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(Treize heures vingt et une minutes)
Le Président: Mmes et MM. les députés, s'il
vous plaît! Nous allons nous recuefllir quelques instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
L'Assemblée entreprend ses travaux en ce mardi 4 septembre 1990.
Je vais immédiatement reconnaître M. le leader du gouvernement en
requérant, s'il vous plaît, la collaboration de l'ensemble des
députés. M. le leader du gouvernement.
Ordre des travaux M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, avant
de procéder aux affaires courantes et avec le consentement de cette
Chambre, vous faire part d'une entente intervenue entre les membres de
l'Assemblée nationale pour déroger à notre
règlement en vue de fixer l'ordre et la procédure des travaux
dans le cadre de la séance extraordinaire convoquée à la
demande du premier ministre. Les travaux se dérouleront dans l'ordre
suivant pour ce mardi 4 septembre 1990.
Aux affaires courantes: déclarations ministérielles, le
cas échéant, mais je vous indique qu'il n'y en aura pas.
Présentation du projet de loi que je déposerai, le projet de loi
90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Dépôt de documents; M. le ministre
délégué aux Affaires autochtones déposera des
documents. Dépôt de rapports de commissions, le cas
échéant. Dépôt de pétitions, si elles sont
conformes aux règlements de l'Assemblée. Interventions portant
sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel, le
cas échéant aussi.
On passera ensuite à la période de questions et de
réponses orales. Votes reportés, ie cas échéant.
Avis touchant les travaux des commissions. Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée nationale. Par la suite, nous aborderons les affaires du
jour, par l'étude du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur
l'avenir politique et constitutionnel du Québec, discussion et adoption
du principe du projet de loi. nous prévoyons un maximum de 180 minutes
d'interventions pour les parlementaires de la majorité, soit le parti
libéral du québec, un maximum de 180 minutes pour l'opposition
officielle à l'assemblée nationale, soit le parti
québécois, et un maximum de 60 minutes pour les
députés indépendants, dont un maximum de 20 minutes pour
l'honorable député d'anjou. et par la suite, la réplique
sur le projet de loi.
En commission plénière, M. le Président, nous avons
prévu...
Le Président: Un instant, M. le leader! Je requiers la
collaboration de l'ensemble des députés. Nous établissons
la procédure sur laquelle l'Assemblée, semble-t-il, donne son
consentement. Il faudrait que chacun écoute attentivement.
Évidemment, ça éviterait de répondre à
certaines questions ultérieurement. M. le leader.
M. Pagé: Merci, M. le Président. En commission
plénière, M. le Président, quoique nous ayons
été informés que certains amendements nous seront soumis,
nous croyons, le leader de l'Opposition et moi, et j'ai la conviction qu'on
peut faire le tout dans un délai de 60 minutes. Nous procéderons
ensuite à la mise aux voix en commission plénière des
articles et des amendements dont la commission n'aurait pas disposé, y
compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi
n'aurait pas pu proposer en cours d'étude. Nous procéderons
ensuite au rapport verbal à vous, M. le Président, pour
procéder à l'adoption en troisième lecture. Et une entente
est intervenue: un représentant du gouvernement, un représentant
de l'Opposition officielle. On prévoit d'ailleurs de dix à quinze
minutes pour chaque intervention. M. le député de D'Arcy-McGee,
un maximum de dix minutes et M. le député d'Anjou, un maximum de
cinq minutes et une réplique, le cas échéant, de la part
d'un membre du gouvernement.
On vous demandera ensuite, M. ie Président, de suspendre la
séance afin de procéder à la sanction du projet de loi.
Nous reviendrons par la suite à l'Assemblée où certaines
motions prévues à l'article 5 de la Loi instituant la Commission
sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec seront
présentées par le premier ministre du Québec. Je
présenterai ensuite une motion d'ajournement de nos travaux.
Je dois vous rappeler qu'il a été convenu que les
dispositions du règlement de l'Assemblée nationale qui concernent
les mesures suivantes ne s'appliqueront pas aujourd'hui, de consentement
unanime: les motions sans préavis sauf celles prévues en vertu de
la loi 90, le cas échéant, les motions de censure, les demandes
de débat d'urgence, de débat de fin de séance, les motions
de scission, les motions de report, les motions d'ajournement du débat
à l'Assemblée ainsi que les motions d'ajournement du débat
et de suspension du débat en commission plénière sauf,
dans tous ces cas, celles que pourraient présenter le leader du
gouvernement, un leader adjoint ou un ministre du gouvernement, ensuite, les
motions proposant l'ajournement de l'Assemblée pour plus de quinze jours
sauf celles que pourraient
présenter le leader du gouvernement, un leader adjoint ou un
ministre.
Je dépose donc, M. le Président, ce document qui
réfère à une entente intervenue entre les membres de
l'Assemblée pour que ça puisse devenir un ordre de cette
Assemblée.
Le Président: Alors, y a-t-il consentement au
dépôt de ce document? Consentement. Donc, le document est
déposé. Y a-t-il maintenant consentement à la
présentation de la motion du leader du gouvernement aux fins de fixer
l'ordre et la procédure de nos travaux en séance extraordinaire
conformément au document déposé? Consentement?
Des voix: Consentement.
Le Président: Consentement. Cette motion est-elle
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Je constate donc que, du
consentement de l'Assemblée et sur la motion du leader du gouvernement,
le document déposé constitue un ordre de l'Assemblée
relativement à l'ordre du jour de la séance extraordinaire pour
ce mardi, 4 septembre 1990, et à la règle de procédure qui
s'appliquera malgré toute disposition du règlement
inconciliable.
Donc, nous allons procéder à nos travaux suivant l'ordre
adopté.
Déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement et
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
Projet de loi 90
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je suis
honoré de déposer le projet de loi 90. Ce projet de loi
crée la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Cette Commission, instituée sous l'autorité de
l'Assemblée nationale, aura pour mandat d'étudier et d'analyser
le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler à
cet égard des recommandations. La Commission pourra, à cette fin,
faire toutes les études et les consultations qu'elle jugera
nécessaires en procédant notamment à la tenue d'audiences
publiques, à l'audition d'experts et à la tenue de forums. Elle
devra faire rapport à l'Assemblée nationale au plus tard le 28
mars 1991.
Ce projet de loi prévoit que la commission sera composée
de 35 membres, dont deux présidents, le premier ministre et le chef de
l'Opposition officielle. En seront également membres d'autres
députés de l'Assemblée nationale, des élus
municipaux, des députés de la Chambre des communes du Canada et
des personnes provenant du milieu des affaires, du milieu syndical, du milieu
des coopératives ainsi que du milieu de l'enseignement ou de la
culture.
Ce projet de loi contient enfin des règles relatives à
l'organisation et au fonctionnement de la Commission, dont l'institution d'un
comité directeur et d'un secrétariat. Voilà.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte
d'être saisie de ce projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur
l'avenir politique et constitutionnel du Québec, présenté
par le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries
et de l'Alimentation? Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Maintenant, nous arrivons au
dépôt de documents. M. le ministre délégué
aux Affaires autochtones.
Ententes signées avec différents
Conseils de bande et nations autochtones depuis 1985
M. Ciaccia: M. le Président, je dépose des ententes
signées par le ministre délégué aux Affaires
autochtones avec les différents Conseils de bande et nations autochtones
depuis 1985.
Le Président: Ces documents sont
déposés.
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions.
Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel. Nous arrivons donc à la
période de questions et réponses orales. Je vais
reconnaître, en première question principale, M. le
député de Labelle. (13 h 30)
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES Discours sur le
budget et TPS provinciale
M. Léonard: M. le Président, le 26 avril dernier,
le ministre des Finances indiquait dans son discours sur le budget qu'il
explorait avec le gouvernement fédéral les solutions de nature
à atténuer les difficultés reliées à
l'application simultanée de la TPS fédérale et de la taxe
de vente québécoise. Compte tenu des déclarations
antérieures faites par le premier ministre du Québec, faites
aussi par le ministre du Revenu qui, incidemment, n'est pas encore ici
aujourd'hui, et par la déclaration elle-même dans le discours sur
le budget, dans laquelle le ministre des Finances exposait les quatre raisons
pour lesquelles il critiquait sévèrement la TPS
fédérale. Tout le monde avait compris que nous aurions d'autres
nouvelles, qu'il n'y avait rien, dans le budget, de concret à ce sujet.
Or, jeudi dernier, le ministre des Finances nous a avoué
que la solution avait été trouvée avant le 26 avril
et qu'elle était au discours sur le budget du 26 avril dernier, puisque
les équilibres financiers des trois prochaines années tenaient
compte de l'impact de l'harmonisation de la taxe québécoise de
vente avec la TPS au fédéral et que des centaines de millions de
dollars de hausses de taxes, particulièrement pour l'année 1991,
avaient ainsi été cachées aux députés et
à la population, à tel point qu'un éditorialiste, en fin
de semaine, a titré: "Québec camoufle sa TPS derrière les
barricades".
En procédant de la sorte, le ministre des Finances n'a-t-il pas
contrevenu, M. le Président, à une exigence fondamentale en
démocratie, à savoir que le discours sur le budget
présente, de façon complète et intégrale, les
décisions du gouvernement sur le plan budgétaire?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, je suis très heureux
qu'on m'ait réversé la première question aujourd'hui.
C'est faire grand honneur à la mesure que nous avons annoncée la
semaine dernière. Ça me permet également d'apporter
certaines précisions qui auraient pu échapper à
quelques-uns. D'abord, au moment du budget, en effet, je n'avais rien à
cacher. J'ai mentionné la problématique. Je l'ai exposée.
J'ai mentionné pourquoi nous avions été contre la TPS
fédérale. Les quatre raisons évoquées par le
député de Labelle, en effet, ont été
avancées. Depuis ce temps-là, nous avons continué à
travailler sur les modalités avec le gouvernement fédéral,
tel que je l'avais mentionné dans mon budget.
S'il y avait, dans le budget, des prévisions qui ont
été connues et largement exposées, s'il y avait de telles
prévisions, c'est que nous étions convaincus que nous pouvions
arriver à une entente avec le gouvernement fédéral. Mais
l'entente n'était pas conclue. Elle vient d'être signée, la
semaine dernière.
Deuxièmement, il était important d'arriver à
régler cette question-là le plus rapidement possible,
étant donné les coûts astronomiques qui étaient ceux
qui auraient dû être absorbés, par exemple, par le domaine
de l'alimentation. On nous avait fait part, par exemple, qu'on devait acheter
incessamment les caisses enregistreuses nécessaires à la
présence de deux systèmes différents de taxes. Dans le
domaine de l'alimentation, 50 000 000 $ de plus, seulement pour 400 magasins.
Alors, il était important d'arriver avec une solution le plus rapidement
possible. C'était impossible au mois d'avril, mais c'était
possible cet été. D'ailleurs, mon collègue, le ministre
par intérim des Finances, a émis un communiqué justement
pour rassurer l'industrie que nous allions pouvoir, dans les prochaines
semaines, arriver avec la solution. Et on dit: Vous êtes arrivé en
même temps que les événements dont il est question. Si ces
événements-là ne s'étaient pas produits et si la
Chambre n'avait pas été appelée, il aurait fallu rappeler
la Chambre ou procéder par communiqué. Or, je trouvais qu'il
était impensable ou du moins difficile à justifier pour un
parlementaire de mon expérience, dit bien humblement, d'arriver avec un
communiqué, alors qu'on arrivait avec une mesure aussi importante. Je
pensais que l'Assemblée nationale devait être la première
informée et j'ai agi selon les meilleures traditions du Québec et
de notre régime parlementaire.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: Le ministre des Finances peut-il nous
indiquer, dans le discours sur le budget et dans les cinq annexes qui
l'accompagnent, où il a indiqué un impact net de 77 000 000 $ en
1990-1991, de 324 000 000 $ en 1991-1992 et de moins 39 000 000 $ en 1992-1993?
Sinon, comment peut-il prétendre qu'il a informé la
population?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: C'est justement le député de Labelle
qui s'est vanté à ce moment-là d'avoir trouvé
lui-même - je ne sais pas s'il l'a fait lui-même ou avec ses
recherchistes - ce qu'il me dit que je n'ai pas annoncé. Je lui rappelle
que pour 1992-1993, ce n'est pas moins 39 000 000 $, mais moins quelque 360 000
000 $. Et je répète encore une fois que, pour les trois
années en question, il y a une perte, il y a un manque à gagner
pour les revenus du gouvernement de 19 000 000 $. Autrement dit, toute cette
question, toute cette mesure est nulle pour les trois premières
années, et par la suite constitue un manque à gagner pour le
gouvernement du Québec. Et ceux qui disent: Voici une nouvelle taxe, eh
bien ils informent mal la population. Il ne s'agit pas de revenus additionnels
pour le gouvernement du Québec! C'est ça qu'on essaie de passer
de l'autre côté. Au contraire, c'est le gouvernement du
Québec qui verra justement ses revenus diminuer, et après 1992,
la diminution est de plus de 300 000 000 $ par année. C'est pourquoi
nous avons dû augmenter l'impôt, non pas sur les individus, non pas
sur les familles, mais pour les entreprises, afin justement de pouvoir apporter
une mesure saine en soi.
Le Président: Toujours en question complémentaire,
M. le député de Labelle.
M. Léonard: Comment le ministre des Finances peut-il
penser que dans la déclaration ministérielle de la semaine
dernière, il peut abuser la population du Québec en mettant
côte à côte les effets de la TPS ainsi qu'une
décision annoncée d'avance qu'il va indexer, ce qu'il aurait fait
de toute façon, pour tenter de
camoufler qu'il va chercher dans les poches des contribuables, en 1991,
au moins 401 000 000 $ de plus?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: Je m'aperçois que ceux qui applaudissent
n'étaient pas ici, une partie au moins d'entre eux, au moment où
l'ancien gouvernement n'indexait pas, passait par-dessus certaines
années. Et la surprise affectée du chef de l'Opposition me fait
sourire! M. le Président, qu'est-ce qui est arrivé en 1979, alors
que le taux d'inflation était de 8,9 %? Indexation par le Parti
québécois: zéro, zéro, M. le Président!
Quand, par exemple, en 1982, l'inflation était à 12,5 %, qu'elle
était l'indexation? 7,5 %. En 1985, l'année où on a pris
le pouvoir, qu'est-ce que ces amis d'en face avaient fait avec une inflation de
4,3 %? Zéro d'indexation! Il est bien normal, M. le Président,
qu'aujourd'hui je puisse évidemment rassurer la population qu'on n'agira
pas comme ça, qu'on va protéger le pouvoir d'achat, contrairement
à nos prédécesseurs. Et c'est pourquoi j'ai annoncé
immédiatement l'indexation à 4,5 %, parce que l'inflation
prévue est de 4,5 %.
Des voix: Bravo!
Le Président: Toujours en complémentaire, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, le ministre des
Finances peut-il nous assurer aujourd'hui - compte tenu de l'importance de la
question et qu'il s'agit, en quelque sorte, d'une nouvelle taxe imposée
aux Québécois - qu'il devrait convoquer ou faire convoquer
l'Assemblée nationale plutôt que d'aller se cacher dans un
débat strictement réservé à une commission
parlementaire?
Le Président: M. le ministre des Finances.
M. Levesque: M. le Président, les derniers propos du
député de Labelle me laissent songeur. Ces gens-là qui
nous demandent tous les jours, ou presque, une commission parlementaire...
Une voix: Bien oui, il va y en avoir une! (13 h 40)
M. Levesque: ...est-ce qu'ils veulent se cacher? Parce que c'est
apparemment une place pour se cacher, une commission parlementaire,
d'après eux, d'après les derniers propos tenus par le
député de Labelle. Une place pour se cacher? Pourquoi
demande-t-on continuellement des commissions parlementaires de l'autre
côté? Nous allons avoir une commission parlementaire jeudi et j'ai
hâte d'avoir cette commission-là, M. le Président, afin de
confondre ces gens-là dans leur dernier retranchement, pour employer un
mot à la mode!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Levesque: M. le Président, je le répète,
il était important d'agir; il était urgent d'agir. S'il est
arrivé que la Chambre a été convoquée pour d'autres
fins, je me suis empressé de venir à la Chambre annoncer nos
intentions et c'était la première occasion que j'avais de le
faire à l'Assemblée nationale. S'il n'y avait pas eu une telle
convocation, nous aurions eu un problème, un problème
sérieux que j'ai évoqué tout à l'heure.
Procéder par communiqué, à mon sens, ça ne pouvait
pas se défendre sur le plan parlementaire, et convoquer
l'Assemblée nationale, j'aurais peut-être été
accusé d'avoir convoqué l'Assemblée nationale pour une
raison pas suffisamment fondée, etc.
Dans les circonstances, M. le Président, soyez assuré de
ma bonne foi!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: En question principale, M. le leader de
l'Opposition et député de Joliette.
Fuite de Warriors avec leur armement
M. Chevrette: M. le Président, les médias
d'information nous apprenaient, en fin de semaine dernière, que bon
nombre de Warriors avaient profité des derniers jours pour fuir la
région avec leur armement. On a même signalé l'existence
d'un véritable pont aérien organisé à l'aide de
petits avions qui auraient pu aller et venir en toute impunité.
L'armée soutient, de son côté, qu'il ne relevait pas de son
mandat d'intercepter les Warriors échappant ainsi à la justice,
mais qu'elle a, en contrepartie, avisé les autorités civiles.
J'aimerais donc savoir dans un premier temps, du ministre responsable de
la Sécurité publique, s'il est exact que le gouvernement
était au courant du va-et-vient des derniers jours.
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: M. le Président, à savoir si le
gouvernement était au courant du va-et-vient des vols aériens le
28 août dernier, les Forces armées canadiennes ont rapporté
une quinzaine d'atterrissages et de décollages entre 20 h 15 et 21 h 30
sur la route, à l'intérieur de la réserve de Kahnawake. La
piste d'atterrissage était aménagée sur la route reliant
les routes 132 et 207, à sept kilomètres des barricades des
Forces armées. Ces vols effectués à très basse
altitude n'ont pas été repérés par la tour de
contrôle de Dorval ni par celle de Saint-Hubert. Il s'agissait de quatre
ou cinq petits appareils qui ne peuvent
pas transporter une grosse charge. Les Forces armées canadiennes
n'ont malheureusement pas pu entamer la chasse. Le mauvais temps a interrompu
toute activité aérienne peu après 21 h 30 et leur
destination n'a pas pu être déterminée.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Elkas: II est faux de croire que des Warriors ou leurs armes
aient pu quitter la réserve. La quantité d'armes trouvées
hier en est la preuve.
Le Président: Alors, en question complémentaire, M.
le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je comprends cette
réponse tout à fait écrite, mais je voudrais reprendre ma
question. L'année dit qu'elle n'avait pas le mandat. Est-ce vrai ou
faux? Elle dit qu'elle vous a avertis, qu'elle a averti les deux paliers de
gouvernement. Est-ce vrai ou faux? Quelle décision avez-vous prise
dès que vous l'avez su?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: m. le président, à l'intérieur des
75 minutes où le va-et-vient s'est fait, l'armée a fait rapport
au commandement, c'est-à-dire à saint-hubert et à
longue-pointe. ces gens-là nous ont informés; on a suivi par une
enquête. on a des informations concernant les va-et-vient et qui les a
faits.
Le Président: En complémentaire, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, comment se fait-il que le
chef de cabinet du ministre, lui qui a l'air plus loquace, puisse affirmer
qu'il a bel et bien été averti du va-et-vient, puisse affirmer
qu'il aurait même pu y avoir des poursuites par des chasseurs de
l'armée? Comment se fait-il qu'il n'y a pas eu de décision de
prise? Est-ce qu'il sait qu'il est le ministre de la Sécurité
publique?
Le Président: M. le ministre.
M. Elkas: Je demanderais un peu plus de sérieux au
député. Le tout a été fait à
l'intérieur de 75 minutes. Est-ce que je dois le répéter?
On a été avertis des faits après.
Le Président: En complémentaire, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre, de
son siège, peut nous dire qu'il n'y a aucune arme de sortie, aucune
saisie d'armes qui a été faite à partir de ça?
Est-ce qu'il peut nous dire où sont les Warriors? Est-ce qu'ils ont
échappé à la justice québécoise pour
toujours? Comment voit-il son rôle de ministre responsable? Comment
peut-il expliquer à cette Chambre pourquoi ne pas être intervenu
immédiatement, dès qu'il l'a su par l'armée? Comment se
fait-il qu'il a pu refuser à l'armée de lui donner un tel mandat,
M. le Président?
Le Président: M. le ministre.
M. Elkas: M. le Président, on n'a jamais refusé un
tel mandat à l'armée. Je veux simplement répéter ce
que je viens de dire. C'est qu'il y a eu enquête immédiatement
après qu'on a su que les vols ont été faits, à
l'intérieur de 75 minutes. Je demande au député: Qu'est-ce
que les gens pouvaient faire? Faire des interceptions?
Le Président: En complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre, qui
a fait appel à l'armée canadienne, qui a été
informé par l'armée canadienne... Est-ce que l'armée ment
ou les dirigeants de l'armée mentent quand ils disent qu'ils n'avaient
pas le mandat d'intercepter ni les armes ni les Warriors? Est-ce que le
ministre est en train de nous dire que ce sont les commandants de
l'armée qui mentent alors qu'il les avait avisés? Comment se
fait-il qu'il n'a pas donné le mandat exprès d'intercepter pour
que ces gens-là puissent faire face à la justice puisque le
ministre de la Justice dit pompeusement que tout le monde est égal
devant la justice?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique. (13 h 50)
M. Elkas: M. le Président, quelle meilleure preuve
avons-nous, après les événements d'hier, qu'on est
intéressés? Le mandat à l'armée était
d'assurer la sécurité des gens de l'endroit et ils ont fait des
saisies d'armes avec la Sûreté du Québec pour faire les
preuves!
Le Président: En question additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais savoir si le
ministre, au moment où on se parle, connaît la quantité
d'armes qui sont sorties par le pont aérien. Est-ce qu'il sait combien
il y a de Warriors qui sont sortis du Québec et qui échappent
présentement à la justice? Comment se fait-il que le ministre,
avec le premier ministre, ait dit qu'il n'était pas question d'assurer
d'amnistie de quelque nature que ce soit, et qu'il arrive ce matin en disant:
75 minutes, on s'est encore fait avoir? Est-ce ça qu'on a comme
ministre? C'est quoi fondamentalement le mandat que vous avez donné
à l'armée si l'armée nous dit qu'elle n'avait pas le
mandat?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je répondrai au
leader parlementaire puisqu'il m'a impliqué: le chef de
l'état-major a dit à plusieurs reprises que son mandat
était de démanteler les barricades d'abord - ce qui a
été fait - et de restaurer l'ordre public. On a vu hier que
l'armée, avec la Sûreté du Québec, a
procédé à une saisie d'armes et à des arrestations.
Alors, je ne vois pas en quoi le leader parlementaire de l'Opposition peut
conclure que l'armée ou la Sûreté n'essaie pas par tous les
moyens possibles, en tenant compte de la situation, de trouver les coupables et
de faire les saisies qui sont nécessaires. La priorité,
c'était le démantèlement des barricades. Je dis au leader
parlementaire de l'Opposition que le gouvernement a demandé à
l'armée d'intervenir et que j'ai demandé à l'armée
de rester sur les lieux et l'armée restera sur les lieux tant que
l'ordre public n'aura pas été rétabli.
Le Président: Une dernière question additionnelle,
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, du train où vont les
choses, il n'y aura plus grand-chose à arrêter. Je voudrais savoir
qui a le mandat exprès: Est-ce l'armée? Est-ce la GRC? Est-ce la
Sûreté du Québec? Qui a le mandat, pour que justice soit
égale pour tous, d'arrêter les Warriors et pour permettre de les
traduire en justice? Qui a le mandat exprès? Pas des mandats 75 minutes
après les faits! Qui a les mandats dans les faits
immédiatement?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: M. le Président, l'armée a un mandat
d'arrestation. Lorsque les personnes seront arrêtées, elles seront
transmises à la Sûreté du Québec; la
Sûreté du Québec a des mandats d'arrestation; lorsqu'elle
les arrête, elle les interroge. La GRC a aussi des mandats
d'arrestation.
Le Président: Une toute dernière additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, comment expliquer alors, si
l'armée avait un mandat, qu'elle peut avoir laissé quitter le
Québec à des dizaines de personnes et qu'elle ait laissé
transporter des armes si elle avait eu le mandat? Ces mêmes
gens-là viennent nous dire - on n'a pas à douter de leur bonne
foi - qu'ils n'avaient pas le mandat. Qui ment dans cette histoire, M. le
Président?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: M. le Président, à savoir si les Warriors
ont sorti avec des armes, je n'étais pas là, je n'étais
pas à l'intérieur de l'avion, je ne peux pas le savoir. Est-ce
que vous avez des preuves qu'il y a eu du va-et-vient avec des Warriors? Vous
n'en avez pas.
M. Chevrette: Vous n'allez toujours pas croire qu'ils
faisaient...
Le Président: Un instant, un instant! Des
voix:...
Le Président: une prochaine question principale,
maintenant, à m. le député... s'il vous plaît!
question principale, m. le député de jonquière.
Confiance accordée aux membres de la
Sûreté du Québec
M. Dufour: Merci, M. le Président. Selon
différentes déclarations, tant du côté du ministre
de la Sécurité publique que du côté des
représentants des autochtones, des policiers du Québec et des
Forces armées canadiennes, on laisse entrevoir que la
Sûreté du Québec n'aurait pas l'autorité et les
compétences nécessaires pour assurer le maintien de la paix
à Oka au lendemain du retrait complet de l'armée. La semaine
dernière, le ministre de la Sécurité publique a
évoqué la possibilité de mettre sur pied une garde
nationale québécoise. De son côté, le commandant
Foster des Forces mobiles canadiennes, estimant que sa mission était
terminée et déclarait, hier, qu'il fallait trouver un concept
acceptable pour toutes les parties afin de faire respecter la loi. Enfin, le
chef de l'Assemblée des premières nations, M. Georges Erasmus,
propose de mettre sur pied une force mixte constituée d'agents de la
Gendarmerie et d'autochtones.
Le ministre de la Sécurité publique peut-il nous dire s'il
fait encore confiance aux membres de la Sûreté du Québec
dans la poursuite de leur travail?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: M. le Président, il me semble que je l'ai
démontré à plusieurs occasions, lorsque j'ai eu
l'opportunité de défendre les positions de la Sûreté
du Québec, j'ai démontré que j'avais entièrement
confiance en eux. Aujourd'hui, on fait face à une situation où
des autochtones montent une espèce de propagande contre la
Sûreté du Québec, nous accusent de toutes sortes de belles
choses. S'ils ont vraiment une crainte, si on est des malins, des Bonshommes
Sept
Heures puis tout ce que vous voulez, on peut simplement vous dire qu'on
est prêts à accepter que d'autres forces policières se
joignent à nous pour assurer le maintien de la paix et de l'ordre
après la crise.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Le ministre nous dit qu'il a confiance et,
après, il nous dit qu'il est prêt à mettre d'autres
personnes avec la Sûreté du Québec. Est-ce que vous avez
l'intention - et je pense que oui - de céder aux pressions et de retirer
la Sûreté du Québec d'Oka et de Châ-teauguay?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: Aucune, M. le Président, je n'ai aucune
intention de retirer la Sûreté du Québec. C'est son mandat
d'assurer la surveillance du territoire de l'ensemble de la province de
Québec. Ma mémoire me dit que le territoire d'Oka, le territoire
de Kanesatake, la réserve de Kahnawake sont à l'intérieur
de la province de Québec. Simplement, je veux réitérer que
le mandat de la Sûreté du Québec, c'est la surveillance de
ces territoires-là, et elle ne lâchera pas.
Le Président: En complémentaire.
M. Dufour: Est-ce que le ministre, puisqu'il a encore confiance
en la Sûreté du Québec, selon son témoignage, peut
dissiper les doutes de la population concernant la déclaration du
président de l'Association des policiers provinciaux du Québec,
M. Jocelyn Turcotte, à savoir que le pouvoir politique a
neutralisé le pouvoir policier, que le mandat d'arrêter les
auteurs de crimes est remis en cause, que le service de renseignements savait
depuis longtemps que des armes illégales se trouvaient sur le territoire
mohawk? Est-ce que le ministre peut dissiper ces doutes-là?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: M. le Président, je comprends les
inquiétudes du président, M. Turcotte, et les déclarations
qu'il a faites. À savoir si on était au courant qu'il y avait des
caches d'armes à l'intérieur des territoires, vous étiez
autant au courant que moi parce que j'ai entendu dire qu'en 1984 il y avait des
pêcheurs dans la région du lac Saint-Louis qui s'étaient
fait tirer dessus par les mêmes autochtones avec des armes semblables
à celles auxquelles on fait face. À savoir s'il y avait des
caches d'armes, on était au courant qu'il y avait des armes; à
savoir la quantité d'armes, on n'était pas au courant du volume
d'armes qui étaient sur place.
Le Président: Question complémentaire, M. le
député de Jonquière.
M. Dufour: Ma question, M. le Président, était de
savoir: Est-ce qu'il y a eu ingérence politique durant
l'opération de la Sûreté du Québec à Oka et
à Châteauguay?
M. Elkas: Jamais, M. le Président. M. Gendron:
Question additionnelle.
Le Président: Question additionnelle, M. le leader adjoint
de l'Opposition.
M. Gendron: Comment le ministre de la Sécurité
publique peut-il dire qu'il a confiance en la Sûreté du
Québec alors qu'on sait que des voitures, des autos-patrouilles de la
Sûreté du Québec ont été lapidées de
pierres et de toutes sortes de choses par des Warriors et que ces
gens-là puissent annoncer à toute la population qu'aucune
arrestation n'a eu lieu. Comment pouvez-vous expliquer ça? Pensez-vous
que si, moi, je lapidais des autos-patrouilles, il y aurait une arrestation ou
il n'y en aurait pas? La question: Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'arrestation
dans des cas précis comme ça où des autos-patrouilles ont
été lapidées par des Warriors? Pourquoi n'y a-t-il pas eu
d'arrestation?
Le Président: Alors, M. le ministre de la
Sécurité publique.
M. Elkas: J'aimerais donc... Je ne sais pas, M. le
Président, où était le député pendant la
crise, s'il arrive d'une autre planète. Ce n'est pas les
véhicules des...
Une voix:...
M. Elkas: Ce n'est pas les véhicules... Si on fait
référence à ce qui s'est passé sur le pont à
ville de LaSalle, ce n'est pas des véhicules de la Sûreté
du Québec qui ont été...
Des voix:...
M. Gendron: Est-ce que le...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Or, il y
a une personne qui pose la question. Je reconnais le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Gendron: ...ministre de la Sécurité publique,
qui prétend qu'il a encore le titre et la fonction, n'est pas en mesure
aujourd'hui de dire à cette Chambre et aux citoyens du Québec
qu'il ne sait pas à quoi je fais référence et qu'il me
ramène au pont à ville de LaSalle? Ce n'est pas de ça que
je vous parie. Hier, il y a de vos
autos-patrouilles de la Sûreté du Québec qui ont
été lapidées par des Warriors et des gens de la
Sûreté du Québec ont affirmé à la population
du Québec qu'ils n'avaient procédé à aucune
arrestation. Qu'est-ce qui vous manque pour procéder à une
arrestation dans ces cas-là?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Elkas: Le député a été un peu plus
clair, on peut répondre à sa question. La question se pose
concernant les incidents de Akwesasne et non sur ce qui s'est passé
à ville de LaSalle. Il est vrai, il est vrai que la SQ a
été attaquée d'une façon où les... Si vous
connaissez d'ailleurs le territoire de Saint-Régis, c'est un petit
territoire. Il y a eu des assauts sur des véhicules de la
Sûreté du Québec. Les gens se sont retirés sur leur
côté, aux US. On a fait rapport aux "State troupers" et eux vont
procéder à des enquêtes. Nous aussi, nous allons faire nos
propres enquêtes.
M. Holden: Question additionnelle, M. le Président.
Le Président: En question additionnelle, M. le
député de Westmount.
M. Holden: M. le Président, pourquoi le gouvernement ne
veut-il pas faire une enquête judiciaire sur les actions et les
agissements de la Sûreté du Québec?
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: II y a toutes sortes d'affirmations qui ont
été faites depuis quelques semaines et je crois qu'il est normal,
il est logique que le gouvernement vérifie d'abord ces affirmations.
Dans la plupart des cas, les affirmations se sont révélées
complètement sans fondement. Alors, nous allons prendre connaissance des
faits et nous aviserons par la suite. Il y a un travail de
désinformation qui s'est fait. Je ne blâme pas les médias,
mais il y a eu plusieurs affirmations qui ont été faites sur la
Sûreté du Québec par des dirigeants Mohawks, qui, par la
suite, n'avaient aucun fondement. Vérifions les faits et prenons les
mesures en conséquence par la suite.
Le Président: Question principale, M. le chef de
l'Opposition.
Questions au premier ministre inspirées par la
crise autochtone
M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer là
où le premier ministre vient de quitter. Nous avons connu une crise
très grave. Elle semble, à Kahnawake et à Oka, se
terminer. Et là, je pense, nous devons reconnaître le rôle
assez remarquable de l'armée pour amener une solution immédiate
de cette crise. Nous aurions tort de ne pas le reconnaître. Mais
maintenant, puisque c'est le seul jour où cette Assemblée
nationale, semble-t-il, va siéger avant le milieu d'octobre, il faut
demander à un gouvernement, qui accepte un peu trop facilement d'aller
de crise en crise, qu'est-ce qu'il va faire maintenant. Où est-ce qu'on
va à partir de là? La crise a l'air de vouloir se terminer et
sans effusion de sang, grâce au ciel, enfin, au cours des derniers
jours...
Des voix: Ah, ah!
(14 heures)
M. Parizeau:... sauf ce caporal de la Sûreté qui a
été tué, sauf cette soixantaine de blessés, mais
enfin, on semble voir le bout de cette crise-là. Mais là, je dois
demander au gouvernement: Et alors, vous attendez la suivante? Qu'est-ce qu'on
fait? Et à cet égard, j'aurais quelques questions au premier
ministre. La première, commençons par la Sûreté du
Québec. La Sûreté du Québec a été
placée dans une situation extraordinairement difficile pendant toute
cette période-là et en commençant par le 11 juillet Le 11
juillet, à la suite de l'assaut qu'elle a donné aux barricades et
de son retrait, le gouvernement, le ministre de la Sécurité
publique et le premier ministre ont dit: Nous n'étions pas au courant.
Nous n'étions pas au courant.
Il y a eu ensuite cette question de la Sûreté du
Québec face aux manifestants de Châteauguay et, finalement, il y a
eu la question de ville de LaSalle.
Le Président: Votre question, M. le chef de
l'Opposition.
M. Parizeau: Première question à l'égard de
la Sûreté du Québec. Est-ce que le premier ministre va
s'engager à faire faire une enquête sur tout ce qui s'est
passé à l'égard de la Sûreté du Québec
depuis le 11 juillet? Certaines affirmations sont incroyables comme celle
disant que le gouvernement n'était pas dans le coup. Est-ce qu'une
enquête va se faire quant à la Sûreté, tout ce qui a
entouré l'action de la Sûreté depuis le 11 juillet pour la
réhabilitation de la Sûreté dans notre
société, et Dieu sait si c'est important? Ça peut
être essentiel.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je crois avoir
répondu, en partie à tout le moins, à la question du chef
de l'Opposition. Pour l'avenir, là, je signale au passage que depuis le
1er septembre un code de déontologie s'applique sur les abus qui
pourraient être faits. Pour ce qui a trait au passé, je dis au
chef de l'Opposition que nous avons eu plusieurs représentations,
notamment de
certains dirigeants mohawks, sur des agissements de la
Sûreté du Québec. Encore ce matin. Nous avons
vérifié immédiatement. C'était complètement
faux. Je suis d'accord avec lui qu'il faut que la Sûreté du
Québec, étant donné ses fonctions de maintenir l'ordre
public, inspire confiance à la population. Donc, il est dans
l'intérêt de tous que la transparence soit la plus grande
possible. Mais je dis au chef de l'Opposition: II est normal d'accumuler les
faits, ceux qui sont vrais, et, par la suite, de prendre des décisions
qui vont dans le sens de l'intérêt du gouvernement du
Québec, de la population du Québec et de la Sûreté
du Québec.
Le Président: En question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Deuxième question, M. le Président.
Puisque, semble-t-il, l'essentiel des armes des Warriors, de cet arsenal dont
le Commissaire de la police de l'État de New York disait qu'il
était plus important que l'arsenal de la police de New York, semble
maintenant être quelque part, en tout cas, en dehors de Kah-nawake et
d'Oka - probablement Akwesasne, j'imagine - puisque l'essentiel des Warriors a
maintenant échappé à l'armée et se trouve,
j'imagine, du côté d'Akwesasne, puisque, donc, toutes les
conditions sont réalisées pour que l'arsenal et les hommes se
retrouvant ailleurs, on puisse peut-être recommencer le bingo - dans tous
les sens du terme - que nous avons connu depuis quelque temps, est-ce que le
premier ministre a l'intention, avec le gouvernement canadien, le gouvernement
de l'Ontario et le gouvernement des États-Unis, de déterminer une
marche à suivre quant à ce qui peut recommencer à
Akwesasne?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai répondu la semaine dernière que
ce n'est pas un problème qui date de deux ans ou de trois ans.
D'ailleurs, c'est reconnu par tous que c'est un problème qui date de
décennies ou même de siècles et que, là, il y a eu
cette explosion que nous connaissons au Québec mais qui est
également arrivée, comme on le sait, aux Etats-Unis il y a une
dizaine d'années et dans d'autres provinces du Canada. Nous ne sommes
pas, à cet égard, un cas isolé. J'ai dit la semaine
dernière au chef de l'Opposition que dans le cas d'Akwesasne il y avait
quatre juridictions qui essayaient de travailler d'une façon
concertée: la Sûreté du Québec, celle de l'Ontario,
la GRC et la garde nationale de l'État de New York. Quatre juridictions
et, au Québec, nous travaillons en concertation avec la GRC et
l'armée canadienne.
Le travail de l'armée, je l'ai dit tantôt et je le
répète au chef de l'Opposition, n'est pas terminé. J'ai
demandé au chef de l'état-major hier même que je voulais
que l'armée reste présente aux endroits stratégiques dans
la région de Châteauguay, dans la région d'Oka,
jusqu'à ce que l'ordre public soit pleinement rétabli. Et on a vu
hier que des actions ont été faites par la Sûreté du
Québec en concertation avec l'armée canadienne. Mais sans dire
que la crise est tout à fait terminée, admettons au moins que
nous avons pu réussir, avec la collaboration de la Sûreté,
de l'armée canadienne et de la GRC, le démantèlement des
barricades avec un minimum de violence et que ceci, je puis dire, a
exigé un énorme sang-froid de la part du gouvernement du
Québec, étant donné les circonstances. Mais on doit
admettre qu'aujourd'hui nous constatons le démantèlement des
barricades avec un minimum de violence.
Le Président: En question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, je reviendrai sur une
troisième question mais additionnelle à la réponse que le
premier ministre vient de me donner.
Puisque l'armée, la Gendarmerie royale, la Sûreté du
Québec et le gouvernement du Québec n'ont rien vu des avions qui
partaient en 75 minutes, est-ce qu'à l'autre bout, à Akwesasne,
ils se sont assurés que le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement
canadien, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement de
l'État de New York avaient vu arriver les avions? Est-ce qu'ils se
parlent, ces gens-là, des quatre juridictions, M. le
Président?
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le ministre de la
Sécurité publique a répondu tantôt au leader
parlementaire que ces avions avaient volé à très basse
altitude et ne pouvaient être décelés par les radars; ils
se trouvaient dans un territoire qui n'était pas occupé par
l'armée canadienne.
Cela étant dit, j'ai moi-même demandé,
personnellement, au chef de l'état-major, le général de
Chastelain, de faire enquête, ce qui était quand même
déjà fait. L'armée canadienne, en concertation avec la GRC
et avec la Sûreté du Québec, poursuit son enquête sur
cette situation, sur cet incident. Je pense que l'armée canadienne a
elle-même dit qu'à cause de la basse altitude, elle ne pouvait,
les radars ne pouvaient pas les déceler, mais l'enquête se
poursuit. Et le travail se poursuit, comme on l'a constaté, encore une
fois hier. Des arrestations ont été faites. Le Procureur
général, il y a quelques jours, a mentionné que plusieurs
arrestations avaient été faites, que d'autres seraient faites et
que nous procédons selon l'échéancier que nous
connaissons. Nos objectifs étaient le démantèlement des
barricades; à toutes fins pratiques, c'est accompli. Restaurer
l'ordre
public est également un objectif fondamental pour le gouvernement
du Québec et il sera appliqué comme tel par le gouvernement.
Le Président: En question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Finalement - troisième question, M. le
Président - nous espérons tous que la crise s'achève.
J'aimerais demander au gouvernement, enfin au premier ministre, dans ces
conditions, où est-ce que vous allez à partir d'ici? Qu'est-ce
que vous allez faire? J'imagine que vous n'attendrez pas la prochaine crise, la
réapparition d'un groupe de Warriors quelque part. Le gouvernement, je
l'espère et je le lui demande, doit avoir une idée de la
façon dont il va répondre aux demandes des Mohawks comme d'autres
groupes autochtones au Québec. Comment avez-vous l'intention de
procéder? On ne peut pas simplement reporter à plus tard en
disant: la prochaine crise.
Le Président: M. le chef de l'Opposition...
M. Parizeau: Est-ce que vous allez nous présenter un livre
blanc? Non, ce sont des questions, M. le Président... Est-ce que vous
allez nous présenter un livre blanc nous indiquant la position du
gouvernement quant aux réclamations des autochtones? Allez-vous
convoquer une commission à cet égard-là? Qu'est-ce que
vous allez faire? À partir du principe qu'il faut nous renseigner, il
faut nous dire: Nous sortons d'une crise, mais nous voulons savoir où ce
gouvernement s'en va. (14 h 10)
Le Président: M. le chef de l'Opposition...
M. Parizeau: Est-ce qu'il y aura une enquête à
l'égard de la Sûreté? On nous dit: On ne sait pas encore.
Est-ce qu'il y a des tractations au sujet d'Akwesasne entre les autres
juridictions et nous? On ne le sait pas. Alors, est-ce que je pourrais demander
au premier ministre: Et quant aux réclamations des autochtones,
qu'est-ce que vous faites? Allez-vous nous dire, et à la population du
Québec, comment vous avez l'intention de traiter ça?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le rôle du chef de
l'Opposition est bien facile devant un problème aussi complexe. Et je
voudrais répondre au chef de l'Opposition d'abord que je n'ai pas dit
qu'il n'y aura pas d'enquête. J'ai dit qu'on doit commencer par le
commencement et voir les faits d'abord, ceux qui sont vrais et ceux qui sont
faux. Je pense qu'il va de soi. Dans le cas de la collaboration, elle existe,
la collaboration. Il y a eu plusieurs rencontres déjà entre les
Américains, le gouvernement canadien, le gouver- nement de l'Ontario et
le gouvernement du Québec. Je répète que c'est un
problème qui date depuis longtemps.
Maintenant, il dit: Qu'est-ce que vous allez offrir aux interlocuteurs
autochtones? Il faut savoir qui sont les interlocuteurs autochtones. Je pense
que je n'apprends rien au chef de l'Opposition sur les divergences qui existent
parmi les Mohawks et qui se remplacent les uns à la suite des autres
avec des points de vue différents. Ça ne facilite pas la solution
du problème. J'espère que le chef de l'Opposition s'en rend
compte. Nous avons fait nos preuves. Nous avons été l'un des
premiers gouvernements à signer une entente dans les années
soixante-dix. Nous avons offert le gouvernement autonome, là aussi, l'un
des premiers gouvernements à offrir et à signer des ententes pour
un gouvernement autonome. Nous sommes prêts à poser d'autres
gestes, mais nous voulons connaître les vrais interlocuteurs de la
communauté autochtone. Et je dois vous dire que ce n'est pas la chose la
plus facile.
Le Président: En question principale, M. le leader de
l'Opposition.
Dommages subis par les propriétaires de la
région d'Oka
M. Chevrette: Oui, M. le Président. À partir du
principe que la justice doit être égale pour tous, j'aimerais
savoir, M. le Président, si le ministre de la Justice a l'intention de
confier à quelqu'un qu'il pourrait peut-être nous identifier
l'enquête très sérieuse sur tous les dommages subis par les
propriétaires dans la région d'Oka et ailleurs, dans leurs
propres biens fonciers. Est-ce que ce sera la population du Québec qui
aura à payer pour ces dégâts ou si justice sera farte
contre les vrais criminels?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, il y a
peut-être deux volets dans la question du leader de l'Opposition. Dans un
premier temps, en ce qui regarde le respect de la loi, j'ai toujours dit, au
lendemain même des événements du 11 juillet, qu'on ferait
respecter la loi et c'est ce que nous allons faire.
Il ne s'agit pas de faire de vendetta, M. le Président, il ne
s'agit pas de faire de répression, mais la loi doit s'appliquer d'un
côté comme de l'autre des barricades. J'ai des informations ici de
plusieurs arrestations qui ont été faites. Je ne donnerai pas les
chiffres, je n'ai pas à le faire, je ne dirai pas qui non plus, et vous
comprenez très bien pourquoi, mais je peux vous assurer que la justice
est appliquée d'un côté comme de l'autre des barricades en
fonction des gens qui ont enfreint la loi, et c'est ce que nous allons
continuer à faire. Avant de parier de commission
d'enquête, avant de parier d'autres interventions ou de quoi que
ce soit, nous sommes dans une situation où la loi a été
non respectée à plusieurs égards et, par
conséquent, nous allons faire respecter la loi. C'est le premier
volet.
Le deuxième volet, M. le Président, il s'agit des actions
d'ordre privé qui peuvent être prises par des citoyens qui ont eu
des dommages et qui peuvent identifier la personne qui a causé ces
dommages. Si on peut relier le dommage à la personne qui a causé
le dommage, il y a une action en justice, nos tribunaux sont là et je
peux vous assurer que le système judiciaire est là,
équitable et juste pour tout le monde, et il va s'appliquer.
Le Président: Une question additionnelle, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, les citoyens qui ont
été chassés de chez eux vont avoir de la difficulté
à identifier les saccageurs. Est-ce que le ministre a l'intention, comme
il a les pouvoirs de le faire, de constituer, de confier une enquête
spécifique à quelqu'un de compétent? Comment pourra-t-il
poursuivre des saccageurs qui sont déjà partis à cause des
75 minutes du ministre de la Sécurité publique? Comment va-t-il
faire pour trouver les véritables responsables et pour faire en sorte
que ce soit les responsables qui paient et non l'ensemble des payeurs de taxes
québécois? C'est ça, ma question précise.
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, à entendre
parler le chef de l'Opposition - excusez-moi, le leader de l'Opposition, non
pas le chef, excusez-moi, le leader de l'Opposition - on aurait l'impression
qu'il a toutes les choses sous contrôle et qu'il connaît
déjà tous les coupables. Tout ce que je peux vous dire, M. le
Président, c'est que, pour ma part, comme Procureur
général, il y a une présomption d'innocence qui va
s'appliquer dans ce cas-là comme dans tous les autres cas et, quand j'ai
les preuves devant moi, je poursuis. en ce qui regarde le citoyen, le citoyen
peut prendre action devant les tribunaux dans la mesure où il peut
identifier qu'il y a quelqu'un qui a fait des dommages à sa
propriété. il va prendre action pour réparer les dommages.
dans ce cas-là, m. le président, au niveau du ministère de
la sécurité publique, on m'informe qu'il y a un programme d'aide
financière qui, actuellement, est décrété. or, dans
ce cas-là, il peut y avoir de l'aide qui est apportée à
des citoyens qui ont subi des dommages par un acte criminel mais qui ne peuvent
pas identifier le coupable comme tel. alors, c'est deux choses
différentes: l'aide que l'état peut apporter à des
victimes d'acte criminel et, d'autre part, des actions qui peuvent être
prises au civil parce que quelqu'un, un propriétaire ou qui que ce soit,
a subi des dommages à sa propriété, qu'il peut identifier
la personne qui a fait les dommages et, par conséquent, il peut prendre
procédure devant nos tribunaux.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de votes reportés.
Avis touchant les travaux des commissions
Aux avis touchant les travaux des commissions. J'ai un avis à
vous transmettre. Je vous avise que cet après-midi, dès
après la période des affaires courantes jusqu'à 18 heures,
la commission de l'aménagement et des équipements se
réunira à salle Louis-Hippolyte-Lafontaine afin de
procéder à la vérification des engagements financiers du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pour les mois
d'octobre 1989 à mai 1990 inclusivement, pour le volet chasse et
pêche et les mois de décembre 1989 à mai 1990
inclusivement, pour le volet loisir.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.
M. Pagé: M. le Président...
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: ...si vous me permettez, je voudrais indiquer aux
membres de cette Chambre, parce qu'on se le demande très certainement,
qu'il est très probable que nous ayons à voter en deuxième
lecture sur le projet de loi qui sera appelé dans quelques minutes entre
20 heures et 21 heures ce soir, comme aussi il est probable qu'un autre vote
soit appelé vers 22 heures, 22 heures 30.
Le Président: Alors, cela met fin à la
période des affaires courantes.
Projet de loi 90 Adoption du principe
Maintenant aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement et
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose
maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 90, Loi instituant
la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Alors, en sollicitant évidemment la collaboration de l'ensemble des
députés. J'invite ceux qui ont à quitter à le faire
immédiatement.
Très bien. Nous allons, dès maintenant, procéder
à cette étape de l'adoption du principe du projet de loi 90 et je
vais reconnaître, comme
premier intervenant, M. le leader du gouvernement et ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Michel Pagé
M. Pagé: Merci, M. le Président. L'honorable
lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en
recommande d'ailleurs l'étude à l'Assemblée. (14 h 20)
M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté que je
présente, au nom du gouvernement, au nom de mes collègues,
députés de l'Assemblée nationale, particulièrement
au nom de mes collègues de notre groupe parlementaire et au nom de mes
collègues du Conseil des ministres, le projet de loi 90, Loi instituant
la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Cette journée de séance extraordinaire de
l'Assemblée nationale, cette journée que nous vivons tous ici, se
veut très particulière et, même si j'ai toujours une
utilisation très limitée et très restreinte du terme
"historique", peut-être que, plus tard, on ne sait quand, cette
séance de l'Assemblée, on y référera comme
étant un point qui, possiblement, aura été
déterminant à l'égard de notre avenir. Journée
particulière, séance particulière parce que cette
séance s'inscrit dans les moments forts et l'étude de ce projet
de loi s'inscrit dans les moments forts du Québec et de ses
institutions. En sa qualité de législateur, chaque parlementaire
est aujourd'hui saisi de la proposition du gouvernement: créer la
commission susceptible de tracer notre avenir politique et constitutionnel.
Au-delà des dispositions législatives que nous
étudierons dans les six ou sept heures qui nous sont allouées,
c'est plusieurs décennies de la remarquable évolution du
Québec qui nous donnent et qui nous convient à ce rendez-vous
stratégique. Cette rencontre avec nous-mêmes à travers ce
qui nous rassemble et nous différencie a quelque chose de quand
même très enthousiasmant, de très motivant. Cette rencontre
avec nous-mêmes, elle se profile aussi pendant que notre analyse
individuelle, comme personne, comme Québécois, et notre analyse
collective n'ont pas fini de disséquer et d'analyser les-signaux du
refus de l'accord du lac Meech le 23 juin dernier, alors que le 20 mai 1980,
les Québécois et les Québécoises faisaient
majoritairement un acte de foi dans le Canada.
M. le Président, suite au 23 juin dernier, chacun des membres de
l'Assemblée, j'en suis persuadé, a profité de cette
intersession pour maintenir et même accentuer les contacts avec nos
concitoyens et nos concitoyennes.
J'ai visité de nombreuses régions au Québec, entre
autres comme ministre de l'Agriculture et aussi comme ministre des
Pêcheries. J'ai senti, M. le Président, et c'est ma perception
person- nelle, que la très très grande majorité des
Québécois, et non seulement les francophones, mais aussi les
anglophones et les membres des communautés culturelles, qu'ils soient de
différentes origines, d'origine anglaise, d'origine irlandaise,
d'origine écossaise, italienne, juive, grecque, hollandaise, asiatique,
antillaise, la très grande majorité de ces femmes et de ces
hommes ont été ébranlés, surpris et
déçus de l'échec de l'accord. Ces femmes et ces hommes
sont nés au Québec ou, encore, ils ont choisi d'y vivre,
animés par le même objectif que nous: Bâtir et
façonner le Québec. Aujourd'hui, ces gens se cherchent,
s'interrogent, se questionnent de façon tout à fait
légitime. Ils sont conscients que notre statut politique est à
redéfinir, à repenser. Canada, Québec, quelle est la place
de l'un par rapport à l'autre? Y a-t-il encore une place pour les deux?
Et surtout, qu'arrivera-t-il à compter de maintenant?
L'étude de ce projet de loi que nous amorçons aujourd'hui
est certainement le moment privilégié pour les
Québécois et les Québécoises de revoir ensemble
comment et en quoi le Québec est devenu une société
véritablement distincte du Canada. Et, pour bien saisir cette dimension
d'un Québec, société distincte, on doit reculer de
quelques générations, on doit voir et se référer au
Québec d'hier, plus particulièrement à celui d'avant 1960
et c'est, entre autres, ce que je me suis apprêté à faire
comme ministre d'un gouvernement, plus particulièrement auprès de
collègues ou d'homologues d'autres provinces qui, il faut le
reconnaître, M. le Président, ces bonnes gens ne saisissent pas
toute la sensibilité, toute cette identification d'un Québec qui
est maintenant, et on doit le dire, on doit l'affirmer, qui est
véritablement distinct du reste du Canada. J'ai vu des ministres de
l'Agriculture d'autres provinces qui s'expliquaient mal certaines
revendications du Québec, et on doit reconnaître, en raison des
circonstances, notamment, une méconnaissance très importante du
Québec et de ses institutions. On doit se rappeler le Québec
d'hier pour bien saisir et bien comprendre le Québec d'aujourd'hui. Le
Québec d'hier est à l'image de toutes les terres
d'Amérique. Le Canada et le Québec ont toujours symbolisé
la liberté, le Nouveau Monde, le pays qui offre toutes les
promesses.
Le Canada s'est bâti avec les efforts, l'engagement et la
persévérance des deux peuples fondateurs, francophone et
anglophone, qui ont recherché une certaine forme d'unité tout en
reconnaissant leur diversité culturelle, notamment. Tous les Canadiens
doivent reconnaître que le Québec a largement contribué
à faire le Canada, bien au-delà de sa signature apposée au
pacte confédératif de 1867. Je peux vous dire, sans aucune fausse
modestie, et on peut poser la question: À quoi aurait ressemblé
le Canada sans le Québec? Dans ce Québec d'avant 1960, la
société québécoise s'est elle-même
développée par
son travail, son acharnement à travailler dur, à
travailler fort, sa volonté inébranlable de donner la vie
à ces immenses territoires que sont les régions du Québec
aujourd'hui.
Les Québécois ont su maîtriser le sol, le faire
produire et donner vie et développer le monde rural. Ces mêmes
Québécois et Québécoises d'avant 1960, ils auront
contribué notamment par leur capital humain au développement
industriel du Québec, qui a eu à faire face à des
mutations. Parallèlement à tous ces efforts, il faut constater
qu'avant 1960, c'est la communauté anglophone qui détenait le
contrôle du capital, les leviers économiques dans le Québec
d'hier. Les secteurs névralgiques, la clé du développement
économique appartenaient notamment à du capital
propriété d'anglophones.
Qu'on se réfère aux entreprises de pâtes et papiers,
à la sidérurgie avant 1960, à l'électricité,
à l'aluminium, aux banques, aux compagnies d'assurances, aux grandes
compagnies de construction, au génie, etc., c'était la
propriété de capital anglophone. C'était là
l'économie québécoise au début des annés
cinquante, un Québec où la voix du capital était
anglophone pendant qu'une majorité francophone besognait, industrieuse
et fondamentalement catholique pratiquante. Le sort du capital anglophone avait
comme écho le catholicisme ardent de la majorité francophone.
Le Québec d'aujourd'hui a vécu sa période
charnière, une période qui sera très certainement
identifiée comme étant parmi les plus cruciales de l'avenir du
Québec. Cette période, elle s'inspire du tremplin de la
Révolution tranquille. Avec les années soixante, avec
l'arrivée à Québec, ici même à
l'Assemblée nationale, d'un nouveau gouvernement qui remplaçait
le gouvernement précédent qui avait siégé du
côté droit de votre fauteuil pendant quelques décennies,
c'est l'émulsion, c'est tous les espoirs qui sont permis, c'est
l'explosion d'idées, d'aspirations, c'est une mutation profonde qui
s'amorce dans notre société. C'a été, dans le
domaine de l'éducation, le rapport Parent, on se rappelle. C'a
été la démocratisation de l'enseignement. (14 h 30)
D'ailleurs, je suis persuadé, parlant tout au moins pour moi, que
n'eût été cette mutation importante d'un accès plus
démocratique à l'enseignement, moi, je ne serais pas ici en tout
cas et plusieurs de mes collègues, parce qu'on donne l'image et nous
sommes un Parlement qui est relativement jeune, j'en suis persuadé,
plusieurs de mes collègues ne seraient pas ici aujourd'hui pour
représenter nos honorables citoyens.
Même chose dans le domaine économique. Collectivement,
à partir de 1960, les Québécois se sont donné des
outils de développement, des outils de développement structurant.
Qu'il me suffise de référer à la Caisse de
dépôt et placement qui a des actifs de 37 500 000 000 $
aujourd'hui, la Régie des rentes avec 14 000 000 000 $. la SGF,
Société générale de financement, d'autres
sociétés d'État qui, dans chacun de nos ministères
respectifs à vocation économique, jouent des rôles de
premier plan pour le développement et le renforcement de
l'économie au Québec. Même mutation au niveau politique
pour accélérer la modernisation du Québec et tenir compte
de ses aspirations. Le gouvernement Lesage et ses successeurs livrent bataille
pour obtenir une plus grande autonomie fiscale. Le Québec exige du
gouvernement fédéral l'obtention de points d'impôt Sur tous
ces plans, le Québec se distingue. Le Québec émerge comme
une société forte et surtout une société qui est
résolue et qui veut maîtriser l'ensemble des leviers de son
développement non seulement au niveau économique mais au niveau
social et au niveau culturel.
C'est formidable les défis qui ont été
relevés au début de cette décennie. Qu'il me suffise de
référer aux services sociaux, à l'éducation, aux
communications, à nos politiques en matière d'immigration, aux
affaires culturelles, à l'agriculture, un secteur que j'ai le
privilège de représenter et qui a vécu des mutations
profondes. On s'est doté d'une fonction publique progressive, dynamique,
compétente.
Les années soixante constituent donc un grand tournant dans le
secteur de la santé et des services sociaux. Cet élan se poursuit
au-delà des années soixante-dix. Après la Loi sur le
régime de rentes, la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur l'aide
sociale, l'instauration d'un régime québécois
d'allocations familiales, l'ensemble du système de santé du
Québec s'organise autour de la création du ministère des
Affaires sociales en 1970 et je me rappelle plus particulièrement, comme
étudiant, la loi 65 qui, à l'époque, avait
été adoptée, ici, à l'Assemblée nationale,
présentée par M. Claude Castonguay. Tous ces importants
changements s'effectuent dans la foulée des travaux de la commission
Castonguay.
Parallèlement à sa lancée en matière de
santé et de services sociaux, le Québec a consacré des
efforts gigantesques, a pris les bouchées doubles, a pris les
bouchées triples en matière d'éducation, d'enseignement et
de formation. Sur la base du rapport Parent, le système
d'éducation subit une fulgurante transformation basée sur un
concept: l'accès à l'éducation, la démocratisation
de l'enseignement au Québec. La Révolution tranquille a ouvert
les portes des universités, a créé les cégeps et
aura permis à cette jeune génération de
Québécois de l'époque et d'aujourd'hui d'accéder
à l'éducation. Dans cette foulée, le Québec a fait
valoir sa compétence constitutionnelle en matière
d'éducation et a dénoncé le pouvoir de dépenser du
gouvernement fédéral.
Au fur et à mesure qu'il se construit, le Québec moderne
prend conscience de son im-
mense potentiel et de son rôle particulier dans la
Fédération canadienne. Conscient de son visage majoritairement
francophone, il développe des liens avec la francophonie internationale
pendant cette période, déploie et met en place un réseau
de délégations à l'étranger - 28 points de
référence du Québec autour du monde - témoigne de
son leadership en organisant et en étant très actif au sein de la
communauté francophone internationale. Ça a été,
pendant ces périodes, une prise de conscience par les parlementaires -
et non seulement par les parlementaires mais aussi par l'ensemble des
Québécois - de l'obligation que nous avions de mieux
maîtriser nos leviers, entre autres au niveau des communications, parce
que pour nous, ici, les parlementaires québécois, la clé
de l'épanouissement au Québec réside dans sa croissance
économique mais aussi - et ça va de soi - cet
épanouissement réfère à notre culture, nos
communications entre autres. Ces deux secteurs ont été rapidement
identifiés comme étant des enjeux majeurs pour la consolidation
et la promotion du caractère propre du Québec. Dès 1961,
M. Lapalme devient le premier titulaire du ministère des Affaires
culturelles. Cette année, nous célébrons le 20e
anniversaire du ministère des Communications. Si on a dû
créer ces deux ministères, entre autres en 1961 et en 1970, c'est
parce que le Québec se devait, pour assurer sa promotion, sa
sécurité culturelle, d'intervenir dans ce sens-là. Je
comprends que des collègues à moi du Manitoba, de l'Alberta ou de
Terre-Neuve n'ont pas eu à vivre ces mutations, n'ont pas eu à se
prémunir face aux objectifs recherchés par une population, par
une province, ils n'ont pas eu à se prémunir par l'adoption de
dispositions législatives comme celles créant différents
ministères.
Au chapitre des communications, c'a été particulier. Le
Québec doit également livrer bataille. La juridiction
constitutionnelle en matière de câblodistribution, les pouvoirs de
la Régie québécoise des services publics sont devenus de
grands enjeux. Le Québec veut assurer sa responsabilité et sa
continuité d'intervention. J'étais jeune parlementaire ici, en
1973-1974, quand ces débats se sont posés à
l'intérieur du Canada, et particulièrement pour nous, au
Québec, qui étions spécifiquement touchés,
affectés quand ces débats ont eu cours ici, à
l'Assemblée nationale. Cette position québécoise a
été revendiquée par tous les ministères, tous les
ministres des Communications, que ce soit M. L'Allier de 1970 à 1975, M.
Hardy, M. O'Neill, M. Vaugeois, M. Richard, M. Bertrand, M. French, M. Dutil.
Encore aujourd'hui, dans un domaine aussi sensible, pour une
collectivité comme la nôtre, que sont les communications, notre
collègue, la ministre des Communications, doit veiller aux
intérêts du Québec, alors qu'en septembre 1989 le
gouvernement fédéral annonçait une nouvelle politique des
télécommunica- tions basée sur une centralisation presque
totale au niveau des pouvoirs réglementaires.
Ce problème ne se pose pas avec la même acuité
ailleurs et c'est ce qu'il faut faire ressortir en appui à cette
affirmation d'un Québec société distincte. Cette
identité propre au Québec, particulièrement au niveau
culturel, a conduit à l'adoption de législations qui nous sont
spécifiques. Le plus bel exemple qui doit susciter la fierté pour
l'ensemble des Québécois, c'est la loi sur le statut de l'artiste
au Québec. On se doit de saluer et de souligner l'adoption et la
présentation de ce projet de loi par ma collègue, Mme la
vice-première ministre et députée de Chomedey, qui a
parrainé cette loi. Il faut d'ailleurs souligner, quand on parie de
société québécoise qui est bien
particulière, qui est bien distincte du reste du Canada, il faut
souligner - je veux en profiter, aujourd'hui, pour saluer l'apport
considérable des créateurs du Québec qui ont
contribué et qui contribuent à l'essor et au rayonnement
international de la société québécoise et ce, dans
l'ensemble des secteurs de la création: la chanson, la peinture, la
musique, la poésie, la danse, la mode, la sculpture, le cinéma,
l'architecture.
L'immigration et les positions adoptées, les lois adoptées
par l'Assemblée nationale du Québec, des lois qui n'ont pas
d'analogie dans d'autres provinces. Parce que le problème ne se posait
pas dans ces autres provinces, on a dû adopter ici tout un cadre
législatif. On a dû supporter, par des mesures budgétaires,
des politiques, des programmes, etc. Et, encore là, 1968 aura
marqué la création du ministère de l'Immigration. À
ce jour, le Québec est la seule province au Canada où un tel
ministère, structuré comme il l'est chez nous, comme il l'est
ici, existe dans notre forme, ici. Les revendications du Québec en
matière d'immigration visaient et visent à obtenir de nouveaux
pouvoirs. Ces revendications ont débouché sur des ententes
administratives avec le gouvernement fédéral. La plus
récente de ces ententes a donné lieu à l'entente
Cullen-Couture, conclue en 1978, et a donné au Québec le pouvoir
de sélectionner les immigrants à l'étranger. (14 h 40)
Le moment est très bien choisi aujourd'hui pour saluer les
ministres qui ont eu à assumer ces responsabilités depuis 1968,
qui ont travaillé avec détermination, avec ferveur, pour
s'assurer que là aussi, comme dans d'autres secteurs, le Québec
puisse mieux maîtriser ces leviers, un levier combien important qu'est
celui de l'immigration.
Le Québec, au cours de ces années, a vécu des
mutations importantes, dans le domaine de l'agriculture, notamment. Notre
agriculture, qui est passée d'une agriculture avec comme objectif
l'autosuffisance à la ferme, une agriculture qu'on peut qualifier
aujourd'hui de quasi artisanale à l'époque, est devenue une
véritable agriculture
industrielle. Juridiction partagée entre le
gouvernement canadien et les provinces. Mais, encore là, le
Québec aura tracé la voie. Le Québec aura assumé sa
définition d'une agriculture de façon très
particulière. Il y a seulement au Québec qu'on a, exemple
concret, un cadre législatif pour le syndicalisme agricole au Canada.
C'est au Québec qu'on a dit oui, immédiatement, à des
mesures de discipline pour souscrire à des structures de mise en
marché et de contrôle de l'offre, ce qui aura contribué
à sécuriser les revenus de nos agriculteurs et de nos
agricultrices. Je me réfère ici à toute la notion des
plans conjoints où on a adhéré immédiatement et
où, aujourd'hui, certaines provinces canadiennes regrettent,
évidemment, de ne pas s'être inscrites, à ce
moment-là, dans cette démarche, dans cette foulée.
Le Québec, en agriculture, est distinct par ses
programmes. Le programme de stabilisation du revenu, c'est peut-être le
plus bel exemple à donner. En 1974, ici même à
l'Assemblée nationale, on a adopté une loi permettant au
Québec d'offrir à nos agriculteurs des programmes de
stabilisation de leur revenu basés sur les coûts de production,
des régimes contributors où l'agriculteur paie pour le tiers et
le gouvernement pour les deux tiers. Peu de temps après, voyant la
performance, le résultat net positif, le caractère
éminemment structurant pour l'agriculture québécoise, le
gouvernement canadien a adopté une loi analogue. Mais on aura dû
assumer - pendant quoi? - pendant 14 ans, 15 ans, une situation où le
gouvernement canadien, par la voix de ses ministres de l'Agriculture, nous
disait essentiellement ceci: Vous autres, au Québec, vous avez vos
propres régimes. Abolissez vos régimes et, quand vos
régimes seront abolis, vous viendrez participer aux nôtres. Il
nous aura fallu 15 ans. Position de M. Whelan, ministre de l'Agriculture du
cabinet de M. Trudeau, M. Wise du premier cabinet de M. Clark, M. Wise,
deuxième mandat comme ministre avec M. Mulroney. Il nous aura fallu
plaider, défendre, soutenir, démontrer, argumenter, pour en
arriver à l'équité et à la justice, en maintenant
intégralement nos régimes.
Même chose au niveau des programmes de financement
agricole qui font l'envie des autres provinces. Mais ils sont tous unanimes
à reconnaître que cette spécificité des programmes
agricoles au Québec donne des résultats. À preuve, la
seule province où le revenu net était positif en agriculture au
Canada, l'an dernier, c'était au Québec. Il ne faut pas se
surprendre qu'aujourd'hui les autres provinces canadiennes aient adapté,
il y a quelques mois, des régimes d'assurance-récolte
correspondant exactement à ce qu'on s'était donné ici au
Québec avec M. Lesage qui avait lancé l'assurance-récolte
sous le thème "On veille au grain" en 1964-1965.
Je me référais tout à l'heure à
la fonction publique et je veux souligner et saluer la contribution
évidemment importante, pendant cette période de mutation majeure,
d'une fonction publique, de femmes et d'hommes qui ont accepté de
travailler pour le gouvernement du Québec, pour l'État
québécois, d'une équipe de femmes et d'hommes pleinement
associés aux nombreux défis qu'on a relevés ensemble comme
collectivité.
Le Québec moderne, le Québec d'aujourd'hui,
c'est, en termes économiques, en outre, la capitale institutionnelle des
organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux. On doit reconnaître
que, la aussi, on a fait un bout de chemin formidable comme
société et comme communauté. Qu'il me suffise de me
référer au fait qu'il y a trois ans les exportations
internationales du Québec franchissaient le cap des 20 000 000 000 $. Le
Québec exporte majoritairement aux États-Unis mais
développe également des marchés en Europe, en Asie, autour
de la planète, somme toute.
Sur ce plan aussi, les entreprises
québécoises sont agressives. En 1988 seulement, le Québec
a augmenté ses exportations vers le Japon de 32 %. Fondamentalement,
pour des motifs économiques aussi, le Québec a, depuis 50 ans,
une délégation du Québec à New York et, depuis 28
ans, une délégation du Québec à Londres.
Si on recule à la fin des années cinquante et
qu'on compare aujourd'hui notre performance collective, on doit être
fiers d'entreprises comme le mouvement Desjardins qui a des actifs de 42 000
000 000 $, Hydro-Québec: 33 000 000 000 $; nos entreprises dans le
domaine de l'alimentation qui appartiennent à des
Québécois dont les actifs vont bien au-delà des 2 000 000
000 $ ou 3 000 000 000 $. Des entreprises comme Cascades,
Québécor, Tembec, Pomerieau, Lavalin, SNC, on pourrait s'y
référer. On pourrait aussi donner des exemples concrets,
visibles, dans chacune des régions du Québec parce que
l'économie et la vitalité économique du Québec, ce
n'est pas uniquement ces grandes entreprises, c'est aussi un tissu très
bien tricoté, si je peux utiliser le terme, de petites et de moyennes
entreprises au niveau de chacune de nos régions, qui constitue en
quelque sorte le poumon économique de ces régions. Cette
performance extraordinaire, depuis 1960 notamment, a résulté, a
débouché sur une situation où on doit le proclamer avec
fierté: Les Québécoises et les Québécois ont
maintenant confiance dans leurs moyens, dans leur capacité de faire. Les
connaissances n'ont plus de frontières; avec tous ces systèmes,
avec tous ces services qu'on s'est donnés chez nous, nous sommes
capables de faire face aux défis les plus audacieux comme
collectivité.
Si l'histoire récente des 30 dernières
années met en relief le fulgurant développement du Québec,
qui en a consacré à maints égards son caractère
distinct, elle est aussi parsemée d'événements et de
périodes qui sont, pour ainsi
dire, des relais dans le cheminement politique du Québec.
Souvenons-nous du slogan "Maîtres chez nous", de M. Jean Lesage, un grand
premier ministre. Derrière cette promotion, cette publicité,
cette identification, l'objectif était clair: remplacer les subventions
fédérales conditionnelles par des arrangements de partage fiscal
qui réduisaient la dépendance du Québec vis-à-vis
d'Ottawa. De plus, une autre revendication du Québec touchait
l'augmentation de sa part des recettes fiscales provenant de l'impôt sur
le revenu personnel, celui des sociétés et ceux des droits
successoraux. Plus tard, sous le vocable "Égalité ou
indépendance", le premier ministre Johnson réclamait aussi la
part du Québec sur les impôts directs perçus par Ottawa,
les revenus des individus, des sociétés et sur les droits
successoraux.
La position du Québec recherchait deux objectifs à
l'époque: reconnaissance politique et juridique de la nation
canadienne-française et maîtrise d'oeuvre en matière
d'éducation, de sécurité sociale, d'économie, de
culture et, également, au niveau des relations du Québec avec
certains pays et organismes internationaux.
Ce double objectif ne pouvait toutefois pas être atteint sans la
fin des programmes à frais partagés et l'élaboration d'un
nouveau régime fiscal. Qu'on se rappelle les négociations de
Victoria en 1971. Le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa,
marqua son désaccord vis-à-vis de la proposition du gouvernement
fédéral à cause, notamment, de la position d'Ottawa en
matière de sécurité du revenu. Inévitablement,
l'arrivée du premier ministre Trudeau et sa vision très
centralisatrice du Canada s'inscrivaient à rencontre des revendications
québécoises qui luttaient contre l'uniformité des
politiques fédérales. (14 h 50)
L'accord du lac Meech, conclu en 1987 avec l'assentiment de tous les
premiers ministres, comportait des conditions minimales qu'exigeait le
Québec pour réintégrer le pacte confédéral
de 1982 parce qu'on n'y était pas en 1982, M. le Président. Je
voudrais ici profiter de cette opportunité pour saluer et souligner tout
le capital humain d'investi, toute la foi donnée dans cette
démarche par le premier ministre du Québec et par mon
collègue le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et
ministre de la Justice qui ont travaillé fort, qui ont besogné
dur, comme celles et ceux qui ont bâti le Québec pour en arriver
à cette entente. Une entente qui prévoyait la reconnaissance du
Québec comme société distincte, qui prévoyait
l'accroissement des pouvoirs du Québec en matière d'immigration,
ce qui est tout à fait légitime, qui prévoyait la
participation du Québec à la nomination des juges à la
Cour suprême, qui prévoyait aussi le droit de retrait d'un
programme fédéral avec compensation financière, le droit
de veto sur tout amendement constitutionnel qui affecte la structure du
fédéralisme canadien. Maintenant que Meech n'a pu être
ratifié, le Québec est le seul maître de ses
décisions.
Je me rappelle très bien, au dernier conseil
général, mes collègues députés et ministres
étaient tous questionnés à l'entrée du conseil, les
journalistes nous demandaient: Qu'est-ce qui va arriver si Meech échoue
en juin prochain? J'avais dit à l'époque: La solution ne devra
venir que du Québec. Les journalistes se sont demandé ce que
ça voulait dire. Nous y sommes aujourd'hui. Même si le premier
ministre du Canada, M. Mulroney a affirmé, le 29 juillet 1990, et je
cite: "Pas question pour moi, comme Québécois et Canadien, de
rester tranquillement assis chez moi pendant qu'une commission parlementaire
québécoise tentera de définir une nouvelle
Fédération". Et somme toute, ce que ça disait et ce que de
nombreux députés, membres du groupe parlementaire de M. Mulroney,
disaient, c'est que ce n'était pas au Québec de dicter l'avenir
du Canada. Mais une chose qui est certaine en ce qui me concerne comme
député de l'Assemblée nationale, le Québec n'a
jamais eu la prétention de vouloir définir l'avenir du Canada,
mais en contrepartie, toutefois, ce n'est pas le Canada qui va venir
définir l'avenir du Québec, parce que l'avenir, le statut
politique, le statut constitutionnel du Québec de demain - et on
l'enclenche ce processus aujourd'hui qui est une seule étape de ce
processus, j'en conviens - cet avenir se bâtira par les
Québécois et par les Québécoises.
Le projet de loi 90 que je propose pour adoption aujourd'hui
prévoit l'institution d'une commission avec un cadre bien
détaillé de fonctionnement auquel je reviendrai, mais aussi le
dépôt de ce projet de loi, M. le Président, interpelle en
même temps tous et chacun et chacune des citoyens et citoyennes du
Québec à s'inscrire dans cette démarche de
réflexion, d'analyse, d'étude.
J'invite entre autres les Québécois à suivre de
très près les échanges qui auront cours autour de cette
table de la commission parlementaire, de la commission extraordinaire qui est
créée par cette loi. Les gens de chacune des régions
doivent se sentir directement concernés, touchés par les travaux
de cette commission extraordinaire. Ce projet de loi, en fait, interpelle
l'ensemble des citoyens. Il interpelle aussi tous les groupes, les associations
qui interviennent quotidiennement dans leur milieu: Quel Québec
voulez-vous? Quel Québec êtes-vous prêts à
bâtir? Les femmes du Québec devront faire porter leur voix en
référence à leur perception du Québec de demain,
les entreprises, les entreprises coopératives, les syndicats, les
chambres de commerce, les groupes plus particulièrement impliqués
dans le développement régional ou dans des secteurs bien
particuliers comme le secteur des pêcheries où, là aussi,
il y a toute une dynamique à l'intérieur du Canada, mais on a
une
industrie des pêches qui est importante au Québec. Ces gens
directement concernés devront venir nous dire, dire aux membres de la
Commission comment ils entrevoient la réalisation de leurs objectifs
dans le cadre de ce processus de révision, de consultation.
Le projet de loi 90 propose une commission qui doit analyser et
étudier le statut politique et constitutionnel et, par la suite, faire
des recommandations. Le projet de loi prévoit évidemment des
consultations. De ce fait, le projet de loi 90 - et je suis fier, comme leader
du gouvernement et comme celui qui a le privilège de présenter
cette loi, de voir l'unanimité qui se fera autour de ce projet de loi -
traduit la volonté ferme du québec de décider seul,
à compter de maintenant, de son avenir. pour assurer le maximum
d'efficacité et d'accessibilité aux travaux de la commission, le
projet de loi prévoit que des consultations se tiendront sous trois
formes: des audiences publiques, des auditions d'experts qui viendront informer
les membres de cette commission de leur perception, de leur position sur
certains problèmes ou dans certains secteurs, et des forums sur des
aspects particuliers.
Je voudrais vous indiquer, M. le Président, que des amendements
seront apportés, entre autres, en ce qui concerne une demande qui a
été formulée par le parti d'Opposition du nom de Parti
Égalité qui nous a demandé que son chef, M. le
député de D'Arcy-McGee, puisse être membre de la Commission
sans droit de vote. C'était là la demande. J'ai eu une
réaction première, et je pourrai y revenir dans le cadre du
comité plénier, où je m'interrogeais à savoir
comment l'Assemblée nationale pouvait, dans le cadre de la
création d'une commission extraordinaire, nommer des membres de
l'Assemblée nationale comme membres de cette Commission et que le
député de D'Arcy-McGee demande d'être membre sans droit de
vote. Nous aurons l'occasion d'en discuter d'ici quelques heures. Une chose est
certaine, ça sera beaucoup de monde - on le verra tout à l'heure
- des parlementaires d'ici, des parlementaires qui siègent à
ottawa, des gens des entreprises, des syndicats, des coopératives, du
monde de l'éducation, de la culture.
Dans cet esprit et cette volonté d'accessibilité à
la Commission, je crois personnellement, comme leader, que les exécutifs
des grands regroupements, syndicats, entreprises, devront manifester le souci
de la plus grande sensibilité possible envers chacun de leurs membres.
Il en va de la crédibilité de toute la démarche,
c'est-à-dire la capacité qu'auront les personnes qui
siégeront comme représentants de tel ou tel autre secteur sur
cette Commission de vraiment aller au coeur même, aux racines de leur
organisme pour être en mesure de faire valoir, de prendre des positions
qui transpireront réellement l'opinion des membres de ces
organismes.
En conclusion, M. le Président, je dois vous dire que le 23 juin
- on a ajourné nos travaux le 22 - notre groupe parlementaire, notre
groupe politique s'est réuni en caucus; je dois reconnaître que la
totalité des députés de notre groupe étaient
chagrinés, déçus et inquiets; je pense que je peux dire
que chacun des membres avait mal à son pays le 23 juin dernier.
Personnellement, j'avais mal à mon pays le 23 juin dernier, comme suite
de l'échec de cet accord dans lequel nous avions fondé tellement
d'espoir, tellement de confiance. Cependant, on doit retenir que, devant le non
de certaines provinces à l'accord du lac Meech, autant aujourd'hui nous
abordons la question de l'avenir du Québec avec confiance, avec
sérénité, aussi avec lucidité parce que nous sommes
conscients que, comme le disait le premier ministre, ça ne sera jamais
plus pareil, ça ne sera plus jamais comme avant, au Canada, en termes de
rapports politiques. (15 heures)
Cependant, nous devrons toujours avoir à l'esprit que nous serons
toujours là au Québec et que, eux aussi, au Canada, ils seront
toujours là. Quel que soit le résultat de nos travaux, des
recommandations ou du suivi qui en sera donné, notre lien
géographique fera que l'on devra conserver des liens économiques
avec tous nos voisins d'est en ouest. C'est un processus qui est amorcé
aujourd'hui qui nous conduira à un dépôt d'un rapport ici
à l'Assemblée nationale au plus tard le 28 mars 1991, qui
entraînera très certainement une prise en considération de
rapport pendant un certain nombre d'heures où le sujet sera
discuté, traité ici sur le parquet de l'Assemblée.
Je dois dire, et je m'en voudrais, que je regrette, personnellement, que
l'Opposition officielle ait déjà indiqué que le rapport
serait minoritaire. Et, mon cher collègue, le leader de l'Opposition,
semble en douter. Tant mieux si ce n'est pas le cas parce que c'est un
processus éminemment démocratique, important de consultation
qu'on amorce et qu'on enclenche aujourd'hui. L'idéal commanderait,
ça va de soi, que la prise en considération du rapport de cette
Commission débouche sur autant d'unanimité à
l'Assemblée nationale.
En ce qui nous concerne, de ce côté-ci de la Chambre, M. le
Président, nous amorçons une étape cruciale avec, comme
les autres parlementaires, comme les Québécois, notre coeur,
notre raison, mais la meilleure garantie pour cheminer à travers cette
étape cruciale, c'est l'expérience et les réalisations
concrètes, en ce qui nous concerne, de notre premier ministre, M. Robert
Bourassa, qui a toujours défendu les intérêts
supérieurs du Québec. Large expérience. On peut y
référer brièvement: secrétaire de la commission
Bélanger, à l'époque, sur la fiscalité; jeune
parlementaire ici même, si je me rappelle bien, assis au fauteuil de Mme
la députée de Marie-Victorin, entre 1966 et 1970 au tout
début;
responsable et critique de questions économiques, qui a toujours
suivi le dossier constitutionnel du Québec et des revendications du
Québec de très près; premier ministre de 1970 à
1976 qui a su marquer cette décennie au niveau du développement
économique, du développement social, etc., les grandes
réformes. Après 1976, notre chef a étudié les
formes nouvelles de structures politiques, notamment en Europe, et a
travaillé avec ténacité et avec force pour obtenir cet
accord du lac Meech.
J'ai confiance, comme leader parlementaire du gouvernement ici, que le
leadership, l'autorité, les connaissances, l'expérience et la
force de notre chef seront une contribution éminemment
déterminante à l'avenir du Québec. Je suis convaincu
personnellement que l'agressivité et l'amertume ne prendront jamais le
dessus sur sa détermination et sa conviction d'agir en fonction des
intérêts supérieurs du Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader du
gouvernement. Je reconnais maintenant le leader de l'Opposition officielle et
député de Joliette. M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, d'entrée de jeu, je dirai, bien sûr, que
l'Assemblée nationale du Québec vit sans doute un de ses bons
moments. C'est la première fois effectivement en cette Chambre qu'on
accepte, de quelque côté de la Chambre que l'on soit, de discuter
de notre avenir. C'est la première fois, à ma connaissance, qu'il
y a unanimité pour chercher la voie politique du Québec et ce,
d'une façon unanime.
J'étais content d'entendre le leader du gouvernement dire que le
Québec a toujours cherché plus de pouvoirs. Je ne rappellerai pas
l'histoire du Canada, mais je vais dire, par exemple, que, depuis mon jeune
âge, je me souviens des luttes pour l'autonomie du Québec, je me
souviens des luttes pour être maîtres chez nous, je me souviens des
luttes pour obtenir notre égalité et je me souviens des luttes
aussi pour accéder à notre souveraineté politique. Et
ça, M. le Président, ça a été constant. Je
pense que ça tire son origine, M. le Président, du fart qu'il y
avait deux peuples fondateurs au moment où on a formé ce pays
qu'est le Canada, deux peuples fondateurs qui parlaient d'égal à
égal, mais, depuis lors, depuis belle lurette, ces deux peuples
fondateurs, M. le Président, sont devenus neuf provinces contre une ou
pratiquement.
Dans le Canada anglais, on n'a jamais accepté qu'on soit une
société distincte au vrai sens du terme. Pour eux, il y a un
peuple canadien sans distinction et, bien sûr, si on veut s'amuser
à parier notre langue ici et là, dans les couloirs, bravo. Mais
ce n'est pas vrai qu'on est un peuple distinct capable de
s'autodéterminer, capable de décider de nos différents
points de vue, de notre économie, de notre culture, de notre forme
d'éducation, de notre forme de services de santé, etc. M. le
Président, cette notion de deux peuples fondateurs a été
littéralement diminuée au fil des ans, si bien qu'on se retrouve
un dixième au niveau de la décision à prendre quant
à notre avenir même, quant à notre identité propre,
et ça, c'est inacceptable, M. le Président.
Mais, aujourd'hui, l'Assemblée nationale du Québec adopte
un projet de loi qui va permettre à tous les Québécois, de
quelque origine que ce soit, de venir dire ce qu'ils voient être le
Québec de demain, le Québec où on deviendra, je
l'espère, à toutes fins pratiques, nous, ce peuple cofondateur du
début, où on pourra se parier entre nous, décider des
choses - mais se présenter comme une entité face à une
autre entité politique, et c'est ça, fondamentalement, je crois -
sur lesquelles nous aurons sans doute des divergences d'opinions de part et
d'autre, mais H y a au moins une volonté dans le peuple
présentement, c'est de cesser les tergiversations, de cesser les
interminables discussions, les négociations tronquées avec un
peuple que je respecte, mais qui doit accepter que moi, comme peuple
québécois, j'ai le droit aux mêmes aspirations, aux
mêmes pouvoirs de décision, sans diminution à cause du
nombre, M. le Président. Je pense, fondamentalement, que
l'Assemblée nationale doit se féliciter du fait qu'au moins on va
donner l'opportunité à ce peuple...
Quand on regarde les sondages, M. le Président, après
l'échec de Meech, ça a été d'une clarté. Je
ne fais pas la même lecture des événements, bien sûr,
que le leader du gouvernement a faite. Le leader du gouvernement disait, M. le
Président, tantôt, et je crois qu'il est de bonne foi: Les
Québécois, le 20 mai 1980, ont fait un acte de foi au
fédéralisme canadien. Ce n'est donc pas avoir vécu les
événements pour savoir que ça n'a pas été un
acte de foi, M. le Président. Dans un pourcentage énorme, ils
répondaient à des actes d'intimidation. Quand le gouvernement
central injecte au-delà de 25 000 000 $ pour battre un
référendum québécois, pour contribuer à
faire en sorte que les Québécois se sentent dépendants,
qu'ils craignent pour leur avenir économique... Il y a des gens qui ont
colporté, M. le Président, qu'on étoufferait. Ces
mêmes gens, aujourd'hui, après l'échec de Meech, viennent
nous dire: Oui, le Québec est capable seul. Ça fait longtemps
qu'on le sait que le Québec est capable seul, M. le Président.
Ça fait longtemps qu'on sait que le Québec est capable de
décider, de prendre ses décisions. On l'a prouvé dans
à peu près tous les secteurs. Sur le plan culturel, le
Québec est un pays bâtisseur. On a des artistes de renommée
internationale, qui n'ont rien à envier à aucune
partie du monde.
Sur le plan économique, combien de
Québécois ont perdu leurs complexes et ont prouvé leur
capacité de réussite? Combien d'expertises maintenant
québécoises bénéficient à l'échelle
du globe? Pourquoi? Parce qu'on a été capables. Si on avait
toujours développé ce sentiment de capacité auprès
de notre population plutôt que de lui servir des discours alarmistes de
petitesse et de crainte: S'il fallait que... Ça "serait-u"
épouvantable si... Ce n'est pas vrai, ça. Vous le savez
très bien, que ce n'est pas vrai. Vous savez très bien que la vie
politique, ce n'est pas ça. Quand un peuple est déterminé
et quand il a ses outils en main, il est capable. Mais, quand il nous manque la
moitié du coffre d'outils, vous savez très bien qu'on est
obligé d'agir avec les outils qu'on a. Donnons au peuple
québécois, aux Québécois et aux
Québécoises l'ensemble de leur panier, de leur coffre d'outils et
vous verrez jusqu'à quel point ils sont capables de grandes choses.
C'est l'occasion qu'on va fournir, M. le Président, à tous les
Québécois qui le voudront de s'exprimer sur leur avenir
collectif. (15 h 10)
Je suis content, personnellement, M. le Président,
qu'on ait pu aboutir à un compromis qui n'est pas parfait. Je vous
avoue, je regarde le projet de loi et je sais que, discuter, négocier un
projet de loi, ce n'est pas facile. J'aurais aimé, par exemple, qu'un
type du monde de la culture, qu'un représentant du monde de la culture
siège à cette Commission parce que c'est grâce à lui
si notre culture a été proclamée à travers le
continent nord-américain et même à l'échelon du
monde entier, sur le globe, mais il n'y a pas de représentant du monde
de la culture au moment où on se parle, à moins que le premier
ministre ne nous annonce qu'il nomme quelqu'un du monde de la culture. J'aurais
aimé personnellement aussi que le côté social ne soit pas
diminué dans ça parce qu'on a suffisamment de
représentants du monde économique et le côté social
me semble un peu défavorisé, M. le Président, et je le dis
comme je le pense.
Je ne dis pas que c'est un compromis parfait. Non, loin de
là, mais au moins on s'entend pour donner l'occasion à l'ensemble
des groupes québécois qui croient en leur avenir, qui croient en
l'importance de définir eux-mêmes leur avenir, non pas par
négociation avec ceux qui ne considèrent plus quand même
qu'on est une société distincte... On va d'abord, chez nous,
dégager un consensus majoritaire - je ne pense pas qu'il soit unanime,
ce n'est pas facile de rechercher une unanimité dans une si grande
diversité - un consensus majoritaire fort permettrait au Québec
de prendre ses décisions et d'aller se présenter après
ça à des tables de discussion avec un consensus clair, un
consensus majoritaire, très explicite et qu'on définisse
nous-mêmes ce qu'on veut comme institution, ce qu'on veut comme pouvoirs
dans cette institution.
Pour nous, je vous dirai, sans aucune vantardise, M. le
Président - et je ne voudrais surtout pas que vous déceliez chez
qui que ce soit en cette Chambre une certaine forme d'arrogance - entre vous et
moi, que l'opération est claire. Ça fait 20 ans qu'on travaille,
au-delà de 20 ans qu'on travaille pour bâtir un Québec
fort, un Québec avec tout son panier à outils, un Québec
qui serait capable de se doter, autant sur le plan culturel, social,
économique, de tous les outils de développement possibles. Et
l'opération? Oui, je la considère comme facile mais fascinante.
Il y a des gens sans doute de bonne foi, M. le Président, qui, par le
passé, ont cru en la possibilité d'accroître certains
pouvoirs mais l'accroissement de ces pouvoirs se fait par des luttes
interminables.
On se pile sur les pieds littéralement, M. le
Président, par des droits de veto parce qu'on ne constitue pas un pays.
Par des droits de veto, on empêche des groupes d'évoluer et par
des droits de veto, on nous empêche d'évoluer. Et on ne se
développe pas au rythme qu'on est capable de se développer, on ne
se développe pas au rythme qui serait sain pour notre population qu'on
le fasse.
M. le Président, je suis heureux de voir qu'un grand
nombre d'individus, d'hommes et de femmes, ont compris que la forme
institutionnelle dans laquelle nous vivons est étouffante pour les deux
groupes. Mais là, pour une fois, la décision que nous avons
à prendre, c'est notre propre destinée discutée par
nous-mêmes et il n'y a pas un gouvernement issu d'un consensus aussi
majoritaire qui n'aurait pas la force de donner aux Québécois ou
de redonner aux Québécois l'ensemble des outils
nécessaires à son développement.
Je parlais, M. le Président, de la notion de
capacité. Je me souviens encore et je vis douloureusement ce qu'on a
vécu en 1980. Je me souviens jusqu'à quel point on n'a pas fait
appel à la raison, on a fait appel aux sentiments. Dans certains cas,
c'était des sentiments de crainte. Dans d'autres cas, M. le
Président, c'était des sentiments d'incapacité qu'on
essayait de mettre dans la tête des gens. Mais comme leaders politiques
qui croyons fondamentalement aux capacités du Québec.
J'écoutais le leader du gouvernement dire jusqu'à quel point on
était capables; j'aimerais ça entendre des discours de ce type
à la journée longue, être capable d'inculquer aux
Québécois toute la capacité et faire en sorte que ceux qui
ont encore ce complexe d'incapacité ou d'infériorité
puissent dire: Oui, on est capables et on va se développer. On va se
développer à notre rythme, selon notre goût, selon nos
aspirations. Si on en est capables, il va falloir collectivement arrêter
de chercher des formules bâtardes qui, à toutes fins pratiques,
étouffent le développement et le fonctionnement et nous
embarquent littéralement et quotidiennement dans des tergiversations
où les uns voient
tout simplement un désir de se démarquer.
On n'a pas à prouver notre démarcation, on
est nettement différents. Notre différence s'est toujours
exprimée par le passé, M. le Président, et cette
différence-là, elle ne sera respectée que dans la mesure
où ce Parlement, où des hommes et des femmes du Québec
sont représentés et représentent directement la population
du Québec, cette volonté-là s'exprimera le jour où
ici, quand on légiférera, le jour où on prendra des
décisions, ce sera une décision finale, une décision non
contestée par un autre palier de gouvernement, des décisions
jugées inconstitutionnelles. Je ne sais pas ce que vous ressentez, qui
que ce soit dans cette Chambre, quand tu votes une loi ici et de bonne foi - tu
as le mandat du peuple pour la voter, des législations populaires
à 80 % - et on se ramasse deux ans après, trois ans après
avec des lois inconstitutionnelles, des lois illégales parce qu'un autre
palier de gouvernement où une majorité siège, où
l'égalité n'est pas assurée, toujours là, on se
retrouve avec des lois - démocratiquement élus, par quelque
gouvernement québécois que ce soit - et on est
déboutés continuellement. Des pans de mur de la loi 101 sont
tombés, M. le Président. On a eu des sentences de la Cour
suprême pour nous dire: Telle loi est anticonstitutionnelle, vous avez
oublié de la traduire en anglais.
M. le Président, on ne peut pas fonctionner de
même. Si fondamentalement on respecte le peuple anglophone du Canada, si
fondamentalement on le respecte, on n'a pas le droit de travailler à
chercher des structures pour leur barrer la route. Ils ont le droit de se
développer comme ils veulent, quand ils veulent et au rythme qu'ils
veulent. Mais nous aussi, on a ce droit-là. Et c'est ça l'esprit
fondamental qu'on n'a jamais retrouvé après la fondation du
Canada où il y a deux peuples égaux qui créaient une
structure.
Je pense qu'il est temps qu'on accepte de participer
à cette commission d'enquête spéciale dans un esprit
d'abord québécois. C'est nous qui avons à décider
de notre avenir ici. C'est nous qui avons à se doter des outils, des
institutions et des mécanismes pour prendre nos décisions chez
nous et on est assez grands pour le faire. On est assez mûrs pour le
faire. Les Québécois, au cours des derniers mois, ont
complètement changé leur opinion. La trouille, la crainte a
disparu comme par enchantement. Pourquoi? Parce qu'ils ont compris que personne
n'avait le droit d'arrêter un peuple de se définir lui-même
et de définir le type de pouvoirs dont il avait besoin pour se
développer. S'il y a une majorité de Québécois
aujourd'hui au Québec, 70 % peut-être, qui disent qu'on est assez
grands pour assumer nous-mêmes nos propres décisions, c'est parce
qu'ils ont cheminé, les uns plus vite que les autres et les uns plus
lents que les autres, mais au moins on a acquis un consensus au Québec,
présentement. On a, je pense, dégagé un consensus clair
où on n'avait plus à dépendre de personne pour prendre nos
décisions.
J'espère qu'on viendra travailler à cette
Commission avec cette idée précise, avec cette idée claire
que c'est à nous de définir nos outils, c'est à nous de
définir nos institutions, c'est à nous de se doter des pouvoirs
qu'il nous faut et non pas attendre qu'un peuple majoritaire dans une structure
vétusté et dépassée vienne nous dire "bien, on vous
offrirait peut-être telle chose" pour encore retarder le
développement du Québec sur tous les plans: sur le plan social,
sur le plan culturel, sur le plan économique.
Je suis en cette Chambre depuis quatorze ans. Chaque
année, on dit: "C'est-u" effrayant, la formation professionnelle.
"C'est-u" effrayant, on n'est pas capable de rien faire. "C'est-u" effrayant,
des pans de mur de la loi 101 qui tombent. "C'est-u" effrayant de ne pas avoir
une politique de développement régional. "C'est-u" effrayant
qu'un gouvernement central vienne dépenser de l'argent là
où il ne devrait pas en dépenser et il en injecte là
où il ne devrait pas en injecter et il devrait en injecter à
telle place et il ne le fait pas. Pourquoi? Parce qu'on est dépendants
continuellement des décisions d'autres, des pouvoirs d'autres sur notre
propre territoire. Comment se développer d'une façon harmonieuse
et permettre au Québec d'avoir une égalité dans le partage
de cette richesse collective que nous avons? Bien non, notre richesse est
séparée. Les uns interviennent où ils ne devraient pas
intervenir et ils n'interviennent pas quand ça serait le temps de le
faire. Je pense qu'il est temps, M. le Président, et cette Commission
peut contribuer largement à dégager un consensus
québécois. (15 h 20)
Je suis content de voir qu'il y aura du monde
représentant le monde du travail. Eux qui oeuvrent, la force de travail
des Québécois sera à la table. Le patronat sera à
la table. Le monde agricole sera à la table. Le monde de la
coopération sera à la table, M. le Président. Et,
ensemble, je pense qu'on peut dégager ce consensus nécessaire
pour arriver à faire du Québec un petit coin de pays et un
véritable pays qui aura tous ses outils en main, arrêter de
quémander des pouvoirs, arrêter de passer au vote à neuf
contre un, arrêter de tergiverser dans les coulisses et être
étouffés dans notre développement. Et j'espère
qu'il y aura 70%, 75%, 80% des Québécois, s'il le faut... Il y en
aura toujours qui seront contre, je n'en disconviens pas. Mais j'espère
que l'on dégagera ce consensus suite aux travaux de cette commission
pour faire en sorte que le Québec de demain sera un Québec
où les gens seront contents du développement des autres sans
être paralysés par les autres, un Québec qui se
réjouira de pouvoir assurer son propre développement à son
rythme, selon son goût, selon ses aspirations, selon ses
désirs
profonds d'évoluer.
Je termine, M. le Président, en disant à cette Chambre
comme personnellement, oui, je fonde des espoirs sur la commission. Ils ne sont
pas fondés nécessairement sur la forme et le nombre de la table,
mais beaucoup plus sur l'esprit qui va se dégager de cette commission,
où on ne recherchera pas des structures pour endormir le monde, mais
où on dira au monde ce qu'ensemble on est capable de faire, de se
bâtir pour évoluer selon nos propres désirs. C'est
ça, fondamentalement, M. le Président, sur quoi je fonde les
espoirs et j'espère que la population québécoise, qui
suivra les travaux de cette commission, regardera bien la clarté des
propos. C'est pas des livres blêmes, des livres beiges, des livres de
couleurs multicolores qu'on veut. Les Québécois nous demandent,
comme parlementaires, à ce stade-ci, d'avoir une idée claire du
Québec, d'avoir une position officiellement claire. Et nous, M. le
Président, ça fait 20 ans qu'on pense qu'on a une solution
claire. Elle n'a pas d'ambiguïté. Elle ne comporte pas de
détours. Elle ne cherche pas des moyens détournés pour
encore étouffer les aspirations des Québécois parce qu'on
a la conviction que les Québécois sont capables de se
définir, capables de se bâtir quelque chose de solide, qui
réponde véritablement à la volonté de l'ensemble ou
du moins, tout au moins, d'une très grande majorité de
Québécois au moment où je vous parle. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de
l'Opposition officielle. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le
ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales et ministre responsable de la protection du consommateur.
M. le ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. le
Président, ce n'est pas la première fois que cette Chambre va
voter une loi pour étudier l'avenir du Québec. Je feuilletais
durant la fin de semaine les rapports de la commission royale d'enquête
sur les problèmes constitutionnels, la commission Tremblay qui avait
été créée par cette Assemblée, par une loi
sanctionnée le 12 février 1953 par l'initiative du gouvernement
de M. Duplessis. Et je regardais, M. le Président, le mandat de cette
commission. C'était d'enquêter, je cite: "D'enquêter sur les
problèmes constitutionnels, de faire rapport au lieutenant-gouverneur en
conseil, au gouvernement, de ses constatations et opinions et de lui soumettre
ses recommandations quant aux mesures à prendre pour la sauvegarde des
droits de la province, des municipalités et des corporations
scolaires."
Je feuilletais ces rapports, M. le Président, et je pouvais
réaliser que, tant sur le plan politique que sur le plan social,
culturel et économique, la situation d'alors était, à bien
des points de vue, fort semblable à la situation que nous vivons
présentement. En particulier, je regardais un passage du premier
rapport, du premier livre où on disait ceci, M. le Président, et
je cite: "Rappelons au passage quelques opinions émises à cette
occasion. Pendant qu'on discute, par exemple, la réforme du
Sénat, le ministre de la Justice, M. Ernest Lapointe, déclare -
et on cite M. Lapointe - que le gouvernement avait virtuellement reçu
instruction de la Chambre des communes, le 9 mars 1925, de soumettre cette
question à une conférence provinciale, la Chambre estimant que le
Sénat, tel qu'il était constitué, ne contribuait pas au
plus grand bien du Canada." C'était en 1953. Ce n'est pas, donc, d'hier
qu'on parle de réformer nos institutions. Ce n'est pas d'hier qu'on
parle de cette place du Québec au sein de la fédération
canadienne parce que, M. le Président, du "Butin" de Duplessis au
"Maîtres chez nous" de Jean Lesage à rÉgalité ou
indépendance" de Daniel Johnson, de la "souveraineté culturelle"
de Robert Bourassa à la "souveraineté-association" de René
Lévesque et à la "société distincte" de Robert
Bourassa, il y a, avec les nuances, avec les particularités qu'on peut
attribuer à chaque option politique, un fondement qui est le même,
et c'est la recherche, pour le Québec, de son autonomie pour exprimer
pleinement sa spécificité - spécificité culturelle,
sociale, spécificité politique - et sa spécificité
aussi économique, la possibilité pour les Québécois
et les Québécoises d'exprimer pleinement ce qu'ils sont en toute
liberté et de partager en fonction de ce qu'ils peuvent être, de
ce qu'ils peuvent avoir en commun, avec les autres provinces canadiennes.
M. le Président, je lisais aussi en fin de semaine le tome I du
livre du professeur Léon Dion, eminent politicologue de
l'Université Laval, intitulé À la recherche du
Québec. Il y a quelques lignes qui m'ont particulièrement
touché et que je me permets de citer en cette Chambre. Le professeur
Dion dit ceci: "En dépit de la tristesse qui assombrit tant de visages
chez les jeunes, les adultes et les personnes âgées, j'ai foi en
l'avenir parce que j'ai foi en eux tous. De tant de rêves brisés
au cours des 30 dernières années, il est ressorti au moins deux
acquis dont on ne saurait sous-estimer la portée: l'individu s'est
libéré de bien des tutelles inhibitrices et le Québec tout
entier est sorti du cocon protecteur qui le paralysait et s'est ouvert au
monde. "Les sentiments d'anxiété ou d'espoir, face à leur
présent et à leur avenir, de Jacques Cartier et ses compagnons
qui plantèrent à Gaspé, en 1534, une croix au nom du roi
de France et de l'Église, de ceux qui subirent les conquêtes de
1760, qui vécurent les événements de 1837-1838, de 1867,
de 1960, de 1976 et de 1980 et d'autres événements semblables
cons-
tituent les axes de l'histoire du Québec et forment autant de
sédiments de l'identité des Québécois en tant que
nation." (15 h 30)
M. le Président, je crois, je crois fermement que les
Québécois, les Québécoises, nous formons cette
nation, nous formons ensemble cette société qui veut exprimer ce
qu'elle est en partageant des éléments que nous avons en commun.
Nous sommes des hommes, des femmes qui avons, par des intérêts
d'ordre moral et d'ordre matériel, des liens profonds qui nous unissent
par l'histoire, par la langue, par la culture, par l'espoir d'un
mieux-être, par une définition de société libre et
démocratique respectant des droits et des libertés
fondamentales.
M. le Président, quand nous regardons l'histoire du
Québec, nous regardons ce cheminement difficile mais cheminement de
ténacité, de force, de conviction qui a permis à nos
parents, nos grands-parents, nos ancêtres de former cette
société dont nous pouvons être fiers. Nous voyons toujours
cette ligne de continuité, cette ligne qui nous a permis d'exprimer dans
des situations souvent très difficiles ce que nous sommes et c'est dans
ce contexte qu'on doit situer cette loi qui va créer cette commission
parlementaire élargie. Ce contexte, il faut le comprendre, bien
sûr, tout d'abord en fonction de l'échec de l'entente du lac
Meech. Mais l'échec de l'entente du lac Meech est devenu une victoire
pour le Québec.
Le 23 juin dernier, j'étais chez moi, à Baie-Saint-Paul,
et les gens m'ont fait la fête. Les gens m'ont fait la fête et ils
m'ont dit: Bravo! Vous avez donné au Québec une force
exceptionnelle. Et je vous avoue, M. le Président, que j'étais un
peu sceptique parce qu'on venait d'avoir une défaite lourde, lourde de
conséquences, il faut l'admettre, difficile. Ça a
été extrêmement difficile, pour moi en tout cas, je peux
dire ça parce que j'ai cru, M. le Président, j'ai vraiment cru
qu'avec ces cinq conditions les plus raisonnables que nous pouvions demander,
nous pouvions rendre acceptable la Loi constitutionnelle de 1982, permettre au
Québec de redevenir un partenaire à part entière dans
cette Fédération canadienne. Mais, M. le Président,
jusqu'à la dernière minute, j'ai pensé que les premiers
ministres, que les gouvernements, que les Assemblées législatives
des provinces accepteraient cette entente comme ça avait
été signé à au moins deux reprises officiellement
auparavant, au mois de juin 1987, tout d'abord au lac Meech, au mois de mai
1987, on s'en souvient, et ensuite au mois de juin 1987.
Et, dernièrement, je revoyais l'émission de
télévision qui a été faite en ce matin du 3 juin
1987, après une nuit entière de discussions difficiles,
extrêmement difficiles où tous les premiers ministres ont fait des
discours remarquables. J'entends encore le premier ministre de l'Ontario, M.
Peterson dire: Bienvenue, Robert, dans la Fédération canadienne.
J'entends le premier ministre du Nouveau-Brunswick dire des choses semblables
et j'entends tous ces premiers ministres qui, d'une façon émue,
très sensible exprimaient leur satisfaction. Et trois ans après,
c'était l'échec de Meech, l'échec d'un système,
l'échec de la Loi constitutionnelle de 1982. Parce qu'il faut bien se
comprendre, M. le Président, cet échec de Meech va avoir des
conséquences extrêmement sérieuses sur l'avenir de ce pays
parce qu'elle rend la constitution de 1982 presque inapplicable. Nous, comme
Québécois, Québécoises, nous nous sommes fait
piéger par la constitution de 1982, nous nous sommes fait piéger
comme les autochtones se sont fait piéger.
Les autochtones se sont fait piéger parce qu'ils ont fait
inscrire, dans la constitution de 1982, deux articles: l'article 25 et
l'article 35, de beaux grands principes, avec la promesse d'avoir cinq
conférences constitutionnelles pour déterminer leurs droits, et,
de bonne foi, ils ont cru à ce qu'on leur avait promis en 1982. Il y a
eu ces cinq conférences constitutionnelles et, après ces cinq
conférences constitutionnelles, on s'est aperçus qu'on
n'était pas plus avancés. Je les ai vus pleurer, ces autochtones.
J'étais extrêmement touché par ce qui se passait, parce que
nous, comme gouvernement québécois, et c'est aussi la position,
je le sais, de l'Opposition, sommes capables d'exprimer envers nos autochtones
la générosité et l'accueil que nous devons à ces
peuples amérindiens dans le cadre de notre société
québécoise. Ils ont été piégés par la
constitution de 1982, comme nous avons été piégés
aussi, comme les minorités ont été piégées.
On a ajouté l'article 23 donnant là encore des grands principes
à nos minorités en faisant en sorte qu'on se retrouve avec un
article qui n'est quasiment pas applicable si ce n'est en recourant à la
Cour suprême cas par cas. On a piégé l'ensemble des
Canadiens et des Canadiennes avec une charte des droits qui, à toutes
fins pratiques, s'applique à des gens qui sont très très
très riches ou qui sont très très très pauvres;
mais pour le citoyen moyen, M. le Président, on n'y a pas
pensé.
M. le Président, cette constitution de 1982, on a voulu la rendre
acceptable pour le Québec, sincèrement. Avec toute
l'énergie que nous pouvions démontrer, avec toute notre
conviction, on est allés passer sept jours à Ottawa - c'est joli,
Ottawa, c'est une jolie ville - sept jours avec les autres premiers ministres,
leurs spécialistes, leurs ministres, à discuter, à leur
démontrer à quel point il y avait eu de la démagogie dans
tout ce qui s'est dit au sujet de l'entente du lac Meech. On est revenu. On
croyait sincèrement qu'on avait réussi parce qu'ils avaient
signé; tout le monde l'a vu à la télévision, il y a
eu une signature à la télévision à 2 heures ou 2 h
30 du matin, les gens m'en parient encore.
Ils ont suivi ça à la télévision et ils ont
vu tous les premiers ministres des provinces signer officiellement, donner leur
signature en garantie. M. le Président, je dois vous avouer qu'on a
prévu beaucoup de choses lorsqu'on a discuté de l'entente du lac
Meech parce qu'il fallait le faire. Mais il y a une chose qu'on n'a pas
prévue, on n'avait pas prévu que des premiers ministres
pourraient aller aussi loin que de renier leur propre signature.
M. le Président, on se retrouve maintenant dans une situation
où nous devons prendre les moyens nécessaires pour exprimer ce
que nous sommes, dans un contexte qui nous permettra de protéger des
acquis et de faire en sorte que notre avenir puisse être en
considération de toute cette histoire que nous avons reçue en
héritage et qui nous permet d'exprimer avec détermination ce que
nous voulons faire.
Je disais tout à l'heure, en citant le professeur Dion, que les
Québécois sont une nation et ça signifie, M. le
Président, que, comme société, comme nation, comme peuple,
nous pouvons exprimer librement ce que nous sommes et je me
réfère au premier considérant de la loi que nous discutons
aujourd'hui, M. le Président; le premier considérant de cette loi
est particulièrement éloquent. Je le cite: "Considérant
que les Québécoises et les Québécois sont libres
d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et
d'assurer leur développement économique, social et culturel." (15
h 40)
M. le Président, je crois que dans ce premier considérant,
on a là le fondement même de l'existence de cette commission que
nous créons aujourd'hui. Les Québécois sont libres
d'assumer leur propre destin. Ce n'est pas quelqu'un d'autre qui va venir nous
dire ce que nous devons faire. Ce n'est pas une autre institution qui va venir
dire ce que nous devons faire, comme membres de l'Assemblée nationale du
Québec. Aucun premier ministre ne peut venir interférer dans ce
que nous allons décider de faire.
M. le Président, il y a une chose qu'ils ne peuvent certainement
pas dire, à l'extérieur du Québec, c'est qu'ils sont
surpris par notre réaction. On leur a dit très clairement:
Attention! Si Meech n'est pas accepté, ça signifie des
conséquences sérieuses. Si Meech n'est pas accepté, nous
devrons prendre des moyens nécessaires pour exprimer ce que nous
considérons comme essentiel pour le Québec, que nous ne pouvons
pas avoir dans Meech et que nous devrons avoir d'une façon autre. Ils ne
sont pas pris par surprise.
Il y a des premiers ministres qui sont en campagne électorale
présentement, en Ontario, au Manitoba. D'autres le seront prochainement.
Je voyais la campagne électorale en Ontario. M. Peterson, j'admire sa
franchise, qui nous dit: Non, nous n'accepterons pas, nous, de l'Ontario, nous,
gouvernement de l'Ontario, nous n'accep- terons pas qu'il y ait des ententes
administratives bilatérales entre Ottawa et Québec qui feraient
en sorte qu'on puisse donner, par des ententes administratives, ce qui pouvait
exister dans l'entente du lac Meech sans, évidemment, la protection
constitutionnelle. Il l'a dit très clairement.
Pour ma part, M. le Président, je préfère ce genre
de langage. M. Peterson nous parie clairement. Nous savons à quoi nous
en tenir. Je crois aussi que les francophones hors Québec savent mieux a
quoi s'en tenir lorsqu'on en est rendus à faire du bilinguisme, des
sujets de placard, si je me réfère à la journaliste du
Devoir, Mme Chantai Hébert, ce qu'elle nous a rapporté
même ce matin. M. le Président, Meech, l'échec de l'entente
du lac Meech est un échec qui doit tous nous amener à nous
questionner sur le fédéralisme canadien.
Sir Wilfrid Laurier a dit: Le XXe siècle sera le siècle du
Canada. Et il a eu raison. Un siècle qui a favorisé le Canada sur
le plan politique, sur le plan social et sur le plan économique, avec
une économie basée sur des richesses naturelles qui nous a
permis, dans un contexte commercial international et économique
international, de faire valoir une économie intéressante, avec
une deuxième phase qui nous a permis aussi de nous adapter à
l'évolution économique internationale. Mais, M. le
Président, lorsque nous regardons maintenant ce
fédéralisme à la lumière de l'évolution de
tous les États dans le monde, il est évident que nous devons le
revoir fondamentalement. Mais, pour nous, notre première priorité
est de définir ce que nous considérons comme le statut
constitutionnel qui doit appartenir au Québec pour avoir cette autonomie
dont, il a besoin pour exprimer ce qu'il est et partager ce qu'il peut avoir en
commun.
M. le Président, les jeunes libéraux, cet
été, ont fait valoir leur position constitutionnelle et je
voudrais les féliciter. Ils l'ont fait avec beaucoup de sérieux.
Ils l'ont fait aussi avec beaucoup de détermination, se
référant à l'histoire constitutionnelle et politique des
dernières années et en arrivant à la conclusion que le
Québec doit avoir cette autonomie qui lui permet d'exprimer clairement
ce qu'il est, en particulier sur le plan économique, avec des liens qui
lui permettront avec le reste du Canada de partager et de protéger des
acquis. M. le Président, sous bien des aspects, il sera
intéressant de se référer à ce que nos jeunes
libéraux ont élaboré cet été et rendu
public.
Je veux dire, par contre, que, pour les jeunes péquistes, et je
le dis le plus objectivement possible, il faut se garder de toute
exagération, en particulier lorsqu'on dit qu'une simple majorité
de parlementaires pourrait amener un gouvernement a décider un
changement de statut constitutionnel politique pour le Québec, comme
l'indépendance; c'est évidemment nettement inacceptable. Je ne
mets pas en cause leur
bonne foi. Je comprends qu'ils veulent exprimer leur politique. Mais ce
que je leur dis, c'est: Attention dans tout ce débat que nous allons
faire dans les prochains mois, les prochaines semaines. Il y a des principes de
légitimité, de démocratie, de liberté qu'il faut
respecter.
M. le Président, nous avons, aujourd'hui, une loi qui
vraisemblablement pourrait avoir le consentement de l'ensemble des membres de
cette Assemblée. Je l'espère. Je voudrais saluer le travail
extrêmement efficace qu'a fait mon collègue, le leader du
gouvernement et ministre de l'Agriculture, avec le député de
Lac-Saint-Jean qui, pendant bien des séances, avec leurs conseillers,
ont su discuter d'une façon particulièrement efficace, les gens
d'Equality Party, aussi le député d'Anjou pour cette
collaboration que nous avons. Quand je disais, tout à l'heure, que
l'échec de Meech est devenu une victoire pour le Québec, cette
victoire, c'est ce consensus qui existe maintenant dans la population
québécoise, un consensus qui n'a pas de précédent
dans toute notre histoire. Cette commission parlementaire élargie que
nous créons aujourd'hui est le reflet de ce consensus. Nous avons
peut-être pris un peu plus de temps, mais nous avons maintenant cette
commission qui réunira tant des parlementaires que des gens venant de
l'extérieur, des Québécois, des Québécoises
venant de l'extérieur, et qui fera en sorte que nous aurons une
commission qui sera représentative. Je voudrais remercier, M. le
Président, MM. Michel Bélanger et Jean Campeau pour avoir
accepté la présidence de cette commission.
Comme M. Dufour me disait à Baie-Saint-Paul, en fin de semaine,
chez moi, il a dit: T'attelles ça sur une bonne "waguine" et tu vas loin
avec ça." M. le Président, on a une bonne "waguine". C'est une
bonne commission parlementaire qui va nous permettre le plus objectivement
possible, chacun avec nos options politiques, mais le plus objectivement
possible et avec le plus d'ouverture possible, d'entendre des experts, mais
surtout d'entendre la population, d'entendre les Québécois et les
Québécoises sur comment ils voient la situation, comment ils
voient l'avenir du Québec, sur ce que nous devrions faire. Nous, comme
parlementaires, notre rôle est d'informer la population. Notre rôle
est de pouvoir discuter pour pouvoir informer le plus adéquatement
possible la population. Mais c'est au peuple de décider. C'est le peuple
qui est souverain. C'est le peuple qui, finalement, au bout de la course,
viendra décider du statut du Québec pour déterminer son
avenir. (15 h 50)
M. le Président, il faut comprendre des travaux que nous faisons
aujourd'hui la volonté que nous avons tous comme parlementaires de
concrétiser ce consensus qui s'est fait au lendemain même de
l'échec de l'entente du lac Meech et, cette fois-ci, je dois dire et je
le dis le plus sincèrement possible: On ne peut pas se permettre de se
tromper. Aucun gouvernement du Québec n'a le droit d'affaiblir le
Québec et tous les gouvernements qui se sont succédé
jusqu'à présent, peu importe leur option constitutionnelle, ont
toujours eu ce souci de garder, de protéger la force du Québec et
nous n'avons pas le droit de nous tromper. Nous devons ensemble travailler avec
le plus d'ouverture possible, avec un maximum d'information pour le peuple
québécois mais les attentes sont grandes pour nous. Ça ne
sera pas facile, mais j'ai confiance en nos institutions. J'ai confiance que
les institutions sont là pour servir le citoyen et non pas le citoyen
pour servir l'institution et on a la possibilité, peut-être une
possibilité exceptionnelle, de le démontrer dans cette commission
parlementaire. Merci, M. le Président.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le chef de l'Opposition.
M. Jacques Parizeau
M. Parizeau: M. le Président, j'ai écouté
avec beaucoup d'intérêt ce que nous a dit le ministre de la
Justice, mais quand il citait Dion, À la recherche du Québec,
je me demandais s'il ne fallait pas davantage citer Proust, À la
recherche du temps perdu. Nous avons perdu beaucoup de temps au
Québec, tous ensemble, et j'y reviendrai tout à l'heure. À
une époque où, contrairement à tous les diagnostics des
analystes d'il y a 10 ou 15 ans, les peuples, les nations s'affirment un peu
partout dans le monde, est-ce qu'il y a quelque chose de plus étonnant,
de plus extraordinaire de voir en Europe de l'Est, à l'heure actuelle,
ces gens dire "Nous sommes" et faire en sorte qu'effectivement ils soient? Que
nous, autant que nous sommes - ce n'est pas une question partisane - nous nous
soyons enfoncés pendant si longtemps dans une situation où,
constamment, on avait l'impression de ne plus très bien savoir où
aller?
C'était intéressant ce que signalait le ministre de la
Justice tout à l'heure, la commission Tremblay. Ça fait presque
40 ans, M. le Président. Cette commission n'avait pas finalement un
mandat très différent de celle que nous allons créer
aujourd'hui. Je sais bien à quel point, en ce moment, parce que, tout
jeune économiste, j'ai collaboré aux travaux de la commision
Tremblay... J'ai même écrit une petite annexe là-dedans. Je
me souviens à quel point ceux qui travaillaient à la commission
Tremblay se disaient: Mais il faut régler quelque chose enfin, il faut
déterminer une bonne fois où on veut aller. Il y a 40 ans!
À cet égard, l'échec de l'accord du lac Meech
restera, je pense, dans l'histoire comme quelque chose de tout à fait
non seulement intéressant mais très significatif. Nous avons, sur
le plan de nos orientations politiques, comme
Québécois, l'habitude de l'échec et, en fait, en
dépit d'éclaircies de temps à autre, je pense, par
exemple, aux gestçs posés par le premier ministre Jean Lesage en
1964, qui décide de sortir de 29 programmes conjoints et
d'établir une sorte d'orientation québécoise à un
grand nombre de programmes. À part des éclaircies comme
celle-là, ce que nous avons connu depuis la commission Tremblay, ce sont
des échecs. On se casse la figure continuellement. On demande. On dit:
Peut-être. Et puis, finalement, quand on s'est un peu fatiqués
entre nous, on nous dit: Non. Et on se dit: A la prochaine. Comme on dit chez
nous, vulgairement - enfin, vulgairement, familièrement: À la
prochaine chicane. Et ça reprend!
Pourtant, Meech n'est pas comme ça. L'échec de Meech a une
signification qui ne correspond à aucun des échecs du
passé. Je ne sais pas, les historiens auront à examiner pourquoi
ça s'est produit comme ça. Pourquoi est-ce qu'un aussi grand
nombre de Québécois se sont dit, à l'occasion de l'accord
du lac Meech: Ça, c'est la bonne. Si ça ne passe pas, vous allez
voir. Entre nous, des échecs constitutionnels, Dieu sait si on en a
connus. La formule Fulton-Favreau, on fait presque de l'anthropologie. La
formule Fulton-Favreau, ça n'a pas marché. On s'est dit: Ah bien,
ça ne marche pas, cherchons la suivante. Victoria, bien, ça n'a
pas marché; on s'est dit: Attendons la suivante. Au fond, toute notre
histoire est marquée par des arrangements politiques ou constitutionnels
qui tournaient en queue de poisson. On se disait: À la suivante. Des
fois, on se disait même: C'est tellement compliqué, on va laisser
ça pour la prochaine génération. Et alors, avec Meech,
non. Je ne sais pas, au fond, moi, vraisemblablement pourquoi tellement de
Québécois ont accordé cette valeur symbolique à
Meech. Peut-être, peut-être parce que c'était vu par tous
les Québécois comme le minimum minimorum; on n'avait jamais
demandé aussi peu. Peut-être que c'est dû à
ça. Jamais le Québec n'avait demandé aussi peu du
régime fédéral canadien. Et en dépit du fait qu'on
était tous très conscients que jamais on n'avait demandé
aussi peu, jamais ce petit peu n'a provoqué autant de rage dans certains
milieux, un tel rejet dans d'autres milieux et, finalement, l'acceptation par
beaucoup de Québécois que, devant autant de réactions,
disons-le franchement, antiquébécoises dans le reste du Canada,
ça suffisait comme ça.
Le ministre de la Justice, qui a parlé avant moi, parlait de ces
réactions du premier ministre de l'Ontario, M. Peterson, en campagne
électorale. C'est vrai, c'est très significatif. N'oublions
jamais ce qui s'est produit depuis un mois à cet égard. Le
premier ministre de l'Ontario se voit tomber dans les sondages. Et on lui dit:
La raison pour laquelle vous tombez dans les sondages, c'est l'appui que vous
avez donné aux Québécois pendant les discussions de Meech.
Alors, qu'est-ce qu'il fait, le premier ministre de l'Ontario, menacé
comme ça par sa base? C'est de dire: Non, non, ça ne se produira
plus jamais comme ça. Plus jamais l'Ontario n'appuiera le Québec
dans sa demande d'un statut distinct ou particulier. Et comme le disait le
ministre de la Justice: Et s'il demande des ententes bilatérales avec
Ottawa, on les poursuivra devant les tribunaux. Les masques tombent. Ah bon!
C'était donc ça! Ah bon, c'est ça qu'on avait en
tête! Essayer de régler Meech comme peut-être un arrangement
temporaire, mais sur le fond des choses, ne pas accepter que le Québec
soit autre chose qu'une province canadienne. (16 heures)
J'incite tout le monde à lire les déclarations de M.
Peterson, il n'en a plus pour très longtemps, sa campagne
électorale vient à échéance. Il sera
réélu ou pas réélu, je n'en sais rien. Mais qu'on
lise ses déclarations, elles sont extrêmement significatives. Et
ceux qui se sont imaginé un instant qu'ils pouvaient trouver dans le
reste du Canada un appui à cette idée que le Québec
pouvait être différent, regardez, regardez: on est passé
une fois de plus à deux doigts de se faire avoir.
Alors forcément, M. le Président, dans ce
contexte-là, l'idée de souveraineté du Québec prend
de l'ampleur chez nos concitoyens, elle s'enfle, elle déborde, à
l'heure actuelle. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus sérieux que de
penser qu'une élection partielle, qui a porté essentiellement au
niveau fédéral sur la question de la souveraineté du
Québec, a fait en sorte que le gouvernement canadien actuel, pour son
propre parti obtienne à peine 4% des votes? 4%! Un parti au pouvoir,
représentant le fédéralisme canadien, 4%! Mais on n'a
jamais vu ça. On ne trouvera pas d'exemple dans l'histoire politique
canadienne, dans le sillage de l'échec de Meech, dans le sillage de
cette prise de conscience qui se développe chez les
Québécois que le gouvernement du pays, dans une élection
partielle qui porte sur la souveraineté du Québec, obtienne 4% du
vote. Moi, je ne me souviens pas, dans l'histoire du Canada ou du Québec
d'avoir jamais vu quelque chose comme ça.
Bon, je reconnais, je reconnais, bien sûr, que cette levée,
que cette montée de l'idée de souveraineté chez les
Québécois est, pour une bonne part, émotionnelle. Mais ce
sera toujours émotionnel, remarquez bien, jusqu'à un certain
point. J'admets que, depuis quelques mois, l'émotion est forte. On ne
pouvait pas ne pas réagir aux événements de
Sault-Sainte-Marie ou d'autres municipalités de l'Ontario qui, n'ayant
jamais assuré de services en français, prenaient cependant la
peine de se déclarer unilingues anglaises. On ne pouvait pas ne pas
réagir à ces quinquagénaires ontariens qui s'essuyaient
les pieds sur le drapeau du Québec. Et, dans ce sens-là, oui,
bien sûr, il y avait beaucoup d'émotion. Et il reste beaucoup
d'émotion chez les Québécois. Ce serait anormal qu'il n'y
en ait
pas, qu'il n'y en ait pas autant. Mais, en même temps, M. le
Président, on voyait apparaître dans les milieux d'affaires, et
pour la première fois, dans notre histoire, pour la première
fois, des gens qui disaient: La souveraineté du Québec, on n'est
pas encore certains que ça soit souhaitable. Mais, en tout cas, de notre
point de vue, c'est possible. Son de cloche étonnant et qui ne peut pas
ne pas avoir d'impact sur nos concitoyens.
Les milieux d'affaires au Québec ont pris une sorte
d'autorité morale par, j'allais dire, leur jeunesse même. Pendant
des années et des années, on a dit aux Québécois:
Vous ne pouvez pas définir votre avenir parce que vous ne pouvez pas
définir vos affaires. Vous ne contrôlez pas les affaires, donc
vous ne pouvez pas contrôler votre avenir. Et, génération
après génération, on a matraqué l'esprit des
Québécois pour les convaincre de ça. Et là, tout
à coup, en 25 ans, une classe d'affaires québécoise est
apparue, a pris de l'ascendant, pas seulement économique, moral, en un
certain sens, et là, tout à coup, dans les mois qui ont
commencé cette année 1990, a commencé à dire aux
Québécois: Peut-être est-ce que c'est possible,
peut-être est-ce qu'on peut y arriver. On marquera ces premiers mois de
1990 sur ce plan, comme ayant été des mois peut-être
déterminants sur le plan de ce qui va nous arriver.
En tout cas, il apparaît maintenant, comme s'en plaignait un des
chefs des partis fédéraux, qu'il ne semble plus y avoir de voie
fédéraliste au Québec. Je pense qu'il a tort, il en reste,
des voies fédéralistes au Québec; elles ne sont plus
très écoutées, mais il en reste tout de même. Il
reste aussi ce qu'on pourrait appeler des buttes témoins,
c'est-à-dire qu'elles ne se manifestent pas beaucoup mais, enfin, on les
voit. Mais, en tout cas, on sent, on voit que le statu quo n'a plus d'avenir au
Québec, que peu de gens se présentent en disant: Nous voulons que
ce qui a existé continue d'exister et que nous restions ce que nous
avons toujours été. De ça, il ne reste plus beaucoup de
traces.
Et il y a aussi la leçon de nos échecs, M. le
Président, la leçon de nos échecs que je vais essayer de
caractériser ou de symboliser par les échecs de ces deux
personnes qui ont cherché à mettre ensemble ce projet de loi qui
a abouti à la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec, c'est-à-dire le premier ministre et moi-même.
On met souvent l'accent sur le fait que l'intérêt du
premier ministre pour les questions économiques est très vif.
Mais oui, bien sûr, nous le savons tous, il l'est. Mais pensons que
depuis des années le premier ministre actuel du Québec est devenu
premier ministre pour le première fois il y a 20 ans, que dès le
début le premier ministre du Québec a mis l'accent sur un concept
qui lui paraissait fondamental, sur une orientation qui lui paraissait passer
avant toutes les autres sur le plan politique, c'est-à-dire la
souveraineté culturelle. Au bout de 20 ans, où en est-il? Le
premier ministre du Québec a conduit une élection
générale sur la souveraineté culturelle. Il en a fait le
thème fondamental de l'élection de 1976. Tout ce qui peut
grouiller ou grenouiller comme classe politique au Canada sait très bien
à quel point, pour le premier ministre du Québec, il s'agit de
quelque chose d'absolument fondamental, d'essentiel; et, 20 ans plus tard,
où en est-on? On a enlevé au Québec tout ce qui lui
restait comme contrôle sur le plan des communications.
Sur le plan culturel, dans le sens très précis de ce
terme, jamais le gouvernement fédéral n'a été aussi
actif qu'il ne l'est à l'heure actuelle. L'espoir qu'on pouvait
entretenir il y a 20 ans, que le Québec exercerait un certain
contrôle sur les ondes et que des institutions québécoises
dans le domaine de la radio ou de la télévision exerceraient une
influence importante, on y a renoncé. Le premier ministre du
Québec, systématiquement, pendant 20 ans de sa carrière
politique, a cherché à pousser une idée que non seulement
il n'a pas réussi à pousser, mais à l'égard de
laquelle il a dû reculer. (16 h 10)
Et moi, de l'autre côté. Mais je suis parfaitement
conscient d'avoir, pendant toutes ces années, été
roulé aussi. Le référendum de 1980, où j'ai vu mes
concitoyens être persuadés qu'un "non" voudrait dire un "oui",
où on leur a dit: Votez non au référendum et nous
changerons la constitution canadienne de façon - de quelle façon?
Tout le monde l'a compris au Québec - de façon à
accroître les pouvoirs du Québec. Et un nombre incroyable de
concitoyens ont voté non au référendum parce qu'ils
pensaient qu'ils échangeaient ça contre une promesse d'augmenter
les pouvoirs du Québec. Et là, le projet de constitution de 1982
a été mis sur la table. Le Québec perdait des pouvoirs que
nous avions depuis la fin du XVIIIe siècle dans cette Assemblée
nationale sur l'entrée dans nos écoles, sur la langue. Des
pouvoirs que nous avions depuis presque deux siècles et une
majorité de Québécois avaient voté non au
référendum pour se faire faire ce coup-là! Et vous
comprendrez dans quel esprit je dis ce que je viens de dire, M. le
Président! Quand je disais le premier ministre, avec sa
souveraineté culturelle, au fond, il se fait rouler par le
système fédéral canadien depuis 20 ans, mais moi aussi sur
d'autres plans.
Des deux côtés, nous avons cherché, et d'autres
générations avant nous ont cherché à amener
constamment cette espèce d'affirmation de ce que nous sommes, pour nous
retrouver invariablement, génération après
génération, au seuil de la vieillesse, en disant: On a perdu
notre temps, on s'est fait avoir, on n'a pas pu aboutir!
Et dans ce sens, il se passe quelque chose au Québec de
remarquable maintenant - oh! pas
toujours très explicite et c'est parfois confus dans l'esprit de
bien des gens, mais c'est un peu normal, on ne prend jamais des virages
autrement que comme ça - que peut-être, peut-être le moment
est venu d'être clairs, peut-être le moment est venu de dire:
Voilà ce que nous voulons! Et nous allons essayer de faire en sorte que
ça ne soit pas quelque chose de partisan, que ça n'entre pas dans
le jeu des deux partis politiques ou si c'est bon pour l'un c'est mauvais pour
l'autre et vice versa. Les Québécois, peut-être, je
l'espère - on va voir, on va voir - sont peut-être rendus au point
où ils se disent: Ça suffit! Ça suffit! C'est vrai que
ça a pris dix ans pour les Polonais de réaffirmer qu'ils sont
Polonais; que ça a pris dix mois pour les Allemands de l'Est de
réaffirmer: Nous sommes Allemands; que ça a pris dix jours pour
les Tchèques de dire: Nous sommes Tchèques. Et peut-être
qu'on en est rendus à un point où les Québécois
disent: Ça fait trois générations qu'on nous dit qu'on ne
sait pas ce qu'on est, peut-être qu'enfin, maintenant, on peut
déterminer ce qu'on veut être.
À cet égard, vous me direz: Les conditions ne sont pas les
mêmes. Mais oui, elles ne sont pas les mêmes, je le sais bien. Vous
me direz: Faire des parallèles comme ceux que je viens de faire n'a pas
de sens. Mais oui, ça a un certain sens. Les gens voient ça
à la télévision constamment. Les gens voient que d'autres
peuples, d'autres nations disent: Nous sommes. Et là peut-être,
peut-être, tous ensemble, nous, les gens que les Québécois
ont élus, on puisse, à l'occasion de cette commission, chercher
à en rencontrer le plus grand nombre leur dire: On va essayer de vous
comprendre et si vraiment nous voulons être, eh bien, on va essayer de
faire en sorte que ça puisse se traduire le plus clairement et le plus
rapidement possible. Et dans ce sens, M. le Président, avec cette
commission, nous prenons sur nos épaules, des deux côtés de
cette Chambre, si vous me passez l'expression un peu familière, une
sacrée responsabilité, parce que nous allons avoir à poser
des questions et nous allons avoir à chercher à dégager
les réponses et nous allons avoir à chercher, à
établir ce qu'on peut trouver de commun dénominateur entre nous.
Je ne suis pas certain... Écoutez, je suis même certain qu'il n'y
aura pas un rapport de cette Commission qui soit unanime sur tout. Ce serait
quand même énorme. S'il fallait que nous puissions être
unanimes sur la totalité du contenu d'un rapport comme celui-là,
tout le monde serait étonné et moi, M. le Président, je
m'engage à faire chanter un Te Deum à l'église Notre-Dame
à Montréal. Voyons!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Parizeau: II ne faut quand même pas rêver en
couleur. Mais il faut voir dans quelle mesure on peut établir une sorte
de commun dénominateur et jusqu'où il va aller, ce commun
dénominateur. Ça, nous en avons la responsabilité,
à l'égard des Québécois qui disent "soyez clairs",
d'entreprendre cette tâche-là.
J'aurais préféré, je ne le cache pas, M. le
Président, que cette démarche prenne la forme d'états
généraux dont je reconnais volontiers que ça ne pouvait
pas être convoqué et organisé par une association comme la
Société Saint-Jean-Baptiste qui, dans les années soixante,
avait organisé les états généraux du Québec.
Nous avons passé ce stade-là. J'aurais
préféré en un certain sens que l'Assemblée
nationale les structure, ces états généraux. Le premier
ministre préférait au départ une commission parlementaire
régulière et puis, comme toujours, quand on parle de points de
vue aussi différents les uns des autres, nous sommes arrivés
à cette espèce d'organisme tout à fait unique qui ne
ressemble à rien de ce que nous avons jamais créé; c'est
d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons un projet de loi à l'heure
actuelle devant cette Chambre. Il y aura donc 35 membres, à peu
près moitié-moitié membres de cette Assemblée
nationale et autres personnes, et c'est peut-être normal que dans des
discussions comme celles-là, on arrive à une sorte de compromis,
et un compromis que je salue.
Nous avions, quant à la composition de cette commission, un
certain nombre de décisions compliquées à prendre, ne nous
faisons pas d'illusions, et, en particulier, quant à la nature de la
présidence. Le premier ministre et moi étions très
impressionnés, il ne faut pas se le cacher, par le rôle que
l'entreprise joue au Québec depuis quelques années, par
l'espèce d'autorité morale, comme je le disais tout à
l'heure, que l'entreprise a acquise dans notre milieu. Et, au fond, on a
cherché, avec beaucoup de rebondissements et de difficultés,
à traduire cela, et je pense qu'on l'a traduit par cette
co-présidence, où deux des personnes les plus directement
impliquées non seulement dans les affaires, mais dans le
développement des affaires au Québec, vont maintenant
siéger.
Nous avions des problèmes sur le plan de la composition de cette
commission. Qu'il y ait à peu près la moitié des membres
qui soient membres de cette Assemblée nationale, rien de plus normal.
Mais, enfin, les députés fédéraux du Québec,
ils existent, eux aussi. Il fallait tout de même être en mesure de
leur donner une voix à l'intérieur de cette commission. Qu'ils
soient fédéralistes, qu'ils le soient moins ou qu'ils ne le
soient plus du tout, ils sont du Québec, ils sont élus ici. Il le
fallait, je pense. Moi, j'ai beaucoup insisté là-dessus - et je
dois dire que je n'ai pas trouvé du tout de réticence chez le
premier ministre à cet égard - que les municipalités,
l'autre palier de gouvernement, l'autre palier des élus, soient
représentées sur cette Commission. Je pense que les incidents des
deux derniers mois nous ont appris à quel point, comme palier de
gouvernement, le municipal est important, et on ne pouvait pas les
laisser de côté. (16 h 20)
Bien sûr, il faut, dans une société comme la
nôtre, que tous ces efforts de concertation entre le patronal et le
syndical, qui nous ont permis de réaliser tant de choses à une
certaine époque dans le passé, puissent se poursuivre. Donc, ne
nous étonnons d'aucune espèce de façon de voir que ces
deux piliers, finalement, de notre vie collective se retrouvent, et assez
nombreux dans une structure comme celle-là.
Je ne vous cacherai pas que je trouve ça néanmoins un peu
léger sur le plan social et communautaire. Là, au fond, tel que
nous en arrivons à une commission d'à peu près 35 membres,
je trouve que le social communautaire n'est pas suffisamment
représenté. On me dira: Oui, mais les syndicats
représenteront ça fort bien. Jusqu'à un certain point, pas
complètement.
Et alors, toujours sur le plan de la composition de la commission, on
voit apparaître un article qui donne un siège à ce qu'on
pourrait appeler la vie intellectuelle ou artistique ou culturelle. Ça
n'est probablement pas assez. Enfin, écoutez, dans n'importe quel
compromis, on fait des compromis. Mais, au fond, à force d'y penser,
entre l'intellectuel et le culturel, je me permets de plaider dans ce discours
en deuxième lecture, je me permets de plaider pour le culturel. Entre
les deux, forcément, le coeur de n'importe qui balance. Mais, au fond,
le domaine culturel au Québec, la vie culturelle du Québec a eu
une telle importance sur l'évolution, non seulement des
événements, mais de la politique profonde du peuple
québécois, qu'il me semble qu'il faut alors choisir le
culturel.
J'ai fait sourire autrefois en disant que la révolution
tranquille a été l'oeuvre d'une demi-douzaine de ministres, d'une
vingtaine de fonctionnaires et d'une trentaine de chansonniers. C'était
une boutade, M. le Président, mais j'y crois profondément. La vie
culturelle du Québec est, dans le meilleur sens, dans le sens le plus
profond du terme, politique. Encore une fois, pas dans un sens partisan, mais
politique. Au fond, les artistes ont été des espèces de
révélateurs de ce que nous sommes et je plaide brièvement,
pendant quelques minutes, pour qu'ils puissent trouver ce siège sur la
commission.
Il y a bien d'autres choses dans ce projet de loi, M. le
Président, sur lesquelles nous avons longuement négocié,
je pense, dans une atmosphère correcte, forcément, avec des cas
où on est plus satisfaits que d'autres, mais je pense, même s'il a
fallu y mettre le temps, que nous en arrivons avec un projet qui,
fondamentalement, est sain, à peu près correctement fait,
à peu de choses près, mais qui va nous permettre de donner, M. le
Président, une voix au Québec de demain, de faire en sorte que
les Québécois aient enfin l'occasion de révéler ce
qu'ils veulent et en le justifiant. Là, ce n'est pas seulement un vote
dans le genre oui ou non. C'est de dire: Je veux le Québec de telle
façon, et pour les raisons suivantes. Et que tout le monde puisse
écouter en disant: Oui, à mon sens, ça a du bon sens, ou:
Non, ça, j'y mettrais des sourdines. Cette Commission, peut-être,
peut devenir, pour les Québécois, le révélateur de
leur avenir. Si ça l'est, on pourra alors considérer que cette
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec aura
été un point tournant de notre histoire. En tout cas, nous allons
y travailler, M. le Président, de notre côté de la Chambre
et, j'en suis convaincu, de l'autre côté de la Chambre, avec toute
l'énergie et, je l'espère, la lucidité dont nous sommes
capables. Merci.
Le Président: Je cède la parole à M. le
député de D'Arcy McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: M. le Président, merci. De prime abord,
j'aimerais souligner, au nom de notre caucus du Parti Égalité,
que la nomination de M. Bélanger au sein de cette commission comme
coprésident est grandement appuyée. Ses références
distinguées ainsi que sa vision globale de notre pays font en sorte
qu'il apportera un niveau de raison et de réflexion à une
commission qui aura parfois, sans doute, tendance à s'emporter.
Nous allons, M. le Président, assister aux audiences de la
commission à tous les jours. Il y aura au moins un membre du Parti
Égalité à chaque séance. Nous allons
écouter, nous allons absorber, nous allons étudier et nous allons
intervenir, toujours dans l'esprit de la concertation et de l'ouverture, ainsi
que dans la fidélité à notre province et à notre
pays.
L'adoption de cette loi, que nous entendons amender, marque,
espérons-le, un premier pas vers un Québec éclairé
au sein d'un Canada assagi.
Mais, premièrement, M. le Président, avant que cette
commission puisse même siéger, si c'est vraiment pour rechercher
un consensus de véritable échantillon de la population, la loi
que nous étudions aujourd'hui doit être modifiée afin
d'obtenir un niveau de légitimité nécessaire pour une
commission de ce genre, pour avoir une représentation adéquate
des communautés culturelles ou anglophones.
Selon le projet de loi, 35 personnes doivent composer cette commission.
Qui seront ces 35 personnes? Représenteront-elles un échantillon
juste de la société québécoise?
Le Québec, nous le savons, est l'une des provinces ou l'un des
États les plus diversifiés culturellement en Amérique du
Nord. Environ 20 % de la population du Québec est membre d'une
communauté minoritaire, selon le dernier recensement. Mais où les
minorités du Québec
sont-elles représentées? Des 35 membres de la commission,
on pourrait donc s'attendre que 6 ou 7 soient représentatifs de ces
communautés. Si ce n'est pas modifié pour mieux refléter
notre société, n'importe quel consensus représenté
par cette commission ne sera pas le reflet légitime.
M. le Président, depuis le 23 juin, j'ai profité de
l'été pour visiter plusieurs régions de la province. J'ai
même eu l'occasion de visiter certains députés dans
l'Opposition officielle et même dans le gouvernement. Selon la tradition
québécoise, les citoyens et les dirigeants dans notre belle
province ont été plus qu'accueillants. Ce que j'ai pu constater,
c'est que les préoccupations des gens du Québec sont plutôt
matérielles et économiques que constitutionnelles. Cela ne veut
pas dire que nous soyons tous inconsciemment des matérialistes, mais
que, bien que l'on profite d'un standing de vie proportionnellement très
élevé, une forte partie de notre population - autant dans les
grandes villes qu'à la campagne - demeure avec des préoccupations
de survie de base et, pour des raisons plus qu'évidentes, demeure
détachée des questions qui seront touchées par cette
commission. (16 h 30)
Durant ma tournée à travers la province, les gens me
parlaient beaucoup plus du chômage et du départ de leurs jeunes
que du partage des pouvoirs entre le fédéral et le provincial.
Ils s'inquiètent pour leurs emplois et ils entrevoient à
l'horizon une situation économique désastreuse. Que ce soit du
gouvernement fédéral, provincial ou municipal, les
Québécois s'attendent à ce qu'on en finisse avec cette
histoire, que l'année prochaine se terminent nos disputes
constitutionnelles afin de passer aux problèmes quotidiens qui les
préoccupent vraiment. Toute l'énergie de notre caucus sera dans
l'intérêt d'amener cette Commission à la conclusion que la
Fédération du Canada saura, en définitive, mieux servir
notre province dans les années à venir.
Ceci étant dit, M. le Président, le système
fédéral n'échappe tout de même pas à la
critique. C'est un système qui mérite toujours d'être
critiqué de façon constructive afin que l'évolution de nos
sociétés puisse se faire avec la flexibilité
nécessaire. Notre système sera peut-être
éventuellement remanié de façon qu'on puisse tous, enfin,
un jour, passer aux préoccupations plus importantes sans ce gaspillage
éternel de nos énergies. La créativité et l'effort
intellectuel qui sont dépensés dans ce genre de débat
pourraient certainement mieux servir notre société en
étant canalisés vers l'environnement, les emplois, le
vieillissement de notre population, les crises dans nos hôpitaux qui
sont, à mon avis, nos vraies priorités.
For 123 years, Québec has lived within the Canadian Constitution.
The work of this Commission will present us with a série of options.
Should we continue to evolve within the federal structure or should we slam the
door and start the painful process of settling accounts if, in fact, settling
accounts is even possible. Or, can we, as some have hoped over the years, keep
one foot in and one foot out and simply transfer our body weight in accordance
with the necessities at hand. This is the question. The fundamental question
that we must study in the next few months.
Our Caucus position is firmly with the federalist option. But this does
not mean that we are not open to some form of restructuring, improvement or
variation thereof. It simply means that we will defend the reality that
Quebec's best chances remain within a larger, more diverse entity, whose very
existence stems from the type of uniqueness which Québec brings to it
while, at the same time, be very open to examining improvements and correcting
some of the problems. But in any revamping that we will work towards, you can
be sure that we will defend two criteria that must remain intact: firstly is a
strong Charter of rights and freedoms and, even added to that, an eventual
Charter of responsibilities, and, second, the second criteria which we will
always defend is the need for an effective central government in this
country.
Certes, le système fédéral est loin d'être
parfait, mais n'empêche qu'il a bien servi le Québec depuis 123
ans et notre qualité de vie demeure l'argument le plus solide quant au
besoin de préserver la nature de ce système pour maintenir cette
qualité de vie, cette fierté, cette confiance qui existe
aujourd'hui et qui a été créée dans le
régime fédéral.
Dans les années qui ont suivi la Révolution tranquille,
notre province a démontré qu'elle a tous les pouvoirs
nécessaires pour s'épanouir et se développer sans
hésitation. La classe d'affaires du Québec ainsi que notre
direction industrielle et technologique ne se sont pas implantées
à la suite d'un changement constitutionnel ou d'une rupture avec les
institutions gouvernementales de l'époque. Le Québec s'est
développé en se prévalant des institutions à sa
disposition. Les Québécois ont démontré la
volonté politique d'agir et de prendre le contrôle de
l'économie et de la société dans leur province. La
confiance qui a suivi a été le résultat direct de notre
propre développement et autosensibilisation, ce qui n'avait rien
à voir avec la constitution.
The development of Québec in the past 30 years, our advancement
and the flourishing of our province had nothing to do with constitutional
changes.
Les résultats de la révolution tranquille ont fait la
preuve que le Québec est déjà doté de tous les
pouvoirs nécessaires pour s'épanouir. À ceux qui disent
que le Québec est contrôlé par le régime
fédérai et n'a aucun pouvoir, laissez-moi lire un paragraphe d'un
texte "Choisir le Québec et le Canada", qui était un document de
travail à l'intention des membres du Parti libéral du
québec. vous le connaissez bien, il y a à peu près
onze ans et je cite: "le citoyen québécois travaille la plupart
du temps pour une entreprise ou un service dont le fonctionnement tombe sous le
champ de lois québécoises. il se marie sous l'empire d'un
régime de droits et d'obligations défini par le
législateur provincial. la plupart des actes qu'il pose comme citoyen
relèvent d'un code civil qui est partie intégrante des lois
québécoises. il envoie ses enfants à des institutions
d'enseignement régies par l'autorité québécoise.
s'il est malade ou a besoin de soins hospitaliers, il s'adresse à des
services régis par des lois québécoises et
obéissant à une autorité québécoise. "Qu'il
oeuvre dans l'agriculture, dans la petite ou la moyenne entreprise ou dans une
profession autonome, il doit transiger la plupart du temps avec des services
d'aide, de réglementation ou de surveillance québécois. Si
l'on excepte les grands services d'envergure canadienne comme Air Canada et les
chemins de fer, le citoyen québécois, chaque fois qu'il se
déplace, recourt à des services ou obéit à des lois
et règlements qui relèvent généralement du
Québec. S'il est incapable de travailler en raison de la maladie ou
qu'il ait besoin d'un supplément de revenu pour subvenir aux besoins de
sa famille, il doit s'adresser à des services sociaux qui
relèvent de Québec. Quand il veut déposer ses
épargnes en lieu sûr ou recourir à l'emprunt, il peut
recourir de plus en plus à des institutions typiquement
québécoises.
Pour tous les services immédiats que commande la coexistence des
citoyens, tels l'enlèvement des ordures ménagères, la
protection policière et la protection contre les incendies, les
bibliothèques publiques, etc., il peut compter sur des services
municipaux qui tombent sous le champ de compétence de l'autorité
québécoise. S'il veut créer une société
commerciale ou une association à caractère non lucratif, il peut
s'adresser à des services que le gouvernement québécois
lui offre à cette fin."
Alors, M. le Président, oser dire, comme certains l'ont fait, que
le Québec est prisonnier du système fédéral, c'est
induire la population en erreur. Mais comme je l'ai dit tantôt, il faut
aussi reconnaître certaines injustices historiques pour rectifier
certaines fautes dans le système fédéral. Par exemple, la
constitution a manqué en n'établissant pas le principe de
l'égalité des deux communautés linguistiques au Canada, ce
qui a conduit à plusieurs décisions historiques
déplorables, niant le droit à la langue française au
Canada. Il faut aussi regarder la clause "nonobstant" qui existe dans notre
Charte des droits et libertés qui donne au gouvernement la
capacité de suspendre un droit individuel. La duplication de services
par le gouvernement fédéral a également été
la source de conflits, un problème que nous devrions chercher à
améliorer.
Mais nous, du Parti Égalité, sommes heu- reux que la
question primordiale pour la commission soit l'économie de la province.
La première question à laquelle la commission aura à
répondre, c'est: Combien est-ce que l'indépendance
coûterait aux Québécois et Québécoises?
Rappelons-le, on ne se demande pas si un Québec indépendant sera
viable ou peut survivre, mais bel et bien si le Québécois moyen
serait économiquement avantagé par la séparation du
Québec.
I am also very confident, M. le Président, that this Commission
will realize the advantages of the Canadian Federation and we will objectively
look at the repercussions of sovereignty - economically, socially and from a
human rights perspective. Our caucus will present arguments of logic, of fact
as often as is necessary, we cannot let passion rule this debate, we cannot let
passion or emotion hijack this debate. Because when the emotions run high,
there are several myths that are fostered. Many of these myths, many of these
misconceptions or misperceptions have driven the debate for too long and they
must be replaced and corrected with facts, with historical facts. This is one
of our major aspiration. This is one of the main things we plan to bring to the
commission hearings on a daily basis. (16 h 40)
Le premier mythe qu'il faut redresser est que le rejet de l'accord du
lac Meech est synonyme de rejet du Québec par le Canada anglais. Les
faits démontrent que c'est faux. Des 11 Législatures du Canada,
9, incluant le Parlement fédéral qui représente le pays
tout entier, ont approuvé l'accord, ont approuvé la
reconnaissance du Québec comme société distincte.
Ça, ce sont les faits. And Québec politicians who espouse this
false interpretation of what happened, know it is untrue, but they are still
trying to "sell" it. And I believe that they are committing a serious moral
wrong in order to justify their own quest for power and their own rejection,
perhaps, of the rest of Canada.
Another myth that has to be addressed and we will bring to this
Commission is that because the Meech Lake Accord has failed that independence
or sovereignty is the only course for Québec. The only question is what
ties with the rest of Canada should Québec tolerate for its own benefit.
But, if I can use the words of Dan Soberman who is a professor of law, he is a
professor at the Faculty of law at Queens University, who put these words any
way that this assertion cannot be made honestly. One does not start with the
conclusion that independence is a remedy to an unformulated question." The only
rational and indeed sensible approach is first to ask what changes can
Quebeckers agree on as being important to their future as a democratic society
that retains its cultural and linguistic values. And only then does one ask how
the current Constitution prevents those changes from being implemented.
And one last concern, M. le Président, is what we have found to
be somewhat dangerous in our society, in our democratic society and that is the
virtual stifling of the opposition. The nationalist wave has reached
proportions so that opposing points of view fear speaking out of times. This
has been evident in the past several months. Our Québec media seem more
than willing to bombard TV viewers with the images of six members of a fringe
political organization wiping their feet on the Québec flag, yet when
hundreds cheered various burnings of the Canadian flag in Montréal. It
was treated as less important by the media. As is usually the case, damage is
done by both sides and, unfortunately, the breaking of country becomes more
imminent when the small minded elements of our society are given the exposure
they seek, especially when one side is amplified.
Images and rhetoric put forward by the media during and after the
failure of Meech did little to promote harmony and much to fuel hatred and
misunderstanding in Canada.
Par conséquent, à la lumière de ce que le pays a
vécu au cours des six derniers mois, avec toutes nos disputes
constitutionnelles, the rolling of the dice, ainsi que les négociations
fatigantes et sans fin, il est temps de prendre une décision: le choix
d'un principe clair. Ou bien l'indépendance entière pour le
Québec - une rupture avec le Canada et toutes les obligations qui s'y
rattachent - ou bien nous choisissons la Fédération canadienne.
L'une ou l'autre. Il ne peut y avoir aucune solution mitoyenne. La
souveraineté-association, M. le Président, est une contradiction.
L'association économique aurait servi d'appât à la
société du Québec pour lui arracher son consentement au
projet de souveraineté. Comme Claude Ryan le disait il y a 10 ans: "Le
Canada souffre de fatigue constitutionnelle et n'est pas prêt à
passer à travers le type de négociations que le terme
souveraineté-association implique. Ça ne peut jamais être
réalisé."
I was born here, as were my parents and as was my son. My roots are in
Québec. My family is in Quebec. And this is my home just as much as it
is the home of anyone else in this House, any other individual in this
House.
Les séparatistes ne détiennent pas le monopole de la
fierté de la patrie ou des racines. Et je défie quiconque de dire
le contraire. Ça adonne que je suis un Québécois qui se
soucie tout autant pour les intérêts de sa province que n'importe
quel nationaliste qui agite un drapeau. Et je crois que ce qui est le mieux
pour ma province, ma patrie, c'est de rester au sein du Canada. Ce n'est pas
mettre les intérêts du Québec en second; au contraire,
c'est mettre les intérêts du Québec en première
place.
In 1980, during the run-up to the referendum, I was only 20 years old,
but I remember how inspired I was by the then leader of the
Liberal Party, now the Minister of Education, his speeches, his
brilliant analysis of why we must remain within the Federation of Canada. I
also remember very clearly the inspirational speeches of who was then the
former Premier of Québec and future Premier of Québec. But I will
never forget on October 15, 1983, when he recaptured the leadership of the
Liberal Party; he said: "Oui à un Québec canadien" and "we have
to fight for Canada". So, it will be very interesting to see whether they still
feel this way in the coming weeks. But you can be sure that our caucus does
feel this way and it is our mandate on this commission to establish that
presence.
En terminant, M. le Président, les événements
récents nous ont démontré que le territoire de notre
province comporte l'existence de plusieurs peuples différents et,
lorsqu'on compare l'affirmation autochtone avec le mouvement
indépendantiste ainsi que tout désir d'affirmation autonome au
Canada, nos options, à long terme, deviennent particulièrement
lucides.
M. le Président, nous avons un choix, un choix qui comportera
conséquence bien au-delà du rapport de cette commission. Veut-on
vivre dans un pays démembré où chaque peuple, nation,
groupe ou coalition politique détient sa partie de territoire avec
frontières définies? Ou veut-on vivre dans un pays qui est
géopolitiquement intact et unifié par la présence
même des divers peuples qui en font ses composantes? Le choix est simple,
soit que l'on apprenne à s'entendre dans le respect des valeurs et des
besoins de nos voisins, soit que c'est chacun pour soi et qu'on reformule nos
associations à travers les frontières et les barricades.
Mr. Speaker, the choice has been made abundantly clear to us over the
last few weeks. We either learn to live side by side in mutual understanding
and respect for the needs and wishes of our fellow men, or we all split up and
try to reforge our relationship across countless boarders and road blocks.
Le Québec est français et je veux qu'il reste ainsi, mais
il est également une société multi-culturelle,
multiraciale, multilinguistique qui, tout en garantissant et en combattant pour
demeurer française, de concert avec toutes les composantes de sa
société, devrait respecter toutes les composantes de sa
société.
M. le Président, avec les amendements au projet de loi qu'on a
convenu d'apporter avec les deux partis ce matin, le Parti
Égalité, nous attendons avec impatience l'ouverture de la
commission. Nous serons là du début à la fin et nous
espérons qu'à la lumière de la réalité et du
calme, nous pourrons produire un rapport qui nous mènera à un
Québec et à un Canada forts, unis et paisibles. Merci.
Le Président: Je cède maintenant la parole à
M. le premier ministre. (16 h 50)
M. Robert Bourassa
M. Bourassa: M. le Président, je suis très heureux
évidemment de participer à ce débat fondamental pour
l'avenir du Québec. Comme on l'a dit à quelques reprises depuis
le début du débat, cette loi fait suite à l'échec
des négociations sur l'accord du lac Meech. D'ailleurs, on sait
également que le Parti libéral du Québec, au cours des
prochains mois, proposera lui-même à son congrès des
membres, en mars prochain, un renouvellement de son programme
constitutionnel.
Je n'ai pas à élaborer longtemps sur les causes de
l'échec de l'accord du lac Meech, mes collègues, notamment le
ministre responsable des affaires canadiennes et le leader parlementaire en ont
parlé d'une façon fort pertinente. Également, le chef de
l'Opposition a souligné jusqu'à quel point cet accord du lac
Meech était une forme de test. On n'a pas à répéter
le caractère modéré des demandes du Québec. Qu'on
pense par exemple à la reconnaissance du Québec comme
société distincte qui créait beaucoup d'opposition au
Canada anglais. Cette reconnaissance était basée, comme on le
sait, largement sur des questions sur des éléments de faits
reconnus déjà dans la constitution. Et même, on peut dire,
on peut ajouter qu'avec la clause "nonobstant" qui fait partie de la
constitution canadienne depuis 1982, nous nous trouvions à avoir
déjà un niveau de sécurité culturelle très
important et qui a été utilisé à plusieurs reprises
par les différents gouvernements, mais qui allait, comme on l'a reconnu,
au-delà de ce qui était demandé dans l'accord du lac Meech
qui, quand même, a été refusé.
On a toujours posé la question: Que veut le Québec?
Finalement, nous avons fait ces cinq propositions qui faisaient suite à
toute une série de demandes du Québec datant du début de
la Révolution tranquille. On demande depuis cet échec: Que veut
le Canada? Tout ce qu'on peut constater depuis le 22 juin, c'est qu'il y a
certaines divergences entre les différentes régions du Canada;
que ce soit les provinces de l'Ouest ou même la Colombie-Britannique qui
a référé à un moment donné à une
nouvelle formule politique pour le Canada et pour la Colombie-Britannique, que
ce soit les provinces de l'Est ou de l'Ontario, il est très difficile de
pouvoir dégager un consensus sur la volonté du Canada anglais de
réformer la constitution et sur la façon de la
réformer.
Le Québec, évidemment, n'est pas tenu d'attendre que le
Canada établisse ce consensus avant de réfléchir
lui-même, comme il va le faire dans cette commission non partisane.
Pourquoi une commission non partisane? On sait qu'à la suite de
l'échec, il y avait des demandes pour des États
généraux. Le chef de l'Opposition et moi-même nous sommes
tombés d'accord pour établir cette commission qui faisait suite
à la main tendue du chef du Parti québécois le soir du 22
juin. Il y a eu, comme il l'a mentionné tantôt, de très
nombreuses discussions. Finalement, on s'est entendus. Plusieurs noms ont
circulé sans qu'il y ait aucun commentaire public. Nous nous
étions entendus pour ne pas faire de commentaires publics. Donc, il n'y
avait pas lieu de confirmer ou d'infirmer les rumeurs qui circulaient. Mais un
point sur lequel nous étions d'accord, c'est que la présidence ou
la coprésU dence devait accorder une priorité à la
dimension économique, dimension économique qui est une
préoccupation très importante de tous les citoyens du
Québec.
Nous avons, avec la nomination de MM. Bélanger et Campeau, une
très bonne garantie de l'importance de la dimension économique
dans cette réflexion sur l'avenir du Québec. Je n'ai pas à
faire part des états de service de MM. Bélanger et Campeau, on
les connaît. Ils ont servi le Québec dans plusieurs secteurs, mais
principalement dans le domaine économique, avec un succès
remarquable.
Ceci ne veut pas dire que les autres secteurs seront
négligés. Que ce soit dans les nominations qui seront faites au
niveau de la deputation, ou des représentants du milieu des
travailleurs, ou des représentants du milieu des , entrepreneurs, nous
avons bien l'intention d'aborder toutes ces questions touchant l'avenir social
et culturel des Québécois. Mais la sécurité
économique est un aspect fondamental. J'ai bien insisté
là-dessus, notamment dans mon discours du 23 juin.
Si nous voulons cette sécurité économique, c'est
que l'affaiblissement du Québec sur le plan économique va nous
conduire à un Québec plus faible où les jeunes seraient
les premières victimes. Nous avons quand même réussi,
depuis quelques années, à redonner aux Québécois
leur confiance sur le plan économique. On voit même qu'au cours de
cette année, nous avons une performance économique qui
dépasse nettement celle de notre puissant voisin, l'Ontario, alors
qu'ils ont créé, comme je le mentionnais, environ 30 000 nouveaux
emplois, c'est près de 50 000 dans le cas du Québec, et on
pourrait donner d'autres chiffres au niveau des investissements. Donc, de plus
en plus, nous faisons nos preuves sur notre savoir-faire économique.
Comment cette sécurité économique s'expri-me-t-elle
concrètement? D'abord par la stabilité monétaire et une
monnaie commune, et je constate que, de part et d'autre, nous souhaitons,
quelles que soient les formes du régime politique de l'avenir du
Québec, avoir cette stabilité monétaire qui se
reflète dans une monnaie commune. C'est donc une option tout à
fait logique. En effet, il est impensable que l'intérêt
économique du Québec puisse être conciliable avec une
monnaie québécoise, avec, sur le plan économique, une
coupure avec le reste du Canada. Cet intérêt économique
vise la mobilité: la mobilité
du capital, la mobilité de la main-d'oeuvre, la
mobilité des biens et des services. Encore là, personne ne
propose au Québec des contrôles douaniers. Ce ne serait pas
réaliste de penser que le Québec, qui est au centre du Canada,
puisse établir des contrôles douaniers. Mais ce qu'il faut retenir
de cela, M. le Président, c'est que, si nous sommes d'accord pour la
mobilité des capitaux, la mobilité de la main-d'oeuvre et la
mobilité des marchandises, il y a donc une dynamique interne qui
s'inscrit dans le développement ou l'activité économique
du Québec et que, si nous avons cette union douanière, nous
devons avoir ce marché commun et cette union monétaire.
J'ai eu l'occasion de référer à
quelques reprises à l'expérience de la Communauté
économique européenne où on a constaté la
nécessité d'une stabilité monétaire. Le chef de
l'Opposition, à quelques reprises, a référé au
pouvoir relativement restreint du Parlement européen, mais il faut
admettre que, depuis des années, ces pouvoirs ont tendance à
s'accroître, que, de plus en plus, en Europe qui est la terre de nos
ancêtres, on constate que l'intégration économique conduit
à l'intégration politique et que, si on a une monnaie commune, on
doit avoir une banque centrale et si on a une banque centrale, c'est
évident qu'on est obligés de reconnaître la pertinence d'un
Parlement et d'un Parlement élu au suffrage universel.
Je prends encore l'exemple de l'Europe. Jusqu'en 1979, on
n'avait pas de Parlement élu au suffrage universel et on n'avait pas ce
niveau d'intégration économique que nous connaissons actuellement
en Europe et qui vise de plus en plus à devenir plus étroit. On
doit constater que, parallèlement à ce développement de
l'intégration économique, de plus en plus d'importance est
accordée au Parlement et, depuis 1979, les députés sont
élus au suffrage universel: élections en 1984 et en 1989. C'est
vrai que le taux de participation est relativement bas, environ 50 %, mais,
comme on le sait, c'est à peu près le niveau qui existe aux
États-Unis.
On me permettra à cet égard, M. le
Président, de référer aux propositions des jeunes
libéraux faites il y a quelques semaines et qu'a endossées avec
un certain enthousiasme le député de Lac-Saint-Jean, si je ne
m'abuse, reconnaissant que les jeunes libéraux faisaient preuve de
beaucoup de réalisme, sans faire de comparaisons désobligeantes
avec les jeunes péquistes, si je puis dire. Les jeunes libéraux,
à cet égard, ont montré qu'il fallait donner à ce
Parlement des pouvoirs réels pour protéger la stabilité de
la monnaie, une question de réalisme. Également, ils ont mis en
relief, dans cette approche réaliste, la pertinence d'une mise en commun
dans d'autres secteurs, que ce soit la question de la défense ou de la
politique étrangère. On pourra ajouter également les
questions de l'environnement. On va admettre facilement que le problème
de l'environnement ne peut pas se résoudre d'une façon
unilatérale ou locale. C'est un problème universel qui implique
la concertation des différents gouvernements. (17 heures)
Je sais que le chef de l'Opposition, pour sa part, a
émis des doutes sur la référence que nous pouvons faire au
Marché commun européen. Je suis d'accord avec lui que, sur le
plan budgétaire, les ressources budgétaires du Parlement
européen sont relativement limitées, toutes proportions
gardées, par rapport au gouvernement central. Mais ces ressources ont
tendance à s'accroître. Les pouvoirs fiscaux devront
s'accroître et nous ne pouvons pas, M. le Président, penser que
nous aurons des politiques monétaires similaires sans avoir des
politiques fiscales similaires.
Actuellement, par exemple, en France, on débat la
question de la réforme fiscale. À plusieurs reprises, le
gouvernement français invoque les contraintes communautaires pour
harmoniser la fiscalité avec le reste des pays du marché commun.
C'est cela que nous devons assumer dans le débat qui s'annonce. C'est
que si nous acceptons, pour des raisons de réalisme et de bon sens
économique, une intégration économique, nous devons
accepter en même temps une certaine concertation ou harmonisation
fiscale, laquelle implique nécessairement, comme les jeunes
libéraux le soulignaient, un Parlement élu au suffrage universel.
Et on pourrait ajouter à cela toute la question du déficit
canadien.
Quand le chef de l'Opposition se réfère aux pouvoirs
budgétaires, aux pouvoirs fiscaux assez limités du marché
commun, on doit répondre à cela que si nous avons à
assumer aussi le Parlement supranational ou néo-fédéral ou
communautaire - on sait que les termes peuvent varier - assumer le
déficit canadien, il faudra, de toute façon, à ce
moment-là, tenir compte des pouvoirs fiscaux puisque, actuellement, le
déficit canadien représente environ 35 % des revenus du
gouvernement fédéral. On ne peut pas solutionner la question du
déficit fédéral qui est considérable, qui est
énorme en disant qu'il pourra faire partie des pouvoirs d'un Parlement
canadien ou communautaire ou supranational sans lui donner des pouvoirs de
taxation pour le financer.
Donc, ce sont des problèmes concrets comme ceux-là, de
nature financière et économique, qui pourront être
abordés par la commission parlementaire élargie. On aura
l'occasion d'approfondir toutes ces questions avec différentes formules,
que ce soient des forum, que ce soient des experts ou que ce soit,
évidemment, avec les mémoires qui vont être soumis. J'ai
mentionné, à la fin du mois de juin, que les paramètres
dans lesquels le gouvernement, à tout le moins, voudrait évoluer
dans cette réflexion, j'ai parlé de la question
économique, j'ai parlé du
rôle historique et fondamental des anglophones au Québec,
de l'importance du dynamisme des différentes communautés
culturelles.
On pourra parler, c'est clair, également, de la question de
l'immigration, que nous souhaitons vivement arriver à une entente avec
le gouvernement fédéral. On a fait un bon bout de chemin à
cet égard-là. On sait que l'immigration constituait une des cinq
demandes du Québec, une demande qui est fondamentale et qui permet au
Québec d'avoir un dynamisme pour sa démographie et
j'espère que dans les prochaines semaines, sinon dans les prochains
jours, nous pourrons avoir cette entente sur l'immigration qui va confirmer et
ajouter des pouvoirs sur le choix des immigrants, permettant d'intégrer
plus facilement ces immigrants à la société
québécoise.
Toute la question des francophones hors Québec aussi que nous
pourrons aborder, évidemment, la question de la collaboration avec les
communautés autochtones, sans oublier, il va de soi, comme l'a
mentionné d'une façon très pertinente le chef de
l'Opposition, l'avenir culturel des Québécois.
M. le Président, je voulais en quelques mots simplement souligner
l'importance historique de cette commission qui fait suite, comme on le sait,
à plusieurs décennies de réflexion chez les
Québécois, avec les différentes commissions
d'enquête. Il s'agit donc d'un nouveau contexte, une formule sans
précédent, un exercice de réflexion qui va être
très très important pour notre avenir.
Je souhaite vivement, au nom du gouvernement, que cet exercice dé
réflexion se fasse dans un climat positif et serein, comme d'ailleurs a
été la réaction des Québécois à la
suite de l'échec de l'accord du lac Meech, réaction qui a
été saine et très positive et très sereine.
Ce qui va guider le gouvernement, c'est peut-être un peu ce qui
nous distingue de l'Opposition dont l'objectif est reconnu. Ce qui va guider le
gouvernement, ce n'est pas une formule politique plutôt qu'une autre,
c'est l'intérêt supérieur des Québécois. Pour
nous, la valeur suprême, c'est le progrès du Québec. Les
formules politiques doivent être subordonnées à notre point
de vue à cet intérêt au progrès du
Québec.
Et ce progrès du Québec, je souhaite vivement qu'il pourra
être préparé à l'occasion de cette réflexion,
de cette commission élargie, de cette commission parlementaire et
qu'avec la collaboration de tous les Québécois, d'une
manière positive et dynamique, nous puissions travailler au
bien-être de notre population. Merci, M. le Président.
Le Président: Nous allons poursuivre maintenant avec
l'intervention de M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, ça me fait toujours
sourire quand j'entends le premier ministre affirmer qu'il entend
défendre d'abord et avant tout les intérêts
supérieurs de la nation québécoise. Ça me fait
sourire parce que c'est une expression plus ou moins clichée,
passepartout, qui n'a pas beaucoup de signification. Et puis, je me dis avec un
peu d'humour: Qui défend les intérêts inférieurs de
la nation? Dans la crise autochtone, je ne sais pas si ce sont les
intérêts supérieurs ou les intérêts
inférieurs de la nation qui sont en cause.
M. le Président, on l'a répété à
l'occasion de ce débat, il me semble que c'est important de le dire
d'entrée de jeu, l'échec de l'accord du lac Meech a eu au moins
cette utilité, je dirais, de ramener les voies d'avenir pour le
Québec à deux options. Pas trois, pas quatre, pas dix, deux. Et
deux seulement. Et ça apparaît maintenant avec une clarté
aveuglante.
D'abord, le fédéralisme actuel, tel qu'il fonctionne
présentement et qui est fondé sur la Charte canadienne des droits
où le Québec n'est qu'une province comme les autres, au
même titre que les autres, dans la mesure où les provinces, comme
les citoyens, sont égales entre elles. Dans un régime
fédéral actuel, même le Québec, comme
société distincte, et comme société distincte avec
très peu de portée, si on se rappelle le contenu de l'accord du
lac Meech, même ça, ça n'est pas intégrable au
régime fédéral actuel. Ça, c'est la première
option. Il y en a qui défendent cette option-là et qui y croient
encore - j'en parlerai tantôt - entre autres M. Cosgrove, un
libéral notoire, membre du comité politique chargé par le
Parti libéral de refaire le programme constitutionnel du Parti
libéral. Fédéralisme actuel tel qu'il fonctionne
présentement, avec ses défauts et les lacunes qu'on lui
connaît, mais c'est ça, une des deux options.
Et l'autre, c'est la souveraineté du Québec, qui
permettrait clairement au Québec d'établir ses lois, de voter
toutes les lois, de percevoir tous ses impôts et de conclure des
traités, notamment une entente définissant les modalités
d'une association économique avec le Canada. Ce sont là les deux
options qui constituent des choix possibles pour les Québécois.
Et l'échec du lac Meech aura au moins eu cet avantage de clarifier les
choses et de ramener les voies d'avenir pour le Québec à ces deux
options, de sorte que le statut particulier du Québec, à
l'intérieur de la fédération canadienne, c'est maintenant
une chose reconnue, c'est une voie sans issue. C'est un cul-de-sac, une
impasse. Toute forme de renouvellement du fédéralisme est
vouée à l'échec. C'est ça, une des conclusions de
l'échec de l'accord du lac Meech. Toute forme de
fédéralisme du régime fédéral actuel est
vouée à l'échec, est une voie sans issue, est de
l'ordre de l'utopie. Et le rejet des conditions minimales du
Québec par le Canada anglais constitue, à cet égard, un
verdict sans appel, puisque la plus insignifiante des révisions du
régime actuel qui ait jamais été proposée dans
toute l'histoire du Québec n'a pas réussi, a
échoué: c'est-à-dire l'accord du lac Meech. Le
fédéralisme n'est donc pas renouvelable et ça, les
Québécois en ont tiré la conclusion à la suite de
l'échec de l'accord du lac Meech. Le fédéralisme n'est pas
réformable, il n'est pas renouvelable. Donc, on y adhère, on
l'appuie, on y croit ou alors, on s'oriente vers autre chose qui est totalement
différent, en termes de statut du Québec. (17 h 10)
L'échec de l'accord du lac Meech permet donc de constater que
désormais, pour les Québécois, la solution passe par le
Québec. Jamais plus, jamais plus les Québécois
n'accepteront de voir leur avenir constitutionnel placé entre les mains
d'une poignée de politiciens du Canada anglais. Et c'est ça qui
est arrivé le printemps dernier, jusqu'en juin dernier, jusqu'à
l'échec de l'accord du lac Meech. C'est ça qu'on a vu.
C'était passablement honteux, d'ailleurs, M. le Président,
passablement humiliant pour les Québécois de voir que leur sort
était discuté par d'autres, ailleurs qu'au Québec.
Ça, c'est une situation qui ne se renouvellera plus jamais. Les
Québécois ne permettront pas qu'une telle situation se
répète.
Donc, les Québécois doivent décider entre eux et
pour eux de leur avenir politique, d'où l'importance des travaux de
cette Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec puisqu'on y
réaffirme, de façon solennelle - le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes le
signalait tantôt - le droit à l'autodétermination du
Québec. Le premier considérant, que je cite: "Considérant
que les Québécoises et les Québécois sont libres
d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et
d'assurer leur développement économique, social et culturel..."
C'est une façon d'exprimer le droit des Québécois de
disposer d'eux-mêmes, donc leur droit à l'autodétermination
qui se trouve ainsi reconnu d'entrée de jeu dans ce projet de loi
créant la Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec.
Donc, les Québécois devront décider entre eux et pour eux
de leur avenir politique, par le canal de cette Commission sur l'avenir
constitutionnel du Québec. La commission devient ainsi un forum
privilégié qui permettra au peuple québécois de se
prononcer, de s'exprimer sur les voies d'avenir qui s'offrent à lui.
Cette commission sera une tribune, un véhicule qui permettra au peuple
de se faire entendre, qui fournira au peuple une occasion de se faire entendre
et d'exprimer son choix.
Donc, le débat sur l'avenir constitutionnel du Québec qui
s'amorcera bientôt, avec les travaux de cette commission - il faut le
constater avec satisfaction - va se dérouler dans un climat de
sérénité et de confiance en eux-mêmes chez les
Québécois. Plus que jamais, les Québécois sont tout
à fait conscients de leurs aptitudes, de leur capacité à
devenir pleinement responsables d'eux-mêmes. De plus en plus, ils sont
conscients du potentiel de leur économie qui résulte de
l'émergence d'une classe d'affaires, d'une classe d'entrepreneurs d'ici
et qui sont... ¦ Donc, les Québécois, à partir de
là, sont de plus en plus nombreux à envisager, de façon
positive et sereine, les perspectives d'un Québec souverain. Cette
confiance croissante des Québécois en eux-mêmes a
été d'ailleurs renforcée, mise en évidence par les
diverses études d'institutions financières
réputées, reconnues, comme Merrill Lynch, qui attestaient, qui
proclamaient même la viabilité du projet de souveraineté du
Québec sur le plan économique, de sorte que le spectre de
l'insécurité économique, agité fébrilement
et de façon démagogique pendant la campagne
référendaire de 1980, n'effraie plus aujourd'hui, à juste
titre d'ailleurs, les Québécois.
Je comprends mal que le premier ministre soit si obsédé de
sécurité économique puisque les Québécois
eux-mêmes se considèrent en pleine situation de
sécurité économique et considèrent que le
Québec accédant à la souveraineté, leur
sécurité économique ne sera nullement mise en danger, mise
en cause. Ce qui ressort d'ailleurs des événements
récents, c'est la mise au rancart, je dirais, de tout cet arsenal
d'arguments de peur économique qui prévalaient à
l'époque du référendum. Les Québécois n'ont
plus peur, particulièrement ils n'ont plus peur sur le plan
économique.
Mais pour que soit valable et constructif le débat de la
Commission sur l'avenir constitutionnel, je pense qu'il nous faut exiger de la
clarté. Il nous faut exiger qu'on évite les marécages, je
dirais, sémantiques de l'ambiguïté et du clair obscur. Pour
nous, du Parti québécois, c'est clair depuis plus de 20 ans. La
voie à suivre, c'est la voie de la souveraineté du Québec.
Et puis, je pense que nos concepts sont clairs, simples mais clairs. La
souveraineté du Québec, c'est, en quelques mots, le pouvoir
exclusif de cette Assemblée, du Parlement de Québec, de
l'Assemblée nationale de légiférer sur le territoire
québécois et que ce soit le seul Parlement habilité
à faire des lois au Québec. C'est également le fait que
tous les impôts payés par les Québécois soient
perçus par le seul État du Québec. C'est enfin la
capacité pleine et entière de conclure des traités, des
conventions ou des accords internationaux, y compris une entente d'association
économique avec le Canada. Seule la souveraineté, disons-nous,
nous permettra de rétablir un véritable rapport de force
permettant de négocier avec le Canada anglais les modalités d'une
association économique portant sur la monnaie, les droits de douane, la
libre circulation
des personnes et des capitaux, comme le mentionnait tout à
l'heure le premier ministre.
Notre option, elle est claire, elle est connue, elle est publique, elle
est articulée. Notre démarche aussi pour y accéder, elle
est claire, elle est connue, elle est publique et elle est aussi
articulée puisqu'on la retrouve dans le programme du Parti
québécois. Dès notre arrivée au pouvoir, un
gouvernement du Parti québécois va amorcer, enclencher un
processus nous conduisant à la souveraineté par le biais de
négociations, de pourparlers avec le gouvernement fédéral,
alors qu'en même temps on procédera à l'élaboration
d'une constitution d'un Québec souverain. Au terme de ce processus, la
constitution d'un Québec souverain, incluant donc une déclaration
de souveraineté, sera soumise directement à la population par
voie de consultation populaire, par voie de référendum.
Pour nous, donc, les choses sont claires. Les idées sont claires
et les concepts sont clairs. La démarche est claire aussi. Pour le Parti
libéral du Québec, il nous faut reconnaître que les voies
d'avenir sont à la fois plus nombreuses, plus ambiguës et plus
nébuleuses. On dirait que le Parti libéral s'est lancé
à la recherche de la quadrature du cercle ou a décidé
d'adhérer à l'option d'Yvon Deschamps: Un Québec
indépendant dans un Canada uni! (17 h 20)
À partir de là, ce qu'on constate, c'est que le Parti
libéral est en voie littéralement de se transformer en
véritable auberge espagnole afin - probablement, c'est la raison - de
maintenir son unité jusqu'à son prochain congrès de mars
1991 en tentant de couvrir tous les angles à la fois, de couvrir tout le
terrain politique en même temps et à la fois. Alors on passe donc
de la communauté économique Canada-Québec des jeunes
libéraux, qui ressemble étrangement à la
souveraineté-association, aux professions de foi des
fédéralistes purs et durs comme M. Cosgrove. Et, entre les deux,
bien des nuances de renouvellement du fédéralisme comme si
l'échec de l'accord du lac Meech n'avait pas condamné à
tout jamais toute tentative de réformer ce régime, de renouveler
ce régime.
La position des jeunes libéraux, le premier ministre faisait
allusion à ma déclaration à ce sujet-là, c'est une
position intéressante parce que ça constitue un progrès
très net par rapport à la position du Parti libéral
actuel. Il est vrai, cependant, qu'on y constate beaucoup de timidité
sémantique. Les jeunes libéraux n'osent pas appeler un chat, un
chat. Alors jamais dans leur document on ne retrouve le terme
"souveraineté". On parle de pleine autonomie politique, de l'État
du Québec qui se verrait accorder les pleines attributions d'un
état. On n'ose pas appeler un chat, un chat. Bon, c'est une
timidité compréhensible évidemment, quand on appartient
à un parti qui s'affichait, qui s'est affiché depuis sa
fondation, comme un parti fédéraliste, qui est à la
recherche d'une nouvelle voie. C'est évident qu'on peut comprendre cette
timidité sémantique des jeunes mais j'espère qu'ils vont
pousser davantage, plus loin leur réflexion et qu'ils vont corriger les
lacunes de leurs positions parce qu'il y en a, des lacunes. Alors je saluais le
progrès accompli par les jeunes libéraux, mais il faut quand
même signaler qu'ils ont encore des progrès à accomplir et
des efforts de réflexion à faire parce que ce n'est pas
uniquement avec un Parlement supranational qu'on va gérer une
communauté économique entre le Canada et le Québec.
Je regrette mais quand on fait référence à l'Europe
des 12, on constate que ce n'est pas le Parlement qui est l'institution la plus
importante. C'est le Conseil des ministres de la Communauté qui est
l'instance décisionnelle. Le Conseil des ministres de la
Communauté, ça comprend des ministres de chacun des États
constituant la Communauté et c'est aussi la commission qui siège
à Bruxelles qui est l'instance executive, qui exécute les
décisions et qui peut faire également des propositions. Le
Parlement - le Parlement qui siège à Strasbourg, à la
Communauté - c'est l'instance la moins importante et qui possède
le moins de pouvoirs. Alors ce n'est pas avec un Parlement, comme le
suggèrent les jeunes, qu'on va vraiment gérer correctement et
efficacement une communauté économique entre le Canada et le
Québec, avec laquelle je suis d'accord d'ailleurs, puisque c'est nous
qui avons proposé cette communauté dès le départ.
Il y en a qui auraient intérêt à relire le livre blanc sur
la souveraineté-association de 1980. Ils auraient intérêt
à le relire. La communauté économique Québec-Canada
se retrouve dans ce livre blanc. Si on veut remonter plus loin, on n'a
qu'à relire Option Québec de René Lévesque
publiée en 1967. C'est là-dedans aussi.
Cependant, il ne faut pas confondre les choses et il ne faut pas semer
l'ambiguïté et créer des malentendus. Il faut être
clair. Et quand il y a une communauté, quand on parle de
communauté économique Québec-Canada, il faut constater que
ce qui importe ce sont, oui, la libre circulation des capitaux, des personnes
et des biens, oui, très bien, une monnaie commune, oui, et
également aussi des institutions qui vont gérer cette
communauté. Et la plus importante des institutions ce n'est pas un
Parlement supranational comme le suggèrent, comme le proposent les
jeunes libéraux. Bon, il y a quand même un effort
intéressant qu'il faut saluer la de la part des jeunes
libéraux.
Mais quand on regarde les déclarations de M. Cosgrove, et
là ce n'est n'est pas le dernier venu: ex-candidat de prestige, on se
rappellera...
Des voix: Ah oui! ah oui!
M. Brassard: ...ex-candidat de prestige du Parti libéral,
on est allé le chercher à Washing-
ton. Et puis là, il n'est pas non plus un simple militant, il
fait partie du comité politique chargé par le premier ministre
lui-même, chef du Parti libéral, d'élaborer un nouveau
programme constitutionnel, M. Cosgrove. Alors là, on tombe des nues! l_a
position des jeunes libéraux, c'est vrai que c'est une position
souverainiste à côté de ça parce qu'il se
définit lui-même comme un fédéraliste orthodoxe. M.
Cosgrove ressuscite les vieux épouvantails de 1980, les vieux
épouvantails de l'instabilité économique, du
désastre économique qui pourrait faire suite à l'accession
du Québec à la souveraineté. Je cite l'article du
Devoir: "Cela dit, la perspective de l'indépendance du
Québec lui apparaît comme un "désastre" devant conduire
inévitablement à de nouvelles tensions sociales, à la
ruine de l'économie et à l'instabilité politique." On se
croirait retourner 10 ans en arrière, à l'époque de la
campagne référendaire. "Et il admet volontiers qu'il n'est
même pas nationaliste, alléguant qu'à travers l'histoire
les mouvements nationalistes furent souvent porteurs de germes fascistes."
Confusion des nationalismes.
Alors, M. Cosgrove est membre du Parti libéral, c'est un
militant, c'est un membre d'une instance importante du Parti libéral.
Ex-candidat du Parti libéral, lui, il continue de véhiculer les
mêmes vieux clichés, de véhiculer les mêmes vieux
arguments de peur et de pratiquer ce qu'on appelait à l'époque,
ce qu'il faut bien continuer d'appeler, le terrorisme économique qu'on a
bien connu il y a 10 ans.
Là, écoutez bien, ça veut dire qu'on se retrouve
avec un Parti libéral qui nage dans la confusion la plus totale. Et le
premier ministre n'aide pas à clarifier les choses par ses
déclarations pour le moins contradictoires; une journée,
passablement nationaliste, une autre, pas mal plus fédéraliste.
Il entretient volontiers et délibérément, sans doute,
l'ambiguïté. Soucieux de gagner du temps, ça a toujours
été l'essentiel de sa politique et d'éviter ainsi aussi
l'éclatement de son parti. Parce que, là-dessus, il y a bien des
choses à dire, sur les déclarations du premier ministre qui nous
parle depuis l'Europe et depuis un certain nombre de mois de superstructure
à l'européenne. Il vient de nous en parler encore dans son
intervention de tout à l'heure. Il évoque et il invoque la
Communauté économique européenne, mettant en
évidence les liens qui unissent les pays de la Communauté, unions
douanières, libre circulation des personnes et des capitaux, et on se
dirige maintenant, depuis un certain temps, vers une union monétaire.
Oui, très bien, sauf que, quand on parle de superstructure, M. le
Président, je vous signale que ça implique qu'il y a une
infrastructure. C'est logique, ça, hein? Quand on parle de
superstructure, ça implique qu'il y a une infrastructure. C'est quoi
l'infrastructure de cette superstructure qui s'appelle la Communauté
économique européenne? C'est la souveraineté des
États. C'est ça, l'infrastructure. Il n'en parle jamais; il n'en
parle jamais, jamais un mot! Il parte toujours de la superstructure, des
instances communautaires, de ce qui crée la Communauté. C'est
bien. On ne peut pas dire qu'il se trompe, il ne ment pas, il ne dit pas de
fausseté, mais il oublie l'autre élément, tout aussi
fondamental, de la Communauté, l'infrastructure, c'est-à-dire les
États souverains. Il y en a 12, États souverains qui constituent
la Communauté économique européenne.
Les jeunes libéraux commencent à le comprendre, là,
mais ils sont un peu timides. Ils n'osent pas parier de souveraineté,
ils parlent de pleine autonomie. Mais ils sont à la veille
peut-être de voir la réalité. Ça progresse. Mais le
premier ministre, lui, il n'a pas l'air de progresser beaucoup. Il est toujours
à sa superstructure et aux éléments de la
Communauté, mais il oublie l'infrastructure, la souveraineté des
États. (17 h 30)
Je pense qu'à l'occasion des travaux de cette commission ce sont
des choses qu'il va falloir clarifier, des concepts qu'il va falloir mettre en
lumière; pas uniquement les aspects communautaires d'une association
économique Canada-Québec, mais également les changements
fondamentaux par rapport au régime actuel, c'est-à-dire le fait
qu'on se trouvera en face de deux États souverains et pleinement
souverains. Il faudra donc que M. le premier ministre fasse son choix aussi, il
faudra qu'il se branche. Il faudra qu'il se branche au plus tard lors de son
congrès, peut-être avant, on l'espère, pour qu'on puisse
enfin savoir où il loge, a quelle enseigne il loge, qu'il affiche ses
véritables couleurs parce que là on ne sait pas s'il est du
côté des jeunes libéraux et qu'il va cheminer vers un
projet de souveraineté-association ou s'il est du côté du
M. Cosgrove et qu'il va s'embourber dans une proposition de
fédéralisme orthodoxe, pour parler comme M. Cosgrove.
Dans les circonstances actuelles, M. le Président, il ne sert
à rien de rechercher la quadrature du cercle d'un Québec
souverain dans un Canada uni. Ça, c'est bon dans un monologue d'Yvon
Deschamps, mais en politique ce n'est pas possible, c'est impensable, c'est une
voie sans issue qui ne pourra nous conduire qu'à de nouveaux
marécages constitutionnels. On peut choisir le fédéralisme
actuel tel qu'il fonctionne et c'est parfaitement légitime. On peut
choisir la souveraineté du Québec comme projet et c'est aussi
parfaitement légitime. Mais n'essayez plus de trouver quelque chose
entre les deux, une espèce de renouvellement du régime actuel,
les faits, l'histoire viennent de démontrer que ce n'est pas faisable,
que le fédéralisme n'est pas réfôrmable. Si vous
vous engagez dans cette voie-là, vous vous engagez de nouveau, encore
une fois, après Meech et bien d'autres tentatives, comme le signalait le
chef de l'Opposition, dans une voie sans issue, dans une impasse. Alors, le
premier ministre devra se brancher en faveur de l'une ou l'autre des
deux options, non pas des trois, ni des quatre, des deux.
Je termine là-dessus, M. le Président. La commission que
nous créons par une loi spéciale permettra, je l'espère,
espérons-le en tout cas, de clarifier les véritables enjeux
découlant de ces deux options, de clarifier aussi les concepts, de
dissiper les malentendus, les ambiguïtés que certains prennent
plaisir à véhiculer et à entretenir. Cette commission
permettra de clarifier les enjeux, de clarifier les concepts de ces deux
options qui s'offrent comme voie d'avenir pour le Québec, de telle sorte
qu'on puisse déboucher sur un choix parce que là il va falloir
que ça débouche quelque part, cette commission. Elle va faire ses
travaux, elle va entendre tout le monde, elle va faire des rapports. Je dis des
rapports au pluriel, peut-être un rapport, mais je ne pense pas que ce
soit pensable, il y en aura probablement plusieurs, plus d'un en tout cas,
compte tenu des membres qui la composeront. Mais il faudra aussi que les
Québécois soient appelés un jour ou l'autre - le plus
tôt sera le mieux - à faire un choix, à choisir. C'est vers
ça qu'on doit s'engager. Si ce n'est pas vers ça, ça
devient un exercice inutile, futile même, il faut être bien
conscients que ce n'est qu'une étape qui va nous conduire vers une autre
étape, plus décisive celle-là, où les
Québécois et Québécoises auront à faire un
choix. Dans ce sens-là, évidemment, je pense que, comme tout le
monde qui est intervenu là-dessus, cette commission aura un rôle
important à jouer. C'est pourquoi, évidemment, c'est avec plaisir
que je voterai en faveur de ce projet de loi créant cette Commission.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Le prochain intervenant, M. le
député d'Anjou. M. le député d'Anjou.
M. René Serge Larouche
M. Larouche: Merci, M. le Président. Alors, nous
étudions le projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir
politique et constitutionnel du Québec. Avant de faire mon discours,
évidemment, j'ai consulté certaines personnes hier. J'ai dit:
Tiens, je vais faire un discours sur le droit du Québec à
l'autodétermination. Alors, mon grand conseiller m'a dit: Tu vas vite
sur tes patins, tu feras ça plus tard. Ainsi, j'ai été
obligé de me rajuster aujourd'hui et de suivre ses conseils. Il m'a dit:
Tu devrais faire ton discours sur la question du mandat et de la composition.
Ayant entendu mes collègues, je ne peux pas faire autre chose que de
donner aussi mes commentaires sur le lac Meech, sur des questions de
nationalisme, d'intégration et ainsi de suite, pour en arriver, en
deuxième partie, à cette question du mandat et de la composition,
du fond lui-même du projet de loi instituant la Commission sur l'avenir
politique et constitutionnel du Québec.
On le sait, des commissions au Québec et au Canada, il y en a eu.
J'ai, au cours des derniers mois, jeté un coup d'oeil en profondeur - je
n'ai pas seulement tourné les pages - sur la commission Rowell-Sirois en
1938 qui examinait certaines questions de fiscalité touchant les
provinces et le gouvernement fédéral, sur la commission Tremblay,
évidemment, quatre ou cinq volumes, 1953 à 1955, et il est
remarquable en tout cas, pour la commission Tremblay, comme ça peut
être toujours d'actualité; la commission Laurendeau-Dunton,
1962-1967, la commission Pepin-Robarts, 1979, et enfin on aura cette commission
Bélanger-Campeau.
On sait que cette commission est mise sur pied suite à
l'échec du lac Meech. La pierre d'achoppement au niveau de l'acceptation
par le Canada anglais de l'accord du lac Meech, c'est évidemment le
concept de société distincte. Si on consulte n'importe quel
manuel qui touche les relations ou les affaires internationales, ce concept de
société distincte revient constamment. Société
distincte qui veut dire une société qui est différente
d'une autre, tout simplement. C'est clair que, pour une bonne partie du Canada
anglais, même si l'accord a été refusé
officiellement par Terre-Neuve et le Manitoba - et même au Manitoba, on
dit par Elijah Harper - ce concept de société distincte allait
à l'encontre d'une vision d'un Canada unitaire, d'un Canada où il
y a une nation, où il y a un peuple, où il y a un gouvernement et
ainsi de suite. Alors ça arrivait à l'encontre d'une conception
du Canada qui date de 1865, ce grand débat entre Mac-donald et Cartier.
Ce qu'il faut clarifier avec cette commission, c'est d'en venir à la
conception Cartier éventuellement. Ce sera certainement
examiné.
Ce concept de société distincte était lourd de
conséquences. Contrairement à ce que pourraient en dire certains,
ce n'est pas seulement une petite chose. Au moins, ça plaçait un
jalon: Le Québec est une société distincte, et on l'a vu:
Non, vous n'êtes pas une société distincte. Bon,
très bien. On tourne la page. Ce que j'ai dit, moi, en particulier,
c'est: Toutes les options sont ouvertes. Quelles options? Contrairement au
député de Lac-Saint-Jean, je ne dis pas qu'il y a deux, mais
trois options. On n'est pas le premier peuple ou la première nation
à examiner cette question. Si on regarde la période de 1960
à 1990, les pays membres des Nations unies, sont 60 pays à 158 ou
à 160 aujourd'hui, il y a toujours trois options: soit que c'est la
souveraineté pure et simple ou l'indépendance pure et dure, soit
que c'est une souveraineté associée à un autre
État, et René Lévesque n'a absolument rien inventé,
ou soit, troisièmement, que c'est l'intégration avec le pays dans
lequel on participe déjà. Quel est ce niveau de plus ou moins
d'intrégration ou, dans une deuxième option, quel est ce
partage de souveraineté? Eh bien, je pense que ça fera partie du
mandat de ce comité, de se pencher sur ces questions. (17 h 40)
C'est une question de nationalisme, d'un côté, et
d'intégration, de l'autre, et, entre les deux, il y a un mi-chemin.
Quand je parle de nationalisme, je ne peux pas ne pas référer au
premier pourfendeur du nationalisme au Canada. Son nom: Pierre Elliott Trudeau.
Pour lui... et, en passant, c'est relié à la question
amérindienne. Pierre Elliott Trudeau, en 1969, à Vancouver,
prononce un discours majeur. Il dit ceci. Je le cite d'abord en anglais, je
vous le traduirai parce que, quand même, je veux respecter sa
pensée. Concernant une question qui lui était posée sur
les droits territoriaux pour les Amérindiens du Canada, il répond
ceci: "Our answer is no. We cannot recognize aboriginal rights to the Indians
because no society can be built on historical might-have-beens. If we think of
restoring aboriginal rights to the Indians, well, what about the French
Canadians who were defeated on the Plains of Abraham? Should we compensate for
this?"
Je traduis en français. Sur la question qui lui est posée
sur les droits des Indiens du Canada, il répond: 'Ma réponse est
non. On ne peut pas reconnaître des droits aux Indiens - et on est en
1969 - parce que aucune société ne peut être construite sur
des prétendus droits historiques. Si nous pensons restaurer les droits
des Amérindiens au Canada, alors, que penser de ceux des Canadiens
français qui ont été battus aux plaines d'Abraham? "
Et c'est comme ça qu'on a eu un planteur de bombes. Un planteur
de bombes, ça veut dire ceci. Ça veut dire que quand on ne
reconnaît pas, à un moment donné dans l'histoire, des
droits fondamentaux, à un moment donné, ça peut être
20 ans après, il y a des gens qui prennent les moyens pour les faire
reconnaître.
Alors, en 1969, M. Trudeau dit ça. En 1981, les droits des
Indiens ne sont pas reconnus et, en 1981-1982, je n'y étais pas,
j'étais aux États-Unis dans ce temps-là, on sait qu'on n'a
pas participé, comme Québécois, à la constitution.
On y est revenus en 1987 et autant les Amérindiens que nous
étions en dehors du jeu. Je pense que c'est un point important.
Pour Trudeau, c'était bien simple. S'il n'y a rien pour les
Québécois, bien, il n'y aura rien pour les Amérindiens.
Alors, ce M. Trudeau était tellement sûr de son bon droit qu'il
préférait avoir raison sur toute la ligne et échouer au
bout du rouleau. Son maître à penser sur le nationalisme, et c'est
important, c'était Lord Acton, et il le cite à tout bout de
champ, même dans ses mémoires collectives, parce que, chez lui, il
faut se mettre à plusieurs pour penser. Alors, Lord Acton,
c'était son livre de chevet qui s'appelait Nationality - M.
Trudeau avait étudié à Harvard, ne l'oubliez pas, à
la fin des années 1945-1948. Il a lu un livre qui s'appelait
Nationalité de Lord Acton, un livre de 29 pages, excluant la
couverture. De ce livre, les critiques disent ceci: Les propositions d'Acton
sur le nationalisme sont contradictoires. Il ne considère pas le
phénomène de l'intégration, ce que M. Bourassa
considère, à juste titre, ce phénomène
d'intégration.
Alors, vous avez un nommé Trudeau, premier ministre du Canada de
1968 à 1984, qui a orienté le pays dans un cul-de-sac et on en
voit, aujourd'hui encore, les conséquences.
Des chroniqueurs disent ceci encore de ce Lord Acton, maître
à penser de Trudeau sur le nationalisme: "L'argumentation d'Acton est
similaire à celle de Hegel pour qui certains groupes sont appelés
à la civilisation, d'autres à la barbarie perpétuelle." Et
le professeur Birch - B-i-r-c-h - de l'Université de
Colombie-Britannique, ajoute: "Ce type d'arrogance culturelle était
très répandu chez les penseurs européens du XIXe
siècle." Alors, voilà par qui on a été menés
au Canada pendant une vingtaine d'années.
Je pense que, pour ce dossier bien précis, je n'ai pas de fleur
à donner. Pour d'autres, j'y arriverai. C'est clair qu'on a une
hypothèque au début de ces travaux. À mon point de vue,
c'est la question amérindienne et je cite un commentaire d'un
chroniqueur qui disait à peu près ceci: Le gouvernement du
Québec aurait dû pouvoir dire: Les Indiens qui sont sur le
territoire du Québec sont les Indiens du Québec, comme les
anglophones qui sont sur le territoire du Québec sont lés
anglophones du Québec. À tous notre loi va s'appliquer dans
l'équité." Ce discours-là, le gouvernement du
Québec n'a pas voulu ou n'a pas su le tenir. Moi, je dis: II faut
être capable, avec cette commission, et je suis sûr, je pense - je
n'en connais pas la composition - je crois et j'espère qu'il y aura un
ou plusieurs Amérindiens parce que je dis: II faut être capable de
tenir comme Québécois ce discours.
Sans insister plus qu'il ne faut maintenant sur la Communauté
économique européenne et nonobstant le rôle assez
léger du Parlement européen, on sait que la Communauté
économique européenne est dirigée par la Commission des
Communautés économiques européennes et que le type de
fédéralisme ou de collaboration qui se fait à ce
niveau-là est assez léger. C'est un fédéralisme
exécutif où les décisions sont prises. Là,
ça va bien parce que c'est M. Jacques Delors et ça va bien pour
la France. Alors, il y a certains problèmes. Mais c'est clair que, dans
n'importe quel système, comme on dit, personne ne nous a promis un
jardin de roses. Alors, que ce soit le fédéralisme actuel ou ce
qui viendra après, il faut être capable de relever ses manches et
de travailler fort.
Les interdépendances au niveau de la Communauté
économique européenne, parce que certains en ont parlé, et
les liens qu'il y a entre les nations souveraines, comme disait le
député de Lac-Saint-Jean, les liens transnationaux, c'est clair,
ont contribué à fractionner l'intérêt national de
chacun des États membres et à réduire par le fait
même l'autorité de chacun des États. C'est ce qu'on
connaît actuellement avec notre fédéralisme.
Alors, moi, ma pensée fondamentale sur cela, c'est qu'en fin de
compte je dis que la proposition de souveraineté-association est une
position fédéraliste. Celle qu'on a actuellement, le
fédéralisme qu'on vit actuellement, ce n'est pas du
fédéralisme. C'est la vision d'un pays unitaire. Alors, je n'ai
pas le temps et ce n'est pas le temps, d'ailleurs, de préciser cette
pensée-là, mais c'est un point important que je pense que les
membres devraient examiner.
Je vais aller, maintenant, en deuxième partie, sur les
modalités. C'est clair que le leader du gouvernement, au début de
la présentation du projet de loi, a mis en valeur les aspects qu'il
fallait vraiment retenir. Je me suis inspiré d'un livre qu'a
écrit le ministre de l'Éducation, en 1962, pour certains
commentaires qui méritent d'être revus: Les comités:
esprit et méthodes, par M. Claude Ryan, qui s'y connaît en
travail, en comité et en commission, et j'ai pris une citation de son
livre. Il dit: "Un comité ou une commission, c'est une réunion de
gros bonnets dont chacun, pris isolément, ne peut rien faire, mais qui
se mettent ensemble pour décider que rien ne peut être fait."
Ça peut être ça. Ça arrive, dans des comités,
mais je ne crois pas que ce soit l'objectif. Alors, au niveau du choix des
personnes, que je ne connais pas, mais je sais au moins le nom des deux
coprésidents, et on sait que le premier ministre et le chef de
l'Opposition sont impliqués, qu'ils ont la volonté politique de
faire en sorte que ce comité ou que cette commission produise des
résultats, je pense que le dicton rappelé par M. Ryan ne
tiendrait pas à ce niveau-là.
Concernant la "bicéphalité", on pourrait se poser des
questions. On a déjà vu la commission Rowell-Sirois parce qu'on
voulait mettre en valeur le fait qu'il y ait plus d'une nationalité,
comme on a eu Laurendeau-Dunton. Alors, dans cette "bicéphalité",
il y a un certain danger. Mais je pense que, peut-être, au niveau de
différentes modalités qui seront mises de l'avant avec le projet
de loi, ça pourra neutraliser les problèmes éventuels de
cette "bicéphalité". Est-ce qu'on en arrivera à deux
rapports ou à trois rapports? C'est une autre chose. L'idéal
serait d'en arriver avec un rapport, peut-être un rapport minoritaire,
mais encore. Il y a des problèmes à résoudre et je crois
qu'ils devront l'être. (17 h 50)
Une autre citation que j'ai puisée dans le livre de M. Ryan: "II
ne faut pas s'imaginer qu'une table de réunion a le pouvoir magique de
produire de la sagesse du seul fait qu'elle est frottée au même
moment par une douzaine de paires de coudes." Encore M. Ryan! Et c'est
très approprié parce que, dans le fond - et tout le monde le dit
cet après-midi - c'est le peuple qui va décider. C'est une
commission de consultation, les articles le prévoient. C'est une
commission itinérante. Alors, ce n'est pas seulement un. comité
ou une commission qui pense d'elle-même, en se frottant les coudes, il y
aura consultation. C'est un processus qui s'engage pour aller chercher vraiment
ce que pensent les gens, comme le disait le leader, député de
Port-neuf.
Concernant le choix des personnes, je vous ai toujours dit que je ne les
connaissais pas. Je ne les connais toujours pas, mais ce sont des personnes,
certainement, qui comprennent la nature du problème, étant des
Québécois qui proviennent de différentes
communautés, de différents milieux, vu leur disponibilité,
qui démontreront un éventail d'opinions, d'expériences,
d'aspirations; des personnalités assez marquées d'ailleurs pour
diverger d'opinions. Parce que ce n'est pas facile, ces temps-ci, de diverger
d'opinions. À la page 45, M. Ryan faisait remarquer ceci: "Certains ont
pour principe de ne s'entourer que de gens qui pensent comme eux et ne
représentent aucun danger pour la pensée établie au sein
du groupe. Cela finit en dictature, sinon en corruption." Alors, ce n'est pas
le cas. C'est un éventail complet, c'est une consultation partout: 35
membres, alors ce n'est pas 35 personnes qui pensent pareil. En fin de compte,
tous les signaux d'alarme qui sont donnés au niveau d'un fonctionnement
d'un comité, bien, ne s'appliquent pas lorsqu'on regarde la composition,
le mandat de cette Commission.
Les écueils à éviter, comme nous le rappelle
toujours notre manuel ici, le culte des vedettes, il ne semble pas y en avoir
trop trop; le favoritisme non plus, puis la manie du secret, très
important, et il cite Gandhi qui disait: "Je remercie Dieu d'être
parvenu, depuis des années, à considérer le secret comme
un péché, surtout en politique." Si vous regardez à la
page 8, l'article 25, "la commission peut siéger à tout endroit
du Québec, elle siège en public, sauf s'il s'agit d'une
séance de travail." Alors, cette question du secret, elle est
réglée.
En somme, toutes les mises en garde qui étaient données
concernant la bonne conduite d'une commission sont résolues par le
projet de loi 90 et c'est la raison pour laquelle je ne peux m'empêcher
de donner mon assentiment et je le fais avec plaisir. Alors, je voterai
à 100 % en faveur de cette loi. Merci beaucoup.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Anjou. Je reconnais maintenant la
prochaine intervenante, Mme la ministre déléguée
à la Condition féminine et responsable de la Famille. Mme la
ministre.
Mme Violette Trépanier
Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Les
interventions que nous avons entendues jusqu'à présent ont fait
ressortir, à juste titre, l'importance capitale et je dirais même
existentielle des travaux qu'amorceront bientôt les membres de la
Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec. Comme ministre
responsable à la fois des conditions de vie et de travail des femmes et
des familles québécoises, je me dois de rappeler une
réalité que son évidence même nous amène
parfois à oublier: les choix et les décisions qui
résulteront des travaux de la Commission et des propositions qui lui
seront soumises auront un impact vital sur les femmes et les hommes qui
composent le Québec d'aujourd'hui et sur les jeunes sur qui reposent le
Québec de demain.
C'est presque un sophisme de déclarer que la famille constitue le
fondement même de notre société, qu'elle joue un rôle
déterminant dans le développement, dans l'épanouissement
des individus et que notre avenir collectif dépend de sa vitalité
et de son dynamisme. Pourtant, il est important de le rappeler ici, chez nous,
M. le Président, la famille se révèle une institution,
à la fois durable et changeante. Elle est durable, puisque,
au-delà des diverses formes et particularités qu'elle peut
revêtir, elle continue d'influencer les personnes qui la composent et de
façonner la société. Elle est durable également
parce qu'elle reste toujours une des valeurs les plus importantes et
fondamentalement partagées par l'ensemble des Québécois et
des Québécoises.
Mais la famille est aussi une institution changeante qui a vécu
et qui continue de vivre des transformations profondes aux plans
démographique, sociologique et économique. Parmi les mutations
les plus spectaculaires qu'ait connues la famille au Québec, la chute du
nombre des naissances est sans contredit la plus évidente-Cette chute,
rappelons-le, est continue depuis plus d'un siècle, à l'exception
d'une certaine reprise durant les années quarante et cinquante. Et, en
cela, le Québec rejoint un phénomène observé dans
toutes les sociétés industrialisées occidentales.
En 1961, le Québec avait encore l'un des taux de
fécondité les plus élevés en Occident, soit 3,8
enfants par femme. En 1987, moins de 30 ans plus tard, l'indice
synthétique était de 1,3 enfants par femme. En 1988, il
était de 1,4 et, en 1989, 1,5. La légère hausse
notée au cours des deux dernières années est-elle
attribuable aux mesures de soutien aux familles mises de l'avant par le
gouvernement? Il est encore beaucoup trop tôt pour tirer de telles
conclusions. Toutefois, il faut être conscients que ce redressement,
même s'il devait se poursuivre, se situe quand même bien au-dessous
du seuil de renouvellement des générations. L'apport essentiel de
l'immigration ne fera que reporter quelque peu les conséquences
prévisibles de cette situation qui sont un vieillissement
accéléré de la population et le début
inévitable de la décroissance d'ici une quinzaine d'années
tout au plus.
Une autre caractéristique importante a également
marqué l'évolution de la famille québécoise au
cours des deux dernières décennies. Celle-ci n'est plus
fondée exclusivement sur le mariage. En 1970, 90% des femmes et des
hommes se mariaient. En 1985, ce pourcentage passait à 50%. En
parallèle, on constate une augmentation constante des divorces et,
partant, une hausse du nombre de familles monoparentales ou
recomposées.
La société relativement homogène que constituait le
Québec d'hier s'est métamorphosée et se caractérise
maintenant par la diversité de ses profils familiaux. Cette
réalité influence profondément les besoins de la
population et, partant, la définition et l'administration des programmes
sociaux.
Au cours des dernières décennies, deux
phénomènes nouveaux ont profondément modifié la
famille comme unité économique. D'une part, le nombre de familles
où les deux conjoints sont sur le marché du travail ne cesse de
croître, ce qui crée inévitablement une forte demande de
nouveaux services, en particulier en matière de services de garde. Le
travail et l'apport économique de femmes constituent une
réalité importante sur laquelle je reviendrai un peu plus
tard.
D'autre part, la hausse des ruptures d'union a entraîné la
croissance des familes monoparentales, dont la majorité a une femme
comme responsable. Or, il est clairement établi que ces familles, avec
les familles nombreuses, sont parmi les plus pauvres de notre
société. Cette fois encore, il nous faudra prendre ces
réalités en compte dans l'édification du Québec de
demain.
Il est évident que les facteurs dont je viens de faire
état affectent considérablement la manière avec laquelle
la famille d'aujourd'hui remplit ses fonctions sociales. Ainsi, le travail des
mères à l'extérieur du foyer aurait dû
entraîner une redéfinition des rôles de l'homme et de la
femme à l'intérieur de la famille et, également, modifier
la structure du marché du travail. Malheureusement, ces transformations
tardent trop à venir. (18 heures)
Cependant, ces bouleversements sociaux importants et les
problèmes avec lesquels la famille d'aujourd'hui est confrontée
ne l'empêchent pas de demeurer une des valeurs auxquelles notre
population est profondément attachée. À preuve, un
récent sondage effectué pour le compte du Secrétariat
à la famille démontre que 91 % des jeunes de 17 à 24
ans
défirent des enfants. Selon cette enquête, si tous les
répondants avaient dans l'avenir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent,
l'indice synthétique de fécondité grimperait à 2,7.
Dans notre réflexion sur notre avenir collectif, il faudra donc se
demander lucidement ce qui, dans l'organisation économique et sociale du
Québec d'aujourd'hui, entrave la réalisation de ce rêve
d'enfants et de ce désir d'enfants.
J'ai souligné, il y a quelques minutes, la place
considérable qu'occupent les femmes dans la structure sociale et
économique du Québec. Trop souvent, l'histoire officielle a
occulté leur rôle. Depuis quelques années, heureusement, on
reconnaît davantage leur contribution à l'édification de
notre société. Nous avons pris conscience, par exemple, que c'est
grâce à des femmes qui se nomment Jeanne-Mance, Catherine de
Longpré, Marguerite d'Youville que nos services sociaux et de
santé se sont développés, que c'est à toutes celles
qui ont pris la relève des Mar-guerite-Bourgeoys et des Marie Guyart que
nous devons l'éducation des filles et bien souvent des garçons en
milieu rural. Trop souvent, on parle du travail féminin comme d'un
phénomène relativement récent. Pourtant, de tout temps,
les femmes ont assuré la reproduction de l'espèce humaine, la
reproduction des êtres, pour parler crûment, et, en termes purement
économiques, constituent la main-d'oeuvre et les consommateurs de biens
et de services. Elles ont, en outre, assumé leur grande part de la
production domestique, agricole ou artisane et elles ont traditionnellement
été chargées des tâches d'éducation et des
tâches de la famille.
Ce qui a changé profondément au cours des dernières
décennies, ce n'est pas tant le travail des femmes, mais bien le cadre
dans lequel ce travail s'effectue. De la seule sphère domestique, le
travail féminin a évolué pour se situer en plus dans la
sphère marchande, lui procurant ainsi une visibilité
grandissante. Saviez-vous que, dès le début du siècle, les
femmes constituaient le quart de la main-d'oeuvre à Montréal? Ces
emplois se concentraient surtout dans le secteur manufacturier et dans les
emplois domestiques. C'est à cette époque que les emplois de
bureau commencèrent à se développer. Au cours de la
première grande guerre, on fit largement appel à la main-d'oeuvre
féminine, notamment dans les usines d'armement et de munitions.
L'après-guerre et la crise des années trente marquèrent un
net recul quant à la présence des femmes sur le marché du
travail.
En fait, c'est la Deuxième Guerre mondiale qui provoquera une
véritable révolution dans l'accès des femmes en emploi.
Les énormes besoin de main-d'oeuvre amenèrent le gouvernement
fédéral, les entreprises à mettre en place diverses
mesures favorisant le travail des femmes, tout spécialement de celles
qui avaient des responsabilités familiales: modifications des
règles fiscales, admission aux programmes de formation professionnelle
non traditionnelle, mise en place d'un réseau de garderies dont le
gouvernement fédéral assumait jusqu'à 50 % du
déficit d'exploitation. Malgré certaines oppositions
manifestées par les élites politiques et ecclésiastiques
du Québec, les Québécoises affluèrent sur le
marché du travail. En 1941, elles représentaient 21 % de la
main-d'oeuvre, mais en 1945, à la fin de la guerre, on invita de nouveau
les femmes à retourner à leurs chaudrons. Ce retour fut cependant
de fort courte durée. Les années cinquante, ayant marqué
pour le Québec le début de l'ère de consommation, les
femmes revinrent de plus en plus nombreuses sur le marché du travail. Un
courant irréversible s'installait et il n'a depuis cessé de
s'accentuer. Cette courbe ascendante est de nouveau confirmée par les
statistiques de 1987 qui démontrent que 52,3 % des femmes sont sur le
marché du travail. Pendant la même période, le taux
d'activité des hommes a accusé une baisse sensible, passant de 85
% en 1951 à 75,3 % en 1987. On explique surtout cette baisse par la
prolongation de la période des études et aussi par la diminution
de l'âge de la retraite.
Aujourd'hui, les femmes représentent plus de 42 % de la
main-d'oeuvre québécoise et cette féminisation va de pair,
comme je l'ai souligné plus haut, avec une présence sans cesse
grandissante des jeunes mères sur le marché du travail. Les
experts sont unanimes à prédire que cette hausse du taux
d'activité des femmes se poursuivra dans l'avenir pour atteindre la
parité avec celui des hommes d'ici l'an 2000. C'est dans 10 ans à
peine, M. le Président. Ces prédictions nous paraissent
parfaitement réalistes lorsqu'on constate, au chapitre de la
fréquentation collégiale et universitaire, que le nombre des
jeunes femmes inscrites dépasse maintenant dans plusieurs disciplines
celui des jeunes hommes. C'est le cas, par exemple, en médecine ou en
droit.
Preuve est faite que l'apport économique des femmes est devenu,
au cours des dernières décennies, nécessaire à la
survie matérielle de la grande majorité des familles. Qui plus
est, il est indiscutable que la main-d'oeuvre féminine, loin
d'être marginale, est absolument essentielle à l'économie
du Québec. Toutes ces réalités nouvelles poseront, au
cours des années qui viennent, des défis majeurs à la
société québécoise. Dans l'examen qu'ils et
qu'elles feront des perspectives d'avenir du Québec, les membres de la
commission devront donc tenir compte des grands enjeux auxquels font face les
familles et les femmes. Ainsi, les droits qui ont été
chèrement acquis au cours du dernier siècle par les femmes, les
hommes, les enfants, les personnes âgées devront continuer
d'être garantis à tous.
L'importante question des perspectives sociales et du partage des
compétences devra faire l'objet d'un examen attentif de la part de la
Commission. Ce secteur, lourd de conséquences
pour les familles et pour les femmes, comporte de nombreuses pistes de
réflexion. À l'intérieur du choix constitutionnel qu'il
fera, de quels moyens le Québec se dotera-t-il pour lutter contre la
pauvreté, particulièrement celle des femmes, des jeunes, des
familles monoparentales et des familles nombreuses? Quels choix ferons-nous en
matière de soutien économique, social et culturel des familles?
Comment envisagerons-nous l'importante question des services de garde à
l'enfance? Quelles mesures le gouvernement et les entreprises entendent-ils
proposer aux familles et aux femmes pour leur permettre de concilier travail et
parentalité? Quelles orientations retiendrons-nous en matière
d'éducation, de formation professionnelle, de recyclage de la
main-d'?uvre? Quelles seront nos priorités en matière de
services sociaux et de santé? Quelle place réserverons-nous aux
personnes âgées?
Ces questions, et bien d'autres encore, devront être
débattues au cours des mois qui viennent puisque les choix que nous
serons appelés à faire influenceront en profondeur l'avenir de
chaque homme, de chaque femme, de chaque enfant. Cette lourde
responsabilité doit être partagée non seulement par les
membres de la Commission mais par tous les Québécois et toutes
les Québécoises. Dans un de ses ouvrages, Gaston Berger
affirmait, et je cite: "Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il
dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu'à
inventer", fin de la citation. Et j'ajouterais: à inventer par toutes
les femmes et par tous les hommes du Québec pour que soit
défendues les valeurs auxquelles nous sommes attachés et qui font
notre raison d'être, valeurs qui ont pour nom: justice,
égalité et tolérance. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la ministre.
Comme prochain intervenant, je vais maintenant reconnaître M. le
député de La Prairie. (18 h 10)
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de
plaisir que je prends la parole pour venir appuyer, comme mes collègues
de ce côté-ci de la Chambre, ce projet de loi 90, qui va
créer cette commission spéciale qui étudiera l'avenir non
seulement politique du Québec mais aussi son avenir constitutionnel. Et
c'est avec émotion que je le fais, M. le Président, parce que
j'ai participé, comme bien d'autres dans cette Chambre, aux
progrès considérables accomplis par la société
québécoise dans l'espace d'à peine dix, quinze ans, durant
cette période qu'on a appelée la Révolution tranquille,
participant, notamment dans le domaine de la santé mais aussi dans
l'ensemble du domaine social, à cette ebullition qui a été
caractéristique de notre société québécoise.
D'abord dans le domaine» de l'éducation où nous avions un
retard considérable à reprendre et, dans l'espace de dix, quinze
ans, nous avons pu nous donner un système qui permet maintenant aux
jeunes d'accéder non seulement aux études collégiales,
mais aux études universitaires. Nous avons pu aussi dans l'espace de
quelques années nous donner un système de santé, un
système de services sociaux, ces deux systèmes étant
souvent cités à bon droit comme des systèmes qui font
l'envie de bien des sociétés.
Le Québec a été assez lent à
s'émanciper dans ces divers domaines. Mais, lorsque le Québec
prend son élan, M. le Président, il saute loin et il saute vite.
Parce que ce n'est pas seulement dans les domaines de la santé et de
l'éducation que nous avons fait des progrès considérables.
Je pense notamment au syndicalisme. Je pense à la condition
féminine. Je pense à la fonction publique. Tous ces
progrès des années soixante remettaient en cause à chaque
étape le statut politique du Québec dans le système
actuel. Chacun des leaders politiques aux diverses époques, qu'il
s'agisse de M. Lesage avec son "Maîtres chez nous", de M. Johnson un peu
plus tard avec "Égalité ou indépendance" ou,
évidemment, de M. René Lévesque avec
"Souveraineté-association", chacun de nos leaders historiques remettait
en cause à sa façon le statut politique du Québec dans le
système actuel. Et c'était inévitable.
Arrive 1976 où, cette fois-là encore, le Québec
décide de prendre un virage important dans la direction d'une plus
grande autonomie politique. C'est là qu'on a pu assister à un
sursaut de la Révolution tranquille par des lois sociales, par des
mesures économiques, notamment au plan parlementaire, notamment la loi
du financement des partis politiques qui venait mettre un terme à des
générations de politiciens dont on ne pouvait pas toujours
être fier, qui étaient souvent victimes de corruption. Les
années 1976 jusqu'à 1985 ont vu une prise de conscience de la
population québécoise que dans certains domaines nous avions
déjà accompli des pas de géant, dans les années
soixante, mais qu'il restait encore, notamment au plan économique, de
gros progrès à faire. C'est ainsi que souvent, par des mesures
économiques inspirées par celui qui est maintenant chef de
l'Opposition, par des mesures économiques qui ont grandement
favorisé la petite et la moyenne entreprise, il s'est formé une
génération d'hommes d'affaires, de femmes d'affaires qui
maintenant assument une place normale dans l'économie du Québec.
C'était en somme un des derniers secteurs où le Québec
n'avait pas encore accompli sa Révolution tranquille. C'est fait. C'est
fait depuis quelque temps.
Arrive 1980, le référendum. Un Québécois
francophone sur deux dit oui et l'autre dit non. Le Québec francophone,
nettement divisé. Ce qui
a contribué grandement à la défaite des partisans
du oui au référendum, c'est deux choses: les campagnes de peur,
surtout auprès des personnes âgées, mais aussi les faux
espoirs créés par le clan Trudeau, faux espoirs basés sur
le raisonnement classique, dont on se souvient tous: Un non voudra dire un oui
à la réforme, voudra dire un oui à une plus grande place
du Québec au sein du système canadien.
Et enfin, dernière étape, et qui contribue grandement
à ce que nous discutions d'un projet de loi créant une commission
spéciale aujourd'hui, l'échec de l'accord du lac Meech, 32e ou
33e échec constitutionnel pour le Québec, M. le Président.
Mais contrairement aux autres échecs, la population
québécoise ne déprime pas. Au contraire, la population
québécoise, fière de l'assurance que lui procure sa
révolution tranquille dans ia plupart des autres domaines qu'on a
mentionnés tantôt, cette population sort dans la rue. Est-ce que
c'est 200 000, 300 000, 400 000, 500 000? Peu importe. M. le Président,
la police de Montréal ne peut pas évaluer les foules
au-delà de 75 000 dans la rue, parce qu'il n'y a jamais eu de
précédent. Depuis mon temps d'université, et ça
remonte à quelques années - jamais, et pourtant j'ai
participé à beaucoup de marches, de manifestations -
évidemment, il n'y a eu une telle manifestation, comme celle du 25 juin.
300 000 à 400 000 personnes, qui viennent dire, le sourire aux
lèvres, sans aucune agressivité: Nous avons compris. Qui viennent
dire, à la face du Canada: Nous avons compris. Vous refusez le minimum
de ce qu'un gouvernement québécois a jamais demandé
à l'ensemble du Canada. Vous l'avez refusé. Dorénavant,
nous en tirerons les conclusions.
Le Québécois moyen n'y croit plus, au
fédéralisme renouvelé. Il en a assez des doubles taxes, y
compris la double TPS, des doubles ministères, des lois qui, dans un
même secteur d'activité, viennent se contredire. Et par exemple,
M. le Président, pas plus tard qu'au mois de juin dernier, la Chambre
des communes commençait l'étude du projet de loi C-78, qui va
autoriser le fédéral à procéder à des
évaluations environnementales un peu partout au pays. Un autre secteur
d'activité qui s'ajoute aux nombreux secteurs, immigration,
communication, santé et services sociaux, où on a constamment des
zones grises, des zones de disputes, qui amènent la paralysie de
l'appareil, et toujours au détriment du progrès et au
détriment de la population.
La Commission spéciale, M. le Président, c'est un jalon
important, un jalon historique. Toute la population du Québec va
surveiller les travaux de cette Commission. Bien sûr, la classe
économique est amplement représentée, et bien
représentée dans cette Commission. Mais il ne faudrait pas que
cette Commission perde de vue les préoccupations sociocommunautaires,
les groupes de personnes âgées, de personnes handi- capées,
les groupes qui sont sans voix, les sans-emploi, les
bénéficiaires de l'aide sociale. Il faudra que les
parlementaires, en particulier, se souviennent que ces points de vue, ces
préoccupations sociocommunautaires soient bien représentés
et soient constamment à l'agenda, à l'ordre du jour des
délibérations de cette Commission. (18 h 20)
Le gouvernement, en créant cette Commission, a compris le
sentiment populaire. Il a pris le pouls de la population, il l'a bien pris. Le
gouvernement se rend compte que la majorité des Québécois
désire franchir ce dernier pas qu'il n'a pas encore osé franchir
jusqu'ici. L'émancipation que le Québec s'est donnée au
plan de l'éducation, au plan des services de santé, au plan du
syndicalisme, au plan économique, cette émancipation, il doit se
la donner maintenant au plan politique.
Le droit de parole doit être donné et largement
donné aux individus, aux groupes, aux régions, et c'est la
population qui, en dernière instance, décidera. Contrairement
à 1867 où la population n'a pas été
consultée, cette fois-ci, la population est consultée et c'est la
population qui, en dernière analyse, rendra son verdict.
M. le Président, une des raisons pour lesquelles le sentiment
autonomiste, le sentiment souverainiste a fait des progrès
considérables depuis quelques années, c'est justement cette
formation d'une classe économique, et d'une classe économique qui
se promène partout à travers le monde, nos représentants
de petites et moyennes entreprises, qui découvrent, notamment en Europe,
que plusieurs petits pays, "petits" au sens de population: Norvège, 4
000 000; Suède, 7 000 000; Danemark, 4 000 000, Autriche 5 000 000,
plusieurs petits pays ont des niveaux de vie non seulement aussi
élevés mais parfois plus élevés que le nôtre,
plus élevés que plusieurs grands pays, comme les
États-Unis. Et ce qui a fait la force de ces petits pays, M. le
Président, c'est la souveraineté politique qui leur a permis de
négocier ensuite dans des groupements avec leurs voisins, de
négocier des ententes économiques.
Le temps est passé, heureusement, où la population du
Québec sera vulnérable aux campagnes de peur, comme elle l'a
été en 1980. La population du Québec a
évolué à pas de géant; la population du
Québec est beaucoup mieux renseignée qu'elle ne l'était il
y a dix ans, et cette population du Québec a montré, le 25 juin
dernier, en descendant dans la rue, 400 000 personnes, paisibles, sereines mais
sûres d'elles-mêmes, cette population a démontré
qu'elle avait le goût de franchir cette dernière étape.
Alors, M. le Président, il faut se réjouir de la
création de cette Commission, parce que cette Commission va contribuer,
durant les semaines qui viennent, durant les mois qui viennent, à
mieux faire comprendre à la population que la période des
dernières chances au système fédéral, c'est
terminé; mieux faire comprendre à la population que l'option que
notre formation politique défend depuis 20 ans, l'indépendance du
Québec, c'est-à-dire tous les pouvoirs de faire toutes nos lois,
tous les pouvoirs de percevoir tous les impôts des
Québécois et les pouvoirs de conclure des traités, que
cette indépendance politique, que cette souveraineté politique
est le dernier jalon que la population doit franchir afin que son
émancipation historique soit complète. Merci, M. le
Président. le vice-président (m. cannon): merci, m. le
député de la prairie. le prochain intervenant, m. le
député d'orford et adjoint parlementaire du premier ministre. m.
le député.
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, je vais voter pour la Loi
instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on dit qu'on est 6 000 000 et
qu'on va devoir se parler. Cette fois-ci, je pense que comme politiciens, nous
allons devoir écouter aussi, nous allons devoir réévaluer,
nous allons devoir apprécier un bon nombre des arguments qui nous seront
fournis, soit comme députés ou soit comme membres de cette
commission. Je pense même que nous devrions ne pas arriver là en
pensant que nous possédons la vérité toute crue et, tout
au contraire, il nous faudrait peut-être remettre en question de part et
d'autre certaines des choses que nous croyons comme étant la
vérité.
Vous savez, M. le Président, le Québec fut fort dans son
histoire à chaque fois que les Québécois ont
été unis pour un but, la Révolution tranquille, où
ils ont été unis autour d'un leader, où ils ont
été unis autour d'une idée, la création de la
Caisse de dépôt. Et je pense que ces 35 personnes qui seront en
cette commission parlementaire, qui seront libres et réfléchies,
dans la mesure où elles pourront être unies dans ce qu'elles
essaieront de faire, je pense qu'il y aura là des résultats
très positifs.
J'invite ces gens de cette Commission, qui réfléchiront
sur le devenir du Québec, à se rappeler des racines du
Québec, de l'histoire du Québec, de notre passé et du
courage qu'a eu le peuple québécois depuis si longtemps, de nos
conquêtes et de nos ambitions collectives. Le Québec fut fort dans
son histoire seulement quand il a été uni dans un consensus
très large. Peu de peuples, M. le Président, à travers
l'univers, dans les 30 dernières années, ont eu autant à
se préoccuper à travers des référendums, des
élections,, des commissions, ont tant scruté le devenir de leur
groupe, ont tant cherché cette vérité constitutionnelle
qu'on a voulue, peut-être trop souvent, d'une pureté totale. Trop
longtemps nous avons, je pense, cherché cet équilibre entre un
pays où les plus grandes libertés fondamentales nous
étaient garanties, et où une croissance économique a
été hors de l'ordinaire depuis la Deuxième Guerre
mondiale. D'autre part, nous avions une des unités, qui était le
Québec, où un sens de l'autonomie s'est développé
de plus en plus, où la protection de la culture est devenue et a
été, tout au long de notre histoire, très importante, et
où un désir noble de contrôler une plus large partie de
notre destinée. Et c'est ce mélange entre ces grandes choses que
nous a apportées le lien fédéral et cette qualité
que nous a aussi donnée ce fait que nous étions
Québécois, et nous avons été ambivalents entre ces
deux mouvements constants.
Le Québec de mes enfants, M. le Président, est à la
croisée maintenant d'un projet, d'un grand projet collectif, la loi 90.
Ce sera pour le Québec une magnifique occasion, une belle occasion
d'être uni dans sa destinée. C'est l'histoire d'un peuple, c'est
l'histoire des peuples que nous écrirons. Puissions-nous espérer,
M. le Président, que les travaux de cette Commission se fassent dans un
esprit de très grande ouverture. D'abord écouter, ensuite
évaluer, avant de se dire représentant d'un groupe ou d'un autre.
Et moi, M. le Président, comme député, je m'engage
à écouter ce qui va se dire pendant cette commission
parlementaire. Et j'écouterai d'une façon particulière ce
que les plus jeunes de notre société auront à nous dire,
eux qui, trop souvent, sont exclus des grands débats. Et Dieu sait
pourtant, que les décisions que nous prendrons plus souvent qu'autrement
seront pour les gens qui nous suivent.
Alors je pense que les gens de cette Commission devront porter d'une
façon particulière une attention aux jeunes qui viendront nous
dire ce que, pour eux, est le devenir du Québec. Espérons que ce
que nous construirons redéfinisse le statut politique et constitutionnel
du Québec pour un bon bout de temps, et gardons à l'esprit que
les valeurs démocratiques au Québec ont toujours
été importantes, et que les droits et libertés ont
été, pour le Parti libéral, une valeur que nous avons
défendue de tout temps.
M. le Président, cette Commission extraordinaire, souhaitons-le,
unira et dynamisera dans un consensus le Québec à devenir. Le
Québec est fort, je vous le rappelle, quand il est uni dans sa
destinée. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député d'Orford. Mme la députée de Taillon. (18 h
30)
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Merci, M. le Président. J'aimerais à
mon tour joindre ma voix aux
différents intervenants qui, les uns après les autres, ont
affirmé leur volonté, leur goût de contribuer positivement
à un processus nous amenant à nous redéfinir, à
définir le type de lien que l'on veut établir, garder ou
conserver avec les partenaires qui nous entourent, mais surtout, et c'est
l'essentiel finalement du travail dans lequel s'engage cette commission,
surtout donner la parole au peuple québécois, et ce, pour la
première fois depuis un bon moment, en dehors évidemment de ce
grand exercice démocratique qu'est le choix de son gouvernement, parce
que c'est l'essentiel du travail de la commission que d'aller consulter, que
d'aller entendre les personnes qui représentent des groupes, qui
représentent des organisations, qui représentent
différents intérêts dans notre société, dire
comment ils souhaitent, comment ils imaginent notre avenir collectif.
J'entendais un bon nombre d'entre nous, depuis le début des
interventions, rappeler, revenir à notre histoire, revenir à
notre histoire lointaine ou, bien sûr, à notre histoire plus
récente. Évidemment, on se référait à nos
racines, à nos ancêtres, à cette notion de deux peuples
fondateurs qui avaient failli se perdre quelque part dans le temps, mais aussi
on se référait aux différents échecs - et c'est le
chef de l'Opposition qui le rappelait cet après-midi - que l'on avait
connus dans la volonté, comme peuple, de se prendre en main, avec par
à-coups des grands pas par en avant. On rappelait, entre autres, que
sous M. Lesage on avait rapatrié des pouvoirs significatifs pour
permettre au peuple québécois de mieux se réaliser, de
mieux répondre à nos besoins. Donc, souvent de grands
échecs quant à la définition d'un statut, d'une pleine et
entière souveraineté sur notre territoire et, en même
temps, quelques grands coups de maître où on allait se retrouver
avec des outils un peu plus importants quant à notre avenir et quant
à notre présent aussi.
Moi, j'aimerais qu'on se rappelle peut-être un moment un peu plus
récent de notre histoire où, je dirais, c'a été
pour notre peuple un moment privilégié qui a été
influencé par un grand bonhomme au Québec qui a été
et qui est toujours présent à nos mémoires, René
Lévesque, qui a insufflé une fierté au peuple
québécois. Au moment où on s'engage dans une
réflexion en profondeur quant à nos institutions, quant à
notre projet de société, quant à notre avenir comme
peuple, je pense que, pour faire cela, il est essentiel de pouvoir se faire
confiance un peu, de pouvoir, à travers cette confiance, devenir fier de
ce que l'on est, de ses talents, de ses forces, de ses capacités, les
admettre, les reconnaître, les mettre en valeur, de telle sorte qu'on
puisse progresser finalement, qu'on puisse se bâtir, qu'on puisse
cheminer vers ce qui est normal pour un peuple, la possession pleine et
entière de tous ses outils, de tous ses moyens pour se permettre de
décider ce qui nous con- vient le mieux en termes de politique sociale,
de politique économique, de politique de développement culturel,
de politique de développement régional. Rien ne se bâtit de
grand pour un peuple sans cette confiance, sans cette fierté.
Si on rappelait, cet après-midi, à travers nos
débats, les apports qu'ont eus différents premiers ministres du
Québec qui ont influencé dans ce sens-là nos institutions,
je pense que l'un de ceux qui ont le plus influencé le peuple
québécois comme leader c'est, entre autres, René
Lévesque. René Lévesque est aussi ce grand
démocrate qui, sûrement aujourd'hui, nous regarderait avec un
sourire en coin en se disant: Enfin, on va avoir avec les principaux
concernés ce débat essentiel sur notre avenir. Parce qu'on se
souviendra que depuis environ 10 ans, en dehors des institutions comme
l'Assemblée nationale, comme certaines conférences
constitutionnelles, nous n'avons pas redébattu notre avenir avec
l'ensemble du peuple québécois, avec leurs
représentants.
Certaines personnes ont critiqué la composition de la commission.
Bien sûr, vous savez que rien n'est jamais parfait. L'idéal est
toujours ce que l'on cherche à atteindre. On aurait souhaité plus
de femmes, par exemple, membres de la commission. On aurait souhaité,
dans certains cas, plus de parlementaires. Mais, en même temps, je crois
que l'on se retrouve avec une composition qui fait en sorte qu'un grand nombre,
qu'une importance est accordée en fait, je dirais, aux
intérêts généraux du peuple québécois
et, de toute façon, ces personnes ont, pour l'essentiel de leur mandat,
la responsabilité d'aller consulter, d'aller entendre ce que les
organismes, les groupes, les personnes ont à nous dire. Et
j'espère, un peu comme cela l'a été le 24 juin dernier -
en fait, le 25, si on veut - que ce sera une espèce de grand clin d'oeil
à l'histoire pour dire: Vous savez, M. le Président, nous sommes
patients, mais nous sommes déterminés et nous croyons que l'on
n'est jamais mieux servi que par soi-même et qu'à cet égard
les témoignages que l'on viendra rendre devant la commission
dépasseront même, je dirais, cette présentation qui
pourrait être de l'ordre d'une volonté collective de se reprendre
en main, de la souveraineté d'un peuple, mais dépasseront cette
seule - qui est essentielle, bien sûr - affirmation de départ pour
aller vers une définition un petit peu plus en profondeur de ce que l'on
veut pouvoir construire comme projet social, des outils que l'on veut pouvoir
se donner, des institutions démocratiques sur lesquelles on veut pouvoir
compter pour, encore une fois et je me répète, M. le
Président, mieux se réaliser.
En fait, quand on fait un survol rapide de l'histoire, on constate que
nous sommes passés d'un nationalisme frileux et défensif à
un nationalisme beaucoup plus ouvert sur le monde, beaucoup plus accueillant
même, je dirais, parce que justement plus confiant en soi. On est
beaucoup plus d'accord pour faire confiance quand en soi-même on a
confiance.
Je mets, comme vous pourrez le constater, M. le Président,
beaucoup d'espoir dans les travaux de cette commission. Évidemment, je
ne leurrerai personne parce que les gens savent déjà où
nous nous logeons, où ma formation politique se loge, ce en quoi nous
croyons et ce serait malhonnête que de prétendre vouloir
défendre autre chose. Cela étant dit, je suis persuadée
que l'éclairage qui nous sera apporté par les personnes qui
accepteront de venir témoigner devant la commission nous permettra de
définir un projet pour l'an 2000, un projet à notre mesure qui
nous permettra de nous réaliser. Je l'espère pleinement, M. le
Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. Je reconnais maintenant M. ie député de
Laval-des-Rapides. (18 h 40)
M. Guy Bélanger
M. Bélanger: Merci, M. le Président. Il me fait
plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi ce soir. D'abord, je voudrais
situer le contexte. L'échec de l'accord du lac Meech nous oblige, comme
Québécois et Québécoises, à redéfinir
notre avenir politique et constitutionnel. Comme beaucoup de collègues
en cette Chambre, j'avais mis énormément d'espoir et de
conviction à défendre l'accord du lac Meech. J'ai consacré
énergie et temps à vraiment défendre cet accord-là
parce que j'y croyais et j'y croyais très sincèrement. Ma
déception en a été d'autant plus grande surtout lorsque
j'ai compris que le processus constitutionnel qu'on avait élaboré
en 1983 - M. Trudeau qui continue par Chrétien interposé ou la
règle d'unanimité - et surtout la façon absolument
exemplaire dont certains premiers ministres ont renié leur parole ou
celle de leurs prédécesseurs, ça m'a fait comprendre que
dans un tel système, avec un tel processus constitutionnel, on
n'arriverait jamais à rien. Ils ont tué ma foi bien net.
Évidemment, c'est l'échec d'un système, mais quand
un système ne nous convient pas ou qu'on ne peut pas évoluer
dedans, il faut le repenser, il faut le redéfinir. En prenant la parole,
aujourd'hui, sur ce projet de loi instituant la Commission sur l'avenir
politique et constitutionnel du Québec, je veux signifier clairement que
je mettrai la même énergie, la même foi, la même
croyance à défendre l'avenir politique et constitutionnel du
Québec et que je suis déterminé, comme la majorité
de mes collègues ici, à aller au maximum de mes
possibilités pour contribuer sans partisanerie et sans fanatisme, avec
l'esprit et le coeur ouverts, à bâtir cette vision de l'avenir du
Québec qui nous guidera dans nos décisions futures. Cette
commission devra permettre une tribune crédible à tous les
citoyens, aux groupes de citoyens qui voudront s'exprimer sur l'avenir du
Québec et j'espère qu'ils seront très nombreux à
venir s'y exprimer.
Depuis 20 ans et même plus que chemine dans nos coeurs et dans nos
esprits ce désir de voir notre identité collective s'affirmer ou
être reconnue. Et voilà! Une partie du Canada n'a pas compris que
les cinq conditions les plus minimales que nous pouvions formuler
étaient l'ultime tentative, le test du dernier recours dans notre foi en
ce fédéralisme. Que dans nos coeurs et dans nos têtes, nous
avions pris conscience que nos forces... de notre identité comme
Québécois, que nous n'avions pas peur d'aller au fond du
problème et surtout d'aller au bout de notre logique, que comme
société distincte, nous voulions dorénavant non plus
l'affirmer . mais le vivre et l'exprimer avec toute la latitude possible. Ce
n'était pas un "bluff. On était sincères. Et cela a
échoué.
Comme beaucoup de Québécois, je mets beaucoup d'espoir
dans cette Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Je la souhaite non partisane, sans fanatisme, car l'avenir d'un
peuple n'appartient pas à un parti politique; il appartient au peuple.
Et le sens de cette Commission, c'est justement de permettre au peuple de
s'exprimer, de donner son avis, son point de vue, de faire valoir ses
aspirations pour qu'une décision ou qu'un consensus se dégage et
que nous ayons des orientations claires pour l'avenir de notre province. Les
femmes et les hommes qui composeront cette commission devront être
conscients qu'au-delà de l'honneur personnel - parce que je pense que ce
sera très "honorant" que d'être membre de cette Commission - ils
ont une immense responsabilité: celle d'orienter de façon
éclairée les aspirations légitimes d'un peuple et de nous
offrir des solutions solides, crédibles, valables, bref, des solutions
qui nous permettront de rencontrer ce que nous recherchons depuis 20, 30 et
même davatange d'années comme Québécois.
On ne saurait subir une autre humiliation ou un autre échec. Et
je pense que la seule façon de pouvoir arriver à un échec
avec cette Commission, c'est de la rendre partisane, de la fanatiser avec des
positions extrémistes, sans vouloir un vrai dialogue. J'aurais le
goût de dire que les enjeux sont trop importants pour en faire de la
politique. Politique, dans le sens très petit du terme,
évidemment, en enlevant toute noblesse possible à ce mot. Ils
devront être, les gens qui composent cette Commission, objectifs,
impartiaux, d'un esprit très ouvert, moderne pour réaliser ce
mandat si important. Rien ne doit être rejeté a priori. Tout doit
être écouté, tout doit être soupesé,
évalué, équilibré. Ainsi le veut la
démocratie qui est, je pense, la prémisse même de cette
société pour laquelle nous avons beaucoup d'aspirations. Alors,
M. le Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (m. bissonnet): merci m. le
député de laval-des-rapides. je reconnais maintenant, le prochain
intervenant, m. le député de jacques-cartier.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. I would like to begin
by expressing my appreciation and that of my colleagues for the kind and
thoughtful comments that were provided about the role of the Anglophone
community and, for that matter, of our parliamentary grouping in the
development of Québec. That, of course, was expressed in a spirit of
generosity and tolerance that we have come to expect from this Assembly in
general. I think it is also true of all of us, Anglo-Quebeckers, that we have
had this experience of generosity and tolerance from this society in general.
So, for that, I am certainly very pleased.
I would also like to agree with the Minister of Justice who commented
that he liked clear, straightforward arguments and that this was a time for
clear arguments. So, I propose to be as clear in argument as I can. I will
disagree with some of the points that have been made by speakers before me on
both sides of the House, but in a spirit, I hope, of contributing to that
objective, non-fanatical and non-partisan understanding that has already been
much celebrated as the proper role for this Commission.
I will begin by noting a comment that has been made not only by the
leader of the Government, but by many of the subsequent speakers: the idea of
consensus or of unity of Que-beckers when it comes to the question of this
Commission. Now, it is quite true that by intelligence and reasonable
negotiation, all of us here, including those of us in the Equality Party, were
capable of reaching a consensus about the necessity of such a Commission and
that it should be allowed to operate properly, that we should not do something
to gum up its workings right from the outset. That does not mean, however, that
we could extend that argument to mean that we provide a consensus on all other
matters and I would not like it to be taken in that spirit. I think,
furthermore, that when one talks about consensus in Québec there can be
an element of confusion in this expression, both as it applies to the politics
of the National Assembly or to the Government and Opposition parties, and to
Québec society, again, in general.
It is quite possible to point to consensus in Québec, a consensus
that is often very wide, but - let us be frank - not very deep. The breadth of
that consensus is frequently manufactured by a certain uniformity of opinion in
the major outlets of the mass media in Québec and a certain kind of
general belief in the society of backing up "your own side": the feeling that,
by departing from majority opinion, one is somehow letting the side down. In
consequence, it is easy to find a snowball effect for almost any opinion in
Québec. It is hard to find a popular opinion that is steadily held by 58
%, say, or 62 %, or something of that sort, of the population. If it has become
a major matter for discussion, it is either crushed altogether or becomes the
reigning wisdom.
I do not think this is a very good way for the society to proceed when
it comes to ques-. tions like the constitutional and political future of
Québec because as long as things are kept in vague enough terms, then we
can assume this consensus will continue. Whereas as soon as we begin talking
about precise details, about exact constitutional and economic agreements, then
everywhere, not merely in Québec, but in the rest of Canada, in the
United States, probably among observers who are, let us say, neutral from
Europe and so on, there is bound to be sharp division of opinion. (18 h 50)
I would also like to make some comments on the historical review that is
provided of how we got to where we are now in Québec. Now, some of this
historical review is not a matter of debate. It is something that is familiar
to all of us, both from the history books and from our own journals of opinion.
But some of it is rather different... a rather narrow concentration on
Québec issues and particularly Québec political issues to the
exclusion of things that are happening in a wider world. For example, if we
look at what we mean even when we use words like Québec and Canada, I
think it is useful to remember that after all, these are quite ambiguous words.
In one sense, they mean nothing but a geographical space; so that, in this
sense, Québec and Canada are eternal, rather like Platonic ideas;
irrespective of anything any of us decide, irrespective of whether both, some
day, let us say, belong to the United States of America or to a world
federation or to something of this sort. We do not assume that they are going
to be moved off the map.
Québec, Canada, the North American Continent, similar terms to
these not only refer to geography, but to history. And even when they refer to
history, they can refer to the history of relatively small numbers of
politically active people frequently doing things that were a matter of no
interest whatsoever to the overwhelming majority of the population; or they can
refer to the people who are the most economically productive; or ingenious, or
scientifically inventive; or artistically creative; or you can be referring to
the majority of the population; or you can be referring to the people who in
fact own or work most of the land. In each case, you are saying something quite
different. If you say at a certain point: Québec is strong, or
Québec is weak, or Québec is united, or Québec is divided,
which Québec are you talking about?
Are you talking about the Québec of its political
representatives? Are you talking about its economic strength? Are you talking
about its individual citizens?
When the Premier of Québec commented in his own address that the
highest priority was the well-being of Québec, in which sense is this
meant? The well-being of Québec meaning, say, the Québec state,
or Quebec's political institutions, is not necessarily the same thing as the
well-being of the individual people of Québec. On the contrary, they
could be the exact opposite. Or, for example, when the head of the Opposition
Party refers to Québec as having "une habitude d'échec", well, I
am not so sure. I think that you could more reasonably argue that it was a
habit of paradox: that the sense that Quebeckers have held through the last two
centuries has not been one of repeated failure, but rather of one of constantly
being in more than one world and being drawn towards both at the same time.
Those who are only drawn towards one of those worlds therefore keep seeing
failure. There will always be failure if there are always people being drawn to
the other world, as well if we exclude the other one that interests them. But
if we make that allowance, then, I do not think we can talk about a habit of
failure, only about, as I said before, a habit of paradox.
I would furthermore argue that this habit of paradox is increasingly
unavoidable in the modern world not merely here, but increasingly throughout
the world. There are a few small islands and a few geographically isolated
areas where people fortunately or unfortunately are a block, geographically,
historically, culturally, politically. But most advanced societies today are
caught between what they represent in terms of things like their urban life,
their economic life, their cultural life and their political life, all pulling
in different directions. In some cases, there are people who have been
recognized as distinct and powerful cultures for a thousand years, but who have
never really moved towards the status of the nation state. In other places, you
have nation state that have managed to move along for a very long time - take
the Swiss - without even having a common ethnic or cultural identity, and
without even bothering to patch one together, but instead being held together
by things like economic and geographic considerations.
If we look at what has happened to the whole world in the last few
years, we can see that the meanings of words like Québec, Canada, and
even the United States of America, are going through profound changes, for the
kind of reasons that I am explaining. The nation state itself, as an idea,
reached its peak, in a way, with the rise of the successful middle-class world
of the 19th Century. In fact, one of the most distinguished French historians,
Charles
Morazé, called his whole history of the previous century Les
bourgeois conquérants. And, to an extent, it was "les bourgeois
conquérants" who carried nation state with them. Canadians and
Quebeckers were always confused, because Canada was never really controlled by
a triumphant bourgeoisie and neither was Québec. Both, instead, wound up
with highly successful, prosperous economies, that, to some extent, always
seemed on the edges of something else: the edges of the British Empire, the
edges of the United States of America, and probably, today, the edges of a
worldwide globalizing economy where nobody is quite sure exactly what it
means.
In fact, I doubt if nation state, as they were understood in the years
between, let us say, somewhere around World War I, and the 1950's, will exist
in the 21st Century, or at least conceivably could have the same meaning. With
instantaneous mass communications over the surface of the earth, with things
like a sort of mass entertainment spreading in the world today, that used to be
dominated by the English language, but I think is probably going to be
dominated by some sort of polyglot before long, and which apparently is
something that people can enjoy as easily in Rome, or Johannesburg, or
Montréal, or Tokyo, with an economy which is increasingly one that
depends on a banking and financial system that operates throughout the world
instantaneously, and where what people are most worried about is the
preservation of central banking systems that will not allow inflation of the
currency in that particular part of the world. In a world like this, many of
the things that are argued about with immense seriousness, not only in this
Assembly, but in many other political assemblies, have been out of date for
decades, and politicians and journalists are the last people in the world who
have been willing to admit this.
If this commission is to look honestly at where Quebec's future lies, I
agree with my leader and I think, also, with everyone I have talked to in
anglophone Québec, that we are not of a closed mind. We do not merely
assume that what will come out of this must be the status quo, nor that it must
inevitably lead to something like a clear concept of political separation as
once conceived. But that also does not mean that, for example, we are therefore
advocates of something like sovereignty-association. We have to, amongst other
things, understand whether such an idea is meaningful, coherent, conceivable,
possible, something which can be implemented, something which has any economic
rationality, something that is politically possible in North American terms. It
would be better if we maintained ourselves, under whatever political
circumstances, in a spirit of goodwill and friendship and tolerance. But
frankly, even if those things deteriorate, we may need to stay
together simply out of common interest.
So, for all of these kinds of reasons, I look forward to the work of the
commission. I believe it can be of valuable and useful force in Quebec's
future, but I hope it will be remembered as well that when people begin talking
about a consensus, when they begin talking about unity of opinion, they are not
necessarily including everybody. And when I say they are not including
everybody, I do not mean, merely, let us say, the people who voted for our
political faction; I am not necessarily even referring exclusively to people
whose mother tongue is English. I am referring just as well to many people
whose mother tongue is French, or whose mother tongue is different than English
or French. I am talking about all of the people who are not at all sure they
want to belong to a consensus and have not found a way to escape it, that, in
fact, find consensus as an overwhelming control over their lives, rather than
an indication of strength and political comfort. (19 heures)
I think people should remember as well that the rights of Individual
citizens, irrespective of their mother tongue, irrespective of their
background, are things which, in the society today, achieve a political
importance that is now universally recognized, and that Québec of the
future, whatever its constitutional form, must give at least as much attention
to such things; and to the maintenance and, where necessary, to the restoration
of individual rights as to any other apparently more pragmatic matter. Because
even what seems to be an economic issue is ultimately still one that will
depend on the way the world sees what Québec does in these things.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): In conclusion,
please.
M. Cameron: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Thank you. Merci, M. le
député. Je reconnais maintenant M. le député de
Marquette et président de la commission des institutions.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, il me
fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi, projet de loi 90, Loi
instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. M. le Président, un peu comme certains collègues
des deux côtés de la Chambre l'ont exprimé aujourd'hui, il
s'agit effectivement d'un projet de loi très important, très
important pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec. M. le
Président, en juin dernier, j'étais un de ceux, et sûrement
pas le seul ici dans cette Chambre, qui étaient extrêmement
déçus de voir que certaines Législatures provinciales ne
voulaient pas ratifier l'entente du lac Meech qui avait été
effectivement entérinée par tous les premiers ministres du Canada
deux années auparavant. J'ai été également
très heureux de voir le premier ministre du Québec -
j'étais à ce moment-là dans une autre province -
d'entendre le discours qu'il a fait à ce moment-là et de voir le
chef de l'Opposition officielle lui tendre la main et lui dire ni plus ni
moins: M. le premier ministre, nous allons essayer de travailler ensemble pour
le bien-être des Québécois et Québécoises. Et
c'est un peu l'aboutissement que nous vivons aujourd'hui avec ce projet de loi
90.
M. le Président, pourquoi une commission parlementaire
extraordinaire élargie ou spéciale? Pourquoi? Vous me permettrez
de faire un petit peu d'histoire récente. Je me souviens, en 1980, le
gouvernement du Parti québécois d'alors avait demandé
à la population du Québec de se prononcer sur un certain
référendum. La question, à ce moment-là, demandait
aux Québécois et Québécoises: Seriez-vous d'accord
à ce qu'on négocie une forme de souveraineté-association?
Je me souviens très bien de ce moment-là, M. le Président,
puisque je militais à l'époque pour le camp du non. Mon
comté n'existait pas à ce moment-là et c'était le
comté de Jacques-Cartier; mon collègue du comté en
question vient tout juste de parier. J'y croyais, à ce moment-là.
Moi, ce que j'avais dans la tête, à ce moment-là,
c'était un fédéralisme renouvelé, un
fédéralisme décentralisé. Je me souviens de
certains politiciens fédéraux qui étaient venus faire des
discours au Québec, notamment M. Trudeau, et qui nous disaient à
l'époque: Québécois et Québécoises, si vous
votez pour le non, ce sera un oui, et nous modifierons le
fédéralisme. Alors j'y croyais. Je l'ai cru à ce
moment-là, et j'ai continué de militer pour le Parti
libéral du Québec, qui est un parti
fédéraliste.
À l'élection de 1981, du 13 avril 1981 - d'ailleurs, M. le
Président, vous avez été élu en même temps
que moi, en avril 1981; nous étions assis tous les deux à la
place de mon collègue actuel de Rouyn-Noranda-Témiscamingue;
j'étais assis à ce banc... Je me souviens, M. le
Président, que M. Trudeau, qui nous avait dit à l'époque
qu'un non était un oui et qu'en votant pour le non nous votions pour un
fédéralisme décentralisé et renouvelé, nous
est arrivé avec le rapatriement de la constitution, un rapatriement
unilatéral de la constitution et sans l'accord du Québec. Je me
souviens aussi, M. le Président, que le gouvernement d'alors avait
présenté une résolution, ici en cette Chambre, demandant
aux parlementaires québécois de se prononcer sur ce rapatriement
unilatéral, et nous nous étions prononcés, de notre
côté, avec le gouvernement du Québec; non pas une
résolution pour le Parti québécois d'alors, mais une
résolution, à ce moment-là, qui était pour le
Québec. Je me souviens même, M. le Président, que vous
étiez
venu, je pense, de l'hôpital, voter avec nous pour la
résolution et contre le rapatriement unilatéral de
l'époque. Alors, ça a aboutit en 1982 par l'Acte constitutionnel
de 1982, qui modifiait la constitution, qui rapatriait dans un premier temps la
constitution de Londres, qui modifiait la constitution canadienne et qui
enchâssait une charte des droits canadiennes. Nous nous étions
opposés à ça, et tout cela s'est fait sans l'accord du
Québec.
Ensuite de cela, quelques années plus tard, nous prenons le
pouvoir et c'est à ce moment-là que, le premier ministre du
Québec et le ministre responsable du dossier,
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes,
faisant le tour du Canada, convainquant la majorité et la
totalité des premiers ministres de l'époque, nous avons eu le
résultat de l'entente du lac Meech. Malheureusement, pour les raisons
que nous connaissons tous, le lac Meech, l'entente n'a pas été
ratifiée par toutes les Législatures. J'aimerais en profiter
à ce moment-ci pour féliciter le premier ministre du
Québec et le ministre actuel de la Justice pour tout le travail
extraordinaire qu'ils ont accompli dans tout ce dossier.
Alors maintenant il nous faut à ce stade-ci, puisque le lac Meech
n'a pas passé... J'écoutais le chef de l'Opposition officielle
cet après-midi qui disait que c'était rendu un symbole, le lac
Meech. Effectivement, tous les sondages ont démontré que la
très vaste majorité des Québécois et des
Québécoises appuyaient le lac Meech, appuyaient le Québec
dans toute sa démarche. Et nous sommes rendus au stade où il faut
redéfinir notre avenir politique et constitutionnel. Il nous faut
évidemment une nouvelle formule, de nouveaux arrangements pour
satisfaire les Québécois et les Québécoises. Cette
Commission, M. le Président, va permettre à tous les
Québécois et Québécoises de se faire entendre
auprès de ladite Commission, à tous les groupes
intéressés de se faire entendre auprès de la Commission.
La Commission pourra également entendre des experts qui vont venir
témoigner devant la Commission.
La composition de la Commission, si vous voulez mon opinion, M. le
Président, je trouve que cette composition est excellente, avec une
majorité d'élus de l'Assemblée nationale du Québec,
avec certains députés de la Chambre des communes qui
représentent des comtés du Québec, avec également
des représentants du milieu des affaires, des représentants du
milieu syndical, représentants aussi du milieu coopératif, et
également du milieu de l'enseignement et de la culture. Sans oublier
évidemment non plus l'excellent choix des deux coprésidents,
c'est-à-dire M. Jean Campeau et M. Michel Bélanger. Je pense que
plusieurs parlementaires ont eu l'occasion aujourd'hui de nous faire valoir la
très grande crédibilité qu'ont effectivement ces deux
personnages.
Notre formation politique également, M. le Président, aura
l'occasion, en mars 1991, de se repositionner sur le plan constitutionnel, de
redéfinir notre programme politique sur le plan constitutionnel. Tout
ça, évidemment, un peu, sur le plan temporel, dans le même
temps que sera rendu le rapport de la Commission parlementaire spéciale.
Comme le premier ministre le disait en juin dernier, le Québec a
toujours constitué une société distincte et constituera
toujours pour le futur une société distincte. Alors nous partons
avec ce principe-là, j'ai entièrement confiance, et je suis
très optimiste pour cette Commission lors de ses travaux et les
résultats de cette Commission. Le premier ministre l'a clairement dit
cet après-midi, il s'agit pour nous de l'intérêt
supérieur du Québec, de l'intérêt des
Québécois et des Québécoises.
Évidemment, je n'ai pas l'intention d'aborder le fond de la
question, mais je voulais simplement vous dire comment je suis optimiste pour
les travaux que nous allons entreprendre. Je suis également heureux de
la composition de ladite Commission. Je suis heureux aussi de voir que cette
Commission sera non partisane, et des représentants de tous les milieux
pourront y participer, notamment un représentant du Parti
Égalité. On aura également d'autres représentants
d'autres couches de notre société. Évidemment, je suis
fier d'être Québécois; en étant fier d'être
Québécois, on est fier maintenant, on sera fier pour le futur, et
je vais voter évidemment en faveur du projet de loi 90, et je reste
optimiste pour l'avenir du Québec. Merci beaucoup. (19 h 10)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Marquette. Je reconnais maintenant M. le leader adjoint
de l'Opposition officielle et député d'Abitibi-Ouest. M. le
député.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président. Dans le peu de temps qui
nous est imparti, je voudrais prendre quelques minutes pour exprimer mon point
de vue. D'entrée de jeu, je ne dirai sûrement pas ce que le leader
du gouvernement disait en présentant cette loi, qu'il s'agit d'une
journée extraordinaire, spéciale, historique. En ce qui me
concerne, ça sera une journée historique, extraordinaire
lorsqu'on aura la capacité d'offrir aux Québécois une
constitution du Québec. Bien sûr, ce sera davantage historique
quand nous aurons notre propre Parlement, comme ce serait tellement normal.
D'ailleurs, mon collègue qui vient de parler, le député de
Marquette, dit: On va partir dû principe qu'on est une
société distincte. Alors, à un moment donné, si on
reconnaît qu'on est une société distincte, on ne peut pas
faire que des discours. Il faut, à un moment donné,
concrétiser cette "distinctivité" et la meilleure façon de
la concrétiser, c'est de se doter d'un Parlement à pleins
pouvoirs.
Le leader du gouvernement dans sa présen-
tation - et il l'a bien farte - a fait tout un historique, toute
l'histoire du Québec pour montrer comment nous étions capables,
comment c'était important d'avoir nos leviers, combien le Québec
avait émergé dans toutes sortes de secteurs, dans le monde des
affaires, en éducation et ainsi de suite.
Je ne veux pas refaire l'histoire parce que je trouve qu'il y a un peu
trop d'historiens dans cette Assemblée, en tout cas pour le débat
d'aujourd'hui. J'aime mieux regarder un petit peu plus l'avenir parce que c'est
surtout ça qui m'intéresse.
Je ne suis pas celui qui prétend que parler de ses convictions,
comme le député de Mille-Îles le mentionnait tantôt,
c'est faire de la politique. Il disait: Moi, je souhaite que ce soit
complètement non partisan. Moi, je vais y aller avec toute ma grandeur
d'âme, mes convictions et je vais dépenser toutes mes
énergies pour m'assurer que toutes les analyses, les réflexions
les plus larges se fassent, et il appelait ça: Pour ne pas faire de
politique. Bien, moi, ça ne me gêne pas de faire de la politique.
Je suis en politique. Ça fait 15 ans et ce n'est pas, je
répète, faire de la politique que de parler de ses convictions.
Nous, notre conviction est que le meilleur régime constitutionnel pour
une société distincte, ça ne peut pas être:
Recommençons nos devoirs parce qu'on n'a pas eu affaire à des
bons joueurs. Moi, j'ai encore entendu aujourd'hui au moins à 10
reprises l'expression "fédéralisme renouvelé". Je ne veux
plus le renouveler, le fédéralisme. C'est-y clair? Quand je dis
ça, je ne pense pas que je suis partisan, je ne pense pas que je fais de
la politique partisane. Je fais de la politique objective de 1990.
En 1990, qu'est-ce que vous voulez, c'est quoi qui nous manque de plus,
M. le Président, pour acquérir la conviction que le régime
dans lequel on essaie toujours de nous rentrer... Parce que, encore là,
le leader disait: II faut savoir que le Québec a contribué
à faire le Canada. Bien, justement, le même Canada nous a dit
à maintes et maintes reprises: Y a-t-il moyen que vous vous organisiez
et y a-t-il moyen que vous nous laissiez la paix? C'est ça que ça
veut dire.
On disait que Meech est un symbole. Meech est bien plus qu'un symbole
parce que, d'abord, deux phrases, M. le Président, pour dégonfler
un peu Meech. On n'a pas le droit sans faire trop d'histoire... Écoutez,
le même premier ministre du Québec qui défendait Meech
avait pris la peine de faire le tour du Canada, avant que les provinces se
donnent la peine de regarder ce qu'il y avait dans Meech, pour dire: Bien,
cette fois-ci, vous devriez accepter Meech. Il n'y a rien là-dedans.
Jamais le Québec n'a demandé si peu et c'est à ça
qu'on s'est fait dire non. Certains analystes prétendent que c'est M.
Elijah Harper, ou c'est M. Gary Filmon ou c'est le premier ministre de
Terre-Neuve. Alors, allez-y voir. Ils recevaient au-dessus de 1000
télégram- mes par jour: Ne lâchez pas. Bravo! C'est
ça, la réalité.
Moi, je veux bien qu'on crée une commission, je veux bien qu'elle
soit non partisane, mais je voudrais donc qu'on parte de 1990. Je voudrais
qu'on parte de la réalité du Québec d'aujourd'hui. Oui ou
non, nous sommes capables d'assumer pleinement et entièrement les
responsabilités d'un Parlement normal parce qu'on est un peuple et une
société distincte. En conséquence, tous les peuples que je
connais qui sont distincts et différents se donnent une constitution et
ont un Parlement. Ils n'en ont pas deux; ils n'en ont pas trois; ils n'en ont
pas deux et demi; ils ont un Parlement qui fait l'ensemble des lois.
On pourrait regarder des exemples. Pensez-vous qu'on aurait eu
l'imbécillité qu'on a eue il y a une couple de jours avec la TPS
quand le ministre des Finances, pour un souci aussi irréfléchi...
Il a appelé ça "l'harmonisation". Il s'est empressé de
s'harmoniser avec celui qui nous a rejeté. Qu'est-ce que ça a
donné, en un exemple? Pensez-vous que dans le monde de l'édition
québécoise, c'est logique de dire: Dorénavant, il va y
avoir 14 %? Ce n'est pas logique du tout, la brimbale de deux niveaux de taxe
et tout ça. Mais pensez-vous que si on était souverain, quel que
soit le gouvernement, libéral, conservateur, créditiste, parce
que ça n'a pas d'importance après qu'on est souverain.... On
donnera la responsabilité de gérer le Québec au
gouvernement dont les Québécois et les Québécoises
penseront qu'il est le plus apte à gérer le Québec. Mais,
une chose est sûre, ce gouvernement-là n'aurait pas pu prendre une
décision d'une taxe de 14 % ou de 15 % dans le monde de l'édition
québécoise quand on veut protéger notre culture, à
moins, encore là, de parler des deux côtés de la bouche,
comme on l'entend régulièrement de l'autre côté. On
ne peut pas faire ça.
Alors, le projet de loi qui institue la Commission sur l'avenir
politique et constitutionnel du Québec, c'est évident qu'il va
falloir qu'il parte de la réalité 1990. Or, la
réalité 1990, en ce qui nous concerne... Et ce n'est pas
d'être partisan, je le répète, de parler avec coeur de ses
convictions. J'ai un petit document, parce que je connais certains
opportunistes de situation, mais il n'y a rien de mieux que les
écrits... En 1979, ce n'est pas nécessairement hier, je ne me
souviens pas qu'on parlait de l'accord du lac Meech et nous autres, on disait:
D'égal à égal. Et on définissait la
souveraineté. Et juste quelques phrases. On disait: "La pierre d'angle
de ce nouvel ordre des choses est la souveraineté
québécoise. La souveraineté nationale est le point de
départ et l'élément essentiel de toute politique
québécoise globale sur ce continent. Elle ne constitue pas le
dernier mot de cette politique mais elle en constitue sûrement le
premier." Écoutez ça, M. le Président: "Elle est
indispensable notamment pour établir un minimum
d'équilibre politique entre nous et les autres et ce minimum
d'équilibre politique signifie, par voie de conséquence, un
meilleur équilibre économique, culturel dans le jeu des forces de
part et d'autre en nous assurant une assise juridique qui ne garantisse pas aux
autres, dès le principe, le moyen institutionnel d'avoir raison sur nous
par simple décision majoritaire."
Je pourrais continuer à citer des exemples comme ça, mais
j'estime, M. le Président, qu'avec l'échec de l'accord du lac
Meech, qui était un symbole, qui était un minimum, où il
n'y avait rien là-dedans, il me semble qu'on ne peut pas constamment se
repositionner à partir du régime qui nous a rejetés et
c'est pour ça qu'il est capital que la case de départ soit: Oui,
c'est exact que le Québec est une société distincte et
comportons-nous donc comme Québécois et comme
Québécoises comme ça parce que c'est ça, la
réalité d'aujourd'hui.
Dans ce sens-là, j'espère qu'il y aura un peu moins de
gens en commission parlementaire pour faire constamment l'histoire de ce qu'a
été ce beau- et grand Canada et essayer de prétendre que
si on changeait les joueurs et replâtrait le régime et qu'on
essayait encore une quinzième et dernière chance, là, il y
aurait des chances que ça fonctionne. Pourquoi y aurait-il plus de
chances que ça fonctionne? Tous les éléments qui ont
contribué à l'échec de l'accord du lac Meech demeureront
présents et de plus en plus présents, M. le Président. On
a vu, pas hier, pas il y a six mois, aujourd'hui, la belle promesse de David
Peterson: il promet de ne plus commettre le péché du bilinguisme.
O.K., il est en campagne électorale. Mais, quand il dit ça, il
traduit bien plus une réalité concrète qu'il ne fait une
déclaration politique. Il ne fait pas de déclaration politique,
il traduit une réalité concrète. Promenez-vous à
travers ce beau et grand Canada et vous verrez qu'il y aura toujours,
fondamentalement, des nuances tellement fortes entre les conceptions de notre
avenir et du leur. En conséquence, pourquoi n'assumerait-on pas notre
avenir? (19 h 20)
II me semble qu'on a fait nos preuves. On devrait être assez
adultes pour s'assumer pleinement. Et lorsqu'on arrive à la
période adulte, bien... Là, c'est sûr qu'on est dans une
période où ça regarde mal parce qu'on n'a pas de chef
d'État, on n'a pas de premier ministre qui se comporte comme un chef
d'État. Mais si le Parlement, l'Assemblée nationale du
Québec contrôlait l'ensemble de ses instruments et qu'elle
décidait de se doter d'un chef d'État pour assumer toutes nos
responsabilités, très rapidement, l'ensemble des
Québécois et des Québécoises conviendraient que
c'est ce régime-là qu'il faut se donner parce que nous sommes
rendus là. D'ailleurs, les hommes d'affaires... Habituellement, on les
qualifie de gens très rationnels, analytiques, etc. Même s'ils
étaient d'accord, eux, avec l'accord du lac Meech, ils disaient ceci: Si
Meech échoue - bien il a échoué, Meech, là; c'est
réglé, ça - la moitié d'entre vous opterons pour
l'indépendance. Opter pour l'indépendance, ça veut dire
opter pour la souveraineté du Québec, ça veut dire opter
pour un Parlement qui fait ses lois, qui est en mesure d'assumer toutes ses
responsabilités et d'offrir aux Québécois les choix qui
correspondraient le mieux à leurs aspirations.
Je souhaite, M. le Président, qu'effectivement, cette Commission
puisse déboucher sur une réflexion qui sera axée sur
l'avenir. Je souhaite que les membres de cette Commission fouillent beaucoup
moins le passé historique et pourquoi on en est arrivés
là, mais qu'ils soient plus conscients que de temps en temps, comme
politiciens, on a la responsabilité d'être rendus au moins au
même niveau que l'ensemble des citoyens et des citoyennes du
Québec. Et je ne vois pas pourquoi il y a encore des gens qui
questionnent cette opportunité parce que les Québécois et
les Québécoises nous l'ont dit qu'ils étaient d'accord.
Ils nous l'ont dit et ils nous l'ont répété qu'ils
étaient complètement d'accord avec la souveraineté du
Québec. Un Parlement normal qui assume, comme je l'ai mentionné
tantôt, toute sa responsabilité, ça fait des peuples fiers,
dignes, normaux, responsables et ça évite ce qu'on vit, ça
évite les dédoublements inutiles, ça évite les
supposées harmonisations qui ont comme conséquence qu'on fait du
mur à mur, ce qui ne correspond pas du tout à ce que nous sommes,
ce qui ne correspond pas du tout à nos aspirations. Et, après
qu'on s'est harmonisés, on est obligés de vivre avec des
situations aberrantes comme on va vivre, là, malheureusement, dans
quelques mois, avec cette TPS, absolument sans distinction, sans nuance. On
s'harmonise avec celui qui nous a rejetés.
J'espère que l'ensemble des membres de la Commission pourront
partir au moins de ces prémisses, en étant convaincus qu'une
société distincte, ça exige quelque chose de
différent. Et moi, j'ai hâte que nous puissions y arriver parce
que là je marche avec tout le monde: il ne nous appartient pas à
nous seuls, les élus, de définir l'avenir du Québec.
Ça, il n'y a pas de problème avec ça. Et la commission va
permettre que l'ensemble des citoyens, soit par leurs représentants,
soit par les différents chapeaux de ceux qui composeront la Commission
comme membres, puissent donner un caractère assez large, assez
universel... Mais là, une fois pour toutes, qu'on débouche sur la
présentation d'une constitution du Québec qui, bien sûr,
normalement, sera soumise aux Québécois et aux
Québécoises parce que ce n'est pas par une élection, ce
n'est pas un parti politique qui doit s'arroger la responsabilité de
définir l'avenir constitutionnel, mais permanent... Parce qu'une
constitution, on ne joue pas avec ça comme on joue avec une
législation, avec un décret, avec une décision
ministérielle. C'est majeur, c'est sérieux, c'est l'avenir
de la nation québécoise. Moi, je la veux emballante, je la veux
stimulante pour nos jeunes et la seule façon pour que ce soit emballant
et stimulant, c'est, une fois pour toutes, de mettre fin à cette
prétention qu'en recommençant nos devoirs avec le partenaire qui
nous a rejetés maintes et maintes fois, que ce soit au niveau de
l'immigration, que ce soit au niveau de la langue...
Je fais juste conclure, M. le Président, avec ce que
moi-même, j'ai vécu. J'ai été ministre de
l'Éducation pour une courte période. Il n'y en a pas beaucoup qui
se le rappellent et je comprends pourquoi. Moi, je comprends pourquoi. C'est
simple. Pendant la courte période où j'ai été
ministre de l'Éducation, j'ai été obligé de faire
trois législations pour nous raccommoder par* rapport à la
vieille constitution complètement folichonne et inadaptée par
rapport à nos réalités. Moi, ça ne me permettait
pas de faire comme le ministre de l'Éducation actuel et dire, moi, je
suis pour ça des commissions scolaires linguistigues, sauf qu'elles sont
confessionnelles. Mais il est pour ça "en étoile", des
commissions scolaires linguistiques, mais, dans les faits, est-ce que c'est des
commissions scolaires linguistiques, notre régime scolaire au
Québec? La réponse, c'est non. Pourquoi est-ce que ce n'est pas
comme ça? C'est parce que je suis assujetti à des dispositions
protectionnistes qui protègent des droits ancestraux qui n'ont aucune
commune mesure avec la réalité de 1990. Mais ces gens-là
défendent ce régime-là. Il va falloir aussi regarder
ça.
Alors, moi, comme ministre de l'Éducation, pendant trois ans,
qu'est-ce que j'ai fait? J'ai fait des lois correctrices parce qu'elles avaient
été invalidées par quelqu'un d'autre. Pensez-vous que
c'est une situation normale? Pensez-vous que c'est une situation qui est
glorifiante, qui est stimulante pour une communauté, pour une nation?
Moi, je dis non.
En conclusion, M. le Président, j'espère que cette
commission partira à la bonne place, parce qu'il est important d'arriver
à la bonne place et pour arriver à la bonne place, vous le savez,
il faut rapidement soumettre aux Québécois et aux
Québécoises une constitution pour que nous puissions nous doter
d'un vrai pays. Merci.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le leader
parlementaire adjoint de l'Opposition. Mme la députée de
Vachon.
Mme Christiane Pelchat
Mme Pelchat: M. le Président, j'ai envie de vous faire une
confidence; j'entends plusieurs oreilles attentives. Je me sens, M. le
Président, à la fois fière que l'on soit aujourd'hui
devant l'adoption d'une telle loi qui, pour la première fois dans
l'histoire du Québec, invite tous les intéressés à
participer à la redéfinition constitutionnelle de notre
société, de la société
québécoise.
Mais, M. le Président, je me trouve à la fois
déçue puisque cette loi et la formation de cette commission
parlementaire sont indispensables suite à l'échec de l'entente du
lac Meech où on a vu, malheureusement, plusieurs premiers ministres,
membres de la Fédération canadienne, renier leur signature. Je
n'ai pas besoin de vous le dire, vous l'avez entendu aussi longtemps que moi,
M. le Président, le débat sur l'entente a duré trois ans.
Trois années où on a tout entendu sur la perception qu'a le
Canada de la place du Québec dans cette Fédération, trois
années de débats qui ont confirmé le statut distinct de la
société québécoise au Canada mais aussi en
Amérique du Nord.
M. le Président, ma déception ne repose pas seulement sur
la non-ratification de l'accord du lac Meech, malgré les efforts de
sauvetage du premier ministre du Québec et du premier ministre du
Canada. Mais j'en ai surtout contre certains arguments qui ont
été soulevés par les opposants à l'accord du lac
Meech et qui démontraient bien peu de sérieux. Vous vous en
souviendrez, M. le Président, puisque j'en ai déjà
discuté Ici en cette Chambre et avec plusieurs membres de
l'Assemblée nationale. Entre autres, vous vous souviendrez que l'on a
invoqué que la clause de la société disctincte pouvait
altérer le principe d'égalité des sexes et même
l'avancement de la condition de vie des femmes. On a invoqué
implicitement par là que le gouvernement du Québec visait dans
cet accord la discrimination faite aux femmes.
Non seulement j'ai été outrée par cette
interprétation farfelue de la clause de la société
distincte, mais j'ai eu du mal à croire que l'on puisse avancer une
telle supercherie. Utiliser cet argument quand on sait qu'à l'automne
1987 le Conseil du statut de la femme et la Fédération des femmes
du Québec ont affirmé à la Chambre des communes que cet
accord ne remettait pas en question la primauté de la charte qui
garantit l'égalité des sexes, encore une fois, je pense que c'est
faire preuve de bien peu de sérieux et surtout de bien peu de franchise.
(19 h 30)
Mais, trêve de nostalgie, je pense que nous avons aujourd'hui la
chance unique d'élaborer et de redéfinir notre avenir politique.
On sent, on le sent bien, on l'a senti au cours des derniers mois,
particulièrement lors de la fête nationale, on sent au sein de la
société québécoise un consensus sur cette
volonté de redéfinir le Québec, consensus, M. le
Président, qui est bien traduit et par le gouvernement, et par
l'Opposition officielle, puisqu'il s'agit d'une proposition unanime de
créer une commission parlementaire non partisane. Le consensus, M. le
Président, est bien reproduit dans la loi puisque, dans le premier
considérant - c'est important puisque ces
considérants font partie de la loi, ils ne sont pas seulement en
préambule - il est indiqué que "les Québécoises et
les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de
déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement
économique, social et culturel." Ce qui est clairement mentionné
ici, c'est qu'entre nous nous déterminerons notre avenir. Nous avons
laissé la chance au coureur. Nous sommes maintenant seuls avec le peuple
du Québec au fil d'arrivée.
L'objectif premier de cette Commission élargie sera de chercher
pour et par des Québécois notre propre définition de notre
place en Amérique du Nord. Mais, plus important encore, M. le
Président, faut-il le rappeler, c'est toute la population
québécoise qui y est conviée. Cette Commission devrait
avoir comme cadre de référence notre "attachement aux valeurs
démocratiques et aux droits et libertés de la personne". C'est,
encore une fois, M. le Président, un des considérants de la
loi.
Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais attirer
votre attention. Il s'agit de la prémisse qui veut qu'aucun changement
politique ne devra affecter la vigueur économique du Québec,
mais, au contraire, il devra en assurer son développement et sa
croissance. Ces considérants sont très importants puisqu'ils
établissent, à mon avis, l'engagement du gouvernement et, donc,
des personnes qui seront nommées sur cette Commission à des
principes fondamentaux qui guideront cette redéfinition politique. Ce
sont ces principes qui me permettent d'avoir confiance en cette Commission et
je suis certaine, M. le Président, qu'ils permettront aussi aux gens de
ma génération d'avoir confiance.
Je pense qu'il est très important que les jeunes du Québec
soient éveillés et vigilants dans ce débat puisqu'il
s'agit de notre avenir collectif. Les jeunes libéraux ont montré
il y a quelques semaines une détermination légitime de prendre
part au débat. Ils ont affirmé avec éloquence leur vision
du Québec de demain et surtout leur volonté d'y participer.
Autant les jeunes que les femmes et les hommes du Québec ont leur mot
à dire dans ce grand débat. Nous les invitons à ne pas
manquer cette occasion qui nous est donnée de donner notre voix au
Québec et surtout, M. le Président, d'y montrer notre
attachement. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la
députée de Vachon. M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est,
évidemment, aussi, comme plusieurs des collègues en cette
Assemblée nationale, avec plaisir que je prendrai la parole sur ce
projet de loi 90 Instituant la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec. Il est de ces occasions, dans la
carrière politique de ceux et celles qui sont ici à
l'Assemblée nationale, où le rôle de député
et de législateur prend tout son sens. Mon collègue
d'Abitibi-Ouest, il y a quelques instants, disait: Je connais bien ça,
comment ça se passe à l'intérieur du cadre
fédéral actuel, et ceux et celles qui disent: Bien, on pourrait
peut-être trouver une formule pour aller vers la quinzième, la
seizième, la dix-septième dernière chance du
fédéralisme. Mais en 15 ans il a tout vu passer, ces formules qui
se renouvellent, finalement. À toutes les générations, on
revient sur à peu près les mômes difficultés, les
mêmes écueils et on ose à peine se dire que la solution, la
véritable solution, c'est finalement d'être maître de son
destin. Alors, c'est pourquoi je dis, M. le Président, qu'il est des
occasions, dans la vie d'un député à l'Assemblée
nationale, où c'est vraiment un plaisir de prendre la parole et,
à l'intérieur d'un geste unanime après concertation,
à l'intérieur du parlementarisme britannique tel que nous le
vivons ici, de dire: Voilà une collaboration qui place les
intérêts des Québécois et des
Québécoises au premier rang - on l'a suffisamment dit, mais il
faut le répéter - après que nous avons subi l'humiliation
de cet accord du lac Meech.
Il ne faut pas trop insister, parce qu'on l'a suffisamment
répété, en particulier pendant le mois de juin dernier,
les demandes du Québec étaient tellement à ras de sol
qu'un bon nombre de personnes affirmaient que c'était impossible,
totalement impossible qu'on nous dise non. Et, pourtant, c'est ce qui est
arrivé.
Et, aujourd'hui, dans une espèce de réponse ou d'amorce de
réponse qui, sans l'ombre d'un doute, sera une pièce importante
dans l'histoire du Québec, nous disons tous ensemble, au-delà de
la partisanerie politique: Les intérêts du Québec nous
commandent de définir une commission nationale qui pourra, je
l'espère bien, déterminer les paramètres de l'avenir
politique et constitutionnel du Québec. Et je pense que l'on
reconnaîtra, de part et d'autre dans cette Chambre, surtout de l'autre
côté, que le geste posé par le chef de l'Opposition,
à la fin de juin, suite à l'accord du lac Meech, qui avait
été un geste totalement absent de partisanerie politique au sens
des partis politiques, en tendant la main vers notre premier ministre
démocratiquement élu, est une pièce aussi de l'histoire,
qui nous amène, aujourd'hui, à voter ce projet de loi et,
ultimement, donc, à recevoir, par la présidence de
l'Assemblée nationale, le rapport de cette Commission, sur l'avenir
politique et constitutionnel, et les mots sont bien choisis.
Ce projet de loi, oui, il a été bien préparé
et nous devons tous y adhérer, de ce côté, comme chez les
députés indépendants, et, évidemment, du
côté de la majorité ministérielle, parce que nous
savons très bien que le Québec a connu une telle somme de
progrès au cours des
dernières années que nous sommes rendus à cette
étape ultime où, là, il faudra choisir. On peut bien faire
plusieurs distinctions: il y a deux, trois ou quatre choix possibles. En
réalité, nous le savons tous: ou le Québec maîtrise
son destin complètement avec ses institutions, ses propres moyens et sa
propre volonté, ou il continue de se rattacher à autre chose. Des
gens ont des opinions, sont capables de faire un certain nombre de
démonstrations sur cette autre possibilité, avec plusieurs
variantes. Libre à eux de le faire, maintenant, à
l'intérieur de cette Commission et des choix que nous devrons faire,
dans un deuxième temps, quant à l'avenir de cette
société québécoise. Oui, le Québec a
suffisamment progressé pour que nous soyons rendus à effectuer
ces choix sur le plan économique, sur le plan culturel, sur le plan
social.
Quelques mots spécifiquement, sur le plan de la formation ou du
développement scientifique et technologique au Québec. Le leader
du gouvernement le rappelait, d'entrée de jeu, à la
présentation de ce projet de loi 90, cet après-midi, on s'est
développé un très grand réseau, un bon
réseau d'éducation, avec quelques ratés et
difficultés, bien sûr, quelques éléments à
réviser, mais un excellent système. Moi qui suis issu d'une
famille extrêmement modeste, n'eût été la
création par l'Assemblée nationale en 1969 de ce magnifique
réseau de l'Université du Québec présent partout,
dans toutes les communautés du Québec, il est évident que
je n'aurais pas pu poursuivre des études de baccalauréat, de
maîtrise et de doctorat. Mais nous nous sommes donné ces
institutions. Et sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre, au plan
professionnel, sur le plan de la formation scientifique et technique, nous
avons connu, nous avons réalisé de tels progrès qu'il n'y
a plus qu'une chose maintenant: nous sommes prêts. Souvenons-nous des
discours des années soixante-dix et quatre-vingt: la souveraineté
peut-être, mais nous ne sommes pas nrptc sur le plan
économique, sur le plan des ressources humaines, sur le plan de la
formation scientifique et technologique.
Eh bien, oui, aujourd'hui, nous sommes prêts. Ce que l'on nous
disait, ce qu'il nous manquait, nous l'avons acquis au cours des
dernières années et nous sommes capables de franchir la
dernière étape. (19 h 40)
Je me rappelle très bien, d'ailleurs... Spécialement
pendant le mois de juin, souvenez-vous des déclarations de M. Castonguay
qui présidait le groupe des amis du lac Meech et qui, devant la Chambre
de commerce de Montréal, avait déclaré: Sans Meech, les
Québécois se tourneront vers des horizons plus larges et plus
stimulants. Eh oui! Il avait raison! Il avait raison. Nous n'avons pas Meech et
nous allons nous tourner vers des horizons plus larges et plus stimulants pour
dominer le destin de cette nation, dominer notre avenir, avoir la
maîtrise d'oeuvre de ce que nous pouvons faire de ce magnifique
Québec et de ses régions.
Et c'est important de souligner que, dans ce projet de loi, bien
sûr on peut avoir quelques remarques à faire sur l'un ou l'autre
des éléments de la composition de la Commission. On aurait
peut-être souhaité plus largement qu'il y ait, par exemple, des
représentants des organismes québécois de concertation ou
de développement régional. On aurait peut-être
souhaité spécifiquement une place pour les femmes. On aurait pu
souhaiter qu'il y ait plus d'un siège pour le milieu universitaire ou de
l'enseignement ou de la culture et indiquer "et de la culture". Nous en sommes
à 35 membres, une représentativité qui est passablement
bien assurée. Nous sommes capables, à cette étape de notre
histoire, d'accepter ces compromis pour aller plus loin.
Nous aurons, pendant cette Commission, à définir ce que
sera le Québec et le Québec dans son entier, le Québec de
ses régions. Ce n'est pas parce qu'on va discuter de l'avenir
constitutionnel et politique du Québec qu'on va oublier à travers
tout ça les problèmes et les difficultés qui nous
accablent. Définir ce que sera le Québec et l'ensemble de ses
régions, ce Québec cassé en deux, ce Québec
où l'arrière-pays se vide complètement de ses jeunes, il
faudra aussi poser les jalons de cela. Voilà pourquoi ce forum, qui
s'installe et qui sera itinérant - il faut l'apprécier dans ce
projet de loi - va permettre aux gens de Rouyn-Noranda, aux gens du
Témiscamingue, des petits villages de Laforce, Moffet à aller
jusqu'à Évain de s'exprimer dans cette Commission. Et, comme
membre de l'Assemblée nationale, M. le Président, mon devoir
essentiel sera de stimuler la participation de tous les éléments
de la nation, de toutes les personnes qui composent la fibre intime de ce
Québec pour que nous puissions ensemble définir quel sera le
génie propre de cette nation québécoise, et nous, nous en
sommes convaincus, de ce côté-ci, choisir la seule solution qui
s'offre à nous, celle de la souveraineté nationale du
Québec.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Comme prochain
intervenant, M. le député de Pointe-aux-Trembles.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, est-ce qu'un pays peut, comme
un individu, manquer sa vie? Je pense que oui et, à certaines occasions,
j'ai cru que le Québec était menacé de passer à
côté et de manquer sa vie, un peu comme en 1980, lors du
résultat du référendum, entre autres. Cette fois-ci, nous
avons une occasion qui ne se représentera peut-être pas de faire
le choix qui nous fait grandir, au lieu de continuer de quémander dans
le Canada un statut de société
distincte avec quelques petits pouvoirs supplémentaires. Or, au
Canada, il faut bien s'en rendre compte, la réalité, c'est que le
Canada anglais ne nous considère pas comme une société
distincte, mais bien comme la plus importante des quelque 40 minorités
qui se trouvent au Canada. Et c'est ça qui est fondamental: Sommes-nous
une nation au Québec ou sommes-nous une minorité qui geint et se
plaint depuis fort longtemps à l'intérieur du Canada? Je pense
que c'est ce que nous aurons à choisir et je suis très heureux
que la Commission que nous formons et qui est large, qui regroupe une
majorité de parlementaires de cette Assemblée, mais avec des
représentants et des représentantes de tous les secteurs de la
société, puisse faire cette réflexion
supplémentaire, cette réflexion fondamentale suite à
l'échec de l'accord du lac Meech.
Et à cet égard, il ne faut pas se cacher que le Parti
libéral est placé face à son destin. Ce parti n'a plus
d'option constitutionnelle et je ne le dis pas pour narguer, je le constate. Il
avait essayé une approche très minimale de reconnaissance d'un
petit statut de société distincte pour le Québec au
Canada, le Canada a dit non, ce qui laisse ce parti sans option. Il doit
maintenant s'en donner une et les travaux de la Commission vont être
teintés par cette recherche-là du côté du Parti
libéral. Et moi, personnellement, je souhaite que ce parti s'oriente
dans le sens de la majorité de la population plutôt que dans le
sens de ses habitudes acquises. Je pense qu'on peut cesser d'être
fédéraliste comme on peut cesser de pratiquer le tabagisme. Il
faut voir objectivement et froidement quel est l'avenir pour le Québec
et quelle est l'option qui représente le mieux les intérêts
de la population au plan culturel, parce qu'on est 2 % à 3 % de
l'Amérique du Nord et que, normalement, on pourrait être
submergés si on n'avait pas un Parlement pour se donner des instruments
pour s'assurer qu'on demeure un pays français. Un pays français
où il y a d'autres minorités qu'on respecte, mais un pays aussi
français que l'Ontario est anglais.
D'autre part, au plan économique, nous avons fait des
progrès incontestables, mais pas à cause, malgré le
fédéralisme. Si on regarde une ville comme Montréal, quand
la pétrochimie de l'est de Montréal fonctionnait, elle
était limitée dans son développement parce que le
fédéral avait tracé ce qu'on appelait la ligne Borden qui
disait que les produits pétroliers du Québec ne devaient pas
traverser une ligne située dans le centre, du nord au sud de l'Ontario,
près d'Ottawa, et qui excluait la partie la plus industrialisée
de l'Ontario, et ça, jusqu'à Vancouver. On peut bien parier des
mérites, M. le Président, du marché commun, mais, dans ce
pays-là, longtemps en matière de pétrochimie on n'avait
même pas le libre-échange. On pouvait raffiner des produits dans
l'est de Montréal, mais on ne pouvait pas les exporter au Canada, parce
que ça, c'était réservé à Sarnia qui est
devenu un centre beaucoup plus important que le nôtre.
Lorsque le gouvernement fédéral a décidé de
donner pour quelques milliards de contrats de frégates à Saint
John plutôt que dans les chantiers québécois qui avaient
toujours eu une prépondérance dans le domaine maritime, eh bien,
ça a amené la fermeture de deux chantiers, la Canadian Vickers,
dans l'est de Montréal, et le chantier maritime de Marine Industrie
à Sorel, et là, maintenant, le ministre de l'Industrie et du
Commerce se bat pour essayer de sauver notre dernier chantier maritime, celui
de la Davie, près de Québec. Alors, quelle est la logique
économique qui nous ferait préférer rester dans le
Canada?
Je mentionnerai au passage qu'alors que notre
hydroélectricité a été financée
entièrement avec nos deniers le fédéral a financé
à coups de milliards la production d'électricité par le
nucléaire en Ontario. En fait, il y aurait peut-être des raisons
sentimentales de rester dans le Canada et on les a jouées en 1980,
rappelons-le-nous. Il fallait garder notre partie des Rocheuses pour voir le
soleil se coucher sur le lac Louise, près de Banff. Mais on n'a plus de
raison sentimentale, parce que ce qui s'est exprimé lors du débat
de l'accord du lac Meech, c'est qu'ils nous disaient: "Speak English or get
out". Et le chef de l'Opposition avait raison de le rappeler cet
après-midi: Pourquoi endurerions-nous de voir des villes ontariennes
où le français n'a jamais eu le droit de cité adopter des
résolutions pour dire qu'elles sont unilingues? Pourquoi
tolérerions-nous de voir notre drapeau foulé aux pieds? La
logique économique va à rencontre de rester dans le Canada et
devenir souverains, ça ne serait pas s'isoler, ça serait avoir
des relations d'affaires avec nos voisins, parce qu'on a intérêt
à les entretenir et d'être souverains, ça ne nous interdit
pas de faire un traité d'association économique et de mettre des
choses en commun, parce qu'un des enseignements de la deuxième partie du
XXe siècle, c'est qu'un État, une nation, ça ne veut pas
dire un espace économique restreint à cet État et à
cette nation. Et il y a plein de petits pays comme la Finlande qui s'en tirent
remarquablement mieux que des puissants voisins comme l'Union
soviétique. (19 h 50)
En terminant, M. le Président, le Québec souverain serait
le 80e État par sa population sur les 167 qui siègent aux Nations
unies. Mais, pour ce qui est du produit intérieur brut divisé par
le nombre de citoyens du Québec, c'est-à-dire la valeur de tous
les biens et services qu'on produit, on serait les seizième. Donc,
seizième sur 167, c'est mieux qu'être parmi les derniers dans un
pays qui ne nous veut pas
Je termine en disant à la biague un peu comme le leader de ma
formation le disait lors de la dernière campagne électorale: Dans
un bar, quand on me dit de partir, je n'attends pas le
"bouncer", je quitte de moi-même.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Le prochain intervenant, M. le
député de Nelligan et adjoint parlementaire au ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes.
M. Russell Williams
M. Williams: Merci, M. le Président. Nous sommes en train
de discuter le projet de loi 90, un projet de loi qui a le mandat
"d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du
Québec et de formuler, à cet égard, des recommandations."
C'est un mandat extrêmement important et fondamental. Nous, comme
Québécois et Canadiens, nous avons depuis quelques années,
quelques décennies, essayé de moderniser notre
fédération. Et cette Commission parlementaire élargie sera
le nouveau chapitre à cet égard, le chapitre
québécois.
We, as Quebeckers, must approach this task of these discussions with
diligence, with openness and with commitment. We, as Quebeckers and as
Canadians, have developed a growing understanding of and participation in the
constitutional review process.
Nous avons grandi beaucoup depuis que nous avons commencé nos
efforts dans la réforme constitutionnelle et nous continuerons à
grandir. L'implication dans les débats du référendum, il y
a 10 ans, et les interventions dans le débat sur l'accord du lac Meech
sont deux bons exemples de cette nouvelle compréhension. Avec
l'échec de Meech, nous nous encourageons de "réadresser" ces
questions avec objectivité et vision. Nous sommes confiants, il n'y a
aucun doute que nous sommes confiants, mais l'avenir prend beaucoup plus que
les discours, prend beaucoup plus que la démagogie. Ça prend les
outils et les structures. Oui, nous avons besoin d'un changement, mais un
changement responsable et un changement bien pondéré.
We must remember that if two provinces, and one which has already passed
the Meech Lake Accord and had rescinded it, if two provinces had passed the
Accord, we would not be here tonight discussing a parliamentary commission. We
would be building our future together and not rethinking our current position.
But, as we confidently look towards the future, we must remember and remember
sincerely our past, our roots and all our interrelations both short and long
term.
Il me semble important de souligner que l'échec de Meech, c'est
un échec du système canadien, pas un échec du pays. Mais
maintenant, c'est un défi pour nous, comme Québécois et
Canadiens, c'est un défi positif. C'est évident que nos
délibérations doivent être fondées sur les
réalités historiques et culturelles. Il y a onze critères
dans le projet de loi que nous discute- rons ce soir. Je voudrais en citer
deux. Premièrement, "considérant que le Québec a d'ores et
déjà témoigné son attachement aux valeurs
démocratiques et aux droits et libertés de la personne" et,
deuxièmement, "considérant que le Québec entend poursuivre
cet objectif dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des
droits et des institutions de la communauté québécoise
d'expression anglaise."
And I would like to repeat those two criteria in English because I think
they are fundamentally important to our discussions. Whereas Québec has
already demonstrated its respect for democratic values and individual rights
and freedoms and, as a second criterion, whereas Québec intends to
pursue this objective in a spirit of fairness and open-mindedness, respectful
of rights and institutions of the English-speaking community of Québec.
This underlines, M. le Président, that this process is opened to all
Quebeckers, all that makes out our distinct society, the distinct society of
Québec. It is the time to express our beliefs and to hear and be
sensitive to the beliefs of others. Ces critères sont essentiels.
Nous aurons 35 personnes qui viendront de partout au Québec, qui
viendront de tous les secteurs: les affaires municipales, le milieu des
affaires, le milieu des syndicats, les coopératives, les milieux de la
culture et de l'enseignement. Ce sera un débat de fond de tous les
Québécois. Nous allons recevoir, je pense, plusieurs centaines de
mémoires. Nous les étudierons tous. Ce sera un processus vraiment
démocratique. Cette Commission peut nous aider à demander les
questions pertinentes, à savoir quels sont nos besoins pour
l'avenir.
J'ai entendu, cet après-midi, que l'Opposition avait
déjà décidé des grandes lignes du rapport final.
Moi, M. le Président, je préfère entendre le peuple
québécois et ses commentaires sur tous les aspects de notre
avenir. Je ne me prononce pas sur les grandes lignes du rapport final avant que
nous ayons commencé. Cette Commission parlementaire extraordinaire et
non partisane va nous aider à surpasser les discours du passé, la
vieille rhétorique et à discuter du contenu de notre avenir. Je
voudrais ouvrir une parenthèse. Si toutes les interventions ont le
même niveau de qualité que nos jeunes libéraux, ce sera une
chance extraordinaire pour le mieux-être des Québécois. Je
ferme la parenthèse.
Quand je parle avec les gens de mon comté de Nelligan, ils sont
fiers de notre comportement pendant le débat constitutionnel, de notre
position constitutionnelle et de notre premier ministre. Ils veulent que nous
réglions la question constitutionnelle et mettions notre énergie
sur l'économie. Ils cherchent les moyens de protéger les
intérêts du Québec. Ils sont prêts à embarquer
pour la prochaine étape si, et c'est un grand "si", ils sont inclus dans
le débat. M. le Président, cette Commission leur donnera
cette
chance de participer au débat démocratique.
This will be an opportunity to discuss fully the future of Québec
and I might add the future of Canada. I encourage all those who are interested,
all Quebeckers, to fully participate in the upcoming debate. What I have heard
over the last several months and weeks and what I have seen throughout
Québec and throughout Canada is that we are in need of tolerance, we are
in need of mutual understanding and mutual respect. I sincerely hope that this
parliamentary commission that we are debating here tonight will give us the
chance to find this understanding and deal with each other with the mutual
respect needed.
Mais nous ne pouvons pas ignorer que notre société
québécoise et l'ensemble du reste du Canada ont eu des
difficultés à avoir cette compréhension mutuelle. Je ne le
cache pas. Il faut que nous travaillions sur ce sujet. Je ne voudrais pas d'un
pays qui soit juste légal. Je voudrais un pays vivant qui respecte
toutes les attentes de ses citoyens et de leurs régions.
I believe we can question and change our structure, even the foundation,
without tearing down the house. Our family, the Canadian family, has changed.
Our family, the Québec family, has changed. It is now time to reflect
those changes. Our history has seen this on several occasions and we should
approach this debate positively. We should approach this debate with
confidence, with energy, with commitment, but also with prudence. We cannot
afford to make a mistake. Nous ne pouvons pas faire d'erreur.
It makes sense to me, M. le Président, that Quebeckers take time
now to reflect on their destiny. We should not prejudge the outcome. We should
hear from the people, the people of Québec. To be responsible and
consistent, we must ask ourselves how we fit into the Canadian family and what
is our future as a Québec society. We will hear from all Quebeckers and
possibly, quite possibly, a consensus will evolve, a consensus that will help
us continue our evolution as a Québec society.
M. le Président, c'est le temps d'éprouver émotion
et passion, parce que nous parlons de l'avenir de nos enfants et de leurs
enfants. Mais, pour les mêmes raisons, M. le Président, il faut
que nous soyons prudents. Ce n'est pas une campagne électorale et ce
n'est pas le slogan d'un parti; c'est le bien-être des
Québécois et des Québécoises qui est le fond de
cette consultation. Comme député provincial, je souhaite tout le
succès à la commission parlementaire, parce que cette commission
peut nous aider, nous, le peuple québécois, à clarifier la
prochaine étape de notre évolution. Merci beaucoup pour votre
temps, ce soir, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Merci beaucoup, M. le
député. M. le leader du gouver- nement.
M. Michel Pagé (réplique)
M. Pagé: M. le Président, merci. Très
brièvement, en réplique, seulement quelques mots pour remercier
les collègues de l'Assemblée qui sont intervenus dans le cadre de
ce débat en deuxième lecture sur ce projet de loi instituant la
commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et pour
remercier chacun et chacune des députés qui, de par leur
appartenance à nos caucus respectifs, ont eu à contribuer
à l'élaboration de cette pièce législative et qui,
malheureusement, en raison de la limite de temps établie par les leaders
dans le cadre de ce débat, n'ont pu intervenir. Mais je suis
persuadé que chacune et chacun d'entre nous, des deux côtés
de la Chambre, aurait souhaité faire valoir, au bénéfice
de leurs collègues, leur perception, leurs attentes et aussi, j'en suis
persuadé, compte tenu de l'unanimité qui semble se
dégager, leur satisfaction à l'égard de ce projet de
loi.
Je n'ai pas l'intention d'être plus long dans la réplique,
compte tenu de cette belle unanimité qui semble se dégager,
quoique j'aurais été tenté, comme parlementaire qui,
à l'occasion, ne déteste pas croiser le fer, de répliquer
au député d'Abitibi-Ouest, le leader adjoint de l'Opposition, qui
semblait, par son propos, nager un peu à contre-courant de cette grande
délicatesse manifestée par le chef de l'Opposition qui nous
tendait la main délicatement, au gouvernement, au mois de juin dernier,
et les propos du leader adjoint de l'Opposition semblaient davantage s'inspirer
d'une volonté de couper le tout à la hauteur des doigts ou du
poignet, mais, de toute façon, je n'ai pas l'intention de
répliquer. J'aurai d'autres opportunités de croiser le fer avec
le député d'Abitibi-Ouest.
Ceci dit... Et vous aussi? Bien, nous le croiserons. Là-dessus,
on appelle le vote, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, qu'on appelle les
députés.
(20 h 4 - 20 h 16)
Le Président: Mmes, MM. les députés,
veuillez prendre place, s'il vous plaît. Mmes, MM. les
députés.
Mise aux voix
Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement et
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation proposant,
l'adoption du principe du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur
l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Bourassa (Saint-Laurent), M.
Pagé (Portneuf), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), Mme Gagnon-Tremblay
(Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Le-vesque
(Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), M. Bourbeau
(Laporte), M. Vallerand (Crémazie), M. Côté
(Rivière-du-Loup), M. Rémillard (Jean-Talon), Mme Robic
(Bourassa), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert
(Mar-guerite-Bourgeoys), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Lefebvre (Frontenac), M.
Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M.
Cannon (La Pelt rie), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia
(Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Rivard (Rosemont), Mme Trépa-nier
(Dorion), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bélisle (Mille-Îles), Mme
Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), M. St-Roch
(Drummond), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Tremblay
(Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette),
M. Kehoe (Chapleau), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Fradet (Vimont), M.
Lemieux (Vanier), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean),
Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M.
Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Gobé
(La-Fontaine), Mme Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. Bergeron
(Deux-Montagnes), M. Bor-deleau (Acadie), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent
(Sauve), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden
(Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), M. Després (Limoilou),
M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Forget (Prévost), Mme
Loi-selle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. MacMillan
(Papineau).
M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn
(Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve), M.
Jolivet (Laviolette), M. Baril (Artha-baska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour
(Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M.
Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette
(Marie-Victo-rin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Morin
(Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Dupuis (Verchères), M. Beaulne
(Bertrand). M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Holden (Westmount), M. Atkinson
(Notre-Dame-de-Grâce), M. Cameron (Jacques-Cartier).
Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît. Y a-t-il des
abstentions?
Le Secrétaire: pour: 93 contre: 00
Le Président: Alors, la motion est adoptée.
M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: m. le président, je fais motion pour que
la chambre se transforme en comité plénier pour l'étude du
projet de loi article par article.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. En conséquence,
l'Assemblée se transforme maintenant en plénière pour
l'étude détaillée du projet de loi 90.
(Suspension de la séance à 20 h 21)
(Reprise à 20 h 25)
Commission plénière Étude
détaillée
M. Cannon (Président de la commission plénière):
Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît!
Alors, le comité plénier est réuni afin
d'étudier la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec, le projet de loi 90. Tel que
déterminé par l'ordre de la Chambre cet après-midi, la
durée de la commission: un maximum de 60 minutes. Alors, pour quelques
remarques préliminaires, M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation...
M. Pagé: Leader!
Le Président (M. Cannon):... et leader du
gouvernement.
Remarques préliminaires
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans
un premier temps, indiquer que, si on a prévu uniquement une heure pour
nos délibérations au moment de l'étude article par article
du projet de loi, c'est que, comme je l'indiquais en réplique au
débat de deuxième lecture, l'ensemble des parlementaires et plus
particulièrement les représentants du bureau du premier ministre,
les adjoints du premier ministre, les adjoints du ministre de la Justice et
ministre des Affaires canadiennes, les adjoints du chef de l'Opposition et du
leader de l'Opposition ont été intimement associés
à cette démarche de la rédaction de la loi. Je me
réfère autant au préambule qu'aux dispositions qui sont
décrétées et aux articles qui sont prévus.
Alors, pour ces motifs, M. le Président, on a seulement une heure
de prévue, premièrement;
deuxièmement, je présume que l'analyse des dispositions ou
les commentaires seront brefs de part et d'autre. Alors, à l'article 1,
c'est très simple, c'est la disposition qui institue la Commission,
l'article habilitant.
Le Président (M. Cannon): M. le leader, avant de
procéder avec l'article 1...
M. Pagé: Oui.
Le Président (M. Cannon): ...possiblement qu'il y aurait
des remarques préliminaires de la part du leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Juste une phrase, M. le Président, pour
abonder dans le même sens que le leader du gouvernement. Effectivement,
on peut tout de suite dire, d'entrée de jeu, qu'il devrait y avoir deux
amendements, à notre point de vue, qui devraient être
présentés par rapport au contenu que nous avons accepté ou
négocié. Je ferai même, personnellement, peu de remarques,
advenant d'autres amendements, parce que je crois qu'il y a de l'importance,
après qu'on s'est entendus globalement ou presque globalement, de
procéder aux amendements, tel que convenu. Donc, je restreindrai mes
propos à cela et je vous dis que je suis prêt à entamer
immédiatement l'étude article par article de ce projet de
loi.
Le Président (M. Cannon): Alors, M. le
député de Westmount.
M. Holden: Yes, Mr. Speaker. Even though there are a couple of
amendments that have been agreed upon, there are a couple of other amendments
that I would like to put on the record, on a couple of the articles. I do not
think that the Leader of the Official Opposition would mind terribly if we did.
We will not take a lot of time. But before we get to the first article, there
is a comment that I wanted to make which relates to one of the whereases. It
says, in the whereas: "Québec has already demonstrated its respect for
democratic values and individual rights and freedoms". Mr. Speaker, if that
whereas were true...
M. Chevrette: M. le Président, juste 30 secondes. Je ne
voudrais pas interrompre...
Le Président (M. Cannon): M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: La semaine dernière, j'ai fait la même
erreur que mon collègue est en train de faire. C'est de vouloir discuter
du préambule au préalable alors qu'on en discute exclusivement
à la fin de l'adoption des articles. Donc, la plaidoirie de M. le
député pourra avoir lieu à la fin, après qu'on aura
étudié article par article. Parce que, m'ayant fait ramener
à l'ordre, vous comprendrez que mon rôle est de ramener les autres
quand je me suis...
M. Pagé: Je constate, M. le Président... Le
Président (M. Cannon): M. le leader.
M. Pagé: ...toute la satisfaction que le leader de
l'Opposition a pour appliquer à l'égard des autres la discipline
qui lui a été imposée récemment. C'est très
bien. And so, in fact, we will have the opportunity to discuss about this part
of the bill after the study.
M. Holden: Assuming we get through all the articles...
M. Pagé: If we do not have time, it will be next time.
M. Holden: ...that will not help... M. Pagé: It is
allowed by the rules.
M. Holden: I understand, Mr. Speaker, and will obey by the usual
niceties but let us hope that we move fast and so we will have time to make a
comment on the preamble.
Le Président (M. Cannon): Simplement pour vous rappeler,
M. le député de Westmount, que le règlement Geoffrion est
très clair là-dessus. L'ordre de discussion est
énuméré à la page 166, article 264 de la
décision de M. Geoffrion.
Oui, M. le député, je crois que vous avez...
M. Atkinson: Yes, Mr. Speaker. While we agree with what the
philosophy is, it does seem strange that we are reading the book from the
middle and then going back to the beginning. With that comment, I bow to House
Leader of the Liberal party.
Le Président (M. Cannon): II s'agit effectivement des
règles qui gouvernent la conduite des assemblées parlementaires
et notamment du comité plénier, M. le député.
M. Atkinson: I just hope we all remember what the beginning of
the book was.
M. Pagé: Sure.
Le Président (M. Cannon): M. le leader du
gouvernement...
M. Pagé: Alors, M. le Président, j'appelle
l'article 1...
Le Président (M. Cannon): ...à l'article 1.
M. Pagé: ...lequel parle par lui-même.
Institution et mandat
Le Président (M. Cannon): Est-ce que vous
préférez que je lise l'article ou...
M. Pagé: Vous pouvez le lire, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Comment?
M. Pagé: Vous pouvez le lire et je vous invite d'ailleurs
à le faire.
Le Président (M. Cannon): Oui. Alors, à l'article 1
du projet de loi: "Est instituée, sous l'autorité de
l'Assemblée nationale, la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec." Est-ce que cet article est adopté? Y
a-t-il des commentaires?
Une voix: Adopté.
M. Chevrette: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Adopté. À
l'article 2: "La Commission a pour mandat d'étudier et d'analyser le
statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler, à
cet égard, des recommandations." Est-ce que l'article 2 est
adopté?
M. Chevrette: Ça constitue le mandat.
M. Pagé: Adopté.
M. Chevrette: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Adopté. À
l'article 3: "La Commission peut, pour l'exécution de son mandat, faire
les études et les consultations qu'elle juge nécessaires. "Elle
privilégie, entre autre moyens: " - la tenue d'audiences publiques dans
diverses régions du Québec; " - l'audition d'experts; " - la
tenue de forums sur des aspects particuliers de l'objet du mandat, notamment
l'aspect social, culturel, démographique et de développement
régional." Est-ce que l'article 3 est adopté?
M. Pagé: À l'article 3, M. le Président,
c'est en quelque sorte la façon dont le mandat sera
exécuté par la Commission et, comme on s'y référait
cet après-midi, nous sommes... D'abord, au départ, il faut
établir très clairement que ce n'est pas une commission
parlementaire, c'est une Commission qui a un mandat qui est sous
l'autorité de l'Assemblée nationale, qui n'est pas une commission
parlementaire, qui a un mandat à remplir, avec des conditions, etc. Bon,
on y reviendra un peu plus tard. pour plusieurs, une commission sous l'empire
de l'assemblée nationale ou instituée par elle, c'est une
commission qui entend uniquement des mémoires. c'est très clair
et le premier ministre l'a réitéré cet après-midi.
il y aura en quelque sorte trois volets ou trois cadres d'intervention qui
seront différents pour l'accomplissement du mandat de cette commission.
dans un premier temps, des audiences publiques, des audiences publiques aussi,
donc, dans diverses régions du québec, et ce sera au
comité directeur et à la commission d'établir la
programmation, le calendrier des rencontres. sans présumer de la
décision de la commission et du comité directeur, on peut quand
même supposer ou croire que les auditions publiques s'amorceront
très probablement ou possiblement à québec pour se
terminer, possiblement aussi, à québec, une fois que la
tournée des différentes régions décidées
aura été effectuée, dans un premier temps.
Dans un second temps, la Commission pourra requérir l'audition
d'experts. On a échangé longuement aujourd'hui, dans le cadre du
débat en deuxième lecture, sur tout l'aspect économique
d'un changement de statut politique. Les membres de la Commission pourraient
juger opportun d'entendre des experts, de les questionner, de recevoir leurs
commentaires, leurs réactions face à différentes
alternatives qui pourraient être soulevées par les
députés et les membres.
Enfin, la tenue d'un forum sur les aspects particuliers, c'est bien
important. D'ailleurs, le premier ministre a indiqué sa volonté,
en tout cas son souhait, qui sera formulé entre autres par les membres
de notre groupe parlementaire autour de la table de cette Commission, qu'on
puisse tenir un forum sur toute la question, la problématique, les
revendications des autochtones au Québec.
Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel des
dispositions prévues à l'article 3, en vous rappelant que ces
interventions seront retransmises - c'est indiqué plus loin - par la
télédiffusion des débats de l'Assemblée. Donc, les
Québécois pourront suivre de très très près
les échanges autour de cette table. On veut que ce soit le plus ouvert,
le plus public et évidemment le plus démocratique possible.
Le Président (M. Cannon): Merci, M. le leader. D'autres
interventions? L'article 3 est donc adopté.
À l'article 4: "Au plus tard le 28 mars 1991, la Commission doit
faire rapport à l'Assemblée nationale. "Elle remet son rapport au
président de l'Assemblée nationale et le rend public par les
moyens qu'elle juge appropriés. "Le président dépose le
rapport devant l'Assemblée nationale sans délai ou, si elle ne
siège pas, dans les quinze jours de la reprise de
ses travaux."
M. Pagé: Alors, essentiellement, la loi, on peut
prévoir qu'elle sera adoptée en troisième lecture ce soir.
La loi sera sanctionnée ce soir par le lieutenant-gouverneur, en
principe, et immédiatement après le premier ministre aura
à déposer des motions ici. Donc, la Commission sera
créée par la loi.
Son fonctionnement maintenant. Il faut bien se rappeler qu'il faudra un
délai d'au moins 30 jours à compter de la parution dans la
Gazette officielle pour la production des mémoires. Pendant cette
période, la Commission sera complétée en termes de membres
qui y siégeront. Le comité directeur aura l'opportunité de
siéger et d'établir le plan de travail et de répondre aux
nombreuses questions techniques qui pourront être soulevées et le
délai de 30 jours nous mène - supposons que la parution dans la
Gazette officielle soit le 19 septembre - au plus tôt au 19
octobre pour la production de mémoires, l'agenda par la suite, la
confirmation du début des travaux. Il faut donc présumer des
travaux qui s'amorceraient autour du 23 ou 25 octobre prochain. C'est donc dire
des séances jusqu'en décembre, très probablement en
janvier, délibérations sur le rapport, dépôt du
rapport au président de l'Assemblée nationale au plus tard le 28
mars, qui est le jeudi précédant la fête de Pâques.
On peut présumer que les travaux seront ajournés au mardi de
l'autre semaine, au début d'avril, et à ce moment-là je
m'étais engagé, comme leader du gouvernement, à ce qu'on
ait une prise en considération du rapport ici à
l'Assemblée.
Le Président (M. Cannon): Merci, M. le leader.
M. Pagé: C'est à peu près
l'échéancier prévu.
Le Président (M. Cannon): M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je remarque qu'il n'y a pas
cette soupape advenant des événements extraordinaires et que la
remise du rapport ne puisse se faire dans le délai prescrit. Je
comprends que c'est une volonté ferme d'en arriver à avoir un
dépôt à une date précise mais, d'autre part,
advenant certains événements, on se retrouverait dans
l'obligation, si je comprends bien la législation, de refaire un
amendement pour ne pas rendre caduc ledit rapport. Est-ce une volonté
politique exprimée ou si c'est un oubli de faire comme
traditionnellement?
Le Président (M. Cannon): M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: O.K. Là-dessus, c'est le cas que la date
du 28 mars 1991 est une date imperative. La Commission doit déposer son
rapport. Cependant, même si la date, peu importe que ce soit pour des
motifs hors du contrôle de la Commission, des motifs extraordinaires ou
encore pour des motifs que des gens demandent une période additionnelle
pour la rédaction ou des précisions sur le contenu du rapport,
etc., le rapport ne deviendrait pas caduc pour autant, premièrement.
Deuxièmement, il n'y a pas de disposition pénale ou je ne
sais trop à l'égard d'un dépassement de la date. Le
rapport serait valide. Cependant, il serait approprié, à ce
moment-là, dès le moment où l'Assemblée nationale
siégerait, de modifier les dates purement et simplement, comme ça
se fait régulièrement, à moins que mon bon ami, le leader
du Parti Égalité, ne refuse à ce moment-là qu'on
prolonge la date, ce qui me surprendrait, compte tenu de l'esprit très
ouvert.
M. Holden: Si Dieu me prête vie, M. le leader, je serai
consentant.
M. Pagé: mais je vous rappellerai qu'ici, il ne faut pas
dire uniquement: si dieu me prête vie. il faut dire: si dieu me
prête vie, électeurs et mandat.
M. Holden: Ha, ha, ha!
Une voix:...
M. Pagé: On ne sait jamais.
M. Holden: Oui, oui, mais ça, ça vient
après.
M. Pagé: Et, dans notre cas, premier ministre,
fonction.
Le Président (M. Cannon): M. le député de
Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Tantôt dans son intervention, le leader du
gouvernement a évoqué, une fois le dépôt fait devant
l'Assemblée nationale par le président de l'Assemblée
nationale, une prise en considération, ce qui signifie un débat
à l'Assemblée nationale sur le rapport de la commission. Est-ce
que je comprends que le leader du gouvernement s'engage? Vous avez parié
de prise en considération.
M. Pagé: Écoutez, au moment...
M. Brassard: Est-ce que vous vous engagez à ce qu'il y ait
un débat faisant suite au dépôt par le président
à l'Assemblée nationale même?
Le Président (M. Cannon): M. le leader.
M. Pagé: On réfère ici à une
procédure
parlementaire et non à une procédure sous l'empire ou sous
la juridiction ou qui doit être prévue au présent projet de
loi.
M. Brassard: Je ne demande pas d'amendement. Je demande tout
simplement une confirmation pour être bien compris.
M. Pagé: Non, non. Je constate que l'honorable whip de
l'Opposition n'a pas participé à nos échanges. J'ai
indiqué, comme leader du gouvernement, qu'une fois le rapport
déposé ici, le rapport, selon moi, devrait être pris en
considération. Ça n'implique pas un vote, ça implique un
échange, un débat, une discussion, et je vous prie de faire
confiance, comme vous le faites, au leader de l'Opposition en regard de la
qualité des échanges entre les deux leaders et de leur
résultat. (20 h 40)
Le Président (M. Cannon): Est-ce que l'article...
M. Brassard: Je prends acte.
M. Pagé: Prenez acte.
M. Brassard: Je prends acte.
Le Président (M. Cannon): Est-ce que l'article 4 est
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Membres
Le Président (M. Cannon): À l'article 5, "Les
personnes suivantes, nommées par l'Assemblée nationale ou, si
elle ne siège pas, par le président de l'Assemblée
nationale, font partie de la Commission à compter de leur nomination;
"1° deux présidents nommés sur proposition conjointe du
premier ministre et du chef de l'Opposition officielle; "2° seize
députés de l'Assemblée nationale, selon la
répartition suivante: a) neuf du parti gouvernemental, nommés sur
proposition du premier ministre; b) six du parti de l'Opposition officielle,
nommés sur proposition du chef de l'Opposition officielle; c) un
député indépendant, nommé sur proposition de la
majorité des députés indépendants; "3° douze
personnes, nommées sur proposition du premier ministre faite
après consultation du chef de l'Opposition officielle, et choisies selon
la répartition suivante: a) deux élus municipaux; b) quatre
personnes du milieu des affaires; c) quatre personnes du milieu syndical; d)
une personne du milieu des coopératives; e) une personne du milieu de
l'enseignement ou de la culture; "4° trois députés de la
Chambre des communes du Canada, nommés sur proposition du premier
ministre faite après consultation du chef de l'Opposition officielle, et
représentant, depuis la dernière élection
générale, une circonscription électorale située au
Québec."
M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, l'article est très
clair dans son libellé qui se réfère à la
composition, une composition de 35 personnes. C'est beaucoup, mais il en est
ainsi. J'aurais un amendement.
L'amendement déposé à l'article 5. À
l'article 5, dans le paragraphe 2°, remplacer le sous-paragraphe c) par le
suivant et, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent,
à 5.2°c on dit que les personnes suivantes, nommées par
l'Assemblée nationale ou, si elle ne siège pas, par le
président de l'Assemblée nationale, font partie de ia Commission
à compter de leur nomination. "5.2°c Un député
indépendant, nommé sur proposition de la majorité des
députés indépendants". Je propose qu'on remplace ce
sous-paragraphe c) par le suivant: "un député de l'autre parti
représenté dans l'Opposition, nommé sur proposition des
députés de ce parti".
Le Président (M. Cannon): Nous allons disposer de
l'amendement. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement
proposé par M. le leader du gouvernement?
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, c'est une modification qui est à souhaiter par nos
honorables collègues, députés du Parti
Égalité, qui m'ont formulé cette demande. On l'a
étudiée, l'Opposition et nous. Ce dépôt s'inscrit
dans cette considération, cette appréciation et ce respect que
nous avons pour nos collègues à l'Assemblée.
M. Chevrette: M. le Président. Le Président (M.
Cannon): Oui.
M. Chevrette: Vous me permettrez peut-être une phrase ou
deux. En fait, ça devient conforme à peu près à la
procédure qui était déjà prévue dans nos
règlements en ce qui regarde le Bureau de l'Assemblée nationale.
Et, compte tenu que c'était demandé, ça ne change en rien
le nombre. Ça établit une relation avec une formation
d'opposition qui n'est pas officielle mais qui est considérée
comme parti d'opposition, de sorte que nous pensons que cet amendement clarifie
la chose sans se soumettre... Parce que, en parlant des députés
indépendants, on aurait pu soumettre au vote, dans une circonstance, par
exemple, un nombre incalculable, si on se retrouvait avec 10
indépendants, et on se retrouverait avec... Je pense que ça ne
reflétait pas l'esprit de ce qui était recherché par la
loi d'accorder véritablement aux autres partis d'opposition un
représen-
tant direct et, à ce compte-là, M. le Président,
moi, je suis en faveur de l'amendement.
M. HoWen: M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Oui. M. le député
de Westmount.
M. Holden: II va sans dire que nous sommes en faveur de
l'amendement puisque c'est nous qui l'avons demandé.
Le Président (M. Cannon): Alors, si je comprends bien,
l'amendement est donc adopté?
M. Chevrette: Adopté.
M. Pagé: À notre satisfaction, aussi.
Le Président (M. Cannon): Est-ce que l'article 5, tel
qu'amendé, est adopté?
M. Chevrette: Je voudrais, M. le Président...
Le Président (M. Cannon): Oui, M. le leader adjoint de
l'Opposition.
M. Chevrette: ...formuler un voeu à ce stade-ci. C'est
que, conformément à l'exposé de M. Parizeau cet
après-midi, et également j'en ai parlé dans mon propre
exposé, le paragraphe 3°e qui dit "une personne du milieu de
l'enseignement ou de la culture"... Compte tenu que la présidente de la
Centrale de l'enseignement du Québec siège, il m'apparaît,
et je le souhaite, que le premier ministre tourne son choix vers le monde de la
culture. Je formule le voeu qu'on puisse avoir un représentant
véritablement de la culture sur cette commission, du milieu culturel,
parce qu'à mon avis ils ont joué un grand rôle au
Québec pour sauvegarder notre identité et puis nous faire
connaître à travers le continent et à travers le monde.
Personnellement, je pense que je ne peux, à ce stade-ci, étant
donné que le pouvoir est réservé au premier ministre
après consultation du chef de l'Opposition, que formuler ce voeu.
Le Président (M. Cannon): D'accord. M. le
député de Westmount.
M. Holden: Si, effectivement, le représentant vient des
communautés culturelles, peut-être que le suppléant
pourrait être du milieu universitaire.
Le Président (M. Cannon): Je comprends qu'il s'agit,
là aussi, d'un voeu.
M. Holden: C'est un voeu aussi. Le Président (M.
Cannon): Voilà.
M. Chevrette: Cela ne se contredit pas. Je trouve ça
intéressant.
M. Pagé: M. le Président, je pense que le premier
ministre a indiqué très clairement sa volonté de consulter
les collègues de l'Assemblée et c'est avec beaucoup
d'intérêt que nous notons votre commentaire.
Le Président (M. Cannon): Donc, est-ce que l'article 5 est
adopté tel qu'amendé? Oui, M. le député de
D'Arcy-McQee.
M. Brassard: Vous transmettrez...
M. Libman: We have some other comments to make. We look at the
notion of three MPs from the Federal Parliament and I remember when the Charest
Commission was set up this past year, we attempted to make a presentation to
the Charest Commission. We were told it was not possible because as Members of
the Provincial Legislature, we already had a forum to express our position
"vis-à-vis" constitutional future, "vis-à-vis" Meech Lake. So we
feel the fact that perhaps Members of the Federal Parliament already have a
platform on which to speak of the constitutional future, also, owing to the
fact that the commission is very heavy with 35 members already, the possibility
of perhaps not having representation of Federal Members of Parliament on
something that is strictly a matter that we in Québec should define for
ourselves.
Le Président (M. Cannon): Est-ce que vous avez l'intention
d'en faire un amendement, M. le député?
M. Libman: I think we should bring it up to discussion and
perhaps an eventual amendment.
M. Pagé: Did you discuss about that with Mr.
Chrétien?
M. Libman: Pardon?
M. Pagé: Have you had the opportunity to discuss about
that with Mr. Chrétien?
Le Président (M. Cannon): C'est parce que... Non.
M. Libman: That is an hypothetical question on which I have to
answer no.
Le Président (M. Cannon): Non. M. le député,
si vous le permettez, si vous voulez que nous nous engagions dans cette
discussion, je préférerais que nous ayons un amendement sur la
table et que nous discutions d'un amendement.
M. Libman: C'est un commentaire.
Le Président (M. Cannon): C'est un commentaire, tout comme
un voeu tout à l'heure. Bon, d'accord.
M. Holden: J'ai un amendement.
Le Président (M. Cannon): Vous avez un amendement. Alors,
M. le député de Westmount.
M. Holden: J'aimerais amender le sous-paragraphe 3° de
l'article 5 et je voudrais qu'au lieu de 12 personnes il y ait 16 personnes
nommées sur proposition du premier ministre faite après
consultation du chef de l'Opposition officielle, et choisies selon la
répartition suivante: "a) deux élus municipaux". Et j'aimerais
ajouter: dont au moins un de la ville de Montréal, "b) quatre personnes
du milieu des affaires." Et j'amende pour ajouter: dont au moins un anglophone.
Les c), d) et e) restent les mêmes. J'ajoute à f): une personne du
milieu anglophone, g) deux personnes des communautés culturelles. Et h)
un représentant de la communauté autochtone.
Le Président (M. Cannon): Votre amendement est donc
déposé. On va en faire des copies. Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Non.
Le Président (M. Cannon): Ah! Alors, M. le leader du
gouvernement, sur cet amendement qui est proposé par le
député de Westmount. (20 h 50)
M. Pagé: M. le Président, je suis très
surpris de l'amendement déposé par mon collègue, non pas
qu'il l'ait déposé et que je n'en aie pas été
avisé. On a eu l'opportunité d'en discuter longuement au cours de
la fin de semaine. Dans un premier temps, je dois exprimer mon désaccord
avec le fait que, parmi les deux membres représentant le monde
municipal, le député de Westmount tienne absolument à ce
que, dans la loi, on indique qu'un de ces deux élus municipaux doit
être un représentant de la ville de Montréal. La loi, telle
qu'elle est rédigée actuellement, se réfère
évidemment aux unions municipales, des unions qui existent comme
organismes représentatifs des municipalités au Québec, des
villes, l'Union des municipalités du Québec, qui
représente plus particulièrement les municipalités
régies par la Loi sur les cités et villes, et l'Union des
municipalités régionales de comté. Ça voudrait donc
dire qu'une seule de ces deux unions pourrait être formellement
représentée, un.
Deuxièmement, sans vouloir être partisan, ça
témoigne d'un manque de confiance à l'égard du leadership
assumé par la ville de Montréal. La ville de Montréal, et
plus particulièrement depuis que M. le maire Doré assume la
direction de la ville, a repris son fauteuil, a repris son siège au sein
de l'Union des municipalités du Québec. Ça a, d'ailleurs,
été l'événement de l'Union des municipalités
du Québec, immédiatement après la nomination, où
Montréal est venue très clairement dire au congrès
suivant: Nous entendons prendre notre place dans les débats, les
orientations, les politiques et tout ce qui se passe à l'Union des
municipalités. Je pense que la ville de Montréal - entre
guillemets - est assez grande pour faire son chemin toute seule,
premièrement.
Deuxièmement, vous demandez qu'on augmente de 12 à 16
personnes. Ça impliquerait automatiquement... Ce faisant, si on
l'adoptait tel quel, M. le député, ça voudrait dire que
les élus de cette Assemblée ne représenteraient plus la
majorité au sein de cette Commission. C'est donc dire que, pour
apparier, pour "pairer" les quatre personnes additionnelles que vous souhaitez
voir nommées en vertu de votre amendement, il faudrait nommer au moins
quatre autres membres de l'Assemblée, peut-être même cinq.
Peut-être que, dans votre cas, ça vous permettrait de passer de un
et demi à deux; mais ça, on le verra plus tard. Non,
là-dessus, je ne crois pas, M. le Président, si on veut
légiférer de façon utile, qu'on doive accepter
l'amendement du député de Westmount.
Le Président (M. Cannon): M. le leader de l'Opposition,
sur la même question.
M. Chevrette: M. le Président, je veux parler sur un point
précis, c'est l'amendement ajoutant un autochtone. Je partage
l'argumentation du leader du gouvernement en ce qui regarde le "pairage" quant
à la majorité des parlementaires et, deuxièmement, je
partage également le fait que l'Union des municipalités
représentait bel et bien Montréal. Et je n'ai pas, que je sache,
eu de demandes, ni personne de notre entourage, de la part de la ville de
Montréal qui se prépare, d'autre part, me dit-on, à venir
témoigner devant la Commission.
Mais je veux parier plus spécifiquement de l'ajout d'un
autochtone. Pour avoir négocié avec les autochtones dans
plusieurs dossiers, vous savez pertinemment qu'ils ne veulent pas soumettre
leur sort, leur destinée à une commission. Ils veulent
négocier de gouvernement à gouvernement, comme ils ont toujours
dit. Et je ne crois pas qu'ils nous aient fait de demande, encore là. Au
contraire, je suis persuadé que, quand bien même on ouvrirait un
siège, ce n'est pas le genre de forum qu'ils recherchent, à ce
qu'ils disent depuis des années. Eux, ils veulent s'asseoir, leur
conseil avec les gouvernements qui sont élus. Mais discuter de leur
avenir comme nation dans le cadre d'une telle Commission, je reconnais que
c'est un bel effort, mais on s'est posé la même question et on est
arrivés à la conclusion que ce serait peut-être faire
injure à leurs traditions et à leurs revendications
anté-
Heures. De sorte que je serais prêt à voter contre cet
amendement.
Le Président (M. Cannon): D'autres commentaires?
M. Pagé: M. le Président, si ça peut
sécuriser mes collègues du parti d'Opposition qui n'est pas
l'Opposition officielle, je peux leur réitérer ce qui a
été convenu. Le premier ministre s'est engagé
auprès de vous à vous consulter, entre autres, en ce qui concerne
la nomination des quatre représentants ou représentantes du
milieu des affaires. Vous avez formulé des recommandations, etc.
À cet égard-là, je veux vous assurer que nous serons
très sensibles à votre préoccupation concernant la
présence de la communauté anglophone autour de cette table,
premièrement.
Concernant les personnes des communautés culturelles, notre
formation politique a dans ses rangs des députés de
différentes nationalités, dis-je, d'origine qui sont venus
enrichir, de par leur présence, leur apport et leur contribution, notre
groupe parlementaire. Je peux dire que les communautés culturelles
seront, entre autres, bien représentées par notre parti, à
cet égard-là, quoiqu'il n'est pas exclu non plus, ça va de
soi, que des représentants des communautés culturelles puissent
être nommés sous un autre volet des dispositions de l'article
5.3°.
Concernant la communauté autochtone, on s'est posé la
question, M. le Président, et la réponse que je peux donner
à la préoccupation du député de Westmount est
très simple. Comment voulez-vous qu'une communauté participe
à la réflexion concernant le futur du Québec, en termes
politiques, en termes constitutionnels, alors que cette communauté se
refuse à être considérée comme membre de cette
société québécoise? Ce qu'on espère: on
espère que les communautés autochtones au Québec pourront
participer dans le cadre des échanges de cette Commission, plus
spécifiquement dans le cadre des forums qui seront organisés par
les membres de la Commission pour discuter de sujets très, très
spécifiques concernant des segments particuliers, soit nos
activités cuturelles, nos communications, notre politique en
matière d'immigration, l'impact sur la démographie, etc., et
aussi des questions aussi fondamentales, aussi importantes, j'en conviens, que
les droits des autochtones. Mais la façon la plus adéquate de
considérer, de traiter cette problématique en fonction du devenir
du Québec, ce n'est pas nécessairement par l'ajout d'un membre
autour de la table.
M. Holden: M. le Président...
Le Président (M. Cannon): Oui, M. le député
de Westmount.
M. Holden: ...si vous permettez, le leader du gouvernement m'a
demandé ce que je pensais du fait que les autochtones se
considèrent comme une nation à part. J'espère que cette
même logique s'appliquerait si, à un moment donné, le
fédéral avait une commission sur la constitution et que quelqu'un
du Bloc québécois voulait siéger là-dessus. C'est
tout ce que j'ai à dire sur la question.
M. Pagé: Un, c'est une question hypothétique; deux,
je pense que votre message est passé.
Le Président (M. Cannon): Donc, est-ce que l'amendement
proposé...
M. Chevrette: Quoique le Bloc québécois, il fait
partie du fédéral.
Le Président (M. Cannon): ...par le député
de Westmount est adopté ou rejeté?
M. Chevrette: M. le Président, les gens du Bloc
québécois se sont fait élire au fédéral.
M. Pagé: Ah oui! C'est très anecdotique, vous
savez. Entre parenthèses, et je vais l'ouvrir et la fermer rapidement,
il faut le faire! Il aura fallu une élection fédérale pour
que la première fois le Parti québécois gagne une
partielle.
M. Chevrette: Ce qui prouve l'état d'avancement du
cheminement des Québécois et qu'on ne doit pas arriver, cette
fois-ci, avec des formules bâtardes faisant croire que le
fédéralisme...
Le Président (M. Cannon): Bon! M. Chevrette: ...est
renouvelable.
Le Président (M. Cannon): Bon! Alors, sur cette note, nous
en sommes maintenant à disposer de l'amendement proposé par M. le
député de Westmount. Donc, la formation ministérielle
rejette l'amendement.
M. Pagé: Contre.
Le Président (M. Cannon): L'Opposition officielle rejette
l'amendement. Donc, l'amendement est rejeté. Est-ce que l'article 5, tel
qu'amendé initialement, est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 6: "Le
premier ministre et le chef de l'Opposition officielle sont également
membres de la Commission."
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. Oui, M. le...
M. Holden: le leader parlementaire et moi, nous sommes d'accord
sur un amendement qui était censé être inséré
à l'article 27. je me demande si le leader parlementaire du gouvernement
accepterait de faire un paragraphe 6.1 au lieu de faire un paragraphe 27.1 avec
le même amendement. (21 heures)
M. Pagé: M. le Président, j'admire l'insistance du
député de Westmount, mais la réponse est la même et
la réponse est négative pour les motifs suivants: c'est que
l'amendement - et on y reviendra à 27.1 - cet amendement que je
déposerai à 27.1 vise à prévoir une situation
où le chef du Parti Égalité ne serait pas le
représentant nommé en vertu de 5.2°c, prévoir que le
chef du Parti Égalité, le député de D'Arcy-McGee,
puisse participer aux travaux de la Commission sans droit de vote et sans droit
de présenter des motions. C'est-à-dire à 27.1, c'est
très simple, c'est très clair. En plus du membre
représentant le Parti Égalité, le chef de leur formation
politique pourrait assister, participer, questionner, faire des commentaires,
mais ne pourrait ni voter, ni présenter de motions. Donc, en vertu de
27.1 et de l'amendement que je présenterai un peu plus tard, le
député de D'Arcy-McGee ne serait pas membre de la commission. Or,
si on répond positivement à votre demande et qu'on inscrit cet
amendement à 6.1, il faut bien avoir à l'esprit que cette
section, les articles 5, 6, jusqu'à 12, prévoient les
dispositions relatives aux membres. Et ça pourrait porter à
confusion, ça pourrait porter à de... à de la confusion,
purement et simplement. Mais l'important, c'est qu'il soit avec nous. Qu'il le
soit en vertu de 6 ou 27, ça va changer quoi dans son mandat, dans son
privilège, dans son droit de siéger? Pas grand-chose en fart.
M. Holden: J'ai fait la tentative. M. Pagé:
Très belle tentative.
Le Président (M. Cannon): Bon, donc, je reviens. Est-ce
que l'article 6 est adopté?
M. Chevrette: Adopté, M. le Président.
Le Président (m. cannon): puisque je n'ai jamais eu
d'amendement sur la table, nous continuons. à l'article 7: "une personne
cesse d'être membre de la commission dès qu'elle perd la
qualité requise pour sa nomination."
M. Chevrette: Formule usuelle
Le Président (M. Cannon): Adopté?
M. Pagé: Formule usuelle. Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. À
l'article 8: "Un membre visé à l'un des sous-paragraphes du
paragraphe 3° de l'article 5 peut faire part par écrit au
président de l'Assemblée nationale du nom d'une personne qui
accepte d'être son suppléant. Cette personne doit être
domiciliée au Québec et avoir, en application de ce
sous-paragraphe, la qualité requise pour être membre. Le
président nomme alors cette personne membre suppléant de la
Commission. "Un membre ne peut désigner qu'un seul suppléant pour
la durée de son mandat."
Est-ce que l'article 8 est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Oui, M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Atkinson: Mr. Speaker, speaking on section 8, paragraph 8,
this presumes that all the people who will be named to this Commission, and
probably I say this because of my age, were not accounting for death or
illness. If you can only make one substitution - I realize that it is probably
a situation that will not happen - if the person who he names or she names as a
substitute were both to be in a car accident and both were to lose their lives,
we would lose a member of the Commission sitting. So, I think that there should
be an amendment made to allow, in the event of death or serious injury
requiring a long term of hospitalization...
Le Président (M. Cannon): M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, I would like to secure
the Member who seems to be worried about the first writing of the article. But
I will refer you to the article 5. If you can come back to the beginning of 5,
it is very clear that "the following persons, appointed by the National
Assembly or, if it is not sitting, by the President of the National Assembly,
shall become members of the Commission immediately upon appointment." Alors. If
a member has an accident, it will be possible to replace him if the National
Assembly is sitting, first; if we are not sitting, he will be replaced by an
advice coming from the President, the Speaker of the House
M. Atkinson: But we are talking, Mr. Government House Leader, of
section 3 in which the 12 persons nominated, the two elected municipal officers
for example... Let us say that the municipal councillor from Montreal, the
municipal councillor from Québec City are involved in a traffic
accident, one at the same time along with their two substitutes, we are missing
two members of the Commission immediately.
M. Pagé: o. k. but if we have to face with the situation,
it is very simple, the premier will have to restart the same processus he did
for the first appointment.
M. Atkinson: Will we have to revote on this...
M. Pagé: No, no, no.
M. Atkinson:... procedure?
M. Pagé: We will not have to vote.
M. Atkinson: But there is nothing in this article that gives the
National Assembly nor the Commission Chairman the right and ability to make
free substitutions whenever just cause it is found except for the just cause,
as I see here in article 7, when they cease to be a member of the Commission
upon losing the quality required for appointment. In other words, they lose the
election.
M. Holden: If you are dead...
M. Pagé: No matter about that. In fact, if the Assembly is
sitting, we will have to accept the proposition for the new nomination, first.
If the Assembly is not sitting, the person will be appointed by the House
Speaker.
M. Atkinson: As long as it is absolutely understood by everyone,
I would like to see the Commission all of a sudden lose two members...
M. Pagé: Non.
M. Atkinson:... or six members in a bus accident.
M. Pagé: We hope. But feel quite, feel secure by the
reference at 5 and all the dispositions in 5.
M. Atkinson: Because I believe in your own ability, Sir, I will
accept your explanation.
M. Pagé: I agree. I appreciate your very delicate comment.
Thanks.
Le Président (M. Cannon): Tout le monde est très
honorable. Donc, l'article 8 est adopté.
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): À l'article 9: "Le membre
suppléant peut siéger à la Commission en cas
d'incapacité d'agir ou d'absence temporaire du membre dont il est le
suppléant. Il ne peut cependant y voter ni y faire de proposition. "
M. Chevrette: Tout à fait normal, M. le Président.
Adopté.
Le Président (M. Cannon): L'article 9 est adopté.
À l'article 10: "Les membres de la Commission qui sont
députés à l'Assemblée nationale peuvent être
remplacés pour une séance de la Commission par tout autre
député de l'Assemblée. Toutefois, ils ne peuvent
l'être lorsque la Commission se prononce sur les recommandations qu'elle
a mandat de formuler. " Est-ce que l'article 10 est adopté?
M. Chevrette: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Adopté. À
l'article 11: "Les membres de la Commission reçoivent les allocations
déterminées par un règlement du Bureau de
l'Assemblée nationale. "
M. Chevrette: C'est normal.
Le Président (M. Cannon): L'article 11 est-il
adopté?
M. Chevrette: C'est normal. C'est sous l'égide...
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 12.
"Lorsqu'il siège à la Commission, un député de
l'Assemblée nationale jouit des mêmes droits, privilèges et
immunités et a les mêmes obligations que s'il siégeait
à une commission parlementaire. "Nul autre membre de la Commission ne
peut être poursuivi pour un acte fait de bonne foi dans l'exercice de ses
fonctions. " Adopté? Adopté.
Présidence
À l'article 13: "La présidence de la Commission est
assurée conjointement par les présidents. "Elle peut cependant
être assurée par l'un d'eux lorsqu'ils en conviennent. "
Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 14:
"Les présidents convoquent et animent les séances de la
Commission, ils participent à ses délibérations et ont
droit de vote. Ils dirigent les travaux de la Commission et veillent à
la bonne exécution de ses décisions. " Est-ce que c'est
adopté?
M. Chevrette: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 15:
"Les présidents exercent, pour l'application de la présente loi,
les attributions conférées par la loi à un dirigeant
d'organisme. Ils peuvent, malgré toute disposition de la loi,
déléguer ces
attributions à toute personne qu'ils désignent. "
L'article 15 est adopté.
M. Chevrette: Non.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article
16...
M. Chevrette: J'aurais une petite question, s'il vous
plaît.
Le Président (M. Cannon): Oui, une question à
l'article 15. M. le leader de l'Opposition. Il y a juste une... Est-ce qu'on
peut m'indiquer l'article où on fait le joint entre la gestion des
présidents et la relation avec le comité directeur? Je suppose
que le comité directeur qu'on verra plus loin est présidé
par les présidents.
M. Pagé: Je m'excuse. La question porte sur l'article 15
ou sur l'article 16?
M. Chevrette: Non. C'est que je voulais faire le joint depuis
tantôt à la lecture. J'essaie de faire le joint sur le rôle
des présidents par rapport au comité directeur. Ils font partie
intégrante du comité directeur; ça, je me rappelle. Les
deux présidents en font partie et je suppose que ce sont les deux qui
animent, pour utiliser l'expression.
M. Pagé: Pour répondre à l'interrogation du
leader de l'Opposition, je le réfère à l'article 18,
où H est indiqué que les articles 13 et 14 s'appliquent, compte
tenu des adaptations nécessaires, au comité directeur. " Les
articles 13 et 14 se réfèrent...
M. Chevrette:...
M. Pagé:... à la présidence qui est
assumée conjointement, assurée par l'un des deux lorsqu'ils...
(21 h 10)
M. Chevrette: D'accord.
M. Pagé:... en conviennent.
Le Présient (M. Cannon): L'article 15 est-il
adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Comité directeur
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 16:
"Est institué un comité directeur de la Commission formé
des membres suivants: "1e les présidents; "2° six
députés de l'Assemblée nationale désignés
comme suit: "a) quatre, par le premier ministre; "b) deux, par le chef de
l'Opposition officielle; 3° un membre n'ayant pas la qualité de
député, désigné par le président de
l'Assemblée nationale sur proposition du premier ministre faite
après consultation du chef de l'Opposition officielle. '' Est-ce que
l'article 16 est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. Oui, M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Cameron: I just wish to raise a question. It is really much
the same question as raised by the leader of the Opposition. The president of
the "comité directeur" how is he chosen?
M. Pagé: Pardon me?
M. Cameron: What it says for the others: six
députés de l'Assemblée nationale désignés
comme suit; quatre, par le premier ministre; deux, par le chef de l'Opposition
officielle, mais pour le président lui-même est-ce qu'il...
M. Pagé:... of the two chairmen.
M. Cameron: If it is the two chairmen, if it is actually an
executive committee, does that means that they do it on alternating days or
they get it for a month or how...
M. Pagé: They will have to decide who will act as chairman
for one subject or one day... I invite you to refer to the articles 13 and 14
where it is the same disposition which applies there.
M. Cameron: But even in articles 13 and 14 it is not that clear
if you say "assurée conjointement". What is "conjointement"?
M. Pagé: "The Commission shall be presided over jointly by
the chairmen. " O. K?
M. Cameron: Yes.
M. Pagé: "However, it may be presided over by one of them
acting alone where both so agree. " It is the same thing for the board of the
steering committee.
M. Cameron: I understand but the point that I am trying to make
is this: Could you not have a situation where the executive is in conflict with
the committee as a whole? Could you not have a situation where one chairman and
his group of executive on the comité directeur and the other chairman
speaking for the larger commission are at loggerheads or is it a situation
designed so that it is impossible?
M. Pagé: First, the steering committee will
have...
M. Cameron: At all times?
M. Pagé: They will seat both together, they will be
present both together, all times.
M. Cameron: O.K.
Le Président (M. Cannon): O.K. Donc, l'article 16 est
adopté.
M. Chevrette: Adopté. Donc, l'article 17. "Le
comité directeur est chargé de proposer à la Commission
des règles de fonctionnement notamment en ce qui concerne la convocation
et le déroulement des séances et la procédure applicable
aux délibérations." L'article 17 est adopté? M. le
député de Westmount.
M. Holden: Est-ce qu'ils vont faire des procédures
spéciales, est-ce qu'on envisage des procédures? Il y a un autre
article qui dit que le règlement s'applique. S'il n'y a pas de...
M. Pagé: En fait, la règle de base c'est que... Un
article plus loin indique qu'en l'absence de procédures de
réglementation ce sont les dispositions du règlement de
l'Assemblée qui s'appliquent. Cependant, je présume que l'un des
objectifs sera peut-être de simplifier les règles de
procédure et de fonctionnement compte tenu d'un très grand nombre
de personnes membres de la commission. On est habitués en commission
parlementaire à douze membres, quatre membres environ. Et là on
sera 35 membres potentiellement. L'autre élément c'est que
l'agenda de travail sera très lourd, assez chargé. Alors, ces
dispositions à l'article 17 prévoient le déroulement des
séances, comment ce sera convoqué et la procédure. Et je
présume que le comité directeur étant formé de six
membres parlementaires, les deux présidents plus une personne choisie
parmi ceux qui ne sont pas membres ou qui ne sont pas députés,
tout l'aspect procédure comme telle sera très certainement pris
en compte par le comité directeur compte tenu de sa composition.
M. Holden: Merci.
Le Président (M. Cannon): Donc, l'article 17 est
adopté. J'indiquerais aux participants qu'il reste à peine onze
minutes à notre commission.
M. Pagé: II y a un paragraphe qui n'a pas
été lu mais c'est une partie intégrante de l'article.
Le Président (m.
cannon): oui. il établit le
plan d'effectifs et les prévisions de dépenses et autorise les
demandes au bureau de l'assemblée nationale. il exerce en outre les
fonctions que la
Commission lui attribue." Donc, l'article 17 est adopté.
L'article 18. "Les articles 13 et 14 s'appliquent, compte tenu des
adaptations nécessaires, au comité directeur. "Ce dernier peut se
réunir par tous moyens permettant aux membres de communiquer oralement
entre eux."
L'article 18 est-il adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Secrétariat
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 19.
"pour l'exécution de son mandat, la commission est assistée d'un
secrétariat dirigé par le secrétaire de la commission. "Le
secrétaire de la Commission est nommé par les présidents.
Sa rémunération et ses autres conditions de travail sont
déterminées par le Bureau de l'Assemblée nationale."
Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 20.
"sous l'autorité exclusive des présidents, le secrétaire
dirige le personnel de la commission et en administre les affaires courantes."
adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Cannon): L'article 21. "Le
secrétaire assiste aux séances de la Commission et du
comité directeur. "Il voit à la préparation des
procès-verbaux et * peut en attester l'authenticité. Il a la
garde des archives de la Commission. "Il exerce en outre les fonctions que lui
attribuent les présidents." Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (m. cannon): adopté. l'article 22. "la
commission peut retenir les services de toute personne pour faire partie du
secrétariat." adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 23. "le
président et le secrétaire général de
l'assemblée nationale fournissent au secrétariat toute l'aide
nécessaire à l'exercice du mandat de la commission, y compris
l'apport de personnel." adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Fonctionnement Le Président (M. Cannon): Adopté.
L'article
24. "le quorum de la commission est de dix-huit membres et celui du
comité directeur, de cinq membres, à l'exclusion des membres
suppléants." adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 25. "la
commission peut siéger à tout endroit du québec. "Elle
siège en public, sauf s'il s'agit d'une séance de travail."
Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 26.
"les séances publiques de la commission sont
télédiffusées et enregistrées sous
l'autorité du président de l'assemblée nationale. les
délibérations de ces séances sont consignées au
journal des débats. "Les modalités de production, de
diffusion et d'enregistrement sont déterminées par le Bureau de
l'Assemblée nationale."
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté.
M. Holden: M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Oui, M. le député
de Westmount.
M. Holden: Pour les fins de l'historique, j'aimerais demander au
leader du gouvernement s'il y aurait moyen de suggérer au Bureau que le
Journal des débats soit traduit en anglais, pour les
délibérations de séances publiques.
Le Président (M. Cannon): M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: Je remercie le député de sa
question. Je réponds positivement dans le sens où il m'apparaft
bien fondé que le Bureau de l'Assemblée nationale accepte, pour
le bénéfice de l'ensemble des anglophones non seulement du
Québec, mais du Canada, qui serait très certainement
intéressé par les délibérations des travaux de la
Commission, de pouvoir lire le rapport des échanges autour de la table
dans leur langue.
À cet égard, à la dernière rencontre de
notre groupe parlementaire, à la dernière réunion du
caucus de notre équipe, j'ai demandé, j'ai recommandé et
j'ai reçu l'acceptation du whip de notre parti et du président de
notre caucus comme quoi ce sujet serait porté à l'attention du
Bureau de l'Assemblée nationale pour que, dans les meilleurs
délais, peut-être pas simultanément, mais dans les
meilleurs délais après les travaux, soient traduites en anglais
les délibéra- tions de la Commission. Ça ne se
réfère pas, évidemment, aux mémoires qui seront
présentés, parce que là ça commanderait une
traduction très imposante de documents, très imposants
eux-mêmes, mais à toutes les délibérations. Ce sera
une recommandation. D'ailleurs, comme suite à un amendement
adopté par notre Assemblée nationale en début
d'année 1990, votre parti est maintenant représenté au
Bureau de l'Assemblée nationale. Je présume donc que vous
appuierez la ? proposition du whip du gouvernement.
M. Holden: Merci.
Le Président (M. Cannon): Donc, ça va? L'article
27. "Sauf disposition contraire de la présente loi ou d'une règle
prise par la Commission, les dispositions du règlement de
l'Assemblée nationale et les règles de fonctionnement de
l'Assemblée nationale relatives aux séances des commissions
parlementaires s'appliquent aux séances de la Commission compte tenu des
adaptations nécessaires."
M. Chevrette: M. le Président, me permettez-vous un
commentaire?
Le Président (M. Cannon): Oui, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Je m'excuse. Vous avez dit: Article 27,
après la réponse du ministre.
Le Président (M. Cannon): Oui.
(21 h 20)
M. Chevrette: Je n'ai pas voulu vous interrompre, mais j'aurais
un commentaire à faire sur la question et la réponse, si on me le
permet. Je voudrais bien clarifier que ce n'est pas partie intégrante de
la loi; ce n'est qu'un engagement du ministre de se référer pour
une décision ultérieure au Bureau de l'Assemblée
nationale, parce que je pense que le ministre a fait certaines allusions cet
après-midi, dans son discours, à certaines demandes. Par exemple,
un amendement qu'on verra tantôt à l'article 27, et on recevait
des téléphones déjà pour nous dire: Comment se
fait-il que... Ce n'est pas partie intégrante de la loi. C'est une
demande d'une décision sur le plan administratif et l'instance
décisionnelle, même si on sait qu'il y a un engagement, c'est le
Bureau de l'Assemblée nationale sur lequel siège le
député. On n'aurait même pas eu besoin, en fait, d'amener
au Bureau de l'Assemblée nationale cette demande puisque lui-même
en est membre.
Le Président (M. Cannon): Alors, ça va.
M. Chevrette: Je voulais préciser ces choses.
M. Pagé: Je pense qu'il se sent plus con-
fortable avec un engagement de notre part.
Le Président (M. Cannon): Ça va, M. le leader du
gouvernement. donc, l'article 27. je crois que vous avez indiqué qu'il y
avait un amendement à apporter à l'article 27.
M. Pagé: Après 27.
Le Président (M. Cannon): Après 27. Donc, l'article
27 est adopté?
M. Pagé: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. Alors, M. le
ministre.
M. Pagé: À l'article 27.1, insérer, entre
les articles 27 et 28 l'article suivant: "27.1 Si le membre nommé sur
proposition des députés de l'autre parti représenté
dans l'Opposition n'est pas le député qui dirige ce parti, ce
dernier peut participer aux séances de la commission. Il ne peut
cependant y voter ni y faire de proposition."
M. Chevrette: II ne peut alors... M. Pagé:
Pardon?
M. Chevrette: II ne peut alors... Il n'y a pas le mot "alors" qui
manque là?
M. Pagé: Ne peut cependant... "Cependant" est le vrai
terme.
M. Chevrette: O.K.
M. Pagé: Je me réfère à un eminent
linguiste qui connaît bien la langue française, qui est M.
Grenier, un de vos adjoints.
Le Président (M. Cannon): Un commentaire...
M. Chevrette: Oui, M. le Président.
M. Pagé: Et ce n'est pas terminé. "Il ne peut
cependant y voter ni y faire de proposition. "L'article 11 et le premier
alinéa de l'article 12 s'appliquent à cette participation." Et
l'article 11, on s'en rappellera, indique que "les membres de la Commission
reçoivent les allocations déterminées par un
règlement du Bureau de l'Assemblée nationale" et 12, "lorsqu'il
siège à la Commission, un député de
l'Assemblée nationale jouit des mêmes droits et privilèges,
etc.
Le Président (M. Cannon): Un commentaire, M. le leader de
l'Opposition?
M. Chevrette: M. le Président, je vous demanderais 30
secondes de suspension, s'il vous plaît.
Oui, M. le Président. Si cet amendement arrive et que nous avons
donné nos consentements, indépendamment du fait qu'on
était en désaccord avec cet article, nous avons effectivement
participé aux discussions et nous étions d'accord avec sa
présentation parce que, effectivement, nous savions qu'il y allait du
consentement pour la journée même de l'adoption de cette loi.
Donc, je vais adopter sur division.
Le Président (M. Cannon): Alors, l'amendement est donc
adopté sur division.
Des voix: Adopté.
Le Président (m. cannon): adopté, sur division.
l'article 28. "la commission peut faire toute dépense nécessaire
à l'exercice de son mandat. les dépenses de la commission font
partie des dépenses de l'assemblée nationale." adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté.
L'article 29. "Le Bureau de l'Assemblée nationale peut exercer,
à l'égard de la gestion des affaires de la Commission, les
pouvoirs que lui confèrent les articles 104.1, 110, 110.1 et 111 de la
Loi sur l'Assemblée nationale (Lois refondues, chapitre A-23.1), compte
tenu des adaptations nécessaires. "Sauf disposition incompatible de la
présente loi, les règlements et les règles adoptées
par le Bureau et qu'il détermine, relatives à la gestion et aux
dépenses de l'Assemblée, s'appliquent à la gestion et aux
dépenses de la Commission. Le Bureau peut, par règlement, y
apporter des modifications aux fins de l'application de la présente loi.
"S'il le prévoit, un règlement du Bureau pris en vertu de la
présente loi peut avoir effet à compter de la date
d'entrée en vigueur de celle-ci."
Est-ce que 29 est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté.
L'article 30. "Les prévisions de dépenses de la Commission
sont approuvées par le Bureau de l'Assemblée nationale."
Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté.
Dispositions diverses
L'article 31. "Dès que la Commission a terminé
l'exécution de son mandat, le secrétaire
verse les archives de la Commission aux archives de l'Assemblée
nationale. "La commission est alors dissoute. " Adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 32.
"Les travaux de la commission sont protégés contre toute
ingérence dans la même mesure que ceux de l'Assemblée
nationale. " Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): L'article 33. "Pour
l'application des articles 8 et 48 à 50 de la Loi sur l'Assemblée
nationale, la commission est assimilée à une commission
parlementaire. "Le versement d'allocations ou autres sommes d'argent à
un député en application de la présente loi ne constitue
pas un avantage ou une rémunération incompatible avec la fonction
de député et est considéré visé à
l'article 73 de la Loi sur l'Assemblée nationale. " Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. "Les sommes
requises pour l'application de la présente loi sont prises sur le fonds
consolidé du revenu. " C'est l'article 34. Adopté?
Des voix: Adopté. M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. "La
présente loi - à l'article 35 - entre en vigueur le" (et ici on
indique la date de la sanction de la présente loi). Adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M Cannon): Adopté. Est-ce que les
intitulés du projet de loi sont adoptés?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté. Est-ce que le
titre du projet de loi est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Adopté.
M. Holden: Après l'adoption des articles, on pourrait
revenir sur les considérants?
Le Président (M. Cannon): J'aimerais, M. le
député, vous accommoder, sauf que l'ordre de la Chambre indique
qu'il y a une durée maximum de 60 minutes. Nous avons maintenant
dépassé d'une minute cet agenda. Oui, M. le leader.
M. Pagé: Alors, j'ai une motion de renumérotation,
évidemment, compte tenu de l'ajout de...
Le Président (M. Cannon): Oui.
M. Chevrette: Une question. Moi je veux être beau joueur.
Effectivement, c'est moi qui ai arrêté le député de
poser sa question pour une question de règlement. Si ce n'est qu'un
commentaire ou une question sur le préambule, moi je suis prêt
à donner mon consentement.
Le Président (M. Cannon): Écoutez, est-ce qu'il y a
consentement? M. le leader, il y a consentement?
M. Pagé: Brièvement.
Le Président (M. Cannon): Oui. Très
brièvement.
M. Holden: J'en ai pour 30 secondes, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): M. le député de
Westmount.
M. Holden: In the preamble, as I said earlier, there is a clause
which says here: "Whereas _ Québec has already demonstrated its respect
for democratic values and individual rights and freedoms. " Mr. Speaker, I want
to say only one thing. If that whereas were true, the four Members of the
Equality Party would not be sitting here today.
M. Pagé:... about that, but I think it is not appropriate
to comment.
Le Président (M. Cannon): No further comments? M. le
député de...
M. Atkinson: If I may just add to that, Mr. Speaker, merely to
amplify upon it. After 52 years in broadcasting and 10 years in the Canadian
Army, I had never thought in my life that I would become a member of an elected
democratic Assembly and I would like to thank the Prime Minister for having
brought in that law because this has turned out to be the most exciting time,
the most exciting career that I have ever had, albeit maybe only for four
years.
Le Président (M. Cannon): Merci, M. le
député. Alors, est-ce que le préambule du projet de loi
est adopté? M. le leader.
M. Pagé: Adopté, M. le Président.
Le Président (M. Cannon): Adopté. Est-ce que le
titre du projet de loi est adopté?
Une voix: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Est-ce que le projet de loi 90,
Loi instituant la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec, est adopté?
M. Chevrette: Adopté.
Le Président (M. Cannon): Votre motion, M. le leader?
M. Pagé: Je fais motion pour la renumérotation.
Le Président (M. Cannon): Cette motion est donc
adoptée.
M. Pagé: C'est adopté.
Le Président (M. Cannon): Elle est adoptée. En
conséquence... Oui, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Très brièvement, M. le
Président, je voudrais remercier très sincèrement Me Jules
Brière qui m'accompagne, qui a bien travaillé, comme il le fait
à chaque opportunité, à chaque occasion où on le
lui demande, et remercier Me Sormany du Secrétariat à la
législation pour leur contribution éminemment importante à
la rédaction d'un projet de loi.
Le Président (M. Cannon): D'accord, merci. M.
Pagé: Merci.
Le Président (M. Cannon): Alors, en conséquence, la
commission plénière met fin à ses travaux. Je veux, moi
aussi, remercier ceux et celles qui y ont participé et, pour permettre
à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je prie toutes les
personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire
immédiatement.
(Suspension de la séance à 21 h 30)
(Reprise à 21 h 34)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
vice-président, M. le président de la commission
plénière.
Le Président (M. Cannon): M. le Président, j'ai
l'honneur de faire rapport que la commission plénière a
étudié en détail le projet de loi 90, Loi Instituant la
commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et
qu'elle l'a adopté avec amendements.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ce rapport est-il
adopté?
Des voix: Adopté.
Adoption
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, M.
le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et
de l'Alimentation propose l'adoption du projet de loi 90, Loi instituant la
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Et je rappelle l'ordre de l'Assemblée de cet après-midi.
Alors, il y a, par alternance, un intervenant du côté
ministériel, un de l'Opposition officielle, le député de
D'Arcy-McGee qui a un maximum de dix minutes et le député
d'Anjou, un maximum de cinq minutes, et il y a réplique du
côté ministériel. Je cède maintenant la parole au
leader du gouvernement. M. le leader.
M. Pagé: M. le Président, je vous prierais de
reconnaître M. le député de Jean-Talon, ministre de la
Justice et ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes, qui interviendra au nom de notre groupe
parlementaire, en troisième lecture.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader. Je
reconnais maintenant M. le ministre de la Justice et ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et
responsable de la protection du consommateur. M. le ministre.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président.
L'étude que nous venons de faire de cette loi, article par article, nous
a démontré que cette loi, qui se réfère directement
à un consensus que nous avons établi dans cette Assemblée,
puisque cette loi sera votée à l'unanimité, répond
fort bien aux besoins que nous avons. Au départ, comme le premier
ministre l'a souligné dans ses remarques, cet après-midi, nous
avions discuté des possibilités de tenir des états
généraux. Mais, après mûre réflexion, on
s'est rendu compte que des états généraux qui auraient pu
réunir en discussion différents éléments, les
forces vives de la nation, comme on a l'habitude de le dire, nous auraient
amenés dans de longues discussions et n'auraient pas permis aux
parlementaires de prendre directement part aux travaux qui doivent nous amener
à ces décisions extrêmement importantes que nous devons
prendre pour l'avenir constitutionnel du Québec.
En nous référant à une commission parlementaire,
nous nous référons à l'instrument premier de' l'exercice
de la souveraineté du peuple québécois. En
élargissant cette commission parlementaire à différentes
personnes représentatives de différentes couches de notre
société, nous pourrons établir un forum qui nous permettra
de faire le point sur la situation présente, d'entendre des experts pour
éclaircir certaines options que nous pourrions avoir et d'en arriver
à des recommandations quant à l'avenir constitutionnel du
Québec.
Le consensus que nous pouvons établir aujourd'hui est gage
d'avenir pour cette commission. Ce ne sera pas toujours facile, 35 personnes
qui auront à travailler ensemble avec des options politiques qui peuvent
se lier en fonction d'un objectif qui nous est tous commun, qui est le
bien-être des Québécois et des Québécoises,
en fonction d'une société québécoise que nous
voulons la plus solide possible, la plus prospère possible, mais en
fonction quand même d'options politiques qui font en sorte que nous
sommes différents à certains points de vue. Dans ce
contexte-là, M. le Président, il est évident que cette
commission parlementaire nous amènera à avoir des débats
importants sur l'avenir constitutionnel du Québec, prenant en
considération nos options politiques, mais en nous
référant, en tout premier lieu, à ce désir que nous
avons de régler, une fois pour toutes, ce problème
constitutionnel que nous avons depuis plusieurs années.
J'entendais le leader de l'Opposition nous parler, cet
après-midi, sur cette nécessité que nous puissions
apporter une solution qui serait durable et qui réglerait le
problème constitutionnel du Québec une fois pour toutes. Je dis
oui, c'est ce que nous devons faire. Je n'ai peut-être pas en tête
tout à fait la même solution que celle du leader de l'Opposition,
mais, objectivement, je crois que nous avons le même objectif et je le
dis sans pompe, d'une façon très sereine, mais nous aurons
à travailler ensemble dans les prochains jours, les prochaines semaines.
Nous aurons, avec les autres personnes qui participeront à la commission
parlementaire, à élaborer ensemble, donc, notre travail pour en
arriver aux conclusions qui seront essentielles pour l'avenir du
Québec.
M. le Président, en terminant, vous me permettrez de remercier
très sincèrement le leader du gouvernement, le ministre de
l'Agriculture, qui, avec beaucoup d'efficacité et, je dois dire, de
diplomatie, parce qu'il en fallait aussi, de la diplomatie, a réussi
à établir les bases de ce consensus que nous avons aujourd'hui
dans cette Assemblée par ce projet de loi; remercier le chef de
l'Opposition, remercier le député de Lac-Saint-Jean, le whip le
l'Opposition, le leader de l'Opposition, remercier les gens d'Equality Party et
remercier aussi le député indépendant d'Anjou, remercier
tous les parlementaires qui, ici, ont donné leur appui à ce
projet de loi et remercier ceux qui, comme juristes, comme M. Jules
Brière, comme Me Jean-Claude Rivest, du cabinet du premier ministre,
comme aussi Me André Tremblay et bien d'autres, ont apporté leurs
compétences pour bonifier ce projet de loi et faire en sorte que nous
puissions avoir ce consensus que nous avons ce soir.
Donc, mes remerciements les plus sincères. Je suis
extrêmement heureux de voir que nous avons pu faire cette
unanimité et je dis que ça annonce fort bien pour nos travaux.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre.
Je reconnais maintenant M. le leader de l'Opposition officielle et
député de Joliette. M. le leader.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. La loi sera
adoptée dans quelques minutes, les discours des parlementaires seront
terminés et la parole sera au public.
M. le Président, on a pu remarquer - parce que je crois que le
travail ne sera pas facile, j'abonde dans le sens du ministre de la Justice -
on a même pu remarquer, en écoutant les discours des
différents parlementaires, que, pour certains, c'est clair, le
Québec doit avoir la maîtrise de tous ses pouvoirs. Pour d'autres,
c'est clair, on doit garder un lien indéfectible avec le régime
fédéral. Et, pour d'autres, encore une fois, j'ai compris dans
cette Chambre qu'on cherchait des formules. Vous savez, un Québec
souverain dans un Canada uni. J'ai entendu à peu près toute la
gamme des discours. moi aussi, je suis obligé de conclure que le
travail, oui, il va être difficile. et sans doute que ça se
reflétera au niveau des mémoires. on aura des positions
très diverses, certaines diamétralement opposées. mais une
chose qui est certaine, m. le président, c'est qu'on se doit, en tout
cas, comme élus du peuple, hommes et femmes, à cette
assemblée nationale, chercher à présenter à
l'ensemble des québécois, au niveau de la rédaction
finale, des choses claires, des orientations précises, non pas des
formules qui vont chercher à endormir les québécois, non
pas des formules qui vont chercher à donner une 95e chance à un
système qui s'étouffe de par lui-même.
Moi, je pense, M. le Président, qu'on aura compris une chose. Les
Québécois, eux, ont compris. En tout cas, la population a
très bien compris. On ne veut pas de nous. Il faut donc se
définir une position qui nous est propre, sans contrainte de qui que ce
soit. C'est à nous, Québécois, de nous définir
entre nous, ce que nous voulons comme avenir, comme institutions, ce que nous
voulons nous donner comme outils, comme instruments de développement,
sans enfarger qui que ce soit, sans demander à qui que ce soit, sans
quémander à qui que ce soit. Mais on est assez grands. On est
assez forts. On est très capables de le faire chez nous.
Ça, M. le Président, les Québécois attendent
ça. Les Québécois ont horreur de ceux et celles qui
cherchent des formules mitigées, des somnifères temporaires.
Parce que je peux vous dire très clairement, les anglophones ont
compris, eux, le reste du Canada a compris qu'au Québec
on ne cessera d'exiger le rapatriement de nos pouvoirs. Ils ont compris
et ils nous ont dit à une position minimale: On n'en veut pas. À
toutes fins pratiques, quel était le message qu'ils nous passaient?
C'était le message clair, sans équivoque: Vous êtes des
Canadiens comme tous les autres, sinon définissez-vous. C'est ça
qu'on a à faire avec cette Commission. On a à se définir,
à faire faire une discussion très sérieuse, très
profonde avec l'ensemble des Québécois, de quelque région
du Québec qu'ils soient, de quelque origine ethnique qu'ils soient. Nous
avons à nous définir, dis-je, une position claire, M. le
Président. Les Québécois en ont soupe de tergiverser sur
le constitutionnel. Et partout, si vous vous promenez dans le Québec,
ils vont vous dire très clairement: Avez-vous fini d'en parler?
Présentez-nous donc une position claire, précise et
faites-nous-la donc adopter et on va marcher. C'est ça,
fondamentalement, que les Québécois nous passent comme message.
Moi, j'ai la conviction intime, M. le Président, que les
Québécois, demain, même avant les travaux de cette
Commission, auraient été prêts à répondre
à des questions précises sur l'avenir du Québec, M. le
Président, j'en ai la conviction intime. Mais je pense que cette
sensibilisation ne sera pas inutile. On pourra carrément expliciter aux
Québécois les bienfaits de la maîtrise entière de
nos pouvoirs, de notre coffre d'outils, comme je disais ce matin.
M. le Président, il y a une autre chose que je veux dire. Je veux
dire, M. le Président, d'une façon très précise,
que ceux qui s'imaginent que des pouvoirs, ça se négocie tout en
conservant le même statut, c'est d'ignorer ce que c'est qu'un rapport de
force.
Les pays qui ont signé des traités de libre-échange
étaient des pays autonomes, souverains. Les pays qui ont
été capables de s'asseoir pour négocier des
véritables mises en commun d'égal à égal
étaient des États autonomes, des États souverains.
Si on s'imagine, M. le Président, qu'on va chercher des formules
mitigées, plus fortes, comprenant plus de pouvoirs que ce qu'on s'est
fait refuser, on s'illusionne. Et là, on risquerait encore de sombrer
dans le ridicule et de berner une population et essayer de l'endormir.
On est rendus à l'heure des choix précis. Je pense qu'on
doit être assez adultes, comme parlementaires, pour dire à nos
concitoyens: Voici un régime qui a fait ses preuves. Voici celui qu'on
vous propose, vous serez les seuls et uniques maîtres de vos propres
destinées, sur tous les plans, sur le plan social, sur le plan
économique, sur le plan institutionnel, vous êtes capables de
diriger vos propres institutions. Il n'y aurait rien de plus fort - et
ça, je suis d'accord avec le ministre de la Justice encore une fois -
qu'une proposition unanime de cette Chambre pour convaincre la plus large
portion de Québécois, 80 % à 85 % des
Québécois qui diraient: Oui, on est capables plutôt que
d'entendre des discours pessimistes de ratatinement et de
rétrécissement. On est capables. La preuve qu'on est capables, il
y a du monde qui, de bonne foi, en 1980, ont cru qu'un "non" au
référendum voulait dire un "oui" et qui, aujourd'hui,
disent quoi? J'ai cru, de bonne foi, qu'on dirait oui au Québec,
à un Québec plus fort.
On m'a berné. Bien, là, je suis prêt maintenant
parce que je me sens capable de mener mes propres destinées, M. le
Président. Je suis capable de prendre mes propres décisions. Je
suis capable d'assumer tous les pouvoirs d'un État. Je suis capable de
négocier, quand je serai souverain, des traités de
libre-échange. Je suis capable de discuter des mises en commun mais,
pour ce faire, il faut d'abord avoir la volonté de la maîtrise
totale. Tant et aussi longtemps qu'on donnera l'impression qu'on a besoin de
quelqu'un, on ne voudra jamais nous céder un seul pouce. Mais le jour,
par exemple, où on décidera et on affichera publiquement comme
collectivité qu'on est capables et qu'on a la volonté de conduire
nos propres affaires, ce jour-là, ce seront eux qui nous demanderont de
s'asseoir et de négocier des mises en commun et de signer des
traités. Parce que la crainte, là, les Brink's et les compagnies,
ne vous essayez plus, les Québécois ont compris et ils ont
surtout compris qu'ils en avaient la capacité et que c'était
fini, les chicanes interminables, où de part et d'autre, on
s'empêche d'évoluer correctement selon nos aspirations, selon nos
désirs.
Donc, M. le Président, à compter de demain, je souhaite
que tout membre de l'Assemblée nationale, partis politiques qui ont des
orientations précises, de les afficher hautement, partis politiques qui
n'ont pas d'orientation, de s'en trouver une au plus sacrant et d'afficher
clairement leurs convictions. Mais, comme message qu'on doit passer à
notre population, élus de cette Chambre, ce sont des orientations
claires visant un objectif précis à faire du Québec, de
l'État du Québec, un pays où on a la pleine
maîtrise. Je suis sûr qu'on est capables de l'assumer. Si
collectivement on se donne cette orientation, M. le Président, le moment
historique aura été bien minime aujourd'hui, parce que le vrai
moment historique, ce sera celui où on proclamera notre
souveraineté politique et qu'on s'assoira correctement avec nos voisins
pour discuter d'échanges, comme ça se fait entre peuples
civilisés. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de
l'Opposition officielle. Je reconnais maintenant M. le député de
D'Arcy-McGee. M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est
à vous.
M. Robert Ubman
M. Libman: Merci, M. le Président. Le moment est
finalement arrivé où nous pourrons
entreprendre une série de discussions qui détermineront,
espérons-le, une position constitutionnelle assagie. Cela fait
déjà quelques mois qu'on ne cesse d'écouter les paroles
articulées de nos dirigeants politiques nous menant vers un soi-disant
consensus de la population de notre province. Cette Commission nous permettra
enfin de faire le point sur ce consensus et de voir si, à tête
reposée, ce consensus demeure intact. Je ne nierai pas l'existence de ce
consensus, mais je nierai sans équivoque les prétentions de
certains à l'effet que ce consensus soit facilement défini et que
les gens de notre province exigent un bouleversement total des institutions
politiques et gouvernementales qui nous ont tous bien servis. Avouons-le, M. le
Président, avec toutes nos petites chicanes constitutionnelles et
autres, il demeure qu'on est parmi les plus choyés de la planète.
L'incompréhension délirante du monde entier vis-à-vis des
problèmes du Canada est suffisante pour que nous nous sentions tous un
peu gênés.
Je crois, M. le Président, que nous sommes arrivés
à une période assez émotive de notre histoire. Il me
semble qu'on en est arrivés à un point où on est
prêt à risquer énormément pour satisfaire les
aspirations politiques de quelques-uns.
Il faut dire en ce moment, M. le Président: Prenons le temps de
réfléchir, prenons le temps d'écouter et cessons les
accusations qui ne servent qu'à amplifier notre animosité, notre
ignorance et notre désir scrupuleux, bien que parfois humain, de
s'accaparer du pouvoir. Élevons-nous au-delà de nos
préjugés et de notre fermeture d'esprit. Avouons qu'on n'est pas
tous pareils et qu'on n'est pas tous issus du même moule. Parmi nous, il
y a plusieurs nationalités, émanant de plusieurs groupes
ancestraux, formant une société qui est francophone avant tout.
Je dis bien francophone avant tout parce que, au Québec, le fait
français n'est plus une affaire d'espoir, mais bien la
réalité. Cette réalité renforce et sécurise
le Québec tout en renforçant le pays dont nous faisons tous
partie. Même le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le
Président, tente de s'exprimer en français
régulièrement dans notre Chambre.
En tant que Québécois, membre élu à la
Législature du Québec, je m'engage envers la population de ma
province à mettre ses intérêts au-delà de tout
autre. Ceci, M. le Président, sera, je le crois, l'intérêt
qui liera peut-être tous les membres de cette Commission. Merci, M. le
Président.
Le Président: Alors, merci, M. le député de
D'Arcy-McGee.
Je vais maintenant reconnaître M. le leader du gouvernement et
ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour
l'exercice de son droit de réplique. M. le leader.
M. Michel Pagé (réplique)
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement. Seulement quelques mots, encore une fois, pour remercier
l'ensemble de mes collègues ici à l'Assemblée.
L'étape de la troisième lecture est maintenant franchie. La loi
sera adoptée. D'ailleurs, dans quelques minutes, sinon quelques
secondes, je vais vous demander de suspendre nos travaux jusqu'à 22 h 25
pour que la loi puisse être sanctionnée et nous reprendrons nos
travaux. Essentiellement, j'ai beaucoup de fierté et beaucoup de
confiance à l'égard de ce mécanisme qu'on veut le plus
ouvert, public. On souhaite une participation très large. J'ai la
conviction profonde, comme parlementaire québécois, que cette loi
pourra tracer la venue d'un Québec en devenir, mais d'un Québec
qui a confiance dans ses moyens. Merci, M. le Président.
Le Président: Le débat étant terminé,
est-ce que la motion de M. le leader du gouvernement et ministre de
l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation proposant l'adoption du
projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec, est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Donc, le projet de loi 90,
Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec, est adopté.
Maintenant, conformément à l'ordre
précédemment adopté, la séance est suspendue afin
de permettre à Son Excellence le lieutenant-gouverneur, de sanctionner
ce projet de loi. La séance est suspendue quelques minutes.
(Suspension de la séance à 21 h 56)
(Reprise à 22 h 27)
Le Président: Mmes, MM. les députés,
veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, nous allons maintenant
procéder, tel que convenu par l'ordre adopté ce matin, à
certaines motions prévues à l'article 5 de la Loi instituant la
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je vais,
à ce moment-ci, reconnaître M. le premier ministre.
Motion proposant la nomination des deux
présidents de la Commission
M. Bourassa: M. le Président, conformément au
premier paragraphe de l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur
l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je fais motion,
conjointement avec le chef de l'Opposition officielle, pour que M. Michel
Bélanger et M.
Jean Campeau soient nommés présidents de ladite
Commission. J'ai eu l'occasion, cet après-midi, évidemment, de
mettre en relief les grandes qualités, l'habileté et
l'expérience de MM. Bélanger et Campeau pour assumer ces
fonctions.
Le Président: Est-ce qu'il y a des interventions? M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, c'est avec grand plaisir que
j'appuie la proposition du premier ministre de nommer MM. Bélanger et
Campeau comme coprésidents de la Commission constitutionnelle. Je pense
que c'est un changement important sur le plan politique au Québec que
nous puissions confier à deux coprésidents, qui ont
été impliqués dans le domaine, à la fois, des
affaires et de la finance aussi intensément que MM. Bélanger et
Campeau, la coprésidence d'une commission constitutionnelle.
Je pense que ce seul choix montrera à quel point le Québec
a changé, à quel point le Québec n'est plus ce qu'il
était, et montrera aussi à l'extérieur du Québec
à quel point cette évolution québécoise, qui est
issue de la Révolution tranquille, aura eu des conséquences
profondes sur la façon dont notre société évolue.
Et c'est donc avec plaisir que j'appuie la motion que vient de présenter
le premier ministre.
Le Président: Est-ce que cette motion
présentée par M. le premier ministre est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Je reconnais à nouveau
M. le premier ministre.
Motions proposant la nomination des membres de la
Commission
M. Bourassa: M. le Président, conformément au
sous-paragraphe a) du deuxième paragraphe de l'article 5 de la Loi
instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec, je fais motion pour que les députés suivants du
Parti libéral du Québec soient membres de ladite commission: Mme
Louise Bégin, députée de Bellechasse, M. Guy
Bélanger, député de Laval-des-Rapides, M. Claude Dauphin,
député de Marquette, Mme Claire-Hélène Hovington,
députée de Matane, M. Cosmo Maciocia, député de
Viger, Mme Christiane Pelchat, députée de Vachon, M. Gil
Rémillard, député de Jean-Talon, M. Claude Ryan,
député d'Argenteuil, et M. Russell Williams, député
de Nelligan.
Le Président: Alors, est-ce que cette motion
présentée par M. le premier ministre est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Je vais maintenant
reconnaître M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, en vertu de l'article 5,
paragraphe 2°, de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec, je fais motion afin que les
députés suivants du Parti québécois soient
nommés membres de ladite Commission: le leader parlementaire de
l'Opposition officielle et député de Joliette, M. Guy Chevrette;
le whip en chef de l'Opposition officielle et député de
Lac-Saint-Jean, M. Jacques Brassard; la députée de Chicou-timi,
Mme Jeanne Blackburn; la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme
Louise Harel; le député de Labelle, M. Jacques Léonard, et
la députée de Taillon, Mme Pauline Marois.
Le Président: Est-ce que cette motion
présentée par M. le chef de l'Opposition est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Je vais maintenant
reconnaître M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président. Conformément
à l'article 5, paragraphe 2°, sous-paragraphe c), et après
consultation avec les membres de notre caucus et le député
d'Anjou, je fais motion pour nommer le député de Westmount comme
membre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec.
Conforming to article 5, paragraph 2°, sub-paragraph c), it is my
pleasure to name the MNA for Westmount to the Commission.
Le Président: Alors, est-ce que cette motion
présentée par M. le député de D'Arcy-McGee est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Je reconnais maintenant
à nouveau M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, après consultation
avec le chef de l'Opposition officielle et conformément aux
sous-paragraphes a), c) et d) du troisième paragraphe de l'article 5 de
la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel, je
fais motion pour que les personnes suivantes soient nommées membres de
ladite Commission: M. Jean-Louis Desrosiers, président de l'Union des
municipalités du Québec; M. Roger Nicolet, président de
l'Union des municipalités régionales de comté et des
municipalités locales du Québec; Mme Lorraine Pagé,
présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec; M. Louis
Laberge, président de la Fédération des travailleurs et
des travailleuses du Québec; M. Gérald Larose, président
de la
Confédération des syndicats nationaux; M. Jacques Proulx,
président de l'Union des producteurs agricoles du Québec, et M.
Claude Béland, président de la Confédération des
caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.
J'aurai l'occasion, après consultation du chef de l'Opposition,
de faire part dans les jours qui viennent des nominations représentant
le milieu des entreprises conformément aux autres dispositions de la
loi.
Le Président: Vous voulez intervenir sur cette motion, M.
le chef de l'Opposition?
M. Parizeau: M. le Président, j'aurais quelques
commentaires à faire à la suite de la proposition que vient de
présenter le premier ministre. Je pense qu'une des considérations
importantes dont nous avons, lui et moi, à tenir compte, c'est de faire
en sorte que, lorsque l'on sort de cette Assemblée nationale, on cherche
autant que possible à faire appel à des élus, pas à
des élus à l'Assemblée nationale ici, mais à des
gens qui, néanmoins, ont été élus dans leur milieu
à des postes importants.
Nous avons accepté rapidement que les députés
fédéraux au Québec puissent être
représentés. Je pense que ça allait de soi, ils ont
été élus au Québec. Je rappellerai, à cet
égard, que le premier ministre, en un certain sens, c'était au
début du processus, a nommé M. Lucien Bouchard à la
Commission; il ne m'en avait pas parié à ce moment-là,
mais il savait très bien qu'il n'aurait pas d'objection de ma part. Il
était normal, je pense, que M. Bouchard, qui cherche, en un certain
sens, à renouveler une sorte de fédéralisme au
Québec, y soit. Mais nous nous sommes entendus aussi pour que les deux
grands partis fédéraux au Québec aient leurs
représentants; je souhaite vivement que, rapidement, les conservateurs
du Québec nomment leur membre de la Commission - je pense que c'est
à eux que ça revient - et, d'autre part, que les libéraux
fédéraux du Canada nomment aussi leur élu à la
Commission, parce que ça leur revient aussi et c'est important qu'ils
soient représentés. On peut être d'accord ou pas d'accord
avec les positions que ces partis prennent, le problème n'est pas
là, ils représentent des Québécois.
Je suis très heureux que très rapidement, à cet
égard, le premier ministre et moi soyons tombés d'accord sur le
fait que les présidents élus de ces unions de
municipalités au Québec, qui sont au fond le niveau de
gouvernement le plus proche de la population, puissent appartenir à la
Commission. Quand j'ai vu passer, ce matin, l'acceptation de M. Desrosiers,
président de l'UMQ, et de M. Nicolet, président de l'UMRCQ, au
fond, j'étais un peu gratifié du fait que nous reconnaissions,
sans ambages, sans discussions - ça n'a pas toujours été
le cas dans le passé - que ces représentants du milieu municipal
étaient une partie prenante de la Commission sur l'avenir
constitutionnel du Québec. je suis ravi aussi qu'en aussi peu de temps
les quatre présidents élus des grandes centrales syndicales au
québec aient tous accepté - et ça s'est fait en quelques
heures - d'être eux-mêmes membres de la commission à
l'invitation que le premier ministre et moi leur avons lancée. m. louis
laberge est au fond une sorte de continuité dans notre milieu. si
quelqu'un sert de mémoire à notre société en
même temps qu'il est . une sorte de dessinateur de l'avenir, c'est bien
lui. que m. larose, de la csn, représente dans une commission
constitutionnelle comme celle-là des considérations d'ordre
social qui ne sont pas tellement bien représentées d'autres
façons, j'en suis ravi. que mme pagé représente une sorte
de transformation, oui, il faut le dire, de la ceq, c'est-à-dire de
l'enseignement, c'est-à-dire de l'avenir du pays, c'était
important. et que m. proulx et ça, je veux dire de toutes ces... je
voudrais souligner l'acceptation de m. proulx. peu de gens chez nous ont
été mêlés au commerce extérieur, donc
à notre avenir et donc à notre capacité de nous
défendre dans le monde, autant que cet homme-là, le
président de l'union des producteurs agricoles. qu'il ait accepté
de venir à la commission me paraît être un très grand
actif pour nos travaux.
Et, évidemment, comme représentant du mouvement
coopératif tellement vivant au Québec, tellement dynamique qui
fait, en un certain sens, l'admiration de bien des gens qui nous observent, que
M. Béland accepte de jouer ce rôle de représentant du
mouvement coopératif, je pense que ça allait de soi, mais
ça va beaucoup mieux en le disant. Il est en Tchécoslovaquie pour
quelques jours. On nous a confirmé qu'il acceptait et je pense que nous
lui sommes tous reconnaissants d'avoir accepté de siéger à
la Commission.
Il reste maintenant, M. le Président, deux postes à
pourvoir par les partis fédéraux, les conservateurs et les
libéraux. J'espère que ça viendra le plus vite possible.
Quatre postes à pourvoir comme représentants des mouvements
patronaux.
Le premier ministre a suggéré, à cet égard,
un mode de nomination qui n'est pas nécessairement celui des
présidents des associations patronales. Je pense que ce qu'il a
proposé est tout à fait acceptable comme mode de fonctionnement.
On n'a pas pu régler le cas de ces quatre représentants parce que
le premier ministre avait d'autres occupations depuis quelque temps, et je le
comprends fort bien. Et qu'il prenne encore un peu de temps pour régler
cette question, j'en conviens aussi avec lui. Et puis, il y a une
dernière chose que je voudrais soulever et, là, j'aimerais
plaider avec lui, à cet égard, enfin, plaider... lui faire des
représentations amicales. Nous avons un poste à pourvoir, qui
représenterait, au fond, à la fois les intellectuels et les
artistes du Québec. Je lui suggérerais
d'examiner la possibilité de faire en sorte que ce poste soit
pourvu peut-être davantage par les culturels que par les universitaires
en reconnaissance du rôle si remarquable que les artistes et les
créateurs, dans notre société, jouent depuis 25 ans.
Là-dessus, je m'arrête, M. le Président, et je vous
remercie.
Le Président: Est-ce que cette motion
présentée par M. le premier ministre est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Cette motion est
adoptée. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Merci, M. le Président. L'adoption de ces
motions complète l'agenda de nos travaux pour aujourd'hui.
Là-dessus, je remercie les députés de leur
disponibilité et je vous prierais d'accepter la motion d'ajournement de
nos travaux à mardi, le 16 octobre prochain, à 14 heures.
Le Président: Est-ce que cette motion d'ajournement de nos
travaux est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. En conséquence, les
travaux de l'Assemblée sont ajournés au mardi, 16 octobre
prochain, à 14 heures.
(Fin de la séance à 22 h 42)