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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 19 juin 1990 - Vol. 31 N° 59

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures treize minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Nous allons nous recueillir quelques instants. Merci.

Veuillez vous asseoir.

L'Assemblée entreprend ses travaux en ce mardi 19 juin.

Aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclaration ministérielle.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents, M. le ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

Cadre de référence pour le plan quinquennal d'investissements universitaires 1989-1994

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le document suivant, cadre de référence pour le plan quinquennal d'investissements universitaires 1989-1994.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Rapport annuel de l'Office du crédit agricole

M. Pagé: M. le Président, qu'il me soit permis de déposer le rapport de l'Office du crédit agricole, rapport annuel pour l'année financière se terminant en mars 1990.

Le Président: Ce document est déposé. M. le président du Conseil du trésor et ministre des Finances par intérim.

Rapport annuel de Loto-Québec

M. Johnson: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le 20e rapport annuel, soit celui pour l'année financière 1989-1990, de Loto-Québec.

Le Président: Ce document est déposé. M. le ministre du Travail.

Rapport annuel du ministère du Travail

M. Séguin: Oui, M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel du ministère du Travail pour l'année 1989-1990.

Le Président: Alors, ce document est déposé. M. le ministre de la Sécurité publique.

Rapports annuels du Bureau du coroner et de la Régie des permis d'alcool du Québec

M. Elkas: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer les rapports annuels 1989-1990 du Bureau du coroner et de la Régie des permis d'alcool du Québec.

Le Président: Alors, ces documents sont déposés. Mme la ministre des Communications.

Rapport annuel du ministère des Communications

Mme Frulla-Hébert: M. le Président, il me fait plaisir de déposer le rapport annuel du ministère des Communications pour l'année 1989-1990.

Le Président: Ce document est déposé.

Décisions du Bureau de l'Assemblée nationale

J'ai l'honneur de déposer trois décisions prises par le Bureau de l'Assemblée nationale. Alors, ces documents sont également déposés.

Dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Nicolet-Yamaska.

Étude détaillée du projet de loi 15

M. Richard: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation qui a siégé les 7, 8, 11 et 12 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 15, Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et modifiant d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec amendements, M. le Président.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le vice-président de la commission des institutions et député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Étude détaillée du projet de loi 47

M. Trudel: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des institutions qui a siégé les 15 et 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 47, Loi modifiant le Code civil du Québec concernant le partage du patrimoine familial. Ce projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Lévis.

Étude détaillée du projet de loi 51

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et

des équipements qui a siégé le 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 51, Loi modifiant la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Étude détaillée du projet de loi 60

Je dépose également le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 15 et 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 60, Loi sur la Société québécoise de récupération et de recyclage. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Étude détaillée du projet de loi 50

Je dépose sans honneur le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé les 13 et 14 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 50, Loi modifiant la Loi sur la Régie de l'assurance automobile du Québec et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi n'a pas été adopté.

Le Président: Ces rapports sont déposés. Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Taillon.

Étude détaillée du projet de loi 70

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé les 14, 15 et 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 70, Loi concernant l'adoption et modifiant le Code civil du Québec, le Code de procédure civile et la Loi sur la protection de la jeunesse. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Étude détaillée du projet de loi 32

M. le Président, j'ai aussi l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 32, Loi modifiant la Loi sur la protection de la santé publique. Le projet de loi a été adopté, M. le Président.

Étude détaillée du projet de loi 42

J'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 42, Loi modifiant la Loi sur l'as-surance-maladie et la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Le projet de loi a été adopté avec un amendement, M. le Président.

Étude détaillée du projet de loi 61

Enfin, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission des affaires sociales qui a siégé le 18 juin 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 61, loi modifiant la loi sur les services de garde à l'enfance. le projet de loi a été adopté.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés.

Dépôt de pétitions. M. le député de Gouin.

Surseoir à la décision de fermer le bureau de Radio-Québec en Gaspésie

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Je dépose le cinquième extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 787 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine. Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant l'importance de Radio-Québec en tant que véhicule privilégié de la réalité culturelle du Québec; "Considérant que cette réalité culturelle est constituée de plusieurs composantes culturelles régionales; "Considérant que la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine se doit d'être présente dans l'univers culturel de l'ensemble des Québécois et Québécoises; "Considérant que la fermeture du bureau régional de Radio-Québec en Gaspésie attaque directement la présence de la région de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine dans cet univers culturel et, par conséquent, risque de déformer la vision de la réalité culturelle du Québec offerte à l'ensemble des Québécois et Québécoises;"

Et l'intervention réclamée se résume ainsi: "Que l'Assemblée nationale intervienne auprès de la ministre des Communications afin qu'elle demande au conseil d'administration de Radio-Québec de surseoir à sa décision de fermer le bureau régional de Radio-Québec en Gaspésie." Merci, M. le Président. (10 h 20)

Le Président: Votre pétition est déposée. Mme la députée de Verchères.

Empêcher la commercialisation du dimanche et limiter les heures d'ouverture le soir

Mme Dupuis: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 67 pétitionnaires, consommateurs et consommatrices de la région de Saint-Hilaire. Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant que les signataires sont contre l'ouverture des commerces le dimanche;"

Et l'intervention réclamée se résume ainsi: "Que l'Assemblée nationale du Québec inter-

vienne afin que le gouvernement légifère rapidement dans le but d'empêcher la commercialisation du dimanche et de préserver la qualité de vie au Québec, plus précisément: "Que l'Assemblée nationale demande que l'extension des heures d'ouverture en semaine soit limitée au mercredi soir jusqu'à 20 heures et que seuls les commerces qui sont exploités en tout temps avec pas plus de quatre employés incluant le propriétaire soient autorisés à ouvrir le dimanche et en dehors des heures prévues par la loi."

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Cette pétition est déposée. M. le député de La Prairie.

Inclure le boisé Tailhandier dans le parc de conservation du mont Saint-Bruno

M. Lazure: M. le Président, je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 101 citoyens et citoyennes de Saint-Bruno, comté de Chambly. Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant que le boisé Tailhandier, contigu au parc de conservation du mont Saint-Bruno, contient des richesses botaniques et ornithologiques remarquables; "Considérant que la ville de Saint-Bruno semble souhaiter la construction d'un développement domiciliaire qui détruirait ce boisé; "Considérant qu'en octobre 1985, le Parti libéral s'engageait à étendre le territoire du parc de conservation du mont Saint-Bruno "pour y inclure tous les boisés existants sur la montagne elle-même, dont le boisé Tailhandier"; "Considérant que ce boisé est un prolongement naturel du parc de conservation du mont Saint-Bruno";

L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que l'Assemblée nationale intervienne auprès du ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche afin qu'il acquière ce boisé pour l'inclure dans le parc de conservation du mont Saint-Bruno ou, à tout le moins, qu'il mette ce boisé en réserve d'achat pour une période de deux ans."

Cette pétition s'ajoute à celle remise à la députée de Chambly et ministre des Affaires culturelles, de 9400 noms, mais qu'elle n'a pas déposée à l'Assemblée nationale. Merci.

Le Président: Alors, cette pétition est déposée. M. le député de Bertrand.

Permettre l'ouverture des fruiteries le dimanche

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Suite à la pétition que je présentais hier, je présente une deuxième pétition adressée à l'Assemblée nationale par 8332 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec. Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant que plus de 90 % des revenus des fruiteries proviennent de la vente de produits périssables; "Considérant que le commerce des fruiteries exige un approvisionnement quotidien qui peut comporter plusieurs arrivages; "Considérant que la minutie, la manipulation fréquente et délicate qu'exigent les produits périssables des fruiteries les obligent à une flexibilité dans le nombre d'employés requis; "Considérant que les fruiteries du Québec sont un important débouché pour les producteurs maraîchers locaux du Québec; "Considérant que les fruiteries emploient un grand nombre de jeunes et d'étudiants; "Considérant que l'ouverture des fruiteries le dimanche ajoute à la qualité de vie des Québécois et reçoit l'appui de plus de 78 % des Québécois consultés par IQOP;"

L'intervention réclamée se résume ainsi: "Que l'Assemblée nationale intervienne auprès du ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie afin qu'il amende le projet de loi 75 sur l'ouverture des commerces le dimanche, conformément aux recommandations formulées par l'Association provinciale des fruiteries du Québec."

Le Président: Cette pétition est déposée. Maintenant, M. le député de Laviolette. Vous n'avez pas de pétition? Très bien. Alors, il n'y a pas d'autres pétitions?

Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Questions et réponses orales des députés. Je vais reconnaître, en première question principale, M. le député de Lévis.

Processus d'embauché des employés occasionnels

M. Garon: M. le Président, le président de la Commission d'accès à l'information, M. Jacques O'Bready, déclare dans le journal de ce matin que la centralisation de fiches personnelles au cabinet du ministre délégué à la voirie contrevient à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et qu'il fera enquête.

M. le Président, pourquoi le ministre a-t-il choisi de contrevenir à la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels en centralisant à son cabinet les fiches d'embauché des employés occasionnels?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Transports.

M. Vallières: M. le Président, j'ai eu l'occasion de relire ce que le président de la commission avait dit. J'indique immédiatement au député de Lévis que ce dont il a parlé, c'est plutôt de vérification. Je laisserai la commission faire le boulot qu'elle a à faire, faire son travail. Je veux indiquer au député de Lévis, par ailleurs, qu'au moins deux lois de ce gouvernement, soit la Loi d'accès aux documents des organismes publics, à l'article 8 de cette loi, de même que la Loi sur la fonction publique, à l'article 37, permettent à celui qui vous parle, comme premier gestionnaire du ministère, d'obtenir des informations de la nature de celles qui ont été divulguées.

Pour ce qui est du geste qui a été posé, j'ai déjà indiqué les réprimandes qui ont été adressées à mon employé à cet égard-là. Je veux indiquer au député de Lévis que, d'ores et déjà, la contribution du ministère des Transports est acquise à la commission afin de s'assurer que non seulement l'esprit de la loi, mais que la lettre de la loi également soit respectée. Je me permets d'indiquer au député de Lévis de se référer très directement aux propos qu'a tenus le président et non pas à l'interprétation qu'il pourrait faire des propos qu'il a tenus à l'intérieur des journaux.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, je vais redemander au ministre... C'est une question que j'ai posée hier. Est-ce qu'il fait une distinction entre le droit du ministre d'obtenir des renseignements sur une personne, sur un cas d'embauché ou sur une personne qui a postulé un emploi - qu'est-ce qui arrive, est-ce qu'il a gagné le concours, où c'est rendu - et son droit, qui n'existe pas, de compiler des listes à partir des demandes d'emploi que font, à différents endroits de son ministère, les gens qui veulent occuper des emplois occasionnels?

Le Président: M. le ministre.

M. Vallières: M. le Président, je veux rectifier les propos du député de Lévis. Mon cabinet ne reçoit pas toutes les demandes d'emploi occasionnel qui sont faites à l'intérieur des différents districts ou des différentes régions. Je veux être bien clair là-dessus. Il n'y a pas de compilation et il n'y a pas de liste à cet effet-là.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Est-ce que le ministre nous donne une nouvelle information, ce matin, contraire à ce qu'il nous a dit depuis le début, que, d'une façon systématique, il avait la liste des employés occasionnels pour pouvoir répondre aux questions éventuelles qui viendraient des députés? Est-ce qu'il dit le contraire, ce matin, de ce qu'il a dit depuis le début?

Le Président: M. le ministre.

M. Vallières: M. le Président, je veux reprendre la même information que j'ai véhiculée à ce jour. Il n'y a pas de liste de tous les occasionnels; je vous indiquerai qu'il y a 30 000 postulants au ministère des Transports. Alors, je veux vous indiquer que, toujours dans ce souci de transmettre une information de qualité aux électeurs de même qu'à la deputation qui pourrait faire des demandes en ce sens, il y a des fiches, comme celle qui a été rendue publique, qui sont en possession de mon cabinet. Mais, M. le Président, je pense qu'il est à l'honneur de la deputation québécoise que des gens qui pourraient porter certaines plaintes ou s'interroger sur des postes auxquels ils ont appliqué, aillent voir leur député comme étant la première porte d'entrée afin de justifier de l'embauche qui a été faite par le ministère des Transports. Un peu - et je ne veux le reprocher à personne -comme le député de Shefford l'a fait récemment. Je pense que le député faisait son boulot, au même titre, M. le Président, que d'autres députés et même des électeurs, directement, sollicitent une justification auprès de mon cabinet. Par conséquent, M. le député, je pense que c'est à l'honneur de notre deputation et l'objet de mon cabinet, l'objectif qui est poursuivi, c'est de donner une information de qualité. C'est la raison pour laquelle j'ai dit récemment que j'avais besoin d'une instrumentation minimum. Je veux également indiquer que ma collaboration et celle du ministère sont acquises à la Commission afin de s'assurer que non seulement l'esprit de la loi, mais la lettre de la loi soit respectée.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: Est-ce que le ministre peut nous dire clairement quelle est cette instrumentation minimum dont il dispose pour pouvoir répondre à des questions éventuelles des députés?

Le Président: M. le ministre délégué aux Transports.

M. Vallières: M. le Président, je réfère le député de Lévis au document qu'ils ont rendu public récemment. C'est exactement cette fiche dont on se sert.

M. Gendron: En additionnelle, M. le Président.

Le Président: En additionnelle, M. le leader

adjoint de l'Opposition. (10 h 30)

M. Gendron: Est-ce que le ministre, au lieu de dire à peu près toutes sortes de propos contradictoires, pour faire preuve de sa bonne foi, et afin de démontrer le caractère isolé du cas du ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'on appelle chez nous le cas Côté, le ministre est-il disposé à déposer dès aujourd'hui le relevé des imprimés des communications émises et reçues sur les télécopieurs de son cabinet politique au cours du dernier mois? Êtes-vous prêt à déposer ça?

Une voix: Oui, oui, bonne idée.

Le Président: M. le ministre délégué aux Transports.

M. Vallières: M. le Président, ce que je pourrais indiquer au député d'Abitibi-Ouest, afin de répondre, à tout le moins en partie, à son questionnement face à la procédure qui est suivie au ministère, c'est que j'ai fait relever un deuxième échantillonnage. J'ai non seulement, maintenant, 100 cas, mais 200 cas d'individus qui ont postulé à des postes au ministère des Transports à titre d'occasionnels et l'on m'indique que, dans les gens qui ont été retenus ou les 200 cas que j'ai fait relever - les 200 par ordre chronologique - quelque 34 % figuraient en première liste d'ancienneté; 31 %, en deuxième; 35 %, en troisième. Ça indique très clairement, M. le Président, que les dossiers sont traités par ordre de priorité d'inscription des gens dans les différents districts, dans les différentes régions auxquelles ils s'adressent pour postuler.

M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest me demande de lui déposer ce qui est au registre des communications, ce qu'on appelle communément les bélinos.

M. Gendron: Je vais demander au... En additionnelle.

Le Président: Très bien, une additionnelle, allez-y.

M. Gendron: De toute évidence, le ministre délégué à la voirie ne veut pas comprendre ou fait semblant de ne pas comprendre. Ce que je lui demande, c'est simple...

Le Président: Votre question, s'il vous plaît, votre question.

M. Gendron: Est-il disposé...

Le Président: Un instant! un instant! Alors, une question directement, sans préambule, s'il vous plaît.

M. Gendron: Est-il disposé à déposer dès aujourd'hui les relevés imprimés des communications émises et reçues sur les télécopieurs de votre cabinet politique depuis le dernier mois?

Le Président: M. le ministre délégué aux Transports.

M. Vallières: Premièrement, M. le Président, je veux indiquer au député d'Abitibi-Ouest que je doute fort d'avoir ça présentement en ma possession au cabinet. Je doute fort qu'on garde ce type d'information. J'espère qu'on ne me demande pas de m'en souvenir de mémoire, ni à mes attachés politiques à cet effet-là.

Deuxièmement, M. le Président, est-ce que ça signifie que le député d'Abitibi-Ouest voudrait voir rendre publique toute cette information qui, à mon avis, doit demeurer un instrument de travail interne au sein de mon cabinet? J'espère que ce n'est pas ça qu'il me demande de faire.

M. Gendron: Justement. En additionnelle.

Le Président: Dernière question additionnelle, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: C'est un peu ce qu'on attendait, instrument de travail... Alors, à cette condition-là, est-ce que vous seriez d'accord, à ce moment-là, de les acheminer confidentiellement, sous pli confidentiel, au président de la Commission d'accès à l'information qui, lui, devrait juger si c'est un instrument de travail utile pour faire du patronage ou si c'est un instrument de travail pour la responsabilité du respect de la directive concernant l'embauche des occasionnels qui, en passant, se fait dans les régions. Les députés appellent dans les régions, pas au ministère...

Le Président: M. le député. Très bien. M. Gendron: ...voyons!

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Transports.

M. Vallières: M. le Président, j'ai déjà indiqué au député d'Abitibi-Ouest que mon intention était de collaborer avec la Commission. C'est clair, net et précis. Et, M. le Président, je veux indiquer également - et je le répète au député d'Abitibi-Ouest - que l'information dont on dispose est une information qui vise à être donnée à des gens qui nous en font la demande et qui sont justifiés de nous faire cette demande, ce qui distingue très nettement cette opération de celle à laquelle fait allusion le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Dernière additionnelle.

Le Président: Une toute dernière question

additionnelle, c'est la septième.

M. Gendron: Est-ce que le ministre délégué à la voirie est prêt - comme le président de la Commission d'accès à l'information semble l'exiger ce matin - à transmettre et à acheminer confidentiellement les communications émises et reçues sur votre télécopieur qui ont été transmises à votre cabinet politique et qui ont été également transmises au cabinet politique du ministre de la Santé et des Services sociaux? Et là, après l'avis du président de la Commission d'accès à l'information, on avisera.

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Vallières: M. le Président, j'ai déjà offert ma collaboration. Le document auquel fait allusion le député d'Abitibi-Ouest a déjà été rendu public. Je n'ai été saisi d'aucune demande en ce sens par le président de la Commission jusqu'au moment où on se parle.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député de Labelle.

Ampleur des cabinets politiques

M. Léonard: M. le Président, la Presse canadienne par son journaliste Norman Delisle lève un voile ce matin sur l'ampleur des cabinets ministériels sous le gouvernement Bourassa; un total de 570 attachés politiques pour 30 ministres, pour une somme de 18 000 000 $. Et le journaliste ajoute que le cabinet moyen d'un ministre sous l'administration Bourassa est composé de 19 personnes, 2 de plus que sous la précédente administration péquiste, où le cabinet moyen comptait 17 personnes. Comment le président du Conseil du trésor peut-il justifier une telle situation surtout lorsqu'on regarde certains cabinets, en particulier celui du ministre de la Santé et des Services sociaux qui dispose de 38 personnes?

Le Président: Alors, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.

M. Johnson: Oui, M. le Président, ce que nous nous sommes restreints à faire depuis la fin de 1985, c'est de mettre à la disposition des différents membres du Conseil exécutif les ressources financières qui leur permettent de constituer des cabinets, d'embaucher des gens, que ce soit, évidemment, ici même au siège social ou dans leurs comtés, les deux, en réalité, on sait que, dans ce cas-là, c'est comme ça que ça fonctionne. Et le choix qu'on a fait, ça n'a pas été de décider de combien de personnes humaines ou d'individus un ministre pouvait avoir besoin pour fonctionner, mais bien d'une masse salariale qui, aujourd'hui, est de quelque 18 000 000 $ - je pourrais vérifier précisément - et qui, lorsque nous sommes arrivés, était dans les cabinets péquistes de 20 000 000 $.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, en complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Alors, M. le Président, c'est déjà fait, les calculs ont déjà été faits. Comment le président du Conseil du trésor peut-il justifier une telle situation lorsqu'on se rappelle qu'en 1985 le Parti libéral, au lendemain de son élection, par la bouche du conseiller du premier ministre, M. Jean-Claude Rivest, promettait de réduire de 20 à 25 % le personnel des cabinets politiques?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, je suis en train de me demander vraiment quel est l'objectif du député de Labelle. Je lui indique que l'annonce qui avait été faite en décembre 1985, c'était une réduction du personnel à salaire égal, et j'en suis, je comprends et j'accepte, mais que la décision que j'ai à administrer et que le gouvernement doit respecter et s'est engagé à respecter, c'est celle d'un niveau de rémunération et de ressources financières, de l'argent, des dollars et des cents consacrés à des cabinets politiques.

Il y a eu une coupure, dès l'entrée, de 25 % des masses maximales autorisées...

Des voix:...

M. Johnson: Je regrette... Vous pouvez rire, mais c'est le cas. C'est le cas. Une réduction de 20 % à 25 % de la masse salariale disponible par cabinet. Et, aujourd'hui, au moment où on se parle, la masse salariale disponible en dollars courants pour l'ensemble des cabinets est inférieure à ce qu'elle était lorsque vous étiez au pouvoir la dernière année.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire.

M. Léonard: M. le Président, le président du Conseil du trésor doit en parier en termes d'efficacité et il reste qu'il doit expliquer qu'à partir d'un engagement de réduire de 20 % à 25 % le personnel politique, ce n'est pas ce qui s'est passé, c'est le contraire. Et comment, pour y revenir, le président du Conseil du trésor peut-il justifier, par exemple, qu'au ministère de la Santé et des Services- sociaux il y ait 38 personnes au cabinet de ce ministère? Est-ce que c'est en relation avec le travail qu'il doit faire

avec le ministre délégué aux Transports?

Le Président: Alors, sur une question... Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! Alors, question de règlement. (10 h 40)

M. Pagé: M. le Président, la question formulée par le député de Labelle allait bien. Les réponses sont données. Plutôt que d'imputer des motifs, si vous avez quelque chose à reprocher au ministre, présentez donc une motion! Faites donc quelque chose! Prenez donc vos responsabilités!

Le Président: Alors, à la question, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, je ne vois pas en quoi on pourrait juger la façon dont un ministre peut organiser son cabinet. Si, à même les quelque 18 000 000 $, l'ensemble des membres du Conseil exécutif décide de s'entourer et d'avoir recours aux services de quelque 500 personnes plutôt que de quelque 400 personnes, ce qui est pertinent, c'est, a mon sens, la masse salariale et les ressources financières qu'on met à la disposition de l'ensemble des membres du cabinet.

On m'indique ici, M. le Président - on me rafraîchit la mémoire - qu'en décembre 1985, à la toute fin du mandat du gouvernement du parti d'en face, la masse salariale des cabinets était de 19 900 000 $. Au 1er janvier 1986, trois semaines plus tard, et c'est vrai pour l'année 1986, elle était de 15 000 000 $.

Des voix: Ah!

M. Johnson: Qu'on nous fasse grief aujourd'hui que les 15 000 000 $ soient devenus 18 000 000 $ alors qu'on a hérité d'une situation où c'était déjà 20 000 000 $, c'est un grief, quant à moi, que je rejette.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question complémentaire.

M. Léonard: Le président du Conseil du trésor peut-il admettre que, finalement, il peut engager plus de personnel avec moins d'argent, mais cela peut signifier qu'il engage plus de documentalistes et moins de grands conseillers politiques? C'est ça.

Des voix: Ah!

M. Léonard: Deuxièmement. Pour...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre! Très bien. Une deuxième question.

M. Léonard: Ce qui explique-Le Président: Non, mais, écoutez. Vous ne pouvez pas donner d'argumentation. Vous pouvez poser une question, mais vous faites un préambule indirectement. Votre question est posée. M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, je n'ai pas à juger des tâches qui sont confiées à l'intérieur des différents cabinets au personnel politique.

Ce que je dis, c'est que la vraie façon de contrôler les dépenses publiques et la vraie façon de contrôler ce qui est disponible à l'intérieur des cabinets politiques pour des fins politiques, comme c'est permis évidemment par la loi, c'est de contrôler la masse salariale. Ce que j'indique, c'est que nous avons décidé de contrôler la masse salariale par toutes sortes de petits gestes, notamment celui de ne pas exiger, nous, que nos conseillers politiques contribuent 1 % de leur salaire brut à la caisse du parti, comme vous l'aviez fait.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président...

Le Président: Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît. Alors, en question complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, le président du Conseil du trésor peut-il justifier également une autre situation tout aussi ridicule que celle du cabinet du ministre délégué à la Francophonie qui, lui, compte 11 attachés politiques pour un ministère regroupant tout au plus une douzaine de fonctionnaires, et tout ça pour la bagatelle de 205 940 $?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, un membre du Conseil...

M. Chevrette: Onze fonctionnaires attachés.

M. Johnson: Bien, si le leader parlementaire de l'Opposition...

Le Président: Je prierais les deux côtés de l'Assemblée, s'il vous plaît, d'éviter les commentaires. M. le président du Conseil du trésor. Pour votre réponse, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: M. le Président, les choix que

les membres du Conseil exécutif font le sont chacun à la lumière de leurs attributions, de leurs devoirs, de leurs pouvoirs. À partir du moment où nous voulons contrôler l'explosion qu'on avait observée de l'autre côté à ce titre, la meilleure façon est de contrôler la masse salariale. Si nous avions simplement continué le système qui existait et l'ampleur et le niveau de dépenses qui existaient en décembre 1985, nous serions aujourd'hui à un niveau de 24 200 000 $. Or, nous sommes à 18 000 000 $ ou à peu près. C'est une économie de 25 % par rapport a la masse salariale disponible dans les cabinets péquistes en 1985. Qu'est-ce que vous voulez de plus?

Le Président: En question principale, M. le député de Lévis.

Attitude du gouvernement face au refus de sa proposition par les camionneurs artisans

M. Garon: M. le Président, les camionneurs artisans ont rejeté hier, à l'unanimité - sans même prendre de vote tellement c'était évident que tout le monde était contre - la dernière offre du ministre des Transports qui leur était totalement inacceptable parce que, encore une fois, elle n'aurait fait que reporter à plus tard la solution au problème actuel, problème qu'ils vivent actuellement. On se retrouve donc à quatre jours de la fin de la session dans une impasse totale.

Alors, M. le Président, à la suite du refus unanime et sans équivoque de sa proposition finale de règlement, qu'est-ce que le ministre des Transports entend faire, où il va être impliqué personnellement pour régler ce conflit?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: Si vous me permettez, quand on dit qu'on a rejeté le vote, la proposition et que c'était unanime, comment pouvons-nous penser que c'était unanime quand il n'y a pas eu de vote? Il y a des gens qui sont rentrés des régions pour voter et ils n'ont pas eu l'occasion de le faire. On démontre vraiment les couleurs des représentants de l'ANCAI. Quant à moi, M. le Président, je suis toujours prêt à écouter une contre-proposition, mais il n'y a rien qui a été fait.

Le Président: En complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, comme le ministre a été impuissant à trouver une solution à ce conflit et comme les camionneurs demandent que le premier ministre s'en mêle, est-ce que le ministre des Transports entend demander au premier ministre d'intervenir dans ce dossier pour qu'enfin quelqu'un s'occupe vraiment du dossier?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, je n'ai pas l'intention de demander au premier ministre vu que j'ai l'appui du premier ministre.

Le Président: En complémentaire.

M. Garon: Alors, est-ce que vous pourriez nous dire si vous allez faire quelque chose? N'importe quoi, mais quelque chose!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, je suis prêt à négocier en tout temps. Ce pauvre ministre qui est supposément très fatigué et tout ça, tous les beaux propos de l'Opposition, je suis prêt à négocier n'importe quand.

Le Président: En question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, en additionnelle, je voudrais demander si le ministre des Transports a été mis au courant, M. le Président, que le climat se détériorait au niveau des camionneurs et que les leaders n'ont plus le contrôle nécessairement sur leurs effectifs. Est-ce qu'on ne lui a pas indiqué, lui qui a un double chapeau, qu'il y avait une urgence d'agir?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, je suis préoccupé de la situation. C'est pour cette raison que je suis prêt à m'asseoir à n'importe quelle heure avec ces gens.

Le Président: En additionnelle.

M. Chevrette: Est-ce à dire que le ministre des Transports est prêt à aller personnellement rencontrer les dirigeants de l'ANCAI et chercher, dans les toutes prochaines heures... Est-ce qu'il va continuer à faire ce qu'il a fait, envoyer des représentants, ou si c'est lui-même qui va se présenter à la table pour faire une négociation?

Le Président: Alors, un instant, s'il vous plaît! La réponse est au ministre des Transports. M. le ministre.

M. Elkas: M. le Président, c'est totalement faux. On a envoyé des médiateurs à trois occasions; le restant du temps, c'est moi personnellement qui suis allé.

Une voix: C'est ça. (10 h 50)

Le Président: Alors, une dernière additionnelle, M. le député de Lévis.

M. Garon: Est-ce que le ministre, comme ministre des Transports, n'est pas en train de laisser pourrir le dossier parce qu'il a hâte d'intervenir comme ministre de la Sécurité publique?

Des voix: Oh! Une voix: Indigne! Le Président: Un instant! Des voix: Indigne!

Le Président: S'il vous plaît! Alors, un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il n'est pas opportun de formuler une question telle que celle qui est posée. Je vous indique tout de suite que le ministre n'y répondra pas.

Une voix: C'est ça!

M. Pagé: Ça contrevient à l'article 77...

Une voix: Bravo!

M. Pagé: ...et ce n'est pas de nature à aider le règlement du dossier, ce qui devrait être votre responsabilité.

Le Président: Alors, en question principale, Mme la députée de Chicoutimi.

Programme d'incitatifs fiscaux à la recherche et au développement

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Une étude intitulée "Bilan et perspective en recherche et développement pour les entreprises québécoises", réalisée en mars 1990 par l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec à la demande du ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, conclut que les incitatifs fiscaux à la recherche et au développement - et je cite l'étude - "ne comptent pas pour beaucoup dans les stratégies de recherche et développement des grandes entreprises, ne causent pas une accélération du programme de recherche et développement et, encore plus choquant, incitent peu les entreprises, grandes ou petites, à entreprendre des projets plus risqués ou plus ambitieux." En fait, le programme ne rejoint pas les objectifs pour lesquels il a été créé. Et l'étude confirme de nombreuses études existant sur le sujet et justifie nos appréhensions: ce programme coûte cher et rapporte peu.

Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Compte tenu des conclusions de cette étude, le ministre a-t-il l'intention de revoir son programme d'incitatifs fiscaux à la recherche et au développement et de privilégier, tel que le propose l'étude, des mesures, des formes alternatives d'incitatifs à la recherche?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): Je suis toujours surpris, surtout quand on parie de recherche et développement, des questions de la députée de Chicoutimi parce qu'on a eu l'occasion, en commission parlementaire, de nombreuses heures, d'exprimer clairement que le gouvernement du Québec a une politique intégrée au niveau de la recherche et du développement. Ça ne comprend pas juste les incitatifs fiscaux. Ça comprend également d'autres incitatifs, entre autres, le Fonds de développement technologique qui vient jouer un rôle complémentaire.

Je n'entends pas la députée de Chicoutimi venir nous dire que le Fonds de développement technologique a annoncé le projet Macroscope, a annoncé le projet Métro Plus. 60 000 000 $ de recherche additionnelle, au Québec, par des entreprises de chez nous, je pense que c'est une contribution valable. Je n'entends pas, non plus, la députée de Chicoutimi venir nous confirmer que l'Association des directeurs de recherche industrielle du Québec a dit que les crédits d'impôt, comme mesure d'incitation à la recherche et au développement, c'est apprécié par les petites entreprises qui peuvent avoir le crédit d'impôt remboursable, même s'il ne génère pas de profits, et qui peuvent appliquer ces crédits d'impôt sur la taxe sur le capital, sur la masse salariale. Également dans le dernier discours sur le budget, il a été clairement exprimé que, si les PME québécoises ont besoin de financer ces crédits d'impôt là, on peut le faire par le biais de la Société de développement industriel du Québec. Donc, il ne faut pas isoler un aspect d'une politique fiscale globale pour favoriser la recherche et le développement. Je pense que ça va bien. Depuis 1986, on a eu une augmentation de 11,7 % de recherche et développement au Québec, croissante. Donc, c'est une amélioration nette, et on va continuer dans cet ordre-là.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, si vous le permettez, nous allons revenir aux incitatifs fiscaux, même si ça irrite le ministre;

910 000 000 $ sur cinq ans, ça vaut la peine d'en parier. Le ministre, sachant que 85 % de la recherche et du développement sont réalisés dans quelque 50 grandes entreprises québécoises, reconnaît-il que son programme d'incitatifs fiscaux à la recherche et au développement constitue un cadeau aux grandes entreprises, tel que le dit l'étude, de plus de 770 000 000 $ sur cinq ans, car selon l'étude du professeur Blais les financiers refusent généralement de les considérer comme des revenus à percevoir, ils sont considérés comme des "windfall profits", c'est-à-dire des revenus soudains? Alors, est-ce qu'il ne considère pas que, de toute façon, ces entreprises feraient de la recherche? On les paie pour faire ce qu'elles font déjà, et c'est inacceptable.

Le Président: je voudrais simplement, m. le ministre, demander la collaboration et l'attention de tous les députés, s'il vous plaît. alors, m. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): J'ai reconnu, à de nombreuses reprises en commission parlementaire, que les grandes entreprises bénéficient des avantages fiscaux, c'est vrai, mais ça nous permet de travailler avec les grandes entreprises pour, premièrement, favoriser les transferts technologiques pour les petites entreprises. Ça nous permet d'aller voir une entreprise comme Spar et de débuter des incubateurs d'entreprises qui font que des entreprises comme Héroux ou Fré Composite ont des contrats de 4 100 000 $. Ça nous permet, également, d'aller voir des PME qui se regroupent dans un projet mobilisateur pour favoriser le développement technologique du Québec. Oui, c'est vrai que les grandes entreprises, en ce moment, en profitent plus; je ne le nie pas. Par contre, si on regarde la croissance et les efforts additionnels qu'on demande à nos PME québécoises pour faire face à la mondialisation des marchés, je pense que c'est positif et ça fait partie du rôle d'éducation économique du ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

Le Président: En complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, c'est précisément ce que je dis au ministre. Est-ce qu'il ne reconnaît pas que ce programme, qui voulait inciter à la recherche plus ambitieuse ou plus risquée dans les PME, n'atteint pas son objectif puisque 85 % de ces profits tombent dans les grandes entreprises qui, de toute façon, en font? Alors, c'est ça, le problème, M. le ministre. Pourquoi ne le corrigez-vous pas pour assurer d'autres modes d'intervention qui favorisent nettement les PME et non pas les grandes entreprises?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Je viens de mentionner qu'une entreprise comme Fré Composite et qu'une entreprise comme Héroux bénéficient des crédits d'impôt également. Je viens de mentionner, quand on parie de l'automatisation de nos entreprises, quand on dit que nos PME québécoises n'ont pas au moins une technologie de l'information, que les PME québécoises en profitent. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise de plus, sauf qu'on a une politique favorisant le regroupement des entreprises pour accélérer le processus de recherche et de développement au Québec? Je pense qu'on commence à avoir les retombées économiques positives des gestes qu'on a posés depuis 1985.

Le Président: En additionnelle.

Mme Blackburn: Une dernière, M. le Président. Est-ce que le ministre reconnaît que 85 % de la recherche est faite dans les grandes entreprises et que la conclusion qu'on doit tirer, c'est que seulement 15 % de ce programme est effectivement efficace? Est-ce qu'il reconnaît ça? Après ça, on pariera d'autre chose.

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Tremblay (Outremont): Ce que je reconnais, c'est que la compagnie Bristol-Myers, récemment, a décidé de transférer son siège social de l'Ontario au Québec parce qu'on fait de la recherche et du développement par le biais d'incitatifs fiscaux. Ce que je reconnais, c'est que quand IBM investit 200 000 000 $ à Bromont, c'est parce qu'on a des incitatifs fiscaux. Si Pratt et Whitney investit des sommes considérables... Oui, oui, ce sont de grandes entreprises, mais il ne faut pas oublier que la sous-traitance est biaisée, ciblée en faveur de PME québécoises.

Alors, je dis: Oui, c'est vrai qu'on aide de grandes entreprises, mais on a des retombées économiques positives pour toutes les PME au Québec.

Une voix: C'est ça.

Le Président: Alors, en question principale, M. le député d'Abitibi-Ouest.

Insalubrité de l'air au cégep du Vieux-Montréal

M. Gendron: Oui. J'avais l'occasion, il y a quelques semaines, de poser une question au ministre concernant l'insalubrité de l'air au vieux cégep de Montréal, au cégep du Vieux-Montréal, pardon; mais, dans le cas présent, c'est le vieux cégep compte tenu de l'insalubrité de l'air.

Le ministre de l'Éducation m'avait dit qu'il y avait mésentente entre certains intervenants, mais il y a une chose qui est sûre, c'est que,

récemment, le collectif intersyndical, regroupant toutes les associations et la population collégiale du québec, y allait d'une dénonciation qui n'est pas une mince affaire. on disait: "on dénonce publiquement l'attitude malhonnête de la direction du collège dans le dossier de l'insalubrité de l'air du cégep du vieux-montréal.''

La question au ministre: Est-ce qu'il partage cette évaluation? Pourquoi ne donne-t-il pas les garanties au collectif qu'en septembre ces gens-là pourront entrer dans un cégep où l'air sera respirable?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation et ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science. (11 heures)

M. Ryan: J'avais indiqué à cette Chambre, M. le Président, que tandis que le syndicat faisait une campagne de propagande à l'aide de l'avis d'un expert qu'il avait consulté la direction du cégep du Vieux-Montréal avait commandé, de son côté une expertise. Cette expertise avait été commandée à l'institut Armand-Frappier dont le député d'Abitibi-Ouest a déjà prétendu se faire le défenseur. Nous autres, nous recourons à sa compétence. Alors, l'institut Armand-Frappier a remis son rapport dans lequel on pouvait lire que la qualité de l'air à l'intérieur du cégep du Vieux-Montréal est meilleure que celle qu'on trouve à l'extérieur.

Des voix: Ha, ha, ha!

Une voix: On est mieux dehors qu'en dedans.

M. Ryan: II peut arriver... Pardon? Une voix:...

M. Ryan: C'est dans une langue qui est difficile à comprendre autant en français qu'en anglais, je peux vous dire ça. C'est un langage très technique sur lequel, moi, je ne voudrais pas me prononcer. Mais les experts ont parlé, par la voix de ce mandat qui avait été confié à l'institut Armand-Frappier. On n'est pas obligé de partager l'opinion des experts. Il y a un groupe de syndiqués qui ne la partagent point. Mais je vous dirai que leur campagne à ce sujet coïncide avec une campagne de dénigrement plus générale que plusieurs d'entre eux ont entreprise contre la direction du cégep du Vieux-Montréal, et je n'entends point m'associer à cette campagne en aucune manière.

Le Président: En question complémentaire, M. le député, d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui, le ministre peut bien faire son drôle que l'air est meilleur qu'à l'extérieur, mais est-ce qu'il va admettre que tous ceux qui vivent à l'intérieur disent l'inverse? Et est-ce que vous allez admettre qu'il y avait deux parties à l'étude et qu'une seule partie de l'étude a été complétée? Et ma question, c'est la suivante: Pourquoi faites-vous une conclusion comme vous venez de faire, alors que vous savez très bien qu'il y a une seule partie de l'étude qui a été faite? Et celle concernant tous les prélèvements de surface - ce qu'on appelle communément le frottis - pour chaque échantillon d'air a été impossible, elle n'a pas été faite. Et, en conséquence, tout le monde reconnaît qu'il y a une seule partie de l'étude qui a été complétée. Quand allez-vous exiger que l'autre partie de l'étude soit complétée, qui pourrait arriver à des conclusions autres que votre prétention à l'effet que l'air intérieur serait meilleur que l'air extérieur?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: La Direction générale de l'enseignement collégial a mandat de veiller à cette situation et de me tenir informé de toute chose qui fonctionnerait mal. Mais, dans ce cas-ci, la Direction ne m'a pas saisi d'urgences particulières à la suite de l'étude qui a été faite. Et que les études qui n'ont pas été complétées le soient, tant mieux, nous le souhaitons tous. Mais, en ces choses, je pense qu'il faut faire montre d'un certain discernement et d'une grande prudence.

Le Président: En complémentaire, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Puisque le collectif - et je répète, M. le Président - qui comprend l'intersyndical, les associations étudiantes, la population collégiale du cégep du Vieux-Montréal, a décidé de poursuivre le directeur des ressources techniques concernant son attitude téméraire et déréglée vis-à-vis la santé et la sécurité au travail, est-ce que vous ne croyez pas que ça vous appartiendrait un peu, comme ministre de l'Éducation, de regarder ça? Est-ce que vous ne croyez pas que ça vous appartiendrait de vous mettre - puisque vous l'avez le nez dans à peu près tous les dossiers...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: ...M. le Président, est-ce que vous ne croyez pas que ça vous appartiendrait de regarder ça pour s'assurer que les étudiants en septembre puissent habiter un cégep où l'air est respirable, contrairement à ce que vous prétendez?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: J'apprends avec quelque étonnement que le député d'Abitibi-Ouest voudrait que le ministre se fourre le nez dans les procédures

judiciaires une fois qu'elles sont instituées. Ce n'est pas dans ses habitudes. Il s'occupe de bien des choses, mais il ne se met pas le nez dans la justice.

Le Président: En question complémentaire... S'il vous plaît! Question complémentaire. Un instant, s'il vous plaît! J'ai une question complémentaire de M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Oui, merci, M. le Président. Au ministre de l'Environnement, puisque, contrairement à ce que prétend le ministre de l'Éducation, il ne s'agit pas d'une campagne de propagande, mais il s'agit d'une situation où nous avons deux opinions d'experts: d'une part, le docteur Pierre Auger, expert en médecine industrielle depuis 12 ans, d'autre part, l'institut Armand-Frappier. Devant cette contradiction, M. le Président, je demande au ministre de l'Environnement s'il ne croit pas qu'il serait temps que lui agisse et qu'il se serve de sa loi de la protection de l'environnement pour commander une étude qui soit objective et qui soit neutre et qui éclaire tout le monde sur ce problème-là?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, j'ai de la difficulté à saisir le but de l'intervention du député de La Prairie. J'ai écouté attentivement, comme vous, M. le Président, les réponses claires fournies par mon collègue de l'Éducation à des questions parfois nébuleuses du député d'Abitibi-Ouest. Le député de La Prairie me demande d'intervenir en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement alors qu'il sait très bien et ce, depuis fort longtemps, que la Loi sur la qualité de l'environnement limite toute intervention possible du ministre de l'Environnement à ce qui se passe à l'extérieur des bâtiments et exclut directement tout ce qui se passe à l'intérieur des bâtiments. J'invite donc - et il me fart signe que non - le député de La Prairie, dans les circonstances, (à lire la loi, pour une première fois, s'il ne l'a pas encore lue.

Le Président: Une dernière additionnelle, M. le député.

M. Lazure: M. le Président, conformément à son habitude, le ministre invoque des lacunes dans la loi. La loi...

Le Président: Un instant! Un instant, M. le député de La Prairie, je vous demanderais de poser une question directement. Vous ne pouvez pas faire de préambule ni de façon indirecte. Alors, une question précise, s'il vous plaît.

M. Lazure: Oui, est-ce que le ministre de l'Environnement ne pense pas que son habitude d'invoquer des lacunes dans sa loi est de nature à l'empêcher de prendre ses responsabilités? Est-ce qu'il ne pense pas que la loi est assez large, la loi dit: Partout où la santé est en jeu, le ministre de l'Environnement peut intervenir. Qu'est-ce qu'il attend pour intervenir?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, moi, je n'ai pas d'objection, à l'occasion des commissions parlementaires où nous aurons l'occasion de discuter la portée de la Loi sur la qualité de l'environnement, de discuter de l'application possible de la Loi sur la qualité de l'environnement à l'intérieur de tous les édifices publics, y inclus l'Assemblée nationale du Québec, de discuter de l'application de la Loi sur la qualité de l'environnement à l'intérieur de tous les établissements commerciaux et industriels également de la province de Québec. Maintenant, le législateur précédent, dans toute sa sagesse, lorsqu'il a adopté la Loi sur la qualité de l'environnement ou même la Loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail ou d'autres pièces législatives, a décidé de départager le travail entre différents ministères et, pour autant que je suis informé, lorsque le législateur a adopté une Loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail, il a donné des pouvoirs d'intervention aux comités locaux en matière de santé et sécurité du travail, partie patronale, partie syndicale, et je ne suis pas convaincu que, compte tenu de l'évolution de la société, au moment où nous nous parions, ces parties, tant patronale que syndicale, soient prêtes à abdiquer leurs responsabilités quant à la qualité, entre autres, de l'air qui peut se retrouver à l'intérieur des bâtiments comme tels.

Maintenant, je demeure ouvert à toutes les suggestions du député de La Prairie à condition qu'il les accompagne d'une demande officielle de ressources additionnelles pour le ministère de l'Environnement, si nous sommes pour nous aventurer dans chacune des usines...

Le Président: M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...de la province de Québec.

Le Président: Dernière question principale, M. le député de Shefford.

Projet de la Société de zoologie de Granby en attente

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Malheureusement au niveau touristique au Québec, le déficit continue d'augmenter. Pourtant, des attraits majeurs sont en attente de

réalisation et je pense ici aux projets découlant des sociétés zoologiques à travers le Québec, spécialement le zoo de Granby. Au sommet socio-économique de 1987, un projet majeur était retenu comme projet priorisé. Ce fut, en plus, un engagment électoral et, à la biennale de février 1990, donc il y a quelques mois à peine, le gouvernement, à nouveau, prenait l'engagement de réaliser ce projet et d'amener une contribution importante. On devait attendre les crédits et le budget. Maintenant que les crédits ont été déposés, que le budget est connu, qu'est-ce que le ministre attend pour concrétiser cet engagement qui date de 1987 et qui a été réaffirmé à la biennale de 1990?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Blackburn: M. le Président, j'ai eu l'occasion, au moins une couple de fois, de répondre au député de Shefford que l'engagement qui avait été pris lors de la dernière campagne électorale n'était d'aucune façon nié par le présent gouvernement. Ce que nous faisons actuellement, c'est tout simplement la question des délais, pour faire en sorte qu'effectivement cet engagement soit respecté et nous sommes actuellement à regarder la possibilité de le faire, mais dans les meilleurs délais possible.

Le Président: C'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de vote reporté.

Je vais demander l'attention des députés s'il vous plaît.

Aux motions sans préavis. M. le député de Lac-Saint-Jean.

Oui. Un instant. Est-ce qu'il y a consentement à ce que les avis pour les commissions soient donnés immédiatement et que nous revenions après pour les motions sans préavis? Alors, il y a consentement? (11 h 10)

Écoutez, il n'y a pas de vote reporté. Il n'y a pas de vote ce matin.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...s'il vous plaît. On nous a avisés qu'il y avait une motion non annoncée qui requiert le consentement des deux tiers de la Chambre. Si tel est le cas, on va procéder à cette motion non annoncée et, après ça, on fera l'avis... En ce qui me concerne, j'étais consentant à ce qu'on donne l'avis, M. le Président, pour les projets de loi privés, mais après qu'on aura fait le vote sur la motion qui requiert le consentement des deux tiers de la Chambre.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je voudrais indiquer au leader de l'Opposition et aux membres de cette Chambre que je n'ai pas l'intention de présenter cette motion aujourd'hui. Si elle doit être faite, elle sera faite demain, auquel cas j'aviserai en conséquence. À la lumière de ça, je demande au leader de l'Opposition le consentement pour donner les avis pour que les commissions parlementaires puissent commencer à siéger dans les meilleurs délais, particulièrement la commission pour l'étude des projets de loi d'intérêt privé.

Le Président: II y a consentement pour que nous donnions immédiatement les avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement, pour les avis touchant les travaux des commissions.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Pagé: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 68, Loi modifiant la Loi sur l'organisation policière et modifiant la Loi de police et diverses dispositions législatives.

Aussi, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et, si nécessaire, de 20 heures à 24 heures, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi 77, Loi modifiant la Loi sur les mines et la Loi concernant les droits sur les mines.

Je rappelle à cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Hip-polyte-La Fontaine, la commission du budget et de l'administration entendra les intéressés et procédera à l'étude détaillée des projets de loi d'intérêt privé suivants, et ce, dans l'ordre ci-après indiqué: projet de loi 247, Loi concernant La Compagnie de Fiducie Impériale; projet de loi 253, Loi concernant La Laurentienne, corporation mutuelle de gestion et La Laurentienne Vie, compagnie d'assurance inc.; projet de loi 249, Loi concernant Assurance-vie Desjardins et La Sauvegarde Compagnie d'Assurance sur la Vie Itée; projet de loi 237, Loi concernant K & M Investments Ltd; projet de loi 229, Loi modifiant la charte du Club de golf de Saint-Hyacinthe Itée. J'indique aux collègues qui seront en commission parlementaire que très probablement, selon la procédure, nous aurons un vote qui sera appelé vers 12 h 50.

Le Président: Très bien. Je voudrais simplement vous aviser que cet après-midi, de 14 heu-

res à 15 heures, la commission de l'économie et du travail se réunira en séance de travail à la salle RC171 de l'Hôtel du Parlement.

Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, sur les renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Le Président: Bien, madame, nous y reviendrons ultérieurement, puisqu'il y avait tout simplement la rubrique des avis touchant les travaux des commissions après les motions sans préavis.

En demandant l'attention et la collaboration de toute l'Assemblée, nous allons maintenant procéder aux motions sans préavis, et je vais reconnaître M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je m'excuse encore une fois, M. le Président. C'était convenu entre le leader de l'Opposition et moi que cette motion très importante qui est présentée par le député du comté de Lac-Saint-Jean ferait l'objet d'une intervention de notre côté, du côté du gouvernement, et d'une intervention disponible pour le bénéfice des députés indépendants.

Le Président: Très bien. Alors, si vous voulez présenter votre motion, M. le député de Lac-Saint-Jean.

Motion proposant que l'Assemblée souligne

la lutte courageuse de M. Nelson Mandela

pour la reconnaissance des droits

du peuple noir d'Afrique du Sud

M. Brassard: M. le Président, avec le consentement de cette Chambre, je demande le débat et l'adoption de la motion suivante: "Qu'à l'occasion du passage à Montréal de M. Nelson Mandela l'Assemblée nationale souligne sa lutte courageuse en faveur de la reconnaissance des droits du peuple noir d'Afrique du Sud et l'encourage à poursuivre ses efforts pacifiques visant à mettre fin au régime d'apartheid."

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour que nous débattions de cette motion? Il y a consentement. Je comprends également qu'il y aura une intervention, pour l'Opposition officielle, du député de Lac-Saint-Jean, une intervention du côté ministériel, une intervention pour les députés indépendants, le tout limité à un maximum de cinq minutes dans chaque cas. C'est un ordre de l'Assemblée?

M. Pagé: Oui.

Le Président: Donc, c'est un ordre de l'Assemblée.

M. le député de Lac-Saint-Jean, pour votre motion.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, Nelson Mandela est devenu le symbole vivant, une espèce de mythe de la lutte contre le régime d'apartheid instauré officiellement en Afrique du Sud il y a maintenant 42 ans. Libéré le 11 février dernier après 27 années et demie passées en prison, après avoir été condamné, en 1964, à la prison à vie pour sabotage et complot visant à renverser le régime d'apartheid. Il poursuit aujourd'hui, à 71 ans, sa lutte pour démanteler ce système. Par sa tournée dans 18 pays, où il appelle au maintien des sanctions économiques contre l'Afrique du Sud, Nelson Mandela, je pense, mérite le respect de tous pour la cause juste qu'il défend. Il est un modèle de ténacité et de persévérance pour tous ceux qui, à travers le monde, militent en faveur du respect des droits de l'homme.

Le démantèlement du régime d'apartheid d'Afrique du Sud s'est amorcé modestement: d'abord, par la libération de Mandela lui-même, mais également par la légalisation de l'African National Congress, l'ANC, principal parti politique représentant les Noirs sud-africains; et aussi, l'état d'urgence décrété il y a quatre ans a été levé la semaine dernière, à l'exception cependant de la région du Natal où l'on assistait récemment à des affrontements violents entre Noirs et Blancs.

Il y a donc progrès, certes, mais beaucoup reste à faire. Je pense qu'il faut constater qu'il y a progrès, le dialogue s'est établi. Le seul fait que le dialogue se soit établi, ce n'est pas un événement négligeable. C'est, je pense, la condition essentielle pour que d'autres progrès suivent. Mais il faut prendre conscience également que beaucoup reste à faire en Afrique du Sud. La loi sur la séparation des races, le fondement juridique de l'apartheid, est toujours en vigueur. Il est évident que cette loi doit être abrogée dans les plus brefs délais. D'autre part, les Noirs doivent siéger au Parlement sud-africain dans le cadre d'une nouvelle constitution qui reconnaîtra leurs droits fondamentaux. M. Mandela résume la situation parfois, avec son sourire maintenant devenu légendaire, en disant: Je n'ai toujours pas le droit de vote en Afrique du Sud.

Le dialogue engagé donc par Nelson Mandela et Frédérik de Klerk doit se poursuivre, car il est la principale garantie d'un règlement négocié et pacifique permettant l'instauration d'un régime démocratique en Afrique du Sud. Les chances d'un dénouement pacifique sont bonnes. Elles existent mais il faut, je pense, aussi être bien conscients qu'il existe aussi des risques de dérapage dans la violence puisqu'il y a, de

chaque côté, des extrémistes, aussi bien du côté des Blancs que du côté des Noirs. Il y a du côté des Blancs des partisans farouches et plus ou moins fascistes du maintien intégral du régime d'apartheid et prêts à user de violence pour ce maintien. Mais il y aussi, du côté des Noirs, des partisans toujours de la lutte armée et de la violence. Donc, un danger de guerre civile persiste toujours dans ce pays. Mais les chances quand même d'un dénouement pacifique sont là. Il faut les soutenir et les encourager.

Le maintien des sanctions économiques de la Communauté internationale est une condition essentielle au processus de démantèlement du régime d'apartheid, dans la mesure où ces sanctions ont pour effet d'inciter le gouvernement de Klerk à négocier avec les dirigeants de l'ANC en particulier, afin d'accélérer le démantèlement du système d'apartheid.

Nous désirons, M. le Président, et je conclus là-dessus, exprimer modestement par cette motion notre solidarité à l'égard de la lutte de Nelson Mandela et du peuple noir d'Afrique du Sud pour le respect de ses droits fondamentaux.

Le Président: Je veux maintenant reconnaître M. le député de Sherbrooke.

M. André J. Hamel

M. Hamel: M. le Président, il y a près de 30 ans, en Afrique du Sud, un homme et quelques-uns de ses compagnons sont arrêtés, mis en prison et condamnés à la réclusion à vie pour avoir osé défendre publiquement les principes fondamentaux des droits de la personne. M. Nelson Mandela, avocat et défenseur de centaines d'Africains, accusé sous la loi de l'apartheid, devient en 1952 l'un des principaux leaders du Congrès national africain. En 1955, il joue un rôle clé dans la lutte pour les droits fondamentaux des peuples d'Afrique du Sud en réunissant le Congrès des peuples qui adopte alors la célèbre charte de la liberté, Freedom Charter. Peu après, M. Nelson Mandela est arrêté, emprisonné et accusé de haute trahison pour avoir fait adopter la charte de la liberté par les participants au congrès des peuples. Le procès débute deux ans plus tard et se terminera par l'acquittement, en mars 1961, de M. Nelson Mandela et de 155 autres personnes. (11 h 20)

Au cours de la même période, le Conseil national africain, l'ANC, est déclaré hors la loi par le gouvernement sud-africain, obligeant cet homme de liberté et de paix à oeuvrer dans la clandestinité. Au retour d'une mission auprès de chefs d'État africains et d'un bref séjour en Grande-Bretagne le 5 août 1962, il est arrêté, mis en prison et condamné à cinq ans de détention pour, entre autres, avoir quitté le pays illégalement. Près de 30 ans de prison pour avoir défendu les droits de la personne. Plus d'un quart de siècle au cours duquel un homme continue à se battre de sa prison, sans relâche, gardant espoir et confiant en la justesse de sa cause, celle de son peuple, celle des femmes et des hommes libres et respectés.

M. le Président, je veux saluer en M. Nelson Mandela celui qui, le 20 avril 1964, par son fameux discours "I am prepared to die", criait toute sa détermination à lutter sans fin pour les droits et libertés de la personne.

M. le Président, permettez que je me fasse le porte-parole des Québécoises et des Québécois pour saluer M. Nelson Mandela avec chaleur, amitié et respect, comme l'on salue un grand frère aimé, respecté et admiré. L'exemple de M. Nelson Mandela nous enseigne que la lutte pour les droits et libertés ne doit jamais cesser. Vive M. Nelson Mandela! Vive la fraternité! Et vive le respect des droits et libertés! Merci.

Le Président: Sur la même motion, je vais maintenant reconnaître M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: M. le Président, c'est avec une très grande joie que je m'associe à cette motion, au nom de ma formation politique, et c'est avec une plus grande humilité encore que, au nom de ma formation politique, je souhaite la bienvenue à M. Nelson Mandela que je vais rencontrer, en effet, cet après-midi, à Montréal.

M. Mandela est devenu, pour la plupart des pays du monde, le symbole de la répression en Afrique du Sud ainsi que le martyr de tout individu enfermé pour ses convictions morales. Pendant 27 ans, sa liberté a été supprimée, mais le 11 février 1990, suite aux énormes et insurmontables pressions de la communauté internationale, le gouvernement prétorien a concédé.

All Canadians must rejoice today and, in fact, this week in welcoming to our country not a mere mortal, but a symbol of freedom and liberty throughout the world who will continue for centuries to be that symbol of freedom and liberty.

Notre pays, qui demeure un des endroits privilégiés du monde entier, était devenu une force majeure dans le déroulement des sanctions imposées au gouvernement d'Afrique du Sud. La réputation du Canada sur le plan des relations étrangères est sans équivoque. Notre crédiblité au sein de la communauté internationale nous a permis un rôle de premier rang afin de combattre l'incertitude quant a la nécessité des sanctions économiques.

Lors de la réunion des chefs du gouvernement des pays du Commonwealth tenue à Nassau, en 1985, les pays membres ont lancé, à l'instigation de notre pays, un programme visant à contrer l'apartheid. Les 40 pays participants

avaient alors déclaré que les sanctions économiques étaient un moyen efficace d'exercer des pressions sur l'Afrique du Sud.

La Grande-Bretagne ayant refusé, il appartenait au Canada de diriger le front. Bien que les sanctions imposées par notre gouvernement aient été accrues par des appuis financiers aux groupes militant contre l'apartheid, la position du Canada a toujours été et doit toujours rester de poursuivre des solutions par des moyens pacifiques.

Avec un mouvement global tendant vers la démilitarisation et la paix, le progrès, par des moyens violents, ne sert qu'à faire replier les débats. Le terrorisme, M. le Président, qu'il soit moralement justifié ou non, demeure du terrorisme, et toute société soi-disant civilisée ne peut jamais s'aveugler en distinguant entre la violence justifiée versus une violence injustifiée.

Je maintiens, M. le Président, un optimisme catégorique à l'effet que la fin de l'apartheid, que les problèmes de l'Afrique du Sud seront un jour réglés par le dialogue et la diplomatie si bien personnifiée par M. Nelson Mandela. Merci.

Le Président: Alors, le débat étant terminé, est-ce que la motion présentée par M. le député de Lac-Saint-Jean, motion qui se lit comme suit: "Qu'à l'occasion du passage à Montréal de M. Nelson Mandela, l'Assemblée nationale souligne sa lutte courageuse en faveur de la reconnaissance des droits du peuple noir d'Afrique du Sud et l'encourage à poursuivre ses efforts pacifiques visant à mettre fin au régime d'apartheid", est adoptée?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Oui, M. le Président, je souhaiterais pouvoir interroger le leader et lui demander si son gouvernement entend appeler le projet de loi 76, et lui dire que nous sommes prêts à collaborer à l'adoption du projet de loi, s'il est scindé, selon qu'il modifie la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur les accidents du travail.

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, pour répondre à la question de Mme la députée, je dois lui dire, dans un premier temps, qu'il est dans l'intention du gouvernement que le projet de loi 76 sur ta sécurité du revenu soit effectivement adopté au cours de cette présente session, c'est-à-dire d'ici la fin de la semaine.

Je retiens, M. le Président, que Mme la députée s'est bâtie une crédibilité, je pense, de contribuer de façon importante au projet de loi. Que ce soit les législations se référant à la sécurité du revenu, que ce soit les législations se référant à ceux qui sont plus particulièrement touchés et affectés dans notre société, et je présume que, dans ce projet de loi, comme dans d'autres législations qui ont été adoptées ici, elle pourra enrichir nos travaux, notre réflexion et nos analyses à la lumière de son expérience et de ses connaissances et qu'elle pourra soit présenter des amendements ou proposer des recommandations, des suggestions à l'honorable ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, qui, comme on le sait, a toujours manifesté beaucoup d'ouverture et particulièrement beaucoup de respect pour l'ensemble des députés dont, évidemment, Mme la députée de l'Opposition.

Le Président: Alors, il n'y a pas d'autres questions? Ceci met donc fin à la période des affaires courantes.

Motion de censure proposant que l'Assemblée

blâme le gouvernement de ne pas être intervenu

dans le dossier de la CECM relatif à la langue

Maintenant, aux affaires du jours, nous avons, aux affaires prioritaires, une motion de censure inscrite par le député de D'Arcy-McGee, en vertu de l'article 304 du règlement, motion qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement du Québec pour ne pas être intervenu de façon décisive dans le dossier de la Commission des écoles catholiques de Montréal, en condamnant les articles 16 et 18 du projet de politique qui contreviennent directement aux droits les plus fondamentaux et qui, par surcroît, pourraient endommager de façon irréparable l'image de tolérance que cette province manifeste à l'égard de ses communautés culturelles."

Pour la durée de ce débat qui se déroulera à compter de maintenant jusqu'à la suspension de nos travaux, ce midi, il est convenu qu'une réplique de cinq minutes sera exercée par celui qui est l'auteur de la motion, le député de D'Arcy-McGee, et cette réplique commencera au plus tard à 12 h 45. Pour le reste du débat, 15 minutes sont accordées aux députés indépendants, et le reste du temps sera partagé également entre la formation ministérielle et la formation de l'Opposition officielle, étant entendu qu'il n'y aura aucune limite de temps à l'intérieur de l'enveloppe accordée à chacune des formations politiques. Également, j'avise immédiatement l'Assemblée qu'il a été convenu que, sur cette motion, un vote par appel nominal sera appelé et qu'il se déroulera avant la suspension des travaux pour le dîner, soit avant 13 heures.

Je suis donc prêt à reconnaître dès maintenant celui qui a présenté la motion, le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. Le coeur du débat d'aujourd'hui ne devrait pas être concentré sur la substance de la politique de la langue dans le réseau des écoles françaises de la Commission des écoles catholiques de Montréal. La Commission a proposé de nombreuses mesures pour atteindre certains objectifs importants. Notre position est sans équivoque; nous sommes favorables à la majorité des recommandations de la CECM, mais nous avons de sérieuses objections quant aux articles coercitifs, tels 16 et 18. Le ministre de l'Éducation, lui aussi, s'est opposé à ces articles et même le Parti québécois, après avoir agonisé sur le sujet, a conclu que ces mesures étaient peut-être exagérées. (11 h 30)

Cette motion de censure, M. le Président, ne vise pas la CECM mais bien le gouvernement. Ce gouvernement n'a pas agi de façon décisive, en permettant au débat de traîner et de faire les manchettes des médias hors Québec. Il a permis des audiences publiques et, en conséquence, a permis à de nombreux groupes représentant certains Québécois, telles l'Association des directions d'écoles de Montréal et la Société Saint-Jean-Baptiste, de favoriser publiquement de telles mesures répressives. Le gouvernement s'est totalement désintéressé des audiences publiques, pendant que le Parti québécois et aussi une autre formation politique ont été très visibles. L'étalage public dans le reste du Canada et même aux États-Unis aurait été amoindri si le gouvernement du Québec avait clairement, et ça, depuis le début, dénoncé les articles en question comme étant inacceptables dans notre société québécoise.

Même si le ministre de l'Éducation s'est prononcé contre ces articles, la première réaction du gouvernement était de gérer ce dossier par l'entremise de discussions calmes et raison-nées. Ils ont dit, de plus, que le fait de dénoncer vertement de telles mesures mettrait sérieusement en danger des relations constructives et nécessaires. Dans Le Devoir, on a cité: "Claude Ryan invite la CECM à tempérer l'obligation d'usage du français."

M. le Président, dans bien des cas, le gouvernement a entièrement raison de procéder de façon délicate. Cependant, dans ces cas-ci où les articles 16 et 18 sont des violations tellement évidentes des droits et des libertés individuels, et particulièrement de la liberté d'expression, le gouvernement avait l'obligation morale de les dénoncer vigoureusement. Par des mesures explicites, il importait au gouvernement de faire savoir clairement à la CECM qu'elle avait outrepassé les bornes de l'acceptabilité. Mais, suite à cette inaction, toute la population québécoise a été assimilée à celle du gouvernement et, une fois de plus, le tout a été mal digéré à l'extérieur de nos frontières.

Quand la loi 178, M. le Président, a été adoptée, en décembre 1988, il y eut des répercussions à travers le Canada entier, allant jusqu'à toucher certains endroits des États-Unis. L'accord du lac Meech a souffert d'un recul important et l'intolérance à l'endroit des francophones hors Québec a augmenté dramatiquement. En réalité, M. le Président, les libéraux ont payé un prix politique en perdant quatre de leurs sièges les plus sûrs au Québec au profit du Parti Égalité.

Mais ceci n'est rien, comparé aux retombées potentielles des propositions de la CECM, si jamais elles parviennent à être adoptées. Mais, même sans cela, nous avons déjà subi des dommages. Le Québec est déjà représenté au Canada anglais comme un endroit où non seulement il est défendu d'étaler une langue officielle canadienne sur les affiches commerciales extérieures, mais aussi où il existe maintenant un début de mouvement qui décourage les gens d'être entendus lorsqu'ils parlent privément dans un endroit public.

Aujourd'hui, M. le Président, c'est l'occasion idéale pour le gouvernement d'envoyer un message clair et ferme à la CECM avant qu'elle rende publique sa décision dans les prochaines semaines. Nous devons affirmer que des mesures telles que les articles 16 et 18 sont intolérables et doivent être enterrées à tout jamais. Nous connaissons déjà le résultat du vote de censure. Évidemment, nous connaîtrons le résultat du vote de censure d'aujourd'hui qui aura lieu sous peu, mais, au moins, au moins, la motion d'aujourd'hui, M. le Président, permettra au gouvernement de se prononcer sans équivoque.

Dans cette province, il sera toujours nécessaire de travailler afin d'assurer une force, une vitalité et un dynamisme envers la langue française et la culture qui s'y rattache. Les communautés minoritaires du Québec, y inclus la communauté anglophone du Québec, reconnaissent la réalité du Québec d'aujourd'hui. Jadis, ils ont contribué à l'objectif de la promotion du français, et, de toute évidence, vont continuer à le faire. Mais nous devons trouver un équilibre juste entre la promotion et la protection de la langue de la majorité, d'un côté, et de l'autre, le droit de chaque individu, de chaque membre d'une communauté minoritaire. Nous avons une Charte des droits et libertés qui nous le permet. L'article 1 de la Charte canadienne permet la justification d'aspirations collectives dans une société libre et démocratique, mais seulement lorsque justifiées dans cette société libre et démocratique. Et l'exemple précis en est les mesures positives et incitatives contenues dans le projet politique de la CECM, qui devrait être adopté immédiatement. Ce sont des exemples de

promotion de la vitalité de la langue, et de la culture française, une promotion à laquelle les membres des communautés culturelles pourraient participer. Et c'est quelque chose qui ne compromet pas les droits individuels et les droits des communautés minoritaires.

Les articles coercitifs, les article 16 et 18, contreviennent à la Charte des droits et libertés du Québec, à la Charte canadienne des droits et libertés, à la Déclaration universelle des droits de l'homme, et à la Convention sur les droits de l'enfant. La position du ministre de l'Éducation est claire. Elle a indiqué qu'une obligation aussi étendue ne lui paraissait pas raisonnable et irait à l'encontre des droits de la personne. Si tel est le cas, pourquoi déambuler dans l'espoir que la décision finale sera celle qu'on a souhaitée? Pourquoi ne pas établir des directives solides ne permettant aucune tergiversation, aucune répercussion hors Québec en attendant? Il faut prévenir plutôt que guérir. Si ces mesures parviennent à être adoptées, la boîte de Pandore continuera son chemin devant les tribunaux, aboutissant, après de nombreuses années, devant la Cour suprême qui, vraisemblablement, les annulera.

Notre parti, M. le Président, a déposé le projet de loi 190, qui était une tentative d'éliminer le problème ayant comme but d'empêcher la situation de s'envenimer. La loi 190 rendrait les articles 16 et 18 illégaux, et éviterait les contestations éventuelles devant nos cours. La solution du problème que la CECM essaie de résoudre n'est pas facile. Comme j'ai dit tantôt, une solution immédiate serait d'adopter les mesures incitatives. Une autre solution possible, M. le Président, que nous avons présentée aux audiences publiques, et qui est très importante, c'est le concept de la liberté de choix pour la langue d'enseignement. C'est un débat que nous devrons stimuler, encore aujourd'hui, dans le contexte actuel, même 15 ans après l'adoption de la loi 101. Nous croyons que l'assimilation forcée des immigrants qui n'ont pas la bonne volonté, sous forme de politique destinée à renforcer la langue et la culture de la majorité, ne peut fonctionner et n'a jamais fonctionné. La crise actuelle que véhicule l'exposé de projet politique de la CECM est un exemple typique. Comme résultat, bon nombre de gens se rendent compte de l'effet opposé qui se produit au lieu de celui désiré: un mélange de langues qui, en définitive, affaiblira la langue qu'on voulait protéger au début.

La liberté de choix, de fait, ne compromet aucunement les objectifs de la loi 101, ou de la loi concernant l'éducation. La loi 101 ne vise pas l'assimilation culturelle des immigrants dans la société québécoise, mais, et je cite: "Elle est résolue à faire du français la langue de l'État et de la loi, aussi bien que la langue normale et habituelle de travail, de l'enseignement, des communications, du commerce et des affaires." La menace de l'anglais sur le plan des statistiques n'est pas la même menace qui, pour certains, existait en 1976. Nous croyons qu'une telle politique répondrait aux objectifs recherchés par la proposition de la CECM, aussi bien, ou mieux, que la présente loi. Ce n'est pas un retour, M. le Président, parce que, aujourd'hui, la société québécoise est beaucoup plus forte, beaucoup plus confiante et riche que jamais. (11 h 40) si le gouvernement devait choisir de rester sur sa position, il revendiquera sans doute que la façon la plus responsable de traiter les exagérations des articles 16 et 18 est par un dialogue ouvert et compréhensif où le bon sens prévaudra éventuellement. nous pouvons apprécier la position élevée du gouvernement qui est un répit en regard des dénonciations, des attaques viscérales et des colères démesurées de l'opposition officielle des fois. cependant, dans ces circonstances particulières, on a permis au dialogue d'être exubérant au point où une dissociation linguistique dans le système public scolaire est à un plus haut point. c'est ça, le coeur. on n'a qu'à faire un petit tour dans les écoles de montréal qui ont une forte population d'immigrants pour le constater.

De plus, en terminant, M. le Président, le débat est envenimé davantage lorsqu'on soupçonne la commission scolaire en question d'adopter des pratiques plus ou moins catholiques. Je me réfère en particulier à l'affaire Zuniga. Lorsque la Commission des droits de la personne dénonce les dirigeants de la plus grande commission scolaire au Québec pour avoir congédié un employé pour la simple raison qu'il avait un mauvais accent, il devient difficile pour un gouvernement de justifier une position neutre à l'égard de certaines politiques de cette commission scolaire.

Alors, pour cette raison, le gouvernement doit prendre ses responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le ministre de l'Éducation.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, la motion du député de D'Arcy-McGee procède d'un bon naturel, d'intentions généreuses, mais je crois qu'elle rate la cible dans la manière dont elle est formulée et dans les jugements qu'elle comporte. J'en viens tout de suite à l'incident qui a donné naissance au débat d'aujourd'hui. La Commission des écoles catholiques de Montréal, en avril dernier, publiait un énoncé de politique à l'état de projet visant à valoriser la langue française dans ses écoles où l'enseignement se donne en langue française. L'énoncé, a été rédigé par un groupe d'éducateurs, une dizaine de personnes comprenant en majorité, d'après ce que j'ai compris, des directeurs d'école. Cet énoncé

comprend des principes fondamentaux, des objectifs et des moyens d'action. Au niveau des principes fondamentaux, personne ne peut être en désaccord. Le document dit: On agira à la lumière de la Charte de la langue française, à la lumière de la Charte des droits de la personne et d'autres documents semblables. Je pense bien que tout le monde sera d'accord là-dessus. On propose des objectifs généraux sur lesquels il n'y a pas de débat entre nous. Au niveau des moyens, le document qu'a rendu public la Commission des écoles catholiques de Montréal comportait une quarantaine de moyens, dont la plupart sont des moyens calqués sur ceux qui étaient proposés dans le plan d'action pour la promotion du français mis à la disposition des commissions scolaires et des écoles par le ministère de l'Éducation, il y a trois ans, et dont l'application se poursuit dans les écoles publiques et privées de tout le Québec. Alors, sur ces objectifs en général, il n'y avait pas de difficulté particulière.

Deux moyens ont soulevé des difficultés particulières. Ce sont les moyens dont a parlé le député de D'Arcy-McGee, 16 et 18. Dans le moyen 16, on disait: II faut généraliser la pratique qui consiste à inscrire dans les codes de conduite des écoles l'obligation de parler français sur les lieux de l'école et dans toutes les activités scolaires organisées en dehors de ces lieux, et dans le moyen 18, on disait: Aider les écoles qui ont de la difficulté à assurer un environnement français à mettre en place des mesures incitatives et, lorsque nécessaire, les règles de discipline qui recréeront cet environnement. Alors, l'idée de coercition qui était implicite dans ces deux moyens a soulevé des réactions, comme il fallait s'y attendre, mais il faut bien situer le document dans son contexte, là. La CECM reçoit un rapport d'un groupe d'experts à qui elle a demandé de faire une étude et de proposer des moyens d'action. Elle le reçoit; elle le trouve, dans l'ensemble, acceptable; elle le publie; elle le soumet à la discussion publique pour une période de deux mois, période au cours de laquelle tout le monde pourra s'exprimer, puis elle ajoute même qu'elle sera prête à tenir des audiences publiques sur le sujet.

En agissant de la sorte, la Commission des écoles catholiques de Montréal agit dans le cadre de ses attributions légales. Elle ne fait rien qui soit contraire aux lois du Québec et, en particulier, à la Loi sur l'instruction publique. Elle provoque un débat sur un sujet à propos duquel elle n'est pas certaine d'être en mesure d'arrêter des conclusions claires et définitives. Alors, le débat s'est poursuivi pendant deux mois. Je crois comprendre, d'après la résolution qui nous est présentée ce matin, qu'il aurait fallu que le ministre de l'Éducation émette un ukase pour dire: Pas de débat, nous avons la vérité, à Québec, nous allons vous l'imposer de force, nous ne voulons pas que vous discutiez de ces choses. Nous avons dit: Au contraire. Moi, j'ai exprimé mon avis dès le début, dans cette question. J'ai exprimé l'avis de l'honnête homme qui agit avec son jugement et son expérience. J'ai dit: II y a deux points sur lesquels vous allez trop loin, messieurs, mais je vais laisser le débat public se faire, puis on verra en temps utile.

Alors, là, le débat est terminé, quelque 38 ou 39 organismes ont été entendus en séance publique, et la Commission des écoles catholiques de Montréal livrera le texte définitif de sa politique d'ici le mois de juin. Selon les indications que je reçois, la commission, fidèle d'ailleurs à l'engagement qu'elle avait pris d'agir à la lumière de la Charte des droits de la personne, tiendra compte, dans la version finale de son document, des indications qui étaient contenues dans l'intervention que la Commission des droits de la personne a faite au cours des auditions publiques. Et la Commission des droits de la personne a clairement distingué. Elle a dit: II y a des activités dans une école française.

Je pense bien que le député de D'Arcy-McGee conviendra que l'enseignement doit se donner en français, sauf l'enseignement de l'anglais, j'imagine, autrement, ce ne serait pas une école française. Il conviendra, je pense bien, que les rapports entre les personnes qui incarnent l'école et les élèves devraient se faire en français. Il conviendra aussi que les activités scolaires et parascolaires, à moins que ce ne soit une activité visant directement l'apprentissage de l'anglais langue seconde, devrait se faire en français. S'il y a des activités avec les parents, par exemple, en général ces activités devront se faire également en français. S'il y a des services qui sont mis à la disposition de l'élève, un service de bibliothèque, un service d'infirmière, un service d'orientation, je pense bien qu'on conviendra que ces services devraient être disponibles en français, habituellement. Ça devrait être la règle du jeu à l'intérieur de cette école, si on l'appelle une école française.

Mais le règlement, comme il était formulé, le projet de politique pouvait aller plus loin. Il aurait pu comporter l'obligation, pour deux élèves qui sont dans le fond d'une cour d'école, de se parler en français sous peine de sanction grave pouvant aller jusqu'à l'expulsion. Il y en a qui ont trouvé ça un petit peu fort; moi le premier. Moi le premier, je leur ai dit: Laissez-les donc tranquilles, quand ils sont dans le fond de la cour de l'école; ce n'est pas de nos affaires d'aller vérifier ce qu'ils se disent entre eux. N'allons pas créer des prétentions comme celles-là de la part d'un organisme public. Je crois que ça a été compris. Le message a été compris. Il ne faut pas nécessairement agir d'autorité en partant d'en haut. We must trust common sense in a democratic society, it is the first foundation of an orderly society. Common sense.

On a dit: Fonctionnons comme cela et on va voir. Et je suis convaincu que les résultats que nous aurons avec la politique qui sera promulguée prochainement par la Commission des écoles catholiques de Montréal tiendront compte de toutes les objections valables formulées au cours des deux derniers mois. J'aime beaucoup mieux, M. le Président, infiniment mieux que nous en soyons arrivés à ce résultat. D'abord, par la voie du débat démocratique ouvert. De ce côté, je rends hommage à la Commission des écoles catholiques de Montréal. Elle avait des éléments discutables dans son document initial, elle s'est soumise au tamisage du débat public, puis elle rendra publiques prochainement des orientations qui tiendront compte des meilleurs avis reçus. Alors, voici un premier point qui est un gain pour la démocratie, parce que le problème s'est résolu par le débat public et non pas par une intervention autoritaire. (11 h 50)

Deuxièmement, en ce qui touche les rapports du ministre avec les commissions scolaires, le ministre a toujours dit: Je ne suis indifférent à rien de ce qui se passe dans une commission scolaire. Mais ça, ça ne veut pas dire que je puis m'arroger le droit de dicter la ligne de conduite des commissions scolaires tous les jours. Les commissions scolaires ont des attributions que leur définit la Loi sur l'instruction publique et le ministre est soumis à la Loi sur l'instruction publique tout autant que les commissaires d'école. Les rapports entre les deux doivent se définir dans un climat de respect de la loi par les deux éléments concernés et j'aurais agi, à mon humble point de vue, au-delà de mes prérogatives en me donnant l'autorité d'intervenir dans ce débat sous forme de directives, avant même qu'il ait eu lieu et qu'il ait été conduit vers des conclusions normales. Ça, c'est très important.

Maintenant, je voudrais dire aussi que le ministère de l'Éducation n'a pas attendu ce débat autour du caractère français des écoles de la Commission des écoles catholiques de Montréal pour intervenir de diverses manières, afin de favoriser l'instauration d'un climat favorable au français dans les écoles françaises, surtout dans les écoles où l'on trouve une concentration d'élèves en provenance des communautés ethniques, ce qui peut causer des problèmes au point de vue du mixage des langues et des cultures. Par exemple, nous avons institué des mesures spéciales de soutien linguistique à l'intention des enfants qui arrivent à l'école. On a des classes d'accueil où ils sont reçus, des classes d'accueil qui sont financées par le ministère de l'Éducation et pour lesquelles le ministère de l'Éducation dépense cette année 11 000 000 $. La plupart de ces classes d'accueil sont situées dans la région de Montréal, évidemment. Mais ce n'est pas tout ça. Quand l'élève est passé par la classe d'accueil, il faut qu'il s'en aille en classe régulière et on constatait que les conditions de passage n'étaient pas toujours favorables. Or, nous avons institué un programme spécial de soutien linguistique à l'intention de ces élèves qui font la transition de la classe d'accueil à la classe régulière et j'ai ici le rapport pour la présente année, la ventilation budgétaire des sommes que nous avons accordées à la Commission des écoles catholiques de Montréal pour cette fin. On lui a accordé des sommes qui vont chercher au-delà de 1 000 000 $. Or, ces sommes ont été réparties dans toutes les écoles de la CECM où il y a une certaine concentration d'élèves ethniques.

La CECM a été en mesure d'accorder, avec le budget qu'on lui a donné, un budget spécial de 500 $ par élève pour lui fournir le soutien linguistique. Ça peut être un accompagnateur linguistique, l'accès à des cours spéciaux, des travaux spéciaux qui sont corrigés par des personnes engagées à titre de personnel auxiliaire, etc. Il y a au-delà de 1900 élèves intégrés qui bénéficient cette année de ce programme. On a donné des sommes également pour développer de meilleures relations entre les écoles où il y a une concentration d'élèves en provenance des communautés ethniques et les familles de ces élèves et les communautés culturelles dans lesquelles ces élèves s'inscrivent avec leur famille. On a un programme spécial qui va permettre d'établir de meilleurs rapports. On s'est rendu compte que l'élève réussit mieux à l'école si ses parents sont vraiment intégrés à la vie de l'école. Ce n'est pas une chose très compliquée; c'est une vérité du sens commun, mais dans le cas des communautés ethniques, nous l'avions trop souvent oubliée.

Alors, il y a des mesures du gouvernement qui viennent stimuler ces choses-là, mais la politique du gouvernement en ces matières est foncièrement incitative. Je pense qu'elle produit des résultats très encourageants.

Je voudrais dire au crédit de la CECM qu'elle est engagée dans ce travail depuis bien plus longtemps que tous ceux qui en parlent en cette Chambre. Moi, j'ai été en rapport avec la CECM, M. le Président, dès les années cinquante. Je me souviens que j'avais organisé à Montréal un congrès sur l'immigration qu'on avait intitulé, et je pense que ça a toujours défini la conception que je me fais de l'immigration, "Ils sont nos frères". C'est comme ça qu'on avait intitulé le thème du congrès. Les principales collaborations que nous avons reçues pour la réalisation de ces assises qui avaient eu lieu vers 1954 ou 1955 venaient de la Commission des écoles catholiques de Montréal, laquelle était déjà bien plus au fait de ces problèmes que tous ceux qui ont commencé à en parler 25 ans plus tard.

Pensez-vous que la CECM a oublié toute cette tradition, qu'elle l'a laissée de côté? Voyons donc! Je vois le député Parent qui a été président de la CECM pendant quelques années, il pourra parler de ce qui se faisait dans son

temps, de ce dont il a été lui-même responsable. On ne traite pas ces gens-là de haut. On ne leur donne pas des directives à partir de Québec, parce qu'on se pense plus fins qu'eux. On prend soin d'abord de se renseigner sur ce qu'ils font. C'est ce que nous avons fait, nous leur avons dit: Qu'est-ce que vous faites? En quoi pourrions-nous vous aider davantage à mieux accomplir votre travail? Voilà la ligne de conduite que suit le gouvernement en ces matières et j'espère qu'il maintiendra longtemps cette ligne de conduite.

Je rappelle simplement que pour la présente année, nous avons, en plus des mesures dont j'ai parlé tantôt, plusieurs mesures qui visent particulièrement l'objectif dont nous avons parlé dans le débat d'aujourd'hui dont la tenue me réjouit, parce que je suis convaincu que cela nous permettra de rapprocher nos points de vue. Nous accordons des ressources spéciales pour l'encadrement organisationnei et pédagogique du personnel qui est chargé de l'action pédagogique auprès des enfants. Dans les écoles, il y a une forte concentration d'enfants en provenance de communautés ethniques. Le personnel enseignant a besoin d'être soutenu, a besoin d'être aidé d'une manière spéciale.

Or, nous avons des mesures qui visent précisément cet objectif, des mesures de perfectionnement des enseignants également. Nous avons des mesures d'apprentissage du français, langue seconde, pour les adultes allophones. Je pourrais continuer, M. le Président, mais je pense que le temps se fait court. Je voudrais simplement ajouter une dernière remarque. Le député de D'Arcy-McGee voudrait profiter de ce débat-ci pour ouvrir le débat sur certains éléments fondamentaux de la loi 101, en particulier, la question de la liberté de choix. Le gouvernement ne peut pas le suivre sur ce terrain, parce que l'étude qui avait été faite, il y a 20 ans, et qui nous a conduits à définir nos politiques d'admission de manière différente en matière d'écoles françaises et anglaises, a produit des conclusions qui sont encore valides aujourd'hui.

Il faut que nous autres mêmes, les francophones, nous renouvelions continuellement notre choix en faveur de notre caractère français. Et la première manière dont la loi nous invite à renouveler ce choix, c'est d'envoyer nos enfants - nous autres mêmes pour commencer - à l'école française. Et si nous nous imposons ces sacrifices pour maintenir le caractère français du Québec, il est normal que nous exigions le même sacrifice de ceux qui viennent de l'extérieur pour partager notre vie et notre destin au Québec. C'est ça qui est la loi fondamentale.

Moi-même, ça m'a imposé des sacrifices pour l'éducation de mes enfants. Mais ce sont des sacrifices qui ne nous ont en rien diminués, ils nous ont grandi et je peux témoigner qu'ils n'ont pas empêché mes enfants non plus d'avoir accès à l'apprentissage de la langue anglaise. On pourrait faire des améliorations de ce côté-là dans nos écoles françaises, mais prétendre rouvrir ce débat-là dans le contexte actuel au point d'évolution où nous en sommes, je crois que c'est se nourrir d'impossibles illusions.

Le Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: merci, m. le président. avant d'aborder la question de la motion qui est sur la table, il serait utile, je pense, de rappeler quelques faits. d'abord, à la cecm, 30 % des élèves qui fréquentent la cecm sont des allophones. 80 % à 90 % de ces élèves se retrouvent dans certaines écoles, c'est-à-dire une concentration d'allophones qui peut aller jusqu'à 80 % ou 90 % dans certaines écoles.

Dans ces écoles, de plus en plus, les jeunes utilisent l'anglais comme langue de communication et, qui plus est, certains professeurs pour être mieux compris à l'occasion de l'enseignement des mathématiques, s'adressent à ces élèves en anglais, ce qui compromet non seulement leur intégration à la communauté francophone, mais également l'acquisition d'une solide connaissance du français, ce qui constituera un handicap certain au moment où ils voudront poursuivre des études.

M. le Président, qu'est-ce qui explique cette situation? Je dirais deux ou trois bonnes raisons. Est-ce qu'il s'agit simplement de la fronde de jeunes adolescents qui veulent provoquer leurs professeurs ou les élèves francophones aux alentours? Peut-être bien. Mais je ne pense pas que ce soit là la principale raison, parce que la fronde des adolescents, je pense qu'à un moment donné, elle passe avec l'adolescence.

Ce qui est beaucoup plus grave, c'est que ces jeunes allophones sont témoins quotidiennement de la capacité que leurs parents ont de gagner leur vie au Québec en anglais. Ça, il ne faut jamais l'oublier, parce que la plupart des immigrants travaillent non pas dans nos grandes entreprises où on a réussi à instaurer une certaine pratique et un certain respect du français, langue de travail. Ils travaillent presque exclusivement dans des petites entreprises où la langue de communication est l'anglais, et ces jeunes étant témoins de la possibilité pour leurs parents de vivre, de travailler et d'être servis en anglais, ils ne voient pas la nécessité d'apprendre le français.

La seconde raison, M. le Président - et si j'avais un reproche à adresser à ce gouvernement, c'est là qu'il se situerait - c'est que ce gouvernement, par ses attitudes, par son inertie a semé l'ambiguïté et a créé, en quelque sorte, les situations qu'on connaît. Rappelons d'abord

les objectifs du projet de règlement de la CECM. Il est important de les rappeler pour bien situer, dans sa perspective, l'ensemble de ce débat. (12 heures)

Les objectifs du projet de règlement: améliorer la maîtrise du français écrit et parlé; valoriser la culture de la langue française, son histoire et sa littérature; garantir aux élèves un enseignement et un environnement où les échanges auront lieu en français. L'Opposition est tout à fait d'accord avec les objectifs poursuivis par la CECM et il faut absolument que nous reconnaissions à l'unanimité de cette Chambre qu'il est de la responsabilité et du devoir des directeurs d'école, des enseignants et des enseignantes de la CECM de mettre en place les conditions qui leur permettent d'assurer un enseignement en français de qualité à tous les jeunes allophones comme à tous les francophones.

Actuellement, la situation qui prévaut dans certaines écoles de la commission scolaire de la CECM est telle que les jeunes francophones, soit parce qu'ils sont l'objet d'intimidation ou simplement parce qu'ils entrent dans le rang, adoptent cette pratique de s'adresser à leurs collègues en anglais et on vient contester, par cette situation, le droit des jeunes francophones de vivre et de se développer dans un milieu francophone et dans des écoles françaises.

M. le Président, telle que libellée, nous ne pouvons pas être d'accord avec la proposition, la motion de blâme présentée par le député de D'Arcy-McGee et j'y reviendrai. D'abord, quelques commentaires sur le porteur de cette motion de blâme. Je dois dire que la crédibilité du député de D'Arcy-McGee dans ce dossier est questionnable. En effet, la démagogie dont il a fait preuve devant la décision de dizaines de municipalités ontariennes de refuser officiellement et par voie de résolution quelque service que ce soit aux francophones résidant sur leur territoire nous laisse songeurs quant au souci de ce député face au mépris des droits et libertés des personnes.

Vous vous rappellerez qu'à cette occasion le député de D'Arcy-McGee avait comparé ce qui se passait en Ontario avec la loi 178. La loi 178 sur l'affichage bilingue, il l'avait comparée au traitement fait aux francophones en Ontario, mais il avait comparé le traitement que le Québec fait aux Anglo-Québécois à celui qui est fait aux Noirs d'Afrique du Sud. Je l'écoutais, tout à l'heure, commenter l'appui à la visite de Nelson Mandela et à sa lutte pour le respect des droits et libertés des personnes et je m'étonnais. Quand on ose comparer la situation qui est faite aux Anglo-Québécois, ici, à la situation qui est faite dans l'apartheid de l'Afrique du Sud, c'est non seulement démagogique, mais c'est totalement irresponsable. M. le Président, cette motion questionne la sincérité du député de D'Arcy-McGee, lui qui a eu si peu d'égards à l'endroit des francophones de l'Ontario à qui on a retiré tous les droits ou la possibilité d'avoir des services en français dans leur municipalité.

M. le Président, je voudrais revenir à la motion. Telle que libellée, nous ne pouvons l'appuyer. Inviter le ministre à plus d'interventions qu'il n'en fait, jamais, M. le Président. Là, là-dessus, on ne pouvait pas, sur le fond, demander au ministre d'intervenir à la CECM.

Une voix: Ça nous a surpris.

Mme Blackburn: Jamais! Ça nous a surpris un peu qu'il s'y refuse, mais ça, c'est une autre question. On aura l'occasion d'y revenir. Pour nous, pour l'Opposition officielle, une politique de français à la CECM, ça appartient exclusivement à la CECM, à ses professeurs, à ses administrateurs et aux parents et élèves qui en font partie.

M. Libman: Question de privilège, M. le Président.

Le Président: Alors, sur une question de privilège, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: La députée de Chicoutimi m'attribue des déclarations que je n'ai jamais faites. C'est irresponsable.

Le Président: Évidemment, ce n'est pas une question de privilège. Si vous voulez, après l'intervention, il y a possibilité de faire une correction en vertu de notre règlement ou de vous prévaloir des dispositions pertinentes au niveau de fait personnel que vous pouvez soulever demain, à la période des affaires courantes. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. S'il faut condamner le ministre de l'Éducation, de l'Enseignement supérieur, responsable de l'application de la loi 101, s'il faut condamner ce gouvernement - et il faut le faire - c'est d'abord parce qu'il a limité, dans un premier temps, ses réactions à deux articles du projet de règlement, laissant planer l'impression que tout était coercition. Ça, j'ai trouvé que c'était dommageable. S'il faut le condamner - et nous le condamnons fortement, M. le Président - c'est parce que ce gouvernement, le ministre de l'Éducation, a favorisé une dégradation par son inertie, son incompétence, parce qu'il a semé l'ambiguïté par les nombreuses atteintes qu'il a portées à la loi 101, au moment où il a amnistié les illégaux, leurs descendants et les cousins, les cousines. Vous savez, c'était énorme. Au moment où il n'est pas allé en appel du jugement Steinberg, c'est 400 ou 500 personnes plus leurs descendants qui se sont enfilés dans cette brèche-là. Alors qu'aujourd'hui il a doublé le nombre de dérogations à la fréquentation des écoles, nous laissant voir, M. le Président... Ça a

l'air peu, 60 enfants qui sont autorisés à fréquenter l'école anglaise en dépit des dispositions de la loi 101; ça a l'air peu, cependant, le message est clair, ce serait pénalisant pour ces enfants de s'en aller dans les écoles françaises alors qu'à notre avis, il est profondément pénalisant pour ces jeunes, le fait qu'ils ne maîtrisent pas bien le français, et c'est leur avenir comme travailleurs, comme citoyens du Québec, qui est remis en cause.

Il faut condamner ce gouvernement qui n'a pas su réaffirmer le droit des francophones, des Franco-Québécois à une école française, qui n'a pas voulu réaffirmer le caractère français de l'école française et le devoir qui incombe aux autorités publiques de maintenir ce caractère. Il a refusé également de réaffirmer le droit et le devoir des allophones qui fréquentent l'école française de recevoir un enseignement en français dans un environnement français qui facilite leur intégration au marché du travail et leur épanouissement personnel dans un Québec français.

Il faut le condamner également parce qu'il n'a pas su rappeler l'obligation de l'école française qui implique de facto l'obligation de l'usage du français dans le cadre de l'école, entendu que les moyens employés pour s'en assurer tiendraient compte des situations et de la nature des activités. J'y reviendrai.

M. le Président, il faut condamner ce gouvernement parce qu'il a semé l'ambiguïté, ne serait-ce qu'au moment où il a décidé qu'il fallait qu'il crée un comité pour revoir s'il y avait nécessité de faire de la signalisation routière bilingue. Si c'était une question de sécurité, c'aurait dû être confié au ministre des Transports, M. le Président, mais il en a fait une question linguistique, semant encore l'ambiguïté et le doute quant aux dispositions de la loi 101.

C'est la nature de cette attitude, cette attitude, certains propos, certaines décisions qui font que de plus en plus d'allophones, dans nos écoles, à la CECM, pensent effectivement que l'avenir est du côté anglais et qu'ils n'y voient aucun frein qui serait mis par le gouvernement et le ministre responsable de la loi 101. Aussi longtemps que les jeunes allophones seront témoins de parents qui peuvent gagner leur vie, vivre, se développer en anglais sur l'île de Montréal, parce qu'ils sont majoritairement concentrés là, ils ne verront jamais, mais jamais, l'obligation ou la nécessité d'apprendre le français.

J'en viens à la situation qui existe actuellement par rapport au français langue de travail. Un rapport a été déposé en mars ou avril 1989 et la francisation à relancer... Je me permets de citer un article, un editorial de Gilles Lesage paru dans Le Devoir du 4 avril 1989. On ne peut pas l'accuser de partisanerie, et il a fait une lecture assez juste du rapport Jolicoeur sur la situation prévalant dans les industries, dans les entreprises, en regard du français langue de travail. M. Lesage a dit: "Une action concertée du patronat et des travailleurs de l'État est nécessaire pour relancer la francisation des entreprises." "Le français langue de travail, une nécessaire réorientation", titrait le document. Et M. Lesage de poursuivre: "Après avoir fait des progrès remarquables dans les quelques années qui ont suivi l'adoption de la loi 101 en 1977 - donc, 13 ans plus tard - la francisation des entreprises a atteint un plateau. Elle fait du sur-place depuis un bon moment, l'enthousiasme et la vigilance des débuts a cédé le pas à une certaine tolérance des bureaucrates et gestionnaires et à l'assouplissement des travailleurs, comme si la loi avait des vertus magiques." (12 h 10)

On apprenait en même temps que ce rapport était déposé, M. le Président, que seulement 45 % des entreprises de 100 employés et plus avaient un certificat de francisation, ce qui est déjà intéressant. Mais le vrai problème, ce sont toutes les entreprises de moins de 50 employés qui embauchent massivement des allophones qui acceptent de travailler dans des petites entreprises où les salaires sont moins élevés, M. le Président.

M. le Président, toujours dans le même article, M. Lesage considérait que les moyens proposés, si pertinents soient-ils, misent tellement sur la bonne volonté des partenaires qu'on se demande s'ils ne se sentiront pas contraints de relancer l'offensive souhaitée. L'État devra entreprendre une campagne médiatique, disait le porte-parole de ce rapport, entre autres sujets, sur le statut et la revalorisation de l'usage du français en milieu de travail. Rien là de très sorcier, soulignait M. Lesage, et litigieux. Pourtant, dès hier, M. Ryan a repoussé cette suggestion sous prétexte qu'elle confinerait à la propagande.

M. le Président, parler de l'obligation de travailler en français, de l'obligation de recevoir un enseignement en français, c'est faire de la propagande. M. le Président, descendre plus bas que ça, se faire aussi humble, c'est risquer la disparition. Quand on est gêné de faire valoir les droits des francophones sur le territoire du Québec, M. le Président, et que c'est le ministre responsable de l'application de la loi 101 qui dit ça, évidemment, ça a de quoi inquiéter, mais ça explique également l'attitude de ces jeunes dans ces écoles.

M. le Président, M. Lesage poursuivait en disant: "Les moyens proposés ne sont pas inadéquats, il s'en faut: publicité, incitation, et ainsi de suite. Toutefois, en raison de la recherche de compromis agréables à tous, ils ne vont pas au fond des choses. L'ampleur des problèmes est telle qu'on voit mal comment il peut y avoir relance et concertation sans que l'État s'y mette résolument. Or, tout se passe comme s'il devait se faire - il parle de l'État et de son ministre,

j'imagine - discret, presque effacé. Et fidèle à lui-même, dit-il, M. Ryan n'est pas porté vers le grand plan d'ensemble tel celui que son prédécesseur, M. Guy Rivard, mijotait depuis un an."

M. le Président, ces attitudes, les nombreuses atteintes faites à la loi 101, l'absence de soutien aux allophones, la faiblesse des moyens qui sont consentis pour que les allophones puissent apprendre le français - je parle des adultes - les programmes de COFI reportent jusqu'à un an la possibilité pour eux d'avoir accès à un programme de formation en langue française, M. le Président... Un an avant qu'on puisse leur dire oui, nos portes sont ouvertes, vous êtes admis, vous pourrez apprendre le français. Comment voulez-vous dans ces circonstances que les jeunes allophones se sentent seulement invités à apprendre le français, sentent que ce soit utile pour eux de le faire, M. le Président? Le gouvernement aurait pu et dû à cette occasion relancer l'idée que nous avions mise sur la table, à l'effet qu'il fallait amorcer, et rapidement, la francisation des entreprises de moins de 50 employés.

M. le Président, je le rappelle, nos allophones trouvent massivement un emploi dans ces entreprises. À cette occasion, le ministre aurait pu, avec son gouvernement, rendre applicables aux cégeps les dispositions de la loi 101 en matière d'enseignement. Ce n'est pas ça qui se fait, on dit aux jeunes allophones: Vous avez étudié votre secondaire en français, qu'à cela ne tienne, on va vous donner une bourse et vous allez poursuivre vos études collégiales dans un collège anglophone.

M. le Président, ce n'est pas fait pour les aider à s'intégrer. Le gouvernement aurait dû réclamer... Ça n'a pas été fait à l'occasion de la seconde ronde de négociations qui s'amorce. Il y a toute une liste de demandes qui viennent des différentes provinces canadiennes pour la prochaine ronde de négociations constitutionnelles. Il aurait dû réclamer le rapatriement au Québec de tous les pouvoirs, particulièrement en langue, en immigration, en éducation, culture et communications, M. le Président. C'est cette situation, cette inertie, la peur de déranger qui fait que la situation qui prévaut actuellement dans les écoles de la CECM n'a rien pour nous étonner. Cependant, M. le Président, elle nous préoccupe profondément parce qu'elle compromet la capacité des jeunes allophones de s'intégrer à la majorité et elle nie le droit des jeunes francophones qui fréquentent ces écoles à avoir un enseignement et un environnement en français. Merci, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Jacques-Cartier pour un maximum de trois minutes conformément au partage du temps convenu pour les députés indépendants.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. I would in general agree with the Minister of Education in the appeal to common sense in dealing with educational issues. But, unfortunately, we are dealing with an issue here where common sense, unfortunately, does not exist or, at least, is not found in ordinary amounts. Common sense implies the idea that there is a community with some kind of agreement as to just what it is doing in education in this direction, but that community of agreement does not exist right now. With a compulsory public educational system that is pluralist, that involves students of different backgrounds, different cultures, different mother tongues, it is impossible to use the doctrine of in loco parentis.

The admittedly somewhat abstract idea of the civil rights of the individual have to be applied instead, or the sense of injustice grows and grows within the communities that are involved in the public educational system. If this is not recognized by this National Assembly and if this kind of activity by the Montréal Catholic School Commission is tolerated or accepted, the dangers for Québec society, the dangers certainly for Montréal are very large indeed. We cannot leave this simply to the matter of the good nature and reasonableness of the school commissioners and the teachers. Most of them are good-natured and reasonable people. The situation they find themselves in was created by the laws of this Province, not by their individual character. We must therefore stick with our determination to assert that the rights of the individual must come ahead of what the Minister conceives of as common sense in this case. Thank you, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le député de Sauvé.

M. Marcel Parent

M. Parent: Merci, M. le Président. Laissez-moi vous dire que je suis étonné de la motion de censure présentée par le Parti Égalité. À mon avis, cette motion de censure n'a pas sa raison d'être et j'entends démontrer que l'attitude du gouvernement et celle du ministre de l'Éducation dans le dossier du rejet de la politique linguistique de la CECM a été judicieuse et pleine de mesure. La CECM, M. le Président, nous la connaissons. Nous connaissons sa tradition. Nous connaissons le respect dont elle a toujours fait preuve envers les minorités. Et nous connaissons aussi son esprit de générosité. Et il n'aurait pas été sérieux de la part du gouvernement d'intervenir d'une façon rapide devant ce projet de règlement, car ce projet de règlement n'est encore qu'un projet, il n'est pas adopté. Et je pense qu'il était de bon ton, de la part du

ministre de l'Éducation et de la part du gouvernement du Québec d'attendre et de regarder de quelle façon la CECM se proposait d'appliquer ce projet de règlement. Et on a eu raison, M. le Président, car la CECM a fait preuve de démocratie, elle a reçu à la salle des commissaires à Montréal, les différents intervenants. Elle les a écoutés dans un climat de démocratie que l'on ne voit pas toujours, et on doit l'en féliciter.

Les partis d'Opposition nous disent souvent que le ministre a une politique interventionniste, que le ministre se met le nez dans l'administration des commissions scolaires. Eh bien, cette fois, le ministre n'a pas fait d'intervention directe. Il a surveillé d'un oeil sérieux l'évolution du projet. (12 h 20)

Quant à la motion présentée par le Parti Égalité à l'égard du gouvernement du Parti libéral et à l'égard du ministre de l'Éducation, pour ma part, M. le Président, la position historique du Parti libéral du Québec est connue. Les militants et les militantes ont défendu avec acharnement les principes de protection et de promotion des lois individuelles, et ce, dans la perspective des intérêts collectifs de la société québécoise. Certains verront certainement une ambiguïté. D'autres, au contraire, constateront qu'une nuance objective reflète bien le profil du Québec dans son ensemble économique, social et culturel. Le tout est de savoir si oui ou non la notion de droit individuel comporte des restrictions. Enfin, la réponse n'est pas si simple. Mais j'emprunterai les paroles d'un politicologue bien connu, M. Léon Dion, qui, dans le cadre d'un colloque sur le Québec des libertés tenu en mars 1977, positionnait ce concept de droits et de libertés dans la perspective où règne la démocratie. Je le cite. M. Dion disait: "La démocratie ne saurait sans renier faire abstraction de la diversité des groupes culturels socio-économiques ou régionaux. Mais elle est en danger dès lors que, d'une quelconque de ces unités collectives partielles,- elle entend imposer à l'ensemble ses intérêts et ses conceptions du monde et de la vie." Il va sans dire, M. le Président, qu'une telle définition suscite une dynamique dans tout pays démocratique.

Pour sa part, le Parti libéral du Québec a toujours cru que la recherche de l'équilibre était non seulement possible et nécessaire dans une société qui se caractérise par sa distinction, bien sûr, mais également par sa diversité. Et à cet égard, notre formation politique a résolument mis l'accent sur la valorisation des droits individuels en prévision des années quatre-vingt-dix. Nous concevons, cependant, que cette valorisation embrasse un champ d'action plus long que celui rapporté dans cette motion du Parti Égalité. La protection de la jeunesse, le sort des sans-abri, la reconnaissance de l'action des membres des communautés culturelles constituent quelques-uns des domaines où le gouvernement libéral a mis des efforts individuels et alloué des ressources importantes pour une meilleure qualité de vie au Québec.

M. le Président, le gouvernement libéral doit gérer ses dossiers dans cette perspective des intérêts supérieurs du Québec. Nous reconnaissons d'emblée toutefois que tous les groupes sont en droit d'exprimer ces opinions ou ces revalorisations dans une société démocratique. Ce virage est même essentiel pour son bon fonctionnement, M. le Président. Mais présentée de cette façon, nous ne pouvons endosser une telle motion du Parti Égalité puisque la position défendue ne reflète qu'une partie des intérêts collectifs du Québec, donc, constitue une vision potentielle de la solution avancée. Le gouvernement libéral peut, d'autre part, se féliciter de ces efforts accomplis en faveur des droits individuels. Depuis 1985, il a fait adopter des politiques précises visant, à l'atteinte ses objectifs, de protéger et de promouvoir les droits individuels. Par ailleurs, nous comprenons aisément l'approche du Parti Égalité. Nous ne pouvons appuyer ce qui sous-entend leur philosophie, convaincus que nous sommes que leurs intérêts sont beaucoup trop sectoriels et non conformes aux intérêts de l'ensemble du Québec. Et comme nous disions dans le cadre d'un congrès tenu en avril 1987: Pour mieux s'ouvrir à demain, la question des droits individuels n'est pas catégorique car la capacité d'une société de progresser est intimement liée à la capacité de son système démocratique de générer rapidement des consensus sociaux. Et, M. le Président, la meilleure preuve que le Parti libéral du Québec reconnaît et défend avec acharnement cette notion des droits individuels ne repose-t-elle pas sur cette réalisation majeure qui remonte à 1974 lorsque fut adoptée la Charte des droits et libertés de la personne?

M. le Président, intégrer des immigrants à la communauté francophone, c'est une chose. Mais vouloir contrôler les conversations des enfants à l'extérieur des salles de cours en est une autre, même si, pour le Parti libéral du Québec, bâtir et faire évoluer une société, c'est d'abord et avant tout travailler à favoriser l'épanouissement individuel et collectif de ceux et celles qui en font partie. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, je cède maintenant la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Dans le temps qui nous est imparti, c'est sûr que je ne pourrai pas développer autant que je l'aurais souhaité. Je tiens à féliciter ma collègue de Chicoutimi qui a très bien résumé notre position. Rapidement, sur la motion, pour que les positions

soient claires, c'est évident qu'on ne pourra pas appuyer cette motion de Equality Party - parce que c'est de ça dont il s'agit - surtout pas quand on connaît leur réputation en cette matière et surtout quand ils te laissent voir qu'il y aurait là un danger de donner l'image que le Québec ne manifesterait pas à l'égard de ces communautés culturelles toute l'ouverture. S'il y a un endroit au monde où on n'a pas de leçon à recevoir sur l'ouverture, même si on nous fait toujours des discours là-dessus, c'est bien ici même, au Québec. Donc, c'est important de clarifier ça tout de suite, c'est sûr que nous, nous sommes contre la motion telle que proposée.

Sur la politique elle-même, moi, personnellement, et notre formation politique félicitons au contraire la CECM, et là, j'espère que le député de Sauvé s'est trompé, mais je l'ai cité et j'ai pris note quand il a mentionné: "Je félicite l'attitude du ministre d'avoir rejeté la politique de la CECM", j'espère qu'il s'est trompé quand il a dit ça. Il ne voulait sûrement pas dire ça, parce que la politique de la CECM est légitime, elle est correcte, elle est bien faite et c'est un projet de règlement pour, effectivement, faciliter et encourager, et améliorer, de grâce, la maîtrise du français écrit et parlé, comme ça devrait être la préoccupation de tous les parlementaires de cette Assemblée. Que je sache, on vit au Québec et on a tous ou on devrait tous avoir comme objectif la promotion d'une meilleure qualité du français parlé et du français écrit. On devrait également avoir comme objectif la valorisation de la culture et de la langue française, de son histoire et de sa littérature, parce que nous, nous n'avons pas honte de l'histoire de la langue française et de sa littérature, et "on devrait garantir aux élèves un enseignement et un environnement - écoutez bien ça - où les échanges devraient avoir lieu également en français." J'y reviendrai pour le petit aspect négatif du fond de cour.

Ce qui nous a déplu dans les commentaires du ministre - et moi, je le lui ai dit personnellement, puis je le dis publiquement, puis ma collègue l'a très bien fait - c'est qu'il s'est empressé de dénoncer plutôt les deux petits aspects un peu plus pointus des 18 éléments du règlement, alors qu'il y avait 16 autres dispositions qui étaient très très très correctes par rapport à quelqu'un, surtout, qui a la responsabilité de faire respecter la loi 101, de faire respecter la promotion et la valorisation de la langue française et, en conséquence, on va replacer les choses rapidement dans leur contexte.

Nous, nous disons ceci: Cette réflexion de professeur, que je félicite - parce que ça origine de là - "le projet de politique de la langue française dans le réseau des écoles françaises de la CECM constitue le premier volet d'un plan d'action visant à améliorer l'accueil des immi- grants et à promouvoir les relations interculturelles." Il s'appuie sur une volonté d'améliorer la structure d'accueil aux immigrants et de favoriser l'ouverture de tous les Québécoises et Québécois à une clientèle scolaire pluriethnique qu'on ne nie pas: on la connaît, nous aussi, on y va, en ville, de temps en temps, on connaît la clientèle pluriethnique.

Par ailleurs, cette politique a pour but d'aider l'école à réaliser un défi de taille, c'est-à-dire franciser les jeunes allophones - je répète - franciser les jeunes allophones et les intégrer à la communauté francophone. Et c'est pour ça que le mot, le reproche, la motion de blâme, en fait, aurait pu davantage être adressée au gouvernement actuel et au ministre qui, dans un laisser-aller, depuis quatre ans, a donné à peu près tous les signaux contraires au renforcement du fait français et de la langue française. Que ce soit l'amnistie des illégaux, que ce soit, comme ma collègue l'a dit, de faire... Écoutez, quand un ministre responsable fait une étude pour savoir s'il y a du danger concernant la signalisation, quel signal donne-t-il? Il donne un faux signal, il donne le signal d'une préoccupation davantage comme si c'était toujours la minorité anglophone qui était en danger puis en souffrance, puis qui était donc maltraitée, alors que c'est l'inverse dans les faits. C'est complètement l'inverse dans les faits. Heureuse initiative! Félicitations pour ceux qui l'ont initiée! Bravo à la CECM, en ce qui nous concerne! Puis, nous, là, on n'a pas peur des 18 éléments qui sont en consultation, c'est clair, ça? On n'a pas peur de ça pantoute.

Nous donnons également notre assentiment à l'ensemble des moyens préconisés. Quant aux deux moyens qui ont soulevé des controverses et de l'indignation chez certains intervenants qui se sont énervés avant même de regarder l'ensemble de l'affaire, des nuances s'imposent. Oui, des nuances s'imposent, sur les deux faits un petit peu plus pointus. Je voudrais en parler, parce que c'est là que ça devient fondamental. Autrement que ça, sous prétexte de deux petits éléments qui mériteraient d'être regardés, bien, on préfère créer des ghettos, parce que c'est ça qui va arriver: sans règlement sur la langue, les écoles deviendront des ghettos. (12 h 30)

Et moi, j'aime bien mieux deux petits éléments qu'il y a lieu de regarder et essayer d'atténuer les effets coercitifs et aller avec des mesures incitatives, promotionnelles, compréhen-sives, que de former des ghettos comme c'est le cas actuellement, si on n'est pas vigilants, si on ne se réveille pas. Donc, je dis: généraliser la pratique qui consiste à inscrire dans les codes de conduite des écoles ou les codes de vie l'obligation - je n'ai pas peur de ça, je le maintiens - de parler français sur les lieux de l'école et dans toutes les activités organisées en dehors des lieux; cela veut dire les activités parascolaires, sous supervision d'un accompagnateur,

d'un professeur.

J'ai enseigné 10 ans, c'est un milieu, l'éducation, sans aucune prétention, que je pense connaître. J'ai toujours été collé au milieu de l'éducation et je sais ce que c'est, enseigner. Je connais les battements dans les corridors, les battements scolaires, les déplacements de cinq minutes. Je sais ce que c'est, organiser une classe de chasse-neige, organiser une classe de visite industrielle pour intégrer un peu mieux les jeunes avec l'entreprise. Et si, dans toutes ces occasions-là, c'est le "free for all", excusez l'expression, parce que c'est ça que ces gens-là voudraient... Là, c'est le "free for all". C'est des écoles françaises, mais là vous parlez la langue que vous voulez. Quelle langue vont-ils parler? Quelle langue leur donne-t-on encore? On leur donne ce que ma collègue leur disait. Puisque, de toute façon, il n'y a pas d'obligation, à peu près dans toutes les entreprises, que ce soit le français la langue de travail, la plupart des parents de ces jeunes allophones, quelle langue parient-ils à la maison? L'anglais. Donc, il y a un peu de normalité que ces jeunes-là glissent plutôt vers l'anglicisation que la francisation.

Il me semble que nous, ça devrait être tout à fait l'inverse qu'on devrait promouvoir. Aider les écoles qui ont des difficultés, les aider, leur donner plus d'argent pour assumer mieux leur environnement en français, mettre en place des mesures incitatives et, lorsque nécessaire, des règles de discipline qui recréeront un environnement positif, une espèce de fierté d'apprendre le français et de parier français dans les écoles françaises. Des règlements prescrivant l'usage du français figurent déjà dans les codes de conduite ou codes de vie de certaines écoles de la CECM et même de certaines écoles privées. Et je ne vois pas la différence pour un professeur qui a à faire appliquer un code de vie ou un règlement interne à l'école concernant toute la question du blasphème, concernant toute la question de l'habillement, concernant une série d'éléments qu'on appelle le règlement de régie interne à l'école, d'être habilité à faire appliquer les mêmes dispositions concernant le fait français. C'est quoi le crime? C'est quoi le drame? Il n'y a pas de drame, il n'y a pas de crime, en ce qui nous concerne.

J'ai l'impression qu'il y a du monde qui ne sait pas ce que c'est qu'une école. Une école, ce n'est pas une boîte physique. Une école, c'est un milieu de vie. Et si on n'enseigne pas aux jeunes comme premier élément que l'école étant un milieu de vie, un milieu dans lequel tu vis, il faut que l'environnement soit en français, selon nous... C'est ça, le règlement de la CECM qui est en consultation. Nous, au contraire, on trouve que c'est une initiative heureuse qui aurait dû être encouragée par le ministre de l'Éducation. Ses premiers commentaires, ça n'aurait pas dû être encore de nous donner ses diktats comme d'habitude et dire: Oui, mais il y a deux affaires qui me chicotent là-dedans. Parce que quand deux élèves se parlent dans le fond de la cour de récréation, ça ne nous regarde pas et il n'est pas question de regarder ça. Bien, ça, c'est un point très mineur, mais ça aurait été bien plus responsable, comme ministre de l'Éducation, comme porteur de la défense du fait français, de dire: Moi, je trouve que c'est une initiative heureuse. Et je trouve que les professeurs qui ont eu l'initiative à la CECM de bâtir une réglementation qui permet d'améliorer l'apprentissage de ia langue, d'améliorer la qualité, d'améliorer la connaissance de la culture, d'améliorer l'intégration de ces jeunes allophones au milieu francophone... Il me semble que ça, c'aurait été senti, si nous avions un ministre vraiment responsable de la défense des intérêts francophones ici au Québec... Nous, on aurait été fiers du ministre s'il avait commenté globalement en disant: II s'agit là d'une heureuse initiative, parce que le contenu de la politique est bon globalement, les objectifs sont valables: améliorer la maîtrise de la langue française, valoriser la culture et garantir un milieu éducatif où les échanges ont lieu en français. Je ne parle pas du fond de la cour de récréation, et arriver là avec le fouet ou la règle, comme anciennement, ou le bout de la "strappe". Ça, ce sont des enfantillages. Et moi, ça ne m'intéresse pas, les enfantillages. Ce qui m'intéresse, c'est les orientations valables que j'ai vues là, et les professeurs qui ont mis du leur, qui ont mis beaucoup de réflexion, qui ont analysé pendant des années et qui vivent dans ce contexte-là. Moi, j'aime bien mieux faire confiance à ces professeurs-là et leur donner des outils et des moyens qui vont faire que, véritablement, on va promouvoir la langue, et on va laisser savoir d'une façon on ne peut plus claire que, dans des écoles dites françaises, il est logique, légitime, défendable que ça se passe en français et non en anglais. Merci.

Le Président: Alors, je cède maintenant la parole à M. le député de LaFontaine.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. La discussion de cette motion, aujourd'hui, particulièrement des articles 16 et 18 du projet de réglementation de la CECM, démontre bien, si c'était encore nécessaire, les difficultés qu'on peut avoir, dans notre société québécoise, pour trouver l'équilibre entre ia promotion et la revalorisation de la langue française, avec les immigrants, les nouveaux arrivants dans notre société, et l'apprentissage d'autres langues, tel l'anglais, et aussi l'utilisation, par ces mêmes immigrants, dans leur propre milieu, de leur langue d'origine. Car, ne nous trompons pas, contrairement à ce que j'entendais, et c'est une information qu'il me fait plaisir de donner au

député d'Abitibi-Ouest, les gens, les immigrants, lorsqu'ils arrivent dans notre pays, bien souvent arrivent ne parlant ni le français ni l'anglais. Ou ils ont peut-être une connaissance de l'anglais qu'ils ont appris à l'école, comme à peu près tous les citoyens du monde, mais ils connaissent surtout leur langue d'origine, qui peut être aussi bien l'espagnol que l'arabe, l'allemand ou l'italien. Et je peux vous assurer que lorsque les gens arrivent, ils arrivent généralement à 25 ou 30 ans, donc à un âge où leurs études sont faites, et ils les ont faites dans leur langue d'origine. Si bien qu'à la maison, chez eux, la première langue qu'ils vont parler, c'est la langue dans laquelle ils ont vécu 20 ou 25 ans de leur vie, qui est la langue maternelle ou la langue de leur pays. Et leurs enfants, bien entendu, parlent cette même langue. Alors, je crois qu'il est un peu faux et hasardeux de dire que, dans les maisons, les immigrants parlent anglais. Ce n'est pas vrai. Mes expériences d'immigrant moi-même, mais qui vit dans un comté où il y a beaucoup d'immigrants, m'ont amené, depuis une dizaine d'années déjà, à me rendre compte que ce n'était pas une réalité.

Bien entendu, par la suite, ces jeunes enfants, eux, vont aller à l'école. Les parents vont aller travailler et chacun va devoir employer une langue pour communiquer. La députée de Chicoutimi disait, dans son discours, que, bien souvent, ces gens-là vont travailler dans des petites entreprises de moins de 50 employés où la langue qui va être employée va être l'anglais, parce que, bon, c'est une entreprise avec des gens de qualification moindre, et où les salaires sont moins élevés. Et il y a peut-être une raison à cela. Ce n'est pas, probablement, parce que la promotion de l'anglais fait foi au Québec, mais c'est parce que, lorsqu'un immigrant arrive, généralement, la semaine suivante où il est arrivé, il a besoin de travailler. Il a besoin de commencer à fonctionner, et, croyez-moi, c'est certainement bien souvent plus facile de fonctionner dans ce genre d'entreprises là, qui sont déjà tenues par d'autres immigrants, qui sont au Québec depuis de nombreuses années, qui, bien souvent, ont eu le droit, en fonction de la loi 101, d'étudier ou d'aller à l'école anglaise. Donc, lorsqu'ils se sont établis en affaires, ils ont établi leur entreprise dans la langue française et la langue anglaise. Et, pour un immigrant, pour un individu, tout le monde reconnaîtra qu'il est plus facile, en dedans de deux ou trois semaines, de commencer à apprendre quelques mots d'anglais, pour fonctionner et pouvoir se débrouiller, que de commencer à apprendre le français. Et c'est peut-être déplorable, mais c'est une réalité. Ce qui explique probablement cette raison-là.

Pour les enfants, lorsqu'ils arrivent à l'école, eh bien, là, on trouve certainement d'autres raisons. Vous savez lorsqu'on immigre, lorsqu'on vient d'un autre pays, d'abord, on ne sait pas qu'on vient au Québec dans un pays francophone, 9 fois sur 10. On nous le dit à l'immigration, mais ce n'est pas évident qu'on en a une certaine conscience. On vient surtout en Amérique du Nord. Lorsqu'on quitte notre pays, on s'en va en Amérique. On s'en va au Canada. Et je crois que, depuis des générations et des générations, ce qui a été, pour les immigrants, la destination, c'est l'Amérique, avec tout ce qu'on peut voir comme vitrines, dans notre pays d'origine, par la télévision, par les films, les magazines. L'Amérique de la réussite, l'Amérique de la société de consommation. Automatiquement, il y a une tendance à vouloir s'adapter à ce modèle nord-américain, car c'est l'Amérique de la réussite. (12 h 40)

Tout immigrant qui quitte son pays, lorsqu'il fait ce sacrifice - ce n'est pas facile de quitter son pays; ce n'est pas facile de partir, de rompre les liens avec sa famille, avec son milieu, avec son histoire - bien, il ne le fait pas pour se retrouver dans une situation qui lui semble inférieure ou qui lui semble semblable à celle qu'il vient de quitter. Il veut s'identifier à quelque chose qui va signifier pour lui la réussite. Bien souvent, c'est l'Amérique du Nord; et qui dit Amérique du Nord dit l'anglais. Il y a donc, pour ces jeunes, une tendance naturelle à vouloir parler anglais. Ce n'est pas pour rejeter la langue française, mais c'est peut-être un signe de valorisation.

Dans les écoles, on voulait légiférer, on voulait dire: Nous allons passer des lois, on va essayer de mettre des réglementations très sévères qui vont faire en sorte qu'on va obliger les gens à parler français. Je ne crois pas, M. le Président, que ce soit là une solution. Je crois au contraire que ça va?peut-être avoir un effet de repoussoir. Je me souviens, moi, étant jeune, que ma grand-mère - vous savez que je suis né près de la frontière belge, pas loin de l'Alsace-Lorraine - me racontait que, lorsqu'elle était petite fille, l'Alsace-Lorraine appartenait, avait été conquise - échangée, à la suite d'une guerre - par les Allemands et que les Alsaciens et les Lorrains n'avaient plus le droit de parler français. Il fallait parler allemand absolument dans les écoles. Si vous parliez français, vous pouviez avoir des amendes ou aller en prison, selon le nombre de fois que vous répétiez cette offense.

Moi, je peux vous assurer que plus on empêchait ces jeunes ou ces Alsaciens et ces Lorrains de parler français, plus ils l'ont conservé le français. Il y avait une espèce de défi à l'autorité qui disait: Nous n'accepterons pas qu'on nous impose une langue que nous jugeons utile de parler. Alors, ils ont appris l'allemand, mais ils ont aussi conservé le français. Je crois que c'est peut-être significatif, parce que dans notre société, si nous voulions agir d'une manié-

re autoritaire dans ce domaine, nous pourrions nous créer ce genre de situation où des générations de jeunes immigrants apprendraient le français à contrecoeur et se dépêcheraient de parier anglais dès qu'ils quitteraient les lieux où ils seraient obligés de parler français. Je ne crois pas que ce soit là le but visé par la loi ou par les écoles. Je ne crois pas que ce soit la mission des écoles. Je crois plutôt que la mission est d'intégrer les jeunes à la société québécoise.

Dans mon comté, je dois vous dire que j'ai des écoles où il y a des gens qui vont à l'école anglaise et des gens qui vont à l'école française qui viennent de la même communauté. J'ai pu assister à des choses extrêmement intéressantes, pour la députée de Chicoutimi qui ne va pas souvent à Montréal. Malheureusement, c'est que les jeunes qui vont dans les écoles anglaises de ma circonscription parlent tous français. Ils parient tous très bien français et ils parient tous très bien anglais, bien entendu, en plus de leur langue maternelle qui, bien souvent, est l'italien ou l'espagnol. Les jeunes du même groupe d'origine qui, eux, n'ont pas eu le droit, pour des raisons de date, d'aller à l'école anglaise parient français et anglais, parce qu'ils ont jugé utile d'apprendre l'anglais au contact de leurs cousins, de leurs voisins. je crois qu'on assiste là, peut-être, à ce à quoi on devra assister dans la région de montréal et dans le québec de l'avenir, c'est que, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, la langue française doit être la langue qui va cimenter la société québécoise de l'avenir, c'est la langue de tout le monde, la langue de la majorité, mais nous ne pourrons jamais évacuer la langue anglaise, car c'est la langue de l'amérique du nord, c'est la langue des affaires, c'est la langue du libre-échange nord-sud, c'est la langue de la souveraineté-association pour certains de nos amis. comment voulez-vous vous associer avec des pays de langue anglaise, si vous ne pariez pas leur langue? je crois qu'il faut donc être très prudents dans toute législation qui aurait pour but de répudier une langue ou une autre.

En terminant, M. le Président, le député d'Abitibi-Ouest disait que le ministre avait comme mandat de faire la promotion de la langue française. C'est sûr et c'est évident, et personne dans le Québec ne s'étonnera et ne niera que M. le ministre de l'Éducation, depuis son arrivée, a fait beaucoup de travail en ce qui concerne la promotion et la valorisation de la langue française. Je termine, M. le Président. Et je crois que les résultats importants qu'il a obtenus, particulièrement dans la langue pariée au travail, ont été débattus lors de la commission parlementaire sur les crédits du ministère, et même la députée de Chicoutimi, à l'époque, ne semblait pas avoir grand-chose à redire dans ces choses-là. Il y a beaucoup de choses à faire, il y a beaucoup de chemin à faire pour protéger notre langue, pour faire en sorte qu'elle soit valorisée, pour faire en sorte que ce soit le ciment de notre société québécoise, mais je ne crois pas que ce soit par des législations difficiles ou sévères que nous allons y arriver et je ne comprends pas non plus le député de D'Arcy-McGee...

Le Président: En conclusion, M. le député, s'il vous plaît.

M. Gobé: ...de vouloir mettre une motion de blâme sur le ministre, car je ne crois pas que ce soit ce genre d'attitude là non plus qui soit propice à un dialogue entre les deux communautés qui parient ces deux langues. merci, m. le président.

Le Président: Je voudrais maintenant céder la parole à M. le député de D'Arcy-McGee pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Robert Libman (réplique)

M. Libman: Merci, M. le Président. Je pense que personne n'a vraiment écouté notre intention avec cette motion. Si tout le monde était assez raisonnable et profitait de la même ouverture d'esprit que le ministre de l'Éducation, je serais tout à fait d'accord avec le ministre quant au calme qui doit prévaloir lorsqu'on arrive tous à situer un document dans son contexte.

Je n'accuse pas le ministre d'avoir adopté une mauvaise politique. Mon reproche est à l'effet que le gouvernement n'a rien fait afin d'indiquer aux élèves impliqués dans le débat que, peu importe le déroulement, leurs droits seront respectés. Les élèves ont eu le temps de mijoter les différents scénarios au point de déstabiliser les relations entre les francophones et les communautés culturelles, et, aujourd'hui, le gouvernement a une occasion claire d'envoyer un message fort que les droits des élèves vont être respectés.

Et une chose qu'il faut souligner, il faut regarder l'ensemble du projet de politique de la CECM. Et notre formation politique est en faveur que nous mettions en vigueur immédiatement les initiatives incitatives et positives pour réussir le but de la CECM, parce que, comme le député d'Abitibi-Ouest l'a dit, les buts et les objectifs de la CECM, il faut les applaudir. Un meilleur apprentissage du français, une valorisation de la langue française doivent être le but pour chaque parlementaire ici, doivent être l'aspiration de la société québécoise, mais, comme je l'ai dit tantôt, il faut trouver cette ligne d'équilibre entre ces aspirations légitimes, ces aspirations collectives et le respect des droits individuels, le respect des droits des minorités. C'est pour ça que le gouvernement avait une responsabilité morale de clairement articuler que les proposi-

tions 16 et 18 ne sont pas valables dans notre société québécoise.

The Montreal Catholic School Commission's decision is coming up shortly and the fact that the Government has only admitted that, yes, these measures go a bit too far but that they are unwilling to say that these measures are completely acceptable, this can have an influence on the decision of the Montreal Catholic School Commission because when they make their decision, if they feel that the Government strongly opposes these two regulations and will not accept these two regulations, they will have serious second thoughts about putting into practice these aspirations, these two propositions that threaten minority rights.

En terminant, M. le Président, quant à la députée de Chicoutimi, je l'inviterai, dans un premier temps, à venir faire un tour à Montréal afin d'obtenir une plus grande compréhension des situations particulières. Dans un deuxième temps, je dois lui rappeler qu'en tant que parlementaire elle est nécessairement tenue à un niveau de responsabilité au-delà de celui qu'elle a démontré ce matin. Les propos qu'elle a tenus à mon égard, M. le Président, ainsi que les paroles qu'elle m'attribue...

Le Président: Un instant! Je vais demander la collaboration des députés, évidemment, nous venons pour un vote, mais il y a toujours le droit de réplique qui existe du député de D'Arcy-McGee et je vous prierais de prendre place en silence. Vous pouvez poursuivre, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Les propos qu'elle a tenus à mon égard ainsi que les paroles qu'elle m'attribue sont enracinés dans le faux. Je n'ai jamais prononcé les propos qu'elle m'attribue. Le ouï-dire provenant de certains de ses collègues ou recherchistes à mon égard me démontre à quel point la députée de Chicoutimi continue de croire ce qu'elle veut, au lieu d'être honnête envers la vérité.

En terminant, M. le Président, après avoir entendu certains de ces discours, ce matin, le Parti québécois doit réaliser que l'apprentissage d'une deuxième langue ne menace pas la maîtrise de la première langue. Il n'y a personne au Québec, même dans la communauté anglophone, même dans les communautés culturelles, qui veut que nous perdions ce visage français du Québec, ce caractère français du Québec. Il faut être fiers d'avoir une société pluraliste, une société pluraliste qui respecte l'importance du caractère français et l'importance des droits individuels au Québec. Le moment où le pluralisme et les droits individuels sont rejetés par notre société est le moment où notre société marche vers la désintégration. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, ceci met donc fin au débat sur la motion de censure présentée par le député de D'Arcy-McGee. Nous appelons maintenant les députés puisque nous devons procéder à un vote par appel nominal. Alors, qu'on appelle les députés.

Une voix:...

Le Président: M. le député de D'Arcy-McGee, s'il vous plaît. Alors, j'ai une demande du leader de l'Opposition pour vous poser une question en vertu de l'article 213. Est-ce que vous acceptez une question du leader de l'Opposition?

M. Libman: Non.

Le Président: Non. Très bien. Donc, pas de question. Alors, qu'on appelle les députés. (12 h 51 - 12 h 56)

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Nous allons maintenant mettre aux voix la motion de censure inscrite par le député de D'Arcy-McGee en vertu de l'article 304 du règlement, motion qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme le gouvernement du Québec pour ne pas être intervenu de façon décisive dans le dossier de la Commission des écoles catholiques de Montréal, en condamnant les articles 16 et 18 du projet de politique qui contreviennent directement aux droits les plus fondamentaux et qui, par surcroît, pourraient endommager de façon irréparable l'image de tolérance que cette province manifeste à l'égard de ses communautés culturelles. "

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Cameron (Jacques-Cartier).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Portneuf), M. Ryan (Argenteuil), M. Savoie (Abitibi-Est), M. Séguin (Montmorency), Mme Robic (Bourassa), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Cusano (Viau), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Rivard (Rose-mont), Mme Trépanier (Dorion), M. Beaudin (Gaspé), M. Bélisle (Mille-Îles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), Mme Pelchat (Vachon), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Tremblay (Rimouski), M. Williams (Nelligan), M. Kehoe (Chapieau), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Fradet (Vimont), M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), Mme Bégin (Belle-chasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M.

Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFontaine), M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Au-det (Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), Mme Cardinal (Châ-teauguay), M. Després (Limoilou), M. Farrah (fles-de-la-Madeleine), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville).

M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Artha-baska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victc-rin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), Mme Dupuis (Verchères), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 2 contre: 71

Le Président: La motion est donc rejetée.

Puisque nous arrivons à 13 heures, l'Assemblée va suspendre ses travaux qui reprendront cet après-midi, à 15 heures.

(Suspension de la séance à 13 heures)

(Reprise à 15 h 5)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, j'appelle l'article 53 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 69 Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 53. Il est proposé par le ministre de l'Éducation d'adopter le projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé. Il s'agit de la troisième lecture. M. le ministre de...

M. Chevrette: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: avec tout le respect que j'ai pour cette chambre, on ne doit pas démarrer nos travaux sans avoir constaté le quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, comme il n'y a pas quorum, veuillez appeler les députés.

M. le ministre de l'Éducation, je vous reconnais comme premier intervenant sur le projet de loi 69.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, il me fait plaisir de prendre la parole à l'occasion de cette étape ultime du cheminement qu'a suivi le projet de loi 69 dans le programme des travaux de cette Chambre.

Ainsi que je le rappelais hier soir, les choix que définit le projet de loi 69 ne sont pas des choix de dernière heure. Ils ne sont pas des choix qui comportent quelque source d'étonnement que ce soit pour l'Opposition. Ces choix furent clairement définis par le gouvernement dès le dépôt des crédits budgétaires de l'année 1990-1991, le 28 mars dernier, dans cette Chambre. Dès ce jour, le président du Conseil du trésor faisait connaître, par les crédits, la décision qu'avait prise alors le gouvernement d'autoriser les commissions scolaires à puiser des revenus additionnels à même l'impôt foncier, de manière à permettre au gouvernement de réduire les subventions de fonctionnement ou d'équilibre budgétaire qu'il octroie à chaque année aux commissions scolaires.

Ce choix avait été dicté au gouvernement par un ensemble de facteurs dont les principaux étaient les suivants. Tout d'abord, par le jeu des conséquences de la loi 57, adoptée en 1979, les commissions scolaires étaient tombées dans une dépendance financière de plus en plus grande vis-à-vis du gouvernement. Autrefois, les commissions scolaires retiraient la majorité de leurs revenus de l'impôt foncier, mais, depuis l'adoption de la loi 57, en 1979, la part de leurs revenus qui leur provient de subventions gouvernementales n'avait cessé d'augmenter au point qu'elle atteignait, ces dernières années, 92 % ou 93 %. La portion congrue qu'on leur avait laissée au titre de l'impôt foncier n'avait pas été laissée parce que le gouvernement croyait à la nécessité ou à l'opportunité d'une présence des commissions scolaires dans le champ de l'impôt foncier, mais simplement parce que le gouvernement craignait des procédures judiciaires qui auraient déclaré inconstitutionnelle une législation sortant complètement les commissions scolaires du champ de l'impôt foncier. C'était une mesure hypocrite, une mesure réductrice, une mesure qui sauvait les apparences, mais étouffait graduellement la substance.

En outre, la formule de péréquation créée sous la même loi 57 avait des effets pervers. Elle

procurait des revenus supplémentaires à certaines commissions scolaires, et d'autres se voyaient privées de revenus alors que leur richesse n'était pas plus élevée que celle de leurs voisines. Il fallait vraiment mettre de l'ordre là-dedans. Ça, c'est la première raison qui a motivé l'intervention du gouvernement. En second lieu, le gouvernement, en assumant ces charges de plus en plus lourdes à l'endroit des commissions scolaires, se grevait, lui aussi, d'obligations qui le privaient d'une marge de manoeuvre nécessaire pour faire face à ses autres obligations dans tous les secteurs de l'activité collective. Et le gouvernement a jugé qu'un certain allégement de sa propre responsabilité financière à l'endroit des commissions scolaires serait une mesure saine à prendre dans les circonstances, autant pour les commissions scolaires que pour la santé des finances publiques. Alors, voilà l'origine du projet de loi dont l'essentiel fut communiqué, encore une fois, dès le 28 mars dernier, puis confirmé dans le discours sur le budget prononcé quelque temps plus tard.

En commission parlementaire, lorsque nous avons étudié les crédits du ministère de l'Éducation, nous nous sommes penchés longtemps sur ce problème. L'Opposition nous a interrogés, comme c'était son droit et son devoir de le faire. Nous avons fourni dès cette époque les explications pertinentes. Nous avons continué de cheminer d'explication en explication jusqu'au dépôt du projet de loi le 15 mai dernier et ensuite, il y a eu les différentes phases. Et si nous avons dû venir plus rapidement devant l'Assemblée nationale et interrompre, en conséquence, les travaux de la commission parlementaire de l'éducation chargée d'étudier le projet de loi article par article, ce fut parce que nous en étions venus à la conclusion irréfutable que l'Opposition s'était jurée d'empêcher l'adoption du projet de loi par le recours à toutes sortes de manoeuvres dilatoires familières aux parlementaires d'expérience. Et lorsque nous avons dû faire le choix, le gouvernement devait faire un choix: soit permettre à l'Opposition d'empêcher la volonté gouvernementale de se réaliser en bloquant le projet de loi, soit faire passer au premier plan la volonté du gouvernement, qui est le reflet de la volonté librement exprimée de la majorité de la population. Le gouvernement, acculé à ce choix par les tactiques de l'Opposition, n'avait pas d'autre option que de retenir celle de l'action concrète, celle du résultat. Il fallait absolument procurer ces revenus nouveaux aux commissions scolaires en vue de leur prochain exercice financier qui commence le 1er juillet de cette année, c'est-à-dire dans une douzaine de jours. Il fallait également que le gouvernement puisse disposer de la marge de manoeuvre accrue que lui apportera la réduction des subventions de fonctionnement aux commissions scolaires. Voilà, par conséquent, le tableau qui fournit l'arrière-plan de tout ce projet de loi et qui nous permet de comprendre, par conséquent, le reste.

En second lieu, je rappelle que, dans le projet de loi 69, contrairement à ce que nous avons entendu, il n'y a aucun principe qui soit vraiment nouveau. Déjà, les commissions scolaires étaient implantées dans le champ de l'impôt foncier. Les municipalités sont implantées également. Les municipalités restent implantées dans le champ de l'impôt foncier, les commissions scolaires également. Mais l'équilibre de l'implantation de chacune est modifié. Les commissions scolaires se voient attribuer une part un peu plus large de l'impôt foncier, mais les municipalités, en retour, ne perdent rien de ce qu'elles occupaient. Vous allez me dire: Comment ça se fait? Vous donnez à l'un, vous n'enlevez rien à l'autre. Comment cela se fait-il? L'explication est bien simple, M. le Président. C'est parce qu'au Québec, l'impôt foncier est beaucoup moins fortement occupé par les gouvernements que ce n'est le cas dans les autres provinces canadiennes. Il y avait une marge ici qui pouvait être occupée, au moins en partie, par des nouvelles mesures fiscales sans qu'il en résulte un déséquilibre général pour la fiscalité au Québec. Et la plus belle preuve que je puisse vous en donner, je la trouve dans un document que des économistes de l'Union des municipalités avaient rédigé à l'intention de celle-ci, dans lequel ils faisaient une analyse des besoins financiers du gouvernement dont ils reconnaissaient l'acuité, et dans lequel ils concluaient aussi que, si le gouvernement décidait d'agir de manière à procurer davantage de ressources aux commissions scolaires, il le ferait très probablement et très vraisemblablement par le recours à l'impôt foncier. Par conséquent, il n'y a rien de nouveau. Le pourcentage de l'impôt foncier que pourront s'approprier les commissions scolaires est accru, mais les municipalités ne perdent rien. Les deux pouvoirs locaux restent solidement implantés dans le champ de l'impôt foncier. De ce point de vue, je puis affirmer, M. le Président, sans crainte d'être contredit par qui que ce soit, que le projet de loi 69 n'introduit aucun principe révolutionnaire dans notre pratique démocratique québécoise.

En troisième lieu, le projet de loi est une mesure instituée par le gouvernement pour répondre à des besoins précis. On a essayé de faire dire au gouvernement que c'était un premier pas qui serait suivi d'autres pas devant éventuellement entraîner des ponctions pouvant aller jusqu'à 1 000 000 000 $, 1 300 000 000 $, 1 500 000 000 $ dans le champ de l'impôt foncier. J'affirme que, à ma connaissance, il n'est pas question de mesures de cette nature et que, lorsque le gouvernement voudra discuter de telles mesures, il le fera dans un esprit de consultation avec ses partenaires majeurs que sont en ces matières les municipalités et les commissions scolaires. Je souligne d'ailleurs, tout en déplorant le climat de malentendu qui a pu

exister pendant quelques semaines, que déjà les choses ont commencé à se normaliser ces derniers temps, et nous pouvons envisager la reprise de conversations sérieuses entre les municipalités, les commissions scolaires et le gouvernement en vue d'une définition des champs de responsabilité et d'imposition qui tiendra compte des besoins de chaque partenaire et qui trouvera sa solution dans un esprit de conversation.

Le gouvernement a créé récemment un comité ministériel chargé d'examiner ces questions, et je suis très heureux que le premier ministre ait décidé d'inviter à faire partie de ce comité, qui sera présidé par mon collègue le ministre des Affaires municipales, le ministre des Finances, le président du Conseil du trésor et le ministre de l'Éducation entre autres. Je pense qu'il y a une couple d'autres collègues qui font partie du comité, mais tous les collègues dont on prétend qu'ils ne se parleraient point ou qui n'auraient pas d'intérêt à se retrouver ensemble se retrouveront ensemble à cette table ministérielle dont la première réunion doit avoir lieu dès demain. De ce point de vue, je pense que nous rétablirons un climat de collaboration qui est absolument nécessaire. Je veux affirmer, en ce qui me touche, mon très grand respect pour les institutions municipales.

Comme vous le savez, M. le Président, j'ai l'honneur de compter dans ma propre famille un frère qui est maire d'une des plus grandes villes du Québec depuis maintenant 28 ans. On ne tolérerait pas dans ma famille la moindre attitude de manque de respect envers les municipalités. Je peux vous assurer que les liens d'amitié, de respect familial qui nous unissent m'ont beaucoup aidé à comprendre au cours des années l'importance des fonctions que vous-même, M. le Président, avez exercées longtemps à titre de maire d'une municipalité de très grande importance également. Alors, soyez assuré que cette attitude est celle de tous mes collègues du gouvernement et que nous entendons démontrer, par notre comportement pratique, notre attitude à transiger ces questions avec les élus, autant du monde municipal que du monde scolaire. Et la différence qui caractérise l'attitude du gouvernement, c'est qu'il veut que les trois partenaires soient présents, et non pas seulement deux. La racine des problèmes auxquels nous apportons des éléments de solution avec le projet de loi 69, c'est le caractère incomplet de la démarche faite en 1979, alors qu'on laissait complètement de côté les commissions scolaires. Nous autres, nous les avons remises dans le paysage, et maintenant c'est un paysage à trois, puis c'est dans ce paysage, dans ce cadre que nous devrons trouver demain les solutions aux problèmes d'aujourd'hui. (15 h 20)

En quatrième lieu, j'ajoute que, en plus de faire en sorte que chaque commission scolaire devra trouver une portion accrue de ses revenus dans l'impôt foncier, le projet de loi 69 institue une nouvelle formule de péréquation qui produira des résultats plus justes et plus équitables pour toutes les commissions scolaires que la formule actuelle. La formule actuelle a prouvé - on en a fait la démonstration à d'innombrables reprises - des effets pervers qui créaient des situations vraiment inéquitables d'une commission scolaire à l'autre. Grâce au jeu combiné de l'impôt foncier comme nous l'avons aménagé dans la loi 69 et de la formule de péréquation renouvelée qui est définie dans le projet de loi 69, chaque commission scolaire se verra garantir, pour la gestion de ses équipements matériels, de ses équipements immobiliers, un montant annuel de base qui variera de 500 $ à 600 $ par élève admissible par année. Quand on regarde la manière dont ces revenus seront partagés entre les commissions scolaires, on fait des constatations très intéressantes. Tout d'abord, on constate que les commissions scolaires plus populeuses et plus riches seront celles qui se verront attribuer le montant de base le plus faible. Les commissions scolaires de l'île de Montréal, par exemple, se verront garantir un montant de base d'à peu près 505 $ par élève admissible tandis que les commissions scolaires de l'Abftibi, qui sont plus pauvres, qui ont une clientèle moins nombreuse et qui doivent desservir la population sur un territoire beaucoup plus vaste, se verront attribuer pour le même objet, la gestion des équipements immobiliers, des montants de base pouvant graviter de 550 $à600 $.

J'écoutais parler hier le député d'Ungava et je pensais à la commission scolaire du Nouveau-Québec. Celle-ci se verra attribuer un montant de base de l'ordre de 600 $. Ça, ça tient compte des disparités qui existent d'un territoire à l'autre, et je pense qu'avec ce système, nous aurons d'un bout à l'autre du territoire une garantie offerte à chaque commission scolaire quant aux ressources dont elle pourra disposer pour s'occuper convenablement de ses équipements immobiliers.

J'entendais le député d'Abitibi-Ouest nous dire: La péréquation, on n'en veut plus; c'est la nouvelle Saint-Vincent-de-Paul moderne. Je lui demande ce qu'il veut à la place. Qu'est-ce qu'il veut à la place? Il veut des subventions directes du gouvernement. C'est la même chose. C'est la même chose. Nous autres, nous voulons la responsabilité des élus locaux. Nous voulons qu'ils aillent chercher au plan local au moins une modeste partie de l'argent public qu'ils seront appelés à dépenser. Ils ont un mandat d'élus du peuple et vous voudriez qu'ils dépendent entièrement de la manne qui vient de Québec. Ce n'est pas notre conception. Nous reconnaissons que l'éducation est une responsabilité publique. Nous reconnaissons qu'elle est une responsabilité de la société politique, mais nous refusons de considérer qu'est seul synonyme de la société politique de l'État québécois. L'État municipal, c'est aussi la société politique. La commission

scolaire, c'est aussi la société politique, et il s'agit d'aménager les responsabilités de manière que chaque palier de responsabilité dans ce grand tout qu'est la société politique occupe sa place, pas seulement au point de vue des choses qu'il reçoit de l'autre, mais au point de vue des responsabilités qu'il est capable d'assumer directement. Ça, c'est une différence profonde de conception entre l'Opposition et le gouvernement actuel qui s'est manifestée dans le débat, et je vais donner une conséquence de la position que défend l'Opposition. On l'entend souvent se gausser de son intérêt pour les commissions scolaires, de son désir de les défendre. J'ai écouté les discours hier. J'ai constaté qu'il y en a plusieurs qui voudraient que l'éducation soit financée entièrement par l'État québécois. Il y en a qui l'ont dit hier. Plusieurs l'ont dit. Plusieurs l'ont dit. Mais la conséquence... Puis, un de vos porte-parole a dit hier: Si nous avons mis dans la loi 57 les petits 6 % de dépenses admissibles, c'est parce que nous ne voulions pas avoir d'ennuis avec les tribunaux; autrement, il n'y aurait rien eu. C'est ce que m'ont dit des gens qui étaient parmi les auteurs de cette loi-là. À ce moment-là, s'il n'y a plus de pouvoir fiscal pour les commissions scolaires, la prochaine étape - nous le savons tous, vous l'aviez inscrite dans des documents du gouvernement, il y a quelques années - c'aurait été l'abolition des gouvernements scolaires, leur absorption par les gouvernements municipaux. Ça, nous n'en voulons pas au Québec. Nous avons une tradition bipolaire en matière de structure locale: d'un côté, des corps démocratiques élus par les citoyens pour diriger les affaires municipales et, de l'autre côté, des corps démocratiques également élus par les citoyens pour diriger les affaires scolaires. Et un corollaire de cette position, c'est que les élus scolaires doivent avoir une certaine marge de responsabilités en matière fiscale. Voilà, M. le Président, un élément très important qui sépare le gouvernement de l'Opposition, et je suis prêt à défendre la position gouvernementale avec fermeté, et longtemps.

Une voix: Bravo!

M. Ryan: On a dit que le projet de loi 69 invite les commissions scolaires à accepter quatre trente-sous pour une piastre. On a dit: Vous leur donnez quatre trente-sous, puis, en retour, vous leur arrachez un dollar. Ce n'est pas vrai. Il y a une partie d'échange dans la loi - personne ne cherchait à le cacher. Nous avons dit aux commissions scolaires: Dorénavant, vous prendrez la responsabilité financière de vos équipements immobiliers. Entre parenthèses, il n'y a pas de changement de fond là-dessus; elles l'ont toujours eue, la responsabilité de leurs équipements immobiliers. Elles continuent de l'avoir. Mais nous leur disons: Vous allez la financer différemment, vous allez en financer une bonne partie avec la taxation, et l'autre partie viendra de la péréquation. Mais je vous dis là-dessus qu'en plus de cet échange, il découlera de l'adoption du projet de loi 69 une marge de manoeuvre accrue de plus de 40 000 000 $ pour les commissions scolaires. Ça, c'est de l'argent frais qui vient s'injecter dans le système pour fournir un niveau de ressources accrues aux commissions scolaires. On fait des gorges chaudes avec 40 000 000 $. On dit: Ce n'est rien, ça, 40 000 000 $. Mais, je regrette, là, quelqu'un qui a été appelé à gérer les affaires scolaires depuis quelques années est en mesure d'affirmer que c'est beaucoup, dans le contexte de restrictions budgétaires extrêmement sévères dans lequel le gouvernement est appelé à prendre ses décisions d'ordre financier et administratif. N'oubliez pas: 40 000 000 $ de marge additionnelle. Et j'ai fait les calculs, M. le Président, pour savoir où ira cette marge de manoeuvre accrue qui est accordée aux commissions scolaires. Elle va aller surtout dans les régions les moins favorisées du Québec, dans les régions qui en ont davantage besoin, par le mécanisme de la péréquation améliorée que nous mettons de l'avant.

Je pense qu'il y a raison d'être fier d'un mécanisme comme celui-là, qui permettra de répartir les ressources à travers le territoire du Québec d'une façon qui permettra à chaque commission scolaire de maintenir ses équipements immobiliers en bon état. Et j'ajoute une chose: Nous faisons ce transfert de responsabilités à un moment où nous nous sommes d'abord assurés de l'excellente qualité du parc scolaire. J'ai entendu des porte-parole municipaux dire: On sait bien, les écoles, c'est tout délabré aujourd'hui, c'est dans un état abandonné, puis le gouvernement en profite pour se débarrasser de cette responsabilité et la transférer aux commissions scolaires. M. le Président, ce n'est pas la réalité que je connais. Nous avons fait un inventaire, au ministère de l'Éducation, avant de procéder à des changements comme celui-là, nous avons établi un bilan de la qualité de nos écoles à travers tout le Québec. Nous avons 3700 immeubles scolaires à travers le Québec et, sur ces 3700, à la suite d'un inventaire détaillé que nous avons fait de chaque immeuble, nous en arrivons à la constatation qu'à peine 150 ont besoin de réparations importantes. Les autres sont tous dans un état qui peut être considéré soit comme excellent, soit comme satisfaisant. Bien, c'est formidable! Par conséquent, ce que nous mettons entre les mains des commissions scolaires aujourd'hui, ce n'est pas un héritage frauduleux, c'est un héritage d'excellente qualité qu'elles ont contribué à bâtir avec le gouvernement. Et j'espère que cet esprit de partenariat dans lequel nous avons construit cet inventaire extrêmement intéressant d'actifs que représentent les immeubles des commissions scolaires, j'espère que nous pourrons continuer à le maintenir en bon état et à l'améliorer dans l'avenir, parce que c'est l'un

des grands actifs dont dispose la société québécoise. j'ajoute un autre élément. aucune commission scolaire ne sera perdante à la suite des modifications qui découleront de l'entrée en vigueur du projet de loi 69. il y a des commissions scolaires qui m'ont écrit. j'en rencontrais une, dimanche, dont les dirigeants m'ont dit: c'est bien beau, votre affaire, mais, nous, nous perdons de l'argent. et je venais justement de faire ma correspondance, le matin, j'avais répondu à cette commission scolaire qui m'avait envoyé sa résolution. j'ai dit: je vous ai répondu ce matin pour vous dire que votre conclusion est fausse, parce que les chiffres sur lesquels elle s'appuie ne sont pas fondés. et j'ai vérifié le cas de cette commission scolaire depuis le début de la semaine et elle va finir avec une marge de manoeuvre additionnelle de 250 000 $. (15 h 30)

Alors, quand on fait les calculs, là, en tenant compte de toutes les données, j'affirme, en ma position de porte-parole du gouvernement dans ce dossier, que chaque commission scolaire bénéficiera de ressources autonomes accrues à la suite de l'entrée en vigueur du projet de loi. Et nous avons prévu un système de compensation transitoire en vertu duquel toute commission scolaire obtiendra un accroissement minimum de 5 % de ses revenus autonomes à la faveur des changements que nous introduisons. Par conséquent, il n'y a pas de perdant à ce jeu-là. Il y a des commissions scolaires qui se verront dotées d'une marge plus confortable parce qu'elles n'étaient pas traitées en conformité avec leurs besoins auparavant. Il y en a d'autres, qui ont une base de taxation moins riche, qui devront compter davantage sur la péréquation. Mais toutes ces dimensions du problème ont été considérées de la façon la plus responsable possible par les auteurs du projet de loi.

J'ajoute un autre point, M. le Président. Il y a urgence à adopter ce projet de loi pour les raisons que j'ai mentionnées au début de mon intervention d'aujourd'hui. D'un côté, l'année budgétaire des commissions scolaires commence le 1er juillet, c'est-à-dire dans 12 jours. Elles auront besoin, pour boucler leur budget... Vous savez comment ça fonctionne. Les commissions scolaires doivent adopter leur budget avant le 1er juillet et le soumettre ensuite à l'approbation du ministre à Québec. Comment voulez-vous qu'elles adoptent leur budget si le projet de loi n'est pas adopté ici, s'il y a un trou de 320 000 000 $ dans le financement des commissions scolaires, dans les revenus des commissions scolaires pour la prochaine année? L'Opposition nous accuserait d'irresponsabilité si nous agissions de la sorte. D'autre part, les calculs des états financiers du gouvernement pour la présente année ont été établis de telle manière que le gouvernement pourra réduire ses subventions de 191 000 000 $ à l'endroit des commissions scolai- res. Si le projet de loi n'était pas accepté, le gouvernement aurait un problème, les commissions scolaires également. Nous avons fait les calculs dans une perspective tout à fait différente, une perspective de responsabilité. Je pense que ceci milite en faveur de l'action que s'apprête à poser le gouvernement.

On a dit: Le gouvernement se désiste de ses responsabilités. Le gouvernement avait pris sur ses épaules la charge de l'éducation depuis les temps de la Révolution tranquille. Maintenant, nous assistons au désistement progressif du gouvernement en matière d'éducation.

M. le Président, si le gouvernement avait voulu se désister de ses responsabilités, est-ce qu'il aurait injecté, il y a quelques mois à peine, 55 000 000 $ de plus dans les bases de financement des universités? Est-ce qu'il aurait pleinement indexé les dépenses autres que les salaires aux trois niveaux du système d'enseignement pour la présente année? Est-ce qu'il aurait signé avec les enseignants du secteur primaire et secondaire des conventions collectives qui permettront d'alléger considérablement, dans certains cas, la charge de travail des enseignants, de créer des conditions plus favorables pour les enseignants qui enseignent en première année, par exemple, en diminuant de deux unités le nombre d'élèves moyen d'une classe de première année, ce qui entraîne des coûts pour le gouvernement d'à peu près 15 000 000 $ à 16 000 000 $ par année? Est-ce que le gouvernement, s'il n'avait pas été intéressé à continuer de s'engager dans l'éducation, aurait pris des mesures comme celles-là? Je pourrais donner l'augmentation énorme des budgets d'investissements, des budgets de construction et d'agrandissement d'écoles depuis trois ans. Nous avons presque triplé les budgets consacrés aux immobilisations scolaires depuis quelques années. Et je ne connais pas de député dans cette Chambre dont le comté n'ait pas bénéficié des décisions du gouvernement en cette matière, qu'il soit du côté de l'Opposition ou du gouvernement. J'étais récemment dans le comté de L'Assomption, en compagnie du chef de l'Opposition, et encore une fois nous avons annoncé une construction d'école nouvelle. C'était la cinquième fois depuis le début du mandat du gouvernement que nous accordions une nouvelle école dans le comté que représente le député de L'Assomption. Et nous l'avons accordée sans égard aux considérations de politique partisane. Et j'en suis très fier.

Le gouvernement qui voudrait se désister agirait-il de la sorte? Voyons-donc! Je pense que poser la question, c'est y répondre. M. le Président, le gouvernement consacrera cette année à l'éducation des sommes totales de 9 400 000 000 $. Les sommes qui seront soustraites des subventions aux commissions scolaires représentent 191 000 000 $; 191 000 000 $ sur 9 400 000 000 $, je vous laisse le soin de faire le pourcentage, je pense que c'est à peu près

2 %. Je ne l'ai pas fait avec ma calculatrice, mais c'est un pourcentage infime. Pensez-vous qu'on peut tirer parti d'une mesure très limitée comme celle-là pour en tirer des conclusions générales qui autoriseraient un jugement global sur l'engagement et la performance du gouvernement? Je pense qu'il suffit de poser la question pour y répondre. Ce que dit le gouvernement, cependant, et ça, je le répète avec force, si lui est disposé de son côté à maintenir son engagement dans l'éducation, il ne veut plus que tout soit gratuit, comme ça a été le cas autrefois. Il veut qu'il y ait une certaine participation des citoyens. Et quand on met une taxation foncière un petit peu plus substantielle au plan local, ça servira à rappeler aux citoyens qu'il n'y a rien de vraiment gratuit dans une société, que tout se paie au bout de la ligne. Il y en a qui pensent qu'on peut payer en s'endettant continuellement. C'est l'héritage que nous a laissé le Parti québécois de ses neuf années de passage au gouvernement, mais nous autres, nous avons dû conclure. Nous sommes obligés, aujourd'hui, de consacrer 15 % des recettes de l'État, des recettes directes de l'État, à payer l'intérêt sur la dette, mais ces 15 %, qui représentent au bas mot 4 000 000 000 $ par année, nous ne les avons pas pour les écoles, nous ne les avons pas pour les hôpitaux et les routes non plus.

Il faut mettre de la santé dans les finances de l'État de manière que notre marge de manoeuvre soit plus grande. On va mettre de la santé en disant aux citoyens: Vous allez participer un petit peu plus et vous n'en mourrez point. C'est ce que nous avons fait pour les études universitaires. Nous avons dit aux étudiants d'universités: Les études que vous faites à l'université coûtent à la société près de 9000 $ par année par étudiant. Ils étaient appelés à payer 540 $? Nous leur avons dit: Sur une base de deux ans, vous allez payer 700 $ de plus. Ça va mettre ça à 1240 $. Le coût des études, à ce moment-là, sera probablement rendu à 9500 $ ou 9600 $. Ça veut dire 8 sur 9600 $, divisé par 12, ça fait un huitième. Ils seront appelés à payer un huitième du coût de leurs études universitaires, et qui va bénéficier principalement de ces études quand ils les auront terminées? D'abord, les étudiants eux-mêmes qui deviendront des professionnels, des hommes d'affaires, des entrepreneurs capables de gagner leur vie honorablement et nous en serons très heureux pour eux, mais nous leur disons: Vous allez apprendre tôt l'école de la responsabilité, vous allez fréquenter cette école-là, nous allons la fréquenter tous ensemble et nous aurons peut-être une société dont la population sera moins appelée ou encline à regarder toujours uniquement du côté du gouvernement qui est à Québec et dont elle sera davantage encline à prendre une part de responsabilités sur ses épaules.

Nous voulons, M. le Président, construire une société où le partage des responsabilités soit équitable et bien proportionné entre les différents niveaux d'intervention, entre les différentes formes que revêt notre société politique, entre les différents milieux sociaux, entre les citoyens, selon la condition et la capacité de payer de chacun. Nous reconnaissons que la responsabilité principale, majeure doit demeurer à l'État québécois, nous ne le contestons pas, mais nous voulons qu'il y ait une complémentarité, de manière qu'après avoir parlé de droits et de libertés de manière presque unilatérale pendant 20 et 25 ans, nous réapprenions le langage de la complémentarité entre liberté et responsabilité.

C'est quand ces deux dimensions se rencontrent dans des conduites librement acceptées par la population qu'on a une société forte, une société dynamique, une société qui, au lieu de bâtir des barrières qui vont l'empêcher de subir l'influence des autres, va ouvrir les barrières pour accepter la compétition avec les autres, accepter de se mesurer avec ce qu'il y a de vivant et de fort dans le monde pour devenir elle-même plus vivante et plus forte.

Voilà le message qui se dégage de la proposition gouvernementale, M. le Président, et j'espère que la Chambre voudra l'accepter.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le député d'Abitibi-Ouest.

M. Gendron: Oui. Question de règlement, M. le Président, en vertu des articles 66 et 69, très rapidement. L'article 66 dit: Toute violation des droits ou privilèges de l'Assemblée ou de l'un de ses membres peut être signalée à l'Assemblée." Et l'article 69 dit ceci: "Le député qui constate une violation de droit ou de privilège peut la signaler tout de suite après le fait." J'ai eu la délicatesse d'attendre la fin du discours. Contrairement à ce qu'a prétendu le ministre de l'Éducation en disant: "Le député d'Abitibi-Ouest s'est érigé en défenseur des municipalités alors qu'il a voulu les sortir du champ foncier", c'est faux. Je n'ai jamais dit ça. Je n'ai jamais tenu ces propos-là à aucun endroit. C'est pour ça que je voulais corriger les faits tout de suite. J'ai été sûrement mal cité. Le député d'Abitibi-Ouest n'a jamais tenu de tels propos. Le député d'Abitibi-Ouest a toujours dit: Restaurons les 6 %, corrigeons la formule de péréquation et on n'aurait même pas à discuter du débat qu'on discute. C'est ça, les propos que j'ai tenus. (15 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement, sur la question de règlement.

M. Lefebvre: Le leader adjoint de l'Opposition soulève une question de règlement qui n'en est, de toute évidence, pas une. Il pourra toujours, à l'occasion d'une autre intervention, corriger, s'il y a lieu et s'il le pense, le ministre, et s'il prétend qu'il a été mal cité par un

journaliste, c'est prévu à l'article 71. Ce n'est pas une question de privilège, c'est une question de fait personnel, M. le Président. Évidemment, le message est passé, mais ce n'était pas une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.

M. Gendron: À la page 22 de notre règlement, et ce n'est pas mon problème si le leader adjoint n'a pas assez d'expérience: Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou un fait personnel. Et il y a deux dispositions. Il y en a une où on le signale par écrit. Ça, ce sont les article 71 et suivants. Ce n'est pas sur ça que je me suis basé, moi. J'ai rétabli des faits sur des propos tenus par l'intervenant qui venait de les faire. La règle veut qu'on attende qu'il ait terminé ses propos, et l'article 69 dit: "Le député qui constate une violation de droit ou privilège peut la signaler tout de suite après le fait." La violation de privilège, en ce qui me concerne, c'est d'avoir dit, en parlant du député d'Abitibi-Ouest: II s'est érigé, comme critique de l'Opposition, comme défenseur des commissions scolaires, alors qu'il voulait les sortir complètement. Je l'ai entendu. On fera sortir les gâtées. Je n'ai jamais prononcé de tels propos. J'ai dit: Laissons-les là, mais corrigeons la formule qui est inadéquate au fil des ans, corrigeons la formule de la péréquation, et on n'aurait même pas le débat qu'on a là.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, je suis prêt à... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: Si le député d'Abitibi-Ouest, M. le Président, ne comprend pas la différence entre une question de privilège et une contradiction entre deux parlementaires, ce n'est pas mon problème. Les articles 68 et 69 traitent spécifiquement des questions de privilège, lorsque les droits, les privilèges d'un parlementaire ont été violés. Qu'il ne soit pas d'accord avec les propos tenus par le ministre de l'Éducation, ça ne lui permet pas, ça ne lui donne pas le droit de soumettre une question de privilège en vertu des articles 66 et 69. Il y aura...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, s'il vous plaît, évidemment, il ne s'agit pas d'une question de privilège, en vertu des articles du règlement, mais, par contre, M. le député, vous aurez l'occasion d'intervenir, si vous voulez, à la faveur du débat, pour faire valoir votre point de vue. Et je cède la parole au chef...

M. Gendron:... M. le Président, très court.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très court, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: M. le Président, vous dites qu'il ne s'agit pas d'une question de privilège. J'ai le même avis que vous. Alors, ce n'est pas là-dessus que je vous demande de vous prononcer, il m'apparaît que c'est important de vous prononcer, vous êtes président de cette Chambre. J'ai dit: Moi, je soulève une question de fait personnel, et, en vertu des articles 66 et 69, c'est très clair que c'est une question de fait personnel. Je n'ai jamais parié de question de privilège. Ce n'est pas parce que, dans une phrase, on lie deux éléments...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous avez une question de fait personnel, vous devez, selon le règlement, donner un avis, demain, une heure avant

Une voix: Une question de privilège.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question de fait personnel, M. le député, je peux vous lire l'article si vous voulez. Est-ce que vous voulez que je vous lise l'article? Non. Alors, je suis prêt à reconnaître, pour poursuivre le débat, le chef de l'Opposition officielle. M. le chef de l'Opposition officielle.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'interviens dans ce débat relatif au projet de loi 69, pour des raisons sans doute compréhensibles. La première fois que je me suis occupé des règles de financement des commissions scolaires, c'était en 1964, et j'ai été souvent mêlé à l'établissement de ces règles, depuis ce temps. J'ai participé d'assez près à la réforme de la fiscalité municipale, il y a dix ans, et j'ai eu l'occasion de présider la commission d'enquête sur les municipalités, que l'Union des municipalités du Québec a constituée en 1987. C'est dire que j'ai été associé, je pense, d'assez près, à ces questions, et que je pense être de mon devoir d'exprimer maintenant, à l'occasion du projet de loi 69, que ce qui se fait ou que ce que le gouvernement veut faire est une sorte de parodie des principes de gestion locale qui, graduellement, se sont établies au Québec avec le fil des années. Et je veux d'abord en témoigner par le titre même des notes que le ministre de l'Éducation a eues en cette Chambre le 7 juin. Le titre de ces notes, au sujet de la loi 69, c'est: Un pas majeur vers la responsabilisation des commissions scolaires. Je veux établir, M. le Président, que s'appuyer sur ce projet de loi pour parler de responsabilisation des commissions scolaires est, et je pèse mes mots, de la foutaise, du camouflage. Ce que le gouvernement - et je vais essayer de le démontrer et longuement - cherche à faire, c'est augmenter les taxes au Québec, et ça n'a pas grand-chose à voir avec la responsabilisation des commissions scolaires en aucune

espèce de façon. On va y arriver petit à petit à cette démonstration-là.

Avant, cependant, d'aborder la démonstration, je proteste à nouveau, M. le Président, contre le bâillon qu'on nous impose à l'égard de ce projet de loi. Cette opération de camouflage du gouvernement n'est au fond possible que dans la mesure où nous n'avons pas la possibilité d'en discuter longuement entre nous. Plus on en discutait longuement, plus il y avait de chance qu'apparaisse le camouflage. Ce sont des choses compliquées. Ce ne sont pas nécessairement des choses évidentes. Et il faut être capable d'en parler longuement pour que toute la population du Québec se rende compte du sapin qu'on est en train de lui passer. Mais pour ça, il fallait être capable d'en parler. Évidemment, le bâillon est commode.

Je vais d'abord commencer par parler des municipalités et de la responsabilisation des municipalités, M. le Président. Puis vous allez voir, on va passer de l'un à l'autre. Mais je pense qu'il est important que je parle des municipalités pour établir clairement le contraste qu'il peut y avoir par rapport aux commissions scolaires. Ce que nous avons tenté de faire, et je pense avec un certain succès il y a dix ans, c'est ceci. On voulait faire en sorte que les municipalités du Québec puissent établir aussi étroitement que possible une adéquation entre les impôts qu'elles prélevaient et les dépenses qu'elles engageaient, faire en sorte que la majeure partie des subventions aux municipalités disparaissent, qu'un bon maire ou un bon conseil municipal, ça ne soit pas des gens qui assurent leurs concitoyens qui sont venus frapper à toutes les portes de ministres pour obtenir des subventions, mais que ce soient des élus qui disent à leur population: Vous voulez un autre aréna, vous voulez dans tel quartier un réseau d'égout, eh bien, si nous faisons ça, c'est 0,14 $ de plus sur la taxe municipale par 100 $ d'évaluation. Vous l'acceptez? Nous le ferons, nous, vos élus. Vous ne le voulez pas? On ne le fera pas. Ça, c'était de la responsabilisation. Le gouvernement n'est jamais intervenu pour dire: Voici le taux minimum de taxation foncière que vous voulez établir ou voici le taux maximum de taxation foncière que vous voulez établir. On n'a jamais dit ça dans la réforme fiscale. On a dit: Chaque municipalité se taxera en fonction des besoins que cette municipalité veut satisfaire. (15 h 50)

Elle ne veut pas de service de loisirs? Elle n'en aura pas et elle ne paiera pas pour. Elle se contente d'avoir des fosses septiques et un aqueduc seulement? C'est son choix. Ils veulent avoir un système chromé d'aqueduc et d'égout? Ils décideront. Ça, c'était la responsabilisation. Vous voulez avoir un bon service de bibliothèques publiques? Parfait! Très bien! Vous déciderez. On voulait qu'un peu partout les citoyens donnent à leurs élus le mandat des services qu'ils voulaient avoir.

Évidemment, il y avait des exceptions. Il y a des endroits où on ne peut pas éviter l'intervention du gouvernement sous forme de subvention, ou bien à cause de la pauvreté remarquable de ces régions, ou bien pour des raisons de contraintes purement physiques. Par exemple - je ne sais pas, moi - si l'Environnement décrète que toutes les sources d'eau dans une municipalité sont empoisonnées, là, forcément, on ne peut pas charger la municipalité toute seule de corriger ça. Il y avait des exceptions. Mais, dans l'ensemble, le principe demeurait, on reconnaissait que certaines priorités devaient être appuyées par le gouvernement. Les subventions, par exemple, continueraient pour l'épuration des eaux. Toutes seules, les municipalités ne s'étaient pas décidées à faire des services d'épuration des eaux; il fallait une priorité gouvernementale de ce côté. On savait à quel point étaient fragiles certaines intentions municipales à l'égard des bibliothèques publiques. Alors, forcément, on avait là des subventions, en particulier pour l'acquisition de livres par les bibliothèques publiques, mais c'était relativement peu de chose. Et, il y a encore deux ou trois ans, 96 % de toutes les dépenses municipales étaient, grâce à cette réforme de la fiscalité, assurées par des revenus municipaux: essentiellement, la taxe foncière et la taxe d'affaires qui est, au fond, une autre formulation de la taxe foncière, si l'on veut. Ça, c'était la responsabilisation, ça oui.

Oui, c'est vrai que le système du Québec, tel qu'établi depuis 1980, a été un objet de curiosité et ensuite un objet d'admiration de la part de bien d'autres gouvernements en Amérique du Nord. Nous étions le seul endroit en Amérique du Nord où l'expression de la démocratie locale jouait pleinement sur le plan fiscal. Ça a pris du temps pour en arriver là, et ce n'était pas parfait, je le reconnais. Il y avait encore des choses... Par exemple, le gouvernement du Québec n'était pas encore un parfait contribuable. Sans doute, il payait 100 % de ses taxes sur les évaluations municipales de ses propres immeubles, mais il ne payait que 80 % sur les taxes foncières qu'auraient dû payer les services de santé et, en particulier, les hôpitaux. Il ne payait, au départ de la réforme fiscale, que 40 % des taxes qui étaient payables sur les immeubles scolaires. En dépit de la récession de 1982, on avait monté ça à 50 %, mais il y avait encore, bien sûr, du chemin à faire. Elle n'était pas parfaite, la réforme de la fiscalité municipale, mais, encore une fois, c'était un virage important, majeur, dans le sens de constituer de véritables gouvernements locaux au Québec, où les gens, au fond, définissaient les services qu'ils voulaient recevoir du palier de gouvernement le plus proche d'eux.

L'évolution des commissions scolaires a été tout à fait différente, mais tout à fait différente. On ne peut pas, du côté des commissions scolai-

res, noter, depuis 25 ans, un mouvement de responsabilisation graduelle. C'a été tout à fait l'inverse, et tout à fait l'inverse depuis 25 ans. Je veux dire, ça ne date pas d'hier, ça. Petit à petit, le gouvernement du Québec, dans le cadre de la Révolution tranquille, a accepté la responsabilité de l'enseignement au Québec. Peut-être qu'on aurait dû être plus clairs quant à l'évolution que fes commissions scolaires suivaient. Peut-être qu'on aurait dû, au fond, à l'égard des commissions scolaires, être un peu plus serrés qu'on ne l'a été, parce que tous les gestes que tous les gouvernements posaient étaient destinés, essentiellement, à transformer les commissions scolaires en agences de la livraison de services d'enseignement dont le gouvernement assumait ultimement toute la responsabilité, y compris la responsabilité financière.

Ce que je vais essayer de montrer, M. le Président, c'est qu'à cet égard le projet de loi 69 n'est pas différent, en dépit des apparences, de tout ce qu'on fait depuis 25 ans. Comment c'a commencé? Eh bien, je vous rappellerai que, au moment où le ministère de l'Éducation est créé, en 1962, aucune obligation n'existe à l'égard des commissions scolaires de fournir un enseignement qui dépasse la neuvième année. Il y a des commissions scolaires qui iront plus loin et il y a des commissions scolaires qui n'iront pas plus loin. Il y a, sur le plan des salaires, des disparités absolument phénoménales. Dans certaines commissions scolaires rurales ou éloignées, on paiera à une institutrice ayant le même salaire, la même expérience plutôt, et les mêmes diplômes qu'un instituteur à Montréal, le tiers de son salaire. Pas besoin de vous dire comme c'est facile de recruter. Il y a des services qui existent à certains endroits et pas à d'autres. C'est tout ce qu'on veut. et donc, le gouvernement, dans un premier temps - et là, je vous parle des années 1964, 1965, 1966 - va déterminer des normes de dépenses précises pour toutes les commissions scolaires, non seulement pour les salaires - avec ce qu'on a appelé à l'époque le bill 25 - mais pour des services très particuliers, très spécifiques. on veut que tous les enfants qui sont à l'école au québec, non seulement aient le même programme d'étude, mais aient les mêmes services, quelle que soit la richesse du milieu. on ne veut pas que, parce qu'une région rurale est relativement pauvre, on ne puisse pas offrir dans cette région tous les services d'enseignement qu'on peut recevoir dans des endroits plus riches. ça sera l'essentiel de la révolution tranquille dans le domaine de l'enseignement. et on dira aux commissions scolaires: on ne vous croit pas quant à la façon dont vous allez gérer vos bibliothèques publiques et, donc, dans les budgets que le gouvernement va vous donner - et là, je cite des chiffres hypothétiques, je ne me souviens plus exactement de ce que sont les chiffres - vous aurez 6 $ à mettre par élève dans la bibliothèque de l'école. Et trois ans plus tard, on ira plus loin en disant: Ces 6 $, vous les placez à certains moments uniquement dans le personnel et vous n'achetez rien. Alors, ce sera 3 $ par élève pour les livres et 3 $ par élève pour le personnel. On cherche à faire en sorte que les services offerts aux étudiants soient les mêmes à travers le Québec tout entier. On considère l'enseignement comme un service public de base qui doit échapper totalement à des décisions locales qui seraient basées sur la richesse relative ou l'absence de moyens.

Évidemment, ça devait se traduire dans la fiscalité. Bien oui, la fiscalité foncière devait graduellement refléter cet état d'esprit. Alors, qu'est-ce qu'on a fait? Quand je dis "on", comprenons-nous bien, ce n'est pas seulement le Parti québécois. Ce que je suis en train de faire comme évolution s'est appliqué aux libéraux de l'époque, à l'Union Nationale, aux libéraux à partir de 1970, au Parti québécois à partir de 1976 et, au fond, sans le dire aujourd'hui, ils sont en train de suivre exactement cette évolution-là. Ma démonstration va venir. (16 heures)

Évidemment, ça devait se traduire sur le plan de la taxe foncière. On ne pouvait pas imaginer, dans la mesure où l'enseignement est un service public de base, que, d'une commission scolaire à l'autre, on voie des différences importantes dans le fardeau fiscal. Si c'est un service de base, il faut que tout le monde y ait accès aux mêmes conditions. Alors, on a imaginé l'impôt foncier normalisé pour les commissions scolaires. Ça, c'était une vraie beauté, M. le Président. Avec des termes abstraits comme ça, personne n'y comprend rien et ça donne une petite impression scientifique ou technocratique du meilleur aloi. Mais voici en quoi ça consistait. Chaque année, le ministre des Finances de l'un ou l'autre des gouvernements se présentait en cette Chambre et, à l'occasion du discours sur le budget, disait: Et pour les commissions scolaires, à partir de cette année, le taux foncier normalisé sera de 1,40 $ les 100 $ d'évaluation. Et alors là, tout le monde rentrait dans le rang. Toutes les commissions scolaires avaient 1,40 $, et il y avait un facteur de normalisation pour leur rôle d'évaluation, puisqu'on appliquait 1,40 $ les 100 $. Ça n'avait rien à voir avec la fiscalité foncière. Ça n'avait pas le moindre rapport avec la responsabilisation des commissions scolaires. Les commissions scolaires étaient des percepteurs d'impôts pour le gouvernement. C'est tout. Qu'est-ce que le gouvernement faisait? Il voyait combien ça avait rapporté - 1,40 $ d'impôt normalisé dans chacune des commissions scolaires - et la différence entre les dépenses normalisées dont je parlais tout à l'heure et les revenus normalisés, on payait cela comme subvention. C'était tout.

Les commissions scolaires, à cet égard, n'avaient pas l'ombre, mais pas l'ombre d'une

responsabilisation. Leurs dépenses étaient fixées par le gouvernement et leurs revenus étaient fixés par le gouvernement et le gouvernement payait les subventions, la différence entre les deux. On s'est rendu compte, évidemment au bout d'un certain temps que, peut-être, le contrôle des dépenses était un peu trop fort. Et on a commencé à assurer ce qu'on a appelé la transférabilité; c'est-à-dire que les commissions scolaires recevaient des subventions et qu'on leur a permis de faire en sorte, comment dire? de sortir un peu des règles extrêmement rigides dont je parlais tout à l'heure. Et la première des règles qui a sauté, ça a été d'établir tant de dollars pour les livres et tant de dollars pour les bibliothécaires. On leur a dit: Peut-être que vous êtes capables de moyenner entre les deux. Et petit à petit, on leur a donné un peu plus de marge de manoeuvre pour l'affectation des fonds entre les différents besoins. C'était peut-être un peu normal. Quand on veut établir un service public, général, accessible à tous, on est un peu dur en commençant, et puis, au fur et à mesure que le temps passe, on donne un peu de flexibilité.

Mais au moment où la réforme fiscale municipale entre en vigueur en 1980, qu'est-ce qu'on reconnaît à l'égard des commissions scolaires? On reconnaît à l'égard des commissions scolaires qu'en pratique, elles n'ont plus la possibilité de taxer autrement que sur instruction du gouvernement. Elles n'ont plus l'autorité de taxer, sauf sur instruction du gouvernement. La seule exception, M. le Président, ce sera ce qu'on appellera le financement des dépenses inadmissibles. Le terme est bizarre, mais, comme il est entré dans les moeurs, je me sens forcé de le perpétuer. Les dépenses inadmissibles au fond, c'étaient des dépenses hors budget, hors du budget accepté par le gouvernement. Si, par exemple, une commission scolaire voulait donner des cours de dessin ou des cours de danse, enfin des choses comme celles-là, elles pouvaient les donner et se finançait avec une toute petite marge de taxation foncière au-delà de l'impôt foncier normalisé dont j'ai parié. Et puisque nous reconnaissons, en 1980, que la taxe foncière scolaire est en fait un impôt gouvernemental déguisé, nous acceptons ce principe que nous demande les municipalités depuis si longtemps: Faites en sorte que les commissions scolaires évacuent le champ foncier, qu'il n'y ait plus d'impôt foncier normalisé, que ce soit passé aux municipalités, que le gouvernement subventionne les commissions scolaires pour la quasi-totalité de leurs besoins, et nous, les municipalités, alors, nous pourrons renoncer à toute une série de subventions gouvernementales et être vraiment responsables de nos dépenses avec toutes les sources de revenus dont nous avons besoin. C'a été ça, l'assise de la réforme de 1980.

C'était plein de bon sens. Ça reconnaissait des choses claires. Les commissions scolaires savaient que l'essentiel de leurs revenus viendrait de subventions gouvernementales. Elles avaient toujours une petite marge de fiscalité foncière disponible pour les dépenses inadmissibles dont je parlais, mais c'était petit, c'était limité à relativement peu de chose. Quand le gouvernement actuel arrive au pouvoir, il commence, M. le Président, pour financer les dépenses régulières des commissions scolaires, à grignoter dans cette toute petite marge d'autonomie dont les commissions scolaires disposent. L'impôt foncier scolaire autonome des commissions scolaires pour payer les dépenses inadmissibles, pour payer les cours de dessin, les cours de danse et les cours de musique. Le gouvernement, par ses compressions budgétaires à l'égard des commissions scolaires - et la vis tourne depuis 1985 - a commencé à forcer les commissions scolaires à se servir de cette petite marge d'autonomie qu'elles avaient pour payer l'huile à chauffage et l'électricité. Ça, c'a été sa décision.

En fait, jusqu'à très récemment, les commissions scolaires, ne nous faisons pas d'illusion, ont eu moins de marge de manoeuvre que dans les années où nous avons établi la réforme de la fiscalité municipale et où nous avions la décence de laisser aux commissions scolaires la petite marge qu'on leur avait concédée. Alors on a assisté, depuis un an, un an et demi, à une sorte de révolte des commissions scolaires. L'essentiel de l'argumentation des commissions scolaires - et il faut la comprendre pour comprendre tout le sens de la loi 69 - c'était: Est-ce qu'on ne pourrait pas, puisque le gouvernement, pour des dépenses régulières d'éducation, vient grignoter notre toute petite marge de prélèvement foncier autonome dont on se sert pour payer les dépenses inadmissibles, puisqu'il vient grignoter ça, est-ce que, notre petite marge, il ne pourrait pas l'agrandir un peu? Je les comprends. Puisque le gouvernement venait leur siphonner le peu d'argent autonome qu'ils avaient, bien, ils ont demandé d'avoir un peu plus de marge autonome. Ça a fait réfléchir le gouvernement.

Et là, à partir de ce moment, M. le Président, apparaît la plus étonnante job de camouflage qu'on puisse imaginer. Les commissions scolaires en ont eu pas mal plus qu'elles pensaient en avoir. Jamais les commissions scolaires, dans leurs rêves les plus fous il y a un an et demi, pouvaient s'imaginer un instant que le gouvernement leur transférerait un pouvoir de taxation beaucoup plus élevé pour payer des dépenses régulières. Eux, ce qu'ils demandaient, c'est de la marge de manoeuvre pour ce qui vient en excédent du budget ordinaire. Le gouvernement leur a fourni, pas une marge de manoeuvre, une marge de taxation beaucoup plus considérable en leur disant: Et avec ça, vous allez voir ce qui va vous arriver, des dépenses que le gouvernement payait jusqu'à maintenant, c'est vous qui allez les payer. (16 h 10)

Et on comprend, à l'heure actuelle, que les commissions scolaires se demandent encore ce qui les a frappées. La lettre de M. Guy D'Anjou, le président général de la Fédération des commissions scolaires, du 11 juin 1990, pas 1890 là, 1990, il faut la voir cette lettre-là. Mais, le pauvre homme, il se rend compte qu'il a joué à l'apprenti sorcier. Il voulait un peu plus de marge autonome, puis il se retrouve avec pas mal plus de taxation qui va servir à payer l'entretien des immeubles. Et je pense, j'espère que la leçon durera un certain temps, ce qui démontre que, quand un corps public supplie un gouvernement de lui donner le pouvoir de taxer, il faut toujours qu'il y aille avec une certaine prudence, parce qu'un gouvernement lui donnera non seulement le pouvoir de taxer à sa place, mais bien plus qu'il n'en demandait.

Moi, je n'ai jamais vu ça, un corps public qui supplie le gouvernement: Donnez-nous le pouvoir de taxer. Et il l'a eu, le pouvoir de taxer, pas mal plus fort qu'il pensait. Les grenouilles qui voulaient un roi, je ne sais pas. Mais il y a une leçon à tirer de ça. Jamais demander au gouvernement le droit de taxer à sa place. Avis à tous les intéressés. Demandez jamais ça à un ministre des Finances: Voudriez-vous que je taxe à votre place? La réponse vient tout de suite. Oui.

Quoi qu'il en soit, l'Union des municipalités, voyant que les commissions scolaires demandaient un peu plus de marge de manoeuvre pour leurs dépenses autonomes, ont pensé faire un geste raisonnable en disant: C'est vrai qu'on n'aime pas beaucoup que les commissions scolaires soient dans le champ de la taxation foncière, qui est vraiment la condition pour nous de fonctionner correctement. Mais enfin, on va faire un compromis à l'amiable et on va dire au gouvernement qu'on est d'accord pour que les commissions scolaires aillent chercher 75 000 000 $ de plus en taxation foncière.

Peut-être que l'Union des municipalités n'aurait pas dû, dès le départ, faire ce geste de conciliation. Évidemment, ils n'étaient pas au courant. Personne n'était au courant de ce décret du gouvernement du 6 novembre 1989. Et là, vous êtes en face de gens de bonne foi, de commissions scolaires qui demandent un peu plus de marges de manoeuvre, et l'Union des municipalités qui dit: Oui, peut-être pas beaucoup, mais un peu à concurrence de 75 000 000 $. Ils ne savaient pas ce qui avait été décidé par le gouvernement le 6 novembre 1989. Et là, finalement, le chat sort du sac et ce n'est pas un chat, c'est un tigre. Là, nous apprenons que le gouvernement va demander aux commissions scolaires d'aller chercher 320 000 000 $ de taxes foncières additionnelles pour payer quoi? Une marge de manoeuvre. Oh, on arrangera ça par la suite pour que les commissions scolaires puissent penser que, peut-être, elles auront une petite marge de manoeuvre de 40 000 000 $. Il faudra voir si jamais ça apparaît cette affaire-là.

Mais ce qu'il y a d'immédiat, c'est que les commissions scolaires vont aller chercher 320 000 000 $ de taxes foncières pour payer presque le même montant d'entretien sur les immeubles scolaires, ce qui avait toujours été assuré jusque là par le gouvernement. Comment dire, l'opération s'en trouve transformée. Le gouvernement se dit: J'ai besoin d'argent. Si j'augmente mon déficit, compte tenu de ce que j'ai dit, il y a bien des gens qui vont rire. Si j'augmente mes taxes, l'opinion publique va se tourner contre moi. Alors, qu'est-ce que je pourrais faire? Devenir le défenseur de la responsabilisation des commissions scolaires, comme le dit le titre des notes du ministre.

Défenseur d'une nouvelle forme de décentralisation. M. le Président, est-ce qu'il y a quelqu'un qui peut avoir l'âme assez basse pour être contre la décentralisation? Contre la responsabilisation? Contre l'autonomie locale? Personne ne peut avoir l'âme assez basse, alors, on se met à jouer avec les images. Seulement, comme je le disais précédemment, quand on regarde spécifiquement le projet de loi 69, mais, M. le Président, il n'y a pas plus de responsabilisation que de beurre en branche. Le système fonctionne de la façon suivante: Chaque commission scolaire de plus de 1000 élèves aura droit à 500 $ comme montant de base pour chaque élève; 150 000 $, plus 500 $ par élève, et toute commission scolaire de moins de 1000 élèves aura droit à 650 $ par élève comme montant de base. Qu'est-ce que ça veut dire, ce montant de base? On va prendre le temps de se l'expliquer, ce qu'on ne peut plus faire en commission, puisqu'on nous a mis le bâillon. Alors, une commission scolaire pourra, dorénavant, aller chercher jusqu'à 0,35 $ de taxe foncière par 100 $ d'évaluation. Mais quand je dis "pourra", attention - tintin - pas "pourra", "devra". Et comment ça va marcher? Bien, imaginons que, dans une commission scolaire où la matière fiscale est assez abondante, on arrive à 500 $ par élève, avec 0,32 $ au lieu de 0,35 $; on s'arrête à 0,32 $. Mais si, en mettant 0,35 $ de taxe additionnelle par 100 $ d'évaluation, on n'arrive pas tout à fait à 500 $, mettons 475 $, on s'arrête à 0,35 $ et là, le gouvernement met les 25 $ qui manquent. L'impôt foncier scolaire normalisé! On revient à la situation d'il y a 10 ans, M. le Président. Le gouvernement détermine la taxe foncière dans les commissions scolaires, transforme les commissions scolaires en agents de perception des impôts; c'est tout, purement. Il n'y a pas de responsabilisation; c'est de la rigolade de parler de responsabilisation. Voyons!

Est-ce que toutes les commissions scolaires ont vraiment compris ce qui va leur arriver? Elles vont jusqu'à 0,35 $ ou alors le nombre de cents que ça prend pour arriver à 500 $. C'est clair, là? Et ce n'est pas un droit qu'elles ont, ce n'est pas une possibilité qu'elles ont, elles

doivent le faire. Et tant qu'elles ne l'auront pas fait, elles seront fautives. Et si les 0,35 $ ne rapportent pas 500 $, ou 650 $ s'il y a moins de 1000 élèves, si les 0,35 $ ne rapportent pas ce qu'il faut, là, le gouvernement paiera la différence. Grosse économie de subvention, M. le Président! Grosse économie de subvention! Et payée comment? Bien, payée en transformant les commissions scolaires en agents percepteurs; c'est tout, il n'y a rien de plus que ça. Ce qui permet au gouvernement, dans ces conditions, de transférer aux commissions scolaires l'entretien des immeubles. Oh! grosse responsabilisation que l'entretien des immeubles! C'est une forme de décentralisation très poussée. J'imagine que les commissions scolaires auront la possibilité de déterminer si, le samedi, les immeubles doivent être chauffés à 60 degrés Fahrenheit ou à 72°; c'est probablement ça, leur marge d'autonomie. C'est de ça dont on parle, là? C'est de la foutaise, ça. À toutes fins pratiques, le gouvernement a renvoyé toutes les dépenses qu'il va cesser de payer lui-même, toutes les dépenses d'entretien des immeubles, et dit: Vous allez financer ça avec des taxes que je vais vous imposer, à vous, les commissions scolaires; vous aurez à aller les chercher. Eh bien, voilà! Bravo pour la responsabilisation!

Évidemment, à cette occasion-là, on se trouve à déplacer une partie du champ foncier hors des mains des municipalités. Et, M. le Président, pour la responsabilisation du schéma des municipalités, c'était fondamental, ce champ foncier. C'est à peu près une des seules sources de revenu dont disposent les municipalités. On n'a pas idée d'aller siphonner le champ foncier des municipalités pour une opération de camouflage. D'une réforme importante au Québec, d'une réforme qui marchait, on est en train de la compromettre pour que le gouvernement puisse se dire que ce n'est pas lui qui a augmenté les taxes, ce sont les commissions scolaires. C'est désolant et c'est pernicieux à cause de ce que ça représente pour l'avenir. Parce que, vous voyez, ça, c'est juste un premier pas. (16 h 20)

Pourquoi, à partir du même principe, on n'enverrait pas les salaires des enseignants dans les commissions scolaires? Entre nous, ce n'est pas plus difficile comme opération. On dira aux commissions scolaires: Vous prenez tous les salaires des enseignants et vous allez avoir à taxer jusqu'à - je lance un chiffre en l'air, comme ça - 1,50 $ par 100 $ d'évaluation. Et si ça ne rapporte pas tant de dollars par élève, le gouvernement paiera juste la balance. C'est tout. Pourquoi pas? Qu'est-ce qui va les empêcher? Un gouvernement préférera inévitablement... On peut même imaginer un scénario où, à six mois des élections, le gouvernement annonce une réduction considérable de l'impôt sur le revenu au Québec avec une augmentation sensationnelle des taxes foncières scolaires, imposée par lui, mais ça n'a pas l'air que c'est imposé par lui.

Comprenons-nous bien, nous sommes en pleine foutaise ici, on est en plein camouflage, on est en pleine rigolade. En fait, ce serait de la rigolade si ce n'était pas si triste, de prendre un système qui fonctionnait et de commencer à le détruire. Les Anglais ont un mot remarquable à cet égard qui se dit: "When it's not broken, don't fix it." Eh bien, ces messieurs d'en face, M. le Président, sont en train de démolir un système de fiscalité municipale qui marche bien, qui fonctionne bien.

Parmi les cinq conditions demandées par l'Union des municipalités pour reprendre le dialogue avec le gouvernement - les municipalités qui y tiennent tellement à leur système que quand le gouvernement a commencé à le leur démolir, elles ont mis leur drapeau en berne - il y en a une qui est extrêmement significative. Elles veulent que ces gestes qui découlent du projet de loi 69, que cette réforme de la fiscalité foncière des commissions scolaires soit remise sur la table Québec-municipalités et qu'elle soit révisée. Extraordinaire que le gouvernement ait dit oui à cette condition. Parce que vous comprenez à quel point, M. le Président, dire oui à une telle condition marque à la fois un désarroi remarquable chez le gouvernement et, d'autre part, une profonde incohérence. Est-ce qu'on s'imagine un instant qu'un gouvernement va transférer l'administration de tous les immeubles scolaires pour un an, histoire de reprendre ça l'année prochaine? Donc, quand le gouvernement dit "j'accepte que la nouvelle formule de financement scolaire soit mise sur la table Québec-municipalités", bien, c'est une farce.

Une voix: Oui, oui.

M. Parizeau: Mais c'est une farce. On ne va pas imaginer qu'un gouvernement va transférer les immeubles aux commissions scolaires, les reprendre l'année prochaine, les remettre l'année suivante et les reprendre six mois avant les élections. Bien voyons! Ce n'est pas comme ça qu'un gouvernement fonctionne. Mais ça, il aurait fallu explorer ça, M. le Président. Là, il y a une sorte d'opposition entre les cinq conditions de l'Union des municipalités, acceptées par le gouvernement, et, d'autre part, la question de l'administration des immeubles scolaires. Ce n'est pas compatible, ça. Est-ce qu'il y a moyen de discuter de ça ici, en Chambre, ou bien de discuter de ça en commission parlementaire, de faire venir les gens des commissions scolaires en disant "est-ce que c'a du bon sens de vous envoyer les immeubles scolaires et de les reprendre au bout d'un an", d'entendre l'Union des municipalités en disant "qu'est-ce que vous voulez dire exactement par une de vos cinq conditions qui visent ça"? Il n'y a pas moyen de discuter de ça. Pourquoi il n'y a pas moyen de discuter de ça, M. le Président? Bâillon!

L'Opposition connaît trop ces affaires-là. L'Opposition a eu trop d'appui de bien de ces milieux municipaux, il ne faut pas que ça s'éternise, ce débat-là. Parce que, au fond, au fur et à mesure où avancerait ce débat-là, il serait de plus en plus embarrassant pour le gouvernement. Il apparaîtrait de plus en plus clairement que le gouvernement s'est imaginé faire une passe et que ce serait vu graduellement pour ce que c'était: une passe. Alors, qu'est-ce qu'on fait? On arrête le débat. On dit: Taisez-vous! Vous comprenez trop bien ce qui se fait. D'autres gens pourraient peut-être comprendre, taisez-vous. Bien, c'est ça, on nous dit de nous taire. On nous dit de nous taire, M. le Président, mais il faut bien comprendre une chose. Qu'un gouvernement prenne les moyens de gouverner en fonction de ses idées, on ne peut pas le lui reprocher. Si ces idées-là on ne les partage pas, bien on essaie de faire battre le gouvernement aux élections qui suivent. En aucune espèce de façon, je ne voudrais mettre en cause le droit de ce gouvernement à gouverner. Trop souvent depuis quelques années, il a été incapable de gouverner, il a été incapable de se brancher.

Qu'il vienne nous dire, à l'égard des commissions scolaires: J'ai l'intention d'appuyer leur autonomie parce que je ne crois pas que l'enseignement doit être considéré comme un service public de base, je pense qu'il doit y avoir des divergences fondamentales entre les commissions scolaires quant à la qualité de l'enseignement qui se donne là-bas, c'est un point de vue. On a déjà vu exprimer, dans d'autres cas, que, dans des régions relativement riches, on peut avoir de meilleurs services. Si c'est ça qu'il veut nous dire, qu'il le dise. Je doute que c'est ça qu'il pense, moi. Mais si c'était ça qu'il voulait faire, je le comprendrais. Si on disait: Nous ne pensons pas que les municipalités doivent être responsables de l'essentiel de leurs dépenses. Nous, on pense, au gouvernement, qu'on devrait leur donner plus de subventions, qu'elles soient plus attachées au gouvernement, que les pèlerinages à Québec, c'est commode sur le plan politique. Il ne faut pas qu'elles soient trop autonomes. Et donc, on va transférer la matière fiscale des municipalités pour qu'elles soient moins autonomes et plus dans la main du gouvernement, et on va donner plus d'autonomie aux commissions scolaires pour qu'elles puissent avoir des services de nature différente d'une commission scolaire à l'autre. Si c'était ça leur point de vue, je leur dirais: Écoutez, vous êtes au gouvernement, je ne suis pas d'accord avec vous, je vais me battre jusqu'au bout pour que vous ne soyez pas capable de faire ça, et, si vous le faites quand même, bien, de toute façon, on se retrouvera aux prochaines élections.

Mais ce n'est même pas ça, M. le Président. C'est pas ça du tout. Ce gouvernement-là cache ses hausses de taxes. Toute l'opération est destinée essentiellement à faire en sorte de donner l'impression qu'il ne hausse pas les taxes et que ce sont les commissions scolaires qui vont les hausser. Ces augmentations de taxes par les commissions scolaires sont déterminées par le gouvernement. Les montants que chaque commission scolaire va lever à partir de ces taxes sont déjà connus. Le gouvernement sait combien de subventions il va avoir à donner. Le gouvernement a décidé de se trouver des agents percepteurs. C'est commode pour lui et pour son image. Dans cette remarquable opération cette année, qui consistera pour le gouvernement à augmenter les taxes et les impôts de 1 200 000 000 $, alors que, dans le discours sur le budget déterminé par le gouvernement lui-même, il n'y a que 300 000 000 $ d'augmentation de taxes décrétée par le gouvernement lui-même... Le projet de loi 69 s'inscrit dans cette opération de camouflage qui consiste à faire porter 900 000 000 $ d'augmentation de taxes et d'impôts par d'autres que le gouvernement lui-même.

Et, pour une opération de camouflage comme celle-là, on a pris le risque de commencer la démolition de la réforme de la fiscalité municipale qui nous avait tellement bien servis. Et quand je dis nous, je veux dire tous les Québécois. On avait monté un système qui faisait l'envie de bien des gens en Amérique du Nord, qui était tout à fait original. C'est ça qu'on est en train de démolir pour camoufler le fait que le gouvernement refuse de prendre la responsabilité d'augmentation de taxes.

C'est pitoyable, M. le Président. C'est pire que pitoyable, c'est minable. Merci. (16 h 30)

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

M. François Gendron

M. Gendron: Je vous remercie, M. le Président. Je pense que ça ne peut pas être plus clair. Je remercie énormément le chef de l'Opposition officielle. J'ai eu l'occasion, à chacune des étapes, de dire ces choses, mais avec ce genre de gouvernement qu'on a en face de nous, possesseur de la vérité tranquille, assis sur sa propre vérité... Et les parlementaires nous l'ont répété à plusieurs reprises, je fais encore référence, une phrase, parce que ça ne vaut pas la peine de faire plus, au député de Louis-Hébert qui disait: Nous, on a été élus pour décider. L'Opposition, ça, ce n'est pas notre problème et on ne veut rien savoir. C'était clair de même, c'est à peu près tout ce qu'il peut dire et comprendre.

Ce qu'on vient d'illustrer, c'est tellement probant parce qu'on va avoir du temps encore - toute la nuit - pour expliquer à ces gens-là, pour la troisième fois, parce qu'on l'a fait à chaque étape. Lorsqu'on légifère, il faut

vérifier si les deux objectifs poursuivis dans une loi sont atteints. Le premier, c'était augmenter la marge de manoeuvre des commissions scolaires. Question: Est-ce que la marge de manoeuvre des commissions scolaires sera augmentée comme elles le réclamaient? Réponse: non. Donc, objectif raté. J'entends le ministre dire oui. On va lire la lettre du président de la Fédération du 11 juin; là, le chef est parti avec, mais ce n'est pas grave, je la sais par coeur. La lettre du président de la Fédération des commissions scolaires le disait d'une façon très claire. La Fédération a envoyé des "telbecs", elle m'a envoyé une lettre: "M. le critique de l'Opposition officielle en matière d'éducation, c'est un pas dans la bonne direction, disait-il, mais la marge de manoeuvre que nous souhaitions avoir n'est pas atteinte." Donc, même s'il répète ça, c'est faux. Le premier objectif, la marge de manoeuvre plus grande: Non, il n'y en a pas.

Deuxième objectif: Est-ce que les commissions scolaires seront plus responsables? Essayer de faire accroire qu'il y a là un principe de responsabilisation. Ça n'a pas de bon sens. On ne peut avoir de la responsabilisation quand, en commission, le ministre, au lieu de répondre à nos questions, au lieu de nous permettre d'entendre les groupes qui contestaient sa réponse, savez-vous ce qu'il faisait? Il prenait son cahier qui avait été préparé par son armée de fonctionnaires et il nous disait: Je suis capable de vous dire ce que chaque commission scolaire va avoir de plus. Qu'est-ce que ça signifie, M. le Président? Ça signifie ce que M. Parizeau vient d'illustrer. Ces montants-là sont fixés et déterminés dans une loi à l'avance. Il disait: C'est tellement vrai que ça va être chez vous, M. le député d'Abitibi-Ouest, que la péréquation va jouer le plus. Ce que je savais avant de lui poser la question. Je le savais. J'ai toujours donné comme exemple que, à cause de l'étendue du territoire, du fait que ce soit des petites communautés locales, c'est certain que ça va nous donner plus de péréquation. Mais on ne me fera jamais changer d'idée, vous lirez n'importe quel dictionnaire, que ce soit Robert, petit Bourassa ou grand Robert, peu importe, vous lirez dans le dictionnaire; péréquation égale: corriger une formule qui crée des inégalités. C'est ça, la définition de la péréquation; c'est rééquilibrer quelque chose qui ne marchait pas. Alors, oui, on va recevoir plus de péréquation. Mais essayer de faire accroire au monde qu'il s'agit là d'un pouvoir de décentralisation, essayer de faire accroire qu'on va responsabiliser les commissions scolaires davantage, ça, c'est de la foutaise et il faut le répéter jusqu'à satiété, parce que ce n'est pas exact. D'autant plus qu'en plus que ces deux éléments-là ne marchent pas, il y en a un troisième. Le ministre peut-il déposer en cette Chambre une lettre de n'importe - je les prends toutes - quelle commission scolaire - il y en a au-dessus de 200 - ici, en cette Chambre, où une commission scolaire lui aurait écrit et lui aurait dit: m. le ministre, on aimerait ça que ce soit nous-mêmes qui soyons responsables de la gestion de nos équipements scolaires? peut-il nous déposer un document de la fédération qui réclamait la gestion des équipements scolaires? il ne peut pas. moi, je le sais qu'il ne peut pas. là, à ce moment-là, on ne serait pas dans des quarts de vérité, un huitième de vérité. là, on pourrait faire des débats de fond. ce n'est pas ça du tout l'histoire. l'histoire, on l'a expliquée, tous les jeux étaient faits le 6 novembre par un décret ministériel qui disait: dorénavant, nous ne sommes pas capables de mettre nos culottes et certains, ça leur prend une ceinture et des bretelles pour les porter; donc, on va faire une taxe déguisée. c'est ça qui est arrivé parce que ça appartient au gouvernement du québec. j'en profite à ce moment-ci, m. le président, pour corriger les propos que j'ai toujours eus. les propos que j'ai toujours eus, ça a été: oui, je suis d'accord que les commissions scolaires aient un pouvoir de taxation. j'ai toujours dit ça, je ne changerai pas d'avis, mais pour les fins pour lesquelles il a été créé. le problème, c'est qu'on oublie que les 6 % ou les 0,25 $ par 100 $ d'évaluation, à partir de 1982, ne jouaient plus la responsabilité pour laquelle on les a créés dans la réforme de la fiscalité. et c'est exactement le modèle que vous avez; c'est exactement comme mon cher et brillant député ministre régional, le ministre délégué aux mines, qui est de l'autre côté, là. on avait un régime d'accréditives qui marchait en abitibi, on avait un taux de chômage de 6 %, 7 % - on n'avait jamais vu ça, on n'a jamais vu ça; sincèrement, j'ai 45 ans, je n'avais jamais vu 6 %, 7 % - pendant trois ans, grâce aux accréditives que m. parizeau avait instaurées, que le parti québécois avait instaurées. oui, il y avait des trous dans la formule; oui, il y avait des faiblesses dans la formule. tous les prospecteurs l'ont dit à chaque congrès. leurs mémoires disaient: corrigez la formule. savez-vous ce qu'ils ont fait? ils ont pris le bébé et ils l'ont jeté avec l'eau du bain. le bébé des accréditives; ils ont jeté le bébé et l'eau. fini, plus d'accréditives! le problème: le taux de chômage actuellement en abitibi, 30 %. allez voir ce qui se passe en abitibi au niveau du développement minier. on peut bien parler de la loi sur les mines de l'autre côté et, hier soir, nous faire accroire que c'était la meilleure loi sur les mines au monde; ça prend du culot pour dire des affaires de même, mais on a entendu ça. c'est vrai qu'il était, quoi, 6 heures, 7 heures du matin, et il y a peut-être plus de choses permises à ce moment-là lorsqu'on fonctionne tellement à l'envers. c'est ça qui est arrivé. dans ce dossier-là, c'est la même chose. on va essayer de faire accroire, de vendre, de prendre des vessies pour des lanternes, puis c'est par manque de courage politique, c'est par manque de responsabilité politique. ce sont des "pelleteux"

de responsabilités, ce sont des "taxeux" dans la cour des autres. c'est facile de gérer l'état québécois comme ça. là, ce qu'ils ont fait, au lieu d'assumer leurs responsabilités éducatives et de corriger les inconvénients de la formule, parce qu'il y en avait, je le sais... je le sais, je l'ai toujours dit. les 6 % ne jouaient plus leur rôle. la péréquation au fil des ans avait créé des inéquités. il y avait lieu de corriger les inéquités et il y avait lieu de restaurer les 6 %. ce n'est pas ça qu'ils ont fart. hypocritement, dans un décret caché, sans mettre le monde concerné dans le coup, ils ont dit: nous, on a la vérité et on va leur arriver par la tête. et c'est par la tête parce que c'est à la fin de mars, début d'avril, même en mai que les municipalités l'ont appris. à un moment donné, on a dit: on va les faire asseoir et on va leur faire accroire que c'est juste 75 000 000 $ qu'on a besoin, 75 000 000 $. et on a réussi à force de leur tordre le bras, le cou et les oreilles. les deux unions ont accepté 75 000 000 $. un an, fini; 75 000 000 $; un an, fini, on est d'accord. mais ce n'est pas ça qui est arrivé, ce n'est pas ça qui est arrivé. dans la lettre du premier ministre, m. le chef de l'opposition officielle le relatait tantôt, c'est ça qui est un peu mensonger, il dit: tout est ouvert, et on va accepter d'en discuter, sauf que ne revenez pas avec le point de notre décision sur la fiscalité parce que ça, c'est coulé dans le béton. je voyais les signes de tête du ministre de l'éducation qui disait: pensez-vous qu'on aurait fait ça juste pour un an? parce que le chef de l'opposition officielle le questionnait. il disait: voyons donc! pensez-vous qu'on va s'amuser avec ça? nous, on est des gestionnaires; nous, on prend des décisions; c'est définitif; venez vous asseoir; venez jaser du pacte, mes amis; on va recréer des liens de grande fraternité et de ci puis de ça. le langage - là, je ne le qualifierai pas parce que le monde concerné sait quel genre de langage c'est...

Une voix: Maskinongé.

M. Gendron: Alors, moi, M. le Président, puisque vous me dites qu'il me reste une minute, c'est sûr que ce n'est pas dans 10 minutes, mais ça fait plusieurs fois que j'ai l'occasion de m'exprimer là-dessus.

Je dis, en conclusion, qu'on a assisté dans ce dossier-là, de A à Z, à de l'hypocrisie trompeuse, à des un seizième de vérité pour ceux qui savent ce que c'est, un seizième de pouce; ce n'est pas bien, bien large. Et c'est certain que dans deux, trois ans, dans quatre, cinq ans, on va se ramasser avec la constatation qu'on est revenus aux années trente avec deux formes de régime d'éducation: un pour les riches, l'autre pour les pauvres. Et les pauvres auront droit à la péréquation. Bien moi, j'ai toujours dit la même chose. La péréquation, c'est du bien-être déguisé, et des gens responsables n'en veulent pas. ce qu'ils auraient voulu, c'est un gouvernement responsable, mais ça n'a pas l'air qu'on va avoir ça encore pour les prochains mois. merci. (16 h 40)

Le Président: je cède maintenant la parole à m. le député de gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Les membres de l'Opposition sont, bien sûr, conscients de la situation difficile des commissions scolaires. Cependant, tout comme mon collègue d'Abitibi-Ouest et de la même façon dont l'a exprimé tout à l'heure le chef de l'Opposition officielle, nous partageons l'intime conviction que la solution du gouvernement, qui consiste à refiler un ensemble de nouvelles responsabilités aux commissions scolaires, tout en réduisant d'autant leurs subventions, en leur permettant d'accroître leurs revenus par le biais de la taxe foncière, constitue là, M. le Président, une solution qui fait preuve d'iniquité et d'injustice.

M. le Président, s'il y a bien une réforme que le Parti québécois a réussie avec succès, c'est bien le pacte de la fiscalité municipale. Menée en 1979-1980 par des gens comme le chef de l'Opposition officielle, par M. Tardif, à l'époque ministre, et par aussi feu M. René Lévesque, ancien premier ministre, s'il y a une réforme qui ait été bien réussie, c'est bien celle-là. Il faut se rappeler que ça s'est fait dans des circonstances et dans une conjoncture qui n'étaient pas nécessairement faciles. Les municipalités, après beaucoup de grincements de dents, avaient accepté de se départir de la taxe de vente au profit, et moyennant, bien sûr, en retour, la possibilité de se voir attribuer l'exclusivité du champ de l'impôt foncier. Mais voilà, M. le Président, qu'en deux temps, trois mouvements, en raison - et c'est important de le souligner aussi - des compressions fédérales, comme l'a souligné le ministre de l'Éducation au lendemain du budget fédéral, d'une mauvaise conjoncture économique que tous reconnaîtront et d'une forte croissance des dépenses dans d'autres secteurs comme celui de la santé et des services sociaux, par exemple, donc, à cause de cette forte croissance des dépenses, il est très clair que le gouvernement libéral a décidé, en catastrophe, de partager le champ de l'impôt foncier entre les municipalités et les commissions scolaires et d'autoriser celles-ci à utiliser de 10 % à 15 %, nous dit le projet de loi, de cette réforme de taxation limitée jusqu'ici à 6 %.

Au départ, M. le Président - et c'est intéressant de voir comment le discours a changé - on nous disait que le transfert devait se chiffrer à 75 000 000 $. En déposant ses prévisions budgétaires, le président du Conseil du trésor, M. Johnson, a mentionné 191 000 000 $ et c'est plus tard, à l'Assemblée nationale, que le

ministre de l'Éducation revenait et nous disait que le transfert pourrait atteindre 320 000 000 $. Qu'est-ce qui est arrivé entre-temps, entre les 75 000 000 $ du président du Conseil du trésor et les 320 000 000 $ du ministre de l'Éducation? Personne en cette Chambre n'est capable de répondre à cette question, mais, aujourd'hui, une chose est sûre: on nous dit que c'est un transfert d'environ 320 000 000 $ qu'on aura à subir.

En termes pratiques, M. le Président, cela signifie, pour les citoyens et citoyennes que nous représentons, que le taux moyen de la taxe foncière scolaire doublera et passera de 12 % à 24 % des 100 $ d'évaluation; et on dit que les études tendent à démontrer qu'un contribuable moyen verra sa facture de taxes scolaires augmenter de 100 $ de plus cette année. La décision prise à la vapeur par ce gouvernement, dans un contexte aussi où nous nous sommes vu imposer un bâillon après même pas une vingtaine d'heures de débats en commission parlementaire, donc cette décision prise à la vapeur par le gouvernement Bourassa est toute croche, cette décision est incohérente, injuste et aussi injustifiée, M. le Président.

Tout le monde reconnaîtra que le gouvernement traverse un certain nombre de difficultés financières. Mais d'autres solutions auraient eu avantage à être examinées plutôt que de démolir d'un coup sec une bonne réforme qui avait été menée par le Parti québécois. M. le Président, de toute évidence, en plus des besoins financiers réels de l'État, le gouvernement a voulu profiter de la conjoncture pour redonner aux commissions scolaires une partie du champ d'impôt foncier. Au-delà de l'argent, au-delà des orientations fondamentales, M. le Président, est en cause, dans la décision prise par le gouvernement libéral, une situation où le gouvernement se déleste de ses responsabilités et commet de graves accrocs aux principes d'universalité, d'accessibilité et d'égalité, pourtant tous reconnus par les membres de cette Chambre lorsque nous partons d'éducation, M. le Président. Avec le retour de l'impôt foncier scolaire, c'est le retour de l'iniquité et de l'injustice, comme le disait M. Claude Masson dans La Presse du 29 mars dernier.

Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que cette taxe sur l'impôt foncier est une taxe qui est à utiliser avec parcimonie, parce qu'il est très clair que le conflit actuel dont nous entendons tous parler vient du fait que, pour financer ces nouvelles responsabilités, les commissions scolaires n'auront pas d'autre choix que de financer leurs dépenses par le biais, justement, de cette taxe sur l'impôt foncier, un champ qui était jusqu'alors réservé aux municipalités.

Toutefois, dans ce qui est en train de devenir une bataille rangée, M. le Président, gouvernement, municipalités et commissions scolaires évitent une question qu'il est, à mon avis, important de soulever, une question de fond qui touche l'ensemble des citoyens et des citoyennes que nous représentons, à savoir, justement: Quelles sont les conséquences et quelles sont aussi les leçons que nous avons à tirer de l'utilisation de la taxe foncière?

M. le Président, la taxe foncière au Québec est sûrement attrayante, parce que si on compare à d'autres provinces au Canada, elle est sûrement moins utilisée au Québec qu'elle l'est, par exemple, en Ontario. Elle constitue une source de fonds qui est donc peu exploitée. Mais c'est une taxe aussi, et j'essaierai de le démontrer, qui est, à bien des égards, injuste et régressive. Et lorsqu'on la compare aussi à la TPS, on peut facilement admettre que la taxe foncière est beaucoup plus régressive et beaucoup plus dommageable que l'actuelle TPS proposée par le gouvernement fédéral. Cependant, peu de gens et peu de membres du gouvernement se sont prononcés sur cette question.

Ce qu'il faut comprendre, M. le Président, c'est que la taxe foncière grimpe à mesure que l'évaluation municipale d'une bâtisse, d'une résidence augmente. La taxe foncière frappera donc plus durement les riches que les pauvres. Mais la réalité est plus complexe que ça. Ce n'est pas aussi simple que ça. Plus l'évaluation des maisons va monter, plus les taxes vont monter, bien sûr, mais ce qui n'est pas vrai, par exemple, c'est de regarder de quelle façon l'évaluation municipale est faite.

M. le Président, il faut comprendre que la volatilité du marché immobilier a fait que les prix des maisons a évolué inégalement selon les régions pour carrément bondir en flèche, notamment dans le secteur de Montréal. Donc, on se retrouvera dans une situation où on aura deux poids, deux mesures, et la situation à Montréal risque d'être relativement difficile. De plus en plus, M. le Président, des gens à revenus moyens et même modestes seront ainsi étouffés par cette taxe, parce que la spéculation immobilière a fait grimper tout simplement le prix des propriétés. Cette taxe, à notre avis, est donc devenue une espèce de roulette russe.

Il faut comprendre aussi que les taxes foncières introduisent un autre élément d'injustice si on commence à les utiliser pour financer des activités qui étaient traditionnellement du ressort provincial, comme les équipements scolaires.

Il y a un editorial qui avait été produit par M. Alain Dubuc. Et laissez-moi, M. le Président, vous en citer un extrait. Ce n'est pas les gens de l'Opposition et ce n'est pas quelqu'un non plus qui est réputé comme étant un fervent défenseur des intérêts du PQ.

M. Dubuc, dans un editorial du lundi 7 mai, disait: "La capacité des commissions scolaires d'aller chercher de l'argent directement auprès des résidents de leur territoire dépendra largement de la valeur des propriétés dans leur ville

ou leur région. On se retrouvera ainsi de plus en plus avec des commissions riches, capables d'obtenir sans peine des fonds pour améliorer leurs équipements, et des commissions scolaires plus pauvres, qui devront se contenter de projets modestes parce qu'elles sont incapables d'augmenter le fardeau fiscal des citoyens moins bien nantis."

On se retrouvera donc, au lieu de tenir des beaux discours sur l'universalité, sur l'équité, sur la justice, sur le grand besoin d'accessibilité en matière d'éducation, dans une situation où il y aura deux poids, deux mesures.

M. le Président, vous me faites signe qu'il me reste seulement une minute, mais puis-je parler quelques instants de la situation à Montréal. L'impôt scolaire à Montréal, à cause de ce nouveau projet de loi, s'il prend force de loi, pourrait grimper de 128 %, ce qui veut dire, et permettez-moi de vous donner cet exemple-là... À Montréal, le propriétaire d'une maison qui serait évaluée à environ 121 000 $ au rôle d'évaluation - et il faut se rappeler que le rôle d'évaluation municipal est inférieur au rôle d'évaluation scolaire - verra sa facture scolaire augmenter, pour cette année, d'environ 130 $; et ça, c'est une réalité. Alors, on n'est plus capable, on se retrouve dans une situation financière difficile. Ce qu'on fait, on dit: On va pelleter nos problèmes financiers, on va pelleter la réalité du déficit dans les municipalités et on va envoyer ça aux contribuables qui ne sont pas toujours en moyens de payer à cause de problèmes particuliers de la spéculation à Montréal. On se retrouvera dans une situation où il y aura deux poids, deux mesures, M. le Président. (16 h 50)

M. le Président, le maire Doré disait, en parlant de cette réforme: Ce fardeau fiscal est l'un des principaux facteurs défavorables qui irritent nombre de ménages et qui les incitent à opter pour la banlieue. M. le Président, il y a une série d'effets pervers dans ce projet de loi là, M. le Président. L'étalement urbain, la paupérisation de plus en plus grandissante à Montréal en sont des exemples. Pour ces raisons, nous ne consentirons pas à ce que ce projet de loi soit adopté à la presse, et j'invite les membres de cette Assemblée à s'opposer à ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le député de gouin. je reconnais le prochain intervenant, m. le député de la prairie. m. le député, la parole est à vous.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Ce gouvernement est en train d'établir un record pour le nombre de projets de loi où il empêche l'Opposition, où il empêche des groupes dans la population de venir poser des questions au ministre qui présente son projet de loi. le ministre de l'éducation a accepté à peine une vingtaine d'heures de discussion en commission parlementaire, vingt-trois heures, plus précisément. c'est un ministre qui prétend avoir beaucoup de patience. c'est un ministre qui prétend être très démocrate, être ouvert aux suggestions, aux commentaires. mais quand arrive la dure réalité du quotidien, la vie parlementaire quotidienne, on s'aperçoit qu'on a affaire à un ministre de l'éducation qui est très autoritaire, genre préfet de discipline, qui décide que vingt-trois heures c'est assez. le bâillon!

Je le comprends un peu parce qu'il n'est pas fier de son projet de loi. Il n'est pas fier du tout. Comme il ne doit pas être très fier d'appartenir à un Conseil des ministres qui se sert des municipalités, qui se sert des commissions scolaires, qui se sert de la Régie de l'assurance automobile du Québec pour aller chercher des centaines de millions de dollars dans la poche des contribuables. C'est un gouvernement qui n'a pas le courage de carrément dire à la population: Voici, nous devons monter les impôts, nous devons monter les taxes. Il prend toutes sortes de détours, des voies indirectes; sous de beaux principes de décentralisation, il vient forcer les municipalités, les commissions scolaires à être des percepteurs d'impôts.

Et quand on sait qu'à l'époque du gouvernement du Parti québécois, l'Opposition, qui était devant nous, pouvait avoir jusqu'à 200 heures de débat en commission parlementaire, je pourrais vous nommer un des projets de loi, M. le Président. J'en donne quelques exemples: la Loi sur la protection du territoire agricole, la loi sur la langue française, la loi 101, et d'autres lois. Mes collègues acceptaient de discuter pendant 200 heures, 250 heures. Je vois le député de LaFontaine qui passe dans la Chambre, qui lui aussi s'impatiente au bout d'une vingtaine d'heures de débat, M. le Président.

Une voix: Ça n'a pas de bon sens.

M. Lazure: Lui, ça se comprend un peu, c'est un nouveau. Il est impétueux, il est impatient. Mais venant de la part du ministre de l'Éducation, qui est dans cette Chambre depuis longtemps, cette impatience-là n'est pas pardonnable. Et la première conséquence, évidemment, c'est de briser un système qui fonctionnait bien, un système qui était commencé depuis plus de 10 ans, qui avait été mis sur pied par le gouvernement du Parti québécois, principalement le ministre des Finances à l'époque, l'actuel chef de l'Opposition. Cette réforme de la fiscalité municipale, qui établissait clairement les rôles des municipalités, des commissions scolaires et du gouvernement... Et les trois parties étaient satisfaites de ce système-là.

Et tout à coup, ce gouvernement, sans préavis, vient saborder, vient défaire ce système-

là. Des témoignages en réaction, je vous donne le titre dans La Presse du 12 avril. "Le maire Doré en appelle au bon sens du gouvernement québécois. La facture d'impôt scolaire grimpera de 128 % dans I Ile de Montréal si le gouvernement de Québec maintient son intention d'élargir jusqu'à 320 000 000 $ le champ d'imposition des commissions scolaires." Le maire Doré en appelle au bon sens du gouvernement québécois. Le maire Doré n'est pas un extrémiste. Il a pesé ses mots. Nous aussi, on a fait appel au bon sens du ministre de l'Éducation, M. le Président, mais on n'a pas eu plus de chance que le maire Doré. Le monde municipal est entré en colère devant un tel projet de loi, surtout lorsqu'il a découvert que c'était loin en arrière, plus précisément le 6 novembre 1989, que le Conseil des ministres, par un décret, décidait de donner la commande au ministre de l'Éducation, au ministre des Affaires municipales: Allez nous chercher, dans vos budgets, une économie, vous, de 320 000 000 $, et vous, d'environ 260 000 000 $ par année; et en coupant ces subventions aux commissions scolaires, aux municipalités, vous allez leur dire: Dorénavant, vous pouvez taxer. Alors, le Conseil des ministres et le caucus du parti gouvernemental s'imaginent qu'ils ont caché à la population la vraie situation. Évidemment, leur jeu a été démasqué rapidement, d'abord par l'Union des municipalités, l'UMQ, et aussi par l'Union des municipalités régionales de comté. Et tout le monde sait maintenant que ce gouvernement n'a pas la franchise de taxer directement. Et son sale boulot, son sale travail, il le fait faire par les commissions scolaires et par les municipalités. "Les taxes scolaires vont doubler dans la région de Québec", le 18 mai, il y a un mois, le Journal de Québec. Et je cite: "Les commissions scolaires francophones de la région de Québec iront chercher 53 000 000 $ dans les poches des contribuables l'an prochain, comparativement à 24 000 000 $ cette année, une augmentation de 117 %. Presque partout, les comptes de taxes vont passer du simple au double, et même davantage en certains endroits."

La deuxième conséquence importante, c'est le retour en arrière, c'est le retour à l'époque où on avait de belles écoles dans des beaux quartiers, dans les quartiers où les gens avaient des revenus élevés, et des écoles beaucoup moins belles dans les quartiers pauvres ou dans les régions pauvres du Québec, les régions rurales notamment. Et, à cet égard, justement, en parlant de régions rurales, que dit l'Union des producteurs agricoles de ce projet? Je vois le ministre de l'Éducation qui entre pour suivre la discussion. Il semble avoir un peu plus de patience ici, à l'Assemblée, qu'il n'en avait en commission parlementaire parce que, au bout de 23 heures, il nous a dit, en commission parlementaire: Fini! Vous arrêtez de me parler, je n'écoute plus, silence! Alors, que disent les gens du monde rural? L'Union des producteurs agricoles dit ceci: "Le débat actuel remet en cause, par ce projet de loi, les principes d'équité et nous croyons que le milieu rural subira, plus que tout autre milieu, les contrecoups néfastes de cette opération, vu la constance et surtout la valeur moindre de sa richesse foncière." Ça va de soi, M. le Président. La valeur foncière des propriétés en milieu rural, de façon générale, est beaucoup moins élevée qu'en milieu urbain. Alors, le milieu rural, encore une fois, va se retrouver avec une qualité de bâtiments scolaires moindre que celle des milieux urbains. Et les bâtiments scolaires, vous allez me dire, mais ce n'est pas la qualité de l'enseignement. Attention! Attention! Je pourrais vous citer de longs extraits de pédagogues et de psychologues qui vont vous démontrer clairement que les bâtiments scolaires, les installations scolaires jouent un rôle important dans l'environnement scolaire, dans le milieu scolaire, et que le milieu de vie de l'enfant à l'école est grandement influencé par la qualité des installations. On avait jugé, au Québec, il y a déjà plusieurs années, dans les années soixante, que c'était la responsabilité de l'État, à même les fonds publics, de subventionner partout au Québec l'éducation, la santé; c'étaient deux services de base. Fini les iniquités! Fini les injustices! Ce gouvernement-ci, en revenant à l'ancien système où les municipalités, où les commissions scolaires, selon les revenus de leur population, auront de plus beaux équipements ou de moins beaux équipements scolaires, ce gouvernement nous ramème 30 ans en arrière. (17 heures)

Alors je pense, M. le Président, qu'il faut démasquer cette opération de camouflage du gouvernement actuel. Il faut rappeler à l'ordre le ministre de l'Éducation qui se fait complice de gestes qui nous ramènent si loin en arrière. Il faut dénoncer surtout le manque de courage du gouvernement qui fait faire son travail de percepteur d'impôts par les commissions scolaires. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Vous avez remarqué que j'ai pris quelques instants pour me lever, je croyais qu'il y avait quelqu'un du côté ministériel qui aurait pris la parole pour défendre le ministre. Mais j'aurais peut-être envie de vous demander: Est-ce que je pourrais prendre le temps de l'autre, plus le mien accumulé? Je ne pense pas.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Laviolette, je sais que vous connaissez très bien le règlement. M. le député, si vous

voulez poursuivre votre intervention.

M. Jolivet: Malheureusement, M. le Président, je n'aurai que 10 minutes pour essayer de convaincre le ministre, ainsi que les autres députés ministériels, du bien-fondé de notre position. Vous, je n'ai pas besoin de vous convaincre, je n'ai qu'à passer par vous pour essayer de les convaincre que la position qu'ils ont tenue jusqu'à maintenant n'a pas de sens. J'expliquais au ministre de l'Éducation que dans mon coin... Et le ministre toutes les fois... Je le vois faire le geste d'essayer d'ouvrir son grand cahier d'explications, me disant et cherchant un peu à l'intérieur, mais il le sait très bien. Parce que j'ai parlé avec le président de la commission scolaire chez moi. Ce n'est pas difficile à comprendre, M. le Président, si j'ai 0,13 $ de taxe des 100 $ d'évaluation actuellement et je passe à 0,35 $, maximum, c'est presque trois fois, pas tout à fait trois fois. Donc, c'est au moins deux fois et demie. Mais deux fois et demie, c'est deux fois et demie les taxes que le gouvernement, par l'intermédiaire du ministre de l'Éducation, demande à la commission scolaire d'aller taxer à sa place, pour donner quels services?

J'ai eu l'occasion... Une commission scolaire dans mon coin, de la Haute-Mauricie, avait décidé, à un moment donné, en 1979, et même 1979-1980, dans ce coin-là, de baisser sa taxe à 0,13 $. Là, à un moment donné, en vertu de l'ancienne loi, on s'en souvient, quand elle avait baissé, elle devait rester baissée et pour augmenter plus haut que les 0,13 $ qu'elle avait décidé comme montant de sa taxe, elle devait passer par référendum. Pour l'erreur qu'elle avait commise à l'époque de ne point rester au maximum, qui était de 0,25 $, auquel elle avait droit, et de baisser à 0,13 $ parce qu'elle avait voulu jouer un tour à du monde à un moment donné, elle s'est retrouvée à devoir faire un référendum. Vous savez que la taxe n'est pas éternelle ensuite, elle dure x temps. Et il a fallu qu'elle fasse une dépense d'argent pour convaincre les gens que si elle voulait garder ce qu'on appelle le regroupement autour de la ville de La Tuque, elle devait, à ce moment-là, augmenter les taxes. Et elle a réussi à le faire, même si c'étaient les gens de La Tuque dans le centre qui payaient pour la périphérie. Il reste une chose, c'est qu'elle s'était mise dans des conditions difficiles. Et le gouvernement actuellement décide, pour des raisons qui lui appartiennent, mais que nous ne voulons pas accepter, de permettre aux commissions scolaires d'entrer dans le champ de taxation qui, de haute lutte, avait été donné de façon normale à cette autorité qui s'appelle la municipalité civile.

On se souvient tous, M. le Président, des longs discours, des longs palabres des années 1974 à 1976, alors que les municipalités essayaient de convaincre le ministre des Affaires municipales de l'époque de prendre position, de les amener, comme ministre des Affaires municipales, de l'époque, à prendre position, de les amener, comme ministre des Affaires municipales à convaincre le ministre des Finances et son gouvernement, son Conseil des ministres de redonner aux municipalités le pouvoir de taxation. Parce que, vous le savez, une commission scolaire, en vertu de notre histoire, n'a pas - j'allais dire la même valeur juridique, je me tromperais, le ministre pourrait me reprendre - le même point de départ quant à sa formation, quant ~à ~son incrustation dans le milieu. Et, lorsque nous avions accepté de faire la réforme fiscale, ça a amené énormément de discussions.

Ce que l'on a vu aujourd'hui, M. le Président, ce que l'on a vu dans les journées qui ont précédé, depuis le moment où le ministre a amené ce projet devant nous, c'est qu'il y a quelqu'un qui est absent des débats. Il y a quelqu'un de l'autre côté qui est absent. Pas seulement les députés qui ne prennent pas la parole aujourd'hui, non seulement il est absent au moment où il doit prendre la parole, mais il est aussi absent, M. le Président, au moment où il doit prendre le vote. Vous savez de qui je parle, M. le Président, c'est du ministre des Affaires municipales. Le ministre des Affaires municipales, je ne l'ai vu nulle part. Je ne sais même pas s'il va venir voter sur le geste important qu'il reste à poser aujourd'hui, c'est-à-dire l'adoption de la loi comme telle. Mais ce que je peux vous dire, c'est que l'impression qui nous reste, c'est un peu une impression de honte d'avoir laissé tomber ces municipalités, au détriment d'une certaine façon de ces municipalités, entre les mains d'un autre ministre plus puissant, semblerait-il, le ministre de l'Éducation.

Le ministre de l'Éducation a donc, dans ce gouvernement, gagné la bataille permettant à ces commissions scolaires d'aller chercher dans le champ de taxation municipale de nouveaux montants d'argent. Sauf que le ministre des Affaires municipales doit un peu rire, même s'il n'a pas de barbe, M. le Président, selon l'expression, dans sa barbe, parce qu'au moment où on se parle le ministre de l'Éducation a joué un sale tour aux commissions scolaires. Il leur a donné un pouvoir de taxation, mais, en contrepartie, donnant de la main droite, il est allé retirer de la main gauche ce qu'il donnait aux municipalités scolaires, de telle sorte qu'elles ne sont pas plus gagnantes qu'elles ne l'étaient.

Et elles se sont aperçues de ça un peu sur le tard, elles l'ont dit au ministre et elles vont continuer à le dire au ministre par notre intermédiaire, M. le Président. Ce projet de loi, tel que présenté, n'a pas d'affaire à être présenté. Nous devons essayer de le convaincre dans les dernières minutes qui nous restent, d'ici à la fin de ce débat, puisque c'est la dernière occasion

que nous avons d'intervenir, tous et chacun qui voudront bien prendre la parole sur le débat, toutes les autres étapes ayant été passées. Il n'en reste plus qu'une, c'est celle de l'adoption du projet de loi comme tel.

M. le Président, nous disons au ministre qu'il fait fausse route. Nous essayons de convaincre le ministre des Affaires municipales de revenir à de meilleurs sentiments et de dire au ministre de l'Éducation qu'il fait fausse route et, dans les derniers instants de cette discussion, peut-être amener le ministre de l'Éducation à retirer sa motion, son projet de loi, et à refaire ses devoirs.

M. le Président, je crois que les commissions scolaires s'apercevront au fur et à mesure qu'elles vivront ce projet de loi, si jamais il était adopté, qu'elles se sont fait flouer à la fois par le ministre de l'Éducation et par le ministre des Affaires municipales qui n'a pas pris la peine de défendre ses municipalités. Regardez comment ça s'est produit, M. le Président. On leur a fait accroire que c'était un premier montant de 75 000 000 $ au niveau de l'Union des municipalités du Québec, de l'Union des municipalités régionales de comté du Québec. On leur a dit finalement: Écoutez, acceptez ce premier pas et on négociera le reste. Ou encore, on s'est aperçu au fur et à mesure qu'on avançait, des rencontres qu'on a eues avec eux, ils nous l'ont indiqué, ils s'apercevaient que ce n'était plus juste 75 000 000 $, c'étaient 325 000 000 $. Et les municipalités scolaires, elles, de leur bord, se sont aperçues de ce qu'on leur donnait pour financement. Elles demandaient depuis fort longtemps de monter à 9 % et un peu plus que dépasser les 0,25 $, M. le Président. On s'aperçoit finalement que, dans les deux cas, à la fois les municipalités civiles et les municipalités scolaires se sont fait avoir par ce gouvernement qui n'ose pas dire de façon directe qu'il leur donne, comme disait le chef de l'Opposition, le devoir de devenir des percepteurs de taxes à la place du gouvernement actuel. (17 h 10)

C'est d'amener donc les municipalités scolaires à être, de façon cachottière pour le gouvernement, les percepteurs de taxes et, finalement, faire en sorte que, comme dans mon cas chez moi - je vous l'indique, M. le Président - d'une taxe d'environ 90 $, nous allons passer à près de 270 $ par année, sans compter que les municipalités civiles auront besoin - des élections municipales ayant lieu cette année chez nous - elles aussi, probablement pour les besoins qui sont de plus en plus criants, de taxer.

M. le Président, vous comprendrez très bien qu'avec mes collègues je vais m'opposer jusqu'à la dernière extrémité à l'adoption de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant, pour pour- suivre ce débat, M. le député de Dubuc. M. le député de Dubuc, vous avez la parole.

M. Gérard R. Morin

M. Morin: Merci, M. le Président, il faut reconnaître que c'est un petit peu frustrant d'intervenir à ce stade-ci parce que, comme le disait mon collègue qui vient de me précéder, je pense que les chances de faire changer le ministre de l'Éducation sont pratiquement nulles, à moins qu'on ne procède, par la voix du président, par message transcendental, pour émettre des ondes qu'il est impossible de faire directement. De toute façon, on sent bien que le compte à rebours est commencé et qu'il n'y a plus lieu de faire grand-chose.

De toute façon, M. le Président, j'aimerais rappeler que, lors de mes interventions précédentes, j'ai tenté de faire la démonstration que ce projet de loi était, de façon indirecte, un amendement à la Loi sur la fiscalité municipale, la loi 57. Pour ce faire, j'ai fait un peu l'historique de ce qui avait précédé la réforme fiscale de 1980, les différentes études, les commissions, les conférences qui étaient toutes arrivées au même constat de la nécessité de procéder à cette réforme.

Et il y a eu l'étape de la loi 57 qui a exigé beaucoup de courage politique de l'ancien gouvernement, soit le gouvernement du Parti québécois, loi qui touchait plusieurs aspects de la finance, soit la taxe de vente, les "en lieu" de taxes, l'évaluation municipale etc. Et, récemment, je pense, lors de ma dernière intervention, je tentais de démontrer que ce projet de loi, en plus de porter atteinte à la réforme sur la fiscalité, eh bien, il fallait considérer la façon dont la situation des municipalités était en régression dû à certaines nouvelles responsabilités qui ont été apportées aux municipalités, certaines promesses qui n'ont pas été remplies, certaines contestations au niveau de l'évaluation municipale qui ont fait perdre énormément de revenus. Alors, je pense qu'il aurait été beaucoup plus de mise de procéder à un amendement majeur de la loi 57.

C'est curieux d'entendre les différents intervenants, que ce soit de la part de l'Opposition comme les interventions du côté ministériel. À entendre tout le monde, on a vraiment la conviction, l'impression que nous sommes devant un amendement à la loi 57. Il y a eu très peu d'interventions qui touchaient l'instruction publique ou les commissions scolaires, si ce n'est de façon presque indirecte, tellement tout le monde est convaincu. Même que certains, inconsciemment, ont parlé dans le sens que cette loi modifiait, constituait un amendement à la fiscalité municipale.

Mais ce qui m'a surpris le plus, M. le Président, c'est lorsque j'ai entendu le ministre, à la reprise des travaux, avec beaucoup de

conviction ou peut-être un peu de naïveté, tenter de nous convaincre que ce projet de loi n'affectait d'aucune façon le champ fiscal municipal, qu'il était bien implanté, pour reprendre sa propre expression, et qu'on ne faisait que rélargir au monde municipal. Bien sûr, je ne contesterais pas le fait que les municipalités sont encore bien implantées dans le champ foncier, c'est bien évident.

Toutefois, je rappellerais au ministre, M. le Président, comment ça s'est fait. Je me souviens, lorsque la réforme fiscale a été adoptée en 1980, ça avait pour effet, bien sûr, de donner presque l'exclusivité du champ foncier aux municipalités qu'à ce moment-là les commissions scolaires devaient libérer. J'ai vu, par exemple, certaines commissions scolaires, avec un taux de taxes qui était, supposons, de 1,25 $ ou de 1,50 $ les 100 $ d'évaluation, conserver le maximum, soit 0,25 $. Donc, le dollar libéré par les commissions scolaires était récupérable par les municipalités. Alors, dépendamment des effets plus ou moins bénéfiques que pouvait provoquer la réforme fiscale, certaines municipalités ont récupéré la totalité de ce dollar libéré par les commissions scolaires; d'autres, les trois quarts. C'est pour ça que, lorsque le ministre dit que le fait d'élargir le champ foncier au scolaire ne change absolument pas, au niveau des principes, c'est une atteinte fondamentale à la loi ou à la réforme sur la fiscalité municipale.

De toute façon, en terminant, M. le Président, lorsque le ministre nous promettait que, dorénavant, plutôt que d'avoir un partenariat Québec-municipalités ce sera un partenariat à trois, puisqu'il avait l'intention d'y inclure le monde scolaire, bravo! Sauf que si l'on considère la consultation avec le monde municipal qui a précédé cette loi, j'avais plutôt l'impression de comprendre ou de croire, d'interpréter les propos du ministre dans le sens que ce partenariat n'était ni plus ni moins le même qui faisait partie de la directive de l'automne dernier, soit le ministre des Affaires municipales, le ministre des Finances ainsi que le président du Conseil du trésor qui avaient pour mandat de récupérer l'argent à même le champ foncier municipal et cela, pour régler des préoccupations budgétaires de l'année 1990-1991. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Dubuc. Je reconnais maintenant la prochaine intervenante, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Mme la députée.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. C'est la troisième fois et c'est la dernière fois que l'on a à s'exprimer sur le projet de loi 69 en cette Chambre. À l'instar de mon collègue, je dois vous dire que nos espoirs de faire infléchir le ministre de l'Éducation sont effectivement très réduits. Mais que voulez-vous! Je tenais, moi aussi, à venir m'exprimer, encore une fois, même si c'est la troisième fois, sur ce projet de loi parce que vous savez, comme le disait ma collègue de Terrebonne, la patience infinie du ministre de l'Éducation a duré seize heures en commission parlementaire et si, pour l'Opposition officielle, c'est impossible de faire réfléchir le gouvernement et d'infléchir les décisions du ministre, peut-être pourrons-nous augmenter son taux de patience afin qu'il devienne vraiment infini.

Le projet de loi 69, on le sait, je le répète, c'est le projet de loi qui apporte diverses modifications à la Loi sur l'Instruction publique relativement aux modalités de financement des commissions scolaires et du Conseil scolaire de l'île de Montréal. C'est aussi un projet de loi qui élargit le pouvoir de taxation des commissions scolaires et du Conseil scolaire de IHe de Montréal en rehaussant les limites permises par la loi. Par ce projet de loi, on vient remplacer les règles relatives à la subvention de péréquation que le ministre de l'Éducation verse aux commissions scolaires. En fait, si avec ce projet de loi on ne vient pas changer les principes de façon radicale, si on ne vient pas, comme le disait le ministre hier, changer de façon radicale les principes que les commissions scolaires étaient dans le champ de taxation, dans le champ d'impôt foncier et que les municipalités le sont, on sait très bien - et je pense que le ministre doit l'admettre - qu'il vient rompre le pacte fiscal de 1979. Le chef de l'Opposition, tout à l'heure, en a parlé longuement. Le connaissant très bien, il s'est, je pense, s'exprime de façon très claire et on a pu comprendre mieux. Mais il reste que, pour en arriver à ce pacte-là en 1979, il y avait eu de longues négociations. Ça avait été réellement une entente lors des assises Québec-municipalités.

À ce moment-ci, lorsqu'on parle du projet de loi 69, on sait très bien que c'est une décision unilatérale du gouvernement. Même si les municipalités, même si l'Union des municipalités, même si l'Union des municipalités régionales de comté ne sont pas d'accord, mais pas du tout d'accord, le gouvernement procède de toute façon, le gouvernement a décidé qu'il décrétait et qu'il faisait passer la facture dans le camp des municipalités. Au départ, on avait parlé de 75 000 000 $ pour faire passer un peu la facture; pour faire passer ça de façon plus rapide, le gouvernement avait parlé de 75 000 000 $ à l'Union des municipalités qui, grinçant un peu des dents, avait finalement accepté. Mais là, on se rend bien compte que c'est 320 000 000 $, et ça, il n'en est pas question. L'Union des municipalités n'est pas du tout d'accord. Le gouvernement lui dit: Ce n'est pas grave. Vous avez des conditions pour qu'on se rencontre, on va se rencontrer. Mais, en même temps, dans la

réponse qu'il lui fait, il prend aussi le soin de lui dire: On va se rencontrer, on va en discuter, mais on ne reviendra pas sur la décision que nous avons prise unilatéralement. (17 h 20)

Donc, c'est un projet de loi qui ne fait pas du tout l'affaire des municipalités et, comme mon collègue de Laviolette, j'ai hâte de voir comment le ministre des Affaires municipales va voter, lui aussi, sur ce projet de loi. C'est un projet de loi qui ne fait pas l'affaire de l'Union des municipalités, alors on aurait pensé qu'il viendrait régler au moins les problèmes des commissions scolaires parce que les commissions scolaires, on le sait, ont des besoins importants, doivent vivre, depuis un certain temps, avec des compressions budgétaires, en fait, qui avaient commencé lors de la période économique difficile que l'on connaît et qui, malgré une amélioration considérable de la situation économique, n'ont pas été non plus réajustées. Alors, ça fait des années que les commissions scolaires vivent avec des compressions budgétaires et qu'elles ont de véritables besoins.

De ce côté-là, M. le Président, l'Opposition n'a pas du tout l'intention de nier les besoins des commissions scolaires. Il faut que ce soit très clair et il faut que ce soit perçu de façon qu'il n'y ait aucun doute. L'Opposition officielle est très sensible aux besoins des commissions scolaires, sauf que nous ne sommes pas d'accord avec le projet de loi parce que nous sommes convaincus que ce projet de loi ne vient d'aucune façon régler le problème des commissions scolaires. Même que, quelque part, ça pourrait leur en créer d'autres.

Les besoins des commissions scolaires. L'automne dernier, la Fédération des commissions scolaires a questionné les commissions scolaires catholiques et protestantes sur les impacts concrets du sous-financement. Les résultats ont été divulgués et venaient de réponses de 150 commissions scolaires; donc, on peut dire que c'est un bon sondage et que la Fédération des commissions scolaires avait fait ses devoirs à ce niveau-là. Qu'est-ce qui est advenu de ce sondage sur les besoins des commissions scolaires? Par rapport au résultat du questionnaire, on peut dire - je vous cite le document, M. le Président - que, "de façon globale, les commissions scolaires se disent insatisfaites des services que leurs ressources financières leur permettent d'offrir à leurs clientèles. Elles sont, en outre, dans l'incapacité d'investir adéquatement dans des projets de développement à caractère pédagogique, social, sportif ou culturel." Donc, on voit qu'elles ont des problèmes et des besoins dans plusieurs sphères de leur activité.

Au niveau de l'enseignement régulier, du préscolaire, du primaire et du secondaire, les commissions scolaires se disent incapables de répondre de façon satisfaisante aux besoins de perfectionnement, aux besoins d'encadrement et de support pour leurs enseignants, et cela, de façon encore plus criante lors de l'implantation de nouveaux programmes. Croyez-vous sérieusement que le projet de loi 69 pourra les aider à réaliser cela? Par rapport à l'enseignement professionnel, les commissions scolaires n'ont pas assez de ressources pour acheter la matière première - Aie! c'est quelque chose, la matière première - le matériel, le mobilier et l'outillage requis pour l'implantation des nouveaux programmes. Elles manquent de ressources pour aménager des ateliers et des laboratoires. On dit encore plus: "Rappelons-le, ce type de projet suppose un financement du tiers du coût par la commission scolaire."

Les commissions scolaires demandent des mesures particulières d'enseignement. Services complémentaires à l'élève. On sait qu'il y a beaucoup de problèmes dans les commissions scolaires, que, même pour la clientèle dite régulière, les commissions scolaires disent qu'elles ne peuvent disposer suffisamment de psychologues, d'orthophonistes, de travailleurs sociaux, de travailleurs de la santé et autres pour répondre adéquatement aux besoins des élèves. Donc, manque de spécialistes de ce genre-là. C'est très important pour la population étudiante d'avoir les services nécessaires dans son école. Elle souligne que le contexte dans lequel vivent les jeunes aujourd'hui nécessite davantage de services complémentaires à l'élève.

Je tiens à le répéter, même si on a l'impression qu'il y a beaucoup de choses dans ça qu'on devrait savoir naturellement, je pense que c'est important qu'on répète les besoins des commissions scolaires parce qu'il ne m'apparaît pas du tout évident, mais pas du tout, que le projet de loi 69 pourra venir combler ces besoins-là. C'est probablement trop peu, M. le Président. Le projet de loi 69, en fait, apporte aux commissions scolaires un cadeau - j'en parlais hier et je le répète - dont les commissions scolaires disent elles-mêmes que c'est un cadeau empoisonné, un cadeau de 320 000 000 $ sur le dos des municipalités qu'on va chercher d'un autre côté, parce que, en même temps qu'on leur donne cet argent-là, on les responsabilise - c'est le mot, en fait - de la gestion, on leur donne la gestion de leur immobilier, de leur immeuble. C'est quelque chose. C'est probablement ça, quand le ministre dit qu'il veut responsabiliser les commissions scolaires.

Écoutez, j'entendais tantôt M. le chef de l'Opposition qui expliquait que c'était un retour à l'impôt foncier normalisé et que, bon, on se rendait compte, en fait, que le pourcentage, si on veut, ou le manque à gagner qui est nécessaire par élève pour assurer le fonctionnement à la commission scolaire serait fourni par le gouvernement. Ce serait une péréquation que, d'ailleurs, mon collègue d'Abitibi-Ouest a qualifiée de bien-être social, de forme de bien-être social, un genre de répartition des richesses, et

tout ça. On se rend compte que dans certains comtés...

Une minute? Mon Dieu! Merci, M. le Président.

Écoutez, on se rend compte que dans certains comtés les contribuables vont avoir des problèmes à assumer ces dépenses-là et... Bon. Puisque je dois conclure, je conclurai donc en disant que ce n'est pas évident que les commissions scolaires vont avoir leur compte, vont pouvoir rencontrer les besoins. C'est loin d'être évident parce que, dans certains milieux, dans certaines commissions scolaires, l'argent de plus qu'elles vont récupérer, elles vont avoir encore un manque à gagner par rapport aux dépenses qu'elles vont avoir à assumer pour l'entretien de leurs bâtiments. La population n'aura pas plus de services. Elle va devoir payer davantage. C'est un impôt déguisé aussi. C'est vrai que c'est un impôt déguisé.

Ce que le ministre des Finances n'a pas réussi à faire dans son budget, n'a pas eu le courage de faire au niveau de son budget, il le fait faire par les municipalités. C'est les municipalités qui vont aller chercher l'argent. En fin de compte, moi, je trouve que c'est très inquiétant aussi de voir la façon dont le gouvernement décide de nous passer le bâillon, de nous faire taire et qu'on arrête d'en parler. La façon de gouverner du gouvernement, je la trouve aussi très inquiétante. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. M. le Président, le ministre de l'Éducation, qui est un fin lettré, aurait dû se rappeler cette phrase de Talleyrand qui dit: "Vaut mieux se rétracter et s'en attribuer tous les mérites que de persister et être vaincu."

Bien entendu, M. le Président, qu'il ne sera pas vaincu en Chambre à cause de la dictature de la majorité qui règne de l'autre côté, mais il va être vaincu dans l'opinion publique. Cet homme à qui on prêtait toutes les vertus lorsqu'il exerçait un autre métier, celui de l'intégrité, celui de la défense des libertés, s'est fait malheureusement... Et je vais citer de nouveau Talleyrand: "L'ambition est comme le feu, elle se nourrit des matières les plus nobles comme les plus viles." Eh bien, M. le Président, le ministre de l'Éducation, dans une ambition politique qu'il a, s'est fait le complice d'un bâillon, c'est-à-dire d'un déni de liberté d'expression dans l'endroit qui est sans doute le temple de la liberté d'expression dans un pays, qui est l'Assemblée nationale d'un pays, le Parlement d'un pays.

Je vais vous avouer que je n'aurais peut-être pas été étonné de la part de certains autres ministres, mais de la part du ministre de l'Éducation qui a influencé toute mon adolescence quand je lisais ses éditoriaux dans un quotidien assez connu, je dois vous avouer quand même une certaine déception. L'idole est malheureusement descendue de son socle, la statue du commandeur a été déboulonnée. (17 h 30)

M. le Président, le ministre, hier soir, m'a corrigé quant aux chiffres, en disant que je m'étais trompé pour ce qui était des montants. J'ai accepté la correction que le ministre a apportée en toute humilité, n'étant pas détenteur de la vérité quant à moi. Il semble que, dans son cas, lui, il le sort. Sauf que, M. le Président, même avec les chiffres modifiés, il va en résulter pour les femmes et les hommes de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui ont ma première allégeance, parce que ce sont eux qui m'élisent ici dans cette Assemblée nationale... Eh bien, ce sont eux, M. le Président, qui vont payer les frais de cette pseudo-réforme, de cette pseudo-loi parce qu'elle n'est pas une loi, elle est tout simplement un "hold-up" de nouveau - c'est une phrase qui a été employée souvent et je pense que le terme est on ne peut mieux employé dans ces circonstances - M. le Président, un "hold-up" qui est fait dans les poches des contribuables.

M. le Président, je n'ai jamais considéré une loi avec une optique autre que: Est-elle bonne ou est-elle mauvaise pour les gens de Sainte-Marie-Saint-Jacques? Ça a toujours été ma première attitude, ce qui m'a amené, M. le Président, à voter certaines lois que nous présentait le gouvernement parce que j'avais l'honnêteté de les juger bonnes pour les citoyens de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Mais celle-ci, elle est néfaste. L'impôt scolaire, M. le Président, pourrait grimper de 128 % à Montréal, ça, c'était jeudi 12 avril 1990, dans le journal La Presse, et on disait: "Le maire Doré en appelle au bon sens du gouvernement québécois". Je dois avouer que dans le cas de mon maire, en appeler au bon sens du gouvernement québécois actuel, c'était un peu téméraire de sa part, mais enfin!

M. le Président, 128 % d'augmentation des taxes scolaires, quand vous savez fort bien, M. le Président, puisque, avant que vous occupiez le fauteuil de vice-président, vous étiez amené à faire de la politique partisane... Vous avez parcouru, M. le Président, la circonscription que je représente tentant désespérément de me faire battre, mais tout au contraire, votre présence, je pense, m'a aidé puisque vous connaissez la majorité que j'ai obtenue. Mais je ne vous en tiens pas rigueur, M. le Président, c'était en d'autres moments et en d'autres temps.

Mais vous avez vu, M. le Président, cette circonscription où, certes, il y a de très belles réussites que vous célébrez avec moi, M. le Président, mais où, malheureusement, subsistent

encore des îlots, des poches de pauvreté. Et ce sont eux qui vont payer, M. le Président. Comment peut-on penser - il s'agit d'une réforme scolaire - aux familles de Sainte-Marie-Saint-Jacques, M. le Président, qui voudront envoyer un enfant à l'université? Bon, premièrement, l'impôt scolaire étant pour augmenter, forcément, les taxes augmentent. Comme, dans ma circonscription - je tiens à le répéter comme je l'ai fait hier soir - la très grande majorité, la quasi-totalité, ce sont des locataires, eh bien, le propriétaire - c'est tout à fait normal, je ne le blâmerai pas - va refiler aux locataires la taxe, une partie de la taxe, M. le Président.

Et ce n'est pas les mesures compensatoires qui vont annuler les effets pernicieux de cette taxe, M. le Président. Et à ça s'ajoute, comme j'en donnais l'exemple hier, l'autre dollar qu'on est allé chercher dans les poches des contribuables avec les tarifs d'hydroélectricité, M. le Président, avec les sous qu'on est allé chercher encore dans la poche des parents. Donc, des gens de classe moyenne, dans mon comté, qu'on s'amuse à taper sur la tête. On est allé chercher de l'argent, je vous le répète, M. le Président, au niveau des frais de scolarité.

On a eu l'exemple également, M. le Président, du deuxième "hold-up", celui de la Régie de l'assurance automobile dont le mandat est tout à fait autre, ce que le ministre veut en faire quant aux revenus. Donc, on est allé, M. le Président, à la pointe du revolver, chercher de l'argent. Résultat, M. le Président: augmentation des permis de conduire, augmentation de l'assurance automobile. J'ai déjà commencé, M. le Président, à vous donner une série d'augmentations subséquentes que devra payer la grande majorité des électeurs et électrices de ma circonscription, M. le Président.

Et on va me dire après que cette loi-là est bonne? M. le Président, au niveau de l'éducation - et je peux vous en parler, c'est un domaine où j'ai oeuvré treize ans avant de venir ici à cette Assemblée nationale - ce que les parents demandaient, c'était une chose tout à fait contraire. C'était une vraie marge d'autonomie au niveau des commissions scolaires, c'était plus de pouvoirs à l'école. Ils ne demandaient pas une hausse supplémentaire.

Mais le ministre persiste parce qu'il a eu une commande. Ce n'est pas compliqué, il a eu une commande de son premier ministre et une commande du ministre des Finances, qui était: Vous savez, cher collègue, c'est gênant, dans le budget, de parler d'augmentation d'impôts; donc, il faudrait trouver une formule habile, un petit maquignonnage, là, un petit maquillage qui rendrait la chose peu détectable; et, finalement, on réussirait à aller chercher ces sous, là où on veut bien les trouver, c'est-à-dire auprès de la classe moyenne et, forcément, des gagne-petit. Le ministre, benoîtement, pour ne pas dire bêtement, s'est fait complice d'une décision politique comme celle-ci et nous présente un projet de loi qui, d'une part, viole une entente qui avait été établie en 1979 entre le gouvernement, donc l'État, et les municipalités, et, deuxièmement, une loi dont les conséquences vont être énormes. Le ministre aime bien prédire, mais j'ai l'impression qu'il est, dans cette loi, incapable de prévoir.

Pour terminer - M. le Président, puisque je sais que, dans votre cas, ce n'est pas le bâillon que vous m'imposez, mais une règle qui m'indique qu'il ne me reste, malheureusement, qu'une demi-minute - bref, c'est une loi votée dans des circonstances antidémocratiques, une loi antisociale qui, dans bien des pays, aurait soulevé des tollés beaucoup plus forts que chez nous. Et c'est la raison pour laquelle je vais persister à voter contre cette loi. Je vous remercie.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le député. nous poursuivons le débat avec le leader de l'opposition officielle et député de joliette. m. le leader.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, ce sera sans doute la dernière fois, en ce qui me concerne, que j'interviendrai sur cedit projet de loi 69 qui, à toutes fins pratiques, vient légaliser - si je peux m'exprimer ainsi - le nouveau compte de taxes scolaires que l'on recevra comme citoyens; c'est un peu ça. C'est un choix politique, je pense que le ministre de l'Éducation l'a expliqué assez clairement. C'est un choix politique qui a été fait par le gouvernement, c'est un fait; un choix politique que, dans les circonstances, nous ne partageons pas. Mais c'est un choix politique, et ça arrive qu'un gouvernement soit obligé de faire des choix politiques. Mais nous, on ne peut pas être d'accord, c'est évident. On ne peut pas être d'accord parce que, d'abord, en ce qui nous concerne... Je voudrais expliquer plutôt notre point de vue qu'essayer de deviner pourquoi le ministre... C'est à lui à l'expliquer, son choix politique.

Nous, on avait pensé, en 1979 - dans ces années-là - que le champ de taxation foncière devait plutôt appartenir au monde municipal. Quand on a révisé tout le champ de taxation, la nouvelle fiscalité municipale, après discussion, on s'est dit: II faut de moins en moins, comme État, aller envahir ce champ et laisser ce champ particulier au monde municipal. D'autant plus que l'éducation, ne nous leurrons pas, il n'y a pas tant d'années que ça, les gens avaient l'impression que ça relevait des taxes scolaires, dans bien des cas. Mais là où il n'y avait pas de compagnie, c'était inégal complètement, dans notre société. Il y a des compagnies qui étaient taxées, qui venaient aide» des petites commissions scolaires; je me souviens. La, par exemple,

si une commission scolaire avait la chance d'être près d'une immense compagnie comme les Papiers Scott, elle avait des revenus, pouvait avoir des titres d'éducation. On a décidé, au Québec, que l'éducation, c'était subventionné par le national et que, d'autre part, on laissait aux commissions scolaires une petite marge pour pouvoir corriger les anomalies ou pouvoir se donner certains petits services additionnels - c'est à peu près l'esprit. Ce avec quoi j'ai toujours été d'accord parce qu'il m'apparaît que l'éducation est une mission nationale et non pas une mission locale. (17 h 40)

Contrairement aux années 1960-1967, par exemple, où on pouvait avoir dans un milieu d'excellentes institutrices et d'excellents professeurs, parce qu'on avait la possibilité d'aller taxer nos contribuables sur le plan scolaire et de se doter de services différents ou meilleurs qu'ailleurs, on a voulu uniformiser un peu et ça part un peu de l'année 1967 où on a commencé par uniformiser les salaires. Après ça, on a uniformisé le mode de subvention. On a tenu compte de différentiels régionaux, si on parle des régions dites éloignées. Le danger que comporte le choix politique du gouvernement actuel, à mon point de vue, il est double. Tout d'abord on vient envahir à nouveau le champ de taxation municipal, le champ de taxation foncier, dis-je, pas municipal nécessairement. À mon point de vue, on réduit d'autant la capacité des gouvernements locaux de pouvoir aller en chercher davantage pour améliorer certains types de services. Parce que, que je sois maire d'une municipalité, échevin d'une municipalité, c'est ma même municipalité qui va aller chercher, à partir du champ de taxation foncier, de l'argent pour boucler le domaine scolaire, avec des plafonds - ça, je le reconnais - avec des limites, mais il reste qu'à court terme on enlève la possibilité d'aller chercher des montants pour des services qu'on se serait peut-être donnés si on n'avait pas ce nouvel envahissement du champ foncier. Ça, c'est un premier danger. le deuxième, à mon point de vue, aussi, c'est que ça ne crée pas nécessairement l'équité. ça ne crée pas nécessairement une équité, le fait de permettre d'aller chercher jusqu'à une limite de... parce qu'il y a des milieux... est-ce que ce sont ces milieux qui sont dans le besoin présentement, par rapport à d'autres? je ne suis pas certain. je ne suis pas certain que dans certains milieux... là-dessus, s'il y a un point avec lequel je partage un peu l'analyse du ministre, c'est le suivant. et ce n'est pas toutes les commissions scolaires effectivement - j'achète ça, ce n'est pas toutes les commissions scolaires; je ne dis pas qu'elles ne le feront pas - qui sont obligées de le faire, je suis sûr que ce n'est pas toutes les commissions scolaires. mais la tentation sera sûrement grande d'aller chercher pour les motifs suivants... parce que s'il est vrai que le gouvernement a accepté de remettre en question, comme cinquième point, les cinq conditions de l'union des municipalités et l'union des cités et villes, et l'union des municipalités régionales de comté, je pense que là, il pourrait y avoir tentation d'aller s'approprier un gâteau, sous prétexte qu'il n'est pas éternel. on verra.

Le deuxième danger, me dit-on, dans le milieu scolaire, c'est que certains ne s'occuperont pas, si ça devait durer, du parc immobilier. Ils vont plutôt se contenter d'aller chercher l'argent, de boucher à court terme, parce qu'il n'y a pas une obligation d'attribuer l'argent qu'on va chercher, avec la nouvelle responsabilité qui leur est confiée, à savoir l'entretien. Il n'y a pas une automaticité entre la perception de l'argent qui sera disponible et la nouvelle obligation qui leur est faite. Lui, c'est l'inverse de l'autre, si ça devait durer sur une longue période, il n'est pas certain que la qualité du parc immobilier puisse être conservée. Il y a toutes sortes de prétextes. Je le sais parce que je l'ai vécu dans le domaine hospitalier. On est passé avec un parc immobilier, dans le domaine hospitalier. C'était quasi une honte. Il y avait une vétusté épouvantable. Il pleuvait dans des salles d'accouchement au Québec. Même dans le comté du ministre de l'Éducation, on se rappellera, à deux endroits, ça faisait terriblement pitié, dans des salles d'urgence avec des boyaux au-dessus des têtes des patients, ça faisait pitié, merci, effectivement. De sorte que les gens ont "raboudiné" toutes sortes de choses et n'ont pas consenti des efforts corrects sur le parc immobilier comme tel.

Donc, M. le Président, plusieurs dangers. J'ignore complètement quelle sera la durée ou les effets de ce projet de loi là dans le temps mais, personnellement, je souhaite une chose, c'est que l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté du Québec et le gouvernement en viennent à conclure une entente encore une fois pour qu'on ait la paix dans ce secteur-là, qu'on établisse une fois pour toutes encore, pour au moins une décennie, une entente qui permettrait au monde municipal et au monde scolaire d'y trouver leur compte. Parce que je ne suis pas certain, M. le Président, je ne suis pas certain que le monde scolaire soit heureux. Le monde scolaire aurait été heureux si les 40 000 000 $ d'argent neuf ne s'étaient pas accompagnés de nouvelles responsabilités. Les commissions scolaires criaient. Et je le sais, j'ai des amis dans le monde scolaire, des directeurs généraux, des directeurs de l'éducation aux adultes, etc., directeurs du personnel, qui nous disent: Oui, on a besoin d'argent, mais si on a de l'argent et que c'est accompagné de nouvelles responsabilités, ça me donne quoi? L'argent que je demandais, c'était pour faire face aux obligations que j'avais. Mais là, les obligations que j'avais restent entières et les 40 000 000 $ que je reçois sur le plan national sont accompagnés de responsabilités additionnelles. Donc, ça ne

répond pas, selon eux, aux demandes formelles qu'ils faisaient au gouvernement.

M. le Président, on se retrouve donc devant le problème entier, si tel est le cas. Et les commissions scolaires ont donc raison de dire: Bon, bien moi, j'escomptais de l'argent pour faire face aux obligations auxquelles j'ai de la difficulté à répondre. Et, d'autre part, on me confie de nouvelles responsabilités en disant: Oui, mais on te donne de l'argent. Mais est-ce que l'argent suffira même pour payer les nouvelles responsabilités? Voilà toute la question. Et le monde municipal de rétorquer: Bien, écoutez, nous, on avait un champ de taxation privilégié et vous le laissez envahir à nouveau, alors qu'il y a quelques années, en 1979, vous aviez réglé ça comme gouvernement.

Donc, M. le Président, tout ça pour vous dire que ce type de législation que l'on a aujourd'hui, qui sera adopté en troisième lecture dans quelques heures, constitue à notre point de vue, M. le Président, non pas un mieux-être pour la collectivité, ça constitue tout au plus une échappatoire pour un ministère, mais il crée des problèmes pour un autre. Ça peut régler temporairement, je dis bien que ça peut régler, M. le Président, temporairement les problèmes de l'éducation, mais ça crée temporairement aussi, si on ne trouve pas de solution, un problème pour le monde municipal.

Donc, M. le Président, je n'ai pas besoin de vous dire qu'on sera contre, qu'on va voter contre. On a lutté contre. On a lutté longuement contre avec tous les moyens que nous offrait le règlement, vous en savez quelque chose, M. le Président. Vous avez passé quelques heures sur ce banc à écouter nos discours, mais il y avait un objectif fondamental, il y a beaucoup de sincérité et il y a beaucoup de conviction à l'effet que nous aurions pu nous en sortir autrement pour le mieux-être de nos concitoyens.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette. Je reconnais maintenant la prochaine intervenante, Mme la députée de Verchères. Mme la députée.

Mme Luce Dupuis

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Le ministre de l'Education a fait tantôt un savant exposé pour défendre son projet de loi 69, M. le Président. Mais moi, ça m'a amenée à m'inter-roger. Il y a quelques éléments que je vais présenter sous forme de questions, même si ce n'est pas une commission parlementaire et que ce n'est pas la période de questions.

M. le ministre nous parlait tantôt du dialogue qu'il voulait rétablir entre le gouvernement, les municipalités et les commissions scolaires. Je ne doute pas de son intention et j'espère que ce dialogue sera pour le mieux-être de nos commissions scolaires, de nos municipalités et des concitoyens et des usagers, que ce dialogue se rétablira, M. le Président. Cependant, ça m'amène à interroger le ministre et à lui dire que ce dialogue existait avant. Pourquoi l'avoir rompu? C'est bien de vouloir rétablir un dialogue, mais il faudrait peut-être s'interroger, à savoir pourquoi on l'a brisé avant et de façon unilatérale.

Pourquoi l'avoir fait en cachette? Le dialogue, les municipalités l'ont su lorsque le ministre, le gouvernement, a essayé de répondre aux demandes des commissions scolaires qui voulaient plus de marge de manoeuvre. Quel était l'historique des commissions scolaires? Elles avaient 6 % qu'elles pouvaient aller puiser dans le champ foncier des municipalités, 6 % pour des projets spéciaux, locaux, selon leurs besoins particuliers. (17 h 50)

Comme le gouvernement a baissé ses budgets pour les commissions scolaires, il en manquait et là, ce petit budget, cette petite marge de manoeuvre qu'avaient les commissions scolaires leur a été enlevée parce qu'elles devaient l'utiliser - vous l'avez entendu à maintes reprises, M. le Président - pour les tapis, les meubles, la maintenance, si vous voulez, des équipements immobiliers.

Là, les commissions scolaires demandent une marge de manoeuvre plus grande. Nous avons, d'une part, un gouvernement un petit peu obsédé de baisser sa dette, un gouvernement qui veut, par tous les moyens, essayer de dire: Si on ne baisse pas la dette, il ne faudrait peut-être pas l'augmenter. Et on voit que, dans ses politiques, c'est une constante, d'essayer de baisser cette dette. D'une part, vous avez ça; d'autre part, vous avez, comme je disais tantôt, les commissions scolaires qui demandent plus de marge de manoeuvre. L'occasion est trop belle, on saute dessus, on attrape la perche et on dit: Oui, je vais vous donner plus d'argent, mais je vais vous permettre d'aller jouer dans un deuxième...

Là, arrive la troisième partie, qui sont les municipalités, qui ne sont pas avisées et qui, là, apprennent que les commissions scolaires peuvent aller jouer dans le champ foncier des municipalités. Vous allez me dire: Les municipalités, ça ne les pénalise pas, ce n'est pas elles qui paient. Non, mais ce sont les mêmes contribuables en bout de ligne, M. le Président, et ça réduit la marge de manoeuvre. Il y a des capacités de taxation que des contribuables peuvent absorber, mais il y a des limites aussi. Au moment où les taxes sont assez hautes, que ça vienne du municipal ou que ça vienne du scolaire, il y a des limites à taxer les contribuables.

Ce que les commissions scolaires vont aller chercher, c'est évident que ça réduit la marge de manoeuvre des municipalités. C'est pour ça

qu'elles étaient si en colère. On ne peut pas dire qu'elles sont d'accord. Moi, dans mon comté, il y a 18 municipalités; 13 m'ont envoyé des motions - "attendu que", "attendu que"; je pense que tous les députés connaissent ce genre de demande des municipalités - pour les appuyer afin qu'on s'oppose ensemble au projet de loi tel que présenté par le gouvernement. 13 sur 18, c'est plus qu'une majorité ça, c'est une grosse majorité. Ça n'a pas empêché le gouvernement de passer sa loi quand même.

Je reviens à ce dont le ministre pariait tantôt. Il parlait de rebâtir - je voulais soulever quelques points - le dialogue. Il parle d'une table ministérielle et là, j'aimerais qu'il m'apporte, si c'est possible, quelques précisions. Il dit: Nous allons bâtir une table ministérielle, bien sûr, où les ministres concernés devront amener leurs points de vue et participer à ces décisions. Pour ça, je pense qu'effectivement je lui fais confiance. Je crois à sa sincérité de vouloir établir cette table-là. Mais là où il est moins sûr, je pense, c'est de rétablir le dialogue avec les municipalités et les commissions scolaires. Ça, c'est peut-être un petit peu moins certain parce que, là, c'est un petit peu moins sous son contrôle. Il faudrait peut-être qu'il les ramène de bonne humeur, M. le ministre. Ils sont drôlement choqués et avec raison, je pense.

Il y a un autre point que j'ai soulevé. M. le ministre parlait tantôt de la marge de manoeuvre accrue des commissions scolaires. Mais, comme disaient mes collègues tantôt et notre leader de l'Opposition, quelle marge de manoeuvre accrue de 40 000 000 $ pour les commissions scolaires les moins riches pour maintenir l'équipement immobilier? Je ne suis pas certaine, moi, qu'il va y avoir plus d'équité. Je ne suis pas certaine, puisqu'ils vont aller piger chez des contribuables d'une municipalité. Si, dans cette municipalité-là, les contribuables ne sont pas riches, bien, ils ne sont pas plus riches pour aller piger dedans. Je ne suis pas sûre, moi, que, finalement, ça va leur donner une marge de manoeuvre plus grande. Et la responsabilité. Laquelle? 40 000 000 $ en responsabilité. Je ne suis pas sûre, moi. Si je dis à mon fils: Écoute, je vais te donner tant par semaine de plus et tu t'habilles avec ça, il y a bien des chances qu'il vienne me revoir en me disant: Maman, tu ne m'en as pas donné assez. C'est ça qu'on ne sait pas. C'est une affirmation qui reste à prouver. Je ne mets pas en doute la bonne volonté du ministre, loin de là, ni sa sincérité, mais ça reste à prouver, si la marge de manoeuvre va être accrue.

Le ministre parle aussi de 3700 immeubles et il dit que 150 à peine ont besoin de réparations. Ils vont continuer à vieillir, ces immeubles-là, mais sa loi va rester là. Qu'est-ce qui va arriver quand les écoles vont avoir besoin de réparations majeures? Il va falloir qu'on aille taxer encore plus dans le champ foncier. Là, ça va bien, les immeubles sont bons et il y en a juste 150 qui ont besoin de réparations. Ça me fait penser un petit peu au fédéral - je sors un petit peu du contexte - qui dit aux municipalités: Je vais vous vendre mes quais pour 1 $. Dans mon comté, il y a la rivière Richelieu qui passe et il dit: Je vais vous vendre les quais pour 1 $. Mais, en voilà, un cadeau! Il y a à peu près 150 000 $ à mettre sur les quais; ils sont dans un état de décrépitude complète. Ça fait que tu leur vends pour 1 $ et tu leur dis: Répare-les. Ce que j'ai dit...

Une voix: Un cadeau de Grec!

Mme Dupuis: Un cadeau de Grec. Ce que j'ai dit, moi, au député fédéral, c'est: Bats-toi donc pour ça, là! Dis-leur donc qu'il le répare, le quai. Pas juste une minute? Ça n'a pas de bon sens.

Une voix: II l'"a-tu" réparé?

Mme Dupuis: J'ai dit: Qu'il répare son quai et, après ça, on l'achètera pour 1 $.

Une voix: ...cadeau à faire?

Mme Dupuis: C'est dérangeant quand on sait qu'il nous reste juste une minute, hein? On a une conclusion et...

Là, je pense que je vais finir juste par un petit point. Quand M. le ministre parle du coût des études universitaires, là, ça me touche de près pour avoir enseigné 12 ans à l'université, j'ai trouvé ça tout à fait inadmissible. Qu'on remonte un peu peut-être. Mais, au point où il est remonté, il y a eu, encore là, exagération. Je voulais simplement souligner au ministre que nos jeunes qui finissent avec des bacs ou des maîtrises, des fois, ça leur prend - et je sais de quoi je parle, quand tu enseignes 12 ans au niveau universitaire, tu sais un petit peu ce qui arrive à tes étudiants après - un an ou deux, avant qu'ils puissent se trouver un travail adéquat. Alors, les frais de scolarité... Donc, ils s'endettent. Et qu'est-ce qu'on fait pour nos jeunes qui ont de la difficulté à se trouver des emplois même s'ils ont un bac? Je ne pouvais pas passer sous silence cette remarque du ministre au sujet du coût des études universitaires.

Je vais conclure en disant que, bien sûr, on a sauté sur la perche des commissions scolaires qui voulaient plus d'argent. Bien sûr, on n'en a pas parié aux municipalités, et là, la dernière étape, c'est: On bâillonne l'Opposition. Motion de bâillonnement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Compte tenu de l'heure, je suspends ces travaux à 20 heures. Pardon?

M. Dufour: ...motion d'ajournement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non. M. le député, vous savez que si vous faites la motion d'ajournement... Vous savez ce que c'est qu'une motion d'ajournement? Le savez-vous? M. le député... M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Lefebvre: M. le député de Jonquière nous indique qu'il veut être certain de pouvoir reprendre le débat.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est la suspension parce que l'ajournement, ce n'est pas la même chose. Je m'excuse, M. le député. Vous lirez l'article 100 et vous comprendrez.

Donc, je suspends les travaux de cette Assemblée jusqu'à 20 heures. Merci.

(Suspension de la séance à 18 heures)

(Reprise à 20 h 15)

Le Vice-Président (M. Cannon): Veuillez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous allons reprendre le débat sur l'adoption du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé, présenté par M. le ministre de l'Éducation le 15 mai 1990. Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président. En premier lieu, on peut constater qu'on assiste à la fin d'un débat qui, véritablement, n'a pas eu lieu entre les véritables antagonistes ou entre les véritables concernés, puisque ce débat, au premier titre, aurait dû avoir lieu entre le gouvernement, les municipalités du Québec et le monde scolaire. On peut deviner par quel tour de passe-passe le ministre de l'Éducation a réussi son coup fourré, parce qu'il y a une façon d'arriver à ses fins, et ça prend une habilité presque, je dirais, machiavélique pour passer toutes les étapes auxquelles on a assisté, dont on a été témoins, témoins, bien sûr, nous qui avons constaté des faits qui se sont produits à notre insu et à l'insu des véritables concernés. La véritable partie de bras de fer s'est jouée au Conseil des ministres, à partir du 6 novembre 1989, et s'est résorbée ou conclue en date du mois de mars, du 6 ou du 15 mars environ. On ne se chicanera pas pour les dates précises, mais il y a une chose certaine, c'est que le début, c'est le 6 novembre.

Tout ça a origine d'un ministre qui, au moment où le pacte fiscal s'est conclu, n'était pas de la partie, avait refusé d'admettre que ce pacte-là avait atteint ses buts, avait été fait au vu et au su de l'ensemble de la population et avait été accepté par les parties. Parce que, ne nous le cachons pas, même en 1979, avant que le pacte municipal et gouvernemental soit conclu, déjà les règles du jeu étaient connues et déjà les commissions scolaires savaient hors de tout doute que leur autonomie concernant le pouvoir de taxation était limitée par les discours des ministres des Finances qui, eux, fixaient le taux de taxation. Voilà la sorte d'autonomie dans laquelle vivaient les commissions scolaires.

À partir de 1979, qu'est-ce qui s'est passé? On a accordé une certaine autonomie aux commissions scolaires, avec des barèmes très précis, mais dans lesquels elles pouvaient évoluer. Le problème ou les difficultés ont commencé lorsqu'il y a eu des manques évidents d'argent de la part du gouvernement qui a serré les octrois ou n'a pas respecté à 100 % son pacte envers le monde scolaire. Voilà, en gros, ce qui s'est passé. Mais qu'est-ce qu'on fait pour réparer l'erreur? C'est que celui qui a dénoncé avec le plus de véhémence ce qui s'est passé en 1979, parce que, prétendait-il, on avait écarté le monde scolaire de cette négociation, a refait exactement le coup en 1990, c'est-à-dire qu'il a réussi à écarter le monde municipal. Ce qui me fait dire, à la suite de mon propos, que le véritable débat a eu lieu, bien sûr, entre parlementaires, mais les véritables concernés ont été mis de côté. Voilà la sorte de gouvernement qu'on a devant nous, gouvernement qui escamote les problèmes autant que faire se peut, mais qui, en même temps, se désengage de ses responsabilités et tranfère aux autres son propre travail.

Qu'est-ce que ça va faire, ce tranfert de responsabilités au monde scolaire? L'autonomie nouvelle? Pour 320 000 000 $ de taxes qu'on va collecter, les commissions scolaires auront, en argent neuf ou en argent net, 13 000 000 $, ce qui veut dire une commission de 4 % pour agir comme collecteur ou percepteur de taxes au nom du gouvernement. Quelle est l'autonomie que ces commissions scolaires auront en retour? L'administration des écoles et, en même temps, ce qu'il y avait avant. Il n'y a rien de rajouté. Donc, à ce moment-là, leur autonomie et accepter de recevoir une péréquation augmentée de 27 000 000 $ qui leur permettrait de vivre à peu près au seuil du minimum accordé à l'ensemble du monde scolaire.

Quels sont les effets vis-à-vis du monde scolaire? C'est qu'il y a un paquet de commissions scolaires qui vont vivre en dessous ou au seuil de pauvreté, ce qui fait que l'éducation va en prendre un coup. Donc, voilà les qualités, les principales caractéristiques de ce projet de loi qui prendra terme au cours de la soirée. Et tout ça, encore une fois, parce que le gouvernement agit avec désinvolture dans la façon de taxer, parce qu'il a nié le pacte fiscal de 1980 et qu'il a mis le partenariat des municipalités de côté.

Rappelons-nous que, depuis 10 ans, les municipalités ont pris des responsabilités nouvel-

les parce qu'elles avaient un champ de taxation qui leur était propre. À partir de maintenant, les municipalités n'ont plus le même champ de taxation, ont gardé ces responsabilités et, en même temps, le gouvernement prévoit leur ajouter de nouvelles responsabilités. Il s'agit de regarder ce qui se passe. Les 320 000 000 $ ne sont qu'un début. La vraie recherche de ce gouvernement, c'est 1 300 000 000 $ qu'on veut aller chercher ou faire prélever par les autres. De quelle façon on l'obtiendra? Bien sûr en jouant sur le taux de la taxe foncière au profit des commissions scolaires, mais aussi, sûrement, en allant dans le transport en commun pour aller chercher les 275 000 000 $ ou pour que le gouvernement s'abstienne de donner 275 000 000 $ aux municipalités et, en même temps, par des hausses des coûts d'immatriculation à la recherche dans le régime d'assurance automobile, et en même temps dans l'entretien du réseau routier. Voilà en gros les visées et les buts que le gouvernement poursuit sous le couvert de cette partie de bras de fer qui s'est engagée entre deux ministres, parce que, en fait, c'est ça, entre deux ministres. Le débat s'est fait, bien sûr, portes closes.

Il y en a un qui a gagné, c'est le ministre de l'Éducation. Pourquoi j'identifie le ministre de l'Éducation comme un des vrais coupables, possiblement avec ses larrons - ils s'entendent bien ensemble - et le président du Conseil du trésor, qui a été certainement partie prenante. Parce qu'à aucun moment le ministre des Affaires municipales n'était intervenu dans ce débat. Celui qui a été élu, nommé pour défendre les intérêts des municipalités, à aucun moment on ne l'a entendu parler, à l'intérieur du débat qui s'est poursuivi ici, à l'Assemblée nationale. Les seules fois qu'on l'a entendu parler, c'est qu'on l'a entendu pleurer quelque part, à l'extérieur pour dire: Moi, je ne voulais pas, mais ils m'ont eu. Mais j'ai fait mon travail pareil. C'est ça, ce qui a été dit. C'est ça qu'on constate. C'est ça qu'on voit. Si ce n'était pas ce qui s'est passé, c'est certain que le ministre des Affaires municipales serait ici, devant nous, pour défendre son projet de loi. Mais il ne pourrait pas, et il n'a voté nulle part. Je vous mets au défi de chercher, dans tous les votes qu'on a pris concernant la loi 69, la griffe ou la présence du ministre des Affaires municipales.

Ça ne vous étonne pas, vous autres, en face? Ça ne vous dérange pas? Vous êtes en frais de passer non seulement sur le dos des contribuables, mais vous passez sur le dos du ministre des Affaires municipales qui, lui, est complètement escamoté, évacué du débat, il ne faut pas se le cacher. Ça, c'est la réalité. Et je vous invite à la regarder en face, mais je voudrais aussi faire appel à des gens qui ont exercé la fonction de maire parmi vous autres. Ceux qui ont déjà vécu avec les bénéfices que la Loi sur la fiscalité municipale a apportés à leurs concitoyens et à leurs municipalités, je vous invite à réfléchir là-dessus. De quelle façon pouvez-vous défendre une loi qui apporte des conséquences aussi néfastes dans le milieu: baisse de la qualité de l'éducation, baisse aussi de la qualité de vie par rapport aux citoyens? Parce que, malgré les éléments que j'ai soulevés, c'est évident que les municipalités sont prêtes à s'engager dans d'autres dossiers et dans d'autres domaines. Il s'agit juste des invitations pressantes que le ministre de l'Environnement pourrait faire aux municipalités pour leur dire que ça serait bien qu'elles s'impliquent dans l'environnement.

Regardons le ministère de la condition féminine et de la famille, c'est quoi? C'est encore des appels pressants aux municipalités. Tous les ministres de l'autre côté sont prêts à demander aux municipalités de leur aider à faire un meilleur travail. Et de quelle manière qu'on le fait? C'est en les écrasant, en les écartant du débat et en les mettant de côté. Voilà des éléments sur lesquels on doit réfléchir et auxquels on devrait faire attention. Ce n'est pas comme ça qu'on peut régler les rapports entre les individus. Ce n'est pas toujours un rapport de force, c'est surtout un rapport de compréhension, un rapport de cheminement, de partenaires. Et le gouvernement qu'on a en face, malheureusement, par l'entremise du ministre de l'Éducation, a renié ce rapport harmonieux qui a existé. Et il y a un prix à payer. Et lorsque je vois des gens qui applaudissent, je dis que déjà ils applaudissent leur défaite. Leur défaite, c'est justement de poser des gestes souventefois qui sont arrogants, qui vont à rencontre des besoins de la population et qui font qu'on transfère aux autres ce qu'on n'a pas le courage de faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Jonquière. Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, vous me voyez un peu chagrinée d'avoir, pour la dernière fois, la chance de parler sur ce projet de loi et je voudrais m'adresser principalement aux citoyens et aux citoyennes du Québec. Ils ne sont pas couchés à cette heure-ci. C'est une bonne heure pour faire une intervention pour leur parler directement à eux, aux citoyens et aux citoyennes du Québec, mais je devrais les appeler les contribuables parce que, depuis le discours sur le budget, ils contribuent et ils vont contribuer. Parce que, depuis le discours sur le budget, c'est dans leur poche que ça va faire le plus mal.

Contribuables du Québec, c'est à vous que je m'adresse ce soir, parce que le 1er juillet 1990 - on est le 19 juin - dans exactement 11 jours, le gouvernement que nous avons en face

de nous ira chercher dans vos poches 320 000 000 $ de taxes foncières scolaires. N'avons-nous pas raison, dans ce cas-là, de les appeler les contribuables? On va aller chercher dans vos poches 320 000 000 $, mesdames et messieurs, pères et mères de famille, parents de jeunes ou de plus grands enfants. Nous irons chercher dans vos poches 140 $ par famille. C'est ça que ça représente.

Qu'allons-nous faire avec nos gens qui ont déjà de la difficulté à arriver, qui ont de la misère à attacher les deux bouts, pour arriver en fin de semaine? 140 $ par famille et on dit que ce gouvernement est un gouvernement qui favorise les familles! De la foutaise! C'est de la foutaise. Ça va coûter 140 $ de plus par famille, simplement pour payer les taxes scolaires, pas pour 56 affaires, pour payer les taxes scolaires.

Et ce sont les propriétaires et les locataires de l'année prochaine, parce que là les baux sont signés, qui se verront amputés, dans leurs poches, de 140 $ par famille, c'est-à-dire 320 000 000 $ pour tous les contribuables du Québec. Est-ce que les gens sont en droit de s'attendre que, si on va chercher 320 000 000 $ dans leurs poches, ils vont avoir plus de services, ils vont recevoir plus de services en éducation? Est-ce que ce serait à ça que les gens devraient s'attendre? "Niet". Ce ne sera pas des services de plus. Non. Non. Pas de services de plus. Savez-vous pourquoi? Parce que pendant qu'on va chercher 320 000 000 $ dans leurs poches, dans l'autre main, avec l'autre main, le ministre de l'Éducation, le gouvernement du Parti libéral va prendre 307 000 000 $ en subventions aux commissions scolaires pour le fonctionnement des équipements. Donc, il va rester un tout petit montant. Ça veut dire que c'est encore les contribuables qui vont payer la facture. (20 h 30)

M. le Président, c'est une taxe foncière répressive, c'est une taxe inacceptable, une taxe que le ministre des Finances a annoncée et que les autres exécutent parce qu'il n'était pas capable de le demander directement. Il fait faire la job sale par les autres. C'est ça. Et dans 10 ans, nos écoles, de quoi elles vont avoir l'air? Est-ce que le ministre peut nous jurer que toutes les écoles vont être en bonne forme et qu'on n'aura pas de regret de l'acte qu'on est en train de poser? En tout cas, ça ne sera pas notre faute, M. le Président. On a tenté de faire toutes les étapes du projet de loi, mais vous vous souvenez, il y a quelques jours, de ce qui est arrivé. On a eu un bâillon, un des trois. Un des trois bâillons, c'est ça qu'on a eu. Ce n'est pas la faute de l'Opposition parce que l'Opposition a tenté de faire son travail et elle va tenter de le faire jusqu'au bout.

M. le Président, est-ce que nos municipalités du Québec vont être plus heureuses que nos familles du Québec? Est-ce que nos municipalités vont remercier le gouvernement et lui dire: Merci beaucoup, vous avez bien agi? Non, M. le Président. Non. Les municipalités sont insultées. Toutes les municipalités du Québec sont insultées d'avoir été trichées par leur partenaire, d'avoir été mises à part, mises à part des discussions qui auraient pu faire en sorte qu'un projet de loi soit mis de l'avant en accord avec les deux partenaires - les trois, parce qu'il y a deux associations: les MRC et les municipalités du Québec. Mais leur partenaire ici, à l'Assemblée nationale, le gouvernement libéral, c'est ce partenaire-là qui a fait défaut. Ce ne sont pas les municipalités. Les municipalités avaient même offert à ce partenaire 75 000 000 $, de bonne foi, pour montrer qu'elles étaient capables de faire un acte pour aider le gouvernement à s'en sortir. Qu'est-ce que le partenaire de ces municipalités-là a fait? Il les a laissé tomber, il les a laissé tomber. C'est ça qu'il a fait, M. le Président. Il ne s'est pas contenté des 75 000 000 $ qui étaient quand même un bon montant d'argent. Il ne s'est pas contenté des 75 000 000 $. Il a été beaucoup plus à fond. Et il a laissé tomber ses partenaires, les municipalités.

Je ne sais pas, M. le Président, dans l'esprit de ces gens-là, si le mot "partenariat" a encore une signification. En tout cas, je suis persuadée au moins d'une chose. C'est que dans l'âme et dans le coeur des municipalités, le mot "partenariat" qu'elles connaissaient avant n'a plus la même signification. Il est totalement disparu. Quand tu es partenaire de quelqu'un, c'est que tu fais confiance à quelqu'un et quand ce quelqu'un te fait faux bond, eh bien, la confiance n'existe plus et c'est là qu'on est rendu, M. le Président. On est rendu que les municipalités n'ont plus du tout confiance au gouvernement libéral. Nos familles du Québec non plus parce qu'il n'y aura pas seulement les taxes scolaires, il va y avoir les ponctions dans la Régie de l'assurance automobile. Il va y avoir aussi, dans plusieurs autres domaines, une augmentation par la bande; non pas directement, mais par la bande, qui va faire que nos municipalités vont être encore plus pauvres et vont avoir de la difficulté à joindre les deux bouts. Et on se dit un gouvernement qui veut faire en sorte que nos familles grossissent davantage, que nos familles soient plus à l'aise et que nos familles soient plus heureuses? C'est la façon de ce gouvernement de prouver à nos familles qu'il est capable de les aider. On les égorge. C'est ça qu'on fait. On leur met taxe par-dessus taxe et on va les chercher directement dans leurs poches. C'est encore plus insultant, plus grave encore.

Je voudrais bien savoir, M. le Président, comment le ministre des Affaires municipales va faire pour récupérer ce partenaire que sont les municipalités. Quand on dit que les commissions scolaires ne sont même pas contentes de ce qui se passe, parce qu'elles savent très bien que le cadeau qu'elles ont reçu, c'est un cadeau empoi-

sonné, M. le Président, empoisonné parce que la taxe qu'ils vont chercher dans leurs poches va être diminuée d'autant ici. Je n'en voudrais pas, moi non plus, d'un cadeau comme ça, M. le Président. J'aime les cadeaux, mais les cadeaux sincères, pas les cadeaux empoisonnés.

J'aimerais bien savoir comment ce gouvernement va faire pour aller chercher, pour recouvrer cette confiance. Oui, c'est vrai, le prochain qui va se lever de l'autre bord, va dire: Bon! On vient d'être élus, là. On a été élus le 25 septembre...

Le Vice-Président (M. Cannon): ... Mme la députée.

Mme Juneau: Oui, M. le Président, je vais conclure. Le 25 septembre, ça ne fait pas longtemps, on vient d'être élus. Les gens nous ont fait confiance. Mais, après tout ce que vous avez fait et depuis le discours sur le budget, la confiance, on la retrouve beaucoup plus bas. Puis, M. le Président, si le ministre avait été responsable et qu'il avait écouté l'Opposition, peut-être qu'on n'aurait pas le problème qu'on a aujourd'hui, puis que les familles vont payer.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée de Johnson. M. le député d'Ungava.

M. Christian Claveau

M. Claveau: M. le Président, comme vous voyez, on est toujours en pleine forme, on est toujours prêt à continuer à défendre les intérêts de la population devant ce gouvernement qui semble en faire fi trop volontairement, qui expédie d'une façon très cavalière les intérêts du peuple du Québec.

Ce n'est pas la première fois dans les dernières 24 heures que nous avons à intervenir sur ce projet de loi qui a fait l'objet d'un bâillon, projet de loi qui brise le pacte fiscal de 1979, projet de loi qui a été rejeté à l'unanimité par les municipalités du Québec. Ça fait pas mal de monde, ça, M. le Président. Projet de loi aussi qui a été rejeté du revers de la main de la façon la plus spectaculaire que l'on puisse imaginer par l'Union des municipalités régionales de comté du Québec, parce qu'ils ne pouvaient croire, toutes ces gens, qu'un gouvernement pouvait aussi facilement renier sa parole, qu'un gouvernement pouvait aussi facilement fouler aux pieds un autre niveau de gouvernement. Parce que, ne l'oublions pas, M. le Président, le domaine municipal, c'est un niveau de gouvernement tout aussi important au niveau local que peut l'être le gouvernement du Québec sur le plan national. Un niveau de gouvernement qui a des responsabilités, qui a une gestion quotidienne à faire de ces responsabilités-là et qui a à répondre directement à la population à laquelle il donne les services qui lui incombent.

M. le Président, ce niveau de gouvernement n'en revient toujours pas de la façon dont il est traité par le gouvernement supérieur qui lui a donné les mandats avec lesquels il a à travailler aujourd'hui, tout près des populations, beaucoup plus près des populations.

M. le Président, j'ai été maire et je vous assure d'une chose, c'est que, lorsque vous jouez dans la taxation, lorsque vous avez à modifier quoi que ce soit qui touche le portefeuille de vos citoyens quand vous êtes maire, ça ne prend pas de temps que ça rebondit à la table du conseil, ça ne prend pas de temps que l'hôtel de ville s'emplit pour faire part des revendications. Et je peux vous assurer d'une chose, c'est que, dans ce contexte-là, ce n'est pas facile d'imposer le bâillon à une population.

Ici, en cette Chambre, le gouvernement peut imposer le bâillon, facilement même, très légèrement devrais-je dire, aux représentants du peuple qui ne sont pas de son avis, mais un conseil de ville peut plutôt difficilement imposer le bâillon à une population qui envahit l'hôtel de ville pour lui faire connaître directement sur place ses points de vue, ses revendications. (20 h 40)

M. le Président, en modifiant le pacte fiscal de 1979, eh bien, le gouvernement vient d'acculer les conseils municipaux au pied du mur. Ah! le gouvernement dit: Nous ne touchons pas à la capacité de taxer de la municipalité; l'Opposition n'a rien compris. Ce n'est pas là qu'on va, c'est dans la taxe scolaire. Ça va être aux commissions scolaires à augmenter leur taxation locale, pas aux municipalités. Donc, en quoi, dit ce gouvernement, pouvons-nous affecter la capacité de taxation des municipalités?

Eh bien, je vais vous le dire, M. le Président, comment ce gouvernement est en train de jouer dans la taxe foncière et nuire fondamentalement aux municipalités dans leur gestion du quotidien et dans les comptes qu'elles ont à rendre immédiatement sur le terrain à la population à qui elles donnent des services. Vous savez, un maire peut difficilement se cacher derrière une limousine ou dans un hélicoptère pour rejoindre sa maison de l'hôtel de ville, il doit se promener à travers son monde. Un ministre peut toujours se réfugier dans une limousine. Un premier ministre peut toujours voyager en hélicoptère, s'il a peur de sa population, mais un maire peut difficilement le faire. Il doit se promener sur le trottoir avec ses concitoyens et, dans la plupart des cas, il travaille avec eux, parce que les maires à temps plein, au Québec, il n'y en a pas une foule, et la plupart sont, à toutes fins pratiques, des bénévoles qui veulent bien participer à leur façon à la vie active de leur communauté, mais avec leur monde, et non pas en confrontation avec leur population.

Par ce projet de loi, M. le Président, le ministre de l'Education, de connivence avec le

ministre des Affaires municipales, est en train d'enlever la marge de manoeuvre que pouvaient avoir les municipalités dans leur propre champ de taxation. C'est ça qui se passe. À partir du moment où on va chercher 320 000 000 $ en taxes supplémentaires dans le champ foncier pour répondre à des besoins qui, normalement, devraient être comblés à partir des fonds du Trésor public du Québec pour les commissions scolaires, pour le service d'éducation, eh bien, en faisant cela, on enlève par le fait même une marge de manoeuvre du même ordre de 320 000 000 $ aux municipalités pour faire face aux nouveaux besoins auxquels elles auront nécessairement à faire face.

Quand je regarde en plus, M. le Président, un ministre des Transports qui vient nous dire en cette Chambre, bien candidement, le sourire aux lèvres, qu'il envisage la possibilité de transférer une part des responsabilités d'entretien des routes aux municipalités, sous prétexte que ça coûte trop cher au gouvernement, il pense que ça va coûter moins cher aux municipalités? Qui va payer, M. le Président? Qui va payer? Le gouvernement? Ce serait surprenant; s'il le transfère aux municipalités, c'est justement pour sauver de l'argent puis pour faire plaisir au président du Conseil du trésor. Alors, il n'enverra sûrement pas l'argent avec, si jamais il va jusque-là. Ça va représenter des frais supplémentaires pour les municipalités, M. le Président. Il va falloir taxer quelque part, ou l'argent va être allé aux commissions scolaires, parce que le ministre de l'Éducation a été plus vite que son collègue des Transports et il a compris qu'il fallait qu'il se dépêche d'aller chercher cet argent-là dans les poches des contribuables pour aider, lui aussi, son collègue du Conseil du trésor qui semble avoir la dent longue.

Donc, M. le Président, on diminue substantiellement la marge de manoeuvre des municipalités. On rend la gestion municipale excessivement difficile, dans la mesure où on leur enlève une part importante de leur capacité de taxer, en plus du niveau de taxation qu'elles ont actuellement, parce que les municipalités sont juste comme les autres niveaux de gouvernement, elles ont à donner des services à une population, population qui réclame, à juste titre, ces services-là. Elles doivent les donner dans les meilleures conditions possible. Les municipalités aussi font face à l'indexation. Les municipalités aussi font face à de la dette à long terme. Les municipalités aussi font face à des problèmes du quotidien ou des problèmes imprévus. À l'occasion, elles doivent dépenser des sommes plus importantes qu'il était prévu, justement parce qu'il est arrivé des événements incontrôlables en cours d'exercice. Ça arrive dans les municipalités. Les municipalités ont besoin de cette marge de manoeuvre et on la leur enlève candidement, M. le Président. Après, on se surprend qu'elles soient toutes contre. On se surprend que les municipalités ne soient pas d'accord. Imaginez-vous jusqu'à quel point ce gouvernement est insensible à la dynamique sociale locale, à la dynamique de base qui régit les relations entre les individus sur le terrain, là où se passe l'action.

Ce gouvernement, M. le Président, est un gouvernement de tour d'ivoire, gouvernement de 52e étage, loin du trottoir, loin de la mêlée, loin des vrais problèmes, un gouvernement qui n'a pas l'habitude de regarder un problème en face et qui prend panique dès qu'il y a une vibration un peu suspecte quelque part, à l'instar de certains de ses ministres qui se sont ramassés sous des tables lors de certains tremblements de terre. C'est comme ça que ce gouvernement gère. Il se ferme les yeux, il refuse de voir la réalité. Il n'a qu'une obsession, ses équilibres comptables, et en transférant la responsabilité à d'autres, en modifiant les façons de taxer pour que ce soit d'autres, finalement, ou que ce soit autrement que l'on perçoive les fonds qu'il devrait normalement donner à partir du Trésor public, eh bien, il réussit à donner l'opinion dans la population, à garder une espèce d'auréole à l'effet qu'il administre bien, qu'il diminue le déficit. C'est facile de diminuer le déficit lorsque l'on transfère la responsabilité de payer ses dettes au voisin.

C'est comme ça qu'on est gérés. La Loi sur l'assurance automobile que l'on a aussi sous forme de bâillon devant cette Chambre, c'est le même principe. On transfère la responsabilité ailleurs et, après, on vient se vanter d'avoir diminué le déficit, ce qui, de toute façon, n'est pas évident. Et après on se demande pourquoi les gens ne sont pas contents. On ne comprend pas que certains puissent être insatisfaits de ce genre de décision là.

M. le Président, en guise de conclusion, j'inviterais le gouvernement à sortir de sa tour d'ivoire, à se rapprocher de la mêlée. Peut-être qu'il pourra comprendre un jour la véritable dynamique humaine qui régit notre société. Ce serait un avantage pour tout le monde.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député d'Ungava. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Merci, M. le Président.

M. Khelfa: M. le Président! M. le Président! En fonction de notre règlement, est-ce que je peux poser une question au député d'Ungava?

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui, en fonction de l'article 213, vous désirez poser une question au député. M. le député d'Ungava, est-ce que vous acceptez de répondre à une question du député de Richelieu?

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Cannon): Mme la députée de Johnson, s'il vous plaît!

M. Claveau: Après les prochaines élections, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): D'accord. Alors, il n'y a pas consentement. M. le député de Bertrand.

M. Khelfa: Avec la même répartition. Merci. M. François Beaulne

M. Beaulne: À peu près tout a été dit sur le projet de loi 69, à la fois sur son contenu et sur la façon dont il a été piloté dans cette Chambre. Je n'ai pas l'intention de renchérir sur ce qu'ont dit mes collègues, mais j'aimerais simplement faire quelques remarques finales avant l'adoption du projet en question.

M. le Président, je trouve d'abord que ce projet de loi est malencontreux parce que la conjoncture pour l'introduire est mal choisie. Elle est mal choisie parce que le projet de loi est introduit dans une période d'incertitude quant à l'évolution de la fiscalité publique, aussi bien au niveau fédéral qu'au niveau du Québec. Il aurait été préférable, à mon avis, de procéder à une réforme de l'ampleur de celle-ci dans le contexte d'une réforme globale de la fiscalité québécoise plutôt que de procéder à la pièce, comme on est en train de le faire dans ce contexte. Vous vous souviendrez sans doute que le gouvernement fédéral, dans son dernier budget, ainsi que le gouvernement du Québec, dans son dernier budget, ont déjà annoncé l'amorce d'un virage important de la fiscalité publique, à la fois au niveau canadien et au niveau québécois, en annonçant un virage du côté de la taxation indirecte. Le projet de loi 69 s'inscrit très bien dans cette mouvance vers la taxation indirecte, vers l'augmentation des revenus gouvernementaux à partir de services rendus spécifiquement à la population plutôt que par la voie de l'imposition directe sur l'impôt des individus.

Il se peut fort bien que le projet en question ait pu faire l'objet d'une réforme en profondeur dans un contexte beaucoup plus global mais, dans le contexte actuel, il m'apparait dangereux de procéder à la pièce plutôt que d'étudier ce projet-ci, de là même façon qu'on étudie le projet sur la Régie de l'assurance automobile du Québec ou d'autres projets qui ont des incidences financières, et surtout via la taxation indirecte et la perception indirecte de fonds, qu'on étudie ces projets de loi indépendamment de l'orientation générale que l'on souhaite donner aux finances publiques au niveau du Québec. Deuxièmement, la réforme en profondeur... (20 h 50)

Le Vice-Président (M. Cannon): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président. Je m'excuse le Président...

Le Vice-Président (M. Cannon): En vertu de quel article?

Mme Juneau: Je ne sais pas le numéro du règlement, M. le Président. Ce que je veux vous dire, c'est qu'on entend des chuchotements. Mon collègue a droit à son droit de parole.

Le Vice-Président (M. Cannon): En vertu de l'article 32, alors, "les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée. "Ils occupent la place qui leur a été assignée par le président, y demeurent assis et gardent le silence à moins d'avoir obtenu la parole. "Ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui et au bon fonctionnement de l'Assemblée."

Alors, je demanderai aux collègues qui ne sont pas assignés à leur fauteuil de reprendre leur fauteuil. Ceux et celles qui désirent poursuivre des caucus, qu'ils aillent à l'extérieur, il y a des places pour ça.

M. le député de Bertrand, s'il vous plaît, vous pouvez poursuivre.

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je disais, comme premier commentaire final sur l'opportunité d'introduire ce projet de loi, qu'il me semblait malencontreux et inopportun en raison de l'absence d'une réforme globale de la fiscalité publique québécoise.

La deuxième raison qui m'incite à intervenir à ce stade-ci à rencontre du projet concerne la façon dont il a été piloté. Une réforme en profondeur de l'ampleur de celle qui est envisagée par le projet de loi 69 aurait eu avantage à se faire par voie de consensus plutôt que d'être imposée aux principaux intervenants concernés et d'être imposée également à l'Assemblée nationale du Québec. Nous connaissons tous les avantages qui militent en faveur d'une participation par consensus à des réformes de l'ampleur de celle qui nous est présentée aujourd'hui. Malheureusement, par la façon dont il a été piloté, à la fois dans cette Chambre et surtout auprès des principaux intervenants concernés, ce projet de loi n'a fait, en somme, que semer la méfiance et éveiller les soupçons entre des partenaires qui, jusqu'ici, s'entendaient très bien.

Troisièmement, M. le Président, cette réforme, à mon avis, ne change pas grand-chose, sinon d'avoir contribué à instaurer un climat de méfiance entre les municipalités et les commis-

sions scolaires. J'ai eu l'occasion, hier, d'intervenir et d'expliquer que selon moi, d'abord, ce projet de loi aura peu d'incidence sur la responsabilisation des gestionnaires des commissions scolaires, puisque les montants qui sont visés ont peu d'importance sur la responsabilité qu'ont des gens sur l'administration des biens publics. J'ai eu l'occasion de signaler que l'ampleur des montants a finalement peu d'incidence sur la saine gestion que doivent avoir les gestionnaires publics.

Deuxièmement, ce projet aura peu d'incidence sur la participation au vote. Je n'ai vu nulle part d'indications ou d'études, ou je n'ai été aucunement convaincu que ce projet de loi, en ajoutant des fonds supplémentaires à être gérés par les commissions scolaires, va inciter la population à participer davantage au vote. Je veux bien donner au ministre le bénéfice du doute. Nous verrons le 4 novembre prochain si, effectivement, ce genre de démarche est de nature à inciter la population à exercer davantage ses privilèges de vote au niveau des commissions scolaires.

Troisièmement, je suis convaincu que ce projet de loi aura très peu d'incidence sur les finances publiques du Québec, puisque les fonds additionnels que les commissions scolaires iront puiser chez les contribuables, au détriment des municipalités, n'ajouteront pas de sommes considérables au fardeau que doit déjà absorber le ministère de l'Éducation quant au financement du système général d'éducation au Québec. Si l'on ajoute l'impact de l'inflation, si l'on ajoute le vieillissement des équipements, si l'on ajoute l'augmentation de la population scolaire, principalement la population scolaire d'âge primaire, et par conséquent l'augmentation de la population scolaire d'âge secondaire, étant donné, comme on le sait très bien et fort heureusement d'ailleurs, que le taux de natalité au Québec a commencé à se réajuster à un niveau plus normal, il est à prévoir que, dans les années à venir, le ministère de l'Éducation devra assumer des responsabilités encore plus grandes au niveau du financement des équipements, au niveau de la création d'écoles. Et, à ce chapitre-ci, je dois souligner que déjà le ministère a des problèmes pour faire face à ses responsabilités en ce domaine, principalement en raison des mouvements démographiques qui s'effectuent autour des grands centres urbains du Québec. Aussi bien dans la région métropolitaine de Québec que dans la région métropolitaine de Montréal, on assiste à un déplacement de la population qui remet en question la façon dont ont été conçues et dont ont été éparpillées les installations éducationnel-les dans ces régions. Déjà, le ministère de l'Éducation a des problèmes à faire face aux besoins de services additionnels requis par ces populations. Sur la rive sud de Montréal, nous en vivons des exemples tout à fait particuliers, en particulier dans la région est de la commission régionale de Chambly.

M. le Président, pour avoir peu d'incidence finalement, somme toute, sur les finances publiques du Québec, sur le fardeau fiscal du ministre de l'Éducation, et, par contre, pour semer la bisbille entre des partenaires importants comme les municipalités et comme les commissions scolaires, j'estime que le jeu n'en valait pas la chandelle et que plutôt que d'introduire un projet de loi de la façon dont il a été introduit il aurait mieux valu attendre un peu plus, élargir la base de consentement et surtout procéder par voie de consensus. M. le Président, voilà les raisons voilà pourquoi, en compagnie de mes collègues, je voterai contre ce projet. Merci.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Bertrand. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Oui, il est important d'intervenir, en cette dernière occasion, sur le projet de loi 69 qui nous est soumis par le ministre de l'Éducation, responsable de l'enseignement supérieur et des sciences. Et j'allais un peu reprendre - parce que 10 minutes pour s'exprimer sur un projet de loi qui a une telle importance au niveau de ce qu'il va signifier pour l'avenir... J'avais déjà eu l'occasion de m'exprimer à l'occasion de la prise en considération du rapport de la commission qui, finalement, a été bâillonnée et qui n'a pas pu aller jusqu'au bout de sa réflexion autour de ce projet de loi. Je disais donc que j'allais intervenir sur ce que signifie pour le monde municipal, pour le monde scolaire, ce que ce gouvernement est en train de faire à ces organismes locaux, à ces gouvernements locaux.

Le ministre reconnaissait hier qu'effectivement il s'agit bien là d'une nouvelle taxe. Ce transfert de responsabilités du ministère de l'Éducation vers les commissions scolaires, en particulier sur le volet du MAO, de l'aménagement, de l'outillage et de l'ameublement, va donc obliger les commissions scolaires à aller chercher dans l'assiette fiscale des contribuables au niveau de l'assiette foncière, plus de sous dans le portefeuille des familles du Québec. Et c'est de ça, fondamentalement, qu'il s'agit de discuter ici. Ce gouvernement a choisi - enfin jusqu'à ce qu'il se ravise, mais il ne semble pas que ce soit l'intention du ministre jusqu'à maintenant - ce gouvernement a choisi de dire: Nous avons un certain nombre de responsabilités qui nous sont accordées, que nous avons adoptées ensemble au Québec au niveau de la réforme de notre système d'éducation et je décide, en quelque sorte, de changer les règles du jeu. Je décide, par la bande, par ce projet de loi, que les commissions scolaires vont devoir aller chercher dans la poche des contribuables beaucoup plus d'argent

en termes de répartition de l'effort d'éducation au Québec, aller chercher directement dans la poche des contribuables plutôt que de le faire via un mécanisme panquébécois, parce que nous nous étions donné une approche universelle de réponse aux besoins de l'éducation de façon que les enfants de la petite municipalité de Laforce dans l'est du Témiscamingue, que les enfants d'Outremont, que les enfants de la Gaspésie et que les enfants d'autres quartiers de la ville de Québec aient exactement droit aux mêmes services, au même support, à la même qualité pédagogique de services et de formation pour donner l'égalité des chances pour l'accès et l'entrée sur le marché du travail avec une formation qui soit équitable, qui soit bonne et qui leur permette de bien gagner leur vie et de participer à l'évolution et au développement du Québec. (21 heures)

Ce que l'on dit aujourd'hui, c'est: On révise tout cela. Certains pourront prétendre qu'il ne s'agit là que d'une petite partie, que d'une infime partie du financement des commissions scolaires et que le principe général - le ministre a même évoqué les chiffres la nuit dernière -pour démontrer qu'il s'agissait là de chiffres à la marge, finalement, quant au financement des commissions scolaires... A sa face même, au niveau du financement de l'ensemble des commissions scolaires, le ministre a raison: Là où il faut s'inquiéter, c'est ce qu'on est en train d'introduire comme principe de gestion. Il suffit d'ouvrir un tout petit peu la porte pour comprendre qu'en ayant le pied qui, maintenant, dépasse le seuil de la porte d'autres seront tentés, lorsqu'on vivra d'autres difficultés financières au niveau du gouvernement national, au niveau du gouvernement du Québec, eh bien, de pousser un petit peu plus loin l'ouverture de la porte. Et ça, ça correspond aussi à une façon de gérer de ce gouvernement, que la population, fondamentalement, n'accepte pas.

Voyez la méthode, elle est presque invariablement la même. On prive de ressources un certain groupe de la population, certains organismes fondamentaux dans le Québec, on prétexte ou on dit: Nous n'avons plus les fonds suffisants pour être capables de nous donner les services que nous avons voulu nous donner au Québec, par exemple, en matière d'éducation. J'ai appelé ça, aux premières heures, avec le ministre de l'Éducation, lorsque nous étions à discuter de la réforme du système de prêts et bourses mais qui, en fait, correspondait en réalité à l'augmentation des frais de scolarité, à la méthode de la privation, à la méthode de l'appauvrissement.

Je te retire les moyens de réaliser les objectifs pour lesquels cet organisme, cette commission scolaire, cette université ont été créés. Je fais en sorte qu'il y ait tellement de privation qu'un matin, comme un cadeau venant du ciel, je change ma version et je dis: Oui, voyez, je comprends tellement vos besoins, je comprends tellement vos difficultés, je comprends tellement que vous avez besoin davantage d'outils pour réaliser votre mission que, moi, je suis prêt à légiférer non pas pour vous donner ces moyens supplémentaires dont vous avez besoin pour réaliser votre mission, mais je suis prêt à légiférer, à vous donner un cadre législatif pour aller en chercher plus dans la poche des particuliers, dans la poche des contribuables, dans la poche des familles pour vous permettre de réaliser ce que vous poursuivez comme objectif et pour obtenir réponse aux réclamations que vous faites depuis des mois, des années, dans un certain nombre d'autres cas.

Voilà ce qui se passe au niveau de l'augmentation des frais de scolarité aux étudiants! Voilà ce qui va se passer et ce qui est en train de se passer au niveau du réseau routier avec le fait qu'on va autoriser, avec un bâillon, de force le ministre à aller piger dans la caisse, dans la mutuelle de l'assurance automobile du Québec qui appartient à tous les Québécois! Voilà ce qui est en train de se passer également au niveau de l'éducation! Les commissions scolaires ayant manifesté depuis un très grand nombre de mois, un grand nombre d'années qu'elles avaient des besoins tellement grands et des moyens tellement petits pour répondre à ces besoins-là et le ministère de l'Éducation distribuant goutte à goutte ses subventions pour répondre à ces besoins, on dit: Aujourd'hui, on va vous faire un grand cadeau; on va vous donner la permission d'aller piger dans la poche des citoyens et des citoyennes, des familles; alors, on va vous donner un cadre législatif, c'est le régime de la privation. C'est comme, parfois, une méthode qui est utilisée avec les enfants. On dit: Je te prive tellement que le matin où je te donnerai un tout petit morceau, un tout petit morceau de récompense, ça deviendra comme de recourir totalement à sa liberté et à sa capacité d'agir.

Même processus, donc, au niveau des commissions scolaires en disant: Voyez-vous, nous sommes grands seigneurs; voyez-vous, nous comprenons tellement vos besoins au niveau des commissions scolaires; on comprend tellement que vous avez besoin de fonds supplémentaires que, oh! cadeau suprême, on va vous donner la permission d'aller fouiller dans la poche des autres. Processus inacceptable, se défiler devant la véritable responsabilité qui a été confiée au ministère de l'Éducation sur le plan national: assurer l'équité, assurer à chacun des organismes scolaires pour chacun des enfants du Québec, que nous puissions donner un service de qualité égale sans se soucier nécessairement de la capacité de payer, effectivement, des familles où qu'elles soient au Québec, mais plutôt un principe de répartition parce que nous avions choisi au Québec, non pas de dépenser en éducation, mais d'investir au niveau de l'éducation. Voilà, pourquoi, M. le Président, je pense que le

ministre doit y songer une dernière fois et faire en sorte de continuer la réflexion avec les instances locales et retirer ce projet de loi pendant qu'il en est encore temps. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril: Merci, M. le Président. Ce gouvernement nous arrive encore avec un projet de loi d'une vingtaine d'articles et, si on se fie uniquement au titre de la loi, ça semble tout à fait pas compliqué. Ça s'appelle le projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé. Quand on lit le titre, on pourrait penser, on pourrait s'imaginer que ce projet de loi va encadrer l'enseignement au Québec, va permettre ou obliger les commissions scolaires a enseigner plus de temps, à accorder plus de temps à l'enseignement du français ou de l'histoire, je ne sais pas quoi. C'est la Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé.

Quand on ouvre la première page et qu'on prend connaissance des notes explicatives, on s'aperçoit que ce projet de loi est tout autre, une orientation tout autre que ce que le titre désigne ou définit. On s'aperçoit que ce gouvernement a développé depuis bientôt cinq ans une façon tout à fait dangereuse de légiférer, une façon dangereuse pour la démocratie au Québec, parce que, d'abord, un gouvernement se voit dans l'obligation de respecter un autre palier de gouvernement que sont les élus municipaux, que sont les élus des commissions scolaires. Ce sont des gouvernements élus pour la base et par la base, proche de la base. Ce gouvernement, sans tenir compte de ces critères-là, décide unilatéralement de modifier les règles du jeu. Et je ne sais pas s'il tire son expérience ou l'exemple du gouvernement fédéral, mais il fait exactement ce que le gouvernement fédéral fait depuis des années; moins le gouvernement fédéral a des revenus, plus il a de déficits, plus il retourne ça aux provinces.

Et ce gouvernement fait exactement le même jeu à cause d'une mauvaise planification, à cause d'une situation économique plutôt facile depuis les sept, huit dernières années, à cause des programmes de relance que le Parti québécois avait implantés pendant qu'il était au pouvoir. Ce gouvernement n'a pas su faire profiter la population du Québec de cette période de croissance pour prévoir les situations économiques, les situations financières qu'on vit présentement. Et ils ont le culot, M. le Président, de dire: C'est la faute de l'autre gouvernement. Ça fait cinq ans qu'ils sont là et ils disent: C'est encore la faute de l'autre gouvernement.

Par ce projet de loi, on permet aux commissions scolaires d'augmenter leurs revenus en allant chercher plus de revenus de taxes au niveau des contribuables. Quand on regarde ça comme il faut, au début, je m'en souviens, certaines commissions scolaires, celles de mon coin, étaient toutes fières et toutes heureuses à cause du désengagement de l'État face au financement du fonctionnement des équipements dans les dernières années; les commissions scolaires se voyaient serrées un peu dans leur administration. Elles étaient toutes contentes que le ministre leur permette d'élargir leur champ de taxation. Elles ont déchanté vite, M. le Président, quand elles se sont aperçues que le gouvernement, en leur permettant d'aller chercher plus de revenus, se retirerait encore davantage du fonctionnement des équipements. (21 h 10)

Chacun de mes collègues s'est levé en cette Chambre, en commission parlementaire, à l'étude du projet de loi en deuxième lecture, en tout cas, dans toutes sortes de procédures ici, c'est la troisième fois qu'on parle sur ce projet de loi et le seul qui a la vérité, M. le Président, c'est le ministre de l'Éducation. Il s'en va droit avec son idée, seul maître à bord. Il dit: C'est moi qui ai la solution. C'est moi qui ai le jeu. C'est moi qui ai la pogne et c'est moi qui vais saisir le magot. Le ministre de l'Éducation s'en va droit, comme un seul homme, imaginez-vous, en regardant chaque bord de lui et en invitant pratiquement les gens à le regarder, à voir sa capacité d'imposer aux contribuables des surplus en taxation d'une façon tout à fait, je dirais, vertigineuse.

Le cadeau de Grec, on a juste à regarder les coupures. Des fois, on peut dire: Vous savez, l'Opposition est là pour s'opposer. L'Opposition charrie et elle dit n'importe quoi; elle fait écouler le temps. Bon. Le ministre de l'Éducation qui a été journaliste un bon bout de temps, je ne sais pas combien d'années, il a été journaliste et éditorialiste, devrait faire confiance... Il devrait, je ne dirai pas écouter, mais il devrait lire ses collègues ou ex-collègues journalistes. Dans le peu de temps qui m'est alloué, M. le Président, jamais je n'aurais le temps d'uniquement lire que les titres que ses collègues ou ses ex-collègues journalistes ont écrit sur la réforme que le ministre fait. J'en ai un ici, le journal Le Droit: "L'odieux de la taxe sans la marge de manoeuvre. Le cadeau empoisonné déçoit les commissions scolaires." Ça, ce n'est pas l'Opposition, ça, ce n'est pas Jacques Baril; ce n'est pas le député d'Arthabaska. C'est un journaliste qui écrit ça. Paul Gaboury, Le Droit, et c'est ce que je disais: II permet aux commissions scolaires d'aller chercher 320 000 000 $ pendant que, lui, il se retire pour 307 000 000 $. Il reste 13 000 000 $ de plus, M. le Président, aux commissions scolaires. Voilà le cadeau de Grec. Voilà ce qui est empoisonné. Et c'est pour ça

qu'on dit que, selon une étude qui a été faite par son ministère, en 1988 - ce n'est pas vieux ça, hein - ça prendrait 400 000 000 $ au Québec pour remettre à neuf l'ensemble du parc immobilier, sans parler, bien entendu, de rendre tous ces immeubles conformes aux lois et règlements du gouvernement.

Ici, un autre journal. "Accentuation des inégalités sociales au détriment des régions rurales." Ce gouvernement s'acharne, M. le Président, d'une façon catastrophique sur les régions. C'est épouvantable! Les régions se meurent, partout au Québec, et ce gouvernement, je ne sais pas si c'est parce qu'il ne va pas en région, qu'il les ignore ou qu'il passe seulement en avion ou en hélicoptère, mais les régions se meurent au Québec et on n'en tient pas compte. On n'en tient pas compte et cette réforme-là va encore pénaliser davantage les régions. Quand bien même qu'on permettrait aux commissions scolaires d'aller chercher jusqu'à 0,35 $ des 100 $ d'évaluation, quand on sait la différence au niveau de l'évaluation foncière, au niveau d'une maison, d'une résidence en région, d'une résidence construite dans les grands centres, dans les quartiers favorisés, jamais, M. le Président, les commissions scolaires ne seront capables d'aller chercher le manque à gagner dans les régions et comment feront-elles pour être capables de répondre aux besoins, aux urgences des commissions scolaires?

Un autre journaliste, du Journal de Québec, Normand Girard - c'est un journaliste assez connu et respecté par bien du monde; le ministre de l'Éducation devrait, il me semble, le croire - "L'iceberg fait surface. Surcharge de 1 400 000 000 $ ajoutée à 320 000 000 $ de taxes scolaires." C'est facile à lire et c'est facile à comprendre. Non. Le ministre de l'Éducation s'en va la tête haute, seul maître à bord. C'est moi qui ai raison, il n'y a pas de problème.

L'Union des municipalités du Québec prédit une hausse de 700 $ la facture moyenne de l'impôt foncier, voyez-vous. Et à l'Union des municipalités du Québec, puisqu'on en parle, de bonne foi au début, ils ont permis, comme bons partenaires, ils avaient accepté que le champ foncier des commissions scolaires s'élargisse jusqu'à 70 000 000 $, 75 000 000 $. Voilà le désenchantement de l'Union des municipalités du Québec quand on a appris, quelques semaines après, pour ne pas dire quelques jours, que ce n'était plus 70 000 000 $, que c'était 320 000 000 $, M. le Président. Voilà, M. le Président! On utilise souvent une expression "le bras dans le tordeur". Les municipalités ont accepté une partie, le bras est rentré et elles sont en train d'y passer le corps.

Actuellement, j'appelle tous mes maires pour discuter avec eux du partage de la grande assiette - imaginez-vous, hein? - pour l'aide aux chemins municipaux que le ministère des Transports nous accorde. On a tous des budgets, c'est épouvantable. Je suis en train de discuter avec tous les maires. Actuellement, je vais vous dire, j'en ai 11 d'appelés. Sur 11, il y en a 9 que la première chose dont ils m'ont parlé, ça a été justement de l'intrusion, l'augmentation de la taxation foncière scolaire dans le champ des municipalités.

Et on se rappelle que le gouvernement s'était engagé à augmenter d'année en année le pourcentage de remboursement de taxes que le gouvernement doit payer sur ses écoles, sur ses immeubles. Et le Parti québécois l'avait monté jusqu'à 50 %. Le gouvernement du Parti québécois payait jusqu'à 50 % de ses taxes, comme bon citoyen. On devait le monter graduellement. Ça fait cinq ans que ce gouvernement est en place, ça fait cinq ans qu'il profite d'une croissance économique et, imaginez-vous, M. le Président, qu'ils n'ont même pas augmenté de 1 %, comme bons citoyens, leurs taxes sur leurs immeubles.

C'est pour ça que nous, de notre bord, on dénonce à tour de bras, comme on peut, ce projet de loi que le gouvernement s'apprête d'une façon tout à fait hypocrite de venir taxer davantage, faire imposer davantage un fardeau fiscal à l'ensemble des contribuables québécois.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Eh bien, je vais joindre ma voix à mes collègues de ce côté-ci qui m'ont précédé pour essayer en 10 minutes - je pense que ce n'est pas possible, mais on va encore tenter, c'est comme ça que le système démocratique fait qu'une société évolue - de convaincre en 10 minutes le gouvernement qu'il ne doit pas chambarder 10 années d'harmonie et de partenariat avec les municipalités du Québec. C'est aussi simple que ça. Parce que n'oublions jamais que, dans une société, il y a des valeurs fondamentales, des valeurs qu'il nous faut absolument respecter si on veut garder le respect des gens et que les gens ensuite respectent les lois. C'est comme ça que ça doit fonctionner.

Dans notre système démocratique, il y a d'abord le respect des autres, le respect des institutions, le respect des accords. En 1979, le gouvernement québécois a signé un pacte avec les municipalités du Québec qui a fait en sorte de leur réserver la presque totalité de l'impôt foncier, de la taxe foncière. C'est important, et les municipalités nous ont prouvé, au cours de ces quelques dernières années, que les municipalités sont des gens responsables, efficaces, parce que, dans les municipalités, effectivement, ça va mieux. Les gens connaissent les règles du jeu, prennent leurs responsabilités, taxent en fonction de ce qu'ils donnent en services à leurs citoyens.

Mais là, par cette loi-là, on fait quoi?

D'une façon unilatérale, sans consultation, contre la volonté d'un des partenaires majeurs de l'État, c'est-à-dire le monde municipal, le gouvernement décide de briser le pacte. Et ça, c'est grave. En démocratie, le gouvernement dort être là pour donner l'exemple par rapport à nos habitudes, à nos coutumes, à nos règles et à nos lois. Et ce qu'on est en train de faire ici ce soir, finalement, c'est de constater que le gouvernement de l'autre côté a rompu de façon unilatérale un pacte majeur avec les municipalités. Et ils ont fait ça suite à une motion d'ajournement, en plus, où on vient bafouer les droits des parlementaires de l'Assemblée nationale du Québec. Il n'y a vraiment pas de quoi pavoiser et se vanter par une loi semblable. (21 h 20)

Les citoyens qui nous écoutent, qui n'ont pas copie du projet de loi, doivent se demander de temps à autre de quoi on est en train de discuter. On parle de municipalités, on parle de commissions scolaires, on parle de pacte, d'entente et on parle de fiscalité. C'est vrai que c'est mêlant, parce que c'est une façon voulue de tromper les gens.

Le projet de loi 69, en fait, c'est une loi qui vient taxer les citoyens québécois. C'est aussi simple que ça, et c'est seulement ça. Sauf qu'en même temps, ça vient rompre avec des ententes antérieures. Mais ça donne quoi au gouvernement, la loi 69? Ça lui donne tout simplement la possibilité de faire taxer les commissions scolaires au lieu de taxer lui-même directement, pour être capable de financer l'éducation. C'est ça que ça veut dire. L'annonce qu'on est en train de faire par la loi qui est déposée ici, dont nous sommes en train de discuter, la loi 69, c'est pour dire aux contribuables québécois: Ne soyez pas surpris, sur le prochain compte de taxes qui s'en vient au cours des prochaines semaines, vous allez payer probablement deux fois plus de taxes scolaires, par la loi que nous sommes en train de voter, ici, à l'Assemblée nationale. C'est ça que ça veut dire. C'est une augmentation d'environ 300 000 000 $ de taxes que les contribuables québécois devront débourser sur une base annuelle. 300 000 000 $ de plus par année. On peut dire, de l'autre côté, qu'on n'augmente pas les impôts et les taxes, je comprends, on fait faire ça par d'autres institutions du système public et parapublic. Le gouvernement s'en iave les mains, ou plutôt, non, il attache les mains des autres en les forçant à aller chercher de l'argent dans les poches des contribuables pour, lui, ne pas avoir à le faire.

Ce que fait le ministre de l'Éducation, en présentant ce projet de loi, il ne vient pas en aide aux commissions scolaires, il ne vient pas améliorer la qualité de l'enseignement au Québec, il vient seulement permettre au gouvernement d'économiser. Le ministre des Finances n'a pas à trouver de l'argent supplémentaire pour financer le système scolaire au Québec, le système d'éducation. Même, il fait une économie par rapport aux dépenses qui, normalement, si on avait respecté le système actuel, auraient coûté plus cher au gouvernement du Québec via son ministère de l'Éducation. Non, le gouvernement économise, parce qu'il renvoie aux commissions scolaires une partie des charges.

Pourtant, avec la Loi sur la fiscalité municipale, il y avait une partie de la taxe foncière qui avait été réservée aux commissions scolaires, mais ça avait été réservé pour des services particuliers. Cette part, qui était maintenue aux commissions scolaires, devait, en principe, servir au financement des dépenses non éligibles aux subventions du gouvernement et répondre aux besoins spécifiques de chacune des régions. C'est ça, la réalité des choses. On s'était entendus, en 1979, pour réserver la presque exclusivité du champ de taxe foncière aux municipalités en disant aux municipalités: Vous êtes responsables de votre développement. Si vous voulez donner plus de services à votre communauté, allez chercher davantage de taxes.

L'État a décidé d'assumer sa responsabilité au niveau de l'éducation pour permettre à tous les citoyens et toutes les citoyennes du Québec d'avoir des chances égales dans quelque chose d'aussi fondamental que l'éducation, la formation de nos jeunes, qui sont les citoyens de l'avenir. Équité par rapport à nos jeunes, équité par rapport à nos travailleurs dans le système scolaire, puisqu'il y a une convention collective uniforme sur l'ensemble du territoire québécois. Une politique qui vient refléter la volonté du Québec d'avoir un bon système d'éducation. Mais, pour avoir une couleur locale, pour répondre à des besoins spécifiques de nos localités, il y avait une marge de manoeuvre. Si, tout au long des années quatre-vingt, le gouvernement avait maintenu un financement suffisant aux commissions scolaires et que les commissions scolaires avaient pu aller chercher seulement l'argent nécessaire pour les services locaux, les services particuliers, on ne serait pas ici ce soir, probablement, en train de légiférer pour aller combler ce manque à gagner des commissions scolaires parce qu'elles ont dû utiliser cet argent pour des services particuliers et locaux pour financer le système pédagogique, même le système des immobilisations, dans certains cas, d'entretien et d'aménagement de nos écoles. Pourquoi? Parce qu'il y avait sous-financement du ministère de l'Éducation.

Donc, c'est le gouvernement qui n'a pas respecté ses engagements au cours des dernières années. Et pourtant, qui va devoir payer maintenant? Les commissions scolaires, d'abord, parce qu'elles vont devenir des percepteurs de taxes à la place du gouvernement, les municipalités parce qu'elles viennent de perdre l'exclusivité qu'elles avaient acquise au cours des années, mais surtout les contribuables québécois qui se voient imposer,

par ce projet de loi, ce soir, une augmentation considérable de la taxe scolaire dès cette année, dès 1990. Alors, ne soyez pas surpris, contribuables québécois, si votre compte de taxes augmente considérablement cette année, c'est que le gouvernement a décidé de vous imposer, mais de le faire indirectement par les commissions scolaires. Donc, après l'augmentation d'Hydro-Québec, c'est maintenant une autre augmentation, mais qui n'est pas faite directement par le gouvernement, mais que le gouvernement s'est chargé de faire faire par quelqu'un d'autre.

Donc, ce qu'on est en train de dire par ce projet de loi là, et c'est pour ça qu'on est contre: Contribuables québécois, le gouvernement libéral va aller chercher dans vos poches des taxes scolaires, dans certains cas, deux fois supérieures à ce qu'elles étaient l'an passé. Donc, ce n'est pas un projet de loi d'éducation, ce n'est pas un projet de loi pour l'amélioration de la qualité de l'enseignement, ce n'est pas un projet de loi pour régler les problèmes dans nos écoles du Québec. C'est un projet de loi qui aurait dû probablement être amené directement par le ministre des Finances. C'est un projet de loi qui fait en sorte de pénaliser financièrement les contribuables québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Shefford. Comme prochain intervenant, M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je remarque que vous êtes revenu parmi nous. Vous avez dû quitter le congrès de Calgary. Parce que, comme on légifère comme des taupes...

Le Vice-Président (M. Cannon): Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Lévis. Vos réflexions à l'égard de la présidence n'ont absolument pas lieu ici, en cette Chambre. Vous avez la parole, vous vous prononcez sur le projet de loi qui est en cause ici. À vous la parole, M. le député.

Des voix: Bravo!

M. Garon: M. le Président, je peux quand même constater que vous êtes revenu parmi nous, puisque vous n'y étiez pas hier et vous y êtes aujourd'hui. Et, M. le Président, pourquoi? Parce qu'on légifère comme des taupes, la nuit. Le Parlement a siégé jusqu'à 8 h 30, ce matin. Imaginez-vous!

Une voix: 8 heures.

M. Garon: 8 h 10. J'ai demandé au secrétaire de l'Assemblée, 8 h 10, M. le Président. Est-ce qu'on trouve normal qu'un Parlement siège toute la nuit, comme des taupes, c'est-à-dire à la noirceur et en ne voyant pas trop clair? Je pense que ce n'est pas normal. Il n'est pas trop tard, il est 21 h 30 et tantôt on appellera un projet de loi qui va marcher jusqu'à 2 heures, 3 heures, 4 heures, peut-être 5 heures du matin, ce n'est pas normal. Pourquoi? Parce que ce n'est pas la façon de travailler dans un Parlement où on doit adopter des lois publiques pour le public en général. Et ce n'est pas normal qu'on fonctionne de cette façon-là.

J'ai remarqué qu'on veut aller chercher beaucoup d'argent des contribuables dans une période difficile, une période de récession économique, une période où le chômage s'accroît, une période où, actuellement, le taux d'inoccupation au Québec atteint des nombres incroyables; on parie même, dans certaines régions, jusqu'à 60 % d'inoccupation, selon les relevés qui ont été faits par des spécialistes des affaires sociales. (21 h 30)

Alors qu'Hydro-Québec augmentera ses tarifs, entre le début de l'année 1990 et le printemps 1991, de 23 %, on est bien loin des taux de l'inflation, que les taux d'intérêt augmentent de plus en plus, que la plupart des gens normaux, qui ont des familles, qui ont des enfants, doivent renouveler leur emprunt hypothécaire actuellement avec des accroissements considérables des taux d'intérêts, qu'est-ce que le gouvernement a fait? On dirait qu'il veut empirer la situation des citoyens. Empirer, pourquoi? Vous avez les taux d'électricité de 23 %, les taux d'intérêts qui vont atteindre 14 %, 15 % dans l'intérêt hypothécaire. Le gouvernement va aller siphonner la caisse de la Régie de l'assurance automobile du Québec, 625 000 000 $ sur cinq ans, en plus d'aller chercher de l'argent rétroactivement pour les fins de services ambulanciers à Montréal, où on va payer 1500 $ le voyage, plus le kilométrage. Et quand ça sera d'autres citoyens, ça sera 70 $ le voyage, plus le kilométrage. Parce que, là, on dit qu'on a une gestion d'homme d'affaires! Alors que, dans certains cas, ça va être 70 $ le voyage, dans d'autres cas ce sera 1500 $ le voyage, quand c'est la Régie de l'assurance automobile, c'est-à-dire que les citoyens vont payer. L'an prochain, il y aura la TPS qui fera augmenter le taux d'inflation. Le gouvernement fédéral admet 1,2 %. On voit que des organismes comme Hydro-Québec n'anticipent même pas que sur les fournitures la taxe de 13,5 % sera enlevée. Donc, ceux qui prévoient le taux d'inflation estiment que le taux d'inflation l'an prochain pourra augmenter entre 2 % et 3 % à cause de la taxe sur les produits et services du gouvernement fédéral.

Le gouvernement, à ce moment-ci, le ministre de l'Éducation veut aller chercher 320 000 000 $ en taxes scolaires, en impôt foncier, pour financer l'éducation. Sauf qu'au bout de la course, c'est le même payeur de taxes, toujours le même payeur de taxes qui, lui,

va être siphonné, "squeeze". Un peu comme autrefois quand on était jeune, on prenait une sauterelle et on disait: "Donne-moi du miel ou bien je te tue". On disait à la sauterelle: Donne-moi du miel ou bien je te tue. Mais, là, on a l'impression que le gouvernement libéral prend le contribuable dans sa main et lui dit: Tu vas donner du miel et je ne te tuerai pas parce que je veux que tu continues à en donner.

Ça n'a pas de bon sens, M. le Président! Il faut quand même avoir un minimum de planification dans un gouvernement. On ne peut pas taxer les gens de tous bords et de tous côtés en s'imaginant qu'ifs ont des ressources illimitées. Les citoyens n'ont pas des ressources illimitées. Les citoyens n'ont pas des capacités de payer illimitées. Un grand nombre de citoyens vivent au jour le jour. Je comprends qu'on peut faire des lois en pensant à ceux qui ont des maisons principales et des maisons secondaires, sauf que plus de 50 % des gens sont à loyer. Les gens ne sont pas des millionnaires.

Actuellement, on regarde ce qui se passe dans le gouvernement. On remarque actuellement, c'est de tous bords, de tous côtés des taxes, l'une n'attend pas l'autre. En même temps, on réduit les exemptions fiscales. Les 1000 $ que les gens pouvaient déduire en intérêts ne sont plus déductibles. On trouvait que 1000 $ de déduction fiscale, c'était trop. On l'a enlevé. Et, aujourd'hui, on se retrouve devant des citoyens qui vont être un peu désespérés. Je regardais, aujourd'hui, le maire de Lévis-Lauzon qui a décidé de ne pas se représenter. Et une des principales raisons qu'il donnait, il disait: Les années qui s'en viennent pour les municipalités vont tellement être difficiles que je laisse la place à d'autres. Pourquoi? Parce que les citoyens vont être appelés à contribuer, pas que chaque mesure individuellement peut être analysée, mais comme ensemble. Ça fait un ensemble trop gros, trop fort dans une période de récession économique. Dans une période de récession économique, comme on vit présentement, où le chômage va augmenter, les charges sociales vont augmenter, les paiements sociaux vont augmenter, les gens vont être plus serrés financièrement, le gouvernement a choisi à ce moment-ci d'ouvrir les moteurs et de faire en sorte que tous azimuts on taxe les contribuables davantage.

Dans ce cas-là, il s'agit du financement scolaire. Il y a quelques mois, il s'agissait des frais de scolarité à payer et en grande partie qui vont être payés par les parents, encore une fois. Dans d'autres cas, il s'agit des taxes d'Hydro-Québec. Dans d'autres cas, il s'agit des municipalités qui vont devoir augmenter leurs taxes parce qu'elles devront refinancer leur dette municipale à des taux d'intérêts plus élevés. Les gens qui, il y a six mois, pensaient que les municipalités boucleraient leur budget selon les prévisions, se rendent compte qu'actuellement, l'an prochain, elles devront refinancer une partie des dettes municipales et en les finançant à des taux d'intérêt qui sont plus élevés actuellement. Ce qui veut dire qu'actuellement le citoyen en 1990 et encore plus en 1991, et surtout en 1991, sera assailli par des taxes qui vont venir de tous bords et de tous côtés.

Mais quand le ministre des Finances disait, lors de son discours sur le budget, quand le ministre des Finances essayait de faire croire aux gens qu'il avait un budget où il n'y aurait pas d'augmentation de taxes, il faut le faire! Je me disais: Le ministre des Finances est comme les vieux chevaux. En vieillissant, on dit que les vieux chevaux deviennent vicieux, peuvent devenir vicieux. Mais quand un ministre des Finances en vient à dire que, dans son discours sur le budget, il n'y avait pas d'augmentation de taxes, alors qu'il y en avait partout, mais ce n'était pas lui qui les imposait directement... C'était Hydro. C'était le siphonnage de la Régie de l'assurance automobile qui, après, devra augmenter ses primes parce qu'elle aura été siphonnée de 877 000 000 $ au cours des cinq prochaines années, alors qu'on était allé lui chercher déjà 526 000 000 $ entre 1986 et 1990. Ce serait presque 1 300 000 000 $, seulement à la Régie de l'assurance automobile. Et on essaie de faire croire aux gens que ça n'apparaîtra pas finalement, que ça n'apparaîtra pas, qu'on peut prendre impunément dans une caisse 1 300 000 000 $ sans qu'éventuellement on doive augmenter les primes.

Alors, c'est pour ça que je dis, M. le Président, que cet ensemble de mesures fait que le citoyen va avoir trop à payer. Hier, je donnais l'exemple des enfants, des endroits où il n'y a plus d'enfants qui devront payer davantage de taxes. Le ministre m'avait dit à ce moment-là: Oui, mais le primaire, le secondaire, le collégial et l'universitaire, ça fait 9 000 000 000 $ et, là-dessus, on parle de 300 000 000 $. Oui, mais on ne parle pas par rapport au scolaire dans son ensemble, on parle ici par rapport au primaire et au secondaire où on va aller chercher autour de 300 000 000 $. Et ce n'est pas seulement parce qu'il y a ces 300 000 000 $, mais c'est parce que ça s'ajoute à un ensemble d'autres mesures.

Alors, M. le Président, je termine là-dessus. Seulement 10 minutes là-dessus. Au fond, j'avais à traiter à peu près de 30 000 000 $ à la minute. Et ça fait de grosses sommes d'argent. Tout simplement, je voudrais vous dire en terminant là-dessus que, comme président, j'aimerais ça que vous puissiez trouver le moyen qu'on puisse davantage débattre ces questions parce qu'il n'est pas normal que, dans une session, on ait fait trois bâillons sur des lois qui vont aller chercher des centaines et des centaines de millions dans les poches des contribuables. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Lévis. Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le Président, le ministre de l'Éducation, cette année, remporte la palme. Il aura réussi à lui seul, au mépris des objectifs d'accessibilité à l'éducation, à aller chercher des fonds nouveaux de l'ordre de 400 000 000 $, et, à lui seul, et sur deux ans, c'est 500 000 000 $. Si on additionne les deux ans, c'est 900 000 000 $, c'est près du 1 000 000 000 $, M. le Président. Il est performant, le ministre de l'Éducation: 125 % d'augmentation des frais de scolarité, et on estime que sur quatre ans il ira chercher 1 400 000 000 $ des contribuables, des propriétaires fonciers. Il sera cette année le champion collecteur de taxes auprès des citoyens, et ce, au mépris du droit de l'équité et de l'accès à l'éducation.

M. le Président, dans ce dossier, cette loi, tout le monde est floué, les commissions scolaires, les municipalités, les parlementaires, le Parlement et les payeurs de taxes. D'abord, revenons aux commissions scolaires. Les commissions scolaires, qu'est-ce qu'elles demandaient? Les commissions scolaires demandaient une marge de manoeuvre. Qu'est-ce que le gouvernement leur a donné? Il leur a transféré l'odieux d'imposer une nouvelle taxe pour entretenir les équipements. La nouvelle taxe ne leur donne rien, M. le Président. Pas de marge de manoeuvre, c'est un cadeau de Grec. (21 h 40)

Ainsi, pour que ça parle plus clairement, à Chicoutimi, les taxes étaient - et je viens tout juste de vérifier - de 0,18 $, elles iront à 0,35 $, M. le Président. Ça veut dire que le compte de taxes de ma résidence passe de 292 $ au double. La commission scolaire de Chicoutimi recevait 2 500 000 $ pour l'entretien de ses équipements. Le gouvernement ne lui donne plus ces sommes. La commission scolaire ira les chercher dans les poches des propriétaires fonciers, M. le Président. Les commissions scolaires ont été flouées parce que ces commissions scolaires, M. le Président, ne demandaient pas d'entretenir les équipements, elles demandaient des marges de manoeuvre. On n'a pas augmenté, comme le prétendait le ministre, dans ses premiers discours - et je dois admettre qu'il a évolué depuis le début - les pouvoirs des commissions scolaires non plus que l'autonomie, M. le Président. Il a simplement transféré les responsabilités sur le dos des commissions scolaires, M. le Président. Ce n'est pas vrai que de donner un pouvoir de taxation accru, ça donne du pouvoir réel, M. le Président. Le pouvoir réel s'acquiert lorsque vous pouvez utiliser le fruit de votre taxation pour atteindre des objectifs qui vous sont propres et ce dont il est question ici, ça n'a aucun rapport. Et les commissions scolaires dénoncent à présent ce projet de loi.

M. le Président, les propriétaires fonciers ont été également floués, avec l'augmentation des taxes scolaires qui doublent dans certains milieux, et c'est plus vrai dans les milieux pauvres, dans les régions éloignées et dans les petites localités, M. le Président. Les taxes scolaires doublent. Et avec la situation qu'on vit actuellement, les taux d'intérêt extrêmement élevés, 23 % d'augmentation d'Hydro-Québec, le chômage, 100 % d'augmentation de la taxe scolaire en ce qui nous concerne, c'est tout le droit de l'accès à la propriété pour les familles québécoises qui est compromis, M. le Président.

M. le Président, on est en train de faire un peuple de locataires, comme on est en train de faire - et j'ouvre la parenthèse là-dessus - un peuple qui sera au service des grandes entreprises, parce que la loi qu'on va encore déposer et adopter à la vapeur, par tordage de bras, au mépris des droits des parlementaires, M. le Président, la Loi sur les heures d'affaires consacre la mort de nombreuses petites entreprises, de petits propriétaires. La même chose, d'ailleurs, pour les camionneurs qui sont dans la rue, M. le Président, ce sont des petites entreprises dont la survie est menacée. Ces gens-là pourront continuer à travailler à condition de travailler pour les grands propriétaires. Un peuple de locataires et un peuple de serviteurs au service des grandes entreprises, M. le Président.

M. le Président, pour les petites municipalités, les régions éloignées, le compte de taxes va doubler. Et on est en train de faire... Là, le ministre a dit: Ce n'est pas grave parce que ces commissions scolaires doivent aller chercher le maximum de taxes et c'est insuffisant pour subvenir à leurs propres besoins. Alors, elles sont toutes taxées au maximum en raison de la valeur foncière qui est beaucoup moins élevée, qui est beaucoup plus faible.

On établira dorénavant trois catégories de commissions scolaires, M. le Président: les commissions scolaires riches, qui non seulement vont suffire à leurs propres besoins en vertu des paramètres arrêtés dans la loi, mais qui vont pouvoir aider au financement des autres commissions scolaires; les commissions scolaires moyennes, qui vont être totalement autonomes, c'est-à-dire qu'elles vont suffire à leurs propres besoins, mais elles ne seront pas dépendantes non plus des plus riches, et nous aurons les commissions scolaires pauvres. La commission scolaire de Chicoutimi se situe dans cette catégorie, M. le Président, parce que la commission scolaire de Chicoutimi aura la péréquation. Qu'est-ce que c'est, la péréquation? La péréquation, ce sont des commissions scolaires pauvres qui, pour atteindre un niveau de services adéquat, sont obligées de compter, M. le Président...

Est-ce qu'on pourrait, M. le Président, rappeler à l'ordre, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui. En vertu de l'article 32...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Cannon): Je demanderais aux collègues de bien porter attention au règlement et de permettre à Mme la députée de Chicoutimi de terminer son intervention.

Mme Blackburn: Je vous remercie, M. le Président. Trois catégories de commissions scolaires: les riches, les moyennes et les pauvres. Les pauvres seront dorénavant l'équivalent de commissions scolaires assistées sociales, qui iront chercher les revenus nécessaires à leur fonctionnement dans les poches des commissions scolaires plus riches.

C'est, M. le Président, une situation que nous ne souhaitons pas, qui n'est souhaitable pour personne, ni pour les individus ni pour nos institutions. L'éducation, c'est un droit absolu, absolu pour tout le monde, quel que soit son lieu de résidence sur le territoire du Québec. Une commission scolaire n'a pas à être humiliée parce qu'obligée de se sentir soutenue par le biais de la péréquation.

L'éducation est une responsabilité de l'État, M. le Président, et, à ce titre, c'est l'État qui a à fournir les fonds nécessaires pour assurer l'éducation au Québec.

Les municipalités ont été flouées également parce qu'elles sont traitées comme des renégates, tenues à l'écart, ignorées, méprisées et trompées. Le pacte fiscal est rompu et elles ne sont pas à la table des négociations. Le projet de loi qui sera adopté dans quelques minutes, au mépris des droits les plus fondamentaux des parlementaires, M. le Président, au mépris des électeurs et des électrices que nous représentons, est considérablement modifié: 13 amendements sur 22 articles. Ça veut dire que le projet de loi qui a été porté à notre connaissance est modifié pour la moitié de ses articles, M. le Président. Et tout ça, ça se fait sans que l'Opposition ait même eu en main les amendements du ministre. Nous les avons eus au moment de la prise en considération du rapport de la commission parlementaire.

Pourtant, l'Assemblée nationale oblige les parlementaires de cette Chambre à prendre connaissance des projets de loi et à rendre compte de l'opinion des électeurs et des électrices à son sujet. Mépris, donc, des parlementaires de l'Assemblée nationale. La démocratie est bafouée. On bâillonne l'Opposition et en bâillonnant l'Opposition, ce sont ceux et celles qui s'opposent à ce projet de loi qui sont ainsi bâillonnés. Ce sont les commissions scolaires, ce sont les municipalités, les 1500 municipalités, les 1500 maires, M. le Président, qui sont aussi des élus, les commissaires, les échevins dans les 1500 municipalités. On bâillonne les groupes sociaux qui pensent que l'éducation, c'est une respon- sabilité de l'État, M. le Président, et qui voudraient venir le dire. On bâillonne également les familles qui sont étranglées par les taxes scolaires, par les impôts, par les taux d'intérêt prohibitifs et qui, dorénavant, se retrouveront incapables de devenir propriétaires. C'est toute la politique familiale et de développement social qui est remise en cause.

M. le Président, je termine là-dessus, le ministre aura été le champion collecteur de fonds nouveaux de tous les ministres de ce gouvernement. Dans une seule année, 400 000 000 $ sur deux ans, près de 1 000 000 000 $. Qui dit mieux? Et ça, au mépris de la mission qu'il est chargé de respecter et de promouvoir, au mépris de l'éducation, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Comme prochaine intervenante, Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Par nos dernières interventions, nous avons tourné une page peu édifiante de notre vie parlementaire, peu édifiante parce que le gouvernement en place a posé un geste des plus regrettables, un geste qu'on doit qualifier d'antidémocratique puisque, à peine quelques heures après le début de l'étude du projet de loi en commission parlementaire, on enlevait le droit de parole légitime de l'Opposition par une motion de clôture. Bien que le ministre de l'Éducation fût conscient de l'importance de la réforme qu'entraînait son projet de loi, il a dû le déposer rapidement, rapidement pour assouvir la soif du président du Conseil du trésor, une soif intarissable, M. le Président. Nous l'avons vu puisque, après le projet de loi 69, le président du Conseil du trésor commandait également le projet de loi 50 qui venait piger dans la caisse 877 000 000 $.

Les dernières pages du discours du ministre de l'Éducation lors de la présentation de la loi sont pavées de bonnes intentions sur la nécessité d'une concertation entre le gouvernement, les municipalités et les commissions scolaires. Et je sais qu'il y croit fermement. Mais son gouvernement était pressé, il avait un urgent besoin d'argent. C'est pourquoi il devait agir immédiatement au mépris des règles démocratiques. Je dois donc regretter vivement cette dernière loi 69 qui est venue inverser le processus normal d'une véritable concertation.

Les commissions scolaires avaient clairement exprimé leurs besoins. Le gouvernement aurait dû, dès l'automne dernier, convoquer un sommet, gouvernement, municipalités et commissions scolaires, et permettre ainsi à l'ensemble des intervenants de renégocier une entente sur une base solide, aussi solide que notre ministre de l'Éducation, puisqu'il nous a démontré qu'il pouvait écouter très longtemps la nuit dernière

et aujourd'hui aussi. Donc, cette entente serait née d'une concertation, d'une véritable concertation, et elle aurait donné naissance à un projet de loi qui aurait été accepté et voulu par tous les milieux. (21 h 50)

Le ministre nous répond souvent que le pacte fiscal de 1979 s'est établi entre deux partenaires et non trois, et que le gouvernement avait écarté les commissions scolaires. Cette fois-ci, M. le Président, son gouvernement a écarté deux partenaires: le monde municipal et le monde scolaire. À quand un gouvernement qui décidera de mettre en place une véritable concertation entre les trois paliers de gouvernement, qui acceptera de prendre le temps de légiférer? Les grands perdants, avec cette loi 69, ce sont les municipalités que l'on a bafouées, à qui l'on a imposé dans les faits une motion de clôture, les contribuables qui sont étouffés sous le fardeau fiscal direct et indirect qui les assaille depuis plusieurs mois, un gouvernement qui leur impose une nouvelle charge, les commissions scolaires qui, en réponse à leur demande de ressources financières pour offrir des services pédagogiques de qualité, se voient, elles aussi, imposer de nouvelles responsabilités financières sans aucun rapport avec leurs demandes.

En conclusion, nous avons devant nous un gouvernement qui ne sait plus négocier avec les municipalités, qui ne sait plus comprendre les besoins réels des commissions scolaires, qui ne sait plus évaluer l'impact financier catastrophique de ses lois et règlements sur les contribuables, un gouvernement qui, devant son incapacité à gouverner, impose le bâillon à l'Opposition, qui lui rappelle, trop justement, les revendications légitimes des citoyens et des citoyennes du Québec. La motion de clôture, le bâillon, existe à l'intérieur de cette Chambre, M. le Président, mais il n'existe pas à l'extérieur du Parlement et la population du Québec saura le démontrer en temps et lieu. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée de Terrebonne. M. le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur et de la Science, pour l'exercice de son droit de réplique.

M. Claude Ryan (réplique)

M. Ryan: M. le Président, nous voici rendus au terme d'un long cheminement qui nous permettra tantôt de procéder à l'adoption définitive du projet de loi 69. À ce stade de nos débats, je voudrais tout d'abord adresser mes remerciements à tous les députés qui ont participé à l'étude que nous avons faite ensemble du projet de loi, à mes collègues du côté ministériel qui ont suivi de très près le cheminement des débats, qui ne sont guère intervenus dans les dernières étapes du débat, non pas parce qu'ils n'auraient pas souhaité le faire, mais parce qu'ils ont voulu laisser davantage de temps à l'Opposition, en se disant qu'ils avaient d'autres moyens de communiquer leurs opinions au ministre concerné et en ayant surtout le souci de laisser le maximum de temps aux députés de l'Opposition, comme nous le faisons généralement en commission.

Je fais une petite remarque marginale qui me paraît opportune à ce moment-ci. J'entends souvent des porte-parole de l'Opposition traiter les députés ministériels de répondeurs automatiques. Je trouve cette expression profondément déplorable. Je pense qu'elle est adressée dans un esprit humoristique, mais si on y pensait deux fois on se rendrait compte qu'en commission parlementaire, en particulier, il est requis des députés ministériels, parce que nous donnons plus de temps à l'Opposition que ne le justifieraient nos règlements, les sacrifices auxquels ils consentent pour laisser une plus grande place encore aux interventions de l'Opposition dans les débats. Je pense que c'est bon que nos concitoyens sachent ces choses.

Je voudrais également souligner l'excellente qualité de la très grande majorité des interventions que nous avons entendues au cours des trois derniers jours, autant du côté ministériel que du côté de l'Opposition. J'ai suivi tous les débats avec beaucoup d'attention parce que, nonobstant ce qu'on a dit à mon sujet, j'essayais de m'instruire jusqu'à la dernière minute; je prenais des notes et, lorsque les choses que j'entendais ne correspondaient pas à la documentation dont je disposais, je procédais aux vérifications d'usage. Souvent on a souligné des aspects du projet de loi qui mériteront une attention plus particulière en cours de route. Je veux remercier tous les députés et toutes les députées qui sont intervenus, par conséquent, sans distinction de parti. J'ai particulièrement apprécié le fait qu'aujourd'hui, même si nous devons compléter ce débat en recourant à une procédure qui répugne à tous les députés, des deux côtés de la Chambre, et à laquelle je vous assure que le gouvernement n'a décidé de recourir qu'en dernier ressort, à cause de l'impérieuse nécessité de procéder à l'adoption du projet de loi avant l'ajournement de la session... Je veux exprimer mon appréciation de ce que nos débats, tout en étant caractérisés par une très franche expression d'opinions, n'aient versé ni dans les attaques personnelles ni dans l'acrimonie ni dans le langage indigne de ce Parlement, au cours des deux derniers jours en particulier, à travers ce long marathon d'interventions. Je pense que nous avons eu un débat digne et respectueux dont, personnellement, je me réjouis et dont je pense pouvoir conclure que, nonobstant le désaccord qui nous a séparés pendant ces jours, il ne nous empêchera pas de travailler ensemble au cours des mois à venir à l'avancement de l'éducation. Et l'avancement de

l'éducation est un objectif pour lequel la collaboration de tous les députés de la Chambre est absolument essentielle.

De manière très générale - c'est bon que nos concitoyens le sachent également - les travaux de l'Assemblée nationale en matière d'éducation se déroulent beaucoup plus souvent sous le signe d'un consensus entre les deux partis de la Chambre que sous le signe de la division. J'en suis très heureux parce que, s'il est un ensemble de valeurs qui méritent que les députés s'élèvent au-dessus de leurs considérations partisanes pour regarder le bien supérieur de notre communauté nationale québécoise, il me semble bien que c'est celui de l'éducation. Je crois qu'on le comprend des deux côtés de la Chambre et, en tout cas, je veux donner l'assurance que, du côté du gouvernement, j'entends continuer à m'employer à promouvoir cette façon d'aborder les problèmes de l'éducation.

Sur le projet de loi 69, nous avons tout dit jusqu'à maintenant. J'ai écouté des interventions faites au cours de la journée. Je serais tenté, si je laissais libre cours à mon instinct bien connu, de répondre à chacune des remarques qui ont été formulées au cours de la journée. Je ne le ferai point à cette heure-ci. Je pense que ça ne servirait pas à éclairer tellement le débat. Je pense que tout a été dit. Nous allons vers un nouvel équilibre des responsabilités en matière de financement des commissions scolaires et de l'éducation. Je pense que le député de Joliette, leader de l'Opposition, l'a très bien souligné cet après-midi, un choix politique a été fait par le gouvernement au sujet duquel on peut très loyalement et très raisonnablement être en désaccord. Le gouvernement estime qu'il a lui aussi des motifs raisonnables de faire ce choix et de demander que la population l'appuie en conséquence au cours des mois à venir.

Bien sûr que les charges fiscales, c'est vrai qu'il y a des charges fiscales qui découlent du projet de loi, et je pense bien que personne ne voudra reprocher au gouvernement d'avoir cherché à le cacher. Nous l'avons dit tout le long et nous reconnaissons que la responsabilité du gouvernement est primordiale dans cette décision. Nous vivrons avec les conséquences de la décision, c'est évident.

Je suis convaincu que nos concitoyens qui verront leur compte de taxes foncières pour fins scolaires augmenter sensiblement... L'augmentation moyenne à travers le Québec, selon les calculs des services du ministère, devrait être d'environ 90 $ à 95 $ par année. Un paquet de cigarettes aujourd'hui, d'après ce qu'on me dit, ça coûte 5 $. Moi, j'aimais fumer un cigare une fois de temps en temps. Le genre de cigare que j'achetais, c'est rendu 11 $ le paquet. Je n'en ai pas acheté un depuis le dernier budget du ministre des Finances. Je préfère garder ça pour la taxe scolaire dont une partie me sera refilée en ma qualité de locataire.

Alors, je pense que l'augmentation du compte de taxes scolaires, quand on la situe à son véritable niveau, n'est pas du tout hors de la portée de nos concitoyens. Pour les plus pauvres, c'est évident qu'une augmentation du loyer de 50 $, par exemple, pour l'année ou de 60 $ ou 70 $ sera considérable. Mais, comme nous le savons tous, il y a des mesures du gouvernement qui prévoient des remboursements, tantôt d'impôt foncier, tantôt de loyer. Pour les locataires ou les propriétaires qui sont dans ces catégories de contribuables à revenus modestes, des élargissements sensibles ont été apportés à ces mesures dans le dernier discours sur le budget et, sur la base de l'expérience que nous ferons au cours de la prochaine année, il y aura lieu, j'en suis persuadé, de procéder à de nouveaux ajustements. (22 heures)

J'ajoute en terminant, parce qu'on en a beaucoup parlé, que la mesure définie par le projet de loi 69, même si elle a été introduite dans des circonstances qui pouvaient prêter à critique - ça, nous en convenons que le cheminement critique n'a pas été impeccable d'un bout à l'autre - a permis de réintroduire dans le tableau le troisième homme, le troisième intervenant qui avait été pratiquement laissé dans le portique en 1979. Là, il redevient un intervenant important dans le secteur du financement des institutions locales et, grâce à l'action du comité ministériel qu'a institué le chef du gouvernement, sous la présidence du ministre des Affaires municipales, je pense que nous pourrons entreprendre - je l'ai dit, la première réunion a lieu dès demain - un travail d'étude en profondeur qui nous permettra d'établir avec les municipalités et les commissions scolaires des rapports d'échanges, au cours des prochains mois, qui devraient permettre de définir, dans un climat de respect mutuel, de concertation et de collaboration, un partage plus net des responsabilités et des attributions de chaque intervenant. Voilà l'esprit, M. le Président, dans lequel le gouvernement aborde cette réforme.

Je signale, comme dernière observation, que la mesure définie dans le projet de loi 69 a un lien direct également avec l'équilibre général des finances publiques au Québec. Le gouvernement a considéré qu'il y avait une ponction à exercer de ce côté-là, dans l'avenir immédiat, pour le bon équilibre des finances publiques. Et je veux assurer cette Chambre et nos concitoyens que le gouvernement et chaque ministre dans son secteur considèrent qu'ils sont solidairement et ensemble responsables de faire du Québec une société dont le gouvernement aura les reins solides, dont le gouvernement aura une situation financière capable de lui permettre d'entreprendre les projets d'envergure dont nous avons besoin pour garder le Québec sur la carte du pays, du continent et du monde.

Mais la véritable force créatrice commence par celle dont on dispose dans son portefeuille.

Celui qui a un portefeuille confortable peut entreprendre des choses; il peut dire: Je vais bâtir ceci, je vais lancer un commerce là, je vais aider telle chose. Mais quand il a seulement des comptes d'intérêt à payer, quand il a seulement des dettes à rembourser, il n'est capable de rien entreprendre, il ne peut pas avoir l'esprit créateur. C'est ça que nous voulons créer pour le Québec. Peut-être que les moyens que nous employons sont discutables, mais je pense que l'objectif fondamental est de faire du Québec un Québec qui est capable de se regarder dans le miroir en étant fier de lui-même, en n'ayant pas peur de recevoir un appel d'un créancier de New York, de Londres ou de Tokyo qui lui dirait: Fais attention, tu es rendu au bord du précipice. Je pense que ce genre de Québec, c'est celui-là que nous voulons bâtir et le projet de loi 69 est une petite pierre assez modeste dans cet édifice très large, très complexe que nous cherchons à bâtir ensemble. Merci.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Le débat étant terminé, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et la Loi sur l'enseignement privé. Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Rejeté.

Une voix: Qu'on appelle les députés.

Le Vice-Président (M. Cannon): Qu'on appelle les députés pour le vote nominal. (22 h 3 - 22 h 14)

Le Président: Alors, veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Alors, Mmes et MM. les députés, veuillez vous asseoir. MM. les députés, s'il vous plaît!

Nous allons maintenant mettre aux voix la motion d'adoption de l'ensemble du projet de loi 69, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique et fa Loi sur l'enseignement privé, présenté par le ministre de l'Éducation.

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Portneuf), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuit), M. Bourbeau (Laporte), M. Vallerand (Crémazie), M. Vallières (Richmond), M. Séguin (Montmorency), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), M. Outil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Rivard (Rose-mont), M. Middlemiss (Pontiac), M. Beaudin (Gaspé), M. Bélisle (Mille-Îles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), M. St-Roch (Drummond), Mme Pelchat (Vachon), M.

Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Fradet (Vimont), M. Lemieux (Va-nier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Larouche (Anjou), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFontaine), Mme Ho-vington (Matane), M. Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bordeleau (Acadie), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Château-guay), M. Després (Limoilou), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. La-france (Iberville), M. MacMillan (Papineau). M. Libman (D'Arcy-McGee).

Le Président: Alors, que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest). M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Du-buc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témisca-mingue), Mme Dupuis (Verchères), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 64 contre: 24

Le Président: La motion est donc adoptée. Nous allons maintenant poursuivre nos travaux. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je demanderais le consentement au leader de l'Opposition pour que l'honorable ministre délégué aux Forêts et député de Rivière-du-Loup puisse ajouter sa voix au vote.

Le Président: S'il vous plaît! Un instant. Il y a une demande de consentement à savoir si le ministre peut ajouter sa voix au vote enregistré. Est-ce qu'il y a consentement, M... S'il vous plaît! À ce que je sache, je demande une ques-

tion à une personne, au leader de l'Opposition. M. le leader de l'Opposition, est-ce qu'il y a consentement à cette fin-là?

Il y a consentement, donc nous ajoutons une voix aux pour. Très bien. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Oui, M. le Président. Je vous demanderais d'appeler l'article 50 du feuilleton.

Projet de loi 75

Prise en considération du rapport de la commission

Le Président: À l'article 50 du feuilleton, nous allons maintenant procéder à la prise en considération du rapport de la commission de l'économie et du travail qui a procédé à l'étude du projet de loi 75, Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux et, également, à la prise en considération des amendements à ce projet de loi transmis en vertu de l'article 252 du règlement. Avant d'entreprendre le débat sur le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 75, Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, et sur les amendements à ce projet de loi transmis au secrétaire général en vertu de l'article 252 du règlement, je déclare recevables tous les amendements présentés par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Je déclare également recevables tous les amendements présentés par Mme la députée de Taillon.

Par ailleurs, conformément à l'article 253, j'ai tenu une réunion des leaders parlementaires pour l'organisation de la mise aux voix de ces amendements. J'informe donc l'Assemblée qu'à la fin du débat il sera procédé à la mise aux voix dans l'ordre suivant: d'abord les amendements présentés par Mme la députée de Taillon, par la suite, les amendements présentés par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie; ensuite, l'ensemble du projet de loi 75, tel qu'amendé, suivant les votes précédents; enfin, tel qu'amendé, le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a étudié en détail le projet de loi 75. Je suis maintenant prêt à reconnaître le premier intervenant sur ce débat. Est-ce qu'il y a un intervenant?

Maintenant nous procédons à l'étape de l'étude du rapport de la commission et des amendements présentés tous ensemble. Donc, le premier intervenant, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Nous sommes maintenant rendus, M. le Président, à l'étape de l'adoption du rapport de la commission de l'économie et du travail qui fut chargée, pendant près de 24 heures, de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 75, intitulé Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. Évidemment, puisque ces quelque 24 heures n'ont pas permis d'aborder l'étude d'un seul des 34 articles que comporte le projet de loi, je profiterai de l'occasion qui m'est offerte ce soir pour détailler les amendements que j'ai apportés au projet de loi tel que déposé. Ce projet de loi prévoyait initialement des plages horaires élargies afin de répondre aux besoins des consommateurs et de rétablir l'équilibre entre tous les commerçants. Ces périodes d'ouverture possibles avaient été fixées de 8 heures à 22 heures, du lundi au samedi inclusivement. Toutefois, j'avais annoncé, lors de l'adoption de principe, que j'entendais modifier cet horaire puisque la presque totalité des intervenants m'indiquaient qu'ils n'ouvriraient pas jusqu'à 22 heures. En effet, la majorité des partisans de la libéralisation totale reconnaissaient qu'ils n'utiliseraient pas l'heure d'ouverture entre 21 heures et 22 heures. Par ailleurs, pour répondre aux accusations qu'ont portées les membres de l'Opposition qui interprétaient mon silence et mon regard comme de l'indifférence, de l'entêtement, de l'orgueil, de l'arrogance et du mépris, je leur dirais qu'il est plus facile de réfléchir lorsque l'on écoute le point de vue de tous les intervenants.

Contrairement à ce que la députée de Taillon prétendait, une véritable consultation a eu lieu dans ce dossier complexe. Non seulement cette consultation a-t-elle commencé lors de la commission parlementaire tenue en mars dernier, 110 heures d'audiences, mais elle ne s'est pas terminée lors du dépôt du projet de loi à l'Assemblée nationale, le 15 mai. Bien au contraire, j'ai constamment rencontré personnellement les représentants de la plupart des groupes concernés par le dossier et, plus particulièrement, ceux de la coalition contre.

Par ailleurs, les membres du caucus libéral, 92 députés représentatifs de toutes les régions du Québec, ont également reçu, ces dernières semaines, des appels venant de la part des propriétaires de petits commerces et également des employés qui y travaillent. Il s'avère que l'ouverture en soirée, en début de semaine, ne réjouissait ni les uns, ni les autres. Le consommateur, quant à lui, indique que ses besoins en début de semaine ne nécessitent pas une ouverture aussi prolongée que les mercredi, jeudi et vendredi soir. Ces interventions se traduisent aujourd'hui par des amendements concrets que j'ai déposés hier soir auprès du secrétaire général de l'Assemblée nationale.

Le premier amendement ramène donc la période d'ouverture possible de 8 heures à 19 heures, les lundi et mardi, et de 8 heures à 17 heures, le samedi. La plage horaire pour les mercredi, jeudi et vendredi demeure inchangée,

soit de 8 heures à 21 heures. Donc, en réalité, cinq heures additionnelles de commerce. Cet amendement représente un ajustement important pour tous les propriétaires de petits commerces qui tiennent le fort trop souvent seuls dans leur boutique, de même qu'il répond aux attentes de nombreux travailleurs de commerces de détail. Les consommateurs, quant à eux, sauront y trouver leur compte puisque les besoins d'élargissement dans les secteurs du commerce non alimentaire étaient quand même moins essentiels que dans le secteur alimentaire.

Par ailleurs, malgré ces ajustements quant aux heures en début de semaine, les concessionnaires d'automobiles et de machinerie agricole, les centres de piscines et les coopératives en milieu scolaire pourront quand même être ouverts jusqu'à 21 heures les lundi et mardi soir. Cette dérogation à la limite de 19 heures était nécessaire puisque ces types de commerces ont démontré par le passé l'importance des soirs de semaine dans le secteur de leur entreprise.

Rappelons également que ces types de commerces faisaient partie de l'importante liste des exceptions de la loi de 1984 à qui il était permis d'ouvrir même le dimanche. Ce privilège leur a été retiré. Nous ne pouvions quand même pas les limiter encore plus dans l'exploitation de leur commerce. Par ailleurs, l'élément essentiel du projet de loi a été conservé intact. En effet, la règle de quatre employés en dehors des heures normales, tant décriée par l'Opposition, n'a pas été modifiée. Tous les commerces d'alimentation sont maintenant égaux devant la loi, puisque l'ouverture hors des heures dépendra du même critère pour tous les commerces d'alimentation.

Je suis conscient que cette règle ne permettra pas à tous les commerces d'alimentation qui désirent ouvrir leurs portes le dimanche de le faire ou d'offrir les mêmes services à la clientèle que les autres jours de la semaine. Mais c'est justement là le principe qui a été retenu: permettre un meilleur service à la clientèle que celui qui était permis en vertu de la loi de 1984, tout en respectant un concept de dépannage le dimanche. De plus, tel que je l'ai déjà annoncé en cette Chambre lors de l'adoption de principe du projet de loi, afin de ne pas pénaliser le propriétaire de l'épicerie ou son mandataire de façon habituelle, qui désire se rendre dans son commerce le dimanche, ce dernier ne sera pas comptabilisé aux fins du calcul des quatre employés. Afin d'empêcher les abus, il a été prévu qu'une seule personne pourra être présente sur les lieux, à titre de propriétaire ou de mandataire, de façon habituelle.

Plusieurs intervenants se sont inquiétés de connaître la portée exacte de l'exclusion des personnes affectées exclusivement à la fabrication. Les amendements apportés explicitent clairement qu'il s'agit des personnes affectées exclusivement à la préparation de produits de boulangerie et de pâtisserie. Cette exclusion vise à ne pas pénaliser le pâtissier artisan qui, plutôt que de s'approvisionner chez un fabricant, tel que Multi-Marques, Weston ou Cousin, choisit de confectionner lui-même ses produits. Il est désormais clair que les bouchers ne sont pas visés par cette exclusion et, par conséquent, ils feront partie des quatre employés. (22 h 30)

Un autre amendement apporté au projet de loi consiste en la détermination de façon précise du concept de menus articles. Ce concept, qui n'était pas nouveau, laissait place à une grande variété d'interprétations. En effet, la jurisprudence des années soixante-dix illustrait les menus articles, comme des pierres à briquet ou des filtres à cigarettes, soit des objets petits, des articles de peu de volume, mais, également, de peu de valeur, de peu d'importance. Certains commerçants semblaient considérer des échelles ou des téléphones portatifs comme étant des menus articles. La notion de menus articles sera maintenant remplacée par celle d'articles de moins de 50 $. Ce concept a, au moins, le mérite d'être clair et de ne laisser place à aucune équivoque.

Pour les commerçants qui travaillent dans les marchés aux puces, le projet de loi confirme légalement ce qui fait maintenant partie de la tradition québécoise. En autant qu'ils vendront également des articles ou des marchandises usagées, il leur sera permis de vendre des marchandises neuves de moins de 50 $. Encore une fois, la clarification de la notion de "menus articles" permettra d'éviter toute ambiguïté. Par exemple, le marché aux puces ne pourra plus concurrencer le marchand de meubles, le dimanche, en vendant du mobilier neuf de plus de 50 $.

Enfin, M. le Président, j'ai apporté un dernier amendement qui précise clairement que les établissements de la Société des alcools sont visés par la loi. Bien que ceux-ci se soient toujours conformés à la loi, leur assujettissement pouvait être mis en doute. Dorénavant, il ne pourra plus y avoir de doute à ce sujet.

La députée de Taillon, dans son communiqué de presse émis aujourd'hui et dans les moments qui suivent, ainsi que certains membres de l'Opposition, répéteront sensiblement ce que l'on entend depuis une trentaine d'heures. C'est un point de vue. Je le comprends, je le respecte, mais je ne le partage pas. Tous les commerçants dans le secteur de l'alimentation sont maintenant égaux devant la loi. Une fruiterie, une poissonnerie, une boucherie, un supermarché qui emploient plus de quatre employés sur semaine, cinq, six ou sept employés, pourront ouvrir hors les heures prévues par la loi en autant qu'il n'y a pas plus de quatre personnes pour assurer le fonctionnement du commerce, excluant évidemment le propriétaire. Les exceptions prévues dans la loi de 1984 et les décrets subséquents favorisant certains types de commerce sont éliminés.

Le premier principe fondamental de la loi, sort l'équité entre tous les commerçants, est consacré dans le secteur de l'alimentation.

Le deuxième principe, soit de satisfaire les besoins réels des consommateurs, est respecté. Le consommateur a demandé un meilleur service le dimanche dans le secteur alimentaire. Le projet de loi le reconnaît. Dans le secteur non alimentaire, il pourra faire son magasinage cinq heures de plus: soit le lundi une heure, le mardi, une heure de plus et, finalement, le mercredi, trois heures de plus.

Enfin, le troisième principe, la qualité de vie de la population, notamment celle des travailleurs et des travailleuses, est reconnu. Tout d'abord, en protégeant, pour la très grande majorité des travailleurs, une journée de repos. Deuxièmement, en restreignant le nombre d'heures d'ouverture sur semaine et, enfin, troisièmement, en limitant le nombre d'employés dans le secteur alimentaire le dimanche.

Ces amendements démontrent hors de tout doute que j'ai été à l'écoute de tous les intervenants jusqu'à la dernière minute. Trois amendements importants et des précisions à plusieurs autres articles de la loi. Je n'ai eu, au cours des six derniers mois, aucun parti pris. J'ai assumé la responsabilité de trouver une solution concrète à un dossier complexe. Le projet de loi 75 est une synthèse du point de vue de tous les intervenants et un équilibre entre les trois principes fondamentaux suivants: l'équité entre les commerçants, les besoins réels des consommateurs et la qualité de vie de la population.

On peut être plus ou moins pour ou contre ou satisfaits, mais, à la lecture du projet de loi et non à l'interprétation souvent erronée que certains en font pour défendre de façon démagogique un point de vue, le lecteur réalisera que la loi est claire et je prendrai avec les municipalités, M. le Président, tous les moyens à ma disposition pour la faire respecter. Les commerces étant fermés à cette heure, M. le Président, j'aimerais passer à autre chose.

Le Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je suis en fait furieuse. Je suis en colère.

Des voix: Oh!

Mme Marois: Nous participons actuellement à un simulacre de parlementarisme. C'est de la mascarade! Vous le savez, on aurait pu appeler le projet de loi sur les heures d'affaires à 15 heures cet après-midi. C'est un projet de loi qui concerne des milliers de personnes au Québec, pour ne pas dire des millions de personnes. On a préféré appeler le projet de loi à 22 h 30, à 22 h 15 ce soir. C'est à cette heure-ci qu'on a appelé le projet de loi.

La semaine dernière, on a terminé nos débats à 22 h 15 le vendredi soir, M. le Président. On préfère la nuit. C'est sombre, le silence et l'indifférence. Alors que ça concerne des milliers de personnes à travers le Québec, on préfère que notre projet de loi soit discuté en catimini. C'est ce qui est un simulacre de parlementarisme, en plus de nous mettre la bâillon, M. le Président, et on va en parler de ce fameux bâillon, du fait qu'on nous empêche de discuter, de proposer d'amender le projet de loi qui est devant nous. En fait, malgré que le ministre ait souhaité, et que son gouvernement, avec lui, ait souhaité débattre du projet de loi la nuit, il reste que les gens intéressés sont à ce point intéressés qu'ils se sont déplacés pour entendre le ministre. Alors une partie du silence sera levée, une partie du voile sera levée.

Qu'est-ce qui s'est passé, M. le Président, en ce qui concerne la loi sur les heures d'affaires? Le lundi 11 juin, le ministre nous annonce deux amendements. Je vous ferai remarquer non pas 25, il nous annonce deux amendements, M. le Président. Il nous dit: J'avais exagéré un peu en mettant jusqu'à 22 heures tous les soirs, le samedi y compris. On va ramener ça à 21 heures. Il avait exagéré un peu! Ensuite: Je m'étais trompé. Quatre le dimanche, ce n'était pas assez; ça ne permettait pas à suffisamment de commerces d'ouvrir. Je vais ajouter le patron. Il ne peut pas être parmi les quatre; on va l'ajouter; ça va en faire cinq. Ça, c'était le lundi, 11 juin, M. le Président, et je prends mes feuilles pour être bien sûre que je suis la chronologie dans le temps. Le jeudi, 14 juin, trois jours plus tard, en commission, l'Opposition va proposer, M. le Président, des amendements que le ministre ne daignera pas relever.

L'Opposition va proposer, M. le Président, de voir les amendements du ministre. Le ministre va refuser de déposer ses amendements. Et qu'il se lève devant cette Chambre, si ce n'est pas le cas, pour nous dire qu'il n'a pas refusé de déposer les amendements qu'il voulait proposer. (22 h 40)

C'était, M. le Président, le 14 juin, jeudi soir. Le 18 juin, hier, il avait jusqu'à 22 heures pour déposer au Secrétariat des commissions les amendements à son projet de loi. Il va le faire. Nous allons lui demander de nous les transmettre parce qu'on savait, moi, je savais qu'aujourd'hui j'aurais à intervenir devant les membres de l'Assemblée, je savais que j'aurais à analyser les amendements que le ministre allait déposer. Je lui ai donc demandé poliment, correctement de nous transmettre les amendements hier soir, de telle sorte que ça nous donne quelques heures de plus. On a refusé, à son cabinet, de nous donner les amendements. Alors, c'est exactement ce qu'on a fait hier à 22 heures, M. le Président,

pour, probablement, que nous ayons moins de temps. 19 juin...

M. Boulerice: M. le Président.

Le Président: Un instant, madame, s'il vous plaît!

M. Boulerice: Une question de règlement.

Le Président: Oui. Un instant, M. le député! Je demande la collaboration des députés, s'il vous plaît, et d'écouter avec attention chacun des intervenants. Si quelqu'un a des commentaires à faire, il pourra utiliser le temps de parole qui lui est réservé après l'intervention de Mme la députée de Taillon.

Vous pouvez continuer, Mme la députée.

M. Boulerice: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Question de règlement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: L'article 32, M. le Président, deuxième paragraphe dit ceci: "Ils - les députés - occupent la place qui leur a été assignée par le Président, y demeurent assis et gardent le silence à moins d'avoir obtenu la parole."

Le Président: Exactement. Ce que je demande aux députés, c'est de garder le silence dans la mesure du possible. Il est d'usage, vous le savez aussi bien que moi, que, parfois, certains parlementaires puissent discuter entre eux à voix basse sans - s'il vous plaît! - déranger qui que ce soit. Si la présidence se rend compte que les parlementaires en discussion dérangent l'intervenant, à ce moment-là, je demanderai à ces gens-là de se taire ou de regagner leur place.

Alors, Mme la députée, vous pouvez poursuivre, s'il vous plaît.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'effectivement nous avons écouté fort attentivement le ministre et j'ai un certain nombre de choses à lui dire et à dire aux membres de cette Chambre, par votre intermédiaire, bien sûr, M. le Président.

Alors, le 19 juin, à 8 h 30, j'obtiens enfin les amendements, M. le Président. C'est ce matin, ça. Ce n'est pas il y a trois semaines, c'est ce matin. Il m'avait annoncé, la semaine dernière, le ministre m'avait annoncé deux amendements. Alors, ce matin, je prends connaissance des amendements. Au cas où les gens ne le sauraient pas, on va se rappeler que le projet de loi a 34 articles. D'accord? Notre projet de loi a 34 articles. Le ministre va proposer que nous en amendions 25 de ces articles. C'est ça ici. Et ça l'ennuie, hein, quand je parle de ça, ça l'embête un peu, mais qu'est-ce que vous voulez, c'est 25 articles.

Alors, je les ai eus ce matin à 8 h 30. D'ailleurs, ce sont 25 articles amendés, mais il y a beaucoup plus qu'un amendement par article, hein. Regardez la longueur des amendements qu'on nous propose. Chaque paragraphe en est un. D'accord? Bon.

Alors, ça là, c'est ce matin que j'ai eu ça. Je vais vous dire, M. le Président, que, quand je dis que je suis furieuse et que je suis en colère...

Le Président: Un instant, madame! Simplement, MM. les députés, s'il vous plaît, à ma droite, j'exige, si vous avez à discuter, de le faire à l'extérieur de l'Assemblée.

Vous pouvez poursuivre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. Quand je dis que je suis en colère, en fait, je me sens flouée, M. le Président. Je sens que l'Opposition n'a pas eu la possibilité d'échanger, de discuter vraiment avec le ministre, bien que nous lui ayons proposé de le faire, bien que nous ayons demandé ces amendements, bien que nous ayons, nous, de notre côté, déposé nos amendements.

En fait, le ministre trouvait qu'on faisait de l'obstruction gratuite, qu'on l'empêchait de faire son travail. Alors, je pense qu'à ce moment-ci, M. le Président, le ministre, en fait, empêchait que le travail de l'Assemblée nationale se fasse et non pas que mon travail à moi se fasse parce que j'ai une responsabilité ici, moi, comme membre de l'Opposition dans un Parlement élu démocratiquement. Moi aussi, j'ai été élue, comme la majorité d'entre vous l'avez été, n'est-ce pas?

Alors là, ces beaux amendements, M. le Président, c'est parfait, je vous dirai que c'est le "blender" du ministre qui n'a pas chômé.

M. Jolivet: M. le Président, je suis tanné, là.

Le Président: M. le député de Laviolette. À l'ordre, s'il vous plaît! Si vous avez quelque intervention à faire, je vous prierais de vous lever puis de faire une question de règlement en bonne et due forme, puis de respecter l'Assemblée nationale, de respecter l'institution. Vous avez une question de règlement? Je vous écoute, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, je voudrais, comme j'ai attentivement - le ministre peut être témoin - écouté ce qu'il a dit, j'aimerais que ma collègue puisse parler sans que les gens à ma gauche interpellent continuellement en la traitant de menteuse, de démagogue.

Une voix: Wo! Un instant, là!

Le Président: S'il vous plaît. S'il vous plaît. Écoutez, je vous rappelle à l'ordre, les deux députés, le député de Lotbinière et le député de Laviolette. Si vous avez une question de règlement, vous vous adressez à la présidence. Si vous voulez discuter ensemble, je vous invite à le faire, de la façon que vous voulez, dans les salons réservés à cette fin à l'extérieur. Ce fut une question de règlement pour rappeler à l'ordre un député qui interpelle la personne qui fait son discours, très bien. Je surveillerai attentivement, si quelqu'un contrevient au règlement, j'interviendrai immédiatement. Vous pouvez poursuivre, Mme la députée.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Ce n'est pas parce qu'on n'aime pas ce que je dis qu'on ne doit pas nécessairement l'entendre et que ça ne correspond pas nécessairement aux faits. Alors, notre ministre, en fin de semaine, M. le Président, évidemment... D'ailleurs, si on pense que ça ne correspond pas aux faits, j'imagine qu'on va se lever puis qu'on va avoir le courage de me le dire. D'accord? Bon.

Le "blender" du ministre n'a pas chômé en fin de semaine et la mixture est restée imbuvable. Au cas où on ne saurait pas de quoi je parle, samedi, M. Vennat, qui n'est pas particulièrement d'accord d'ailleurs, nécessairement, toujours avec les positions que je défends, a fait référence au projet du ministre. Il disait la chose suivante: "Suivant, donc, la méthode employée par plusieurs cuisiniers à la recherche d'une nouvelle boisson ou d'un nouveau potage, il s'empara - il parle du ministre - de tous les points de vue divergents, des tenants comme des adversaires de la libéralisation des heures d'affaires, et introduisit le tout dans un "blender", entre parenthèses, robot culinaire. Malheureusement pour lui, son projet de loi, dont il se dit assez fier pour le considérer comme son bébé et en vanter publiquement les vertus, ressemblait plutôt à la mixture imbuvable d'un barman amateur qui, à la recherche d'une boisson exotique, aurait inconsidérément mélangé les ingrédients qui ne vont pas ensemble. Et, après avoir vanté la perfection de sa merveilleuse synthèse, il y a un mois à peine, le ministre a déjà changé de recette. En effet, le 15 mai, il annonçait que son "blender" accouchait d'un compromis: non au dimanche, mais ouverture de tous les commerces de 8 heures à 22 heures, du lundi au samedi. Les convives n'aimant pas le breuvage, le ministre a remis le projet de loi au "blender". Résultat: les commerces seront maintenant ouverts 75 heures, le ministre ayant amputé 9 heures d'ouverture ici et là, et ils seront toujours fermés le dimanche. Comme il s'agit encore d'un projet de loi synthèse, la logique y est toujours aussi absente et le breuvage risque d'être aussi amer, à moins que l'on ne s'y habitue, comme le vieux sirop de notre enfance."

On peut, encore une fois, ne pas aimer, de l'autre côté, M. le Président, mais on s'adressera à M. Vennat, pas à moi.

Bon. Cela étant dit, je relisais les propos qu'a tenus le ministre en cette Chambre, le 11 juin dernier. On est quoi, aujourd'hui, le 18 ou le 19 juin? Ça ne fait pas longtemps, hein! 19 juin. Alors, il y a à peine huit jours, M. le Président. Il nous disait: Vous savez, ce gouvernement - en parlant de nous - n'avait pas de principe pour établir sa loi sur les heures d'affaires. Remarquez que c'est ce que tout le monde voudrait qu'on ramène, la loi qu'on avait adoptée. On la trouvait pas mal bonne, mais le ministre, lui, pensait, M. le Président, que nous n'avions pas de principe. Alors, je le cite: J'ai établi des principes. Je ne vois pas comment, en 1984, on ait pu penser un projet de loi aussi fondamental que celui sur les heures d'affaires sans établir des principes. J'ai établi des principes, l'équité entre tous les commerçants." Alors, l'équité entre tous les commerçants, et je ne partage pas nécessairement leur point de vue, mais c'est ça, il y en a qui ne sont pas contents, il y en a qui pensent que la loi n'est pas équitable, ils ont même pris la peine, ce matin, dans tous les journaux du Québec, de faire comme les membres de la commission, d'ailleurs, souhaitaient le faire, de s'adresser au premier ministre pour essayer de lui demander de bien comprendre les points de vue que l'on défendait. Alors, voilà pour l'équité.

Toujours le 11 juin, le ministre affirmait: La seule modification qu'on avait à apporter: augmentons de trois heures le mercredi, faisons de 18 heures à 21 heures, enlevons les exceptions et ça va régler tous les problèmes. Il disait: Ça, c'est la position de l'Opposition et ça ne fait pas nécessairement l'unanimité. Alors, pour rassurer le ministre, depuis une semaine et demie - parce que ce n'est pas très long, on n'a pas eu beaucoup de temps - je dépose, et mes collègues avec moi, et ses collègues avec moi, jour après jour, des pétitions pour dire au ministre que sa loi n'a pas d'allure. Et, malgré les changements qu'il y apporte ce soir, elle n'a pas plus d'allure qu'elle n'en avait, la mixture n'est pas meilleure à boire. Alors, pétition sur pétition, certaines non conformes que je rappellerai au ministre, je n'ai pas pu les déposer, mais ces gens n'en sont pas moins en désaccord avec son projet. Et là ce sont des télégrammes que j'ai reçus et que mes collègues ont reçus, du comté de Johnson, du comté de L'Assomption, du comté de Jonquière, du comté de Joliette, de Terrebonne, des comtés de Labelle - et ce sont ceux que j'ai réussi à ramasser aujourd'hui, en fin de journée, plusieurs de mes collègues les ont laissés dans leur comté - Pointe-aux-Trembles, Arthabaska, Hochelaga-Maisonneuve, Dubuc, Taillon, Gouin, Duplessis, Sainte-Marie-Saint-Jacques, Bertrand. Alors, évidemment, on est les

seuls à ne pas penser comme le ministre et quelques-uns d'autres d'entre nous qui pensent aussi comme nous. (22 h 50) là, le ministre, lui, il savait comment faire ça, des lois. et les heures d'affaires, il connaissait ça. donc, évidemment, pas d'exception. lui, il savait qu'il n'y aurait pas d'exception. alors, voilà ce qu'il nous disait, d'ailleurs, toujours le 11 juin, m. le président - c'est instructif de remonter aux propos du ministre - il disait: "on veut avoir une loi équitable, donc, il faut éliminer les exceptions. si on élimine des exceptions, il faut prendre en considération qu'il faut augmenter les heures." bon! alors, il a augmenté les heures, il a fait semblant de réduire les exceptions et là, aujourd'hui, il nous annonce qu'il les augmente à nouveau: lundi soir, mardi soir. en terminant à 19 heures, ça l'amène à ouvrir des exceptions pour les pisciniers, pour les coopératives de fournitures scolaires, pour les véhicules routiers. il ouvre des exceptions. il reconnaît les marchés aux puces; ce n'est pas dit comme ça. peut-être reconnaît-il les fruiteries et peut-être n'ai-je pas eu le temps ou la capacité de trouver les articles dans lesquels il les reconnaîtrait. il a dit d'ailleurs, tout au long du processus, que l'opposition bloquait le fait que les fruiteries puissent avoir une exception. j'imagine que ça devait être lui parce qu'il ne m'a pas consulté sur les amendements et il n'y en a pas qui les concernent, à moins que je ne les aie pas vus. évidemment, comme je n'ai pas eu beaucoup de temps pour les voir, ça se peut que ça m'ait échappé. alors, j'imagine que le ministre me répondra à ça. alors, il ajoute: "en permettant plus d'heures la semaine, entre autres, ça permet d'éliminer beaucoup d'exceptions." ce qui fait qu'aujourd'hui, au lieu d'avoir 19 exceptions, on se ramasse, m. le président, avec 10 exceptions de moins, plus toutes celles qu'il a rajoutées. il ne doit pas être loin d'être revenu aux 19 qu'il y avait dans la loi de 1984. il y avait des principes. évidemment, avec des principes, ça donne aussi ça. il dit, le 11 juin: m. le président, j'annonce aujourd'hui une modification au projet de loi qui n'est pas le fruit des représentations uniques des travailleurs et des travailleuses. comme si les représentations qu'avaient faites les travailleurs et les travailleuses n'étaient portées que par ce groupe-là, alors que la coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche, représente, oui, m. le président, des centaines de travailleurs et de travailleuses, mais représente aussi des centaines de commerçants, petits moyens ou gros, m. le président, et qui, les uns les autres sont tout aussi intéressants et ont tout autant le goût de participer à l'économie du québec. quoique, parfois, le ministre ait l'air d'en douter, la coalition rejoint aussi des consommateurs et des consommatrices qui sont tout aussi intéressés à répondre à leurs besoins en respectant cependant les droits des uns et des autres. Alors, entendre le seul point de vue des travailleurs et des travailleuses, dans ce cas-là, c'aurait été entendre aussi le point de vue de milliers de propriétaires à travers le Québec, qui ne sont pas plus heureux, soit dit en passant, des amendements que l'on apporte aujourd'hui, entre autres, en prolongeant jusqu'à 19 heures, les lundis et mardis.

Vous irez leur demander. Vous irez tout à l'heure échanger avec eux pour savoir s'ils aiment ça ajouter une heure de plus le lundi soir, qui va faire que ça va les ramener chez eux à 20 heures. Et si ça va s'ajouter au nombre d'heures brisées qu'ils ont déjà. Vous irez voir les commerçants, les dépanneurs, s'ils aiment ça aussi faire en sorte que, pendant l'heure où c'est probablement le plus intéressant pour eux, on ouvrira plus largement tous les commerces. Vous irez voir les gens qui vont travailler le dimanche, qui ne seront que cinq par établissement, plus le gardien, ou la gardienne, plus les gens à la fabrication, que l'on a précisé dans le projet de loi, heureusement, et je salue cet amendement. Un parmi les 35, quand même ce n'est pas mal? Il ira les voir, M. le Président, pour savoir si la voix des travailleurs et des travailleuses était isolée dans le concert d'objections qui s'est présenté dans l'unanimité qui s'est faite, pas pour le projet de loi, M. le Président, l'unanimité s'est faite contre le projet de loi.

Je continue, c'est trop instructif, M. le Président, de citer le ministre. Il revient à ses notions de principe et il dit: Je fais une loi de l'avenir. Il dit: Ce n'est pas un projet de loi qui est simple. J'en conviens avec lui, ce n'est pas simple. Ça prend du courage, j'en conviens avec lui. C'est un projet de loi qui est complexe. Il faut le lire. Il faut surtout le lire avant de le critiquer. Je suis d'accord. Je l'ai lu pas mal. Il y a les amendements, évidemment, que j'ai eus un peu tard, mais enfin, il faut bien le comprendre. Mais ce qui est le plus important, c'est que c'est un projet de loi de l'avenir. Là il parlait, pas des amendements qu'on a devant nous, M. le Président, il parlait du projet de loi original. C'était un projet de l'avenir. Alors l'avenir dure aussi longtemps que durent les roses, M. le Président, sûrement l'espace d'un moment, puisque déjà sur 34 articles, il veut en modifier 25. Alors l'avenir a duré une semaine, M. le Président. Évidemment, il fallait y réfléchir un peu. Il fallait y penser. Ce n'était pas notre cas et on ne pouvait pas dire notre mot parce que le bâillon a été mis. On nous a empêchés, effectivement, d'intervenir et de défendre notre point de vue parce qu'on n'aimait pas notre point de vue. Sauf qu'il y a un problème, M. le Président. Notre point de vue, c'est celui de la majorité. Et quand on n'entend pas la majorité, effectivement, on en paie un jour ou l'autre le

prix. Et le prix, c'est celui du point de vue qui s'exprimera, qui s'exprimera par des votes. Et, ce jour-là, on se rappellera et on s'en rappellera bien avant, M. le Président, parce que sa loi était basée aussi sur trois principes.

Une voix: M. le Président...

Mme Marois: On n'aime pas ce que j'ai à dire? On peut se lever et contester ce que j'ai à dire. Mais ce que j'ai à dire, je vais le dire ici, M. le Président. Il y avait trois principes aussi sur lesquels s'appuyait le ministre. Une loi, j'en ai parlé, équitable. Il disait: Une loi durable et une loi applicable. Une loi durable. Entre le moment où il a déposé son projet de loi et aujourd'hui, il nous a annoncé deux séries d'amendements qui ne vont pas dans le même sens, qui sont différents. Ça, c'était une loi durable. Je conviens avec le ministre qu'il a été à l'écoute entre le moment où il a déposé son projet de loi et celui où il dépose les amendements. Il a été à l'écoute de qui, par exemple? Ça, je me pose des questions. Je ne le sais pas, en tout cas, sûrement pas à notre écoute parce qu'on n'a jamais pu échanger avec lui sur le projet de loi et sur les amendements. Il a refusé que nous commencions à discuter des articles de la loi.

Nous avions proposé, M. le Président, de discuter de l'article qui faisait le plus problème, l'article qui concernait les quatre personnes en tout temps dans un commerce qui pourrait, là, ouvrir 24 heures par jour s'ils le veulent, mais préservant ainsi le dimanche et faisant en sorte que l'on évite toutes ces exceptions auxquelles le ministre lui-même nous amène, après nous avoir blâmés, comme gouvernement, d'en avoir fait et surtout après avoir oublié de blâmer son propre gouvernement qui n'avait pas fait appliquer la loi et qui avait confirmé les exceptions par des décrets ministériels signés par des membres de son gouvernement et pas par des membres du mien, M. le Président.

Alors, une loi équitable, une loi durable et, maintenant, une loi applicable. Là, on va s'en parler de la loi applicable, ça aussi, c'est un petit chef-d'oeuvre. Comment le ministre nous disait-il? Il l'a répété encore ce soir: Notre loi de 1984 était un chef-d'oeuvre d'incohérence. Il dit que ce n'est pas lui qui le disait, mais que c'étaient les intervenants. Et il disait: Ce n'est pas applicable, c'est bien trop compliqué. Ce n'est pas possible de mettre du contrôle là-dedans. La loi de 1984, effectivement, souffrait de quelques exceptions qui méritaient d'être remises en question. J'en ai convenu avec le ministre immédiatement. Mais la loi de 1984 était claire; elle n'avait pas 56 critères et éléments pour essayer de voir si les gens pouvaient ouvrir ou non, elle se basait sur un critère de base qui était: trois personnes en tout temps. J'imagine que ça doit être relative- ment facile à constater... Quand tu rentres dans un établissement, s'il y a 10 personnes qui travaillent, tu dois dire: C'est en dehors des heures, vous n'avez pas le droit. S'il y en a trois, bien tu dis: Ça fonctionne. Ça a l'air que c'est correct, qu'on respecte la loi. Alors là, ce ne sera pas trois personnes en tout temps, ce sera quatre personnes en dehors des heures, plus le patron, plus la sécurité, plus le pâtissier, plus le boulanger. Et si on est dans une pharmacie, quelqu'un à la préparation des pilules et des médicaments. On regardera qui va ouvrir le dimanche. Vous allez voir si nos évaluations étaient fausses et si nous errions. On va voir si la loi du ministre est si applicable que ça, M. le Président, comparé à la nôtre qui, semble-t-il, ne l'était pas. (23 heures)

En fait, le ministre a mis le "focus", depuis quelques jours, sur la réduction des heures en semaine en essayant, M. le Président, de nous faire oublier qu'il saccageait le dimanche. Il ouvre en fait la porte, M. le Président, à la libéralisation complète. Il met l'accent sur les changements, effectivement, qu'il apporte, mais il oublie de dire qu'il confirme le point de vue qu'il défend depuis le début en ce qui a trait à l'ouverture le dimanche. Pour confirmer aussi cette approche, ce serait peut-être intéressant de rappeler aux membres de cette Assemblée qu'il va permettre que, du 1er au 23 décembre, pour s'assurer que toutes les emplettes soient faites, bien sûr, tous les commerces d'alimentation, de vente d'appareils électriques, de meubles, de vêtements vont pouvoir ouvrir de 8 heures à 21 heures le dimanche y compris, M. le Président. Sept jours en ligne. Vous irez voir les travailleurs et les travailleuses et vous irez voir les propriétaires de commerces qui se plaignaient déjà d'être ouverts le soir en semaine pendant la période des fêtes et qui bénissaient le ciel parce qu'il leur restait une journée dans la semaine pour se reposer. Alors, ce n'est plus le cas, M. le Président. Comme quoi ma thèse n'est pas trop bête, soit que l'on s'en va vers une libéralisation complète de l'ouverture des commerces en alimentation et autres, semaine et dimanche jusqu'à 21 heures ou 22 heures, selon le bon vouloir du prince. En fait, M. le Président, il y a toujours unanimité contre le projet de loi. Il a dit non aux fruiteries ou on ne le sait pas, on le verra. À mon point de vue et à ce moment-ci... C'est très ennuyeux, M. le Président, vous savez.

Le Président: Effectivement, Mme la députée. Effectivement, je constate qu'à ma droite, vers le fond de l'Assemblée, des députés interviennent. Si vous avez des discussions, je vous invite à les poursuivre à l'extérieur. Alors, vous pouvez poursuivre, Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Je comprends que ça puisse

peut-être vous ennuyer, mais il reste que nous représentons ici une voix qui s'est exprimée très clairement et qui est plutôt du côté de la majorité. Alors, peut-être qu'il y aurait intérêt à entendre cette voix-là et surtout à en tenir compte lorsque vous aurez à adopter le projet de loi. M. le Président, je sais qu'il me reste peu de temps. Je me sens effectivement dupée, je me sens humiliée, je me sens impuissante à convaincre un ministre qui est devenu sourd à la voix de la majorité. Je lui ai proposé aussi que cette loi s'appuie sur trois principes qui sont essentiellement, d'abord, un équilibre entre les besoins des uns et les droits des autres; entre les besoins des consommateurs et des consommatrices et entre les droits des travailleurs et des travailleuses. Je lui ai proposé, M. le Président, que l'on s'appuie aussi sur le principe de l'équité.

M. Boulerice: M. le Président, s'il vous plaît, l'article 32. Qu'ils aillent dans le salon ou ils ont plutôt la classe pour aller dans un salon.

Le Président: Un instant, un instant, un instant! Alors, M. le ministre, je vous demanderais, s'il vous plaît... Simplement que vous dérangez, par votre conversation, l'intervenante...

Une voix:...

Le Président: Non, non, un instant, un instant. Un instant! On demande aux députés d'être à leur place en silence, de ne pas déranger l'intervenante. Alors, Mme la députée, allez-y! S'il vous plaît, M. le député. Alors, on me demande que vous preniez votre chaise. Je vous invite... Un instant! Je vous invite à reprendre votre banc. M. le ministre, je vous invite à reprendre votre siège s'il vous plaît. M. le ministre délégué aux Transports je vous invite à reprendre votre siège.

Une voix:...

Le Président: M. le ministre, s'il vous plaît! Je vous rappelle à l'ordre une première fois.

M. Boulerice: M. le Président.

Le Président: S'il vous plaît, un instant! Alors, une autre question de règlement, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, l'article 35, le paragraphe 4: "...s'adresser directement à un autre député", ce qu'a fait le député de je ne sais quel comté... Richmond. Et le paragraphe 7, le langage violent, injurieux ou blessant, en traitant...

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît, s'il vous plaît! Évidemment, le député en ques- tion n'a pas la parole, donc les propos ne sont pas aux débats. Je demande simplement aux députés de se conformer à la dignité de l'Assemblée. Si vous avez quelque commentaire à faire, je vous invite à vous lever à votre tour; vous avez droit à dix minutes et vous le ferez en toute conformité avec le règlement, à ce moment-là. Alors, veuillez poursuivre Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: Merci, M. le Président C'est très agaçant, je le répète, parce que, évidemment, c'est une façon de déstabiliser quelqu'un qui veut intervenir, défendre son point de vue et le défendre, je crois, le plus correctement possible.

Vous savez, quand le ministre est intervenu tout à l'heure, nous l'avons écouté avec attention, malgré que nous ne partagions pas son point de vue. Il le sait depuis longtemps. Je n'ai pas, cependant, de l'autre côté de la Chambre, le même respect que nous avons accordé à l'endroit du ministre.

Cela étant dit, M. le Président, la position que nous avons défendue était effectivement un équilibre entre les besoins et les droits des uns et des autres, des travailleurs et des travailleuses, des consommateurs et des consommatrices, et aussi l'équité entre les commerçants. Et nous avons appuyé notre proposition aussi sur une autre analyse qui est faite dans une société qui a progressé comme la nôtre, qui est développée comme la nôtre. C'est cet équilibre entre les besoins qu'ont les personnes, bien sûr, de consommer, bien sûr, de produire pour pouvoir répondre à leurs besoins, mais aussi de mettre l'accent sur les relations entre les personnes, mettre l'accent sur la communication, sur le loisir, sur la culture... Nous nous sommes battus...

M. Boulerice: M. le Président...

Mme Marois: Ah! De grâce, s'il vous plaît!

Le Président: Un instant! Un instant! Un instant!

M. Boulerice:...

Le Président: un instant, s'il vous plaît! m. le député, un instant, s'il vous plaît. je ne peux que requérir la collaboration de tous les députés, s'il vous plaît. veuillez poursuivre.

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'allais dire: Vous savez, comme un peu il y a 15 ans, on s'est moqué allègrement des gens qui se préoccupaient de l'environnement. Ils étaient des farfelus, ils étaient des gens qui faisaient perdre du temps à des gens sérieux. On s'en est moqué il y a 15 ans, M. le Président, et je dis que le débat que l'on a actuellement autour des heures

d'affaires touche effectivement une question de valeur. Et on se moque, et on l'a vu, des gens qui défendent un point de vue où on demande de mettre l'accent sur un temps où on va moins accorder d'importance à la production et à la consommation et où on va s'attarder à d'autres valeurs humaines qui sont tout aussi importantes et qui sont tout aussi essentielles au progrès et à l'évolution de notre société.

Et ce que ma formation politique a défendu, M. le Président, c'est effectivement que, comme société, on pouvait peut-être se dire que c'était un choix que l'on voulait privilégier de faire en sorte qu'une journée par semaine l'ensemble d'entre nous cesse de produire et de consommer pour mettre du temps sur d'autres types de valeurs qui sont des valeurs, oui, d'échange, qui sont des valeurs de type familial et qui sont importantes aussi dans nos sociétés. Dans le fond, ce n'est probablement pas si farfelu que cela. Et ça se compare peut-être au débat que l'on a eu il y a 15 ans sur l'environnement.

Quand on me dit, M. le Président, regardez donc ailleurs, ils sont des progressistes, eux ouvrent 24 heures par jour, allez donc vivre aux États-Unis si vous aimez ça. Ce n'est pas le choix que moi je fais parce que je préfère le type de société que l'on a bâtie ici et j'aimerais bien qu'on en préserve un certain nombre de ses éléments, M. le Président. C'est pour ça que je combattrai effectivement le projet de loi qui est devant nous parce qu'il ne répond pas aux besoins qui ont été énoncés.

Le Président: Je vais céder la parole à M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie pour une intervention d'un maximum de cinq minutes.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je ne me sens aucunement coupable de la duperie ou de l'humiliation de la députée de Taillon. Je n'ai jamais refusé de déposer les amendements en commission parlementaire. J'étais prêt à les déposer à la condition que l'on commence à discuter par l'article 1, ce que l'Opposition n'a jamais voulu faire, préférant commencer par l'article 4. (23 h 10)

À 13 reprises, M. le Président, et je répète ce que j'ai dit, à 13 reprises en commission parlementaire, j'ai dit que j'étais prêt à déposer les amendements lors de l'étude du projet de loi article par article, en commençant par l'article 1. Par contre, même si on n'a pas eu le temps d'analyser les amendements de l'Opposition, je les ai pris en considération dans le projet de loi. On a préféré, en commission parlementaire, faire une motion sur le tourisme. On a dit: II faudrait entendre le ministre du Tourisme. J'ai dit, en commission parlementaire, que j'étais d'accord, qu'on n'avait pas besoin de faire une motion pour ça, j'ai même appelé le ministre du Tourisme pour lui demander de venir et il m'a dit oui. On a préféré passer cinq heures à discuter du tourisme pour, finalement, lire les amendements de l'Opposition, aucun amendement sur les zones touristiques. Alors, si ce n'est pas de l'obstruction systématique, je ne sais pas ce que c'est.

On m'a accusé d'être à la solde de Club Price, de Steinberg et de la coalition pour. On m'a accusé de ça. Pourtant, on ne se gêne pas pour sortir la presse: 600 000 membres du Club Price pour la libéralisation totale, en désaccord. Donc, qu'on ne m'accuse pas d'avoir été à la solde de Club Price. J'ai écouté. On m'a même reproché d'avoir une vision. On m'a dit: II ne faut pas aller trop vite. N'allez surtout pas trop vite; il ne faut pas aller plus vite que la population.

Et, finalement, je veux juste ajouter ceci. On peut faire de la démagogie sur la libéralisation totale, elle existe dans les zones touristiques, les commerces peuvent ouvrir sept jours par semaine, 24 heures par jour. Les restaurants peuvent ouvrir sept jours par semaine, 24 heures par jour. Trouvez-moi des restaurants, trouvez-moi dans les zones touristiques des commerces qui sont ouverts sept jours par semaine, 24 heures par jour. Je pense qu'il faut faire confiance au commerçant qui, lui, va ouvrir son commerce en autant qu'il y a un achalandage et que le consommateur lui demande.

Le dernier point que j'aimerais faire, M. le Président, je crois également à la culture, je crois également à l'environnement, je crois également à la vie familiale, je crois aux valeurs humaines que l'Opposition prône. C'est la raison pour laquelle, quoi qu'en dise la députée de Taillon, j'ai protégé, pour la très grande majorité des commerces et des travailleurs et des travailleuses, le dimanche comme journée de repos.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme France Dionne

Mme Dionne: M. le Président, après avoir écouté la députée de Taillon pendant plusieurs minutes, permettez-moi de vous dire que la sobriété a bien meilleur goût.

Notre gouvernement, avec le projet de loi 75, présenté par le ministre, M. Gérald Tremblay, a tranché la controverse entourant les heures d'ouverture des commerces. Il s'agit là d'une décision hautement satisfaisante, dont j'aimerais faire valoir la pertinence auprès des membres de cette Assemblée. Je me propose donc, effectivement, d'utiliser le temps dont je dispose ce soir pour montrer la pertinence de notre décision

dans ce dossier qui, comme on le sait, a eu un large écho dans les médias' et a fait, comme on a l'habitude de le dire, couler beaucoup d'encre.

J'entends donc procéder à ma démonstration en deux temps. Primo, il sera question des transformations intervenues dans les habitudes de vie de nos concitoyennes et concitoyens dont le gouvernement a tenu compte dans sa démarche, afin de montrer le caractère judicieux de la décision prise. En deuxième lieu, je parierai du projet de loi lui-même et des dispositions qu'il contient pour souligner le fait qu'elles traduisent bien les intentions de ce dossier gouvernemental. Enfin, je conclurai par un retour sur les objectifs du projet de loi 75.

M. le Président, j'aborde maintenant le premier volet de mon intervention, c'est-à-dire les changements intervenus dans notre société afin de montrer comment ils ont rendu dépassée la loi actuelle sur les heures d'affaires. Tel que l'ont souligné plusieurs journalistes, le problème des heures d'ouverture des commerces est dit de société. Il est lié à l'extrême diversité de la vie de nos citoyens au seuil des années quatre-vingt-dix. Un regard sur l'histoire peut nous permettre de comprendre l'avènement de cette diversité dans les modes de vie de nos concitoyens. Un tel retour sur le passé s'impose à ce moment-ci par la lumière qu'il nous fournira.

M. le Président, notre société, c'est bien connu, est passée, au cours des 30 dernières années, d'une société fermée et repliée sur elle-même à une société ouverte, pluraliste et diversifiée. Elle a vécu de profondes transformations au chapitre des habitudes de vie. La vie commerciale et les besoins d'accès au commerce ont connu une évolution analogue. Ceci est perceptible à l'aide d'un bref regard sur notre législation dans le domaine des heures d'affaires. La première loi québécoise sur les heures d'affaires remonte à 1969. Avant 1969, la nécessité d'une loi québécoise ne s'était pas fait sentir dans notre société. Les heures d'ouverture des commerces relevaient des municipalités, et le dimanche, d'une loi fédérale du début du siècle et d'une loi provinciale dite du jour du Seigneur. Cette situation législative a correspondu aux besoins de notre société pendant, grosso modo, plus de 50 ans.

Si, au tournant des années soixante-dix, s'est imposée la nécessité d'uniformiser une situation à l'échelle du Québec, c'est pour deux grandes raisons: la première de ces raisons est liée à l'entrée de notre société dans ce qu'il est convenu d'appeler l'ère de la consommation; et la seconde raison est liée à la forte tendance dans notre société, à la fin des années soixante, à concentrer dans les mains de l'État une foule de responsabilités, toutes plus diverses les unes que les autres. L'entrée de notre société dans l'ère de la consommation correspond, nous le savons, à l'énorme progrès qu'elle a connu au niveau du bien-être matériel. Cette époque de transforma- tion profonde est marquée par de très grands changements. On a l'habitude de les décrire en utilisant les mots "urbanisation", "industrialisation". Mais sur le plan de la consommation, ils correspondent à une extension et souvent à un déplacement du commerce des rues principales de nos villes et villages vers les banlieues qui se sont développées dans un grand élan d'urbanisation. Ils correspondent également à un déplacement important du commerce vers de nouveaux lieux de consommation, les centres d'achats, qui ont émergé à la périphérie des villes, dans tous les coins du Québec où les banlieues étaient en plein essor.

L'éclosion de nouveaux lieux de consommation dans l'essor de nos banlieues apparaît être la première raison ayant conduit l'État à standardiser le cadre des heures d'ouverture des commerces, à la fin des années soixante. La seconde raison est, comme je l'ai suggéré, liée à une très forte tendance que nous avions, à l'époque, à penser que l'organisation de la vie de notre société devait nécessairement passer par l'État. Ceci s'explique par le fait que nous en étions à cette époque à mettre en place l'État-providence. Donc, ce sont ces deux raisons qui ont conduit l'État à intervenir dans le domaine des heures d'affaires.

La loi de 1969, votée à la fin du règne de l'Union nationale, a constitué un cadre législatif acceptable pendant près d'une quinzaine d'années. C'est en 1984 que s'impose à nouveau l'exigence de revoir notre législation en matière d'heures d'affaires et c'est sous le règne de l'Opposition, il faut se le rappeler, que la loi actuelle a été adoptée. La vision que sous-tend la loi de 1984, présentée à l'époque par Rodrigue Biron, alors ministre de l'Industrie et du Commerce, est celle des années soixante et non celle du Québec des années quatre-vingt, au moment où a été votée ladite loi.

Dès son adoption, en 1984, le projet de loi 59 apparaît peu adapté à son époque. Il fait significativement fi du phénomène des différences et des spécialités que connaît alors le commerce de détail, et en particulier le domaine de l'alimentation. Le domaine de l'alimentation connaît en effet, à ce moment-là, le début du mouvement des spécialisations qui donnent naissance à des établissements dans différents secteurs, et notamment dans le domaine de l'alimentation, telles les fruiteries, les pâtisseries, les fromageries, les poissonneries, etc. Ces établissements sont des petites entreprises dont l'apparition est fort appréciée des consommateurs et des consommatrices. Elles témoignent d'un dynamisme certain de la part des citoyens et des citoyennes qui ont décidé de lancer leur entreprise, de fonder leur entreprise.

En outre, un phénomène vers une spécialisation s'accompagne d'un autre phénomène, aussi important, de restructuration du commerce de détail à travers l'apparition de grandes surfaces,

telles les superpharmacies et autres. Cette restructuration remet en cause le décloisonnement traditionnel dans la vente de détail et, en particulier, en termes d'articles vendus. En outre, le ministre Biron ignorait également, à l'époque, un autre phénomène relatif à l'essor du domaine des services dans notre économie auquel est en partie liée l'entrée des femmes sur le marché du travail. (23 h 20)

L'entrée massive des femmes sur le marché du travail, face à l'essor du secteur tertiaire de notre économie est, en effet, une transformation très importante. Elle rend trop étroit le cadre traditionnel des heures d'ouverture des commerces dans la mesure où les achats de biens ne peuvent plus être faits pendant la journée ouvrable. Ignorant en bonne partie cette réalité, comme d'autres, le gouvernement péquiste s'en tient, à l'époque, à reconduire presque la situation existante depuis 1969. Il est alors facile de comprendre les nombreuses pressions exercées sur notre gouvernement, suite à l'élection de 1985, pour obtenir des changements à une loi qui, dès son adoption, était dépassée par les réalités de notre société.

J'en arrive maintenant à la seconde partie de mon propos, c'est-à-dire au projet de loi 75 proprement dit. Il a été pensé pour tenir compte des réalités de notre temps. C'est une solution équilibrée à un problème mettant en présence les trois grands groupes d'intervenants concernés par la question d'ouverture des commerces. Trois objectifs rappelés par le ministre de l'Industrie et du Commerce ont été poursuivis.

Et, en terminant, M. le Président, puisque les minutes passent rapidement, j'aimerais vous parler de ce troisième objectif poursuivi par notre gouvernement, dans ce projet de loi, qui est relatif à la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses. En limitant significativement le nombre de commerces pouvant ouvrir le dimanche, le gouvernement s'est montré très soucieux de la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses du secteur du commerce de détail. Le gouvernement est persuadé qu'il est fondé de ne pas avoir cédé aux représentations favorisant la libéralisation des heures d'ouverture le dimanche. Y avoir cédé aurait conduit à un déséquilibre entre les petits et les gros commerçants dans notre société. La solution retenue est équitable, soucieuse des besoins des consommateurs et sensible aux impératifs de la qualité de vie des travailleurs et des travailleuses.

En terminant, M. le Président, je veux vous dire - et j'insiste sur ce point - que la loi que nous étudions ce soir n'oblige pas, elle permet. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Président: Je cède la parole à M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Comme "anticlimax0 on ne pouvait pas trouver mieux. Encore une fois, parler du passé. Le député de Beauce-Nord, c'est celui qui avait la mission, à la commission parlementaire, de parier du passé. Je lui ai dit et je lui ai répété à plusieurs occasions, et je vais me permettre de le dire à la députée de Kamouraska-Témiscouata, si elle le veut, revenons donc au présent et regardons le futur. Et le futur, c'est ce que le ministre me propose. C'est de ça que je vais parler. Je ne prendrai pas des heures pour y arriver, je vais lui parler dès le début.

Je dirai, M. le Président, que moi aussi, j'ai en dedans - comme le ministre l'a, d'ailleurs -une émotion très forte dans ce dossier important des heures d'affaires des commerces. Je pense que je mentirais à du monde en disant que je n'ai pas, moi aussi, qui sourd en moi, cette colère de voir que, dans le contexte, tel que nous nous sommes présentés à la commission parlementaire, M. le Président, on en arrive à faire en sorte que moi aussi, je me suis senti floué. Le ministre aura beau dire, aura beau répéter, aura beau dire qu'on a empêché le débat, il faudra qu'il regarde que lui aussi a empêché le débat, le débat que l'on voulait le plus profond possible sur l'ensemble de ces propositions qu'il nous faisait.

Mme la députée de Taillon l'a dit. Nous sommes arrivés ici le lundi soir, la semaine dernière, où le ministre nous indiquait qu'il avait deux amendements. Il a, en cours de route, par l'intermédiaire du député de Nicolet-Yamaska, commencé à pointer sur un troisième amendement. Le ministre, comme d'autres ministres, que ce soit le ministre délégué aux Forêts, que ce soit le ministre de l'Éducation avec qui on a des contacts normaux, corrects, qui nous présentent leurs amendements avant même qu'on commence la commission parlementaire, nous permettant de nous faire une idée sur où ils s'en vont... Le ministre a refusé. Il était en droit de refuser. Il dit: Non, je n'ai pas refusé, excusez. Je vous ai dit: Quand nous arriverons à l'article 1, je vous déposerai, à chacun des articles, chaque fois que j'aurai un amendement, les amendements. Mais ça, c'est la coutume, M. le Président, qu'un ministre peut utiliser.

Mais il y a d'autres coutumes en cette Chambre qui sont de donner en vrac, comme je le lui demandais, l'ensemble des amendements qui nous permettaient de nous faire une idée sur ce qu'il voulait, comme nous, on l'a fait. Nous avons présenté nos amendements. Nous avons donné tout ce que nous avions comme amendements dans un seul et même document qui était la liasse d'amendements. Pourquoi nous le faisions? Parce que nous croyions à ce que nous défendions. Nous défendons la portion de la population qui est, je crois, majoritaire quant à ce projet

de loi. Il n'y a personne ici qui va m'empêcher de le dire de la façon dont je le pense, en n'insultant cependant personne, tout en reconnaissant en même temps que le ministre, même s'il dit qu'on l'a accusé d'être à la solde de, le ministre peut bien comprendre une chose, c'est que je lui ai dit: Écoutez, M. le ministre, si ce n'est pas vrai ce que je dis ou si d'autres disent que ce n'est pas vrai, ça veut dire que c'est vous qui avez décidé. Et si c'est vous qui avez décidé, c'est là que j'ai parlé d'entêtement et d'orgueil. Pourquoi d'entêtement? Parce que le ministre se refusait à tout ce qu'on proposait. Si ce n'est pas de l'entêtement, je n'ai rien appris dans mon dictionnaire.

Deuxièmement, quant à l'orgueil, je le comprends. À part le petit projet de loi qu'il a présenté, c'est son second projet de loi qui est peut-être le plus gros morceau pour lui. Qu'il se sente en difficulté parce qu'il croit peut-être profondément que nos façons de voir les choses sont bonnes, mais qu'il ne veuille pas reculer parce qu'il se dit: Peut-être que je n'aurais pas dû aller si loin que ça, je prête peut-être des intentions au ministre, mais si peu, M. le Président, comme je le pense. Si le ministre est celui qui a pris toutes les décisions, il devrait être capable de reculer s'il croit que notre position est juste et équitable et qu'elle représente une partie de la population de plus en plus grande. Le ministre a dit: Je ne suis pas à la solde d'un Club Price, d'un journal, etc. C'est ce qu'on lui a dit. On lui a dit: Le projet de loi fait l'unanimité contre le projet de loi. C'est contre ce qui est là. Ceux qui en voulaient plus disent qu'il n'y en a pas assez et ceux qui en voulaient moins disent qu'il y en a trop. C'est de ça qu'on a parié. C'est de là qu'on a dit au ministre qu'il fallait qu'il en arrive à peut-être regarder sa position et la changer s'il le fallait. Le ministre ne veut pas. Le ministre décide de passer le rouleau compresseur. Le ministre dit: Après 24 heures, j'ai senti qu'il n'y avait rien à faire.

Pourquoi en est-on là, M. le Président? Parce que le ministre s'est enferré dans une voie qui n'avait pas d'issue. Cette voie qui était sans issue, c'était: J'ai promis à du monde de faire un projet de loi qui, selon les principes "équitable, gérable et applicable" serait adopté avant la fin de juin. Je parlais avec des ministres de son gouvernement qui me disaient que, oui, c'est vrai, j'avais raison. Je ne les nommerai pas parce que je ne veux pas mettre en contradiction les gens de ce Conseil des ministres, mais je pourrais les nommer si la ministre de l'Énergie et des Ressources me le demandait. Mais il m'a dit en sortant de la Chambre hier: "Je comprends que vous avez peut-être raison, M. le député. Ce n'était pas un projet de loi qu'on était obligé d'adopter pour la fin de juin." Ça ne prenait pas nécessairement une motion de bâillon pour ce faire.

Le ministre va nous dire: Écoutez, j'ai hâte de passer à autre chose. Je le comprends. Si j'étais à sa place, je voudrais la même chose, mais ce n'est pas de ça que je suis obligé de parier comme membre de l'Opposition, c'est que comme il ne fait pas l'unanimité, ce projet de loi, il serait peut-être mieux de le reporter à plus tard. On ne lui en tiendra pas rigueur. Peut-être qu'il aurait le temps de corriger à nouveau et qu'il en arriverait à adopter la position de celui que j'ai appelé "le sacrifié" du gouvernement actuellement, le député de Nicolet-Yamaska, qui avait quand même fait, comme député, un travail remarquable, avec lequel nous n'étions pas nécessairement en total accord, mais pour lequel nous croyons qu'il y avait des améliorations à apporter. Le ministre va nous accuser de dire: Ils nous ont rappelé pendant des heures et des heures, des fois et des fois que les mots qu'ils voulaient corriger, c'étaient trois petits mots, les mots "en", tout' et "temps": un adverbe, un adjectif et un nom commun. Trois petits mots. Le ministre, pendant ce temps, va me dire, de mon côté: Vous, M. le député, je vous ai dit nombre de fois, une onzième fois, de revenir à l'article 1, ou une centième fois, peu importe. On va s'accuser de ça, mais ce n'est pas de ça qu'on doit parier ce soir, c'est pourquoi nous sommes si survoltés de part et d'autre. Le ministre, on le sent, bouillonne et nous aussi, nous bouillonnons, parce qu'il croit à sa position et nous croyons à la nôtre. Maintenant, il décide de trancher à sa façon, selon ce qu'il pense. soit, nous ne pourrons plus, m. le président, avec les heures qu'il nous reste à passer ici en cette assemblée nationale d'ici le 22 juin, à cause du nombre, battre le ministre, mais nous lui disons cependant, m. le président, qu'il fait fausse route, et, comme plusieurs le lui ont dit jusqu'à maintenant, que l'ouverture qu'il fait durant la semaine, peu importent les amendements qu'il y a apportés, les ouvertures qu'il fait les fins de semaine vont amener irrémédiablement et tranquillement, mais selon une pensée qui est celle des jean coutu et des provigo, et c'est là qu'on dit qu'il a été plus "écoutant"... je ne dirai pas "à la solde", m. le président, pour ne pas l'insulter, mais je dirai que, d'après moi, il a été plus "écoutant" de ces gros que des petits, des dépanneurs, des gens qui ont des petits commerces et qui disent que ça n'a pas de bon sens, des travailleurs, des consommateurs, des consommatrices, des gens qui croient que le ministre fait fausse route et qui sont de plus en plus nombreux et qui, en plus de ceux qui sont contre pour d'autres raisons, forment la majorité de ceux qui croient que le projet de loi n'est pas celui qui devrait être présenté à cette assemblée. (23 h 30)

Je crois que je n'ai pas à m'excuser de le dire. Je suis de ceux qui croient qu'un membre de l'Opposition doit avoir la voix que ceux qui sont à l'extérieur n'ont pas ici à l'intérieur, M.

le Président. Comme les décisions se prennent ici, il faut que ces gens-là soient représentés et c'est par ma voix qu'ils le sont. Ils le sont et ils essaient, dans les derniers moments qu'il nous reste, de convaincre le ministre qu'il n'y aurait pas urgence à passer le projet de loi, qu'il n'y aurait pas orgueil et qu'il serait plus intelligent, à mon avis, de le retarder de façon à ce que, peut-être, on en arrive à une solution qui convienne le plus possible et le mieux possible à l'ensemble de la population du Québec.

M. le Président, ces derniers mots, moi aussi, je les ai voulus émotifs, parce que, par ce que je dis, non seulement je suis le haut-parleur de ceux qui sont à l'extérieur, mais c'est ce que je pense et ce que je crois.

Le Président: M. le ministre, vous avez droit à une intervention d'un maximum de cinq minutes.

M. Gerald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Oui. M. le Président, je voudrais juste mentionner au député de Laviolette que les 20 amendements déposés par l'Opposition en commission parlementaire se résumaient sensiblement à trois points: premièrement, quatre en tout temps, comme vous l'avez mentionné; deuxièmement, les heures, je pense qu'on l'a pris en considération; et la question des menus articles, c'était de définir comme menus articles ceux de moins de 20 $, alors, on a actualisé les 20 $, parce que c'était en 1983.

Je n'ai jamais prétendu, comme le député de Laviolette l'a dit, avoir pris toutes les décisions, M. le Président. Ça, je pense que c'est important. Ça a été pris en collégialité. Oui, vous pouvez sourire, mais ça a été pris en collégialité avec 92 députés représentatifs de toutes les régions du Québec, et ça ne veut pas dire qu'on peut faire l'unanimité, mais, au moins, sur les principes de fond, on s'entend. Je ne me suis jamais engagé à faire adopter le projet de loi. Je me suis engagé à déposer un projet de loi. C'est très différent. Et quand le député de Laviolette nous dit qu'il faudrait faire l'unanimité, un projet de loi sur les heures d'affaires ne fera jamais l'unanimité.

Et, finalement, j'aimerais terminer en disant, encore une fois, que dans Le Journal de Québec, le 7 décembre 1989, la députée de Taillon nous disait ceci, au présent gouvernement: "Combien de ministres et d'années de consultation il faudra au gouvernement libéral pour qu'il en arrive à prendre enfin une décision dans le dossier des heures d'affaires des établissements commerciaux? Le gouvernement semble paralysé par une question qui ne présente comme difficulté que d'avoir à prendre une décision, à trancher, à gouverner." C'est ce que nous avons fait.

Une voix: C'est bien, ça!

Le Président: Je vais maintenant céder la parole à M. le député de Saint-Maurice.

M. Yvon Lemire

M. Lemire: M. le Président, c'est avec émotion, ce soir, que je m'adresse à cette Chambre. Ça se transmet d'un comté à l'autre, tel que mon collègue voisin, le député de Laviolette. C'est avec émotivité, M. le Président, et avec relativement de facilité que je peux justifier ce projet de loi sur les heures d'affaires et les jours d'admission dans les commerces et les établissements.

Vous conviendrez avec moi, M. le Président, que la démarche de consultation a commencé il y a plus de trois ou quatre ans. Nous avons eu le député de Nicolet-Yamaska qui a consulté, pendant plus de trois ou quatre mois, la population du Québec pour faire un rapport qui s'est appelé le rapport Richard, qui nous a donné un avis et qui nous a sensibilisés sur tous les différents problèmes que vivaient les propriétaires de commerce de détail au Québec. À la suite de ce rapport, le gouvernement, par son ministre, a décidé d'aller en auditions publiques. On a reçu 91 mémoires pour mieux comprendre ce que vivent sur le terrain les travailleurs, les propriétaires et les consommateurs. M. le Président, j'en profite ce soir pour féliciter M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

Des voix: Bravo!

M. Lemire: M. le ministre, vous nous avez permis de nous faire entendre. Vous nous avez écoutés, vous nous avez rencontrés, la commission, à plusieurs reprises. Nous avons eu plusieurs réunions, débats, analyses à l'intérieur de notre caucus. Vous nous avez permis de connaître et de mieux comprendre les besoins de la société tels qu'exprimés par les gens du milieu.

Nous avons déposé ce soir, avec M. le ministre et notre gouvernement, une loi qui va trancher le débat en définissant les règles qui s'adaptent aux besoins et aux changements réclamés par la plupart - je dis bien par la plupart - des commerçants, des consommateurs et des travailleurs. Souvenez-vous, M. le Président, du projet de loi des heures d'affaires, qui avait été déposé le 16 août 1984 par le gouvernement péquiste, par son ministre du temps, M. Biron, ministre de l'Industrie et du Commerce à l'époque. Aujourd'hui, si notre gouvernement a été obligé d'aller jusqu'à une motion de clôture, je dis bien, M. le Président, que c'est à cause de la non-responsabilité et de la panique qui est arrivée à ce moment-là et parce que le ministre d'alors n'a pas eu le courage de faire une loi équitable et respectable, une loi qui avait créé beaucoup d'injustices, surtout dans le domaine de

l'alimentation. Notre gouvernement a décidé de corriger cette loi.

Comme nous le savons tous, un projet de loi franchit diverses étapes. Comme vous le savez, le projet de loi était rendu à l'étape où la commission parlementaire devait en faire l'étude article par article. Les gens d'en face n'ont pas écouté. Non, M. le Président, ils n'ont pas voulu étudier le projet de loi article par article. Ils n'ont pas voulu participer au travail qui a été nécessaire pour apporter tous ces amendements avant le dépôt de ce projet de loi. Ce fut, de la part de l'Opposition, de l'Opposition péquiste je dis bien, une obstruction systématique. C'est ce projet de loi que nous allons ratifier, qui devra corriger l'intransigeance de l'Opposition, qui nous oblige, sans gaieté de coeur, à faire adopter une motion de clôture. Le projet de loi que nous avons déposé répond aux nouveaux besoins des consommateurs, tout en s'adaptant aux changements qui s'opèrent dans le mode de vie qui est différent et qui caractérise la société québécoise d'aujourd'hui. (23 h 40)

Le cheminement, M. le Président, de toute la démarche qui a eu lieu à la commission parlementaire de l'économie et du travail depuis plusieurs mois m'a amené à faire des représentations à l'intérieur de mon comté, à l'intérieur de différents commerces, et des rencontres comme représentant de la population. C'est ce que je veux vous dire ce soir, M. le Président, et ce que je veux dire à mes collègues, que je n'accepterai jamais la pression antidémocratique que j'ai reçue de la part de certains membres d'une coalition à différentes étapes du processus qui se veut démocratique.

J'ouvre une parenthèse, M. le Président, et je me permets de dire à certains citoyens et à mes collègues députés qu'il faut se rappeler - je dis bien qu'il faut se rappeler - la déclaration solennelle et le serment du député. Je cite ce que j'ai déclaré solennellement: que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j'exercerai mes fonctions de député avec honnêteté, justice et avec respect, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Lemire: M. le Président, en tant que député de la circonscription électorale de Saint-Maurice, ces gestes, ces mots, ces paroles ne viendront en aucun temps changer ma façon d'exercer mes fonctions de député dans le respect et dans l'honnêteté. M. le Président, la loi que nous déposons ce soir n'oblige pas, elle permet; c'est la démocratie, mesdames et messieurs, mes chers concitoyens. C'est pourquoi, M. le Président, je vais voter en toute liberté pour le projet de loi 75 sur les heures d'affaires. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo! le vice-président(m. bissonnet): merci, m. le député. nous allons poursuivre ce débat avec l'intervention du député de lévis. m. le député de lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: m. le président, j'ai écouté les députés ministériels et je me demande si on vit dans le même monde puisque, dans tous les débats qu'il y a eu sur les heures d'affaires au cours des dernières années...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député de Lévis. S'il vous plaît, je demande la collaboration des membres de cette Assemblée et je vous permets de poursuivre. Je m'excuse de vous avoir interrompu, M. le député.

M. Garon: M. le Président, je me demandais si on vit dans le même monde. Dans tous les débats qu'il y a eu, autant en 1984 qu'aujourd'hui ou depuis deux ans - j'ai l'occasion, comme tout le monde, d'aller dans les magasins - je peux vous dire que, d'une façon unanime, les gens ne demandaient pas ce que le gouvernement nous apporte aujourd'hui. Les seules représentations dans le sens de l'ouverture le dimanche qu'on a vues d'une façon un peu généralisée, ça a été dans le cas des fruiteries. Je rentrais encore dans un magasin, chez Tanguay, cette semaine. Tous les employés, le patron y compris, me disaient: Essayez d'empêcher la législation que veut apporter le gouvernement, ça n'a pas de bon sens. Je veux vous dire que, dans les épiceries, à tous les endroits où j'ai rencontré des commis de magasin ou des patrons de magasin, ils m'ont dit la même chose, unanimement. C'est juste dans le cas des fruiteries où c'aurait pu être analysé comme une mesure particulière, mais où, là, il y a eu de nombreuses pétitions pour ouvrir le dimanche. Mais, pour le reste, les gens ne souhaitent pas ça. Les patrons ne le souhaitent pas parce que les gens ne mangeront pas plus et ça va coûter plus cher.

Je défie le ministre d'avoir fait une étude dans le domaine du commerce pour dire: Les gens vont se mettre à manger plus parce que ça va être ouvert sept jours par semaine et plus tard le soir. Au contraire, je suis à peu près certain qu'il y a un certain nombre de dépanneurs qui vont faire faillite. Je suis à peu près certain qu'en changeant les règles du jeu on va occasionner un grand nombre de faillites. Il est à peu près certain, aussi, qu'il y a un ensemble de couples qui ont de jeunes enfants, qui arrivaient l'après-midi, il y en a un certain nombre qui devaient attendre l'arrivée de leurs parents qui travaillaient. Maintenant, comme le travail finira à 19 heures les lundis et mardis et à 21 heures les mercredis, jeudis et vendredis, il y a un certain nombre de parents qui vont être désor-

ganisés sur le plan de l'organisation de leur vie de famille parce que les heures vont finir d'une curieuse de façon.

C'est ça que les gens nous représentent quand on va dans les magasins, quand on les rencontre. Moi, je vais vous le dire, c'est unanime, sauf dans le cas des fruiteries où j'ai senti qu'il y avait une représentation assez forte de gens, avec des téléphones nombreux, des pétitions nombreuses, à mon bureau. Les gens me demandaient une exception, ils disaient qu'on devrait faire une exception pour les fruiteries, parce qu'a s'agit de produits frais et que les gens aiment s'acheter quelques fruits le dimanche.

Mais, dans le reste des cas, je ne sens pas où le ministre a senti cette pression. Quand je vois, vous, puis moi, la députée de Kamouraska-Témiscouata, les députés de la campagne qui viennent nous dire que les gens demandent d'être ouverts sept jours par semaine, incluant le dimanche, dans une société pluraliste, voyons donc! On assiste à un vieillissement de la population et il y a un plus grand nombre de personnes à la retraite, qui ont besoin d'avoir les magasins ouverts le lundi, le mardi, le mercredi, le jeudi, le vendredi, puis le dimanche? Voyons donc! Il faut quand même avoir les deux pieds à terre.

Je me rappelle qu'un jour j'avais lu qu'un chameau, c'était un cheval dessiné par un comité. Alors, je me dis, aujourd'hui, qu'on se retrouve devant une vraie picouille, M. le Président. Une vraie picouille. On dit: On l'a faite en caucus où il y en a un qui a dessiné le nez, l'autre les yeux, l'autre les oreilles, l'autre les pattes pour qu'on se retrouve devant une vraie picouille. Personne ne va se retrouver là-dedans. Personne ne va être heureux là-dedans. Pourquoi? Parce que ça va coûter plus cher de frais d'opération, donc des coûts accrus pour les propriétaires, donc des coûts qui vont se refléter chez le consommateur. Ils vont se retrouver avec une désorganisation de la vie familiale, parce que les heures qu'on soumet sont des heures qui n'arrivent pas. Ce ne sont pas les heures de changement d'activités dans les familles.

Quand on essaie de nous faire croire, aussi, que, le dimanche, les gens visent à magasiner, voyons donc! Ce n'est pas la seule activité dans la vie, le magasinage. Il y a d'autre chose à faire le dimanche. Puis, les gens souhaitaient avoir autre chose à faire le dimanche. Aujourd'hui, le gouvernement arrive et parle d'un projet de société, de qualité de la vie. Ce n'est pas vrai que c'est un projet qui va dans le sens de la qualité de la vie. Ce n'est pas vrai que c'est un projet qui va dans le sens d'une société qui vieillit. Ce n'est pas vrai.

Une société qui vieillit n'a pas besoin des heures qu'on vient de mentionner, au contraire. Habituellement, des gens qui vieillissent, qui sont à leur retraite en plus grand nombre... On parle aujourd'hui de 17 % de la population qui ont plus de 65 ans par rapport à ceux qui ont entre 20 et 65 ans. C'est un sur six actuellement et on parle d'aller vers presque un sur deux, en l'an 2030; donc un veillissement de la population, donc des gens qui ont plus de temps libre pendant le jour. Donc, une pression moins forte, normalement, à magasiner le soir ou le dimanche. Quand on nous dit que c'est une tendance, je me demande d'où ça vient, cette tendance-là. Sûrement pas de comtés ou d'endroits où la population diminue. Quand on regarde dans une région, que je connais bien, Chaudière-Appala-ches, sur 12 MRC, il y en a quatre qui augmentent de population, le reste diminue de population. Je reste dans une de celles qui augmentent de population, puis la pression que j'ai sentie, ce n'est pas dans le sens d'ouvrir; c'est dans le sens de fermer le dimanche.

J'imagine que ceux qui viennent des comtés ruraux alentour où la population diminue, ils n'ont pas dû sentir une grande pression pour ouvrir. Je vois la députée de Bellechasse; je serais bien surpris qu'elle ait senti une pression très forte dans Bellechasse pour ouvrir le soir, pour ouvrir le dimanche. Je suis certain qu'elle n'a pas senti de pression. Je suis certain que, dans Montmagny, il n'a pas senti de pression. Je suis certain que dans Kamouraska-Témiscouata, il n'y a pas eu de pression. Dans Rivière-du-Loup, je suis certain qu'il n'y a pas eu de pression.

Regardons la réalité en face. Ce n'est pas ça, la réalité. Ce n'est pas ça. Quand on regarde même dans les pays européens, où il y en a du monde, ils ferment le dimanche. Ils mettent même des clôtures en fer devant les magasins pour être bien certains que c'est fermé.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Allez en France, allez en Grèce, allez dans la plupart des pays européens, c'est fermé urbi et orbi, avec des clôtures de fer, des rideaux de fer qui se déroulent devant les... C'est fermé. Pourquoi? Parce qu'il y a une qualité de vie. Ils ont pensé que, le dimanche, on pouvait faire autre chose que magasiner, qu'on pouvait vivre en famille, qu'on pouvait avoir des loisirs. Et on s'en va vers des heures de travail moins longues. Sauf que les commis de magasin, quand ils finissent à 21 heures, pour un grand nombre, ce n'est pas fini à 21 heures. Il y en a pour qui c'est fini, mais il y en a qui commencent à compter, d'autres à faire des calculs, d'autres à faire autre chose, puis, finalement, ce n'est pas à 21 heures qu'ils finissent. (23 h 50)

Alors, pourquoi essayer de faire croire qu'on augmente la qualité de la vie? On n'augmente pas la qualité de la vie et, actuellement, en faisant ces changements... On verra. Je serais curieux que le ministre de l'Industrie et du Commerce fasse les statistiques pour voir corn-

bien, dans un an, auront fait faillite à cause des amendements qu'il apporte actuellement. combien auront fait faillite? combien de dépanneurs auront fait faillite? ils sont organisés en fonction d'une législation existante et maintenant, elle est changée. si on fait comme aux états-unis, par exemple, où il y a des stations d'essence devant les épiceries, combien restera-t-il de dépanneurs, dans un an ou deux, si on fait ce changement-là?

J'ai été, il y a deux ans, faire un grand voyage aux États-Unis. J'ai fait 16 000 kilomètres aux États-Unis. Je n'ai pas trouvé ça tellement extraordinaire d'avoir des grandes épiceries ouvertes à moitié avec quelques lumières allumées, comprenez-vous. On faisait quasiment l'épicerie à la noirceur. Pourquoi? Parce que, dans le magasin, il n'y avait pas assez de monde, le soir, tard. Il n'y avait pas assez de monde. Ils fermaient les lumières. Il n'y avait quasiment personne, sauf quelques personnes à la caisse. Moi, je n'ai pas senti que c'était une amélioration de la qualité de la vie. Pas du tout! Pourquoi essayer d'imiter les tendances les pires, alors que, quand on va dans des pays qui ont vraiment une qualité de la vie... Regardons le Danemark, le premier pays pour la qualité de la vie: 4 500 000 de population, un pays indépendant. Qu'est-ce qu'on voit? C'est réglementé, c'est organisé pour que les gens puissent vivre d'une façon plus équilibrée, plus harmonieuse, avec une vie familiale le plus possible. Aujourd'hui, on se demande comment ça se fait qu'au Québec on a des problèmes. On prend tous les moyens pour désorganiser la vie familiale. Si on disait, par exemple, comment serait-il possible de désorganiser plus la vie familiale? Bien, organisons-nous pour ne pas que les parents arrivent en même temps que les enfants; organisons-nous pour que, quand les enfants finissent l'école, les parents ne soient pas là; organisons-nous pour qu'ils arrivent plus tard; organisons-nous pour qu'ils ne soient jamais là; organisons-nous pour que, le dimanche, ils ne puissent pas s'en occuper; organisons-nous pour faire en sorte que la famille ne fonctionne pas ensemble.

Moi, je me rappelle les magasins Provigo. Il y avait Pierre Lortie, lui, qui disait qu'il voulait que ça soit ouvert le dimanche, sauf que 85 % des magasins ne voulaient pas que ça soit ouvert. Pierre Lortie, lui, il ne sera pas derrière le comptoir le dimanche. Il va sans doute être au golf avec ses amis. Lui, il en aura les moyens, comprenez-vous, et il y en aura d'autres, eux, qui seront dans le magasin en train de travailler et qui auraient bien mieux aimé être ailleurs, à s'occuper de leur famille comme les dirigeants des magasins qui, eux, ne seront pas en train de travailler le dimanche.

M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M. le député.

M. Garon: Je conclus, oui. Je trouve ça triste. Je trouve qu'au lieu d'améliorer la société dans laquelle on vit on la rempire. On magane les gens pauvres; on donne moins de sécurité. Sous prétexte de privatisation et de plus grande concurrence, on s'organise pour faire concurrencer davantage les gens les plus faibles, mais moins les gens les plus forts, et ce n'est pas ça une société meilleure. René Lévesque - et je termine là-dessus, M. le Président - avait l'habitude de dire: L'État, c'est le plus fort des nôtres, mais à la condition qu'il travaille pour nous, pas contre nous. Je vous remercie.

Le Vice-Président (m. bissonnet): alors, en vertu de l'article 252, m. le ministre de l'industrie et du commerce, vous avez un maximum de cinq minutes à la suite de l'intervention du député de lévis.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je peux comprendre que le député de Lévis n'ait pas eu le temps de lire le projet de loi, mais qu'il n'ait pas eu le temps de parler à la députée de Taillon, sa voisine à l'Assemblée nationale, ça, je ne le comprends pas. Le député de Lévis a beaucoup parlé des fruiteries. La députée de Taillon a écrit, le 7 juin, au président de l'Association provinciale des fruiteries du Québec pour lui dire ceci, et là-dessus on va être d'accord: "Une nouvelle loi sur les heures d'affaires doit, pour être équitable, gérable et durable, régler ce problème, soit en donnant ce privilège pour tous, soit en ne le donnant pour personne."

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Mes chers collègues, le seul qui a la parole actuellement, c'est le ministre et je ne voudrais pas, de chaque côté, qu'on s'adresse des mots ou des paroles. M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je disais: "...pour être équitable, gérable et durable, régler ce problème, soit en donnant ce privilège pour tous, soit en ne le donnant pour personne. Comme vous le savez, M. le député de Lévis, la position de l'Opposition officielle favorise la seconde solution; donc, on ne le donne à personne. Et la députée de Taillon conclut: "Par conséquent et malgré que je comprenne et respecte votre attention à l'égard des intérêts de vos membres - position que je partage également parce que la position des fruiteries, elle est très sympathique - je ne crois pas être en mesure de pouvoir vous assurer le soutien de l'Opposition officielle pour vos propositions d'amendement." J'ajouterais à ça que je partage le point de vue

de la députée de Taillon parce qu'on n'a pas plié aux pressions, aussi sympathiques puissent-elles être au niveau des fruiteries, pour leur donner une exception au nom de l'équité. Tous les commerçants sont égaux devant la loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. M. le député de Fabre. M. le député.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. M. le Président, je ne sais pas si je joue de malchance, mais chaque fois que j'ai à intervenir, c'est toujours à la suite du député de Lévis ou du député de Laviolette. Il y a assez de matière dans ce qui est dit qu'on pourrait passer la nuit à tergiverser, mais je vais me retenir, M. le Président, parce que je serais tenté de mettre en application une petite phrase, que je lisais dernièrement, qui disait: "Devant l'absurde, il vaut mieux se taire". Alors, partant de là...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, s'il vous plaît, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, s'il vous plaît! M. le député, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Joly: Merci, M. le Président, de reconnaître qu'on a toutes sortes de talents, mais qu'on a aussi toutes sortes de tannants.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Joly: M. le Président, souvent, en tant que parlementaires, on se fait poser une question: Pourquoi es-tu allé en politique? Et, cette question-là, je suis convaincu que plusieurs d'entre nous se la font poser autant comme hommes parlementaires ou femmes parlementaires. Et la réponse qu'on entend, la plupart du temps, c'est que chacun à sa façon voudrait contribuer à l'avancement de causes à défendre, voudrait essayer d'enlever dans le système certaines iniquités qui peuvent exister ou même encore des injustices qui pourraient exister dans le système.

Je vais reprendre un peu ce qui a été dit par le député de Laviolette, qui disait: M. le ministre, quand vous avez un projet de loi qui ne fait pas l'unanimité, vous devriez le retirer, le repousser dans le temps et voir ce qu'on pourrait additionner pour bonifier à nouveau le projet de loi. Je reprends le mot "unanimité", M. le Président. À entendre le député, il faudrait quasiment passer un référendum sur ledit projet de loi. Je ne pense pas, M. le Président, qu'après toute la consultation qui s'est faite on se doive d'endosser un énoncé tel que celui du député de Laviolette et d'aller dans une consultation plus prononcée.

Je pense qu'à date on a déjà démontré qu'il y avait des choix à faire. Nous avons fait un choix. Et, je me plais à vous rappeler, M. le Président, qu'on aurait pu parler de statu quo autant que de la libéralisation et concevoir que chacun des deux mots a sa portée dépendamment de quelle façon on veut bien l'interpréter, et aussi si on ne veut pas faire de démagogie comme on en a entendu depuis quand même un bon bout de temps ce soir.

M. le Président, le statu quo, ça n'oblige pas. Les gens ne sont pas obligés d'ouvrir même si on dit que la loi encadre d'une telle façon certaines heures d'affaires. Ça n'oblige pas. Je pense que c'est important de se le rappeler, de le rappeler à la population et de le rappeler aussi aux marchands qui sont concernés, qui peut-être s'énervent parce qu'ils n'ont pas compris qu'ils ne sont pas obligés d'ouvrir à l'intérieur des heures définies par la loi. (minuit)

La libéralisation, M. le Président, quand on considère qu'on a "radditionné" cinq heures, vraiment on a "radditionné" cinq heures, est-ce que c'est cinq heures qui sont bien investies? Si on considère que ce projet de loi se doit de concilier la qualité de vie des travailleurs, autant que la qualité de vie des consommateurs, eh bien, je dis oui à ces cinq heures d'investissement dans le temps, M. le Président. Pourquoi? Qui ne remarque pas, le matin à bonne heure, les jeunes couples qui prennent leur enfant, qui s'en vont le reconduire à la garderie, pour le reprendre le soir vers 17 heures, 17 h 30. Souvent, ces mêmes parents ont besoin de l'heure additionnelle. C'est bien sûr que ce n'est pas la même histoire dans toutes les régions du Québec. Je vous le concède. Mais il y a la petite heure de différence, surtout quand on est pris dans le trafic, quand on sait que les magasins vont fermer et qu'on n'a pas les possibilités d'aller chercher, sur une grande échelle, tout ce dont on a besoin. Alors, partant de là, c'est pour ça que je dis d'emblée: Oui, les cinq heures sont vraiment un investissement dans le temps.

M. le Président, 91 mémoires ont été présentés. Ce qui me déçoit le plus, c'est de voir avec quelle attitude les gens de l'Opposition ont joué le rôle qui leur était dévolu. Pas à l'écoute des 91 mémoires, non. Mais en commission parlementaire, dernièrement, ou simplement sur les remarques préliminaires, on a fait motion par-dessus motion, tout simplement pour en arriver à ne pas vouloir discuter dudit projet de loi. C'est bien certain que, pour ces gens-là, ça peut sembler aller bien quand ça va mal ailleurs. C'est le rôle qu'ils se sont confié. Je ne peux pas endosser un rôle comme ça. Je pense qu'on a une responsabilité et que, si on se devait de respecter l'équité entre les commerçants, entre les besoins réels, entre la qualité de vie et la population, eh bien, je pense qu'on est allé de l'avant avec le projet de loi qui respectait les trois objectifs, soit être équitable, gérable et applicable.

M. le ministre, je me dois de vous dire: mission accomplie. On a réussi, malgré vents et marées, à trouver la solution, ce que j'appelle la médiane entre peut-être l'idéal ou l'unanimité, comme disait le député de Laviolette, mais je ne crois sincèrement pas qu'on aurait pu faire mieux, compte tenu de la considération de tout ce qui était impliqué. Oui, on a un ministre à l'écoute. Il faut se le dire, se le répéter, et il faut aussi en être fier, parce qu'on a réussi, tous à notre façon, en tant que parlementaires, à faire valoir ce qui se vivait dans chacun de nos comtés, ce qu'on peut appeler, en fait, le "concern", ce qui nous hantait chacun à notre façon. On a réussi à démontrer au ministre que le projet de loi, tel qu'il était au début, ne pouvait pas satisfaire à 100 %, bien sûr, mais qu'on pouvait se rapprocher de l'idéal en apportant quelques modifications. Et le ministre-Avant ça, il y avait un slogan qui disait, en fait c'était la Banque Royale qui disait: On a un esprit ouvert. M. le ministre, je ne sais pas si vous avez déjà travaillé à la Banque Royale, mais vous avez gardé un héritage qui, aujourd'hui, nous sied bien. Alors, c'est ça qu'on a comme ministre, quelqu'un qui est capable de comprendre la réalité de la vie et de faire en sorte qu'on puisse aller de l'avant avec le projet de loi.

À écouter notre député de la Mauricie, tantôt, M. le Président, j'ai été ému. Mais je pense aussi que c'est avec raison, et chacun de nous a dû l'être. Pourquoi? Parce qu'il nous a rappelé le serment qui nous lie avec la confiance qui nous a été donnée par cette population. Et quand on voudra nous empêcher de faire la job, de prendre les responsabilités qu'on a, je ne peux pas faire autrement que de dire au député de Saint-Maurice: Vous avez ouvert la voie à ce que certaines gens ont eu tendance à oublier. Pendant des mois, on s'est sentis agressés, dans bien des occasions, partout ici, dans la maison du peuple, que ce soit dans les corridors, dans les salons et un peu partout. Je n'ai pas objection à être à l'écoute, mais j'ai beaucoup d'objections quand ça ne se fait pas dans le respect. J'ai toujours su et j'ai toujours appris que, pour avoir le respect, il faut le donner. Ce qu'on a fait, on a protégé les petits, on a fait en sorte qu'on leur a garanti un avenir. On a ramené cette justice dont l'absence aurait peut-être nécessairement amené certains commerces en défaillance.

Ça ne m'inquiète pas de parler après, ce qu'on peut appeler, quelqu'un qui se sert un peu des épouvantails. On est en 1990, les gens comprennent, les gens réalisent que ce n'est pas avec un climat de peur qu'on réussit à bâtir ensemble une société qui continue et qui doit continuer de se respecter. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le député d'Abitibi-Ouest. M. le député.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, une chose est sûre, M. le Président, c'est une loi majeure, importante, qui ne peut pas être traitée à la légère. Mais j'estime que l'Opposition officielle a effectivement traité ce dossier-là avec énormément d'attention, de parcimonie et surtout de sensibilité sur ce qu'on devrait tous avoir, le réalisme politique, c'est-à-dire les deux pieds sur terre.

J'entendais des gens s'exprimer, c'est leur droit le plus strict, mais c'est un peu révoltant de penser que le Québec, aux cinq minutes, changerait de visage, et je donne juste un exemple. Quand ce même gouvernement fait produire par un organisme pas mal plus objectif que lui, "Un Québec cassé en deux et Deux Québec dans un", ça c'est un document pas mal plus objectif que la problématique soulevée par toutes sortes d'intervenants qu'on a entendus l'autre côté.

Moi, je me dis: Un législateur, normalement, doit avoir une sensibilité par rapport à ce qu'il reçoit des intervenants du milieu. Le Québec de base n'a pas changé, il est encore composé de beaucoup de petites communautés, 1500 municipalités; ça, c'est la réalité du Québec de base. Je le sais qu'il y a des grands centres, je le sais que nous sommes en 1990; mais, un peu comme mon collègue de Lévis, on est en 1990 avec énormément de problèmes, avec des familles éclatées, avec 40 % de monoparentalisme, des gens qui ont un statut de monoparental et ça, ce sont des réalités de la société d'aujourd'hui. Et essayer de voir là-dedans qu'il y a là le souci de la protection des petits, des travailleurs et des consommateurs au niveau général; nous, je regrette, M. le Président, on n'est pas capables de voir ça; on n'est pas capable de voir objectivement parce qu'il faut toujours partir de la réalité de nos milieux. Et je donne un exemple. Moi, ça fait quand même 14 ans que je suis député. Je ne connais à peu près pas, et je ne vis quand même pas sur une autre planète, j'ai eu l'occasion d'être ministre du Développement régional, j'ai fait le tour du Québec à trois reprises et je ne connais pas beaucoup de gens qui ont fait des pressions pour ouvrir les commerces les lundis et les mardis jusqu'à 20 heures, 21 heures. Bon, je le sais qu'il y a eu des amendements, mais c'est juste pour vous montrer comment ce n'est pas sérieux. Le Québec de base n'a pas changé à ce point pour faire accroire au monde qu'il y a une demande pour que les commerces soient ouverts le lundi soir. Ça, ce n'est pas vrai. Ça, c'est faux. C'est vrai si on a la mentalité de défendre les gros; c'est vrai si

on a la mentalité du gros club d'intérêts privés. Ça, ça devient vrai. Si on a la mentalité de regarder ce qui se passe sur le terrain, regarder le vrai monde, ce n'est pas vrai que le lundi soir, à 19 heures, il y aura énormément de monde dans les commerces, M. le Président.

Moi, je veux prendre un exemple bien simple, et je vais le dire comme je le pense, pas en essayant de faire accroire que la réalité au Québec, c'est la réalité des magasins Canadian Tire. Mais c'est quand même la réalité du petit monde. Ça, je vais au moins dire ça, par exemple. Et eux, dans leur mémoire, et je le cite, ça me fait plaisir, encore à soir, au téléphone, j'ai reçu un télégramme: M. Gendron, vous êtes notre député; ça n'a pas de bon sens. Allez-vous laisser faire ça? J'ai dit: Non, écoutez... Ça fait.. On a essayé de s'exprimer, on s'est fait bâillonner. Oui, on va encore essayer de leur dire calmement que ce n'est pas vrai que le Québec a changé à ce point, pour entendre ce qu'on entend 8 heures du matin à 19 heures, le lundi et le mardi et 8 heures à 21 heures, les mercredis, jeudis et vendredis, avec une espèce de salade... Là, moi, je ne veux pas relire Vennat; tout le monde avait l'occasion de le lire aujourd'hui, mais il exprimait, d'après moi, ce que je sens dans la population. Ça devient ce qu'on appelle une loi qui ne réglera rien. (Oh 10)

J'entendais: Notre ministre, il est ci, il est brillant, il a tranché, il a mis sa ceinture, ses culottes. Il n'a pas mis sa ceinture, ni ses culottes; il a fait une espèce de loi qui ne réglera rien, qui va créer plus de problèmes, qui va "insatisfaire" tout le monde et qui, dans deux, trois ou quatre ans, nous permettra de constater ce que nous prétendons: plus de familles en maudit ou éclatées, pas moyen d'avoir une journée tranquille dans la semaine pour faire des choix de qualité de vie autres que de passer notre temps dans les magasins, comme s'il n'y avait pas assez d'heures. Au moins, pour les consommateurs et les travailleurs, vous ne me ferez jamais accroire que le point de vue des travailleurs a été respecté.

Dans la lettre qu'il m'expédiait le 11 juin, il disait ceci: "Les amendements proposés à la loi sur les heures d'ouverture font fi des moratoires et des opinions généralement recueillies auprès de la population dans les sondages populaires et autres, et représentent seulement l'intérêt de certaines grandes compagnies. " Nous, on ne change pas d'avis. "Ouvrir nos portes six jours jusqu'à 22 heures est encore plus désastreux que l'ouverture le dimanche et reflète simplement l'incapacité des fonctionnaires à juger les effets de cette loi. " C'est le concerné qui s'exprimait comme ça. Là, ce n'est pas les fonctionnaires; c'est le gouvernement libéral, c'est le législateur. "L'ouverture six soirs semaine et le dimanche à certaines périodes de l'année sonnera le glas des petits commerçants ne pouvant pas se payer d'employés et favorisera des monopoles. Quand aurons-nous des gens et un gouvernement capables de prendre des décisions fermes dans les meilleurs intérêts généraux sans fléchir à des pressions politiques ou à des "lobbies" de groupes restreints de géants des affaires?"

Là, il me semble qu'on tombe sur un point important. Je ne change pas d'avis. Il s'agit juste de regarder d'où vient le financement de ces gens-là. Ce n'est pas pour rien qu'ils sont toujours riches à craquer. Regardez qui les finance. Écoutez, c'est ça, la réalité. On peut bien faire ce que vous êtes en train de faire. Nous, on n'a pas 6 000 000 $ de surplus. Vous regarderez le rapport du Directeur général des élections: vous n'êtes pas sur le bien-être comme Parti libéral.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Gendron: Vous êtes en train de mettre la population sur le bien-être. Ça, c'est exact.

Une voix: Oui.

M. Gendron: C'était signé: Les entreprises Jacques Carignan, un président, d'Amos, appuyé par tous ses travailleurs. J'ai eu les mêmes représentations des commerçants de La Sarre. J'ai eu les mêmes représentations des commerçants de Val-d'Or. Val-d'Or, pour les gens de la ville qui ne sortent pas, ça commence à ressembler à une ville. Parce que nous, on est obligés de sortir, les gens des régions éloignées; on y va, en ville, de temps en temps, mais on ne vous voit pas souvent en région. On la connaît la problématique des régions et ce n'est pas vrai, M. le ministre, que votre projet de loi va régler les problèmes fondamentaux, va permettre aux travailleurs une meilleure qualité de vie, va permettre de sécuriser l'avenir des petits. Ce n'est pas vrai, selon nous, et, si ce n'était que selon nous, j'arrêterais, puis je ne parlerais plus, sincèrement.

Mais la critique de l'Opposition officielle, la députée de Taillon, est-ce qu'elle a dit des choses uniquement appuyées sur sa version des choses? Bien non. Il y a un législateur; H doit légiférer en connaissance de cause. Des milliers de télégrammes. Est-ce qu'elle les a inventés, ces milliers de télégrammes qu'on a reçus? Les milliers de pétitions qui ont été déposées avec les milliers de noms en disant: Ce n'est pas ça qu'on veut et ça ne correspond pas à la réalité du Québec, est-ce que ça a été inventé par les gens qui défendent cette position-là, M. le ministre? Ma réponse, c'est non; ce n'est pas nous qui avons inventé ça. Regardez le paquet quand elle va le sortir, mais on pourrait tous en sortir tout autant. Là, on va entendre leurs beaux discours. Habituellement, les gens de l'autre côté ne parlent presque jamais. Il y en a

que c'est la première fois qu'on entend parler, même si ça fait cinq ou six ans qu'ils sont ici. Puis, là, ce n'est pas des farces; ils auraient trouvé la vérité, alors qu'il y a deux ans le même ministre arrivait en Chambre une bonne journée et disait: Là, c'est réglé. Dans quinze jours, on a la solution aux heures d'affaires.

Ils ont fait promener le député de Nicolet-Yamaska qui a fait un travail de consultation extraordinaire, puis lui-même nous dit: Ça n'a pas d'allure, sauf que je connais ce que c'est de l'autre côté; ils sont bien plus habitués à être bétas et à genoux devant leur ministre et à dire bravo, et ainsi de suite. Mais vous ne me ferez pas accroire que se gratter le dos les uns à la suite des autres, ça va régler le problème. On n'est pas ici pour se gratter le dos; on est ici pour représenter les intérêts de nos commettants et, en 1990, une chose est sûre, ce n'est pas vrai que ce projet de loi là va permettre une meilleure qualité de vie pour les travailleurs et les consommateurs.

Pour certains commerçants, je suis prêt à vous donner raison. Je ne m'obstinerai pas. Pour les commerçants, je suis sûr. Je vous connais et je sais avec qui vous frayez, mais essayer de faire accroire que ça va améliorer la qualité de vie des travailleurs et des consommateurs globalement, ce n'est pas vrai. Le lundi soir...

Oui, M. le Président, je conclus, puisque mon temps est terminé, en disant que ce n'est pas vrai qu'en augmentant une plage d'ouverture pour les magasins et la consommation, mais à des heures où, traditionnellement, toute notre base historique québécoise a toujours fait la preuve que c'étaient des moments où on voulait être ailleurs que dans les magasins, ce n'est pas parce qu'on va changer ça sous prétexte que le calendrier, c'est 1990 au lieu de 1960... La réalité du Québec de 1990, elle a changé dans certaines choses, mais sûrement pas dans celle-là, et il reste encore 1500 municipalités au Québec.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. M. le ministre, en vertu de l'article 252, avec un maximum de cinq minutes suite à l'intervention du député d'Abitibi-Ouest. M. le ministre.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Je suis d'accord avec le député d'Abitibi-Ouest, lorsqu'il dit que c'est une loi majeure, lorsqu'il dit que c'est une loi importante et que c'est un débat de société. Il a raison. Je reconnais également que les besoins ne sont pas les mêmes dans toutes les régions du Québec. Et c'est la raison pour laquelle on avait mis de l'avant au début de la consultation une hypothèse de travail permettant à une municipalité de se distraire de la loi au niveau des heures. On nous a dit non, il faut avoir une loi uniforme à l'échelle du Québec. Alors, je me suis rendu en région, pas depuis hier. Ça fart 10 ans que je vais dans toutes les régions du Québec. Lorsque je me suis occupé des caisses d'entraide économique, très souvent, je me suis rendu dans la belle région de l'Abiti-bi, que ce soit à Val-d'Or ou que ce soit à Rouyn-Noranda. Comme président de la Société de développement industriel du Québec, j'ai fait le tour du Québec trois fois. Comme ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, je l'ai fait encore une fois et, très récemment, à la Chambre de commerce de Rouyn-Noranda, pour parler des heures d'affaires.

C'est drôle comment la population, quand on explique bien le dossier des heures d'affaires, peut comprendre que le lundi et le mardi, ouvrir jusqu'à 19 heures, parce qu'on a besoin d'une loi uniforme, ça peut faire le bonheur de certains consommateurs à Montréal, mais, pour eux, ils se disent: Nous, on ne sera pas obligés d'ouvrir, parce qu'on n'a pas le besoin. On fait appel, a ce moment-là, à la maturité de la population et c'est ce que présent le gouvernement du Québec a fait et on a été à l'écoute. Et c'est la raison pour laquelle on les a réduites sensiblement, les heures, parce qu'on devait avoir une loi uniforme à travers le Québec. Et, si les besoins dans la région de l'Abitibi ne sont pas les mêmes, ils pourront fermer à 17 heures ou à 18 heures comme ils ne sont pas obligés d'ouvrir à 8 heures le matin et ils pourront ouvrir à 8 h 30 ou à 9 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. Suite à ce qu'on entend dans cette Chambre, on a parfois raison de se demander si ce gouvernement a bel et bien été élu le 2 décembre 1985. À part, je crois, et je le crois fermement, c'est qu'on entend plusieurs députés du gouvernement libéral intervenir régulièrement en cette Chambre depuis cinq ans et encore aujourd'hui, encore ce soir, et venir nous dire que, s'il y avait des problèmes dans le cas de la législation sur les heures d'affaires, c'était de la faute du PQ, c'était de la faute du gouvernement du Parti québécois.

Le député de Saint-Maurice... Ah! vous pouvez applaudir, oui, oui. M. le Président, ces gens-là viennent d'applaudir et ils vont réaliser que les applaudissements étaient de trop dans quelques secondes!

Des voix: Ah!

M. Perron: Le député de Saint-Maurice vient de dire c'est de votre faute, c'est à cause

de la loi de 1984 qu'on en est où on en est aujourd'hui. Mais, M. le Président, en parlant d'exceptions à la règle, en parlant d'autorisations de dérogation, le gouvernement du Parti québécois, après la passation de la loi de 1984, n'est intervenu qu'à deux reprises et c'était pour dire aux gens: Vous allez suivre la loi des heures d'affaires. Mais, par contre, au niveau des dérogations, je veux vous lire un petit texte ici. Et ça, ce n'est pas le PQ, ça. Ça, c'est le PLQ. Et ça date du 3 juin 1986. C'est un avis concernant les heures d'affaires se rapportant aux établissements commerciaux vendant des produits pharmaceutiques, hygiéniques ou sanitaires, un avis d'autorisation. Signataire, l'actuel président du Conseil du trésor qui était, dans le temps, ministre de l'Industrie et du Commerce, Daniel Johnson. M. le Président, je voudrais qu'on porte une attention à ceci. Voilà! Dérogations, page 1, page 2; des avis de dérogation, page 3, page 4, et ça, c'en est un seulement. (0 h 20)

Des voix: Bravo!

M. Perron: Lorsque les libéraux viennent nous chanter, viennent se pavaner dans cette Chambre pour dire que, s'il y a des problèmes dans le cas des heures d'affaires aujourd'hui, c'est à cause du Parti québécois qui a passé la loi de 1984, bien sûr que la loi de 1984 permettait des décrets, mais qui a passé les décrets? C'est le Parti libéral du Québec, suite aux interventions de différents ministres et différents députés, qui a fait en sorte que ces décrets soient passés à la va comme je te pousse pour en arriver à faire un fouillis monumental et ce, à travers le Québec, incluant nos propres régions.

M. le Président, à force de vouloir contenter tout le monde et son père, le gouvernement vient de réussir, encore une fois, à mélanger tout le monde, non seulement dans les grandes villes du Québec, mais aussi dans toutes les régions du Québec. Moi, je viens souvent en ville. Je demeure à Sept-îles. Je n'ai vu personne, moi, quand je suis venu à Québec, se battre dans les autobus pour dire au gouvernement: Vous allez changer la loi sur les heures d'affaires. Je suis allé à Montréal aussi, parce que je sors un peu. Je n'ai vu personne, non plus, se battre dans les autobus à Montréal et dans le métro pour dire au gouvernement et au ministre de l'Industrie et du Commerce: Vous allez changer la loi sur les heures d'affaires, vous allez changer tout le système. Je n'ai vu personne faire ça. Il y a juste les libéraux qui se battent entre eux autres pour dire: On ouvre-tu à telle heure, on n'ouvre-tu pas à telle heure? Nous, on dit: II faut protéger le consommateur, il faut protéger le petit commerçant, il faut protéger les dépanneurs, ces petites entreprises familiales qui opèrent dans l'ensemble de nos régions du Québec.

Ce n'est pas vrai, M. le Président, qu'on va accepter qu'en cette Chambre on se fasse dire n'importe quoi et, d'autre part, qu'on se fasse "bulldozer", comme on se le fait faire actuellement dans une fin de session, dans un projet de loi qu'on devrait discuter et où on ne devrait pas avoir de motion de clôture ou encore de motion communément appelée motion de guillotine. Ce n'est pas la meilleure façon de permettre l'expression de la démocratie, en tout cas pas de la part de ce gouvernement-là, parce que cette nuit - il est minuit vingt - en date du 20 juin 1990, on réalise aujourd'hui que, depuis les six derniers jours, ce gouvernement nous a imposé, à trois reprises, une motion de bâillon pour empêcher l'Opposition de parier autant en commission parlementaire qu'ici, parce que ce n'est pas dans dix petites minutes qu'on peut intervenir sur un projet de loi comme celui-là. Ce n'est pas vrai, M. le Président.

On a beau dire ce qu'on voudra par rapport à ce qui s'est passé en commission parlementaire, on a notre travail à faire, on a notre boulot à faire comme Opposition. On représente, nous, de ce côté-ci de la Chambre, les moins bien nantis de la société.

Des voix: Ah!

M. Perron: Les moins bien nantis de la société, oui. On représente surtout ceux et celles qui ne financent pas la caisse du Parti libéral. C'est ça qu'on représente.

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, dans les galeries en haut, en vertu de l'article 21...

Une voix: Et en bas aussi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Perron: Alors, M. le Président, je sais que de l'autre côté on n'aime pas ça quand on se fait dire ses quatre vérités, mais, ça, ça ne me dérange pas. J'ai l'habitude de dire ce que je pense et j'ai l'habitude d'exprimer la réalité, surtout en ce qui concerne les choses du Québec et les choses du comté de Duplessis et de la Côte-Nord.

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le député d'Orford, s'il vous plaît! Je demande votre collaboration. Si vous voulez poursuivre.

M. Perron: M. le Président, le ministre de l'Industrie et du Commerce, je crois qu'il a frappé en plein dans le mille avec son projet de

loi 75 sur les heures d'ouverture des commerces. Il est parvenu à mécontenter à peu près tous les groupes concernés. Après des mois et même des années de consultation, c'est un exploit peu banal que d'accoucher d'un projet qui suscite la réprobation quasi générale.

Pour moi, les points de vue suivants sont à soulever et sont à souligner très fortement. Premièrement, l'achalandage et les besoins de la clientèle ne justifiaient pas une extension des heures de commerce le dimanche. Il n'y a pas assez de Québécois et de Québécoises qui travaillent six jours par semaine, du matin au soir, pour justifier d'ouvrir les commerces le dimanche. Pour les urgences, il y a toujours les dépanneurs et c'est amplement suffisant, en ce qui me concerne, en particulier dans nos grandes régions du Québec comme la Côte-Nord et comme le comté de Duplessis, comme l'Abitibi-Témis-camingue, comme le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. Je vois ici, je parie du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, M. le Président, je n'ai entendu personne autre que les députés de cette région venir nous dire que tout le monde était d'accord avec les modifications apportées par le ministre de l'Industrie et du Commerce en rapport avec les heures d'affaires. Il n'y a personne qui s'est battu à Matane, il n'y a personne qui a été sur la rue Principale, à Mont-Joli, et qui a dit: On veut que ça change la loi des heures d'affaires et on veut que ce soit ouvert le dimanche. Au contraire, la grande majorité des populations, surtout dans nos régions, ont dit non à cette ouverture, et Dieu sait comment on a reçu de pétitions de personnes et de groupes comme, par exemple, les AFEAS, les Filles d'Isabelle, les Chevaliers de Colomb, les fermières. Et les fermières, dans l'ensemble du Québec, se sont objectées fermement à l'ouverture des commerces le dimanche.

J'admets qu'il n'y a pas une obligation systématique, mais imaginez-vous si, dans un centre d'achats, il y a un commerce qui ouvre... Parce qu'un centre d'achats, ce n'est pas une petite affaire, qu'on parle des Galeries monta-gnaises à Sept-îles ou qu'on parie encore de Place de Ville ou du centre d'achats de Port-Cartier, ce que je peux vous dire, ce n'est pas une petite affaire, il y a plusieurs commerces à l'intérieur. Si un grand commerce comme, par exemple, Zellers ou autre, décide d'ouvrir le dimanche, qu'est-ce que vous pensez qui va arriver au petit commerçant ou à la petite commerçante qui a une boutique de souliers? Elle va être dans l'obligation d'ouvrir le dimanche pour garder sa clientèle. Mais qu'est-ce que vous pensez que la grosse patente va faire par rapport à la petite patente de ce petit commerçant ou de cette petite commerçante? Ils vont bouffer ces personnes-là tout rond dans les semaines et dans les mois qui vont suivre. Et vous allez voir ce qui va arriver.

C'est là qu'on va se ramasser avec des faillites. Puis, ça ne sera pas surtout senti dans les grandes villes, parce que, dans les grandes villes, ça ne paraît pas beaucoup, des faillites. Mais je vous en passe un papier, lorsqu'on a une ville qui a une population de 3200 personnes, comme Havre-Saint-Pierre, et qu'il y a trois ou quatre faillites, les gens le savent et le voisin le sait, et le voisin du voisin le sait aussi. C'est ça qui va se passer. C'est la même chose pour Sept-îles, avec 25 000 de population. Tout le monde va savoir que tel commerce a fait faillite. Sur les 59 dépanneurs qu'il y a à Sept-îles actuellement, je serais surpris de voir combien de ces petites entreprises familiales seront encore debout à la fin des deux prochaines années.

Et je pourrai dire à ce moment-là, en conclusion, que ça sera pas la faute du PQ, ça sera pas la faute de l'Opposition du Parti québécois, ça sera pas la faute de la coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche, ça sera pas la faute des syndicats qui s'objectent à ça, mais ça va être la faute du Parti libéral et du gouvernement du Parti libéral et de toute la clique qui l'entoure. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. M. le député de Beauce-Nord, s'il vous plaît.

M. Audet: M. le Président, en vertu de l'article 213, j'aimerais poser une question au député de Duplessis.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article 213, M. le député de Duplessis, est-ce que vous permettez une question?

M. Perron: ...pas d'affaire à répondre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): II n'y a pas consentement.

M. Perron: Qu'il pose des questions à son ministre, c'est lui qui passe la loi, pas moi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Vous n'avez pas consenti, M. le député, alors la question n'est pas permise, en vertu du règlement et en vertu de l'article 213. À la suite de votre intervention, je vais permettre au ministre, avec un maximum de cinq minutes, de pouvoir intervenir. M. le ministre.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, je voudrais donner un bel exemple de faussetés véhiculées par l'Opposition et par le député de Duplessis. Il a mentionné tout à l'heure que si on permettait l'ouverture des commerces Zellers, pour employer le nom de ce commerce qui a été mentionné par le député de Duplessis, ça pourrait causer de sérieux problèmes à un petit commer-

çant de détail, si on leur permettait d'ouvrir le dimanche. Si le député de Duplessis veut prendre connaissance du projet de loi, on ne permet pas l'ouverture des commerces le dimanche dans le secteur non alimentaire. (0 h 30)

Et je voudrais répéter pour la quatrième fois, et j'ai toujours mon papier, je le lis pour être certain que c'est bien compris: Le jour où je prendrai des décisions en tant que ministre - ce qui est différent de l'Opposition, je le reconnais, qui a un point de vue que je ne partage pas, mais que je respecte - le jour où je prendrai des décisions en tant que ministre de quelque "lobby" que ce soit, grand ou petit, au détriment de la collectivité, je quitterai cette Assemblée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, merci, M. le ministre. M. le député de Papineau, s'il vous plaît.

M. Norman MacMillan

M. MacMillan: M. le Président, pour commencer, j'aimerais dire... Pour commencer, M. le Président, j'aimerais mentionner au député de Duplessis que, si vraiment le Parti libéral a été élu le 25 septembre avec 50 % du vote populaire, il y a une grosse clique dans la province de Québec. Je voudrais aussi dire aux gens de l'Opposition, M. le Président, que c'est encore de la désinformation qu'on fait dans tous les dossiers, depuis deux semaines qu'on est ici, même, c'a fait un an le 6 juin que j'ai été assermenté comme député de Papineau et, chaque fois que ces gens-là se lèvent, c'est complètement de la désinformation, parce que, vous avez remarqué tantôt, M. le ministre, chaque fois qu'il a eu la chance de répondre à ces gens-là, a démontré, avec des statistiques ou avec des pourcentages ou avec des preuves, que c'est complètement de la désinformation que le parti de l'Opposition fait dans tous nos dossiers qu'on a discutés dernièrement ici, à l'Assemblée nationale.

Mme Marois: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement. Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: c'est une accusation grave, m. le président, que de dire qu'on fait de la désinformation. je pose la question, m. le président, en quoi fait-on de la désinformation?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, M. le député a exprimé une opinion. C'est une opinion. Chaque député peut... Je m'excuse, ce n'est pas en vertu de l'article 35.6°, il exprime son opinion et les citoyens qui écoutent, écoutent son discours. M. le député, si vous voulez poursuivre, et j'attire votre attention.

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Le projet de loi déposé il y a quelques semaines...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, s'il vous plaît, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, je vous demanderais, s'il vous plaît, de relire avec moi l'article 35, alinéa 7°, 6° pardon. C'était bien l'intervention de ma collègue, députée de Taillon: imputer des motifs indignes à un député ou..." De la désinformation, c'est indigne.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, le député de Papineau n'a pas imputé des motifs à quelque député que ce soit de cette Chambre. Il a parlé de son opinion, il n'a attaqué personne. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. MacMillan: M. le Président, je voudrais répéter que le parti de l'Opposition fait de la désinformation sur toutes les lois qu'on veut passer ici, le gouvernement qui est au pouvoir et qui a été élu majoritairement par les gens de la province de Québec. Le projet de loi, déposé il y a quelques semaines par le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie est venu mettre un terme à de nombreuses iniquités concernant les heures d'ouverture des établissements commerciaux au Québec. Nous avons besoin d'une loi juste pour tous les commerçants, d'une loi qui rétablit le principe d'équité et c'est ce que nous a donné le ministre, M. Gerald Tremblay.

Il s'est d'abord mis à l'écoute des citoyens pour considérer non seulement leur désir mais aussi leurs besoins. C'est essentiel dans un dossier qui touche directement toute la population. Certains aspects nécessitaient quelques modifications et, désormais, nous pouvons affirmer que la nouvelle loi répond de façon plus adéquate à la réalité sociale des années 1990. En effet, M. le Président, la nouvelle loi vient définir les règles qui s'adaptent aux besoins et aux changements réclamés par la majorité des consommateurs. Elle prévoit donc que tous les commerces pourront bénéficier d'un élargissement des heures d'ouverture, du lundi au vendredi. Elle répond aussi aux besoins actuels de ces différents groupes.

Par ailleurs, aux commerçants cette loi offre l'équité et la clarté qu'ils recherchaient. Aussi, elle constitue une synthèse des petits et des grands commerçants. Aux consommateurs elle offre un accès plus large aux commerces et, de ce fait, leur permet de mieux répondre à leurs besoins. Enfin, aux travailleurs elle offre un cadre de travail qui tient compte de leurs

ententes relatives à la qualité de vie, puisque le dimanche demeure un jour protégé. La loi libéralise donc les heures d'ouverture des établissements commerciaux en augmentant le total des heures d'ouverture des commerces à 70.

Comme chacun le sait, quelque 300 pharmacies et établissements commerciaux jouissaient auparavant d'un statut particulier. Avec la nouvelle loi, toutes les pharmacies sont maintenant soumises aux mêmes règles. Il en va de même pour les marchés publics. L'équité est désormais rétablie entre tous les commerçants.

M. le Président, le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie continuera de voir à l'application de cette loi. Par contre, son application sera partagée avec le pouvoir local. Ainsi, les inspecteurs locaux auront exactement les mêmes droits que les inspecteurs provinciaux. Dorénavant, des poursuites pénales pour une infraction à la loi pourraient être intentées devant une cour municipale. L'amende de même que les différents frais imposés par la cour municipale seront alors versés au fonds général de la municipalité.

Le gouvernement du Québec a également décidé de hausser substantiellement les amendes applicables aux infractions reliées à la loi. En effet, cette amende passera de 250 $ à 1500 $ pour une première infraction et, en cas de récidive, elle passera de 450 $ à 3000 $. Désormais, il n'y aura plus de maximum concernant les amendes. Le tribunal pourra effectivement tenir compte des avantages et des revenus tirés par la personne déclarée coupable de l'infraction.

En élaborant la loi, le gouvernement a décidé d'appliquer une même règle à tous les établissements qui vendent des denrées alimentaires. Ces établissements seront désormais autorisés à vendre leurs produits à toute heure, mais ils devront limiter le nombre de leurs employés à quatre en dehors des heures d'ouverture établies par la loi. Cette nouvelle règle, c'est-à-dire celle des quatre employés, sera également applicable aux pharmacies, aux tabagies, de même qu'aux stations d'essence qui vendent des denrées alimentaires autres que de simples friandises.

M. le Président, nous sommes pratiquement à l'aube de l'an 2000. Chaque jour, le monde subit des changements. Que ce soit au niveau politique, social ou économique, il évolue constamment et, pour réussir à suivre ces importants changements, le gouvernement doit être à la fois vigilant et continuellement à l'écoute de la population.

C'est toute la société qui a subi de profondes modifications au fil des ans et, bien sûr, la cellule familiale n'y a pas échappé non plus. Si l'on regarde attentivement le portrait type d'une famille québécoise des années quatre-vingt-dix, on s'aperçoit rapidement qu'elle a changé. Les femmes intègrent de plus en plus le marché du travail, les horaires de travail ne sont plus ce qu'ils étaient, les loisirs occupent également une place importante dans la vie des gens.

Pour toutes ces raisons et plus encore, la population désire des règles plus souples en matière d'heures d'ouverture des établissements commerciaux, qu'il s'agisse de l'épicerie, de la librairie, des magasins à rayons ou de la quincaillerie. Ce que les gens demandent, ce sont des règles qui correspondent à la réalité de leur vie autant professionnelle que familiale. Les consommateurs souhaitent donc majoritairement avoir un accès plus large, plus libre aux différents commerces. Par contre, comme il l'a été clairement démontré en commission parlementaire, l'ouverture des commerces le dimanche n'est pas nécessaire pour satisfaire aux besoins réels des consommateurs. (Oh 40)

Vous conviendrez, M. le Président, que, lorsqu'un gouvernement décide d'élaborer des lois, il doit tenir compte des exigences de chaque individu, de ses désirs et de ses besoins. Notre gouvernement a eu à trancher un débat qui mettait en cause plusieurs groupes, et c'est dans l'intérêt de ces mêmes groupes qu'il en est arrivé à cette loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, s'il vous plaît, M. le député.

M. MacMilian: 84 groupes ont été entendus, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure.

M. MacMilian: ...à la commission parlementaire. Alors, pour terminer, M. le Président, le gouvernement a encore une fois fait preuve de sagesse dans ses démarches. Nous avons eu droit à une loi juste et équitable pour tous les citoyens et tous les commerçants, et nous maintenons qu'elle a des avantages certains, par rapport à la situation...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Je reconnais maintenant la prochaine intervenante, Mme la députée de Chicoutimi. Mme la députée.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. L'orateur qui vient de me précéder, le député de Papineau, prétend que l'Opposition fait de la désinformation. Moi, je dis au député de Papineau que, s'il veut qu'on fasse toute la lumière sur ce projet de loi, il faut qu'on lève le bâillon qui a été imposé par ce gouvernement. C'est le troisième de la présente session. Comment peut-on, en même temps, nous accuser de faire de la désinformation et refuser de tenir une commission parlementaire et une consultation sur ce

projet de loi?

Le Vice-Président (M. Cannon): Une question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: m. le président, on prendra tout le temps qu'il faut, mais je voudrais que vous appliquiez à la lettre l'article 32, à la lettre.

Le Vice-Président (M. Cannon): Effectivement, nous allons vous lire l'article 32: "Les députés doivent observer le règlement et contribuer au maintien du décorum de l'Assemblée nationale. Ils occupent la place qui leur a été assignée par le Président, y demeurent assis et gardent le silence à moins d'avoir obtenu la parole. Ils doivent s'abstenir... Un instant, s'il vous plaît! "Ils doivent s'abstenir de tout ce qui peut nuire à l'expression d'autrui ou au bon fonctionnement de l'Assemblée." Alors, ceux et celles qui veulent avoir des réunions, ici, en cette Chambre, je les invite à aller à l'extérieur de la Chambre afin de permettre à celle qui est en train de faire son discours, de terminer son discours, dans le respect de l'institution et dans le respect de l'article 32 du règlement. Mme la députée, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Le projet de loi que nous avons sous les yeux, j'ai encore de la difficulté à comprendre pourquoi et comment le ministre a pu en venir à une telle conclusion. Comment a-t-il pu se montrer aussi borné? On est en train de nous dire que ce projet de loi, à les entendre, fait l'unanimité. Mais je ne vous comprendrai jamais. On a des listes qui représentent des millions de personnes, au Québec, qui disent: On n'en veut pas. Vraiment, on a un problème, ils doivent vivre dans une tour d'ivoire, en haut, quelque part, ou dans des maisons, des résidences, avec des clôtures tout autour, pour ne pas voir de qui se passe dans la vraie vie. C'est inconcevable et incroyable.

M. le Président, le ministre nous a dit tout à l'heure, et je le reprends, parce qu'on n'aura pas l'occasion de le refaire à nouveau, parce que, de toute façon, il refuse tout débat sur cette question, qu'il avait accepté de déposer les amendements, qu'il ne s'y était pas refusé. C'est faux. M. le Président, en commission parlementaire, le ministre a dit oui, comme s'il jouait au cowboy: Oui, je vais déposer les amendements à condition que vous commenciez par examiner le projet de loi par l'article 1. Là, je me suis dit: II manque d'expérience parlementaire ou encore il veut être complètement méprisant. Mais j'ai conclu davantage qu'il se prenait au jeu. Il y avait des bons d'un côté et des mauvais de l'autre et, lui, il avait la vérité; il avait deux revolvers et ça passerait par là. Il a eu cette attitude tout au long de la commission parlementaire. Ce qu'on lui disait, à ce moment-là, c'était: Déposez vos amendements et on va pouvoir les examiner, mais commençons par l'article 4. Et nous avions raison. Les amendements qu'il nous a déposés confirment que l'essentiel des modifications portait sur les articles 4 et 5. Ici, nous avons un document, 25 articles amendés sur 34. Ça veut dire que 73 % des articles ont été touchés. Mais on a le texte qui a été déposé, 29 pages de texte, et le plus long porte précisément sur les articles qu'on estimait, nous, litigieux. Vous avez, au total, quatre pages complètes de texte de modifications qui portent exclusivement sur les deux articles que nous voulions commencer par aborder, M. le Président. Le ministre a refusé de déposer cet amendement, a refusé aux parlementaires de l'Opposition le droit et le pouvoir d'exercer leurs responsabilités en vertu des règlements qui nous concernent et des obligations qui nous sont faites, M. le Président.

Tout à l'heure, j'écoutais le député de Saint-Maurice qui rappelait le serment du député qui s'engageait à être loyal, juste et respectueux à l'endroit de la population du Québec. M. le Président, la première loyauté, la première justice à l'endroit de la population du Québec, c'est de laisser l'Opposition faire son travail lorsqu'elle se fait le porte-parole des citoyens et des citoyennes au Québec. M. le Président...

Une voix: Bravo!

Mme Blackburn: ...je le rappelle comme j'ai eu l'occasion de le rappeler à un autre moment. On distribue ici à tous les visiteurs qui viennent nous rencontrer des dépliants qui parlent du rôle du député: le rôle du député à l'Assemblée nationale, le rôle du député dans le comté et le rôle du député en commission parlementaire. Je vous inviterais à les lire. On distribue ça également dans nos écoles. Qu'est-ce que ça dit par rapport au député? Ça dit qu'il a la responsabilité de légiférer, de contrôler et de représenter. Ça dit qu'il a la responsabilité de défendre les intérêts de la population. C'est ça que dit ce dépliant, M. le Président. Et avec un bâillon on refuse à l'Opposition les outils et les moyens de s'assurer qu'on puisse défendre les intérêts de la population, M. le Président.

Les mêmes dépliants, en ce qui a trait au travail du député en commission parlementaire, disent, et là je cite: "C'est là que le député - parlant des commissions parlementaires -propose des amendements, des modifications importantes sur les projets de loi présentés, les étudie en détail, exprime son point de vue et défend les intérêts de ses électeurs, pose des questions au ministre responsable du dossier et commente les propositions de ses collègues. Les commissions jouent un rôle très actif dans le processus législatif." Mais voilà, c'est ce qu'on a

empêché. On a empêché les députés de l'Opposition de faire le travail pour lequel ils ont été élus.

M. le Président, le projet de loi et les modifications qui nous sont apportées, ce sont 25 amendements dont des amendements extrêmement importants. Est-ce qu'il y a quelqu'un en cette Chambre qui est capable de me dire les effets que vont avoir, par exemple, les modifications touchant l'ouverture de tous les commerces, de tous les commerces sans exception, de 8 heures le matin à 21 heures le soir, le dimanche jusqu'à 17 heures, de tous les commerces sans exception, tout le mois de décembre jusqu'à la veille de Noël? Est-ce qu'il y a quelqu'un ici en cette Chambre qui est capable de me dire les effets que cette loi-là, cet article-là va avoir sur les familles, sur les employés, les employés et leur famille, sur les petites entreprises? Les petites entreprises, on le sait, la période des fêtes, c'est celle où elles font leur chiffre d'affaires quasiment de l'année pendant cette période-là. On va augmenter leurs coûts de fonctionnement, les coûts de fonctionnement de leur entreprise sans augmenter les bénéfices, M. le Président, et ça va entraîner des faillites. Personne ici n'est en mesure de nous dire les effets de cette disposition sur les entreprises et sur les conditions de vie des travailleurs et des travailleuses. Faut-il le rappeler? Les personnes qui travaillent dans ces commerces sont généralement rémunérées au salaire minimum.

Dans nos régions... Chicoutimi c'est une ville qui a 70 000 habitants. C'est une petite ville, pas grosse, mais comme beaucoup de villes de cette taille-là, on n'a pas de transport en commun le dimanche. Vous savez ce que ça peut vouloir dire pour quelqu'un qui travaille au salaire minimum de se déplacer de la périphérie pour aller travailler dans un commerce alors qu'il n'y a pas de garderie et qu'il n'y a pas de transport en commun. La qualité de vie de ces gens-là, c'est ça. Est-ce qu'il faut absolument qu'on imite un modèle qui a peut-être sa raison d'être? Aux États-Unis et en Ontario, je le rappelle, on n'a pas la même géographie et on n'a pas la même densité de population. Et le député de Lévis, tout à l'heure, le rappelait avec justesse. Il y a des pays, et ils sont nombreux, qui n'ouvrent jamais le dimanche. On le sait, comme touristes, on les a faits ces pays-là. Ils n'ouvrent jamais le dimanche et, qui plus est, ils ferment généralement deux heures à l'heure du lunch le midi. Personne n'en meurt. Personne n'en meurt. Cependant, ces pays ont souvent beaucoup de petites entreprises. Avec ce gouvernement-là, ce qu'on est en train de faire, les deux projets de loi qu'on a examinés ce soir, c'est un peuple de locataires. Les gens seront de plus en plus dans l'incapacité de s'acheter une résidence, M. le Président. C'est un peuple d'employés au service des grandes entreprises parce que le droit d'avoir sa petite entreprise et la possibilité qu'elle soit prospère et qu'elle lui permette de faire vivre sa famille sont remis en question par ce projet de loi, M. le Président. (0 h 50)

M. le Président, 24 amendements, refus de déposer, alors que l'Opposition les a déposés. On adopte ce soir un projet de loi sur lequel on ne sait rien quant à ses effets. C'est inacceptable et ça brime le devoir et la responsabilité que nous avons, comme Opposition, de faire valoir les droits et les revendications des citoyens et des citoyennes du Québec, M. le Président. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, pour cinq minutes.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Je voudrais rappeler à la députée de Chicoutimi que je n'ai jamais prétendu que le projet de loi faisait l'unanimité. Aucun projet de loi sur les heures d'affaires des commerces ne fera l'unanimité.

On mentionne l'article 4. Je ne vois pas pourquoi l'Opposition revient sur l'article 4, alors que les amendements apportés à cet article avaient déjà été annoncés avant la commission parlementaire. J'ai consulté et, au nom de la démocratie, j'ai convoqué une commission parlementaire et, lorsque j'ai convoqué la commission parlementaire, l'Opposition a dit: Inutile. Inutile a dit l'Opposition, dans Le Journal de Québec, le 7 décembre 1989.

Je veux rappeler à la députée de Chicoutimi que j'ai pris en considération tous les amendements de l'Opposition. Il y a eu fondamentalement trois amendements au projet de loi: la réduction des heures: vous étiez d'accord; les marchés aux puces: vous étiez d'accord; définition de la fabrication pour s'assurer que ça comprenait uniquement boulangerie et pâtisserie: vous étiez d'accord. Les autres amendements, les 22 amendements additionnels qui sont mentionnés sont uniquement des amendements de réécriture d'articles, de clarification ou de concordance. Il n'y a donc pas eu d'amendements majeurs qui n'ont pas été annoncés dans le projet de loi.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Cannon): Le prochain intervenant, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Michel Bourdon M. Bourdon: M. le Président, on entend le

ministre et d'autres du côté ministériel nous dire que le projet de loi va prévoir qu'on puisse ouvrir plus longtemps, mais que personne ne sera obligé d'ouvrir plus longtemps. Je pense, M. le Président, que c'est faire bon marché des réalités économiques que, pourtant, nos amis libéraux se vantent de bien connaître.

Dans le commerce de détail où il y a 400 000 personnes qui travaillent dans des dizaines de milliers d'établissements, c'est la concurrence qui est la règle et, quand on permet aux gros d'ouvrir, eh bien, les moyens et les petits vont être forcés d'ouvrir en payant plus cher, en assumant des dépenses supplémentaires que le consommateur va se faire refiler en bout de ligne, au mépris des conditions de travail des employés et, souvent, au mépris des conditions de travail des petits propriétaires de commerce parce que ce n'est pas vrai, M. le Président, qu'à Montréal, tout est concentré.

Dans la ville de Montréal, il y a 10 000 commerces sur rue qui emploient ou qui sont opérés par 50 000 personnes, donc une moyenne de cinq par commerce. Or, dans ce sens-là, le sens de cette loi est clair. Le gouvernement met les barracudas dans le même aquarium que les poissons rouges et il nous dit: Je ne fais pas de tort à personne, ils savent tous nager. Les barracudas, M. le Président, ce sont les directions corporatives de Provigo, Métro, Steinberg et de la pharmacie Jean Coutu et, dans le cas de l'alimentation, ils ont été désavoués par les centaines d'affiliés qui utilisent leurs services. Il y a même une filiale de Provigo, Provi-Soir, qui a dénoncé le projet de loi du ministre, qui est un projet de loi qui est fait pour les gros intérêts qui font du Parti libéral du Québec un gros club privé d'intérêts. Et, dans ce parti, on trouve toujours plus sain de favoriser une personne qui donne 3000 $ que de faire l'affaire de 1000 personnes qui donnent 3 $ chacune. C'est ça, le fond de ce projet de loi. Et ce qu'il y a de pernicieux dans le projet de loi qui a été négocié au sommet... Et on ne les voit pas dans les tribunes, ceux qui sont les bénéficiaires du projet de loi; ils ont le téléphone, eux autres, ils ont des lignes directes. Ils sont capables de mener le gouvernement à leur guise.

Il y a deux enlignements du gouvernement, deux projets en matière d'ouverture, celui du député de Nicolet-Yamaska, qui allait dans le sens de ce que ma collègue de Taillon a défendu, et il y a eu celui du ministre et du gouvernement, qui est le projet des gros, pour les gros, par les gros, au détriment des 400 000 personnes qui travaillent dans les commerces de détail. C'est ça, la vérité de l'affaire. Et vous aurez beau vous faire des sociétés d'adoration mutuelle, vous gratter, vous applaudir, vous n'empêcherez pas que les gens qui tiennent des commerces, les gens qui travaillent dans les commerces n'en veulent pas de votre loi. Il y a juste vos gros bailleurs de fonds qui l'aiment. Il y a juste les gros qui l'aiment, ce projet de loi. Et quand un des vôtres, le député de Nicolet-Yamaska, a étudié la question, il a dit: Le dimanche, on devrait limiter ça à du commerce de dépannage.

Ce n'est pas ça qu'on fait maintenant. On a commencé par quatre et on en a négocié cinq et, hypocritement, on a dit: Le cinquième, ça sera le propriétaire ou son mandataire. Ça veut dire cinq. Et on a obstinément refusé, M. le Président, de dire que ça devrait être un chiffre raisonnable comme quatre, alors que l'ancienne loi pariait de trois et qu'il faudrait que le commerce ait quatre employés en tout temps; alors que là, on suit le modèle américain et ontarien qui obsède les ministériels. Ce sont des Québécois qui, dès qu'ils vont en Ontario ou aux États-Unis, reviennent en se sentant tellement petits qu'ils veulent des immenses supermarchés où il y aura quelques lumières pour "opérer" un dépanneur dans un grand supermarché. C'est ça qui est devant nous, M. le Président. Le dimanche, on va vers une libéralisation plus grande et ça, Alimentation Couche-Tard, Provi-Soir, les dépanneurs ont tous dit que c'était à rencontre de leurs intérêts. Alors, l'intérêt de qui que ça favorise? Les trois grands de l'alimentation qui vivent des problèmes réels: une perte de volume relative, un marché qui est stagnant et des profits qui sont en diminution.

Mais je ne pense pas, M. le Président, que c'est en faisant disparaître les moyens et les petits qu'on va régler la question. D'ailleurs, il y a des parties importantes du commerce de détail - je pense aux magasins Canadian Tire - qui ont une taille très importante et qui trouvent que le projet de loi n'a pas de sens. Alors, les ministériels auront beau faire, ils auront beau dire, on s'attaque aux employés de commerce qui vont voir leur vie familiale perturbée parce qu'on va les forcer à travailler le dimanche. On nuit aux propriétaires des petits commerces qui devront le faire eux-mêmes ou encourir des coûts supplémentaires pour le faire. On plaît aux grands centres d'achats, et c'est une loi où on trouve de tout, même un ami. L'ami, c'est Jean Coutu qui vend de tout, même de la pharmacie. Et ce que le gouvernement s'apprête à faire, c'est de faire passer quelques intérêts particuliers avant l'intérêt général, M. le Président. C'est clair, c'est net. Ce qui était proposé par la Coalition contre l'ouverture le dimanche, c'est d'ouvrir plutôt le mercredi soir. Le ministre le retient, mais il élargit encore le dimanche.

Et un dernier point, M. le Président. En commission parlementaire, on a consacré une heure à discuter chaque motion de l'Opposition où on demandait d'entendre du monde, et les députés ministériels qui braillent qu'il y a des gens qui les arrêtent pour parler avec eux dans les corridors. Et bien, permettez aux gens de se faire entendre en commission et ils ne vous chercheront pas dans les corridors pour vous

parier. Je trouve ça spécial, M. le Président, cette mentalité de dire: Ça ne nous fait rien de faire semblant d'écouter l'Opposition au lieu de prendre une heure par groupe intéressé. En commission parlementaire, on a fini par proposer d'entendre pendant une heure chacune les deux coalitions, la Coalition pour l'ouverture des commerces le dimanche et la Coalition contre l'ouverture des commerces le dimanche. Les ministériels n'ont pas voulu. Ils ne voulaient pas entendre les intéressés parce que les intéressés les plus importants, on les entend au téléphone ou ailleurs et on leur donne tout ce qu'ils demandent. (1 heure)

Alors, c'est une mauvaise loi qui va perturber le commerce, qui va nuire aux conditions de travail des personnes impliquées, qui va occasionner des coûts aux commerçants, coûts qui vont se répercuter sur les consommateurs. Dans le cas des personnes qui gèrent et opèrent elles-mêmes leur commerce, on les met sur le même pied que les employés. Elles vont devoir travailler à des heures encore plus indues pour essayer de se débattre vis-à-vis des plus gros commerçants.

C'est donc, M. le Président, une très mauvaise loi faite dans un climat très peu démocratique. Et ceux des ministériels qui disent: Oui, mais on a été élus en septembre l'année passée, ils n'ont pas été élus là-dessus. Pendant la campagne électorale, ils étaient encore à rechercher leurs états d'âme sur les heures d'ouverture des magasins. La loi n'était pas devant nous. Et par ailleurs, maintenant que c'est connu, je pense qu'il y a des gens dans le commerce qui vont revoir leur façon de voir les choses. Parce que si c'est vrai qu'on ne peut pas plaire à tout le monde et à son père, je pense qu'on ne peut pas faire la job de bras pour les gros. On ne peut pas aller dans le sens d'une libéralisation plus grande pour favoriser les très grandes surfaces et les gros intérêts au détriment des commerces de taille plus réduite et même des commerces moyens qui sont affiliés aux grandes chaînes et qui signaient des pétitions pour dire que la direction de Provigo et autres ne pariaient pas en leur nom. Alors, entre les intérêts d'une petite poignée de personnes et l'intérêt de centaines de milliers de personnes, le gouvernement a fait son choix. Il a fait une loi qui justifie l'Opposition de dire que le Parti libéral du Québec, c'est un gros club privé d'intérêts particuliers.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député. M. le ministre.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais rappeler au député de Pointe-aux-Trembles que le commerce de détail au Québec compte 67 000 établissements et plus de 320 000 travailleurs. La très grande majorité de ces commerces sont dans le secteur non alimentaire et ne pourront pas ouvrir le dimanche. Si on se fie au secteur de l'alimentation, on parie de 14 210 points de vente qui embauchent 78 280 salariés. De ces 14 210 points de vente, 8500 sont des commerces de dépannage qui ouvrent déjà sept jours par semaine, vingt-quatre heures. Alors, ce que je veux expliquer, c'est qu'il ne faut pas lancer des chiffres comme: il y a 400 000 travailleurs qui vont être affectés par la Loi sur les heures d'affaires. Il y a certains travailleurs qui vont être affectés, je l'admets depuis le début, mais c'est la raison pour laquelle on a permis quatre employés hors les heures d'affaires pour assurer le fonctionnement dans les commerces d'alimentation seulement. Donc, on a pris en considération les intérêts des travailleurs et des travailleuses, mais également, M. le Président, on doit l'admettre, les intérêts du consommateur dont on ne parie jamais assez du côté de l'Opposition.

Le Vice-Président (M. Cannon): Le prochain intervenant, M. le député de Dubuc.

M. Gérard R. Morin

M. Morin: Merci, M. le Président. Le projet de loi 75 sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux est bien loin d'être un chef-d'oeuvre législatif. Dans un premier temps, rappelons que ce projet de loi, de par sa teneur, est d'un degré de difficulté de compréhension rarement vu. Alors, d'ailleurs, c'est sans doute pour cette raison que le ministre songe à en donner l'application aux municipalités. Mais sa grande faiblesse, c'est surtout de ne correspondre d'aucune façon aux attentes du milieu des affaires, des travailleurs et des consommateurs en général. Si je soutiens que ce projet de loi possède un haut degré de difficulté de compréhension, c'est que le texte de ce projet de loi est d'une lourdeur incroyable, en plus de comporter une multitude d'ambiguïtés. Je n'ai pas l'intention de relever tous ces articles. D'ailleurs, c'était le travail de la commission de le faire jusqu'au moment où le gouvernement a décidé d'y mettre fin.

Vous me permettrez, par contre, de ne donner qu'un exemple d'ambiguïté ou de manque de clarté dans la formulation. Je réfère aux articles 2 et 3 où, dans l'article 2, bien sûr, on réfère aux jours et aux heures d'ouverture, alors que l'article 3, lui, réfère aux jours et aux heures de fermeture. Mais dans les deux cas, les articles 2 et 3 se lisent de la même façon: "Sous réserve des articles 4 à 12, le public ne peut être admis dans un établissement commercial". Donc, l'introduction de ces articles est la même, dans les deux cas, sauf que l'article 2 fait référence aux heures d'ouverture et l'autre, aux heures de fermeture, de là une source de con-

fusion, parce que le ministre n'a pas été capable de dire clairement ce qu'il voulait dire.

Je crois sincèrement que le ministre aura réussi tout un tour de force, tout un exploit: si ce projet de loi devait être accepté tel quel ou même avec les quelques amendements, il aura réussi à ne satisfaire personne, donc à mécontenter tout le monde. En effet, après avoir pris connaissance des différents mémoires qui ont été déposés lors de la consultation, je me demande toujours sur quoi s'est inspiré le ministre pour accoucher d'un tel projet de loi, car il ne répond d'aucune façon aux attentes des consommateurs ni aux intérêts des commerçants, pas plus qu'aux préoccupations des travailleurs et des travailleuses sur leurs conditions de travail, sans considérer toute la confusion qu'entraînera l'application de ce projet de loi. D'ailleurs, les dizaines de lettres de critiques, d'opposition et de contestation adressées au ministre, depuis le dépôt du projet de loi, en sont la plus belle illustration.

Je faisais référence aux mémoires qui vous ont été déposés. Vous me permettrez donc d'attirer l'attention du ministre sur celui du Conseil de la famille. Si j'ai choisi ce mémoire, c'est que j'y adhère sans aucune réserve et que, de plus, les valeurs défendues par (e Conseil de la famille méritent d'être appuyées. Vous me permettrez donc, M. le Président, de rappeler au ministre un chapitre du mémoire du Conseil de la famille portant sur l'importance de permettre aux travailleurs et aux travailleuses de concilier leurs responsabilités parentales et professionnelles. De l'avis du Conseil de la famille, la question importante dans ce débat concernant l'ouverture des commerces le dimanche est non pas de savoir si les familles disposent de suffisamment de temps pour faire leurs courses, mais bien de s'assurer que les parents qui auront à travailler le dimanche disposeront de suffisamment de temps pour remplir leur rôle auprès des enfants d'âge scolaire. Et cela est loin d'être évident, particulièrement si ces mêmes parents travaillent aussi le samedi. Le Conseil est réticent à voir diminuer le temps dont disposent les parents d'enfants d'âge scolaire pour être à l'écoute de leurs enfants. Ils considèrent qu'on en demande assez en semaine aux enfants dont les deux parents travaillent. Plusieurs d'entre eux doivent se débrouiller seuls après l'école. Il en est souvent ainsi le samedi et il en sera probablement ainsi le dimanche, si l'on permet l'élargissement de l'ouverture des commerces.

Également, le Conseil est réticent à voir diminuer le temps dont disposent des couples pour être ensemble. À une époque où l'on parle beaucoup, sur le marché du travail, de la nécessité de faciliter aux parents la conciliation des responsabilités familiales et des responsabilités professionnelles, le Conseil de la famille souligne aux législateurs cet enjeu pour les familles, lui qui s'est engagé à penser et à agir "famille" dans toutes les sphères de ses responsabilités. Maintenir les restrictions concernant les heures d'ouverture des commerces le dimanche demeure un excellent moyen d'atteindre cet objectif et de soutenir les parents dans l'organisation de leur vie familiale.

M. le Président, le ministre se défendra sans doute en disant que nous ne faisons mention que des mémoires opposés à son projet de loi. À cela je répondrai au ministre que les mémoires favorables à une libéralisation complète des heures d'ouverture sont davantage motivés par les préjudices que causent à certains établissements la non-application de la loi présentement en vigueur. De plus, je ne suis pas certain que l'on ait fait l'analyse de la semaine de travail dans les différents secteurs d'activité. En effet, depuis les 20 dernières années, la semaine de travail - je ne parie pas seulement du travail dans les établissements commerciaux, mais du travail dans les différents secteurs d'activité -est passée de 48 heures à 40 heures, voire même à 35 heures dans certains endroits. Alors, lorsqu'on vient prétendre qu'un élargissement des heures d'ouverture des commerces répondrait à un besoin, vous me permettrez d'en douter fortement. (1 h 10)

Le dernier point que je soulèverai, M. le Président, concerne l'autorisation aux municipalités de procéder à l'application de la loi. Vraiment, il faut que le ministre fasse preuve d'inconscience ou d'une très grande naïveté pour proposer cette responsabilité aux municipalités. Est-il nécessaire de rappeler qu'avec la remise en question du pacte fiscal de 1980, il est fort peu probable que le ministre obtienne une grande collaboration de la part des municipalités? Et je ne crois surtout pas qu'elles se laisseront tenter par le fruit des infractions et refuseront ce panier de crabes que constituera l'application de ce projet de loi.

En conclusion, M. le Président, je crois que ce projet de loi illustre bien le manque de courage politique du gouvernement. En effet, depuis plusieurs années, les plaintes se sont multipliées sur la non-observance de la loi en vigueur sans que le gouvernement réagisse ou intervienne. Il y a maintenant plus d'un an que le rapport Richard a été déposé, et le gouvernement n'a pas osé faire face à la musique. Peut-être avait-il peur de faire des fausses notes? Aujourd'hui, nous sommes devant un projet de loi qui, en plus d'être d'une grande ambiguïté, ne répond nullement aux véritables attentes de la population. D'ailleurs, c'est ce qui se produit toujours lorsqu'un gouvernement tente de servir les intérêts d'un groupe en particulier, car ça s'avère inévitablement au détriment des autres. Il ne me reste plus qu'à souhaiter que le ministre saura le reconnaître et qu'il acceptera tous les amendements que la situation exige. Je vous remercie, M. le Président et cette Assemblée, de

votre bonne attention.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député. M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Alors, M. le Président, le député de Dubuc, dans sa présentation initiale, a essayé de démontrer qu'il y avait des incohérences dans le projet de loi en comparant le libellé initial de l'article 2 et de l'article 3. Je demanderais au député de Dubuc de prendre connaissance de l'amendement, un des amendements qui a été déposé et qui corrige toute ambiguïté. En ce qui concerne les municipalités, le projet de loi mentionne clairement à l'article 13 que "le ministre ou une municipalité peut autoriser". Alors, je référerais le député de Dubuc à une déclaration du président de l'Union des municipalités du Québec qui reconnaît que c'est un projet de loi avec lequel il peut vivre et qui nous offre sa collaboration dans l'application de cette loi.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Mme la députée de...

Une voix:...

Le Vice-Président (m. cannon): un instant, s'il vous plaît! un instant, s'il vous plaît! mm. les députés, et à ma droite et à ma gauche, s'il vous plaît! je reconnais maintenant mme la députée de marie-victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour d'essayer de faire entendre au ministre que sa loi, en fait, telle qu'elle est proposée à l'heure actuelle, semble, en tout cas, pour la majorité des consommateurs, des commerçants et des travailleurs et des travailleuses, inéquitable et injustifiable. M. le Président, en effet, c'est difficile de discuter avec quelqu'un qui est convaincu de son raisonnement. C'est un petit peu ce qui s'est passé en commission parlementaire lorsque, au moment où l'ensemble des membres de l'Opposition, en commission parlementaire, demandaient au ministre de déposer ses amendements, ils ont vu un refus systématique s'offrir à leurs demandes, M. le Président. Alors, ça ne débute sûrement pas bien des échanges avec le gouvernement et le responsable du dossier de cette loi sur les heures d'ouverture. Comment, M. le Président, alors que l'on sait une très grande insatisfaction qui nous semblait justifiée puisque, à la mesure des pétitions que nous avons reçues, des lettres de contestation, il aurait été souhaitable, même agréable, de pouvoir, en commission parlemen- taire, une dernière fois avant que le ministre apporte ses amendements, se pencher justement sur les réclamations et les recommandations des groupes concernés par ce projet de loi, les gens qui devront, d'une part, dans quelques cas, subir le projet de loi et, d'autre part, d'autres qui devront appliquer le projet de loi? Et ça, M. le Président, je pense que ça aurait été faire preuve, en tout cas, d'un intérêt profond du ministre autant vis-à-vis des consommateurs que vis-à-vis aussi des travailleurs, des travailleuses et des commerçants. M. le Président, actuellement, on se pose des questions, à savoir: Qu'est-ce qui fait en sorte que le ministre est si pressé à faire passer ce projet de loi là et, il faut le dire, si abruptement? Parce que, en fait, il nous arrive avec des amendements, 25 amendements sur 34 articles, M. le Président. C'est incroyable, quand on regarde un projet de loi, 25 amendements sur 34 articles. N'y aurait-il pas eu lieu, justement, de prendre la peine d'écouter, d'entendre ces gens que l'Opposition demandait à entendre au moment du début de l'étude du projet de loi article par article? D'autant plus, M. le Président, que l'Opposition proposait au ministre de commencer le projet de loi par l'article 4. L'article 4 aurait vraiment apporté l'éclairage que suscitait ce grand débat sur les heures d'ouverture, parce que c'est le cas même de tout le litige qui apparaît dans ce projet de loi entre les personnes qui sont intéressées, le débat entre les petits commerçants et les grands commerçants, les petites surfaces et les grandes surfaces. J'écoutais tantôt le ministre qui disait: Écoutez, les gens feront preuve de maturité en ce qui concerne les heures d'ouverture; bien sûr qu'on tient compte du Québec de base avec des petites municipalités; il n'est pas dit que l'ensemble des commerçants des petits commerces devront ouvrir, c'est leur libre choix.

Mais quand on parle de compétition, quand on parle d'une artère complète et quand on parle de complémentarité de services à l'intérieur des différents commerces, bien sûr qu'il deviendra de plus en plus difficile pour ces commerces, si petits soient-ils, de rester fermer. Et là, il s'enclenche un processus complet de changements majeurs dans les horaires de travail et, bien sûr, dans la qualité de vie. Parce que, M. le Président, quand commence le changement des horaires de travail, c'est l'ensemble de l'organisation sociale qui est impliquée dans un tel changement, et on devra faire face à ce changement social. Mais comment allons-nous y faire face, à ce changement social? Est-ce que nous l'avons préparé alors que nous savons très bien, à l'heure actuelle, à quel point il est difficile pour les familles, à l'heure où on se parle, quand il y a des gens, des femmes qui doivent travailler, ils n'ont aucun service de garderie, surtout dans les différentes régions? Ce sera encore beaucoup plus difficile pour elles de se trouver ce service important puisqu'elles auront à trouver des

gardiennes en dehors des heures raisonnables de travail. Bien sûr, lorsque les enfants vont à l'école, il n'y a pas de problème. Mais quand on déborde de ces heures-là, là, il y a problème. Et quand on a peu de services au niveau du système de garderie, quand il est difficile au Québec de se trouver des places dans le milieu des garderies, bien, je pense qu'on rend encore plus difficile cette tâche-là à ces mères et à ces hommes aussi qui auront, en fin de compte, à concilier les devoirs familiaux en même temps que d'aller travailler, parce qu'ils devront maintenir leurs emplois. Et parce qu'ils devront maintenir leurs emplois, ils devront subir, en fait, les différents horaires de travail. Ils devront subir aussi cette compétition.

Moi, M. le Président, quand je vais me promener à Montréal ou dans les grands centres-villes, je suis toujours très surprise de voir le nombre effarant de magasins qui n'arrêtent pas d'apparaître de plus en plus. Et je me dis: Mon doux, à voir l'ensemble des magasins qu'il y a là, on n'a pas suffisamment de nos 24 heures, sept jours semaine, pour pouvoir faire toute la panoplie et faire le tour de l'ensemble de ces magasins qui existent à l'heure actuelle. Et je me dis, M. le Président: Qu'est-ce qui va arriver? On regarde le nombre de commerces qui ferment leurs portes à l'heure actuelle. C'est tout de même assez circonscrit. Les heures de travail, les heures d'ouverture sont réellement reconnues. Que va-t-il arriver à ce moment-là, alors que, à l'heure actuelle, on leur demande encore un surcroît, on leur demande d'étendre leurs heures de travail? Ce sera de plus en plus difficile, en tout cas. Et moi, je ne suis pas sûre, M. le Président, que ça va favoriser le gagne-pain de l'ensemble de ces petits commerces là. Bien au contraire, ils auront à assumer des frais généraux beaucoup plus onéreux qu'ils ne le sont à l'heure actuelle. Ils auront à faire face aussi à des horaires de travail qui vont être plus extensionnés et ils devront avoir à faire face aussi à d'autres problèmes de l'ordre de relations du travail et dont il me semble très important de tenir compte lorsqu'on parle d'un tel projet de loi. Il nous semble, en tout cas, au moment où actuellement on se penche sur ce projet de loi, que toutes ces notions-là ont été très peu abordées ou très peu prises en considération. Leur considération majeure, il nous semble, à l'heure actuelle, c'est de faire en sorte que les intérêts des soi-disant gros commerces, telles des pharmacies - et vous connaissez l'ami de tout le monde, l'ami Jean Coutu - qui fait en sorte que celui-ci n'aura pas tellement de problèmes parce que, M. le Président, quand on est capable de se payer des agents de sécurité, quand on est capable de se payer... C'est parce qu'il faut avoir une grosse surface, il faut avoir des revenus assez considérables. (1 h 20)

Mais je vois mal, M. le Président, des entreprises beaucoup plus moyennes être capables de se faire ces frais-là sans gruger leurs revenus. Et ça, c'est important. Il faut qu'on le dise, M. le Président. Qui va être capable de se payer ce cinquième, ou en dehors du cinquième, tel que libellé par le ministre, si ce n'est que des gros qui ont déjà vraiment des profits bien, bien, bien évidents? Ça me surprendrait qu'on puisse aider. Et même, M. le Président, je regardais - et j'espère que le ministre a pris la lecture que la ville de Montréal en a faite - ils se posaient comme interrogation que les 70 heures n'entraîneront sûrement pas un revenu, mais plutôt des dépenses, et qu'il est à craindre que les commerces de petite et de moyenne tailles ne soient pas à même d'ouvrir pendant toutes les heures permises par la loi.

M. le Président, la ville de Montréal se posait encore d'autres questions, et le ministre a glissé littéralement dans ce que la ville a mis en garde. La ville de Montréal a mis en garde le ministre au moment où ils avaient une correspondance et elle disait, finalement: "Vous démontrez ici votre volonté de ne permettre, le dimanche, que l'ouverture du véritable commerce de dépannage." Ce qui n'est plus le cas avec l'amendement, M. le Président. Toutefois, si les cadres ni le personnel de sécurité ni les préposés à l'emballage ne sont inclus dans ce plafond de quatre employés, nous craignons que cette permissivité ne vienne pervertir votre volonté de limiter le commerce au véritable dépannage.

Il y aura lieu, ici, d'être beaucoup plus restrictif et c'est tout à fait l'inverse, M. le Président, avec les amendements que nous a proposés le ministre, auxquels nous devons faire face. Cette mise en garde que faisait la ville de Montréal, et ce n'est pas la moindre des villes, fait en sorte que, M. le Président, il aurait été souhaitable que le ministre, encore une fois, prenne davantage de temps et écoute davantage aussi l'ensemble des intérêts, non pas seulement des plus importants, des plus grosses chaînes, M. le ministre, mais aussi l'intérêt autant des petits consommateurs. Il aurait été souhaitable non pas qu'il refuse d'entendre les consommateurs, tel que l'avait proposé l'Opposition, mais qu'il les écoute plus avantageusement. Ça aurait été la façon de défendre les véritables intérêts des consommateurs. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée. Mme la députée de Verchères.

Mme Luce Dupuis

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. M. le ministre, je vais être brève. On l'a vécu ensemble en commission, vous savez très bien, M. le ministre, qu'on ne partage pas le même point de vue. Je respecte le vôtre et j'espère que vous allez respecter le mien. Mais je suis convaincue

que, sur un point, on va tomber d'accord. On a été en mesure de constater, ce soir, M. le ministre, que ça soulève énormément d'émotivité. Vous avez de vos collègues qui ont parlé, qu'on n'avait pas entendus depuis longtemps. Ils se sont manifestés. Pourquoi? La même chose de notre côté. On a même blessé des gens qui voulaient intervenir contre le projet de loi. Donc, je pense que, là, on est d'accord pour dire que ça soulève de l'émotivité.

Pourquoi? J'ai une explication. Peut-être qu'encore là vous ne serez pas d'accord, mais lorsque les gens ont à vivre avec cette loi, ils vont avoir à vivre tous les jours avec. Ils vont se frotter à ça, tous les jours. C'est peut-être une des raisons. Donc, ça va les affecter dans leur vie quotidienne, pour la plupart; pour d'autres, c'est une question de suivie. C'est à ces facteurs-là que j'attribue ça. Ici, même dans cette Chambre, ça soulève autant d'émotivité. Et si on avait raison, les pétitions, M. le ministre. Et si on avait raison, les motions qu'on a présentées en Chambre, des télégrammes que j'ai reçus dans mon comté. Ça, c'est à part des motions qu'on a présentées. Ça d'épais de pétitions non conformes, mais elles sont là quand même. C'est des gens pareil. C'est techniquement qu'il a manqué quelque chose. Et si on avait raison de dire que c'est une majorité qui n'en veut pas, vous vous imaginez la contestation qu'on va avoir? Les gens voulaient tellement intervenir qu'on a même choqué des collègues parce qu'ils n'ont pas eu le temps. Moi, je me garde cinq petites minutes et j'attends depuis le début de la soirée pour faire mes cinq petites minutes, mais je vais être brève. Je vais tout simplement insister sur deux petits points.

M. le ministre dit: On peut ouvrir après 8 heures et avant... Mais, M. le ministre, vous êtes trop intelligent pour essayer de me faire croire ça! Tu as un commerce, l'autre ouvre à 8 heures, tu ne peux pas ouvrir à 9 heures. Vous connaissez trop... M. le Président, M. le ministre connaît trop les lois du marché pour croire à ça. Il va crever, l'autre, voyons donc! Un client qui se cogne le nez sur une porte fermée se le cogne une fois, deux fois; la troisième fois, il s'en va chez l'autre. Il ne vivra pas. Ça, là, vous me permettrez, M. le ministre, de ne pas être d'accord, mais pas du tout, avec ça.

Pour ce qui est du ministre du Tourisme que vous avez invité, je relève deux petits points que vous avez donnes dans votre discours tantôt. C'est vrai, je l'avoue, vous avez dit: Oui, je suis d'accord pour qu'il vienne en commission, mais, M. le ministre, vous le savez très bien, vous avez voté contre. Expliquez-moi ça? Vous dites: Oui, je suis d'accord pour qu'il vienne. Il n'était pas question de demander mer et monde au ministre du Tourisme. C'était simplement qu'il vienne nous donner les balises, sa grille d'évaluation, nous dire comment ça se passerait. Ce n'était pas une question d'empêcher rien, quoique je demeure convaincue que c'est la porte ouverte vers la libéralisation.

Je veux parler simplement de vos heures. Vous avez fait des amendements, M. le ministre. C'est dans la bonne direction, vous êtes bien parti, ne lâchez pas, attendez un petit peu et on va se mettre d'accord. Vous avez apporté des amendements, et je sens qu'il y a un effort là, mais, M. le ministre, une mère de famille... Il y avait un collègue, tantôt, qui parlait d'une mère qui travaille, qui arrive à 17 heures et qui va chercher le bébé. Bien, elle ne pourra pas aller chercher le bébé à 17 heures, chers collègues. Elle est travailleuse dans un magasin et elle finit à 19 heures. À quelle heure va-t-eile arriver chez elle? Elle ne peut pas. Vous dites: Le travailleur - et vous l'avez dit automatiquement à part cela - le travailleur qui finit de travailler à 17 heures... Nos travailleurs, ici, commencent à 8 heures et finissent à 19 heures tous les soirs. Je pense à ma petite caissière. Je pense aux femmes, surtout, qui vont être pénalisées là-dedans. Il est 19 heures. On en a toujours, des retardataires, 19 h 30. Tu sais, le client qui arrive à moins cinq. Vous savez ça? Bon! Il faut qu'elle tolère sa demi-heure. Un client a toujours raison, 19 h 30. Elle fait sa caisse, 20 heures. Elle rentre chez elle - donnez-lui une demi-heure en autobus - 20 h 30. Elle arrive à 21 heures. Ses enfants sont couchés. Elle va souper à 21 heures. Ce n'est pas grand-chose, mais c'est les deux petites heures qui viennent empoisonner le quotidien de bien des travailleuses. 8 heures le matin, à la rigueur, ça, je me dis: Qu'elle se couche un petit peu plus de bonne heure et qu'elle se lève un petit peu plus tôt... Tu sais, on ne peut pas gagner des deux bouts. Moi, je vous le laisserais votre 8 heures, quoique, nous autres, on demandait 8 h 30. Je vous le laisserais, mais, pour l'amour du ciel! 19 heures... Et ça, c'est les lundis et les mardis parce que les mercredis, jeudis et vendredis, M. le ministre... Je ne vous dis pas que je n'apprécie pas les efforts que vous avez faits, mais ça n'arrange rien, c'est à 21 heures. Ça fait que refaites le même calcul: l'autobus, la caisse et tout ça. Et là, on arrive dans le temps des fêtes. Vous le savez, messieurs, vous le savez comment ça se passe dans le temps des fêtes. Vous vivez dans le monde ordinaire. Vous savez que c'est la course aux cadeaux. Vous en payez, vous le savez qu'il faut aller magasiner dans le temps des fêtes. Bon! Les cadeaux, l'arbre de Noël, le manger et, là, les travailleuses jusqu'au 24 décembre... Ça n'a pas de bon sens. Moi, je pense à ces travailleuses-là, et ça n'arrange rien. (1 h 30)

Ça fait que - j'ai dit que je serais brève -après ça, j'arrive aux dépanneurs. Là aussi, je veux bien considérer l'effort que le ministre a fait mais, bon sang le dépanneur, il fait son

argent après que les autres sont fermés. Les travailleurs, vers 18 et 20 heures, c'est son "rush". Leur magasin ordinaire, l'épicerie est ouverte jusqu'à 19 heures. Vous venez de lui enlever sa petite marge de profits qui l'empêchait de crever, là, vous venez de la lui faire sauter, M. le ministre. Le dimanche, dans le temps des fêtes, les journées de congé quand les écoles sont fermées, on sait que ce sont les enfants qui vont au dépanneur M'man, as-tu besoin du Coke, hein? Parce qu'ils veulent aller chercher quelque chose. Vous venez d'ouvrir ça, tout le mois de décembre. Moi, je ne pense pas qu'on va régler le problème des dépanneurs. Et je vous donne ça simplement comme exemple. Les fruiteries. On n'arrange pas plus le problème des fruiteries. C'est un cas particulier, les fruiteries. Les fruits, il faut que ce soit frais, et c'est plus fragile dans la manipulation. Là non plus, ce n'est pas arrangé.

J'ai dit que je serais brève, il faudrait bien que je le sois. Tout ce que je souhaite, c'est qu'on se trompe sur cette majorité mécontente. On a des camionneurs en avant, on devait avoir des serriculteurs mais ils ne sont pas venus parce qu'il ne sont pas arrivés à se coordonner avec la Saint-Jean-Baptiste et les truckers", là, bon, tout ça ensemble. Ça fait qu'on en a évité un groupe. Moi, je pense qu'on va avoir des travailleurs et des travailleuses et des gens qui vont manifester. Ça implique trop... ça les affecte trop, je pense, ça les touche de trop près.

Et là, je vais simplement souligner la manière de faire. Le bâillon, c'est bien sûr qu'on l'a eu, sur celle-là comme sur les autres. C'est inacceptable, bien sûr. Et, M. le Président, là je vais utiliser ma minute, bien vouloir transmettre à M. le ministre que le pouvoir exercé avec excès est la démonstration d'une faiblesse et je pense que M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie a la force et est capable de ne pas faire cette démonstration-là. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée. M. le ministre.

M. GéraU Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Je voudrais mentionner... On a mentionné tout à l'heure que la ville de Montréal avait émis une lettre, c'est vrai, mais avant les amendements. Je serais curieux de connaître la position de la ville de Montréal aujourd'hui. On parle beaucoup des pétitions contre qui ont été déposées. Je serais curieux de connaître la même position, avec les amendements, des quincailleries, des SIDAC et des marchands de meubles. Quand on parle... La députée de Verchères mentionne que les commerces ouvrent à 8 heures, les gens vont devoir ouvrir. Alors, comment peut-on m'expliquer qu'aujourd'hui les commerces peuvent ouvrir à 8 h 30, mais les commerces ouvrent à 9 heures et 9 h 30, et personne ne se sent obligé d'ouvrir à 8 h 30? On mentionne également que, même si les commerces ouvrent à 8 heures, la dame ou l'homme va devoir travailler jusqu'à 19 heures, onze heures par jour. Je voudrais rappeler à la députée de Verchères que le travailleur syndiqué est très bien protégé par les conventions collectives. Dans le secteur de l'alimentation où c'est non syndiqué, plus de 40 heures de travail c'est temps et demi, et 44 heures dans les non-secteurs c'est temps et demi. Les commerçants savent compter et, habituellement, ils ne font pas travailler les travailleurs onze et douze heures par jour.

On a parlé beaucoup du dépanneur. En commission parlementaire, vous nous avez clairement expliqué que le dépanneur n'avait pas la même clientèle. Ça coutaît de 15 % à 30 % plus cher et, aujourd'hui, vous nous avez dit que les gens ne feront par leur épicerie chez le dépanneur. Aujourd'hui, vous nous reprochez de permettre à des commerçants qui opèrent des commerces d'alimentation d'ouvrir. Finalement, pour les fruiteries, ce qui a été mentionné pour les fruiteries, c'est en contradiction avec la position de l'Opposition avec laquelle nous sommes d'accord.

Le Président: M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Ubman

M. Libman: m. le président, j'attends le... le débat actuel est un véritable débat de société. la notion d'approcher une plus grande commercialisation et une plus grande liberté en est une qui aura d'importantes conséquences sur notre société. au lieu d'intervenir de façon hypothétique sur les différents éléments contenus dans cette loi, j'aimerais m'en tenir aux éléments qui me touchent de façon personnelle. notamment, le cas des marchés aux puces en est un qui me préoccupe. Les marchés aux puces, M. le Président, ne sont pas que des endroits où il y a de simples échanges matériels et financiers. Les marchés aux puces sont des lieux de rencontre et de divertissement social, de véritables foires culturelles. Les gens qui fréquentent les marchés aux puces n'y vont pas dans l'intention ferme d'y ramener une partie de leur épicerie ou de fournir leur garage d'outils de jardinage. Les gens qui fréquentent les marchés aux puces y vont plutôt dans le but d'y découvrir d'agréables surprises et, cela, souvent dans un contexte familial. Si on ne permet pas l'ouverture des marchés aux puces, pourquoi permettre toute autre forme de divertissement susceptible d'être une activité familiale, tels que le cinéma, le théâtre, les concerts et même les restaurants? À mon avis, M. le

Président, les marchés aux puces ont plus de ressemblance avec le théâtre moderne qu'ils n'en ont avec les grandes surfaces commerciales, et c'est précisément ce point qui n'est pas reflété dans le projet de loi. Je trouve triste le fait de simplement éliminer une activité sociale devenue très fréquente et nécessaire.

Les marchés aux puces - et tous les membres du gouvernement sont d'accord - it is a place where there is socializing, negotiating, bargaining, laughing. It is rich in diverse cultures and, franchement, can anyone here realize that flea markets will no longer be open on Sundays in this province? It is something that we all have become used to and something that we do on Sundays, something that gives us something to do on Sundays, and will be eliminated from our activities and our recreactivi-ties.

Even cultural communities will be hard hit by this new law. Cultural communities have found flea markets to be of great value, where they can offer or find bargains, where they can work. It is an opportunity to work for them, and even make greater contacts with the majority communities. And another argument, something that notre formation politique a articulé clairement, que nous étions en faveur de l'ouverture des commerces le dimanche. Mais votre argument, the argument that it is not obligated to open on the other hours, these certain hours during the week, but the hours are now made available for merchants, do you really believe they can be seen in this light? And this is where we have to agree strongly with the Official Opposition. Obviously, if these hours are available, the pressure of competition will force merchants to open during those hours.

Finalement, M. le Président, en terminant, I think it should also be mentioned that the Minister of Industry, Trade and Commerce, who is the Member for Outremont, has a large Jewish community is his riding who made strong representations at these hearings of the importance to be able to open on Sunday because their day of rest is on Saturday. Obviously, there is a regulation that says they can have an authorization from an organization, such as the Canadian Jewish Congress, saying that because they practise certain religious belief, they should be able to open on Sunday instead of Saturday. But these organizations have expressed in public hearings opposition to this aspect because they feel they have to pry into the personal religious belief of the community to be open on Sunday. And this is another reason we feel that there should be major changes to this law.

Alors, sur ce, M. le Président, je ne prendrai que peu de temps pour dire, en terminant, que nous avons l'intention, notre formation politique, de nous opposer à ce projet de loi. Merci.

Le Vice-président (M. Cannon): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. M. le ministre de l'Industrie et du Commerce.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): M. le Président, le point de vue du député de D'Arcy-McGee et de plusieurs députés de la deputation ministérielle sur les marchés aux puces a été entendu et est très valable, et c'est la raison pour laquelle une modification a été apportée au projet de loi pour permettre l'ouverture des marchés aux puces le dimanche. Première remarque. (1 h 40)

Deuxième remarque. En ce qui concerne - il faudrait regarder les amendements - l'article 9, pour les croyances religieuses, encore une fois j'ai écouté, en commission parlementaire, les représentations du Congrès juif, qui m'a dit que c'était peut-être discriminatoire de leur demander de porter un jugement de valeur sur la croyance de leurs membres. J'ai été à l'écoute, j'ai éliminé à l'article 9 toutes ces dispositions-là. Alors, étant à l'écoute du député de D'Arcy-McGee, j'espère que, demain, le groupe du Parti Égalité va pouvoir voter pour le projet de loi.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. M. le leader parlementaire de l'Opposition.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. S'achèvera dans quelques minutes un débat sur le rapport qui fait suite à un bâillon,- M. le Président, et le ministre, qui a essayé de s'encenser toute la soirée en disant qu'il s'était mis à l'écoute du monde, s'est organisé pour se faire dire * par quelques-uns de ses collègues qu'il s'était mis à l'écoute du monde.

Je rappellerai, M. le Président, que ce débat-là a commencé par une commission parlementaire, qu'il avait écouté le monde et qu'il a déposé un projet de loi qui ne tenait pas compte, pas une minute, pas une miette, comme on dit en bon Québécois, de ce qu'il avait entendu en commission parlementaire. Pour un gars qui écoute, il y avait une différence entre entendre et comprendre. C'était clair et net, parce que ce n'est pas ce que que les gens avaient dit en commission parlementaire que l'on retrouvait dans le projet de loi. D'ailleurs, c'est une bien drôle de façon de légiférer que d'arriver à la dernière minute, après qu'on eut imposé un bâillon et qu'on n'eut pas pu discuter seulement des amendements, avec 25 amendements à 34 articles, M. le Président. Il faut le faire. "C'est-u" un ministre qui écoute?

II a écouté, M. le Président, la loi du gros bon sens, parce que, dans son caucus - je ne nommerai pas les députés, par respect pour eux - des députés sont venus me dire: Tu ne me verras pas en Chambre, Chevrette. C'est vrai qu'ils n'étaient pas en Chambre pour voter même le bâillon. Ils sont venus me dire: J'abandonne la commission parlementaire, je ne peux même pas supporter ça, il ne comprend pas, il n'a même pas compris pendant les audiences publiques. Il arrive ce soir, M. le Président, avec des amendements où il diminue à sept heures deux jours. Vous savez, lundi et mardi. Il fait plaisir à qui, là? Est-ce qu'il en a donné juste assez pour que le député de tel ou tel comté vienne à bout de rentrer pour voter? Est-ce que c'est ça qui l'a amené à modifier son projet de loi, lui qui écoutait? Il me semblait que c'étaient les groupes qui témoignaient, M. le Président, qui devaient l'amener à la raison dans la rédaction de son projet de loi. Bien drôle de façon de légiférer que d'arriver avec 25 amendements.

Est-ce que Mme la députée pourra voter pour le projet de loi maintenant qu'on a introduit les "puces" le dimanche en disant: Maintenant, ça pourra être jusqu'à 50 $ pour les produits neufs? Est-ce qu'il y en a quelques-uns qui vont pouvoir réintégrer le bercail et dire: Bon, il en a mis assez pour que je puisse voter maintenant? M. le Président, ce n'est pas ça légiférer. Quand le ministre dit qu'il a écouté, il n'a pas écouté du tout, il a voulu sauver les meubles à l'intérieur même de son parti, parce que c'était de plus en plus contesté à l'intérieur même, parce que la Coalition se promenait et pariait à ses propres députés et qu'elle leur disait: Ça n'a pas de bon sens. Les dépanneurs de mon milieu à Matane, par exemple, ont abandonné les commerces pour manifester lundi. C'est parce qu'ils sont satisfaits du ministre? De son projet de loi?

Une voix: Ah oui!

M. Chevrette: Parce qu'il a écouté lors des audiences? Non, c'est l'ensemble d'événements comme à Matane, puis comme un peu partout à travers le Québec. Le ministre a été obligé, par ses collègues qui lui ont dit: Écoute, plie un petit peu. Tu as l'air fou, là. Tu as l'air insignifiant. Tu vois bien que tout le monde ne veut pas, puis qu'il n'y a que toi à voir la vérité. M. le Président, qu'il ne vienne pas nous faire accroire que c'est parce qu'il a écouté, ce gars-là. Qu'il ne vienne pas nous faire accroire que c'est parce qu'il avait compris quelque chose. C'est son propre entourage qui lui a dit: II faut que tu aies l'air de comprendre quelque chose. Comprends, comprends pas, essaie de démontrer que tu as l'air de comprendre. C'est ça fondamentalement qui s'est produit dans ce processus de législation, M. le Président. Et, dimanche, les grandes surfaces pourront siéger avec quatre employés, ouvrir: l'agent de sécurité, le pâtissier, le patron, et sans doute qu'il se glissera des membres de la famille à travers ça. Bien sûr. Ah non! ils n'ont pas le droit. Imaginez-vous, ils n'ont pas le droit. Il faut donc être complètement déconnecté des réalités. Qui va oser se plaindre, imaginez-vous, qu'il y a eu un peu trop de monde à un moment donné, à une demi-heure? Oui, imaginez-vous, quand on sait comment ça marche! S'il y a un secteur où il y a une vulnérabilité au niveau des employés, c'est bien le secteur de l'alimentation, indépendamment qu'il y ait une force syndicale. Il y a une vulnérabilité extrêmement grande.

Il faut connaître un peu le monde syndical. Il ne faut pas analyser ça en grand théoricien et technocrate. Il faut aller voir sur le plancher. On aime ça, parier de plancher, dans ce projet de loi là? Allez donc sur le plancher, voir ce qui se passe. Vous allez voir quelles pressions indues s'exercent sur le monde du travail et vous allez peut-être comprendre que vous êtes déconnecté des réalités.

Le ministre avait dit, vous vous rappellerez: Écoutez, moi, je ne magasine pas le dimanche. Je vais l'emmener magasiner un petit peu le dimanche, lui, dans les grandes surfaces, et il regardera comment ça marche. M. le Président, ils ont diminué ça à 19 heures, de 18 heures à 19 heures le lundi et le mardi. Vous savez, ouvrir une concurrence pour le plaisir d'en ouvrir une à des petits dépanneurs qui font vivre des petites familles, pourquoi? Qu'est-ce que ça lui donne à lui, là? Qu'est-ce qu'il vient faire de bien pour le consommateur québécois, quand le consommateur québécois n'aura plus cette diversité parce que plusieurs auront été obligés, forcés, d'abandonner parce que ce n'est plus assez payant?

Quel bienfait pour le consommateur est-ce que ce sera à ce moment-là, lorsque les monopoles mettront l'emprise de plus en plus forte dans le marché de l'alimentation? Qu'est-ce que ça va faire, ça? Il ne sera même pas capable de nous répondre pourquoi il laisse ça de 18 heures à 19 heures. Il faut regarder quel monde... Les garderies de 18 heures à 19 heures, le lundi, vous savez, comme par hasard, ça va être facile pour ce monde-là. On légifère pourquoi? On vise quoi quand on fait des choses du genre, M. le Président? On fait plaisir à qui quand on fait ça, fondamentalement? On se fait plaisir ou on fait plaisir à quelqu'un? Je ne peux pas voir à qui.

Que Provigo ne soit pas ouvert de 18 heures à 19 heures le lundi et le mardi, par exemple, qu'est-ce que ça va déranger, ça? Si ça accorde une petite part du marché et si ça empêche des petits dépanneurs de coin de rue, à Montréal ou dans diverses villes, de fermer, qu'est-ce que ça va changer? Qu'est-ce que ça va vous ôter, vous autres, au Parti libéral? À qui en devez-vous pour ouvrir de 18 heures à 19 heures le mardi, par exemple?

Ce n'est pas compréhensible. Est-ce qu'on légifère pour le plaisir de légiférer? On n'est pas supposé parler pour ne rien dire. Mais vous voulez dire quoi par ça? Vous visez quoi par ça? Est-ce qu'il aurait fallu qu'on fasse tous comme à Matane, suggérer à tout notre monde de sortir dans les rues pour vous démontrer qu'on ne l'aimait pas, votre loi? Il me semble qu'il y a des députés qui vous l'ont dit, dans votre propre entourage, des députés qui étaient déchirés, des députés qui ne voulaient même pas voter pour le projet de loi du ministre, et ils avaient au moins le courage de le dire dans les passages. J'aurais préféré qu'ils le disent ici, mais ils avaient au moins le courage de le dire dans les passages.

Puis le ministre dit: J'étais à l'écoute. Je les ai écoutés pendant de nombreuses heures. Puis il a rédigé un projet de loi tout croche et tout de travers. Et, à la dernière minute, après avoir imposé un bâillon, là, il dépose 25 amendements; 25 amendements, 34 articles. Quel bon législateur! Quel excellent technocrate! Qui légifère pour qui? Tantôt, il a osé dire qu'il se portait à la défense des consommateurs. Là, j'ai dit: Le ridicule ne tue pas, parce qu'on aurait un député de moins ce soir!

Se porter à la défense des consommateurs dans le présent projet de loi, ça veut dire quoi? Il y a bien des façons. Il y a ceux qui n'ont pas de vision, qui n'ont qu'une courte vue, qui disent: Mais le consommateur, il va avoir plus de magasins d'ouverts pendant une heure de 18 heures à 19 heures le mardi. Oh! quelle chance aura ce consommateur! Ils vont ouvrir un peu plus de bonne heure le matin: oh! quelle chance il aura! Et qui va craquer au bout de la course et qui va se ramasser avec des monopoles et qui sera à la merci justement de ces monopoles? Ce sera le consommateur. Puis qui dérangez-vous quand vous faites ça, quand vous dites: Les normes du travail... ils ont des syndicats? Aie! "Faut-u" être déconnecté de la vie!

Vous savez qu'on a cherché à avoir des accréditations multipatronales, multisectorielles, précisément pour que dans certains coins de rue on puisse avoir des normes qui correspondent un peu à ce milieu de travail, parce que, dans les milieux où le patron a un ou deux employés, vous savez pertinemment que la syndicalisation est très difficle. Et, là, il dit: Ils sont bien défendus. Mais où vit-il, ce gars-là? Sur quelle planète est-il venu au monde pour ne pas savoir ce qui se passe concrètement dans le milieu? Allez donc à Matane pour voir si les petits dépanneurs de coin de rue sont syndiqués. Venez donc à Joliette. Vous viendrez me dire si les dépanneurs de coin de rue sont syndiqués. Vous vivez sur quelle planète, cher ministre? Je pense que c'est un martien, M. le Président, mais s'il avait un tantinet de gros bon sens quand il se débat et qu'il dit qu'il veut représenter les consommateurs... Il s'organise pour ne pas que les consommateurs aient de la diversité, justement. Il se permet de dire: Bien oui, ce sera meilleur. (1 h 50)

M. le Président, une société se doit-elle de donner des chances aussi aux gagne-petit? Notre société... 70 % de la main-d'oeuvre, au Québec, est issue de petites entreprises, de petites unités. Je comprends que quand on a des idées de grandeur on ne pense qu'aux grands et aux gros mais, ça, ça se paie. C'en est une forme d'arrogance de pouvoir que de penser en fonction du milieu dans lequel on est ne ou dont on est issu et dire que la société, elle n'est pas ça, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le leader de l'Opposition. M. le ministre.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Si le député avait pris connaissance des amendements, je pense qu'il réaliserait que, sur les 25 amendements, il y a trois amendements de fond, dont deux qui avaient déjà été annoncés avant la commission parlementaire, et l'autre amendement, c'est les marchés aux puces. Les 22 autres amendements, c'est uniquement une clarification ou encore des amendements de concordance dont rien de majeur.

Deuxièmement, on parle des pressions. Un des membres de la Coalition contre, président des marchands de meubles, a passé beaucoup de temps ici pour faire valoir son point de vue. Même s'il n'a pas eu l'opportunité, en commission parlementaire, de le faire, j'ai eu de nombreuses discussions avec le président des marchands de meubles, qui s'adonne à être un résidant du comté de Joliette. Posez-lui donc la question, aujourd'hui, pour savoir s'il est satisfait du projet de loi amendé.

Que les députés de la deputation ministérielle m'aient fait des suggestions, je le reconnais et je les en remercie. C'est le devoir d'un député de faire valoir le point de vue de ses commettants et je suis très content de les avoir écoutés et d'avoir apporté des modifications qui répondent aux besoins de toutes les régions du Québec. Enfin, la dernière question du député de Joliette: Pourquoi de six à sept? Il faudrait peut-être le demander aux consommateurs.

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, tel qu'annoncé avant le début du débat sur le projet de loi 75, nous allons mettre aux voix le rapport de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 75, Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, ainsi que les amendements transmis par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et les amendements transmis par

Mme la députée de Taillon. Est-ce que les amendements présentés par Mme la députée de Taillon aux articles 2 et 4 ainsi que trois amendements à l'article 5 sont adoptés?

M. Chevrette: Appel nominal.

Le Vice-Président (M. Cannon): Appel nominal. Également, est-ce que les amendements... Qu'on appelle les députés!

(1 h 55 - 2 h1)

Le Vice-Président (M. Cannon): Mmes les députées et MM. les députés, veuillez prendre vos places, s'il vous plaît.

Mise aux voix des amendements présentés par l'Opposition

Je mets aux voix, d'abord, les amendements présentés par Mme la députée de Taillon aux articles 2 et 4, ainsi que trois amendements à l'article 5. Que ceux et celles qui sont en faveur de ces amendements veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Vic-torin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Dupuis (Verchères).

Le Vice-Président (M. Cannon): Que ceux et celles qui sont contre ces amendements veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bacon (Chomedey), M. Bourbeau (Laporte), M. Séguin (Montmorency), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Margue-rite-Bourgeoys), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cu-sano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viper), M. Maltais (Saguenay), M. Bélisle (Mille-Iles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Gobé (LaFontaine), Mme Hovington (Matane),

M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau), M. Libman (D'Arcy-McGee).

Le Secrétaire: pour 21 contre: 51

Le Vice-Président (M. Cannon): Les amendements sont donc rejetés.

Mise aux voix des amendements présentés par le ministre

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements présentés par M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, qu'il s'agisse de modifications, de remplacements ou de suppressions d'articles ou de l'introduction de nouveaux articles, à savoir les amendements aux articles 1, 2, 3. 1, 4 et 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12. 1, 13, 14, 15, 15. 1. 16, 17, 19, 20, 21, 22, 23, 25, 30. 1, 31. 1 ainsi que dans la version anglaise, les amendements communs aux articles 4 à 8, les amendements aux articles 2, 3, 4, 5, 8, 9, 10, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 20, 25, 29, 30, à l'intitulé de la section II et au titre du projet de loi et finalement la motion de renumérotation. Que ceux et celles qui sont en faveur de ces amendements veuillent bien se lever. M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, je demanderai d'inverser le vote, à moins que le député de l'Equality s'oriente...

Le Vice-Président (M. Cannon): M. le leader adjoint du gouvernement, est-ce qu'il y a consentement pour inverser le vote?

M. Johnson: M. le Président, je souscris à cette suggestion.

Le Vice-Président (M. Cannon): La motion est donc... M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Nous votons en faveur des amendements présentés par le ministre.

Le Vice-Président (M. Cannon): C'est donc inversé, donc...

Le Secrétaire: pour 51 contre: 21

Le Vice-Président (M. Cannon): Ces amendements sont donc adoptés.

Mise aux voix du projet de loi et du rapport

Je vais à présent mettre aux voix l'ensemble du projet de loi 75, Loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux, tel qu'amendé, suivant les votes précédents. Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), Mme Bacon (Chomedey), M. Bourbeau (Laporte), M. Séguin (Montmorency), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Ciaccia (Mont-Royal), M. Hou-de (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Bélisle (Mille-Îles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Fradet (Vimont), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), M. Gau-vin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Gobé (LaFontaine), Mme Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bor-deleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouil-lette (Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Forget (Prévost), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gati-neau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Pa-pineau).

Le Vice-Président (M. Cannon): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), Mme Blackburn (Chi-coutimi), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Du-puis (Verchères), M. Libman (D'Arcy-McGee).

Le Secrétaire: pour: 49 contre: 22

(2 h 10)

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, la motion est adoptée. je vais enfin mettre aux voix, tel qu'amendé, le rapport de la commission de l'économie et du travail qui a étudié en détail le projet de loi 75, loi sur les heures et les jours d'admission dans les établissements commerciaux. que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever. m. le leader.

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui. Non. C'était sur l'ensemble du projet de loi. Et là, maintenant, c'est amendé.

M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse, je voudrais suivre. On a commencé par voter pour ou contre les amendements de Mme la députée de Taillon. On est allé à ce moment-là pour ou contre les amendements présentés par le ministre et on a pris le même vote pour les amendements du ministre, mais inversé. Là, après qu'on a eu adopté les amendements et qu'on en a eu rejeté, c'est donc le rapport amendé?

Une voix: C'est le projet de loi.

M. Chevrette: C'est la troisième lecture. La troisième lecture du projet de loi va s'adopter demain...

Une voix: Non, non.

M. Chevrette:... à ce que je sache.

Une voix: Non.

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, je vais vous faire la lecture du libellé, M. le leader. Alors, je vais mettre à présent aux voix l'ensemble du projet de loi 75, loi sur les heures... Alors, est-ce que je comprends, M. le leader, qu'il s'agit, à la demande du leader adjoint du gouvernement, du même vote?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Cannon): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, compte tenu - je le dis avec toute sérénité - du caractère imprévisible des votes du député de D'Arcy-McGee, on pourrait peut-être lui demander comment il entend voter sur ce quatrième vote.

Une voix: D'habitude, il ne le dit pas, mais là, il a dit oui.

Le Vice-Président (M. Cannon): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Sur cette quatrième motion, je vais voter avec l'Opposition officielle.

Des voix: Ah! Ah!

le secrétaire: pour: 49 contre: 22

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, la motion est adoptée. M. le leader adjoint du gouvernement, s'il vous plaît. M. le leader.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 21 du feuilleton.

Projet de loi 76 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, à l'article 21 de notre feuilleton, M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle propose l'adoption du principe du projet de loi 76, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Alors, je suis maintenant prêt à reconnaître M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. La Loi sur la sécurité du revenu que cette Assemblée a adoptée en décembre 1988 remplaçait la Loi sur l'aide sociale qui datait du début des années soixante-dix. Au plan législatif, la nouvelle loi imposait...

Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse, M. le ministre. On va attendre quelques instants afin que les collègues quittent l'enceinte de l'Assemblée. Ceux et celles qui demeureront, j'apprécierais votre collaboration et le respect du règlement. Alors, M. le ministre.

M. Bourbeau: Oui, M. le Président. La Loi sur la sécurité du revenu, comme je le disais tout à l'heure, que cette Assemblée a adoptée en décembre 1988, remplaçait la Loi sur l'aide sociale qui, elle, avait été adoptée au début des années soixante-dix. Au plan législatif, la nouvelle loi imposait ou apportait un défi de taille. Il fallait en effet transposer dans le contexte des années quatre-vingt-dix un régime juridique adapté à une autre époque, celle du début de l'aide sociale où les deux tiers des prestataires étaient sévèrement handicapés ou inaptes au travail. Aujourd'hui, la clientèle de la sécurité du revenu, dans une proportion des trois quarts, est apte au travail. Il faut donc introduire dans le régime de la sécurité du revenu des dispositions conformes à l'incitation au travail des personnes capables d'occuper un emploi.

À bien des égards, nous avons donc innové. Nous sommes sortis des sentiers battus et nous avons adopté des dispositions législatives originales qui n'avaient jamais subi l'épreuve de la mise en application, dans un régime de sécurité publique au Canada. J'ai affirmé à quelques reprises qu'il faudrait éventuellement apporter des retouches à cette loi, que certaines dispositions étaient, pour ainsi dire, mises à l'essai et que l'expérience seule nous permettrait d'en évaluer la portée réelle. Même si la loi a été conçue avec la plus grande précaution, l'application des dispositions les plus innovatrices peut révéler des surprises ou être confrontée à des situations inattendues ou difficilement prévisibles.

Depuis le 1er août dernier, nous avons commencé à implanter la réforme de l'aide sociale, c'est-à-dire à traduire en gestes administratifs et en opérations fonctionnelles les énoncés de la loi. Certains ajustements méritent d'être effectués pour faciliter cette transition entre l'esprit de la loi et la réalité de son implication. Quant au Programme d'aide aux parents pour leurs revenus de travail, le programme APPORT, il est entré en vigueur le 1er janvier 1988 et il doit être périodiquement révisé en fonction de l'évolution de la fiscalité des familles et des particuliers pour des raisons que j'expliquerai dans quelques instants. En présentant le projet de loi 76, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, nous voulons procéder à ces précisions et à ces correctifs. Le projet de loi concerne surtout le programme APPORT. Ces modifications législatives n'affectent en rien le fondement du régime de la sécurité du revenu et les principes qui le sous-tendent. En plus des modifications au programme APPORT, le projet de loi 76 propose quelques amendements au programme de la sécurité du revenu pour les personnes aptes au travail et au programme Soutien financier qui s'adresse aux personnes souffrant d'un handicap d'une certaine gravité.

Le programme APPORT s'adresse aux familles de travailleurs à faible revenu. Il apporte à ces familles un supplément de revenu sous forme d'allocation mensuelle, afin de les inciter à demeurer sur le marché du travail, même si leur salaire se situe à un niveau relativement bas. Le programme APPORT met fin à la situation absurde qui a prévalu dans les années quatre-vingt au Québec, selon laquelle il était plus payant pour un chef de famille de recevoir passivement des prestations d'aide sociale que de travailler à temps plein au salaire minimum. Avec l'augmentation de 25 % du taux du salaire minimum depuis quatre ans et l'entrée en vigueur du programme APPORT, nous avons rétabli une situation de bon sens voulant qu'il soit, pour une personne apte au travail, plus payant, à tous égards, de travailler que de recevoir passivement des prestations de la sécurité du revenu. Le programme APPORT souffre d'une certaine complexité parce qu'il doit tenir compte de multiples situations vécues par les familles de travailleurs à faible revenu, soit

la précarité fréquente des emplois, la difficulté de prévoir les gains de travail annuels, l'obligation de tenir compte de diverses sources de revenu dont celles de l'assurance-chômage, les divers changements dans le statut conjugal et dans la garde des enfants, etc. Tels sont les grands paramètres du programme APPORT. (2 h 20)

Le projet de loi 76 suggère des modifications d'ordre fiscal visant à compléter l'harmonisation de ce programme, d'une part avec les autres composantes du régime de la sécurité du revenu et, d'autre part, avec l'ensemble des mesures gouvernementales d'aide aux familles. Par-delà les dispositions de concordance que contient le projet de loi, deux groupes de dispositions illustrent bien notre volonté d'harmonisation et de cohérence fiscales. Les unes se rapportent à la garde partagée et l'autre concerne le mode de calcul du revenu de la famille.

Le programme APPORT comporte présentement sa propre façon de tenir compte des frais inhérents à la garde partagée des enfants. Lorsqu'un ou plusieurs enfants sont pris en charge par plus d'une famille, les deux familles peuvent être admissibles au programme APPORT. Il faut cependant déterminer un mécanisme d'évaluation de la charge financière qui incombe à chacun des parents qui assument une partie de la garde.

Sans entrer dans le détail, il y a lieu de souligner que la méthode choisie dans le passé pour évaluer cette contribution des parents ne s'est pas avérée parfaitement équitable pour les familles monoparentales de deux enfants dont la garde est partagée. Nous proposons un mode d'évaluation différent qui fait en sorte, par exemple, que la prestation d'APPORT versée à une famille monoparentale d'un enfant sans garde partagée soit la même que celle offerte à une famille de deux enfants dont chacun des parents assume séparément la moitié de la garde.

Une autre modification importante au programme APPORT a trait au calcul du revenu. On sait que les allocations versées en vertu du programme APPORT sont effectuées sur une base mensuelle, à partir d'une évaluation du revenu de l'année. Dans les faits, on supplémente le revenu de travail d'un mois à un autre. On s'est rendu compte que les personnes qui reçoivent des prestations de la sécurité du revenu pendant quelques mois de l'année sont désavantagées par rapport aux autres travailleurs à faible revenu du simple fait que les prestations qu'elles ont reçues ou qu'elles recevront plus tard viennent réduire, et parfois même annuler, les gains du programme APPORT.

C'est ainsi qu'un chef de ménage qui, pendant les six premiers mois de l'année, a eu recours à la sécurité du revenu et qui a travaillé le reste de l'année perd, à toutes fins pratiques, l'avantage du programme APPORT. Par souci d'équité et pour renforcer l'incitation au travail de ces personnes, le projet de loi 76 propose de changer cette dynamique. Dans l'exemple que je viens de donner, la personne recevrait l'aide du programme APPORT pendant les six mois où elle occupe un emploi sans que ses gains puissent être affectés par les prestations reçues antérieurement du régime de la sécurité du revenu.

Le projet de loi 76 apporte, par ailleurs, deux modifications qui, tout en demeurant techniques, revêtent une importance un peu plus grande. L'une d'elles permettra à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, la CSST, de conclure avec le ministère une entente parfaitement encadrée portant sur l'échange de renseignements. L'autre amendement consiste à abroger la disposition selon laquelle une personne peut être passible d'une amende si elle trompe, par réticence, un vérificateur du ministère.

Dans le respect de la Loi sur l'accès aux documents publics et la protection des renseignements personnels, le ministère de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle a conclu quelques ententes sur l'échange de renseignements avec d'autres organismes publics dont, par exemple, la Régie des rentes. Ces ententes permettent au ministère de demander à la Régie, une fois par mois, par exemple, par simple contact informatique, d'identifier les clients de la sécurité du revenu qui reçoivent une rente de la Régie des rentes.

Il faut comprendre que la sécurité du revenu représente une aide de dernier recours et qu'en conséquence nous avons l'obligation de rechercher les diverses sources de revenus que peut recevoir une personne ou un ménage qui fait appel à cette aide. En toute équité, la personne qui reçoit une rente mensuelle ne peut pas être traitée sur le même pied que celle qui n'en retire pas. En couplant, une fois par mois, les fichiers informatiques de la sécurité du revenu avec ceux de la Régie des rentes, on s'assure de ce traitement équitable.

Ce qui est valide pour la Régie des rentes l'est tout autant pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Pendant le temps où une personne reçoit une indemnité de la CSST, ses besoins essentiels sont partiellement ou même parfois totalement couverts par cette indemnité, réduisant d'autant ou même annulant le besoin de prestations de la Sécurité du revenu. Le ministère a donc demandé à la Commission de la santé et de la sécurité du travail de pouvoir procéder à un échange de renseignements. Cette demande a été analysée par la Commission d'accès à l'information qui l'a jugée tout à fait conforme à la loi qu'elle administre, d'autant plus que le ministère ne veut pas avoir accès au dossier médical de la personne, mais simplement savoir si cette personne reçoit une indemnité ou un paiement d'assistance médicale. J'entends d'ailleurs déposer, lors de l'étude en commission parlementaire, un amendement au projet de loi 76

qui aura pour effet de restreindre à ces seules informations financières les renseignements que la CSST peut transmettre au ministère responsable de la Sécurité du revenu. Toutefois, la Loi sur la santé et la sécurité du travail contient une disposition plus restrictive sur la divulgation des renseignements que la Loi sur l'accès aux documents publics et la protection des renseignements personnels. Nous proposons donc une modification à la Loi sur la Commission de la santé et de la sécurité du travail afin de lever cet obstacle législatif et de pouvoir conclure une entente sur l'échange de renseignements.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, plusieurs lois du Québec, en vertu desquelles des vérificateurs sont appelés à intervenir, contiennent une disposition voulant qu'une personne s'expose à une amende si elle nuit à un vérificateur dans l'exercice de ses fonctions, notamment, et je cite le texte: "Si elle le trompe par réticence". Fin de la citation. C'est le cas de la Loi sur les services de garde à l'enfance, de la Loi sur la protection du consommateur, de la Loi sur la protection de la jeunesse, de la Loi sur les pesticides, de la Loi sur le financement agricole et j'en passe un grand nombre d'autres, M. le Président. Nous avions initialement introduit dans la Loi sur la sécurité du revenu cette même notion de "tromper par réticence" qui signifie qu'une personne qui, sciemment, induit un vérificateur en erreur ou lui cache délibérément des renseignements pourrait être passible de poursuites. Quelques organismes, dont la Commission des droits de la personne, ont jugé que cette disposition ne devrait pas apparaître dans la Loi sur la sécurité du revenu. Bien qu'une telle disposition identique existe et apparaisse dans une douzaine d'autres lois du Québec, nous nous rallions quand même au point de vue de la Commission des droits de la personne. Le projet de loi 76 propose donc de remplacer cette disposition par un article plus général disant qu'on ne doit pas faire obstacle à un vérificateur dans l'exercice de ses fonctions.

J'annonce, avant de terminer, mon intention de déposer un amendement au projet de loi 76 qui concerne le barème de non-disponibilité. Permettez-moi d'expliquer la nature et la portée de la modification que nous envisageons. En vertu de la loi, certaines personnes sont considérées non disponibles à travailler ou à participer à des programmes favorisant l'intégration en emploi. Il s'agit des femmes enceintes, des personnes malades, de celles qui assurent la garde d'un enfant de moins de six ans et des personnes de 55 ans et plus qui en font la demande. Le niveau de la prestation tient compte de leur non-disponibilité et le ministère n'incite évidemment pas ces personnes à travailler ou à participer à des mesures actives. (2 h 30)

Nous voulons ajouter à la liste des prestataires reconnus non disponibles ceux et celles qui résident avec une personne dont l'autonomie est réduite de façon importante en raison d'un handicap phydque ou mental ou à cause de son âge. Autrement dit, le prestataire qui partagera son logement avec une personne âgée ou handicapée, en manque d'autonomie, et en prendra soin sera admis, sans autre formalité, au barème de non-disponibilité. C'est-à-dire qu'il recevra une prestation plus élevée que celle offerte en vertu de l'ancien régime de l'aide sociale. Je crois bien que l'Opposition officielle va souscrire sans difficulté à cette modification. À cette fin, comme je l'ai indiqué la semaine dernière, je déposerai un amendement au projet de loi 76, lorsque nous l'étudierons article par article. Nous apporterons par après une modification aux règlements de la sécurité du revenu qui précisera la portée de la disposition législative, dans le sens que je viens d'indiquer.

Voilà, M. le Président, les principaux éléments du projet de loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu. Les amendements, conjugués aux modifications du règlement que j'ai annoncées la semaine dernière, ne changent pas fondamentalement la loi initiale. Ils vont cependant permettre de l'appliquer avec plus d'équité et de facilité, et en tenant davantage compte de certaines situations particulières. C'est pourquoi je demande aux membres de cette Assemblée de souscrire à l'adoption du principe du projet de loi 76 afin que nous puissions l'étudier article par article, en commission parlementaire, et voter subséquemment ces amendements à la Loi sur la sécurité du revenu. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Toujours sur l'adoption du principe du projet de loi, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. L'Opposition disposait de tous les moyens pour bloquer ce projet de loi, et nous avons décidé de ne pas le faire, à cause de certaines dispositions qui vont légèrement améliorer le sort des victimes de la loi 37, des victimes de la réforme libérale en matière de sécurité du revenu et d'aide sociale. Mais j'informe immédiatement le ministre que, puisque cette loi ne change pas fondamentalement la loi initiale, nous n'allons pas souscrire à son adoption, et je lui indique immédiatement que nous allons, évidemment, voter sur division, en deuxième lecture. Et je lui indique que nous aurons également des amendements à déposer en commission parlementaire demain.

Alors, M. le Président, c'est toujours aussi décourageant de voir que le ministre n'a pas compris que si, à l'inverse d'il y a 20 ans, trois quarts des personnes qui sont considérées comme

aptes et bénéficiaires à l'aide sociale le sont, c'est toujours aussi décourageant de voir que le ministre n'a pas compris les changements, les bouleversements qui s'étaient passés dans le marché du travail et dans la société québécoise depuis 20 ans. il y a des hommes et des femmes, de plus en plus nombreux, qui auraient très bien pu gagner honorablement leur vie et celle de leur famille il y a à peine quelques années maintenant et qui sont en peine, à la recherche d'un emploi disparu. disparu avec les changements technologiques survenus, disparu avec la mondialisation des marchés, disparu avec les taux d'intérêt à la hausse, disparu avec la politique monétaire de la banque du canada. et ces emplois disparus n'ont pas l'air de préoccuper le ministre ni son gouvernement. jamais un seul ministre de ce gouvernement, depuis cinq ans que je siège maintenant dans cette chambre, n'a parlé du chômage. le chômage, ça ne les concerne pas. le chômage, ils n'en parlent pas, ce n'est pas leur responsabilité. le chômage, c'est une fatalité qui dépend des autres. et quand le premier ministre parle du chômage, bien, c'est à cause des politiques monétaires de la banque de canada, c'est à cause d'à peu près tout le monde, mais ce n'est pas une responsabilité que ce gouvernement a décidé de se donner, celle de créer des emplois. et ce n'est pas surprenant que sa vision punitive... parce qu'il faut un coupable. comment se fait-il que, depuis les six dernières années, sauf le ralentissement survenu il y a un an à peine dans l'économie, comment se fait-il que, pendant ces six années de croissance continue, le taux de chômage a été autour de 9 % ou 10 %? il a encore augmenté le mois passé. alors, un taux de chômage qui se maintient à un niveau inégalé en période de croissance. pour simplement retrouver la même période de croissance, il faut retourner en 1973 avec un taux de chômage de 6,5 %. alors, comment comprendre avec ces bouleversements qui font que de plus en plus de nos concitoyens se retrouvent dans des "jobines"? parce que c'est ça, la réalité maintenant, un québec cassé en deux. c'est comme si le gouvernement ignorait complètement une réalité qui est en train pourtant de faire son chemin dans l'esprit de nos concitoyens et qui leur permet maintenant de comprendre que la réalité du québec, c'est celle de 40 % de nos concitoyens qui s'enfoncent dans le sous-développement - et je pèse mes mots, dans le sous-développement -démographique, économique et social et qui s'enfoncent dans un sous-développement pourtant illustré éloquemment par les études du conseil des affaires sociales, dans des quartiers de grandes villes et dans les arrière-pays de toutes les capitales régionales, dans ces secteurs, m. le président, où les gens ne trouvent plus à gagner leur vie compte tenu du fait que ce gouvernement se lave les mains, comme ponce pilate, sur les emplois qui ne se créent plus.

Les investissements, le meilleur exemple est celui de l'Alcan, quand on pense que 1 000 000 000 $ investis au Lac-Saint-Jean ont permis de réduire de 2400 le nombre de travailleurs dans les alumineries du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Parce qu'il y a une réalité à laquelle ce gouvernement n'a pas l'air, malgré qu'il est au pouvoir depuis cinq ans, de s'être acclimaté, c'est celle d'investissements qui sont inversement proportionnels à la croissance de l'emploi. L'économie se porte bien et l'emploi se porte mal. Ça, c'est récent et ça aurait dû être compris. Mais pourtant, ce gouvernement-là fait comme si de rien n'était. Il est coupable.

Ceux pour lesquels on met en place des mécanismes coercitifs et répressifs, les coupables sont ceux qui sont devenus des chômeurs aptes au travail. Quand ils étaient chômeurs, on ne pouvait pas les rendre responsables de leur chômage. Le chômage, ce n'est quand même pas la faute de ceux qui sont en chômage, M. le Président, qui sont des chômeurs et des chômeuses. Alors, ils sont devenus, par un tour de magie, des aptes au travail, aptes à se trouver un travail et, pourquoi pas, à se créer un travail sans moyen, sans soutien et sans encouragement. Et ce que le ministre ne dit jamais, mais ce que je veux rappeler ce soir, c'est que 55 % des bénéficiaires d'aide sociale aptes au travail sont des hommes et des femmes victimes de fermeture d'entreprises, exactement 55 %, dont 27 % ont plus de 20 ans d'expérience de travail, et ce sont ces personnes-là qui ont le plus de difficultés. Parce que celles qui ont été le plus longtemps à l'emploi du même employeur dans la même fonction, ce sont celles-là qui ont le plus de problèmes à se trouver de l'ouvrage. Alors, M. le Président, il est évident qu'avec autant d'expérience de travail, 55 % des bénéficiaires sont des victimes de fermeture d'entreprises. C'est évident que ce dont ces personnes ont besoin, c'est un coup de pouce, pas un coup de pied de la part du ministre, un coup de pouce pour pouvoir obtenir un relèvement de leur niveau de qualification qui n'est pas adéquat. Quand on pense que pour travailler chez Shell, par exemple, dans l'est de Montréal, une onzième année, ça ne suffit plus. Il faut avoir au moins physique et chimie, secondaire IV, secondaire V. Et, de plus en plus, on va exiger des études collégiales. C'est déjà le cas présentement. Pour travailler dans la pétrochimie, dans la chimie, comme opérateur et opératrice, il faut maintenant un certificat d'études collégiales.

Alors, M. le Président, qu'est-ce que le ministre a fait? C'est qu'il a mis en place une fausse réforme qui prétend forcer littéralement - forcer, je dis bien - des personnes à retrouver du travail qui n'existe pas. Et, entre-temps, il a mis en place des mesures d'employabilité et il punit celles d'entre elles qui n'y participent pas. Et ces mesures d'employabilité, il faut juste rapidement examiner les crédits qui ont permis cette année de dévoiler qu'il y avait eu moins de

participation dans les mesures d'employabilité pour l'année qui vient de se terminer comparativement à l'année 1988. Vous comprenez ça, vous, M. le Président? Au moment où ils mettent en place une réforme qui est sensée élargir à un bassin de 200 000 nouveaux ménages des mesures d'employabilité mises en place par le gouvernement précédent - et je le rappelle - pour des jeunes de moins de 30 ans, sans expérience de travail. C'était ça, essentiellement, le but visé par les mesures d'employabilité. Et ma collègue de Taillon, qui est ici présente et qui était la marraine de ces mesures d'employabilité, le sait encore mieux que moi. Ces mesures devaient bénéficier à des jeunes qui se retrouvaient dans le cercle vicieux: pas de travail, pas d'expérience, pas d'expérience, pas de travail, et devaient leur permettre d'acquérir le niveau d'employabilité que le marché du travail ne leur avait pas permis d'acquérir. (2 h 40)

Ce n'est pas le cas pour les aptes au travail. Je le répète, 55 % sont des hommes et des femmes qui sont victimes de fermeture d'entreprises. C'est une étude du ministère de la Main-d'?uvre et de la Sécurité du revenu qui nous le révèle. La majorité d'entre elles ont plus de six années d'expérience au travail et une sur trois a plus de 20 ans d'expérience de travail. Ce n'est pas des gens qui sont à la recherche d'expérience de travail. Ce sont des gens à qui on devrait fournir une qualification professionnelle sérieuse.

Alors, même avec des mesures d'employabilité, M. le Président, prétendument élargies à 200 000 ménages, le gouvernement a réussi à baisser le nombre de participants dans chacune des mesures: Rattrapage scolaire, le nombre de participants a baissé de 2000; Travaux communautaires, le nombre de participants a baissé de 368; Stages en milieu de travail, il a baissé de 2000 par rapport à 1988; Retour aux études postsecondaires, il est réduit également; Bon d'emploi, j'y reviendrai, réduit. L'ensemble de toutes ces mesures a amené, finalement, le ministre à diminuer les crédits, c'est-à-dire l'argent prétendument dépensé pour obliger les personnes à participer, à être actives. Parce que le ministre avait dit: Tout ce qu'on leur demande, c'est d'être actif. Les personnes qui sont actives ne seront pas pénalisées. Les personnes qui sont actives... Et j'ai apporté des lettres ici, je sais que je n'aurai pas le temps, compte tenu que mes collègues ont, évidemment, une longue nuit à passer, mais je reçois de la correspondance du Québec, de tout le Québec, de toutes les régions du Québec, du plus petit village jusqu'aux municipalités les plus importantes pour me dire: Madame, c'est faux ce que vous dit le ministre en Chambre, ce qu'on voit à la télévision, c'est faux. Voilà ce qui m'est arrivé. Voilà ce que je vis. Mais j'aurai certainement l'occasion, en commission parlementaire, de le rappeler au ministre.

Donc, le ministre nous dit qu'il apporte des correctifs avec le projet de loi 76 et il y a certains correctifs. Ce qui est faux, c'est de prétendre que ce n'était pas prévisible, les effets pervers et déraisonnables qui sont intervenus. Et j'ai apporté avec moi, M. le Président, un certain nombre de pièces à conviction, le Journal des débats en Chambre, des communiqués de presse au moment où on discutait de la réforme, où justement nous mettions en garde le ministre et son gouvernement des effets pervers et déraisonnables qui sont intervenus depuis un an et qu'il prétend vouloir légèrement corriger. Je vais revenir à la correction qui est apportée.

D'abord, rendons hommage à la Commission des droits de la personne, à la Commission d'accès à l'information et au Protecteur du citoyen. Là, M. le Président, il faut reconnaître que, depuis deux ans, ces institutions ont joué pleinement le rôle qui leur est assigné dans notre société, ce rôle qui consiste à défendre les citoyens contre les attaques des législations gouvernementales. Et chacun des correctifs amenés par le ministre, il faut le comprendre, M. le Président, l'a été compte tenu que ces autorités en la matière, que sont la Commission des droits de la personne, la Commission d'accès à l'information et le Protecteur du citoyen, ont dû intervenir publiquement, mais intervenir vigoureusement, énergiquement, pour désapprouver, critiquer les propositions, les dispositions, plutôt, législatives qui avaient été introduites. Prenons comme exemple, d'abord, celle qui concerne, notamment, la protection des renseignements personnels et la disposition initiale que le ministre nous annonce, ce soir, vouloir modifier dans le projet de loi 76 concernant un amendement à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

Je veux simplement vous rappeler, M. le Président, que la Commission d'accès à l'information, le 24 mai de cette année, a émis un avis extrêmement sévère rappelant au ministre qu'il ne devait pas y avoir de privilège pour le ministre, que l'adoption de la mesure proposée pouvait constituer un précédent dangereux et lourd de conséquences pour la protection des renseignements personnels de tous les Québécois et que, si le législateur avait jugé bon d'imposer un régime de protection aussi rigoureux à la CSST, c'était parce que la CSST détenait un grand nombre de renseignements personnels, sensibles, d'ordre médical, concernant les travailleurs et les victimes d'actes criminels. Et ce que la Commission d'accès à l'information concluait, M. le Président, c'est que, d'abord, il fallait maintenir des dispositions visant à assurer la confidentialité absolue des renseignements personnels d'ordre médical, qu'il s'agissait d'une reconnaissance explicite du droit au respect de la vie privée. Et la Commission considérait que l'amendement initial contenu dans le projet de

loi 76, tel que libellé, avait pour effet d'introduire une brèche importante dans cette reconnaissance du droit au respect de la vie privée.

Il faut comprendre qu'il y a très peu de sensibilité dans ce gouvernement à l'égard de cette question pourtant extrêmement névralgique dans notre société sur la protection des renseignements personnels. Il y a très très très peu de sensibilité. Que l'on pense seulement, devant cette Assemblée, durant cette fin de session, à trois projets de loi, le projet de loi 42 en matière de la Régie de l'assurance-maladie, par lequel le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, toujours, cherchait à obtenir des renseignements supplémentaires à ceux déjà abondants qu'il peut obtenir de la Régie de l'assurance-maladie. Le projet de loi 62, j'aurai l'occasion peut-être d'y revenir, mais ce projet de loi 62 décrié, controversé, inquiétant, extrêmement inquiétant, M. le Président, j'espère que la ministre des Communications qui est avec nous, ce soir, aura l'occasion de le remanier de fond en comble. J'y reviendrai parce que ce projet de loi inquiète profondément tous ceux et celles qui, dans notre société, sont sensibles à cette question de protection des renseignements personnels et, en particulier, de ce danger de couplage de fichiers d'information entre les organismes du gouvernement.

Alors, le ministre, donc, obtempère à la déclaration de la Commission d'accès à l'information. Et, encore une fois, je rends hommage à la Commission d'accès à l'informatipn d'être intervenue avec vigueur dans ce dossier. Et nous pensons que le ministre va devoir, pour être très explicite, introduire un amendement à celui qu'il entend déposer en commission de façon à bien spécifier que ce ne sont que des renseignements de nature financière, que ce sont des renseignements d'ordre financier qu'il entend réclamer de la CSST et non pas des renseignements qui pourraient avoir trait au dossier médical ou des renseignements personnels sur les personnes en cause. (2 h 50)

M. le Président, il faut certainement aussi rendre hommage à la Commission des droits de la personne qui, par un avis éclairé sur la loi 37 elle-même, avait mis en garde le ministre il y a déjà de ça deux ans, plus exactement en juin 1988, sur la rédaction même d'un article de la loi 37 qui établissait une brèche importante, disait la Commission des droits de la personne - et je cite le commentaire de la Commission - "qui peut favoriser la multiplication des atteintes à la vie privée des prestataires". "De plus - ajoutait la Commission - l'application de cette disposition pourrait contrevenir aux prescriptions de l'article 24.1 de la Charte qui interdit les perquisitions et les fouilles abusives." De quoi s'agissait-il, M. le Président? Autant la Commission des droits de la personne et l'Opposition, d'ailleurs, souscrivent à la nécessaire administration d'un programme à l'aide sociale qui, certainement, amène à vouloir disposer de tous les renseignements pour établir le droit d'un individu, pour établir le droit à l'admissibilité à des prestations, autant il faut que ces renseignements jugés nécessaires pour établir le droit d'un individu à recevoir des prestations doivent pouvoir se conjuguer avec le respect de la réputation, de la dignité et de la vie privée des personnes et ne doivent pas s'avérer un instrument d'ingérence dans l'intimité des personnes.

Ce que la Commission signalait, c'est que le libellé d'un des articles de la loi 37 prend - et je le cite - "un aspect troublant au chapitre de la protection de la vie privée". Il était interdit, selon cette disposition, de nuire à un vérificateur de l'aide sociale, en vous rappelant qu'il y a cinq fois plus de vérificateurs et d'enquêteurs à l'aide sociale qu'if y en a à la protection de l'environnement au Québec. 57 personnes font partie de la police verte au Québec et il y en a 296, au total, pour vérifier la vie privée des gens. La disposition disait: "II est interdit de nuire à un vérificateur dans l'exercice de ses fonctions, notamment de le tromper par réticence." Sur cette question, nommément, la Commission des droits de la personne disait: "On mesure les aspects coercitifs et répressifs du pouvoir du vérificateur désigné par le ministre. Les enquêtes et les vérifications prévues par le projet de loi - c'était en 1988, il y a deux ans de ça, donc, c'est devenu une loi, le ministre a fait fi de ça - peuvent prendre des formes qui menacent sérieusement le droit des prestataires au respect de leur intimité."

Le Protecteur du citoyen allait encore plus loin, M. le Président: "Des pouvoirs supérieurs à ceux des policiers", dit l'ombudsman, le Protecteur du citoyen, qui ajoutait être très inquiet de l'expression "notamment utilisée à l'article 75. Je le cite: "C'est très dangereux. On ne définit pas complètement les irrégularités supposées qu'un tiers commettrait face à un enquêteur." Le Protecteur du citoyen ajoute: "Un gouvernement peut vouloir disposer d'outils pour vérifier l'usage des fonds publics. Ces outils peuvent être légaux, mais jusqu'où faut-il aller? Dans certains cas actuels, ces enquêteurs disposent de pouvoirs plus grands que les policiers."

M. le Président, bien d'autres commentaires. Pensons à la Ligue des droits qui signalait qu'avant la mise en place des agents vérificateurs, existaient et avaient toujours existé, ont existé à l'époque du gouvernement précédent des enquêteurs aux pouvoirs quasi judiciaires, mais on considérait, ajoute la Ligue des droits, que c'étaient des mesures exceptionnelles à prendre lorsqu'on avait des motifs très raisonnables de croire à un acte criminel. En droit, il y a une règle qui veut que les mesures soient proportionnelles à ce que l'on cherche. Ici, c'est complètement démesure, c'est un acharnement envers les plus démunis de la société.

Le ministre nous dit maintenant vouloir corriger ce qu'il avait introduit comme dispositions coercitives. M. le Président, tant mieux, évidemment, mais en lui rappelant qu'il a fallu que son collègue, le ministre de l'Éducation, lui donne l'exemple en écartant complètement, suite aux interventions vigoureuses du Protecteur du citoyen dans le projet de loi récent concernant les prêts et bourses aux étudiants, le ministre de l'Éducation a écarté, a retiré les dispositions similaires à celles qui avaient pourtant été adoptées par le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et a donné l'exemple à son collègue que de telles dispositions n'ont pas leur place dans des lois qui se veulent respectueuses des dispositions de la Charte des droits et libertés, M. le Président.

La disposition contenue dans le projet de loi et qui corrige, d'une certaine façon, les lacunes du programme APPORT, non pas les lacunes du programme APPORT - ce serait trop dire, M. le Président... Malheureusement, le programme APPORT est un échec et il n'y a pas de raison de supposer qu'il en sera autrement avec les dispositions que le ministre introduit parce que, dans le fond, ce que le ministre introduit, c'est simplement que la famille bénéficiaire de l'aide sociale puisse avoir droit au programme APPORT dès que ses revenus de travail dépassent le seuil permis à l'aide sociale, parce que, là, c'était presque impossible à une famille qui recevait de l'aide sociale et qui avait certains revenus de travail, mais des revenus qui n'étaient pas très importants, d'aller chercher l'allocation du programme d'Aide aux parents pour leur revenu de travail, étant donné que la marche à franchir était trop importante.

Alors, là, ce qu'on dit, c'est: Oui, ça va être possible, comme ce sera possible également d'éviter aux personnes qui y avaient eu droit pendant six mois, ayant travaillé sur le marché du travail et ayant perdu leur emploi durant les six derniers mois, mais qui devaient rembourser - vous vous imaginez! - l'allocation qui leur était versée. Maintenant, avec le phénomène d'annualisation, ça va être possible. Mais, ce que le ministre a fait, c'est qu'il revient à la situation qui existait avec le programme du gouvernement précédent, qui annualisait aussi, de manière à ne pas pénaliser des personnes qui, à l'occasion, peuvent gagner de gros montants, qui peuvent, peut-être pour deux ou trois mois dans une année, gagner des montants - ils ne gagnent peut-être pas la loterie, là, il ne faut pas exagérer - plus importants que ceux d'emplois moins bien rémunérés qu'ils peuvent occuper pendant le reste de l'année. Mais le programme APPORT reste toujours l'échec qu'il est depuis sa création, il y a quatre ans, et le ministre qui nous promettait d'année en année une amélioration doit constater maintenant que l'amélioration ne s'est pas produite et qu'après avoir discrédité le programme du gouvernement précédent, qui bénéficiait pourtant à 18 000 familles et à presque 10 000 personnes seules, après avoir mis en place, avec un coût de millions de dollars en administration du nouveau programme... Une année, M. le Président, ça a coûté presque 1 $ pour chaque dollar versé: 1 $ d'administration pour chaque dollar versé et, cette année, le ministre réussit à périmer, à ne pas dépenser 10 000 000 $ du programme apport, 11 000 000 $, plus exactement, 11 000 000 $ - il y a quand même six zéros, après le onze, là - budgétisés sur papier qu'il a réussi à ne pas dépenser.

Je vais terminer, M. le Président, en vous disant que la mesure introduite par le ministre en faveur des personnes qui hébergent un parent et qui offrent à ce parent hébergé malade ou déficient, ou trop âgé, en perte d'autonomie, des soins constants, est beaucoup, beaucoup trop timorée, beaucoup, beaucoup trop mineure, M. le Président, pour satisfaire la simple équité et justice sociale. Imaginez que ces personnes seront, malgré tout, punies parce que, en hébergeant ainsi un parent, elles seront victimes d'une coupure de 89 $ pour partage du logement. J'ai eu l'occasion, en cette Chambre, de citer des passages de lettres qui m'ont été envoyées par des personnes qui hébergent ou qui habitent, qui habitent, partagent un logement avec un père aveugle, impotent, avec, dans un autre cas, une mère paraplégique, dans un autre cas, avec une mère qui est atteinte de sclérose en plaques, dans un autre cas, ce sont des parents. (3 heures)

Et je vais terminer là-dessus, M. le Président, simplement en vous le citant parce que je pense que ça peut encore, de façon plus éloquente, illustrer la gravité des problèmes qui vont continuer à être vécus par ces familles, malgré les correctifs introduits par le ministre, parce que ce que le ministre dit, c'est qu'il ne va plus les pénaliser au niveau du barème, qu'il ne va plus leur couper 110 $ par mois pour rendre service, pour offrir un soin constant, pour héberger un parent. Non, il va juste les couper de 89 $ par mois.

Je vais terminer en vous lisant cette lettre que je recevais de Granby. Évidemment, je parlerai de M. Gérard. Je ne vous dévoilerai pas, pour les fins que vous comprendrez, le nom de la personne qui m'a écrit, M. le Président, mais je signalerai simplement la baisse de revenu d'aide sociale que cette personne-là vit, parce qu'elle... En fait, il s'agit d'un couple, bénéficiaire de l'aide sociale, qui garde à la maison leurs deux filles atteintes de la maladie de l'ataxie de Friedreich. Comme la santé du père ne lui permet plus de travailler à l'extérieur - il a 55 ans et il était camionneur - il a décidé de prendre lui-même la charge de ses deux filles, avec l'aide de son épouse, et il a aménagé à cette fin sa maison, sans subsides du gouvernement. La maladie dont il s'agit est une maladie

degenerative qui demande une dispensation de soins et un encadrement 24 heures sur 24: déplacements de chaises roulantes, assistance pour faire manger, assistance pour l'hygiène, assistance pour le transport. Les personnes atteintes de cette maladie, l'ataxie de Friedreich, sont extrêmement sensibles et au moindre stress, M. le Président, leur état se détériore.

Eh bien! ce couple a été avisé qu'il était coupé de 188 $ par mois sur son revenu mensuel de 826 $ par mois et qu'il ne lui restait plus que 638 $ par mois pour subvenir à ses besoins. Cette coupure était justifiée, prétendait-on, par le fait qu'il recevait des revenus de pension de 55 $ par semaine de chacune de leurs deux filles atteintes de cette maladie grave, l'ataxie de Friedreich. J'ai reçu, M. le Président, dans ce dossier, des lettres du centre local des services communautaires de la Haute-Yamaska et une lettre de l'infirmière visiteuse, intervenante au CLSC, qui signale que les parents sont punis d'assumer leur responsabilité parentale et qu'au lieu de les aider, la nouvelle loi d'aide sociale les amène à abandonner leurs deux filles, parce que, devant l'impossibilité de combler leurs besoins de base, les parents doivent envisager une demande d'hébergement en centre d'accueil pour ces deux filles lourdement handicapées et que le coût approximatif pour un hébergement en centre d'accueil, par année, selon le centre des services sociaux, est de 20 000 $ à 40 000 $.

M. le Président, l'infirmière visiteuse m'écrit également que les parents donnent le maximum à leurs filles, que leur maison est impeccable, que les patientes reçoivent tous les soins qu'exige leur état et que ce couple a besoin d'un support pour continuer son excellente tâche, d'autant plus que ce couple est lui-même en situation de difficultés physiques.

M. le Président, c'est bien évident qu'il y a des victimes qui jonchent le sol d'à peu près toutes les municipalités du Québec, des victimes de cette réforme du gouvernement libéral en matière d'aide sociale et que c'est une réforme qui est totalement contradictoire avec, par exemple, une politique de maintien à domicile, politique qui devrait pourtant être favorisée, parce qu'elle épargne des coûts à toute la société. Le gouvernement risque de provoquer des institutionnalisations et des coûts élevés pour les fonds publics, parce que cette réforme est Injuste et inhumaine, M. le Président.

Évidemment, le dossier aurait mérité des commentaires beaucoup plus longs. J'aurai l'occasion de revenir en commission parlementaire. M. le Président, vous comprendrez que, compte tenu de l'heure et compte tenu des nombreux dossiers que le gouvernement a décidé d'appeler ce soir, je m'en tiendrai à ces quelques commentaires en vous signalant que nous allons certainement contribuer à améliorer, dans toute la mesure du possible, le sort de ces personnes, mais en n'étant pas dupes que la seule façon pour le faire réellement, ce serait de retirer la loi 37 elle-même. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Puisqu'il n'y a aucun autre intervenant, j'inviterai le ministre, en réplique.

M. André Bourbeau (réplique)

M. Bourbeau: M. le Président, quelques mots seulement La députée de Hochelaga-Maisonneuve a fait son travail de critique et a tenté, dans la mesure du possible, de montrer comment et pourquoi le projet de loi ne devrait pas être adopté. Je constate qu'elle a fait état, dans ses remarques, de situations qui existaient auparavant dans la plupart des cas, avant que le ministre ou le gouvernement n'apporte des corrections. Je dois bien reconnaître que si nous apportons des corrections, c'est qu'il y avait des situations qui devaient être changées. Or, à partir du moment où nous proposons des changements, il faudrait cesser de nous critiquer, parce que c'est justement pour ça qu'on fait des changements, ayant réalisé nous-mêmes qu'il y avait des situations qui méritaient d'être améliorées.

La députée de Hochelaga-Maisonneuve, tout à l'heure, à titre d'exemple, a cité un cas particulier. Je ne connais pas les détails de ce cas-là à la perfection, mais, à première vue, je vois que c'est un des cas que nous améliorons avec les changements que j'ai annoncés la semaine dernière. En particulier, je pense qu'il s'agit du cas d'une famille qui a deux filles qui, étant atteintes de la maladie dont elle parle, sont certainement des filles qui sont admissibles au programme Soutien financier, individuellement. Les parents sont eux-mêmes des parents assistés sociaux. Donc, si ces enfants-là ont plus de 18 ans... Est-ce qu'elles ont plus de 18 ans? Oui? Plus de 18 ans. Alors, chaque enfant est admissible au programme Soutien financier.

Après ça, M. le Président, les parents eux-mêmes étant assistés sociaux et gardant à la maison des enfants dont les capacités physiques sont diminuées, en vertu des amendements que je propose, ne seront plus des parents qui seront des parents aptes au travail. Je présume qu'ils sont aptes au travail de la catégorie des non-participants ou des disponibles. Ils seront classés non-disponibles. Donc, déjà, en vertu du projet de loi que je propose, ces parents-là verront leurs revenus augmenter, parce qu'ils seront déclarés non disponibles. Et, en plus de ça, à cause des changements que j'ai annoncés la semaine dernière, nous ne leur comptabiliserons plus dorénavant des revenus de chambre et pension. La députée le sait aussi. Je l'ai annoncé.

Donc, autant d'améliorations. J'en cite deux à titre d'exemple, dans le même souffle, deux améliorations que j'ai annoncées en l'espace d'une semaine et qui devraient, à l'égard de ce

couple-là, venir changer singulièrement sa situation. La députée me fait signe que non, mais moi, je pense bien que c'est oui.

Alors, M. le Président, on verra; peut-être qu'en commission parlementaire la députée pourra me donner un peu plus de détails. Mais, a priori, je suis prêt à penser qu'un cas comme celui que me signale la députée de Hochelaga-Maisonneuve et tous les autres cas d'ailleurs que m'ont signalés les députés de l'Opposition... J'ai ici des lettres du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, des lettres du député de Laviolette, des lettres du député de Shefford, et j'en passe, M. le Président. Tous ces cas-là qui m'ont été référés par des députés de l'Opposition ou par un grand nombre de députés ministériels, nous en avons pris connaissance et, avec les amendements que je propose, soit dans le projet de loi que nous avons devant nous, dans le projet de règlement que je vais bientôt faire adopter, que le gouvernement va bientôt adopter, ou, encore, en vertu du règlement que nous avons fait prépublier le 30 mai dernier, tous ces cas-là devraient trouver des aménagements ou des solutions, de sorte que nous pensons que la presque totalité des cas de comté qui sont survenus au cours des derniers mois devraient trouver une solution acceptable et certainement améliorée pour les prestataires de la sécurité du revenu.

Alors, M. le Président, je pense que l'adoption de ce projet de loi là constitue un pas en avant, fait un pas en avant dans le sens d'améliorer la situation des gens qui sont assistés sociaux au Québec ou qui sont de la clientèle de la sécurité du revenu. Et ça témoigne de la volonté du gouvernement de traiter toute la clientèle de l'aide sociale avec compassion, avec équité et en tenant compte, bien sûr, des capacités financières du gouvernement avec la plus grande humanité possible. Merci. (3 h 10)

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Mme la députée, sur une question de règlement ou...

Mme Harel: M. le Président, en vertu de notre règlement...

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.

Mme Harel: ...est-ce que le ministre accepterait que je lui pose une question?

Le Vice-Président (M. Cannon): Donc, en vertu de l'article 213, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve indique son intention de vous poser une question, M. le ministre. Est-ce que vous consentez...

M. Bourbeau: M. le Président, je n'ai pas l'habitude de refuser quoi que ce soit à la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse, M. le ministre. Est-ce que vous consentez, oui ou non, à répondre?

M. Bourbeau: Je crois que je viens de le dire, M. le Président

Le Vice-Président (M. Cannon): Non. C'est parce que, pendant que je suis debout, évidemment, je ne peux pas vous comprendre alors que je parle. Il ne faut pas qu'on continue à...

Une voix: II y a consentement.

Le Vice-Président (M. Cannon): II y a consentement, alors Mme la députée, s'il vous plaît.

M. Bourbeau: J'ai dit, M. le Président, que je ne refusais rien à la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Mme Harel: Alors, M. le Président, je vous remercie. Est-ce que le ministre reconnaît que les bénéficiaires de l'aide sociale qui sont à la catégorie "disponibles aptes" sont soumis à la coupure pour partage du logement et qu'en l'occurrence, dans le cas que je lui ai cité, ses parents seront toujours coupes de 188 $ par mois sur leur revenu mensuel de 826 $ et il ne leur restera toujours que 638 $? Reconnaît-il que le bénéficiaire qui héberge sera sujet à la coupure, pour partage du logement, de 89 $ par mois par personne?

Le Vice-Président (M. Cannon): M. le ministre de la Main-d'oeuvre.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Hochelaga-Maisonneuve n'a pas bien écouté ce que je lui ai dit tout à l'heure. Je ne lui ai pas parlé du partage du logement. Je lui ai parlé des revenus de chambre et pension dont j'avais annoncé l'abolition à l'égard d'un cas comme celui dont vient de parier la députée de Maison-neuve. Ce qui se passait jusqu'à récemment, c'est que, dans certains cas, on cumulait à la fois la coupure pour partage du logement et la coupure pour chambre et pension. Alors, en vertu des amendements que j'ai proposés, M. le Président, nous allons apporter des modifications qui vont faire en sorte que nous n'additionnerons plus ces deux coupures-là, ce qui va se traduire, et la députée devrait le reconnaître, par une augmentation de revenu pour le ménage dont elle a parié.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion visant à adopter le principe du projet de loi 76, Loi modifiant la Loi sur la sécurité du revenu et la Loi sur la santé et la sécurité du travail, est adoptée?

Des voix: Adopté. Une voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Cannon): Sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Johnson: m. le président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Cannon): Y a-t-il consentement pour cette motion de déférence?

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Cannon): II y a consentement. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Consentement.

Le Vice-Président (M. Cannon): Je suis fatigué. Continuez, s'il vous plaît.

M. Johnson: D'accord.

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.

M. Johnson: Ayant compris, M. le Président, que la motion de déférence était adoptée, je vous demanderais maintenant d'appeler l'article 13 du feuilleton.

Projet de loi 63 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement. L'article 13. Bon! Alors, à l'article 13 du feuilleton, il s'agit de l'adoption du principe du projet de loi 63, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec. Je suis prêt à reconnaître M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Gérald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Alors, nous procédons ce soir, M. le Président, à l'adoption du principe du projet de loi 63 intitulé Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec. Le CRIQ s'est donné comme objectif, depuis sa création en 1969, de contribuer au développement économique du Québec en répondant aux besoins technologiques des entreprises. Son énoncé de mission traduit le souci du CRIQ dans le contexte des années quatre-vingt-dix.

Le CRIQ a pour mission d'agir comme partenaire des milieux d'affaires industriels et gouvernementaux pour stimuler le développement économique du Québec. Comme organisation, il offre une approche intégrée qui favorise l'innovation des services de recherche appliquée, de mise au point de produits et de procédés, d'ingénierie de production, d'information industrielle et technologique et de transfert de technologies. Le CRIQ opère sur une base contractuelle visant à recouvrer les frais associés aux travaux exécutés pour ses clients, avec un souci constant de satisfaction de sa clientèle, de la qualité de ses services et du développement des compétences de son personnel.

Le CRIQ dispose de laboratoires à Sainte-Foy et à Montréal. Il compte environ 440 employés dont les deux tiers sont des ingénieurs et des techniciens spécialisés. Il autofinance ses activités dans une proportion de plus de 40 %. L'évolution des économies nationale et internationale se double, actuellement, d'un essor sans précédent de technologies qui trouvent des applications dans de multiples secteurs industriels. Le savoir est donc devenu une ressource essentielle des économies actuelles.

L'importance des enjeux qui marqueront la prochaine décennie a amené le CRIQ à d'importantes remises en question sur ses activités et sur sa base de service à la clientèle industrielle du Québec. Le plan de développement 1990-1995, intitulé "Agir pour réussir", est issu d'un processus de réflexion mené à l'échelle du CRIQ, auquel a été associé le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Il constitue un véritable plan d'affaires et d'organisation, dont les orientations et les stratégies permettront au CRIQ de continuer à seconder les entrepreneurs québécois dans leur quête d'excellence sur les marchés nationaux et mondiaux.

Trois orientations de base serviront de principe directeur aux interventions du CRIQ au cours de la période 1990-1995. Ces orientations sont: agir comme partenaire sur qui l'entreprise peut compter, renforcer l'excellence technologique du CRIQ et enfin accentuer le rôle du CRIQ comme leader en transport de technologie industrielle au Québec. Le processus de réflexion entrepris par le CRIQ l'a conduit à ramener ses 25 groupes d'importance à peu près équivalents à 12 unités d'affaires. Six unités d'affaires correspondent à des axes où le CRIQ compte des forces indiscutables et pour lesquelles il se fixe comme objectif d'être reconnu davantage comme leader, d'ici 1995. Les six autres unités sont identifiées à des axes de développement potentiel, pour les services et les entreprises ou, également, pour des activités essentielles à l'approche intégrée de services à la clientèle du CRIQ.

Dans le premier cas, M. le Président, les

unités retenues et pour lesquelles des plans d'affaires ont été élaborés sont essentiellement, au niveau de la recherche et du développement, dans les cinq secteurs suivants: l'automatisation, l'équipement industriel et public, la production assistée par ordinateur, la productivité et l'ingénierie des bois et le sixième secteur, l'information technologique et industrielle. Ces unités visent à répondre à l'expression courante des besoins des entreprises en ce qui concerne l'amélioration de leur productivité et de leur compétitivité.

Les six autres unités d'affaires ont procédé à l'élaboration de plans prévisionnels de développement. Ces unités d'affaires sont, en recherche et développement, les cinq suivantes: procédés environnementaux; soudage et traitement de surface; plastiques composites, électroniques, plus précisément, traitement de signaux et essais environnementaux; et le sixième secteur, le courtage et le transfert de technologies, de concert avec les intervenants majeurs, dont le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Ces plans visent davantage à donner au CRIQ une longueur d'avance et à le placer en position de leadership dans les champs donnés de technologie, pour être en mesure de répondre aux besoins des entreprises, au moment où ceux-ci se manifesteront.

Pour l'ensemble de ces unités, les orientations 1990-1995 se traduisent par la volonté de se faire une niche et d'être reconnues dans les technologies nouvelles et la nécessité de consentir des investissements dans l'acquisition de savoir-faire et dans le développement d'une nouvelle base d'affaires. (3 h 20)

Plusieurs stratégies ont été retenues pour réaliser ces orientations. Une stratégie de recherche, une stratégie de valorisation, une stratégie de partenariat et de mariage technologique, une stratégie de relation avec la clientèle et enfin, une stratégie de gestion des ressources humaines. Le soutien gouvernemental aux besoins du CRIQ en financement prendra les quatre formes suivantes: une contribution de base servant à couvrir les besoins financiers courants, ne pouvant être inférieure à 100 000 000 $, à l'exclusion du service de la dette; un développement accéléré visant à stimuler le développement du centre en fonction de l'évolution des besoins et de l'attente des résultats prévus au plan d'affaires et de développement pour une somme de 24 000 000 $; une contribution liée à la couverture de la dette pour 11 000 000 $, et une contribution discrétionnaire servant à financer un fonds de recherche pour des projets spéciaux de 20 000 000 $; le tout, pour une contribution maximum de 155 000 000 $.

En ce qui concerne le dernier volet, soit le fonds de recherche de 20 000 000 $, il sera l'équivalent d'un fonds de développement technologique pour les PME québécoises. L'utilisation des fonds contenus dans cette enveloppe sera soumise à la discrétion du gouvernement et versée au CRIQ sur demande, en fonction de la priorité et des besoins manifestés.

En ce qui concerne les implications législatives du projet de loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, elles sont les suivantes: La participation financière du gouvernement du Québec est prévue à l'article 25 de la loi. D'autres articles de la loi, les articles 18, 19 et 21 devront être modifiés afin de donner au CRIQ les instruments nécessaires pour réaliser les stratégies proposées au plan quinquennal ainsi que l'autonomie nécessaire à l'intérieur de ses opérations.

La députée de Chicoutimi, M. le Président, a toujours démontré un intérêt marqué pour le développement technologique du Québec. J'espère qu'elle donnera son appui à ce projet de loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Je crois qu'il s'agit aussi, pour les écritures... D'accord, à la réplique. Alors, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L Blackburn

Mme Blackburn: merci, m. le président. je ferais juste remarquer qu'il me semble pour le moins anormal qu'on soit ici, le 20 juin, à 3 h 20 du matin, en train d'examiner un projet de loi modifiant la loi sur...

M. Perron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): M. le député de Duplessis, sur une question de règlement.

M. Perron: Je m'excuse auprès de ma collègue de Chicoutimi, mais je demande le quorum, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, qu'on appelle les députés, s'il vous plaît! Je constate effectivement qu'il y a quorum. Mme la députée de Chicoutimi, vous pouvez poursuivre.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Je disais donc: Presque 3 h 25 du matin, le 20 juin, en train d'examiner une modification au projet de loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, c'est pour le moins particulier, pour ne pas dire inacceptable, quand on sait que la loi constitutive du Centre de recherche industrielle du Québec prévoit qu'on doit fixer aux cinq ans ses modes de financement et le taux du financement. Donc, c'était une chose qui aurait pu être prévue. Jamais je ne croirai qu'on n'aurait pas pu trouver un autre

moyen que de passer ça comme ça à la sauvette, à 3 heures du matin.

Je trouve toujours ça étonnant et peu souhaitable, dans le fond, Mme la Présidente. Je pense qu'au Québec, on n'a jamais examiné ce que donnaient les projets de loi adoptés de nuit. Là, c'est le deuxième que le ministre nous présente. J'ai la conviction que ce sont les projets de loi qui nous reviennent le plus souvent pour fins de modification parce que c'est un travail bâclé.

En ce qui a trait cependant au projet de loi sur le CRIQ, d'abord, je reconnais avec le ministre que le Centre de recherche industrielle du Québec est une de nos institutions les plus efficaces et je dirais - et j'en profite pour rendre hommage à son président-directeur général - un des joyaux de la recherche technologique au Québec. Et son directeur général, M. Guy Bertrand, qui a son franc parler, heureusement, qui est un homme déterminé, qui a su faire sa place dans le réseau de la recherche au Québec, garde un discours très rafraîchissant, je dirais. Il est aussi très droit, très sincère par rapport à ce qui se passe effectivement en matière de recherche et de développement.

Le financement que propose le gouvernement peut paraître, au premier regard, intéressant parce qu'on se dit: Bon, on passe de 100 000 000 $ à 155 000 000 $, ce qui serait le maximum. Cependant, le financement de base à 100 000 000 $ ne comprend pas l'indexation. Actuellement, le dernier exercice financier, c'est 19 500 000 $. ça veut dire que ça donnerait à peu près 20 000 000 $ par année et 20 000 000 $, dans cinq ans, ça veut dire que l'enveloppe... il y aurait à peu près un manque à gagner de 10 000 000 $ minimum, minimum par rapport à l'indice du coût de la vie. alors, mme la présidente, ce n'est pas vraiment quelque chose à vous renverser, d'autant que - et ça, ça me préoccupe - le ministre nous explique qu'il y a 11 000 000 $, c'est la contribution au service de la dette et il y a quelque 20 000 000 $ qui constitueraient une espèce de fonds de recherche dont l'utilisation serait soumise à l'approbation du gouvernement.

On peut trouver ça normal. Je pense que ce n'est pas inhabituel. Cependant, ça a de quoi inquiéter quand on sait que cette année même, cette année même, le ministre a trouvé moyen, avec son gouvernement - je ne pense pas que ce soit vraiment lui qui l'ait décidé - d'enlever 3 000 000 $ qui avaient été prévus être donnés au CRIQ pour deux projets, un en environnement et l'autre en conception assistée par ordinateur, deux secteurs pour lesquels, Mme la Présidente, nous sommes particulièrement en retard au Québec. Alors, une loi, c'est une chose, mais comme le passé est garant de l'avenir, j'ai tout lieu de m'inquiéter par rapport au financement réel que recevra cet organisme dans les faits si ce gouvernement continue la tendance qui est la sienne actuellement, c'est-à-dire celle de désin-vestir en matière de recherche et de développement.

Mme la Présidente, le président du CRIQ, M. Bertrand, exprimait récemment son objectif à l'effet de récupérer le pouvoir de dépenser qu'il avait en 1982. En 1982 parce que, depuis l'arrivée au pouvoir du gouvernement libéral en 1985, le CRIQ a connu trois années où ses augmentations de crédits ont été inférieures à l'inflation. Entre 1985 et 1991, le budget du CRIQ aura perdu environ 13,3 % de son pouvoir d'achat, comme on peut le voir dans un tableau que j'ai ici, que je pourrais déposer si le ministre désire l'avoir, 13,3 % dans un secteur qui est crucial, Mme la Présidente.

J'écoutais tout à l'heure ma collègue, la députée de Maisonneuve, qui disait: Ce gouvernement ne parle jamais de création d'emplois. La base de la création d'emplois, l'assise de la création d'emplois et du développement économique, Mme la Présidente, c'est la recherche et le développement. C'est la recherche et le développement et, à cet égard, le gouvernement n'est pas des plus performants. Ce sous-financement chronique, je le rappelle, n'a pas empêché le ministre et son gouvernement d'y récupérer les 3 000 000 $ sous forme de crédits périmés. Et là, le problème, le ministre dit: Ce n'est pas grave. Ça ne les a pas empêchés de réaliser les projets pour lesquels ces 3 000 000 $ avaient été octroyés. Et rappelons qu'il y avait 2 000 000 $ qui devaient permettre l'implantation à l'usine de Beauport d'une plate-forme d'essai des procédés d'équipement d'assainissement des eaux et on est en retard là-dessus. L'autre projet, les 1 000 000 $, touchait la démonstration... un atelier de démonstration de fabrication assistée par ordinateur. Le ministre dit: Ce n'est pas grave parce que le CRIQ, de toute façon, va continuer à poursuivre ses recherches dans ce secteur et réaliser les projets que nous lui avons commandés. Mais ce qu'il faut reconnaître, ce qu'il faut se dire ensemble: Premièrement, le budget n'est pas très élevé. C'est 20 000 000 $, le budget de base et ce qu'il faut savoir, c'est 3 000 000 $ de moins qui n'ont pas été investis en recherche. Ce n'est pas vrai de dire que c'est anodin, le fait qu'on ait enlevé ça, qu'on ait périmé 3 000 000 $ là-dedans, Mme la Présidente. (3 h 30)

En réalité, concrètement, si on parle et on a l'honnêteté de le dire, on a coupé 3 000 000 $ dans une recherche qui est de la recherche fondamentale, c'est-à-dire fondamentale dans le sens d'indispensable, au développement économique du Québec. Le problème de ce gouvernement, Mme la Présidente - et là j'admire le ministre chaque fois qu'il se lève pour parler de recherche et développement; il s'emporte, il s'emballe, il s'auto-anime, mais la réalité ne change pas pour autant - on a un problème réel et là, il fait comme si ça n'existait pas. Il se

rentre la tête dans le sable et il conjure les esprits de toutes parts: Ça va peut-être changer, je prends ça en main, ça va s'améliorer. Mais la vraie réalité, celle qu'on a sous les yeux, il la connaît et je la connais. Et les gens qui sont en recherche technologique et développement...

M. Morin: Mme la Présidente.

La Présidente suppléante (Mme Loisel le): Oui, M. le député de Dubuc.

M. Morin: Je m'excuse auprès de ma collègue de Chicoutimi, mais je peux vous dire une chose, c'est que ce qu'elle dit est tellement intéressant qu'il faudrait au moins qu'on ait le quorum en cette Chambre.

La Présidente suppléante (Mme Loiselle):

D'accord.

Une voix: Voilà, Mme la Présidente.

La Présidente suppléante (Mme Loiselle):

Nous avons le quorum, M. le député de Dubuc.

Une voix: Mme la Présidente, il faudrait que le député de Chauveau soit à sa chaise au lieu d'être debout en avant.

La Présidente suppléante (Mme Loiselle): Je demanderais à tous les députés, s'il vous plaît, de bien vouloir aller...

Une voix: Un quorum, c'est ça la réalité.

La Présidente suppléante (Mme Loiselle): Ça vous va?

Une voix: S'il y a quorum, il n'y a pas de problème.

La Présidente suppléante (Mme Loiselle):

Parfait, nous avons quorum. Alors, Mme la députée de Chicoutimi, si vous voulez bien continuer, s'il vous plaît.

Mme Blackburn: Oui. Mme la Présidente, je disais donc que le ministre qui s'auto-anime, ça ne fait pas pour autant disparaître la réalité qui est particulièrement préoccupante en matière de recherche et développement au Québec. Là-dessus, le CRIQ, le Centre de recherche industrielle du Québec, est particulièrement critique à l'endroit des politiques gouvernementales et du désinvestissement en ces matières. Après avoir demandé de récupérer au moins son pouvoir d'achat de 1982, ce dont nous ne sommes pas complètement assurés, je le rappelle, le CRIQ rappelle certaines études qui ont été réalisées pour ses propres fins, pour essayer d'avoir une vision un peu plus globale de cette situation. D'abord, ce qu'on apprend, c'est que les engage- ments qui ont été pris par les gouvernements en conférence fédérale-provinciale et le gouvernement du Québec dans son énoncé de politique avaient fixé à 2 % le produit intérieur brut qui devait être consacré à la recherche et développement d'ici 1992. On apprend, et c'est le GATIQ, le Groupe d'action pour l'avancement de la technologie et industriel de la région de Québec, qui nous dit - et le ministre n'a pas nié ces faits - qu'actuellement nous avions plafonné à 1,3 % du PIB et là nous sommes à 1,26 %. Autrement dit, Mme la Présidente, on est loin de l'objectif que le gouvernement s'était donné pour 1992, mais, qui plus est, on perd du terrain. Et dans ces domaines-là, je vous le dis, dans une économie de libre-échange, avec l'Europe de 1992, ça peut être catastrophique par rapport à l'économie du Québec.

Mme la Présidente, pendant que nous consacrons 1,26 % à la recherche et développement, l'Ontario en investit 1,9 %, et comme on sait que son budget est plus élevé que le nôtre, vous voyez la différence. En France, c'est 2,3 %; aux États-Unis, 2,7 %. Je vous fais grâce des autres données. Tout ça pour illustrer qu'ici on désinvestit.

Par ailleurs, une étude menée par le CRIQ, le Centre de recherche industrielle du Québec, par la firme SECOR, affirme que le Québec ne fait pas le poids sur le plan technologique et accuse un retard visible quant à la pénétration des cinq technologies qui permettraient d'accroître la productivité et la compétitivité des entreprises québécoises. Il s'agit de la conception et ingénierie; fabrication et assemblage; manipulation automatisée du matériel d'inspection; détection de tests informatiques; communications et contrôle. Et l'étude ajoute, toujours selon SECOR, que dans la formation de la main-d'oeuvre, le symptôme le plus flagrant, c'est l'absence de stratégie, le taux de chômage élevé et, paradoxalement, la rareté de la main-d'oeuvre spécialisée et des chercheurs de haut calibre. Le problème avec ce gouvernement, c'est qu'il n'a pas de politique intégrée de recherche et développement, de recherche technologique et de développement technologique, et de sciences. Parce que, en 1985, quand le gouvernement libéral a pris le pouvoir, il a décidé - je me rappellerai toujours l'attitude du ministre de la Science d'alors, M. Ryan, qui se moquait de notre inquiétude face à l'éclatement de ce dossier - on a pris le développement technologique et on l'a rattaché au Commerce extérieur. Et le seul argument qu'on avait à l'époque, Mme la Présidente, c'est de dire: Ça va nous permettre de faire du transfert technologique. Et vous savez comment il comprenait le transfert technologique, c'est d'aller chercher des technologies dans les autres pays. Moi, je n'ai jamais compris le transfert technologique de cette manière-là. C'est beaucoup plus l'adaptation dans nos entreprises de nouvelles technologies. Mais tout le

monde a vu par après que ça n'avait pas de bon sens et je pense que personne n'oserait à nouveau répéter ça. Alors, le développement technologique rattaché au Commerce extérieur.

La logique ou les événements ont voulu que M. MacDonald soit nommé ministre de l'Industrie et du Commerce. Et là, il a amené avec lui le développement technologique, ce qui, au moins, est un peu plus logique. Mais le problème, c'est qu'il n'y a peu ou pas de communication, pas de stratégie de développement dans la formation de la main-d'oeuvre, et des scientifiques et des chercheurs, et dans le développement de la recherche développement.

Mme la Présidente, on a une pénurie de main-d'oeuvre spécialisée à un point tel que le CRIQ est obligé de former ses travailleurs et ses chercheurs. Ce n'est pas peu dire. Ce n'est pas quelqu'un qui vient de l'étranger, une entreprise étrangère qui s'installe chez nous, qui a des habitudes de travailler avec tel type de personnels, tel type de chercheurs, une entreprise de chez nous qui nous dit: Je dois former mes spécialistes pour mes propres activités. Chaque année, environ 30 % de son personnel en automatisation au profit... Il perd 30 % de son personnel au profit des entreprises qui sont plus informatisées. Et c'est la même situation dans des entreprises en Beauce et en Estrie.

Mme la Présidente, absence de vision intégrée, formation de la main-d'oeuvre, formation de chercheurs de haut calibre, absence de vision intégrée en matière de recherche et de développement. Le ministre nous dit toujours: Ça va bien. Je le rappelle, il s'auto-anime et il veut, je pense bien. On ne peut pas lui reprocher un manque de bonne volonté. Ça, d'évidence, il l'a. Sauf qu'il me semble impuissant. Et un ange passa. À 3 h 30, 4 heures du matin, c'est comme normal.

M. le Président, lorsqu'on interroge le ministre sur des parties de sa politique, il reconnaît, par exemple, que les incitatifs fiscaux ne donnent pas les dividendes attendus. Et ce matin, il disait: Oui, on le sait. Et là, il essayait de distraire et de perdre un peu tout le monde en disant: Ah, oui, mais les PME, c'est important. Les PME, c'est 15 % de la recherche. Et 85 % des avantages s'en vont dans des entreprises qui, de toute façon, en font. Ça veut dire que c'est un cadeau. C'est tellement un cadeau, Mme la Présidente, que le professeur Blais...

Une voix: C'est monsieur maintenant.

Mme Blackburn: Monsieur. À cette heure-là.... C'est vrai qu'à cette heure-là, je me demande qui nous regarde. Mais de toute façon, je crois qu'il y a des choses qu'il faut qu'elles soient dites même s'il est 3 heures du matin. L'étude dit, d'autre part: Pour nombre de grandes entreprises, les crédits d'impôt à la recherche et développement représentent des revenus soudains, des "windfalls" lorsqu'ils sont reçus. Les financiers se refusent généralement à les considérer comme des revenus à percevoir à cause des incertitudes entourant les résultats d'une future vérification.

De plus, les entreprises décident de leurs efforts en recherche et développement selon un cycle de moyen et de long terme. Donc, elles disent: Vos incitatifs, merci, vous nous les donnez. C'est un cadeau. On ne les attendait pas. Vous nous les donnez. Bien sûr qu'on trouve que c'est intéressant. Sauf que ce n'est pas ça qui va faire changer notre programme, ni l'accélérer, ni nous amener dans des secteurs plus risqués ou plus ambitieux de la recherche. Alors, le ministre reconnaît ça ce matin. Mais il essaie de nous perdre et dit: Oui, les PME, c'est bon. Mais même les PME, ça ne les amène pas à accélérer leur programme. Et toujours selon la même étude, ça ne les amène pas à faire de la recherche dans des secteurs plus risqués ou plus ambitieux. (3h40)

Alors, le ministre reconnaît que les incitatifs fiscaux ne donnent pas les rendements ou ne donnent pas les dividendes attendus. Le ministre reconnaît que le fédéral favorise toujours l'Ontario. Un pourcentage de 53 % de toute la recherche du fédéral, qui s'établit à peu près à 5 000 000 000 $ pour l'an passé, s'en va à l'Ontario et 19 % au Québec. Ça veut dire que le Québec paie pour la recherche qui se fait en Ontario. Le fédéralisme rentable, me direz-vous. Je n'ai pas vu que le premier ministre ait demandé qu'il y ait des dispositions particulières lors de la prochaine ronde de négociations pour s'assurer que le Québec ait sa quote-part là-dedans. Il n'y a rien. Il y a de la place pour toutes les autres provinces canadiennes, mais je n'ai pas vu qu'il y ait de la place par rapport aux préoccupations de développement du Québec. Le ministre reconnaît donc que nous sommes défavorisés par le gouvernement fédéral. Il reconnaît que le mode des incitatifs fiscaux qu'il a utilisé nous pénalise en plus, et ça, c'est tout à fait inacceptable. Le fait qu'on ait utilisé les incitatifs fiscaux fait que l'Ontario donne plus aux entreprises ontariennes, c'est-à-dire le fédéral donne plus aux entreprises ontariennes qu'il ne donne aux entreprises québécoises parce qu'il soustrait les avantages consentis par le Québec avant d'accorder leur contribution, ce qui entraîne pour le Québec un manque à gagner de l'ordre de 69 000 000 $. Surprenant, à peu près l'équivalent de ce qu'on est en train d'investir dans le Fonds de développement technologique. Mais là, c'est comme si on le faisait exprès. J'appelle ça se tirer dans les pieds. Je ne vois pas pourquoi on n'aurait pas pris les mesures qui nous auraient assuré au moins d'avoir les mêmes avantages du gouvernement fédéral qui sont consentis aux entreprises. Non seulement il ne nous donne pas ce à quoi on aurait droit comme

province, qui représente 26 % de la population, mais, en plus, on se donne des moyens pour se priver de ce qu'il nous donnerait normalement, si on avait sensiblement les mêmes dispositions que l'Ontario. Le ministre reconnaît également, parce qu'il n'a pas nié les chiffres du GATIQ là-dessus, que non seulement on plafonne, mais là on descend, en matière de RD, 1, 26 % du PIB, alors qu'on était à 1, 3 % depuis déjà plusieurs années. Le ministre ne nous a pas informés et j'imagine qu'il l'aurait fait s'il avait fait quelque chose là-dessus. Le Conseil de la science et de la technologie a déposé une étude très fouillée sur les marchés publics et le développement technologique, c'est 7 000 000 000 $, les achats du gouvernement du Québec et de ses institutions. Ça inclut évidemment Hydro-Québec. Et ça pourrait constituer un levier majeur de développement et de tests de vérification de nouvelles technologies. Rien, même dans les hôpitaux, ça a été soulevé. On achète à peu près 15 % des équipements un peu avancés au Québec, 85 % dans les autres provinces canadiennes et à l'étranger. Et personne ne se soucie de ça. C'est-à-dire le développement technologique, c'est-à-dire les achats du gouvernement du Québec, les achats publics servent au développement technologique à 85 % d'autres provinces ou d'autres pays. Et je n'ai pas entendu dire qu'il avait fait quelque chose là-dessus.

Faible pénétration des technologies. Je viens de citer le rapport de SECOR, on a un problème. Le ministre se met la tête dans le sable, je le rappelle, il s'agite, il s'excite, il s'auto-anime, mais dans la réalité, la dure réalité, la vraie réalité, et là, il y a un désinvestissement du fédéral et l'investissement du Québec stagne, même il diminue. Il aura beau nous faire les grandes démonstrations qui disaient - non pas ce matin, mais hier matin, il y a déjà près de 24 heures, ça n'a pas de bon sens - il aura beau nous faire toutes les grandes démonstrations, la réalité n'est pas au moins aussi brutale que celle qu'on vient de présenter, malheureusement... M. le Président, je voudrais qu'elle soit autre, parce que je suis préoccupée, je suis sincèrement, et le ministre le sait, je suis sincèrement préoccupée de cette situation qui pénalise et qui compromet le développement économique du Québec. Je sens que le ministre est incapable, il n'a pas fait la démonstration qu'il avait le poids nécessaire pour ramener le président du Conseil du trésor et son gouvernement à plus de raison là-dessus. Il faut investir en recherche et en développement, et non pas désinvestir comme on le fait. Ce n'est pas vrai que ce sont des économies souhaitables et efficaces quand on va chercher... périmer 3 000 000 $ dans le CRIQ. Ça n'a pas de bon sens.

J'en profite, M. le Président, parce que le président du Conseil du trésor est là, je pense que ce sont des choses qu'il faut qu'il entende, parce qu'il n'a pas juste la responsabilité de boucler, il a aussi la responsabilité de s'assurer qu'on fait du développement économique au Québec.

M. le Président, le projet de loi qui est sur la table, en somme, n'améliorera pas sensiblement la situation du CRIQ. Pour ce qui est de l'enveloppe de base, c'est sur cinq ans l'équivalent de ce qu'ils reçoivent cette année. Ça veut dire que dans cinq ans, ça aura perdu une valeur d'environ 25 % minimum, pour autant que l'augmentation du coût de la vie se situe entre 4 % et 5 %, probablement 27 % et 28 %. Ça veut dire qu'en net, ils vont perdre du pouvoir d'achat. Pour les autres dispositions, on sait que c'est soumis à l'approbation du ministre par rapport au fonds de recherche et, ça, ça a de quoi inquiéter s'il pratique les politiques qu'ils ont pratiquées cette année et on risque de ne pas en voir grand-chose dans l'enveloppe du CRIQ, et ce serait profondément malheureux.

Mais, M. le Président, je pense que, si le ministre respecte vraiment les engagements qui sont là - et, je le rappelle, il ne s'agit pas d'une croissance des enveloppes du CRIQ, ça fait tout juste stagner, en autant qu'il aille chercher la totalité de l'enveloppe - c'est un pas dans la bonne direction, et nous serons d'accord avec ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (m. cannon): merci, mme la députée de chicoutimi. m. le ministre de l'industrie, du commerce et de la technologie pour l'exercice de votre droit de réplique.

M. Gérald Tremblay (réplique)

M. Tremblay (Outremont): Vous comprendrez, M. le Président, que si je suis impuissant et incapable, à 3 h 45, je n'insisterai pas parce que nous aurons sûrement la chance, demain, en commission parlementaire, d'en parler. Je voudrais, par contre, vous dire que l'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et en recommande l'étude à l'Assemblée. Merci.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion visant l'adoption de principe du projet de loi 63, Loi modifiant la Loi sur le Centre de recherche industrielle du Québec, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour

étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Cannon): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 22 de notre feuilleton.

Projet de loi 78 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, à l'article 22 du feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic. M. le ministre, je suis prêt à vous reconnaître.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Ce projet de loi, comme tous ceux de sa nature, donne suite à des ententes qui ont eu lieu entre le gouvernement et ses employés. C'est à l'occasion des négociations dans le secteur public que nous avons, dans le cadre de la rémunération globale, à déterminer les conditions non seulement de salaires, non seulement de vacances, non seulement d'assurances, mais également de régimes de retraite pour les travailleurs du secteur public. Donc, à partir du moment où nous avons des ententes sur cet aspect de la rémunération globale de nos employés, nous devons y donner effet, non pas par de simples signatures dans des contrats, mais bien par des textes de loi comme celui que nous avons maintenant devant nous.

Le projet de loi découle donc principalement de la lettre d'intention qui a été conclue entre le gouvernement et les syndicats des secteurs public et parapublic en ce qui concerne les régimes de retraite des employés de la fonction publique, du secteur de l'éducation et des affaires sociales. Les modifications touchent de nombreuses lois, sort celle sur le Régime de retraite de certains enseignants, ceux qu'on appelle les ex-religieux sécularisés, c'est le titre précis de leur régime de retraite.

Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse, M. le ministre.

M. Perron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui, M. le député de Duplessis.

M. Perron: M. le Président, même si je ne trouve pas tellement intéressant ce que dit le président du Conseil du trésor, il est peut-être important de demander que le quorum soit efficace dans cette Chambre.

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, je vais faire le décompte. Effectivement, il y a quorum. Bon! Bon! S'il vous plaît! Toujours en vertu de l'article 32, je vous demanderais de respecter le règlement et le décorum de cette Assemblée. Alors, effectivement, je constate qu'il y a quorum. M. le ministre, si vous voulez bien poursuivre, s'il vous plaît.

M. Perron: II n'y avait pas quorum; il y a maintenant quorum.

M. Johnson: M. le Président, oui, je note qu'il y a maintenant quorum et qu'il y avait quorum lorsque le député de Duplessis s'est levé.

Les modifications, donc - je comprends que ça n'intéresse pas le député de Duplessis, il l'a dit - touchent 340 000 travailleurs du secteur public.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Elles touchent donc le régime de retraite de certains enseignants, la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix... Voulez-vous rappeler le député de Duplessis à l'ordre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Effectivement, je demande à tout le monde de respecter l'article 32 du règlement. Je vous demande, M. le député, de poursuivre. M. le ministre.

M. Perron: M. le Président, j'aurais une question à vous poser, en tant que président. (3 h 50)

Le Vice-Président (M. Cannon): M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui, c'est effectivement ça, député de Duplessis, même si le président du Conseil du trésor ne le reconnaît pas. Le président du Conseil du trésor vient de dire que, lorsque j'ai demandé le quorum antérieurement, il y avait quorum. Je voudrais savoir de votre part si oui ou non il y avait quorum.

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Cannon): Un instant, s'il vous plaît! Lorsque le député de Duplessis,

sur une question de règlement, a demandé si, effectivement, il y avait quorum, je me suis levé et j'ai fait le décompte. Au moment de son intervention, il n'y avait pas quorum. Lorsque j'ai terminé le décompte, il y avait quorum.

M. le ministre, je vous invite à poursuivre votre intervention, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le Président, en conséquence, c'est à se demander comment on ferait pour fonctionner sans le député de Duplessis.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Johnson: Donc, diverses lois qui font qu'une centaine de milliers de travailleurs du secteur public sont affectées, soit la Loi sur le régime de retraite de certains enseignants, qui n'intéresse pas le député de Duplessis, la Loi sur le régime de retraite des agents de la paix en institutions pénales, qui n'intéresse pas le député de Duplessis, la Loi sur le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, qui intéresse sans doute le député de Duplessis comme travailleur, la Loi sur le régime de retraite des enseignants, qui n'intéresse pas le député de Duplessis - il n'est pas enseignant - et la Loi sur le régime de retraite des fonctionnaires.

Nous introduisons, M. le Président, à l'occasion de cette législation et dans la suite des négociations dans le secteur public, une mesure de retraite progressive, une mesure

Une voix: Qui n'intéresse pas le député de Duplessis.

M. Johnson: ...qui n'intéresse pas le député de Duplessis, de toute évidence, une mesure qui est introduite au régime de retraite des employés du secteur public de même qu'au régime de retraite des enseignants et au régime de retraite des fonctionnaires à compter du 1er juillet prochain, afin de permettre aux participants de ces régimes de bénéficier d'une retraite progressive après entente préalable avec leur employeur.

C'est ainsi qu'un participant pourra adhérer à ce programme d'une durée de une à trois années au cours desquelles il pourra réduire son temps de travail jusqu'à un minimum de 40 % du service régulier, c'est-à-dire deux jours par semaine, alors que, durant cette même période, nous reconnaîtrons à cet employé, aux fins de l'admissibilité et du calcul de sa rente, le même service qu'il aurait obtenu s'il avait travaillé à plein temps, donc cinq jours par semaine, pour les fins de mon exemple, et il continuera évidemment, afin de se voir reconnaître pleinement 100 % de ses années de service, les cotisations au régime dans la même mesure, c'est-à-dire à 100 % du temps de travail.

Deuxième élément que nous introduisons, c'est la prolongation du programme temporaire de retraite anticipée. En effet, la Loi sur le RREGOP prévoit que tout employé qui a moins de 65 ans, mais qui a 62 ans d'âge et deux années de service pour fins d'admissibilité à une rente, peut bénéficier d'une mesure qui lui permet l'ajout de certaines sommes additionnelles lors du calcul de sa rente. De plus, ce régime de retraite prévoit certains critères temporaires d'admissibilité à la retraite tels que 35 années de service sans réduction actuarielle de la rente. Ces mesures prenaient fin le 1er juillet 1990 n'eût été cette intervention et elles seront, par ce projet de loi, prolongées jusqu'au 1er septembre 1992, soit un peu plus de deux ans. Il y a lieu de noter que seuls les participants au régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics le 31 décembre 1988 pourront bénéficier de ce programme temporaire de retraite anticipée.

Par ailleurs, nous introduisons un nouveau délai pour le rachat de service antérieur qui donne droit, au RREGOP, à un crédit de rente. Un participant à ce régime pourra donc jusqu'en juillet 1992 présenter à la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances une demande de rachat de service antérieur non cotisé et obtenir ainsi un crédit de rente.

Le régime de retraite des enseignants, par ailleurs, prévoira, à la suite de la sanction du projet de loi, un nouveau critère d'admissibilité à la retraite de 33 années, soit deux années de moins qu'il est actuellement requis par ce régime.

Finalement, nous assisterons à la fermeture du régime de retraite des enseignants et du régime de retraite des fonctionnaires, c'est-à-dire que, actuellement, un participant à l'un de ces régimes peut opter de participer au régime général, le RREGOP, et y transférer ses années de service, en faisant une demande à cet effet à la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances.

À compter du 1er janvier prochain, le 1er janvier 1991, donc, il n'y aura plus de transfert de services du Régime de retraite des enseignants ou du Régime de retraite des fonctionnaires vers le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics. Par contre, la participation à ces régimes sera garantie à tout participant qui quittera son emploi et qui reviendra occuper une fonction visée par le RREGOP dans les 180 jours. L'employé qui reviendra occuper une fonction après ce délai participera au RREGOP, mais se verra tout de même reconnaître à ce dernier régime, aux fins d'admissibilité à une rente, le service qu'il avait accumulé soit au Régime de retraite des enseignants ou, alors, au Régime de retraite des fonctionnaires.

Le projet de loi prévoit également certaines autres modifications, tel que le transfert automatique au RREGOP des années de service créditées

au Régime de retraite des enseignants ou au Régime de retraite des fonctionnaires, lors du calcul de la rente d'un participant à ce régime, l'ajustement au RREGOP et au Régime de retraite des gardiens de prison, des règles de compensation applicables à une dette due à la Commission, au cours d'une période visée par les dispositions relatives à la retraite graduelle, l'ajustement au RREGOP des règles relatives à la remise de dettes afin de prévoir la remise d'une somme due à la Commission, si le montant à l'origine de la dette a été versé plus de quatre ans avant la date inscrite sur l'avis de réclamation de la Commission. Une précision sera apportée au RREGOP, au Régime de retraite des enseignants et à celui des fonctionnaires à l'effet qu'un montant forfaitaire versé à un participant qui n'a aucun service crédité dans l'année du versement doit être intégré au traitement admissible de l'année la plus récente au cours de laquelle du service est crédité, l'année qui précède celle du versement. Je n'en donne que pour exemple le cas d'un employé qui aurait pris sa retraite en décembre dernier et qui, à l'occasion du règlement des négociations, se serait vu récipiendaire d'un montant forfaitaire à l'égard de l'année 1989, donc, terminée, alors qu'il ne travaille plus, mais le versement étant effectué en 1990, année où il ne travaille pas, nous devons comptabiliser ce montant forfaitaire dans la dernière année qui le rendait, évidemment, admissible à cette rente, donc, une année de service créditée.

Également, nous introduisons une modification au RREGOP afin de permettre à une personne en attente d'une rente différée le transfert à ce régime des années de service cotisées en vertu de la huitième partie de la Loi sur l'instruction publique, une remorque ou une fin de régime. Certains autres assujettissements, certaines modifications et précisions sont également employés.

M. le Président, vous le voyez immédiatement, à deux titres, ces projets de loi se ressemblent tous. D'une part, ils donnent effet aux ententes conclues avec nos employés à l'égard de cet élément non négligeable de la rémunération globale que constituent les régimes de retraite et, deuxièmement, ils ont comme caractéristique principale d'être couchés en des termes hautement techniques qui ne s'adonnent pas facilement à la simplification, je dirais, à la vulgarisation qu'on pourrait souhaiter lorsque nous débattons ces choses, mais, heureusement, nous aurons, à l'occasion de l'étude en commission, aidés par les gens et les documents qui peuvent être utiles, l'occasion d'aller plus au fond, le cas échéant, si les parlementaires le désirent, des mesures de nature technique, je le répète, qui sont comprises ici, dans ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Alors, M. le Président, je remercie tous ceux qui m'applaudissent, y compris du côté ministériel. Le projet de loi 78 a été présenté, comme a dit le préskient du Conseil du trésor, pour donner suite à certaines propositions du comité de retraite ainsi qu'aux engagements du gouvernement pris lors des dernières négociations avec les syndicats des secteurs public et parapublic. Par conséquent, nous n'entendons pas nous opposer au principe de ce projet de loi, d'autant plus que, en ce qui me concerne, je suis parfaitement d'accord avec toute espèce de mesure qui facilite la retraite aux employés qui ont atteint un certain âge et je suis aussi favorable à toute mesure de transférabilité des fonds de pension. À mon sens, c'est un principe dont nous devons poursuivre l'application. Donc, malgré le fait que ce projet de loi ait été déposé après le 15 mai 1990, c'est-à-dire hors délai, nous entendons concourir à son adoption avant la fin de la présente session parlementaire. (4 heures)

Outre les dispositions à caractère technique ou de concordance simplement, le projet de loi présente sept modifications qui concernent cinq régimes de retraite, donc qui est d'une nature assez complexe finalement, et que nous aurons à étudier en commission parlementaire, je suppose, dans les heures qui viennent, aujourd'hui même, puisque nous en sommes à 4 heures du matin, et la journée d'après.

Alors, la première modification permet à la CARRA d'effectuer automatiquement, à moins d'avis contraire de l'employé, le transfert des années créditées à certains employés dans les différents régimes de retraite ou entre les deux premiers régimes, soit le RRE ou le RRF. Je suppose bien qu'il ne s'agit pas de pénaliser les employés, mais je me méfierai toujours des transferts automatiques, parce que les cas personnels sont tellement différents les uns des autres qu'on ne peut prévoir à l'avance qu'on ne nuira pas à l'un ou à l'autre. Donc, je me propose bien d'interroger le ministre là-dessus en commission parlementaire. La mesure peut être préparée pour aider les employés, mais, dans les faits, s'avérer nocive à certains, et je pense qu'il faut procéder avec toute la prudence nécessaire dans ce cas.

Une deuxième modification prévoit qu'un montant forfaitaire versé au cours d'une année où aucun service n'est crédité fait partie du traitement admissible de la dernière année qui précède le versement de ce montant. Encore une mesure qui a été entendue au comité de retraite sur laquelle nous sommes d'accord, ainsi que la troisième, uniformiser les règles relatives à la compensation lorsqu'une dette est due à la CARRA. Les autres modifications donnent suite à une lettre d'intention du gouvernement, annexée

aux conventions collectives. Comme l'a dit le ministre, il y a un nouveau programme de mise à la retraite de façon progressive qui permet, à certaines conditions, aux participants des régimes de réduire leur semaine régulière de travail jusqu'à deux jours, a-t-il dit - donc, c'est progressif - en accumulant du service, ce qui améliore leur pension à terme et ce qui les encourage à prendre une retraite graduellement. Je pense qu'il s'agit là d'une mesure à caractère humain que nous devons favoriser et qui est d'ailleurs utilisée dans les institutions privées, ou dans le public ou, en tout cas, dans le parapu-blic. Il faut reconduire aussi jusqu'au 1er juillet le programme temporaire de retraite anticipée qui avait été mis en marche, à mon sens, par notre gouvernement dans la convention 1982-1983, ainsi que des critères d'admissibilité. Et on entend supprimer à compter du 1er janvier 1991 le droit au transfert du RRE et du RRF au RREGOP. Il faudrait voir dans quelle limite cela se fait. Je suppose que nous aurons des éclaircissements en commission sur cette question. Et, enfin, on veut abaisser de 35 à 33 années de service les critères permanents d'admissibilité à la pension au RRE.

Comme on le voit, ces modifications découlent soit des recommandations du comité de retraite, soit de la lettre d'intention du gouvernement, annexée aux conventions collectives. Donc, je suppose que s'il y a eu cette lettre d'intention et qu'on l'a acceptée, les syndicats eux-mêmes sont d'accord, et je dois dire que, dans ce contexte, nous devons les entériner le plus tôt possible.

Cependant, là où j'aurai des remarques à faire au ministre, c'est qu'il nous est arrivé avec ce projet de loi le 6 juin. Je pense qu'on a là encore un exemple de législation à la vapeur, qu'on me dit très technique, mais, justement, comme c'est très technique, il va falloir faire attention que la loi soit correctement rédigée. Pourquoi arriver aussi tard pour passer des lois de cette nature? J'ai bien pris conscience qu'avant Noël, on a procédé exactement de la même façon, on est arrivé dans les tout derniers jours de la session, et puis on demande d'adopter la loi. On réédite la même chose maintenant. On dépose le 6 juin, alors qu'on aurait dû déposer le 15 mai, et on demande l'adoption.

Et je dirai, M. le Président, qu'il est venu à mes oreilles qu'on avait dit à certains syndicats, partenaires du gouvernement que c'était la faute de l'Opposition si ça ne passait pas. Et, donc, il y a quelqu'un qui dit ça quelque part. Est-ce que ça vient du cabinet du ministre? Est-ce que ça vient de ses fonctionnaires? Mais je voudrais dire au ministre que c'est absolument inacceptable qu'on fasse de telles choses, qu'on fasse de telles déclarations, inacceptable, d'autant plus que le projet de loi est déposé en retard, même pas dans les délais. Alors, je lui demanderais de faire du ménage dans sa cabane.

C'est inacceptable.

Nous allons concourir à son adoption, parce qu'il y a eu des ententes, parce que nous voulons les reconnaître. C'est le gouvernement qui a négocié, il a réglé avec les syndicats, nous allons y donner suite. Mais je pense qu'il est inacceptable que de telles rumeurs proviennent de chez lui.

Alors, là-dessus, j'espère que nous aurons amende honorable comme Opposition, parce que nous allons le faire, non pas sous la pression, parce que je n'ai pas eu l'occasion de dire si j'étais d'accord ou pas d'accord vis-à-vis des syndicats. Je n'ai pas négocié avec les syndicats et je ne négocierai pas avec les syndicats là-dessus. Alors, il n'est pas question qu'on ait dit... que j'aie dit que j'étais d'accord ou pas d'accord.

Alors, M. le Président, je pense qu'on a cette attitude, au moment même où on passe des bâillons, où on bâillonne à l'occasion de trois projets de loi importants à la Chambre, comme nous l'avons vu au cours de ces derniers jours. Il me semble qu'il y a beaucoup de projets de loi qui auraient pu être amenés bien avant et qu'on aurait pu les regarder avant On aurait eu le temps de les regarder à fond. On va devoir les regarder à la vapeur en commission parlementaire. Je comprends que, peut-être, l'Opposition, ce n'est pas important, mais quand on est rendu à ce stade de la démocratie, je pense qu'on vient de glisser très loin. Et le public, d'ailleurs, s'en rend compte, la population s'en rend compte et en tiendra compte le moment venu.

Alors, M. le Président, malgré ce malaise, nous allons concourir à adopter ce projet de loi qui donne suite à ces conventions, à cette lettre d'intention du gouvernement. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Labelle. M. le ministre, dans l'exercice de votre droit de réplique.

M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: M. le Président, deux commentaires. Le premier, sur la date tardive. Malgré tous les efforts qu'on peut faire de notre côté pour respecter l'échéance du 15 mai, il n'en reste pas moins que, dans cette matière précise, certaines des ententes paraphées à l'égard des aspects des régimes de retraite dans les négociations des secteurs public et parapublic sont survenues à une date assez tardive ce printemps qu'il était carrément et physiquement impossible de produire des textes de ce haut niveau technique à temps pour le 15 mai pour refléter les ententes de principe et le contenu - je dirais la substance - des ententes qui avaient été conclues avec nos syndicats du secteur public avec lesquels nous avons finalement conclu des ententes au début de l'année.

Deuxièmement, je dirais peut-être sur ce

sujet-là que la meilleure certitude pour qu'on ait entre les mains en commission, ici, à l'Assemblée, un texte qui ne variera pas dans la mesure où il ne s'y serait pas glissé des coquilles ou des inexactitudes, techniques ou autres, on peut choisir de prendre un peu plus de temps pour le foire correctement plutôt que de découvrir après le dépôt - si ce dépôt-là est fart de façon trop rapide - que c'est le projet de loi, tel que déposé, qui doit constamment être modifié, ajusté avec des foules de papillons, comme on sait que ça peut arriver.

Évidemment, c'est un jugement qu'on porte. On est pressés, d'une part, par le temps. Les échéanciers de conventions collectives ne nous ont pas permis de déposer à temps... Enfin, je m'en excuse tout en le reconnaissant comme inévitable.

Quant à l'autre commentaire du député, je vais lui dire une chose qui va le surprendre. Comme en décembre dernier... ça, il n'en a peut-être pas connaissance... Est venu à mes oreilles bien avant le 1er juin - je le dis et je le répète et je vais l'affirmer en présence de qui que ce soit - que les gens qui, de part et d'autre, s'expriment au nom de nos groupes parlementaires ont eu des conversations. À titre de leader adjoint du gouvernement, je suis partie de cette équipe qui fait partie des échanges que nous avons entre groupes parlementaires. Et j'ai appris que nos vis-à-vis, par la voie d'au moins une personne, ont indiqué en mai, je cite: Que les projets de loi du président du Conseil du trésor seraient très difficiles à passer. Enfin, je vous laisse juger de l'identité de la personne en cause. Le fait est, M. le Président, que...

(4 h 10)

Le Vice-Président (M. Cannon): Je m'excuse. M. le député de Duplessis.

M. Perron: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.

M. Perron: Nous sommes 17 députés en cette Chambre et ça en prend 21. Est-ce que vous pourriez demander le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Cannon): Oui.

Alors, effectivement, il y a quorum. M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît. Je demanderais à tout le monde de respecter le règlement, s'il vous plaît, l'article 32 du règlement. M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le Président, ma responsabilité, à partir du moment où on me signale que, du côté de l'Opposition, on indique que ça sera avec d'énormes difficultés que je pourrai amener et espérer faire adopter des projets de loi... C'est ma responsabilité et j'ai dû le faire et avec regret encore une fois. J'ai dû le faire en décembre dernier. Les mêmes circonstances, les mêmes échanges ont eu lieu en décembre dernier. J'ai dû, comme c'est ma responsabilité, indiquer à mes interlocuteurs syndicaux qui me demandaient quelles étaient les perspectives d'adoption des projets de loi qui touchaient leur régime de retraite, que les indications précises qui me venaient de l'Opposition étaient que les projets de loi étaient difficilement prévisibles quant au traitement et leur adoption.

Une voix:...

M. Johnson: Aie!

Le Vice-Président (M. Cannon): Un instant! M. le député, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Vous avez eu l'occasion d'intervenir sur ce projet de loi. Nous écoutons maintenant M. le ministre en réplique et si vous n'êtes pas satisfait, évidemment, vous avez toujours des recours. Vous pouvez même lui poser une question, il y a les commissions parlementaires et il y a l'adoption de la troisième lecture. M. le ministre, si vous voulez poursuivre, s'il vous plaît.

M. Johnson: M. le Président, on évoque de l'autre côté les dates de dépôt. Je suis entièrement d'accord, je l'ai reconnu tout à l'heure. Implicitement, à partir du moment où la date de dépôt qui permet au gouvernement d'adopter le projet de loi sans le consentement de l'Opposition avant la fin de la session, cette date-là étant passée, implicitement, ça prend le consentement de l'Opposition pour l'adoption du projet de loi en troisième lecture avant la fin de la session. Ou bien on est avant les délais, on procède et on l'adopte et l'Opposition ne peut pas s'opposer à son adoption en troisième lecture ou alors on est hors délai et, là, ça prend très clairement le consentement unanime pour l'adoption à la fin de la session.

À partir du moment où les raisons mécaniques que j'ai indiquées nous ont contraints à déposer le projet après le 15 mai, j'ai besoin, au nom des syndiqués du secteur public, du consentement unanime de l'Assemblée afin de faire adopter les projets de loi avant la fin de la session. M'étant enquis des possibilités d'un consentement qui serait donné pour l'adoption, on m'a annoncé que l'Opposition avait indiqué de façon particulièrement négative son attitude à l'endroit du projet de loi. Les syndicats me demandant quelles sont les perspectives. M. le Président, j'ai indiqué à mes interlocuteurs syndicaux que ça regardait mal, que tous les signaux que j'avais eus n'étaient pas particulièrement intéressants ou positifs; ce qui les a amenés, de toute évidence, à communiquer avec l'Opposition et lui demander ce qui pouvait bien accrocher. Ce que l'Opposition a interprété

comme une tentative délibérée du gouvernement de faire croire que l'Opposition s'opposait au projet de loi, alors que ce que nous avons toujours Indiqué, c'était qu'en raison du dépôt hors délai, il y avait un risque qui nous avait été signifié qu'il y aurait des difficultés réelles à faire adopter le projet de loi.

À partir de ce moment-là, M. le Président - je ne veux pas mêler les choses - tout ce que je reconnais, en reconnaissant que les dépôts ont eu lieu hors délai et en décembre dernier et au printemps cette fois-ci, chaque fois l'Opposition a manifesté initialement, par la voix des gens qui s'expriment au nom du groupe de l'Opposition, que les projets de loi, ce n'était pas fait qu'ils étaient adoptés et qu'il ne fallait pas compter que ce soit adopté, que ce serait très difficile de les passer... Quand les instances syndicales me demandent comment ça regarde, je leur dis, M. le Président. À partir de ce moment-là, évidemment, s'il y a des interventions, c'est à la lumière de ces renseignements que les interventions sont faites et rien d'autre.

Ça fait quand même une dizaine d'années que je suis ici, et dans l'Opposition et du côté gouvernemental, et je n'ai jamais eu de difficultés à m'entendre sur des matières comme ça avec les gens d'en face. Je n'ai jamais fait de difficultés pour accorder les consentements qui pouvaient être requis de moi-même ou de mes collègues lorsque nous étions dans l'Opposition, dans des matières semblables.

Tout ce que je dis, c'est qu'en décembre dernier, donc depuis les dernières élections... C'est peut-être une nouvelle attitude de l'Opposition. On va reconnaître ça et ça, j'accepte ça qu'il y ait une nouvelle attitude de l'Opposition, si c'est comme ça qu'elle veut jouer la partie. Mais, en décembre dernier et ce printemps-ci, on nous signale que, pour ces projets de loi, les perspectives d'adoption sont particulièrement problématiques. M. le Président, si c'est problématique, je le dis à mes interlocuteurs syndicaux. Ils ont peut-être fait des appels téléphoniques.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion visant à l'adoption du principe du projet de loi 78, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les régimes de retraite des secteurs public et parapublic, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la com- mission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Cannon): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 9 du feuilleton.

Projet de loi 56 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Cannon): À l'article g du feuilleton, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie propose l'adoption du principe du projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives. M. le ministre.

M. Gerald Tremblay

M. Tremblay (Outremont): Nous procédons ce soir, M. le Président, à l'adoption du principe du projet de loi 56 intitulé Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives.

En 1983, le gouvernement promulguait la loi 29 modifiant de façon très importante les règles de fabrication et d'embouteillage des vins et autres boissons alcooliques par les titulaires de permis de fabricants de vin permettant à ces derniers d'embouteiller, au même titre que la Société des alcools du Québec, des vins d'appellation simple et d'origine contrôlée importés en vrac au Québec. L'industrie de la distillation était, pour sa part, autorisée à embouteiller des spiritueux importés en vrac à partir du mois de juillet 1985. L'entreprise privée et la Société devenaient, à toutes fins utiles, des concurrents en ce qui touche la fabrication des boissons alcooliques.

Ces modifications devaient amener le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie à assurer le contrôle des opérations des détenteurs de permis industriels, et quelques années plus tard, des permis artisanaux. Le contrôle de la qualité des produits demeurait, pour sa part, à la Société des alcools du Québec. Ainsi, les fonctions de contrôle touchant la fabrication de boissons alcooliques étaient dissociées du contexte institutionnel traditionnel régissant l'ensemble du commerce des boissons alcooliques et étaient confiées à un ministère dont la mission en est une de développement. En effet, le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie est, pour l'essentiel, un

ministère voué au développement des entreprises. Les contacts nombreux et constants que les agents de ce ministère entretiennent avec les entreprises relèvent, dans ce contexte, d'une notion de partenariat économique où la croissance des entreprises et leur marché constituent les objectifs privilégiés par le ministère. L'application auprès des entreprises de mesures de contrôle et d'inspection pouvant donner lieu à la révocation des permis, et donc à la fermeture d'entreprises ouvrait la porte à des conflits potentiels dans l'exercice de ces divers mandats. (4 h 20)

II convient donc, M. le Président, de procéder à un réaménagement administratif des fonctions actuellement exercées par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, en matière de contrôle et d'inspection des activités des détenteurs de permis industriels et artisanaux. Ce réaménagement est justifié essentiellement par la nécessité de confier aux organismes et ministères concernés des responsabilités compatibles avec leurs mandats spécifiques et d'éliminer la dualité des rôles que le ministère est amené à assurer auprès des entreprises de fabrication de boissons alcooliques.

Le réaménagement proposé permet de maintenir et, au besoin, d'intensifier la portée et la nature des contrôles et des inspections déjà effectués auprès des détenteurs de permis, en tenant compte des attentes gouvernementales touchant, notamment, le respect intégral des lois et des règlements régissant la fabrication et le commerce des boissons alcooliques au Québec.

Les mesures proposées touchent à la fois une redéfinition des mandats détenus actuellement par le ministère de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, un élargissement du rôle de la Régie des permis d'alcool du Québec, en ce qui touche la délivrance des permis de fabrication artisanale et industrielle, le contrôle des activités touchant plus particulièrement la fabrication des boissons alcooliques au Québec et, en conséquence, la modification des cadres législatifs et réglementaires régissant ces activités.

Dans ce contexte, M. le Président, il est proposé de modifier la Loi sur la Société des alcools du Québec afin de transférer les dispositions relatives à la délivrance des permis et à l'inspection des détenteurs de permis industriels et artisanaux dans la Loi sur la Régie des permis d'alcool du Québec et de confier l'application de ces dispositions à la Régie des permis d'alcool du Québec. Nous aurons l'occasion, en commission parlementaire, de faire l'analyse du projet de loi, article par article. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. Je crois que le projet de loi qui est devant nous est effectivement et essentiellement sain quant à la façon de gérer l'émission des permis. On évite d'ailleurs, à cet égard, certains éléments qui pourraient mettre en conflit le ministère et la Société qui dépend du ministère, qui a un lien avec le ministre, à tout le moins. Donc, dans ce sens-là, le projet qui est devant nous est intéressant.

Il méritera, cependant, qu'on l'analyse d'une façon un peu plus spécifique en se questionnant sur l'aspect très contrôlant qu'on introduit dans le projet. Il faudra voir si, effectivement, ce sont des règles que l'on retrouve habituellement pour ce type d'interventions auprès des sociétés qui demanderaient des permis et qui voudraient être ainsi reconnues et si les mesures que l'on prévoit pour aller inspecter, par exemple, les fabricants sont soit trop importantes ou pas suffisamment importantes.

Si j'apporte, en fait, ces éléments de commentaires, à ce moment-ci, parce qu'on aura la possibilité de le reprendre au niveau de l'étude du projet article par article, c'est que j'ai pris connaissance, entre autres, d'un document qui a été produit par l'Association des viniculteurs du Québec et qui a été d'ailleurs adressé au ministre au début de juin 1990, dans lequel on fait un certain nombre de commentaires sur le projet qui est devant nous, le projet de loi 56. On mentionne que ces gens auront l'opportunité d'être consultés sur les règlements, mais, et je cite: "La loi fixe un cadre général qui servira de référence dans le futur. Comme nous ne connaissons pas toutes les interprétations de diverses personnes qui pourraient en résulter, nous aimerions que certaines modifications y soient apportées avant son adoption finale par l'Assemblée nationale."

Et ils soulignent un certain nombre de points. Le premier, entre autres, ce sont les sanctions. On parle des intervenants dans le secteur des boissons alcooliques. On parie des catégories d'intervenants, soit les fabricants locaux, les fabricants de l'extérieur du Québec, qui sont généralement représentés par des agents, de même que la Société des alcools, section embouteillage. Et ce qu'on dit ici, c'est que le projet de loi prévoit des mesures beaucoup plus pénalisantes et coûteuses pour les fabricants locaux - et ça, c'est un peu inquiétant - que pour les fournisseurs extérieurs, de même que pour la SAQ. En plus des sanctions prévues devant les tribunaux, de la Cour des sessions de la paix, ils peuvent voir leur permis révoqué. On impose le fardeau de la preuve et ça, ce sont des choses que j'aimerais que l'on puisse fouiller avec le ministre lorsqu'on étudiera le projet de loi en commission parlementaire parce que eux semblent évaluer, et je les cite

encore, "que ceci apparaît anormal dans notre cadre juridique." Je veux dire qu'ils semblent évaluer que les mesures sont disproportionnées quant à la fin recherchée.

Une deuxième critique qui va un petit peu dans le même sens, c'est sous l'angle de l'inspection. J'ai vérifié dans d'autres projets de loi, dans d'autres lois qui existent On dit dans le projet de loi 56 qu'on oblige le fabricant à transmettre à la Régie des permis d'alcool tout registre, livre ou autres documents indiqués par règlement. Bon, évidemment, cette mesure apparaît coûteuse aux yeux de l'Association des viniculteurs et on dit qu'en désignant même le corps policier qui sera chargé d'aller fouiller dans l'entreprise c'est une pratique qui est inhabituelle dans ce type d'industrie. Maintenant, ce n'est pas inhabituel dans nos lois, par exemple; ça, j'ai vérifié, mais peut-être qu'eux font cette remarque par comparaison avec ce qui se passe ailleurs, dans des industries similaires. Mais encore là, je pense que ce sont des questions qui méritent quand même d'être soulevées.

Et enfin, un troisième point où on dit: On ne prévoit pas dans la loi modifiée le pouvoir, par le ministre, d'imposer des mesures correctives comme cela existe présentement. Par contre, on introduit le concept nouveau de l'intérêt public et ça se retrouve à l'article 30, lequel n'est pas défini pour l'émission ou le transfert de permis. L'interprétation que l'on peut en faire nous laisse songeurs. Donc, dans ce sens-là, on aimerait, si cela est possible, qu'on puisse peut-être préciser davantage ou faire référence, du moins, à l'assise évidemment sur laquelle s'appuie cette notion.

Alors, c'est l'Association des viniculteurs du Québec qui a fait un certain nombre de représentations auprès du ministre et qui, j'imagine, pourrait nous inspirer sûrement quelques éclaircissements et peut-être quelques amendements au projet, si c'est nécessaire, pour tenir compte de ses remarques, si celles-ci sont pertinentes. Je n'en juge pas à ce moment-ci. Je les souligne au moment où on va s'engager dans l'étude du projet de loi parce que ça m'apparaît important que les premiers concernés soient quand même aussi ceux que l'on entende ou par lesquels on puisse avoir un certain éclairage.

Je vous dirai, M. le Président, que ça me fait particulièrement plaisir, dans le fond, qu'on adopte, qu'on envisage d'adopter une loi comme celle qui est devant nous quand je constate ce qui s'est passé, et je pense que le ministre va en convenir avec moi, dans un cas qui a été soumis au ministre déjà depuis presque un an bientôt; enfin, pas tout à fait puisque le ministre a été élu comme nous tous à la fin de septembre 1989. Il y a eu un cas de demande de permis qui a été déposée au ministère de l'Industrie et du Commerce de la part d'un industriel qui demeure à Longueuil, mais qui est de la région de La Prairie, je crois, et cet industriel a demandé au mois d'août 1989 l'obtention d'un permis pour continuer à opérer une entreprise qu'il avait acquise suite à une faillite. Et, semble-t-il, tout cela s'est fait dans les normes. Bon, je dis bien: semble-t-il. Je n'ai pas fouillé le dossier, évidemment, sous un autre angle que celui de la demande et de son cheminement chez le ministre et au ministère. et c'est un peu agaçant, pour ne pas dire très agaçant, quand on constate que la demande va être présentée le 22 août 1989 - il s'agit des caveaux sainte-catherine - et là, pendant tous les mois de novembre et de décembre, on va envoyer au bureau du ministre une série de lettres, soit d'avocat, soit de banque, même price waterhouse, soit un autre avocat ici, pour confirmer la capacité de l'entreprise d'assumer cette fonction, surtout la capacité du gestionnaire de l'entreprise. bon, même des conseillers, des firmes d'analystes-conseils, etc. donc, on va écrire à répétition au ministre et aux fonctionnaires et jamais on n'obtiendra de réponse. je l'ai souligné d'ailleurs au ministre au moment de l'étude des crédits. et à partir de février, c'est vraiment directement au cabinet du ministre qu'on va s'adresser. le 15 février, on s'adresse à lui, le 16 février, et là, vraiment, à partir de mars, on a en ligne des téléphones le 15 mars à m. tremblay, à son chef de cabinet. le 16 mars, c'est une lettre de recommandation qu'on envoie. le 28 mars, on écrit au directeur de cabinet du ministre. le 30 mars, on indique qu'on voudrait bien parler au cabinet du ministre. et là, se sont des lettres que j'ai en main. on me dit que ce sont des copies de lettres ou de télégrammes ou de béiinographes que l'on a envoyés au ministre.

Ça, je pense que c'est inacceptable et je l'ai dit au ministre et je le lui répète ici. Et, évidemment, la décision va se solder par le fait que l'on refuse le permis et qu'on dise à la personne: Allez, poursuivez-nous si vous voulez avoir votre permis. C'est un peu inhabituel, on l'admettra, comme procédé. Et, dans le fond, ce que je reproche au ministre, c'est ce que cette loi va corriger. Bien sûr, ce n'est pas au ministère que s'émettront les permis, mais c'est par la Régie qui aura à contrôler, etc. Mais, ce que je reproche au ministre, c'est de ne pas avoir répondu à la personne qui était un peu désespérée et au désarroi, finalement, parce que jamais on ne lui retourne ses appels, jamais on ne lui dit qu'elle va avoir réponse, quand elle va avoir réponse. Ou quand on le lui dit, on lui dit qu'elle va avoir réponse d'ici quelques jours, d'ici quelques semaines, et ça, ça se fait en février, en mars, en avril et la réponse ne va venir qu'en mai.

Je souligne encore une fois et je vais terminer là-dessus, M. le Président, il est très tard et il est très tard pour moi aussi. Nous avons des journées un peu pénibles et un peu lourdes. Je termine en disant que ça n'a pas de sens. N'importe quel citoyen qui s'adresse à un

ministre, qui s'adresse à un membre du gouvernement, qui s'adresse à un député, doit au moins savoir que, oui, sa demande est là et qu'il risque d'y avoir un délai, doit au moins avoir une réaction. Ce n'est pas acceptable. Cet homme-là a investi, a supporté ces investissements-là, qui lui coûtaient évidemment des sous, et il s'est trouvé dans l'insécurité pendant un long moment Peut-être le ministre était-il justifié. Remarquez bien, M. le Président, que je ne vais pas sur le fond, je vais sur la forme. Et je considère que ça n'a aucune espèce de bon sens qu'on traite les gens de cette façon. Alors, nous reprendrons l'étude du projet de loi avec les commentaires qui ont été soulevés par l'Association des viniculteurs, de même qu'un certain nombre de ceux que je mentionnais concernant l'aspect peut-être un peu exigeant des mesures judiciaires ou autres qui sont prévues à la loi, ce que nous aurons l'occasion, de toute façon, de voir à l'étude article par article, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée de Taillon. M. le ministre, pour l'exercice de votre droit de réplique. Donc, puisqu'il n'y a pas d'autres intervenants sur le projet de loi, est-ce que la motion visant à adopter le principe du projet de loi 56, Loi modifiant la Loi sur la Société des alcools du Québec et d'autres dispositions législatives, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Johnson: M. le Président. Je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Cannon): Est-ce que cette motion est adoptée?

Mme Marois: Adopté.

Le Vice-Président (M. Cannon): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour ajourner nos travaux à ce matin, mercredi 20 juin, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Cannon): La séance est levée et les travaux sont ajournés à aujourd'hui, 10 heures.

(Fin de la séance à 4 h 34)

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