés, lorsqu'on vivra d'autres
difficultés financières au niveau du gouvernement national, au
niveau du gouvernement du Québec, eh bien, de pousser un petit peu plus
loin l'ouverture de la porte. Et ça, ça correspond aussi à
une façon de gérer de ce gouvernement, que la population,
fondamentalement, n'accepte pas.
Voyez la méthode, elle est presque invariablement la même.
On prive de ressources un certain groupe de la population, certains organismes
fondamentaux dans le Québec, on prétexte ou on dit: Nous n'avons
plus les fonds suffisants pour être capables de nous donner les services
que nous avons voulu nous donner au Québec, par exemple, en
matière d'éducation. J'ai appelé ça, aux
premières heures, avec le ministre de l'Éducation, lorsque nous
étions à discuter de la réforme du système de
prêts et bourses mais qui, en fait, correspondait en
réalité à l'augmentation des frais de scolarité,
à la méthode de la privation, à la méthode de
l'appauvrissement.
Je te retire les moyens de réaliser les objectifs pour lesquels
cet organisme, cette commission scolaire, cette université ont
été créés. Je fais en sorte qu'il y ait tellement
de privation qu'un matin, comme un cadeau venant du ciel, je change ma version
et je dis: Oui, voyez, je comprends tellement vos besoins, je comprends
tellement vos difficultés, je comprends tellement que vous avez besoin
davantage d'outils pour réaliser votre mission que, moi, je suis
prêt à légiférer non pas pour vous donner ces moyens
supplémentaires dont vous avez besoin pour réaliser votre
mission, mais je suis prêt à légiférer, à
vous donner un cadre législatif pour aller en chercher plus dans la
poche des particuliers, dans la poche des contribuables, dans la poche des
familles pour vous permettre de réaliser ce que vous poursuivez comme
objectif et pour obtenir réponse aux réclamations que vous faites
depuis des mois, des années, dans un certain nombre d'autres cas.
Voilà ce qui se passe au niveau de l'augmentation des frais de
scolarité aux étudiants! Voilà ce qui va se passer et ce
qui est en train de se passer au niveau du réseau routier avec le fait
qu'on va autoriser, avec un bâillon, de force le ministre à aller
piger dans la caisse, dans la mutuelle de l'assurance automobile du
Québec qui appartient à tous les Québécois!
Voilà ce qui est en train de se passer également au niveau de
l'éducation! Les commissions scolaires ayant manifesté depuis un
très grand nombre de mois, un grand nombre d'années qu'elles
avaient des besoins tellement grands et des moyens tellement petits pour
répondre à ces besoins-là et le ministère de
l'Éducation distribuant goutte à goutte ses subventions pour
répondre à ces besoins, on dit: Aujourd'hui, on va vous faire un
grand cadeau; on va vous donner la permission d'aller piger dans la poche des
citoyens et des citoyennes, des familles; alors, on va vous donner un cadre
législatif, c'est le régime de la privation. C'est comme,
parfois, une méthode qui est utilisée avec les enfants. On dit:
Je te prive tellement que le matin où je te donnerai un tout petit
morceau, un tout petit morceau de récompense, ça deviendra comme
de recourir totalement à sa liberté et à sa
capacité d'agir.
Même processus, donc, au niveau des commissions scolaires en
disant: Voyez-vous, nous sommes grands seigneurs; voyez-vous, nous comprenons
tellement vos besoins au niveau des commissions scolaires; on comprend
tellement que vous avez besoin de fonds supplémentaires que, oh! cadeau
suprême, on va vous donner la permission d'aller fouiller dans la poche
des autres. Processus inacceptable, se défiler devant la
véritable responsabilité qui a été confiée
au ministère de l'Éducation sur le plan national: assurer
l'équité, assurer à chacun des organismes scolaires pour
chacun des enfants du Québec, que nous puissions donner un service de
qualité égale sans se soucier nécessairement de la
capacité de payer, effectivement, des familles où qu'elles soient
au Québec, mais plutôt un principe de répartition parce que
nous avions choisi au Québec, non pas de dépenser en
éducation, mais d'investir au niveau de l'éducation.
Voilà, pourquoi, M. le Président, je pense que le
ministre doit y songer une dernière fois et faire en sorte de
continuer la réflexion avec les instances locales et retirer ce projet
de loi pendant qu'il en est encore temps. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. M. le
député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril: Merci, M. le Président. Ce gouvernement nous
arrive encore avec un projet de loi d'une vingtaine d'articles et, si on se fie
uniquement au titre de la loi, ça semble tout à fait pas
compliqué. Ça s'appelle le projet de loi 69, Loi modifiant la Loi
sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé. Quand on
lit le titre, on pourrait penser, on pourrait s'imaginer que ce projet de loi
va encadrer l'enseignement au Québec, va permettre ou obliger les
commissions scolaires a enseigner plus de temps, à accorder plus de
temps à l'enseignement du français ou de l'histoire, je ne sais
pas quoi. C'est la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi
sur l'enseignement privé.
Quand on ouvre la première page et qu'on prend connaissance des
notes explicatives, on s'aperçoit que ce projet de loi est tout autre,
une orientation tout autre que ce que le titre désigne ou
définit. On s'aperçoit que ce gouvernement a
développé depuis bientôt cinq ans une façon tout
à fait dangereuse de légiférer, une façon
dangereuse pour la démocratie au Québec, parce que, d'abord, un
gouvernement se voit dans l'obligation de respecter un autre palier de
gouvernement que sont les élus municipaux, que sont les élus des
commissions scolaires. Ce sont des gouvernements élus pour la base et
par la base, proche de la base. Ce gouvernement, sans tenir compte de ces
critères-là, décide unilatéralement de modifier les
règles du jeu. Et je ne sais pas s'il tire son expérience ou
l'exemple du gouvernement fédéral, mais il fait exactement ce que
le gouvernement fédéral fait depuis des années; moins le
gouvernement fédéral a des revenus, plus il a de déficits,
plus il retourne ça aux provinces.
Et ce gouvernement fait exactement le même jeu à cause
d'une mauvaise planification, à cause d'une situation économique
plutôt facile depuis les sept, huit dernières années,
à cause des programmes de relance que le Parti québécois
avait implantés pendant qu'il était au pouvoir. Ce gouvernement
n'a pas su faire profiter la population du Québec de cette
période de croissance pour prévoir les situations
économiques, les situations financières qu'on vit
présentement. Et ils ont le culot, M. le Président, de dire:
C'est la faute de l'autre gouvernement. Ça fait cinq ans qu'ils sont
là et ils disent: C'est encore la faute de l'autre gouvernement.
Par ce projet de loi, on permet aux commissions scolaires d'augmenter
leurs revenus en allant chercher plus de revenus de taxes au niveau des
contribuables. Quand on regarde ça comme il faut, au début, je
m'en souviens, certaines commissions scolaires, celles de mon coin,
étaient toutes fières et toutes heureuses à cause du
désengagement de l'État face au financement du fonctionnement des
équipements dans les dernières années; les commissions
scolaires se voyaient serrées un peu dans leur administration. Elles
étaient toutes contentes que le ministre leur permette d'élargir
leur champ de taxation. Elles ont déchanté vite, M. le
Président, quand elles se sont aperçues que le gouvernement, en
leur permettant d'aller chercher plus de revenus, se retirerait encore
davantage du fonctionnement des équipements. (21 h 10)
Chacun de mes collègues s'est levé en cette Chambre, en
commission parlementaire, à l'étude du projet de loi en
deuxième lecture, en tout cas, dans toutes sortes de procédures
ici, c'est la troisième fois qu'on parle sur ce projet de loi et le seul
qui a la vérité, M. le Président, c'est le ministre de
l'Éducation. Il s'en va droit avec son idée, seul maître
à bord. Il dit: C'est moi qui ai la solution. C'est moi qui ai le jeu.
C'est moi qui ai la pogne et c'est moi qui vais saisir le magot. Le ministre de
l'Éducation s'en va droit, comme un seul homme, imaginez-vous, en
regardant chaque bord de lui et en invitant pratiquement les gens à le
regarder, à voir sa capacité d'imposer aux contribuables des
surplus en taxation d'une façon tout à fait, je dirais,
vertigineuse.
Le cadeau de Grec, on a juste à regarder les coupures. Des fois,
on peut dire: Vous savez, l'Opposition est là pour s'opposer.
L'Opposition charrie et elle dit n'importe quoi; elle fait écouler le
temps. Bon. Le ministre de l'Éducation qui a été
journaliste un bon bout de temps, je ne sais pas combien d'années, il a
été journaliste et éditorialiste, devrait faire
confiance... Il devrait, je ne dirai pas écouter, mais il devrait lire
ses collègues ou ex-collègues journalistes. Dans le peu de temps
qui m'est alloué, M. le Président, jamais je n'aurais le temps
d'uniquement lire que les titres que ses collègues ou ses
ex-collègues journalistes ont écrit sur la réforme que le
ministre fait. J'en ai un ici, le journal Le Droit: "L'odieux de la taxe
sans la marge de manoeuvre. Le cadeau empoisonné déçoit
les commissions scolaires." Ça, ce n'est pas l'Opposition, ça, ce
n'est pas Jacques Baril; ce n'est pas le député d'Arthabaska.
C'est un journaliste qui écrit ça. Paul Gaboury, Le Droit,
et c'est ce que je disais: II permet aux commissions scolaires d'aller
chercher 320 000 000 $ pendant que, lui, il se retire pour 307 000 000 $. Il
reste 13 000 000 $ de plus, M. le Président, aux commissions scolaires.
Voilà le cadeau de Grec. Voilà ce qui est empoisonné. Et
c'est pour ça
qu'on dit que, selon une étude qui a été faite par
son ministère, en 1988 - ce n'est pas vieux ça, hein - ça
prendrait 400 000 000 $ au Québec pour remettre à neuf l'ensemble
du parc immobilier, sans parler, bien entendu, de rendre tous ces immeubles
conformes aux lois et règlements du gouvernement.
Ici, un autre journal. "Accentuation des inégalités
sociales au détriment des régions rurales." Ce gouvernement
s'acharne, M. le Président, d'une façon catastrophique sur les
régions. C'est épouvantable! Les régions se meurent,
partout au Québec, et ce gouvernement, je ne sais pas si c'est parce
qu'il ne va pas en région, qu'il les ignore ou qu'il passe seulement en
avion ou en hélicoptère, mais les régions se meurent au
Québec et on n'en tient pas compte. On n'en tient pas compte et cette
réforme-là va encore pénaliser davantage les
régions. Quand bien même qu'on permettrait aux commissions
scolaires d'aller chercher jusqu'à 0,35 $ des 100 $ d'évaluation,
quand on sait la différence au niveau de l'évaluation
foncière, au niveau d'une maison, d'une résidence en
région, d'une résidence construite dans les grands centres, dans
les quartiers favorisés, jamais, M. le Président, les commissions
scolaires ne seront capables d'aller chercher le manque à gagner dans
les régions et comment feront-elles pour être capables de
répondre aux besoins, aux urgences des commissions scolaires?
Un autre journaliste, du Journal de Québec, Normand Girard
- c'est un journaliste assez connu et respecté par bien du monde; le
ministre de l'Éducation devrait, il me semble, le croire - "L'iceberg
fait surface. Surcharge de 1 400 000 000 $ ajoutée à 320 000 000
$ de taxes scolaires." C'est facile à lire et c'est facile à
comprendre. Non. Le ministre de l'Éducation s'en va la tête haute,
seul maître à bord. C'est moi qui ai raison, il n'y a pas de
problème.
L'Union des municipalités du Québec prédit une
hausse de 700 $ la facture moyenne de l'impôt foncier, voyez-vous. Et
à l'Union des municipalités du Québec, puisqu'on en parle,
de bonne foi au début, ils ont permis, comme bons partenaires, ils
avaient accepté que le champ foncier des commissions scolaires
s'élargisse jusqu'à 70 000 000 $, 75 000 000 $. Voilà le
désenchantement de l'Union des municipalités du Québec
quand on a appris, quelques semaines après, pour ne pas dire quelques
jours, que ce n'était plus 70 000 000 $, que c'était 320 000 000
$, M. le Président. Voilà, M. le Président! On utilise
souvent une expression "le bras dans le tordeur". Les municipalités ont
accepté une partie, le bras est rentré et elles sont en train d'y
passer le corps.
Actuellement, j'appelle tous mes maires pour discuter avec eux du
partage de la grande assiette - imaginez-vous, hein? - pour l'aide aux chemins
municipaux que le ministère des Transports nous accorde. On a tous des
budgets, c'est épouvantable. Je suis en train de discuter avec tous les
maires. Actuellement, je vais vous dire, j'en ai 11 d'appelés. Sur 11,
il y en a 9 que la première chose dont ils m'ont parlé, ça
a été justement de l'intrusion, l'augmentation de la taxation
foncière scolaire dans le champ des municipalités.
Et on se rappelle que le gouvernement s'était engagé
à augmenter d'année en année le pourcentage de
remboursement de taxes que le gouvernement doit payer sur ses écoles,
sur ses immeubles. Et le Parti québécois l'avait monté
jusqu'à 50 %. Le gouvernement du Parti québécois payait
jusqu'à 50 % de ses taxes, comme bon citoyen. On devait le monter
graduellement. Ça fait cinq ans que ce gouvernement est en place,
ça fait cinq ans qu'il profite d'une croissance économique et,
imaginez-vous, M. le Président, qu'ils n'ont même pas
augmenté de 1 %, comme bons citoyens, leurs taxes sur leurs
immeubles.
C'est pour ça que nous, de notre bord, on dénonce à
tour de bras, comme on peut, ce projet de loi que le gouvernement
s'apprête d'une façon tout à fait hypocrite de venir taxer
davantage, faire imposer davantage un fardeau fiscal à l'ensemble des
contribuables québécois.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Eh bien, je
vais joindre ma voix à mes collègues de ce côté-ci
qui m'ont précédé pour essayer en 10 minutes - je pense
que ce n'est pas possible, mais on va encore tenter, c'est comme ça que
le système démocratique fait qu'une société
évolue - de convaincre en 10 minutes le gouvernement qu'il ne doit pas
chambarder 10 années d'harmonie et de partenariat avec les
municipalités du Québec. C'est aussi simple que ça. Parce
que n'oublions jamais que, dans une société, il y a des valeurs
fondamentales, des valeurs qu'il nous faut absolument respecter si on veut
garder le respect des gens et que les gens ensuite respectent les lois. C'est
comme ça que ça doit fonctionner.
Dans notre système démocratique, il y a d'abord le respect
des autres, le respect des institutions, le respect des accords. En 1979, le
gouvernement québécois a signé un pacte avec les
municipalités du Québec qui a fait en sorte de leur
réserver la presque totalité de l'impôt foncier, de la taxe
foncière. C'est important, et les municipalités nous ont
prouvé, au cours de ces quelques dernières années, que les
municipalités sont des gens responsables, efficaces, parce que, dans les
municipalités, effectivement, ça va mieux. Les gens connaissent
les règles du jeu, prennent leurs responsabilités, taxent en
fonction de ce qu'ils donnent en services à leurs citoyens.
Mais là, par cette loi-là, on fait quoi?
D'une façon unilatérale, sans consultation, contre la
volonté d'un des partenaires majeurs de l'État,
c'est-à-dire le monde municipal, le gouvernement décide de briser
le pacte. Et ça, c'est grave. En démocratie, le gouvernement dort
être là pour donner l'exemple par rapport à nos habitudes,
à nos coutumes, à nos règles et à nos lois. Et ce
qu'on est en train de faire ici ce soir, finalement, c'est de constater que le
gouvernement de l'autre côté a rompu de façon
unilatérale un pacte majeur avec les municipalités. Et ils ont
fait ça suite à une motion d'ajournement, en plus, où on
vient bafouer les droits des parlementaires de l'Assemblée nationale du
Québec. Il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser et se vanter par une loi
semblable. (21 h 20)
Les citoyens qui nous écoutent, qui n'ont pas copie du projet de
loi, doivent se demander de temps à autre de quoi on est en train de
discuter. On parle de municipalités, on parle de commissions scolaires,
on parle de pacte, d'entente et on parle de fiscalité. C'est vrai que
c'est mêlant, parce que c'est une façon voulue de tromper les
gens.
Le projet de loi 69, en fait, c'est une loi qui vient taxer les citoyens
québécois. C'est aussi simple que ça, et c'est seulement
ça. Sauf qu'en même temps, ça vient rompre avec des
ententes antérieures. Mais ça donne quoi au gouvernement, la loi
69? Ça lui donne tout simplement la possibilité de faire taxer
les commissions scolaires au lieu de taxer lui-même directement, pour
être capable de financer l'éducation. C'est ça que
ça veut dire. L'annonce qu'on est en train de faire par la loi qui est
déposée ici, dont nous sommes en train de discuter, la loi 69,
c'est pour dire aux contribuables québécois: Ne soyez pas
surpris, sur le prochain compte de taxes qui s'en vient au cours des prochaines
semaines, vous allez payer probablement deux fois plus de taxes scolaires, par
la loi que nous sommes en train de voter, ici, à l'Assemblée
nationale. C'est ça que ça veut dire. C'est une augmentation
d'environ 300 000 000 $ de taxes que les contribuables québécois
devront débourser sur une base annuelle. 300 000 000 $ de plus par
année. On peut dire, de l'autre côté, qu'on n'augmente pas
les impôts et les taxes, je comprends, on fait faire ça par
d'autres institutions du système public et parapublic. Le gouvernement
s'en iave les mains, ou plutôt, non, il attache les mains des autres en
les forçant à aller chercher de l'argent dans les poches des
contribuables pour, lui, ne pas avoir à le faire.
Ce que fait le ministre de l'Éducation, en présentant ce
projet de loi, il ne vient pas en aide aux commissions scolaires, il ne vient
pas améliorer la qualité de l'enseignement au Québec, il
vient seulement permettre au gouvernement d'économiser. Le ministre des
Finances n'a pas à trouver de l'argent supplémentaire pour
financer le système scolaire au Québec, le système
d'éducation. Même, il fait une économie par rapport aux
dépenses qui, normalement, si on avait respecté le système
actuel, auraient coûté plus cher au gouvernement du Québec
via son ministère de l'Éducation. Non, le gouvernement
économise, parce qu'il renvoie aux commissions scolaires une partie des
charges.
Pourtant, avec la Loi sur la fiscalité municipale, il y avait une
partie de la taxe foncière qui avait été
réservée aux commissions scolaires, mais ça avait
été réservé pour des services particuliers. Cette
part, qui était maintenue aux commissions scolaires, devait, en
principe, servir au financement des dépenses non éligibles aux
subventions du gouvernement et répondre aux besoins spécifiques
de chacune des régions. C'est ça, la réalité des
choses. On s'était entendus, en 1979, pour réserver la presque
exclusivité du champ de taxe foncière aux municipalités en
disant aux municipalités: Vous êtes responsables de votre
développement. Si vous voulez donner plus de services à votre
communauté, allez chercher davantage de taxes.
L'État a décidé d'assumer sa responsabilité
au niveau de l'éducation pour permettre à tous les citoyens et
toutes les citoyennes du Québec d'avoir des chances égales dans
quelque chose d'aussi fondamental que l'éducation, la formation de nos
jeunes, qui sont les citoyens de l'avenir. Équité par rapport
à nos jeunes, équité par rapport à nos travailleurs
dans le système scolaire, puisqu'il y a une convention collective
uniforme sur l'ensemble du territoire québécois. Une politique
qui vient refléter la volonté du Québec d'avoir un bon
système d'éducation. Mais, pour avoir une couleur locale, pour
répondre à des besoins spécifiques de nos
localités, il y avait une marge de manoeuvre. Si, tout au long des
années quatre-vingt, le gouvernement avait maintenu un financement
suffisant aux commissions scolaires et que les commissions scolaires avaient pu
aller chercher seulement l'argent nécessaire pour les services locaux,
les services particuliers, on ne serait pas ici ce soir, probablement, en train
de légiférer pour aller combler ce manque à gagner des
commissions scolaires parce qu'elles ont dû utiliser cet argent pour des
services particuliers et locaux pour financer le système
pédagogique, même le système des immobilisations, dans
certains cas, d'entretien et d'aménagement de nos écoles.
Pourquoi? Parce qu'il y avait sous-financement du ministère de
l'Éducation.
Donc, c'est le gouvernement qui n'a pas respecté ses engagements
au cours des dernières années. Et pourtant, qui va devoir payer
maintenant? Les commissions scolaires, d'abord, parce qu'elles vont devenir des
percepteurs de taxes à la place du gouvernement, les
municipalités parce qu'elles viennent de perdre l'exclusivité
qu'elles avaient acquise au cours des années, mais surtout les
contribuables québécois qui se voient imposer,
par ce projet de loi, ce soir, une augmentation considérable de
la taxe scolaire dès cette année, dès 1990. Alors, ne
soyez pas surpris, contribuables québécois, si votre compte de
taxes augmente considérablement cette année, c'est que le
gouvernement a décidé de vous imposer, mais de le faire
indirectement par les commissions scolaires. Donc, après l'augmentation
d'Hydro-Québec, c'est maintenant une autre augmentation, mais qui n'est
pas faite directement par le gouvernement, mais que le gouvernement s'est
chargé de faire faire par quelqu'un d'autre.
Donc, ce qu'on est en train de dire par ce projet de loi là, et
c'est pour ça qu'on est contre: Contribuables québécois,
le gouvernement libéral va aller chercher dans vos poches des taxes
scolaires, dans certains cas, deux fois supérieures à ce qu'elles
étaient l'an passé. Donc, ce n'est pas un projet de loi
d'éducation, ce n'est pas un projet de loi pour l'amélioration de
la qualité de l'enseignement, ce n'est pas un projet de loi pour
régler les problèmes dans nos écoles du Québec.
C'est un projet de loi qui aurait dû probablement être amené
directement par le ministre des Finances. C'est un projet de loi qui fait en
sorte de pénaliser financièrement les contribuables
québécois. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Shefford. Comme prochain intervenant, M. le
député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je remarque que vous êtes
revenu parmi nous. Vous avez dû quitter le congrès de Calgary.
Parce que, comme on légifère comme des taupes...
Le Vice-Président (M. Cannon): Un instant, s'il vous
plaît, M. le député de Lévis. Vos réflexions
à l'égard de la présidence n'ont absolument pas lieu ici,
en cette Chambre. Vous avez la parole, vous vous prononcez sur le projet de loi
qui est en cause ici. À vous la parole, M. le député.
Des voix: Bravo!
M. Garon: M. le Président, je peux quand même
constater que vous êtes revenu parmi nous, puisque vous n'y étiez
pas hier et vous y êtes aujourd'hui. Et, M. le Président,
pourquoi? Parce qu'on légifère comme des taupes, la nuit. Le
Parlement a siégé jusqu'à 8 h 30, ce matin.
Imaginez-vous!
Une voix: 8 heures.
M. Garon: 8 h 10. J'ai demandé au secrétaire de
l'Assemblée, 8 h 10, M. le Président. Est-ce qu'on trouve normal
qu'un Parlement siège toute la nuit, comme des taupes,
c'est-à-dire à la noirceur et en ne voyant pas trop clair? Je
pense que ce n'est pas normal. Il n'est pas trop tard, il est 21 h 30 et
tantôt on appellera un projet de loi qui va marcher jusqu'à 2
heures, 3 heures, 4 heures, peut-être 5 heures du matin, ce n'est pas
normal. Pourquoi? Parce que ce n'est pas la façon de travailler dans un
Parlement où on doit adopter des lois publiques pour le public en
général. Et ce n'est pas normal qu'on fonctionne de cette
façon-là.
J'ai remarqué qu'on veut aller chercher beaucoup d'argent des
contribuables dans une période difficile, une période de
récession économique, une période où le
chômage s'accroît, une période où, actuellement, le
taux d'inoccupation au Québec atteint des nombres incroyables; on parie
même, dans certaines régions, jusqu'à 60 % d'inoccupation,
selon les relevés qui ont été faits par des
spécialistes des affaires sociales. (21 h 30)
Alors qu'Hydro-Québec augmentera ses tarifs, entre le
début de l'année 1990 et le printemps 1991, de 23 %, on est bien
loin des taux de l'inflation, que les taux d'intérêt augmentent de
plus en plus, que la plupart des gens normaux, qui ont des familles, qui ont
des enfants, doivent renouveler leur emprunt hypothécaire actuellement
avec des accroissements considérables des taux d'intérêts,
qu'est-ce que le gouvernement a fait? On dirait qu'il veut empirer la situation
des citoyens. Empirer, pourquoi? Vous avez les taux d'électricité
de 23 %, les taux d'intérêts qui vont atteindre 14 %, 15 % dans
l'intérêt hypothécaire. Le gouvernement va aller siphonner
la caisse de la Régie de l'assurance automobile du Québec, 625
000 000 $ sur cinq ans, en plus d'aller chercher de l'argent
rétroactivement pour les fins de services ambulanciers à
Montréal, où on va payer 1500 $ le voyage, plus le
kilométrage. Et quand ça sera d'autres citoyens, ça sera
70 $ le voyage, plus le kilométrage. Parce que, là, on dit qu'on
a une gestion d'homme d'affaires! Alors que, dans certains cas, ça va
être 70 $ le voyage, dans d'autres cas ce sera 1500 $ le voyage, quand
c'est la Régie de l'assurance automobile, c'est-à-dire que les
citoyens vont payer. L'an prochain, il y aura la TPS qui fera augmenter le taux
d'inflation. Le gouvernement fédéral admet 1,2 %. On voit que des
organismes comme Hydro-Québec n'anticipent même pas que sur les
fournitures la taxe de 13,5 % sera enlevée. Donc, ceux qui
prévoient le taux d'inflation estiment que le taux d'inflation l'an
prochain pourra augmenter entre 2 % et 3 % à cause de la taxe sur les
produits et services du gouvernement fédéral.
Le gouvernement, à ce moment-ci, le ministre de
l'Éducation veut aller chercher 320 000 000 $ en taxes scolaires, en
impôt foncier, pour financer l'éducation. Sauf qu'au bout de la
course, c'est le même payeur de taxes, toujours le même payeur de
taxes qui, lui,
va être siphonné, "squeeze". Un peu comme autrefois quand
on était jeune, on prenait une sauterelle et on disait: "Donne-moi du
miel ou bien je te tue". On disait à la sauterelle: Donne-moi du miel ou
bien je te tue. Mais, là, on a l'impression que le gouvernement
libéral prend le contribuable dans sa main et lui dit: Tu vas donner du
miel et je ne te tuerai pas parce que je veux que tu continues à en
donner.
Ça n'a pas de bon sens, M. le Président! Il faut quand
même avoir un minimum de planification dans un gouvernement. On ne peut
pas taxer les gens de tous bords et de tous côtés en s'imaginant
qu'ifs ont des ressources illimitées. Les citoyens n'ont pas des
ressources illimitées. Les citoyens n'ont pas des capacités de
payer illimitées. Un grand nombre de citoyens vivent au jour le jour. Je
comprends qu'on peut faire des lois en pensant à ceux qui ont des
maisons principales et des maisons secondaires, sauf que plus de 50 % des gens
sont à loyer. Les gens ne sont pas des millionnaires.
Actuellement, on regarde ce qui se passe dans le gouvernement. On
remarque actuellement, c'est de tous bords, de tous côtés des
taxes, l'une n'attend pas l'autre. En même temps, on réduit les
exemptions fiscales. Les 1000 $ que les gens pouvaient déduire en
intérêts ne sont plus déductibles. On trouvait que 1000 $
de déduction fiscale, c'était trop. On l'a enlevé. Et,
aujourd'hui, on se retrouve devant des citoyens qui vont être un peu
désespérés. Je regardais, aujourd'hui, le maire de
Lévis-Lauzon qui a décidé de ne pas se représenter.
Et une des principales raisons qu'il donnait, il disait: Les années qui
s'en viennent pour les municipalités vont tellement être
difficiles que je laisse la place à d'autres. Pourquoi? Parce que les
citoyens vont être appelés à contribuer, pas que chaque
mesure individuellement peut être analysée, mais comme ensemble.
Ça fait un ensemble trop gros, trop fort dans une période de
récession économique. Dans une période de récession
économique, comme on vit présentement, où le chômage
va augmenter, les charges sociales vont augmenter, les paiements sociaux vont
augmenter, les gens vont être plus serrés financièrement,
le gouvernement a choisi à ce moment-ci d'ouvrir les moteurs et de faire
en sorte que tous azimuts on taxe les contribuables davantage.
Dans ce cas-là, il s'agit du financement scolaire. Il y a
quelques mois, il s'agissait des frais de scolarité à payer et en
grande partie qui vont être payés par les parents, encore une
fois. Dans d'autres cas, il s'agit des taxes d'Hydro-Québec. Dans
d'autres cas, il s'agit des municipalités qui vont devoir augmenter
leurs taxes parce qu'elles devront refinancer leur dette municipale à
des taux d'intérêts plus élevés. Les gens qui, il y
a six mois, pensaient que les municipalités boucleraient leur budget
selon les prévisions, se rendent compte qu'actuellement, l'an prochain,
elles devront refinancer une partie des dettes municipales et en les
finançant à des taux d'intérêt qui sont plus
élevés actuellement. Ce qui veut dire qu'actuellement le citoyen
en 1990 et encore plus en 1991, et surtout en 1991, sera assailli par des taxes
qui vont venir de tous bords et de tous côtés.
Mais quand le ministre des Finances disait, lors de son discours sur le
budget, quand le ministre des Finances essayait de faire croire aux gens qu'il
avait un budget où il n'y aurait pas d'augmentation de taxes, il faut le
faire! Je me disais: Le ministre des Finances est comme les vieux chevaux. En
vieillissant, on dit que les vieux chevaux deviennent vicieux, peuvent devenir
vicieux. Mais quand un ministre des Finances en vient à dire que, dans
son discours sur le budget, il n'y avait pas d'augmentation de taxes, alors
qu'il y en avait partout, mais ce n'était pas lui qui les imposait
directement... C'était Hydro. C'était le siphonnage de la
Régie de l'assurance automobile qui, après, devra augmenter ses
primes parce qu'elle aura été siphonnée de 877 000 000 $
au cours des cinq prochaines années, alors qu'on était
allé lui chercher déjà 526 000 000 $ entre 1986 et 1990.
Ce serait presque 1 300 000 000 $, seulement à la Régie de
l'assurance automobile. Et on essaie de faire croire aux gens que ça
n'apparaîtra pas finalement, que ça n'apparaîtra pas, qu'on
peut prendre impunément dans une caisse 1 300 000 000 $ sans
qu'éventuellement on doive augmenter les primes.
Alors, c'est pour ça que je dis, M. le Président, que cet
ensemble de mesures fait que le citoyen va avoir trop à payer. Hier, je
donnais l'exemple des enfants, des endroits où il n'y a plus d'enfants
qui devront payer davantage de taxes. Le ministre m'avait dit à ce
moment-là: Oui, mais le primaire, le secondaire, le collégial et
l'universitaire, ça fait 9 000 000 000 $ et, là-dessus, on parle
de 300 000 000 $. Oui, mais on ne parle pas par rapport au scolaire dans son
ensemble, on parle ici par rapport au primaire et au secondaire où on va
aller chercher autour de 300 000 000 $. Et ce n'est pas seulement parce qu'il y
a ces 300 000 000 $, mais c'est parce que ça s'ajoute à un
ensemble d'autres mesures.
Alors, M. le Président, je termine là-dessus. Seulement 10
minutes là-dessus. Au fond, j'avais à traiter à peu
près de 30 000 000 $ à la minute. Et ça fait de grosses
sommes d'argent. Tout simplement, je voudrais vous dire en terminant
là-dessus que, comme président, j'aimerais ça que vous
puissiez trouver le moyen qu'on puisse davantage débattre ces questions
parce qu'il n'est pas normal que, dans une session, on ait fait trois
bâillons sur des lois qui vont aller chercher des centaines et des
centaines de millions dans les poches des contribuables. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Lévis. Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, le ministre de l'Éducation, cette année,
remporte la palme. Il aura réussi à lui seul, au mépris
des objectifs d'accessibilité à l'éducation, à
aller chercher des fonds nouveaux de l'ordre de 400 000 000 $, et, à lui
seul, et sur deux ans, c'est 500 000 000 $. Si on additionne les deux ans,
c'est 900 000 000 $, c'est près du 1 000 000 000 $, M. le
Président. Il est performant, le ministre de l'Éducation: 125 %
d'augmentation des frais de scolarité, et on estime que sur quatre ans
il ira chercher 1 400 000 000 $ des contribuables, des propriétaires
fonciers. Il sera cette année le champion collecteur de taxes
auprès des citoyens, et ce, au mépris du droit de
l'équité et de l'accès à l'éducation.
M. le Président, dans ce dossier, cette loi, tout le monde est
floué, les commissions scolaires, les municipalités, les
parlementaires, le Parlement et les payeurs de taxes. D'abord, revenons aux
commissions scolaires. Les commissions scolaires, qu'est-ce qu'elles
demandaient? Les commissions scolaires demandaient une marge de manoeuvre.
Qu'est-ce que le gouvernement leur a donné? Il leur a
transféré l'odieux d'imposer une nouvelle taxe pour entretenir
les équipements. La nouvelle taxe ne leur donne rien, M. le
Président. Pas de marge de manoeuvre, c'est un cadeau de Grec. (21 h
40)
Ainsi, pour que ça parle plus clairement, à Chicoutimi,
les taxes étaient - et je viens tout juste de vérifier - de 0,18
$, elles iront à 0,35 $, M. le Président. Ça veut dire que
le compte de taxes de ma résidence passe de 292 $ au double. La
commission scolaire de Chicoutimi recevait 2 500 000 $ pour l'entretien de ses
équipements. Le gouvernement ne lui donne plus ces sommes. La commission
scolaire ira les chercher dans les poches des propriétaires fonciers, M.
le Président. Les commissions scolaires ont été
flouées parce que ces commissions scolaires, M. le Président, ne
demandaient pas d'entretenir les équipements, elles demandaient des
marges de manoeuvre. On n'a pas augmenté, comme le prétendait le
ministre, dans ses premiers discours - et je dois admettre qu'il a
évolué depuis le début - les pouvoirs des commissions
scolaires non plus que l'autonomie, M. le Président. Il a simplement
transféré les responsabilités sur le dos des commissions
scolaires, M. le Président. Ce n'est pas vrai que de donner un pouvoir
de taxation accru, ça donne du pouvoir réel, M. le
Président. Le pouvoir réel s'acquiert lorsque vous pouvez
utiliser le fruit de votre taxation pour atteindre des objectifs qui vous sont
propres et ce dont il est question ici, ça n'a aucun rapport. Et les
commissions scolaires dénoncent à présent ce projet de
loi.
M. le Président, les propriétaires fonciers ont
été également floués, avec l'augmentation des taxes
scolaires qui doublent dans certains milieux, et c'est plus vrai dans les
milieux pauvres, dans les régions éloignées et dans les
petites localités, M. le Président. Les taxes scolaires doublent.
Et avec la situation qu'on vit actuellement, les taux d'intérêt
extrêmement élevés, 23 % d'augmentation
d'Hydro-Québec, le chômage, 100 % d'augmentation de la taxe
scolaire en ce qui nous concerne, c'est tout le droit de l'accès
à la propriété pour les familles québécoises
qui est compromis, M. le Président.
M. le Président, on est en train de faire un peuple de
locataires, comme on est en train de faire - et j'ouvre la parenthèse
là-dessus - un peuple qui sera au service des grandes entreprises, parce
que la loi qu'on va encore déposer et adopter à la vapeur, par
tordage de bras, au mépris des droits des parlementaires, M. le
Président, la Loi sur les heures d'affaires consacre la mort de
nombreuses petites entreprises, de petits propriétaires. La même
chose, d'ailleurs, pour les camionneurs qui sont dans la rue, M. le
Président, ce sont des petites entreprises dont la survie est
menacée. Ces gens-là pourront continuer à travailler
à condition de travailler pour les grands propriétaires. Un
peuple de locataires et un peuple de serviteurs au service des grandes
entreprises, M. le Président.
M. le Président, pour les petites municipalités, les
régions éloignées, le compte de taxes va doubler. Et on
est en train de faire... Là, le ministre a dit: Ce n'est pas grave parce
que ces commissions scolaires doivent aller chercher le maximum de taxes et
c'est insuffisant pour subvenir à leurs propres besoins. Alors, elles
sont toutes taxées au maximum en raison de la valeur foncière qui
est beaucoup moins élevée, qui est beaucoup plus faible.
On établira dorénavant trois catégories de
commissions scolaires, M. le Président: les commissions scolaires
riches, qui non seulement vont suffire à leurs propres besoins en vertu
des paramètres arrêtés dans la loi, mais qui vont pouvoir
aider au financement des autres commissions scolaires; les commissions
scolaires moyennes, qui vont être totalement autonomes,
c'est-à-dire qu'elles vont suffire à leurs propres besoins, mais
elles ne seront pas dépendantes non plus des plus riches, et nous aurons
les commissions scolaires pauvres. La commission scolaire de Chicoutimi se
situe dans cette catégorie, M. le Président, parce que la
commission scolaire de Chicoutimi aura la péréquation. Qu'est-ce
que c'est, la péréquation? La péréquation, ce sont
des commissions scolaires pauvres qui, pour atteindre un niveau de services
adéquat, sont obligées de compter, M. le Président...
Est-ce qu'on pourrait, M. le Président, rappeler à
l'ordre, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui. En vertu de l'article
32...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Cannon): Je demanderais aux
collègues de bien porter attention au règlement et de permettre
à Mme la députée de Chicoutimi de terminer son
intervention.
Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. Trois
catégories de commissions scolaires: les riches, les moyennes et les
pauvres. Les pauvres seront dorénavant l'équivalent de
commissions scolaires assistées sociales, qui iront chercher les revenus
nécessaires à leur fonctionnement dans les poches des commissions
scolaires plus riches.
C'est, M. le Président, une situation que nous ne souhaitons pas,
qui n'est souhaitable pour personne, ni pour les individus ni pour nos
institutions. L'éducation, c'est un droit absolu, absolu pour tout le
monde, quel que soit son lieu de résidence sur le territoire du
Québec. Une commission scolaire n'a pas à être
humiliée parce qu'obligée de se sentir soutenue par le biais de
la péréquation.
L'éducation est une responsabilité de l'État, M. le
Président, et, à ce titre, c'est l'État qui a à
fournir les fonds nécessaires pour assurer l'éducation au
Québec.
Les municipalités ont été flouées
également parce qu'elles sont traitées comme des
renégates, tenues à l'écart, ignorées,
méprisées et trompées. Le pacte fiscal est rompu et elles
ne sont pas à la table des négociations. Le projet de loi qui
sera adopté dans quelques minutes, au mépris des droits les plus
fondamentaux des parlementaires, M. le Président, au mépris des
électeurs et des électrices que nous représentons, est
considérablement modifié: 13 amendements sur 22 articles.
Ça veut dire que le projet de loi qui a été porté
à notre connaissance est modifié pour la moitié de ses
articles, M. le Président. Et tout ça, ça se fait sans que
l'Opposition ait même eu en main les amendements du ministre. Nous les
avons eus au moment de la prise en considération du rapport de la
commission parlementaire.
Pourtant, l'Assemblée nationale oblige les parlementaires de
cette Chambre à prendre connaissance des projets de loi et à
rendre compte de l'opinion des électeurs et des électrices
à son sujet. Mépris, donc, des parlementaires de
l'Assemblée nationale. La démocratie est bafouée. On
bâillonne l'Opposition et en bâillonnant l'Opposition, ce sont ceux
et celles qui s'opposent à ce projet de loi qui sont ainsi
bâillonnés. Ce sont les commissions scolaires, ce sont les
municipalités, les 1500 municipalités, les 1500 maires, M. le
Président, qui sont aussi des élus, les commissaires, les
échevins dans les 1500 municipalités. On bâillonne les
groupes sociaux qui pensent que l'éducation, c'est une respon-
sabilité de l'État, M. le Président, et qui voudraient
venir le dire. On bâillonne également les familles qui sont
étranglées par les taxes scolaires, par les impôts, par les
taux d'intérêt prohibitifs et qui, dorénavant, se
retrouveront incapables de devenir propriétaires. C'est toute la
politique familiale et de développement social qui est remise en
cause.
M. le Président, je termine là-dessus, le ministre aura
été le champion collecteur de fonds nouveaux de tous les
ministres de ce gouvernement. Dans une seule année, 400 000 000 $ sur
deux ans, près de 1 000 000 000 $. Qui dit mieux? Et ça, au
mépris de la mission qu'il est chargé de respecter et de
promouvoir, au mépris de l'éducation, M. le Président. Je
vous remercie.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Comme prochaine intervenante, Mme la
députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Par nos
dernières interventions, nous avons tourné une page peu
édifiante de notre vie parlementaire, peu édifiante parce que le
gouvernement en place a posé un geste des plus regrettables, un geste
qu'on doit qualifier d'antidémocratique puisque, à peine quelques
heures après le début de l'étude du projet de loi en
commission parlementaire, on enlevait le droit de parole légitime de
l'Opposition par une motion de clôture. Bien que le ministre de
l'Éducation fût conscient de l'importance de la réforme
qu'entraînait son projet de loi, il a dû le déposer
rapidement, rapidement pour assouvir la soif du président du Conseil du
trésor, une soif intarissable, M. le Président. Nous l'avons vu
puisque, après le projet de loi 69, le président du Conseil du
trésor commandait également le projet de loi 50 qui venait piger
dans la caisse 877 000 000 $.
Les dernières pages du discours du ministre de l'Éducation
lors de la présentation de la loi sont pavées de bonnes
intentions sur la nécessité d'une concertation entre le
gouvernement, les municipalités et les commissions scolaires. Et je sais
qu'il y croit fermement. Mais son gouvernement était pressé, il
avait un urgent besoin d'argent. C'est pourquoi il devait agir
immédiatement au mépris des règles démocratiques.
Je dois donc regretter vivement cette dernière loi 69 qui est venue
inverser le processus normal d'une véritable concertation.
Les commissions scolaires avaient clairement exprimé leurs
besoins. Le gouvernement aurait dû, dès l'automne dernier,
convoquer un sommet, gouvernement, municipalités et commissions
scolaires, et permettre ainsi à l'ensemble des intervenants de
renégocier une entente sur une base solide, aussi solide que notre
ministre de l'Éducation, puisqu'il nous a démontré qu'il
pouvait écouter très longtemps la nuit dernière
et aujourd'hui aussi. Donc, cette entente serait née d'une
concertation, d'une véritable concertation, et elle aurait donné
naissance à un projet de loi qui aurait été accepté
et voulu par tous les milieux. (21 h 50)
Le ministre nous répond souvent que le pacte fiscal de 1979 s'est
établi entre deux partenaires et non trois, et que le gouvernement avait
écarté les commissions scolaires. Cette fois-ci, M. le
Président, son gouvernement a écarté deux partenaires: le
monde municipal et le monde scolaire. À quand un gouvernement qui
décidera de mettre en place une véritable concertation entre les
trois paliers de gouvernement, qui acceptera de prendre le temps de
légiférer? Les grands perdants, avec cette loi 69, ce sont les
municipalités que l'on a bafouées, à qui l'on a
imposé dans les faits une motion de clôture, les contribuables qui
sont étouffés sous le fardeau fiscal direct et indirect qui les
assaille depuis plusieurs mois, un gouvernement qui leur impose une nouvelle
charge, les commissions scolaires qui, en réponse à leur demande
de ressources financières pour offrir des services pédagogiques
de qualité, se voient, elles aussi, imposer de nouvelles
responsabilités financières sans aucun rapport avec leurs
demandes.
En conclusion, nous avons devant nous un gouvernement qui ne sait plus
négocier avec les municipalités, qui ne sait plus comprendre les
besoins réels des commissions scolaires, qui ne sait plus évaluer
l'impact financier catastrophique de ses lois et règlements sur les
contribuables, un gouvernement qui, devant son incapacité à
gouverner, impose le bâillon à l'Opposition, qui lui rappelle,
trop justement, les revendications légitimes des citoyens et des
citoyennes du Québec. La motion de clôture, le bâillon,
existe à l'intérieur de cette Chambre, M. le Président,
mais il n'existe pas à l'extérieur du Parlement et la population
du Québec saura le démontrer en temps et lieu. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le ministre de l'Éducation et de
l'Enseignement supérieur et de la Science, pour l'exercice de son droit
de réplique.
M. Claude Ryan (réplique)
M. Ryan: M. le Président, nous voici rendus au terme d'un
long cheminement qui nous permettra tantôt de procéder à
l'adoption définitive du projet de loi 69. À ce stade de nos
débats, je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements à
tous les députés qui ont participé à l'étude
que nous avons faite ensemble du projet de loi, à mes collègues
du côté ministériel qui ont suivi de très
près le cheminement des débats, qui ne sont guère
intervenus dans les dernières étapes du débat, non pas
parce qu'ils n'auraient pas souhaité le faire, mais parce qu'ils ont
voulu laisser davantage de temps à l'Opposition, en se disant qu'ils
avaient d'autres moyens de communiquer leurs opinions au ministre
concerné et en ayant surtout le souci de laisser le maximum de temps aux
députés de l'Opposition, comme nous le faisons
généralement en commission.
Je fais une petite remarque marginale qui me paraît opportune
à ce moment-ci. J'entends souvent des porte-parole de l'Opposition
traiter les députés ministériels de répondeurs
automatiques. Je trouve cette expression profondément déplorable.
Je pense qu'elle est adressée dans un esprit humoristique, mais si on y
pensait deux fois on se rendrait compte qu'en commission parlementaire, en
particulier, il est requis des députés ministériels, parce
que nous donnons plus de temps à l'Opposition que ne le justifieraient
nos règlements, les sacrifices auxquels ils consentent pour laisser une
plus grande place encore aux interventions de l'Opposition dans les
débats. Je pense que c'est bon que nos concitoyens sachent ces
choses.
Je voudrais également souligner l'excellente qualité de la
très grande majorité des interventions que nous avons entendues
au cours des trois derniers jours, autant du côté
ministériel que du côté de l'Opposition. J'ai suivi tous
les débats avec beaucoup d'attention parce que, nonobstant ce qu'on a
dit à mon sujet, j'essayais de m'instruire jusqu'à la
dernière minute; je prenais des notes et, lorsque les choses que
j'entendais ne correspondaient pas à la documentation dont je disposais,
je procédais aux vérifications d'usage. Souvent on a
souligné des aspects du projet de loi qui mériteront une
attention plus particulière en cours de route. Je veux remercier tous
les députés et toutes les députées qui sont
intervenus, par conséquent, sans distinction de parti. J'ai
particulièrement apprécié le fait qu'aujourd'hui,
même si nous devons compléter ce débat en recourant
à une procédure qui répugne à tous les
députés, des deux côtés de la Chambre, et à
laquelle je vous assure que le gouvernement n'a décidé de
recourir qu'en dernier ressort, à cause de l'impérieuse
nécessité de procéder à l'adoption du projet de loi
avant l'ajournement de la session... Je veux exprimer mon appréciation
de ce que nos débats, tout en étant caractérisés
par une très franche expression d'opinions, n'aient versé ni dans
les attaques personnelles ni dans l'acrimonie ni dans le langage indigne de ce
Parlement, au cours des deux derniers jours en particulier, à travers ce
long marathon d'interventions. Je pense que nous avons eu un débat digne
et respectueux dont, personnellement, je me réjouis et dont je pense
pouvoir conclure que, nonobstant le désaccord qui nous a
séparés pendant ces jours, il ne nous empêchera pas de
travailler ensemble au cours des mois à venir à l'avancement de
l'éducation. Et l'avancement de
l'éducation est un objectif pour lequel la collaboration de tous
les députés de la Chambre est absolument essentielle.
De manière très générale - c'est bon que nos
concitoyens le sachent également - les travaux de l'Assemblée
nationale en matière d'éducation se déroulent beaucoup
plus souvent sous le signe d'un consensus entre les deux partis de la Chambre
que sous le signe de la division. J'en suis très heureux parce que, s'il
est un ensemble de valeurs qui méritent que les députés
s'élèvent au-dessus de leurs considérations partisanes
pour regarder le bien supérieur de notre communauté nationale
québécoise, il me semble bien que c'est celui de
l'éducation. Je crois qu'on le comprend des deux côtés de
la Chambre et, en tout cas, je veux donner l'assurance que, du
côté du gouvernement, j'entends continuer à m'employer
à promouvoir cette façon d'aborder les problèmes de
l'éducation.
Sur le projet de loi 69, nous avons tout dit jusqu'à maintenant.
J'ai écouté des interventions faites au cours de la
journée. Je serais tenté, si je laissais libre cours à mon
instinct bien connu, de répondre à chacune des remarques qui ont
été formulées au cours de la journée. Je ne le
ferai point à cette heure-ci. Je pense que ça ne servirait pas
à éclairer tellement le débat. Je pense que tout a
été dit. Nous allons vers un nouvel équilibre des
responsabilités en matière de financement des commissions
scolaires et de l'éducation. Je pense que le député de
Joliette, leader de l'Opposition, l'a très bien souligné cet
après-midi, un choix politique a été fait par le
gouvernement au sujet duquel on peut très loyalement et très
raisonnablement être en désaccord. Le gouvernement estime qu'il a
lui aussi des motifs raisonnables de faire ce choix et de demander que la
population l'appuie en conséquence au cours des mois à venir.
Bien sûr que les charges fiscales, c'est vrai qu'il y a des
charges fiscales qui découlent du projet de loi, et je pense bien que
personne ne voudra reprocher au gouvernement d'avoir cherché à le
cacher. Nous l'avons dit tout le long et nous reconnaissons que la
responsabilité du gouvernement est primordiale dans cette
décision. Nous vivrons avec les conséquences de la
décision, c'est évident.
Je suis convaincu que nos concitoyens qui verront leur compte de taxes
foncières pour fins scolaires augmenter sensiblement... L'augmentation
moyenne à travers le Québec, selon les calculs des services du
ministère, devrait être d'environ 90 $ à 95 $ par
année. Un paquet de cigarettes aujourd'hui, d'après ce qu'on me
dit, ça coûte 5 $. Moi, j'aimais fumer un cigare une fois de temps
en temps. Le genre de cigare que j'achetais, c'est rendu 11 $ le paquet. Je
n'en ai pas acheté un depuis le dernier budget du ministre des Finances.
Je préfère garder ça pour la taxe scolaire dont une partie
me sera refilée en ma qualité de locataire.
Alors, je pense que l'augmentation du compte de taxes scolaires, quand
on la situe à son véritable niveau, n'est pas du tout hors de la
portée de nos concitoyens. Pour les plus pauvres, c'est évident
qu'une augmentation du loyer de 50 $, par exemple, pour l'année ou de 60
$ ou 70 $ sera considérable. Mais, comme nous le savons tous, il y a des
mesures du gouvernement qui prévoient des remboursements, tantôt
d'impôt foncier, tantôt de loyer. Pour les locataires ou les
propriétaires qui sont dans ces catégories de contribuables
à revenus modestes, des élargissements sensibles ont
été apportés à ces mesures dans le dernier discours
sur le budget et, sur la base de l'expérience que nous ferons au cours
de la prochaine année, il y aura lieu, j'en suis persuadé, de
procéder à de nouveaux ajustements. (22 heures)
J'ajoute en terminant, parce qu'on en a beaucoup parlé, que la
mesure définie par le projet de loi 69, même si elle a
été introduite dans des circonstances qui pouvaient prêter
à critique - ça, nous en convenons que le cheminement critique
n'a pas été impeccable d'un bout à l'autre - a permis de
réintroduire dans le tableau le troisième homme, le
troisième intervenant qui avait été pratiquement
laissé dans le portique en 1979. Là, il redevient un intervenant
important dans le secteur du financement des institutions locales et,
grâce à l'action du comité ministériel qu'a
institué le chef du gouvernement, sous la présidence du ministre
des Affaires municipales, je pense que nous pourrons entreprendre - je l'ai
dit, la première réunion a lieu dès demain - un travail
d'étude en profondeur qui nous permettra d'établir avec les
municipalités et les commissions scolaires des rapports
d'échanges, au cours des prochains mois, qui devraient permettre de
définir, dans un climat de respect mutuel, de concertation et de
collaboration, un partage plus net des responsabilités et des
attributions de chaque intervenant. Voilà l'esprit, M. le
Président, dans lequel le gouvernement aborde cette réforme.
Je signale, comme dernière observation, que la mesure
définie dans le projet de loi 69 a un lien direct également avec
l'équilibre général des finances publiques au
Québec. Le gouvernement a considéré qu'il y avait une
ponction à exercer de ce côté-là, dans l'avenir
immédiat, pour le bon équilibre des finances publiques. Et je
veux assurer cette Chambre et nos concitoyens que le gouvernement et chaque
ministre dans son secteur considèrent qu'ils sont solidairement et
ensemble responsables de faire du Québec une société dont
le gouvernement aura les reins solides, dont le gouvernement aura une situation
financière capable de lui permettre d'entreprendre les projets
d'envergure dont nous avons besoin pour garder le Québec sur la carte du
pays, du continent et du monde.
Mais la véritable force créatrice commence par celle dont
on dispose dans son portefeuille.
Celui qui a un portefeuille confortable peut entreprendre des choses; il
peut dire: Je vais bâtir ceci, je vais lancer un commerce là, je
vais aider telle chose. Mais quand il a seulement des comptes
d'intérêt à payer, quand il a seulement des dettes à
rembourser, il n'est capable de rien entreprendre, il ne peut pas avoir
l'esprit créateur. C'est ça que nous voulons créer pour le
Québec. Peut-être que les moyens que nous employons sont
discutables, mais je pense que l'objectif fondamental est de faire du
Québec un Québec qui est capable de se regarder dans le miroir en
étant fier de lui-même, en n'ayant pas peur de recevoir un appel
d'un créancier de New York, de Londres ou de Tokyo qui lui dirait: Fais
attention, tu es rendu au bord du précipice. Je pense que ce genre de
Québec, c'est celui-là que nous voulons bâtir et le projet
de loi 69 est une petite pierre assez modeste dans cet édifice
très large, très complexe que nous cherchons à bâtir
ensemble. Merci.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre de
l'Éducation. Le débat étant terminé, M. le ministre
de l'Éducation propose l'adoption du projet de loi 69, Loi modifiant la
Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé.
Est-ce que cette motion est adoptée?
Une voix: Rejeté.
Une voix: Qu'on appelle les députés.
Le Vice-Président (M. Cannon): Qu'on appelle les
députés pour le vote nominal. (22 h 3 - 22 h 14)
Le Président: Alors, veuillez prendre place, s'il vous
plaît.
Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. MM.
les députés, s'il vous plaît!
Nous allons maintenant mettre aux voix la motion d'adoption de
l'ensemble du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique
et fa Loi sur l'enseignement privé, présenté par le
ministre de l'Éducation.
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Portneuf), Mme
Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuit), M. Bourbeau (Laporte), M. Vallerand
(Crémazie), M. Vallières (Richmond), M. Séguin
(Montmorency), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), M. Outil
(Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M. Elkas
(Robert-Baldwin), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), Mme Bleau (Groulx),
M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Rivard
(Rose-mont), M. Middlemiss (Pontiac), M. Beaudin (Gaspé), M.
Bélisle (Mille-Îles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata),
M. Hamel (Sherbrooke), M. St-Roch (Drummond), Mme Pelchat (Vachon), M.
Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M.
Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M.
Fradet (Vimont), M. Lemieux (Va-nier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard
(Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse),
M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin
(Verdun), M. Larouche (Anjou), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé
(LaFontaine), Mme Ho-vington (Matane), M. Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M.
Bordeleau (Acadie), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette
(Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Château-guay), M.
Després (Limoilou), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Forget
(Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau),
M. La-france (Iberville), M. MacMillan (Papineau). M. Libman
(D'Arcy-McGee).
Le Président: Alors, que ceux et celles qui sont contre
cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M.
Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme
Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve),
M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour
(Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest). M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette
(Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Du-buc), Mme Caron
(Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témisca-mingue), Mme Dupuis (Verchères), M.
Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière).
Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?
Le Secrétaire: pour: 64 contre: 24
Le Président: La motion est donc adoptée. Nous
allons maintenant poursuivre nos travaux. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je demanderais le
consentement au leader de l'Opposition pour que l'honorable ministre
délégué aux Forêts et député de
Rivière-du-Loup puisse ajouter sa voix au vote.
Le Président: S'il vous plaît! Un instant. Il y a
une demande de consentement à savoir si le ministre peut ajouter sa voix
au vote enregistré. Est-ce qu'il y a consentement, M... S'il vous
plaît! À ce que je sache, je demande une ques-
tion à une personne, au leader de l'Opposition. M. le leader de
l'Opposition, est-ce qu'il y a consentement à cette fin-là?
Il y a consentement, donc nous ajoutons une voix aux pour. Très
bien. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: Oui, M. le Président. Je vous demanderais
d'appeler l'article 50 du feuilleton.
Projet de loi 75
Prise en considération du rapport de la
commission
Le Président: À l'article 50 du feuilleton, nous
allons maintenant procéder à la prise en considération du
rapport de la commission de l'économie et du travail qui a
procédé à l'étude du projet de loi 75, Loi sur les
heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux et,
également, à la prise en considération des amendements
à ce projet de loi transmis en vertu de l'article 252 du
règlement. Avant d'entreprendre le débat sur le rapport de la
commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 75, Loi sur
les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux,
et sur les amendements à ce projet de loi transmis au secrétaire
général en vertu de l'article 252 du règlement, je
déclare recevables tous les amendements présentés par M.
le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Je déclare
également recevables tous les amendements présentés par
Mme la députée de Taillon.
Par ailleurs, conformément à l'article 253, j'ai tenu une
réunion des leaders parlementaires pour l'organisation de la mise aux
voix de ces amendements. J'informe donc l'Assemblée qu'à la fin
du débat il sera procédé à la mise aux voix dans
l'ordre suivant: d'abord les amendements présentés par Mme la
députée de Taillon, par la suite, les amendements
présentés par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie; ensuite, l'ensemble du projet de loi 75, tel qu'amendé,
suivant les votes précédents; enfin, tel qu'amendé, le
rapport de la commission de l'économie et du travail qui a
étudié en détail le projet de loi 75. Je suis maintenant
prêt à reconnaître le premier intervenant sur ce
débat. Est-ce qu'il y a un intervenant?
Maintenant nous procédons à l'étape de
l'étude du rapport de la commission et des amendements
présentés tous ensemble. Donc, le premier intervenant, M. le
ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Nous sommes maintenant rendus, M. le
Président, à l'étape de l'adoption du rapport de la
commission de l'économie et du travail qui fut chargée, pendant
près de 24 heures, de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 75, intitulé Loi sur les heures
et les jours d'admission dans les établissements commerciaux.
Évidemment, puisque ces quelque 24 heures n'ont pas permis d'aborder
l'étude d'un seul des 34 articles que comporte le projet de loi, je
profiterai de l'occasion qui m'est offerte ce soir pour détailler les
amendements que j'ai apportés au projet de loi tel que
déposé. Ce projet de loi prévoyait initialement des plages
horaires élargies afin de répondre aux besoins des consommateurs
et de rétablir l'équilibre entre tous les commerçants. Ces
périodes d'ouverture possibles avaient été fixées
de 8 heures à 22 heures, du lundi au samedi inclusivement. Toutefois,
j'avais annoncé, lors de l'adoption de principe, que j'entendais
modifier cet horaire puisque la presque totalité des intervenants
m'indiquaient qu'ils n'ouvriraient pas jusqu'à 22 heures. En effet, la
majorité des partisans de la libéralisation totale
reconnaissaient qu'ils n'utiliseraient pas l'heure d'ouverture entre 21 heures
et 22 heures. Par ailleurs, pour répondre aux accusations qu'ont
portées les membres de l'Opposition qui interprétaient mon
silence et mon regard comme de l'indifférence, de l'entêtement, de
l'orgueil, de l'arrogance et du mépris, je leur dirais qu'il est plus
facile de réfléchir lorsque l'on écoute le point de vue de
tous les intervenants.
Contrairement à ce que la députée de Taillon
prétendait, une véritable consultation a eu lieu dans ce dossier
complexe. Non seulement cette consultation a-t-elle commencé lors de la
commission parlementaire tenue en mars dernier, 110 heures d'audiences, mais
elle ne s'est pas terminée lors du dépôt du projet de loi
à l'Assemblée nationale, le 15 mai. Bien au contraire, j'ai
constamment rencontré personnellement les représentants de la
plupart des groupes concernés par le dossier et, plus
particulièrement, ceux de la coalition contre.
Par ailleurs, les membres du caucus libéral, 92
députés représentatifs de toutes les régions du
Québec, ont également reçu, ces dernières semaines,
des appels venant de la part des propriétaires de petits commerces et
également des employés qui y travaillent. Il s'avère que
l'ouverture en soirée, en début de semaine, ne réjouissait
ni les uns, ni les autres. Le consommateur, quant à lui, indique que ses
besoins en début de semaine ne nécessitent pas une ouverture
aussi prolongée que les mercredi, jeudi et vendredi soir. Ces
interventions se traduisent aujourd'hui par des amendements concrets que j'ai
déposés hier soir auprès du secrétaire
général de l'Assemblée nationale.
Le premier amendement ramène donc la période d'ouverture
possible de 8 heures à 19 heures, les lundi et mardi, et de 8 heures
à 17 heures, le samedi. La plage horaire pour les mercredi, jeudi et
vendredi demeure inchangée,
soit de 8 heures à 21 heures. Donc, en réalité,
cinq heures additionnelles de commerce. Cet amendement représente un
ajustement important pour tous les propriétaires de petits commerces qui
tiennent le fort trop souvent seuls dans leur boutique, de même qu'il
répond aux attentes de nombreux travailleurs de commerces de
détail. Les consommateurs, quant à eux, sauront y trouver leur
compte puisque les besoins d'élargissement dans les secteurs du commerce
non alimentaire étaient quand même moins essentiels que dans le
secteur alimentaire.
Par ailleurs, malgré ces ajustements quant aux heures en
début de semaine, les concessionnaires d'automobiles et de machinerie
agricole, les centres de piscines et les coopératives en milieu scolaire
pourront quand même être ouverts jusqu'à 21 heures les lundi
et mardi soir. Cette dérogation à la limite de 19 heures
était nécessaire puisque ces types de commerces ont
démontré par le passé l'importance des soirs de semaine
dans le secteur de leur entreprise.
Rappelons également que ces types de commerces faisaient partie
de l'importante liste des exceptions de la loi de 1984 à qui il
était permis d'ouvrir même le dimanche. Ce privilège leur a
été retiré. Nous ne pouvions quand même pas les
limiter encore plus dans l'exploitation de leur commerce. Par ailleurs,
l'élément essentiel du projet de loi a été
conservé intact. En effet, la règle de quatre employés en
dehors des heures normales, tant décriée par l'Opposition, n'a
pas été modifiée. Tous les commerces d'alimentation sont
maintenant égaux devant la loi, puisque l'ouverture hors des heures
dépendra du même critère pour tous les commerces
d'alimentation.
Je suis conscient que cette règle ne permettra pas à tous
les commerces d'alimentation qui désirent ouvrir leurs portes le
dimanche de le faire ou d'offrir les mêmes services à la
clientèle que les autres jours de la semaine. Mais c'est justement
là le principe qui a été retenu: permettre un meilleur
service à la clientèle que celui qui était permis en vertu
de la loi de 1984, tout en respectant un concept de dépannage le
dimanche. De plus, tel que je l'ai déjà annoncé en cette
Chambre lors de l'adoption de principe du projet de loi, afin de ne pas
pénaliser le propriétaire de l'épicerie ou son mandataire
de façon habituelle, qui désire se rendre dans son commerce le
dimanche, ce dernier ne sera pas comptabilisé aux fins du calcul des
quatre employés. Afin d'empêcher les abus, il a été
prévu qu'une seule personne pourra être présente sur les
lieux, à titre de propriétaire ou de mandataire, de façon
habituelle.
Plusieurs intervenants se sont inquiétés de
connaître la portée exacte de l'exclusion des personnes
affectées exclusivement à la fabrication. Les amendements
apportés explicitent clairement qu'il s'agit des personnes
affectées exclusivement à la préparation de produits de
boulangerie et de pâtisserie. Cette exclusion vise à ne pas
pénaliser le pâtissier artisan qui, plutôt que de
s'approvisionner chez un fabricant, tel que Multi-Marques, Weston ou Cousin,
choisit de confectionner lui-même ses produits. Il est désormais
clair que les bouchers ne sont pas visés par cette exclusion et, par
conséquent, ils feront partie des quatre employés. (22 h 30)
Un autre amendement apporté au projet de loi consiste en la
détermination de façon précise du concept de menus
articles. Ce concept, qui n'était pas nouveau, laissait place à
une grande variété d'interprétations. En effet, la
jurisprudence des années soixante-dix illustrait les menus articles,
comme des pierres à briquet ou des filtres à cigarettes, soit des
objets petits, des articles de peu de volume, mais, également, de peu de
valeur, de peu d'importance. Certains commerçants semblaient
considérer des échelles ou des téléphones portatifs
comme étant des menus articles. La notion de menus articles sera
maintenant remplacée par celle d'articles de moins de 50 $. Ce concept
a, au moins, le mérite d'être clair et de ne laisser place
à aucune équivoque.
Pour les commerçants qui travaillent dans les marchés aux
puces, le projet de loi confirme légalement ce qui fait maintenant
partie de la tradition québécoise. En autant qu'ils vendront
également des articles ou des marchandises usagées, il leur sera
permis de vendre des marchandises neuves de moins de 50 $. Encore une fois, la
clarification de la notion de "menus articles" permettra d'éviter toute
ambiguïté. Par exemple, le marché aux puces ne pourra plus
concurrencer le marchand de meubles, le dimanche, en vendant du mobilier neuf
de plus de 50 $.
Enfin, M. le Président, j'ai apporté un dernier amendement
qui précise clairement que les établissements de la
Société des alcools sont visés par la loi. Bien que
ceux-ci se soient toujours conformés à la loi, leur
assujettissement pouvait être mis en doute. Dorénavant, il ne
pourra plus y avoir de doute à ce sujet.
La députée de Taillon, dans son communiqué de
presse émis aujourd'hui et dans les moments qui suivent, ainsi que
certains membres de l'Opposition, répéteront sensiblement ce que
l'on entend depuis une trentaine d'heures. C'est un point de vue. Je le
comprends, je le respecte, mais je ne le partage pas. Tous les
commerçants dans le secteur de l'alimentation sont maintenant
égaux devant la loi. Une fruiterie, une poissonnerie, une boucherie, un
supermarché qui emploient plus de quatre employés sur semaine,
cinq, six ou sept employés, pourront ouvrir hors les heures
prévues par la loi en autant qu'il n'y a pas plus de quatre personnes
pour assurer le fonctionnement du commerce, excluant évidemment le
propriétaire. Les exceptions prévues dans la loi de 1984 et les
décrets subséquents favorisant certains types de commerce sont
éliminés.
Le premier principe fondamental de la loi, sort l'équité
entre tous les commerçants, est consacré dans le secteur de
l'alimentation.
Le deuxième principe, soit de satisfaire les besoins réels
des consommateurs, est respecté. Le consommateur a demandé un
meilleur service le dimanche dans le secteur alimentaire. Le projet de loi le
reconnaît. Dans le secteur non alimentaire, il pourra faire son
magasinage cinq heures de plus: soit le lundi une heure, le mardi, une heure de
plus et, finalement, le mercredi, trois heures de plus.
Enfin, le troisième principe, la qualité de vie de la
population, notamment celle des travailleurs et des travailleuses, est reconnu.
Tout d'abord, en protégeant, pour la très grande majorité
des travailleurs, une journée de repos. Deuxièmement, en
restreignant le nombre d'heures d'ouverture sur semaine et, enfin,
troisièmement, en limitant le nombre d'employés dans le secteur
alimentaire le dimanche.
Ces amendements démontrent hors de tout doute que j'ai
été à l'écoute de tous les intervenants
jusqu'à la dernière minute. Trois amendements importants et des
précisions à plusieurs autres articles de la loi. Je n'ai eu, au
cours des six derniers mois, aucun parti pris. J'ai assumé la
responsabilité de trouver une solution concrète à un
dossier complexe. Le projet de loi 75 est une synthèse du point de vue
de tous les intervenants et un équilibre entre les trois principes
fondamentaux suivants: l'équité entre les commerçants, les
besoins réels des consommateurs et la qualité de vie de la
population.
On peut être plus ou moins pour ou contre ou satisfaits, mais,
à la lecture du projet de loi et non à l'interprétation
souvent erronée que certains en font pour défendre de
façon démagogique un point de vue, le lecteur réalisera
que la loi est claire et je prendrai avec les municipalités, M. le
Président, tous les moyens à ma disposition pour la faire
respecter. Les commerces étant fermés à cette heure, M. le
Président, j'aimerais passer à autre chose.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis en fait
furieuse. Je suis en colère.
Des voix: Oh!
Mme Marois: Nous participons actuellement à un simulacre
de parlementarisme. C'est de la mascarade! Vous le savez, on aurait pu appeler
le projet de loi sur les heures d'affaires à 15 heures cet
après-midi. C'est un projet de loi qui concerne des milliers de
personnes au Québec, pour ne pas dire des millions de personnes. On a
préféré appeler le projet de loi à 22 h 30,
à 22 h 15 ce soir. C'est à cette heure-ci qu'on a appelé
le projet de loi.
La semaine dernière, on a terminé nos débats
à 22 h 15 le vendredi soir, M. le Président. On
préfère la nuit. C'est sombre, le silence et
l'indifférence. Alors que ça concerne des milliers de personnes
à travers le Québec, on préfère que notre projet de
loi soit discuté en catimini. C'est ce qui est un simulacre de
parlementarisme, en plus de nous mettre la bâillon, M. le
Président, et on va en parler de ce fameux bâillon, du fait qu'on
nous empêche de discuter, de proposer d'amender le projet de loi qui est
devant nous. En fait, malgré que le ministre ait souhaité, et que
son gouvernement, avec lui, ait souhaité débattre du projet de
loi la nuit, il reste que les gens intéressés sont à ce
point intéressés qu'ils se sont déplacés pour
entendre le ministre. Alors une partie du silence sera levée, une partie
du voile sera levée.
Qu'est-ce qui s'est passé, M. le Président, en ce qui
concerne la loi sur les heures d'affaires? Le lundi 11 juin, le ministre nous
annonce deux amendements. Je vous ferai remarquer non pas 25, il nous annonce
deux amendements, M. le Président. Il nous dit: J'avais
exagéré un peu en mettant jusqu'à 22 heures tous les
soirs, le samedi y compris. On va ramener ça à 21 heures. Il
avait exagéré un peu! Ensuite: Je m'étais trompé.
Quatre le dimanche, ce n'était pas assez; ça ne permettait pas
à suffisamment de commerces d'ouvrir. Je vais ajouter le patron. Il ne
peut pas être parmi les quatre; on va l'ajouter; ça va en faire
cinq. Ça, c'était le lundi, 11 juin, M. le Président, et
je prends mes feuilles pour être bien sûre que je suis la
chronologie dans le temps. Le jeudi, 14 juin, trois jours plus tard, en
commission, l'Opposition va proposer, M. le Président, des amendements
que le ministre ne daignera pas relever.
L'Opposition va proposer, M. le Président, de voir les
amendements du ministre. Le ministre va refuser de déposer ses
amendements. Et qu'il se lève devant cette Chambre, si ce n'est pas le
cas, pour nous dire qu'il n'a pas refusé de déposer les
amendements qu'il voulait proposer. (22 h 40)
C'était, M. le Président, le 14 juin, jeudi soir. Le 18
juin, hier, il avait jusqu'à 22 heures pour déposer au
Secrétariat des commissions les amendements à son projet de loi.
Il va le faire. Nous allons lui demander de nous les transmettre parce qu'on
savait, moi, je savais qu'aujourd'hui j'aurais à intervenir devant les
membres de l'Assemblée, je savais que j'aurais à analyser les
amendements que le ministre allait déposer. Je lui ai donc
demandé poliment, correctement de nous transmettre les amendements hier
soir, de telle sorte que ça nous donne quelques heures de plus. On a
refusé, à son cabinet, de nous donner les amendements. Alors,
c'est exactement ce qu'on a fait hier à 22 heures, M. le
Président,
pour, probablement, que nous ayons moins de temps. 19 juin...
M. Boulerice: M. le Président.
Le Président: Un instant, madame, s'il vous
plaît!
M. Boulerice: Une question de règlement.
Le Président: Oui. Un instant, M. le député!
Je demande la collaboration des députés, s'il vous plaît,
et d'écouter avec attention chacun des intervenants. Si quelqu'un a des
commentaires à faire, il pourra utiliser le temps de parole qui lui est
réservé après l'intervention de Mme la
députée de Taillon.
Vous pouvez continuer, Mme la députée.
M. Boulerice: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: Question de règlement, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: L'article 32, M. le Président,
deuxième paragraphe dit ceci: "Ils - les députés -
occupent la place qui leur a été assignée par le
Président, y demeurent assis et gardent le silence à moins
d'avoir obtenu la parole."
Le Président: Exactement. Ce que je demande aux
députés, c'est de garder le silence dans la mesure du possible.
Il est d'usage, vous le savez aussi bien que moi, que, parfois, certains
parlementaires puissent discuter entre eux à voix basse sans - s'il vous
plaît! - déranger qui que ce soit. Si la présidence se rend
compte que les parlementaires en discussion dérangent l'intervenant,
à ce moment-là, je demanderai à ces gens-là de se
taire ou de regagner leur place.
Alors, Mme la députée, vous pouvez poursuivre, s'il vous
plaît.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je pense
qu'effectivement nous avons écouté fort attentivement le ministre
et j'ai un certain nombre de choses à lui dire et à dire aux
membres de cette Chambre, par votre intermédiaire, bien sûr, M. le
Président.
Alors, le 19 juin, à 8 h 30, j'obtiens enfin les amendements, M.
le Président. C'est ce matin, ça. Ce n'est pas il y a trois
semaines, c'est ce matin. Il m'avait annoncé, la semaine
dernière, le ministre m'avait annoncé deux amendements. Alors, ce
matin, je prends connaissance des amendements. Au cas où les gens ne le
sauraient pas, on va se rappeler que le projet de loi a 34 articles. D'accord?
Notre projet de loi a 34 articles. Le ministre va proposer que nous en
amendions 25 de ces articles. C'est ça ici. Et ça l'ennuie, hein,
quand je parle de ça, ça l'embête un peu, mais qu'est-ce
que vous voulez, c'est 25 articles.
Alors, je les ai eus ce matin à 8 h 30. D'ailleurs, ce sont 25
articles amendés, mais il y a beaucoup plus qu'un amendement par
article, hein. Regardez la longueur des amendements qu'on nous propose. Chaque
paragraphe en est un. D'accord? Bon.
Alors, ça là, c'est ce matin que j'ai eu ça. Je
vais vous dire, M. le Président, que, quand je dis que je suis furieuse
et que je suis en colère...
Le Président: Un instant, madame! Simplement, MM. les
députés, s'il vous plaît, à ma droite, j'exige, si
vous avez à discuter, de le faire à l'extérieur de
l'Assemblée.
Vous pouvez poursuivre.
Mme Marois: Merci, M. le Président. Quand je dis que je
suis en colère, en fait, je me sens flouée, M. le
Président. Je sens que l'Opposition n'a pas eu la possibilité
d'échanger, de discuter vraiment avec le ministre, bien que nous lui
ayons proposé de le faire, bien que nous ayons demandé ces
amendements, bien que nous ayons, nous, de notre côté,
déposé nos amendements.
En fait, le ministre trouvait qu'on faisait de l'obstruction gratuite,
qu'on l'empêchait de faire son travail. Alors, je pense qu'à ce
moment-ci, M. le Président, le ministre, en fait, empêchait que le
travail de l'Assemblée nationale se fasse et non pas que mon travail
à moi se fasse parce que j'ai une responsabilité ici, moi, comme
membre de l'Opposition dans un Parlement élu démocratiquement.
Moi aussi, j'ai été élue, comme la majorité d'entre
vous l'avez été, n'est-ce pas?
Alors là, ces beaux amendements, M. le Président, c'est
parfait, je vous dirai que c'est le "blender" du ministre qui n'a pas
chômé.
M. Jolivet: M. le Président, je suis tanné,
là.
Le Président: M. le député de Laviolette.
À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous avez quelque intervention
à faire, je vous prierais de vous lever puis de faire une question de
règlement en bonne et due forme, puis de respecter l'Assemblée
nationale, de respecter l'institution. Vous avez une question de
règlement? Je vous écoute, M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, je voudrais, comme j'ai
attentivement - le ministre peut être témoin -
écouté ce qu'il a dit, j'aimerais que ma collègue puisse
parler sans que les gens à ma gauche interpellent continuellement en la
traitant de menteuse, de démagogue.
Une voix: Wo! Un instant, là!
Le Président: S'il vous plaît. S'il vous
plaît. Écoutez, je vous rappelle à l'ordre, les deux
députés, le député de Lotbinière et le
député de Laviolette. Si vous avez une question de
règlement, vous vous adressez à la présidence. Si vous
voulez discuter ensemble, je vous invite à le faire, de la façon
que vous voulez, dans les salons réservés à cette fin
à l'extérieur. Ce fut une question de règlement pour
rappeler à l'ordre un député qui interpelle la personne
qui fait son discours, très bien. Je surveillerai attentivement, si
quelqu'un contrevient au règlement, j'interviendrai
immédiatement. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Ce n'est
pas parce qu'on n'aime pas ce que je dis qu'on ne doit pas
nécessairement l'entendre et que ça ne correspond pas
nécessairement aux faits. Alors, notre ministre, en fin de semaine, M.
le Président, évidemment... D'ailleurs, si on pense que ça
ne correspond pas aux faits, j'imagine qu'on va se lever puis qu'on va avoir le
courage de me le dire. D'accord? Bon.
Le "blender" du ministre n'a pas chômé en fin de semaine et
la mixture est restée imbuvable. Au cas où on ne saurait pas de
quoi je parle, samedi, M. Vennat, qui n'est pas particulièrement
d'accord d'ailleurs, nécessairement, toujours avec les positions que je
défends, a fait référence au projet du ministre. Il disait
la chose suivante: "Suivant, donc, la méthode employée par
plusieurs cuisiniers à la recherche d'une nouvelle boisson ou d'un
nouveau potage, il s'empara - il parle du ministre - de tous les points de vue
divergents, des tenants comme des adversaires de la libéralisation des
heures d'affaires, et introduisit le tout dans un "blender", entre
parenthèses, robot culinaire. Malheureusement pour lui, son projet de
loi, dont il se dit assez fier pour le considérer comme son
bébé et en vanter publiquement les vertus, ressemblait
plutôt à la mixture imbuvable d'un barman amateur qui, à la
recherche d'une boisson exotique, aurait inconsidérément
mélangé les ingrédients qui ne vont pas ensemble. Et,
après avoir vanté la perfection de sa merveilleuse
synthèse, il y a un mois à peine, le ministre a
déjà changé de recette. En effet, le 15 mai, il
annonçait que son "blender" accouchait d'un compromis: non au dimanche,
mais ouverture de tous les commerces de 8 heures à 22 heures, du lundi
au samedi. Les convives n'aimant pas le breuvage, le ministre a remis le projet
de loi au "blender". Résultat: les commerces seront maintenant ouverts
75 heures, le ministre ayant amputé 9 heures d'ouverture ici et
là, et ils seront toujours fermés le dimanche. Comme il s'agit
encore d'un projet de loi synthèse, la logique y est toujours aussi
absente et le breuvage risque d'être aussi amer, à moins que l'on
ne s'y habitue, comme le vieux sirop de notre enfance."
On peut, encore une fois, ne pas aimer, de l'autre côté, M.
le Président, mais on s'adressera à M. Vennat, pas à
moi.
Bon. Cela étant dit, je relisais les propos qu'a tenus le
ministre en cette Chambre, le 11 juin dernier. On est quoi, aujourd'hui, le 18
ou le 19 juin? Ça ne fait pas longtemps, hein! 19 juin. Alors, il y a
à peine huit jours, M. le Président. Il nous disait: Vous savez,
ce gouvernement - en parlant de nous - n'avait pas de principe pour
établir sa loi sur les heures d'affaires. Remarquez que c'est ce que
tout le monde voudrait qu'on ramène, la loi qu'on avait adoptée.
On la trouvait pas mal bonne, mais le ministre, lui, pensait, M. le
Président, que nous n'avions pas de principe. Alors, je le cite: J'ai
établi des principes. Je ne vois pas comment, en 1984, on ait pu penser
un projet de loi aussi fondamental que celui sur les heures d'affaires sans
établir des principes. J'ai établi des principes,
l'équité entre tous les commerçants." Alors,
l'équité entre tous les commerçants, et je ne partage pas
nécessairement leur point de vue, mais c'est ça, il y en a qui ne
sont pas contents, il y en a qui pensent que la loi n'est pas équitable,
ils ont même pris la peine, ce matin, dans tous les journaux du
Québec, de faire comme les membres de la commission, d'ailleurs,
souhaitaient le faire, de s'adresser au premier ministre pour essayer de lui
demander de bien comprendre les points de vue que l'on défendait. Alors,
voilà pour l'équité.
Toujours le 11 juin, le ministre affirmait: La seule modification qu'on
avait à apporter: augmentons de trois heures le mercredi, faisons de 18
heures à 21 heures, enlevons les exceptions et ça va
régler tous les problèmes. Il disait: Ça, c'est la
position de l'Opposition et ça ne fait pas nécessairement
l'unanimité. Alors, pour rassurer le ministre, depuis une semaine et
demie - parce que ce n'est pas très long, on n'a pas eu beaucoup de
temps - je dépose, et mes collègues avec moi, et ses
collègues avec moi, jour après jour, des pétitions pour
dire au ministre que sa loi n'a pas d'allure. Et, malgré les changements
qu'il y apporte ce soir, elle n'a pas plus d'allure qu'elle n'en avait, la
mixture n'est pas meilleure à boire. Alors, pétition sur
pétition, certaines non conformes que je rappellerai au ministre, je
n'ai pas pu les déposer, mais ces gens n'en sont pas moins en
désaccord avec son projet. Et là ce sont des
télégrammes que j'ai reçus et que mes collègues ont
reçus, du comté de Johnson, du comté de L'Assomption, du
comté de Jonquière, du comté de Joliette, de Terrebonne,
des comtés de Labelle - et ce sont ceux que j'ai réussi à
ramasser aujourd'hui, en fin de journée, plusieurs de mes
collègues les ont laissés dans leur comté -
Pointe-aux-Trembles, Arthabaska, Hochelaga-Maisonneuve, Dubuc, Taillon, Gouin,
Duplessis, Sainte-Marie-Saint-Jacques, Bertrand. Alors, évidemment, on
est les
seuls à ne pas penser comme le ministre et quelques-uns d'autres
d'entre nous qui pensent aussi comme nous. (22 h 50) là, le ministre,
lui, il savait comment faire ça, des lois. et les heures d'affaires, il
connaissait ça. donc, évidemment, pas d'exception. lui, il savait
qu'il n'y aurait pas d'exception. alors, voilà ce qu'il nous disait,
d'ailleurs, toujours le 11 juin, m. le président - c'est instructif de
remonter aux propos du ministre - il disait: "on veut avoir une loi
équitable, donc, il faut éliminer les exceptions. si on
élimine des exceptions, il faut prendre en considération qu'il
faut augmenter les heures." bon! alors, il a augmenté les heures, il a
fait semblant de réduire les exceptions et là, aujourd'hui, il
nous annonce qu'il les augmente à nouveau: lundi soir, mardi soir. en
terminant à 19 heures, ça l'amène à ouvrir des
exceptions pour les pisciniers, pour les coopératives de fournitures
scolaires, pour les véhicules routiers. il ouvre des exceptions. il
reconnaît les marchés aux puces; ce n'est pas dit comme ça.
peut-être reconnaît-il les fruiteries et peut-être n'ai-je
pas eu le temps ou la capacité de trouver les articles dans lesquels il
les reconnaîtrait. il a dit d'ailleurs, tout au long du processus, que
l'opposition bloquait le fait que les fruiteries puissent avoir une exception.
j'imagine que ça devait être lui parce qu'il ne m'a pas
consulté sur les amendements et il n'y en a pas qui les concernent,
à moins que je ne les aie pas vus. évidemment, comme je n'ai pas
eu beaucoup de temps pour les voir, ça se peut que ça m'ait
échappé. alors, j'imagine que le ministre me répondra
à ça. alors, il ajoute: "en permettant plus d'heures la semaine,
entre autres, ça permet d'éliminer beaucoup d'exceptions." ce qui
fait qu'aujourd'hui, au lieu d'avoir 19 exceptions, on se ramasse, m. le
président, avec 10 exceptions de moins, plus toutes celles qu'il a
rajoutées. il ne doit pas être loin d'être revenu aux 19
qu'il y avait dans la loi de 1984. il y avait des principes. évidemment,
avec des principes, ça donne aussi ça. il dit, le 11 juin: m. le
président, j'annonce aujourd'hui une modification au projet de loi qui
n'est pas le fruit des représentations uniques des travailleurs et des
travailleuses. comme si les représentations qu'avaient faites les
travailleurs et les travailleuses n'étaient portées que par ce
groupe-là, alors que la coalition contre l'ouverture des commerces le
dimanche, représente, oui, m. le président, des centaines de
travailleurs et de travailleuses, mais représente aussi des centaines de
commerçants, petits moyens ou gros, m. le président, et qui, les
uns les autres sont tout aussi intéressants et ont tout autant le
goût de participer à l'économie du québec. quoique,
parfois, le ministre ait l'air d'en douter, la coalition rejoint aussi des
consommateurs et des consommatrices qui sont tout aussi
intéressés à répondre à leurs besoins en
respectant cependant les droits des uns et des autres. Alors, entendre le seul
point de vue des travailleurs et des travailleuses, dans ce cas-là,
c'aurait été entendre aussi le point de vue de milliers de
propriétaires à travers le Québec, qui ne sont pas plus
heureux, soit dit en passant, des amendements que l'on apporte aujourd'hui,
entre autres, en prolongeant jusqu'à 19 heures, les lundis et
mardis.
Vous irez leur demander. Vous irez tout à l'heure échanger
avec eux pour savoir s'ils aiment ça ajouter une heure de plus le lundi
soir, qui va faire que ça va les ramener chez eux à 20 heures. Et
si ça va s'ajouter au nombre d'heures brisées qu'ils ont
déjà. Vous irez voir les commerçants, les
dépanneurs, s'ils aiment ça aussi faire en sorte que, pendant
l'heure où c'est probablement le plus intéressant pour eux, on
ouvrira plus largement tous les commerces. Vous irez voir les gens qui vont
travailler le dimanche, qui ne seront que cinq par établissement, plus
le gardien, ou la gardienne, plus les gens à la fabrication, que l'on a
précisé dans le projet de loi, heureusement, et je salue cet
amendement. Un parmi les 35, quand même ce n'est pas mal? Il ira les
voir, M. le Président, pour savoir si la voix des travailleurs et des
travailleuses était isolée dans le concert d'objections qui s'est
présenté dans l'unanimité qui s'est faite, pas pour le
projet de loi, M. le Président, l'unanimité s'est faite contre le
projet de loi.
Je continue, c'est trop instructif, M. le Président, de citer le
ministre. Il revient à ses notions de principe et il dit: Je fais une
loi de l'avenir. Il dit: Ce n'est pas un projet de loi qui est simple. J'en
conviens avec lui, ce n'est pas simple. Ça prend du courage, j'en
conviens avec lui. C'est un projet de loi qui est complexe. Il faut le lire. Il
faut surtout le lire avant de le critiquer. Je suis d'accord. Je l'ai lu pas
mal. Il y a les amendements, évidemment, que j'ai eus un peu tard, mais
enfin, il faut bien le comprendre. Mais ce qui est le plus important, c'est que
c'est un projet de loi de l'avenir. Là il parlait, pas des amendements
qu'on a devant nous, M. le Président, il parlait du projet de loi
original. C'était un projet de l'avenir. Alors l'avenir dure aussi
longtemps que durent les roses, M. le Président, sûrement l'espace
d'un moment, puisque déjà sur 34 articles, il veut en modifier
25. Alors l'avenir a duré une semaine, M. le Président.
Évidemment, il fallait y réfléchir un peu. Il fallait y
penser. Ce n'était pas notre cas et on ne pouvait pas dire notre mot
parce que le bâillon a été mis. On nous a
empêchés, effectivement, d'intervenir et de défendre notre
point de vue parce qu'on n'aimait pas notre point de vue. Sauf qu'il y a un
problème, M. le Président. Notre point de vue, c'est celui de la
majorité. Et quand on n'entend pas la majorité, effectivement, on
en paie un jour ou l'autre le
prix. Et le prix, c'est celui du point de vue qui s'exprimera, qui
s'exprimera par des votes. Et, ce jour-là, on se rappellera et on s'en
rappellera bien avant, M. le Président, parce que sa loi était
basée aussi sur trois principes.
Une voix: M. le Président...
Mme Marois: On n'aime pas ce que j'ai à dire? On peut se
lever et contester ce que j'ai à dire. Mais ce que j'ai à dire,
je vais le dire ici, M. le Président. Il y avait trois principes aussi
sur lesquels s'appuyait le ministre. Une loi, j'en ai parlé,
équitable. Il disait: Une loi durable et une loi applicable. Une loi
durable. Entre le moment où il a déposé son projet de loi
et aujourd'hui, il nous a annoncé deux séries d'amendements qui
ne vont pas dans le même sens, qui sont différents. Ça,
c'était une loi durable. Je conviens avec le ministre qu'il a
été à l'écoute entre le moment où il a
déposé son projet de loi et celui où il dépose les
amendements. Il a été à l'écoute de qui, par
exemple? Ça, je me pose des questions. Je ne le sais pas, en tout cas,
sûrement pas à notre écoute parce qu'on n'a jamais pu
échanger avec lui sur le projet de loi et sur les amendements. Il a
refusé que nous commencions à discuter des articles de la
loi.
Nous avions proposé, M. le Président, de discuter de
l'article qui faisait le plus problème, l'article qui concernait les
quatre personnes en tout temps dans un commerce qui pourrait, là, ouvrir
24 heures par jour s'ils le veulent, mais préservant ainsi le dimanche
et faisant en sorte que l'on évite toutes ces exceptions auxquelles le
ministre lui-même nous amène, après nous avoir
blâmés, comme gouvernement, d'en avoir fait et surtout
après avoir oublié de blâmer son propre gouvernement qui
n'avait pas fait appliquer la loi et qui avait confirmé les exceptions
par des décrets ministériels signés par des membres de son
gouvernement et pas par des membres du mien, M. le Président.
Alors, une loi équitable, une loi durable et, maintenant, une loi
applicable. Là, on va s'en parler de la loi applicable, ça aussi,
c'est un petit chef-d'oeuvre. Comment le ministre nous disait-il? Il l'a
répété encore ce soir: Notre loi de 1984 était un
chef-d'oeuvre d'incohérence. Il dit que ce n'est pas lui qui le disait,
mais que c'étaient les intervenants. Et il disait: Ce n'est pas
applicable, c'est bien trop compliqué. Ce n'est pas possible de mettre
du contrôle là-dedans. La loi de 1984, effectivement, souffrait de
quelques exceptions qui méritaient d'être remises en question.
J'en ai convenu avec le ministre immédiatement. Mais la loi de 1984
était claire; elle n'avait pas 56 critères et
éléments pour essayer de voir si les gens pouvaient ouvrir ou
non, elle se basait sur un critère de base qui était: trois
personnes en tout temps. J'imagine que ça doit être relative- ment
facile à constater... Quand tu rentres dans un établissement,
s'il y a 10 personnes qui travaillent, tu dois dire: C'est en dehors des
heures, vous n'avez pas le droit. S'il y en a trois, bien tu dis: Ça
fonctionne. Ça a l'air que c'est correct, qu'on respecte la loi. Alors
là, ce ne sera pas trois personnes en tout temps, ce sera quatre
personnes en dehors des heures, plus le patron, plus la sécurité,
plus le pâtissier, plus le boulanger. Et si on est dans une pharmacie,
quelqu'un à la préparation des pilules et des médicaments.
On regardera qui va ouvrir le dimanche. Vous allez voir si nos
évaluations étaient fausses et si nous errions. On va voir si la
loi du ministre est si applicable que ça, M. le Président,
comparé à la nôtre qui, semble-t-il, ne l'était pas.
(23 heures)
En fait, le ministre a mis le "focus", depuis quelques jours, sur la
réduction des heures en semaine en essayant, M. le Président, de
nous faire oublier qu'il saccageait le dimanche. Il ouvre en fait la porte, M.
le Président, à la libéralisation complète. Il met
l'accent sur les changements, effectivement, qu'il apporte, mais il oublie de
dire qu'il confirme le point de vue qu'il défend depuis le début
en ce qui a trait à l'ouverture le dimanche. Pour confirmer aussi cette
approche, ce serait peut-être intéressant de rappeler aux membres
de cette Assemblée qu'il va permettre que, du 1er au 23 décembre,
pour s'assurer que toutes les emplettes soient faites, bien sûr, tous les
commerces d'alimentation, de vente d'appareils électriques, de meubles,
de vêtements vont pouvoir ouvrir de 8 heures à 21 heures le
dimanche y compris, M. le Président. Sept jours en ligne. Vous irez voir
les travailleurs et les travailleuses et vous irez voir les
propriétaires de commerces qui se plaignaient déjà
d'être ouverts le soir en semaine pendant la période des
fêtes et qui bénissaient le ciel parce qu'il leur restait une
journée dans la semaine pour se reposer. Alors, ce n'est plus le cas, M.
le Président. Comme quoi ma thèse n'est pas trop bête, soit
que l'on s'en va vers une libéralisation complète de l'ouverture
des commerces en alimentation et autres, semaine et dimanche jusqu'à 21
heures ou 22 heures, selon le bon vouloir du prince. En fait, M. le
Président, il y a toujours unanimité contre le projet de loi. Il
a dit non aux fruiteries ou on ne le sait pas, on le verra. À mon point
de vue et à ce moment-ci... C'est très ennuyeux, M. le
Président, vous savez.
Le Président: Effectivement, Mme la députée.
Effectivement, je constate qu'à ma droite, vers le fond de
l'Assemblée, des députés interviennent. Si vous avez des
discussions, je vous invite à les poursuivre à
l'extérieur. Alors, vous pouvez poursuivre, Mme la députée
de Taillon.
Mme Marois: Je comprends que ça puisse
peut-être vous ennuyer, mais il reste que nous représentons
ici une voix qui s'est exprimée très clairement et qui est
plutôt du côté de la majorité. Alors, peut-être
qu'il y aurait intérêt à entendre cette voix-là et
surtout à en tenir compte lorsque vous aurez à adopter le projet
de loi. M. le Président, je sais qu'il me reste peu de temps. Je me sens
effectivement dupée, je me sens humiliée, je me sens impuissante
à convaincre un ministre qui est devenu sourd à la voix de la
majorité. Je lui ai proposé aussi que cette loi s'appuie sur
trois principes qui sont essentiellement, d'abord, un équilibre entre
les besoins des uns et les droits des autres; entre les besoins des
consommateurs et des consommatrices et entre les droits des travailleurs et des
travailleuses. Je lui ai proposé, M. le Président, que l'on
s'appuie aussi sur le principe de l'équité.
M. Boulerice: M. le Président, s'il vous plaît,
l'article 32. Qu'ils aillent dans le salon ou ils ont plutôt la classe
pour aller dans un salon.
Le Président: Un instant, un instant, un instant! Alors,
M. le ministre, je vous demanderais, s'il vous plaît... Simplement que
vous dérangez, par votre conversation, l'intervenante...
Une voix:...
Le Président: Non, non, un instant, un instant. Un
instant! On demande aux députés d'être à leur place
en silence, de ne pas déranger l'intervenante. Alors, Mme la
députée, allez-y! S'il vous plaît, M. le
député. Alors, on me demande que vous preniez votre chaise. Je
vous invite... Un instant! Je vous invite à reprendre votre banc. M. le
ministre, je vous invite à reprendre votre siège s'il vous
plaît. M. le ministre délégué aux Transports je vous
invite à reprendre votre siège.
Une voix:...
Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît! Je
vous rappelle à l'ordre une première fois.
M. Boulerice: M. le Président.
Le Président: S'il vous plaît, un instant! Alors,
une autre question de règlement, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, l'article 35, le paragraphe
4: "...s'adresser directement à un autre député", ce qu'a
fait le député de je ne sais quel comté... Richmond. Et le
paragraphe 7, le langage violent, injurieux ou blessant, en traitant...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît, s'il vous plaît! Évidemment, le député
en ques- tion n'a pas la parole, donc les propos ne sont pas aux débats.
Je demande simplement aux députés de se conformer à la
dignité de l'Assemblée. Si vous avez quelque commentaire à
faire, je vous invite à vous lever à votre tour; vous avez droit
à dix minutes et vous le ferez en toute conformité avec le
règlement, à ce moment-là. Alors, veuillez poursuivre Mme
la députée de Taillon.
Mme Marois: Merci, M. le Président C'est très
agaçant, je le répète, parce que, évidemment, c'est
une façon de déstabiliser quelqu'un qui veut intervenir,
défendre son point de vue et le défendre, je crois, le plus
correctement possible.
Vous savez, quand le ministre est intervenu tout à l'heure, nous
l'avons écouté avec attention, malgré que nous ne
partagions pas son point de vue. Il le sait depuis longtemps. Je n'ai pas,
cependant, de l'autre côté de la Chambre, le même respect
que nous avons accordé à l'endroit du ministre.
Cela étant dit, M. le Président, la position que nous
avons défendue était effectivement un équilibre entre les
besoins et les droits des uns et des autres, des travailleurs et des
travailleuses, des consommateurs et des consommatrices, et aussi
l'équité entre les commerçants. Et nous avons
appuyé notre proposition aussi sur une autre analyse qui est faite dans
une société qui a progressé comme la nôtre, qui est
développée comme la nôtre. C'est cet équilibre entre
les besoins qu'ont les personnes, bien sûr, de consommer, bien sûr,
de produire pour pouvoir répondre à leurs besoins, mais aussi de
mettre l'accent sur les relations entre les personnes, mettre l'accent sur la
communication, sur le loisir, sur la culture... Nous nous sommes battus...
M. Boulerice: M. le Président...
Mme Marois: Ah! De grâce, s'il vous plaît!
Le Président: Un instant! Un instant! Un instant!
M. Boulerice:...
Le Président: un instant, s'il vous plaît! m. le
député, un instant, s'il vous plaît. je ne peux que
requérir la collaboration de tous les députés, s'il vous
plaît. veuillez poursuivre.
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'allais dire: Vous
savez, comme un peu il y a 15 ans, on s'est moqué allègrement des
gens qui se préoccupaient de l'environnement. Ils étaient des
farfelus, ils étaient des gens qui faisaient perdre du temps à
des gens sérieux. On s'en est moqué il y a 15 ans, M. le
Président, et je dis que le débat que l'on a actuellement autour
des heures
d'affaires touche effectivement une question de valeur. Et on se moque,
et on l'a vu, des gens qui défendent un point de vue où on
demande de mettre l'accent sur un temps où on va moins accorder
d'importance à la production et à la consommation et où on
va s'attarder à d'autres valeurs humaines qui sont tout aussi
importantes et qui sont tout aussi essentielles au progrès et à
l'évolution de notre société.
Et ce que ma formation politique a défendu, M. le
Président, c'est effectivement que, comme société, on
pouvait peut-être se dire que c'était un choix que l'on voulait
privilégier de faire en sorte qu'une journée par semaine
l'ensemble d'entre nous cesse de produire et de consommer pour mettre du temps
sur d'autres types de valeurs qui sont des valeurs, oui, d'échange, qui
sont des valeurs de type familial et qui sont importantes aussi dans nos
sociétés. Dans le fond, ce n'est probablement pas si farfelu que
cela. Et ça se compare peut-être au débat que l'on a eu il
y a 15 ans sur l'environnement.
Quand on me dit, M. le Président, regardez donc ailleurs, ils
sont des progressistes, eux ouvrent 24 heures par jour, allez donc vivre aux
États-Unis si vous aimez ça. Ce n'est pas le choix que moi je
fais parce que je préfère le type de société que
l'on a bâtie ici et j'aimerais bien qu'on en préserve un certain
nombre de ses éléments, M. le Président. C'est pour
ça que je combattrai effectivement le projet de loi qui est devant nous
parce qu'il ne répond pas aux besoins qui ont été
énoncés.
Le Président: Je vais céder la parole à M.
le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie pour une
intervention d'un maximum de cinq minutes.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je ne me sens
aucunement coupable de la duperie ou de l'humiliation de la
députée de Taillon. Je n'ai jamais refusé de
déposer les amendements en commission parlementaire. J'étais
prêt à les déposer à la condition que l'on commence
à discuter par l'article 1, ce que l'Opposition n'a jamais voulu faire,
préférant commencer par l'article 4. (23 h 10)
À 13 reprises, M. le Président, et je répète
ce que j'ai dit, à 13 reprises en commission parlementaire, j'ai dit que
j'étais prêt à déposer les amendements lors de
l'étude du projet de loi article par article, en commençant par
l'article 1. Par contre, même si on n'a pas eu le temps d'analyser les
amendements de l'Opposition, je les ai pris en considération dans le
projet de loi. On a préféré, en commission parlementaire,
faire une motion sur le tourisme. On a dit: II faudrait entendre le ministre du
Tourisme. J'ai dit, en commission parlementaire, que j'étais d'accord,
qu'on n'avait pas besoin de faire une motion pour ça, j'ai même
appelé le ministre du Tourisme pour lui demander de venir et il m'a dit
oui. On a préféré passer cinq heures à discuter du
tourisme pour, finalement, lire les amendements de l'Opposition, aucun
amendement sur les zones touristiques. Alors, si ce n'est pas de l'obstruction
systématique, je ne sais pas ce que c'est.
On m'a accusé d'être à la solde de Club Price, de
Steinberg et de la coalition pour. On m'a accusé de ça. Pourtant,
on ne se gêne pas pour sortir la presse: 600 000 membres du Club Price
pour la libéralisation totale, en désaccord. Donc, qu'on ne
m'accuse pas d'avoir été à la solde de Club Price. J'ai
écouté. On m'a même reproché d'avoir une vision. On
m'a dit: II ne faut pas aller trop vite. N'allez surtout pas trop vite; il ne
faut pas aller plus vite que la population.
Et, finalement, je veux juste ajouter ceci. On peut faire de la
démagogie sur la libéralisation totale, elle existe dans les
zones touristiques, les commerces peuvent ouvrir sept jours par semaine, 24
heures par jour. Les restaurants peuvent ouvrir sept jours par semaine, 24
heures par jour. Trouvez-moi des restaurants, trouvez-moi dans les zones
touristiques des commerces qui sont ouverts sept jours par semaine, 24 heures
par jour. Je pense qu'il faut faire confiance au commerçant qui, lui, va
ouvrir son commerce en autant qu'il y a un achalandage et que le consommateur
lui demande.
Le dernier point que j'aimerais faire, M. le Président, je crois
également à la culture, je crois également à
l'environnement, je crois également à la vie familiale, je crois
aux valeurs humaines que l'Opposition prône. C'est la raison pour
laquelle, quoi qu'en dise la députée de Taillon, j'ai
protégé, pour la très grande majorité des commerces
et des travailleurs et des travailleuses, le dimanche comme journée de
repos.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Je cède maintenant la parole à
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.
Mme France Dionne
Mme Dionne: M. le Président, après avoir
écouté la députée de Taillon pendant plusieurs
minutes, permettez-moi de vous dire que la sobriété a bien
meilleur goût.
Notre gouvernement, avec le projet de loi 75, présenté par
le ministre, M. Gérald Tremblay, a tranché la controverse
entourant les heures d'ouverture des commerces. Il s'agit là d'une
décision hautement satisfaisante, dont j'aimerais faire valoir la
pertinence auprès des membres de cette Assemblée. Je me propose
donc, effectivement, d'utiliser le temps dont je dispose ce soir pour montrer
la pertinence de notre décision
dans ce dossier qui, comme on le sait, a eu un large écho dans
les médias' et a fait, comme on a l'habitude de le dire, couler beaucoup
d'encre.
J'entends donc procéder à ma démonstration en deux
temps. Primo, il sera question des transformations intervenues dans les
habitudes de vie de nos concitoyennes et concitoyens dont le gouvernement a
tenu compte dans sa démarche, afin de montrer le caractère
judicieux de la décision prise. En deuxième lieu, je parierai du
projet de loi lui-même et des dispositions qu'il contient pour souligner
le fait qu'elles traduisent bien les intentions de ce dossier gouvernemental.
Enfin, je conclurai par un retour sur les objectifs du projet de loi 75.
M. le Président, j'aborde maintenant le premier volet de mon
intervention, c'est-à-dire les changements intervenus dans notre
société afin de montrer comment ils ont rendu
dépassée la loi actuelle sur les heures d'affaires. Tel que l'ont
souligné plusieurs journalistes, le problème des heures
d'ouverture des commerces est dit de société. Il est lié
à l'extrême diversité de la vie de nos citoyens au seuil
des années quatre-vingt-dix. Un regard sur l'histoire peut nous
permettre de comprendre l'avènement de cette diversité dans les
modes de vie de nos concitoyens. Un tel retour sur le passé s'impose
à ce moment-ci par la lumière qu'il nous fournira.
M. le Président, notre société, c'est bien connu,
est passée, au cours des 30 dernières années, d'une
société fermée et repliée sur elle-même
à une société ouverte, pluraliste et diversifiée.
Elle a vécu de profondes transformations au chapitre des habitudes de
vie. La vie commerciale et les besoins d'accès au commerce ont connu une
évolution analogue. Ceci est perceptible à l'aide d'un bref
regard sur notre législation dans le domaine des heures d'affaires. La
première loi québécoise sur les heures d'affaires remonte
à 1969. Avant 1969, la nécessité d'une loi
québécoise ne s'était pas fait sentir dans notre
société. Les heures d'ouverture des commerces relevaient des
municipalités, et le dimanche, d'une loi fédérale du
début du siècle et d'une loi provinciale dite du jour du
Seigneur. Cette situation législative a correspondu aux besoins de notre
société pendant, grosso modo, plus de 50 ans.
Si, au tournant des années soixante-dix, s'est imposée la
nécessité d'uniformiser une situation à l'échelle
du Québec, c'est pour deux grandes raisons: la première de ces
raisons est liée à l'entrée de notre société
dans ce qu'il est convenu d'appeler l'ère de la consommation; et la
seconde raison est liée à la forte tendance dans notre
société, à la fin des années soixante, à
concentrer dans les mains de l'État une foule de responsabilités,
toutes plus diverses les unes que les autres. L'entrée de notre
société dans l'ère de la consommation correspond, nous le
savons, à l'énorme progrès qu'elle a connu au niveau du
bien-être matériel. Cette époque de transforma- tion
profonde est marquée par de très grands changements. On a
l'habitude de les décrire en utilisant les mots "urbanisation",
"industrialisation". Mais sur le plan de la consommation, ils correspondent
à une extension et souvent à un déplacement du commerce
des rues principales de nos villes et villages vers les banlieues qui se sont
développées dans un grand élan d'urbanisation. Ils
correspondent également à un déplacement important du
commerce vers de nouveaux lieux de consommation, les centres d'achats, qui ont
émergé à la périphérie des villes, dans tous
les coins du Québec où les banlieues étaient en plein
essor.
L'éclosion de nouveaux lieux de consommation dans l'essor de nos
banlieues apparaît être la première raison ayant conduit
l'État à standardiser le cadre des heures d'ouverture des
commerces, à la fin des années soixante. La seconde raison est,
comme je l'ai suggéré, liée à une très forte
tendance que nous avions, à l'époque, à penser que
l'organisation de la vie de notre société devait
nécessairement passer par l'État. Ceci s'explique par le fait que
nous en étions à cette époque à mettre en place
l'État-providence. Donc, ce sont ces deux raisons qui ont conduit
l'État à intervenir dans le domaine des heures d'affaires.
La loi de 1969, votée à la fin du règne de l'Union
nationale, a constitué un cadre législatif acceptable pendant
près d'une quinzaine d'années. C'est en 1984 que s'impose
à nouveau l'exigence de revoir notre législation en
matière d'heures d'affaires et c'est sous le règne de
l'Opposition, il faut se le rappeler, que la loi actuelle a été
adoptée. La vision que sous-tend la loi de 1984, présentée
à l'époque par Rodrigue Biron, alors ministre de l'Industrie et
du Commerce, est celle des années soixante et non celle du Québec
des années quatre-vingt, au moment où a été
votée ladite loi.
Dès son adoption, en 1984, le projet de loi 59 apparaît peu
adapté à son époque. Il fait significativement fi du
phénomène des différences et des spécialités
que connaît alors le commerce de détail, et en particulier le
domaine de l'alimentation. Le domaine de l'alimentation connaît en effet,
à ce moment-là, le début du mouvement des
spécialisations qui donnent naissance à des établissements
dans différents secteurs, et notamment dans le domaine de
l'alimentation, telles les fruiteries, les pâtisseries, les fromageries,
les poissonneries, etc. Ces établissements sont des petites entreprises
dont l'apparition est fort appréciée des consommateurs et des
consommatrices. Elles témoignent d'un dynamisme certain de la part des
citoyens et des citoyennes qui ont décidé de lancer leur
entreprise, de fonder leur entreprise.
En outre, un phénomène vers une spécialisation
s'accompagne d'un autre phénomène, aussi important, de
restructuration du commerce de détail à travers l'apparition de
grandes surfaces,
telles les superpharmacies et autres. Cette restructuration remet en
cause le décloisonnement traditionnel dans la vente de détail et,
en particulier, en termes d'articles vendus. En outre, le ministre Biron
ignorait également, à l'époque, un autre
phénomène relatif à l'essor du domaine des services dans
notre économie auquel est en partie liée l'entrée des
femmes sur le marché du travail. (23 h 20)
L'entrée massive des femmes sur le marché du travail, face
à l'essor du secteur tertiaire de notre économie est, en effet,
une transformation très importante. Elle rend trop étroit le
cadre traditionnel des heures d'ouverture des commerces dans la mesure
où les achats de biens ne peuvent plus être faits pendant la
journée ouvrable. Ignorant en bonne partie cette réalité,
comme d'autres, le gouvernement péquiste s'en tient, à
l'époque, à reconduire presque la situation existante depuis
1969. Il est alors facile de comprendre les nombreuses pressions
exercées sur notre gouvernement, suite à l'élection de
1985, pour obtenir des changements à une loi qui, dès son
adoption, était dépassée par les réalités de
notre société.
J'en arrive maintenant à la seconde partie de mon propos,
c'est-à-dire au projet de loi 75 proprement dit. Il a été
pensé pour tenir compte des réalités de notre temps. C'est
une solution équilibrée à un problème mettant en
présence les trois grands groupes d'intervenants concernés par la
question d'ouverture des commerces. Trois objectifs rappelés par le
ministre de l'Industrie et du Commerce ont été poursuivis.
Et, en terminant, M. le Président, puisque les minutes passent
rapidement, j'aimerais vous parler de ce troisième objectif poursuivi
par notre gouvernement, dans ce projet de loi, qui est relatif à la
qualité de vie des travailleurs et des travailleuses. En limitant
significativement le nombre de commerces pouvant ouvrir le dimanche, le
gouvernement s'est montré très soucieux de la qualité de
vie des travailleurs et des travailleuses du secteur du commerce de
détail. Le gouvernement est persuadé qu'il est fondé de ne
pas avoir cédé aux représentations favorisant la
libéralisation des heures d'ouverture le dimanche. Y avoir
cédé aurait conduit à un déséquilibre entre
les petits et les gros commerçants dans notre société. La
solution retenue est équitable, soucieuse des besoins des consommateurs
et sensible aux impératifs de la qualité de vie des travailleurs
et des travailleuses.
En terminant, M. le Président, je veux vous dire - et j'insiste
sur ce point - que la loi que nous étudions ce soir n'oblige pas, elle
permet. Merci, M. le Président.
Une voix: Bravo!
Le Président: Je cède la parole à M. le
député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Comme
"anticlimax0 on ne pouvait pas trouver mieux. Encore une fois,
parler du passé. Le député de Beauce-Nord, c'est celui qui
avait la mission, à la commission parlementaire, de parier du
passé. Je lui ai dit et je lui ai répété à
plusieurs occasions, et je vais me permettre de le dire à la
députée de Kamouraska-Témiscouata, si elle le veut,
revenons donc au présent et regardons le futur. Et le futur, c'est ce
que le ministre me propose. C'est de ça que je vais parler. Je ne
prendrai pas des heures pour y arriver, je vais lui parler dès le
début.
Je dirai, M. le Président, que moi aussi, j'ai en dedans - comme
le ministre l'a, d'ailleurs -une émotion très forte dans ce
dossier important des heures d'affaires des commerces. Je pense que je
mentirais à du monde en disant que je n'ai pas, moi aussi, qui sourd en
moi, cette colère de voir que, dans le contexte, tel que nous nous
sommes présentés à la commission parlementaire, M. le
Président, on en arrive à faire en sorte que moi aussi, je me
suis senti floué. Le ministre aura beau dire, aura beau
répéter, aura beau dire qu'on a empêché le
débat, il faudra qu'il regarde que lui aussi a empêché le
débat, le débat que l'on voulait le plus profond possible sur
l'ensemble de ces propositions qu'il nous faisait.
Mme la députée de Taillon l'a dit. Nous sommes
arrivés ici le lundi soir, la semaine dernière, où le
ministre nous indiquait qu'il avait deux amendements. Il a, en cours de route,
par l'intermédiaire du député de Nicolet-Yamaska,
commencé à pointer sur un troisième amendement. Le
ministre, comme d'autres ministres, que ce soit le ministre
délégué aux Forêts, que ce soit le ministre de
l'Éducation avec qui on a des contacts normaux, corrects, qui nous
présentent leurs amendements avant même qu'on commence la
commission parlementaire, nous permettant de nous faire une idée sur
où ils s'en vont... Le ministre a refusé. Il était en
droit de refuser. Il dit: Non, je n'ai pas refusé, excusez. Je vous ai
dit: Quand nous arriverons à l'article 1, je vous déposerai,
à chacun des articles, chaque fois que j'aurai un amendement, les
amendements. Mais ça, c'est la coutume, M. le Président, qu'un
ministre peut utiliser.
Mais il y a d'autres coutumes en cette Chambre qui sont de donner en
vrac, comme je le lui demandais, l'ensemble des amendements qui nous
permettaient de nous faire une idée sur ce qu'il voulait, comme nous, on
l'a fait. Nous avons présenté nos amendements. Nous avons
donné tout ce que nous avions comme amendements dans un seul et
même document qui était la liasse d'amendements. Pourquoi nous le
faisions? Parce que nous croyions à ce que nous défendions. Nous
défendons la portion de la population qui est, je crois, majoritaire
quant à ce projet
de loi. Il n'y a personne ici qui va m'empêcher de le dire de la
façon dont je le pense, en n'insultant cependant personne, tout en
reconnaissant en même temps que le ministre, même s'il dit qu'on
l'a accusé d'être à la solde de, le ministre peut bien
comprendre une chose, c'est que je lui ai dit: Écoutez, M. le ministre,
si ce n'est pas vrai ce que je dis ou si d'autres disent que ce n'est pas vrai,
ça veut dire que c'est vous qui avez décidé. Et si c'est
vous qui avez décidé, c'est là que j'ai parlé
d'entêtement et d'orgueil. Pourquoi d'entêtement? Parce que le
ministre se refusait à tout ce qu'on proposait. Si ce n'est pas de
l'entêtement, je n'ai rien appris dans mon dictionnaire.
Deuxièmement, quant à l'orgueil, je le comprends. À
part le petit projet de loi qu'il a présenté, c'est son second
projet de loi qui est peut-être le plus gros morceau pour lui. Qu'il se
sente en difficulté parce qu'il croit peut-être
profondément que nos façons de voir les choses sont bonnes, mais
qu'il ne veuille pas reculer parce qu'il se dit: Peut-être que je
n'aurais pas dû aller si loin que ça, je prête
peut-être des intentions au ministre, mais si peu, M. le
Président, comme je le pense. Si le ministre est celui qui a pris toutes
les décisions, il devrait être capable de reculer s'il croit que
notre position est juste et équitable et qu'elle représente une
partie de la population de plus en plus grande. Le ministre a dit: Je ne suis
pas à la solde d'un Club Price, d'un journal, etc. C'est ce qu'on lui a
dit. On lui a dit: Le projet de loi fait l'unanimité contre le projet de
loi. C'est contre ce qui est là. Ceux qui en voulaient plus disent qu'il
n'y en a pas assez et ceux qui en voulaient moins disent qu'il y en a trop.
C'est de ça qu'on a parié. C'est de là qu'on a dit au
ministre qu'il fallait qu'il en arrive à peut-être regarder sa
position et la changer s'il le fallait. Le ministre ne veut pas. Le ministre
décide de passer le rouleau compresseur. Le ministre dit: Après
24 heures, j'ai senti qu'il n'y avait rien à faire.
Pourquoi en est-on là, M. le Président? Parce que le
ministre s'est enferré dans une voie qui n'avait pas d'issue. Cette voie
qui était sans issue, c'était: J'ai promis à du monde de
faire un projet de loi qui, selon les principes "équitable,
gérable et applicable" serait adopté avant la fin de juin. Je
parlais avec des ministres de son gouvernement qui me disaient que, oui, c'est
vrai, j'avais raison. Je ne les nommerai pas parce que je ne veux pas mettre en
contradiction les gens de ce Conseil des ministres, mais je pourrais les nommer
si la ministre de l'Énergie et des Ressources me le demandait. Mais il
m'a dit en sortant de la Chambre hier: "Je comprends que vous avez
peut-être raison, M. le député. Ce n'était pas un
projet de loi qu'on était obligé d'adopter pour la fin de juin."
Ça ne prenait pas nécessairement une motion de bâillon pour
ce faire.
Le ministre va nous dire: Écoutez, j'ai hâte de passer
à autre chose. Je le comprends. Si j'étais à sa place, je
voudrais la même chose, mais ce n'est pas de ça que je suis
obligé de parier comme membre de l'Opposition, c'est que comme il ne
fait pas l'unanimité, ce projet de loi, il serait peut-être mieux
de le reporter à plus tard. On ne lui en tiendra pas rigueur.
Peut-être qu'il aurait le temps de corriger à nouveau et qu'il en
arriverait à adopter la position de celui que j'ai appelé "le
sacrifié" du gouvernement actuellement, le député de
Nicolet-Yamaska, qui avait quand même fait, comme député,
un travail remarquable, avec lequel nous n'étions pas
nécessairement en total accord, mais pour lequel nous croyons qu'il y
avait des améliorations à apporter. Le ministre va nous accuser
de dire: Ils nous ont rappelé pendant des heures et des heures, des fois
et des fois que les mots qu'ils voulaient corriger, c'étaient trois
petits mots, les mots "en", tout' et "temps": un adverbe, un adjectif et un nom
commun. Trois petits mots. Le ministre, pendant ce temps, va me dire, de mon
côté: Vous, M. le député, je vous ai dit nombre de
fois, une onzième fois, de revenir à l'article 1, ou une
centième fois, peu importe. On va s'accuser de ça, mais ce n'est
pas de ça qu'on doit parier ce soir, c'est pourquoi nous sommes si
survoltés de part et d'autre. Le ministre, on le sent, bouillonne et
nous aussi, nous bouillonnons, parce qu'il croit à sa position et nous
croyons à la nôtre. Maintenant, il décide de trancher
à sa façon, selon ce qu'il pense. soit, nous ne pourrons plus, m.
le président, avec les heures qu'il nous reste à passer ici en
cette assemblée nationale d'ici le 22 juin, à cause du nombre,
battre le ministre, mais nous lui disons cependant, m. le président,
qu'il fait fausse route, et, comme plusieurs le lui ont dit jusqu'à
maintenant, que l'ouverture qu'il fait durant la semaine, peu importent les
amendements qu'il y a apportés, les ouvertures qu'il fait les fins de
semaine vont amener irrémédiablement et tranquillement, mais
selon une pensée qui est celle des jean coutu et des provigo, et c'est
là qu'on dit qu'il a été plus "écoutant"... je ne
dirai pas "à la solde", m. le président, pour ne pas l'insulter,
mais je dirai que, d'après moi, il a été plus
"écoutant" de ces gros que des petits, des dépanneurs, des gens
qui ont des petits commerces et qui disent que ça n'a pas de bon sens,
des travailleurs, des consommateurs, des consommatrices, des gens qui croient
que le ministre fait fausse route et qui sont de plus en plus nombreux et qui,
en plus de ceux qui sont contre pour d'autres raisons, forment la
majorité de ceux qui croient que le projet de loi n'est pas celui qui
devrait être présenté à cette assemblée. (23
h 30)
Je crois que je n'ai pas à m'excuser de le dire. Je suis de ceux
qui croient qu'un membre de l'Opposition doit avoir la voix que ceux qui sont
à l'extérieur n'ont pas ici à l'intérieur, M.
le Président. Comme les décisions se prennent ici, il faut
que ces gens-là soient représentés et c'est par ma voix
qu'ils le sont. Ils le sont et ils essaient, dans les derniers moments qu'il
nous reste, de convaincre le ministre qu'il n'y aurait pas urgence à
passer le projet de loi, qu'il n'y aurait pas orgueil et qu'il serait plus
intelligent, à mon avis, de le retarder de façon à ce que,
peut-être, on en arrive à une solution qui convienne le plus
possible et le mieux possible à l'ensemble de la population du
Québec.
M. le Président, ces derniers mots, moi aussi, je les ai voulus
émotifs, parce que, par ce que je dis, non seulement je suis le
haut-parleur de ceux qui sont à l'extérieur, mais c'est ce que je
pense et ce que je crois.
Le Président: M. le ministre, vous avez droit à une
intervention d'un maximum de cinq minutes.
M. Gerald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Oui. M. le Président, je voudrais
juste mentionner au député de Laviolette que les 20 amendements
déposés par l'Opposition en commission parlementaire se
résumaient sensiblement à trois points: premièrement,
quatre en tout temps, comme vous l'avez mentionné; deuxièmement,
les heures, je pense qu'on l'a pris en considération; et la question des
menus articles, c'était de définir comme menus articles ceux de
moins de 20 $, alors, on a actualisé les 20 $, parce que c'était
en 1983.
Je n'ai jamais prétendu, comme le député de
Laviolette l'a dit, avoir pris toutes les décisions, M. le
Président. Ça, je pense que c'est important. Ça a
été pris en collégialité. Oui, vous pouvez sourire,
mais ça a été pris en collégialité avec 92
députés représentatifs de toutes les régions du
Québec, et ça ne veut pas dire qu'on peut faire
l'unanimité, mais, au moins, sur les principes de fond, on s'entend. Je
ne me suis jamais engagé à faire adopter le projet de loi. Je me
suis engagé à déposer un projet de loi. C'est très
différent. Et quand le député de Laviolette nous dit qu'il
faudrait faire l'unanimité, un projet de loi sur les heures d'affaires
ne fera jamais l'unanimité.
Et, finalement, j'aimerais terminer en disant, encore une fois, que dans
Le Journal de Québec, le 7 décembre 1989, la
députée de Taillon nous disait ceci, au présent
gouvernement: "Combien de ministres et d'années de consultation il
faudra au gouvernement libéral pour qu'il en arrive à prendre
enfin une décision dans le dossier des heures d'affaires des
établissements commerciaux? Le gouvernement semble paralysé par
une question qui ne présente comme difficulté que d'avoir
à prendre une décision, à trancher, à gouverner."
C'est ce que nous avons fait.
Une voix: C'est bien, ça!
Le Président: Je vais maintenant céder la parole
à M. le député de Saint-Maurice.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: M. le Président, c'est avec émotion, ce
soir, que je m'adresse à cette Chambre. Ça se transmet d'un
comté à l'autre, tel que mon collègue voisin, le
député de Laviolette. C'est avec émotivité, M. le
Président, et avec relativement de facilité que je peux justifier
ce projet de loi sur les heures d'affaires et les jours d'admission dans les
commerces et les établissements.
Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que la
démarche de consultation a commencé il y a plus de trois ou
quatre ans. Nous avons eu le député de Nicolet-Yamaska qui a
consulté, pendant plus de trois ou quatre mois, la population du
Québec pour faire un rapport qui s'est appelé le rapport Richard,
qui nous a donné un avis et qui nous a sensibilisés sur tous les
différents problèmes que vivaient les propriétaires de
commerce de détail au Québec. À la suite de ce rapport, le
gouvernement, par son ministre, a décidé d'aller en auditions
publiques. On a reçu 91 mémoires pour mieux comprendre ce que
vivent sur le terrain les travailleurs, les propriétaires et les
consommateurs. M. le Président, j'en profite ce soir pour
féliciter M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.
Des voix: Bravo!
M. Lemire: M. le ministre, vous nous avez permis de nous faire
entendre. Vous nous avez écoutés, vous nous avez
rencontrés, la commission, à plusieurs reprises. Nous avons eu
plusieurs réunions, débats, analyses à l'intérieur
de notre caucus. Vous nous avez permis de connaître et de mieux
comprendre les besoins de la société tels qu'exprimés par
les gens du milieu.
Nous avons déposé ce soir, avec M. le ministre et notre
gouvernement, une loi qui va trancher le débat en définissant les
règles qui s'adaptent aux besoins et aux changements
réclamés par la plupart - je dis bien par la plupart - des
commerçants, des consommateurs et des travailleurs. Souvenez-vous, M. le
Président, du projet de loi des heures d'affaires, qui avait
été déposé le 16 août 1984 par le
gouvernement péquiste, par son ministre du temps, M. Biron, ministre de
l'Industrie et du Commerce à l'époque. Aujourd'hui, si notre
gouvernement a été obligé d'aller jusqu'à une
motion de clôture, je dis bien, M. le Président, que c'est
à cause de la non-responsabilité et de la panique qui est
arrivée à ce moment-là et parce que le ministre d'alors
n'a pas eu le courage de faire une loi équitable et respectable, une loi
qui avait créé beaucoup d'injustices, surtout dans le domaine
de
l'alimentation. Notre gouvernement a décidé de corriger
cette loi.
Comme nous le savons tous, un projet de loi franchit diverses
étapes. Comme vous le savez, le projet de loi était rendu
à l'étape où la commission parlementaire devait en faire
l'étude article par article. Les gens d'en face n'ont pas
écouté. Non, M. le Président, ils n'ont pas voulu
étudier le projet de loi article par article. Ils n'ont pas voulu
participer au travail qui a été nécessaire pour apporter
tous ces amendements avant le dépôt de ce projet de loi. Ce fut,
de la part de l'Opposition, de l'Opposition péquiste je dis bien, une
obstruction systématique. C'est ce projet de loi que nous allons
ratifier, qui devra corriger l'intransigeance de l'Opposition, qui nous oblige,
sans gaieté de coeur, à faire adopter une motion de
clôture. Le projet de loi que nous avons déposé
répond aux nouveaux besoins des consommateurs, tout en s'adaptant aux
changements qui s'opèrent dans le mode de vie qui est différent
et qui caractérise la société québécoise
d'aujourd'hui. (23 h 40)
Le cheminement, M. le Président, de toute la démarche qui
a eu lieu à la commission parlementaire de l'économie et du
travail depuis plusieurs mois m'a amené à faire des
représentations à l'intérieur de mon comté,
à l'intérieur de différents commerces, et des rencontres
comme représentant de la population. C'est ce que je veux vous dire ce
soir, M. le Président, et ce que je veux dire à mes
collègues, que je n'accepterai jamais la pression
antidémocratique que j'ai reçue de la part de certains membres
d'une coalition à différentes étapes du processus qui se
veut démocratique.
J'ouvre une parenthèse, M. le Président, et je me permets
de dire à certains citoyens et à mes collègues
députés qu'il faut se rappeler - je dis bien qu'il faut se
rappeler - la déclaration solennelle et le serment du
député. Je cite ce que j'ai déclaré solennellement:
que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j'exercerai mes
fonctions de député avec honnêteté, justice et avec
respect, M. le Président.
Des voix: Bravo!
M. Lemire: M. le Président, en tant que
député de la circonscription électorale de Saint-Maurice,
ces gestes, ces mots, ces paroles ne viendront en aucun temps changer ma
façon d'exercer mes fonctions de député dans le respect et
dans l'honnêteté. M. le Président, la loi que nous
déposons ce soir n'oblige pas, elle permet; c'est la démocratie,
mesdames et messieurs, mes chers concitoyens. C'est pourquoi, M. le
Président, je vais voter en toute liberté pour le projet de loi
75 sur les heures d'affaires. Merci beaucoup.
Des voix: Bravo! le vice-président(m.
bissonnet): merci, m. le député. nous allons poursuivre ce
débat avec l'intervention du député de lévis. m. le
député de lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: m. le président, j'ai écouté les
députés ministériels et je me demande si on vit dans le
même monde puisque, dans tous les débats qu'il y a eu sur les
heures d'affaires au cours des dernières années...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
M. le député de Lévis. S'il vous plaît, je demande
la collaboration des membres de cette Assemblée et je vous permets de
poursuivre. Je m'excuse de vous avoir interrompu, M. le
député.
M. Garon: M. le Président, je me demandais si on vit dans
le même monde. Dans tous les débats qu'il y a eu, autant en 1984
qu'aujourd'hui ou depuis deux ans - j'ai l'occasion, comme tout le monde,
d'aller dans les magasins - je peux vous dire que, d'une façon unanime,
les gens ne demandaient pas ce que le gouvernement nous apporte aujourd'hui.
Les seules représentations dans le sens de l'ouverture le dimanche qu'on
a vues d'une façon un peu généralisée, ça a
été dans le cas des fruiteries. Je rentrais encore dans un
magasin, chez Tanguay, cette semaine. Tous les employés, le patron y
compris, me disaient: Essayez d'empêcher la législation que veut
apporter le gouvernement, ça n'a pas de bon sens. Je veux vous dire que,
dans les épiceries, à tous les endroits où j'ai
rencontré des commis de magasin ou des patrons de magasin, ils m'ont dit
la même chose, unanimement. C'est juste dans le cas des fruiteries
où c'aurait pu être analysé comme une mesure
particulière, mais où, là, il y a eu de nombreuses
pétitions pour ouvrir le dimanche. Mais, pour le reste, les gens ne
souhaitent pas ça. Les patrons ne le souhaitent pas parce que les gens
ne mangeront pas plus et ça va coûter plus cher.
Je défie le ministre d'avoir fait une étude dans le
domaine du commerce pour dire: Les gens vont se mettre à manger plus
parce que ça va être ouvert sept jours par semaine et plus tard le
soir. Au contraire, je suis à peu près certain qu'il y a un
certain nombre de dépanneurs qui vont faire faillite. Je suis à
peu près certain qu'en changeant les règles du jeu on va
occasionner un grand nombre de faillites. Il est à peu près
certain, aussi, qu'il y a un ensemble de couples qui ont de jeunes enfants, qui
arrivaient l'après-midi, il y en a un certain nombre qui devaient
attendre l'arrivée de leurs parents qui travaillaient. Maintenant, comme
le travail finira à 19 heures les lundis et mardis et à 21 heures
les mercredis, jeudis et vendredis, il y a un certain nombre de parents qui
vont être désor-
ganisés sur le plan de l'organisation de leur vie de famille
parce que les heures vont finir d'une curieuse de façon.
C'est ça que les gens nous représentent quand on va dans
les magasins, quand on les rencontre. Moi, je vais vous le dire, c'est unanime,
sauf dans le cas des fruiteries où j'ai senti qu'il y avait une
représentation assez forte de gens, avec des téléphones
nombreux, des pétitions nombreuses, à mon bureau. Les gens me
demandaient une exception, ils disaient qu'on devrait faire une exception pour
les fruiteries, parce qu'a s'agit de produits frais et que les gens aiment
s'acheter quelques fruits le dimanche.
Mais, dans le reste des cas, je ne sens pas où le ministre a
senti cette pression. Quand je vois, vous, puis moi, la députée
de Kamouraska-Témiscouata, les députés de la campagne qui
viennent nous dire que les gens demandent d'être ouverts sept jours par
semaine, incluant le dimanche, dans une société pluraliste,
voyons donc! On assiste à un vieillissement de la population et il y a
un plus grand nombre de personnes à la retraite, qui ont besoin d'avoir
les magasins ouverts le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi,
puis le dimanche? Voyons donc! Il faut quand même avoir les deux pieds
à terre.
Je me rappelle qu'un jour j'avais lu qu'un chameau, c'était un
cheval dessiné par un comité. Alors, je me dis, aujourd'hui,
qu'on se retrouve devant une vraie picouille, M. le Président. Une vraie
picouille. On dit: On l'a faite en caucus où il y en a un qui a
dessiné le nez, l'autre les yeux, l'autre les oreilles, l'autre les
pattes pour qu'on se retrouve devant une vraie picouille. Personne ne va se
retrouver là-dedans. Personne ne va être heureux là-dedans.
Pourquoi? Parce que ça va coûter plus cher de frais
d'opération, donc des coûts accrus pour les propriétaires,
donc des coûts qui vont se refléter chez le consommateur. Ils vont
se retrouver avec une désorganisation de la vie familiale, parce que les
heures qu'on soumet sont des heures qui n'arrivent pas. Ce ne sont pas les
heures de changement d'activités dans les familles.
Quand on essaie de nous faire croire, aussi, que, le dimanche, les gens
visent à magasiner, voyons donc! Ce n'est pas la seule activité
dans la vie, le magasinage. Il y a d'autre chose à faire le dimanche.
Puis, les gens souhaitaient avoir autre chose à faire le dimanche.
Aujourd'hui, le gouvernement arrive et parle d'un projet de
société, de qualité de la vie. Ce n'est pas vrai que c'est
un projet qui va dans le sens de la qualité de la vie. Ce n'est pas vrai
que c'est un projet qui va dans le sens d'une société qui
vieillit. Ce n'est pas vrai.
Une société qui vieillit n'a pas besoin des heures qu'on
vient de mentionner, au contraire. Habituellement, des gens qui vieillissent,
qui sont à leur retraite en plus grand nombre... On parle aujourd'hui de
17 % de la population qui ont plus de 65 ans par rapport à ceux qui ont
entre 20 et 65 ans. C'est un sur six actuellement et on parle d'aller vers
presque un sur deux, en l'an 2030; donc un veillissement de la population, donc
des gens qui ont plus de temps libre pendant le jour. Donc, une pression moins
forte, normalement, à magasiner le soir ou le dimanche. Quand on nous
dit que c'est une tendance, je me demande d'où ça vient, cette
tendance-là. Sûrement pas de comtés ou d'endroits où
la population diminue. Quand on regarde dans une région, que je connais
bien, Chaudière-Appala-ches, sur 12 MRC, il y en a quatre qui augmentent
de population, le reste diminue de population. Je reste dans une de celles qui
augmentent de population, puis la pression que j'ai sentie, ce n'est pas dans
le sens d'ouvrir; c'est dans le sens de fermer le dimanche.
J'imagine que ceux qui viennent des comtés ruraux alentour
où la population diminue, ils n'ont pas dû sentir une grande
pression pour ouvrir. Je vois la députée de Bellechasse; je
serais bien surpris qu'elle ait senti une pression très forte dans
Bellechasse pour ouvrir le soir, pour ouvrir le dimanche. Je suis certain
qu'elle n'a pas senti de pression. Je suis certain que, dans Montmagny, il n'a
pas senti de pression. Je suis certain que dans Kamouraska-Témiscouata,
il n'y a pas eu de pression. Dans Rivière-du-Loup, je suis certain qu'il
n'y a pas eu de pression.
Regardons la réalité en face. Ce n'est pas ça, la
réalité. Ce n'est pas ça. Quand on regarde même dans
les pays européens, où il y en a du monde, ils ferment le
dimanche. Ils mettent même des clôtures en fer devant les magasins
pour être bien certains que c'est fermé.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Allez en France, allez en Grèce, allez dans la
plupart des pays européens, c'est fermé urbi et orbi, avec des
clôtures de fer, des rideaux de fer qui se déroulent devant les...
C'est fermé. Pourquoi? Parce qu'il y a une qualité de vie. Ils
ont pensé que, le dimanche, on pouvait faire autre chose que magasiner,
qu'on pouvait vivre en famille, qu'on pouvait avoir des loisirs. Et on s'en va
vers des heures de travail moins longues. Sauf que les commis de magasin, quand
ils finissent à 21 heures, pour un grand nombre, ce n'est pas fini
à 21 heures. Il y en a pour qui c'est fini, mais il y en a qui
commencent à compter, d'autres à faire des calculs, d'autres
à faire autre chose, puis, finalement, ce n'est pas à 21 heures
qu'ils finissent. (23 h 50)
Alors, pourquoi essayer de faire croire qu'on augmente la qualité
de la vie? On n'augmente pas la qualité de la vie et, actuellement, en
faisant ces changements... On verra. Je serais curieux que le ministre de
l'Industrie et du Commerce fasse les statistiques pour voir corn-
bien, dans un an, auront fait faillite à cause des amendements
qu'il apporte actuellement. combien auront fait faillite? combien de
dépanneurs auront fait faillite? ils sont organisés en fonction
d'une législation existante et maintenant, elle est changée. si
on fait comme aux états-unis, par exemple, où il y a des stations
d'essence devant les épiceries, combien restera-t-il de
dépanneurs, dans un an ou deux, si on fait ce changement-là?
J'ai été, il y a deux ans, faire un grand voyage aux
États-Unis. J'ai fait 16 000 kilomètres aux États-Unis. Je
n'ai pas trouvé ça tellement extraordinaire d'avoir des grandes
épiceries ouvertes à moitié avec quelques lumières
allumées, comprenez-vous. On faisait quasiment l'épicerie
à la noirceur. Pourquoi? Parce que, dans le magasin, il n'y avait pas
assez de monde, le soir, tard. Il n'y avait pas assez de monde. Ils fermaient
les lumières. Il n'y avait quasiment personne, sauf quelques personnes
à la caisse. Moi, je n'ai pas senti que c'était une
amélioration de la qualité de la vie. Pas du tout! Pourquoi
essayer d'imiter les tendances les pires, alors que, quand on va dans des pays
qui ont vraiment une qualité de la vie... Regardons le Danemark, le
premier pays pour la qualité de la vie: 4 500 000 de population, un pays
indépendant. Qu'est-ce qu'on voit? C'est réglementé, c'est
organisé pour que les gens puissent vivre d'une façon plus
équilibrée, plus harmonieuse, avec une vie familiale le plus
possible. Aujourd'hui, on se demande comment ça se fait qu'au
Québec on a des problèmes. On prend tous les moyens pour
désorganiser la vie familiale. Si on disait, par exemple, comment
serait-il possible de désorganiser plus la vie familiale? Bien,
organisons-nous pour ne pas que les parents arrivent en même temps que
les enfants; organisons-nous pour que, quand les enfants finissent
l'école, les parents ne soient pas là; organisons-nous pour
qu'ils arrivent plus tard; organisons-nous pour qu'ils ne soient jamais
là; organisons-nous pour que, le dimanche, ils ne puissent pas s'en
occuper; organisons-nous pour faire en sorte que la famille ne fonctionne pas
ensemble.
Moi, je me rappelle les magasins Provigo. Il y avait Pierre Lortie, lui,
qui disait qu'il voulait que ça soit ouvert le dimanche, sauf que 85 %
des magasins ne voulaient pas que ça soit ouvert. Pierre Lortie, lui, il
ne sera pas derrière le comptoir le dimanche. Il va sans doute
être au golf avec ses amis. Lui, il en aura les moyens, comprenez-vous,
et il y en aura d'autres, eux, qui seront dans le magasin en train de
travailler et qui auraient bien mieux aimé être ailleurs, à
s'occuper de leur famille comme les dirigeants des magasins qui, eux, ne seront
pas en train de travailler le dimanche.
M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure,
M. le député.
M. Garon: Je conclus, oui. Je trouve ça triste. Je trouve
qu'au lieu d'améliorer la société dans laquelle on vit on
la rempire. On magane les gens pauvres; on donne moins de
sécurité. Sous prétexte de privatisation et de plus grande
concurrence, on s'organise pour faire concurrencer davantage les gens les plus
faibles, mais moins les gens les plus forts, et ce n'est pas ça une
société meilleure. René Lévesque - et je termine
là-dessus, M. le Président - avait l'habitude de dire:
L'État, c'est le plus fort des nôtres, mais à la condition
qu'il travaille pour nous, pas contre nous. Je vous remercie.
Le Vice-Président (m. bissonnet): alors, en vertu de
l'article 252, m. le ministre de l'industrie et du commerce, vous avez un
maximum de cinq minutes à la suite de l'intervention du
député de lévis.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je peux
comprendre que le député de Lévis n'ait pas eu le temps de
lire le projet de loi, mais qu'il n'ait pas eu le temps de parler à la
députée de Taillon, sa voisine à l'Assemblée
nationale, ça, je ne le comprends pas. Le député de
Lévis a beaucoup parlé des fruiteries. La députée
de Taillon a écrit, le 7 juin, au président de l'Association
provinciale des fruiteries du Québec pour lui dire ceci, et
là-dessus on va être d'accord: "Une nouvelle loi sur les heures
d'affaires doit, pour être équitable, gérable et durable,
régler ce problème, soit en donnant ce privilège pour
tous, soit en ne le donnant pour personne."
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Mes chers collègues, le seul qui a la parole actuellement, c'est le
ministre et je ne voudrais pas, de chaque côté, qu'on s'adresse
des mots ou des paroles. M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous
plaît.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je disais: "...pour être
équitable, gérable et durable, régler ce problème,
soit en donnant ce privilège pour tous, soit en ne le donnant pour
personne. Comme vous le savez, M. le député de Lévis, la
position de l'Opposition officielle favorise la seconde solution; donc, on ne
le donne à personne. Et la députée de Taillon conclut:
"Par conséquent et malgré que je comprenne et respecte votre
attention à l'égard des intérêts de vos membres -
position que je partage également parce que la position des fruiteries,
elle est très sympathique - je ne crois pas être en mesure de
pouvoir vous assurer le soutien de l'Opposition officielle pour vos
propositions d'amendement." J'ajouterais à ça que je partage le
point de vue
de la députée de Taillon parce qu'on n'a pas plié
aux pressions, aussi sympathiques puissent-elles être au niveau des
fruiteries, pour leur donner une exception au nom de l'équité.
Tous les commerçants sont égaux devant la loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre.
M. le député de Fabre. M. le député.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. M. le Président,
je ne sais pas si je joue de malchance, mais chaque fois que j'ai à
intervenir, c'est toujours à la suite du député de
Lévis ou du député de Laviolette. Il y a assez de
matière dans ce qui est dit qu'on pourrait passer la nuit à
tergiverser, mais je vais me retenir, M. le Président, parce que je
serais tenté de mettre en application une petite phrase, que je lisais
dernièrement, qui disait: "Devant l'absurde, il vaut mieux se taire".
Alors, partant de là...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
s'il vous plaît, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît! M. le député,
si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.
M. Joly: Merci, M. le Président, de reconnaître
qu'on a toutes sortes de talents, mais qu'on a aussi toutes sortes de
tannants.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Joly: M. le Président, souvent, en tant que
parlementaires, on se fait poser une question: Pourquoi es-tu allé en
politique? Et, cette question-là, je suis convaincu que plusieurs
d'entre nous se la font poser autant comme hommes parlementaires ou femmes
parlementaires. Et la réponse qu'on entend, la plupart du temps, c'est
que chacun à sa façon voudrait contribuer à l'avancement
de causes à défendre, voudrait essayer d'enlever dans le
système certaines iniquités qui peuvent exister ou même
encore des injustices qui pourraient exister dans le système.
Je vais reprendre un peu ce qui a été dit par le
député de Laviolette, qui disait: M. le ministre, quand vous avez
un projet de loi qui ne fait pas l'unanimité, vous devriez le retirer,
le repousser dans le temps et voir ce qu'on pourrait additionner pour bonifier
à nouveau le projet de loi. Je reprends le mot "unanimité", M. le
Président. À entendre le député, il faudrait
quasiment passer un référendum sur ledit projet de loi. Je ne
pense pas, M. le Président, qu'après toute la consultation qui
s'est faite on se doive d'endosser un énoncé tel que celui du
député de Laviolette et d'aller dans une consultation plus
prononcée.
Je pense qu'à date on a déjà démontré
qu'il y avait des choix à faire. Nous avons fait un choix. Et, je me
plais à vous rappeler, M. le Président, qu'on aurait pu parler de
statu quo autant que de la libéralisation et concevoir que chacun des
deux mots a sa portée dépendamment de quelle façon on veut
bien l'interpréter, et aussi si on ne veut pas faire de démagogie
comme on en a entendu depuis quand même un bon bout de temps ce soir.
M. le Président, le statu quo, ça n'oblige pas. Les gens
ne sont pas obligés d'ouvrir même si on dit que la loi encadre
d'une telle façon certaines heures d'affaires. Ça n'oblige pas.
Je pense que c'est important de se le rappeler, de le rappeler à la
population et de le rappeler aussi aux marchands qui sont concernés, qui
peut-être s'énervent parce qu'ils n'ont pas compris qu'ils ne sont
pas obligés d'ouvrir à l'intérieur des heures
définies par la loi. (minuit)
La libéralisation, M. le Président, quand on
considère qu'on a "radditionné" cinq heures, vraiment on a
"radditionné" cinq heures, est-ce que c'est cinq heures qui sont bien
investies? Si on considère que ce projet de loi se doit de concilier la
qualité de vie des travailleurs, autant que la qualité de vie des
consommateurs, eh bien, je dis oui à ces cinq heures d'investissement
dans le temps, M. le Président. Pourquoi? Qui ne remarque pas, le matin
à bonne heure, les jeunes couples qui prennent leur enfant, qui s'en
vont le reconduire à la garderie, pour le reprendre le soir vers 17
heures, 17 h 30. Souvent, ces mêmes parents ont besoin de l'heure
additionnelle. C'est bien sûr que ce n'est pas la même histoire
dans toutes les régions du Québec. Je vous le concède.
Mais il y a la petite heure de différence, surtout quand on est pris
dans le trafic, quand on sait que les magasins vont fermer et qu'on n'a pas les
possibilités d'aller chercher, sur une grande échelle, tout ce
dont on a besoin. Alors, partant de là, c'est pour ça que je dis
d'emblée: Oui, les cinq heures sont vraiment un investissement dans le
temps.
M. le Président, 91 mémoires ont été
présentés. Ce qui me déçoit le plus, c'est de voir
avec quelle attitude les gens de l'Opposition ont joué le rôle qui
leur était dévolu. Pas à l'écoute des 91
mémoires, non. Mais en commission parlementaire, dernièrement, ou
simplement sur les remarques préliminaires, on a fait motion par-dessus
motion, tout simplement pour en arriver à ne pas vouloir discuter dudit
projet de loi. C'est bien certain que, pour ces gens-là, ça peut
sembler aller bien quand ça va mal ailleurs. C'est le rôle qu'ils
se sont confié. Je ne peux pas endosser un rôle comme ça.
Je pense qu'on a une responsabilité et que, si on se devait de respecter
l'équité entre les commerçants, entre les besoins
réels, entre la qualité de vie et la population, eh bien, je
pense qu'on est allé de l'avant avec le projet de loi qui respectait les
trois objectifs, soit être équitable, gérable et
applicable.
M. le ministre, je me dois de vous dire: mission accomplie. On a
réussi, malgré vents et marées, à trouver la
solution, ce que j'appelle la médiane entre peut-être
l'idéal ou l'unanimité, comme disait le député de
Laviolette, mais je ne crois sincèrement pas qu'on aurait pu faire
mieux, compte tenu de la considération de tout ce qui était
impliqué. Oui, on a un ministre à l'écoute. Il faut se le
dire, se le répéter, et il faut aussi en être fier, parce
qu'on a réussi, tous à notre façon, en tant que
parlementaires, à faire valoir ce qui se vivait dans chacun de nos
comtés, ce qu'on peut appeler, en fait, le "concern", ce qui nous
hantait chacun à notre façon. On a réussi à
démontrer au ministre que le projet de loi, tel qu'il était au
début, ne pouvait pas satisfaire à 100 %, bien sûr, mais
qu'on pouvait se rapprocher de l'idéal en apportant quelques
modifications. Et le ministre-Avant ça, il y avait un slogan qui disait,
en fait c'était la Banque Royale qui disait: On a un esprit ouvert. M.
le ministre, je ne sais pas si vous avez déjà travaillé
à la Banque Royale, mais vous avez gardé un héritage qui,
aujourd'hui, nous sied bien. Alors, c'est ça qu'on a comme ministre,
quelqu'un qui est capable de comprendre la réalité de la vie et
de faire en sorte qu'on puisse aller de l'avant avec le projet de loi.
À écouter notre député de la Mauricie,
tantôt, M. le Président, j'ai été ému. Mais
je pense aussi que c'est avec raison, et chacun de nous a dû
l'être. Pourquoi? Parce qu'il nous a rappelé le serment qui nous
lie avec la confiance qui nous a été donnée par cette
population. Et quand on voudra nous empêcher de faire la job, de prendre
les responsabilités qu'on a, je ne peux pas faire autrement que de dire
au député de Saint-Maurice: Vous avez ouvert la voie à ce
que certaines gens ont eu tendance à oublier. Pendant des mois, on s'est
sentis agressés, dans bien des occasions, partout ici, dans la maison du
peuple, que ce soit dans les corridors, dans les salons et un peu partout. Je
n'ai pas objection à être à l'écoute, mais j'ai
beaucoup d'objections quand ça ne se fait pas dans le respect. J'ai
toujours su et j'ai toujours appris que, pour avoir le respect, il faut le
donner. Ce qu'on a fait, on a protégé les petits, on a fait en
sorte qu'on leur a garanti un avenir. On a ramené cette justice dont
l'absence aurait peut-être nécessairement amené certains
commerces en défaillance.
Ça ne m'inquiète pas de parler après, ce qu'on peut
appeler, quelqu'un qui se sert un peu des épouvantails. On est en 1990,
les gens comprennent, les gens réalisent que ce n'est pas avec un climat
de peur qu'on réussit à bâtir ensemble une
société qui continue et qui doit continuer de se respecter.
Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le
député d'Abitibi-Ouest. M. le député.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, une chose est sûre, M. le
Président, c'est une loi majeure, importante, qui ne peut pas être
traitée à la légère. Mais j'estime que l'Opposition
officielle a effectivement traité ce dossier-là avec
énormément d'attention, de parcimonie et surtout de
sensibilité sur ce qu'on devrait tous avoir, le réalisme
politique, c'est-à-dire les deux pieds sur terre.
J'entendais des gens s'exprimer, c'est leur droit le plus strict, mais
c'est un peu révoltant de penser que le Québec, aux cinq minutes,
changerait de visage, et je donne juste un exemple. Quand ce même
gouvernement fait produire par un organisme pas mal plus objectif que lui, "Un
Québec cassé en deux et Deux Québec dans un", ça
c'est un document pas mal plus objectif que la problématique
soulevée par toutes sortes d'intervenants qu'on a entendus l'autre
côté.
Moi, je me dis: Un législateur, normalement, doit avoir une
sensibilité par rapport à ce qu'il reçoit des intervenants
du milieu. Le Québec de base n'a pas changé, il est encore
composé de beaucoup de petites communautés, 1500
municipalités; ça, c'est la réalité du
Québec de base. Je le sais qu'il y a des grands centres, je le sais que
nous sommes en 1990; mais, un peu comme mon collègue de Lévis, on
est en 1990 avec énormément de problèmes, avec des
familles éclatées, avec 40 % de monoparentalisme, des gens qui
ont un statut de monoparental et ça, ce sont des réalités
de la société d'aujourd'hui. Et essayer de voir là-dedans
qu'il y a là le souci de la protection des petits, des travailleurs et
des consommateurs au niveau général; nous, je regrette, M. le
Président, on n'est pas capables de voir ça; on n'est pas capable
de voir objectivement parce qu'il faut toujours partir de la
réalité de nos milieux. Et je donne un exemple. Moi, ça
fait quand même 14 ans que je suis député. Je ne connais
à peu près pas, et je ne vis quand même pas sur une autre
planète, j'ai eu l'occasion d'être ministre du
Développement régional, j'ai fait le tour du Québec
à trois reprises et je ne connais pas beaucoup de gens qui ont fait des
pressions pour ouvrir les commerces les lundis et les mardis jusqu'à 20
heures, 21 heures. Bon, je le sais qu'il y a eu des amendements, mais c'est
juste pour vous montrer comment ce n'est pas sérieux. Le Québec
de base n'a pas changé à ce point pour faire accroire au monde
qu'il y a une demande pour que les commerces soient ouverts le lundi soir.
Ça, ce n'est pas vrai. Ça, c'est faux. C'est vrai si on a la
mentalité de défendre les gros; c'est vrai si
on a la mentalité du gros club d'intérêts
privés. Ça, ça devient vrai. Si on a la mentalité
de regarder ce qui se passe sur le terrain, regarder le vrai monde, ce n'est
pas vrai que le lundi soir, à 19 heures, il y aura
énormément de monde dans les commerces, M. le
Président.
Moi, je veux prendre un exemple bien simple, et je vais le dire comme je
le pense, pas en essayant de faire accroire que la réalité au
Québec, c'est la réalité des magasins Canadian Tire. Mais
c'est quand même la réalité du petit monde. Ça, je
vais au moins dire ça, par exemple. Et eux, dans leur mémoire, et
je le cite, ça me fait plaisir, encore à soir, au
téléphone, j'ai reçu un télégramme: M.
Gendron, vous êtes notre député; ça n'a pas de bon
sens. Allez-vous laisser faire ça? J'ai dit: Non, écoutez...
Ça fait.. On a essayé de s'exprimer, on s'est fait
bâillonner. Oui, on va encore essayer de leur dire calmement que ce n'est
pas vrai que le Québec a changé à ce point, pour entendre
ce qu'on entend 8 heures du matin à 19 heures, le lundi et le mardi et 8
heures à 21 heures, les mercredis, jeudis et vendredis, avec une
espèce de salade... Là, moi, je ne veux pas relire Vennat; tout
le monde avait l'occasion de le lire aujourd'hui, mais il exprimait,
d'après moi, ce que je sens dans la population. Ça devient ce
qu'on appelle une loi qui ne réglera rien. (Oh 10)
J'entendais: Notre ministre, il est ci, il est brillant, il a
tranché, il a mis sa ceinture, ses culottes. Il n'a pas mis sa ceinture,
ni ses culottes; il a fait une espèce de loi qui ne réglera rien,
qui va créer plus de problèmes, qui va "insatisfaire" tout le
monde et qui, dans deux, trois ou quatre ans, nous permettra de constater ce
que nous prétendons: plus de familles en maudit ou
éclatées, pas moyen d'avoir une journée tranquille dans la
semaine pour faire des choix de qualité de vie autres que de passer
notre temps dans les magasins, comme s'il n'y avait pas assez d'heures. Au
moins, pour les consommateurs et les travailleurs, vous ne me ferez jamais
accroire que le point de vue des travailleurs a été
respecté.
Dans la lettre qu'il m'expédiait le 11 juin, il disait ceci: "Les
amendements proposés à la loi sur les heures d'ouverture font fi
des moratoires et des opinions généralement recueillies
auprès de la population dans les sondages populaires et autres, et
représentent seulement l'intérêt de certaines grandes
compagnies. " Nous, on ne change pas d'avis. "Ouvrir nos portes six jours
jusqu'à 22 heures est encore plus désastreux que l'ouverture le
dimanche et reflète simplement l'incapacité des fonctionnaires
à juger les effets de cette loi. " C'est le concerné qui
s'exprimait comme ça. Là, ce n'est pas les fonctionnaires; c'est
le gouvernement libéral, c'est le législateur. "L'ouverture six
soirs semaine et le dimanche à certaines périodes de
l'année sonnera le glas des petits commerçants ne pouvant pas se
payer d'employés et favorisera des monopoles. Quand aurons-nous des gens
et un gouvernement capables de prendre des décisions fermes dans les
meilleurs intérêts généraux sans fléchir
à des pressions politiques ou à des "lobbies" de groupes
restreints de géants des affaires?"
Là, il me semble qu'on tombe sur un point important. Je ne change
pas d'avis. Il s'agit juste de regarder d'où vient le financement de ces
gens-là. Ce n'est pas pour rien qu'ils sont toujours riches à
craquer. Regardez qui les finance. Écoutez, c'est ça, la
réalité. On peut bien faire ce que vous êtes en train de
faire. Nous, on n'a pas 6 000 000 $ de surplus. Vous regarderez le rapport du
Directeur général des élections: vous n'êtes pas sur
le bien-être comme Parti libéral.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Gendron: Vous êtes en train de mettre la population sur
le bien-être. Ça, c'est exact.
Une voix: Oui.
M. Gendron: C'était signé: Les entreprises Jacques
Carignan, un président, d'Amos, appuyé par tous ses travailleurs.
J'ai eu les mêmes représentations des commerçants de La
Sarre. J'ai eu les mêmes représentations des commerçants de
Val-d'Or. Val-d'Or, pour les gens de la ville qui ne sortent pas, ça
commence à ressembler à une ville. Parce que nous, on est
obligés de sortir, les gens des régions éloignées;
on y va, en ville, de temps en temps, mais on ne vous voit pas souvent en
région. On la connaît la problématique des régions
et ce n'est pas vrai, M. le ministre, que votre projet de loi va régler
les problèmes fondamentaux, va permettre aux travailleurs une meilleure
qualité de vie, va permettre de sécuriser l'avenir des petits. Ce
n'est pas vrai, selon nous, et, si ce n'était que selon nous,
j'arrêterais, puis je ne parlerais plus, sincèrement.
Mais la critique de l'Opposition officielle, la députée de
Taillon, est-ce qu'elle a dit des choses uniquement appuyées sur sa
version des choses? Bien non. Il y a un législateur; H doit
légiférer en connaissance de cause. Des milliers de
télégrammes. Est-ce qu'elle les a inventés, ces milliers
de télégrammes qu'on a reçus? Les milliers de
pétitions qui ont été déposées avec les
milliers de noms en disant: Ce n'est pas ça qu'on veut et ça ne
correspond pas à la réalité du Québec, est-ce que
ça a été inventé par les gens qui défendent
cette position-là, M. le ministre? Ma réponse, c'est non; ce
n'est pas nous qui avons inventé ça. Regardez le paquet quand
elle va le sortir, mais on pourrait tous en sortir tout autant. Là, on
va entendre leurs beaux discours. Habituellement, les gens de l'autre
côté ne parlent presque jamais. Il y en a
que c'est la première fois qu'on entend parler, même si
ça fait cinq ou six ans qu'ils sont ici. Puis, là, ce n'est pas
des farces; ils auraient trouvé la vérité, alors qu'il y a
deux ans le même ministre arrivait en Chambre une bonne journée et
disait: Là, c'est réglé. Dans quinze jours, on a la
solution aux heures d'affaires.
Ils ont fait promener le député de Nicolet-Yamaska qui a
fait un travail de consultation extraordinaire, puis lui-même nous dit:
Ça n'a pas d'allure, sauf que je connais ce que c'est de l'autre
côté; ils sont bien plus habitués à être
bétas et à genoux devant leur ministre et à dire bravo, et
ainsi de suite. Mais vous ne me ferez pas accroire que se gratter le dos les
uns à la suite des autres, ça va régler le
problème. On n'est pas ici pour se gratter le dos; on est ici pour
représenter les intérêts de nos commettants et, en 1990,
une chose est sûre, ce n'est pas vrai que ce projet de loi là va
permettre une meilleure qualité de vie pour les travailleurs et les
consommateurs.
Pour certains commerçants, je suis prêt à vous
donner raison. Je ne m'obstinerai pas. Pour les commerçants, je suis
sûr. Je vous connais et je sais avec qui vous frayez, mais essayer de
faire accroire que ça va améliorer la qualité de vie des
travailleurs et des consommateurs globalement, ce n'est pas vrai. Le lundi
soir...
Oui, M. le Président, je conclus, puisque mon temps est
terminé, en disant que ce n'est pas vrai qu'en augmentant une plage
d'ouverture pour les magasins et la consommation, mais à des heures
où, traditionnellement, toute notre base historique
québécoise a toujours fait la preuve que c'étaient des
moments où on voulait être ailleurs que dans les magasins, ce
n'est pas parce qu'on va changer ça sous prétexte que le
calendrier, c'est 1990 au lieu de 1960... La réalité du
Québec de 1990, elle a changé dans certaines choses, mais
sûrement pas dans celle-là, et il reste encore 1500
municipalités au Québec.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. M. le ministre, en vertu de l'article 252, avec un
maximum de cinq minutes suite à l'intervention du député
d'Abitibi-Ouest. M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord avec le
député d'Abitibi-Ouest, lorsqu'il dit que c'est une loi majeure,
lorsqu'il dit que c'est une loi importante et que c'est un débat de
société. Il a raison. Je reconnais également que les
besoins ne sont pas les mêmes dans toutes les régions du
Québec. Et c'est la raison pour laquelle on avait mis de l'avant au
début de la consultation une hypothèse de travail permettant
à une municipalité de se distraire de la loi au niveau des
heures. On nous a dit non, il faut avoir une loi uniforme à
l'échelle du Québec. Alors, je me suis rendu en région,
pas depuis hier. Ça fart 10 ans que je vais dans toutes les
régions du Québec. Lorsque je me suis occupé des caisses
d'entraide économique, très souvent, je me suis rendu dans la
belle région de l'Abiti-bi, que ce soit à Val-d'Or ou que ce soit
à Rouyn-Noranda. Comme président de la Société de
développement industriel du Québec, j'ai fait le tour du
Québec trois fois. Comme ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie, je l'ai fait encore une fois et, très récemment,
à la Chambre de commerce de Rouyn-Noranda, pour parler des heures
d'affaires.
C'est drôle comment la population, quand on explique bien le
dossier des heures d'affaires, peut comprendre que le lundi et le mardi, ouvrir
jusqu'à 19 heures, parce qu'on a besoin d'une loi uniforme, ça
peut faire le bonheur de certains consommateurs à Montréal, mais,
pour eux, ils se disent: Nous, on ne sera pas obligés d'ouvrir, parce
qu'on n'a pas le besoin. On fait appel, a ce moment-là, à la
maturité de la population et c'est ce que présent le gouvernement
du Québec a fait et on a été à l'écoute. Et
c'est la raison pour laquelle on les a réduites sensiblement, les
heures, parce qu'on devait avoir une loi uniforme à travers le
Québec. Et, si les besoins dans la région de l'Abitibi ne sont
pas les mêmes, ils pourront fermer à 17 heures ou à 18
heures comme ils ne sont pas obligés d'ouvrir à 8 heures le matin
et ils pourront ouvrir à 8 h 30 ou à 9 heures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Duplessis.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Suite à ce qu'on
entend dans cette Chambre, on a parfois raison de se demander si ce
gouvernement a bel et bien été élu le 2 décembre
1985. À part, je crois, et je le crois fermement, c'est qu'on entend
plusieurs députés du gouvernement libéral intervenir
régulièrement en cette Chambre depuis cinq ans et encore
aujourd'hui, encore ce soir, et venir nous dire que, s'il y avait des
problèmes dans le cas de la législation sur les heures
d'affaires, c'était de la faute du PQ, c'était de la faute du
gouvernement du Parti québécois.
Le député de Saint-Maurice... Ah! vous pouvez applaudir,
oui, oui. M. le Président, ces gens-là viennent d'applaudir et
ils vont réaliser que les applaudissements étaient de trop dans
quelques secondes!
Des voix: Ah!
M. Perron: Le député de Saint-Maurice vient de dire
c'est de votre faute, c'est à cause
de la loi de 1984 qu'on en est où on en est aujourd'hui. Mais, M.
le Président, en parlant d'exceptions à la règle, en
parlant d'autorisations de dérogation, le gouvernement du Parti
québécois, après la passation de la loi de 1984, n'est
intervenu qu'à deux reprises et c'était pour dire aux gens: Vous
allez suivre la loi des heures d'affaires. Mais, par contre, au niveau des
dérogations, je veux vous lire un petit texte ici. Et ça, ce
n'est pas le PQ, ça. Ça, c'est le PLQ. Et ça date du 3
juin 1986. C'est un avis concernant les heures d'affaires se rapportant aux
établissements commerciaux vendant des produits pharmaceutiques,
hygiéniques ou sanitaires, un avis d'autorisation. Signataire, l'actuel
président du Conseil du trésor qui était, dans le temps,
ministre de l'Industrie et du Commerce, Daniel Johnson. M. le Président,
je voudrais qu'on porte une attention à ceci. Voilà!
Dérogations, page 1, page 2; des avis de dérogation, page 3, page
4, et ça, c'en est un seulement. (0 h 20)
Des voix: Bravo!
M. Perron: Lorsque les libéraux viennent nous chanter,
viennent se pavaner dans cette Chambre pour dire que, s'il y a des
problèmes dans le cas des heures d'affaires aujourd'hui, c'est à
cause du Parti québécois qui a passé la loi de 1984, bien
sûr que la loi de 1984 permettait des décrets, mais qui a
passé les décrets? C'est le Parti libéral du
Québec, suite aux interventions de différents ministres et
différents députés, qui a fait en sorte que ces
décrets soient passés à la va comme je te pousse pour en
arriver à faire un fouillis monumental et ce, à travers le
Québec, incluant nos propres régions.
M. le Président, à force de vouloir contenter tout le
monde et son père, le gouvernement vient de réussir, encore une
fois, à mélanger tout le monde, non seulement dans les grandes
villes du Québec, mais aussi dans toutes les régions du
Québec. Moi, je viens souvent en ville. Je demeure à
Sept-îles. Je n'ai vu personne, moi, quand je suis venu à
Québec, se battre dans les autobus pour dire au gouvernement: Vous allez
changer la loi sur les heures d'affaires. Je suis allé à
Montréal aussi, parce que je sors un peu. Je n'ai vu personne, non plus,
se battre dans les autobus à Montréal et dans le métro
pour dire au gouvernement et au ministre de l'Industrie et du Commerce: Vous
allez changer la loi sur les heures d'affaires, vous allez changer tout le
système. Je n'ai vu personne faire ça. Il y a juste les
libéraux qui se battent entre eux autres pour dire: On ouvre-tu à
telle heure, on n'ouvre-tu pas à telle heure? Nous, on dit: II faut
protéger le consommateur, il faut protéger le petit
commerçant, il faut protéger les dépanneurs, ces petites
entreprises familiales qui opèrent dans l'ensemble de nos régions
du Québec.
Ce n'est pas vrai, M. le Président, qu'on va accepter qu'en cette
Chambre on se fasse dire n'importe quoi et, d'autre part, qu'on se fasse
"bulldozer", comme on se le fait faire actuellement dans une fin de session,
dans un projet de loi qu'on devrait discuter et où on ne devrait pas
avoir de motion de clôture ou encore de motion communément
appelée motion de guillotine. Ce n'est pas la meilleure façon de
permettre l'expression de la démocratie, en tout cas pas de la part de
ce gouvernement-là, parce que cette nuit - il est minuit vingt - en date
du 20 juin 1990, on réalise aujourd'hui que, depuis les six derniers
jours, ce gouvernement nous a imposé, à trois reprises, une
motion de bâillon pour empêcher l'Opposition de parier autant en
commission parlementaire qu'ici, parce que ce n'est pas dans dix petites
minutes qu'on peut intervenir sur un projet de loi comme celui-là. Ce
n'est pas vrai, M. le Président.
On a beau dire ce qu'on voudra par rapport à ce qui s'est
passé en commission parlementaire, on a notre travail à faire, on
a notre boulot à faire comme Opposition. On représente, nous, de
ce côté-ci de la Chambre, les moins bien nantis de la
société.
Des voix: Ah!
M. Perron: Les moins bien nantis de la société,
oui. On représente surtout ceux et celles qui ne financent pas la caisse
du Parti libéral. C'est ça qu'on représente.
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
dans les galeries en haut, en vertu de l'article 21...
Une voix: Et en bas aussi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Perron: Alors, M. le Président, je sais que de l'autre
côté on n'aime pas ça quand on se fait dire ses quatre
vérités, mais, ça, ça ne me dérange pas.
J'ai l'habitude de dire ce que je pense et j'ai l'habitude d'exprimer la
réalité, surtout en ce qui concerne les choses du Québec
et les choses du comté de Duplessis et de la Côte-Nord.
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
M. le député d'Orford, s'il vous plaît! Je demande votre
collaboration. Si vous voulez poursuivre.
M. Perron: M. le Président, le ministre de l'Industrie et
du Commerce, je crois qu'il a frappé en plein dans le mille avec son
projet de
loi 75 sur les heures d'ouverture des commerces. Il est parvenu à
mécontenter à peu près tous les groupes concernés.
Après des mois et même des années de consultation, c'est un
exploit peu banal que d'accoucher d'un projet qui suscite la réprobation
quasi générale.
Pour moi, les points de vue suivants sont à soulever et sont
à souligner très fortement. Premièrement, l'achalandage et
les besoins de la clientèle ne justifiaient pas une extension des heures
de commerce le dimanche. Il n'y a pas assez de Québécois et de
Québécoises qui travaillent six jours par semaine, du matin au
soir, pour justifier d'ouvrir les commerces le dimanche. Pour les urgences, il
y a toujours les dépanneurs et c'est amplement suffisant, en ce qui me
concerne, en particulier dans nos grandes régions du Québec comme
la Côte-Nord et comme le comté de Duplessis, comme
l'Abitibi-Témis-camingue, comme le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Je
vois ici, je parie du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, M. le
Président, je n'ai entendu personne autre que les députés
de cette région venir nous dire que tout le monde était d'accord
avec les modifications apportées par le ministre de l'Industrie et du
Commerce en rapport avec les heures d'affaires. Il n'y a personne qui s'est
battu à Matane, il n'y a personne qui a été sur la rue
Principale, à Mont-Joli, et qui a dit: On veut que ça change la
loi des heures d'affaires et on veut que ce soit ouvert le dimanche. Au
contraire, la grande majorité des populations, surtout dans nos
régions, ont dit non à cette ouverture, et Dieu sait comment on a
reçu de pétitions de personnes et de groupes comme, par exemple,
les AFEAS, les Filles d'Isabelle, les Chevaliers de Colomb, les
fermières. Et les fermières, dans l'ensemble du Québec, se
sont objectées fermement à l'ouverture des commerces le
dimanche.
J'admets qu'il n'y a pas une obligation systématique, mais
imaginez-vous si, dans un centre d'achats, il y a un commerce qui ouvre...
Parce qu'un centre d'achats, ce n'est pas une petite affaire, qu'on parle des
Galeries monta-gnaises à Sept-îles ou qu'on parie encore de Place
de Ville ou du centre d'achats de Port-Cartier, ce que je peux vous dire, ce
n'est pas une petite affaire, il y a plusieurs commerces à
l'intérieur. Si un grand commerce comme, par exemple, Zellers ou autre,
décide d'ouvrir le dimanche, qu'est-ce que vous pensez qui va arriver au
petit commerçant ou à la petite commerçante qui a une
boutique de souliers? Elle va être dans l'obligation d'ouvrir le dimanche
pour garder sa clientèle. Mais qu'est-ce que vous pensez que la grosse
patente va faire par rapport à la petite patente de ce petit
commerçant ou de cette petite commerçante? Ils vont bouffer ces
personnes-là tout rond dans les semaines et dans les mois qui vont
suivre. Et vous allez voir ce qui va arriver.
C'est là qu'on va se ramasser avec des faillites. Puis, ça
ne sera pas surtout senti dans les grandes villes, parce que, dans les grandes
villes, ça ne paraît pas beaucoup, des faillites. Mais je vous en
passe un papier, lorsqu'on a une ville qui a une population de 3200 personnes,
comme Havre-Saint-Pierre, et qu'il y a trois ou quatre faillites, les gens le
savent et le voisin le sait, et le voisin du voisin le sait aussi. C'est
ça qui va se passer. C'est la même chose pour Sept-îles,
avec 25 000 de population. Tout le monde va savoir que tel commerce a fait
faillite. Sur les 59 dépanneurs qu'il y a à Sept-îles
actuellement, je serais surpris de voir combien de ces petites entreprises
familiales seront encore debout à la fin des deux prochaines
années.
Et je pourrai dire à ce moment-là, en conclusion, que
ça sera pas la faute du PQ, ça sera pas la faute de l'Opposition
du Parti québécois, ça sera pas la faute de la coalition
contre l'ouverture des commerces le dimanche, ça sera pas la faute des
syndicats qui s'objectent à ça, mais ça va être la
faute du Parti libéral et du gouvernement du Parti libéral et de
toute la clique qui l'entoure. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. M. le député de Beauce-Nord, s'il vous
plaît.
M. Audet: M. le Président, en vertu de l'article 213,
j'aimerais poser une question au député de Duplessis.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article
213, M. le député de Duplessis, est-ce que vous permettez une
question?
M. Perron: ...pas d'affaire à répondre.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): II n'y a pas
consentement.
M. Perron: Qu'il pose des questions à son ministre, c'est
lui qui passe la loi, pas moi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Vous n'avez pas consenti, M. le député, alors la question n'est
pas permise, en vertu du règlement et en vertu de l'article 213.
À la suite de votre intervention, je vais permettre au ministre, avec un
maximum de cinq minutes, de pouvoir intervenir. M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je voudrais
donner un bel exemple de faussetés véhiculées par
l'Opposition et par le député de Duplessis. Il a mentionné
tout à l'heure que si on permettait l'ouverture des commerces Zellers,
pour employer le nom de ce commerce qui a été mentionné
par le député de Duplessis, ça pourrait causer de
sérieux problèmes à un petit commer-
çant de détail, si on leur permettait d'ouvrir le
dimanche. Si le député de Duplessis veut prendre connaissance du
projet de loi, on ne permet pas l'ouverture des commerces le dimanche dans le
secteur non alimentaire. (0 h 30)
Et je voudrais répéter pour la quatrième fois, et
j'ai toujours mon papier, je le lis pour être certain que c'est bien
compris: Le jour où je prendrai des décisions en tant que
ministre - ce qui est différent de l'Opposition, je le reconnais, qui a
un point de vue que je ne partage pas, mais que je respecte - le jour où
je prendrai des décisions en tant que ministre de quelque "lobby" que ce
soit, grand ou petit, au détriment de la collectivité, je
quitterai cette Assemblée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
merci, M. le ministre. M. le député de Papineau, s'il vous
plaît.
M. Norman MacMillan
M. MacMillan: M. le Président, pour commencer, j'aimerais
dire... Pour commencer, M. le Président, j'aimerais mentionner au
député de Duplessis que, si vraiment le Parti libéral a
été élu le 25 septembre avec 50 % du vote populaire, il y
a une grosse clique dans la province de Québec. Je voudrais aussi dire
aux gens de l'Opposition, M. le Président, que c'est encore de la
désinformation qu'on fait dans tous les dossiers, depuis deux semaines
qu'on est ici, même, c'a fait un an le 6 juin que j'ai été
assermenté comme député de Papineau et, chaque fois que
ces gens-là se lèvent, c'est complètement de la
désinformation, parce que, vous avez remarqué tantôt, M. le
ministre, chaque fois qu'il a eu la chance de répondre à ces
gens-là, a démontré, avec des statistiques ou avec des
pourcentages ou avec des preuves, que c'est complètement de la
désinformation que le parti de l'Opposition fait dans tous nos dossiers
qu'on a discutés dernièrement ici, à l'Assemblée
nationale.
Mme Marois: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement. Mme la députée de Taillon.
Mme Marois: c'est une accusation grave, m. le président,
que de dire qu'on fait de la désinformation. je pose la question, m. le
président, en quoi fait-on de la désinformation?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
M. le député a exprimé une opinion. C'est une opinion.
Chaque député peut... Je m'excuse, ce n'est pas en vertu de
l'article 35.6°, il exprime son opinion et les citoyens qui
écoutent, écoutent son discours. M. le député, si
vous voulez poursuivre, et j'attire votre attention.
M. MacMillan: Merci, M. le Président. Le projet de loi
déposé il y a quelques semaines...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, s'il vous plaît, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, je vous demanderais, s'il
vous plaît, de relire avec moi l'article 35, alinéa 7°, 6°
pardon. C'était bien l'intervention de ma collègue,
députée de Taillon: imputer des motifs indignes à un
député ou..." De la désinformation, c'est indigne.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, le député de
Papineau n'a pas imputé des motifs à quelque député
que ce soit de cette Chambre. Il a parlé de son opinion, il n'a
attaqué personne. M. le député, si vous voulez
poursuivre.
M. MacMillan: M. le Président, je voudrais
répéter que le parti de l'Opposition fait de la
désinformation sur toutes les lois qu'on veut passer ici, le
gouvernement qui est au pouvoir et qui a été élu
majoritairement par les gens de la province de Québec. Le projet de loi,
déposé il y a quelques semaines par le ministre de l'Industrie,
du Commerce et de la Technologie est venu mettre un terme à de
nombreuses iniquités concernant les heures d'ouverture des
établissements commerciaux au Québec. Nous avons besoin d'une loi
juste pour tous les commerçants, d'une loi qui rétablit le
principe d'équité et c'est ce que nous a donné le
ministre, M. Gerald Tremblay.
Il s'est d'abord mis à l'écoute des citoyens pour
considérer non seulement leur désir mais aussi leurs besoins.
C'est essentiel dans un dossier qui touche directement toute la population.
Certains aspects nécessitaient quelques modifications et,
désormais, nous pouvons affirmer que la nouvelle loi répond de
façon plus adéquate à la réalité sociale des
années 1990. En effet, M. le Président, la nouvelle loi vient
définir les règles qui s'adaptent aux besoins et aux changements
réclamés par la majorité des consommateurs. Elle
prévoit donc que tous les commerces pourront bénéficier
d'un élargissement des heures d'ouverture, du lundi au vendredi. Elle
répond aussi aux besoins actuels de ces différents groupes.
Par ailleurs, aux commerçants cette loi offre
l'équité et la clarté qu'ils recherchaient. Aussi, elle
constitue une synthèse des petits et des grands commerçants. Aux
consommateurs elle offre un accès plus large aux commerces et, de ce
fait, leur permet de mieux répondre à leurs besoins. Enfin, aux
travailleurs elle offre un cadre de travail qui tient compte de leurs
ententes relatives à la qualité de vie, puisque le
dimanche demeure un jour protégé. La loi libéralise donc
les heures d'ouverture des établissements commerciaux en augmentant le
total des heures d'ouverture des commerces à 70.
Comme chacun le sait, quelque 300 pharmacies et établissements
commerciaux jouissaient auparavant d'un statut particulier. Avec la nouvelle
loi, toutes les pharmacies sont maintenant soumises aux mêmes
règles. Il en va de même pour les marchés publics.
L'équité est désormais rétablie entre tous les
commerçants.
M. le Président, le ministère de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie continuera de voir à l'application de cette loi.
Par contre, son application sera partagée avec le pouvoir local. Ainsi,
les inspecteurs locaux auront exactement les mêmes droits que les
inspecteurs provinciaux. Dorénavant, des poursuites pénales pour
une infraction à la loi pourraient être intentées devant
une cour municipale. L'amende de même que les différents frais
imposés par la cour municipale seront alors versés au fonds
général de la municipalité.
Le gouvernement du Québec a également décidé
de hausser substantiellement les amendes applicables aux infractions
reliées à la loi. En effet, cette amende passera de 250 $
à 1500 $ pour une première infraction et, en cas de
récidive, elle passera de 450 $ à 3000 $. Désormais, il
n'y aura plus de maximum concernant les amendes. Le tribunal pourra
effectivement tenir compte des avantages et des revenus tirés par la
personne déclarée coupable de l'infraction.
En élaborant la loi, le gouvernement a décidé
d'appliquer une même règle à tous les établissements
qui vendent des denrées alimentaires. Ces établissements seront
désormais autorisés à vendre leurs produits à toute
heure, mais ils devront limiter le nombre de leurs employés à
quatre en dehors des heures d'ouverture établies par la loi. Cette
nouvelle règle, c'est-à-dire celle des quatre employés,
sera également applicable aux pharmacies, aux tabagies, de même
qu'aux stations d'essence qui vendent des denrées alimentaires autres
que de simples friandises.
M. le Président, nous sommes pratiquement à l'aube de l'an
2000. Chaque jour, le monde subit des changements. Que ce soit au niveau
politique, social ou économique, il évolue constamment et, pour
réussir à suivre ces importants changements, le gouvernement doit
être à la fois vigilant et continuellement à
l'écoute de la population.
C'est toute la société qui a subi de profondes
modifications au fil des ans et, bien sûr, la cellule familiale n'y a pas
échappé non plus. Si l'on regarde attentivement le portrait type
d'une famille québécoise des années quatre-vingt-dix, on
s'aperçoit rapidement qu'elle a changé. Les femmes
intègrent de plus en plus le marché du travail, les horaires de
travail ne sont plus ce qu'ils étaient, les loisirs occupent
également une place importante dans la vie des gens.
Pour toutes ces raisons et plus encore, la population désire des
règles plus souples en matière d'heures d'ouverture des
établissements commerciaux, qu'il s'agisse de l'épicerie, de la
librairie, des magasins à rayons ou de la quincaillerie. Ce que les gens
demandent, ce sont des règles qui correspondent à la
réalité de leur vie autant professionnelle que familiale. Les
consommateurs souhaitent donc majoritairement avoir un accès plus large,
plus libre aux différents commerces. Par contre, comme il l'a
été clairement démontré en commission
parlementaire, l'ouverture des commerces le dimanche n'est pas
nécessaire pour satisfaire aux besoins réels des consommateurs.
(Oh 40)
Vous conviendrez, M. le Président, que, lorsqu'un gouvernement
décide d'élaborer des lois, il doit tenir compte des exigences de
chaque individu, de ses désirs et de ses besoins. Notre gouvernement a
eu à trancher un débat qui mettait en cause plusieurs groupes, et
c'est dans l'intérêt de ces mêmes groupes qu'il en est
arrivé à cette loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure,
s'il vous plaît, M. le député.
M. MacMilian: 84 groupes ont été entendus, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez
conclure.
M. MacMilian: ...à la commission parlementaire. Alors,
pour terminer, M. le Président, le gouvernement a encore une fois fait
preuve de sagesse dans ses démarches. Nous avons eu droit à une
loi juste et équitable pour tous les citoyens et tous les
commerçants, et nous maintenons qu'elle a des avantages certains, par
rapport à la situation...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant la prochaine intervenante, Mme la
députée de Chicoutimi. Mme la députée.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. L'orateur qui vient
de me précéder, le député de Papineau,
prétend que l'Opposition fait de la désinformation. Moi, je dis
au député de Papineau que, s'il veut qu'on fasse toute la
lumière sur ce projet de loi, il faut qu'on lève le bâillon
qui a été imposé par ce gouvernement. C'est le
troisième de la présente session. Comment peut-on, en même
temps, nous accuser de faire de la désinformation et refuser de tenir
une commission parlementaire et une consultation sur ce
projet de loi?
Le Vice-Président (M. Cannon): Une question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: m. le président, on prendra tout le temps
qu'il faut, mais je voudrais que vous appliquiez à la lettre l'article
32, à la lettre.
Le Vice-Président (M. Cannon): Effectivement, nous allons
vous lire l'article 32: "Les députés doivent observer le
règlement et contribuer au maintien du décorum de
l'Assemblée nationale. Ils occupent la place qui leur a
été assignée par le Président, y demeurent assis et
gardent le silence à moins d'avoir obtenu la parole. Ils doivent
s'abstenir... Un instant, s'il vous plaît! "Ils doivent s'abstenir de
tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement
de l'Assemblée." Alors, ceux et celles qui veulent avoir des
réunions, ici, en cette Chambre, je les invite à aller à
l'extérieur de la Chambre afin de permettre à celle qui est en
train de faire son discours, de terminer son discours, dans le respect de
l'institution et dans le respect de l'article 32 du règlement. Mme la
députée, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le projet de loi
que nous avons sous les yeux, j'ai encore de la difficulté à
comprendre pourquoi et comment le ministre a pu en venir à une telle
conclusion. Comment a-t-il pu se montrer aussi borné? On est en train de
nous dire que ce projet de loi, à les entendre, fait l'unanimité.
Mais je ne vous comprendrai jamais. On a des listes qui représentent des
millions de personnes, au Québec, qui disent: On n'en veut pas.
Vraiment, on a un problème, ils doivent vivre dans une tour d'ivoire, en
haut, quelque part, ou dans des maisons, des résidences, avec des
clôtures tout autour, pour ne pas voir de qui se passe dans la vraie vie.
C'est inconcevable et incroyable.
M. le Président, le ministre nous a dit tout à l'heure, et
je le reprends, parce qu'on n'aura pas l'occasion de le refaire à
nouveau, parce que, de toute façon, il refuse tout débat sur
cette question, qu'il avait accepté de déposer les amendements,
qu'il ne s'y était pas refusé. C'est faux. M. le
Président, en commission parlementaire, le ministre a dit oui, comme
s'il jouait au cowboy: Oui, je vais déposer les amendements à
condition que vous commenciez par examiner le projet de loi par l'article 1.
Là, je me suis dit: II manque d'expérience parlementaire ou
encore il veut être complètement méprisant. Mais j'ai
conclu davantage qu'il se prenait au jeu. Il y avait des bons d'un
côté et des mauvais de l'autre et, lui, il avait la
vérité; il avait deux revolvers et ça passerait par
là. Il a eu cette attitude tout au long de la commission parlementaire.
Ce qu'on lui disait, à ce moment-là, c'était:
Déposez vos amendements et on va pouvoir les examiner, mais
commençons par l'article 4. Et nous avions raison. Les amendements qu'il
nous a déposés confirment que l'essentiel des modifications
portait sur les articles 4 et 5. Ici, nous avons un document, 25 articles
amendés sur 34. Ça veut dire que 73 % des articles ont
été touchés. Mais on a le texte qui a été
déposé, 29 pages de texte, et le plus long porte
précisément sur les articles qu'on estimait, nous, litigieux.
Vous avez, au total, quatre pages complètes de texte de modifications
qui portent exclusivement sur les deux articles que nous voulions commencer par
aborder, M. le Président. Le ministre a refusé de déposer
cet amendement, a refusé aux parlementaires de l'Opposition le droit et
le pouvoir d'exercer leurs responsabilités en vertu des
règlements qui nous concernent et des obligations qui nous sont faites,
M. le Président.
Tout à l'heure, j'écoutais le député de
Saint-Maurice qui rappelait le serment du député qui s'engageait
à être loyal, juste et respectueux à l'endroit de la
population du Québec. M. le Président, la première
loyauté, la première justice à l'endroit de la population
du Québec, c'est de laisser l'Opposition faire son travail lorsqu'elle
se fait le porte-parole des citoyens et des citoyennes au Québec. M. le
Président...
Une voix: Bravo!
Mme Blackburn: ...je le rappelle comme j'ai eu l'occasion de le
rappeler à un autre moment. On distribue ici à tous les visiteurs
qui viennent nous rencontrer des dépliants qui parlent du rôle du
député: le rôle du député à
l'Assemblée nationale, le rôle du député dans le
comté et le rôle du député en commission
parlementaire. Je vous inviterais à les lire. On distribue ça
également dans nos écoles. Qu'est-ce que ça dit par
rapport au député? Ça dit qu'il a la responsabilité
de légiférer, de contrôler et de représenter.
Ça dit qu'il a la responsabilité de défendre les
intérêts de la population. C'est ça que dit ce
dépliant, M. le Président. Et avec un bâillon on refuse
à l'Opposition les outils et les moyens de s'assurer qu'on puisse
défendre les intérêts de la population, M. le
Président.
Les mêmes dépliants, en ce qui a trait au travail du
député en commission parlementaire, disent, et là je cite:
"C'est là que le député - parlant des commissions
parlementaires -propose des amendements, des modifications importantes sur les
projets de loi présentés, les étudie en détail,
exprime son point de vue et défend les intérêts de ses
électeurs, pose des questions au ministre responsable du dossier et
commente les propositions de ses collègues. Les commissions jouent un
rôle très actif dans le processus législatif." Mais
voilà, c'est ce qu'on a
empêché. On a empêché les
députés de l'Opposition de faire le travail pour lequel ils ont
été élus.
M. le Président, le projet de loi et les modifications qui nous
sont apportées, ce sont 25 amendements dont des amendements
extrêmement importants. Est-ce qu'il y a quelqu'un en cette Chambre qui
est capable de me dire les effets que vont avoir, par exemple, les
modifications touchant l'ouverture de tous les commerces, de tous les commerces
sans exception, de 8 heures le matin à 21 heures le soir, le dimanche
jusqu'à 17 heures, de tous les commerces sans exception, tout le mois de
décembre jusqu'à la veille de Noël? Est-ce qu'il y a
quelqu'un ici en cette Chambre qui est capable de me dire les effets que cette
loi-là, cet article-là va avoir sur les familles, sur les
employés, les employés et leur famille, sur les petites
entreprises? Les petites entreprises, on le sait, la période des
fêtes, c'est celle où elles font leur chiffre d'affaires quasiment
de l'année pendant cette période-là. On va augmenter leurs
coûts de fonctionnement, les coûts de fonctionnement de leur
entreprise sans augmenter les bénéfices, M. le Président,
et ça va entraîner des faillites. Personne ici n'est en mesure de
nous dire les effets de cette disposition sur les entreprises et sur les
conditions de vie des travailleurs et des travailleuses. Faut-il le rappeler?
Les personnes qui travaillent dans ces commerces sont
généralement rémunérées au salaire
minimum.
Dans nos régions... Chicoutimi c'est une ville qui a 70 000
habitants. C'est une petite ville, pas grosse, mais comme beaucoup de villes de
cette taille-là, on n'a pas de transport en commun le dimanche. Vous
savez ce que ça peut vouloir dire pour quelqu'un qui travaille au
salaire minimum de se déplacer de la périphérie pour aller
travailler dans un commerce alors qu'il n'y a pas de garderie et qu'il n'y a
pas de transport en commun. La qualité de vie de ces gens-là,
c'est ça. Est-ce qu'il faut absolument qu'on imite un modèle qui
a peut-être sa raison d'être? Aux États-Unis et en Ontario,
je le rappelle, on n'a pas la même géographie et on n'a pas la
même densité de population. Et le député de
Lévis, tout à l'heure, le rappelait avec justesse. Il y a des
pays, et ils sont nombreux, qui n'ouvrent jamais le dimanche. On le sait, comme
touristes, on les a faits ces pays-là. Ils n'ouvrent jamais le dimanche
et, qui plus est, ils ferment généralement deux heures à
l'heure du lunch le midi. Personne n'en meurt. Personne n'en meurt. Cependant,
ces pays ont souvent beaucoup de petites entreprises. Avec ce
gouvernement-là, ce qu'on est en train de faire, les deux projets de loi
qu'on a examinés ce soir, c'est un peuple de locataires. Les gens seront
de plus en plus dans l'incapacité de s'acheter une résidence, M.
le Président. C'est un peuple d'employés au service des grandes
entreprises parce que le droit d'avoir sa petite entreprise et la
possibilité qu'elle soit prospère et qu'elle lui permette de
faire vivre sa famille sont remis en question par ce projet de loi, M. le
Président. (0 h 50)
M. le Président, 24 amendements, refus de déposer, alors
que l'Opposition les a déposés. On adopte ce soir un projet de
loi sur lequel on ne sait rien quant à ses effets. C'est inacceptable et
ça brime le devoir et la responsabilité que nous avons, comme
Opposition, de faire valoir les droits et les revendications des citoyens et
des citoyennes du Québec, M. le Président. Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie, pour cinq minutes.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Je voudrais rappeler à la
députée de Chicoutimi que je n'ai jamais prétendu que le
projet de loi faisait l'unanimité. Aucun projet de loi sur les heures
d'affaires des commerces ne fera l'unanimité.
On mentionne l'article 4. Je ne vois pas pourquoi l'Opposition revient
sur l'article 4, alors que les amendements apportés à cet article
avaient déjà été annoncés avant la
commission parlementaire. J'ai consulté et, au nom de la
démocratie, j'ai convoqué une commission parlementaire et,
lorsque j'ai convoqué la commission parlementaire, l'Opposition a dit:
Inutile. Inutile a dit l'Opposition, dans Le Journal de Québec,
le 7 décembre 1989.
Je veux rappeler à la députée de Chicoutimi que
j'ai pris en considération tous les amendements de l'Opposition. Il y a
eu fondamentalement trois amendements au projet de loi: la réduction des
heures: vous étiez d'accord; les marchés aux puces: vous
étiez d'accord; définition de la fabrication pour s'assurer que
ça comprenait uniquement boulangerie et pâtisserie: vous
étiez d'accord. Les autres amendements, les 22 amendements additionnels
qui sont mentionnés sont uniquement des amendements de
réécriture d'articles, de clarification ou de concordance. Il n'y
a donc pas eu d'amendements majeurs qui n'ont pas été
annoncés dans le projet de loi.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Cannon): Le prochain intervenant, M.
le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon M. Bourdon: M. le Président, on entend
le
ministre et d'autres du côté ministériel nous dire
que le projet de loi va prévoir qu'on puisse ouvrir plus longtemps, mais
que personne ne sera obligé d'ouvrir plus longtemps. Je pense, M. le
Président, que c'est faire bon marché des réalités
économiques que, pourtant, nos amis libéraux se vantent de bien
connaître.
Dans le commerce de détail où il y a 400 000 personnes qui
travaillent dans des dizaines de milliers d'établissements, c'est la
concurrence qui est la règle et, quand on permet aux gros d'ouvrir, eh
bien, les moyens et les petits vont être forcés d'ouvrir en payant
plus cher, en assumant des dépenses supplémentaires que le
consommateur va se faire refiler en bout de ligne, au mépris des
conditions de travail des employés et, souvent, au mépris des
conditions de travail des petits propriétaires de commerce parce que ce
n'est pas vrai, M. le Président, qu'à Montréal, tout est
concentré.
Dans la ville de Montréal, il y a 10 000 commerces sur rue qui
emploient ou qui sont opérés par 50 000 personnes, donc une
moyenne de cinq par commerce. Or, dans ce sens-là, le sens de cette loi
est clair. Le gouvernement met les barracudas dans le même aquarium que
les poissons rouges et il nous dit: Je ne fais pas de tort à personne,
ils savent tous nager. Les barracudas, M. le Président, ce sont les
directions corporatives de Provigo, Métro, Steinberg et de la pharmacie
Jean Coutu et, dans le cas de l'alimentation, ils ont été
désavoués par les centaines d'affiliés qui utilisent leurs
services. Il y a même une filiale de Provigo, Provi-Soir, qui a
dénoncé le projet de loi du ministre, qui est un projet de loi
qui est fait pour les gros intérêts qui font du Parti
libéral du Québec un gros club privé
d'intérêts. Et, dans ce parti, on trouve toujours plus sain de
favoriser une personne qui donne 3000 $ que de faire l'affaire de 1000
personnes qui donnent 3 $ chacune. C'est ça, le fond de ce projet de
loi. Et ce qu'il y a de pernicieux dans le projet de loi qui a
été négocié au sommet... Et on ne les voit pas dans
les tribunes, ceux qui sont les bénéficiaires du projet de loi;
ils ont le téléphone, eux autres, ils ont des lignes directes.
Ils sont capables de mener le gouvernement à leur guise.
Il y a deux enlignements du gouvernement, deux projets en matière
d'ouverture, celui du député de Nicolet-Yamaska, qui allait dans
le sens de ce que ma collègue de Taillon a défendu, et il y a eu
celui du ministre et du gouvernement, qui est le projet des gros, pour les
gros, par les gros, au détriment des 400 000 personnes qui travaillent
dans les commerces de détail. C'est ça, la vérité
de l'affaire. Et vous aurez beau vous faire des sociétés
d'adoration mutuelle, vous gratter, vous applaudir, vous n'empêcherez pas
que les gens qui tiennent des commerces, les gens qui travaillent dans les
commerces n'en veulent pas de votre loi. Il y a juste vos gros bailleurs de
fonds qui l'aiment. Il y a juste les gros qui l'aiment, ce projet de loi. Et
quand un des vôtres, le député de Nicolet-Yamaska, a
étudié la question, il a dit: Le dimanche, on devrait limiter
ça à du commerce de dépannage.
Ce n'est pas ça qu'on fait maintenant. On a commencé par
quatre et on en a négocié cinq et, hypocritement, on a dit: Le
cinquième, ça sera le propriétaire ou son mandataire.
Ça veut dire cinq. Et on a obstinément refusé, M. le
Président, de dire que ça devrait être un chiffre
raisonnable comme quatre, alors que l'ancienne loi pariait de trois et qu'il
faudrait que le commerce ait quatre employés en tout temps; alors que
là, on suit le modèle américain et ontarien qui
obsède les ministériels. Ce sont des Québécois qui,
dès qu'ils vont en Ontario ou aux États-Unis, reviennent en se
sentant tellement petits qu'ils veulent des immenses supermarchés
où il y aura quelques lumières pour "opérer" un
dépanneur dans un grand supermarché. C'est ça qui est
devant nous, M. le Président. Le dimanche, on va vers une
libéralisation plus grande et ça, Alimentation Couche-Tard,
Provi-Soir, les dépanneurs ont tous dit que c'était à
rencontre de leurs intérêts. Alors, l'intérêt de qui
que ça favorise? Les trois grands de l'alimentation qui vivent des
problèmes réels: une perte de volume relative, un marché
qui est stagnant et des profits qui sont en diminution.
Mais je ne pense pas, M. le Président, que c'est en faisant
disparaître les moyens et les petits qu'on va régler la question.
D'ailleurs, il y a des parties importantes du commerce de détail - je
pense aux magasins Canadian Tire - qui ont une taille très importante et
qui trouvent que le projet de loi n'a pas de sens. Alors, les
ministériels auront beau faire, ils auront beau dire, on s'attaque aux
employés de commerce qui vont voir leur vie familiale perturbée
parce qu'on va les forcer à travailler le dimanche. On nuit aux
propriétaires des petits commerces qui devront le faire eux-mêmes
ou encourir des coûts supplémentaires pour le faire. On
plaît aux grands centres d'achats, et c'est une loi où on trouve
de tout, même un ami. L'ami, c'est Jean Coutu qui vend de tout,
même de la pharmacie. Et ce que le gouvernement s'apprête à
faire, c'est de faire passer quelques intérêts particuliers avant
l'intérêt général, M. le Président. C'est
clair, c'est net. Ce qui était proposé par la Coalition contre
l'ouverture le dimanche, c'est d'ouvrir plutôt le mercredi soir. Le
ministre le retient, mais il élargit encore le dimanche.
Et un dernier point, M. le Président. En commission
parlementaire, on a consacré une heure à discuter chaque motion
de l'Opposition où on demandait d'entendre du monde, et les
députés ministériels qui braillent qu'il y a des gens qui
les arrêtent pour parler avec eux dans les corridors. Et bien, permettez
aux gens de se faire entendre en commission et ils ne vous chercheront pas dans
les corridors pour vous
parier. Je trouve ça spécial, M. le Président,
cette mentalité de dire: Ça ne nous fait rien de faire semblant
d'écouter l'Opposition au lieu de prendre une heure par groupe
intéressé. En commission parlementaire, on a fini par proposer
d'entendre pendant une heure chacune les deux coalitions, la Coalition pour
l'ouverture des commerces le dimanche et la Coalition contre l'ouverture des
commerces le dimanche. Les ministériels n'ont pas voulu. Ils ne
voulaient pas entendre les intéressés parce que les
intéressés les plus importants, on les entend au
téléphone ou ailleurs et on leur donne tout ce qu'ils demandent.
(1 heure)
Alors, c'est une mauvaise loi qui va perturber le commerce, qui va nuire
aux conditions de travail des personnes impliquées, qui va occasionner
des coûts aux commerçants, coûts qui vont se
répercuter sur les consommateurs. Dans le cas des personnes qui
gèrent et opèrent elles-mêmes leur commerce, on les met sur
le même pied que les employés. Elles vont devoir travailler
à des heures encore plus indues pour essayer de se débattre
vis-à-vis des plus gros commerçants.
C'est donc, M. le Président, une très mauvaise loi faite
dans un climat très peu démocratique. Et ceux des
ministériels qui disent: Oui, mais on a été élus en
septembre l'année passée, ils n'ont pas été
élus là-dessus. Pendant la campagne électorale, ils
étaient encore à rechercher leurs états d'âme sur
les heures d'ouverture des magasins. La loi n'était pas devant nous. Et
par ailleurs, maintenant que c'est connu, je pense qu'il y a des gens dans le
commerce qui vont revoir leur façon de voir les choses. Parce que si
c'est vrai qu'on ne peut pas plaire à tout le monde et à son
père, je pense qu'on ne peut pas faire la job de bras pour les gros. On
ne peut pas aller dans le sens d'une libéralisation plus grande pour
favoriser les très grandes surfaces et les gros intérêts au
détriment des commerces de taille plus réduite et même des
commerces moyens qui sont affiliés aux grandes chaînes et qui
signaient des pétitions pour dire que la direction de Provigo et autres
ne pariaient pas en leur nom. Alors, entre les intérêts d'une
petite poignée de personnes et l'intérêt de centaines de
milliers de personnes, le gouvernement a fait son choix. Il a fait une loi qui
justifie l'Opposition de dire que le Parti libéral du Québec,
c'est un gros club privé d'intérêts particuliers.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député. M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais rappeler au
député de Pointe-aux-Trembles que le commerce de détail au
Québec compte 67 000 établissements et plus de 320 000
travailleurs. La très grande majorité de ces commerces sont dans
le secteur non alimentaire et ne pourront pas ouvrir le dimanche. Si on se fie
au secteur de l'alimentation, on parie de 14 210 points de vente qui embauchent
78 280 salariés. De ces 14 210 points de vente, 8500 sont des commerces
de dépannage qui ouvrent déjà sept jours par semaine,
vingt-quatre heures. Alors, ce que je veux expliquer, c'est qu'il ne faut pas
lancer des chiffres comme: il y a 400 000 travailleurs qui vont être
affectés par la Loi sur les heures d'affaires. Il y a certains
travailleurs qui vont être affectés, je l'admets depuis le
début, mais c'est la raison pour laquelle on a permis quatre
employés hors les heures d'affaires pour assurer le fonctionnement dans
les commerces d'alimentation seulement. Donc, on a pris en considération
les intérêts des travailleurs et des travailleuses, mais
également, M. le Président, on doit l'admettre, les
intérêts du consommateur dont on ne parie jamais assez du
côté de l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Cannon): Le prochain intervenant, M.
le député de Dubuc.
M. Gérard R. Morin
M. Morin: Merci, M. le Président. Le projet de loi 75 sur
les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux
est bien loin d'être un chef-d'oeuvre législatif. Dans un premier
temps, rappelons que ce projet de loi, de par sa teneur, est d'un degré
de difficulté de compréhension rarement vu. Alors, d'ailleurs,
c'est sans doute pour cette raison que le ministre songe à en donner
l'application aux municipalités. Mais sa grande faiblesse, c'est surtout
de ne correspondre d'aucune façon aux attentes du milieu des affaires,
des travailleurs et des consommateurs en général. Si je soutiens
que ce projet de loi possède un haut degré de difficulté
de compréhension, c'est que le texte de ce projet de loi est d'une
lourdeur incroyable, en plus de comporter une multitude
d'ambiguïtés. Je n'ai pas l'intention de relever tous ces articles.
D'ailleurs, c'était le travail de la commission de le faire jusqu'au
moment où le gouvernement a décidé d'y mettre fin.
Vous me permettrez, par contre, de ne donner qu'un exemple
d'ambiguïté ou de manque de clarté dans la formulation. Je
réfère aux articles 2 et 3 où, dans l'article 2, bien
sûr, on réfère aux jours et aux heures d'ouverture, alors
que l'article 3, lui, réfère aux jours et aux heures de
fermeture. Mais dans les deux cas, les articles 2 et 3 se lisent de la
même façon: "Sous réserve des articles 4 à 12, le
public ne peut être admis dans un établissement commercial". Donc,
l'introduction de ces articles est la même, dans les deux cas, sauf que
l'article 2 fait référence aux heures d'ouverture et l'autre, aux
heures de fermeture, de là une source de con-
fusion, parce que le ministre n'a pas été capable de dire
clairement ce qu'il voulait dire.
Je crois sincèrement que le ministre aura réussi tout un
tour de force, tout un exploit: si ce projet de loi devait être
accepté tel quel ou même avec les quelques amendements, il aura
réussi à ne satisfaire personne, donc à mécontenter
tout le monde. En effet, après avoir pris connaissance des
différents mémoires qui ont été
déposés lors de la consultation, je me demande toujours sur quoi
s'est inspiré le ministre pour accoucher d'un tel projet de loi, car il
ne répond d'aucune façon aux attentes des consommateurs ni aux
intérêts des commerçants, pas plus qu'aux
préoccupations des travailleurs et des travailleuses sur leurs
conditions de travail, sans considérer toute la confusion
qu'entraînera l'application de ce projet de loi. D'ailleurs, les dizaines
de lettres de critiques, d'opposition et de contestation adressées au
ministre, depuis le dépôt du projet de loi, en sont la plus belle
illustration.
Je faisais référence aux mémoires qui vous ont
été déposés. Vous me permettrez donc d'attirer
l'attention du ministre sur celui du Conseil de la famille. Si j'ai choisi ce
mémoire, c'est que j'y adhère sans aucune réserve et que,
de plus, les valeurs défendues par (e Conseil de la famille
méritent d'être appuyées. Vous me permettrez donc, M. le
Président, de rappeler au ministre un chapitre du mémoire du
Conseil de la famille portant sur l'importance de permettre aux travailleurs et
aux travailleuses de concilier leurs responsabilités parentales et
professionnelles. De l'avis du Conseil de la famille, la question importante
dans ce débat concernant l'ouverture des commerces le dimanche est non
pas de savoir si les familles disposent de suffisamment de temps pour faire
leurs courses, mais bien de s'assurer que les parents qui auront à
travailler le dimanche disposeront de suffisamment de temps pour remplir leur
rôle auprès des enfants d'âge scolaire. Et cela est loin
d'être évident, particulièrement si ces mêmes parents
travaillent aussi le samedi. Le Conseil est réticent à voir
diminuer le temps dont disposent les parents d'enfants d'âge scolaire
pour être à l'écoute de leurs enfants. Ils
considèrent qu'on en demande assez en semaine aux enfants dont les deux
parents travaillent. Plusieurs d'entre eux doivent se débrouiller seuls
après l'école. Il en est souvent ainsi le samedi et il en sera
probablement ainsi le dimanche, si l'on permet l'élargissement de
l'ouverture des commerces.
Également, le Conseil est réticent à voir diminuer
le temps dont disposent des couples pour être ensemble. À une
époque où l'on parle beaucoup, sur le marché du travail,
de la nécessité de faciliter aux parents la conciliation des
responsabilités familiales et des responsabilités
professionnelles, le Conseil de la famille souligne aux législateurs cet
enjeu pour les familles, lui qui s'est engagé à penser et
à agir "famille" dans toutes les sphères de ses
responsabilités. Maintenir les restrictions concernant les heures
d'ouverture des commerces le dimanche demeure un excellent moyen d'atteindre
cet objectif et de soutenir les parents dans l'organisation de leur vie
familiale.
M. le Président, le ministre se défendra sans doute en
disant que nous ne faisons mention que des mémoires opposés
à son projet de loi. À cela je répondrai au ministre que
les mémoires favorables à une libéralisation
complète des heures d'ouverture sont davantage motivés par les
préjudices que causent à certains établissements la
non-application de la loi présentement en vigueur. De plus, je ne suis
pas certain que l'on ait fait l'analyse de la semaine de travail dans les
différents secteurs d'activité. En effet, depuis les 20
dernières années, la semaine de travail - je ne parie pas
seulement du travail dans les établissements commerciaux, mais du
travail dans les différents secteurs d'activité -est
passée de 48 heures à 40 heures, voire même à 35
heures dans certains endroits. Alors, lorsqu'on vient prétendre qu'un
élargissement des heures d'ouverture des commerces répondrait
à un besoin, vous me permettrez d'en douter fortement. (1 h 10)
Le dernier point que je soulèverai, M. le Président,
concerne l'autorisation aux municipalités de procéder à
l'application de la loi. Vraiment, il faut que le ministre fasse preuve
d'inconscience ou d'une très grande naïveté pour proposer
cette responsabilité aux municipalités. Est-il nécessaire
de rappeler qu'avec la remise en question du pacte fiscal de 1980, il est fort
peu probable que le ministre obtienne une grande collaboration de la part des
municipalités? Et je ne crois surtout pas qu'elles se laisseront tenter
par le fruit des infractions et refuseront ce panier de crabes que constituera
l'application de ce projet de loi.
En conclusion, M. le Président, je crois que ce projet de loi
illustre bien le manque de courage politique du gouvernement. En effet, depuis
plusieurs années, les plaintes se sont multipliées sur la
non-observance de la loi en vigueur sans que le gouvernement réagisse ou
intervienne. Il y a maintenant plus d'un an que le rapport Richard a
été déposé, et le gouvernement n'a pas osé
faire face à la musique. Peut-être avait-il peur de faire des
fausses notes? Aujourd'hui, nous sommes devant un projet de loi qui, en plus
d'être d'une grande ambiguïté, ne répond nullement aux
véritables attentes de la population. D'ailleurs, c'est ce qui se
produit toujours lorsqu'un gouvernement tente de servir les
intérêts d'un groupe en particulier, car ça s'avère
inévitablement au détriment des autres. Il ne me reste plus
qu'à souhaiter que le ministre saura le reconnaître et qu'il
acceptera tous les amendements que la situation exige. Je vous remercie, M. le
Président et cette Assemblée, de
votre bonne attention.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. le Président, le
député de Dubuc, dans sa présentation initiale, a
essayé de démontrer qu'il y avait des incohérences dans le
projet de loi en comparant le libellé initial de l'article 2 et de
l'article 3. Je demanderais au député de Dubuc de prendre
connaissance de l'amendement, un des amendements qui a été
déposé et qui corrige toute ambiguïté. En ce qui
concerne les municipalités, le projet de loi mentionne clairement
à l'article 13 que "le ministre ou une municipalité peut
autoriser". Alors, je référerais le député de Dubuc
à une déclaration du président de l'Union des
municipalités du Québec qui reconnaît que c'est un projet
de loi avec lequel il peut vivre et qui nous offre sa collaboration dans
l'application de cette loi.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Mme
la députée de...
Une voix:...
Le Vice-Président (m.
cannon): un instant, s'il
vous plaît! un instant, s'il vous plaît! mm. les
députés, et à ma droite et à ma gauche, s'il vous
plaît! je reconnais maintenant mme la députée de
marie-victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, à mon
tour d'essayer de faire entendre au ministre que sa loi, en fait, telle qu'elle
est proposée à l'heure actuelle, semble, en tout cas, pour la
majorité des consommateurs, des commerçants et des travailleurs
et des travailleuses, inéquitable et injustifiable. M. le
Président, en effet, c'est difficile de discuter avec quelqu'un qui est
convaincu de son raisonnement. C'est un petit peu ce qui s'est passé en
commission parlementaire lorsque, au moment où l'ensemble des membres de
l'Opposition, en commission parlementaire, demandaient au ministre de
déposer ses amendements, ils ont vu un refus systématique
s'offrir à leurs demandes, M. le Président. Alors, ça ne
débute sûrement pas bien des échanges avec le gouvernement
et le responsable du dossier de cette loi sur les heures d'ouverture. Comment,
M. le Président, alors que l'on sait une très grande
insatisfaction qui nous semblait justifiée puisque, à la mesure
des pétitions que nous avons reçues, des lettres de contestation,
il aurait été souhaitable, même agréable, de
pouvoir, en commission parlemen- taire, une dernière fois avant que le
ministre apporte ses amendements, se pencher justement sur les
réclamations et les recommandations des groupes concernés par ce
projet de loi, les gens qui devront, d'une part, dans quelques cas, subir le
projet de loi et, d'autre part, d'autres qui devront appliquer le projet de
loi? Et ça, M. le Président, je pense que ça aurait
été faire preuve, en tout cas, d'un intérêt profond
du ministre autant vis-à-vis des consommateurs que vis-à-vis
aussi des travailleurs, des travailleuses et des commerçants. M. le
Président, actuellement, on se pose des questions, à savoir:
Qu'est-ce qui fait en sorte que le ministre est si pressé à faire
passer ce projet de loi là et, il faut le dire, si abruptement? Parce
que, en fait, il nous arrive avec des amendements, 25 amendements sur 34
articles, M. le Président. C'est incroyable, quand on regarde un projet
de loi, 25 amendements sur 34 articles. N'y aurait-il pas eu lieu, justement,
de prendre la peine d'écouter, d'entendre ces gens que l'Opposition
demandait à entendre au moment du début de l'étude du
projet de loi article par article? D'autant plus, M. le Président, que
l'Opposition proposait au ministre de commencer le projet de loi par l'article
4. L'article 4 aurait vraiment apporté l'éclairage que suscitait
ce grand débat sur les heures d'ouverture, parce que c'est le cas
même de tout le litige qui apparaît dans ce projet de loi entre les
personnes qui sont intéressées, le débat entre les petits
commerçants et les grands commerçants, les petites surfaces et
les grandes surfaces. J'écoutais tantôt le ministre qui disait:
Écoutez, les gens feront preuve de maturité en ce qui concerne
les heures d'ouverture; bien sûr qu'on tient compte du Québec de
base avec des petites municipalités; il n'est pas dit que l'ensemble des
commerçants des petits commerces devront ouvrir, c'est leur libre
choix.
Mais quand on parle de compétition, quand on parle d'une
artère complète et quand on parle de
complémentarité de services à l'intérieur des
différents commerces, bien sûr qu'il deviendra de plus en plus
difficile pour ces commerces, si petits soient-ils, de rester fermer. Et
là, il s'enclenche un processus complet de changements majeurs dans les
horaires de travail et, bien sûr, dans la qualité de vie. Parce
que, M. le Président, quand commence le changement des horaires de
travail, c'est l'ensemble de l'organisation sociale qui est impliquée
dans un tel changement, et on devra faire face à ce changement social.
Mais comment allons-nous y faire face, à ce changement social? Est-ce
que nous l'avons préparé alors que nous savons très bien,
à l'heure actuelle, à quel point il est difficile pour les
familles, à l'heure où on se parle, quand il y a des gens, des
femmes qui doivent travailler, ils n'ont aucun service de garderie, surtout
dans les différentes régions? Ce sera encore beaucoup plus
difficile pour elles de se trouver ce service important puisqu'elles auront
à trouver des
gardiennes en dehors des heures raisonnables de travail. Bien sûr,
lorsque les enfants vont à l'école, il n'y a pas de
problème. Mais quand on déborde de ces heures-là,
là, il y a problème. Et quand on a peu de services au niveau du
système de garderie, quand il est difficile au Québec de se
trouver des places dans le milieu des garderies, bien, je pense qu'on rend
encore plus difficile cette tâche-là à ces mères et
à ces hommes aussi qui auront, en fin de compte, à concilier les
devoirs familiaux en même temps que d'aller travailler, parce qu'ils
devront maintenir leurs emplois. Et parce qu'ils devront maintenir leurs
emplois, ils devront subir, en fait, les différents horaires de travail.
Ils devront subir aussi cette compétition.
Moi, M. le Président, quand je vais me promener à
Montréal ou dans les grands centres-villes, je suis toujours très
surprise de voir le nombre effarant de magasins qui n'arrêtent pas
d'apparaître de plus en plus. Et je me dis: Mon doux, à voir
l'ensemble des magasins qu'il y a là, on n'a pas suffisamment de nos 24
heures, sept jours semaine, pour pouvoir faire toute la panoplie et faire le
tour de l'ensemble de ces magasins qui existent à l'heure actuelle. Et
je me dis, M. le Président: Qu'est-ce qui va arriver? On regarde le
nombre de commerces qui ferment leurs portes à l'heure actuelle. C'est
tout de même assez circonscrit. Les heures de travail, les heures
d'ouverture sont réellement reconnues. Que va-t-il arriver à ce
moment-là, alors que, à l'heure actuelle, on leur demande encore
un surcroît, on leur demande d'étendre leurs heures de travail? Ce
sera de plus en plus difficile, en tout cas. Et moi, je ne suis pas sûre,
M. le Président, que ça va favoriser le gagne-pain de l'ensemble
de ces petits commerces là. Bien au contraire, ils auront à
assumer des frais généraux beaucoup plus onéreux qu'ils ne
le sont à l'heure actuelle. Ils auront à faire face aussi
à des horaires de travail qui vont être plus extensionnés
et ils devront avoir à faire face aussi à d'autres
problèmes de l'ordre de relations du travail et dont il me semble
très important de tenir compte lorsqu'on parle d'un tel projet de loi.
Il nous semble, en tout cas, au moment où actuellement on se penche sur
ce projet de loi, que toutes ces notions-là ont été
très peu abordées ou très peu prises en
considération. Leur considération majeure, il nous semble,
à l'heure actuelle, c'est de faire en sorte que les
intérêts des soi-disant gros commerces, telles des pharmacies - et
vous connaissez l'ami de tout le monde, l'ami Jean Coutu - qui fait en sorte
que celui-ci n'aura pas tellement de problèmes parce que, M. le
Président, quand on est capable de se payer des agents de
sécurité, quand on est capable de se payer... C'est parce qu'il
faut avoir une grosse surface, il faut avoir des revenus assez
considérables. (1 h 20)
Mais je vois mal, M. le Président, des entreprises beaucoup plus
moyennes être capables de se faire ces frais-là sans gruger leurs
revenus. Et ça, c'est important. Il faut qu'on le dise, M. le
Président. Qui va être capable de se payer ce cinquième, ou
en dehors du cinquième, tel que libellé par le ministre, si ce
n'est que des gros qui ont déjà vraiment des profits bien, bien,
bien évidents? Ça me surprendrait qu'on puisse aider. Et
même, M. le Président, je regardais - et j'espère que le
ministre a pris la lecture que la ville de Montréal en a faite - ils se
posaient comme interrogation que les 70 heures n'entraîneront
sûrement pas un revenu, mais plutôt des dépenses, et qu'il
est à craindre que les commerces de petite et de moyenne tailles ne
soient pas à même d'ouvrir pendant toutes les heures permises par
la loi.
M. le Président, la ville de Montréal se posait encore
d'autres questions, et le ministre a glissé littéralement dans ce
que la ville a mis en garde. La ville de Montréal a mis en garde le
ministre au moment où ils avaient une correspondance et elle disait,
finalement: "Vous démontrez ici votre volonté de ne permettre, le
dimanche, que l'ouverture du véritable commerce de dépannage." Ce
qui n'est plus le cas avec l'amendement, M. le Président. Toutefois, si
les cadres ni le personnel de sécurité ni les
préposés à l'emballage ne sont inclus dans ce plafond de
quatre employés, nous craignons que cette permissivité ne vienne
pervertir votre volonté de limiter le commerce au véritable
dépannage.
Il y aura lieu, ici, d'être beaucoup plus restrictif et c'est tout
à fait l'inverse, M. le Président, avec les amendements que nous
a proposés le ministre, auxquels nous devons faire face. Cette mise en
garde que faisait la ville de Montréal, et ce n'est pas la moindre des
villes, fait en sorte que, M. le Président, il aurait été
souhaitable que le ministre, encore une fois, prenne davantage de temps et
écoute davantage aussi l'ensemble des intérêts, non pas
seulement des plus importants, des plus grosses chaînes, M. le ministre,
mais aussi l'intérêt autant des petits consommateurs. Il aurait
été souhaitable non pas qu'il refuse d'entendre les
consommateurs, tel que l'avait proposé l'Opposition, mais qu'il les
écoute plus avantageusement. Ça aurait été la
façon de défendre les véritables intérêts des
consommateurs. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée. Mme la députée de Verchères.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. M. le ministre, je
vais être brève. On l'a vécu ensemble en commission, vous
savez très bien, M. le ministre, qu'on ne partage pas le même
point de vue. Je respecte le vôtre et j'espère que vous allez
respecter le mien. Mais je suis convaincue
que, sur un point, on va tomber d'accord. On a été en
mesure de constater, ce soir, M. le ministre, que ça soulève
énormément d'émotivité. Vous avez de vos
collègues qui ont parlé, qu'on n'avait pas entendus depuis
longtemps. Ils se sont manifestés. Pourquoi? La même chose de
notre côté. On a même blessé des gens qui voulaient
intervenir contre le projet de loi. Donc, je pense que, là, on est
d'accord pour dire que ça soulève de
l'émotivité.
Pourquoi? J'ai une explication. Peut-être qu'encore là vous
ne serez pas d'accord, mais lorsque les gens ont à vivre avec cette loi,
ils vont avoir à vivre tous les jours avec. Ils vont se frotter à
ça, tous les jours. C'est peut-être une des raisons. Donc,
ça va les affecter dans leur vie quotidienne, pour la plupart; pour
d'autres, c'est une question de suivie. C'est à ces facteurs-là
que j'attribue ça. Ici, même dans cette Chambre, ça
soulève autant d'émotivité. Et si on avait raison, les
pétitions, M. le ministre. Et si on avait raison, les motions qu'on a
présentées en Chambre, des télégrammes que j'ai
reçus dans mon comté. Ça, c'est à part des motions
qu'on a présentées. Ça d'épais de pétitions
non conformes, mais elles sont là quand même. C'est des gens
pareil. C'est techniquement qu'il a manqué quelque chose. Et si on avait
raison de dire que c'est une majorité qui n'en veut pas, vous vous
imaginez la contestation qu'on va avoir? Les gens voulaient tellement
intervenir qu'on a même choqué des collègues parce qu'ils
n'ont pas eu le temps. Moi, je me garde cinq petites minutes et j'attends
depuis le début de la soirée pour faire mes cinq petites minutes,
mais je vais être brève. Je vais tout simplement insister sur deux
petits points.
M. le ministre dit: On peut ouvrir après 8 heures et avant...
Mais, M. le ministre, vous êtes trop intelligent pour essayer de me faire
croire ça! Tu as un commerce, l'autre ouvre à 8 heures, tu ne
peux pas ouvrir à 9 heures. Vous connaissez trop... M. le
Président, M. le ministre connaît trop les lois du marché
pour croire à ça. Il va crever, l'autre, voyons donc! Un client
qui se cogne le nez sur une porte fermée se le cogne une fois, deux
fois; la troisième fois, il s'en va chez l'autre. Il ne vivra pas.
Ça, là, vous me permettrez, M. le ministre, de ne pas être
d'accord, mais pas du tout, avec ça.
Pour ce qui est du ministre du Tourisme que vous avez invité, je
relève deux petits points que vous avez donnes dans votre discours
tantôt. C'est vrai, je l'avoue, vous avez dit: Oui, je suis d'accord pour
qu'il vienne en commission, mais, M. le ministre, vous le savez très
bien, vous avez voté contre. Expliquez-moi ça? Vous dites: Oui,
je suis d'accord pour qu'il vienne. Il n'était pas question de demander
mer et monde au ministre du Tourisme. C'était simplement qu'il vienne
nous donner les balises, sa grille d'évaluation, nous dire comment
ça se passerait. Ce n'était pas une question d'empêcher
rien, quoique je demeure convaincue que c'est la porte ouverte vers la
libéralisation.
Je veux parler simplement de vos heures. Vous avez fait des amendements,
M. le ministre. C'est dans la bonne direction, vous êtes bien parti, ne
lâchez pas, attendez un petit peu et on va se mettre d'accord. Vous avez
apporté des amendements, et je sens qu'il y a un effort là, mais,
M. le ministre, une mère de famille... Il y avait un collègue,
tantôt, qui parlait d'une mère qui travaille, qui arrive à
17 heures et qui va chercher le bébé. Bien, elle ne pourra pas
aller chercher le bébé à 17 heures, chers
collègues. Elle est travailleuse dans un magasin et elle finit à
19 heures. À quelle heure va-t-eile arriver chez elle? Elle ne peut pas.
Vous dites: Le travailleur - et vous l'avez dit automatiquement à part
cela - le travailleur qui finit de travailler à 17 heures... Nos
travailleurs, ici, commencent à 8 heures et finissent à 19 heures
tous les soirs. Je pense à ma petite caissière. Je pense aux
femmes, surtout, qui vont être pénalisées là-dedans.
Il est 19 heures. On en a toujours, des retardataires, 19 h 30. Tu sais, le
client qui arrive à moins cinq. Vous savez ça? Bon! Il faut
qu'elle tolère sa demi-heure. Un client a toujours raison, 19 h 30. Elle
fait sa caisse, 20 heures. Elle rentre chez elle - donnez-lui une demi-heure en
autobus - 20 h 30. Elle arrive à 21 heures. Ses enfants sont
couchés. Elle va souper à 21 heures. Ce n'est pas grand-chose,
mais c'est les deux petites heures qui viennent empoisonner le quotidien de
bien des travailleuses. 8 heures le matin, à la rigueur, ça, je
me dis: Qu'elle se couche un petit peu plus de bonne heure et qu'elle se
lève un petit peu plus tôt... Tu sais, on ne peut pas gagner des
deux bouts. Moi, je vous le laisserais votre 8 heures, quoique, nous autres, on
demandait 8 h 30. Je vous le laisserais, mais, pour l'amour du ciel! 19
heures... Et ça, c'est les lundis et les mardis parce que les mercredis,
jeudis et vendredis, M. le ministre... Je ne vous dis pas que je
n'apprécie pas les efforts que vous avez faits, mais ça n'arrange
rien, c'est à 21 heures. Ça fait que refaites le même
calcul: l'autobus, la caisse et tout ça. Et là, on arrive dans le
temps des fêtes. Vous le savez, messieurs, vous le savez comment
ça se passe dans le temps des fêtes. Vous vivez dans le monde
ordinaire. Vous savez que c'est la course aux cadeaux. Vous en payez, vous le
savez qu'il faut aller magasiner dans le temps des fêtes. Bon! Les
cadeaux, l'arbre de Noël, le manger et, là, les travailleuses
jusqu'au 24 décembre... Ça n'a pas de bon sens. Moi, je pense
à ces travailleuses-là, et ça n'arrange rien. (1 h 30)
Ça fait que - j'ai dit que je serais brève -après
ça, j'arrive aux dépanneurs. Là aussi, je veux bien
considérer l'effort que le ministre a fait mais, bon sang le
dépanneur, il fait son
argent après que les autres sont fermés. Les travailleurs,
vers 18 et 20 heures, c'est son "rush". Leur magasin ordinaire,
l'épicerie est ouverte jusqu'à 19 heures. Vous venez de lui
enlever sa petite marge de profits qui l'empêchait de crever, là,
vous venez de la lui faire sauter, M. le ministre. Le dimanche, dans le temps
des fêtes, les journées de congé quand les écoles
sont fermées, on sait que ce sont les enfants qui vont au
dépanneur M'man, as-tu besoin du Coke, hein? Parce qu'ils veulent aller
chercher quelque chose. Vous venez d'ouvrir ça, tout le mois de
décembre. Moi, je ne pense pas qu'on va régler le problème
des dépanneurs. Et je vous donne ça simplement comme exemple. Les
fruiteries. On n'arrange pas plus le problème des fruiteries. C'est un
cas particulier, les fruiteries. Les fruits, il faut que ce soit frais, et
c'est plus fragile dans la manipulation. Là non plus, ce n'est pas
arrangé.
J'ai dit que je serais brève, il faudrait bien que je le sois.
Tout ce que je souhaite, c'est qu'on se trompe sur cette majorité
mécontente. On a des camionneurs en avant, on devait avoir des
serriculteurs mais ils ne sont pas venus parce qu'il ne sont pas arrivés
à se coordonner avec la Saint-Jean-Baptiste et les truckers", là,
bon, tout ça ensemble. Ça fait qu'on en a évité un
groupe. Moi, je pense qu'on va avoir des travailleurs et des travailleuses et
des gens qui vont manifester. Ça implique trop... ça les affecte
trop, je pense, ça les touche de trop près.
Et là, je vais simplement souligner la manière de faire.
Le bâillon, c'est bien sûr qu'on l'a eu, sur celle-là comme
sur les autres. C'est inacceptable, bien sûr. Et, M. le Président,
là je vais utiliser ma minute, bien vouloir transmettre à M. le
ministre que le pouvoir exercé avec excès est la
démonstration d'une faiblesse et je pense que M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie a la force et est capable de ne
pas faire cette démonstration-là. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée. M. le ministre.
M. GéraU Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Je voudrais mentionner... On a
mentionné tout à l'heure que la ville de Montréal avait
émis une lettre, c'est vrai, mais avant les amendements. Je serais
curieux de connaître la position de la ville de Montréal
aujourd'hui. On parle beaucoup des pétitions contre qui ont
été déposées. Je serais curieux de connaître
la même position, avec les amendements, des quincailleries, des SIDAC et
des marchands de meubles. Quand on parle... La députée de
Verchères mentionne que les commerces ouvrent à 8 heures, les
gens vont devoir ouvrir. Alors, comment peut-on m'expliquer qu'aujourd'hui les
commerces peuvent ouvrir à 8 h 30, mais les commerces ouvrent à 9
heures et 9 h 30, et personne ne se sent obligé d'ouvrir à 8 h
30? On mentionne également que, même si les commerces ouvrent
à 8 heures, la dame ou l'homme va devoir travailler jusqu'à 19
heures, onze heures par jour. Je voudrais rappeler à la
députée de Verchères que le travailleur syndiqué
est très bien protégé par les conventions collectives.
Dans le secteur de l'alimentation où c'est non syndiqué, plus de
40 heures de travail c'est temps et demi, et 44 heures dans les non-secteurs
c'est temps et demi. Les commerçants savent compter et, habituellement,
ils ne font pas travailler les travailleurs onze et douze heures par jour.
On a parlé beaucoup du dépanneur. En commission
parlementaire, vous nous avez clairement expliqué que le
dépanneur n'avait pas la même clientèle. Ça
coutaît de 15 % à 30 % plus cher et, aujourd'hui, vous nous avez
dit que les gens ne feront par leur épicerie chez le dépanneur.
Aujourd'hui, vous nous reprochez de permettre à des commerçants
qui opèrent des commerces d'alimentation d'ouvrir. Finalement, pour les
fruiteries, ce qui a été mentionné pour les fruiteries,
c'est en contradiction avec la position de l'Opposition avec laquelle nous
sommes d'accord.
Le Président: M. le député de
D'Arcy-McGee.
M. Robert Ubman
M. Libman: m. le président, j'attends le... le
débat actuel est un véritable débat de
société. la notion d'approcher une plus grande commercialisation
et une plus grande liberté en est une qui aura d'importantes
conséquences sur notre société. au lieu d'intervenir de
façon hypothétique sur les différents
éléments contenus dans cette loi, j'aimerais m'en tenir aux
éléments qui me touchent de façon personnelle. notamment,
le cas des marchés aux puces en est un qui me préoccupe. Les
marchés aux puces, M. le Président, ne sont pas que des endroits
où il y a de simples échanges matériels et financiers. Les
marchés aux puces sont des lieux de rencontre et de divertissement
social, de véritables foires culturelles. Les gens qui
fréquentent les marchés aux puces n'y vont pas dans l'intention
ferme d'y ramener une partie de leur épicerie ou de fournir leur garage
d'outils de jardinage. Les gens qui fréquentent les marchés aux
puces y vont plutôt dans le but d'y découvrir d'agréables
surprises et, cela, souvent dans un contexte familial. Si on ne permet pas
l'ouverture des marchés aux puces, pourquoi permettre toute autre forme
de divertissement susceptible d'être une activité familiale, tels
que le cinéma, le théâtre, les concerts et même les
restaurants? À mon avis, M. le
Président, les marchés aux puces ont plus de ressemblance
avec le théâtre moderne qu'ils n'en ont avec les grandes surfaces
commerciales, et c'est précisément ce point qui n'est pas
reflété dans le projet de loi. Je trouve triste le fait de
simplement éliminer une activité sociale devenue très
fréquente et nécessaire.
Les marchés aux puces - et tous les membres du gouvernement sont
d'accord - it is a place where there is socializing, negotiating, bargaining,
laughing. It is rich in diverse cultures and, franchement, can anyone here
realize that flea markets will no longer be open on Sundays in this province?
It is something that we all have become used to and something that we do on
Sundays, something that gives us something to do on Sundays, and will be
eliminated from our activities and our recreactivi-ties.
Even cultural communities will be hard hit by this new law. Cultural
communities have found flea markets to be of great value, where they can offer
or find bargains, where they can work. It is an opportunity to work for them,
and even make greater contacts with the majority communities. And another
argument, something that notre formation politique a articulé
clairement, que nous étions en faveur de l'ouverture des commerces le
dimanche. Mais votre argument, the argument that it is not obligated to open on
the other hours, these certain hours during the week, but the hours are now
made available for merchants, do you really believe they can be seen in this
light? And this is where we have to agree strongly with the Official
Opposition. Obviously, if these hours are available, the pressure of
competition will force merchants to open during those hours.
Finalement, M. le Président, en terminant, I think it should also
be mentioned that the Minister of Industry, Trade and Commerce, who is the
Member for Outremont, has a large Jewish community is his riding who made
strong representations at these hearings of the importance to be able to open
on Sunday because their day of rest is on Saturday. Obviously, there is a
regulation that says they can have an authorization from an organization, such
as the Canadian Jewish Congress, saying that because they practise certain
religious belief, they should be able to open on Sunday instead of Saturday.
But these organizations have expressed in public hearings opposition to this
aspect because they feel they have to pry into the personal religious belief of
the community to be open on Sunday. And this is another reason we feel that
there should be major changes to this law.
Alors, sur ce, M. le Président, je ne prendrai que peu de temps
pour dire, en terminant, que nous avons l'intention, notre formation politique,
de nous opposer à ce projet de loi. Merci.
Le Vice-président (M. Cannon): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee. M. le ministre de l'Industrie et du
Commerce.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, le point de vue
du député de D'Arcy-McGee et de plusieurs députés
de la deputation ministérielle sur les marchés aux puces a
été entendu et est très valable, et c'est la raison pour
laquelle une modification a été apportée au projet de loi
pour permettre l'ouverture des marchés aux puces le dimanche.
Première remarque. (1 h 40)
Deuxième remarque. En ce qui concerne - il faudrait regarder les
amendements - l'article 9, pour les croyances religieuses, encore une fois j'ai
écouté, en commission parlementaire, les représentations
du Congrès juif, qui m'a dit que c'était peut-être
discriminatoire de leur demander de porter un jugement de valeur sur la
croyance de leurs membres. J'ai été à l'écoute,
j'ai éliminé à l'article 9 toutes ces
dispositions-là. Alors, étant à l'écoute du
député de D'Arcy-McGee, j'espère que, demain, le groupe du
Parti Égalité va pouvoir voter pour le projet de loi.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. M.
le leader parlementaire de l'Opposition.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. S'achèvera
dans quelques minutes un débat sur le rapport qui fait suite à un
bâillon,- M. le Président, et le ministre, qui a essayé de
s'encenser toute la soirée en disant qu'il s'était mis à
l'écoute du monde, s'est organisé pour se faire dire * par
quelques-uns de ses collègues qu'il s'était mis à
l'écoute du monde.
Je rappellerai, M. le Président, que ce débat-là a
commencé par une commission parlementaire, qu'il avait
écouté le monde et qu'il a déposé un projet de loi
qui ne tenait pas compte, pas une minute, pas une miette, comme on dit en bon
Québécois, de ce qu'il avait entendu en commission parlementaire.
Pour un gars qui écoute, il y avait une différence entre entendre
et comprendre. C'était clair et net, parce que ce n'est pas ce que que
les gens avaient dit en commission parlementaire que l'on retrouvait dans le
projet de loi. D'ailleurs, c'est une bien drôle de façon de
légiférer que d'arriver à la dernière minute,
après qu'on eut imposé un bâillon et qu'on n'eut pas pu
discuter seulement des amendements, avec 25 amendements à 34 articles,
M. le Président. Il faut le faire. "C'est-u" un ministre qui
écoute?
II a écouté, M. le Président, la loi du gros bon
sens, parce que, dans son caucus - je ne nommerai pas les
députés, par respect pour eux - des députés sont
venus me dire: Tu ne me verras pas en Chambre, Chevrette. C'est vrai qu'ils
n'étaient pas en Chambre pour voter même le bâillon. Ils
sont venus me dire: J'abandonne la commission parlementaire, je ne peux
même pas supporter ça, il ne comprend pas, il n'a même pas
compris pendant les audiences publiques. Il arrive ce soir, M. le
Président, avec des amendements où il diminue à sept
heures deux jours. Vous savez, lundi et mardi. Il fait plaisir à qui,
là? Est-ce qu'il en a donné juste assez pour que le
député de tel ou tel comté vienne à bout de rentrer
pour voter? Est-ce que c'est ça qui l'a amené à modifier
son projet de loi, lui qui écoutait? Il me semblait que c'étaient
les groupes qui témoignaient, M. le Président, qui devaient
l'amener à la raison dans la rédaction de son projet de loi. Bien
drôle de façon de légiférer que d'arriver avec 25
amendements.
Est-ce que Mme la députée pourra voter pour le projet de
loi maintenant qu'on a introduit les "puces" le dimanche en disant: Maintenant,
ça pourra être jusqu'à 50 $ pour les produits neufs? Est-ce
qu'il y en a quelques-uns qui vont pouvoir réintégrer le bercail
et dire: Bon, il en a mis assez pour que je puisse voter maintenant? M. le
Président, ce n'est pas ça légiférer. Quand le
ministre dit qu'il a écouté, il n'a pas écouté du
tout, il a voulu sauver les meubles à l'intérieur même de
son parti, parce que c'était de plus en plus contesté à
l'intérieur même, parce que la Coalition se promenait et pariait
à ses propres députés et qu'elle leur disait: Ça
n'a pas de bon sens. Les dépanneurs de mon milieu à Matane, par
exemple, ont abandonné les commerces pour manifester lundi. C'est parce
qu'ils sont satisfaits du ministre? De son projet de loi?
Une voix: Ah oui!
M. Chevrette: Parce qu'il a écouté lors des
audiences? Non, c'est l'ensemble d'événements comme à
Matane, puis comme un peu partout à travers le Québec. Le
ministre a été obligé, par ses collègues qui lui
ont dit: Écoute, plie un petit peu. Tu as l'air fou, là. Tu as
l'air insignifiant. Tu vois bien que tout le monde ne veut pas, puis qu'il n'y
a que toi à voir la vérité. M. le Président, qu'il
ne vienne pas nous faire accroire que c'est parce qu'il a écouté,
ce gars-là. Qu'il ne vienne pas nous faire accroire que c'est parce
qu'il avait compris quelque chose. C'est son propre entourage qui lui a dit: II
faut que tu aies l'air de comprendre quelque chose. Comprends, comprends pas,
essaie de démontrer que tu as l'air de comprendre. C'est ça
fondamentalement qui s'est produit dans ce processus de législation, M.
le Président. Et, dimanche, les grandes surfaces pourront siéger
avec quatre employés, ouvrir: l'agent de sécurité, le
pâtissier, le patron, et sans doute qu'il se glissera des membres de la
famille à travers ça. Bien sûr. Ah non! ils n'ont pas le
droit. Imaginez-vous, ils n'ont pas le droit. Il faut donc être
complètement déconnecté des réalités. Qui va
oser se plaindre, imaginez-vous, qu'il y a eu un peu trop de monde à un
moment donné, à une demi-heure? Oui, imaginez-vous, quand on sait
comment ça marche! S'il y a un secteur où il y a une
vulnérabilité au niveau des employés, c'est bien le
secteur de l'alimentation, indépendamment qu'il y ait une force
syndicale. Il y a une vulnérabilité extrêmement grande.
Il faut connaître un peu le monde syndical. Il ne faut pas
analyser ça en grand théoricien et technocrate. Il faut aller
voir sur le plancher. On aime ça, parier de plancher, dans ce projet de
loi là? Allez donc sur le plancher, voir ce qui se passe. Vous allez
voir quelles pressions indues s'exercent sur le monde du travail et vous allez
peut-être comprendre que vous êtes déconnecté des
réalités.
Le ministre avait dit, vous vous rappellerez: Écoutez, moi, je ne
magasine pas le dimanche. Je vais l'emmener magasiner un petit peu le dimanche,
lui, dans les grandes surfaces, et il regardera comment ça marche. M. le
Président, ils ont diminué ça à 19 heures, de 18
heures à 19 heures le lundi et le mardi. Vous savez, ouvrir une
concurrence pour le plaisir d'en ouvrir une à des petits
dépanneurs qui font vivre des petites familles, pourquoi? Qu'est-ce que
ça lui donne à lui, là? Qu'est-ce qu'il vient faire de
bien pour le consommateur québécois, quand le consommateur
québécois n'aura plus cette diversité parce que plusieurs
auront été obligés, forcés, d'abandonner parce que
ce n'est plus assez payant?
Quel bienfait pour le consommateur est-ce que ce sera à ce
moment-là, lorsque les monopoles mettront l'emprise de plus en plus
forte dans le marché de l'alimentation? Qu'est-ce que ça va
faire, ça? Il ne sera même pas capable de nous répondre
pourquoi il laisse ça de 18 heures à 19 heures. Il faut regarder
quel monde... Les garderies de 18 heures à 19 heures, le lundi, vous
savez, comme par hasard, ça va être facile pour ce
monde-là. On légifère pourquoi? On vise quoi quand on fait
des choses du genre, M. le Président? On fait plaisir à qui quand
on fait ça, fondamentalement? On se fait plaisir ou on fait plaisir
à quelqu'un? Je ne peux pas voir à qui.
Que Provigo ne soit pas ouvert de 18 heures à 19 heures le lundi
et le mardi, par exemple, qu'est-ce que ça va déranger,
ça? Si ça accorde une petite part du marché et si
ça empêche des petits dépanneurs de coin de rue, à
Montréal ou dans diverses villes, de fermer, qu'est-ce que ça va
changer? Qu'est-ce que ça va vous ôter, vous autres, au Parti
libéral? À qui en devez-vous pour ouvrir de 18 heures à 19
heures le mardi, par exemple?
Ce n'est pas compréhensible. Est-ce qu'on légifère
pour le plaisir de légiférer? On n'est pas supposé parler
pour ne rien dire. Mais vous voulez dire quoi par ça? Vous visez quoi
par ça? Est-ce qu'il aurait fallu qu'on fasse tous comme à
Matane, suggérer à tout notre monde de sortir dans les rues pour
vous démontrer qu'on ne l'aimait pas, votre loi? Il me semble qu'il y a
des députés qui vous l'ont dit, dans votre propre entourage, des
députés qui étaient déchirés, des
députés qui ne voulaient même pas voter pour le projet de
loi du ministre, et ils avaient au moins le courage de le dire dans les
passages. J'aurais préféré qu'ils le disent ici, mais ils
avaient au moins le courage de le dire dans les passages.
Puis le ministre dit: J'étais à l'écoute. Je les ai
écoutés pendant de nombreuses heures. Puis il a
rédigé un projet de loi tout croche et tout de travers. Et,
à la dernière minute, après avoir imposé un
bâillon, là, il dépose 25 amendements; 25 amendements, 34
articles. Quel bon législateur! Quel excellent technocrate! Qui
légifère pour qui? Tantôt, il a osé dire qu'il se
portait à la défense des consommateurs. Là, j'ai dit: Le
ridicule ne tue pas, parce qu'on aurait un député de moins ce
soir!
Se porter à la défense des consommateurs dans le
présent projet de loi, ça veut dire quoi? Il y a bien des
façons. Il y a ceux qui n'ont pas de vision, qui n'ont qu'une courte
vue, qui disent: Mais le consommateur, il va avoir plus de magasins d'ouverts
pendant une heure de 18 heures à 19 heures le mardi. Oh! quelle chance
aura ce consommateur! Ils vont ouvrir un peu plus de bonne heure le matin: oh!
quelle chance il aura! Et qui va craquer au bout de la course et qui va se
ramasser avec des monopoles et qui sera à la merci justement de ces
monopoles? Ce sera le consommateur. Puis qui dérangez-vous quand vous
faites ça, quand vous dites: Les normes du travail... ils ont des
syndicats? Aie! "Faut-u" être déconnecté de la vie!
Vous savez qu'on a cherché à avoir des
accréditations multipatronales, multisectorielles,
précisément pour que dans certains coins de rue on puisse avoir
des normes qui correspondent un peu à ce milieu de travail, parce que,
dans les milieux où le patron a un ou deux employés, vous savez
pertinemment que la syndicalisation est très difficle. Et, là, il
dit: Ils sont bien défendus. Mais où vit-il, ce gars-là?
Sur quelle planète est-il venu au monde pour ne pas savoir ce qui se
passe concrètement dans le milieu? Allez donc à Matane pour voir
si les petits dépanneurs de coin de rue sont syndiqués. Venez
donc à Joliette. Vous viendrez me dire si les dépanneurs de coin
de rue sont syndiqués. Vous vivez sur quelle planète, cher
ministre? Je pense que c'est un martien, M. le Président, mais s'il
avait un tantinet de gros bon sens quand il se débat et qu'il dit qu'il
veut représenter les consommateurs... Il s'organise pour ne pas que les
consommateurs aient de la diversité, justement. Il se permet de dire:
Bien oui, ce sera meilleur. (1 h 50)
M. le Président, une société se doit-elle de donner
des chances aussi aux gagne-petit? Notre société... 70 % de la
main-d'oeuvre, au Québec, est issue de petites entreprises, de petites
unités. Je comprends que quand on a des idées de grandeur on ne
pense qu'aux grands et aux gros mais, ça, ça se paie. C'en est
une forme d'arrogance de pouvoir que de penser en fonction du milieu dans
lequel on est ne ou dont on est issu et dire que la société, elle
n'est pas ça, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le leader de
l'Opposition. M. le ministre.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Si le député avait pris
connaissance des amendements, je pense qu'il réaliserait que, sur les 25
amendements, il y a trois amendements de fond, dont deux qui avaient
déjà été annoncés avant la commission
parlementaire, et l'autre amendement, c'est les marchés aux puces. Les
22 autres amendements, c'est uniquement une clarification ou encore des
amendements de concordance dont rien de majeur.
Deuxièmement, on parle des pressions. Un des membres de la
Coalition contre, président des marchands de meubles, a passé
beaucoup de temps ici pour faire valoir son point de vue. Même s'il n'a
pas eu l'opportunité, en commission parlementaire, de le faire, j'ai eu
de nombreuses discussions avec le président des marchands de meubles,
qui s'adonne à être un résidant du comté de
Joliette. Posez-lui donc la question, aujourd'hui, pour savoir s'il est
satisfait du projet de loi amendé.
Que les députés de la deputation ministérielle
m'aient fait des suggestions, je le reconnais et je les en remercie. C'est le
devoir d'un député de faire valoir le point de vue de ses
commettants et je suis très content de les avoir écoutés
et d'avoir apporté des modifications qui répondent aux besoins de
toutes les régions du Québec. Enfin, la dernière question
du député de Joliette: Pourquoi de six à sept? Il faudrait
peut-être le demander aux consommateurs.
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, tel
qu'annoncé avant le début du débat sur le projet de loi
75, nous allons mettre aux voix le rapport de la commission de
l'économie et du travail sur le projet de loi 75, Loi sur les heures et
les jours d'admission dans les établissements commerciaux, ainsi que les
amendements transmis par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie et les amendements transmis par
Mme la députée de Taillon. Est-ce que les amendements
présentés par Mme la députée de Taillon aux
articles 2 et 4 ainsi que trois amendements à l'article 5 sont
adoptés?
M. Chevrette: Appel nominal.
Le Vice-Président (M. Cannon): Appel nominal.
Également, est-ce que les amendements... Qu'on appelle les
députés!
(1 h 55 - 2 h1)
Le Vice-Président (M. Cannon): Mmes les
députées et MM. les députés, veuillez prendre vos
places, s'il vous plaît.
Mise aux voix des amendements présentés
par l'Opposition
Je mets aux voix, d'abord, les amendements présentés par
Mme la députée de Taillon aux articles 2 et 4, ainsi que trois
amendements à l'article 5. Que ceux et celles qui sont en faveur de ces
amendements veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron
(Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon
(Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M.
Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Vic-torin), M. Paré
(Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M.
Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Bourdon
(Pointe-aux-Trembles), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme
Dupuis (Verchères).
Le Vice-Président (M. Cannon): Que ceux et celles qui sont
contre ces amendements veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: Mme Gagnon-Tremblay
(Saint-François), Mme Bacon (Chomedey), M. Bourbeau (Laporte), M.
Séguin (Montmorency), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), M.
Dutil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Margue-rite-Bourgeoys), M.
Johnson (Vaudreuil), M. Cu-sano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Bleau
(Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viper), M. Maltais (Saguenay), M.
Bélisle (Mille-Iles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M.
Hamel (Sherbrooke), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M.
Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M.
Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M.
Charbonneau (Saint-Jean), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail
(Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Gobé (LaFontaine), Mme
Hovington (Matane),
M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie),
Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette
(Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M.
Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière
(Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau), M. Libman
(D'Arcy-McGee).
Le Secrétaire: pour 21 contre: 51
Le Vice-Président (M. Cannon): Les amendements sont donc
rejetés.
Mise aux voix des amendements présentés
par le ministre
Je vais maintenant mettre aux voix les amendements
présentés par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie, qu'il s'agisse de modifications, de remplacements ou de
suppressions d'articles ou de l'introduction de nouveaux articles, à
savoir les amendements aux articles 1, 2, 3. 1, 4 et 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12.
1, 13, 14, 15, 15. 1. 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 30. 1, 31. 1 ainsi que
dans la version anglaise, les amendements communs aux articles 4 à 8,
les amendements aux articles 2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 20,
25, 29, 30, à l'intitulé de la section II et au titre du projet
de loi et finalement la motion de renumérotation. Que ceux et celles qui
sont en faveur de ces amendements veuillent bien se lever. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, je demanderai
d'inverser le vote, à moins que le député de l'Equality
s'oriente...
Le Vice-Président (M. Cannon): M. le leader adjoint du
gouvernement, est-ce qu'il y a consentement pour inverser le vote?
M. Johnson: M. le Président, je souscris à cette
suggestion.
Le Vice-Président (M. Cannon): La motion est donc... M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Nous votons en faveur des amendements
présentés par le ministre.
Le Vice-Président (M. Cannon): C'est donc inversé,
donc...
Le Secrétaire: pour 51 contre: 21
Le Vice-Président (M. Cannon): Ces amendements sont donc
adoptés.
Mise aux voix du projet de loi et du rapport
Je vais à présent mettre aux voix l'ensemble du projet de
loi 75, Loi sur les heures et les jours d'admission dans les
établissements commerciaux, tel qu'amendé, suivant les votes
précédents. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: Mme Gagnon-Tremblay
(Saint-François), Mme Bacon (Chomedey), M. Bourbeau (Laporte), M.
Séguin (Montmorency), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), M.
Dutil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M.
Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Hou-de
(Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Bélisle
(Mille-Îles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel
(Sherbrooke), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M.
Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Doyon (Louis-Hébert), M.
Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M.
Charbonneau (Saint-Jean), M. Gau-vin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail
(Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Gobé (LaFontaine), Mme
Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M.
Bor-deleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), Mme
Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M.
Brouil-lette (Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal
(Châteauguay), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M.
Lafrenière (Gati-neau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan
(Pa-pineau).
Le Vice-Président (M. Cannon): Que ceux et celles qui sont
contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron
(Duplessis), Mme Blackburn (Chi-coutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon
(Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M.
Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M.
Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré
(Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M.
Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Bourdon
(Pointe-aux-Trembles), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme
Du-puis (Verchères), M. Libman (D'Arcy-McGee).
Le Secrétaire: pour: 49 contre: 22
(2 h 10)
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, la motion est
adoptée. je vais enfin mettre aux voix, tel qu'amendé, le rapport
de la commission de l'économie et du travail qui a étudié
en détail le projet de loi 75, loi sur les heures et les jours
d'admission dans les établissements commerciaux. que ceux et celles qui
sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever. m. le leader.
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui. Non. C'était
sur l'ensemble du projet de loi. Et là, maintenant, c'est
amendé.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, je voudrais
suivre. On a commencé par voter pour ou contre les amendements de Mme la
députée de Taillon. On est allé à ce
moment-là pour ou contre les amendements présentés par le
ministre et on a pris le même vote pour les amendements du ministre, mais
inversé. Là, après qu'on a eu adopté les
amendements et qu'on en a eu rejeté, c'est donc le rapport
amendé?
Une voix: C'est le projet de loi.
M. Chevrette: C'est la troisième lecture. La
troisième lecture du projet de loi va s'adopter demain...
Une voix: Non, non.
M. Chevrette:... à ce que je sache.
Une voix: Non.
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, je vais vous faire
la lecture du libellé, M. le leader. Alors, je vais mettre à
présent aux voix l'ensemble du projet de loi 75, loi sur les heures...
Alors, est-ce que je comprends, M. le leader, qu'il s'agit, à la demande
du leader adjoint du gouvernement, du même vote?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Cannon): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, compte tenu - je le dis avec
toute sérénité - du caractère imprévisible
des votes du député de D'Arcy-McGee, on pourrait peut-être
lui demander comment il entend voter sur ce quatrième vote.
Une voix: D'habitude, il ne le dit pas, mais là, il a dit
oui.
Le Vice-Président (M. Cannon): M. le député
de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Sur cette quatrième motion, je vais voter avec
l'Opposition officielle.
Des voix: Ah! Ah!
le secrétaire: pour: 49 contre: 22
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, la motion est
adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît. M.
le leader.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 21 du feuilleton.
Projet de loi 76 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, à l'article
21 de notre feuilleton, M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la
Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle propose
l'adoption du principe du projet de loi 76, Loi modifiant la Loi sur la
sécurité du revenu et la Loi sur la santé et la
sécurité du travail. Alors, je suis maintenant prêt
à reconnaître M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. La Loi sur la
sécurité du revenu que cette Assemblée a adoptée en
décembre 1988 remplaçait la Loi sur l'aide sociale qui datait du
début des années soixante-dix. Au plan législatif, la
nouvelle loi imposait...
Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse, M. le
ministre. On va attendre quelques instants afin que les collègues
quittent l'enceinte de l'Assemblée. Ceux et celles qui demeureront,
j'apprécierais votre collaboration et le respect du règlement.
Alors, M. le ministre.
M. Bourbeau: Oui, M. le Président. La Loi sur la
sécurité du revenu, comme je le disais tout à l'heure, que
cette Assemblée a adoptée en décembre 1988,
remplaçait la Loi sur l'aide sociale qui, elle, avait été
adoptée au début des années soixante-dix. Au plan
législatif, la nouvelle loi imposait ou apportait un défi de
taille. Il fallait en effet transposer dans le contexte des années
quatre-vingt-dix un régime juridique adapté à une autre
époque, celle du début de l'aide sociale où les deux tiers
des prestataires étaient sévèrement handicapés ou
inaptes au travail. Aujourd'hui, la clientèle de la
sécurité du revenu, dans une proportion des trois quarts, est
apte au travail. Il faut donc introduire dans le régime de la
sécurité du revenu des dispositions conformes à
l'incitation au travail des personnes capables d'occuper un emploi.
À bien des égards, nous avons donc innové. Nous
sommes sortis des sentiers battus et nous avons adopté des dispositions
législatives originales qui n'avaient jamais subi l'épreuve de la
mise en application, dans un régime de sécurité publique
au Canada. J'ai affirmé à quelques reprises qu'il faudrait
éventuellement apporter des retouches à cette loi, que certaines
dispositions étaient, pour ainsi dire, mises à l'essai et que
l'expérience seule nous permettrait d'en évaluer la portée
réelle. Même si la loi a été conçue avec la
plus grande précaution, l'application des dispositions les plus
innovatrices peut révéler des surprises ou être
confrontée à des situations inattendues ou difficilement
prévisibles.
Depuis le 1er août dernier, nous avons commencé à
implanter la réforme de l'aide sociale, c'est-à-dire à
traduire en gestes administratifs et en opérations fonctionnelles les
énoncés de la loi. Certains ajustements méritent
d'être effectués pour faciliter cette transition entre l'esprit de
la loi et la réalité de son implication. Quant au Programme
d'aide aux parents pour leurs revenus de travail, le programme APPORT, il est
entré en vigueur le 1er janvier 1988 et il doit être
périodiquement révisé en fonction de l'évolution de
la fiscalité des familles et des particuliers pour des raisons que
j'expliquerai dans quelques instants. En présentant le projet de loi 76,
Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, nous voulons
procéder à ces précisions et à ces correctifs. Le
projet de loi concerne surtout le programme APPORT. Ces modifications
législatives n'affectent en rien le fondement du régime de la
sécurité du revenu et les principes qui le sous-tendent. En plus
des modifications au programme APPORT, le projet de loi 76 propose quelques
amendements au programme de la sécurité du revenu pour les
personnes aptes au travail et au programme Soutien financier qui s'adresse aux
personnes souffrant d'un handicap d'une certaine gravité.
Le programme APPORT s'adresse aux familles de travailleurs à
faible revenu. Il apporte à ces familles un supplément de revenu
sous forme d'allocation mensuelle, afin de les inciter à demeurer sur le
marché du travail, même si leur salaire se situe à un
niveau relativement bas. Le programme APPORT met fin à la situation
absurde qui a prévalu dans les années quatre-vingt au
Québec, selon laquelle il était plus payant pour un chef de
famille de recevoir passivement des prestations d'aide sociale que de
travailler à temps plein au salaire minimum. Avec l'augmentation de 25 %
du taux du salaire minimum depuis quatre ans et l'entrée en vigueur du
programme APPORT, nous avons rétabli une situation de bon sens voulant
qu'il soit, pour une personne apte au travail, plus payant, à tous
égards, de travailler que de recevoir passivement des prestations de la
sécurité du revenu. Le programme APPORT souffre d'une certaine
complexité parce qu'il doit tenir compte de multiples situations
vécues par les familles de travailleurs à faible revenu, soit
la précarité fréquente des emplois, la
difficulté de prévoir les gains de travail annuels, l'obligation
de tenir compte de diverses sources de revenu dont celles de
l'assurance-chômage, les divers changements dans le statut conjugal et
dans la garde des enfants, etc. Tels sont les grands paramètres du
programme APPORT. (2 h 20)
Le projet de loi 76 suggère des modifications d'ordre fiscal
visant à compléter l'harmonisation de ce programme, d'une part
avec les autres composantes du régime de la sécurité du
revenu et, d'autre part, avec l'ensemble des mesures gouvernementales d'aide
aux familles. Par-delà les dispositions de concordance que contient le
projet de loi, deux groupes de dispositions illustrent bien notre
volonté d'harmonisation et de cohérence fiscales. Les unes se
rapportent à la garde partagée et l'autre concerne le mode de
calcul du revenu de la famille.
Le programme APPORT comporte présentement sa propre façon
de tenir compte des frais inhérents à la garde partagée
des enfants. Lorsqu'un ou plusieurs enfants sont pris en charge par plus d'une
famille, les deux familles peuvent être admissibles au programme APPORT.
Il faut cependant déterminer un mécanisme d'évaluation de
la charge financière qui incombe à chacun des parents qui
assument une partie de la garde.
Sans entrer dans le détail, il y a lieu de souligner que la
méthode choisie dans le passé pour évaluer cette
contribution des parents ne s'est pas avérée parfaitement
équitable pour les familles monoparentales de deux enfants dont la garde
est partagée. Nous proposons un mode d'évaluation
différent qui fait en sorte, par exemple, que la prestation d'APPORT
versée à une famille monoparentale d'un enfant sans garde
partagée soit la même que celle offerte à une famille de
deux enfants dont chacun des parents assume séparément la
moitié de la garde.
Une autre modification importante au programme APPORT a trait au calcul
du revenu. On sait que les allocations versées en vertu du programme
APPORT sont effectuées sur une base mensuelle, à partir d'une
évaluation du revenu de l'année. Dans les faits, on
supplémente le revenu de travail d'un mois à un autre. On s'est
rendu compte que les personnes qui reçoivent des prestations de la
sécurité du revenu pendant quelques mois de l'année sont
désavantagées par rapport aux autres travailleurs à faible
revenu du simple fait que les prestations qu'elles ont reçues ou
qu'elles recevront plus tard viennent réduire, et parfois même
annuler, les gains du programme APPORT.
C'est ainsi qu'un chef de ménage qui, pendant les six premiers
mois de l'année, a eu recours à la sécurité du
revenu et qui a travaillé le reste de l'année perd, à
toutes fins pratiques, l'avantage du programme APPORT. Par souci
d'équité et pour renforcer l'incitation au travail de ces
personnes, le projet de loi 76 propose de changer cette dynamique. Dans
l'exemple que je viens de donner, la personne recevrait l'aide du programme
APPORT pendant les six mois où elle occupe un emploi sans que ses gains
puissent être affectés par les prestations reçues
antérieurement du régime de la sécurité du
revenu.
Le projet de loi 76 apporte, par ailleurs, deux modifications qui, tout
en demeurant techniques, revêtent une importance un peu plus grande.
L'une d'elles permettra à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, la CSST, de conclure avec le
ministère une entente parfaitement encadrée portant sur
l'échange de renseignements. L'autre amendement consiste à
abroger la disposition selon laquelle une personne peut être passible
d'une amende si elle trompe, par réticence, un vérificateur du
ministère.
Dans le respect de la Loi sur l'accès aux documents publics et la
protection des renseignements personnels, le ministère de la
Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation
professionnelle a conclu quelques ententes sur l'échange de
renseignements avec d'autres organismes publics dont, par exemple, la
Régie des rentes. Ces ententes permettent au ministère de
demander à la Régie, une fois par mois, par exemple, par simple
contact informatique, d'identifier les clients de la sécurité du
revenu qui reçoivent une rente de la Régie des rentes.
Il faut comprendre que la sécurité du revenu
représente une aide de dernier recours et qu'en conséquence nous
avons l'obligation de rechercher les diverses sources de revenus que peut
recevoir une personne ou un ménage qui fait appel à cette aide.
En toute équité, la personne qui reçoit une rente
mensuelle ne peut pas être traitée sur le même pied que
celle qui n'en retire pas. En couplant, une fois par mois, les fichiers
informatiques de la sécurité du revenu avec ceux de la
Régie des rentes, on s'assure de ce traitement équitable.
Ce qui est valide pour la Régie des rentes l'est tout autant pour
la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Pendant le temps où une personne reçoit une indemnité de
la CSST, ses besoins essentiels sont partiellement ou même parfois
totalement couverts par cette indemnité, réduisant d'autant ou
même annulant le besoin de prestations de la Sécurité du
revenu. Le ministère a donc demandé à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail de pouvoir
procéder à un échange de renseignements. Cette demande a
été analysée par la Commission d'accès à
l'information qui l'a jugée tout à fait conforme à la loi
qu'elle administre, d'autant plus que le ministère ne veut pas avoir
accès au dossier médical de la personne, mais simplement savoir
si cette personne reçoit une indemnité ou un paiement
d'assistance médicale. J'entends d'ailleurs déposer, lors de
l'étude en commission parlementaire, un amendement au projet de loi
76
qui aura pour effet de restreindre à ces seules informations
financières les renseignements que la CSST peut transmettre au
ministère responsable de la Sécurité du revenu. Toutefois,
la Loi sur la santé et la sécurité du travail contient une
disposition plus restrictive sur la divulgation des renseignements que la Loi
sur l'accès aux documents publics et la protection des renseignements
personnels. Nous proposons donc une modification à la Loi sur la
Commission de la santé et de la sécurité du travail afin
de lever cet obstacle législatif et de pouvoir conclure une entente sur
l'échange de renseignements.
Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, plusieurs
lois du Québec, en vertu desquelles des vérificateurs sont
appelés à intervenir, contiennent une disposition voulant qu'une
personne s'expose à une amende si elle nuit à un
vérificateur dans l'exercice de ses fonctions, notamment, et je cite le
texte: "Si elle le trompe par réticence". Fin de la citation. C'est le
cas de la Loi sur les services de garde à l'enfance, de la Loi sur la
protection du consommateur, de la Loi sur la protection de la jeunesse, de la
Loi sur les pesticides, de la Loi sur le financement agricole et j'en passe un
grand nombre d'autres, M. le Président. Nous avions initialement
introduit dans la Loi sur la sécurité du revenu cette même
notion de "tromper par réticence" qui signifie qu'une personne qui,
sciemment, induit un vérificateur en erreur ou lui cache
délibérément des renseignements pourrait être
passible de poursuites. Quelques organismes, dont la Commission des droits de
la personne, ont jugé que cette disposition ne devrait pas
apparaître dans la Loi sur la sécurité du revenu. Bien
qu'une telle disposition identique existe et apparaisse dans une douzaine
d'autres lois du Québec, nous nous rallions quand même au point de
vue de la Commission des droits de la personne. Le projet de loi 76 propose
donc de remplacer cette disposition par un article plus général
disant qu'on ne doit pas faire obstacle à un vérificateur dans
l'exercice de ses fonctions.
J'annonce, avant de terminer, mon intention de déposer un
amendement au projet de loi 76 qui concerne le barème de
non-disponibilité. Permettez-moi d'expliquer la nature et la
portée de la modification que nous envisageons. En vertu de la loi,
certaines personnes sont considérées non disponibles à
travailler ou à participer à des programmes favorisant
l'intégration en emploi. Il s'agit des femmes enceintes, des personnes
malades, de celles qui assurent la garde d'un enfant de moins de six ans et des
personnes de 55 ans et plus qui en font la demande. Le niveau de la prestation
tient compte de leur non-disponibilité et le ministère n'incite
évidemment pas ces personnes à travailler ou à participer
à des mesures actives. (2 h 30)
Nous voulons ajouter à la liste des prestataires reconnus non
disponibles ceux et celles qui résident avec une personne dont
l'autonomie est réduite de façon importante en raison d'un
handicap phydque ou mental ou à cause de son âge. Autrement dit,
le prestataire qui partagera son logement avec une personne âgée
ou handicapée, en manque d'autonomie, et en prendra soin sera admis,
sans autre formalité, au barème de non-disponibilité.
C'est-à-dire qu'il recevra une prestation plus élevée que
celle offerte en vertu de l'ancien régime de l'aide sociale. Je crois
bien que l'Opposition officielle va souscrire sans difficulté à
cette modification. À cette fin, comme je l'ai indiqué la semaine
dernière, je déposerai un amendement au projet de loi 76, lorsque
nous l'étudierons article par article. Nous apporterons par après
une modification aux règlements de la sécurité du revenu
qui précisera la portée de la disposition législative,
dans le sens que je viens d'indiquer.
Voilà, M. le Président, les principaux
éléments du projet de loi modifiant la Loi sur la
sécurité du revenu. Les amendements, conjugués aux
modifications du règlement que j'ai annoncées la semaine
dernière, ne changent pas fondamentalement la loi initiale. Ils vont
cependant permettre de l'appliquer avec plus d'équité et de
facilité, et en tenant davantage compte de certaines situations
particulières. C'est pourquoi je demande aux membres de cette
Assemblée de souscrire à l'adoption du principe du projet de loi
76 afin que nous puissions l'étudier article par article, en commission
parlementaire, et voter subséquemment ces amendements à la Loi
sur la sécurité du revenu. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre.
Toujours sur l'adoption du principe du projet de loi, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. L'Opposition disposait
de tous les moyens pour bloquer ce projet de loi, et nous avons
décidé de ne pas le faire, à cause de certaines
dispositions qui vont légèrement améliorer le sort des
victimes de la loi 37, des victimes de la réforme libérale en
matière de sécurité du revenu et d'aide sociale. Mais
j'informe immédiatement le ministre que, puisque cette loi ne change pas
fondamentalement la loi initiale, nous n'allons pas souscrire à son
adoption, et je lui indique immédiatement que nous allons,
évidemment, voter sur division, en deuxième lecture. Et je lui
indique que nous aurons également des amendements à
déposer en commission parlementaire demain.
Alors, M. le Président, c'est toujours aussi décourageant
de voir que le ministre n'a pas compris que si, à l'inverse d'il y a 20
ans, trois quarts des personnes qui sont considérées comme
aptes et bénéficiaires à l'aide sociale le sont,
c'est toujours aussi décourageant de voir que le ministre n'a pas
compris les changements, les bouleversements qui s'étaient passés
dans le marché du travail et dans la société
québécoise depuis 20 ans. il y a des hommes et des femmes, de
plus en plus nombreux, qui auraient très bien pu gagner honorablement
leur vie et celle de leur famille il y a à peine quelques années
maintenant et qui sont en peine, à la recherche d'un emploi disparu.
disparu avec les changements technologiques survenus, disparu avec la
mondialisation des marchés, disparu avec les taux d'intérêt
à la hausse, disparu avec la politique monétaire de la banque du
canada. et ces emplois disparus n'ont pas l'air de préoccuper le
ministre ni son gouvernement. jamais un seul ministre de ce gouvernement,
depuis cinq ans que je siège maintenant dans cette chambre, n'a
parlé du chômage. le chômage, ça ne les concerne pas.
le chômage, ils n'en parlent pas, ce n'est pas leur
responsabilité. le chômage, c'est une fatalité qui
dépend des autres. et quand le premier ministre parle du chômage,
bien, c'est à cause des politiques monétaires de la banque de
canada, c'est à cause d'à peu près tout le monde, mais ce
n'est pas une responsabilité que ce gouvernement a décidé
de se donner, celle de créer des emplois. et ce n'est pas surprenant que
sa vision punitive... parce qu'il faut un coupable. comment se fait-il que,
depuis les six dernières années, sauf le ralentissement survenu
il y a un an à peine dans l'économie, comment se fait-il que,
pendant ces six années de croissance continue, le taux de chômage
a été autour de 9 % ou 10 %? il a encore augmenté le mois
passé. alors, un taux de chômage qui se maintient à un
niveau inégalé en période de croissance. pour simplement
retrouver la même période de croissance, il faut retourner en 1973
avec un taux de chômage de 6,5 %. alors, comment comprendre avec ces
bouleversements qui font que de plus en plus de nos concitoyens se retrouvent
dans des "jobines"? parce que c'est ça, la réalité
maintenant, un québec cassé en deux. c'est comme si le
gouvernement ignorait complètement une réalité qui est en
train pourtant de faire son chemin dans l'esprit de nos concitoyens et qui leur
permet maintenant de comprendre que la réalité du québec,
c'est celle de 40 % de nos concitoyens qui s'enfoncent dans le
sous-développement - et je pèse mes mots, dans le
sous-développement -démographique, économique et social et
qui s'enfoncent dans un sous-développement pourtant illustré
éloquemment par les études du conseil des affaires sociales, dans
des quartiers de grandes villes et dans les arrière-pays de toutes les
capitales régionales, dans ces secteurs, m. le président,
où les gens ne trouvent plus à gagner leur vie compte tenu du
fait que ce gouvernement se lave les mains, comme ponce pilate, sur les emplois
qui ne se créent plus.
Les investissements, le meilleur exemple est celui de l'Alcan, quand on
pense que 1 000 000 000 $ investis au Lac-Saint-Jean ont permis de
réduire de 2400 le nombre de travailleurs dans les alumineries du
Saguenay-Lac-Saint-Jean. Parce qu'il y a une réalité à
laquelle ce gouvernement n'a pas l'air, malgré qu'il est au pouvoir
depuis cinq ans, de s'être acclimaté, c'est celle
d'investissements qui sont inversement proportionnels à la croissance de
l'emploi. L'économie se porte bien et l'emploi se porte mal. Ça,
c'est récent et ça aurait dû être compris. Mais
pourtant, ce gouvernement-là fait comme si de rien n'était. Il
est coupable.
Ceux pour lesquels on met en place des mécanismes coercitifs et
répressifs, les coupables sont ceux qui sont devenus des chômeurs
aptes au travail. Quand ils étaient chômeurs, on ne pouvait pas
les rendre responsables de leur chômage. Le chômage, ce n'est quand
même pas la faute de ceux qui sont en chômage, M. le
Président, qui sont des chômeurs et des chômeuses. Alors,
ils sont devenus, par un tour de magie, des aptes au travail, aptes à se
trouver un travail et, pourquoi pas, à se créer un travail sans
moyen, sans soutien et sans encouragement. Et ce que le ministre ne dit jamais,
mais ce que je veux rappeler ce soir, c'est que 55 % des
bénéficiaires d'aide sociale aptes au travail sont des hommes et
des femmes victimes de fermeture d'entreprises, exactement 55 %, dont 27 % ont
plus de 20 ans d'expérience de travail, et ce sont ces
personnes-là qui ont le plus de difficultés. Parce que celles qui
ont été le plus longtemps à l'emploi du même
employeur dans la même fonction, ce sont celles-là qui ont le plus
de problèmes à se trouver de l'ouvrage. Alors, M. le
Président, il est évident qu'avec autant d'expérience de
travail, 55 % des bénéficiaires sont des victimes de fermeture
d'entreprises. C'est évident que ce dont ces personnes ont besoin, c'est
un coup de pouce, pas un coup de pied de la part du ministre, un coup de pouce
pour pouvoir obtenir un relèvement de leur niveau de qualification qui
n'est pas adéquat. Quand on pense que pour travailler chez Shell, par
exemple, dans l'est de Montréal, une onzième année,
ça ne suffit plus. Il faut avoir au moins physique et chimie, secondaire
IV, secondaire V. Et, de plus en plus, on va exiger des études
collégiales. C'est déjà le cas présentement. Pour
travailler dans la pétrochimie, dans la chimie, comme opérateur
et opératrice, il faut maintenant un certificat d'études
collégiales.
Alors, M. le Président, qu'est-ce que le ministre a fait? C'est
qu'il a mis en place une fausse réforme qui prétend forcer
littéralement - forcer, je dis bien - des personnes à retrouver
du travail qui n'existe pas. Et, entre-temps, il a mis en place des mesures
d'employabilité et il punit celles d'entre elles qui n'y participent
pas. Et ces mesures d'employabilité, il faut juste rapidement examiner
les crédits qui ont permis cette année de dévoiler qu'il y
avait eu moins de
participation dans les mesures d'employabilité pour
l'année qui vient de se terminer comparativement à l'année
1988. Vous comprenez ça, vous, M. le Président? Au moment
où ils mettent en place une réforme qui est sensée
élargir à un bassin de 200 000 nouveaux ménages des
mesures d'employabilité mises en place par le gouvernement
précédent - et je le rappelle - pour des jeunes de moins de 30
ans, sans expérience de travail. C'était ça,
essentiellement, le but visé par les mesures d'employabilité. Et
ma collègue de Taillon, qui est ici présente et qui était
la marraine de ces mesures d'employabilité, le sait encore mieux que
moi. Ces mesures devaient bénéficier à des jeunes qui se
retrouvaient dans le cercle vicieux: pas de travail, pas d'expérience,
pas d'expérience, pas de travail, et devaient leur permettre
d'acquérir le niveau d'employabilité que le marché du
travail ne leur avait pas permis d'acquérir. (2 h 40)
Ce n'est pas le cas pour les aptes au travail. Je le
répète, 55 % sont des hommes et des femmes qui sont victimes de
fermeture d'entreprises. C'est une étude du ministère de la
Main-d'?uvre et de la Sécurité du revenu qui nous le
révèle. La majorité d'entre elles ont plus de six
années d'expérience au travail et une sur trois a plus de 20 ans
d'expérience de travail. Ce n'est pas des gens qui sont à la
recherche d'expérience de travail. Ce sont des gens à qui on
devrait fournir une qualification professionnelle sérieuse.
Alors, même avec des mesures d'employabilité, M. le
Président, prétendument élargies à 200 000
ménages, le gouvernement a réussi à baisser le nombre de
participants dans chacune des mesures: Rattrapage scolaire, le nombre de
participants a baissé de 2000; Travaux communautaires, le nombre de
participants a baissé de 368; Stages en milieu de travail, il a
baissé de 2000 par rapport à 1988; Retour aux études
postsecondaires, il est réduit également; Bon d'emploi, j'y
reviendrai, réduit. L'ensemble de toutes ces mesures a amené,
finalement, le ministre à diminuer les crédits,
c'est-à-dire l'argent prétendument dépensé pour
obliger les personnes à participer, à être actives. Parce
que le ministre avait dit: Tout ce qu'on leur demande, c'est d'être
actif. Les personnes qui sont actives ne seront pas pénalisées.
Les personnes qui sont actives... Et j'ai apporté des lettres ici, je
sais que je n'aurai pas le temps, compte tenu que mes collègues ont,
évidemment, une longue nuit à passer, mais je reçois de la
correspondance du Québec, de tout le Québec, de toutes les
régions du Québec, du plus petit village jusqu'aux
municipalités les plus importantes pour me dire: Madame, c'est faux ce
que vous dit le ministre en Chambre, ce qu'on voit à la
télévision, c'est faux. Voilà ce qui m'est arrivé.
Voilà ce que je vis. Mais j'aurai certainement l'occasion, en commission
parlementaire, de le rappeler au ministre.
Donc, le ministre nous dit qu'il apporte des correctifs avec le projet
de loi 76 et il y a certains correctifs. Ce qui est faux, c'est de
prétendre que ce n'était pas prévisible, les effets
pervers et déraisonnables qui sont intervenus. Et j'ai apporté
avec moi, M. le Président, un certain nombre de pièces à
conviction, le Journal des débats en Chambre, des
communiqués de presse au moment où on discutait de la
réforme, où justement nous mettions en garde le ministre et son
gouvernement des effets pervers et déraisonnables qui sont intervenus
depuis un an et qu'il prétend vouloir légèrement corriger.
Je vais revenir à la correction qui est apportée.
D'abord, rendons hommage à la Commission des droits de la
personne, à la Commission d'accès à l'information et au
Protecteur du citoyen. Là, M. le Président, il faut
reconnaître que, depuis deux ans, ces institutions ont joué
pleinement le rôle qui leur est assigné dans notre
société, ce rôle qui consiste à défendre les
citoyens contre les attaques des législations gouvernementales. Et
chacun des correctifs amenés par le ministre, il faut le comprendre, M.
le Président, l'a été compte tenu que ces autorités
en la matière, que sont la Commission des droits de la personne, la
Commission d'accès à l'information et le Protecteur du citoyen,
ont dû intervenir publiquement, mais intervenir vigoureusement,
énergiquement, pour désapprouver, critiquer les propositions, les
dispositions, plutôt, législatives qui avaient été
introduites. Prenons comme exemple, d'abord, celle qui concerne, notamment, la
protection des renseignements personnels et la disposition initiale que le
ministre nous annonce, ce soir, vouloir modifier dans le projet de loi 76
concernant un amendement à la Loi sur la santé et la
sécurité du travail.
Je veux simplement vous rappeler, M. le Président, que la
Commission d'accès à l'information, le 24 mai de cette
année, a émis un avis extrêmement sévère
rappelant au ministre qu'il ne devait pas y avoir de privilège pour le
ministre, que l'adoption de la mesure proposée pouvait constituer un
précédent dangereux et lourd de conséquences pour la
protection des renseignements personnels de tous les Québécois et
que, si le législateur avait jugé bon d'imposer un régime
de protection aussi rigoureux à la CSST, c'était parce que la
CSST détenait un grand nombre de renseignements personnels, sensibles,
d'ordre médical, concernant les travailleurs et les victimes d'actes
criminels. Et ce que la Commission d'accès à l'information
concluait, M. le Président, c'est que, d'abord, il fallait maintenir des
dispositions visant à assurer la confidentialité absolue des
renseignements personnels d'ordre médical, qu'il s'agissait d'une
reconnaissance explicite du droit au respect de la vie privée. Et la
Commission considérait que l'amendement initial contenu dans le projet
de
loi 76, tel que libellé, avait pour effet d'introduire une
brèche importante dans cette reconnaissance du droit au respect de la
vie privée.
Il faut comprendre qu'il y a très peu de sensibilité dans
ce gouvernement à l'égard de cette question pourtant
extrêmement névralgique dans notre société sur la
protection des renseignements personnels. Il y a très très
très peu de sensibilité. Que l'on pense seulement, devant cette
Assemblée, durant cette fin de session, à trois projets de loi,
le projet de loi 42 en matière de la Régie de
l'assurance-maladie, par lequel le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu, toujours, cherchait à obtenir des
renseignements supplémentaires à ceux déjà
abondants qu'il peut obtenir de la Régie de l'assurance-maladie. Le
projet de loi 62, j'aurai l'occasion peut-être d'y revenir, mais ce
projet de loi 62 décrié, controversé, inquiétant,
extrêmement inquiétant, M. le Président, j'espère
que la ministre des Communications qui est avec nous, ce soir, aura l'occasion
de le remanier de fond en comble. J'y reviendrai parce que ce projet de loi
inquiète profondément tous ceux et celles qui, dans notre
société, sont sensibles à cette question de protection des
renseignements personnels et, en particulier, de ce danger de couplage de
fichiers d'information entre les organismes du gouvernement.
Alors, le ministre, donc, obtempère à la
déclaration de la Commission d'accès à l'information. Et,
encore une fois, je rends hommage à la Commission d'accès
à l'informatipn d'être intervenue avec vigueur dans ce dossier. Et
nous pensons que le ministre va devoir, pour être très explicite,
introduire un amendement à celui qu'il entend déposer en
commission de façon à bien spécifier que ce ne sont que
des renseignements de nature financière, que ce sont des renseignements
d'ordre financier qu'il entend réclamer de la CSST et non pas des
renseignements qui pourraient avoir trait au dossier médical ou des
renseignements personnels sur les personnes en cause. (2 h 50)
M. le Président, il faut certainement aussi rendre hommage
à la Commission des droits de la personne qui, par un avis
éclairé sur la loi 37 elle-même, avait mis en garde le
ministre il y a déjà de ça deux ans, plus exactement en
juin 1988, sur la rédaction même d'un article de la loi 37 qui
établissait une brèche importante, disait la Commission des
droits de la personne - et je cite le commentaire de la Commission - "qui peut
favoriser la multiplication des atteintes à la vie privée des
prestataires". "De plus - ajoutait la Commission - l'application de cette
disposition pourrait contrevenir aux prescriptions de l'article 24.1 de la
Charte qui interdit les perquisitions et les fouilles abusives." De quoi
s'agissait-il, M. le Président? Autant la Commission des droits de la
personne et l'Opposition, d'ailleurs, souscrivent à la nécessaire
administration d'un programme à l'aide sociale qui, certainement,
amène à vouloir disposer de tous les renseignements pour
établir le droit d'un individu, pour établir le droit à
l'admissibilité à des prestations, autant il faut que ces
renseignements jugés nécessaires pour établir le droit
d'un individu à recevoir des prestations doivent pouvoir se conjuguer
avec le respect de la réputation, de la dignité et de la vie
privée des personnes et ne doivent pas s'avérer un instrument
d'ingérence dans l'intimité des personnes.
Ce que la Commission signalait, c'est que le libellé d'un des
articles de la loi 37 prend - et je le cite - "un aspect troublant au chapitre
de la protection de la vie privée". Il était interdit, selon
cette disposition, de nuire à un vérificateur de l'aide sociale,
en vous rappelant qu'il y a cinq fois plus de vérificateurs et
d'enquêteurs à l'aide sociale qu'if y en a à la protection
de l'environnement au Québec. 57 personnes font partie de la police
verte au Québec et il y en a 296, au total, pour vérifier la vie
privée des gens. La disposition disait: "II est interdit de nuire
à un vérificateur dans l'exercice de ses fonctions, notamment de
le tromper par réticence." Sur cette question, nommément, la
Commission des droits de la personne disait: "On mesure les aspects coercitifs
et répressifs du pouvoir du vérificateur désigné
par le ministre. Les enquêtes et les vérifications prévues
par le projet de loi - c'était en 1988, il y a deux ans de ça,
donc, c'est devenu une loi, le ministre a fait fi de ça - peuvent
prendre des formes qui menacent sérieusement le droit des prestataires
au respect de leur intimité."
Le Protecteur du citoyen allait encore plus loin, M. le
Président: "Des pouvoirs supérieurs à ceux des policiers",
dit l'ombudsman, le Protecteur du citoyen, qui ajoutait être très
inquiet de l'expression "notamment utilisée à l'article 75. Je le
cite: "C'est très dangereux. On ne définit pas
complètement les irrégularités supposées qu'un
tiers commettrait face à un enquêteur." Le Protecteur du citoyen
ajoute: "Un gouvernement peut vouloir disposer d'outils pour vérifier
l'usage des fonds publics. Ces outils peuvent être légaux, mais
jusqu'où faut-il aller? Dans certains cas actuels, ces enquêteurs
disposent de pouvoirs plus grands que les policiers."
M. le Président, bien d'autres commentaires. Pensons à la
Ligue des droits qui signalait qu'avant la mise en place des agents
vérificateurs, existaient et avaient toujours existé, ont
existé à l'époque du gouvernement précédent
des enquêteurs aux pouvoirs quasi judiciaires, mais on
considérait, ajoute la Ligue des droits, que c'étaient des
mesures exceptionnelles à prendre lorsqu'on avait des motifs très
raisonnables de croire à un acte criminel. En droit, il y a une
règle qui veut que les mesures soient proportionnelles à ce que
l'on cherche. Ici, c'est complètement démesure, c'est un
acharnement envers les plus démunis de la société.
Le ministre nous dit maintenant vouloir corriger ce qu'il
avait introduit comme dispositions coercitives. M. le Président, tant
mieux, évidemment, mais en lui rappelant qu'il a fallu que son
collègue, le ministre de l'Éducation, lui donne l'exemple en
écartant complètement, suite aux interventions vigoureuses du
Protecteur du citoyen dans le projet de loi récent concernant les
prêts et bourses aux étudiants, le ministre de l'Éducation
a écarté, a retiré les dispositions similaires à
celles qui avaient pourtant été adoptées par le ministre
de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et a donné
l'exemple à son collègue que de telles dispositions n'ont pas
leur place dans des lois qui se veulent respectueuses des dispositions de la
Charte des droits et libertés, M. le Président.
La disposition contenue dans le projet de loi et qui
corrige, d'une certaine façon, les lacunes du programme APPORT, non pas
les lacunes du programme APPORT - ce serait trop dire, M. le
Président... Malheureusement, le programme APPORT est un échec et
il n'y a pas de raison de supposer qu'il en sera autrement avec les
dispositions que le ministre introduit parce que, dans le fond, ce que le
ministre introduit, c'est simplement que la famille bénéficiaire
de l'aide sociale puisse avoir droit au programme APPORT dès que ses
revenus de travail dépassent le seuil permis à l'aide sociale,
parce que, là, c'était presque impossible à une famille
qui recevait de l'aide sociale et qui avait certains revenus de travail, mais
des revenus qui n'étaient pas très importants, d'aller chercher
l'allocation du programme d'Aide aux parents pour leur revenu de travail,
étant donné que la marche à franchir était trop
importante.
Alors, là, ce qu'on dit, c'est: Oui, ça va
être possible, comme ce sera possible également d'éviter
aux personnes qui y avaient eu droit pendant six mois, ayant travaillé
sur le marché du travail et ayant perdu leur emploi durant les six
derniers mois, mais qui devaient rembourser - vous vous imaginez! -
l'allocation qui leur était versée. Maintenant, avec le
phénomène d'annualisation, ça va être possible.
Mais, ce que le ministre a fait, c'est qu'il revient à la situation qui
existait avec le programme du gouvernement précédent, qui
annualisait aussi, de manière à ne pas pénaliser des
personnes qui, à l'occasion, peuvent gagner de gros montants, qui
peuvent, peut-être pour deux ou trois mois dans une année, gagner
des montants - ils ne gagnent peut-être pas la loterie, là, il ne
faut pas exagérer - plus importants que ceux d'emplois moins bien
rémunérés qu'ils peuvent occuper pendant le reste de
l'année. Mais le programme APPORT reste toujours l'échec qu'il
est depuis sa création, il y a quatre ans, et le ministre qui nous
promettait d'année en année une amélioration doit
constater maintenant que l'amélioration ne s'est pas produite et
qu'après avoir discrédité le programme du gouvernement
précédent, qui bénéficiait pourtant à 18 000
familles et à presque 10 000 personnes seules, après avoir mis en
place, avec un coût de millions de dollars en administration du nouveau
programme... Une année, M. le Président, ça a
coûté presque 1 $ pour chaque dollar versé: 1 $
d'administration pour chaque dollar versé et, cette année, le
ministre réussit à périmer, à ne pas
dépenser 10 000 000 $ du programme apport, 11 000 000 $, plus
exactement, 11 000 000 $ - il y a quand même six zéros,
après le onze, là - budgétisés sur papier qu'il a
réussi à ne pas dépenser.
Je vais terminer, M. le Président, en vous disant
que la mesure introduite par le ministre en faveur des personnes qui
hébergent un parent et qui offrent à ce parent
hébergé malade ou déficient, ou trop âgé, en
perte d'autonomie, des soins constants, est beaucoup, beaucoup trop
timorée, beaucoup, beaucoup trop mineure, M. le Président, pour
satisfaire la simple équité et justice sociale. Imaginez que ces
personnes seront, malgré tout, punies parce que, en hébergeant
ainsi un parent, elles seront victimes d'une coupure de 89 $ pour partage du
logement. J'ai eu l'occasion, en cette Chambre, de citer des passages de
lettres qui m'ont été envoyées par des personnes qui
hébergent ou qui habitent, qui habitent, partagent un logement avec un
père aveugle, impotent, avec, dans un autre cas, une mère
paraplégique, dans un autre cas, avec une mère qui est atteinte
de sclérose en plaques, dans un autre cas, ce sont des parents. (3
heures)
Et je vais terminer là-dessus, M. le
Président, simplement en vous le citant parce que je pense que ça
peut encore, de façon plus éloquente, illustrer la gravité
des problèmes qui vont continuer à être vécus par
ces familles, malgré les correctifs introduits par le ministre, parce
que ce que le ministre dit, c'est qu'il ne va plus les pénaliser au
niveau du barème, qu'il ne va plus leur couper 110 $ par mois pour
rendre service, pour offrir un soin constant, pour héberger un parent.
Non, il va juste les couper de 89 $ par mois.
Je vais terminer en vous lisant cette lettre que je
recevais de Granby. Évidemment, je parlerai de M. Gérard. Je ne
vous dévoilerai pas, pour les fins que vous comprendrez, le nom de la
personne qui m'a écrit, M. le Président, mais je signalerai
simplement la baisse de revenu d'aide sociale que cette personne-là vit,
parce qu'elle... En fait, il s'agit d'un couple, bénéficiaire de
l'aide sociale, qui garde à la maison leurs deux filles atteintes de la
maladie de l'ataxie de Friedreich. Comme la santé du père ne lui
permet plus de travailler à l'extérieur - il a 55 ans et il
était camionneur - il a décidé de prendre lui-même
la charge de ses deux filles, avec l'aide de son épouse, et il a
aménagé à cette fin sa maison, sans subsides du
gouvernement. La maladie dont il s'agit est une maladie
degenerative qui demande une dispensation de soins et un encadrement 24
heures sur 24: déplacements de chaises roulantes, assistance pour faire
manger, assistance pour l'hygiène, assistance pour le transport. Les
personnes atteintes de cette maladie, l'ataxie de Friedreich, sont
extrêmement sensibles et au moindre stress, M. le Président, leur
état se détériore.
Eh bien! ce couple a été avisé qu'il était
coupé de 188 $ par mois sur son revenu mensuel de 826 $ par mois et
qu'il ne lui restait plus que 638 $ par mois pour subvenir à ses
besoins. Cette coupure était justifiée, prétendait-on, par
le fait qu'il recevait des revenus de pension de 55 $ par semaine de chacune de
leurs deux filles atteintes de cette maladie grave, l'ataxie de Friedreich.
J'ai reçu, M. le Président, dans ce dossier, des lettres du
centre local des services communautaires de la Haute-Yamaska et une lettre de
l'infirmière visiteuse, intervenante au CLSC, qui signale que les
parents sont punis d'assumer leur responsabilité parentale et qu'au lieu
de les aider, la nouvelle loi d'aide sociale les amène à
abandonner leurs deux filles, parce que, devant l'impossibilité de
combler leurs besoins de base, les parents doivent envisager une demande
d'hébergement en centre d'accueil pour ces deux filles lourdement
handicapées et que le coût approximatif pour un hébergement
en centre d'accueil, par année, selon le centre des services sociaux,
est de 20 000 $ à 40 000 $.
M. le Président, l'infirmière visiteuse m'écrit
également que les parents donnent le maximum à leurs filles, que
leur maison est impeccable, que les patientes reçoivent tous les soins
qu'exige leur état et que ce couple a besoin d'un support pour continuer
son excellente tâche, d'autant plus que ce couple est lui-même en
situation de difficultés physiques.
M. le Président, c'est bien évident qu'il y a des victimes
qui jonchent le sol d'à peu près toutes les municipalités
du Québec, des victimes de cette réforme du gouvernement
libéral en matière d'aide sociale et que c'est une réforme
qui est totalement contradictoire avec, par exemple, une politique de maintien
à domicile, politique qui devrait pourtant être favorisée,
parce qu'elle épargne des coûts à toute la
société. Le gouvernement risque de provoquer des
institutionnalisations et des coûts élevés pour les fonds
publics, parce que cette réforme est Injuste et inhumaine, M. le
Président.
Évidemment, le dossier aurait mérité des
commentaires beaucoup plus longs. J'aurai l'occasion de revenir en commission
parlementaire. M. le Président, vous comprendrez que, compte tenu de
l'heure et compte tenu des nombreux dossiers que le gouvernement a
décidé d'appeler ce soir, je m'en tiendrai à ces quelques
commentaires en vous signalant que nous allons certainement contribuer à
améliorer, dans toute la mesure du possible, le sort de ces personnes,
mais en n'étant pas dupes que la seule façon pour le faire
réellement, ce serait de retirer la loi 37 elle-même. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve. Puisqu'il n'y a aucun autre
intervenant, j'inviterai le ministre, en réplique.
M. André Bourbeau (réplique)
M. Bourbeau: M. le Président, quelques mots seulement La
députée de Hochelaga-Maisonneuve a fait son travail de critique
et a tenté, dans la mesure du possible, de montrer comment et pourquoi
le projet de loi ne devrait pas être adopté. Je constate qu'elle a
fait état, dans ses remarques, de situations qui existaient auparavant
dans la plupart des cas, avant que le ministre ou le gouvernement n'apporte des
corrections. Je dois bien reconnaître que si nous apportons des
corrections, c'est qu'il y avait des situations qui devaient être
changées. Or, à partir du moment où nous proposons des
changements, il faudrait cesser de nous critiquer, parce que c'est justement
pour ça qu'on fait des changements, ayant réalisé
nous-mêmes qu'il y avait des situations qui méritaient
d'être améliorées.
La députée de Hochelaga-Maisonneuve, tout à
l'heure, à titre d'exemple, a cité un cas particulier. Je ne
connais pas les détails de ce cas-là à la perfection,
mais, à première vue, je vois que c'est un des cas que nous
améliorons avec les changements que j'ai annoncés la semaine
dernière. En particulier, je pense qu'il s'agit du cas d'une famille qui
a deux filles qui, étant atteintes de la maladie dont elle parle, sont
certainement des filles qui sont admissibles au programme Soutien financier,
individuellement. Les parents sont eux-mêmes des parents assistés
sociaux. Donc, si ces enfants-là ont plus de 18 ans... Est-ce qu'elles
ont plus de 18 ans? Oui? Plus de 18 ans. Alors, chaque enfant est admissible au
programme Soutien financier.
Après ça, M. le Président, les parents
eux-mêmes étant assistés sociaux et gardant à la
maison des enfants dont les capacités physiques sont diminuées,
en vertu des amendements que je propose, ne seront plus des parents qui seront
des parents aptes au travail. Je présume qu'ils sont aptes au travail de
la catégorie des non-participants ou des disponibles. Ils seront
classés non-disponibles. Donc, déjà, en vertu du projet de
loi que je propose, ces parents-là verront leurs revenus augmenter,
parce qu'ils seront déclarés non disponibles. Et, en plus de
ça, à cause des changements que j'ai annoncés la semaine
dernière, nous ne leur comptabiliserons plus dorénavant des
revenus de chambre et pension. La députée le sait aussi. Je l'ai
annoncé.
Donc, autant d'améliorations. J'en cite deux à titre
d'exemple, dans le même souffle, deux améliorations que j'ai
annoncées en l'espace d'une semaine et qui devraient, à
l'égard de ce
couple-là, venir changer singulièrement sa situation. La
députée me fait signe que non, mais moi, je pense bien que c'est
oui.
Alors, M. le Président, on verra; peut-être qu'en
commission parlementaire la députée pourra me donner un peu plus
de détails. Mais, a priori, je suis prêt à penser qu'un cas
comme celui que me signale la députée de Hochelaga-Maisonneuve et
tous les autres cas d'ailleurs que m'ont signalés les
députés de l'Opposition... J'ai ici des lettres du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, des lettres du
député de Laviolette, des lettres du député de
Shefford, et j'en passe, M. le Président. Tous ces cas-là qui
m'ont été référés par des
députés de l'Opposition ou par un grand nombre de
députés ministériels, nous en avons pris connaissance et,
avec les amendements que je propose, soit dans le projet de loi que nous avons
devant nous, dans le projet de règlement que je vais bientôt faire
adopter, que le gouvernement va bientôt adopter, ou, encore, en vertu du
règlement que nous avons fait prépublier le 30 mai dernier, tous
ces cas-là devraient trouver des aménagements ou des solutions,
de sorte que nous pensons que la presque totalité des cas de
comté qui sont survenus au cours des derniers mois devraient trouver une
solution acceptable et certainement améliorée pour les
prestataires de la sécurité du revenu.
Alors, M. le Président, je pense que l'adoption de ce projet de
loi là constitue un pas en avant, fait un pas en avant dans le sens
d'améliorer la situation des gens qui sont assistés sociaux au
Québec ou qui sont de la clientèle de la sécurité
du revenu. Et ça témoigne de la volonté du gouvernement de
traiter toute la clientèle de l'aide sociale avec compassion, avec
équité et en tenant compte, bien sûr, des capacités
financières du gouvernement avec la plus grande humanité
possible. Merci. (3 h 10)
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Mme
la députée, sur une question de règlement ou...
Mme Harel: M. le Président, en vertu de notre
règlement...
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.
Mme Harel: ...est-ce que le ministre accepterait que je lui pose
une question?
Le Vice-Président (M. Cannon): Donc, en vertu de l'article
213, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve indique son
intention de vous poser une question, M. le ministre. Est-ce que vous
consentez...
M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas l'habitude de
refuser quoi que ce soit à la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse, M. le
ministre. Est-ce que vous consentez, oui ou non, à répondre?
M. Bourbeau: Je crois que je viens de le dire, M. le
Président
Le Vice-Président (M. Cannon): Non. C'est parce que,
pendant que je suis debout, évidemment, je ne peux pas vous comprendre
alors que je parle. Il ne faut pas qu'on continue à...
Une voix: II y a consentement.
Le Vice-Président (M. Cannon): II y a consentement, alors
Mme la députée, s'il vous plaît.
M. Bourbeau: J'ai dit, M. le Président, que je ne refusais
rien à la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: Alors, M. le Président, je vous remercie.
Est-ce que le ministre reconnaît que les bénéficiaires de
l'aide sociale qui sont à la catégorie "disponibles aptes" sont
soumis à la coupure pour partage du logement et qu'en l'occurrence, dans
le cas que je lui ai cité, ses parents seront toujours coupes de 188 $
par mois sur leur revenu mensuel de 826 $ et il ne leur restera toujours que
638 $? Reconnaît-il que le bénéficiaire qui héberge
sera sujet à la coupure, pour partage du logement, de 89 $ par mois par
personne?
Le Vice-Président (M. Cannon): M. le ministre de la
Main-d'oeuvre.
M. Bourbeau: M. le Président, la députée de
Hochelaga-Maisonneuve n'a pas bien écouté ce que je lui ai dit
tout à l'heure. Je ne lui ai pas parlé du partage du logement. Je
lui ai parlé des revenus de chambre et pension dont j'avais
annoncé l'abolition à l'égard d'un cas comme celui dont
vient de parier la députée de Maison-neuve. Ce qui se passait
jusqu'à récemment, c'est que, dans certains cas, on cumulait
à la fois la coupure pour partage du logement et la coupure pour chambre
et pension. Alors, en vertu des amendements que j'ai proposés, M. le
Président, nous allons apporter des modifications qui vont faire en
sorte que nous n'additionnerons plus ces deux coupures-là, ce qui va se
traduire, et la députée devrait le reconnaître, par une
augmentation de revenu pour le ménage dont elle a parié.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre.
Est-ce que la motion visant à adopter le principe du projet de loi 76,
Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur la
santé et la sécurité du travail, est adoptée?
Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Cannon): Sur division. M. le leader
adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des affaires
sociales
M. Johnson: m. le président, je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission des
affaires sociales pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Cannon): Y a-t-il consentement pour
cette motion de déférence?
Une voix: Consentement.
Le Vice-Président (M. Cannon): II y a consentement. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: Consentement.
Le Vice-Président (M. Cannon): Je suis fatigué.
Continuez, s'il vous plaît.
M. Johnson: D'accord.
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.
M. Johnson: Ayant compris, M. le Président, que la motion
de déférence était adoptée, je vous demanderais
maintenant d'appeler l'article 13 du feuilleton.
Projet de loi 63 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui, M. le leader adjoint
du gouvernement. L'article 13. Bon! Alors, à l'article 13 du feuilleton,
il s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 63, Loi modifiant la Loi
sur le Centre de recherche industrielle du Québec. Je suis prêt
à reconnaître M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie.
M. Gérald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Alors, nous procédons ce soir, M.
le Président, à l'adoption du principe du projet de loi 63
intitulé Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du
Québec. Le CRIQ s'est donné comme objectif, depuis sa
création en 1969, de contribuer au développement
économique du Québec en répondant aux besoins
technologiques des entreprises. Son énoncé de mission traduit le
souci du CRIQ dans le contexte des années quatre-vingt-dix.
Le CRIQ a pour mission d'agir comme partenaire des milieux d'affaires
industriels et gouvernementaux pour stimuler le développement
économique du Québec. Comme organisation, il offre une approche
intégrée qui favorise l'innovation des services de recherche
appliquée, de mise au point de produits et de procédés,
d'ingénierie de production, d'information industrielle et technologique
et de transfert de technologies. Le CRIQ opère sur une base
contractuelle visant à recouvrer les frais associés aux travaux
exécutés pour ses clients, avec un souci constant de satisfaction
de sa clientèle, de la qualité de ses services et du
développement des compétences de son personnel.
Le CRIQ dispose de laboratoires à Sainte-Foy et à
Montréal. Il compte environ 440 employés dont les deux tiers sont
des ingénieurs et des techniciens spécialisés. Il
autofinance ses activités dans une proportion de plus de 40 %.
L'évolution des économies nationale et internationale se double,
actuellement, d'un essor sans précédent de technologies qui
trouvent des applications dans de multiples secteurs industriels. Le savoir est
donc devenu une ressource essentielle des économies actuelles.
L'importance des enjeux qui marqueront la prochaine décennie a
amené le CRIQ à d'importantes remises en question sur ses
activités et sur sa base de service à la clientèle
industrielle du Québec. Le plan de développement 1990-1995,
intitulé "Agir pour réussir", est issu d'un processus de
réflexion mené à l'échelle du CRIQ, auquel a
été associé le ministère de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie. Il constitue un véritable plan d'affaires
et d'organisation, dont les orientations et les stratégies permettront
au CRIQ de continuer à seconder les entrepreneurs
québécois dans leur quête d'excellence sur les
marchés nationaux et mondiaux.
Trois orientations de base serviront de principe directeur aux
interventions du CRIQ au cours de la période 1990-1995. Ces orientations
sont: agir comme partenaire sur qui l'entreprise peut compter, renforcer
l'excellence technologique du CRIQ et enfin accentuer le rôle du CRIQ
comme leader en transport de technologie industrielle au Québec. Le
processus de réflexion entrepris par le CRIQ l'a conduit à
ramener ses 25 groupes d'importance à peu près équivalents
à 12 unités d'affaires. Six unités d'affaires
correspondent à des axes où le CRIQ compte des forces
indiscutables et pour lesquelles il se fixe comme objectif d'être reconnu
davantage comme leader, d'ici 1995. Les six autres unités sont
identifiées à des axes de développement potentiel, pour
les services et les entreprises ou, également, pour des activités
essentielles à l'approche intégrée de services à la
clientèle du CRIQ.
Dans le premier cas, M. le Président, les
unités retenues et pour lesquelles des plans d'affaires ont
été élaborés sont essentiellement, au niveau de la
recherche et du développement, dans les cinq secteurs suivants:
l'automatisation, l'équipement industriel et public, la production
assistée par ordinateur, la productivité et l'ingénierie
des bois et le sixième secteur, l'information technologique et
industrielle. Ces unités visent à répondre à
l'expression courante des besoins des entreprises en ce qui concerne
l'amélioration de leur productivité et de leur
compétitivité.
Les six autres unités d'affaires ont procédé
à l'élaboration de plans prévisionnels de
développement. Ces unités d'affaires sont, en recherche et
développement, les cinq suivantes: procédés
environnementaux; soudage et traitement de surface; plastiques composites,
électroniques, plus précisément, traitement de signaux et
essais environnementaux; et le sixième secteur, le courtage et le
transfert de technologies, de concert avec les intervenants majeurs, dont le
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Ces plans
visent davantage à donner au CRIQ une longueur d'avance et à le
placer en position de leadership dans les champs donnés de technologie,
pour être en mesure de répondre aux besoins des entreprises, au
moment où ceux-ci se manifesteront.
Pour l'ensemble de ces unités, les orientations 1990-1995 se
traduisent par la volonté de se faire une niche et d'être
reconnues dans les technologies nouvelles et la nécessité de
consentir des investissements dans l'acquisition de savoir-faire et dans le
développement d'une nouvelle base d'affaires. (3 h 20)
Plusieurs stratégies ont été retenues pour
réaliser ces orientations. Une stratégie de recherche, une
stratégie de valorisation, une stratégie de partenariat et de
mariage technologique, une stratégie de relation avec la
clientèle et enfin, une stratégie de gestion des ressources
humaines. Le soutien gouvernemental aux besoins du CRIQ en financement prendra
les quatre formes suivantes: une contribution de base servant à couvrir
les besoins financiers courants, ne pouvant être inférieure
à 100 000 000 $, à l'exclusion du service de la dette; un
développement accéléré visant à stimuler le
développement du centre en fonction de l'évolution des besoins et
de l'attente des résultats prévus au plan d'affaires et de
développement pour une somme de 24 000 000 $; une contribution
liée à la couverture de la dette pour 11 000 000 $, et une
contribution discrétionnaire servant à financer un fonds de
recherche pour des projets spéciaux de 20 000 000 $; le tout, pour une
contribution maximum de 155 000 000 $.
En ce qui concerne le dernier volet, soit le fonds de recherche de 20
000 000 $, il sera l'équivalent d'un fonds de développement
technologique pour les PME québécoises. L'utilisation des fonds
contenus dans cette enveloppe sera soumise à la discrétion du
gouvernement et versée au CRIQ sur demande, en fonction de la
priorité et des besoins manifestés.
En ce qui concerne les implications législatives du projet de loi
sur le Centre de recherche industrielle du Québec, elles sont les
suivantes: La participation financière du gouvernement du Québec
est prévue à l'article 25 de la loi. D'autres articles de la loi,
les articles 18, 19 et 21 devront être modifiés afin de donner au
CRIQ les instruments nécessaires pour réaliser les
stratégies proposées au plan quinquennal ainsi que l'autonomie
nécessaire à l'intérieur de ses opérations.
La députée de Chicoutimi, M. le Président, a
toujours démontré un intérêt marqué pour le
développement technologique du Québec. J'espère qu'elle
donnera son appui à ce projet de loi modifiant la Loi sur le Centre de
recherche industrielle du Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Je
crois qu'il s'agit aussi, pour les écritures... D'accord, à la
réplique. Alors, Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L Blackburn
Mme Blackburn: merci, m. le président. je ferais juste
remarquer qu'il me semble pour le moins anormal qu'on soit ici, le 20 juin,
à 3 h 20 du matin, en train d'examiner un projet de loi modifiant la loi
sur...
M. Perron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): M. le député
de Duplessis, sur une question de règlement.
M. Perron: Je m'excuse auprès de ma collègue de
Chicoutimi, mais je demande le quorum, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, qu'on appelle les
députés, s'il vous plaît! Je constate effectivement qu'il y
a quorum. Mme la députée de Chicoutimi, vous pouvez
poursuivre.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je disais donc:
Presque 3 h 25 du matin, le 20 juin, en train d'examiner une modification au
projet de loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du
Québec, c'est pour le moins particulier, pour ne pas dire inacceptable,
quand on sait que la loi constitutive du Centre de recherche industrielle du
Québec prévoit qu'on doit fixer aux cinq ans ses modes de
financement et le taux du financement. Donc, c'était une chose qui
aurait pu être prévue. Jamais je ne croirai qu'on n'aurait pas pu
trouver un autre
moyen que de passer ça comme ça à la sauvette,
à 3 heures du matin.
Je trouve toujours ça étonnant et peu souhaitable, dans le
fond, Mme la Présidente. Je pense qu'au Québec, on n'a jamais
examiné ce que donnaient les projets de loi adoptés de nuit.
Là, c'est le deuxième que le ministre nous présente. J'ai
la conviction que ce sont les projets de loi qui nous reviennent le plus
souvent pour fins de modification parce que c'est un travail
bâclé.
En ce qui a trait cependant au projet de loi sur le CRIQ, d'abord, je
reconnais avec le ministre que le Centre de recherche industrielle du
Québec est une de nos institutions les plus efficaces et je dirais - et
j'en profite pour rendre hommage à son président-directeur
général - un des joyaux de la recherche technologique au
Québec. Et son directeur général, M. Guy Bertrand, qui a
son franc parler, heureusement, qui est un homme déterminé, qui a
su faire sa place dans le réseau de la recherche au Québec, garde
un discours très rafraîchissant, je dirais. Il est aussi
très droit, très sincère par rapport à ce qui se
passe effectivement en matière de recherche et de
développement.
Le financement que propose le gouvernement peut paraître, au
premier regard, intéressant parce qu'on se dit: Bon, on passe de 100 000
000 $ à 155 000 000 $, ce qui serait le maximum. Cependant, le
financement de base à 100 000 000 $ ne comprend pas l'indexation.
Actuellement, le dernier exercice financier, c'est 19 500 000 $. ça veut
dire que ça donnerait à peu près 20 000 000 $ par
année et 20 000 000 $, dans cinq ans, ça veut dire que
l'enveloppe... il y aurait à peu près un manque à gagner
de 10 000 000 $ minimum, minimum par rapport à l'indice du coût de
la vie. alors, mme la présidente, ce n'est pas vraiment quelque chose
à vous renverser, d'autant que - et ça, ça me
préoccupe - le ministre nous explique qu'il y a 11 000 000 $, c'est la
contribution au service de la dette et il y a quelque 20 000 000 $ qui
constitueraient une espèce de fonds de recherche dont l'utilisation
serait soumise à l'approbation du gouvernement.
On peut trouver ça normal. Je pense que ce n'est pas inhabituel.
Cependant, ça a de quoi inquiéter quand on sait que cette
année même, cette année même, le ministre a
trouvé moyen, avec son gouvernement - je ne pense pas que ce soit
vraiment lui qui l'ait décidé - d'enlever 3 000 000 $ qui avaient
été prévus être donnés au CRIQ pour deux
projets, un en environnement et l'autre en conception assistée par
ordinateur, deux secteurs pour lesquels, Mme la Présidente, nous sommes
particulièrement en retard au Québec. Alors, une loi, c'est une
chose, mais comme le passé est garant de l'avenir, j'ai tout lieu de
m'inquiéter par rapport au financement réel que recevra cet
organisme dans les faits si ce gouvernement continue la tendance qui est la
sienne actuellement, c'est-à-dire celle de désin-vestir en
matière de recherche et de développement.
Mme la Présidente, le président du CRIQ, M. Bertrand,
exprimait récemment son objectif à l'effet de
récupérer le pouvoir de dépenser qu'il avait en 1982. En
1982 parce que, depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement
libéral en 1985, le CRIQ a connu trois années où ses
augmentations de crédits ont été inférieures
à l'inflation. Entre 1985 et 1991, le budget du CRIQ aura perdu environ
13,3 % de son pouvoir d'achat, comme on peut le voir dans un tableau que j'ai
ici, que je pourrais déposer si le ministre désire l'avoir, 13,3
% dans un secteur qui est crucial, Mme la Présidente.
J'écoutais tout à l'heure ma collègue, la
députée de Maisonneuve, qui disait: Ce gouvernement ne parle
jamais de création d'emplois. La base de la création d'emplois,
l'assise de la création d'emplois et du développement
économique, Mme la Présidente, c'est la recherche et le
développement. C'est la recherche et le développement et,
à cet égard, le gouvernement n'est pas des plus performants. Ce
sous-financement chronique, je le rappelle, n'a pas empêché le
ministre et son gouvernement d'y récupérer les 3 000 000 $ sous
forme de crédits périmés. Et là, le
problème, le ministre dit: Ce n'est pas grave. Ça ne les a pas
empêchés de réaliser les projets pour lesquels ces 3 000
000 $ avaient été octroyés. Et rappelons qu'il y avait 2
000 000 $ qui devaient permettre l'implantation à l'usine de Beauport
d'une plate-forme d'essai des procédés d'équipement
d'assainissement des eaux et on est en retard là-dessus. L'autre projet,
les 1 000 000 $, touchait la démonstration... un atelier de
démonstration de fabrication assistée par ordinateur. Le ministre
dit: Ce n'est pas grave parce que le CRIQ, de toute façon, va continuer
à poursuivre ses recherches dans ce secteur et réaliser les
projets que nous lui avons commandés. Mais ce qu'il faut
reconnaître, ce qu'il faut se dire ensemble: Premièrement, le
budget n'est pas très élevé. C'est 20 000 000 $, le budget
de base et ce qu'il faut savoir, c'est 3 000 000 $ de moins qui n'ont pas
été investis en recherche. Ce n'est pas vrai de dire que c'est
anodin, le fait qu'on ait enlevé ça, qu'on ait
périmé 3 000 000 $ là-dedans, Mme la Présidente. (3
h 30)
En réalité, concrètement, si on parle et on a
l'honnêteté de le dire, on a coupé 3 000 000 $ dans une
recherche qui est de la recherche fondamentale, c'est-à-dire
fondamentale dans le sens d'indispensable, au développement
économique du Québec. Le problème de ce gouvernement, Mme
la Présidente - et là j'admire le ministre chaque fois qu'il se
lève pour parler de recherche et développement; il s'emporte, il
s'emballe, il s'auto-anime, mais la réalité ne change pas pour
autant - on a un problème réel et là, il fait comme si
ça n'existait pas. Il se
rentre la tête dans le sable et il conjure les esprits de toutes
parts: Ça va peut-être changer, je prends ça en main,
ça va s'améliorer. Mais la vraie réalité, celle
qu'on a sous les yeux, il la connaît et je la connais. Et les gens qui
sont en recherche technologique et développement...
M. Morin: Mme la Présidente.
La Présidente suppléante (Mme Loisel le): Oui, M.
le député de Dubuc.
M. Morin: Je m'excuse auprès de ma collègue de
Chicoutimi, mais je peux vous dire une chose, c'est que ce qu'elle dit est
tellement intéressant qu'il faudrait au moins qu'on ait le quorum en
cette Chambre.
La Présidente suppléante (Mme Loiselle):
D'accord.
Une voix: Voilà, Mme la Présidente.
La Présidente suppléante (Mme Loiselle):
Nous avons le quorum, M. le député de Dubuc.
Une voix: Mme la Présidente, il faudrait que le
député de Chauveau soit à sa chaise au lieu d'être
debout en avant.
La Présidente suppléante (Mme Loiselle): Je
demanderais à tous les députés, s'il vous plaît, de
bien vouloir aller...
Une voix: Un quorum, c'est ça la
réalité.
La Présidente suppléante (Mme Loiselle): Ça
vous va?
Une voix: S'il y a quorum, il n'y a pas de problème.
La Présidente suppléante (Mme Loiselle):
Parfait, nous avons quorum. Alors, Mme la députée de
Chicoutimi, si vous voulez bien continuer, s'il vous plaît.
Mme Blackburn: Oui. Mme la Présidente, je disais donc que
le ministre qui s'auto-anime, ça ne fait pas pour autant
disparaître la réalité qui est particulièrement
préoccupante en matière de recherche et développement au
Québec. Là-dessus, le CRIQ, le Centre de recherche industrielle
du Québec, est particulièrement critique à l'endroit des
politiques gouvernementales et du désinvestissement en ces
matières. Après avoir demandé de récupérer
au moins son pouvoir d'achat de 1982, ce dont nous ne sommes pas
complètement assurés, je le rappelle, le CRIQ rappelle certaines
études qui ont été réalisées pour ses
propres fins, pour essayer d'avoir une vision un peu plus globale de cette
situation. D'abord, ce qu'on apprend, c'est que les engage- ments qui ont
été pris par les gouvernements en conférence
fédérale-provinciale et le gouvernement du Québec dans son
énoncé de politique avaient fixé à 2 % le produit
intérieur brut qui devait être consacré à la
recherche et développement d'ici 1992. On apprend, et c'est le GATIQ, le
Groupe d'action pour l'avancement de la technologie et industriel de la
région de Québec, qui nous dit - et le ministre n'a pas
nié ces faits - qu'actuellement nous avions plafonné à 1,3
% du PIB et là nous sommes à 1,26 %. Autrement dit, Mme la
Présidente, on est loin de l'objectif que le gouvernement s'était
donné pour 1992, mais, qui plus est, on perd du terrain. Et dans ces
domaines-là, je vous le dis, dans une économie de
libre-échange, avec l'Europe de 1992, ça peut être
catastrophique par rapport à l'économie du Québec.
Mme la Présidente, pendant que nous consacrons 1,26 % à la
recherche et développement, l'Ontario en investit 1,9 %, et comme on
sait que son budget est plus élevé que le nôtre, vous voyez
la différence. En France, c'est 2,3 %; aux États-Unis, 2,7 %. Je
vous fais grâce des autres données. Tout ça pour illustrer
qu'ici on désinvestit.
Par ailleurs, une étude menée par le CRIQ, le Centre de
recherche industrielle du Québec, par la firme SECOR, affirme que le
Québec ne fait pas le poids sur le plan technologique et accuse un
retard visible quant à la pénétration des cinq
technologies qui permettraient d'accroître la productivité et la
compétitivité des entreprises québécoises. Il
s'agit de la conception et ingénierie; fabrication et assemblage;
manipulation automatisée du matériel d'inspection;
détection de tests informatiques; communications et contrôle. Et
l'étude ajoute, toujours selon SECOR, que dans la formation de la
main-d'oeuvre, le symptôme le plus flagrant, c'est l'absence de
stratégie, le taux de chômage élevé et,
paradoxalement, la rareté de la main-d'oeuvre spécialisée
et des chercheurs de haut calibre. Le problème avec ce gouvernement,
c'est qu'il n'a pas de politique intégrée de recherche et
développement, de recherche technologique et de développement
technologique, et de sciences. Parce que, en 1985, quand le gouvernement
libéral a pris le pouvoir, il a décidé - je me rappellerai
toujours l'attitude du ministre de la Science d'alors, M. Ryan, qui se moquait
de notre inquiétude face à l'éclatement de ce dossier - on
a pris le développement technologique et on l'a rattaché au
Commerce extérieur. Et le seul argument qu'on avait à
l'époque, Mme la Présidente, c'est de dire: Ça va nous
permettre de faire du transfert technologique. Et vous savez comment il
comprenait le transfert technologique, c'est d'aller chercher des technologies
dans les autres pays. Moi, je n'ai jamais compris le transfert technologique de
cette manière-là. C'est beaucoup plus l'adaptation dans nos
entreprises de nouvelles technologies. Mais tout le
monde a vu par après que ça n'avait pas de bon sens et je
pense que personne n'oserait à nouveau répéter ça.
Alors, le développement technologique rattaché au Commerce
extérieur.
La logique ou les événements ont voulu que M. MacDonald
soit nommé ministre de l'Industrie et du Commerce. Et là, il a
amené avec lui le développement technologique, ce qui, au moins,
est un peu plus logique. Mais le problème, c'est qu'il n'y a peu ou pas
de communication, pas de stratégie de développement dans la
formation de la main-d'oeuvre, et des scientifiques et des chercheurs, et dans
le développement de la recherche développement.
Mme la Présidente, on a une pénurie de main-d'oeuvre
spécialisée à un point tel que le CRIQ est obligé
de former ses travailleurs et ses chercheurs. Ce n'est pas peu dire. Ce n'est
pas quelqu'un qui vient de l'étranger, une entreprise
étrangère qui s'installe chez nous, qui a des habitudes de
travailler avec tel type de personnels, tel type de chercheurs, une entreprise
de chez nous qui nous dit: Je dois former mes spécialistes pour mes
propres activités. Chaque année, environ 30 % de son personnel en
automatisation au profit... Il perd 30 % de son personnel au profit des
entreprises qui sont plus informatisées. Et c'est la même
situation dans des entreprises en Beauce et en Estrie.
Mme la Présidente, absence de vision intégrée,
formation de la main-d'oeuvre, formation de chercheurs de haut calibre, absence
de vision intégrée en matière de recherche et de
développement. Le ministre nous dit toujours: Ça va bien. Je le
rappelle, il s'auto-anime et il veut, je pense bien. On ne peut pas lui
reprocher un manque de bonne volonté. Ça, d'évidence, il
l'a. Sauf qu'il me semble impuissant. Et un ange passa. À 3 h 30, 4
heures du matin, c'est comme normal.
M. le Président, lorsqu'on interroge le ministre sur des parties
de sa politique, il reconnaît, par exemple, que les incitatifs fiscaux ne
donnent pas les dividendes attendus. Et ce matin, il disait: Oui, on le sait.
Et là, il essayait de distraire et de perdre un peu tout le monde en
disant: Ah, oui, mais les PME, c'est important. Les PME, c'est 15 % de la
recherche. Et 85 % des avantages s'en vont dans des entreprises qui, de toute
façon, en font. Ça veut dire que c'est un cadeau. C'est tellement
un cadeau, Mme la Présidente, que le professeur Blais...
Une voix: C'est monsieur maintenant.
Mme Blackburn: Monsieur. À cette heure-là.... C'est
vrai qu'à cette heure-là, je me demande qui nous regarde. Mais de
toute façon, je crois qu'il y a des choses qu'il faut qu'elles soient
dites même s'il est 3 heures du matin. L'étude dit, d'autre part:
Pour nombre de grandes entreprises, les crédits d'impôt à
la recherche et développement représentent des revenus soudains,
des "windfalls" lorsqu'ils sont reçus. Les financiers se refusent
généralement à les considérer comme des revenus
à percevoir à cause des incertitudes entourant les
résultats d'une future vérification.
De plus, les entreprises décident de leurs efforts en recherche
et développement selon un cycle de moyen et de long terme. Donc, elles
disent: Vos incitatifs, merci, vous nous les donnez. C'est un cadeau. On ne les
attendait pas. Vous nous les donnez. Bien sûr qu'on trouve que c'est
intéressant. Sauf que ce n'est pas ça qui va faire changer notre
programme, ni l'accélérer, ni nous amener dans des secteurs plus
risqués ou plus ambitieux de la recherche. Alors, le ministre
reconnaît ça ce matin. Mais il essaie de nous perdre et dit: Oui,
les PME, c'est bon. Mais même les PME, ça ne les amène pas
à accélérer leur programme. Et toujours selon la
même étude, ça ne les amène pas à faire de la
recherche dans des secteurs plus risqués ou plus ambitieux. (3h40)
Alors, le ministre reconnaît que les incitatifs fiscaux ne donnent
pas les rendements ou ne donnent pas les dividendes attendus. Le ministre
reconnaît que le fédéral favorise toujours l'Ontario. Un
pourcentage de 53 % de toute la recherche du fédéral, qui
s'établit à peu près à 5 000 000 000 $ pour l'an
passé, s'en va à l'Ontario et 19 % au Québec. Ça
veut dire que le Québec paie pour la recherche qui se fait en Ontario.
Le fédéralisme rentable, me direz-vous. Je n'ai pas vu que
le premier ministre ait demandé qu'il y ait des dispositions
particulières lors de la prochaine ronde de négociations pour
s'assurer que le Québec ait sa quote-part là-dedans. Il n'y a
rien. Il y a de la place pour toutes les autres provinces canadiennes, mais je
n'ai pas vu qu'il y ait de la place par rapport aux préoccupations de
développement du Québec. Le ministre reconnaît donc que
nous sommes défavorisés par le gouvernement
fédéral. Il reconnaît que le mode des incitatifs fiscaux
qu'il a utilisé nous pénalise en plus, et ça, c'est tout
à fait inacceptable. Le fait qu'on ait utilisé les incitatifs
fiscaux fait que l'Ontario donne plus aux entreprises ontariennes,
c'est-à-dire le fédéral donne plus aux entreprises
ontariennes qu'il ne donne aux entreprises québécoises parce
qu'il soustrait les avantages consentis par le Québec avant d'accorder
leur contribution, ce qui entraîne pour le Québec un manque
à gagner de l'ordre de 69 000 000 $. Surprenant, à peu
près l'équivalent de ce qu'on est en train d'investir dans le
Fonds de développement technologique. Mais là, c'est comme si on
le faisait exprès. J'appelle ça se tirer dans les pieds. Je ne
vois pas pourquoi on n'aurait pas pris les mesures qui nous auraient
assuré au moins d'avoir les mêmes avantages du gouvernement
fédéral qui sont consentis aux entreprises. Non seulement il ne
nous donne pas ce à quoi on aurait droit comme
province, qui représente 26 % de la population, mais, en plus, on
se donne des moyens pour se priver de ce qu'il nous donnerait normalement, si
on avait sensiblement les mêmes dispositions que l'Ontario. Le ministre
reconnaît également, parce qu'il n'a pas nié les chiffres
du GATIQ là-dessus, que non seulement on plafonne, mais là on
descend, en matière de RD, 1, 26 % du PIB, alors qu'on était
à 1, 3 % depuis déjà plusieurs années. Le ministre
ne nous a pas informés et j'imagine qu'il l'aurait fait s'il avait fait
quelque chose là-dessus. Le Conseil de la science et de la technologie a
déposé une étude très fouillée sur les
marchés publics et le développement technologique, c'est 7 000
000 000 $, les achats du gouvernement du Québec et de ses institutions.
Ça inclut évidemment Hydro-Québec. Et ça pourrait
constituer un levier majeur de développement et de tests de
vérification de nouvelles technologies. Rien, même dans les
hôpitaux, ça a été soulevé. On achète
à peu près 15 % des équipements un peu avancés au
Québec, 85 % dans les autres provinces canadiennes et à
l'étranger. Et personne ne se soucie de ça. C'est-à-dire
le développement technologique, c'est-à-dire les achats du
gouvernement du Québec, les achats publics servent au
développement technologique à 85 % d'autres provinces ou d'autres
pays. Et je n'ai pas entendu dire qu'il avait fait quelque chose
là-dessus.
Faible pénétration des technologies. Je viens de citer le
rapport de SECOR, on a un problème. Le ministre se met la tête
dans le sable, je le rappelle, il s'agite, il s'excite, il s'auto-anime, mais
dans la réalité, la dure réalité, la vraie
réalité, et là, il y a un désinvestissement du
fédéral et l'investissement du Québec stagne, même
il diminue. Il aura beau nous faire les grandes démonstrations qui
disaient - non pas ce matin, mais hier matin, il y a déjà
près de 24 heures, ça n'a pas de bon sens - il aura beau nous
faire toutes les grandes démonstrations, la réalité n'est
pas au moins aussi brutale que celle qu'on vient de présenter,
malheureusement... M. le Président, je voudrais qu'elle soit autre,
parce que je suis préoccupée, je suis sincèrement, et le
ministre le sait, je suis sincèrement préoccupée de cette
situation qui pénalise et qui compromet le développement
économique du Québec. Je sens que le ministre est incapable, il
n'a pas fait la démonstration qu'il avait le poids nécessaire
pour ramener le président du Conseil du trésor et son
gouvernement à plus de raison là-dessus. Il faut investir en
recherche et en développement, et non pas désinvestir comme on le
fait. Ce n'est pas vrai que ce sont des économies souhaitables et
efficaces quand on va chercher... périmer 3 000 000 $ dans le CRIQ.
Ça n'a pas de bon sens.
J'en profite, M. le Président, parce que le président du
Conseil du trésor est là, je pense que ce sont des choses qu'il
faut qu'il entende, parce qu'il n'a pas juste la responsabilité de
boucler, il a aussi la responsabilité de s'assurer qu'on fait du
développement économique au Québec.
M. le Président, le projet de loi qui est sur la table, en somme,
n'améliorera pas sensiblement la situation du CRIQ. Pour ce qui est de
l'enveloppe de base, c'est sur cinq ans l'équivalent de ce qu'ils
reçoivent cette année. Ça veut dire que dans cinq ans,
ça aura perdu une valeur d'environ 25 % minimum, pour autant que
l'augmentation du coût de la vie se situe entre 4 % et 5 %, probablement
27 % et 28 %. Ça veut dire qu'en net, ils vont perdre du pouvoir
d'achat. Pour les autres dispositions, on sait que c'est soumis à
l'approbation du ministre par rapport au fonds de recherche et, ça,
ça a de quoi inquiéter s'il pratique les politiques qu'ils ont
pratiquées cette année et on risque de ne pas en voir grand-chose
dans l'enveloppe du CRIQ, et ce serait profondément malheureux.
Mais, M. le Président, je pense que, si le ministre respecte
vraiment les engagements qui sont là - et, je le rappelle, il ne s'agit
pas d'une croissance des enveloppes du CRIQ, ça fait tout juste stagner,
en autant qu'il aille chercher la totalité de l'enveloppe - c'est un pas
dans la bonne direction, et nous serons d'accord avec ce projet de loi. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (m. cannon): merci, mme la
députée de chicoutimi. m. le ministre de l'industrie, du commerce
et de la technologie pour l'exercice de votre droit de réplique.
M. Gérald Tremblay (réplique)
M. Tremblay (Outremont): Vous comprendrez, M. le
Président, que si je suis impuissant et incapable, à 3 h 45, je
n'insisterai pas parce que nous aurons sûrement la chance, demain, en
commission parlementaire, d'en parler. Je voudrais, par contre, vous dire que
l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en
recommande l'étude à l'Assemblée. Merci.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre.
Est-ce que la motion visant l'adoption de principe du projet de loi 63, Loi
modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission de
l'économie et du travail pour
étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Cannon): Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 22 de notre feuilleton.
Projet de loi 78 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, à l'article
22 du feuilleton, M. le ministre délégué à
l'Administration et à la Fonction publique et président du
Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi 78,
Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite des secteurs public et parapublic. M. le ministre,
je suis prêt à vous reconnaître.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Merci, M. le Président. Ce projet de loi,
comme tous ceux de sa nature, donne suite à des ententes qui ont eu lieu
entre le gouvernement et ses employés. C'est à l'occasion des
négociations dans le secteur public que nous avons, dans le cadre de la
rémunération globale, à déterminer les conditions
non seulement de salaires, non seulement de vacances, non seulement
d'assurances, mais également de régimes de retraite pour les
travailleurs du secteur public. Donc, à partir du moment où nous
avons des ententes sur cet aspect de la rémunération globale de
nos employés, nous devons y donner effet, non pas par de simples
signatures dans des contrats, mais bien par des textes de loi comme celui que
nous avons maintenant devant nous.
Le projet de loi découle donc principalement de la lettre
d'intention qui a été conclue entre le gouvernement et les
syndicats des secteurs public et parapublic en ce qui concerne les
régimes de retraite des employés de la fonction publique, du
secteur de l'éducation et des affaires sociales. Les modifications
touchent de nombreuses lois, sort celle sur le Régime de retraite de
certains enseignants, ceux qu'on appelle les ex-religieux
sécularisés, c'est le titre précis de leur régime
de retraite.
Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse, M. le
ministre.
M. Perron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui, M. le
député de Duplessis.
M. Perron: M. le Président, même si je ne trouve pas
tellement intéressant ce que dit le président du Conseil du
trésor, il est peut-être important de demander que le quorum soit
efficace dans cette Chambre.
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, je vais faire le
décompte. Effectivement, il y a quorum. Bon! Bon! S'il vous plaît!
Toujours en vertu de l'article 32, je vous demanderais de respecter le
règlement et le décorum de cette Assemblée. Alors,
effectivement, je constate qu'il y a quorum. M. le ministre, si vous voulez
bien poursuivre, s'il vous plaît.
M. Perron: II n'y avait pas quorum; il y a maintenant quorum.
M. Johnson: M. le Président, oui, je note qu'il y a
maintenant quorum et qu'il y avait quorum lorsque le député de
Duplessis s'est levé.
Les modifications, donc - je comprends que ça n'intéresse
pas le député de Duplessis, il l'a dit - touchent 340 000
travailleurs du secteur public.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Johnson: Elles touchent donc le régime de retraite de
certains enseignants, la Loi sur le régime de retraite des agents de la
paix... Voulez-vous rappeler le député de Duplessis à
l'ordre, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Effectivement, je demande
à tout le monde de respecter l'article 32 du règlement. Je vous
demande, M. le député, de poursuivre. M. le ministre.
M. Perron: M. le Président, j'aurais une question à
vous poser, en tant que président. (3 h 50)
Le Vice-Président (M. Cannon): M. le député
de Duplessis.
M. Perron: Oui, c'est effectivement ça,
député de Duplessis, même si le président du Conseil
du trésor ne le reconnaît pas. Le président du Conseil du
trésor vient de dire que, lorsque j'ai demandé le quorum
antérieurement, il y avait quorum. Je voudrais savoir de votre part si
oui ou non il y avait quorum.
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Cannon): Un instant, s'il vous
plaît! Lorsque le député de Duplessis,
sur une question de règlement, a demandé si,
effectivement, il y avait quorum, je me suis levé et j'ai fait le
décompte. Au moment de son intervention, il n'y avait pas quorum.
Lorsque j'ai terminé le décompte, il y avait quorum.
M. le ministre, je vous invite à poursuivre votre intervention,
s'il vous plaît.
M. Johnson: M. le Président, en conséquence, c'est
à se demander comment on ferait pour fonctionner sans le
député de Duplessis.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Johnson: Donc, diverses lois qui font qu'une centaine de
milliers de travailleurs du secteur public sont affectées, soit la Loi
sur le régime de retraite de certains enseignants, qui
n'intéresse pas le député de Duplessis, la Loi sur le
régime de retraite des agents de la paix en institutions pénales,
qui n'intéresse pas le député de Duplessis, la Loi sur le
régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics, qui intéresse sans doute le député de Duplessis
comme travailleur, la Loi sur le régime de retraite des enseignants, qui
n'intéresse pas le député de Duplessis - il n'est pas
enseignant - et la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires.
Nous introduisons, M. le Président, à l'occasion de cette
législation et dans la suite des négociations dans le secteur
public, une mesure de retraite progressive, une mesure
Une voix: Qui n'intéresse pas le député de
Duplessis.
M. Johnson: ...qui n'intéresse pas le député
de Duplessis, de toute évidence, une mesure qui est introduite au
régime de retraite des employés du secteur public de même
qu'au régime de retraite des enseignants et au régime de retraite
des fonctionnaires à compter du 1er juillet prochain, afin de permettre
aux participants de ces régimes de bénéficier d'une
retraite progressive après entente préalable avec leur
employeur.
C'est ainsi qu'un participant pourra adhérer à ce
programme d'une durée de une à trois années au cours
desquelles il pourra réduire son temps de travail jusqu'à un
minimum de 40 % du service régulier, c'est-à-dire deux jours par
semaine, alors que, durant cette même période, nous
reconnaîtrons à cet employé, aux fins de
l'admissibilité et du calcul de sa rente, le même service qu'il
aurait obtenu s'il avait travaillé à plein temps, donc cinq jours
par semaine, pour les fins de mon exemple, et il continuera évidemment,
afin de se voir reconnaître pleinement 100 % de ses années de
service, les cotisations au régime dans la même mesure,
c'est-à-dire à 100 % du temps de travail.
Deuxième élément que nous introduisons, c'est la
prolongation du programme temporaire de retraite anticipée. En effet, la
Loi sur le RREGOP prévoit que tout employé qui a moins de 65 ans,
mais qui a 62 ans d'âge et deux années de service pour fins
d'admissibilité à une rente, peut bénéficier d'une
mesure qui lui permet l'ajout de certaines sommes additionnelles lors du calcul
de sa rente. De plus, ce régime de retraite prévoit certains
critères temporaires d'admissibilité à la retraite tels
que 35 années de service sans réduction actuarielle de la rente.
Ces mesures prenaient fin le 1er juillet 1990 n'eût été
cette intervention et elles seront, par ce projet de loi, prolongées
jusqu'au 1er septembre 1992, soit un peu plus de deux ans. Il y a lieu de noter
que seuls les participants au régime de retraite des employés du
gouvernement et des organismes publics le 31 décembre 1988 pourront
bénéficier de ce programme temporaire de retraite
anticipée.
Par ailleurs, nous introduisons un nouveau délai pour le rachat
de service antérieur qui donne droit, au RREGOP, à un
crédit de rente. Un participant à ce régime pourra donc
jusqu'en juillet 1992 présenter à la Commission administrative
des régimes de retraite et d'assurances une demande de rachat de service
antérieur non cotisé et obtenir ainsi un crédit de
rente.
Le régime de retraite des enseignants, par ailleurs,
prévoira, à la suite de la sanction du projet de loi, un nouveau
critère d'admissibilité à la retraite de 33 années,
soit deux années de moins qu'il est actuellement requis par ce
régime.
Finalement, nous assisterons à la fermeture du régime de
retraite des enseignants et du régime de retraite des fonctionnaires,
c'est-à-dire que, actuellement, un participant à l'un de ces
régimes peut opter de participer au régime général,
le RREGOP, et y transférer ses années de service, en faisant une
demande à cet effet à la Commission administrative des
régimes de retraite et d'assurances.
À compter du 1er janvier prochain, le 1er janvier 1991, donc, il
n'y aura plus de transfert de services du Régime de retraite des
enseignants ou du Régime de retraite des fonctionnaires vers le
Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes
publics. Par contre, la participation à ces régimes sera garantie
à tout participant qui quittera son emploi et qui reviendra occuper une
fonction visée par le RREGOP dans les 180 jours. L'employé qui
reviendra occuper une fonction après ce délai participera au
RREGOP, mais se verra tout de même reconnaître à ce dernier
régime, aux fins d'admissibilité à une rente, le service
qu'il avait accumulé soit au Régime de retraite des enseignants
ou, alors, au Régime de retraite des fonctionnaires.
Le projet de loi prévoit également certaines autres
modifications, tel que le transfert automatique au RREGOP des années de
service créditées
au Régime de retraite des enseignants ou au Régime de
retraite des fonctionnaires, lors du calcul de la rente d'un participant
à ce régime, l'ajustement au RREGOP et au Régime de
retraite des gardiens de prison, des règles de compensation applicables
à une dette due à la Commission, au cours d'une période
visée par les dispositions relatives à la retraite graduelle,
l'ajustement au RREGOP des règles relatives à la remise de dettes
afin de prévoir la remise d'une somme due à la Commission, si le
montant à l'origine de la dette a été versé plus de
quatre ans avant la date inscrite sur l'avis de réclamation de la
Commission. Une précision sera apportée au RREGOP, au
Régime de retraite des enseignants et à celui des fonctionnaires
à l'effet qu'un montant forfaitaire versé à un participant
qui n'a aucun service crédité dans l'année du versement
doit être intégré au traitement admissible de
l'année la plus récente au cours de laquelle du service est
crédité, l'année qui précède celle du
versement. Je n'en donne que pour exemple le cas d'un employé qui aurait
pris sa retraite en décembre dernier et qui, à l'occasion du
règlement des négociations, se serait vu récipiendaire
d'un montant forfaitaire à l'égard de l'année 1989, donc,
terminée, alors qu'il ne travaille plus, mais le versement étant
effectué en 1990, année où il ne travaille pas, nous
devons comptabiliser ce montant forfaitaire dans la dernière
année qui le rendait, évidemment, admissible à cette
rente, donc, une année de service créditée.
Également, nous introduisons une modification au RREGOP afin de
permettre à une personne en attente d'une rente différée
le transfert à ce régime des années de service
cotisées en vertu de la huitième partie de la Loi sur
l'instruction publique, une remorque ou une fin de régime. Certains
autres assujettissements, certaines modifications et précisions sont
également employés.
M. le Président, vous le voyez immédiatement, à
deux titres, ces projets de loi se ressemblent tous. D'une part, ils donnent
effet aux ententes conclues avec nos employés à l'égard de
cet élément non négligeable de la
rémunération globale que constituent les régimes de
retraite et, deuxièmement, ils ont comme caractéristique
principale d'être couchés en des termes hautement techniques qui
ne s'adonnent pas facilement à la simplification, je dirais, à la
vulgarisation qu'on pourrait souhaiter lorsque nous débattons ces
choses, mais, heureusement, nous aurons, à l'occasion de l'étude
en commission, aidés par les gens et les documents qui peuvent
être utiles, l'occasion d'aller plus au fond, le cas
échéant, si les parlementaires le désirent, des mesures de
nature technique, je le répète, qui sont comprises ici, dans ce
projet de loi.
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, M. le
député de Labelle.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Alors, M. le Président, je remercie
tous ceux qui m'applaudissent, y compris du côté
ministériel. Le projet de loi 78 a été
présenté, comme a dit le préskient du Conseil du
trésor, pour donner suite à certaines propositions du
comité de retraite ainsi qu'aux engagements du gouvernement pris lors
des dernières négociations avec les syndicats des secteurs public
et parapublic. Par conséquent, nous n'entendons pas nous opposer au
principe de ce projet de loi, d'autant plus que, en ce qui me concerne, je suis
parfaitement d'accord avec toute espèce de mesure qui facilite la
retraite aux employés qui ont atteint un certain âge et je suis
aussi favorable à toute mesure de transférabilité des
fonds de pension. À mon sens, c'est un principe dont nous devons
poursuivre l'application. Donc, malgré le fait que ce projet de loi ait
été déposé après le 15 mai 1990,
c'est-à-dire hors délai, nous entendons concourir à son
adoption avant la fin de la présente session parlementaire. (4
heures)
Outre les dispositions à caractère technique ou de
concordance simplement, le projet de loi présente sept modifications qui
concernent cinq régimes de retraite, donc qui est d'une nature assez
complexe finalement, et que nous aurons à étudier en commission
parlementaire, je suppose, dans les heures qui viennent, aujourd'hui
même, puisque nous en sommes à 4 heures du matin, et la
journée d'après.
Alors, la première modification permet à la CARRA
d'effectuer automatiquement, à moins d'avis contraire de
l'employé, le transfert des années créditées
à certains employés dans les différents régimes de
retraite ou entre les deux premiers régimes, soit le RRE ou le RRF. Je
suppose bien qu'il ne s'agit pas de pénaliser les employés, mais
je me méfierai toujours des transferts automatiques, parce que les cas
personnels sont tellement différents les uns des autres qu'on ne peut
prévoir à l'avance qu'on ne nuira pas à l'un ou à
l'autre. Donc, je me propose bien d'interroger le ministre là-dessus en
commission parlementaire. La mesure peut être préparée pour
aider les employés, mais, dans les faits, s'avérer nocive
à certains, et je pense qu'il faut procéder avec toute la
prudence nécessaire dans ce cas.
Une deuxième modification prévoit qu'un montant
forfaitaire versé au cours d'une année où aucun service
n'est crédité fait partie du traitement admissible de la
dernière année qui précède le versement de ce
montant. Encore une mesure qui a été entendue au comité de
retraite sur laquelle nous sommes d'accord, ainsi que la troisième,
uniformiser les règles relatives à la compensation lorsqu'une
dette est due à la CARRA. Les autres modifications donnent suite
à une lettre d'intention du gouvernement, annexée
aux conventions collectives. Comme l'a dit le ministre, il y a un
nouveau programme de mise à la retraite de façon progressive qui
permet, à certaines conditions, aux participants des régimes de
réduire leur semaine régulière de travail jusqu'à
deux jours, a-t-il dit - donc, c'est progressif - en accumulant du service, ce
qui améliore leur pension à terme et ce qui les encourage
à prendre une retraite graduellement. Je pense qu'il s'agit là
d'une mesure à caractère humain que nous devons favoriser et qui
est d'ailleurs utilisée dans les institutions privées, ou dans le
public ou, en tout cas, dans le parapu-blic. Il faut reconduire aussi jusqu'au
1er juillet le programme temporaire de retraite anticipée qui avait
été mis en marche, à mon sens, par notre gouvernement dans
la convention 1982-1983, ainsi que des critères d'admissibilité.
Et on entend supprimer à compter du 1er janvier 1991 le droit au
transfert du RRE et du RRF au RREGOP. Il faudrait voir dans quelle limite cela
se fait. Je suppose que nous aurons des éclaircissements en commission
sur cette question. Et, enfin, on veut abaisser de 35 à 33 années
de service les critères permanents d'admissibilité à la
pension au RRE.
Comme on le voit, ces modifications découlent soit des
recommandations du comité de retraite, soit de la lettre d'intention du
gouvernement, annexée aux conventions collectives. Donc, je suppose que
s'il y a eu cette lettre d'intention et qu'on l'a acceptée, les
syndicats eux-mêmes sont d'accord, et je dois dire que, dans ce contexte,
nous devons les entériner le plus tôt possible.
Cependant, là où j'aurai des remarques à faire au
ministre, c'est qu'il nous est arrivé avec ce projet de loi le 6 juin.
Je pense qu'on a là encore un exemple de législation à la
vapeur, qu'on me dit très technique, mais, justement, comme c'est
très technique, il va falloir faire attention que la loi soit
correctement rédigée. Pourquoi arriver aussi tard pour passer des
lois de cette nature? J'ai bien pris conscience qu'avant Noël, on a
procédé exactement de la même façon, on est
arrivé dans les tout derniers jours de la session, et puis on demande
d'adopter la loi. On réédite la même chose maintenant. On
dépose le 6 juin, alors qu'on aurait dû déposer le 15 mai,
et on demande l'adoption.
Et je dirai, M. le Président, qu'il est venu à mes
oreilles qu'on avait dit à certains syndicats, partenaires du
gouvernement que c'était la faute de l'Opposition si ça ne
passait pas. Et, donc, il y a quelqu'un qui dit ça quelque part. Est-ce
que ça vient du cabinet du ministre? Est-ce que ça vient de ses
fonctionnaires? Mais je voudrais dire au ministre que c'est absolument
inacceptable qu'on fasse de telles choses, qu'on fasse de telles
déclarations, inacceptable, d'autant plus que le projet de loi est
déposé en retard, même pas dans les délais. Alors,
je lui demanderais de faire du ménage dans sa cabane.
C'est inacceptable.
Nous allons concourir à son adoption, parce qu'il y a eu des
ententes, parce que nous voulons les reconnaître. C'est le gouvernement
qui a négocié, il a réglé avec les syndicats, nous
allons y donner suite. Mais je pense qu'il est inacceptable que de telles
rumeurs proviennent de chez lui.
Alors, là-dessus, j'espère que nous aurons amende
honorable comme Opposition, parce que nous allons le faire, non pas sous la
pression, parce que je n'ai pas eu l'occasion de dire si j'étais
d'accord ou pas d'accord vis-à-vis des syndicats. Je n'ai pas
négocié avec les syndicats et je ne négocierai pas avec
les syndicats là-dessus. Alors, il n'est pas question qu'on ait dit...
que j'aie dit que j'étais d'accord ou pas d'accord.
Alors, M. le Président, je pense qu'on a cette attitude, au
moment même où on passe des bâillons, où on
bâillonne à l'occasion de trois projets de loi importants à
la Chambre, comme nous l'avons vu au cours de ces derniers jours. Il me semble
qu'il y a beaucoup de projets de loi qui auraient pu être amenés
bien avant et qu'on aurait pu les regarder avant On aurait eu le temps de les
regarder à fond. On va devoir les regarder à la vapeur en
commission parlementaire. Je comprends que, peut-être, l'Opposition, ce
n'est pas important, mais quand on est rendu à ce stade de la
démocratie, je pense qu'on vient de glisser très loin. Et le
public, d'ailleurs, s'en rend compte, la population s'en rend compte et en
tiendra compte le moment venu.
Alors, M. le Président, malgré ce malaise, nous allons
concourir à adopter ce projet de loi qui donne suite à ces
conventions, à cette lettre d'intention du gouvernement. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Labelle. M. le ministre, dans l'exercice de votre droit
de réplique.
M. Daniel Johnson (réplique)
M. Johnson: M. le Président, deux commentaires. Le
premier, sur la date tardive. Malgré tous les efforts qu'on peut faire
de notre côté pour respecter l'échéance du 15 mai,
il n'en reste pas moins que, dans cette matière précise,
certaines des ententes paraphées à l'égard des aspects des
régimes de retraite dans les négociations des secteurs public et
parapublic sont survenues à une date assez tardive ce printemps qu'il
était carrément et physiquement impossible de produire des textes
de ce haut niveau technique à temps pour le 15 mai pour refléter
les ententes de principe et le contenu - je dirais la substance - des ententes
qui avaient été conclues avec nos syndicats du secteur public
avec lesquels nous avons finalement conclu des ententes au début de
l'année.
Deuxièmement, je dirais peut-être sur ce
sujet-là que la meilleure certitude pour qu'on ait entre les
mains en commission, ici, à l'Assemblée, un texte qui ne variera
pas dans la mesure où il ne s'y serait pas glissé des coquilles
ou des inexactitudes, techniques ou autres, on peut choisir de prendre un peu
plus de temps pour le foire correctement plutôt que de découvrir
après le dépôt - si ce dépôt-là est
fart de façon trop rapide - que c'est le projet de loi, tel que
déposé, qui doit constamment être modifié,
ajusté avec des foules de papillons, comme on sait que ça peut
arriver.
Évidemment, c'est un jugement qu'on porte. On est pressés,
d'une part, par le temps. Les échéanciers de conventions
collectives ne nous ont pas permis de déposer à temps... Enfin,
je m'en excuse tout en le reconnaissant comme inévitable.
Quant à l'autre commentaire du député, je vais lui
dire une chose qui va le surprendre. Comme en décembre dernier...
ça, il n'en a peut-être pas connaissance... Est venu à mes
oreilles bien avant le 1er juin - je le dis et je le répète et je
vais l'affirmer en présence de qui que ce soit - que les gens qui, de
part et d'autre, s'expriment au nom de nos groupes parlementaires ont eu des
conversations. À titre de leader adjoint du gouvernement, je suis partie
de cette équipe qui fait partie des échanges que nous avons entre
groupes parlementaires. Et j'ai appris que nos vis-à-vis, par la voie
d'au moins une personne, ont indiqué en mai, je cite: Que les projets de
loi du président du Conseil du trésor seraient très
difficiles à passer. Enfin, je vous laisse juger de l'identité de
la personne en cause. Le fait est, M. le Président, que...
(4 h 10)
Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse. M. le
député de Duplessis.
M. Perron: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.
M. Perron: Nous sommes 17 députés en cette Chambre
et ça en prend 21. Est-ce que vous pourriez demander le quorum, s'il
vous plaît?
Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.
Alors, effectivement, il y a quorum. M. le ministre, si vous voulez
poursuivre, s'il vous plaît. Je demanderais à tout le monde de
respecter le règlement, s'il vous plaît, l'article 32 du
règlement. M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous
plaît.
M. Johnson: M. le Président, ma responsabilité,
à partir du moment où on me signale que, du côté de
l'Opposition, on indique que ça sera avec d'énormes
difficultés que je pourrai amener et espérer faire adopter des
projets de loi... C'est ma responsabilité et j'ai dû le faire et
avec regret encore une fois. J'ai dû le faire en décembre dernier.
Les mêmes circonstances, les mêmes échanges ont eu lieu en
décembre dernier. J'ai dû, comme c'est ma responsabilité,
indiquer à mes interlocuteurs syndicaux qui me demandaient quelles
étaient les perspectives d'adoption des projets de loi qui touchaient
leur régime de retraite, que les indications précises qui me
venaient de l'Opposition étaient que les projets de loi étaient
difficilement prévisibles quant au traitement et leur adoption.
Une voix:...
M. Johnson: Aie!
Le Vice-Président (M. Cannon): Un instant! M. le
député, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous avez
eu l'occasion d'intervenir sur ce projet de loi. Nous écoutons
maintenant M. le ministre en réplique et si vous n'êtes pas
satisfait, évidemment, vous avez toujours des recours. Vous pouvez
même lui poser une question, il y a les commissions parlementaires et il
y a l'adoption de la troisième lecture. M. le ministre, si vous voulez
poursuivre, s'il vous plaît.
M. Johnson: M. le Président, on évoque de l'autre
côté les dates de dépôt. Je suis entièrement
d'accord, je l'ai reconnu tout à l'heure. Implicitement, à partir
du moment où la date de dépôt qui permet au gouvernement
d'adopter le projet de loi sans le consentement de l'Opposition avant la fin de
la session, cette date-là étant passée, implicitement,
ça prend le consentement de l'Opposition pour l'adoption du projet de
loi en troisième lecture avant la fin de la session. Ou bien on est
avant les délais, on procède et on l'adopte et l'Opposition ne
peut pas s'opposer à son adoption en troisième lecture ou alors
on est hors délai et, là, ça prend très clairement
le consentement unanime pour l'adoption à la fin de la session.
À partir du moment où les raisons mécaniques que
j'ai indiquées nous ont contraints à déposer le projet
après le 15 mai, j'ai besoin, au nom des syndiqués du secteur
public, du consentement unanime de l'Assemblée afin de faire adopter les
projets de loi avant la fin de la session. M'étant enquis des
possibilités d'un consentement qui serait donné pour l'adoption,
on m'a annoncé que l'Opposition avait indiqué de façon
particulièrement négative son attitude à l'endroit du
projet de loi. Les syndicats me demandant quelles sont les perspectives. M. le
Président, j'ai indiqué à mes interlocuteurs syndicaux que
ça regardait mal, que tous les signaux que j'avais eus n'étaient
pas particulièrement intéressants ou positifs; ce qui les a
amenés, de toute évidence, à communiquer avec l'Opposition
et lui demander ce qui pouvait bien accrocher. Ce que l'Opposition a
interprété
comme une tentative délibérée du gouvernement de
faire croire que l'Opposition s'opposait au projet de loi, alors que ce que
nous avons toujours Indiqué, c'était qu'en raison du
dépôt hors délai, il y avait un risque qui nous avait
été signifié qu'il y aurait des difficultés
réelles à faire adopter le projet de loi.
À partir de ce moment-là, M. le Président - je ne
veux pas mêler les choses - tout ce que je reconnais, en reconnaissant
que les dépôts ont eu lieu hors délai et en décembre
dernier et au printemps cette fois-ci, chaque fois l'Opposition a
manifesté initialement, par la voix des gens qui s'expriment au nom du
groupe de l'Opposition, que les projets de loi, ce n'était pas fait
qu'ils étaient adoptés et qu'il ne fallait pas compter que ce
soit adopté, que ce serait très difficile de les passer... Quand
les instances syndicales me demandent comment ça regarde, je leur dis,
M. le Président. À partir de ce moment-là,
évidemment, s'il y a des interventions, c'est à la lumière
de ces renseignements que les interventions sont faites et rien d'autre.
Ça fait quand même une dizaine d'années que je suis
ici, et dans l'Opposition et du côté gouvernemental, et je n'ai
jamais eu de difficultés à m'entendre sur des matières
comme ça avec les gens d'en face. Je n'ai jamais fait de
difficultés pour accorder les consentements qui pouvaient être
requis de moi-même ou de mes collègues lorsque nous étions
dans l'Opposition, dans des matières semblables.
Tout ce que je dis, c'est qu'en décembre dernier, donc depuis les
dernières élections... C'est peut-être une nouvelle
attitude de l'Opposition. On va reconnaître ça et ça,
j'accepte ça qu'il y ait une nouvelle attitude de l'Opposition, si c'est
comme ça qu'elle veut jouer la partie. Mais, en décembre dernier
et ce printemps-ci, on nous signale que, pour ces projets de loi, les
perspectives d'adoption sont particulièrement problématiques. M.
le Président, si c'est problématique, je le dis à mes
interlocuteurs syndicaux. Ils ont peut-être fait des appels
téléphoniques.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre.
Est-ce que la motion visant à l'adoption du principe du projet de loi
78, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les
régimes de retraite des secteurs public et parapublic, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que le
projet de loi soit déféré à la com- mission du
budget et de l'administration pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Cannon): Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 9 du feuilleton.
Projet de loi 56 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Cannon): À l'article g du
feuilleton, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie
propose l'adoption du principe du projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur la
Société des alcools du Québec et d'autres dispositions
législatives. M. le ministre.
M. Gerald Tremblay
M. Tremblay (Outremont): Nous procédons ce soir, M. le
Président, à l'adoption du principe du projet de loi 56
intitulé Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools
du Québec et d'autres dispositions législatives.
En 1983, le gouvernement promulguait la loi 29 modifiant de façon
très importante les règles de fabrication et d'embouteillage des
vins et autres boissons alcooliques par les titulaires de permis de fabricants
de vin permettant à ces derniers d'embouteiller, au même titre que
la Société des alcools du Québec, des vins d'appellation
simple et d'origine contrôlée importés en vrac au
Québec. L'industrie de la distillation était, pour sa part,
autorisée à embouteiller des spiritueux importés en vrac
à partir du mois de juillet 1985. L'entreprise privée et la
Société devenaient, à toutes fins utiles, des concurrents
en ce qui touche la fabrication des boissons alcooliques.
Ces modifications devaient amener le ministère de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie à assurer le contrôle des
opérations des détenteurs de permis industriels, et quelques
années plus tard, des permis artisanaux. Le contrôle de la
qualité des produits demeurait, pour sa part, à la
Société des alcools du Québec. Ainsi, les fonctions de
contrôle touchant la fabrication de boissons alcooliques étaient
dissociées du contexte institutionnel traditionnel régissant
l'ensemble du commerce des boissons alcooliques et étaient
confiées à un ministère dont la mission en est une de
développement. En effet, le ministère de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie est, pour l'essentiel, un
ministère voué au développement des entreprises.
Les contacts nombreux et constants que les agents de ce ministère
entretiennent avec les entreprises relèvent, dans ce contexte, d'une
notion de partenariat économique où la croissance des entreprises
et leur marché constituent les objectifs privilégiés par
le ministère. L'application auprès des entreprises de mesures de
contrôle et d'inspection pouvant donner lieu à la
révocation des permis, et donc à la fermeture d'entreprises
ouvrait la porte à des conflits potentiels dans l'exercice de ces divers
mandats. (4 h 20)
II convient donc, M. le Président, de procéder à un
réaménagement administratif des fonctions actuellement
exercées par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie, en matière de contrôle et d'inspection des
activités des détenteurs de permis industriels et artisanaux. Ce
réaménagement est justifié essentiellement par la
nécessité de confier aux organismes et ministères
concernés des responsabilités compatibles avec leurs mandats
spécifiques et d'éliminer la dualité des rôles que
le ministère est amené à assurer auprès des
entreprises de fabrication de boissons alcooliques.
Le réaménagement proposé permet de maintenir et, au
besoin, d'intensifier la portée et la nature des contrôles et des
inspections déjà effectués auprès des
détenteurs de permis, en tenant compte des attentes gouvernementales
touchant, notamment, le respect intégral des lois et des
règlements régissant la fabrication et le commerce des boissons
alcooliques au Québec.
Les mesures proposées touchent à la fois une
redéfinition des mandats détenus actuellement par le
ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, un
élargissement du rôle de la Régie des permis d'alcool du
Québec, en ce qui touche la délivrance des permis de fabrication
artisanale et industrielle, le contrôle des activités touchant
plus particulièrement la fabrication des boissons alcooliques au
Québec et, en conséquence, la modification des cadres
législatifs et réglementaires régissant ces
activités.
Dans ce contexte, M. le Président, il est proposé de
modifier la Loi sur la Société des alcools du Québec afin
de transférer les dispositions relatives à la délivrance
des permis et à l'inspection des détenteurs de permis industriels
et artisanaux dans la Loi sur la Régie des permis d'alcool du
Québec et de confier l'application de ces dispositions à la
Régie des permis d'alcool du Québec. Nous aurons l'occasion, en
commission parlementaire, de faire l'analyse du projet de loi, article par
article. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Mme la députée de
Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. Je crois que le projet
de loi qui est devant nous est effectivement et essentiellement sain quant
à la façon de gérer l'émission des permis. On
évite d'ailleurs, à cet égard, certains
éléments qui pourraient mettre en conflit le ministère et
la Société qui dépend du ministère, qui a un lien
avec le ministre, à tout le moins. Donc, dans ce sens-là, le
projet qui est devant nous est intéressant.
Il méritera, cependant, qu'on l'analyse d'une façon un peu
plus spécifique en se questionnant sur l'aspect très
contrôlant qu'on introduit dans le projet. Il faudra voir si,
effectivement, ce sont des règles que l'on retrouve habituellement pour
ce type d'interventions auprès des sociétés qui
demanderaient des permis et qui voudraient être ainsi reconnues et si les
mesures que l'on prévoit pour aller inspecter, par exemple, les
fabricants sont soit trop importantes ou pas suffisamment importantes.
Si j'apporte, en fait, ces éléments de commentaires,
à ce moment-ci, parce qu'on aura la possibilité de le reprendre
au niveau de l'étude du projet article par article, c'est que j'ai pris
connaissance, entre autres, d'un document qui a été produit par
l'Association des viniculteurs du Québec et qui a été
d'ailleurs adressé au ministre au début de juin 1990, dans lequel
on fait un certain nombre de commentaires sur le projet qui est devant nous, le
projet de loi 56. On mentionne que ces gens auront l'opportunité
d'être consultés sur les règlements, mais, et je cite: "La
loi fixe un cadre général qui servira de référence
dans le futur. Comme nous ne connaissons pas toutes les interprétations
de diverses personnes qui pourraient en résulter, nous aimerions que
certaines modifications y soient apportées avant son adoption finale par
l'Assemblée nationale."
Et ils soulignent un certain nombre de points. Le premier, entre autres,
ce sont les sanctions. On parle des intervenants dans le secteur des boissons
alcooliques. On parie des catégories d'intervenants, soit les fabricants
locaux, les fabricants de l'extérieur du Québec, qui sont
généralement représentés par des agents, de
même que la Société des alcools, section embouteillage. Et
ce qu'on dit ici, c'est que le projet de loi prévoit des mesures
beaucoup plus pénalisantes et coûteuses pour les fabricants locaux
- et ça, c'est un peu inquiétant - que pour les fournisseurs
extérieurs, de même que pour la SAQ. En plus des sanctions
prévues devant les tribunaux, de la Cour des sessions de la paix, ils
peuvent voir leur permis révoqué. On impose le fardeau de la
preuve et ça, ce sont des choses que j'aimerais que l'on puisse fouiller
avec le ministre lorsqu'on étudiera le projet de loi en commission
parlementaire parce que eux semblent évaluer, et je les cite
encore, "que ceci apparaît anormal dans notre cadre juridique." Je
veux dire qu'ils semblent évaluer que les mesures sont
disproportionnées quant à la fin recherchée.
Une deuxième critique qui va un petit peu dans le même
sens, c'est sous l'angle de l'inspection. J'ai vérifié dans
d'autres projets de loi, dans d'autres lois qui existent On dit dans le projet
de loi 56 qu'on oblige le fabricant à transmettre à la
Régie des permis d'alcool tout registre, livre ou autres documents
indiqués par règlement. Bon, évidemment, cette mesure
apparaît coûteuse aux yeux de l'Association des viniculteurs et on
dit qu'en désignant même le corps policier qui sera chargé
d'aller fouiller dans l'entreprise c'est une pratique qui est inhabituelle dans
ce type d'industrie. Maintenant, ce n'est pas inhabituel dans nos lois, par
exemple; ça, j'ai vérifié, mais peut-être qu'eux
font cette remarque par comparaison avec ce qui se passe ailleurs, dans des
industries similaires. Mais encore là, je pense que ce sont des
questions qui méritent quand même d'être
soulevées.
Et enfin, un troisième point où on dit: On ne
prévoit pas dans la loi modifiée le pouvoir, par le ministre,
d'imposer des mesures correctives comme cela existe présentement. Par
contre, on introduit le concept nouveau de l'intérêt public et
ça se retrouve à l'article 30, lequel n'est pas défini
pour l'émission ou le transfert de permis. L'interprétation que
l'on peut en faire nous laisse songeurs. Donc, dans ce sens-là, on
aimerait, si cela est possible, qu'on puisse peut-être préciser
davantage ou faire référence, du moins, à l'assise
évidemment sur laquelle s'appuie cette notion.
Alors, c'est l'Association des viniculteurs du Québec qui a fait
un certain nombre de représentations auprès du ministre et qui,
j'imagine, pourrait nous inspirer sûrement quelques
éclaircissements et peut-être quelques amendements au projet, si
c'est nécessaire, pour tenir compte de ses remarques, si celles-ci sont
pertinentes. Je n'en juge pas à ce moment-ci. Je les souligne au moment
où on va s'engager dans l'étude du projet de loi parce que
ça m'apparaît important que les premiers concernés soient
quand même aussi ceux que l'on entende ou par lesquels on puisse avoir un
certain éclairage.
Je vous dirai, M. le Président, que ça me fait
particulièrement plaisir, dans le fond, qu'on adopte, qu'on envisage
d'adopter une loi comme celle qui est devant nous quand je constate ce qui
s'est passé, et je pense que le ministre va en convenir avec moi, dans
un cas qui a été soumis au ministre déjà depuis
presque un an bientôt; enfin, pas tout à fait puisque le ministre
a été élu comme nous tous à la fin de septembre
1989. Il y a eu un cas de demande de permis qui a été
déposée au ministère de l'Industrie et du Commerce de la
part d'un industriel qui demeure à Longueuil, mais qui est de la
région de La Prairie, je crois, et cet industriel a demandé au
mois d'août 1989 l'obtention d'un permis pour continuer à
opérer une entreprise qu'il avait acquise suite à une faillite.
Et, semble-t-il, tout cela s'est fait dans les normes. Bon, je dis bien:
semble-t-il. Je n'ai pas fouillé le dossier, évidemment, sous un
autre angle que celui de la demande et de son cheminement chez le ministre et
au ministère. et c'est un peu agaçant, pour ne pas dire
très agaçant, quand on constate que la demande va être
présentée le 22 août 1989 - il s'agit des caveaux
sainte-catherine - et là, pendant tous les mois de novembre et de
décembre, on va envoyer au bureau du ministre une série de
lettres, soit d'avocat, soit de banque, même price waterhouse, soit un
autre avocat ici, pour confirmer la capacité de l'entreprise d'assumer
cette fonction, surtout la capacité du gestionnaire de l'entreprise.
bon, même des conseillers, des firmes d'analystes-conseils, etc. donc, on
va écrire à répétition au ministre et aux
fonctionnaires et jamais on n'obtiendra de réponse. je l'ai
souligné d'ailleurs au ministre au moment de l'étude des
crédits. et à partir de février, c'est vraiment
directement au cabinet du ministre qu'on va s'adresser. le 15 février,
on s'adresse à lui, le 16 février, et là, vraiment,
à partir de mars, on a en ligne des téléphones le 15 mars
à m. tremblay, à son chef de cabinet. le 16 mars, c'est une
lettre de recommandation qu'on envoie. le 28 mars, on écrit au directeur
de cabinet du ministre. le 30 mars, on indique qu'on voudrait bien parler au
cabinet du ministre. et là, se sont des lettres que j'ai en main. on me
dit que ce sont des copies de lettres ou de télégrammes ou de
béiinographes que l'on a envoyés au ministre.
Ça, je pense que c'est inacceptable et je l'ai dit au ministre et
je le lui répète ici. Et, évidemment, la décision
va se solder par le fait que l'on refuse le permis et qu'on dise à la
personne: Allez, poursuivez-nous si vous voulez avoir votre permis. C'est un
peu inhabituel, on l'admettra, comme procédé. Et, dans le fond,
ce que je reproche au ministre, c'est ce que cette loi va corriger. Bien
sûr, ce n'est pas au ministère que s'émettront les permis,
mais c'est par la Régie qui aura à contrôler, etc. Mais, ce
que je reproche au ministre, c'est de ne pas avoir répondu à la
personne qui était un peu désespérée et au
désarroi, finalement, parce que jamais on ne lui retourne ses appels,
jamais on ne lui dit qu'elle va avoir réponse, quand elle va avoir
réponse. Ou quand on le lui dit, on lui dit qu'elle va avoir
réponse d'ici quelques jours, d'ici quelques semaines, et ça,
ça se fait en février, en mars, en avril et la réponse ne
va venir qu'en mai.
Je souligne encore une fois et je vais terminer là-dessus, M. le
Président, il est très tard et il est très tard pour moi
aussi. Nous avons des journées un peu pénibles et un peu lourdes.
Je termine en disant que ça n'a pas de sens. N'importe quel citoyen qui
s'adresse à un
ministre, qui s'adresse à un membre du gouvernement, qui
s'adresse à un député, doit au moins savoir que, oui, sa
demande est là et qu'il risque d'y avoir un délai, doit au moins
avoir une réaction. Ce n'est pas acceptable. Cet homme-là a
investi, a supporté ces investissements-là, qui lui
coûtaient évidemment des sous, et il s'est trouvé dans
l'insécurité pendant un long moment Peut-être le ministre
était-il justifié. Remarquez bien, M. le Président, que je
ne vais pas sur le fond, je vais sur la forme. Et je considère que
ça n'a aucune espèce de bon sens qu'on traite les gens de cette
façon. Alors, nous reprendrons l'étude du projet de loi avec les
commentaires qui ont été soulevés par l'Association des
viniculteurs, de même qu'un certain nombre de ceux que je mentionnais
concernant l'aspect peut-être un peu exigeant des mesures judiciaires ou
autres qui sont prévues à la loi, ce que nous aurons l'occasion,
de toute façon, de voir à l'étude article par article, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée de Taillon. M. le ministre, pour l'exercice de votre
droit de réplique. Donc, puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants sur
le projet de loi, est-ce que la motion visant à adopter le principe du
projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools
du Québec et d'autres dispositions législatives, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Johnson: M. le Président. Je fais motion pour que ce
projet de loi soit déféré à la commission de
l'économie et du travail pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Cannon): Est-ce que cette motion est
adoptée?
Mme Marois: Adopté.
Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour ajourner
nos travaux à ce matin, mercredi 20 juin, à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Cannon): La séance est
levée et les travaux sont ajournés à aujourd'hui, 10
heures.
(Fin de la séance à 4 h 34)