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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mardi 4 septembre 1990 - Séance extraordinaire

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Treize heures vingt et une minutes)

Le Président: Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît! Nous allons nous recuefllir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

L'Assemblée entreprend ses travaux en ce mardi 4 septembre 1990. Je vais immédiatement reconnaître M. le leader du gouvernement en requérant, s'il vous plaît, la collaboration de l'ensemble des députés. M. le leader du gouvernement.

Ordre des travaux M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, avant de procéder aux affaires courantes et avec le consentement de cette Chambre, vous faire part d'une entente intervenue entre les membres de l'Assemblée nationale pour déroger à notre règlement en vue de fixer l'ordre et la procédure des travaux dans le cadre de la séance extraordinaire convoquée à la demande du premier ministre. Les travaux se dérouleront dans l'ordre suivant pour ce mardi 4 septembre 1990.

Aux affaires courantes: déclarations ministérielles, le cas échéant, mais je vous indique qu'il n'y en aura pas. Présentation du projet de loi que je déposerai, le projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Dépôt de documents; M. le ministre délégué aux Affaires autochtones déposera des documents. Dépôt de rapports de commissions, le cas échéant. Dépôt de pétitions, si elles sont conformes aux règlements de l'Assemblée. Interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel, le cas échéant aussi.

On passera ensuite à la période de questions et de réponses orales. Votes reportés, ie cas échéant. Avis touchant les travaux des commissions. Renseignements sur les travaux de l'Assemblée nationale. Par la suite, nous aborderons les affaires du jour, par l'étude du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, discussion et adoption du principe du projet de loi. nous prévoyons un maximum de 180 minutes d'interventions pour les parlementaires de la majorité, soit le parti libéral du québec, un maximum de 180 minutes pour l'opposition officielle à l'assemblée nationale, soit le parti québécois, et un maximum de 60 minutes pour les députés indépendants, dont un maximum de 20 minutes pour l'honorable député d'anjou. et par la suite, la réplique sur le projet de loi.

En commission plénière, M. le Président, nous avons prévu...

Le Président: Un instant, M. le leader! Je requiers la collaboration de l'ensemble des députés. Nous établissons la procédure sur laquelle l'Assemblée, semble-t-il, donne son consentement. Il faudrait que chacun écoute attentivement. Évidemment, ça éviterait de répondre à certaines questions ultérieurement. M. le leader.

M. Pagé: Merci, M. le Président. En commission plénière, M. le Président, quoique nous ayons été informés que certains amendements nous seront soumis, nous croyons, le leader de l'Opposition et moi, et j'ai la conviction qu'on peut faire le tout dans un délai de 60 minutes. Nous procéderons ensuite à la mise aux voix en commission plénière des articles et des amendements dont la commission n'aurait pas disposé, y compris les amendements que le ministre qui présente le projet de loi n'aurait pas pu proposer en cours d'étude. Nous procéderons ensuite au rapport verbal à vous, M. le Président, pour procéder à l'adoption en troisième lecture. Et une entente est intervenue: un représentant du gouvernement, un représentant de l'Opposition officielle. On prévoit d'ailleurs de dix à quinze minutes pour chaque intervention. M. le député de D'Arcy-McGee, un maximum de dix minutes et M. le député d'Anjou, un maximum de cinq minutes et une réplique, le cas échéant, de la part d'un membre du gouvernement.

On vous demandera ensuite, M. ie Président, de suspendre la séance afin de procéder à la sanction du projet de loi. Nous reviendrons par la suite à l'Assemblée où certaines motions prévues à l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec seront présentées par le premier ministre du Québec. Je présenterai ensuite une motion d'ajournement de nos travaux.

Je dois vous rappeler qu'il a été convenu que les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale qui concernent les mesures suivantes ne s'appliqueront pas aujourd'hui, de consentement unanime: les motions sans préavis sauf celles prévues en vertu de la loi 90, le cas échéant, les motions de censure, les demandes de débat d'urgence, de débat de fin de séance, les motions de scission, les motions de report, les motions d'ajournement du débat à l'Assemblée ainsi que les motions d'ajournement du débat et de suspension du débat en commission plénière sauf, dans tous ces cas, celles que pourraient présenter le leader du gouvernement, un leader adjoint ou un ministre du gouvernement, ensuite, les motions proposant l'ajournement de l'Assemblée pour plus de quinze jours sauf celles que pourraient

présenter le leader du gouvernement, un leader adjoint ou un ministre.

Je dépose donc, M. le Président, ce document qui réfère à une entente intervenue entre les membres de l'Assemblée pour que ça puisse devenir un ordre de cette Assemblée.

Le Président: Alors, y a-t-il consentement au dépôt de ce document? Consentement. Donc, le document est déposé. Y a-t-il maintenant consentement à la présentation de la motion du leader du gouvernement aux fins de fixer l'ordre et la procédure de nos travaux en séance extraordinaire conformément au document déposé? Consentement?

Des voix: Consentement.

Le Président: Consentement. Cette motion est-elle adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Je constate donc que, du consentement de l'Assemblée et sur la motion du leader du gouvernement, le document déposé constitue un ordre de l'Assemblée relativement à l'ordre du jour de la séance extraordinaire pour ce mardi, 4 septembre 1990, et à la règle de procédure qui s'appliquera malgré toute disposition du règlement inconciliable.

Donc, nous allons procéder à nos travaux suivant l'ordre adopté.

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Projet de loi 90

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je suis honoré de déposer le projet de loi 90. Ce projet de loi crée la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Cette Commission, instituée sous l'autorité de l'Assemblée nationale, aura pour mandat d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler à cet égard des recommandations. La Commission pourra, à cette fin, faire toutes les études et les consultations qu'elle jugera nécessaires en procédant notamment à la tenue d'audiences publiques, à l'audition d'experts et à la tenue de forums. Elle devra faire rapport à l'Assemblée nationale au plus tard le 28 mars 1991.

Ce projet de loi prévoit que la commission sera composée de 35 membres, dont deux présidents, le premier ministre et le chef de l'Opposition officielle. En seront également membres d'autres députés de l'Assemblée nationale, des élus municipaux, des députés de la Chambre des communes du Canada et des personnes provenant du milieu des affaires, du milieu syndical, du milieu des coopératives ainsi que du milieu de l'enseignement ou de la culture.

Ce projet de loi contient enfin des règles relatives à l'organisation et au fonctionnement de la Commission, dont l'institution d'un comité directeur et d'un secrétariat. Voilà.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, présenté par le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation? Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Maintenant, nous arrivons au dépôt de documents. M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.

Ententes signées avec différents Conseils de bande et nations autochtones depuis 1985

M. Ciaccia: M. le Président, je dépose des ententes signées par le ministre délégué aux Affaires autochtones avec les différents Conseils de bande et nations autochtones depuis 1985.

Le Président: Ces documents sont déposés.

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. Nous arrivons donc à la période de questions et réponses orales. Je vais reconnaître, en première question principale, M. le député de Labelle. (13 h 30)

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES Discours sur le budget et TPS provinciale

M. Léonard: M. le Président, le 26 avril dernier, le ministre des Finances indiquait dans son discours sur le budget qu'il explorait avec le gouvernement fédéral les solutions de nature à atténuer les difficultés reliées à l'application simultanée de la TPS fédérale et de la taxe de vente québécoise. Compte tenu des déclarations antérieures faites par le premier ministre du Québec, faites aussi par le ministre du Revenu qui, incidemment, n'est pas encore ici aujourd'hui, et par la déclaration elle-même dans le discours sur le budget, dans laquelle le ministre des Finances exposait les quatre raisons pour lesquelles il critiquait sévèrement la TPS fédérale. Tout le monde avait compris que nous aurions d'autres nouvelles, qu'il n'y avait rien, dans le budget, de concret à ce sujet. Or, jeudi dernier, le ministre des Finances nous a avoué

que la solution avait été trouvée avant le 26 avril et qu'elle était au discours sur le budget du 26 avril dernier, puisque les équilibres financiers des trois prochaines années tenaient compte de l'impact de l'harmonisation de la taxe québécoise de vente avec la TPS au fédéral et que des centaines de millions de dollars de hausses de taxes, particulièrement pour l'année 1991, avaient ainsi été cachées aux députés et à la population, à tel point qu'un éditorialiste, en fin de semaine, a titré: "Québec camoufle sa TPS derrière les barricades".

En procédant de la sorte, le ministre des Finances n'a-t-il pas contrevenu, M. le Président, à une exigence fondamentale en démocratie, à savoir que le discours sur le budget présente, de façon complète et intégrale, les décisions du gouvernement sur le plan budgétaire?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, je suis très heureux qu'on m'ait réversé la première question aujourd'hui. C'est faire grand honneur à la mesure que nous avons annoncée la semaine dernière. Ça me permet également d'apporter certaines précisions qui auraient pu échapper à quelques-uns. D'abord, au moment du budget, en effet, je n'avais rien à cacher. J'ai mentionné la problématique. Je l'ai exposée. J'ai mentionné pourquoi nous avions été contre la TPS fédérale. Les quatre raisons évoquées par le député de Labelle, en effet, ont été avancées. Depuis ce temps-là, nous avons continué à travailler sur les modalités avec le gouvernement fédéral, tel que je l'avais mentionné dans mon budget.

S'il y avait, dans le budget, des prévisions qui ont été connues et largement exposées, s'il y avait de telles prévisions, c'est que nous étions convaincus que nous pouvions arriver à une entente avec le gouvernement fédéral. Mais l'entente n'était pas conclue. Elle vient d'être signée, la semaine dernière.

Deuxièmement, il était important d'arriver à régler cette question-là le plus rapidement possible, étant donné les coûts astronomiques qui étaient ceux qui auraient dû être absorbés, par exemple, par le domaine de l'alimentation. On nous avait fait part, par exemple, qu'on devait acheter incessamment les caisses enregistreuses nécessaires à la présence de deux systèmes différents de taxes. Dans le domaine de l'alimentation, 50 000 000 $ de plus, seulement pour 400 magasins. Alors, il était important d'arriver avec une solution le plus rapidement possible. C'était impossible au mois d'avril, mais c'était possible cet été. D'ailleurs, mon collègue, le ministre par intérim des Finances, a émis un communiqué justement pour rassurer l'industrie que nous allions pouvoir, dans les prochaines semaines, arriver avec la solution. Et on dit: Vous êtes arrivé en même temps que les événements dont il est question. Si ces événements-là ne s'étaient pas produits et si la Chambre n'avait pas été appelée, il aurait fallu rappeler la Chambre ou procéder par communiqué. Or, je trouvais qu'il était impensable ou du moins difficile à justifier pour un parlementaire de mon expérience, dit bien humblement, d'arriver avec un communiqué, alors qu'on arrivait avec une mesure aussi importante. Je pensais que l'Assemblée nationale devait être la première informée et j'ai agi selon les meilleures traditions du Québec et de notre régime parlementaire.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Le ministre des Finances peut-il nous indiquer, dans le discours sur le budget et dans les cinq annexes qui l'accompagnent, où il a indiqué un impact net de 77 000 000 $ en 1990-1991, de 324 000 000 $ en 1991-1992 et de moins 39 000 000 $ en 1992-1993? Sinon, comment peut-il prétendre qu'il a informé la population?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: C'est justement le député de Labelle qui s'est vanté à ce moment-là d'avoir trouvé lui-même - je ne sais pas s'il l'a fait lui-même ou avec ses recherchistes - ce qu'il me dit que je n'ai pas annoncé. Je lui rappelle que pour 1992-1993, ce n'est pas moins 39 000 000 $, mais moins quelque 360 000 000 $. Et je répète encore une fois que, pour les trois années en question, il y a une perte, il y a un manque à gagner pour les revenus du gouvernement de 19 000 000 $. Autrement dit, toute cette question, toute cette mesure est nulle pour les trois premières années, et par la suite constitue un manque à gagner pour le gouvernement du Québec. Et ceux qui disent: Voici une nouvelle taxe, eh bien ils informent mal la population. Il ne s'agit pas de revenus additionnels pour le gouvernement du Québec! C'est ça qu'on essaie de passer de l'autre côté. Au contraire, c'est le gouvernement du Québec qui verra justement ses revenus diminuer, et après 1992, la diminution est de plus de 300 000 000 $ par année. C'est pourquoi nous avons dû augmenter l'impôt, non pas sur les individus, non pas sur les familles, mais pour les entreprises, afin justement de pouvoir apporter une mesure saine en soi.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: Comment le ministre des Finances peut-il penser que dans la déclaration ministérielle de la semaine dernière, il peut abuser la population du Québec en mettant côte à côte les effets de la TPS ainsi qu'une décision annoncée d'avance qu'il va indexer, ce qu'il aurait fait de toute façon, pour tenter de

camoufler qu'il va chercher dans les poches des contribuables, en 1991, au moins 401 000 000 $ de plus?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: Je m'aperçois que ceux qui applaudissent n'étaient pas ici, une partie au moins d'entre eux, au moment où l'ancien gouvernement n'indexait pas, passait par-dessus certaines années. Et la surprise affectée du chef de l'Opposition me fait sourire! M. le Président, qu'est-ce qui est arrivé en 1979, alors que le taux d'inflation était de 8,9 %? Indexation par le Parti québécois: zéro, zéro, M. le Président! Quand, par exemple, en 1982, l'inflation était à 12,5 %, qu'elle était l'indexation? 7,5 %. En 1985, l'année où on a pris le pouvoir, qu'est-ce que ces amis d'en face avaient fait avec une inflation de 4,3 %? Zéro d'indexation! Il est bien normal, M. le Président, qu'aujourd'hui je puisse évidemment rassurer la population qu'on n'agira pas comme ça, qu'on va protéger le pouvoir d'achat, contrairement à nos prédécesseurs. Et c'est pourquoi j'ai annoncé immédiatement l'indexation à 4,5 %, parce que l'inflation prévue est de 4,5 %.

Des voix: Bravo!

Le Président: Toujours en complémentaire, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, le ministre des Finances peut-il nous assurer aujourd'hui - compte tenu de l'importance de la question et qu'il s'agit, en quelque sorte, d'une nouvelle taxe imposée aux Québécois - qu'il devrait convoquer ou faire convoquer l'Assemblée nationale plutôt que d'aller se cacher dans un débat strictement réservé à une commission parlementaire?

Le Président: M. le ministre des Finances.

M. Levesque: M. le Président, les derniers propos du député de Labelle me laissent songeur. Ces gens-là qui nous demandent tous les jours, ou presque, une commission parlementaire...

Une voix: Bien oui, il va y en avoir une! (13 h 40)

M. Levesque: ...est-ce qu'ils veulent se cacher? Parce que c'est apparemment une place pour se cacher, une commission parlementaire, d'après eux, d'après les derniers propos tenus par le député de Labelle. Une place pour se cacher? Pourquoi demande-t-on continuellement des commissions parlementaires de l'autre côté? Nous allons avoir une commission parlementaire jeudi et j'ai hâte d'avoir cette commission-là, M. le Président, afin de confondre ces gens-là dans leur dernier retranchement, pour employer un mot à la mode!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Levesque: M. le Président, je le répète, il était important d'agir; il était urgent d'agir. S'il est arrivé que la Chambre a été convoquée pour d'autres fins, je me suis empressé de venir à la Chambre annoncer nos intentions et c'était la première occasion que j'avais de le faire à l'Assemblée nationale. S'il n'y avait pas eu une telle convocation, nous aurions eu un problème, un problème sérieux que j'ai évoqué tout à l'heure. Procéder par communiqué, à mon sens, ça ne pouvait pas se défendre sur le plan parlementaire, et convoquer l'Assemblée nationale, j'aurais peut-être été accusé d'avoir convoqué l'Assemblée nationale pour une raison pas suffisamment fondée, etc.

Dans les circonstances, M. le Président, soyez assuré de ma bonne foi!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: En question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

Fuite de Warriors avec leur armement

M. Chevrette: M. le Président, les médias d'information nous apprenaient, en fin de semaine dernière, que bon nombre de Warriors avaient profité des derniers jours pour fuir la région avec leur armement. On a même signalé l'existence d'un véritable pont aérien organisé à l'aide de petits avions qui auraient pu aller et venir en toute impunité. L'armée soutient, de son côté, qu'il ne relevait pas de son mandat d'intercepter les Warriors échappant ainsi à la justice, mais qu'elle a, en contrepartie, avisé les autorités civiles.

J'aimerais donc savoir dans un premier temps, du ministre responsable de la Sécurité publique, s'il est exact que le gouvernement était au courant du va-et-vient des derniers jours.

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: M. le Président, à savoir si le gouvernement était au courant du va-et-vient des vols aériens le 28 août dernier, les Forces armées canadiennes ont rapporté une quinzaine d'atterrissages et de décollages entre 20 h 15 et 21 h 30 sur la route, à l'intérieur de la réserve de Kahnawake. La piste d'atterrissage était aménagée sur la route reliant les routes 132 et 207, à sept kilomètres des barricades des Forces armées. Ces vols effectués à très basse altitude n'ont pas été repérés par la tour de contrôle de Dorval ni par celle de Saint-Hubert. Il s'agissait de quatre ou cinq petits appareils qui ne peuvent

pas transporter une grosse charge. Les Forces armées canadiennes n'ont malheureusement pas pu entamer la chasse. Le mauvais temps a interrompu toute activité aérienne peu après 21 h 30 et leur destination n'a pas pu être déterminée.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Elkas: II est faux de croire que des Warriors ou leurs armes aient pu quitter la réserve. La quantité d'armes trouvées hier en est la preuve.

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je comprends cette réponse tout à fait écrite, mais je voudrais reprendre ma question. L'année dit qu'elle n'avait pas le mandat. Est-ce vrai ou faux? Elle dit qu'elle vous a avertis, qu'elle a averti les deux paliers de gouvernement. Est-ce vrai ou faux? Quelle décision avez-vous prise dès que vous l'avez su?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: m. le président, à l'intérieur des 75 minutes où le va-et-vient s'est fait, l'armée a fait rapport au commandement, c'est-à-dire à saint-hubert et à longue-pointe. ces gens-là nous ont informés; on a suivi par une enquête. on a des informations concernant les va-et-vient et qui les a faits.

Le Président: En complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, comment se fait-il que le chef de cabinet du ministre, lui qui a l'air plus loquace, puisse affirmer qu'il a bel et bien été averti du va-et-vient, puisse affirmer qu'il aurait même pu y avoir des poursuites par des chasseurs de l'armée? Comment se fait-il qu'il n'y a pas eu de décision de prise? Est-ce qu'il sait qu'il est le ministre de la Sécurité publique?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: Je demanderais un peu plus de sérieux au député. Le tout a été fait à l'intérieur de 75 minutes. Est-ce que je dois le répéter? On a été avertis des faits après.

Le Président: En complémentaire, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre, de son siège, peut nous dire qu'il n'y a aucune arme de sortie, aucune saisie d'armes qui a été faite à partir de ça? Est-ce qu'il peut nous dire où sont les Warriors? Est-ce qu'ils ont échappé à la justice québécoise pour toujours? Comment voit-il son rôle de ministre responsable? Comment peut-il expliquer à cette Chambre pourquoi ne pas être intervenu immédiatement, dès qu'il l'a su par l'armée? Comment se fait-il qu'il a pu refuser à l'armée de lui donner un tel mandat, M. le Président?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: M. le Président, on n'a jamais refusé un tel mandat à l'armée. Je veux simplement répéter ce que je viens de dire. C'est qu'il y a eu enquête immédiatement après qu'on a su que les vols ont été faits, à l'intérieur de 75 minutes. Je demande au député: Qu'est-ce que les gens pouvaient faire? Faire des interceptions?

Le Président: En complémentaire.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre, qui a fait appel à l'armée canadienne, qui a été informé par l'armée canadienne... Est-ce que l'armée ment ou les dirigeants de l'armée mentent quand ils disent qu'ils n'avaient pas le mandat d'intercepter ni les armes ni les Warriors? Est-ce que le ministre est en train de nous dire que ce sont les commandants de l'armée qui mentent alors qu'il les avait avisés? Comment se fait-il qu'il n'a pas donné le mandat exprès d'intercepter pour que ces gens-là puissent faire face à la justice puisque le ministre de la Justice dit pompeusement que tout le monde est égal devant la justice?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique. (13 h 50)

M. Elkas: M. le Président, quelle meilleure preuve avons-nous, après les événements d'hier, qu'on est intéressés? Le mandat à l'armée était d'assurer la sécurité des gens de l'endroit et ils ont fait des saisies d'armes avec la Sûreté du Québec pour faire les preuves!

Le Président: En question additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais savoir si le ministre, au moment où on se parle, connaît la quantité d'armes qui sont sorties par le pont aérien. Est-ce qu'il sait combien il y a de Warriors qui sont sortis du Québec et qui échappent présentement à la justice? Comment se fait-il que le ministre, avec le premier ministre, ait dit qu'il n'était pas question d'assurer d'amnistie de quelque nature que ce soit, et qu'il arrive ce matin en disant: 75 minutes, on s'est encore fait avoir? Est-ce ça qu'on a comme ministre? C'est quoi fondamentalement le mandat que vous avez donné à l'armée si l'armée nous dit qu'elle n'avait pas le mandat?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je répondrai au leader parlementaire puisqu'il m'a impliqué: le chef de l'état-major a dit à plusieurs reprises que son mandat était de démanteler les barricades d'abord - ce qui a été fait - et de restaurer l'ordre public. On a vu hier que l'armée, avec la Sûreté du Québec, a procédé à une saisie d'armes et à des arrestations. Alors, je ne vois pas en quoi le leader parlementaire de l'Opposition peut conclure que l'armée ou la Sûreté n'essaie pas par tous les moyens possibles, en tenant compte de la situation, de trouver les coupables et de faire les saisies qui sont nécessaires. La priorité, c'était le démantèlement des barricades. Je dis au leader parlementaire de l'Opposition que le gouvernement a demandé à l'armée d'intervenir et que j'ai demandé à l'armée de rester sur les lieux et l'armée restera sur les lieux tant que l'ordre public n'aura pas été rétabli.

Le Président: Une dernière question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, du train où vont les choses, il n'y aura plus grand-chose à arrêter. Je voudrais savoir qui a le mandat exprès: Est-ce l'armée? Est-ce la GRC? Est-ce la Sûreté du Québec? Qui a le mandat, pour que justice soit égale pour tous, d'arrêter les Warriors et pour permettre de les traduire en justice? Qui a le mandat exprès? Pas des mandats 75 minutes après les faits! Qui a les mandats dans les faits immédiatement?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: M. le Président, l'armée a un mandat d'arrestation. Lorsque les personnes seront arrêtées, elles seront transmises à la Sûreté du Québec; la Sûreté du Québec a des mandats d'arrestation; lorsqu'elle les arrête, elle les interroge. La GRC a aussi des mandats d'arrestation.

Le Président: Une toute dernière additionnelle.

M. Chevrette: M. le Président, comment expliquer alors, si l'armée avait un mandat, qu'elle peut avoir laissé quitter le Québec à des dizaines de personnes et qu'elle ait laissé transporter des armes si elle avait eu le mandat? Ces mêmes gens-là viennent nous dire - on n'a pas à douter de leur bonne foi - qu'ils n'avaient pas le mandat. Qui ment dans cette histoire, M. le Président?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: M. le Président, à savoir si les Warriors ont sorti avec des armes, je n'étais pas là, je n'étais pas à l'intérieur de l'avion, je ne peux pas le savoir. Est-ce que vous avez des preuves qu'il y a eu du va-et-vient avec des Warriors? Vous n'en avez pas.

M. Chevrette: Vous n'allez toujours pas croire qu'ils faisaient...

Le Président: Un instant, un instant! Des voix:...

Le Président: une prochaine question principale, maintenant, à m. le député... s'il vous plaît! question principale, m. le député de jonquière.

Confiance accordée aux membres de la Sûreté du Québec

M. Dufour: Merci, M. le Président. Selon différentes déclarations, tant du côté du ministre de la Sécurité publique que du côté des représentants des autochtones, des policiers du Québec et des Forces armées canadiennes, on laisse entrevoir que la Sûreté du Québec n'aurait pas l'autorité et les compétences nécessaires pour assurer le maintien de la paix à Oka au lendemain du retrait complet de l'armée. La semaine dernière, le ministre de la Sécurité publique a évoqué la possibilité de mettre sur pied une garde nationale québécoise. De son côté, le commandant Foster des Forces mobiles canadiennes, estimant que sa mission était terminée et déclarait, hier, qu'il fallait trouver un concept acceptable pour toutes les parties afin de faire respecter la loi. Enfin, le chef de l'Assemblée des premières nations, M. Georges Erasmus, propose de mettre sur pied une force mixte constituée d'agents de la Gendarmerie et d'autochtones.

Le ministre de la Sécurité publique peut-il nous dire s'il fait encore confiance aux membres de la Sûreté du Québec dans la poursuite de leur travail?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: M. le Président, il me semble que je l'ai démontré à plusieurs occasions, lorsque j'ai eu l'opportunité de défendre les positions de la Sûreté du Québec, j'ai démontré que j'avais entièrement confiance en eux. Aujourd'hui, on fait face à une situation où des autochtones montent une espèce de propagande contre la Sûreté du Québec, nous accusent de toutes sortes de belles choses. S'ils ont vraiment une crainte, si on est des malins, des Bonshommes Sept

Heures puis tout ce que vous voulez, on peut simplement vous dire qu'on est prêts à accepter que d'autres forces policières se joignent à nous pour assurer le maintien de la paix et de l'ordre après la crise.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Le ministre nous dit qu'il a confiance et, après, il nous dit qu'il est prêt à mettre d'autres personnes avec la Sûreté du Québec. Est-ce que vous avez l'intention - et je pense que oui - de céder aux pressions et de retirer la Sûreté du Québec d'Oka et de Châ-teauguay?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: Aucune, M. le Président, je n'ai aucune intention de retirer la Sûreté du Québec. C'est son mandat d'assurer la surveillance du territoire de l'ensemble de la province de Québec. Ma mémoire me dit que le territoire d'Oka, le territoire de Kanesatake, la réserve de Kahnawake sont à l'intérieur de la province de Québec. Simplement, je veux réitérer que le mandat de la Sûreté du Québec, c'est la surveillance de ces territoires-là, et elle ne lâchera pas.

Le Président: En complémentaire.

M. Dufour: Est-ce que le ministre, puisqu'il a encore confiance en la Sûreté du Québec, selon son témoignage, peut dissiper les doutes de la population concernant la déclaration du président de l'Association des policiers provinciaux du Québec, M. Jocelyn Turcotte, à savoir que le pouvoir politique a neutralisé le pouvoir policier, que le mandat d'arrêter les auteurs de crimes est remis en cause, que le service de renseignements savait depuis longtemps que des armes illégales se trouvaient sur le territoire mohawk? Est-ce que le ministre peut dissiper ces doutes-là?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: M. le Président, je comprends les inquiétudes du président, M. Turcotte, et les déclarations qu'il a faites. À savoir si on était au courant qu'il y avait des caches d'armes à l'intérieur des territoires, vous étiez autant au courant que moi parce que j'ai entendu dire qu'en 1984 il y avait des pêcheurs dans la région du lac Saint-Louis qui s'étaient fait tirer dessus par les mêmes autochtones avec des armes semblables à celles auxquelles on fait face. À savoir s'il y avait des caches d'armes, on était au courant qu'il y avait des armes; à savoir la quantité d'armes, on n'était pas au courant du volume d'armes qui étaient sur place.

Le Président: Question complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Ma question, M. le Président, était de savoir: Est-ce qu'il y a eu ingérence politique durant l'opération de la Sûreté du Québec à Oka et à Châteauguay?

M. Elkas: Jamais, M. le Président. M. Gendron: Question additionnelle.

Le Président: Question additionnelle, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Comment le ministre de la Sécurité publique peut-il dire qu'il a confiance en la Sûreté du Québec alors qu'on sait que des voitures, des autos-patrouilles de la Sûreté du Québec ont été lapidées de pierres et de toutes sortes de choses par des Warriors et que ces gens-là puissent annoncer à toute la population qu'aucune arrestation n'a eu lieu. Comment pouvez-vous expliquer ça? Pensez-vous que si, moi, je lapidais des autos-patrouilles, il y aurait une arrestation ou il n'y en aurait pas? La question: Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'arrestation dans des cas précis comme ça où des autos-patrouilles ont été lapidées par des Warriors? Pourquoi n'y a-t-il pas eu d'arrestation?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: J'aimerais donc... Je ne sais pas, M. le Président, où était le député pendant la crise, s'il arrive d'une autre planète. Ce n'est pas les véhicules des...

Une voix:...

M. Elkas: Ce n'est pas les véhicules... Si on fait référence à ce qui s'est passé sur le pont à ville de LaSalle, ce n'est pas des véhicules de la Sûreté du Québec qui ont été...

Des voix:...

M. Gendron: Est-ce que le...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Or, il y a une personne qui pose la question. Je reconnais le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: ...ministre de la Sécurité publique, qui prétend qu'il a encore le titre et la fonction, n'est pas en mesure aujourd'hui de dire à cette Chambre et aux citoyens du Québec qu'il ne sait pas à quoi je fais référence et qu'il me ramène au pont à ville de LaSalle? Ce n'est pas de ça que je vous parie. Hier, il y a de vos

autos-patrouilles de la Sûreté du Québec qui ont été lapidées par des Warriors et des gens de la Sûreté du Québec ont affirmé à la population du Québec qu'ils n'avaient procédé à aucune arrestation. Qu'est-ce qui vous manque pour procéder à une arrestation dans ces cas-là?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Elkas: Le député a été un peu plus clair, on peut répondre à sa question. La question se pose concernant les incidents de Akwesasne et non sur ce qui s'est passé à ville de LaSalle. Il est vrai, il est vrai que la SQ a été attaquée d'une façon où les... Si vous connaissez d'ailleurs le territoire de Saint-Régis, c'est un petit territoire. Il y a eu des assauts sur des véhicules de la Sûreté du Québec. Les gens se sont retirés sur leur côté, aux US. On a fait rapport aux "State troupers" et eux vont procéder à des enquêtes. Nous aussi, nous allons faire nos propres enquêtes.

M. Holden: Question additionnelle, M. le Président.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Westmount.

M. Holden: M. le Président, pourquoi le gouvernement ne veut-il pas faire une enquête judiciaire sur les actions et les agissements de la Sûreté du Québec?

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: II y a toutes sortes d'affirmations qui ont été faites depuis quelques semaines et je crois qu'il est normal, il est logique que le gouvernement vérifie d'abord ces affirmations. Dans la plupart des cas, les affirmations se sont révélées complètement sans fondement. Alors, nous allons prendre connaissance des faits et nous aviserons par la suite. Il y a un travail de désinformation qui s'est fait. Je ne blâme pas les médias, mais il y a eu plusieurs affirmations qui ont été faites sur la Sûreté du Québec par des dirigeants Mohawks, qui, par la suite, n'avaient aucun fondement. Vérifions les faits et prenons les mesures en conséquence par la suite.

Le Président: Question principale, M. le chef de l'Opposition.

Questions au premier ministre inspirées par la crise autochtone

M. Parizeau: M. le Président, je vais commencer là où le premier ministre vient de quitter. Nous avons connu une crise très grave. Elle semble, à Kahnawake et à Oka, se terminer. Et là, je pense, nous devons reconnaître le rôle assez remarquable de l'armée pour amener une solution immédiate de cette crise. Nous aurions tort de ne pas le reconnaître. Mais maintenant, puisque c'est le seul jour où cette Assemblée nationale, semble-t-il, va siéger avant le milieu d'octobre, il faut demander à un gouvernement, qui accepte un peu trop facilement d'aller de crise en crise, qu'est-ce qu'il va faire maintenant. Où est-ce qu'on va à partir de là? La crise a l'air de vouloir se terminer et sans effusion de sang, grâce au ciel, enfin, au cours des derniers jours...

Des voix: Ah, ah!

(14 heures)

M. Parizeau:... sauf ce caporal de la Sûreté qui a été tué, sauf cette soixantaine de blessés, mais enfin, on semble voir le bout de cette crise-là. Mais là, je dois demander au gouvernement: Et alors, vous attendez la suivante? Qu'est-ce qu'on fait? Et à cet égard, j'aurais quelques questions au premier ministre. La première, commençons par la Sûreté du Québec. La Sûreté du Québec a été placée dans une situation extraordinairement difficile pendant toute cette période-là et en commençant par le 11 juillet Le 11 juillet, à la suite de l'assaut qu'elle a donné aux barricades et de son retrait, le gouvernement, le ministre de la Sécurité publique et le premier ministre ont dit: Nous n'étions pas au courant. Nous n'étions pas au courant.

Il y a eu ensuite cette question de la Sûreté du Québec face aux manifestants de Châteauguay et, finalement, il y a eu la question de ville de LaSalle.

Le Président: Votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Première question à l'égard de la Sûreté du Québec. Est-ce que le premier ministre va s'engager à faire faire une enquête sur tout ce qui s'est passé à l'égard de la Sûreté du Québec depuis le 11 juillet? Certaines affirmations sont incroyables comme celle disant que le gouvernement n'était pas dans le coup. Est-ce qu'une enquête va se faire quant à la Sûreté, tout ce qui a entouré l'action de la Sûreté depuis le 11 juillet pour la réhabilitation de la Sûreté dans notre société, et Dieu sait si c'est important? Ça peut être essentiel.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois avoir répondu, en partie à tout le moins, à la question du chef de l'Opposition. Pour l'avenir, là, je signale au passage que depuis le 1er septembre un code de déontologie s'applique sur les abus qui pourraient être faits. Pour ce qui a trait au passé, je dis au chef de l'Opposition que nous avons eu plusieurs représentations, notamment de

certains dirigeants mohawks, sur des agissements de la Sûreté du Québec. Encore ce matin. Nous avons vérifié immédiatement. C'était complètement faux. Je suis d'accord avec lui qu'il faut que la Sûreté du Québec, étant donné ses fonctions de maintenir l'ordre public, inspire confiance à la population. Donc, il est dans l'intérêt de tous que la transparence soit la plus grande possible. Mais je dis au chef de l'Opposition: II est normal d'accumuler les faits, ceux qui sont vrais, et, par la suite, de prendre des décisions qui vont dans le sens de l'intérêt du gouvernement du Québec, de la population du Québec et de la Sûreté du Québec.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Deuxième question, M. le Président. Puisque, semble-t-il, l'essentiel des armes des Warriors, de cet arsenal dont le Commissaire de la police de l'État de New York disait qu'il était plus important que l'arsenal de la police de New York, semble maintenant être quelque part, en tout cas, en dehors de Kah-nawake et d'Oka - probablement Akwesasne, j'imagine - puisque l'essentiel des Warriors a maintenant échappé à l'armée et se trouve, j'imagine, du côté d'Akwesasne, puisque, donc, toutes les conditions sont réalisées pour que l'arsenal et les hommes se retrouvant ailleurs, on puisse peut-être recommencer le bingo - dans tous les sens du terme - que nous avons connu depuis quelque temps, est-ce que le premier ministre a l'intention, avec le gouvernement canadien, le gouvernement de l'Ontario et le gouvernement des États-Unis, de déterminer une marche à suivre quant à ce qui peut recommencer à Akwesasne?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'ai répondu la semaine dernière que ce n'est pas un problème qui date de deux ans ou de trois ans. D'ailleurs, c'est reconnu par tous que c'est un problème qui date de décennies ou même de siècles et que, là, il y a eu cette explosion que nous connaissons au Québec mais qui est également arrivée, comme on le sait, aux Etats-Unis il y a une dizaine d'années et dans d'autres provinces du Canada. Nous ne sommes pas, à cet égard, un cas isolé. J'ai dit la semaine dernière au chef de l'Opposition que dans le cas d'Akwesasne il y avait quatre juridictions qui essayaient de travailler d'une façon concertée: la Sûreté du Québec, celle de l'Ontario, la GRC et la garde nationale de l'État de New York. Quatre juridictions et, au Québec, nous travaillons en concertation avec la GRC et l'armée canadienne.

Le travail de l'armée, je l'ai dit tantôt et je le répète au chef de l'Opposition, n'est pas terminé. J'ai demandé au chef de l'état-major hier même que je voulais que l'armée reste présente aux endroits stratégiques dans la région de Châteauguay, dans la région d'Oka, jusqu'à ce que l'ordre public soit pleinement rétabli. Et on a vu hier que des actions ont été faites par la Sûreté du Québec en concertation avec l'armée canadienne. Mais sans dire que la crise est tout à fait terminée, admettons au moins que nous avons pu réussir, avec la collaboration de la Sûreté, de l'armée canadienne et de la GRC, le démantèlement des barricades avec un minimum de violence et que ceci, je puis dire, a exigé un énorme sang-froid de la part du gouvernement du Québec, étant donné les circonstances. Mais on doit admettre qu'aujourd'hui nous constatons le démantèlement des barricades avec un minimum de violence.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, je reviendrai sur une troisième question mais additionnelle à la réponse que le premier ministre vient de me donner.

Puisque l'armée, la Gendarmerie royale, la Sûreté du Québec et le gouvernement du Québec n'ont rien vu des avions qui partaient en 75 minutes, est-ce qu'à l'autre bout, à Akwesasne, ils se sont assurés que le gouvernement de l'Ontario, le gouvernement canadien, le gouvernement des États-Unis et le gouvernement de l'État de New York avaient vu arriver les avions? Est-ce qu'ils se parlent, ces gens-là, des quatre juridictions, M. le Président?

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le ministre de la Sécurité publique a répondu tantôt au leader parlementaire que ces avions avaient volé à très basse altitude et ne pouvaient être décelés par les radars; ils se trouvaient dans un territoire qui n'était pas occupé par l'armée canadienne.

Cela étant dit, j'ai moi-même demandé, personnellement, au chef de l'état-major, le général de Chastelain, de faire enquête, ce qui était quand même déjà fait. L'armée canadienne, en concertation avec la GRC et avec la Sûreté du Québec, poursuit son enquête sur cette situation, sur cet incident. Je pense que l'armée canadienne a elle-même dit qu'à cause de la basse altitude, elle ne pouvait, les radars ne pouvaient pas les déceler, mais l'enquête se poursuit. Et le travail se poursuit, comme on l'a constaté, encore une fois hier. Des arrestations ont été faites. Le Procureur général, il y a quelques jours, a mentionné que plusieurs arrestations avaient été faites, que d'autres seraient faites et que nous procédons selon l'échéancier que nous connaissons. Nos objectifs étaient le démantèlement des barricades; à toutes fins pratiques, c'est accompli. Restaurer l'ordre

public est également un objectif fondamental pour le gouvernement du Québec et il sera appliqué comme tel par le gouvernement.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Finalement - troisième question, M. le Président - nous espérons tous que la crise s'achève. J'aimerais demander au gouvernement, enfin au premier ministre, dans ces conditions, où est-ce que vous allez à partir d'ici? Qu'est-ce que vous allez faire? J'imagine que vous n'attendrez pas la prochaine crise, la réapparition d'un groupe de Warriors quelque part. Le gouvernement, je l'espère et je le lui demande, doit avoir une idée de la façon dont il va répondre aux demandes des Mohawks comme d'autres groupes autochtones au Québec. Comment avez-vous l'intention de procéder? On ne peut pas simplement reporter à plus tard en disant: la prochaine crise.

Le Président: M. le chef de l'Opposition...

M. Parizeau: Est-ce que vous allez nous présenter un livre blanc? Non, ce sont des questions, M. le Président... Est-ce que vous allez nous présenter un livre blanc nous indiquant la position du gouvernement quant aux réclamations des autochtones? Allez-vous convoquer une commission à cet égard-là? Qu'est-ce que vous allez faire? À partir du principe qu'il faut nous renseigner, il faut nous dire: Nous sortons d'une crise, mais nous voulons savoir où ce gouvernement s'en va. (14 h 10)

Le Président: M. le chef de l'Opposition...

M. Parizeau: Est-ce qu'il y aura une enquête à l'égard de la Sûreté? On nous dit: On ne sait pas encore. Est-ce qu'il y a des tractations au sujet d'Akwesasne entre les autres juridictions et nous? On ne le sait pas. Alors, est-ce que je pourrais demander au premier ministre: Et quant aux réclamations des autochtones, qu'est-ce que vous faites? Allez-vous nous dire, et à la population du Québec, comment vous avez l'intention de traiter ça?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le rôle du chef de l'Opposition est bien facile devant un problème aussi complexe. Et je voudrais répondre au chef de l'Opposition d'abord que je n'ai pas dit qu'il n'y aura pas d'enquête. J'ai dit qu'on doit commencer par le commencement et voir les faits d'abord, ceux qui sont vrais et ceux qui sont faux. Je pense qu'il va de soi. Dans le cas de la collaboration, elle existe, la collaboration. Il y a eu plusieurs rencontres déjà entre les Américains, le gouvernement canadien, le gouver- nement de l'Ontario et le gouvernement du Québec. Je répète que c'est un problème qui date depuis longtemps.

Maintenant, il dit: Qu'est-ce que vous allez offrir aux interlocuteurs autochtones? Il faut savoir qui sont les interlocuteurs autochtones. Je pense que je n'apprends rien au chef de l'Opposition sur les divergences qui existent parmi les Mohawks et qui se remplacent les uns à la suite des autres avec des points de vue différents. Ça ne facilite pas la solution du problème. J'espère que le chef de l'Opposition s'en rend compte. Nous avons fait nos preuves. Nous avons été l'un des premiers gouvernements à signer une entente dans les années soixante-dix. Nous avons offert le gouvernement autonome, là aussi, l'un des premiers gouvernements à offrir et à signer des ententes pour un gouvernement autonome. Nous sommes prêts à poser d'autres gestes, mais nous voulons connaître les vrais interlocuteurs de la communauté autochtone. Et je dois vous dire que ce n'est pas la chose la plus facile.

Le Président: En question principale, M. le leader de l'Opposition.

Dommages subis par les propriétaires de la région d'Oka

M. Chevrette: Oui, M. le Président. À partir du principe que la justice doit être égale pour tous, j'aimerais savoir, M. le Président, si le ministre de la Justice a l'intention de confier à quelqu'un qu'il pourrait peut-être nous identifier l'enquête très sérieuse sur tous les dommages subis par les propriétaires dans la région d'Oka et ailleurs, dans leurs propres biens fonciers. Est-ce que ce sera la population du Québec qui aura à payer pour ces dégâts ou si justice sera farte contre les vrais criminels?

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, il y a peut-être deux volets dans la question du leader de l'Opposition. Dans un premier temps, en ce qui regarde le respect de la loi, j'ai toujours dit, au lendemain même des événements du 11 juillet, qu'on ferait respecter la loi et c'est ce que nous allons faire.

Il ne s'agit pas de faire de vendetta, M. le Président, il ne s'agit pas de faire de répression, mais la loi doit s'appliquer d'un côté comme de l'autre des barricades. J'ai des informations ici de plusieurs arrestations qui ont été faites. Je ne donnerai pas les chiffres, je n'ai pas à le faire, je ne dirai pas qui non plus, et vous comprenez très bien pourquoi, mais je peux vous assurer que la justice est appliquée d'un côté comme de l'autre des barricades en fonction des gens qui ont enfreint la loi, et c'est ce que nous allons continuer à faire. Avant de parier de commission

d'enquête, avant de parier d'autres interventions ou de quoi que ce soit, nous sommes dans une situation où la loi a été non respectée à plusieurs égards et, par conséquent, nous allons faire respecter la loi. C'est le premier volet.

Le deuxième volet, M. le Président, il s'agit des actions d'ordre privé qui peuvent être prises par des citoyens qui ont eu des dommages et qui peuvent identifier la personne qui a causé ces dommages. Si on peut relier le dommage à la personne qui a causé le dommage, il y a une action en justice, nos tribunaux sont là et je peux vous assurer que le système judiciaire est là, équitable et juste pour tout le monde, et il va s'appliquer.

Le Président: Une question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, les citoyens qui ont été chassés de chez eux vont avoir de la difficulté à identifier les saccageurs. Est-ce que le ministre a l'intention, comme il a les pouvoirs de le faire, de constituer, de confier une enquête spécifique à quelqu'un de compétent? Comment pourra-t-il poursuivre des saccageurs qui sont déjà partis à cause des 75 minutes du ministre de la Sécurité publique? Comment va-t-il faire pour trouver les véritables responsables et pour faire en sorte que ce soit les responsables qui paient et non l'ensemble des payeurs de taxes québécois? C'est ça, ma question précise.

Le Président: M. le ministre de la Justice.

M. Rémillard: M. le Président, à entendre parler le chef de l'Opposition - excusez-moi, le leader de l'Opposition, non pas le chef, excusez-moi, le leader de l'Opposition - on aurait l'impression qu'il a toutes les choses sous contrôle et qu'il connaît déjà tous les coupables. Tout ce que je peux vous dire, M. le Président, c'est que, pour ma part, comme Procureur général, il y a une présomption d'innocence qui va s'appliquer dans ce cas-là comme dans tous les autres cas et, quand j'ai les preuves devant moi, je poursuis. en ce qui regarde le citoyen, le citoyen peut prendre action devant les tribunaux dans la mesure où il peut identifier qu'il y a quelqu'un qui a fait des dommages à sa propriété. il va prendre action pour réparer les dommages. dans ce cas-là, m. le président, au niveau du ministère de la sécurité publique, on m'informe qu'il y a un programme d'aide financière qui, actuellement, est décrété. or, dans ce cas-là, il peut y avoir de l'aide qui est apportée à des citoyens qui ont subi des dommages par un acte criminel mais qui ne peuvent pas identifier le coupable comme tel. alors, c'est deux choses différentes: l'aide que l'état peut apporter à des victimes d'acte criminel et, d'autre part, des actions qui peuvent être prises au civil parce que quelqu'un, un propriétaire ou qui que ce soit, a subi des dommages à sa propriété, qu'il peut identifier la personne qui a fait les dommages et, par conséquent, il peut prendre procédure devant nos tribunaux.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de votes reportés.

Avis touchant les travaux des commissions

Aux avis touchant les travaux des commissions. J'ai un avis à vous transmettre. Je vous avise que cet après-midi, dès après la période des affaires courantes jusqu'à 18 heures, la commission de l'aménagement et des équipements se réunira à salle Louis-Hippolyte-Lafontaine afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, pour les mois d'octobre 1989 à mai 1990 inclusivement, pour le volet chasse et pêche et les mois de décembre 1989 à mai 1990 inclusivement, pour le volet loisir.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

M. Pagé: M. le Président...

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: ...si vous me permettez, je voudrais indiquer aux membres de cette Chambre, parce qu'on se le demande très certainement, qu'il est très probable que nous ayons à voter en deuxième lecture sur le projet de loi qui sera appelé dans quelques minutes entre 20 heures et 21 heures ce soir, comme aussi il est probable qu'un autre vote soit appelé vers 22 heures, 22 heures 30.

Le Président: Alors, cela met fin à la période des affaires courantes.

Projet de loi 90 Adoption du principe

Maintenant aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose maintenant la motion d'adoption du principe du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Alors, en sollicitant évidemment la collaboration de l'ensemble des députés. J'invite ceux qui ont à quitter à le faire immédiatement.

Très bien. Nous allons, dès maintenant, procéder à cette étape de l'adoption du principe du projet de loi 90 et je vais reconnaître, comme

premier intervenant, M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande d'ailleurs l'étude à l'Assemblée. (14 h 20)

M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté que je présente, au nom du gouvernement, au nom de mes collègues, députés de l'Assemblée nationale, particulièrement au nom de mes collègues de notre groupe parlementaire et au nom de mes collègues du Conseil des ministres, le projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Cette journée de séance extraordinaire de l'Assemblée nationale, cette journée que nous vivons tous ici, se veut très particulière et, même si j'ai toujours une utilisation très limitée et très restreinte du terme "historique", peut-être que, plus tard, on ne sait quand, cette séance de l'Assemblée, on y référera comme étant un point qui, possiblement, aura été déterminant à l'égard de notre avenir. Journée particulière, séance particulière parce que cette séance s'inscrit dans les moments forts et l'étude de ce projet de loi s'inscrit dans les moments forts du Québec et de ses institutions. En sa qualité de législateur, chaque parlementaire est aujourd'hui saisi de la proposition du gouvernement: créer la commission susceptible de tracer notre avenir politique et constitutionnel.

Au-delà des dispositions législatives que nous étudierons dans les six ou sept heures qui nous sont allouées, c'est plusieurs décennies de la remarquable évolution du Québec qui nous donnent et qui nous convient à ce rendez-vous stratégique. Cette rencontre avec nous-mêmes à travers ce qui nous rassemble et nous différencie a quelque chose de quand même très enthousiasmant, de très motivant. Cette rencontre avec nous-mêmes, elle se profile aussi pendant que notre analyse individuelle, comme personne, comme Québécois, et notre analyse collective n'ont pas fini de disséquer et d'analyser les-signaux du refus de l'accord du lac Meech le 23 juin dernier, alors que le 20 mai 1980, les Québécois et les Québécoises faisaient majoritairement un acte de foi dans le Canada.

M. le Président, suite au 23 juin dernier, chacun des membres de l'Assemblée, j'en suis persuadé, a profité de cette intersession pour maintenir et même accentuer les contacts avec nos concitoyens et nos concitoyennes.

J'ai visité de nombreuses régions au Québec, entre autres comme ministre de l'Agriculture et aussi comme ministre des Pêcheries. J'ai senti, M. le Président, et c'est ma perception person- nelle, que la très très grande majorité des Québécois, et non seulement les francophones, mais aussi les anglophones et les membres des communautés culturelles, qu'ils soient de différentes origines, d'origine anglaise, d'origine irlandaise, d'origine écossaise, italienne, juive, grecque, hollandaise, asiatique, antillaise, la très grande majorité de ces femmes et de ces hommes ont été ébranlés, surpris et déçus de l'échec de l'accord. Ces femmes et ces hommes sont nés au Québec ou, encore, ils ont choisi d'y vivre, animés par le même objectif que nous: Bâtir et façonner le Québec. Aujourd'hui, ces gens se cherchent, s'interrogent, se questionnent de façon tout à fait légitime. Ils sont conscients que notre statut politique est à redéfinir, à repenser. Canada, Québec, quelle est la place de l'un par rapport à l'autre? Y a-t-il encore une place pour les deux? Et surtout, qu'arrivera-t-il à compter de maintenant?

L'étude de ce projet de loi que nous amorçons aujourd'hui est certainement le moment privilégié pour les Québécois et les Québécoises de revoir ensemble comment et en quoi le Québec est devenu une société véritablement distincte du Canada. Et, pour bien saisir cette dimension d'un Québec, société distincte, on doit reculer de quelques générations, on doit voir et se référer au Québec d'hier, plus particulièrement à celui d'avant 1960 et c'est, entre autres, ce que je me suis apprêté à faire comme ministre d'un gouvernement, plus particulièrement auprès de collègues ou d'homologues d'autres provinces qui, il faut le reconnaître, M. le Président, ces bonnes gens ne saisissent pas toute la sensibilité, toute cette identification d'un Québec qui est maintenant, et on doit le dire, on doit l'affirmer, qui est véritablement distinct du reste du Canada. J'ai vu des ministres de l'Agriculture d'autres provinces qui s'expliquaient mal certaines revendications du Québec, et on doit reconnaître, en raison des circonstances, notamment, une méconnaissance très importante du Québec et de ses institutions. On doit se rappeler le Québec d'hier pour bien saisir et bien comprendre le Québec d'aujourd'hui. Le Québec d'hier est à l'image de toutes les terres d'Amérique. Le Canada et le Québec ont toujours symbolisé la liberté, le Nouveau Monde, le pays qui offre toutes les promesses.

Le Canada s'est bâti avec les efforts, l'engagement et la persévérance des deux peuples fondateurs, francophone et anglophone, qui ont recherché une certaine forme d'unité tout en reconnaissant leur diversité culturelle, notamment. Tous les Canadiens doivent reconnaître que le Québec a largement contribué à faire le Canada, bien au-delà de sa signature apposée au pacte confédératif de 1867. Je peux vous dire, sans aucune fausse modestie, et on peut poser la question: À quoi aurait ressemblé le Canada sans le Québec? Dans ce Québec d'avant 1960, la société québécoise s'est elle-même développée par

son travail, son acharnement à travailler dur, à travailler fort, sa volonté inébranlable de donner la vie à ces immenses territoires que sont les régions du Québec aujourd'hui.

Les Québécois ont su maîtriser le sol, le faire produire et donner vie et développer le monde rural. Ces mêmes Québécois et Québécoises d'avant 1960, ils auront contribué notamment par leur capital humain au développement industriel du Québec, qui a eu à faire face à des mutations. Parallèlement à tous ces efforts, il faut constater qu'avant 1960, c'est la communauté anglophone qui détenait le contrôle du capital, les leviers économiques dans le Québec d'hier. Les secteurs névralgiques, la clé du développement économique appartenaient notamment à du capital propriété d'anglophones.

Qu'on se réfère aux entreprises de pâtes et papiers, à la sidérurgie avant 1960, à l'électricité, à l'aluminium, aux banques, aux compagnies d'assurances, aux grandes compagnies de construction, au génie, etc., c'était la propriété de capital anglophone. C'était là l'économie québécoise au début des annés cinquante, un Québec où la voix du capital était anglophone pendant qu'une majorité francophone besognait, industrieuse et fondamentalement catholique pratiquante. Le sort du capital anglophone avait comme écho le catholicisme ardent de la majorité francophone.

Le Québec d'aujourd'hui a vécu sa période charnière, une période qui sera très certainement identifiée comme étant parmi les plus cruciales de l'avenir du Québec. Cette période, elle s'inspire du tremplin de la Révolution tranquille. Avec les années soixante, avec l'arrivée à Québec, ici même à l'Assemblée nationale, d'un nouveau gouvernement qui remplaçait le gouvernement précédent qui avait siégé du côté droit de votre fauteuil pendant quelques décennies, c'est l'émulsion, c'est tous les espoirs qui sont permis, c'est l'explosion d'idées, d'aspirations, c'est une mutation profonde qui s'amorce dans notre société. C'a été, dans le domaine de l'éducation, le rapport Parent, on se rappelle. C'a été la démocratisation de l'enseignement. (14 h 30)

D'ailleurs, je suis persuadé, parlant tout au moins pour moi, que n'eût été cette mutation importante d'un accès plus démocratique à l'enseignement, moi, je ne serais pas ici en tout cas et plusieurs de mes collègues, parce qu'on donne l'image et nous sommes un Parlement qui est relativement jeune, j'en suis persuadé, plusieurs de mes collègues ne seraient pas ici aujourd'hui pour représenter nos honorables citoyens.

Même chose dans le domaine économique. Collectivement, à partir de 1960, les Québécois se sont donné des outils de développement, des outils de développement structurant. Qu'il me suffise de référer à la Caisse de dépôt et placement qui a des actifs de 37 500 000 000 $ aujourd'hui, la Régie des rentes avec 14 000 000 000 $. la SGF, Société générale de financement, d'autres sociétés d'État qui, dans chacun de nos ministères respectifs à vocation économique, jouent des rôles de premier plan pour le développement et le renforcement de l'économie au Québec. Même mutation au niveau politique pour accélérer la modernisation du Québec et tenir compte de ses aspirations. Le gouvernement Lesage et ses successeurs livrent bataille pour obtenir une plus grande autonomie fiscale. Le Québec exige du gouvernement fédéral l'obtention de points d'impôt Sur tous ces plans, le Québec se distingue. Le Québec émerge comme une société forte et surtout une société qui est résolue et qui veut maîtriser l'ensemble des leviers de son développement non seulement au niveau économique mais au niveau social et au niveau culturel.

C'est formidable les défis qui ont été relevés au début de cette décennie. Qu'il me suffise de référer aux services sociaux, à l'éducation, aux communications, à nos politiques en matière d'immigration, aux affaires culturelles, à l'agriculture, un secteur que j'ai le privilège de représenter et qui a vécu des mutations profondes. On s'est doté d'une fonction publique progressive, dynamique, compétente.

Les années soixante constituent donc un grand tournant dans le secteur de la santé et des services sociaux. Cet élan se poursuit au-delà des années soixante-dix. Après la Loi sur le régime de rentes, la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur l'aide sociale, l'instauration d'un régime québécois d'allocations familiales, l'ensemble du système de santé du Québec s'organise autour de la création du ministère des Affaires sociales en 1970 et je me rappelle plus particulièrement, comme étudiant, la loi 65 qui, à l'époque, avait été adoptée, ici, à l'Assemblée nationale, présentée par M. Claude Castonguay. Tous ces importants changements s'effectuent dans la foulée des travaux de la commission Castonguay.

Parallèlement à sa lancée en matière de santé et de services sociaux, le Québec a consacré des efforts gigantesques, a pris les bouchées doubles, a pris les bouchées triples en matière d'éducation, d'enseignement et de formation. Sur la base du rapport Parent, le système d'éducation subit une fulgurante transformation basée sur un concept: l'accès à l'éducation, la démocratisation de l'enseignement au Québec. La Révolution tranquille a ouvert les portes des universités, a créé les cégeps et aura permis à cette jeune génération de Québécois de l'époque et d'aujourd'hui d'accéder à l'éducation. Dans cette foulée, le Québec a fait valoir sa compétence constitutionnelle en matière d'éducation et a dénoncé le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral.

Au fur et à mesure qu'il se construit, le Québec moderne prend conscience de son im-

mense potentiel et de son rôle particulier dans la Fédération canadienne. Conscient de son visage majoritairement francophone, il développe des liens avec la francophonie internationale pendant cette période, déploie et met en place un réseau de délégations à l'étranger - 28 points de référence du Québec autour du monde - témoigne de son leadership en organisant et en étant très actif au sein de la communauté francophone internationale. Ça a été, pendant ces périodes, une prise de conscience par les parlementaires - et non seulement par les parlementaires mais aussi par l'ensemble des Québécois - de l'obligation que nous avions de mieux maîtriser nos leviers, entre autres au niveau des communications, parce que pour nous, ici, les parlementaires québécois, la clé de l'épanouissement au Québec réside dans sa croissance économique mais aussi - et ça va de soi - cet épanouissement réfère à notre culture, nos communications entre autres. Ces deux secteurs ont été rapidement identifiés comme étant des enjeux majeurs pour la consolidation et la promotion du caractère propre du Québec. Dès 1961, M. Lapalme devient le premier titulaire du ministère des Affaires culturelles. Cette année, nous célébrons le 20e anniversaire du ministère des Communications. Si on a dû créer ces deux ministères, entre autres en 1961 et en 1970, c'est parce que le Québec se devait, pour assurer sa promotion, sa sécurité culturelle, d'intervenir dans ce sens-là. Je comprends que des collègues à moi du Manitoba, de l'Alberta ou de Terre-Neuve n'ont pas eu à vivre ces mutations, n'ont pas eu à se prémunir face aux objectifs recherchés par une population, par une province, ils n'ont pas eu à se prémunir par l'adoption de dispositions législatives comme celles créant différents ministères.

Au chapitre des communications, c'a été particulier. Le Québec doit également livrer bataille. La juridiction constitutionnelle en matière de câblodistribution, les pouvoirs de la Régie québécoise des services publics sont devenus de grands enjeux. Le Québec veut assurer sa responsabilité et sa continuité d'intervention. J'étais jeune parlementaire ici, en 1973-1974, quand ces débats se sont posés à l'intérieur du Canada, et particulièrement pour nous, au Québec, qui étions spécifiquement touchés, affectés quand ces débats ont eu cours ici, à l'Assemblée nationale. Cette position québécoise a été revendiquée par tous les ministères, tous les ministres des Communications, que ce soit M. L'Allier de 1970 à 1975, M. Hardy, M. O'Neill, M. Vaugeois, M. Richard, M. Bertrand, M. French, M. Dutil. Encore aujourd'hui, dans un domaine aussi sensible, pour une collectivité comme la nôtre, que sont les communications, notre collègue, la ministre des Communications, doit veiller aux intérêts du Québec, alors qu'en septembre 1989 le gouvernement fédéral annonçait une nouvelle politique des télécommunica- tions basée sur une centralisation presque totale au niveau des pouvoirs réglementaires.

Ce problème ne se pose pas avec la même acuité ailleurs et c'est ce qu'il faut faire ressortir en appui à cette affirmation d'un Québec société distincte. Cette identité propre au Québec, particulièrement au niveau culturel, a conduit à l'adoption de législations qui nous sont spécifiques. Le plus bel exemple qui doit susciter la fierté pour l'ensemble des Québécois, c'est la loi sur le statut de l'artiste au Québec. On se doit de saluer et de souligner l'adoption et la présentation de ce projet de loi par ma collègue, Mme la vice-première ministre et députée de Chomedey, qui a parrainé cette loi. Il faut d'ailleurs souligner, quand on parie de société québécoise qui est bien particulière, qui est bien distincte du reste du Canada, il faut souligner - je veux en profiter, aujourd'hui, pour saluer l'apport considérable des créateurs du Québec qui ont contribué et qui contribuent à l'essor et au rayonnement international de la société québécoise et ce, dans l'ensemble des secteurs de la création: la chanson, la peinture, la musique, la poésie, la danse, la mode, la sculpture, le cinéma, l'architecture.

L'immigration et les positions adoptées, les lois adoptées par l'Assemblée nationale du Québec, des lois qui n'ont pas d'analogie dans d'autres provinces. Parce que le problème ne se posait pas dans ces autres provinces, on a dû adopter ici tout un cadre législatif. On a dû supporter, par des mesures budgétaires, des politiques, des programmes, etc. Et, encore là, 1968 aura marqué la création du ministère de l'Immigration. À ce jour, le Québec est la seule province au Canada où un tel ministère, structuré comme il l'est chez nous, comme il l'est ici, existe dans notre forme, ici. Les revendications du Québec en matière d'immigration visaient et visent à obtenir de nouveaux pouvoirs. Ces revendications ont débouché sur des ententes administratives avec le gouvernement fédéral. La plus récente de ces ententes a donné lieu à l'entente Cullen-Couture, conclue en 1978, et a donné au Québec le pouvoir de sélectionner les immigrants à l'étranger. (14 h 40)

Le moment est très bien choisi aujourd'hui pour saluer les ministres qui ont eu à assumer ces responsabilités depuis 1968, qui ont travaillé avec détermination, avec ferveur, pour s'assurer que là aussi, comme dans d'autres secteurs, le Québec puisse mieux maîtriser ces leviers, un levier combien important qu'est celui de l'immigration.

Le Québec, au cours de ces années, a vécu des mutations importantes, dans le domaine de l'agriculture, notamment. Notre agriculture, qui est passée d'une agriculture avec comme objectif l'autosuffisance à la ferme, une agriculture qu'on peut qualifier aujourd'hui de quasi artisanale à l'époque, est devenue une véritable agriculture

industrielle. Juridiction partagée entre le gouvernement canadien et les provinces. Mais, encore là, le Québec aura tracé la voie. Le Québec aura assumé sa définition d'une agriculture de façon très particulière. Il y a seulement au Québec qu'on a, exemple concret, un cadre législatif pour le syndicalisme agricole au Canada. C'est au Québec qu'on a dit oui, immédiatement, à des mesures de discipline pour souscrire à des structures de mise en marché et de contrôle de l'offre, ce qui aura contribué à sécuriser les revenus de nos agriculteurs et de nos agricultrices. Je me réfère ici à toute la notion des plans conjoints où on a adhéré immédiatement et où, aujourd'hui, certaines provinces canadiennes regrettent, évidemment, de ne pas s'être inscrites, à ce moment-là, dans cette démarche, dans cette foulée.

Le Québec, en agriculture, est distinct par ses programmes. Le programme de stabilisation du revenu, c'est peut-être le plus bel exemple à donner. En 1974, ici même à l'Assemblée nationale, on a adopté une loi permettant au Québec d'offrir à nos agriculteurs des programmes de stabilisation de leur revenu basés sur les coûts de production, des régimes contributors où l'agriculteur paie pour le tiers et le gouvernement pour les deux tiers. Peu de temps après, voyant la performance, le résultat net positif, le caractère éminemment structurant pour l'agriculture québécoise, le gouvernement canadien a adopté une loi analogue. Mais on aura dû assumer - pendant quoi? - pendant 14 ans, 15 ans, une situation où le gouvernement canadien, par la voix de ses ministres de l'Agriculture, nous disait essentiellement ceci: Vous autres, au Québec, vous avez vos propres régimes. Abolissez vos régimes et, quand vos régimes seront abolis, vous viendrez participer aux nôtres. Il nous aura fallu 15 ans. Position de M. Whelan, ministre de l'Agriculture du cabinet de M. Trudeau, M. Wise du premier cabinet de M. Clark, M. Wise, deuxième mandat comme ministre avec M. Mulroney. Il nous aura fallu plaider, défendre, soutenir, démontrer, argumenter, pour en arriver à l'équité et à la justice, en maintenant intégralement nos régimes.

Même chose au niveau des programmes de financement agricole qui font l'envie des autres provinces. Mais ils sont tous unanimes à reconnaître que cette spécificité des programmes agricoles au Québec donne des résultats. À preuve, la seule province où le revenu net était positif en agriculture au Canada, l'an dernier, c'était au Québec. Il ne faut pas se surprendre qu'aujourd'hui les autres provinces canadiennes aient adapté, il y a quelques mois, des régimes d'assurance-récolte correspondant exactement à ce qu'on s'était donné ici au Québec avec M. Lesage qui avait lancé l'assurance-récolte sous le thème "On veille au grain" en 1964-1965.

Je me référais tout à l'heure à la fonction publique et je veux souligner et saluer la contribution évidemment importante, pendant cette période de mutation majeure, d'une fonction publique, de femmes et d'hommes qui ont accepté de travailler pour le gouvernement du Québec, pour l'État québécois, d'une équipe de femmes et d'hommes pleinement associés aux nombreux défis qu'on a relevés ensemble comme collectivité.

Le Québec moderne, le Québec d'aujourd'hui, c'est, en termes économiques, en outre, la capitale institutionnelle des organismes gouvernementaux ou paragouvernementaux. On doit reconnaître que, la aussi, on a fait un bout de chemin formidable comme société et comme communauté. Qu'il me suffise de me référer au fait qu'il y a trois ans les exportations internationales du Québec franchissaient le cap des 20 000 000 000 $. Le Québec exporte majoritairement aux États-Unis mais développe également des marchés en Europe, en Asie, autour de la planète, somme toute.

Sur ce plan aussi, les entreprises québécoises sont agressives. En 1988 seulement, le Québec a augmenté ses exportations vers le Japon de 32 %. Fondamentalement, pour des motifs économiques aussi, le Québec a, depuis 50 ans, une délégation du Québec à New York et, depuis 28 ans, une délégation du Québec à Londres.

Si on recule à la fin des années cinquante et qu'on compare aujourd'hui notre performance collective, on doit être fiers d'entreprises comme le mouvement Desjardins qui a des actifs de 42 000 000 000 $, Hydro-Québec: 33 000 000 000 $; nos entreprises dans le domaine de l'alimentation qui appartiennent à des Québécois dont les actifs vont bien au-delà des 2 000 000 000 $ ou 3 000 000 000 $. Des entreprises comme Cascades, Québécor, Tembec, Pomerieau, Lavalin, SNC, on pourrait s'y référer. On pourrait aussi donner des exemples concrets, visibles, dans chacune des régions du Québec parce que l'économie et la vitalité économique du Québec, ce n'est pas uniquement ces grandes entreprises, c'est aussi un tissu très bien tricoté, si je peux utiliser le terme, de petites et de moyennes entreprises au niveau de chacune de nos régions, qui constitue en quelque sorte le poumon économique de ces régions. Cette performance extraordinaire, depuis 1960 notamment, a résulté, a débouché sur une situation où on doit le proclamer avec fierté: Les Québécoises et les Québécois ont maintenant confiance dans leurs moyens, dans leur capacité de faire. Les connaissances n'ont plus de frontières; avec tous ces systèmes, avec tous ces services qu'on s'est donnés chez nous, nous sommes capables de faire face aux défis les plus audacieux comme collectivité.

Si l'histoire récente des 30 dernières années met en relief le fulgurant développement du Québec, qui en a consacré à maints égards son caractère distinct, elle est aussi parsemée d'événements et de périodes qui sont, pour ainsi

dire, des relais dans le cheminement politique du Québec. Souvenons-nous du slogan "Maîtres chez nous", de M. Jean Lesage, un grand premier ministre. Derrière cette promotion, cette publicité, cette identification, l'objectif était clair: remplacer les subventions fédérales conditionnelles par des arrangements de partage fiscal qui réduisaient la dépendance du Québec vis-à-vis d'Ottawa. De plus, une autre revendication du Québec touchait l'augmentation de sa part des recettes fiscales provenant de l'impôt sur le revenu personnel, celui des sociétés et ceux des droits successoraux. Plus tard, sous le vocable "Égalité ou indépendance", le premier ministre Johnson réclamait aussi la part du Québec sur les impôts directs perçus par Ottawa, les revenus des individus, des sociétés et sur les droits successoraux.

La position du Québec recherchait deux objectifs à l'époque: reconnaissance politique et juridique de la nation canadienne-française et maîtrise d'oeuvre en matière d'éducation, de sécurité sociale, d'économie, de culture et, également, au niveau des relations du Québec avec certains pays et organismes internationaux.

Ce double objectif ne pouvait toutefois pas être atteint sans la fin des programmes à frais partagés et l'élaboration d'un nouveau régime fiscal. Qu'on se rappelle les négociations de Victoria en 1971. Le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, marqua son désaccord vis-à-vis de la proposition du gouvernement fédéral à cause, notamment, de la position d'Ottawa en matière de sécurité du revenu. Inévitablement, l'arrivée du premier ministre Trudeau et sa vision très centralisatrice du Canada s'inscrivaient à rencontre des revendications québécoises qui luttaient contre l'uniformité des politiques fédérales. (14 h 50)

L'accord du lac Meech, conclu en 1987 avec l'assentiment de tous les premiers ministres, comportait des conditions minimales qu'exigeait le Québec pour réintégrer le pacte confédéral de 1982 parce qu'on n'y était pas en 1982, M. le Président. Je voudrais ici profiter de cette opportunité pour saluer et souligner tout le capital humain d'investi, toute la foi donnée dans cette démarche par le premier ministre du Québec et par mon collègue le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes et ministre de la Justice qui ont travaillé fort, qui ont besogné dur, comme celles et ceux qui ont bâti le Québec pour en arriver à cette entente. Une entente qui prévoyait la reconnaissance du Québec comme société distincte, qui prévoyait l'accroissement des pouvoirs du Québec en matière d'immigration, ce qui est tout à fait légitime, qui prévoyait la participation du Québec à la nomination des juges à la Cour suprême, qui prévoyait aussi le droit de retrait d'un programme fédéral avec compensation financière, le droit de veto sur tout amendement constitutionnel qui affecte la structure du fédéralisme canadien. Maintenant que Meech n'a pu être ratifié, le Québec est le seul maître de ses décisions.

Je me rappelle très bien, au dernier conseil général, mes collègues députés et ministres étaient tous questionnés à l'entrée du conseil, les journalistes nous demandaient: Qu'est-ce qui va arriver si Meech échoue en juin prochain? J'avais dit à l'époque: La solution ne devra venir que du Québec. Les journalistes se sont demandé ce que ça voulait dire. Nous y sommes aujourd'hui. Même si le premier ministre du Canada, M. Mulroney a affirmé, le 29 juillet 1990, et je cite: "Pas question pour moi, comme Québécois et Canadien, de rester tranquillement assis chez moi pendant qu'une commission parlementaire québécoise tentera de définir une nouvelle Fédération". Et somme toute, ce que ça disait et ce que de nombreux députés, membres du groupe parlementaire de M. Mulroney, disaient, c'est que ce n'était pas au Québec de dicter l'avenir du Canada. Mais une chose qui est certaine en ce qui me concerne comme député de l'Assemblée nationale, le Québec n'a jamais eu la prétention de vouloir définir l'avenir du Canada, mais en contrepartie, toutefois, ce n'est pas le Canada qui va venir définir l'avenir du Québec, parce que l'avenir, le statut politique, le statut constitutionnel du Québec de demain - et on l'enclenche ce processus aujourd'hui qui est une seule étape de ce processus, j'en conviens - cet avenir se bâtira par les Québécois et par les Québécoises.

Le projet de loi 90 que je propose pour adoption aujourd'hui prévoit l'institution d'une commission avec un cadre bien détaillé de fonctionnement auquel je reviendrai, mais aussi le dépôt de ce projet de loi, M. le Président, interpelle en même temps tous et chacun et chacune des citoyens et citoyennes du Québec à s'inscrire dans cette démarche de réflexion, d'analyse, d'étude.

J'invite entre autres les Québécois à suivre de très près les échanges qui auront cours autour de cette table de la commission parlementaire, de la commission extraordinaire qui est créée par cette loi. Les gens de chacune des régions doivent se sentir directement concernés, touchés par les travaux de cette commission extraordinaire. Ce projet de loi, en fait, interpelle l'ensemble des citoyens. Il interpelle aussi tous les groupes, les associations qui interviennent quotidiennement dans leur milieu: Quel Québec voulez-vous? Quel Québec êtes-vous prêts à bâtir? Les femmes du Québec devront faire porter leur voix en référence à leur perception du Québec de demain, les entreprises, les entreprises coopératives, les syndicats, les chambres de commerce, les groupes plus particulièrement impliqués dans le développement régional ou dans des secteurs bien particuliers comme le secteur des pêcheries où, là aussi, il y a toute une dynamique à l'intérieur du Canada, mais on a une

industrie des pêches qui est importante au Québec. Ces gens directement concernés devront venir nous dire, dire aux membres de la Commission comment ils entrevoient la réalisation de leurs objectifs dans le cadre de ce processus de révision, de consultation.

Le projet de loi 90 propose une commission qui doit analyser et étudier le statut politique et constitutionnel et, par la suite, faire des recommandations. Le projet de loi prévoit évidemment des consultations. De ce fait, le projet de loi 90 - et je suis fier, comme leader du gouvernement et comme celui qui a le privilège de présenter cette loi, de voir l'unanimité qui se fera autour de ce projet de loi - traduit la volonté ferme du québec de décider seul, à compter de maintenant, de son avenir. pour assurer le maximum d'efficacité et d'accessibilité aux travaux de la commission, le projet de loi prévoit que des consultations se tiendront sous trois formes: des audiences publiques, des auditions d'experts qui viendront informer les membres de cette commission de leur perception, de leur position sur certains problèmes ou dans certains secteurs, et des forums sur des aspects particuliers.

Je voudrais vous indiquer, M. le Président, que des amendements seront apportés, entre autres, en ce qui concerne une demande qui a été formulée par le parti d'Opposition du nom de Parti Égalité qui nous a demandé que son chef, M. le député de D'Arcy-McGee, puisse être membre de la Commission sans droit de vote. C'était là la demande. J'ai eu une réaction première, et je pourrai y revenir dans le cadre du comité plénier, où je m'interrogeais à savoir comment l'Assemblée nationale pouvait, dans le cadre de la création d'une commission extraordinaire, nommer des membres de l'Assemblée nationale comme membres de cette Commission et que le député de D'Arcy-McGee demande d'être membre sans droit de vote. Nous aurons l'occasion d'en discuter d'ici quelques heures. Une chose est certaine, ça sera beaucoup de monde - on le verra tout à l'heure - des parlementaires d'ici, des parlementaires qui siègent à ottawa, des gens des entreprises, des syndicats, des coopératives, du monde de l'éducation, de la culture.

Dans cet esprit et cette volonté d'accessibilité à la Commission, je crois personnellement, comme leader, que les exécutifs des grands regroupements, syndicats, entreprises, devront manifester le souci de la plus grande sensibilité possible envers chacun de leurs membres. Il en va de la crédibilité de toute la démarche, c'est-à-dire la capacité qu'auront les personnes qui siégeront comme représentants de tel ou tel autre secteur sur cette Commission de vraiment aller au coeur même, aux racines de leur organisme pour être en mesure de faire valoir, de prendre des positions qui transpireront réellement l'opinion des membres de ces organismes.

En conclusion, M. le Président, je dois vous dire que le 23 juin - on a ajourné nos travaux le 22 - notre groupe parlementaire, notre groupe politique s'est réuni en caucus; je dois reconnaître que la totalité des députés de notre groupe étaient chagrinés, déçus et inquiets; je pense que je peux dire que chacun des membres avait mal à son pays le 23 juin dernier. Personnellement, j'avais mal à mon pays le 23 juin dernier, comme suite de l'échec de cet accord dans lequel nous avions fondé tellement d'espoir, tellement de confiance. Cependant, on doit retenir que, devant le non de certaines provinces à l'accord du lac Meech, autant aujourd'hui nous abordons la question de l'avenir du Québec avec confiance, avec sérénité, aussi avec lucidité parce que nous sommes conscients que, comme le disait le premier ministre, ça ne sera jamais plus pareil, ça ne sera plus jamais comme avant, au Canada, en termes de rapports politiques. (15 heures)

Cependant, nous devrons toujours avoir à l'esprit que nous serons toujours là au Québec et que, eux aussi, au Canada, ils seront toujours là. Quel que soit le résultat de nos travaux, des recommandations ou du suivi qui en sera donné, notre lien géographique fera que l'on devra conserver des liens économiques avec tous nos voisins d'est en ouest. C'est un processus qui est amorcé aujourd'hui qui nous conduira à un dépôt d'un rapport ici à l'Assemblée nationale au plus tard le 28 mars 1991, qui entraînera très certainement une prise en considération de rapport pendant un certain nombre d'heures où le sujet sera discuté, traité ici sur le parquet de l'Assemblée.

Je dois dire, et je m'en voudrais, que je regrette, personnellement, que l'Opposition officielle ait déjà indiqué que le rapport serait minoritaire. Et, mon cher collègue, le leader de l'Opposition, semble en douter. Tant mieux si ce n'est pas le cas parce que c'est un processus éminemment démocratique, important de consultation qu'on amorce et qu'on enclenche aujourd'hui. L'idéal commanderait, ça va de soi, que la prise en considération du rapport de cette Commission débouche sur autant d'unanimité à l'Assemblée nationale.

En ce qui nous concerne, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, nous amorçons une étape cruciale avec, comme les autres parlementaires, comme les Québécois, notre coeur, notre raison, mais la meilleure garantie pour cheminer à travers cette étape cruciale, c'est l'expérience et les réalisations concrètes, en ce qui nous concerne, de notre premier ministre, M. Robert Bourassa, qui a toujours défendu les intérêts supérieurs du Québec. Large expérience. On peut y référer brièvement: secrétaire de la commission Bélanger, à l'époque, sur la fiscalité; jeune parlementaire ici même, si je me rappelle bien, assis au fauteuil de Mme la députée de Marie-Victorin, entre 1966 et 1970 au tout début;

responsable et critique de questions économiques, qui a toujours suivi le dossier constitutionnel du Québec et des revendications du Québec de très près; premier ministre de 1970 à 1976 qui a su marquer cette décennie au niveau du développement économique, du développement social, etc., les grandes réformes. Après 1976, notre chef a étudié les formes nouvelles de structures politiques, notamment en Europe, et a travaillé avec ténacité et avec force pour obtenir cet accord du lac Meech.

J'ai confiance, comme leader parlementaire du gouvernement ici, que le leadership, l'autorité, les connaissances, l'expérience et la force de notre chef seront une contribution éminemment déterminante à l'avenir du Québec. Je suis convaincu personnellement que l'agressivité et l'amertume ne prendront jamais le dessus sur sa détermination et sa conviction d'agir en fonction des intérêts supérieurs du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader du gouvernement. Je reconnais maintenant le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette. M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, d'entrée de jeu, je dirai, bien sûr, que l'Assemblée nationale du Québec vit sans doute un de ses bons moments. C'est la première fois effectivement en cette Chambre qu'on accepte, de quelque côté de la Chambre que l'on soit, de discuter de notre avenir. C'est la première fois, à ma connaissance, qu'il y a unanimité pour chercher la voie politique du Québec et ce, d'une façon unanime.

J'étais content d'entendre le leader du gouvernement dire que le Québec a toujours cherché plus de pouvoirs. Je ne rappellerai pas l'histoire du Canada, mais je vais dire, par exemple, que, depuis mon jeune âge, je me souviens des luttes pour l'autonomie du Québec, je me souviens des luttes pour être maîtres chez nous, je me souviens des luttes pour obtenir notre égalité et je me souviens des luttes aussi pour accéder à notre souveraineté politique. Et ça, M. le Président, ça a été constant. Je pense que ça tire son origine, M. le Président, du fart qu'il y avait deux peuples fondateurs au moment où on a formé ce pays qu'est le Canada, deux peuples fondateurs qui parlaient d'égal à égal, mais, depuis lors, depuis belle lurette, ces deux peuples fondateurs, M. le Président, sont devenus neuf provinces contre une ou pratiquement.

Dans le Canada anglais, on n'a jamais accepté qu'on soit une société distincte au vrai sens du terme. Pour eux, il y a un peuple canadien sans distinction et, bien sûr, si on veut s'amuser à parier notre langue ici et là, dans les couloirs, bravo. Mais ce n'est pas vrai qu'on est un peuple distinct capable de s'autodéterminer, capable de décider de nos différents points de vue, de notre économie, de notre culture, de notre forme d'éducation, de notre forme de services de santé, etc. M. le Président, cette notion de deux peuples fondateurs a été littéralement diminuée au fil des ans, si bien qu'on se retrouve un dixième au niveau de la décision à prendre quant à notre avenir même, quant à notre identité propre, et ça, c'est inacceptable, M. le Président.

Mais, aujourd'hui, l'Assemblée nationale du Québec adopte un projet de loi qui va permettre à tous les Québécois, de quelque origine que ce soit, de venir dire ce qu'ils voient être le Québec de demain, le Québec où on deviendra, je l'espère, à toutes fins pratiques, nous, ce peuple cofondateur du début, où on pourra se parier entre nous, décider des choses - mais se présenter comme une entité face à une autre entité politique, et c'est ça, fondamentalement, je crois - sur lesquelles nous aurons sans doute des divergences d'opinions de part et d'autre, mais H y a au moins une volonté dans le peuple présentement, c'est de cesser les tergiversations, de cesser les interminables discussions, les négociations tronquées avec un peuple que je respecte, mais qui doit accepter que moi, comme peuple québécois, j'ai le droit aux mêmes aspirations, aux mêmes pouvoirs de décision, sans diminution à cause du nombre, M. le Président. Je pense, fondamentalement, que l'Assemblée nationale doit se féliciter du fait qu'au moins on va donner l'opportunité à ce peuple...

Quand on regarde les sondages, M. le Président, après l'échec de Meech, ça a été d'une clarté. Je ne fais pas la même lecture des événements, bien sûr, que le leader du gouvernement a faite. Le leader du gouvernement disait, M. le Président, tantôt, et je crois qu'il est de bonne foi: Les Québécois, le 20 mai 1980, ont fait un acte de foi au fédéralisme canadien. Ce n'est donc pas avoir vécu les événements pour savoir que ça n'a pas été un acte de foi, M. le Président. Dans un pourcentage énorme, ils répondaient à des actes d'intimidation. Quand le gouvernement central injecte au-delà de 25 000 000 $ pour battre un référendum québécois, pour contribuer à faire en sorte que les Québécois se sentent dépendants, qu'ils craignent pour leur avenir économique... Il y a des gens qui ont colporté, M. le Président, qu'on étoufferait. Ces mêmes gens, aujourd'hui, après l'échec de Meech, viennent nous dire: Oui, le Québec est capable seul. Ça fait longtemps qu'on le sait que le Québec est capable seul, M. le Président. Ça fait longtemps qu'on sait que le Québec est capable de décider, de prendre ses décisions. On l'a prouvé dans à peu près tous les secteurs. Sur le plan culturel, le Québec est un pays bâtisseur. On a des artistes de renommée internationale, qui n'ont rien à envier à aucune

partie du monde.

Sur le plan économique, combien de Québécois ont perdu leurs complexes et ont prouvé leur capacité de réussite? Combien d'expertises maintenant québécoises bénéficient à l'échelle du globe? Pourquoi? Parce qu'on a été capables. Si on avait toujours développé ce sentiment de capacité auprès de notre population plutôt que de lui servir des discours alarmistes de petitesse et de crainte: S'il fallait que... Ça "serait-u" épouvantable si... Ce n'est pas vrai, ça. Vous le savez très bien, que ce n'est pas vrai. Vous savez très bien que la vie politique, ce n'est pas ça. Quand un peuple est déterminé et quand il a ses outils en main, il est capable. Mais, quand il nous manque la moitié du coffre d'outils, vous savez très bien qu'on est obligé d'agir avec les outils qu'on a. Donnons au peuple québécois, aux Québécois et aux Québécoises l'ensemble de leur panier, de leur coffre d'outils et vous verrez jusqu'à quel point ils sont capables de grandes choses. C'est l'occasion qu'on va fournir, M. le Président, à tous les Québécois qui le voudront de s'exprimer sur leur avenir collectif. (15 h 10)

Je suis content, personnellement, M. le Président, qu'on ait pu aboutir à un compromis qui n'est pas parfait. Je vous avoue, je regarde le projet de loi et je sais que, discuter, négocier un projet de loi, ce n'est pas facile. J'aurais aimé, par exemple, qu'un type du monde de la culture, qu'un représentant du monde de la culture siège à cette Commission parce que c'est grâce à lui si notre culture a été proclamée à travers le continent nord-américain et même à l'échelon du monde entier, sur le globe, mais il n'y a pas de représentant du monde de la culture au moment où on se parle, à moins que le premier ministre ne nous annonce qu'il nomme quelqu'un du monde de la culture. J'aurais aimé personnellement aussi que le côté social ne soit pas diminué dans ça parce qu'on a suffisamment de représentants du monde économique et le côté social me semble un peu défavorisé, M. le Président, et je le dis comme je le pense.

Je ne dis pas que c'est un compromis parfait. Non, loin de là, mais au moins on s'entend pour donner l'occasion à l'ensemble des groupes québécois qui croient en leur avenir, qui croient en l'importance de définir eux-mêmes leur avenir, non pas par négociation avec ceux qui ne considèrent plus quand même qu'on est une société distincte... On va d'abord, chez nous, dégager un consensus majoritaire - je ne pense pas qu'il soit unanime, ce n'est pas facile de rechercher une unanimité dans une si grande diversité - un consensus majoritaire fort permettrait au Québec de prendre ses décisions et d'aller se présenter après ça à des tables de discussion avec un consensus clair, un consensus majoritaire, très explicite et qu'on définisse nous-mêmes ce qu'on veut comme institution, ce qu'on veut comme pouvoirs dans cette institution.

Pour nous, je vous dirai, sans aucune vantardise, M. le Président - et je ne voudrais surtout pas que vous déceliez chez qui que ce soit en cette Chambre une certaine forme d'arrogance - entre vous et moi, que l'opération est claire. Ça fait 20 ans qu'on travaille, au-delà de 20 ans qu'on travaille pour bâtir un Québec fort, un Québec avec tout son panier à outils, un Québec qui serait capable de se doter, autant sur le plan culturel, social, économique, de tous les outils de développement possibles. Et l'opération? Oui, je la considère comme facile mais fascinante. Il y a des gens sans doute de bonne foi, M. le Président, qui, par le passé, ont cru en la possibilité d'accroître certains pouvoirs mais l'accroissement de ces pouvoirs se fait par des luttes interminables.

On se pile sur les pieds littéralement, M. le Président, par des droits de veto parce qu'on ne constitue pas un pays. Par des droits de veto, on empêche des groupes d'évoluer et par des droits de veto, on nous empêche d'évoluer. Et on ne se développe pas au rythme qu'on est capable de se développer, on ne se développe pas au rythme qui serait sain pour notre population qu'on le fasse.

M. le Président, je suis heureux de voir qu'un grand nombre d'individus, d'hommes et de femmes, ont compris que la forme institutionnelle dans laquelle nous vivons est étouffante pour les deux groupes. Mais là, pour une fois, la décision que nous avons à prendre, c'est notre propre destinée discutée par nous-mêmes et il n'y a pas un gouvernement issu d'un consensus aussi majoritaire qui n'aurait pas la force de donner aux Québécois ou de redonner aux Québécois l'ensemble des outils nécessaires à son développement.

Je parlais, M. le Président, de la notion de capacité. Je me souviens encore et je vis douloureusement ce qu'on a vécu en 1980. Je me souviens jusqu'à quel point on n'a pas fait appel à la raison, on a fait appel aux sentiments. Dans certains cas, c'était des sentiments de crainte. Dans d'autres cas, M. le Président, c'était des sentiments d'incapacité qu'on essayait de mettre dans la tête des gens. Mais comme leaders politiques qui croyons fondamentalement aux capacités du Québec. J'écoutais le leader du gouvernement dire jusqu'à quel point on était capables; j'aimerais ça entendre des discours de ce type à la journée longue, être capable d'inculquer aux Québécois toute la capacité et faire en sorte que ceux qui ont encore ce complexe d'incapacité ou d'infériorité puissent dire: Oui, on est capables et on va se développer. On va se développer à notre rythme, selon notre goût, selon nos aspirations. Si on en est capables, il va falloir collectivement arrêter de chercher des formules bâtardes qui, à toutes fins pratiques, étouffent le développement et le fonctionnement et nous embarquent littéralement et quotidiennement dans des tergiversations où les uns voient

tout simplement un désir de se démarquer.

On n'a pas à prouver notre démarcation, on est nettement différents. Notre différence s'est toujours exprimée par le passé, M. le Président, et cette différence-là, elle ne sera respectée que dans la mesure où ce Parlement, où des hommes et des femmes du Québec sont représentés et représentent directement la population du Québec, cette volonté-là s'exprimera le jour où ici, quand on légiférera, le jour où on prendra des décisions, ce sera une décision finale, une décision non contestée par un autre palier de gouvernement, des décisions jugées inconstitutionnelles. Je ne sais pas ce que vous ressentez, qui que ce soit dans cette Chambre, quand tu votes une loi ici et de bonne foi - tu as le mandat du peuple pour la voter, des législations populaires à 80 % - et on se ramasse deux ans après, trois ans après avec des lois inconstitutionnelles, des lois illégales parce qu'un autre palier de gouvernement où une majorité siège, où l'égalité n'est pas assurée, toujours là, on se retrouve avec des lois - démocratiquement élus, par quelque gouvernement québécois que ce soit - et on est déboutés continuellement. Des pans de mur de la loi 101 sont tombés, M. le Président. On a eu des sentences de la Cour suprême pour nous dire: Telle loi est anticonstitutionnelle, vous avez oublié de la traduire en anglais.

M. le Président, on ne peut pas fonctionner de même. Si fondamentalement on respecte le peuple anglophone du Canada, si fondamentalement on le respecte, on n'a pas le droit de travailler à chercher des structures pour leur barrer la route. Ils ont le droit de se développer comme ils veulent, quand ils veulent et au rythme qu'ils veulent. Mais nous aussi, on a ce droit-là. Et c'est ça l'esprit fondamental qu'on n'a jamais retrouvé après la fondation du Canada où il y a deux peuples égaux qui créaient une structure.

Je pense qu'il est temps qu'on accepte de participer à cette commission d'enquête spéciale dans un esprit d'abord québécois. C'est nous qui avons à décider de notre avenir ici. C'est nous qui avons à se doter des outils, des institutions et des mécanismes pour prendre nos décisions chez nous et on est assez grands pour le faire. On est assez mûrs pour le faire. Les Québécois, au cours des derniers mois, ont complètement changé leur opinion. La trouille, la crainte a disparu comme par enchantement. Pourquoi? Parce qu'ils ont compris que personne n'avait le droit d'arrêter un peuple de se définir lui-même et de définir le type de pouvoirs dont il avait besoin pour se développer. S'il y a une majorité de Québécois aujourd'hui au Québec, 70 % peut-être, qui disent qu'on est assez grands pour assumer nous-mêmes nos propres décisions, c'est parce qu'ils ont cheminé, les uns plus vite que les autres et les uns plus lents que les autres, mais au moins on a acquis un consensus au Québec, présentement. On a, je pense, dégagé un consensus clair où on n'avait plus à dépendre de personne pour prendre nos décisions.

J'espère qu'on viendra travailler à cette Commission avec cette idée précise, avec cette idée claire que c'est à nous de définir nos outils, c'est à nous de définir nos institutions, c'est à nous de se doter des pouvoirs qu'il nous faut et non pas attendre qu'un peuple majoritaire dans une structure vétusté et dépassée vienne nous dire "bien, on vous offrirait peut-être telle chose" pour encore retarder le développement du Québec sur tous les plans: sur le plan social, sur le plan culturel, sur le plan économique.

Je suis en cette Chambre depuis quatorze ans. Chaque année, on dit: "C'est-u" effrayant, la formation professionnelle. "C'est-u" effrayant, on n'est pas capable de rien faire. "C'est-u" effrayant, des pans de mur de la loi 101 qui tombent. "C'est-u" effrayant de ne pas avoir une politique de développement régional. "C'est-u" effrayant qu'un gouvernement central vienne dépenser de l'argent là où il ne devrait pas en dépenser et il en injecte là où il ne devrait pas en injecter et il devrait en injecter à telle place et il ne le fait pas. Pourquoi? Parce qu'on est dépendants continuellement des décisions d'autres, des pouvoirs d'autres sur notre propre territoire. Comment se développer d'une façon harmonieuse et permettre au Québec d'avoir une égalité dans le partage de cette richesse collective que nous avons? Bien non, notre richesse est séparée. Les uns interviennent où ils ne devraient pas intervenir et ils n'interviennent pas quand ça serait le temps de le faire. Je pense qu'il est temps, M. le Président, et cette Commission peut contribuer largement à dégager un consensus québécois. (15 h 20)

Je suis content de voir qu'il y aura du monde représentant le monde du travail. Eux qui oeuvrent, la force de travail des Québécois sera à la table. Le patronat sera à la table. Le monde agricole sera à la table. Le monde de la coopération sera à la table, M. le Président. Et, ensemble, je pense qu'on peut dégager ce consensus nécessaire pour arriver à faire du Québec un petit coin de pays et un véritable pays qui aura tous ses outils en main, arrêter de quémander des pouvoirs, arrêter de passer au vote à neuf contre un, arrêter de tergiverser dans les coulisses et être étouffés dans notre développement. Et j'espère qu'il y aura 70%, 75%, 80% des Québécois, s'il le faut... Il y en aura toujours qui seront contre, je n'en disconviens pas. Mais j'espère que l'on dégagera ce consensus suite aux travaux de cette commission pour faire en sorte que le Québec de demain sera un Québec où les gens seront contents du développement des autres sans être paralysés par les autres, un Québec qui se réjouira de pouvoir assurer son propre développement à son rythme, selon son goût, selon ses aspirations, selon ses désirs

profonds d'évoluer.

Je termine, M. le Président, en disant à cette Chambre comme personnellement, oui, je fonde des espoirs sur la commission. Ils ne sont pas fondés nécessairement sur la forme et le nombre de la table, mais beaucoup plus sur l'esprit qui va se dégager de cette commission, où on ne recherchera pas des structures pour endormir le monde, mais où on dira au monde ce qu'ensemble on est capable de faire, de se bâtir pour évoluer selon nos propres désirs. C'est ça, fondamentalement, M. le Président, sur quoi je fonde les espoirs et j'espère que la population québécoise, qui suivra les travaux de cette commission, regardera bien la clarté des propos. C'est pas des livres blêmes, des livres beiges, des livres de couleurs multicolores qu'on veut. Les Québécois nous demandent, comme parlementaires, à ce stade-ci, d'avoir une idée claire du Québec, d'avoir une position officiellement claire. Et nous, M. le Président, ça fait 20 ans qu'on pense qu'on a une solution claire. Elle n'a pas d'ambiguïté. Elle ne comporte pas de détours. Elle ne cherche pas des moyens détournés pour encore étouffer les aspirations des Québécois parce qu'on a la conviction que les Québécois sont capables de se définir, capables de se bâtir quelque chose de solide, qui réponde véritablement à la volonté de l'ensemble ou du moins, tout au moins, d'une très grande majorité de Québécois au moment où je vous parle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales et ministre responsable de la protection du consommateur. M. le ministre.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. M. le Président, ce n'est pas la première fois que cette Chambre va voter une loi pour étudier l'avenir du Québec. Je feuilletais durant la fin de semaine les rapports de la commission royale d'enquête sur les problèmes constitutionnels, la commission Tremblay qui avait été créée par cette Assemblée, par une loi sanctionnée le 12 février 1953 par l'initiative du gouvernement de M. Duplessis. Et je regardais, M. le Président, le mandat de cette commission. C'était d'enquêter, je cite: "D'enquêter sur les problèmes constitutionnels, de faire rapport au lieutenant-gouverneur en conseil, au gouvernement, de ses constatations et opinions et de lui soumettre ses recommandations quant aux mesures à prendre pour la sauvegarde des droits de la province, des municipalités et des corporations scolaires."

Je feuilletais ces rapports, M. le Président, et je pouvais réaliser que, tant sur le plan politique que sur le plan social, culturel et économique, la situation d'alors était, à bien des points de vue, fort semblable à la situation que nous vivons présentement. En particulier, je regardais un passage du premier rapport, du premier livre où on disait ceci, M. le Président, et je cite: "Rappelons au passage quelques opinions émises à cette occasion. Pendant qu'on discute, par exemple, la réforme du Sénat, le ministre de la Justice, M. Ernest Lapointe, déclare - et on cite M. Lapointe - que le gouvernement avait virtuellement reçu instruction de la Chambre des communes, le 9 mars 1925, de soumettre cette question à une conférence provinciale, la Chambre estimant que le Sénat, tel qu'il était constitué, ne contribuait pas au plus grand bien du Canada." C'était en 1953. Ce n'est pas, donc, d'hier qu'on parle de réformer nos institutions. Ce n'est pas d'hier qu'on parle de cette place du Québec au sein de la fédération canadienne parce que, M. le Président, du "Butin" de Duplessis au "Maîtres chez nous" de Jean Lesage à rÉgalité ou indépendance" de Daniel Johnson, de la "souveraineté culturelle" de Robert Bourassa à la "souveraineté-association" de René Lévesque et à la "société distincte" de Robert Bourassa, il y a, avec les nuances, avec les particularités qu'on peut attribuer à chaque option politique, un fondement qui est le même, et c'est la recherche, pour le Québec, de son autonomie pour exprimer pleinement sa spécificité - spécificité culturelle, sociale, spécificité politique - et sa spécificité aussi économique, la possibilité pour les Québécois et les Québécoises d'exprimer pleinement ce qu'ils sont en toute liberté et de partager en fonction de ce qu'ils peuvent être, de ce qu'ils peuvent avoir en commun, avec les autres provinces canadiennes.

M. le Président, je lisais aussi en fin de semaine le tome I du livre du professeur Léon Dion, eminent politicologue de l'Université Laval, intitulé À la recherche du Québec. Il y a quelques lignes qui m'ont particulièrement touché et que je me permets de citer en cette Chambre. Le professeur Dion dit ceci: "En dépit de la tristesse qui assombrit tant de visages chez les jeunes, les adultes et les personnes âgées, j'ai foi en l'avenir parce que j'ai foi en eux tous. De tant de rêves brisés au cours des 30 dernières années, il est ressorti au moins deux acquis dont on ne saurait sous-estimer la portée: l'individu s'est libéré de bien des tutelles inhibitrices et le Québec tout entier est sorti du cocon protecteur qui le paralysait et s'est ouvert au monde. "Les sentiments d'anxiété ou d'espoir, face à leur présent et à leur avenir, de Jacques Cartier et ses compagnons qui plantèrent à Gaspé, en 1534, une croix au nom du roi de France et de l'Église, de ceux qui subirent les conquêtes de 1760, qui vécurent les événements de 1837-1838, de 1867, de 1960, de 1976 et de 1980 et d'autres événements semblables cons-

tituent les axes de l'histoire du Québec et forment autant de sédiments de l'identité des Québécois en tant que nation." (15 h 30)

M. le Président, je crois, je crois fermement que les Québécois, les Québécoises, nous formons cette nation, nous formons ensemble cette société qui veut exprimer ce qu'elle est en partageant des éléments que nous avons en commun. Nous sommes des hommes, des femmes qui avons, par des intérêts d'ordre moral et d'ordre matériel, des liens profonds qui nous unissent par l'histoire, par la langue, par la culture, par l'espoir d'un mieux-être, par une définition de société libre et démocratique respectant des droits et des libertés fondamentales.

M. le Président, quand nous regardons l'histoire du Québec, nous regardons ce cheminement difficile mais cheminement de ténacité, de force, de conviction qui a permis à nos parents, nos grands-parents, nos ancêtres de former cette société dont nous pouvons être fiers. Nous voyons toujours cette ligne de continuité, cette ligne qui nous a permis d'exprimer dans des situations souvent très difficiles ce que nous sommes et c'est dans ce contexte qu'on doit situer cette loi qui va créer cette commission parlementaire élargie. Ce contexte, il faut le comprendre, bien sûr, tout d'abord en fonction de l'échec de l'entente du lac Meech. Mais l'échec de l'entente du lac Meech est devenu une victoire pour le Québec.

Le 23 juin dernier, j'étais chez moi, à Baie-Saint-Paul, et les gens m'ont fait la fête. Les gens m'ont fait la fête et ils m'ont dit: Bravo! Vous avez donné au Québec une force exceptionnelle. Et je vous avoue, M. le Président, que j'étais un peu sceptique parce qu'on venait d'avoir une défaite lourde, lourde de conséquences, il faut l'admettre, difficile. Ça a été extrêmement difficile, pour moi en tout cas, je peux dire ça parce que j'ai cru, M. le Président, j'ai vraiment cru qu'avec ces cinq conditions les plus raisonnables que nous pouvions demander, nous pouvions rendre acceptable la Loi constitutionnelle de 1982, permettre au Québec de redevenir un partenaire à part entière dans cette Fédération canadienne. Mais, M. le Président, jusqu'à la dernière minute, j'ai pensé que les premiers ministres, que les gouvernements, que les Assemblées législatives des provinces accepteraient cette entente comme ça avait été signé à au moins deux reprises officiellement auparavant, au mois de juin 1987, tout d'abord au lac Meech, au mois de mai 1987, on s'en souvient, et ensuite au mois de juin 1987.

Et, dernièrement, je revoyais l'émission de télévision qui a été faite en ce matin du 3 juin 1987, après une nuit entière de discussions difficiles, extrêmement difficiles où tous les premiers ministres ont fait des discours remarquables. J'entends encore le premier ministre de l'Ontario, M. Peterson dire: Bienvenue, Robert, dans la Fédération canadienne. J'entends le premier ministre du Nouveau-Brunswick dire des choses semblables et j'entends tous ces premiers ministres qui, d'une façon émue, très sensible exprimaient leur satisfaction. Et trois ans après, c'était l'échec de Meech, l'échec d'un système, l'échec de la Loi constitutionnelle de 1982. Parce qu'il faut bien se comprendre, M. le Président, cet échec de Meech va avoir des conséquences extrêmement sérieuses sur l'avenir de ce pays parce qu'elle rend la constitution de 1982 presque inapplicable. Nous, comme Québécois, Québécoises, nous nous sommes fait piéger par la constitution de 1982, nous nous sommes fait piéger comme les autochtones se sont fait piéger.

Les autochtones se sont fait piéger parce qu'ils ont fait inscrire, dans la constitution de 1982, deux articles: l'article 25 et l'article 35, de beaux grands principes, avec la promesse d'avoir cinq conférences constitutionnelles pour déterminer leurs droits, et, de bonne foi, ils ont cru à ce qu'on leur avait promis en 1982. Il y a eu ces cinq conférences constitutionnelles et, après ces cinq conférences constitutionnelles, on s'est aperçus qu'on n'était pas plus avancés. Je les ai vus pleurer, ces autochtones. J'étais extrêmement touché par ce qui se passait, parce que nous, comme gouvernement québécois, et c'est aussi la position, je le sais, de l'Opposition, sommes capables d'exprimer envers nos autochtones la générosité et l'accueil que nous devons à ces peuples amérindiens dans le cadre de notre société québécoise. Ils ont été piégés par la constitution de 1982, comme nous avons été piégés aussi, comme les minorités ont été piégées. On a ajouté l'article 23 donnant là encore des grands principes à nos minorités en faisant en sorte qu'on se retrouve avec un article qui n'est quasiment pas applicable si ce n'est en recourant à la Cour suprême cas par cas. On a piégé l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes avec une charte des droits qui, à toutes fins pratiques, s'applique à des gens qui sont très très très riches ou qui sont très très très pauvres; mais pour le citoyen moyen, M. le Président, on n'y a pas pensé.

M. le Président, cette constitution de 1982, on a voulu la rendre acceptable pour le Québec, sincèrement. Avec toute l'énergie que nous pouvions démontrer, avec toute notre conviction, on est allés passer sept jours à Ottawa - c'est joli, Ottawa, c'est une jolie ville - sept jours avec les autres premiers ministres, leurs spécialistes, leurs ministres, à discuter, à leur démontrer à quel point il y avait eu de la démagogie dans tout ce qui s'est dit au sujet de l'entente du lac Meech. On est revenu. On croyait sincèrement qu'on avait réussi parce qu'ils avaient signé; tout le monde l'a vu à la télévision, il y a eu une signature à la télévision à 2 heures ou 2 h 30 du matin, les gens m'en parient encore.

Ils ont suivi ça à la télévision et ils ont vu tous les premiers ministres des provinces signer officiellement, donner leur signature en garantie. M. le Président, je dois vous avouer qu'on a prévu beaucoup de choses lorsqu'on a discuté de l'entente du lac Meech parce qu'il fallait le faire. Mais il y a une chose qu'on n'a pas prévue, on n'avait pas prévu que des premiers ministres pourraient aller aussi loin que de renier leur propre signature.

M. le Président, on se retrouve maintenant dans une situation où nous devons prendre les moyens nécessaires pour exprimer ce que nous sommes, dans un contexte qui nous permettra de protéger des acquis et de faire en sorte que notre avenir puisse être en considération de toute cette histoire que nous avons reçue en héritage et qui nous permet d'exprimer avec détermination ce que nous voulons faire.

Je disais tout à l'heure, en citant le professeur Dion, que les Québécois sont une nation et ça signifie, M. le Président, que, comme société, comme nation, comme peuple, nous pouvons exprimer librement ce que nous sommes et je me réfère au premier considérant de la loi que nous discutons aujourd'hui, M. le Président; le premier considérant de cette loi est particulièrement éloquent. Je le cite: "Considérant que les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel." (15 h 40)

M. le Président, je crois que dans ce premier considérant, on a là le fondement même de l'existence de cette commission que nous créons aujourd'hui. Les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin. Ce n'est pas quelqu'un d'autre qui va venir nous dire ce que nous devons faire. Ce n'est pas une autre institution qui va venir dire ce que nous devons faire, comme membres de l'Assemblée nationale du Québec. Aucun premier ministre ne peut venir interférer dans ce que nous allons décider de faire.

M. le Président, il y a une chose qu'ils ne peuvent certainement pas dire, à l'extérieur du Québec, c'est qu'ils sont surpris par notre réaction. On leur a dit très clairement: Attention! Si Meech n'est pas accepté, ça signifie des conséquences sérieuses. Si Meech n'est pas accepté, nous devrons prendre des moyens nécessaires pour exprimer ce que nous considérons comme essentiel pour le Québec, que nous ne pouvons pas avoir dans Meech et que nous devrons avoir d'une façon autre. Ils ne sont pas pris par surprise.

Il y a des premiers ministres qui sont en campagne électorale présentement, en Ontario, au Manitoba. D'autres le seront prochainement. Je voyais la campagne électorale en Ontario. M. Peterson, j'admire sa franchise, qui nous dit: Non, nous n'accepterons pas, nous, de l'Ontario, nous, gouvernement de l'Ontario, nous n'accep- terons pas qu'il y ait des ententes administratives bilatérales entre Ottawa et Québec qui feraient en sorte qu'on puisse donner, par des ententes administratives, ce qui pouvait exister dans l'entente du lac Meech sans, évidemment, la protection constitutionnelle. Il l'a dit très clairement.

Pour ma part, M. le Président, je préfère ce genre de langage. M. Peterson nous parie clairement. Nous savons à quoi nous en tenir. Je crois aussi que les francophones hors Québec savent mieux a quoi s'en tenir lorsqu'on en est rendus à faire du bilinguisme, des sujets de placard, si je me réfère à la journaliste du Devoir, Mme Chantai Hébert, ce qu'elle nous a rapporté même ce matin. M. le Président, Meech, l'échec de l'entente du lac Meech est un échec qui doit tous nous amener à nous questionner sur le fédéralisme canadien.

Sir Wilfrid Laurier a dit: Le XXe siècle sera le siècle du Canada. Et il a eu raison. Un siècle qui a favorisé le Canada sur le plan politique, sur le plan social et sur le plan économique, avec une économie basée sur des richesses naturelles qui nous a permis, dans un contexte commercial international et économique international, de faire valoir une économie intéressante, avec une deuxième phase qui nous a permis aussi de nous adapter à l'évolution économique internationale. Mais, M. le Président, lorsque nous regardons maintenant ce fédéralisme à la lumière de l'évolution de tous les États dans le monde, il est évident que nous devons le revoir fondamentalement. Mais, pour nous, notre première priorité est de définir ce que nous considérons comme le statut constitutionnel qui doit appartenir au Québec pour avoir cette autonomie dont, il a besoin pour exprimer ce qu'il est et partager ce qu'il peut avoir en commun.

M. le Président, les jeunes libéraux, cet été, ont fait valoir leur position constitutionnelle et je voudrais les féliciter. Ils l'ont fait avec beaucoup de sérieux. Ils l'ont fait aussi avec beaucoup de détermination, se référant à l'histoire constitutionnelle et politique des dernières années et en arrivant à la conclusion que le Québec doit avoir cette autonomie qui lui permet d'exprimer clairement ce qu'il est, en particulier sur le plan économique, avec des liens qui lui permettront avec le reste du Canada de partager et de protéger des acquis. M. le Président, sous bien des aspects, il sera intéressant de se référer à ce que nos jeunes libéraux ont élaboré cet été et rendu public.

Je veux dire, par contre, que, pour les jeunes péquistes, et je le dis le plus objectivement possible, il faut se garder de toute exagération, en particulier lorsqu'on dit qu'une simple majorité de parlementaires pourrait amener un gouvernement a décider un changement de statut constitutionnel politique pour le Québec, comme l'indépendance; c'est évidemment nettement inacceptable. Je ne mets pas en cause leur

bonne foi. Je comprends qu'ils veulent exprimer leur politique. Mais ce que je leur dis, c'est: Attention dans tout ce débat que nous allons faire dans les prochains mois, les prochaines semaines. Il y a des principes de légitimité, de démocratie, de liberté qu'il faut respecter.

M. le Président, nous avons, aujourd'hui, une loi qui vraisemblablement pourrait avoir le consentement de l'ensemble des membres de cette Assemblée. Je l'espère. Je voudrais saluer le travail extrêmement efficace qu'a fait mon collègue, le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, avec le député de Lac-Saint-Jean qui, pendant bien des séances, avec leurs conseillers, ont su discuter d'une façon particulièrement efficace, les gens d'Equality Party, aussi le député d'Anjou pour cette collaboration que nous avons. Quand je disais, tout à l'heure, que l'échec de Meech est devenu une victoire pour le Québec, cette victoire, c'est ce consensus qui existe maintenant dans la population québécoise, un consensus qui n'a pas de précédent dans toute notre histoire. Cette commission parlementaire élargie que nous créons aujourd'hui est le reflet de ce consensus. Nous avons peut-être pris un peu plus de temps, mais nous avons maintenant cette commission qui réunira tant des parlementaires que des gens venant de l'extérieur, des Québécois, des Québécoises venant de l'extérieur, et qui fera en sorte que nous aurons une commission qui sera représentative. Je voudrais remercier, M. le Président, MM. Michel Bélanger et Jean Campeau pour avoir accepté la présidence de cette commission.

Comme M. Dufour me disait à Baie-Saint-Paul, en fin de semaine, chez moi, il a dit: T'attelles ça sur une bonne "waguine" et tu vas loin avec ça." M. le Président, on a une bonne "waguine". C'est une bonne commission parlementaire qui va nous permettre le plus objectivement possible, chacun avec nos options politiques, mais le plus objectivement possible et avec le plus d'ouverture possible, d'entendre des experts, mais surtout d'entendre la population, d'entendre les Québécois et les Québécoises sur comment ils voient la situation, comment ils voient l'avenir du Québec, sur ce que nous devrions faire. Nous, comme parlementaires, notre rôle est d'informer la population. Notre rôle est de pouvoir discuter pour pouvoir informer le plus adéquatement possible la population. Mais c'est au peuple de décider. C'est le peuple qui est souverain. C'est le peuple qui, finalement, au bout de la course, viendra décider du statut du Québec pour déterminer son avenir. (15 h 50)

M. le Président, il faut comprendre des travaux que nous faisons aujourd'hui la volonté que nous avons tous comme parlementaires de concrétiser ce consensus qui s'est fait au lendemain même de l'échec de l'entente du lac Meech et, cette fois-ci, je dois dire et je le dis le plus sincèrement possible: On ne peut pas se permettre de se tromper. Aucun gouvernement du Québec n'a le droit d'affaiblir le Québec et tous les gouvernements qui se sont succédé jusqu'à présent, peu importe leur option constitutionnelle, ont toujours eu ce souci de garder, de protéger la force du Québec et nous n'avons pas le droit de nous tromper. Nous devons ensemble travailler avec le plus d'ouverture possible, avec un maximum d'information pour le peuple québécois mais les attentes sont grandes pour nous. Ça ne sera pas facile, mais j'ai confiance en nos institutions. J'ai confiance que les institutions sont là pour servir le citoyen et non pas le citoyen pour servir l'institution et on a la possibilité, peut-être une possibilité exceptionnelle, de le démontrer dans cette commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le chef de l'Opposition.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce que nous a dit le ministre de la Justice, mais quand il citait Dion, À la recherche du Québec, je me demandais s'il ne fallait pas davantage citer Proust, À la recherche du temps perdu. Nous avons perdu beaucoup de temps au Québec, tous ensemble, et j'y reviendrai tout à l'heure. À une époque où, contrairement à tous les diagnostics des analystes d'il y a 10 ou 15 ans, les peuples, les nations s'affirment un peu partout dans le monde, est-ce qu'il y a quelque chose de plus étonnant, de plus extraordinaire de voir en Europe de l'Est, à l'heure actuelle, ces gens dire "Nous sommes" et faire en sorte qu'effectivement ils soient? Que nous, autant que nous sommes - ce n'est pas une question partisane - nous nous soyons enfoncés pendant si longtemps dans une situation où, constamment, on avait l'impression de ne plus très bien savoir où aller?

C'était intéressant ce que signalait le ministre de la Justice tout à l'heure, la commission Tremblay. Ça fait presque 40 ans, M. le Président. Cette commission n'avait pas finalement un mandat très différent de celle que nous allons créer aujourd'hui. Je sais bien à quel point, en ce moment, parce que, tout jeune économiste, j'ai collaboré aux travaux de la commision Tremblay... J'ai même écrit une petite annexe là-dedans. Je me souviens à quel point ceux qui travaillaient à la commission Tremblay se disaient: Mais il faut régler quelque chose enfin, il faut déterminer une bonne fois où on veut aller. Il y a 40 ans!

À cet égard, l'échec de l'accord du lac Meech restera, je pense, dans l'histoire comme quelque chose de tout à fait non seulement intéressant mais très significatif. Nous avons, sur le plan de nos orientations politiques, comme

Québécois, l'habitude de l'échec et, en fait, en dépit d'éclaircies de temps à autre, je pense, par exemple, aux gestçs posés par le premier ministre Jean Lesage en 1964, qui décide de sortir de 29 programmes conjoints et d'établir une sorte d'orientation québécoise à un grand nombre de programmes. À part des éclaircies comme celle-là, ce que nous avons connu depuis la commission Tremblay, ce sont des échecs. On se casse la figure continuellement. On demande. On dit: Peut-être. Et puis, finalement, quand on s'est un peu fatiqués entre nous, on nous dit: Non. Et on se dit: A la prochaine. Comme on dit chez nous, vulgairement - enfin, vulgairement, familièrement: À la prochaine chicane. Et ça reprend!

Pourtant, Meech n'est pas comme ça. L'échec de Meech a une signification qui ne correspond à aucun des échecs du passé. Je ne sais pas, les historiens auront à examiner pourquoi ça s'est produit comme ça. Pourquoi est-ce qu'un aussi grand nombre de Québécois se sont dit, à l'occasion de l'accord du lac Meech: Ça, c'est la bonne. Si ça ne passe pas, vous allez voir. Entre nous, des échecs constitutionnels, Dieu sait si on en a connus. La formule Fulton-Favreau, on fait presque de l'anthropologie. La formule Fulton-Favreau, ça n'a pas marché. On s'est dit: Ah bien, ça ne marche pas, cherchons la suivante. Victoria, bien, ça n'a pas marché; on s'est dit: Attendons la suivante. Au fond, toute notre histoire est marquée par des arrangements politiques ou constitutionnels qui tournaient en queue de poisson. On se disait: À la suivante. Des fois, on se disait même: C'est tellement compliqué, on va laisser ça pour la prochaine génération. Et alors, avec Meech, non. Je ne sais pas, au fond, moi, vraisemblablement pourquoi tellement de Québécois ont accordé cette valeur symbolique à Meech. Peut-être, peut-être parce que c'était vu par tous les Québécois comme le minimum minimorum; on n'avait jamais demandé aussi peu. Peut-être que c'est dû à ça. Jamais le Québec n'avait demandé aussi peu du régime fédéral canadien. Et en dépit du fait qu'on était tous très conscients que jamais on n'avait demandé aussi peu, jamais ce petit peu n'a provoqué autant de rage dans certains milieux, un tel rejet dans d'autres milieux et, finalement, l'acceptation par beaucoup de Québécois que, devant autant de réactions, disons-le franchement, antiquébécoises dans le reste du Canada, ça suffisait comme ça.

Le ministre de la Justice, qui a parlé avant moi, parlait de ces réactions du premier ministre de l'Ontario, M. Peterson, en campagne électorale. C'est vrai, c'est très significatif. N'oublions jamais ce qui s'est produit depuis un mois à cet égard. Le premier ministre de l'Ontario se voit tomber dans les sondages. Et on lui dit: La raison pour laquelle vous tombez dans les sondages, c'est l'appui que vous avez donné aux Québécois pendant les discussions de Meech. Alors, qu'est-ce qu'il fait, le premier ministre de l'Ontario, menacé comme ça par sa base? C'est de dire: Non, non, ça ne se produira plus jamais comme ça. Plus jamais l'Ontario n'appuiera le Québec dans sa demande d'un statut distinct ou particulier. Et comme le disait le ministre de la Justice: Et s'il demande des ententes bilatérales avec Ottawa, on les poursuivra devant les tribunaux. Les masques tombent. Ah bon! C'était donc ça! Ah bon, c'est ça qu'on avait en tête! Essayer de régler Meech comme peut-être un arrangement temporaire, mais sur le fond des choses, ne pas accepter que le Québec soit autre chose qu'une province canadienne. (16 heures)

J'incite tout le monde à lire les déclarations de M. Peterson, il n'en a plus pour très longtemps, sa campagne électorale vient à échéance. Il sera réélu ou pas réélu, je n'en sais rien. Mais qu'on lise ses déclarations, elles sont extrêmement significatives. Et ceux qui se sont imaginé un instant qu'ils pouvaient trouver dans le reste du Canada un appui à cette idée que le Québec pouvait être différent, regardez, regardez: on est passé une fois de plus à deux doigts de se faire avoir.

Alors forcément, M. le Président, dans ce contexte-là, l'idée de souveraineté du Québec prend de l'ampleur chez nos concitoyens, elle s'enfle, elle déborde, à l'heure actuelle. Est-ce qu'il y a quelque chose de plus sérieux que de penser qu'une élection partielle, qui a porté essentiellement au niveau fédéral sur la question de la souveraineté du Québec, a fait en sorte que le gouvernement canadien actuel, pour son propre parti obtienne à peine 4% des votes? 4%! Un parti au pouvoir, représentant le fédéralisme canadien, 4%! Mais on n'a jamais vu ça. On ne trouvera pas d'exemple dans l'histoire politique canadienne, dans le sillage de l'échec de Meech, dans le sillage de cette prise de conscience qui se développe chez les Québécois que le gouvernement du pays, dans une élection partielle qui porte sur la souveraineté du Québec, obtienne 4% du vote. Moi, je ne me souviens pas, dans l'histoire du Canada ou du Québec d'avoir jamais vu quelque chose comme ça.

Bon, je reconnais, je reconnais, bien sûr, que cette levée, que cette montée de l'idée de souveraineté chez les Québécois est, pour une bonne part, émotionnelle. Mais ce sera toujours émotionnel, remarquez bien, jusqu'à un certain point. J'admets que, depuis quelques mois, l'émotion est forte. On ne pouvait pas ne pas réagir aux événements de Sault-Sainte-Marie ou d'autres municipalités de l'Ontario qui, n'ayant jamais assuré de services en français, prenaient cependant la peine de se déclarer unilingues anglaises. On ne pouvait pas ne pas réagir à ces quinquagénaires ontariens qui s'essuyaient les pieds sur le drapeau du Québec. Et, dans ce sens-là, oui, bien sûr, il y avait beaucoup d'émotion. Et il reste beaucoup d'émotion chez les Québécois. Ce serait anormal qu'il n'y en ait

pas, qu'il n'y en ait pas autant. Mais, en même temps, M. le Président, on voyait apparaître dans les milieux d'affaires, et pour la première fois, dans notre histoire, pour la première fois, des gens qui disaient: La souveraineté du Québec, on n'est pas encore certains que ça soit souhaitable. Mais, en tout cas, de notre point de vue, c'est possible. Son de cloche étonnant et qui ne peut pas ne pas avoir d'impact sur nos concitoyens.

Les milieux d'affaires au Québec ont pris une sorte d'autorité morale par, j'allais dire, leur jeunesse même. Pendant des années et des années, on a dit aux Québécois: Vous ne pouvez pas définir votre avenir parce que vous ne pouvez pas définir vos affaires. Vous ne contrôlez pas les affaires, donc vous ne pouvez pas contrôler votre avenir. Et, génération après génération, on a matraqué l'esprit des Québécois pour les convaincre de ça. Et là, tout à coup, en 25 ans, une classe d'affaires québécoise est apparue, a pris de l'ascendant, pas seulement économique, moral, en un certain sens, et là, tout à coup, dans les mois qui ont commencé cette année 1990, a commencé à dire aux Québécois: Peut-être est-ce que c'est possible, peut-être est-ce qu'on peut y arriver. On marquera ces premiers mois de 1990 sur ce plan, comme ayant été des mois peut-être déterminants sur le plan de ce qui va nous arriver.

En tout cas, il apparaît maintenant, comme s'en plaignait un des chefs des partis fédéraux, qu'il ne semble plus y avoir de voie fédéraliste au Québec. Je pense qu'il a tort, il en reste, des voies fédéralistes au Québec; elles ne sont plus très écoutées, mais il en reste tout de même. Il reste aussi ce qu'on pourrait appeler des buttes témoins, c'est-à-dire qu'elles ne se manifestent pas beaucoup mais, enfin, on les voit. Mais, en tout cas, on sent, on voit que le statu quo n'a plus d'avenir au Québec, que peu de gens se présentent en disant: Nous voulons que ce qui a existé continue d'exister et que nous restions ce que nous avons toujours été. De ça, il ne reste plus beaucoup de traces.

Et il y a aussi la leçon de nos échecs, M. le Président, la leçon de nos échecs que je vais essayer de caractériser ou de symboliser par les échecs de ces deux personnes qui ont cherché à mettre ensemble ce projet de loi qui a abouti à la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, c'est-à-dire le premier ministre et moi-même.

On met souvent l'accent sur le fait que l'intérêt du premier ministre pour les questions économiques est très vif. Mais oui, bien sûr, nous le savons tous, il l'est. Mais pensons que depuis des années le premier ministre actuel du Québec est devenu premier ministre pour le première fois il y a 20 ans, que dès le début le premier ministre du Québec a mis l'accent sur un concept qui lui paraissait fondamental, sur une orientation qui lui paraissait passer avant toutes les autres sur le plan politique, c'est-à-dire la souveraineté culturelle. Au bout de 20 ans, où en est-il? Le premier ministre du Québec a conduit une élection générale sur la souveraineté culturelle. Il en a fait le thème fondamental de l'élection de 1976. Tout ce qui peut grouiller ou grenouiller comme classe politique au Canada sait très bien à quel point, pour le premier ministre du Québec, il s'agit de quelque chose d'absolument fondamental, d'essentiel; et, 20 ans plus tard, où en est-on? On a enlevé au Québec tout ce qui lui restait comme contrôle sur le plan des communications.

Sur le plan culturel, dans le sens très précis de ce terme, jamais le gouvernement fédéral n'a été aussi actif qu'il ne l'est à l'heure actuelle. L'espoir qu'on pouvait entretenir il y a 20 ans, que le Québec exercerait un certain contrôle sur les ondes et que des institutions québécoises dans le domaine de la radio ou de la télévision exerceraient une influence importante, on y a renoncé. Le premier ministre du Québec, systématiquement, pendant 20 ans de sa carrière politique, a cherché à pousser une idée que non seulement il n'a pas réussi à pousser, mais à l'égard de laquelle il a dû reculer. (16 h 10)

Et moi, de l'autre côté. Mais je suis parfaitement conscient d'avoir, pendant toutes ces années, été roulé aussi. Le référendum de 1980, où j'ai vu mes concitoyens être persuadés qu'un "non" voudrait dire un "oui", où on leur a dit: Votez non au référendum et nous changerons la constitution canadienne de façon - de quelle façon? Tout le monde l'a compris au Québec - de façon à accroître les pouvoirs du Québec. Et un nombre incroyable de concitoyens ont voté non au référendum parce qu'ils pensaient qu'ils échangeaient ça contre une promesse d'augmenter les pouvoirs du Québec. Et là, le projet de constitution de 1982 a été mis sur la table. Le Québec perdait des pouvoirs que nous avions depuis la fin du XVIIIe siècle dans cette Assemblée nationale sur l'entrée dans nos écoles, sur la langue. Des pouvoirs que nous avions depuis presque deux siècles et une majorité de Québécois avaient voté non au référendum pour se faire faire ce coup-là! Et vous comprendrez dans quel esprit je dis ce que je viens de dire, M. le Président! Quand je disais le premier ministre, avec sa souveraineté culturelle, au fond, il se fait rouler par le système fédéral canadien depuis 20 ans, mais moi aussi sur d'autres plans.

Des deux côtés, nous avons cherché, et d'autres générations avant nous ont cherché à amener constamment cette espèce d'affirmation de ce que nous sommes, pour nous retrouver invariablement, génération après génération, au seuil de la vieillesse, en disant: On a perdu notre temps, on s'est fait avoir, on n'a pas pu aboutir!

Et dans ce sens, il se passe quelque chose au Québec de remarquable maintenant - oh! pas

toujours très explicite et c'est parfois confus dans l'esprit de bien des gens, mais c'est un peu normal, on ne prend jamais des virages autrement que comme ça - que peut-être, peut-être le moment est venu d'être clairs, peut-être le moment est venu de dire: Voilà ce que nous voulons! Et nous allons essayer de faire en sorte que ça ne soit pas quelque chose de partisan, que ça n'entre pas dans le jeu des deux partis politiques ou si c'est bon pour l'un c'est mauvais pour l'autre et vice versa. Les Québécois, peut-être, je l'espère - on va voir, on va voir - sont peut-être rendus au point où ils se disent: Ça suffit! Ça suffit! C'est vrai que ça a pris dix ans pour les Polonais de réaffirmer qu'ils sont Polonais; que ça a pris dix mois pour les Allemands de l'Est de réaffirmer: Nous sommes Allemands; que ça a pris dix jours pour les Tchèques de dire: Nous sommes Tchèques. Et peut-être qu'on en est rendus à un point où les Québécois disent: Ça fait trois générations qu'on nous dit qu'on ne sait pas ce qu'on est, peut-être qu'enfin, maintenant, on peut déterminer ce qu'on veut être.

À cet égard, vous me direz: Les conditions ne sont pas les mêmes. Mais oui, elles ne sont pas les mêmes, je le sais bien. Vous me direz: Faire des parallèles comme ceux que je viens de faire n'a pas de sens. Mais oui, ça a un certain sens. Les gens voient ça à la télévision constamment. Les gens voient que d'autres peuples, d'autres nations disent: Nous sommes. Et là peut-être, peut-être, tous ensemble, nous, les gens que les Québécois ont élus, on puisse, à l'occasion de cette commission, chercher à en rencontrer le plus grand nombre leur dire: On va essayer de vous comprendre et si vraiment nous voulons être, eh bien, on va essayer de faire en sorte que ça puisse se traduire le plus clairement et le plus rapidement possible. Et dans ce sens, M. le Président, avec cette commission, nous prenons sur nos épaules, des deux côtés de cette Chambre, si vous me passez l'expression un peu familière, une sacrée responsabilité, parce que nous allons avoir à poser des questions et nous allons avoir à chercher à dégager les réponses et nous allons avoir à chercher, à établir ce qu'on peut trouver de commun dénominateur entre nous. Je ne suis pas certain... Écoutez, je suis même certain qu'il n'y aura pas un rapport de cette Commission qui soit unanime sur tout. Ce serait quand même énorme. S'il fallait que nous puissions être unanimes sur la totalité du contenu d'un rapport comme celui-là, tout le monde serait étonné et moi, M. le Président, je m'engage à faire chanter un Te Deum à l'église Notre-Dame à Montréal. Voyons!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Parizeau: II ne faut quand même pas rêver en couleur. Mais il faut voir dans quelle mesure on peut établir une sorte de commun dénominateur et jusqu'où il va aller, ce commun dénominateur. Ça, nous en avons la responsabilité, à l'égard des Québécois qui disent "soyez clairs", d'entreprendre cette tâche-là.

J'aurais préféré, je ne le cache pas, M. le Président, que cette démarche prenne la forme d'états généraux dont je reconnais volontiers que ça ne pouvait pas être convoqué et organisé par une association comme la Société Saint-Jean-Baptiste qui, dans les années soixante, avait organisé les états généraux du Québec. Nous avons passé ce stade-là. J'aurais préféré en un certain sens que l'Assemblée nationale les structure, ces états généraux. Le premier ministre préférait au départ une commission parlementaire régulière et puis, comme toujours, quand on parle de points de vue aussi différents les uns des autres, nous sommes arrivés à cette espèce d'organisme tout à fait unique qui ne ressemble à rien de ce que nous avons jamais créé; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons un projet de loi à l'heure actuelle devant cette Chambre. Il y aura donc 35 membres, à peu près moitié-moitié membres de cette Assemblée nationale et autres personnes, et c'est peut-être normal que dans des discussions comme celles-là, on arrive à une sorte de compromis, et un compromis que je salue.

Nous avions, quant à la composition de cette commission, un certain nombre de décisions compliquées à prendre, ne nous faisons pas d'illusions, et, en particulier, quant à la nature de la présidence. Le premier ministre et moi étions très impressionnés, il ne faut pas se le cacher, par le rôle que l'entreprise joue au Québec depuis quelques années, par l'espèce d'autorité morale, comme je le disais tout à l'heure, que l'entreprise a acquise dans notre milieu. Et, au fond, on a cherché, avec beaucoup de rebondissements et de difficultés, à traduire cela, et je pense qu'on l'a traduit par cette co-présidence, où deux des personnes les plus directement impliquées non seulement dans les affaires, mais dans le développement des affaires au Québec, vont maintenant siéger.

Nous avions des problèmes sur le plan de la composition de cette commission. Qu'il y ait à peu près la moitié des membres qui soient membres de cette Assemblée nationale, rien de plus normal. Mais, enfin, les députés fédéraux du Québec, ils existent, eux aussi. Il fallait tout de même être en mesure de leur donner une voix à l'intérieur de cette commission. Qu'ils soient fédéralistes, qu'ils le soient moins ou qu'ils ne le soient plus du tout, ils sont du Québec, ils sont élus ici. Il le fallait, je pense. Moi, j'ai beaucoup insisté là-dessus - et je dois dire que je n'ai pas trouvé du tout de réticence chez le premier ministre à cet égard - que les municipalités, l'autre palier de gouvernement, l'autre palier des élus, soient représentées sur cette Commission. Je pense que les incidents des deux derniers mois nous ont appris à quel point, comme palier de

gouvernement, le municipal est important, et on ne pouvait pas les laisser de côté. (16 h 20)

Bien sûr, il faut, dans une société comme la nôtre, que tous ces efforts de concertation entre le patronal et le syndical, qui nous ont permis de réaliser tant de choses à une certaine époque dans le passé, puissent se poursuivre. Donc, ne nous étonnons d'aucune espèce de façon de voir que ces deux piliers, finalement, de notre vie collective se retrouvent, et assez nombreux dans une structure comme celle-là.

Je ne vous cacherai pas que je trouve ça néanmoins un peu léger sur le plan social et communautaire. Là, au fond, tel que nous en arrivons à une commission d'à peu près 35 membres, je trouve que le social communautaire n'est pas suffisamment représenté. On me dira: Oui, mais les syndicats représenteront ça fort bien. Jusqu'à un certain point, pas complètement.

Et alors, toujours sur le plan de la composition de la commission, on voit apparaître un article qui donne un siège à ce qu'on pourrait appeler la vie intellectuelle ou artistique ou culturelle. Ça n'est probablement pas assez. Enfin, écoutez, dans n'importe quel compromis, on fait des compromis. Mais, au fond, à force d'y penser, entre l'intellectuel et le culturel, je me permets de plaider dans ce discours en deuxième lecture, je me permets de plaider pour le culturel. Entre les deux, forcément, le coeur de n'importe qui balance. Mais, au fond, le domaine culturel au Québec, la vie culturelle du Québec a eu une telle importance sur l'évolution, non seulement des événements, mais de la politique profonde du peuple québécois, qu'il me semble qu'il faut alors choisir le culturel.

J'ai fait sourire autrefois en disant que la révolution tranquille a été l'oeuvre d'une demi-douzaine de ministres, d'une vingtaine de fonctionnaires et d'une trentaine de chansonniers. C'était une boutade, M. le Président, mais j'y crois profondément. La vie culturelle du Québec est, dans le meilleur sens, dans le sens le plus profond du terme, politique. Encore une fois, pas dans un sens partisan, mais politique. Au fond, les artistes ont été des espèces de révélateurs de ce que nous sommes et je plaide brièvement, pendant quelques minutes, pour qu'ils puissent trouver ce siège sur la commission.

Il y a bien d'autres choses dans ce projet de loi, M. le Président, sur lesquelles nous avons longuement négocié, je pense, dans une atmosphère correcte, forcément, avec des cas où on est plus satisfaits que d'autres, mais je pense, même s'il a fallu y mettre le temps, que nous en arrivons avec un projet qui, fondamentalement, est sain, à peu près correctement fait, à peu de choses près, mais qui va nous permettre de donner, M. le Président, une voix au Québec de demain, de faire en sorte que les Québécois aient enfin l'occasion de révéler ce qu'ils veulent et en le justifiant. Là, ce n'est pas seulement un vote dans le genre oui ou non. C'est de dire: Je veux le Québec de telle façon, et pour les raisons suivantes. Et que tout le monde puisse écouter en disant: Oui, à mon sens, ça a du bon sens, ou: Non, ça, j'y mettrais des sourdines. Cette Commission, peut-être, peut devenir, pour les Québécois, le révélateur de leur avenir. Si ça l'est, on pourra alors considérer que cette Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec aura été un point tournant de notre histoire. En tout cas, nous allons y travailler, M. le Président, de notre côté de la Chambre et, j'en suis convaincu, de l'autre côté de la Chambre, avec toute l'énergie et, je l'espère, la lucidité dont nous sommes capables. Merci.

Le Président: Je cède la parole à M. le député de D'Arcy McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: M. le Président, merci. De prime abord, j'aimerais souligner, au nom de notre caucus du Parti Égalité, que la nomination de M. Bélanger au sein de cette commission comme coprésident est grandement appuyée. Ses références distinguées ainsi que sa vision globale de notre pays font en sorte qu'il apportera un niveau de raison et de réflexion à une commission qui aura parfois, sans doute, tendance à s'emporter.

Nous allons, M. le Président, assister aux audiences de la commission à tous les jours. Il y aura au moins un membre du Parti Égalité à chaque séance. Nous allons écouter, nous allons absorber, nous allons étudier et nous allons intervenir, toujours dans l'esprit de la concertation et de l'ouverture, ainsi que dans la fidélité à notre province et à notre pays.

L'adoption de cette loi, que nous entendons amender, marque, espérons-le, un premier pas vers un Québec éclairé au sein d'un Canada assagi.

Mais, premièrement, M. le Président, avant que cette commission puisse même siéger, si c'est vraiment pour rechercher un consensus de véritable échantillon de la population, la loi que nous étudions aujourd'hui doit être modifiée afin d'obtenir un niveau de légitimité nécessaire pour une commission de ce genre, pour avoir une représentation adéquate des communautés culturelles ou anglophones.

Selon le projet de loi, 35 personnes doivent composer cette commission. Qui seront ces 35 personnes? Représenteront-elles un échantillon juste de la société québécoise?

Le Québec, nous le savons, est l'une des provinces ou l'un des États les plus diversifiés culturellement en Amérique du Nord. Environ 20 % de la population du Québec est membre d'une communauté minoritaire, selon le dernier recensement. Mais où les minorités du Québec

sont-elles représentées? Des 35 membres de la commission, on pourrait donc s'attendre que 6 ou 7 soient représentatifs de ces communautés. Si ce n'est pas modifié pour mieux refléter notre société, n'importe quel consensus représenté par cette commission ne sera pas le reflet légitime.

M. le Président, depuis le 23 juin, j'ai profité de l'été pour visiter plusieurs régions de la province. J'ai même eu l'occasion de visiter certains députés dans l'Opposition officielle et même dans le gouvernement. Selon la tradition québécoise, les citoyens et les dirigeants dans notre belle province ont été plus qu'accueillants. Ce que j'ai pu constater, c'est que les préoccupations des gens du Québec sont plutôt matérielles et économiques que constitutionnelles. Cela ne veut pas dire que nous soyons tous inconsciemment des matérialistes, mais que, bien que l'on profite d'un standing de vie proportionnellement très élevé, une forte partie de notre population - autant dans les grandes villes qu'à la campagne - demeure avec des préoccupations de survie de base et, pour des raisons plus qu'évidentes, demeure détachée des questions qui seront touchées par cette commission. (16 h 30)

Durant ma tournée à travers la province, les gens me parlaient beaucoup plus du chômage et du départ de leurs jeunes que du partage des pouvoirs entre le fédéral et le provincial. Ils s'inquiètent pour leurs emplois et ils entrevoient à l'horizon une situation économique désastreuse. Que ce soit du gouvernement fédéral, provincial ou municipal, les Québécois s'attendent à ce qu'on en finisse avec cette histoire, que l'année prochaine se terminent nos disputes constitutionnelles afin de passer aux problèmes quotidiens qui les préoccupent vraiment. Toute l'énergie de notre caucus sera dans l'intérêt d'amener cette Commission à la conclusion que la Fédération du Canada saura, en définitive, mieux servir notre province dans les années à venir.

Ceci étant dit, M. le Président, le système fédéral n'échappe tout de même pas à la critique. C'est un système qui mérite toujours d'être critiqué de façon constructive afin que l'évolution de nos sociétés puisse se faire avec la flexibilité nécessaire. Notre système sera peut-être éventuellement remanié de façon qu'on puisse tous, enfin, un jour, passer aux préoccupations plus importantes sans ce gaspillage éternel de nos énergies. La créativité et l'effort intellectuel qui sont dépensés dans ce genre de débat pourraient certainement mieux servir notre société en étant canalisés vers l'environnement, les emplois, le vieillissement de notre population, les crises dans nos hôpitaux qui sont, à mon avis, nos vraies priorités.

For 123 years, Québec has lived within the Canadian Constitution. The work of this Commission will present us with a série of options. Should we continue to evolve within the federal structure or should we slam the door and start the painful process of settling accounts if, in fact, settling accounts is even possible. Or, can we, as some have hoped over the years, keep one foot in and one foot out and simply transfer our body weight in accordance with the necessities at hand. This is the question. The fundamental question that we must study in the next few months.

Our Caucus position is firmly with the federalist option. But this does not mean that we are not open to some form of restructuring, improvement or variation thereof. It simply means that we will defend the reality that Quebec's best chances remain within a larger, more diverse entity, whose very existence stems from the type of uniqueness which Québec brings to it while, at the same time, be very open to examining improvements and correcting some of the problems. But in any revamping that we will work towards, you can be sure that we will defend two criteria that must remain intact: firstly is a strong Charter of rights and freedoms and, even added to that, an eventual Charter of responsibilities, and, second, the second criteria which we will always defend is the need for an effective central government in this country.

Certes, le système fédéral est loin d'être parfait, mais n'empêche qu'il a bien servi le Québec depuis 123 ans et notre qualité de vie demeure l'argument le plus solide quant au besoin de préserver la nature de ce système pour maintenir cette qualité de vie, cette fierté, cette confiance qui existe aujourd'hui et qui a été créée dans le régime fédéral.

Dans les années qui ont suivi la Révolution tranquille, notre province a démontré qu'elle a tous les pouvoirs nécessaires pour s'épanouir et se développer sans hésitation. La classe d'affaires du Québec ainsi que notre direction industrielle et technologique ne se sont pas implantées à la suite d'un changement constitutionnel ou d'une rupture avec les institutions gouvernementales de l'époque. Le Québec s'est développé en se prévalant des institutions à sa disposition. Les Québécois ont démontré la volonté politique d'agir et de prendre le contrôle de l'économie et de la société dans leur province. La confiance qui a suivi a été le résultat direct de notre propre développement et autosensibilisation, ce qui n'avait rien à voir avec la constitution.

The development of Québec in the past 30 years, our advancement and the flourishing of our province had nothing to do with constitutional changes.

Les résultats de la révolution tranquille ont fait la preuve que le Québec est déjà doté de tous les pouvoirs nécessaires pour s'épanouir. À ceux qui disent que le Québec est contrôlé par le régime fédérai et n'a aucun pouvoir, laissez-moi lire un paragraphe d'un texte "Choisir le Québec et le Canada", qui était un document de travail à l'intention des membres du Parti libéral du

québec. vous le connaissez bien, il y a à peu près onze ans et je cite: "le citoyen québécois travaille la plupart du temps pour une entreprise ou un service dont le fonctionnement tombe sous le champ de lois québécoises. il se marie sous l'empire d'un régime de droits et d'obligations défini par le législateur provincial. la plupart des actes qu'il pose comme citoyen relèvent d'un code civil qui est partie intégrante des lois québécoises. il envoie ses enfants à des institutions d'enseignement régies par l'autorité québécoise. s'il est malade ou a besoin de soins hospitaliers, il s'adresse à des services régis par des lois québécoises et obéissant à une autorité québécoise. "Qu'il oeuvre dans l'agriculture, dans la petite ou la moyenne entreprise ou dans une profession autonome, il doit transiger la plupart du temps avec des services d'aide, de réglementation ou de surveillance québécois. Si l'on excepte les grands services d'envergure canadienne comme Air Canada et les chemins de fer, le citoyen québécois, chaque fois qu'il se déplace, recourt à des services ou obéit à des lois et règlements qui relèvent généralement du Québec. S'il est incapable de travailler en raison de la maladie ou qu'il ait besoin d'un supplément de revenu pour subvenir aux besoins de sa famille, il doit s'adresser à des services sociaux qui relèvent de Québec. Quand il veut déposer ses épargnes en lieu sûr ou recourir à l'emprunt, il peut recourir de plus en plus à des institutions typiquement québécoises.

Pour tous les services immédiats que commande la coexistence des citoyens, tels l'enlèvement des ordures ménagères, la protection policière et la protection contre les incendies, les bibliothèques publiques, etc., il peut compter sur des services municipaux qui tombent sous le champ de compétence de l'autorité québécoise. S'il veut créer une société commerciale ou une association à caractère non lucratif, il peut s'adresser à des services que le gouvernement québécois lui offre à cette fin."

Alors, M. le Président, oser dire, comme certains l'ont fait, que le Québec est prisonnier du système fédéral, c'est induire la population en erreur. Mais comme je l'ai dit tantôt, il faut aussi reconnaître certaines injustices historiques pour rectifier certaines fautes dans le système fédéral. Par exemple, la constitution a manqué en n'établissant pas le principe de l'égalité des deux communautés linguistiques au Canada, ce qui a conduit à plusieurs décisions historiques déplorables, niant le droit à la langue française au Canada. Il faut aussi regarder la clause "nonobstant" qui existe dans notre Charte des droits et libertés qui donne au gouvernement la capacité de suspendre un droit individuel. La duplication de services par le gouvernement fédéral a également été la source de conflits, un problème que nous devrions chercher à améliorer.

Mais nous, du Parti Égalité, sommes heu- reux que la question primordiale pour la commission soit l'économie de la province. La première question à laquelle la commission aura à répondre, c'est: Combien est-ce que l'indépendance coûterait aux Québécois et Québécoises? Rappelons-le, on ne se demande pas si un Québec indépendant sera viable ou peut survivre, mais bel et bien si le Québécois moyen serait économiquement avantagé par la séparation du Québec.

I am also very confident, M. le Président, that this Commission will realize the advantages of the Canadian Federation and we will objectively look at the repercussions of sovereignty - economically, socially and from a human rights perspective. Our caucus will present arguments of logic, of fact as often as is necessary, we cannot let passion rule this debate, we cannot let passion or emotion hijack this debate. Because when the emotions run high, there are several myths that are fostered. Many of these myths, many of these misconceptions or misperceptions have driven the debate for too long and they must be replaced and corrected with facts, with historical facts. This is one of our major aspiration. This is one of the main things we plan to bring to the commission hearings on a daily basis. (16 h 40)

Le premier mythe qu'il faut redresser est que le rejet de l'accord du lac Meech est synonyme de rejet du Québec par le Canada anglais. Les faits démontrent que c'est faux. Des 11 Législatures du Canada, 9, incluant le Parlement fédéral qui représente le pays tout entier, ont approuvé l'accord, ont approuvé la reconnaissance du Québec comme société distincte. Ça, ce sont les faits. And Québec politicians who espouse this false interpretation of what happened, know it is untrue, but they are still trying to "sell" it. And I believe that they are committing a serious moral wrong in order to justify their own quest for power and their own rejection, perhaps, of the rest of Canada.

Another myth that has to be addressed and we will bring to this Commission is that because the Meech Lake Accord has failed that independence or sovereignty is the only course for Québec. The only question is what ties with the rest of Canada should Québec tolerate for its own benefit. But, if I can use the words of Dan Soberman who is a professor of law, he is a professor at the Faculty of law at Queens University, who put these words any way that this assertion cannot be made honestly. One does not start with the conclusion that independence is a remedy to an unformulated question." The only rational and indeed sensible approach is first to ask what changes can Quebeckers agree on as being important to their future as a democratic society that retains its cultural and linguistic values. And only then does one ask how the current Constitution prevents those changes from being implemented.

And one last concern, M. le Président, is what we have found to be somewhat dangerous in our society, in our democratic society and that is the virtual stifling of the opposition. The nationalist wave has reached proportions so that opposing points of view fear speaking out of times. This has been evident in the past several months. Our Québec media seem more than willing to bombard TV viewers with the images of six members of a fringe political organization wiping their feet on the Québec flag, yet when hundreds cheered various burnings of the Canadian flag in Montréal. It was treated as less important by the media. As is usually the case, damage is done by both sides and, unfortunately, the breaking of country becomes more imminent when the small minded elements of our society are given the exposure they seek, especially when one side is amplified.

Images and rhetoric put forward by the media during and after the failure of Meech did little to promote harmony and much to fuel hatred and misunderstanding in Canada.

Par conséquent, à la lumière de ce que le pays a vécu au cours des six derniers mois, avec toutes nos disputes constitutionnelles, the rolling of the dice, ainsi que les négociations fatigantes et sans fin, il est temps de prendre une décision: le choix d'un principe clair. Ou bien l'indépendance entière pour le Québec - une rupture avec le Canada et toutes les obligations qui s'y rattachent - ou bien nous choisissons la Fédération canadienne. L'une ou l'autre. Il ne peut y avoir aucune solution mitoyenne. La souveraineté-association, M. le Président, est une contradiction. L'association économique aurait servi d'appât à la société du Québec pour lui arracher son consentement au projet de souveraineté. Comme Claude Ryan le disait il y a 10 ans: "Le Canada souffre de fatigue constitutionnelle et n'est pas prêt à passer à travers le type de négociations que le terme souveraineté-association implique. Ça ne peut jamais être réalisé."

I was born here, as were my parents and as was my son. My roots are in Québec. My family is in Quebec. And this is my home just as much as it is the home of anyone else in this House, any other individual in this House.

Les séparatistes ne détiennent pas le monopole de la fierté de la patrie ou des racines. Et je défie quiconque de dire le contraire. Ça adonne que je suis un Québécois qui se soucie tout autant pour les intérêts de sa province que n'importe quel nationaliste qui agite un drapeau. Et je crois que ce qui est le mieux pour ma province, ma patrie, c'est de rester au sein du Canada. Ce n'est pas mettre les intérêts du Québec en second; au contraire, c'est mettre les intérêts du Québec en première place.

In 1980, during the run-up to the referendum, I was only 20 years old, but I remember how inspired I was by the then leader of the

Liberal Party, now the Minister of Education, his speeches, his brilliant analysis of why we must remain within the Federation of Canada. I also remember very clearly the inspirational speeches of who was then the former Premier of Québec and future Premier of Québec. But I will never forget on October 15, 1983, when he recaptured the leadership of the Liberal Party; he said: "Oui à un Québec canadien" and "we have to fight for Canada". So, it will be very interesting to see whether they still feel this way in the coming weeks. But you can be sure that our caucus does feel this way and it is our mandate on this commission to establish that presence.

En terminant, M. le Président, les événements récents nous ont démontré que le territoire de notre province comporte l'existence de plusieurs peuples différents et, lorsqu'on compare l'affirmation autochtone avec le mouvement indépendantiste ainsi que tout désir d'affirmation autonome au Canada, nos options, à long terme, deviennent particulièrement lucides.

M. le Président, nous avons un choix, un choix qui comportera conséquence bien au-delà du rapport de cette commission. Veut-on vivre dans un pays démembré où chaque peuple, nation, groupe ou coalition politique détient sa partie de territoire avec frontières définies? Ou veut-on vivre dans un pays qui est géopolitiquement intact et unifié par la présence même des divers peuples qui en font ses composantes? Le choix est simple, soit que l'on apprenne à s'entendre dans le respect des valeurs et des besoins de nos voisins, soit que c'est chacun pour soi et qu'on reformule nos associations à travers les frontières et les barricades.

Mr. Speaker, the choice has been made abundantly clear to us over the last few weeks. We either learn to live side by side in mutual understanding and respect for the needs and wishes of our fellow men, or we all split up and try to reforge our relationship across countless boarders and road blocks.

Le Québec est français et je veux qu'il reste ainsi, mais il est également une société multi-culturelle, multiraciale, multilinguistique qui, tout en garantissant et en combattant pour demeurer française, de concert avec toutes les composantes de sa société, devrait respecter toutes les composantes de sa société.

M. le Président, avec les amendements au projet de loi qu'on a convenu d'apporter avec les deux partis ce matin, le Parti Égalité, nous attendons avec impatience l'ouverture de la commission. Nous serons là du début à la fin et nous espérons qu'à la lumière de la réalité et du calme, nous pourrons produire un rapport qui nous mènera à un Québec et à un Canada forts, unis et paisibles. Merci.

Le Président: Je cède maintenant la parole à M. le premier ministre. (16 h 50)

M. Robert Bourassa

M. Bourassa: M. le Président, je suis très heureux évidemment de participer à ce débat fondamental pour l'avenir du Québec. Comme on l'a dit à quelques reprises depuis le début du débat, cette loi fait suite à l'échec des négociations sur l'accord du lac Meech. D'ailleurs, on sait également que le Parti libéral du Québec, au cours des prochains mois, proposera lui-même à son congrès des membres, en mars prochain, un renouvellement de son programme constitutionnel.

Je n'ai pas à élaborer longtemps sur les causes de l'échec de l'accord du lac Meech, mes collègues, notamment le ministre responsable des affaires canadiennes et le leader parlementaire en ont parlé d'une façon fort pertinente. Également, le chef de l'Opposition a souligné jusqu'à quel point cet accord du lac Meech était une forme de test. On n'a pas à répéter le caractère modéré des demandes du Québec. Qu'on pense par exemple à la reconnaissance du Québec comme société distincte qui créait beaucoup d'opposition au Canada anglais. Cette reconnaissance était basée, comme on le sait, largement sur des questions sur des éléments de faits reconnus déjà dans la constitution. Et même, on peut dire, on peut ajouter qu'avec la clause "nonobstant" qui fait partie de la constitution canadienne depuis 1982, nous nous trouvions à avoir déjà un niveau de sécurité culturelle très important et qui a été utilisé à plusieurs reprises par les différents gouvernements, mais qui allait, comme on l'a reconnu, au-delà de ce qui était demandé dans l'accord du lac Meech qui, quand même, a été refusé.

On a toujours posé la question: Que veut le Québec? Finalement, nous avons fait ces cinq propositions qui faisaient suite à toute une série de demandes du Québec datant du début de la Révolution tranquille. On demande depuis cet échec: Que veut le Canada? Tout ce qu'on peut constater depuis le 22 juin, c'est qu'il y a certaines divergences entre les différentes régions du Canada; que ce soit les provinces de l'Ouest ou même la Colombie-Britannique qui a référé à un moment donné à une nouvelle formule politique pour le Canada et pour la Colombie-Britannique, que ce soit les provinces de l'Est ou de l'Ontario, il est très difficile de pouvoir dégager un consensus sur la volonté du Canada anglais de réformer la constitution et sur la façon de la réformer.

Le Québec, évidemment, n'est pas tenu d'attendre que le Canada établisse ce consensus avant de réfléchir lui-même, comme il va le faire dans cette commission non partisane. Pourquoi une commission non partisane? On sait qu'à la suite de l'échec, il y avait des demandes pour des États généraux. Le chef de l'Opposition et moi-même nous sommes tombés d'accord pour établir cette commission qui faisait suite à la main tendue du chef du Parti québécois le soir du 22 juin. Il y a eu, comme il l'a mentionné tantôt, de très nombreuses discussions. Finalement, on s'est entendus. Plusieurs noms ont circulé sans qu'il y ait aucun commentaire public. Nous nous étions entendus pour ne pas faire de commentaires publics. Donc, il n'y avait pas lieu de confirmer ou d'infirmer les rumeurs qui circulaient. Mais un point sur lequel nous étions d'accord, c'est que la présidence ou la coprésU dence devait accorder une priorité à la dimension économique, dimension économique qui est une préoccupation très importante de tous les citoyens du Québec.

Nous avons, avec la nomination de MM. Bélanger et Campeau, une très bonne garantie de l'importance de la dimension économique dans cette réflexion sur l'avenir du Québec. Je n'ai pas à faire part des états de service de MM. Bélanger et Campeau, on les connaît. Ils ont servi le Québec dans plusieurs secteurs, mais principalement dans le domaine économique, avec un succès remarquable.

Ceci ne veut pas dire que les autres secteurs seront négligés. Que ce soit dans les nominations qui seront faites au niveau de la deputation, ou des représentants du milieu des travailleurs, ou des représentants du milieu des , entrepreneurs, nous avons bien l'intention d'aborder toutes ces questions touchant l'avenir social et culturel des Québécois. Mais la sécurité économique est un aspect fondamental. J'ai bien insisté là-dessus, notamment dans mon discours du 23 juin.

Si nous voulons cette sécurité économique, c'est que l'affaiblissement du Québec sur le plan économique va nous conduire à un Québec plus faible où les jeunes seraient les premières victimes. Nous avons quand même réussi, depuis quelques années, à redonner aux Québécois leur confiance sur le plan économique. On voit même qu'au cours de cette année, nous avons une performance économique qui dépasse nettement celle de notre puissant voisin, l'Ontario, alors qu'ils ont créé, comme je le mentionnais, environ 30 000 nouveaux emplois, c'est près de 50 000 dans le cas du Québec, et on pourrait donner d'autres chiffres au niveau des investissements. Donc, de plus en plus, nous faisons nos preuves sur notre savoir-faire économique.

Comment cette sécurité économique s'expri-me-t-elle concrètement? D'abord par la stabilité monétaire et une monnaie commune, et je constate que, de part et d'autre, nous souhaitons, quelles que soient les formes du régime politique de l'avenir du Québec, avoir cette stabilité monétaire qui se reflète dans une monnaie commune. C'est donc une option tout à fait logique. En effet, il est impensable que l'intérêt économique du Québec puisse être conciliable avec une monnaie québécoise, avec, sur le plan économique, une coupure avec le reste du Canada. Cet intérêt économique vise la mobilité: la mobilité

du capital, la mobilité de la main-d'oeuvre, la mobilité des biens et des services. Encore là, personne ne propose au Québec des contrôles douaniers. Ce ne serait pas réaliste de penser que le Québec, qui est au centre du Canada, puisse établir des contrôles douaniers. Mais ce qu'il faut retenir de cela, M. le Président, c'est que, si nous sommes d'accord pour la mobilité des capitaux, la mobilité de la main-d'oeuvre et la mobilité des marchandises, il y a donc une dynamique interne qui s'inscrit dans le développement ou l'activité économique du Québec et que, si nous avons cette union douanière, nous devons avoir ce marché commun et cette union monétaire.

J'ai eu l'occasion de référer à quelques reprises à l'expérience de la Communauté économique européenne où on a constaté la nécessité d'une stabilité monétaire. Le chef de l'Opposition, à quelques reprises, a référé au pouvoir relativement restreint du Parlement européen, mais il faut admettre que, depuis des années, ces pouvoirs ont tendance à s'accroître, que, de plus en plus, en Europe qui est la terre de nos ancêtres, on constate que l'intégration économique conduit à l'intégration politique et que, si on a une monnaie commune, on doit avoir une banque centrale et si on a une banque centrale, c'est évident qu'on est obligés de reconnaître la pertinence d'un Parlement et d'un Parlement élu au suffrage universel.

Je prends encore l'exemple de l'Europe. Jusqu'en 1979, on n'avait pas de Parlement élu au suffrage universel et on n'avait pas ce niveau d'intégration économique que nous connaissons actuellement en Europe et qui vise de plus en plus à devenir plus étroit. On doit constater que, parallèlement à ce développement de l'intégration économique, de plus en plus d'importance est accordée au Parlement et, depuis 1979, les députés sont élus au suffrage universel: élections en 1984 et en 1989. C'est vrai que le taux de participation est relativement bas, environ 50 %, mais, comme on le sait, c'est à peu près le niveau qui existe aux États-Unis.

On me permettra à cet égard, M. le Président, de référer aux propositions des jeunes libéraux faites il y a quelques semaines et qu'a endossées avec un certain enthousiasme le député de Lac-Saint-Jean, si je ne m'abuse, reconnaissant que les jeunes libéraux faisaient preuve de beaucoup de réalisme, sans faire de comparaisons désobligeantes avec les jeunes péquistes, si je puis dire. Les jeunes libéraux, à cet égard, ont montré qu'il fallait donner à ce Parlement des pouvoirs réels pour protéger la stabilité de la monnaie, une question de réalisme. Également, ils ont mis en relief, dans cette approche réaliste, la pertinence d'une mise en commun dans d'autres secteurs, que ce soit la question de la défense ou de la politique étrangère. On pourra ajouter également les questions de l'environnement. On va admettre facilement que le problème de l'environnement ne peut pas se résoudre d'une façon unilatérale ou locale. C'est un problème universel qui implique la concertation des différents gouvernements. (17 heures)

Je sais que le chef de l'Opposition, pour sa part, a émis des doutes sur la référence que nous pouvons faire au Marché commun européen. Je suis d'accord avec lui que, sur le plan budgétaire, les ressources budgétaires du Parlement européen sont relativement limitées, toutes proportions gardées, par rapport au gouvernement central. Mais ces ressources ont tendance à s'accroître. Les pouvoirs fiscaux devront s'accroître et nous ne pouvons pas, M. le Président, penser que nous aurons des politiques monétaires similaires sans avoir des politiques fiscales similaires.

Actuellement, par exemple, en France, on débat la question de la réforme fiscale. À plusieurs reprises, le gouvernement français invoque les contraintes communautaires pour harmoniser la fiscalité avec le reste des pays du marché commun. C'est cela que nous devons assumer dans le débat qui s'annonce. C'est que si nous acceptons, pour des raisons de réalisme et de bon sens économique, une intégration économique, nous devons accepter en même temps une certaine concertation ou harmonisation fiscale, laquelle implique nécessairement, comme les jeunes libéraux le soulignaient, un Parlement élu au suffrage universel. Et on pourrait ajouter à cela toute la question du déficit canadien.

Quand le chef de l'Opposition se réfère aux pouvoirs budgétaires, aux pouvoirs fiscaux assez limités du marché commun, on doit répondre à cela que si nous avons à assumer aussi le Parlement supranational ou néo-fédéral ou communautaire - on sait que les termes peuvent varier - assumer le déficit canadien, il faudra, de toute façon, à ce moment-là, tenir compte des pouvoirs fiscaux puisque, actuellement, le déficit canadien représente environ 35 % des revenus du gouvernement fédéral. On ne peut pas solutionner la question du déficit fédéral qui est considérable, qui est énorme en disant qu'il pourra faire partie des pouvoirs d'un Parlement canadien ou communautaire ou supranational sans lui donner des pouvoirs de taxation pour le financer.

Donc, ce sont des problèmes concrets comme ceux-là, de nature financière et économique, qui pourront être abordés par la commission parlementaire élargie. On aura l'occasion d'approfondir toutes ces questions avec différentes formules, que ce soient des forum, que ce soient des experts ou que ce soit, évidemment, avec les mémoires qui vont être soumis. J'ai mentionné, à la fin du mois de juin, que les paramètres dans lesquels le gouvernement, à tout le moins, voudrait évoluer dans cette réflexion, j'ai parlé de la question économique, j'ai parlé du

rôle historique et fondamental des anglophones au Québec, de l'importance du dynamisme des différentes communautés culturelles.

On pourra parler, c'est clair, également, de la question de l'immigration, que nous souhaitons vivement arriver à une entente avec le gouvernement fédéral. On a fait un bon bout de chemin à cet égard-là. On sait que l'immigration constituait une des cinq demandes du Québec, une demande qui est fondamentale et qui permet au Québec d'avoir un dynamisme pour sa démographie et j'espère que dans les prochaines semaines, sinon dans les prochains jours, nous pourrons avoir cette entente sur l'immigration qui va confirmer et ajouter des pouvoirs sur le choix des immigrants, permettant d'intégrer plus facilement ces immigrants à la société québécoise.

Toute la question des francophones hors Québec aussi que nous pourrons aborder, évidemment, la question de la collaboration avec les communautés autochtones, sans oublier, il va de soi, comme l'a mentionné d'une façon très pertinente le chef de l'Opposition, l'avenir culturel des Québécois.

M. le Président, je voulais en quelques mots simplement souligner l'importance historique de cette commission qui fait suite, comme on le sait, à plusieurs décennies de réflexion chez les Québécois, avec les différentes commissions d'enquête. Il s'agit donc d'un nouveau contexte, une formule sans précédent, un exercice de réflexion qui va être très très important pour notre avenir.

Je souhaite vivement, au nom du gouvernement, que cet exercice dé réflexion se fasse dans un climat positif et serein, comme d'ailleurs a été la réaction des Québécois à la suite de l'échec de l'accord du lac Meech, réaction qui a été saine et très positive et très sereine.

Ce qui va guider le gouvernement, c'est peut-être un peu ce qui nous distingue de l'Opposition dont l'objectif est reconnu. Ce qui va guider le gouvernement, ce n'est pas une formule politique plutôt qu'une autre, c'est l'intérêt supérieur des Québécois. Pour nous, la valeur suprême, c'est le progrès du Québec. Les formules politiques doivent être subordonnées à notre point de vue à cet intérêt au progrès du Québec.

Et ce progrès du Québec, je souhaite vivement qu'il pourra être préparé à l'occasion de cette réflexion, de cette commission élargie, de cette commission parlementaire et qu'avec la collaboration de tous les Québécois, d'une manière positive et dynamique, nous puissions travailler au bien-être de notre population. Merci, M. le Président.

Le Président: Nous allons poursuivre maintenant avec l'intervention de M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, ça me fait toujours sourire quand j'entends le premier ministre affirmer qu'il entend défendre d'abord et avant tout les intérêts supérieurs de la nation québécoise. Ça me fait sourire parce que c'est une expression plus ou moins clichée, passepartout, qui n'a pas beaucoup de signification. Et puis, je me dis avec un peu d'humour: Qui défend les intérêts inférieurs de la nation? Dans la crise autochtone, je ne sais pas si ce sont les intérêts supérieurs ou les intérêts inférieurs de la nation qui sont en cause.

M. le Président, on l'a répété à l'occasion de ce débat, il me semble que c'est important de le dire d'entrée de jeu, l'échec de l'accord du lac Meech a eu au moins cette utilité, je dirais, de ramener les voies d'avenir pour le Québec à deux options. Pas trois, pas quatre, pas dix, deux. Et deux seulement. Et ça apparaît maintenant avec une clarté aveuglante.

D'abord, le fédéralisme actuel, tel qu'il fonctionne présentement et qui est fondé sur la Charte canadienne des droits où le Québec n'est qu'une province comme les autres, au même titre que les autres, dans la mesure où les provinces, comme les citoyens, sont égales entre elles. Dans un régime fédéral actuel, même le Québec, comme société distincte, et comme société distincte avec très peu de portée, si on se rappelle le contenu de l'accord du lac Meech, même ça, ça n'est pas intégrable au régime fédéral actuel. Ça, c'est la première option. Il y en a qui défendent cette option-là et qui y croient encore - j'en parlerai tantôt - entre autres M. Cosgrove, un libéral notoire, membre du comité politique chargé par le Parti libéral de refaire le programme constitutionnel du Parti libéral. Fédéralisme actuel tel qu'il fonctionne présentement, avec ses défauts et les lacunes qu'on lui connaît, mais c'est ça, une des deux options.

Et l'autre, c'est la souveraineté du Québec, qui permettrait clairement au Québec d'établir ses lois, de voter toutes les lois, de percevoir tous ses impôts et de conclure des traités, notamment une entente définissant les modalités d'une association économique avec le Canada. Ce sont là les deux options qui constituent des choix possibles pour les Québécois. Et l'échec du lac Meech aura au moins eu cet avantage de clarifier les choses et de ramener les voies d'avenir pour le Québec à ces deux options, de sorte que le statut particulier du Québec, à l'intérieur de la fédération canadienne, c'est maintenant une chose reconnue, c'est une voie sans issue. C'est un cul-de-sac, une impasse. Toute forme de renouvellement du fédéralisme est vouée à l'échec. C'est ça, une des conclusions de l'échec de l'accord du lac Meech. Toute forme de fédéralisme du régime fédéral actuel est vouée à l'échec, est une voie sans issue, est de

l'ordre de l'utopie. Et le rejet des conditions minimales du Québec par le Canada anglais constitue, à cet égard, un verdict sans appel, puisque la plus insignifiante des révisions du régime actuel qui ait jamais été proposée dans toute l'histoire du Québec n'a pas réussi, a échoué: c'est-à-dire l'accord du lac Meech. Le fédéralisme n'est donc pas renouvelable et ça, les Québécois en ont tiré la conclusion à la suite de l'échec de l'accord du lac Meech. Le fédéralisme n'est pas réformable, il n'est pas renouvelable. Donc, on y adhère, on l'appuie, on y croit ou alors, on s'oriente vers autre chose qui est totalement différent, en termes de statut du Québec. (17 h 10)

L'échec de l'accord du lac Meech permet donc de constater que désormais, pour les Québécois, la solution passe par le Québec. Jamais plus, jamais plus les Québécois n'accepteront de voir leur avenir constitutionnel placé entre les mains d'une poignée de politiciens du Canada anglais. Et c'est ça qui est arrivé le printemps dernier, jusqu'en juin dernier, jusqu'à l'échec de l'accord du lac Meech. C'est ça qu'on a vu. C'était passablement honteux, d'ailleurs, M. le Président, passablement humiliant pour les Québécois de voir que leur sort était discuté par d'autres, ailleurs qu'au Québec. Ça, c'est une situation qui ne se renouvellera plus jamais. Les Québécois ne permettront pas qu'une telle situation se répète.

Donc, les Québécois doivent décider entre eux et pour eux de leur avenir politique, d'où l'importance des travaux de cette Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec puisqu'on y réaffirme, de façon solennelle - le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes le signalait tantôt - le droit à l'autodétermination du Québec. Le premier considérant, que je cite: "Considérant que les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel..." C'est une façon d'exprimer le droit des Québécois de disposer d'eux-mêmes, donc leur droit à l'autodétermination qui se trouve ainsi reconnu d'entrée de jeu dans ce projet de loi créant la Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec. Donc, les Québécois devront décider entre eux et pour eux de leur avenir politique, par le canal de cette Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec. La commission devient ainsi un forum privilégié qui permettra au peuple québécois de se prononcer, de s'exprimer sur les voies d'avenir qui s'offrent à lui. Cette commission sera une tribune, un véhicule qui permettra au peuple de se faire entendre, qui fournira au peuple une occasion de se faire entendre et d'exprimer son choix.

Donc, le débat sur l'avenir constitutionnel du Québec qui s'amorcera bientôt, avec les travaux de cette commission - il faut le constater avec satisfaction - va se dérouler dans un climat de sérénité et de confiance en eux-mêmes chez les Québécois. Plus que jamais, les Québécois sont tout à fait conscients de leurs aptitudes, de leur capacité à devenir pleinement responsables d'eux-mêmes. De plus en plus, ils sont conscients du potentiel de leur économie qui résulte de l'émergence d'une classe d'affaires, d'une classe d'entrepreneurs d'ici et qui sont... ¦ Donc, les Québécois, à partir de là, sont de plus en plus nombreux à envisager, de façon positive et sereine, les perspectives d'un Québec souverain. Cette confiance croissante des Québécois en eux-mêmes a été d'ailleurs renforcée, mise en évidence par les diverses études d'institutions financières réputées, reconnues, comme Merrill Lynch, qui attestaient, qui proclamaient même la viabilité du projet de souveraineté du Québec sur le plan économique, de sorte que le spectre de l'insécurité économique, agité fébrilement et de façon démagogique pendant la campagne référendaire de 1980, n'effraie plus aujourd'hui, à juste titre d'ailleurs, les Québécois.

Je comprends mal que le premier ministre soit si obsédé de sécurité économique puisque les Québécois eux-mêmes se considèrent en pleine situation de sécurité économique et considèrent que le Québec accédant à la souveraineté, leur sécurité économique ne sera nullement mise en danger, mise en cause. Ce qui ressort d'ailleurs des événements récents, c'est la mise au rancart, je dirais, de tout cet arsenal d'arguments de peur économique qui prévalaient à l'époque du référendum. Les Québécois n'ont plus peur, particulièrement ils n'ont plus peur sur le plan économique.

Mais pour que soit valable et constructif le débat de la Commission sur l'avenir constitutionnel, je pense qu'il nous faut exiger de la clarté. Il nous faut exiger qu'on évite les marécages, je dirais, sémantiques de l'ambiguïté et du clair obscur. Pour nous, du Parti québécois, c'est clair depuis plus de 20 ans. La voie à suivre, c'est la voie de la souveraineté du Québec. Et puis, je pense que nos concepts sont clairs, simples mais clairs. La souveraineté du Québec, c'est, en quelques mots, le pouvoir exclusif de cette Assemblée, du Parlement de Québec, de l'Assemblée nationale de légiférer sur le territoire québécois et que ce soit le seul Parlement habilité à faire des lois au Québec. C'est également le fait que tous les impôts payés par les Québécois soient perçus par le seul État du Québec. C'est enfin la capacité pleine et entière de conclure des traités, des conventions ou des accords internationaux, y compris une entente d'association économique avec le Canada. Seule la souveraineté, disons-nous, nous permettra de rétablir un véritable rapport de force permettant de négocier avec le Canada anglais les modalités d'une association économique portant sur la monnaie, les droits de douane, la libre circulation

des personnes et des capitaux, comme le mentionnait tout à l'heure le premier ministre.

Notre option, elle est claire, elle est connue, elle est publique, elle est articulée. Notre démarche aussi pour y accéder, elle est claire, elle est connue, elle est publique et elle est aussi articulée puisqu'on la retrouve dans le programme du Parti québécois. Dès notre arrivée au pouvoir, un gouvernement du Parti québécois va amorcer, enclencher un processus nous conduisant à la souveraineté par le biais de négociations, de pourparlers avec le gouvernement fédéral, alors qu'en même temps on procédera à l'élaboration d'une constitution d'un Québec souverain. Au terme de ce processus, la constitution d'un Québec souverain, incluant donc une déclaration de souveraineté, sera soumise directement à la population par voie de consultation populaire, par voie de référendum.

Pour nous, donc, les choses sont claires. Les idées sont claires et les concepts sont clairs. La démarche est claire aussi. Pour le Parti libéral du Québec, il nous faut reconnaître que les voies d'avenir sont à la fois plus nombreuses, plus ambiguës et plus nébuleuses. On dirait que le Parti libéral s'est lancé à la recherche de la quadrature du cercle ou a décidé d'adhérer à l'option d'Yvon Deschamps: Un Québec indépendant dans un Canada uni! (17 h 20)

À partir de là, ce qu'on constate, c'est que le Parti libéral est en voie littéralement de se transformer en véritable auberge espagnole afin - probablement, c'est la raison - de maintenir son unité jusqu'à son prochain congrès de mars 1991 en tentant de couvrir tous les angles à la fois, de couvrir tout le terrain politique en même temps et à la fois. Alors on passe donc de la communauté économique Canada-Québec des jeunes libéraux, qui ressemble étrangement à la souveraineté-association, aux professions de foi des fédéralistes purs et durs comme M. Cosgrove. Et, entre les deux, bien des nuances de renouvellement du fédéralisme comme si l'échec de l'accord du lac Meech n'avait pas condamné à tout jamais toute tentative de réformer ce régime, de renouveler ce régime.

La position des jeunes libéraux, le premier ministre faisait allusion à ma déclaration à ce sujet-là, c'est une position intéressante parce que ça constitue un progrès très net par rapport à la position du Parti libéral actuel. Il est vrai, cependant, qu'on y constate beaucoup de timidité sémantique. Les jeunes libéraux n'osent pas appeler un chat, un chat. Alors jamais dans leur document on ne retrouve le terme "souveraineté". On parle de pleine autonomie politique, de l'État du Québec qui se verrait accorder les pleines attributions d'un état. On n'ose pas appeler un chat, un chat. Bon, c'est une timidité compréhensible évidemment, quand on appartient à un parti qui s'affichait, qui s'est affiché depuis sa fondation, comme un parti fédéraliste, qui est à la recherche d'une nouvelle voie. C'est évident qu'on peut comprendre cette timidité sémantique des jeunes mais j'espère qu'ils vont pousser davantage, plus loin leur réflexion et qu'ils vont corriger les lacunes de leurs positions parce qu'il y en a, des lacunes. Alors je saluais le progrès accompli par les jeunes libéraux, mais il faut quand même signaler qu'ils ont encore des progrès à accomplir et des efforts de réflexion à faire parce que ce n'est pas uniquement avec un Parlement supranational qu'on va gérer une communauté économique entre le Canada et le Québec.

Je regrette mais quand on fait référence à l'Europe des 12, on constate que ce n'est pas le Parlement qui est l'institution la plus importante. C'est le Conseil des ministres de la Communauté qui est l'instance décisionnelle. Le Conseil des ministres de la Communauté, ça comprend des ministres de chacun des États constituant la Communauté et c'est aussi la commission qui siège à Bruxelles qui est l'instance executive, qui exécute les décisions et qui peut faire également des propositions. Le Parlement - le Parlement qui siège à Strasbourg, à la Communauté - c'est l'instance la moins importante et qui possède le moins de pouvoirs. Alors ce n'est pas avec un Parlement, comme le suggèrent les jeunes, qu'on va vraiment gérer correctement et efficacement une communauté économique entre le Canada et le Québec, avec laquelle je suis d'accord d'ailleurs, puisque c'est nous qui avons proposé cette communauté dès le départ. Il y en a qui auraient intérêt à relire le livre blanc sur la souveraineté-association de 1980. Ils auraient intérêt à le relire. La communauté économique Québec-Canada se retrouve dans ce livre blanc. Si on veut remonter plus loin, on n'a qu'à relire Option Québec de René Lévesque publiée en 1967. C'est là-dedans aussi.

Cependant, il ne faut pas confondre les choses et il ne faut pas semer l'ambiguïté et créer des malentendus. Il faut être clair. Et quand il y a une communauté, quand on parle de communauté économique Québec-Canada, il faut constater que ce qui importe ce sont, oui, la libre circulation des capitaux, des personnes et des biens, oui, très bien, une monnaie commune, oui, et également aussi des institutions qui vont gérer cette communauté. Et la plus importante des institutions ce n'est pas un Parlement supranational comme le suggèrent, comme le proposent les jeunes libéraux. Bon, il y a quand même un effort intéressant qu'il faut saluer la de la part des jeunes libéraux.

Mais quand on regarde les déclarations de M. Cosgrove, et là ce n'est n'est pas le dernier venu: ex-candidat de prestige, on se rappellera...

Des voix: Ah oui! ah oui!

M. Brassard: ...ex-candidat de prestige du Parti libéral, on est allé le chercher à Washing-

ton. Et puis là, il n'est pas non plus un simple militant, il fait partie du comité politique chargé par le premier ministre lui-même, chef du Parti libéral, d'élaborer un nouveau programme constitutionnel, M. Cosgrove. Alors là, on tombe des nues! l_a position des jeunes libéraux, c'est vrai que c'est une position souverainiste à côté de ça parce qu'il se définit lui-même comme un fédéraliste orthodoxe. M. Cosgrove ressuscite les vieux épouvantails de 1980, les vieux épouvantails de l'instabilité économique, du désastre économique qui pourrait faire suite à l'accession du Québec à la souveraineté. Je cite l'article du Devoir: "Cela dit, la perspective de l'indépendance du Québec lui apparaît comme un "désastre" devant conduire inévitablement à de nouvelles tensions sociales, à la ruine de l'économie et à l'instabilité politique." On se croirait retourner 10 ans en arrière, à l'époque de la campagne référendaire. "Et il admet volontiers qu'il n'est même pas nationaliste, alléguant qu'à travers l'histoire les mouvements nationalistes furent souvent porteurs de germes fascistes." Confusion des nationalismes.

Alors, M. Cosgrove est membre du Parti libéral, c'est un militant, c'est un membre d'une instance importante du Parti libéral. Ex-candidat du Parti libéral, lui, il continue de véhiculer les mêmes vieux clichés, de véhiculer les mêmes vieux arguments de peur et de pratiquer ce qu'on appelait à l'époque, ce qu'il faut bien continuer d'appeler, le terrorisme économique qu'on a bien connu il y a 10 ans.

Là, écoutez bien, ça veut dire qu'on se retrouve avec un Parti libéral qui nage dans la confusion la plus totale. Et le premier ministre n'aide pas à clarifier les choses par ses déclarations pour le moins contradictoires; une journée, passablement nationaliste, une autre, pas mal plus fédéraliste. Il entretient volontiers et délibérément, sans doute, l'ambiguïté. Soucieux de gagner du temps, ça a toujours été l'essentiel de sa politique et d'éviter ainsi aussi l'éclatement de son parti. Parce que, là-dessus, il y a bien des choses à dire, sur les déclarations du premier ministre qui nous parle depuis l'Europe et depuis un certain nombre de mois de superstructure à l'européenne. Il vient de nous en parler encore dans son intervention de tout à l'heure. Il évoque et il invoque la Communauté économique européenne, mettant en évidence les liens qui unissent les pays de la Communauté, unions douanières, libre circulation des personnes et des capitaux, et on se dirige maintenant, depuis un certain temps, vers une union monétaire. Oui, très bien, sauf que, quand on parle de superstructure, M. le Président, je vous signale que ça implique qu'il y a une infrastructure. C'est logique, ça, hein? Quand on parle de superstructure, ça implique qu'il y a une infrastructure. C'est quoi l'infrastructure de cette superstructure qui s'appelle la Communauté économique européenne? C'est la souveraineté des États. C'est ça, l'infrastructure. Il n'en parle jamais; il n'en parle jamais, jamais un mot! Il parte toujours de la superstructure, des instances communautaires, de ce qui crée la Communauté. C'est bien. On ne peut pas dire qu'il se trompe, il ne ment pas, il ne dit pas de fausseté, mais il oublie l'autre élément, tout aussi fondamental, de la Communauté, l'infrastructure, c'est-à-dire les États souverains. Il y en a 12, États souverains qui constituent la Communauté économique européenne.

Les jeunes libéraux commencent à le comprendre, là, mais ils sont un peu timides. Ils n'osent pas parier de souveraineté, ils parlent de pleine autonomie. Mais ils sont à la veille peut-être de voir la réalité. Ça progresse. Mais le premier ministre, lui, il n'a pas l'air de progresser beaucoup. Il est toujours à sa superstructure et aux éléments de la Communauté, mais il oublie l'infrastructure, la souveraineté des États. (17 h 30)

Je pense qu'à l'occasion des travaux de cette commission ce sont des choses qu'il va falloir clarifier, des concepts qu'il va falloir mettre en lumière; pas uniquement les aspects communautaires d'une association économique Canada-Québec, mais également les changements fondamentaux par rapport au régime actuel, c'est-à-dire le fait qu'on se trouvera en face de deux États souverains et pleinement souverains. Il faudra donc que M. le premier ministre fasse son choix aussi, il faudra qu'il se branche. Il faudra qu'il se branche au plus tard lors de son congrès, peut-être avant, on l'espère, pour qu'on puisse enfin savoir où il loge, a quelle enseigne il loge, qu'il affiche ses véritables couleurs parce que là on ne sait pas s'il est du côté des jeunes libéraux et qu'il va cheminer vers un projet de souveraineté-association ou s'il est du côté du M. Cosgrove et qu'il va s'embourber dans une proposition de fédéralisme orthodoxe, pour parler comme M. Cosgrove.

Dans les circonstances actuelles, M. le Président, il ne sert à rien de rechercher la quadrature du cercle d'un Québec souverain dans un Canada uni. Ça, c'est bon dans un monologue d'Yvon Deschamps, mais en politique ce n'est pas possible, c'est impensable, c'est une voie sans issue qui ne pourra nous conduire qu'à de nouveaux marécages constitutionnels. On peut choisir le fédéralisme actuel tel qu'il fonctionne et c'est parfaitement légitime. On peut choisir la souveraineté du Québec comme projet et c'est aussi parfaitement légitime. Mais n'essayez plus de trouver quelque chose entre les deux, une espèce de renouvellement du régime actuel, les faits, l'histoire viennent de démontrer que ce n'est pas faisable, que le fédéralisme n'est pas réfôrmable. Si vous vous engagez dans cette voie-là, vous vous engagez de nouveau, encore une fois, après Meech et bien d'autres tentatives, comme le signalait le chef de l'Opposition, dans une voie sans issue, dans une impasse. Alors, le

premier ministre devra se brancher en faveur de l'une ou l'autre des deux options, non pas des trois, ni des quatre, des deux.

Je termine là-dessus, M. le Président. La commission que nous créons par une loi spéciale permettra, je l'espère, espérons-le en tout cas, de clarifier les véritables enjeux découlant de ces deux options, de clarifier aussi les concepts, de dissiper les malentendus, les ambiguïtés que certains prennent plaisir à véhiculer et à entretenir. Cette commission permettra de clarifier les enjeux, de clarifier les concepts de ces deux options qui s'offrent comme voie d'avenir pour le Québec, de telle sorte qu'on puisse déboucher sur un choix parce que là il va falloir que ça débouche quelque part, cette commission. Elle va faire ses travaux, elle va entendre tout le monde, elle va faire des rapports. Je dis des rapports au pluriel, peut-être un rapport, mais je ne pense pas que ce soit pensable, il y en aura probablement plusieurs, plus d'un en tout cas, compte tenu des membres qui la composeront. Mais il faudra aussi que les Québécois soient appelés un jour ou l'autre - le plus tôt sera le mieux - à faire un choix, à choisir. C'est vers ça qu'on doit s'engager. Si ce n'est pas vers ça, ça devient un exercice inutile, futile même, il faut être bien conscients que ce n'est qu'une étape qui va nous conduire vers une autre étape, plus décisive celle-là, où les Québécois et Québécoises auront à faire un choix. Dans ce sens-là, évidemment, je pense que, comme tout le monde qui est intervenu là-dessus, cette commission aura un rôle important à jouer. C'est pourquoi, évidemment, c'est avec plaisir que je voterai en faveur de ce projet de loi créant cette Commission. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Le prochain intervenant, M. le député d'Anjou. M. le député d'Anjou.

M. René Serge Larouche

M. Larouche: Merci, M. le Président. Alors, nous étudions le projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Avant de faire mon discours, évidemment, j'ai consulté certaines personnes hier. J'ai dit: Tiens, je vais faire un discours sur le droit du Québec à l'autodétermination. Alors, mon grand conseiller m'a dit: Tu vas vite sur tes patins, tu feras ça plus tard. Ainsi, j'ai été obligé de me rajuster aujourd'hui et de suivre ses conseils. Il m'a dit: Tu devrais faire ton discours sur la question du mandat et de la composition. Ayant entendu mes collègues, je ne peux pas faire autre chose que de donner aussi mes commentaires sur le lac Meech, sur des questions de nationalisme, d'intégration et ainsi de suite, pour en arriver, en deuxième partie, à cette question du mandat et de la composition, du fond lui-même du projet de loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

On le sait, des commissions au Québec et au Canada, il y en a eu. J'ai, au cours des derniers mois, jeté un coup d'oeil en profondeur - je n'ai pas seulement tourné les pages - sur la commission Rowell-Sirois en 1938 qui examinait certaines questions de fiscalité touchant les provinces et le gouvernement fédéral, sur la commission Tremblay, évidemment, quatre ou cinq volumes, 1953 à 1955, et il est remarquable en tout cas, pour la commission Tremblay, comme ça peut être toujours d'actualité; la commission Laurendeau-Dunton, 1962-1967, la commission Pepin-Robarts, 1979, et enfin on aura cette commission Bélanger-Campeau.

On sait que cette commission est mise sur pied suite à l'échec du lac Meech. La pierre d'achoppement au niveau de l'acceptation par le Canada anglais de l'accord du lac Meech, c'est évidemment le concept de société distincte. Si on consulte n'importe quel manuel qui touche les relations ou les affaires internationales, ce concept de société distincte revient constamment. Société distincte qui veut dire une société qui est différente d'une autre, tout simplement. C'est clair que, pour une bonne partie du Canada anglais, même si l'accord a été refusé officiellement par Terre-Neuve et le Manitoba - et même au Manitoba, on dit par Elijah Harper - ce concept de société distincte allait à l'encontre d'une vision d'un Canada unitaire, d'un Canada où il y a une nation, où il y a un peuple, où il y a un gouvernement et ainsi de suite. Alors ça arrivait à l'encontre d'une conception du Canada qui date de 1865, ce grand débat entre Mac-donald et Cartier. Ce qu'il faut clarifier avec cette commission, c'est d'en venir à la conception Cartier éventuellement. Ce sera certainement examiné.

Ce concept de société distincte était lourd de conséquences. Contrairement à ce que pourraient en dire certains, ce n'est pas seulement une petite chose. Au moins, ça plaçait un jalon: Le Québec est une société distincte, et on l'a vu: Non, vous n'êtes pas une société distincte. Bon, très bien. On tourne la page. Ce que j'ai dit, moi, en particulier, c'est: Toutes les options sont ouvertes. Quelles options? Contrairement au député de Lac-Saint-Jean, je ne dis pas qu'il y a deux, mais trois options. On n'est pas le premier peuple ou la première nation à examiner cette question. Si on regarde la période de 1960 à 1990, les pays membres des Nations unies, sont 60 pays à 158 ou à 160 aujourd'hui, il y a toujours trois options: soit que c'est la souveraineté pure et simple ou l'indépendance pure et dure, soit que c'est une souveraineté associée à un autre État, et René Lévesque n'a absolument rien inventé, ou soit, troisièmement, que c'est l'intégration avec le pays dans lequel on participe déjà. Quel est ce niveau de plus ou moins

d'intrégration ou, dans une deuxième option, quel est ce partage de souveraineté? Eh bien, je pense que ça fera partie du mandat de ce comité, de se pencher sur ces questions. (17 h 40)

C'est une question de nationalisme, d'un côté, et d'intégration, de l'autre, et, entre les deux, il y a un mi-chemin. Quand je parle de nationalisme, je ne peux pas ne pas référer au premier pourfendeur du nationalisme au Canada. Son nom: Pierre Elliott Trudeau. Pour lui... et, en passant, c'est relié à la question amérindienne. Pierre Elliott Trudeau, en 1969, à Vancouver, prononce un discours majeur. Il dit ceci. Je le cite d'abord en anglais, je vous le traduirai parce que, quand même, je veux respecter sa pensée. Concernant une question qui lui était posée sur les droits territoriaux pour les Amérindiens du Canada, il répond ceci: "Our answer is no. We cannot recognize aboriginal rights to the Indians because no society can be built on historical might-have-beens. If we think of restoring aboriginal rights to the Indians, well, what about the French Canadians who were defeated on the Plains of Abraham? Should we compensate for this?"

Je traduis en français. Sur la question qui lui est posée sur les droits des Indiens du Canada, il répond: 'Ma réponse est non. On ne peut pas reconnaître des droits aux Indiens - et on est en 1969 - parce que aucune société ne peut être construite sur des prétendus droits historiques. Si nous pensons restaurer les droits des Amérindiens au Canada, alors, que penser de ceux des Canadiens français qui ont été battus aux plaines d'Abraham? "

Et c'est comme ça qu'on a eu un planteur de bombes. Un planteur de bombes, ça veut dire ceci. Ça veut dire que quand on ne reconnaît pas, à un moment donné dans l'histoire, des droits fondamentaux, à un moment donné, ça peut être 20 ans après, il y a des gens qui prennent les moyens pour les faire reconnaître.

Alors, en 1969, M. Trudeau dit ça. En 1981, les droits des Indiens ne sont pas reconnus et, en 1981-1982, je n'y étais pas, j'étais aux États-Unis dans ce temps-là, on sait qu'on n'a pas participé, comme Québécois, à la constitution. On y est revenus en 1987 et autant les Amérindiens que nous étions en dehors du jeu. Je pense que c'est un point important.

Pour Trudeau, c'était bien simple. S'il n'y a rien pour les Québécois, bien, il n'y aura rien pour les Amérindiens. Alors, ce M. Trudeau était tellement sûr de son bon droit qu'il préférait avoir raison sur toute la ligne et échouer au bout du rouleau. Son maître à penser sur le nationalisme, et c'est important, c'était Lord Acton, et il le cite à tout bout de champ, même dans ses mémoires collectives, parce que, chez lui, il faut se mettre à plusieurs pour penser. Alors, Lord Acton, c'était son livre de chevet qui s'appelait Nationality - M. Trudeau avait étudié à Harvard, ne l'oubliez pas, à la fin des années 1945-1948. Il a lu un livre qui s'appelait Nationalité de Lord Acton, un livre de 29 pages, excluant la couverture. De ce livre, les critiques disent ceci: Les propositions d'Acton sur le nationalisme sont contradictoires. Il ne considère pas le phénomène de l'intégration, ce que M. Bourassa considère, à juste titre, ce phénomène d'intégration.

Alors, vous avez un nommé Trudeau, premier ministre du Canada de 1968 à 1984, qui a orienté le pays dans un cul-de-sac et on en voit, aujourd'hui encore, les conséquences.

Des chroniqueurs disent ceci encore de ce Lord Acton, maître à penser de Trudeau sur le nationalisme: "L'argumentation d'Acton est similaire à celle de Hegel pour qui certains groupes sont appelés à la civilisation, d'autres à la barbarie perpétuelle." Et le professeur Birch - B-i-r-c-h - de l'Université de Colombie-Britannique, ajoute: "Ce type d'arrogance culturelle était très répandu chez les penseurs européens du XIXe siècle." Alors, voilà par qui on a été menés au Canada pendant une vingtaine d'années.

Je pense que, pour ce dossier bien précis, je n'ai pas de fleur à donner. Pour d'autres, j'y arriverai. C'est clair qu'on a une hypothèque au début de ces travaux. À mon point de vue, c'est la question amérindienne et je cite un commentaire d'un chroniqueur qui disait à peu près ceci: Le gouvernement du Québec aurait dû pouvoir dire: Les Indiens qui sont sur le territoire du Québec sont les Indiens du Québec, comme les anglophones qui sont sur le territoire du Québec sont lés anglophones du Québec. À tous notre loi va s'appliquer dans l'équité." Ce discours-là, le gouvernement du Québec n'a pas voulu ou n'a pas su le tenir. Moi, je dis: II faut être capable, avec cette commission, et je suis sûr, je pense - je n'en connais pas la composition - je crois et j'espère qu'il y aura un ou plusieurs Amérindiens parce que je dis: II faut être capable de tenir comme Québécois ce discours.

Sans insister plus qu'il ne faut maintenant sur la Communauté économique européenne et nonobstant le rôle assez léger du Parlement européen, on sait que la Communauté économique européenne est dirigée par la Commission des Communautés économiques européennes et que le type de fédéralisme ou de collaboration qui se fait à ce niveau-là est assez léger. C'est un fédéralisme exécutif où les décisions sont prises. Là, ça va bien parce que c'est M. Jacques Delors et ça va bien pour la France. Alors, il y a certains problèmes. Mais c'est clair que, dans n'importe quel système, comme on dit, personne ne nous a promis un jardin de roses. Alors, que ce soit le fédéralisme actuel ou ce qui viendra après, il faut être capable de relever ses manches et de travailler fort.

Les interdépendances au niveau de la Communauté économique européenne, parce que certains en ont parlé, et les liens qu'il y a entre les nations souveraines, comme disait le député de Lac-Saint-Jean, les liens transnationaux, c'est clair, ont contribué à fractionner l'intérêt national de chacun des États membres et à réduire par le fait même l'autorité de chacun des États. C'est ce qu'on connaît actuellement avec notre fédéralisme.

Alors, moi, ma pensée fondamentale sur cela, c'est qu'en fin de compte je dis que la proposition de souveraineté-association est une position fédéraliste. Celle qu'on a actuellement, le fédéralisme qu'on vit actuellement, ce n'est pas du fédéralisme. C'est la vision d'un pays unitaire. Alors, je n'ai pas le temps et ce n'est pas le temps, d'ailleurs, de préciser cette pensée-là, mais c'est un point important que je pense que les membres devraient examiner.

Je vais aller, maintenant, en deuxième partie, sur les modalités. C'est clair que le leader du gouvernement, au début de la présentation du projet de loi, a mis en valeur les aspects qu'il fallait vraiment retenir. Je me suis inspiré d'un livre qu'a écrit le ministre de l'Éducation, en 1962, pour certains commentaires qui méritent d'être revus: Les comités: esprit et méthodes, par M. Claude Ryan, qui s'y connaît en travail, en comité et en commission, et j'ai pris une citation de son livre. Il dit: "Un comité ou une commission, c'est une réunion de gros bonnets dont chacun, pris isolément, ne peut rien faire, mais qui se mettent ensemble pour décider que rien ne peut être fait." Ça peut être ça. Ça arrive, dans des comités, mais je ne crois pas que ce soit l'objectif. Alors, au niveau du choix des personnes, que je ne connais pas, mais je sais au moins le nom des deux coprésidents, et on sait que le premier ministre et le chef de l'Opposition sont impliqués, qu'ils ont la volonté politique de faire en sorte que ce comité ou que cette commission produise des résultats, je pense que le dicton rappelé par M. Ryan ne tiendrait pas à ce niveau-là.

Concernant la "bicéphalité", on pourrait se poser des questions. On a déjà vu la commission Rowell-Sirois parce qu'on voulait mettre en valeur le fait qu'il y ait plus d'une nationalité, comme on a eu Laurendeau-Dunton. Alors, dans cette "bicéphalité", il y a un certain danger. Mais je pense que, peut-être, au niveau de différentes modalités qui seront mises de l'avant avec le projet de loi, ça pourra neutraliser les problèmes éventuels de cette "bicéphalité". Est-ce qu'on en arrivera à deux rapports ou à trois rapports? C'est une autre chose. L'idéal serait d'en arriver avec un rapport, peut-être un rapport minoritaire, mais encore. Il y a des problèmes à résoudre et je crois qu'ils devront l'être. (17 h 50)

Une autre citation que j'ai puisée dans le livre de M. Ryan: "II ne faut pas s'imaginer qu'une table de réunion a le pouvoir magique de produire de la sagesse du seul fait qu'elle est frottée au même moment par une douzaine de paires de coudes." Encore M. Ryan! Et c'est très approprié parce que, dans le fond - et tout le monde le dit cet après-midi - c'est le peuple qui va décider. C'est une commission de consultation, les articles le prévoient. C'est une commission itinérante. Alors, ce n'est pas seulement un. comité ou une commission qui pense d'elle-même, en se frottant les coudes, il y aura consultation. C'est un processus qui s'engage pour aller chercher vraiment ce que pensent les gens, comme le disait le leader, député de Port-neuf.

Concernant le choix des personnes, je vous ai toujours dit que je ne les connaissais pas. Je ne les connais toujours pas, mais ce sont des personnes, certainement, qui comprennent la nature du problème, étant des Québécois qui proviennent de différentes communautés, de différents milieux, vu leur disponibilité, qui démontreront un éventail d'opinions, d'expériences, d'aspirations; des personnalités assez marquées d'ailleurs pour diverger d'opinions. Parce que ce n'est pas facile, ces temps-ci, de diverger d'opinions. À la page 45, M. Ryan faisait remarquer ceci: "Certains ont pour principe de ne s'entourer que de gens qui pensent comme eux et ne représentent aucun danger pour la pensée établie au sein du groupe. Cela finit en dictature, sinon en corruption." Alors, ce n'est pas le cas. C'est un éventail complet, c'est une consultation partout: 35 membres, alors ce n'est pas 35 personnes qui pensent pareil. En fin de compte, tous les signaux d'alarme qui sont donnés au niveau d'un fonctionnement d'un comité, bien, ne s'appliquent pas lorsqu'on regarde la composition, le mandat de cette Commission.

Les écueils à éviter, comme nous le rappelle toujours notre manuel ici, le culte des vedettes, il ne semble pas y en avoir trop trop; le favoritisme non plus, puis la manie du secret, très important, et il cite Gandhi qui disait: "Je remercie Dieu d'être parvenu, depuis des années, à considérer le secret comme un péché, surtout en politique." Si vous regardez à la page 8, l'article 25, "la commission peut siéger à tout endroit du Québec, elle siège en public, sauf s'il s'agit d'une séance de travail." Alors, cette question du secret, elle est réglée.

En somme, toutes les mises en garde qui étaient données concernant la bonne conduite d'une commission sont résolues par le projet de loi 90 et c'est la raison pour laquelle je ne peux m'empêcher de donner mon assentiment et je le fais avec plaisir. Alors, je voterai à 100 % en faveur de cette loi. Merci beaucoup.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Anjou. Je reconnais maintenant la

prochaine intervenante, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et responsable de la Famille. Mme la ministre.

Mme Violette Trépanier

Mme Trépanier: Merci, M. le Président. Les interventions que nous avons entendues jusqu'à présent ont fait ressortir, à juste titre, l'importance capitale et je dirais même existentielle des travaux qu'amorceront bientôt les membres de la Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec. Comme ministre responsable à la fois des conditions de vie et de travail des femmes et des familles québécoises, je me dois de rappeler une réalité que son évidence même nous amène parfois à oublier: les choix et les décisions qui résulteront des travaux de la Commission et des propositions qui lui seront soumises auront un impact vital sur les femmes et les hommes qui composent le Québec d'aujourd'hui et sur les jeunes sur qui reposent le Québec de demain.

C'est presque un sophisme de déclarer que la famille constitue le fondement même de notre société, qu'elle joue un rôle déterminant dans le développement, dans l'épanouissement des individus et que notre avenir collectif dépend de sa vitalité et de son dynamisme. Pourtant, il est important de le rappeler ici, chez nous, M. le Président, la famille se révèle une institution, à la fois durable et changeante. Elle est durable, puisque, au-delà des diverses formes et particularités qu'elle peut revêtir, elle continue d'influencer les personnes qui la composent et de façonner la société. Elle est durable également parce qu'elle reste toujours une des valeurs les plus importantes et fondamentalement partagées par l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

Mais la famille est aussi une institution changeante qui a vécu et qui continue de vivre des transformations profondes aux plans démographique, sociologique et économique. Parmi les mutations les plus spectaculaires qu'ait connues la famille au Québec, la chute du nombre des naissances est sans contredit la plus évidente-Cette chute, rappelons-le, est continue depuis plus d'un siècle, à l'exception d'une certaine reprise durant les années quarante et cinquante. Et, en cela, le Québec rejoint un phénomène observé dans toutes les sociétés industrialisées occidentales.

En 1961, le Québec avait encore l'un des taux de fécondité les plus élevés en Occident, soit 3,8 enfants par femme. En 1987, moins de 30 ans plus tard, l'indice synthétique était de 1,3 enfants par femme. En 1988, il était de 1,4 et, en 1989, 1,5. La légère hausse notée au cours des deux dernières années est-elle attribuable aux mesures de soutien aux familles mises de l'avant par le gouvernement? Il est encore beaucoup trop tôt pour tirer de telles conclusions. Toutefois, il faut être conscients que ce redressement, même s'il devait se poursuivre, se situe quand même bien au-dessous du seuil de renouvellement des générations. L'apport essentiel de l'immigration ne fera que reporter quelque peu les conséquences prévisibles de cette situation qui sont un vieillissement accéléré de la population et le début inévitable de la décroissance d'ici une quinzaine d'années tout au plus.

Une autre caractéristique importante a également marqué l'évolution de la famille québécoise au cours des deux dernières décennies. Celle-ci n'est plus fondée exclusivement sur le mariage. En 1970, 90% des femmes et des hommes se mariaient. En 1985, ce pourcentage passait à 50%. En parallèle, on constate une augmentation constante des divorces et, partant, une hausse du nombre de familles monoparentales ou recomposées.

La société relativement homogène que constituait le Québec d'hier s'est métamorphosée et se caractérise maintenant par la diversité de ses profils familiaux. Cette réalité influence profondément les besoins de la population et, partant, la définition et l'administration des programmes sociaux.

Au cours des dernières décennies, deux phénomènes nouveaux ont profondément modifié la famille comme unité économique. D'une part, le nombre de familles où les deux conjoints sont sur le marché du travail ne cesse de croître, ce qui crée inévitablement une forte demande de nouveaux services, en particulier en matière de services de garde. Le travail et l'apport économique de femmes constituent une réalité importante sur laquelle je reviendrai un peu plus tard.

D'autre part, la hausse des ruptures d'union a entraîné la croissance des familes monoparentales, dont la majorité a une femme comme responsable. Or, il est clairement établi que ces familles, avec les familles nombreuses, sont parmi les plus pauvres de notre société. Cette fois encore, il nous faudra prendre ces réalités en compte dans l'édification du Québec de demain.

Il est évident que les facteurs dont je viens de faire état affectent considérablement la manière avec laquelle la famille d'aujourd'hui remplit ses fonctions sociales. Ainsi, le travail des mères à l'extérieur du foyer aurait dû entraîner une redéfinition des rôles de l'homme et de la femme à l'intérieur de la famille et, également, modifier la structure du marché du travail. Malheureusement, ces transformations tardent trop à venir. (18 heures)

Cependant, ces bouleversements sociaux importants et les problèmes avec lesquels la famille d'aujourd'hui est confrontée ne l'empêchent pas de demeurer une des valeurs auxquelles notre population est profondément attachée. À preuve, un récent sondage effectué pour le compte du Secrétariat à la famille démontre que 91 % des jeunes de 17 à 24 ans

défirent des enfants. Selon cette enquête, si tous les répondants avaient dans l'avenir le nombre d'enfants qu'ils souhaitent, l'indice synthétique de fécondité grimperait à 2,7. Dans notre réflexion sur notre avenir collectif, il faudra donc se demander lucidement ce qui, dans l'organisation économique et sociale du Québec d'aujourd'hui, entrave la réalisation de ce rêve d'enfants et de ce désir d'enfants.

J'ai souligné, il y a quelques minutes, la place considérable qu'occupent les femmes dans la structure sociale et économique du Québec. Trop souvent, l'histoire officielle a occulté leur rôle. Depuis quelques années, heureusement, on reconnaît davantage leur contribution à l'édification de notre société. Nous avons pris conscience, par exemple, que c'est grâce à des femmes qui se nomment Jeanne-Mance, Catherine de Longpré, Marguerite d'Youville que nos services sociaux et de santé se sont développés, que c'est à toutes celles qui ont pris la relève des Mar-guerite-Bourgeoys et des Marie Guyart que nous devons l'éducation des filles et bien souvent des garçons en milieu rural. Trop souvent, on parle du travail féminin comme d'un phénomène relativement récent. Pourtant, de tout temps, les femmes ont assuré la reproduction de l'espèce humaine, la reproduction des êtres, pour parler crûment, et, en termes purement économiques, constituent la main-d'oeuvre et les consommateurs de biens et de services. Elles ont, en outre, assumé leur grande part de la production domestique, agricole ou artisane et elles ont traditionnellement été chargées des tâches d'éducation et des tâches de la famille.

Ce qui a changé profondément au cours des dernières décennies, ce n'est pas tant le travail des femmes, mais bien le cadre dans lequel ce travail s'effectue. De la seule sphère domestique, le travail féminin a évolué pour se situer en plus dans la sphère marchande, lui procurant ainsi une visibilité grandissante. Saviez-vous que, dès le début du siècle, les femmes constituaient le quart de la main-d'oeuvre à Montréal? Ces emplois se concentraient surtout dans le secteur manufacturier et dans les emplois domestiques. C'est à cette époque que les emplois de bureau commencèrent à se développer. Au cours de la première grande guerre, on fit largement appel à la main-d'oeuvre féminine, notamment dans les usines d'armement et de munitions. L'après-guerre et la crise des années trente marquèrent un net recul quant à la présence des femmes sur le marché du travail.

En fait, c'est la Deuxième Guerre mondiale qui provoquera une véritable révolution dans l'accès des femmes en emploi. Les énormes besoin de main-d'oeuvre amenèrent le gouvernement fédéral, les entreprises à mettre en place diverses mesures favorisant le travail des femmes, tout spécialement de celles qui avaient des responsabilités familiales: modifications des règles fiscales, admission aux programmes de formation professionnelle non traditionnelle, mise en place d'un réseau de garderies dont le gouvernement fédéral assumait jusqu'à 50 % du déficit d'exploitation. Malgré certaines oppositions manifestées par les élites politiques et ecclésiastiques du Québec, les Québécoises affluèrent sur le marché du travail. En 1941, elles représentaient 21 % de la main-d'oeuvre, mais en 1945, à la fin de la guerre, on invita de nouveau les femmes à retourner à leurs chaudrons. Ce retour fut cependant de fort courte durée. Les années cinquante, ayant marqué pour le Québec le début de l'ère de consommation, les femmes revinrent de plus en plus nombreuses sur le marché du travail. Un courant irréversible s'installait et il n'a depuis cessé de s'accentuer. Cette courbe ascendante est de nouveau confirmée par les statistiques de 1987 qui démontrent que 52,3 % des femmes sont sur le marché du travail. Pendant la même période, le taux d'activité des hommes a accusé une baisse sensible, passant de 85 % en 1951 à 75,3 % en 1987. On explique surtout cette baisse par la prolongation de la période des études et aussi par la diminution de l'âge de la retraite.

Aujourd'hui, les femmes représentent plus de 42 % de la main-d'oeuvre québécoise et cette féminisation va de pair, comme je l'ai souligné plus haut, avec une présence sans cesse grandissante des jeunes mères sur le marché du travail. Les experts sont unanimes à prédire que cette hausse du taux d'activité des femmes se poursuivra dans l'avenir pour atteindre la parité avec celui des hommes d'ici l'an 2000. C'est dans 10 ans à peine, M. le Président. Ces prédictions nous paraissent parfaitement réalistes lorsqu'on constate, au chapitre de la fréquentation collégiale et universitaire, que le nombre des jeunes femmes inscrites dépasse maintenant dans plusieurs disciplines celui des jeunes hommes. C'est le cas, par exemple, en médecine ou en droit.

Preuve est faite que l'apport économique des femmes est devenu, au cours des dernières décennies, nécessaire à la survie matérielle de la grande majorité des familles. Qui plus est, il est indiscutable que la main-d'oeuvre féminine, loin d'être marginale, est absolument essentielle à l'économie du Québec. Toutes ces réalités nouvelles poseront, au cours des années qui viennent, des défis majeurs à la société québécoise. Dans l'examen qu'ils et qu'elles feront des perspectives d'avenir du Québec, les membres de la commission devront donc tenir compte des grands enjeux auxquels font face les familles et les femmes. Ainsi, les droits qui ont été chèrement acquis au cours du dernier siècle par les femmes, les hommes, les enfants, les personnes âgées devront continuer d'être garantis à tous.

L'importante question des perspectives sociales et du partage des compétences devra faire l'objet d'un examen attentif de la part de la Commission. Ce secteur, lourd de conséquences

pour les familles et pour les femmes, comporte de nombreuses pistes de réflexion. À l'intérieur du choix constitutionnel qu'il fera, de quels moyens le Québec se dotera-t-il pour lutter contre la pauvreté, particulièrement celle des femmes, des jeunes, des familles monoparentales et des familles nombreuses? Quels choix ferons-nous en matière de soutien économique, social et culturel des familles? Comment envisagerons-nous l'importante question des services de garde à l'enfance? Quelles mesures le gouvernement et les entreprises entendent-ils proposer aux familles et aux femmes pour leur permettre de concilier travail et parentalité? Quelles orientations retiendrons-nous en matière d'éducation, de formation professionnelle, de recyclage de la main-d'?uvre? Quelles seront nos priorités en matière de services sociaux et de santé? Quelle place réserverons-nous aux personnes âgées?

Ces questions, et bien d'autres encore, devront être débattues au cours des mois qui viennent puisque les choix que nous serons appelés à faire influenceront en profondeur l'avenir de chaque homme, de chaque femme, de chaque enfant. Cette lourde responsabilité doit être partagée non seulement par les membres de la Commission mais par tous les Québécois et toutes les Québécoises. Dans un de ses ouvrages, Gaston Berger affirmait, et je cite: "Demain ne sera pas comme hier. Il sera nouveau et il dépendra de nous. Il est moins à découvrir qu'à inventer", fin de la citation. Et j'ajouterais: à inventer par toutes les femmes et par tous les hommes du Québec pour que soit défendues les valeurs auxquelles nous sommes attachés et qui font notre raison d'être, valeurs qui ont pour nom: justice, égalité et tolérance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la ministre. Comme prochain intervenant, je vais maintenant reconnaître M. le député de La Prairie. (18 h 10)

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir que je prends la parole pour venir appuyer, comme mes collègues de ce côté-ci de la Chambre, ce projet de loi 90, qui va créer cette commission spéciale qui étudiera l'avenir non seulement politique du Québec mais aussi son avenir constitutionnel. Et c'est avec émotion que je le fais, M. le Président, parce que j'ai participé, comme bien d'autres dans cette Chambre, aux progrès considérables accomplis par la société québécoise dans l'espace d'à peine dix, quinze ans, durant cette période qu'on a appelée la Révolution tranquille, participant, notamment dans le domaine de la santé mais aussi dans l'ensemble du domaine social, à cette ebullition qui a été caractéristique de notre société québécoise. D'abord dans le domaine» de l'éducation où nous avions un retard considérable à reprendre et, dans l'espace de dix, quinze ans, nous avons pu nous donner un système qui permet maintenant aux jeunes d'accéder non seulement aux études collégiales, mais aux études universitaires. Nous avons pu aussi dans l'espace de quelques années nous donner un système de santé, un système de services sociaux, ces deux systèmes étant souvent cités à bon droit comme des systèmes qui font l'envie de bien des sociétés.

Le Québec a été assez lent à s'émanciper dans ces divers domaines. Mais, lorsque le Québec prend son élan, M. le Président, il saute loin et il saute vite. Parce que ce n'est pas seulement dans les domaines de la santé et de l'éducation que nous avons fait des progrès considérables. Je pense notamment au syndicalisme. Je pense à la condition féminine. Je pense à la fonction publique. Tous ces progrès des années soixante remettaient en cause à chaque étape le statut politique du Québec dans le système actuel. Chacun des leaders politiques aux diverses époques, qu'il s'agisse de M. Lesage avec son "Maîtres chez nous", de M. Johnson un peu plus tard avec "Égalité ou indépendance" ou, évidemment, de M. René Lévesque avec "Souveraineté-association", chacun de nos leaders historiques remettait en cause à sa façon le statut politique du Québec dans le système actuel. Et c'était inévitable.

Arrive 1976 où, cette fois-là encore, le Québec décide de prendre un virage important dans la direction d'une plus grande autonomie politique. C'est là qu'on a pu assister à un sursaut de la Révolution tranquille par des lois sociales, par des mesures économiques, notamment au plan parlementaire, notamment la loi du financement des partis politiques qui venait mettre un terme à des générations de politiciens dont on ne pouvait pas toujours être fier, qui étaient souvent victimes de corruption. Les années 1976 jusqu'à 1985 ont vu une prise de conscience de la population québécoise que dans certains domaines nous avions déjà accompli des pas de géant, dans les années soixante, mais qu'il restait encore, notamment au plan économique, de gros progrès à faire. C'est ainsi que souvent, par des mesures économiques inspirées par celui qui est maintenant chef de l'Opposition, par des mesures économiques qui ont grandement favorisé la petite et la moyenne entreprise, il s'est formé une génération d'hommes d'affaires, de femmes d'affaires qui maintenant assument une place normale dans l'économie du Québec. C'était en somme un des derniers secteurs où le Québec n'avait pas encore accompli sa Révolution tranquille. C'est fait. C'est fait depuis quelque temps.

Arrive 1980, le référendum. Un Québécois francophone sur deux dit oui et l'autre dit non. Le Québec francophone, nettement divisé. Ce qui

a contribué grandement à la défaite des partisans du oui au référendum, c'est deux choses: les campagnes de peur, surtout auprès des personnes âgées, mais aussi les faux espoirs créés par le clan Trudeau, faux espoirs basés sur le raisonnement classique, dont on se souvient tous: Un non voudra dire un oui à la réforme, voudra dire un oui à une plus grande place du Québec au sein du système canadien.

Et enfin, dernière étape, et qui contribue grandement à ce que nous discutions d'un projet de loi créant une commission spéciale aujourd'hui, l'échec de l'accord du lac Meech, 32e ou 33e échec constitutionnel pour le Québec, M. le Président. Mais contrairement aux autres échecs, la population québécoise ne déprime pas. Au contraire, la population québécoise, fière de l'assurance que lui procure sa révolution tranquille dans ia plupart des autres domaines qu'on a mentionnés tantôt, cette population sort dans la rue. Est-ce que c'est 200 000, 300 000, 400 000, 500 000? Peu importe. M. le Président, la police de Montréal ne peut pas évaluer les foules au-delà de 75 000 dans la rue, parce qu'il n'y a jamais eu de précédent. Depuis mon temps d'université, et ça remonte à quelques années - jamais, et pourtant j'ai participé à beaucoup de marches, de manifestations - évidemment, il n'y a eu une telle manifestation, comme celle du 25 juin. 300 000 à 400 000 personnes, qui viennent dire, le sourire aux lèvres, sans aucune agressivité: Nous avons compris. Qui viennent dire, à la face du Canada: Nous avons compris. Vous refusez le minimum de ce qu'un gouvernement québécois a jamais demandé à l'ensemble du Canada. Vous l'avez refusé. Dorénavant, nous en tirerons les conclusions.

Le Québécois moyen n'y croit plus, au fédéralisme renouvelé. Il en a assez des doubles taxes, y compris la double TPS, des doubles ministères, des lois qui, dans un même secteur d'activité, viennent se contredire. Et par exemple, M. le Président, pas plus tard qu'au mois de juin dernier, la Chambre des communes commençait l'étude du projet de loi C-78, qui va autoriser le fédéral à procéder à des évaluations environnementales un peu partout au pays. Un autre secteur d'activité qui s'ajoute aux nombreux secteurs, immigration, communication, santé et services sociaux, où on a constamment des zones grises, des zones de disputes, qui amènent la paralysie de l'appareil, et toujours au détriment du progrès et au détriment de la population.

La Commission spéciale, M. le Président, c'est un jalon important, un jalon historique. Toute la population du Québec va surveiller les travaux de cette Commission. Bien sûr, la classe économique est amplement représentée, et bien représentée dans cette Commission. Mais il ne faudrait pas que cette Commission perde de vue les préoccupations sociocommunautaires, les groupes de personnes âgées, de personnes handi- capées, les groupes qui sont sans voix, les sans-emploi, les bénéficiaires de l'aide sociale. Il faudra que les parlementaires, en particulier, se souviennent que ces points de vue, ces préoccupations sociocommunautaires soient bien représentés et soient constamment à l'agenda, à l'ordre du jour des délibérations de cette Commission. (18 h 20)

Le gouvernement, en créant cette Commission, a compris le sentiment populaire. Il a pris le pouls de la population, il l'a bien pris. Le gouvernement se rend compte que la majorité des Québécois désire franchir ce dernier pas qu'il n'a pas encore osé franchir jusqu'ici. L'émancipation que le Québec s'est donnée au plan de l'éducation, au plan des services de santé, au plan du syndicalisme, au plan économique, cette émancipation, il doit se la donner maintenant au plan politique.

Le droit de parole doit être donné et largement donné aux individus, aux groupes, aux régions, et c'est la population qui, en dernière instance, décidera. Contrairement à 1867 où la population n'a pas été consultée, cette fois-ci, la population est consultée et c'est la population qui, en dernière analyse, rendra son verdict.

M. le Président, une des raisons pour lesquelles le sentiment autonomiste, le sentiment souverainiste a fait des progrès considérables depuis quelques années, c'est justement cette formation d'une classe économique, et d'une classe économique qui se promène partout à travers le monde, nos représentants de petites et moyennes entreprises, qui découvrent, notamment en Europe, que plusieurs petits pays, "petits" au sens de population: Norvège, 4 000 000; Suède, 7 000 000; Danemark, 4 000 000, Autriche 5 000 000, plusieurs petits pays ont des niveaux de vie non seulement aussi élevés mais parfois plus élevés que le nôtre, plus élevés que plusieurs grands pays, comme les États-Unis. Et ce qui a fait la force de ces petits pays, M. le Président, c'est la souveraineté politique qui leur a permis de négocier ensuite dans des groupements avec leurs voisins, de négocier des ententes économiques.

Le temps est passé, heureusement, où la population du Québec sera vulnérable aux campagnes de peur, comme elle l'a été en 1980. La population du Québec a évolué à pas de géant; la population du Québec est beaucoup mieux renseignée qu'elle ne l'était il y a dix ans, et cette population du Québec a montré, le 25 juin dernier, en descendant dans la rue, 400 000 personnes, paisibles, sereines mais sûres d'elles-mêmes, cette population a démontré qu'elle avait le goût de franchir cette dernière étape.

Alors, M. le Président, il faut se réjouir de la création de cette Commission, parce que cette Commission va contribuer, durant les semaines qui viennent, durant les mois qui viennent, à

mieux faire comprendre à la population que la période des dernières chances au système fédéral, c'est terminé; mieux faire comprendre à la population que l'option que notre formation politique défend depuis 20 ans, l'indépendance du Québec, c'est-à-dire tous les pouvoirs de faire toutes nos lois, tous les pouvoirs de percevoir tous les impôts des Québécois et les pouvoirs de conclure des traités, que cette indépendance politique, que cette souveraineté politique est le dernier jalon que la population doit franchir afin que son émancipation historique soit complète. Merci, M. le Président. le vice-président (m. cannon): merci, m. le député de la prairie. le prochain intervenant, m. le député d'orford et adjoint parlementaire du premier ministre. m. le député.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, je vais voter pour la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on dit qu'on est 6 000 000 et qu'on va devoir se parler. Cette fois-ci, je pense que comme politiciens, nous allons devoir écouter aussi, nous allons devoir réévaluer, nous allons devoir apprécier un bon nombre des arguments qui nous seront fournis, soit comme députés ou soit comme membres de cette commission. Je pense même que nous devrions ne pas arriver là en pensant que nous possédons la vérité toute crue et, tout au contraire, il nous faudrait peut-être remettre en question de part et d'autre certaines des choses que nous croyons comme étant la vérité.

Vous savez, M. le Président, le Québec fut fort dans son histoire à chaque fois que les Québécois ont été unis pour un but, la Révolution tranquille, où ils ont été unis autour d'un leader, où ils ont été unis autour d'une idée, la création de la Caisse de dépôt. Et je pense que ces 35 personnes qui seront en cette commission parlementaire, qui seront libres et réfléchies, dans la mesure où elles pourront être unies dans ce qu'elles essaieront de faire, je pense qu'il y aura là des résultats très positifs.

J'invite ces gens de cette Commission, qui réfléchiront sur le devenir du Québec, à se rappeler des racines du Québec, de l'histoire du Québec, de notre passé et du courage qu'a eu le peuple québécois depuis si longtemps, de nos conquêtes et de nos ambitions collectives. Le Québec fut fort dans son histoire seulement quand il a été uni dans un consensus très large. Peu de peuples, M. le Président, à travers l'univers, dans les 30 dernières années, ont eu autant à se préoccuper à travers des référendums, des élections,, des commissions, ont tant scruté le devenir de leur groupe, ont tant cherché cette vérité constitutionnelle qu'on a voulue, peut-être trop souvent, d'une pureté totale. Trop longtemps nous avons, je pense, cherché cet équilibre entre un pays où les plus grandes libertés fondamentales nous étaient garanties, et où une croissance économique a été hors de l'ordinaire depuis la Deuxième Guerre mondiale. D'autre part, nous avions une des unités, qui était le Québec, où un sens de l'autonomie s'est développé de plus en plus, où la protection de la culture est devenue et a été, tout au long de notre histoire, très importante, et où un désir noble de contrôler une plus large partie de notre destinée. Et c'est ce mélange entre ces grandes choses que nous a apportées le lien fédéral et cette qualité que nous a aussi donnée ce fait que nous étions Québécois, et nous avons été ambivalents entre ces deux mouvements constants.

Le Québec de mes enfants, M. le Président, est à la croisée maintenant d'un projet, d'un grand projet collectif, la loi 90. Ce sera pour le Québec une magnifique occasion, une belle occasion d'être uni dans sa destinée. C'est l'histoire d'un peuple, c'est l'histoire des peuples que nous écrirons. Puissions-nous espérer, M. le Président, que les travaux de cette Commission se fassent dans un esprit de très grande ouverture. D'abord écouter, ensuite évaluer, avant de se dire représentant d'un groupe ou d'un autre. Et moi, M. le Président, comme député, je m'engage à écouter ce qui va se dire pendant cette commission parlementaire. Et j'écouterai d'une façon particulière ce que les plus jeunes de notre société auront à nous dire, eux qui, trop souvent, sont exclus des grands débats. Et Dieu sait pourtant, que les décisions que nous prendrons plus souvent qu'autrement seront pour les gens qui nous suivent.

Alors je pense que les gens de cette Commission devront porter d'une façon particulière une attention aux jeunes qui viendront nous dire ce que, pour eux, est le devenir du Québec. Espérons que ce que nous construirons redéfinisse le statut politique et constitutionnel du Québec pour un bon bout de temps, et gardons à l'esprit que les valeurs démocratiques au Québec ont toujours été importantes, et que les droits et libertés ont été, pour le Parti libéral, une valeur que nous avons défendue de tout temps.

M. le Président, cette Commission extraordinaire, souhaitons-le, unira et dynamisera dans un consensus le Québec à devenir. Le Québec est fort, je vous le rappelle, quand il est uni dans sa destinée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député d'Orford. Mme la députée de Taillon. (18 h 30)

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Merci, M. le Président. J'aimerais à mon tour joindre ma voix aux

différents intervenants qui, les uns après les autres, ont affirmé leur volonté, leur goût de contribuer positivement à un processus nous amenant à nous redéfinir, à définir le type de lien que l'on veut établir, garder ou conserver avec les partenaires qui nous entourent, mais surtout, et c'est l'essentiel finalement du travail dans lequel s'engage cette commission, surtout donner la parole au peuple québécois, et ce, pour la première fois depuis un bon moment, en dehors évidemment de ce grand exercice démocratique qu'est le choix de son gouvernement, parce que c'est l'essentiel du travail de la commission que d'aller consulter, que d'aller entendre les personnes qui représentent des groupes, qui représentent des organisations, qui représentent différents intérêts dans notre société, dire comment ils souhaitent, comment ils imaginent notre avenir collectif.

J'entendais un bon nombre d'entre nous, depuis le début des interventions, rappeler, revenir à notre histoire, revenir à notre histoire lointaine ou, bien sûr, à notre histoire plus récente. Évidemment, on se référait à nos racines, à nos ancêtres, à cette notion de deux peuples fondateurs qui avaient failli se perdre quelque part dans le temps, mais aussi on se référait aux différents échecs - et c'est le chef de l'Opposition qui le rappelait cet après-midi - que l'on avait connus dans la volonté, comme peuple, de se prendre en main, avec par à-coups des grands pas par en avant. On rappelait, entre autres, que sous M. Lesage on avait rapatrié des pouvoirs significatifs pour permettre au peuple québécois de mieux se réaliser, de mieux répondre à nos besoins. Donc, souvent de grands échecs quant à la définition d'un statut, d'une pleine et entière souveraineté sur notre territoire et, en même temps, quelques grands coups de maître où on allait se retrouver avec des outils un peu plus importants quant à notre avenir et quant à notre présent aussi.

Moi, j'aimerais qu'on se rappelle peut-être un moment un peu plus récent de notre histoire où, je dirais, c'a été pour notre peuple un moment privilégié qui a été influencé par un grand bonhomme au Québec qui a été et qui est toujours présent à nos mémoires, René Lévesque, qui a insufflé une fierté au peuple québécois. Au moment où on s'engage dans une réflexion en profondeur quant à nos institutions, quant à notre projet de société, quant à notre avenir comme peuple, je pense que, pour faire cela, il est essentiel de pouvoir se faire confiance un peu, de pouvoir, à travers cette confiance, devenir fier de ce que l'on est, de ses talents, de ses forces, de ses capacités, les admettre, les reconnaître, les mettre en valeur, de telle sorte qu'on puisse progresser finalement, qu'on puisse se bâtir, qu'on puisse cheminer vers ce qui est normal pour un peuple, la possession pleine et entière de tous ses outils, de tous ses moyens pour se permettre de décider ce qui nous con- vient le mieux en termes de politique sociale, de politique économique, de politique de développement culturel, de politique de développement régional. Rien ne se bâtit de grand pour un peuple sans cette confiance, sans cette fierté.

Si on rappelait, cet après-midi, à travers nos débats, les apports qu'ont eus différents premiers ministres du Québec qui ont influencé dans ce sens-là nos institutions, je pense que l'un de ceux qui ont le plus influencé le peuple québécois comme leader c'est, entre autres, René Lévesque. René Lévesque est aussi ce grand démocrate qui, sûrement aujourd'hui, nous regarderait avec un sourire en coin en se disant: Enfin, on va avoir avec les principaux concernés ce débat essentiel sur notre avenir. Parce qu'on se souviendra que depuis environ 10 ans, en dehors des institutions comme l'Assemblée nationale, comme certaines conférences constitutionnelles, nous n'avons pas redébattu notre avenir avec l'ensemble du peuple québécois, avec leurs représentants.

Certaines personnes ont critiqué la composition de la commission. Bien sûr, vous savez que rien n'est jamais parfait. L'idéal est toujours ce que l'on cherche à atteindre. On aurait souhaité plus de femmes, par exemple, membres de la commission. On aurait souhaité, dans certains cas, plus de parlementaires. Mais, en même temps, je crois que l'on se retrouve avec une composition qui fait en sorte qu'un grand nombre, qu'une importance est accordée en fait, je dirais, aux intérêts généraux du peuple québécois et, de toute façon, ces personnes ont, pour l'essentiel de leur mandat, la responsabilité d'aller consulter, d'aller entendre ce que les organismes, les groupes, les personnes ont à nous dire. Et j'espère, un peu comme cela l'a été le 24 juin dernier - en fait, le 25, si on veut - que ce sera une espèce de grand clin d'oeil à l'histoire pour dire: Vous savez, M. le Président, nous sommes patients, mais nous sommes déterminés et nous croyons que l'on n'est jamais mieux servi que par soi-même et qu'à cet égard les témoignages que l'on viendra rendre devant la commission dépasseront même, je dirais, cette présentation qui pourrait être de l'ordre d'une volonté collective de se reprendre en main, de la souveraineté d'un peuple, mais dépasseront cette seule - qui est essentielle, bien sûr - affirmation de départ pour aller vers une définition un petit peu plus en profondeur de ce que l'on veut pouvoir construire comme projet social, des outils que l'on veut pouvoir se donner, des institutions démocratiques sur lesquelles on veut pouvoir compter pour, encore une fois et je me répète, M. le Président, mieux se réaliser.

En fait, quand on fait un survol rapide de l'histoire, on constate que nous sommes passés d'un nationalisme frileux et défensif à un nationalisme beaucoup plus ouvert sur le monde, beaucoup plus accueillant même, je dirais, parce que justement plus confiant en soi. On est

beaucoup plus d'accord pour faire confiance quand en soi-même on a confiance.

Je mets, comme vous pourrez le constater, M. le Président, beaucoup d'espoir dans les travaux de cette commission. Évidemment, je ne leurrerai personne parce que les gens savent déjà où nous nous logeons, où ma formation politique se loge, ce en quoi nous croyons et ce serait malhonnête que de prétendre vouloir défendre autre chose. Cela étant dit, je suis persuadée que l'éclairage qui nous sera apporté par les personnes qui accepteront de venir témoigner devant la commission nous permettra de définir un projet pour l'an 2000, un projet à notre mesure qui nous permettra de nous réaliser. Je l'espère pleinement, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant M. ie député de Laval-des-Rapides. (18 h 40)

M. Guy Bélanger

M. Bélanger: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir de prendre la parole sur ce projet de loi ce soir. D'abord, je voudrais situer le contexte. L'échec de l'accord du lac Meech nous oblige, comme Québécois et Québécoises, à redéfinir notre avenir politique et constitutionnel. Comme beaucoup de collègues en cette Chambre, j'avais mis énormément d'espoir et de conviction à défendre l'accord du lac Meech. J'ai consacré énergie et temps à vraiment défendre cet accord-là parce que j'y croyais et j'y croyais très sincèrement. Ma déception en a été d'autant plus grande surtout lorsque j'ai compris que le processus constitutionnel qu'on avait élaboré en 1983 - M. Trudeau qui continue par Chrétien interposé ou la règle d'unanimité - et surtout la façon absolument exemplaire dont certains premiers ministres ont renié leur parole ou celle de leurs prédécesseurs, ça m'a fait comprendre que dans un tel système, avec un tel processus constitutionnel, on n'arriverait jamais à rien. Ils ont tué ma foi bien net.

Évidemment, c'est l'échec d'un système, mais quand un système ne nous convient pas ou qu'on ne peut pas évoluer dedans, il faut le repenser, il faut le redéfinir. En prenant la parole, aujourd'hui, sur ce projet de loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je veux signifier clairement que je mettrai la même énergie, la même foi, la même croyance à défendre l'avenir politique et constitutionnel du Québec et que je suis déterminé, comme la majorité de mes collègues ici, à aller au maximum de mes possibilités pour contribuer sans partisanerie et sans fanatisme, avec l'esprit et le coeur ouverts, à bâtir cette vision de l'avenir du Québec qui nous guidera dans nos décisions futures. Cette commission devra permettre une tribune crédible à tous les citoyens, aux groupes de citoyens qui voudront s'exprimer sur l'avenir du Québec et j'espère qu'ils seront très nombreux à venir s'y exprimer.

Depuis 20 ans et même plus que chemine dans nos coeurs et dans nos esprits ce désir de voir notre identité collective s'affirmer ou être reconnue. Et voilà! Une partie du Canada n'a pas compris que les cinq conditions les plus minimales que nous pouvions formuler étaient l'ultime tentative, le test du dernier recours dans notre foi en ce fédéralisme. Que dans nos coeurs et dans nos têtes, nous avions pris conscience que nos forces... de notre identité comme Québécois, que nous n'avions pas peur d'aller au fond du problème et surtout d'aller au bout de notre logique, que comme société distincte, nous voulions dorénavant non plus l'affirmer . mais le vivre et l'exprimer avec toute la latitude possible. Ce n'était pas un "bluff. On était sincères. Et cela a échoué.

Comme beaucoup de Québécois, je mets beaucoup d'espoir dans cette Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je la souhaite non partisane, sans fanatisme, car l'avenir d'un peuple n'appartient pas à un parti politique; il appartient au peuple. Et le sens de cette Commission, c'est justement de permettre au peuple de s'exprimer, de donner son avis, son point de vue, de faire valoir ses aspirations pour qu'une décision ou qu'un consensus se dégage et que nous ayons des orientations claires pour l'avenir de notre province. Les femmes et les hommes qui composeront cette commission devront être conscients qu'au-delà de l'honneur personnel - parce que je pense que ce sera très "honorant" que d'être membre de cette Commission - ils ont une immense responsabilité: celle d'orienter de façon éclairée les aspirations légitimes d'un peuple et de nous offrir des solutions solides, crédibles, valables, bref, des solutions qui nous permettront de rencontrer ce que nous recherchons depuis 20, 30 et même davatange d'années comme Québécois.

On ne saurait subir une autre humiliation ou un autre échec. Et je pense que la seule façon de pouvoir arriver à un échec avec cette Commission, c'est de la rendre partisane, de la fanatiser avec des positions extrémistes, sans vouloir un vrai dialogue. J'aurais le goût de dire que les enjeux sont trop importants pour en faire de la politique. Politique, dans le sens très petit du terme, évidemment, en enlevant toute noblesse possible à ce mot. Ils devront être, les gens qui composent cette Commission, objectifs, impartiaux, d'un esprit très ouvert, moderne pour réaliser ce mandat si important. Rien ne doit être rejeté a priori. Tout doit être écouté, tout doit être soupesé, évalué, équilibré. Ainsi le veut la démocratie qui est, je pense, la prémisse même de cette société pour laquelle nous avons beaucoup d'aspirations. Alors, M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci m. le député de laval-des-rapides. je reconnais maintenant, le prochain intervenant, m. le député de jacques-cartier.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. I would like to begin by expressing my appreciation and that of my colleagues for the kind and thoughtful comments that were provided about the role of the Anglophone community and, for that matter, of our parliamentary grouping in the development of Québec. That, of course, was expressed in a spirit of generosity and tolerance that we have come to expect from this Assembly in general. I think it is also true of all of us, Anglo-Quebeckers, that we have had this experience of generosity and tolerance from this society in general. So, for that, I am certainly very pleased.

I would also like to agree with the Minister of Justice who commented that he liked clear, straightforward arguments and that this was a time for clear arguments. So, I propose to be as clear in argument as I can. I will disagree with some of the points that have been made by speakers before me on both sides of the House, but in a spirit, I hope, of contributing to that objective, non-fanatical and non-partisan understanding that has already been much celebrated as the proper role for this Commission.

I will begin by noting a comment that has been made not only by the leader of the Government, but by many of the subsequent speakers: the idea of consensus or of unity of Que-beckers when it comes to the question of this Commission. Now, it is quite true that by intelligence and reasonable negotiation, all of us here, including those of us in the Equality Party, were capable of reaching a consensus about the necessity of such a Commission and that it should be allowed to operate properly, that we should not do something to gum up its workings right from the outset. That does not mean, however, that we could extend that argument to mean that we provide a consensus on all other matters and I would not like it to be taken in that spirit. I think, furthermore, that when one talks about consensus in Québec there can be an element of confusion in this expression, both as it applies to the politics of the National Assembly or to the Government and Opposition parties, and to Québec society, again, in general.

It is quite possible to point to consensus in Québec, a consensus that is often very wide, but - let us be frank - not very deep. The breadth of that consensus is frequently manufactured by a certain uniformity of opinion in the major outlets of the mass media in Québec and a certain kind of general belief in the society of backing up "your own side": the feeling that, by departing from majority opinion, one is somehow letting the side down. In consequence, it is easy to find a snowball effect for almost any opinion in Québec. It is hard to find a popular opinion that is steadily held by 58 %, say, or 62 %, or something of that sort, of the population. If it has become a major matter for discussion, it is either crushed altogether or becomes the reigning wisdom.

I do not think this is a very good way for the society to proceed when it comes to ques-. tions like the constitutional and political future of Québec because as long as things are kept in vague enough terms, then we can assume this consensus will continue. Whereas as soon as we begin talking about precise details, about exact constitutional and economic agreements, then everywhere, not merely in Québec, but in the rest of Canada, in the United States, probably among observers who are, let us say, neutral from Europe and so on, there is bound to be sharp division of opinion. (18 h 50)

I would also like to make some comments on the historical review that is provided of how we got to where we are now in Québec. Now, some of this historical review is not a matter of debate. It is something that is familiar to all of us, both from the history books and from our own journals of opinion. But some of it is rather different... a rather narrow concentration on Québec issues and particularly Québec political issues to the exclusion of things that are happening in a wider world. For example, if we look at what we mean even when we use words like Québec and Canada, I think it is useful to remember that after all, these are quite ambiguous words. In one sense, they mean nothing but a geographical space; so that, in this sense, Québec and Canada are eternal, rather like Platonic ideas; irrespective of anything any of us decide, irrespective of whether both, some day, let us say, belong to the United States of America or to a world federation or to something of this sort. We do not assume that they are going to be moved off the map.

Québec, Canada, the North American Continent, similar terms to these not only refer to geography, but to history. And even when they refer to history, they can refer to the history of relatively small numbers of politically active people frequently doing things that were a matter of no interest whatsoever to the overwhelming majority of the population; or they can refer to the people who are the most economically productive; or ingenious, or scientifically inventive; or artistically creative; or you can be referring to the majority of the population; or you can be referring to the people who in fact own or work most of the land. In each case, you are saying something quite different. If you say at a certain point: Québec is strong, or Québec is weak, or Québec is united, or Québec is divided, which Québec are you talking about?

Are you talking about the Québec of its political representatives? Are you talking about its economic strength? Are you talking about its individual citizens?

When the Premier of Québec commented in his own address that the highest priority was the well-being of Québec, in which sense is this meant? The well-being of Québec meaning, say, the Québec state, or Quebec's political institutions, is not necessarily the same thing as the well-being of the individual people of Québec. On the contrary, they could be the exact opposite. Or, for example, when the head of the Opposition Party refers to Québec as having "une habitude d'échec", well, I am not so sure. I think that you could more reasonably argue that it was a habit of paradox: that the sense that Quebeckers have held through the last two centuries has not been one of repeated failure, but rather of one of constantly being in more than one world and being drawn towards both at the same time. Those who are only drawn towards one of those worlds therefore keep seeing failure. There will always be failure if there are always people being drawn to the other world, as well if we exclude the other one that interests them. But if we make that allowance, then, I do not think we can talk about a habit of failure, only about, as I said before, a habit of paradox.

I would furthermore argue that this habit of paradox is increasingly unavoidable in the modern world not merely here, but increasingly throughout the world. There are a few small islands and a few geographically isolated areas where people fortunately or unfortunately are a block, geographically, historically, culturally, politically. But most advanced societies today are caught between what they represent in terms of things like their urban life, their economic life, their cultural life and their political life, all pulling in different directions. In some cases, there are people who have been recognized as distinct and powerful cultures for a thousand years, but who have never really moved towards the status of the nation state. In other places, you have nation state that have managed to move along for a very long time - take the Swiss - without even having a common ethnic or cultural identity, and without even bothering to patch one together, but instead being held together by things like economic and geographic considerations.

If we look at what has happened to the whole world in the last few years, we can see that the meanings of words like Québec, Canada, and even the United States of America, are going through profound changes, for the kind of reasons that I am explaining. The nation state itself, as an idea, reached its peak, in a way, with the rise of the successful middle-class world of the 19th Century. In fact, one of the most distinguished French historians, Charles

Morazé, called his whole history of the previous century Les bourgeois conquérants. And, to an extent, it was "les bourgeois conquérants" who carried nation state with them. Canadians and Quebeckers were always confused, because Canada was never really controlled by a triumphant bourgeoisie and neither was Québec. Both, instead, wound up with highly successful, prosperous economies, that, to some extent, always seemed on the edges of something else: the edges of the British Empire, the edges of the United States of America, and probably, today, the edges of a worldwide globalizing economy where nobody is quite sure exactly what it means.

In fact, I doubt if nation state, as they were understood in the years between, let us say, somewhere around World War I, and the 1950's, will exist in the 21st Century, or at least conceivably could have the same meaning. With instantaneous mass communications over the surface of the earth, with things like a sort of mass entertainment spreading in the world today, that used to be dominated by the English language, but I think is probably going to be dominated by some sort of polyglot before long, and which apparently is something that people can enjoy as easily in Rome, or Johannesburg, or Montréal, or Tokyo, with an economy which is increasingly one that depends on a banking and financial system that operates throughout the world instantaneously, and where what people are most worried about is the preservation of central banking systems that will not allow inflation of the currency in that particular part of the world. In a world like this, many of the things that are argued about with immense seriousness, not only in this Assembly, but in many other political assemblies, have been out of date for decades, and politicians and journalists are the last people in the world who have been willing to admit this.

If this commission is to look honestly at where Quebec's future lies, I agree with my leader and I think, also, with everyone I have talked to in anglophone Québec, that we are not of a closed mind. We do not merely assume that what will come out of this must be the status quo, nor that it must inevitably lead to something like a clear concept of political separation as once conceived. But that also does not mean that, for example, we are therefore advocates of something like sovereignty-association. We have to, amongst other things, understand whether such an idea is meaningful, coherent, conceivable, possible, something which can be implemented, something which has any economic rationality, something that is politically possible in North American terms. It would be better if we maintained ourselves, under whatever political circumstances, in a spirit of goodwill and friendship and tolerance. But frankly, even if those things deteriorate, we may need to stay

together simply out of common interest.

So, for all of these kinds of reasons, I look forward to the work of the commission. I believe it can be of valuable and useful force in Quebec's future, but I hope it will be remembered as well that when people begin talking about a consensus, when they begin talking about unity of opinion, they are not necessarily including everybody. And when I say they are not including everybody, I do not mean, merely, let us say, the people who voted for our political faction; I am not necessarily even referring exclusively to people whose mother tongue is English. I am referring just as well to many people whose mother tongue is French, or whose mother tongue is different than English or French. I am talking about all of the people who are not at all sure they want to belong to a consensus and have not found a way to escape it, that, in fact, find consensus as an overwhelming control over their lives, rather than an indication of strength and political comfort. (19 heures)

I think people should remember as well that the rights of Individual citizens, irrespective of their mother tongue, irrespective of their background, are things which, in the society today, achieve a political importance that is now universally recognized, and that Québec of the future, whatever its constitutional form, must give at least as much attention to such things; and to the maintenance and, where necessary, to the restoration of individual rights as to any other apparently more pragmatic matter. Because even what seems to be an economic issue is ultimately still one that will depend on the way the world sees what Québec does in these things.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): In conclusion, please.

M. Cameron: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Thank you. Merci, M. le député. Je reconnais maintenant M. le député de Marquette et président de la commission des institutions.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, il me fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi, projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. M. le Président, un peu comme certains collègues des deux côtés de la Chambre l'ont exprimé aujourd'hui, il s'agit effectivement d'un projet de loi très important, très important pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec. M. le Président, en juin dernier, j'étais un de ceux, et sûrement pas le seul ici dans cette Chambre, qui étaient extrêmement déçus de voir que certaines Législatures provinciales ne voulaient pas ratifier l'entente du lac Meech qui avait été effectivement entérinée par tous les premiers ministres du Canada deux années auparavant. J'ai été également très heureux de voir le premier ministre du Québec - j'étais à ce moment-là dans une autre province - d'entendre le discours qu'il a fait à ce moment-là et de voir le chef de l'Opposition officielle lui tendre la main et lui dire ni plus ni moins: M. le premier ministre, nous allons essayer de travailler ensemble pour le bien-être des Québécois et Québécoises. Et c'est un peu l'aboutissement que nous vivons aujourd'hui avec ce projet de loi 90.

M. le Président, pourquoi une commission parlementaire extraordinaire élargie ou spéciale? Pourquoi? Vous me permettrez de faire un petit peu d'histoire récente. Je me souviens, en 1980, le gouvernement du Parti québécois d'alors avait demandé à la population du Québec de se prononcer sur un certain référendum. La question, à ce moment-là, demandait aux Québécois et Québécoises: Seriez-vous d'accord à ce qu'on négocie une forme de souveraineté-association? Je me souviens très bien de ce moment-là, M. le Président, puisque je militais à l'époque pour le camp du non. Mon comté n'existait pas à ce moment-là et c'était le comté de Jacques-Cartier; mon collègue du comté en question vient tout juste de parier. J'y croyais, à ce moment-là. Moi, ce que j'avais dans la tête, à ce moment-là, c'était un fédéralisme renouvelé, un fédéralisme décentralisé. Je me souviens de certains politiciens fédéraux qui étaient venus faire des discours au Québec, notamment M. Trudeau, et qui nous disaient à l'époque: Québécois et Québécoises, si vous votez pour le non, ce sera un oui, et nous modifierons le fédéralisme. Alors j'y croyais. Je l'ai cru à ce moment-là, et j'ai continué de militer pour le Parti libéral du Québec, qui est un parti fédéraliste.

À l'élection de 1981, du 13 avril 1981 - d'ailleurs, M. le Président, vous avez été élu en même temps que moi, en avril 1981; nous étions assis tous les deux à la place de mon collègue actuel de Rouyn-Noranda-Témiscamingue; j'étais assis à ce banc... Je me souviens, M. le Président, que M. Trudeau, qui nous avait dit à l'époque qu'un non était un oui et qu'en votant pour le non nous votions pour un fédéralisme décentralisé et renouvelé, nous est arrivé avec le rapatriement de la constitution, un rapatriement unilatéral de la constitution et sans l'accord du Québec. Je me souviens aussi, M. le Président, que le gouvernement d'alors avait présenté une résolution, ici en cette Chambre, demandant aux parlementaires québécois de se prononcer sur ce rapatriement unilatéral, et nous nous étions prononcés, de notre côté, avec le gouvernement du Québec; non pas une résolution pour le Parti québécois d'alors, mais une résolution, à ce moment-là, qui était pour le Québec. Je me souviens même, M. le Président, que vous étiez

venu, je pense, de l'hôpital, voter avec nous pour la résolution et contre le rapatriement unilatéral de l'époque. Alors, ça a aboutit en 1982 par l'Acte constitutionnel de 1982, qui modifiait la constitution, qui rapatriait dans un premier temps la constitution de Londres, qui modifiait la constitution canadienne et qui enchâssait une charte des droits canadiennes. Nous nous étions opposés à ça, et tout cela s'est fait sans l'accord du Québec.

Ensuite de cela, quelques années plus tard, nous prenons le pouvoir et c'est à ce moment-là que, le premier ministre du Québec et le ministre responsable du dossier, délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, faisant le tour du Canada, convainquant la majorité et la totalité des premiers ministres de l'époque, nous avons eu le résultat de l'entente du lac Meech. Malheureusement, pour les raisons que nous connaissons tous, le lac Meech, l'entente n'a pas été ratifiée par toutes les Législatures. J'aimerais en profiter à ce moment-ci pour féliciter le premier ministre du Québec et le ministre actuel de la Justice pour tout le travail extraordinaire qu'ils ont accompli dans tout ce dossier.

Alors maintenant il nous faut à ce stade-ci, puisque le lac Meech n'a pas passé... J'écoutais le chef de l'Opposition officielle cet après-midi qui disait que c'était rendu un symbole, le lac Meech. Effectivement, tous les sondages ont démontré que la très vaste majorité des Québécois et des Québécoises appuyaient le lac Meech, appuyaient le Québec dans toute sa démarche. Et nous sommes rendus au stade où il faut redéfinir notre avenir politique et constitutionnel. Il nous faut évidemment une nouvelle formule, de nouveaux arrangements pour satisfaire les Québécois et les Québécoises. Cette Commission, M. le Président, va permettre à tous les Québécois et Québécoises de se faire entendre auprès de ladite Commission, à tous les groupes intéressés de se faire entendre auprès de la Commission. La Commission pourra également entendre des experts qui vont venir témoigner devant la Commission.

La composition de la Commission, si vous voulez mon opinion, M. le Président, je trouve que cette composition est excellente, avec une majorité d'élus de l'Assemblée nationale du Québec, avec certains députés de la Chambre des communes qui représentent des comtés du Québec, avec également des représentants du milieu des affaires, des représentants du milieu syndical, représentants aussi du milieu coopératif, et également du milieu de l'enseignement et de la culture. Sans oublier évidemment non plus l'excellent choix des deux coprésidents, c'est-à-dire M. Jean Campeau et M. Michel Bélanger. Je pense que plusieurs parlementaires ont eu l'occasion aujourd'hui de nous faire valoir la très grande crédibilité qu'ont effectivement ces deux personnages.

Notre formation politique également, M. le Président, aura l'occasion, en mars 1991, de se repositionner sur le plan constitutionnel, de redéfinir notre programme politique sur le plan constitutionnel. Tout ça, évidemment, un peu, sur le plan temporel, dans le même temps que sera rendu le rapport de la Commission parlementaire spéciale. Comme le premier ministre le disait en juin dernier, le Québec a toujours constitué une société distincte et constituera toujours pour le futur une société distincte. Alors nous partons avec ce principe-là, j'ai entièrement confiance, et je suis très optimiste pour cette Commission lors de ses travaux et les résultats de cette Commission. Le premier ministre l'a clairement dit cet après-midi, il s'agit pour nous de l'intérêt supérieur du Québec, de l'intérêt des Québécois et des Québécoises.

Évidemment, je n'ai pas l'intention d'aborder le fond de la question, mais je voulais simplement vous dire comment je suis optimiste pour les travaux que nous allons entreprendre. Je suis également heureux de la composition de ladite Commission. Je suis heureux aussi de voir que cette Commission sera non partisane, et des représentants de tous les milieux pourront y participer, notamment un représentant du Parti Égalité. On aura également d'autres représentants d'autres couches de notre société. Évidemment, je suis fier d'être Québécois; en étant fier d'être Québécois, on est fier maintenant, on sera fier pour le futur, et je vais voter évidemment en faveur du projet de loi 90, et je reste optimiste pour l'avenir du Québec. Merci beaucoup. (19 h 10)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Marquette. Je reconnais maintenant M. le leader adjoint de l'Opposition officielle et député d'Abitibi-Ouest. M. le député.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Dans le peu de temps qui nous est imparti, je voudrais prendre quelques minutes pour exprimer mon point de vue. D'entrée de jeu, je ne dirai sûrement pas ce que le leader du gouvernement disait en présentant cette loi, qu'il s'agit d'une journée extraordinaire, spéciale, historique. En ce qui me concerne, ça sera une journée historique, extraordinaire lorsqu'on aura la capacité d'offrir aux Québécois une constitution du Québec. Bien sûr, ce sera davantage historique quand nous aurons notre propre Parlement, comme ce serait tellement normal. D'ailleurs, mon collègue qui vient de parler, le député de Marquette, dit: On va partir dû principe qu'on est une société distincte. Alors, à un moment donné, si on reconnaît qu'on est une société distincte, on ne peut pas faire que des discours. Il faut, à un moment donné, concrétiser cette "distinctivité" et la meilleure façon de la concrétiser, c'est de se doter d'un Parlement à pleins pouvoirs.

Le leader du gouvernement dans sa présen-

tation - et il l'a bien farte - a fait tout un historique, toute l'histoire du Québec pour montrer comment nous étions capables, comment c'était important d'avoir nos leviers, combien le Québec avait émergé dans toutes sortes de secteurs, dans le monde des affaires, en éducation et ainsi de suite.

Je ne veux pas refaire l'histoire parce que je trouve qu'il y a un peu trop d'historiens dans cette Assemblée, en tout cas pour le débat d'aujourd'hui. J'aime mieux regarder un petit peu plus l'avenir parce que c'est surtout ça qui m'intéresse.

Je ne suis pas celui qui prétend que parler de ses convictions, comme le député de Mille-Îles le mentionnait tantôt, c'est faire de la politique. Il disait: Moi, je souhaite que ce soit complètement non partisan. Moi, je vais y aller avec toute ma grandeur d'âme, mes convictions et je vais dépenser toutes mes énergies pour m'assurer que toutes les analyses, les réflexions les plus larges se fassent, et il appelait ça: Pour ne pas faire de politique. Bien, moi, ça ne me gêne pas de faire de la politique. Je suis en politique. Ça fait 15 ans et ce n'est pas, je répète, faire de la politique que de parler de ses convictions. Nous, notre conviction est que le meilleur régime constitutionnel pour une société distincte, ça ne peut pas être: Recommençons nos devoirs parce qu'on n'a pas eu affaire à des bons joueurs. Moi, j'ai encore entendu aujourd'hui au moins à 10 reprises l'expression "fédéralisme renouvelé". Je ne veux plus le renouveler, le fédéralisme. C'est-y clair? Quand je dis ça, je ne pense pas que je suis partisan, je ne pense pas que je fais de la politique partisane. Je fais de la politique objective de 1990.

En 1990, qu'est-ce que vous voulez, c'est quoi qui nous manque de plus, M. le Président, pour acquérir la conviction que le régime dans lequel on essaie toujours de nous rentrer... Parce que, encore là, le leader disait: II faut savoir que le Québec a contribué à faire le Canada. Bien, justement, le même Canada nous a dit à maintes et maintes reprises: Y a-t-il moyen que vous vous organisiez et y a-t-il moyen que vous nous laissiez la paix? C'est ça que ça veut dire.

On disait que Meech est un symbole. Meech est bien plus qu'un symbole parce que, d'abord, deux phrases, M. le Président, pour dégonfler un peu Meech. On n'a pas le droit sans faire trop d'histoire... Écoutez, le même premier ministre du Québec qui défendait Meech avait pris la peine de faire le tour du Canada, avant que les provinces se donnent la peine de regarder ce qu'il y avait dans Meech, pour dire: Bien, cette fois-ci, vous devriez accepter Meech. Il n'y a rien là-dedans. Jamais le Québec n'a demandé si peu et c'est à ça qu'on s'est fait dire non. Certains analystes prétendent que c'est M. Elijah Harper, ou c'est M. Gary Filmon ou c'est le premier ministre de Terre-Neuve. Alors, allez-y voir. Ils recevaient au-dessus de 1000 télégram- mes par jour: Ne lâchez pas. Bravo! C'est ça, la réalité.

Moi, je veux bien qu'on crée une commission, je veux bien qu'elle soit non partisane, mais je voudrais donc qu'on parte de 1990. Je voudrais qu'on parte de la réalité du Québec d'aujourd'hui. Oui ou non, nous sommes capables d'assumer pleinement et entièrement les responsabilités d'un Parlement normal parce qu'on est un peuple et une société distincte. En conséquence, tous les peuples que je connais qui sont distincts et différents se donnent une constitution et ont un Parlement. Ils n'en ont pas deux; ils n'en ont pas trois; ils n'en ont pas deux et demi; ils ont un Parlement qui fait l'ensemble des lois.

On pourrait regarder des exemples. Pensez-vous qu'on aurait eu l'imbécillité qu'on a eue il y a une couple de jours avec la TPS quand le ministre des Finances, pour un souci aussi irréfléchi... Il a appelé ça "l'harmonisation". Il s'est empressé de s'harmoniser avec celui qui nous a rejeté. Qu'est-ce que ça a donné, en un exemple? Pensez-vous que dans le monde de l'édition québécoise, c'est logique de dire: Dorénavant, il va y avoir 14 %? Ce n'est pas logique du tout, la brimbale de deux niveaux de taxe et tout ça. Mais pensez-vous que si on était souverain, quel que soit le gouvernement, libéral, conservateur, créditiste, parce que ça n'a pas d'importance après qu'on est souverain.... On donnera la responsabilité de gérer le Québec au gouvernement dont les Québécois et les Québécoises penseront qu'il est le plus apte à gérer le Québec. Mais, une chose est sûre, ce gouvernement-là n'aurait pas pu prendre une décision d'une taxe de 14 % ou de 15 % dans le monde de l'édition québécoise quand on veut protéger notre culture, à moins, encore là, de parler des deux côtés de la bouche, comme on l'entend régulièrement de l'autre côté. On ne peut pas faire ça.

Alors, le projet de loi qui institue la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, c'est évident qu'il va falloir qu'il parte de la réalité 1990. Or, la réalité 1990, en ce qui nous concerne... Et ce n'est pas d'être partisan, je le répète, de parler avec coeur de ses convictions. J'ai un petit document, parce que je connais certains opportunistes de situation, mais il n'y a rien de mieux que les écrits... En 1979, ce n'est pas nécessairement hier, je ne me souviens pas qu'on parlait de l'accord du lac Meech et nous autres, on disait: D'égal à égal. Et on définissait la souveraineté. Et juste quelques phrases. On disait: "La pierre d'angle de ce nouvel ordre des choses est la souveraineté québécoise. La souveraineté nationale est le point de départ et l'élément essentiel de toute politique québécoise globale sur ce continent. Elle ne constitue pas le dernier mot de cette politique mais elle en constitue sûrement le premier." Écoutez ça, M. le Président: "Elle est indispensable notamment pour établir un minimum

d'équilibre politique entre nous et les autres et ce minimum d'équilibre politique signifie, par voie de conséquence, un meilleur équilibre économique, culturel dans le jeu des forces de part et d'autre en nous assurant une assise juridique qui ne garantisse pas aux autres, dès le principe, le moyen institutionnel d'avoir raison sur nous par simple décision majoritaire."

Je pourrais continuer à citer des exemples comme ça, mais j'estime, M. le Président, qu'avec l'échec de l'accord du lac Meech, qui était un symbole, qui était un minimum, où il n'y avait rien là-dedans, il me semble qu'on ne peut pas constamment se repositionner à partir du régime qui nous a rejetés et c'est pour ça qu'il est capital que la case de départ soit: Oui, c'est exact que le Québec est une société distincte et comportons-nous donc comme Québécois et comme Québécoises comme ça parce que c'est ça, la réalité d'aujourd'hui.

Dans ce sens-là, j'espère qu'il y aura un peu moins de gens en commission parlementaire pour faire constamment l'histoire de ce qu'a été ce beau- et grand Canada et essayer de prétendre que si on changeait les joueurs et replâtrait le régime et qu'on essayait encore une quinzième et dernière chance, là, il y aurait des chances que ça fonctionne. Pourquoi y aurait-il plus de chances que ça fonctionne? Tous les éléments qui ont contribué à l'échec de l'accord du lac Meech demeureront présents et de plus en plus présents, M. le Président. On a vu, pas hier, pas il y a six mois, aujourd'hui, la belle promesse de David Peterson: il promet de ne plus commettre le péché du bilinguisme. O.K., il est en campagne électorale. Mais, quand il dit ça, il traduit bien plus une réalité concrète qu'il ne fait une déclaration politique. Il ne fait pas de déclaration politique, il traduit une réalité concrète. Promenez-vous à travers ce beau et grand Canada et vous verrez qu'il y aura toujours, fondamentalement, des nuances tellement fortes entre les conceptions de notre avenir et du leur. En conséquence, pourquoi n'assumerait-on pas notre avenir? (19 h 20)

II me semble qu'on a fait nos preuves. On devrait être assez adultes pour s'assumer pleinement. Et lorsqu'on arrive à la période adulte, bien... Là, c'est sûr qu'on est dans une période où ça regarde mal parce qu'on n'a pas de chef d'État, on n'a pas de premier ministre qui se comporte comme un chef d'État. Mais si le Parlement, l'Assemblée nationale du Québec contrôlait l'ensemble de ses instruments et qu'elle décidait de se doter d'un chef d'État pour assumer toutes nos responsabilités, très rapidement, l'ensemble des Québécois et des Québécoises conviendraient que c'est ce régime-là qu'il faut se donner parce que nous sommes rendus là. D'ailleurs, les hommes d'affaires... Habituellement, on les qualifie de gens très rationnels, analytiques, etc. Même s'ils étaient d'accord, eux, avec l'accord du lac Meech, ils disaient ceci: Si Meech échoue - bien il a échoué, Meech, là; c'est réglé, ça - la moitié d'entre vous opterons pour l'indépendance. Opter pour l'indépendance, ça veut dire opter pour la souveraineté du Québec, ça veut dire opter pour un Parlement qui fait ses lois, qui est en mesure d'assumer toutes ses responsabilités et d'offrir aux Québécois les choix qui correspondraient le mieux à leurs aspirations.

Je souhaite, M. le Président, qu'effectivement, cette Commission puisse déboucher sur une réflexion qui sera axée sur l'avenir. Je souhaite que les membres de cette Commission fouillent beaucoup moins le passé historique et pourquoi on en est arrivés là, mais qu'ils soient plus conscients que de temps en temps, comme politiciens, on a la responsabilité d'être rendus au moins au même niveau que l'ensemble des citoyens et des citoyennes du Québec. Et je ne vois pas pourquoi il y a encore des gens qui questionnent cette opportunité parce que les Québécois et les Québécoises nous l'ont dit qu'ils étaient d'accord. Ils nous l'ont dit et ils nous l'ont répété qu'ils étaient complètement d'accord avec la souveraineté du Québec. Un Parlement normal qui assume, comme je l'ai mentionné tantôt, toute sa responsabilité, ça fait des peuples fiers, dignes, normaux, responsables et ça évite ce qu'on vit, ça évite les dédoublements inutiles, ça évite les supposées harmonisations qui ont comme conséquence qu'on fait du mur à mur, ce qui ne correspond pas du tout à ce que nous sommes, ce qui ne correspond pas du tout à nos aspirations. Et, après qu'on s'est harmonisés, on est obligés de vivre avec des situations aberrantes comme on va vivre, là, malheureusement, dans quelques mois, avec cette TPS, absolument sans distinction, sans nuance. On s'harmonise avec celui qui nous a rejetés.

J'espère que l'ensemble des membres de la Commission pourront partir au moins de ces prémisses, en étant convaincus qu'une société distincte, ça exige quelque chose de différent. Et moi, j'ai hâte que nous puissions y arriver parce que là je marche avec tout le monde: il ne nous appartient pas à nous seuls, les élus, de définir l'avenir du Québec. Ça, il n'y a pas de problème avec ça. Et la commission va permettre que l'ensemble des citoyens, soit par leurs représentants, soit par les différents chapeaux de ceux qui composeront la Commission comme membres, puissent donner un caractère assez large, assez universel... Mais là, une fois pour toutes, qu'on débouche sur la présentation d'une constitution du Québec qui, bien sûr, normalement, sera soumise aux Québécois et aux Québécoises parce que ce n'est pas par une élection, ce n'est pas un parti politique qui doit s'arroger la responsabilité de définir l'avenir constitutionnel, mais permanent... Parce qu'une constitution, on ne joue pas avec ça comme on joue avec une législation, avec un décret, avec une décision

ministérielle. C'est majeur, c'est sérieux, c'est l'avenir de la nation québécoise. Moi, je la veux emballante, je la veux stimulante pour nos jeunes et la seule façon pour que ce soit emballant et stimulant, c'est, une fois pour toutes, de mettre fin à cette prétention qu'en recommençant nos devoirs avec le partenaire qui nous a rejetés maintes et maintes fois, que ce soit au niveau de l'immigration, que ce soit au niveau de la langue...

Je fais juste conclure, M. le Président, avec ce que moi-même, j'ai vécu. J'ai été ministre de l'Éducation pour une courte période. Il n'y en a pas beaucoup qui se le rappellent et je comprends pourquoi. Moi, je comprends pourquoi. C'est simple. Pendant la courte période où j'ai été ministre de l'Éducation, j'ai été obligé de faire trois législations pour nous raccommoder par* rapport à la vieille constitution complètement folichonne et inadaptée par rapport à nos réalités. Moi, ça ne me permettait pas de faire comme le ministre de l'Éducation actuel et dire, moi, je suis pour ça des commissions scolaires linguistigues, sauf qu'elles sont confessionnelles. Mais il est pour ça "en étoile", des commissions scolaires linguistiques, mais, dans les faits, est-ce que c'est des commissions scolaires linguistiques, notre régime scolaire au Québec? La réponse, c'est non. Pourquoi est-ce que ce n'est pas comme ça? C'est parce que je suis assujetti à des dispositions protectionnistes qui protègent des droits ancestraux qui n'ont aucune commune mesure avec la réalité de 1990. Mais ces gens-là défendent ce régime-là. Il va falloir aussi regarder ça.

Alors, moi, comme ministre de l'Éducation, pendant trois ans, qu'est-ce que j'ai fait? J'ai fait des lois correctrices parce qu'elles avaient été invalidées par quelqu'un d'autre. Pensez-vous que c'est une situation normale? Pensez-vous que c'est une situation qui est glorifiante, qui est stimulante pour une communauté, pour une nation? Moi, je dis non.

En conclusion, M. le Président, j'espère que cette commission partira à la bonne place, parce qu'il est important d'arriver à la bonne place et pour arriver à la bonne place, vous le savez, il faut rapidement soumettre aux Québécois et aux Québécoises une constitution pour que nous puissions nous doter d'un vrai pays. Merci.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le leader parlementaire adjoint de l'Opposition. Mme la députée de Vachon.

Mme Christiane Pelchat

Mme Pelchat: M. le Président, j'ai envie de vous faire une confidence; j'entends plusieurs oreilles attentives. Je me sens, M. le Président, à la fois fière que l'on soit aujourd'hui devant l'adoption d'une telle loi qui, pour la première fois dans l'histoire du Québec, invite tous les intéressés à participer à la redéfinition constitutionnelle de notre société, de la société québécoise.

Mais, M. le Président, je me trouve à la fois déçue puisque cette loi et la formation de cette commission parlementaire sont indispensables suite à l'échec de l'entente du lac Meech où on a vu, malheureusement, plusieurs premiers ministres, membres de la Fédération canadienne, renier leur signature. Je n'ai pas besoin de vous le dire, vous l'avez entendu aussi longtemps que moi, M. le Président, le débat sur l'entente a duré trois ans. Trois années où on a tout entendu sur la perception qu'a le Canada de la place du Québec dans cette Fédération, trois années de débats qui ont confirmé le statut distinct de la société québécoise au Canada mais aussi en Amérique du Nord.

M. le Président, ma déception ne repose pas seulement sur la non-ratification de l'accord du lac Meech, malgré les efforts de sauvetage du premier ministre du Québec et du premier ministre du Canada. Mais j'en ai surtout contre certains arguments qui ont été soulevés par les opposants à l'accord du lac Meech et qui démontraient bien peu de sérieux. Vous vous en souviendrez, M. le Président, puisque j'en ai déjà discuté Ici en cette Chambre et avec plusieurs membres de l'Assemblée nationale. Entre autres, vous vous souviendrez que l'on a invoqué que la clause de la société disctincte pouvait altérer le principe d'égalité des sexes et même l'avancement de la condition de vie des femmes. On a invoqué implicitement par là que le gouvernement du Québec visait dans cet accord la discrimination faite aux femmes.

Non seulement j'ai été outrée par cette interprétation farfelue de la clause de la société distincte, mais j'ai eu du mal à croire que l'on puisse avancer une telle supercherie. Utiliser cet argument quand on sait qu'à l'automne 1987 le Conseil du statut de la femme et la Fédération des femmes du Québec ont affirmé à la Chambre des communes que cet accord ne remettait pas en question la primauté de la charte qui garantit l'égalité des sexes, encore une fois, je pense que c'est faire preuve de bien peu de sérieux et surtout de bien peu de franchise. (19 h 30)

Mais, trêve de nostalgie, je pense que nous avons aujourd'hui la chance unique d'élaborer et de redéfinir notre avenir politique. On sent, on le sent bien, on l'a senti au cours des derniers mois, particulièrement lors de la fête nationale, on sent au sein de la société québécoise un consensus sur cette volonté de redéfinir le Québec, consensus, M. le Président, qui est bien traduit et par le gouvernement, et par l'Opposition officielle, puisqu'il s'agit d'une proposition unanime de créer une commission parlementaire non partisane. Le consensus, M. le Président, est bien reproduit dans la loi puisque, dans le premier considérant - c'est important puisque ces

considérants font partie de la loi, ils ne sont pas seulement en préambule - il est indiqué que "les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel." Ce qui est clairement mentionné ici, c'est qu'entre nous nous déterminerons notre avenir. Nous avons laissé la chance au coureur. Nous sommes maintenant seuls avec le peuple du Québec au fil d'arrivée.

L'objectif premier de cette Commission élargie sera de chercher pour et par des Québécois notre propre définition de notre place en Amérique du Nord. Mais, plus important encore, M. le Président, faut-il le rappeler, c'est toute la population québécoise qui y est conviée. Cette Commission devrait avoir comme cadre de référence notre "attachement aux valeurs démocratiques et aux droits et libertés de la personne". C'est, encore une fois, M. le Président, un des considérants de la loi.

Il y a un autre élément sur lequel j'aimerais attirer votre attention. Il s'agit de la prémisse qui veut qu'aucun changement politique ne devra affecter la vigueur économique du Québec, mais, au contraire, il devra en assurer son développement et sa croissance. Ces considérants sont très importants puisqu'ils établissent, à mon avis, l'engagement du gouvernement et, donc, des personnes qui seront nommées sur cette Commission à des principes fondamentaux qui guideront cette redéfinition politique. Ce sont ces principes qui me permettent d'avoir confiance en cette Commission et je suis certaine, M. le Président, qu'ils permettront aussi aux gens de ma génération d'avoir confiance.

Je pense qu'il est très important que les jeunes du Québec soient éveillés et vigilants dans ce débat puisqu'il s'agit de notre avenir collectif. Les jeunes libéraux ont montré il y a quelques semaines une détermination légitime de prendre part au débat. Ils ont affirmé avec éloquence leur vision du Québec de demain et surtout leur volonté d'y participer. Autant les jeunes que les femmes et les hommes du Québec ont leur mot à dire dans ce grand débat. Nous les invitons à ne pas manquer cette occasion qui nous est donnée de donner notre voix au Québec et surtout, M. le Président, d'y montrer notre attachement. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, Mme la députée de Vachon. M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est, évidemment, aussi, comme plusieurs des collègues en cette Assemblée nationale, avec plaisir que je prendrai la parole sur ce projet de loi 90 Instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Il est de ces occasions, dans la carrière politique de ceux et celles qui sont ici à l'Assemblée nationale, où le rôle de député et de législateur prend tout son sens. Mon collègue d'Abitibi-Ouest, il y a quelques instants, disait: Je connais bien ça, comment ça se passe à l'intérieur du cadre fédéral actuel, et ceux et celles qui disent: Bien, on pourrait peut-être trouver une formule pour aller vers la quinzième, la seizième, la dix-septième dernière chance du fédéralisme. Mais en 15 ans il a tout vu passer, ces formules qui se renouvellent, finalement. À toutes les générations, on revient sur à peu près les mômes difficultés, les mêmes écueils et on ose à peine se dire que la solution, la véritable solution, c'est finalement d'être maître de son destin. Alors, c'est pourquoi je dis, M. le Président, qu'il est des occasions, dans la vie d'un député à l'Assemblée nationale, où c'est vraiment un plaisir de prendre la parole et, à l'intérieur d'un geste unanime après concertation, à l'intérieur du parlementarisme britannique tel que nous le vivons ici, de dire: Voilà une collaboration qui place les intérêts des Québécois et des Québécoises au premier rang - on l'a suffisamment dit, mais il faut le répéter - après que nous avons subi l'humiliation de cet accord du lac Meech.

Il ne faut pas trop insister, parce qu'on l'a suffisamment répété, en particulier pendant le mois de juin dernier, les demandes du Québec étaient tellement à ras de sol qu'un bon nombre de personnes affirmaient que c'était impossible, totalement impossible qu'on nous dise non. Et, pourtant, c'est ce qui est arrivé.

Et, aujourd'hui, dans une espèce de réponse ou d'amorce de réponse qui, sans l'ombre d'un doute, sera une pièce importante dans l'histoire du Québec, nous disons tous ensemble, au-delà de la partisanerie politique: Les intérêts du Québec nous commandent de définir une commission nationale qui pourra, je l'espère bien, déterminer les paramètres de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Et je pense que l'on reconnaîtra, de part et d'autre dans cette Chambre, surtout de l'autre côté, que le geste posé par le chef de l'Opposition, à la fin de juin, suite à l'accord du lac Meech, qui avait été un geste totalement absent de partisanerie politique au sens des partis politiques, en tendant la main vers notre premier ministre démocratiquement élu, est une pièce aussi de l'histoire, qui nous amène, aujourd'hui, à voter ce projet de loi et, ultimement, donc, à recevoir, par la présidence de l'Assemblée nationale, le rapport de cette Commission, sur l'avenir politique et constitutionnel, et les mots sont bien choisis.

Ce projet de loi, oui, il a été bien préparé et nous devons tous y adhérer, de ce côté, comme chez les députés indépendants, et, évidemment, du côté de la majorité ministérielle, parce que nous savons très bien que le Québec a connu une telle somme de progrès au cours des

dernières années que nous sommes rendus à cette étape ultime où, là, il faudra choisir. On peut bien faire plusieurs distinctions: il y a deux, trois ou quatre choix possibles. En réalité, nous le savons tous: ou le Québec maîtrise son destin complètement avec ses institutions, ses propres moyens et sa propre volonté, ou il continue de se rattacher à autre chose. Des gens ont des opinions, sont capables de faire un certain nombre de démonstrations sur cette autre possibilité, avec plusieurs variantes. Libre à eux de le faire, maintenant, à l'intérieur de cette Commission et des choix que nous devrons faire, dans un deuxième temps, quant à l'avenir de cette société québécoise. Oui, le Québec a suffisamment progressé pour que nous soyons rendus à effectuer ces choix sur le plan économique, sur le plan culturel, sur le plan social.

Quelques mots spécifiquement, sur le plan de la formation ou du développement scientifique et technologique au Québec. Le leader du gouvernement le rappelait, d'entrée de jeu, à la présentation de ce projet de loi 90, cet après-midi, on s'est développé un très grand réseau, un bon réseau d'éducation, avec quelques ratés et difficultés, bien sûr, quelques éléments à réviser, mais un excellent système. Moi qui suis issu d'une famille extrêmement modeste, n'eût été la création par l'Assemblée nationale en 1969 de ce magnifique réseau de l'Université du Québec présent partout, dans toutes les communautés du Québec, il est évident que je n'aurais pas pu poursuivre des études de baccalauréat, de maîtrise et de doctorat. Mais nous nous sommes donné ces institutions. Et sur le plan de la formation de la main-d'oeuvre, au plan professionnel, sur le plan de la formation scientifique et technique, nous avons connu, nous avons réalisé de tels progrès qu'il n'y a plus qu'une chose maintenant: nous sommes prêts. Souvenons-nous des discours des années soixante-dix et quatre-vingt: la souveraineté peut-être, mais nous ne sommes pas nrptc sur le plan économique, sur le plan des ressources humaines, sur le plan de la formation scientifique et technologique.

Eh bien, oui, aujourd'hui, nous sommes prêts. Ce que l'on nous disait, ce qu'il nous manquait, nous l'avons acquis au cours des dernières années et nous sommes capables de franchir la dernière étape. (19 h 40)

Je me rappelle très bien, d'ailleurs... Spécialement pendant le mois de juin, souvenez-vous des déclarations de M. Castonguay qui présidait le groupe des amis du lac Meech et qui, devant la Chambre de commerce de Montréal, avait déclaré: Sans Meech, les Québécois se tourneront vers des horizons plus larges et plus stimulants. Eh oui! Il avait raison! Il avait raison. Nous n'avons pas Meech et nous allons nous tourner vers des horizons plus larges et plus stimulants pour dominer le destin de cette nation, dominer notre avenir, avoir la maîtrise d'oeuvre de ce que nous pouvons faire de ce magnifique Québec et de ses régions.

Et c'est important de souligner que, dans ce projet de loi, bien sûr on peut avoir quelques remarques à faire sur l'un ou l'autre des éléments de la composition de la Commission. On aurait peut-être souhaité plus largement qu'il y ait, par exemple, des représentants des organismes québécois de concertation ou de développement régional. On aurait peut-être souhaité spécifiquement une place pour les femmes. On aurait pu souhaiter qu'il y ait plus d'un siège pour le milieu universitaire ou de l'enseignement ou de la culture et indiquer "et de la culture". Nous en sommes à 35 membres, une représentativité qui est passablement bien assurée. Nous sommes capables, à cette étape de notre histoire, d'accepter ces compromis pour aller plus loin.

Nous aurons, pendant cette Commission, à définir ce que sera le Québec et le Québec dans son entier, le Québec de ses régions. Ce n'est pas parce qu'on va discuter de l'avenir constitutionnel et politique du Québec qu'on va oublier à travers tout ça les problèmes et les difficultés qui nous accablent. Définir ce que sera le Québec et l'ensemble de ses régions, ce Québec cassé en deux, ce Québec où l'arrière-pays se vide complètement de ses jeunes, il faudra aussi poser les jalons de cela. Voilà pourquoi ce forum, qui s'installe et qui sera itinérant - il faut l'apprécier dans ce projet de loi - va permettre aux gens de Rouyn-Noranda, aux gens du Témiscamingue, des petits villages de Laforce, Moffet à aller jusqu'à Évain de s'exprimer dans cette Commission. Et, comme membre de l'Assemblée nationale, M. le Président, mon devoir essentiel sera de stimuler la participation de tous les éléments de la nation, de toutes les personnes qui composent la fibre intime de ce Québec pour que nous puissions ensemble définir quel sera le génie propre de cette nation québécoise, et nous, nous en sommes convaincus, de ce côté-ci, choisir la seule solution qui s'offre à nous, celle de la souveraineté nationale du Québec.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Comme prochain intervenant, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, est-ce qu'un pays peut, comme un individu, manquer sa vie? Je pense que oui et, à certaines occasions, j'ai cru que le Québec était menacé de passer à côté et de manquer sa vie, un peu comme en 1980, lors du résultat du référendum, entre autres. Cette fois-ci, nous avons une occasion qui ne se représentera peut-être pas de faire le choix qui nous fait grandir, au lieu de continuer de quémander dans le Canada un statut de société

distincte avec quelques petits pouvoirs supplémentaires. Or, au Canada, il faut bien s'en rendre compte, la réalité, c'est que le Canada anglais ne nous considère pas comme une société distincte, mais bien comme la plus importante des quelque 40 minorités qui se trouvent au Canada. Et c'est ça qui est fondamental: Sommes-nous une nation au Québec ou sommes-nous une minorité qui geint et se plaint depuis fort longtemps à l'intérieur du Canada? Je pense que c'est ce que nous aurons à choisir et je suis très heureux que la Commission que nous formons et qui est large, qui regroupe une majorité de parlementaires de cette Assemblée, mais avec des représentants et des représentantes de tous les secteurs de la société, puisse faire cette réflexion supplémentaire, cette réflexion fondamentale suite à l'échec de l'accord du lac Meech.

Et à cet égard, il ne faut pas se cacher que le Parti libéral est placé face à son destin. Ce parti n'a plus d'option constitutionnelle et je ne le dis pas pour narguer, je le constate. Il avait essayé une approche très minimale de reconnaissance d'un petit statut de société distincte pour le Québec au Canada, le Canada a dit non, ce qui laisse ce parti sans option. Il doit maintenant s'en donner une et les travaux de la Commission vont être teintés par cette recherche-là du côté du Parti libéral. Et moi, personnellement, je souhaite que ce parti s'oriente dans le sens de la majorité de la population plutôt que dans le sens de ses habitudes acquises. Je pense qu'on peut cesser d'être fédéraliste comme on peut cesser de pratiquer le tabagisme. Il faut voir objectivement et froidement quel est l'avenir pour le Québec et quelle est l'option qui représente le mieux les intérêts de la population au plan culturel, parce qu'on est 2 % à 3 % de l'Amérique du Nord et que, normalement, on pourrait être submergés si on n'avait pas un Parlement pour se donner des instruments pour s'assurer qu'on demeure un pays français. Un pays français où il y a d'autres minorités qu'on respecte, mais un pays aussi français que l'Ontario est anglais.

D'autre part, au plan économique, nous avons fait des progrès incontestables, mais pas à cause, malgré le fédéralisme. Si on regarde une ville comme Montréal, quand la pétrochimie de l'est de Montréal fonctionnait, elle était limitée dans son développement parce que le fédéral avait tracé ce qu'on appelait la ligne Borden qui disait que les produits pétroliers du Québec ne devaient pas traverser une ligne située dans le centre, du nord au sud de l'Ontario, près d'Ottawa, et qui excluait la partie la plus industrialisée de l'Ontario, et ça, jusqu'à Vancouver. On peut bien parier des mérites, M. le Président, du marché commun, mais, dans ce pays-là, longtemps en matière de pétrochimie on n'avait même pas le libre-échange. On pouvait raffiner des produits dans l'est de Montréal, mais on ne pouvait pas les exporter au Canada, parce que ça, c'était réservé à Sarnia qui est devenu un centre beaucoup plus important que le nôtre.

Lorsque le gouvernement fédéral a décidé de donner pour quelques milliards de contrats de frégates à Saint John plutôt que dans les chantiers québécois qui avaient toujours eu une prépondérance dans le domaine maritime, eh bien, ça a amené la fermeture de deux chantiers, la Canadian Vickers, dans l'est de Montréal, et le chantier maritime de Marine Industrie à Sorel, et là, maintenant, le ministre de l'Industrie et du Commerce se bat pour essayer de sauver notre dernier chantier maritime, celui de la Davie, près de Québec. Alors, quelle est la logique économique qui nous ferait préférer rester dans le Canada?

Je mentionnerai au passage qu'alors que notre hydroélectricité a été financée entièrement avec nos deniers le fédéral a financé à coups de milliards la production d'électricité par le nucléaire en Ontario. En fait, il y aurait peut-être des raisons sentimentales de rester dans le Canada et on les a jouées en 1980, rappelons-le-nous. Il fallait garder notre partie des Rocheuses pour voir le soleil se coucher sur le lac Louise, près de Banff. Mais on n'a plus de raison sentimentale, parce que ce qui s'est exprimé lors du débat de l'accord du lac Meech, c'est qu'ils nous disaient: "Speak English or get out". Et le chef de l'Opposition avait raison de le rappeler cet après-midi: Pourquoi endurerions-nous de voir des villes ontariennes où le français n'a jamais eu le droit de cité adopter des résolutions pour dire qu'elles sont unilingues? Pourquoi tolérerions-nous de voir notre drapeau foulé aux pieds? La logique économique va à rencontre de rester dans le Canada et devenir souverains, ça ne serait pas s'isoler, ça serait avoir des relations d'affaires avec nos voisins, parce qu'on a intérêt à les entretenir et d'être souverains, ça ne nous interdit pas de faire un traité d'association économique et de mettre des choses en commun, parce qu'un des enseignements de la deuxième partie du XXe siècle, c'est qu'un État, une nation, ça ne veut pas dire un espace économique restreint à cet État et à cette nation. Et il y a plein de petits pays comme la Finlande qui s'en tirent remarquablement mieux que des puissants voisins comme l'Union soviétique. (19 h 50)

En terminant, M. le Président, le Québec souverain serait le 80e État par sa population sur les 167 qui siègent aux Nations unies. Mais, pour ce qui est du produit intérieur brut divisé par le nombre de citoyens du Québec, c'est-à-dire la valeur de tous les biens et services qu'on produit, on serait les seizième. Donc, seizième sur 167, c'est mieux qu'être parmi les derniers dans un pays qui ne nous veut pas

Je termine en disant à la biague un peu comme le leader de ma formation le disait lors de la dernière campagne électorale: Dans un bar, quand on me dit de partir, je n'attends pas le

"bouncer", je quitte de moi-même.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Le prochain intervenant, M. le député de Nelligan et adjoint parlementaire au ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes.

M. Russell Williams

M. Williams: Merci, M. le Président. Nous sommes en train de discuter le projet de loi 90, un projet de loi qui a le mandat "d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler, à cet égard, des recommandations." C'est un mandat extrêmement important et fondamental. Nous, comme Québécois et Canadiens, nous avons depuis quelques années, quelques décennies, essayé de moderniser notre fédération. Et cette Commission parlementaire élargie sera le nouveau chapitre à cet égard, le chapitre québécois.

We, as Quebeckers, must approach this task of these discussions with diligence, with openness and with commitment. We, as Quebeckers and as Canadians, have developed a growing understanding of and participation in the constitutional review process.

Nous avons grandi beaucoup depuis que nous avons commencé nos efforts dans la réforme constitutionnelle et nous continuerons à grandir. L'implication dans les débats du référendum, il y a 10 ans, et les interventions dans le débat sur l'accord du lac Meech sont deux bons exemples de cette nouvelle compréhension. Avec l'échec de Meech, nous nous encourageons de "réadresser" ces questions avec objectivité et vision. Nous sommes confiants, il n'y a aucun doute que nous sommes confiants, mais l'avenir prend beaucoup plus que les discours, prend beaucoup plus que la démagogie. Ça prend les outils et les structures. Oui, nous avons besoin d'un changement, mais un changement responsable et un changement bien pondéré.

We must remember that if two provinces, and one which has already passed the Meech Lake Accord and had rescinded it, if two provinces had passed the Accord, we would not be here tonight discussing a parliamentary commission. We would be building our future together and not rethinking our current position. But, as we confidently look towards the future, we must remember and remember sincerely our past, our roots and all our interrelations both short and long term.

Il me semble important de souligner que l'échec de Meech, c'est un échec du système canadien, pas un échec du pays. Mais maintenant, c'est un défi pour nous, comme Québécois et Canadiens, c'est un défi positif. C'est évident que nos délibérations doivent être fondées sur les réalités historiques et culturelles. Il y a onze critères dans le projet de loi que nous discute- rons ce soir. Je voudrais en citer deux. Premièrement, "considérant que le Québec a d'ores et déjà témoigné son attachement aux valeurs démocratiques et aux droits et libertés de la personne" et, deuxièmement, "considérant que le Québec entend poursuivre cet objectif dans un esprit de justice et d'ouverture, dans le respect des droits et des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise."

And I would like to repeat those two criteria in English because I think they are fundamentally important to our discussions. Whereas Québec has already demonstrated its respect for democratic values and individual rights and freedoms and, as a second criterion, whereas Québec intends to pursue this objective in a spirit of fairness and open-mindedness, respectful of rights and institutions of the English-speaking community of Québec. This underlines, M. le Président, that this process is opened to all Quebeckers, all that makes out our distinct society, the distinct society of Québec. It is the time to express our beliefs and to hear and be sensitive to the beliefs of others. Ces critères sont essentiels.

Nous aurons 35 personnes qui viendront de partout au Québec, qui viendront de tous les secteurs: les affaires municipales, le milieu des affaires, le milieu des syndicats, les coopératives, les milieux de la culture et de l'enseignement. Ce sera un débat de fond de tous les Québécois. Nous allons recevoir, je pense, plusieurs centaines de mémoires. Nous les étudierons tous. Ce sera un processus vraiment démocratique. Cette Commission peut nous aider à demander les questions pertinentes, à savoir quels sont nos besoins pour l'avenir.

J'ai entendu, cet après-midi, que l'Opposition avait déjà décidé des grandes lignes du rapport final. Moi, M. le Président, je préfère entendre le peuple québécois et ses commentaires sur tous les aspects de notre avenir. Je ne me prononce pas sur les grandes lignes du rapport final avant que nous ayons commencé. Cette Commission parlementaire extraordinaire et non partisane va nous aider à surpasser les discours du passé, la vieille rhétorique et à discuter du contenu de notre avenir. Je voudrais ouvrir une parenthèse. Si toutes les interventions ont le même niveau de qualité que nos jeunes libéraux, ce sera une chance extraordinaire pour le mieux-être des Québécois. Je ferme la parenthèse.

Quand je parle avec les gens de mon comté de Nelligan, ils sont fiers de notre comportement pendant le débat constitutionnel, de notre position constitutionnelle et de notre premier ministre. Ils veulent que nous réglions la question constitutionnelle et mettions notre énergie sur l'économie. Ils cherchent les moyens de protéger les intérêts du Québec. Ils sont prêts à embarquer pour la prochaine étape si, et c'est un grand "si", ils sont inclus dans le débat. M. le Président, cette Commission leur donnera cette

chance de participer au débat démocratique.

This will be an opportunity to discuss fully the future of Québec and I might add the future of Canada. I encourage all those who are interested, all Quebeckers, to fully participate in the upcoming debate. What I have heard over the last several months and weeks and what I have seen throughout Québec and throughout Canada is that we are in need of tolerance, we are in need of mutual understanding and mutual respect. I sincerely hope that this parliamentary commission that we are debating here tonight will give us the chance to find this understanding and deal with each other with the mutual respect needed.

Mais nous ne pouvons pas ignorer que notre société québécoise et l'ensemble du reste du Canada ont eu des difficultés à avoir cette compréhension mutuelle. Je ne le cache pas. Il faut que nous travaillions sur ce sujet. Je ne voudrais pas d'un pays qui soit juste légal. Je voudrais un pays vivant qui respecte toutes les attentes de ses citoyens et de leurs régions.

I believe we can question and change our structure, even the foundation, without tearing down the house. Our family, the Canadian family, has changed. Our family, the Québec family, has changed. It is now time to reflect those changes. Our history has seen this on several occasions and we should approach this debate positively. We should approach this debate with confidence, with energy, with commitment, but also with prudence. We cannot afford to make a mistake. Nous ne pouvons pas faire d'erreur.

It makes sense to me, M. le Président, that Quebeckers take time now to reflect on their destiny. We should not prejudge the outcome. We should hear from the people, the people of Québec. To be responsible and consistent, we must ask ourselves how we fit into the Canadian family and what is our future as a Québec society. We will hear from all Quebeckers and possibly, quite possibly, a consensus will evolve, a consensus that will help us continue our evolution as a Québec society.

M. le Président, c'est le temps d'éprouver émotion et passion, parce que nous parlons de l'avenir de nos enfants et de leurs enfants. Mais, pour les mêmes raisons, M. le Président, il faut que nous soyons prudents. Ce n'est pas une campagne électorale et ce n'est pas le slogan d'un parti; c'est le bien-être des Québécois et des Québécoises qui est le fond de cette consultation. Comme député provincial, je souhaite tout le succès à la commission parlementaire, parce que cette commission peut nous aider, nous, le peuple québécois, à clarifier la prochaine étape de notre évolution. Merci beaucoup pour votre temps, ce soir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Merci beaucoup, M. le député. M. le leader du gouver- nement.

M. Michel Pagé (réplique)

M. Pagé: M. le Président, merci. Très brièvement, en réplique, seulement quelques mots pour remercier les collègues de l'Assemblée qui sont intervenus dans le cadre de ce débat en deuxième lecture sur ce projet de loi instituant la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et pour remercier chacun et chacune des députés qui, de par leur appartenance à nos caucus respectifs, ont eu à contribuer à l'élaboration de cette pièce législative et qui, malheureusement, en raison de la limite de temps établie par les leaders dans le cadre de ce débat, n'ont pu intervenir. Mais je suis persuadé que chacune et chacun d'entre nous, des deux côtés de la Chambre, aurait souhaité faire valoir, au bénéfice de leurs collègues, leur perception, leurs attentes et aussi, j'en suis persuadé, compte tenu de l'unanimité qui semble se dégager, leur satisfaction à l'égard de ce projet de loi.

Je n'ai pas l'intention d'être plus long dans la réplique, compte tenu de cette belle unanimité qui semble se dégager, quoique j'aurais été tenté, comme parlementaire qui, à l'occasion, ne déteste pas croiser le fer, de répliquer au député d'Abitibi-Ouest, le leader adjoint de l'Opposition, qui semblait, par son propos, nager un peu à contre-courant de cette grande délicatesse manifestée par le chef de l'Opposition qui nous tendait la main délicatement, au gouvernement, au mois de juin dernier, et les propos du leader adjoint de l'Opposition semblaient davantage s'inspirer d'une volonté de couper le tout à la hauteur des doigts ou du poignet, mais, de toute façon, je n'ai pas l'intention de répliquer. J'aurai d'autres opportunités de croiser le fer avec le député d'Abitibi-Ouest.

Ceci dit... Et vous aussi? Bien, nous le croiserons. Là-dessus, on appelle le vote, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Cannon): Alors, qu'on appelle les députés.

(20 h 4 - 20 h 16)

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. Mmes, MM. les députés.

Mise aux voix

Je mets donc aux voix la motion de M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation proposant, l'adoption du principe du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Bourassa (Saint-Laurent), M. Pagé (Portneuf), M. Bissonnet (Jeanne-Mance), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Le-vesque (Bonaventure), Mme Bacon (Chomedey), M. Ryan (Argenteuil), M. Bourbeau (Laporte), M. Vallerand (Crémazie), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Rémillard (Jean-Talon), Mme Robic (Bourassa), M. Dutil (Beauce-Sud), Mme Frulla-Hébert (Mar-guerite-Bourgeoys), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Lefebvre (Frontenac), M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Cannon (La Pelt rie), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Rivard (Rosemont), Mme Trépa-nier (Dorion), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bélisle (Mille-Îles), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata), M. Hamel (Sherbrooke), M. St-Roch (Drummond), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Kehoe (Chapleau), M. Doyon (Louis-Hébert), M. Fradet (Vimont), M. Lemieux (Vanier), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Gobé (La-Fontaine), Mme Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bor-deleau (Acadie), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent (Sauve), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), M. Després (Limoilou), M. Farrah (Îles-de-la-Madeleine), M. Forget (Prévost), Mme Loi-selle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. MacMillan (Papineau).

M. Parizeau (L'Assomption), M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), Mme Harel (Hochelaga-Maison-neuve), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Artha-baska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Lazure (La Prairie), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victo-rin), M. Paré (Shefford), M. Claveau (Ungava), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Bourdon (Pointe-aux-Trembles), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Dupuis (Verchères), M. Beaulne (Bertrand). M. Libman (D'Arcy-McGee), M. Holden (Westmount), M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce), M. Cameron (Jacques-Cartier).

Le Président: Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît. Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 93 contre: 00

Le Président: Alors, la motion est adoptée.

M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: m. le président, je fais motion pour que la chambre se transforme en comité plénier pour l'étude du projet de loi article par article.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. En conséquence, l'Assemblée se transforme maintenant en plénière pour l'étude détaillée du projet de loi 90.

(Suspension de la séance à 20 h 21)

(Reprise à 20 h 25)

Commission plénière Étude détaillée

M. Cannon (Président de la commission plénière): Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît!

Alors, le comité plénier est réuni afin d'étudier la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, le projet de loi 90. Tel que déterminé par l'ordre de la Chambre cet après-midi, la durée de la commission: un maximum de 60 minutes. Alors, pour quelques remarques préliminaires, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation...

M. Pagé: Leader!

Le Président (M. Cannon):... et leader du gouvernement.

Remarques préliminaires

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je voudrais, dans un premier temps, indiquer que, si on a prévu uniquement une heure pour nos délibérations au moment de l'étude article par article du projet de loi, c'est que, comme je l'indiquais en réplique au débat de deuxième lecture, l'ensemble des parlementaires et plus particulièrement les représentants du bureau du premier ministre, les adjoints du premier ministre, les adjoints du ministre de la Justice et ministre des Affaires canadiennes, les adjoints du chef de l'Opposition et du leader de l'Opposition ont été intimement associés à cette démarche de la rédaction de la loi. Je me réfère autant au préambule qu'aux dispositions qui sont décrétées et aux articles qui sont prévus.

Alors, pour ces motifs, M. le Président, on a seulement une heure de prévue, premièrement;

deuxièmement, je présume que l'analyse des dispositions ou les commentaires seront brefs de part et d'autre. Alors, à l'article 1, c'est très simple, c'est la disposition qui institue la Commission, l'article habilitant.

Le Président (M. Cannon): M. le leader, avant de procéder avec l'article 1...

M. Pagé: Oui.

Le Président (M. Cannon): ...possiblement qu'il y aurait des remarques préliminaires de la part du leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Juste une phrase, M. le Président, pour abonder dans le même sens que le leader du gouvernement. Effectivement, on peut tout de suite dire, d'entrée de jeu, qu'il devrait y avoir deux amendements, à notre point de vue, qui devraient être présentés par rapport au contenu que nous avons accepté ou négocié. Je ferai même, personnellement, peu de remarques, advenant d'autres amendements, parce que je crois qu'il y a de l'importance, après qu'on s'est entendus globalement ou presque globalement, de procéder aux amendements, tel que convenu. Donc, je restreindrai mes propos à cela et je vous dis que je suis prêt à entamer immédiatement l'étude article par article de ce projet de loi.

Le Président (M. Cannon): Alors, M. le député de Westmount.

M. Holden: Yes, Mr. Speaker. Even though there are a couple of amendments that have been agreed upon, there are a couple of other amendments that I would like to put on the record, on a couple of the articles. I do not think that the Leader of the Official Opposition would mind terribly if we did. We will not take a lot of time. But before we get to the first article, there is a comment that I wanted to make which relates to one of the whereases. It says, in the whereas: "Québec has already demonstrated its respect for democratic values and individual rights and freedoms". Mr. Speaker, if that whereas were true...

M. Chevrette: M. le Président, juste 30 secondes. Je ne voudrais pas interrompre...

Le Président (M. Cannon): M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: La semaine dernière, j'ai fait la même erreur que mon collègue est en train de faire. C'est de vouloir discuter du préambule au préalable alors qu'on en discute exclusivement à la fin de l'adoption des articles. Donc, la plaidoirie de M. le député pourra avoir lieu à la fin, après qu'on aura étudié article par article. Parce que, m'ayant fait ramener à l'ordre, vous comprendrez que mon rôle est de ramener les autres quand je me suis...

M. Pagé: Je constate, M. le Président... Le Président (M. Cannon): M. le leader.

M. Pagé: ...toute la satisfaction que le leader de l'Opposition a pour appliquer à l'égard des autres la discipline qui lui a été imposée récemment. C'est très bien. And so, in fact, we will have the opportunity to discuss about this part of the bill after the study.

M. Holden: Assuming we get through all the articles...

M. Pagé: If we do not have time, it will be next time.

M. Holden: ...that will not help... M. Pagé: It is allowed by the rules.

M. Holden: I understand, Mr. Speaker, and will obey by the usual niceties but let us hope that we move fast and so we will have time to make a comment on the preamble.

Le Président (M. Cannon): Simplement pour vous rappeler, M. le député de Westmount, que le règlement Geoffrion est très clair là-dessus. L'ordre de discussion est énuméré à la page 166, article 264 de la décision de M. Geoffrion.

Oui, M. le député, je crois que vous avez...

M. Atkinson: Yes, Mr. Speaker. While we agree with what the philosophy is, it does seem strange that we are reading the book from the middle and then going back to the beginning. With that comment, I bow to House Leader of the Liberal party.

Le Président (M. Cannon): II s'agit effectivement des règles qui gouvernent la conduite des assemblées parlementaires et notamment du comité plénier, M. le député.

M. Atkinson: I just hope we all remember what the beginning of the book was.

M. Pagé: Sure.

Le Président (M. Cannon): M. le leader du gouvernement...

M. Pagé: Alors, M. le Président, j'appelle l'article 1...

Le Président (M. Cannon): ...à l'article 1.

M. Pagé: ...lequel parle par lui-même.

Institution et mandat

Le Président (M. Cannon): Est-ce que vous préférez que je lise l'article ou...

M. Pagé: Vous pouvez le lire, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Comment?

M. Pagé: Vous pouvez le lire et je vous invite d'ailleurs à le faire.

Le Président (M. Cannon): Oui. Alors, à l'article 1 du projet de loi: "Est instituée, sous l'autorité de l'Assemblée nationale, la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec." Est-ce que cet article est adopté? Y a-t-il des commentaires?

Une voix: Adopté.

M. Chevrette: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Adopté. À l'article 2: "La Commission a pour mandat d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler, à cet égard, des recommandations." Est-ce que l'article 2 est adopté?

M. Chevrette: Ça constitue le mandat.

M. Pagé: Adopté.

M. Chevrette: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Adopté. À l'article 3: "La Commission peut, pour l'exécution de son mandat, faire les études et les consultations qu'elle juge nécessaires. "Elle privilégie, entre autre moyens: " - la tenue d'audiences publiques dans diverses régions du Québec; " - l'audition d'experts; " - la tenue de forums sur des aspects particuliers de l'objet du mandat, notamment l'aspect social, culturel, démographique et de développement régional." Est-ce que l'article 3 est adopté?

M. Pagé: À l'article 3, M. le Président, c'est en quelque sorte la façon dont le mandat sera exécuté par la Commission et, comme on s'y référait cet après-midi, nous sommes... D'abord, au départ, il faut établir très clairement que ce n'est pas une commission parlementaire, c'est une Commission qui a un mandat qui est sous l'autorité de l'Assemblée nationale, qui n'est pas une commission parlementaire, qui a un mandat à remplir, avec des conditions, etc. Bon, on y reviendra un peu plus tard. pour plusieurs, une commission sous l'empire de l'assemblée nationale ou instituée par elle, c'est une commission qui entend uniquement des mémoires. c'est très clair et le premier ministre l'a réitéré cet après-midi. il y aura en quelque sorte trois volets ou trois cadres d'intervention qui seront différents pour l'accomplissement du mandat de cette commission. dans un premier temps, des audiences publiques, des audiences publiques aussi, donc, dans diverses régions du québec, et ce sera au comité directeur et à la commission d'établir la programmation, le calendrier des rencontres. sans présumer de la décision de la commission et du comité directeur, on peut quand même supposer ou croire que les auditions publiques s'amorceront très probablement ou possiblement à québec pour se terminer, possiblement aussi, à québec, une fois que la tournée des différentes régions décidées aura été effectuée, dans un premier temps.

Dans un second temps, la Commission pourra requérir l'audition d'experts. On a échangé longuement aujourd'hui, dans le cadre du débat en deuxième lecture, sur tout l'aspect économique d'un changement de statut politique. Les membres de la Commission pourraient juger opportun d'entendre des experts, de les questionner, de recevoir leurs commentaires, leurs réactions face à différentes alternatives qui pourraient être soulevées par les députés et les membres.

Enfin, la tenue d'un forum sur les aspects particuliers, c'est bien important. D'ailleurs, le premier ministre a indiqué sa volonté, en tout cas son souhait, qui sera formulé entre autres par les membres de notre groupe parlementaire autour de la table de cette Commission, qu'on puisse tenir un forum sur toute la question, la problématique, les revendications des autochtones au Québec.

Alors, voilà, M. le Président, l'essentiel des dispositions prévues à l'article 3, en vous rappelant que ces interventions seront retransmises - c'est indiqué plus loin - par la télédiffusion des débats de l'Assemblée. Donc, les Québécois pourront suivre de très très près les échanges autour de cette table. On veut que ce soit le plus ouvert, le plus public et évidemment le plus démocratique possible.

Le Président (M. Cannon): Merci, M. le leader. D'autres interventions? L'article 3 est donc adopté.

À l'article 4: "Au plus tard le 28 mars 1991, la Commission doit faire rapport à l'Assemblée nationale. "Elle remet son rapport au président de l'Assemblée nationale et le rend public par les moyens qu'elle juge appropriés. "Le président dépose le rapport devant l'Assemblée nationale sans délai ou, si elle ne siège pas, dans les quinze jours de la reprise de

ses travaux."

M. Pagé: Alors, essentiellement, la loi, on peut prévoir qu'elle sera adoptée en troisième lecture ce soir. La loi sera sanctionnée ce soir par le lieutenant-gouverneur, en principe, et immédiatement après le premier ministre aura à déposer des motions ici. Donc, la Commission sera créée par la loi.

Son fonctionnement maintenant. Il faut bien se rappeler qu'il faudra un délai d'au moins 30 jours à compter de la parution dans la Gazette officielle pour la production des mémoires. Pendant cette période, la Commission sera complétée en termes de membres qui y siégeront. Le comité directeur aura l'opportunité de siéger et d'établir le plan de travail et de répondre aux nombreuses questions techniques qui pourront être soulevées et le délai de 30 jours nous mène - supposons que la parution dans la Gazette officielle soit le 19 septembre - au plus tôt au 19 octobre pour la production de mémoires, l'agenda par la suite, la confirmation du début des travaux. Il faut donc présumer des travaux qui s'amorceraient autour du 23 ou 25 octobre prochain. C'est donc dire des séances jusqu'en décembre, très probablement en janvier, délibérations sur le rapport, dépôt du rapport au président de l'Assemblée nationale au plus tard le 28 mars, qui est le jeudi précédant la fête de Pâques. On peut présumer que les travaux seront ajournés au mardi de l'autre semaine, au début d'avril, et à ce moment-là je m'étais engagé, comme leader du gouvernement, à ce qu'on ait une prise en considération du rapport ici à l'Assemblée.

Le Président (M. Cannon): Merci, M. le leader.

M. Pagé: C'est à peu près l'échéancier prévu.

Le Président (M. Cannon): M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je remarque qu'il n'y a pas cette soupape advenant des événements extraordinaires et que la remise du rapport ne puisse se faire dans le délai prescrit. Je comprends que c'est une volonté ferme d'en arriver à avoir un dépôt à une date précise mais, d'autre part, advenant certains événements, on se retrouverait dans l'obligation, si je comprends bien la législation, de refaire un amendement pour ne pas rendre caduc ledit rapport. Est-ce une volonté politique exprimée ou si c'est un oubli de faire comme traditionnellement?

Le Président (M. Cannon): M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: O.K. Là-dessus, c'est le cas que la date du 28 mars 1991 est une date imperative. La Commission doit déposer son rapport. Cependant, même si la date, peu importe que ce soit pour des motifs hors du contrôle de la Commission, des motifs extraordinaires ou encore pour des motifs que des gens demandent une période additionnelle pour la rédaction ou des précisions sur le contenu du rapport, etc., le rapport ne deviendrait pas caduc pour autant, premièrement.

Deuxièmement, il n'y a pas de disposition pénale ou je ne sais trop à l'égard d'un dépassement de la date. Le rapport serait valide. Cependant, il serait approprié, à ce moment-là, dès le moment où l'Assemblée nationale siégerait, de modifier les dates purement et simplement, comme ça se fait régulièrement, à moins que mon bon ami, le leader du Parti Égalité, ne refuse à ce moment-là qu'on prolonge la date, ce qui me surprendrait, compte tenu de l'esprit très ouvert.

M. Holden: Si Dieu me prête vie, M. le leader, je serai consentant.

M. Pagé: mais je vous rappellerai qu'ici, il ne faut pas dire uniquement: si dieu me prête vie. il faut dire: si dieu me prête vie, électeurs et mandat.

M. Holden: Ha, ha, ha!

Une voix:...

M. Pagé: On ne sait jamais.

M. Holden: Oui, oui, mais ça, ça vient après.

M. Pagé: Et, dans notre cas, premier ministre, fonction.

Le Président (M. Cannon): M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Tantôt dans son intervention, le leader du gouvernement a évoqué, une fois le dépôt fait devant l'Assemblée nationale par le président de l'Assemblée nationale, une prise en considération, ce qui signifie un débat à l'Assemblée nationale sur le rapport de la commission. Est-ce que je comprends que le leader du gouvernement s'engage? Vous avez parié de prise en considération.

M. Pagé: Écoutez, au moment...

M. Brassard: Est-ce que vous vous engagez à ce qu'il y ait un débat faisant suite au dépôt par le président à l'Assemblée nationale même?

Le Président (M. Cannon): M. le leader.

M. Pagé: On réfère ici à une procédure

parlementaire et non à une procédure sous l'empire ou sous la juridiction ou qui doit être prévue au présent projet de loi.

M. Brassard: Je ne demande pas d'amendement. Je demande tout simplement une confirmation pour être bien compris.

M. Pagé: Non, non. Je constate que l'honorable whip de l'Opposition n'a pas participé à nos échanges. J'ai indiqué, comme leader du gouvernement, qu'une fois le rapport déposé ici, le rapport, selon moi, devrait être pris en considération. Ça n'implique pas un vote, ça implique un échange, un débat, une discussion, et je vous prie de faire confiance, comme vous le faites, au leader de l'Opposition en regard de la qualité des échanges entre les deux leaders et de leur résultat. (20 h 40)

Le Président (M. Cannon): Est-ce que l'article...

M. Brassard: Je prends acte.

M. Pagé: Prenez acte.

M. Brassard: Je prends acte.

Le Président (M. Cannon): Est-ce que l'article 4 est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Membres

Le Président (M. Cannon): À l'article 5, "Les personnes suivantes, nommées par l'Assemblée nationale ou, si elle ne siège pas, par le président de l'Assemblée nationale, font partie de la Commission à compter de leur nomination; "1° deux présidents nommés sur proposition conjointe du premier ministre et du chef de l'Opposition officielle; "2° seize députés de l'Assemblée nationale, selon la répartition suivante: a) neuf du parti gouvernemental, nommés sur proposition du premier ministre; b) six du parti de l'Opposition officielle, nommés sur proposition du chef de l'Opposition officielle; c) un député indépendant, nommé sur proposition de la majorité des députés indépendants; "3° douze personnes, nommées sur proposition du premier ministre faite après consultation du chef de l'Opposition officielle, et choisies selon la répartition suivante: a) deux élus municipaux; b) quatre personnes du milieu des affaires; c) quatre personnes du milieu syndical; d) une personne du milieu des coopératives; e) une personne du milieu de l'enseignement ou de la culture; "4° trois députés de la Chambre des communes du Canada, nommés sur proposition du premier ministre faite après consultation du chef de l'Opposition officielle, et représentant, depuis la dernière élection générale, une circonscription électorale située au Québec."

M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, l'article est très clair dans son libellé qui se réfère à la composition, une composition de 35 personnes. C'est beaucoup, mais il en est ainsi. J'aurais un amendement.

L'amendement déposé à l'article 5. À l'article 5, dans le paragraphe 2°, remplacer le sous-paragraphe c) par le suivant et, pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, à 5.2°c on dit que les personnes suivantes, nommées par l'Assemblée nationale ou, si elle ne siège pas, par le président de l'Assemblée nationale, font partie de ia Commission à compter de leur nomination. "5.2°c Un député indépendant, nommé sur proposition de la majorité des députés indépendants". Je propose qu'on remplace ce sous-paragraphe c) par le suivant: "un député de l'autre parti représenté dans l'Opposition, nommé sur proposition des députés de ce parti".

Le Président (M. Cannon): Nous allons disposer de l'amendement. Est-ce qu'il y a des interventions sur l'amendement proposé par M. le leader du gouvernement?

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, c'est une modification qui est à souhaiter par nos honorables collègues, députés du Parti Égalité, qui m'ont formulé cette demande. On l'a étudiée, l'Opposition et nous. Ce dépôt s'inscrit dans cette considération, cette appréciation et ce respect que nous avons pour nos collègues à l'Assemblée.

M. Chevrette: M. le Président. Le Président (M. Cannon): Oui.

M. Chevrette: Vous me permettrez peut-être une phrase ou deux. En fait, ça devient conforme à peu près à la procédure qui était déjà prévue dans nos règlements en ce qui regarde le Bureau de l'Assemblée nationale. Et, compte tenu que c'était demandé, ça ne change en rien le nombre. Ça établit une relation avec une formation d'opposition qui n'est pas officielle mais qui est considérée comme parti d'opposition, de sorte que nous pensons que cet amendement clarifie la chose sans se soumettre... Parce que, en parlant des députés indépendants, on aurait pu soumettre au vote, dans une circonstance, par exemple, un nombre incalculable, si on se retrouvait avec 10 indépendants, et on se retrouverait avec... Je pense que ça ne reflétait pas l'esprit de ce qui était recherché par la loi d'accorder véritablement aux autres partis d'opposition un représen-

tant direct et, à ce compte-là, M. le Président, moi, je suis en faveur de l'amendement.

M. HoWen: M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Oui. M. le député de Westmount.

M. Holden: II va sans dire que nous sommes en faveur de l'amendement puisque c'est nous qui l'avons demandé.

Le Président (M. Cannon): Alors, si je comprends bien, l'amendement est donc adopté?

M. Chevrette: Adopté.

M. Pagé: À notre satisfaction, aussi.

Le Président (M. Cannon): Est-ce que l'article 5, tel qu'amendé, est adopté?

M. Chevrette: Je voudrais, M. le Président...

Le Président (M. Cannon): Oui, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Chevrette: ...formuler un voeu à ce stade-ci. C'est que, conformément à l'exposé de M. Parizeau cet après-midi, et également j'en ai parlé dans mon propre exposé, le paragraphe 3°e qui dit "une personne du milieu de l'enseignement ou de la culture"... Compte tenu que la présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec siège, il m'apparaît, et je le souhaite, que le premier ministre tourne son choix vers le monde de la culture. Je formule le voeu qu'on puisse avoir un représentant véritablement de la culture sur cette commission, du milieu culturel, parce qu'à mon avis ils ont joué un grand rôle au Québec pour sauvegarder notre identité et puis nous faire connaître à travers le continent et à travers le monde. Personnellement, je pense que je ne peux, à ce stade-ci, étant donné que le pouvoir est réservé au premier ministre après consultation du chef de l'Opposition, que formuler ce voeu.

Le Président (M. Cannon): D'accord. M. le député de Westmount.

M. Holden: Si, effectivement, le représentant vient des communautés culturelles, peut-être que le suppléant pourrait être du milieu universitaire.

Le Président (M. Cannon): Je comprends qu'il s'agit, là aussi, d'un voeu.

M. Holden: C'est un voeu aussi. Le Président (M. Cannon): Voilà.

M. Chevrette: Cela ne se contredit pas. Je trouve ça intéressant.

M. Pagé: M. le Président, je pense que le premier ministre a indiqué très clairement sa volonté de consulter les collègues de l'Assemblée et c'est avec beaucoup d'intérêt que nous notons votre commentaire.

Le Président (M. Cannon): Donc, est-ce que l'article 5 est adopté tel qu'amendé? Oui, M. le député de D'Arcy-McQee.

M. Brassard: Vous transmettrez...

M. Libman: We have some other comments to make. We look at the notion of three MPs from the Federal Parliament and I remember when the Charest Commission was set up this past year, we attempted to make a presentation to the Charest Commission. We were told it was not possible because as Members of the Provincial Legislature, we already had a forum to express our position "vis-à-vis" constitutional future, "vis-à-vis" Meech Lake. So we feel the fact that perhaps Members of the Federal Parliament already have a platform on which to speak of the constitutional future, also, owing to the fact that the commission is very heavy with 35 members already, the possibility of perhaps not having representation of Federal Members of Parliament on something that is strictly a matter that we in Québec should define for ourselves.

Le Président (M. Cannon): Est-ce que vous avez l'intention d'en faire un amendement, M. le député?

M. Libman: I think we should bring it up to discussion and perhaps an eventual amendment.

M. Pagé: Did you discuss about that with Mr. Chrétien?

M. Libman: Pardon?

M. Pagé: Have you had the opportunity to discuss about that with Mr. Chrétien?

Le Président (M. Cannon): C'est parce que... Non.

M. Libman: That is an hypothetical question on which I have to answer no.

Le Président (M. Cannon): Non. M. le député, si vous le permettez, si vous voulez que nous nous engagions dans cette discussion, je préférerais que nous ayons un amendement sur la table et que nous discutions d'un amendement.

M. Libman: C'est un commentaire.

Le Président (M. Cannon): C'est un commentaire, tout comme un voeu tout à l'heure. Bon, d'accord.

M. Holden: J'ai un amendement.

Le Président (M. Cannon): Vous avez un amendement. Alors, M. le député de Westmount.

M. Holden: J'aimerais amender le sous-paragraphe 3° de l'article 5 et je voudrais qu'au lieu de 12 personnes il y ait 16 personnes nommées sur proposition du premier ministre faite après consultation du chef de l'Opposition officielle, et choisies selon la répartition suivante: "a) deux élus municipaux". Et j'aimerais ajouter: dont au moins un de la ville de Montréal, "b) quatre personnes du milieu des affaires." Et j'amende pour ajouter: dont au moins un anglophone. Les c), d) et e) restent les mêmes. J'ajoute à f): une personne du milieu anglophone, g) deux personnes des communautés culturelles. Et h) un représentant de la communauté autochtone.

Le Président (M. Cannon): Votre amendement est donc déposé. On va en faire des copies. Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Non.

Le Président (M. Cannon): Ah! Alors, M. le leader du gouvernement, sur cet amendement qui est proposé par le député de Westmount. (20 h 50)

M. Pagé: M. le Président, je suis très surpris de l'amendement déposé par mon collègue, non pas qu'il l'ait déposé et que je n'en aie pas été avisé. On a eu l'opportunité d'en discuter longuement au cours de la fin de semaine. Dans un premier temps, je dois exprimer mon désaccord avec le fait que, parmi les deux membres représentant le monde municipal, le député de Westmount tienne absolument à ce que, dans la loi, on indique qu'un de ces deux élus municipaux doit être un représentant de la ville de Montréal. La loi, telle qu'elle est rédigée actuellement, se réfère évidemment aux unions municipales, des unions qui existent comme organismes représentatifs des municipalités au Québec, des villes, l'Union des municipalités du Québec, qui représente plus particulièrement les municipalités régies par la Loi sur les cités et villes, et l'Union des municipalités régionales de comté. Ça voudrait donc dire qu'une seule de ces deux unions pourrait être formellement représentée, un.

Deuxièmement, sans vouloir être partisan, ça témoigne d'un manque de confiance à l'égard du leadership assumé par la ville de Montréal. La ville de Montréal, et plus particulièrement depuis que M. le maire Doré assume la direction de la ville, a repris son fauteuil, a repris son siège au sein de l'Union des municipalités du Québec. Ça a, d'ailleurs, été l'événement de l'Union des municipalités du Québec, immédiatement après la nomination, où Montréal est venue très clairement dire au congrès suivant: Nous entendons prendre notre place dans les débats, les orientations, les politiques et tout ce qui se passe à l'Union des municipalités. Je pense que la ville de Montréal - entre guillemets - est assez grande pour faire son chemin toute seule, premièrement.

Deuxièmement, vous demandez qu'on augmente de 12 à 16 personnes. Ça impliquerait automatiquement... Ce faisant, si on l'adoptait tel quel, M. le député, ça voudrait dire que les élus de cette Assemblée ne représenteraient plus la majorité au sein de cette Commission. C'est donc dire que, pour apparier, pour "pairer" les quatre personnes additionnelles que vous souhaitez voir nommées en vertu de votre amendement, il faudrait nommer au moins quatre autres membres de l'Assemblée, peut-être même cinq. Peut-être que, dans votre cas, ça vous permettrait de passer de un et demi à deux; mais ça, on le verra plus tard. Non, là-dessus, je ne crois pas, M. le Président, si on veut légiférer de façon utile, qu'on doive accepter l'amendement du député de Westmount.

Le Président (M. Cannon): M. le leader de l'Opposition, sur la même question.

M. Chevrette: M. le Président, je veux parler sur un point précis, c'est l'amendement ajoutant un autochtone. Je partage l'argumentation du leader du gouvernement en ce qui regarde le "pairage" quant à la majorité des parlementaires et, deuxièmement, je partage également le fait que l'Union des municipalités représentait bel et bien Montréal. Et je n'ai pas, que je sache, eu de demandes, ni personne de notre entourage, de la part de la ville de Montréal qui se prépare, d'autre part, me dit-on, à venir témoigner devant la Commission.

Mais je veux parier plus spécifiquement de l'ajout d'un autochtone. Pour avoir négocié avec les autochtones dans plusieurs dossiers, vous savez pertinemment qu'ils ne veulent pas soumettre leur sort, leur destinée à une commission. Ils veulent négocier de gouvernement à gouvernement, comme ils ont toujours dit. Et je ne crois pas qu'ils nous aient fait de demande, encore là. Au contraire, je suis persuadé que, quand bien même on ouvrirait un siège, ce n'est pas le genre de forum qu'ils recherchent, à ce qu'ils disent depuis des années. Eux, ils veulent s'asseoir, leur conseil avec les gouvernements qui sont élus. Mais discuter de leur avenir comme nation dans le cadre d'une telle Commission, je reconnais que c'est un bel effort, mais on s'est posé la même question et on est arrivés à la conclusion que ce serait peut-être faire injure à leurs traditions et à leurs revendications anté-

Heures. De sorte que je serais prêt à voter contre cet amendement.

Le Président (M. Cannon): D'autres commentaires?

M. Pagé: M. le Président, si ça peut sécuriser mes collègues du parti d'Opposition qui n'est pas l'Opposition officielle, je peux leur réitérer ce qui a été convenu. Le premier ministre s'est engagé auprès de vous à vous consulter, entre autres, en ce qui concerne la nomination des quatre représentants ou représentantes du milieu des affaires. Vous avez formulé des recommandations, etc. À cet égard-là, je veux vous assurer que nous serons très sensibles à votre préoccupation concernant la présence de la communauté anglophone autour de cette table, premièrement.

Concernant les personnes des communautés culturelles, notre formation politique a dans ses rangs des députés de différentes nationalités, dis-je, d'origine qui sont venus enrichir, de par leur présence, leur apport et leur contribution, notre groupe parlementaire. Je peux dire que les communautés culturelles seront, entre autres, bien représentées par notre parti, à cet égard-là, quoiqu'il n'est pas exclu non plus, ça va de soi, que des représentants des communautés culturelles puissent être nommés sous un autre volet des dispositions de l'article 5.3°.

Concernant la communauté autochtone, on s'est posé la question, M. le Président, et la réponse que je peux donner à la préoccupation du député de Westmount est très simple. Comment voulez-vous qu'une communauté participe à la réflexion concernant le futur du Québec, en termes politiques, en termes constitutionnels, alors que cette communauté se refuse à être considérée comme membre de cette société québécoise? Ce qu'on espère: on espère que les communautés autochtones au Québec pourront participer dans le cadre des échanges de cette Commission, plus spécifiquement dans le cadre des forums qui seront organisés par les membres de la Commission pour discuter de sujets très, très spécifiques concernant des segments particuliers, soit nos activités cuturelles, nos communications, notre politique en matière d'immigration, l'impact sur la démographie, etc., et aussi des questions aussi fondamentales, aussi importantes, j'en conviens, que les droits des autochtones. Mais la façon la plus adéquate de considérer, de traiter cette problématique en fonction du devenir du Québec, ce n'est pas nécessairement par l'ajout d'un membre autour de la table.

M. Holden: M. le Président...

Le Président (M. Cannon): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: ...si vous permettez, le leader du gouvernement m'a demandé ce que je pensais du fait que les autochtones se considèrent comme une nation à part. J'espère que cette même logique s'appliquerait si, à un moment donné, le fédéral avait une commission sur la constitution et que quelqu'un du Bloc québécois voulait siéger là-dessus. C'est tout ce que j'ai à dire sur la question.

M. Pagé: Un, c'est une question hypothétique; deux, je pense que votre message est passé.

Le Président (M. Cannon): Donc, est-ce que l'amendement proposé...

M. Chevrette: Quoique le Bloc québécois, il fait partie du fédéral.

Le Président (M. Cannon): ...par le député de Westmount est adopté ou rejeté?

M. Chevrette: M. le Président, les gens du Bloc québécois se sont fait élire au fédéral.

M. Pagé: Ah oui! C'est très anecdotique, vous savez. Entre parenthèses, et je vais l'ouvrir et la fermer rapidement, il faut le faire! Il aura fallu une élection fédérale pour que la première fois le Parti québécois gagne une partielle.

M. Chevrette: Ce qui prouve l'état d'avancement du cheminement des Québécois et qu'on ne doit pas arriver, cette fois-ci, avec des formules bâtardes faisant croire que le fédéralisme...

Le Président (M. Cannon): Bon! M. Chevrette: ...est renouvelable.

Le Président (M. Cannon): Bon! Alors, sur cette note, nous en sommes maintenant à disposer de l'amendement proposé par M. le député de Westmount. Donc, la formation ministérielle rejette l'amendement.

M. Pagé: Contre.

Le Président (M. Cannon): L'Opposition officielle rejette l'amendement. Donc, l'amendement est rejeté. Est-ce que l'article 5, tel qu'amendé initialement, est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 6: "Le premier ministre et le chef de l'Opposition officielle sont également membres de la Commission."

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. Oui, M. le...

M. Holden: le leader parlementaire et moi, nous sommes d'accord sur un amendement qui était censé être inséré à l'article 27. je me demande si le leader parlementaire du gouvernement accepterait de faire un paragraphe 6.1 au lieu de faire un paragraphe 27.1 avec le même amendement. (21 heures)

M. Pagé: M. le Président, j'admire l'insistance du député de Westmount, mais la réponse est la même et la réponse est négative pour les motifs suivants: c'est que l'amendement - et on y reviendra à 27.1 - cet amendement que je déposerai à 27.1 vise à prévoir une situation où le chef du Parti Égalité ne serait pas le représentant nommé en vertu de 5.2°c, prévoir que le chef du Parti Égalité, le député de D'Arcy-McGee, puisse participer aux travaux de la Commission sans droit de vote et sans droit de présenter des motions. C'est-à-dire à 27.1, c'est très simple, c'est très clair. En plus du membre représentant le Parti Égalité, le chef de leur formation politique pourrait assister, participer, questionner, faire des commentaires, mais ne pourrait ni voter, ni présenter de motions. Donc, en vertu de 27.1 et de l'amendement que je présenterai un peu plus tard, le député de D'Arcy-McGee ne serait pas membre de la commission. Or, si on répond positivement à votre demande et qu'on inscrit cet amendement à 6.1, il faut bien avoir à l'esprit que cette section, les articles 5, 6, jusqu'à 12, prévoient les dispositions relatives aux membres. Et ça pourrait porter à confusion, ça pourrait porter à de... à de la confusion, purement et simplement. Mais l'important, c'est qu'il soit avec nous. Qu'il le soit en vertu de 6 ou 27, ça va changer quoi dans son mandat, dans son privilège, dans son droit de siéger? Pas grand-chose en fart.

M. Holden: J'ai fait la tentative. M. Pagé: Très belle tentative.

Le Président (M. Cannon): Bon, donc, je reviens. Est-ce que l'article 6 est adopté?

M. Chevrette: Adopté, M. le Président.

Le Président (m. cannon): puisque je n'ai jamais eu d'amendement sur la table, nous continuons. à l'article 7: "une personne cesse d'être membre de la commission dès qu'elle perd la qualité requise pour sa nomination."

M. Chevrette: Formule usuelle

Le Président (M. Cannon): Adopté?

M. Pagé: Formule usuelle. Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. À l'article 8: "Un membre visé à l'un des sous-paragraphes du paragraphe 3° de l'article 5 peut faire part par écrit au président de l'Assemblée nationale du nom d'une personne qui accepte d'être son suppléant. Cette personne doit être domiciliée au Québec et avoir, en application de ce sous-paragraphe, la qualité requise pour être membre. Le président nomme alors cette personne membre suppléant de la Commission. "Un membre ne peut désigner qu'un seul suppléant pour la durée de son mandat."

Est-ce que l'article 8 est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Oui, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

M. Atkinson: Mr. Speaker, speaking on section 8, paragraph 8, this presumes that all the people who will be named to this Commission, and probably I say this because of my age, were not accounting for death or illness. If you can only make one substitution - I realize that it is probably a situation that will not happen - if the person who he names or she names as a substitute were both to be in a car accident and both were to lose their lives, we would lose a member of the Commission sitting. So, I think that there should be an amendment made to allow, in the event of death or serious injury requiring a long term of hospitalization...

Le Président (M. Cannon): M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, I would like to secure the Member who seems to be worried about the first writing of the article. But I will refer you to the article 5. If you can come back to the beginning of 5, it is very clear that "the following persons, appointed by the National Assembly or, if it is not sitting, by the President of the National Assembly, shall become members of the Commission immediately upon appointment." Alors. If a member has an accident, it will be possible to replace him if the National Assembly is sitting, first; if we are not sitting, he will be replaced by an advice coming from the President, the Speaker of the House

M. Atkinson: But we are talking, Mr. Government House Leader, of section 3 in which the 12 persons nominated, the two elected municipal officers for example... Let us say that the municipal councillor from Montreal, the municipal councillor from Québec City are involved in a traffic accident, one at the same time along with their two substitutes, we are missing two members of the Commission immediately.

M. Pagé: o. k. but if we have to face with the situation, it is very simple, the premier will have to restart the same processus he did for the first appointment.

M. Atkinson: Will we have to revote on this...

M. Pagé: No, no, no.

M. Atkinson:... procedure?

M. Pagé: We will not have to vote.

M. Atkinson: But there is nothing in this article that gives the National Assembly nor the Commission Chairman the right and ability to make free substitutions whenever just cause it is found except for the just cause, as I see here in article 7, when they cease to be a member of the Commission upon losing the quality required for appointment. In other words, they lose the election.

M. Holden: If you are dead...

M. Pagé: No matter about that. In fact, if the Assembly is sitting, we will have to accept the proposition for the new nomination, first. If the Assembly is not sitting, the person will be appointed by the House Speaker.

M. Atkinson: As long as it is absolutely understood by everyone, I would like to see the Commission all of a sudden lose two members...

M. Pagé: Non.

M. Atkinson:... or six members in a bus accident.

M. Pagé: We hope. But feel quite, feel secure by the reference at 5 and all the dispositions in 5.

M. Atkinson: Because I believe in your own ability, Sir, I will accept your explanation.

M. Pagé: I agree. I appreciate your very delicate comment. Thanks.

Le Président (M. Cannon): Tout le monde est très honorable. Donc, l'article 8 est adopté.

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): À l'article 9: "Le membre suppléant peut siéger à la Commission en cas d'incapacité d'agir ou d'absence temporaire du membre dont il est le suppléant. Il ne peut cependant y voter ni y faire de proposition. "

M. Chevrette: Tout à fait normal, M. le Président. Adopté.

Le Président (M. Cannon): L'article 9 est adopté. À l'article 10: "Les membres de la Commission qui sont députés à l'Assemblée nationale peuvent être remplacés pour une séance de la Commission par tout autre député de l'Assemblée. Toutefois, ils ne peuvent l'être lorsque la Commission se prononce sur les recommandations qu'elle a mandat de formuler. " Est-ce que l'article 10 est adopté?

M. Chevrette: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Adopté. À l'article 11: "Les membres de la Commission reçoivent les allocations déterminées par un règlement du Bureau de l'Assemblée nationale. "

M. Chevrette: C'est normal.

Le Président (M. Cannon): L'article 11 est-il adopté?

M. Chevrette: C'est normal. C'est sous l'égide...

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 12. "Lorsqu'il siège à la Commission, un député de l'Assemblée nationale jouit des mêmes droits, privilèges et immunités et a les mêmes obligations que s'il siégeait à une commission parlementaire. "Nul autre membre de la Commission ne peut être poursuivi pour un acte fait de bonne foi dans l'exercice de ses fonctions. " Adopté? Adopté.

Présidence

À l'article 13: "La présidence de la Commission est assurée conjointement par les présidents. "Elle peut cependant être assurée par l'un d'eux lorsqu'ils en conviennent. " Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 14: "Les présidents convoquent et animent les séances de la Commission, ils participent à ses délibérations et ont droit de vote. Ils dirigent les travaux de la Commission et veillent à la bonne exécution de ses décisions. " Est-ce que c'est adopté?

M. Chevrette: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 15: "Les présidents exercent, pour l'application de la présente loi, les attributions conférées par la loi à un dirigeant d'organisme. Ils peuvent, malgré toute disposition de la loi, déléguer ces

attributions à toute personne qu'ils désignent. " L'article 15 est adopté.

M. Chevrette: Non.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 16...

M. Chevrette: J'aurais une petite question, s'il vous plaît.

Le Président (M. Cannon): Oui, une question à l'article 15. M. le leader de l'Opposition. Il y a juste une... Est-ce qu'on peut m'indiquer l'article où on fait le joint entre la gestion des présidents et la relation avec le comité directeur? Je suppose que le comité directeur qu'on verra plus loin est présidé par les présidents.

M. Pagé: Je m'excuse. La question porte sur l'article 15 ou sur l'article 16?

M. Chevrette: Non. C'est que je voulais faire le joint depuis tantôt à la lecture. J'essaie de faire le joint sur le rôle des présidents par rapport au comité directeur. Ils font partie intégrante du comité directeur; ça, je me rappelle. Les deux présidents en font partie et je suppose que ce sont les deux qui animent, pour utiliser l'expression.

M. Pagé: Pour répondre à l'interrogation du leader de l'Opposition, je le réfère à l'article 18, où H est indiqué que les articles 13 et 14 s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, au comité directeur. " Les articles 13 et 14 se réfèrent...

M. Chevrette:...

M. Pagé:... à la présidence qui est assumée conjointement, assurée par l'un des deux lorsqu'ils... (21 h 10)

M. Chevrette: D'accord.

M. Pagé:... en conviennent.

Le Présient (M. Cannon): L'article 15 est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Comité directeur

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 16: "Est institué un comité directeur de la Commission formé des membres suivants: "1e les présidents; "2° six députés de l'Assemblée nationale désignés comme suit: "a) quatre, par le premier ministre; "b) deux, par le chef de l'Opposition officielle; 3° un membre n'ayant pas la qualité de député, désigné par le président de l'Assemblée nationale sur proposition du premier ministre faite après consultation du chef de l'Opposition officielle. '' Est-ce que l'article 16 est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. Oui, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Cameron: I just wish to raise a question. It is really much the same question as raised by the leader of the Opposition. The president of the "comité directeur" how is he chosen?

M. Pagé: Pardon me?

M. Cameron: What it says for the others: six députés de l'Assemblée nationale désignés comme suit; quatre, par le premier ministre; deux, par le chef de l'Opposition officielle, mais pour le président lui-même est-ce qu'il...

M. Pagé:... of the two chairmen.

M. Cameron: If it is the two chairmen, if it is actually an executive committee, does that means that they do it on alternating days or they get it for a month or how...

M. Pagé: They will have to decide who will act as chairman for one subject or one day... I invite you to refer to the articles 13 and 14 where it is the same disposition which applies there.

M. Cameron: But even in articles 13 and 14 it is not that clear if you say "assurée conjointement". What is "conjointement"?

M. Pagé: "The Commission shall be presided over jointly by the chairmen. " O. K?

M. Cameron: Yes.

M. Pagé: "However, it may be presided over by one of them acting alone where both so agree. " It is the same thing for the board of the steering committee.

M. Cameron: I understand but the point that I am trying to make is this: Could you not have a situation where the executive is in conflict with the committee as a whole? Could you not have a situation where one chairman and his group of executive on the comité directeur and the other chairman speaking for the larger commission are at loggerheads or is it a situation designed so that it is impossible?

M. Pagé: First, the steering committee will

have...

M. Cameron: At all times?

M. Pagé: They will seat both together, they will be present both together, all times.

M. Cameron: O.K.

Le Président (M. Cannon): O.K. Donc, l'article 16 est adopté.

M. Chevrette: Adopté. Donc, l'article 17. "Le comité directeur est chargé de proposer à la Commission des règles de fonctionnement notamment en ce qui concerne la convocation et le déroulement des séances et la procédure applicable aux délibérations." L'article 17 est adopté? M. le député de Westmount.

M. Holden: Est-ce qu'ils vont faire des procédures spéciales, est-ce qu'on envisage des procédures? Il y a un autre article qui dit que le règlement s'applique. S'il n'y a pas de...

M. Pagé: En fait, la règle de base c'est que... Un article plus loin indique qu'en l'absence de procédures de réglementation ce sont les dispositions du règlement de l'Assemblée qui s'appliquent. Cependant, je présume que l'un des objectifs sera peut-être de simplifier les règles de procédure et de fonctionnement compte tenu d'un très grand nombre de personnes membres de la commission. On est habitués en commission parlementaire à douze membres, quatre membres environ. Et là on sera 35 membres potentiellement. L'autre élément c'est que l'agenda de travail sera très lourd, assez chargé. Alors, ces dispositions à l'article 17 prévoient le déroulement des séances, comment ce sera convoqué et la procédure. Et je présume que le comité directeur étant formé de six membres parlementaires, les deux présidents plus une personne choisie parmi ceux qui ne sont pas membres ou qui ne sont pas députés, tout l'aspect procédure comme telle sera très certainement pris en compte par le comité directeur compte tenu de sa composition.

M. Holden: Merci.

Le Président (M. Cannon): Donc, l'article 17 est adopté. J'indiquerais aux participants qu'il reste à peine onze minutes à notre commission.

M. Pagé: II y a un paragraphe qui n'a pas été lu mais c'est une partie intégrante de l'article.

Le Président (m. cannon): oui. il établit le plan d'effectifs et les prévisions de dépenses et autorise les demandes au bureau de l'assemblée nationale. il exerce en outre les fonctions que la

Commission lui attribue." Donc, l'article 17 est adopté.

L'article 18. "Les articles 13 et 14 s'appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, au comité directeur. "Ce dernier peut se réunir par tous moyens permettant aux membres de communiquer oralement entre eux."

L'article 18 est-il adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Secrétariat

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 19. "pour l'exécution de son mandat, la commission est assistée d'un secrétariat dirigé par le secrétaire de la commission. "Le secrétaire de la Commission est nommé par les présidents. Sa rémunération et ses autres conditions de travail sont déterminées par le Bureau de l'Assemblée nationale." Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 20. "sous l'autorité exclusive des présidents, le secrétaire dirige le personnel de la commission et en administre les affaires courantes." adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Cannon): L'article 21. "Le secrétaire assiste aux séances de la Commission et du comité directeur. "Il voit à la préparation des procès-verbaux et * peut en attester l'authenticité. Il a la garde des archives de la Commission. "Il exerce en outre les fonctions que lui attribuent les présidents." Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (m. cannon): adopté. l'article 22. "la commission peut retenir les services de toute personne pour faire partie du secrétariat." adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 23. "le président et le secrétaire général de l'assemblée nationale fournissent au secrétariat toute l'aide nécessaire à l'exercice du mandat de la commission, y compris l'apport de personnel." adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Fonctionnement Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article

24. "le quorum de la commission est de dix-huit membres et celui du comité directeur, de cinq membres, à l'exclusion des membres suppléants." adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 25. "la commission peut siéger à tout endroit du québec. "Elle siège en public, sauf s'il s'agit d'une séance de travail." Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 26. "les séances publiques de la commission sont télédiffusées et enregistrées sous l'autorité du président de l'assemblée nationale. les délibérations de ces séances sont consignées au journal des débats. "Les modalités de production, de diffusion et d'enregistrement sont déterminées par le Bureau de l'Assemblée nationale."

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté.

M. Holden: M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Oui, M. le député de Westmount.

M. Holden: Pour les fins de l'historique, j'aimerais demander au leader du gouvernement s'il y aurait moyen de suggérer au Bureau que le Journal des débats soit traduit en anglais, pour les délibérations de séances publiques.

Le Président (M. Cannon): M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je remercie le député de sa question. Je réponds positivement dans le sens où il m'apparaft bien fondé que le Bureau de l'Assemblée nationale accepte, pour le bénéfice de l'ensemble des anglophones non seulement du Québec, mais du Canada, qui serait très certainement intéressé par les délibérations des travaux de la Commission, de pouvoir lire le rapport des échanges autour de la table dans leur langue.

À cet égard, à la dernière rencontre de notre groupe parlementaire, à la dernière réunion du caucus de notre équipe, j'ai demandé, j'ai recommandé et j'ai reçu l'acceptation du whip de notre parti et du président de notre caucus comme quoi ce sujet serait porté à l'attention du Bureau de l'Assemblée nationale pour que, dans les meilleurs délais, peut-être pas simultanément, mais dans les meilleurs délais après les travaux, soient traduites en anglais les délibéra- tions de la Commission. Ça ne se réfère pas, évidemment, aux mémoires qui seront présentés, parce que là ça commanderait une traduction très imposante de documents, très imposants eux-mêmes, mais à toutes les délibérations. Ce sera une recommandation. D'ailleurs, comme suite à un amendement adopté par notre Assemblée nationale en début d'année 1990, votre parti est maintenant représenté au Bureau de l'Assemblée nationale. Je présume donc que vous appuierez la ? proposition du whip du gouvernement.

M. Holden: Merci.

Le Président (M. Cannon): Donc, ça va? L'article 27. "Sauf disposition contraire de la présente loi ou d'une règle prise par la Commission, les dispositions du règlement de l'Assemblée nationale et les règles de fonctionnement de l'Assemblée nationale relatives aux séances des commissions parlementaires s'appliquent aux séances de la Commission compte tenu des adaptations nécessaires."

M. Chevrette: M. le Président, me permettez-vous un commentaire?

Le Président (M. Cannon): Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Je m'excuse. Vous avez dit: Article 27, après la réponse du ministre.

Le Président (M. Cannon): Oui.

(21 h 20)

M. Chevrette: Je n'ai pas voulu vous interrompre, mais j'aurais un commentaire à faire sur la question et la réponse, si on me le permet. Je voudrais bien clarifier que ce n'est pas partie intégrante de la loi; ce n'est qu'un engagement du ministre de se référer pour une décision ultérieure au Bureau de l'Assemblée nationale, parce que je pense que le ministre a fait certaines allusions cet après-midi, dans son discours, à certaines demandes. Par exemple, un amendement qu'on verra tantôt à l'article 27, et on recevait des téléphones déjà pour nous dire: Comment se fait-il que... Ce n'est pas partie intégrante de la loi. C'est une demande d'une décision sur le plan administratif et l'instance décisionnelle, même si on sait qu'il y a un engagement, c'est le Bureau de l'Assemblée nationale sur lequel siège le député. On n'aurait même pas eu besoin, en fait, d'amener au Bureau de l'Assemblée nationale cette demande puisque lui-même en est membre.

Le Président (M. Cannon): Alors, ça va.

M. Chevrette: Je voulais préciser ces choses.

M. Pagé: Je pense qu'il se sent plus con-

fortable avec un engagement de notre part.

Le Président (M. Cannon): Ça va, M. le leader du gouvernement. donc, l'article 27. je crois que vous avez indiqué qu'il y avait un amendement à apporter à l'article 27.

M. Pagé: Après 27.

Le Président (M. Cannon): Après 27. Donc, l'article 27 est adopté?

M. Pagé: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. Alors, M. le ministre.

M. Pagé: À l'article 27.1, insérer, entre les articles 27 et 28 l'article suivant: "27.1 Si le membre nommé sur proposition des députés de l'autre parti représenté dans l'Opposition n'est pas le député qui dirige ce parti, ce dernier peut participer aux séances de la commission. Il ne peut cependant y voter ni y faire de proposition."

M. Chevrette: II ne peut alors... M. Pagé: Pardon?

M. Chevrette: II ne peut alors... Il n'y a pas le mot "alors" qui manque là?

M. Pagé: Ne peut cependant... "Cependant" est le vrai terme.

M. Chevrette: O.K.

M. Pagé: Je me réfère à un eminent linguiste qui connaît bien la langue française, qui est M. Grenier, un de vos adjoints.

Le Président (M. Cannon): Un commentaire...

M. Chevrette: Oui, M. le Président.

M. Pagé: Et ce n'est pas terminé. "Il ne peut cependant y voter ni y faire de proposition. "L'article 11 et le premier alinéa de l'article 12 s'appliquent à cette participation." Et l'article 11, on s'en rappellera, indique que "les membres de la Commission reçoivent les allocations déterminées par un règlement du Bureau de l'Assemblée nationale" et 12, "lorsqu'il siège à la Commission, un député de l'Assemblée nationale jouit des mêmes droits et privilèges, etc.

Le Président (M. Cannon): Un commentaire, M. le leader de l'Opposition?

M. Chevrette: M. le Président, je vous demanderais 30 secondes de suspension, s'il vous plaît.

Oui, M. le Président. Si cet amendement arrive et que nous avons donné nos consentements, indépendamment du fait qu'on était en désaccord avec cet article, nous avons effectivement participé aux discussions et nous étions d'accord avec sa présentation parce que, effectivement, nous savions qu'il y allait du consentement pour la journée même de l'adoption de cette loi. Donc, je vais adopter sur division.

Le Président (M. Cannon): Alors, l'amendement est donc adopté sur division.

Des voix: Adopté.

Le Président (m. cannon): adopté, sur division. l'article 28. "la commission peut faire toute dépense nécessaire à l'exercice de son mandat. les dépenses de la commission font partie des dépenses de l'assemblée nationale." adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté.

L'article 29. "Le Bureau de l'Assemblée nationale peut exercer, à l'égard de la gestion des affaires de la Commission, les pouvoirs que lui confèrent les articles 104.1, 110, 110.1 et 111 de la Loi sur l'Assemblée nationale (Lois refondues, chapitre A-23.1), compte tenu des adaptations nécessaires. "Sauf disposition incompatible de la présente loi, les règlements et les règles adoptées par le Bureau et qu'il détermine, relatives à la gestion et aux dépenses de l'Assemblée, s'appliquent à la gestion et aux dépenses de la Commission. Le Bureau peut, par règlement, y apporter des modifications aux fins de l'application de la présente loi. "S'il le prévoit, un règlement du Bureau pris en vertu de la présente loi peut avoir effet à compter de la date d'entrée en vigueur de celle-ci."

Est-ce que 29 est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté.

L'article 30. "Les prévisions de dépenses de la Commission sont approuvées par le Bureau de l'Assemblée nationale." Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté.

Dispositions diverses

L'article 31. "Dès que la Commission a terminé l'exécution de son mandat, le secrétaire

verse les archives de la Commission aux archives de l'Assemblée nationale. "La commission est alors dissoute. " Adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. L'article 32. "Les travaux de la commission sont protégés contre toute ingérence dans la même mesure que ceux de l'Assemblée nationale. " Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): L'article 33. "Pour l'application des articles 8 et 48 à 50 de la Loi sur l'Assemblée nationale, la commission est assimilée à une commission parlementaire. "Le versement d'allocations ou autres sommes d'argent à un député en application de la présente loi ne constitue pas un avantage ou une rémunération incompatible avec la fonction de député et est considéré visé à l'article 73 de la Loi sur l'Assemblée nationale. " Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. "Les sommes requises pour l'application de la présente loi sont prises sur le fonds consolidé du revenu. " C'est l'article 34. Adopté?

Des voix: Adopté. M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. "La présente loi - à l'article 35 - entre en vigueur le" (et ici on indique la date de la sanction de la présente loi). Adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M Cannon): Adopté. Est-ce que les intitulés du projet de loi sont adoptés?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté. Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Adopté.

M. Holden: Après l'adoption des articles, on pourrait revenir sur les considérants?

Le Président (M. Cannon): J'aimerais, M. le député, vous accommoder, sauf que l'ordre de la Chambre indique qu'il y a une durée maximum de 60 minutes. Nous avons maintenant dépassé d'une minute cet agenda. Oui, M. le leader.

M. Pagé: Alors, j'ai une motion de renumérotation, évidemment, compte tenu de l'ajout de...

Le Président (M. Cannon): Oui.

M. Chevrette: Une question. Moi je veux être beau joueur. Effectivement, c'est moi qui ai arrêté le député de poser sa question pour une question de règlement. Si ce n'est qu'un commentaire ou une question sur le préambule, moi je suis prêt à donner mon consentement.

Le Président (M. Cannon): Écoutez, est-ce qu'il y a consentement? M. le leader, il y a consentement?

M. Pagé: Brièvement.

Le Président (M. Cannon): Oui. Très brièvement.

M. Holden: J'en ai pour 30 secondes, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): M. le député de Westmount.

M. Holden: In the preamble, as I said earlier, there is a clause which says here: "Whereas _ Québec has already demonstrated its respect for democratic values and individual rights and freedoms. " Mr. Speaker, I want to say only one thing. If that whereas were true, the four Members of the Equality Party would not be sitting here today.

M. Pagé:... about that, but I think it is not appropriate to comment.

Le Président (M. Cannon): No further comments? M. le député de...

M. Atkinson: If I may just add to that, Mr. Speaker, merely to amplify upon it. After 52 years in broadcasting and 10 years in the Canadian Army, I had never thought in my life that I would become a member of an elected democratic Assembly and I would like to thank the Prime Minister for having brought in that law because this has turned out to be the most exciting time, the most exciting career that I have ever had, albeit maybe only for four years.

Le Président (M. Cannon): Merci, M. le député. Alors, est-ce que le préambule du projet de loi est adopté? M. le leader.

M. Pagé: Adopté, M. le Président.

Le Président (M. Cannon): Adopté. Est-ce que le titre du projet de loi est adopté?

Une voix: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Est-ce que le projet de loi 90, Loi instituant la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, est adopté?

M. Chevrette: Adopté.

Le Président (M. Cannon): Votre motion, M. le leader?

M. Pagé: Je fais motion pour la renumérotation.

Le Président (M. Cannon): Cette motion est donc adoptée.

M. Pagé: C'est adopté.

Le Président (M. Cannon): Elle est adoptée. En conséquence... Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Très brièvement, M. le Président, je voudrais remercier très sincèrement Me Jules Brière qui m'accompagne, qui a bien travaillé, comme il le fait à chaque opportunité, à chaque occasion où on le lui demande, et remercier Me Sormany du Secrétariat à la législation pour leur contribution éminemment importante à la rédaction d'un projet de loi.

Le Président (M. Cannon): D'accord, merci. M. Pagé: Merci.

Le Président (M. Cannon): Alors, en conséquence, la commission plénière met fin à ses travaux. Je veux, moi aussi, remercier ceux et celles qui y ont participé et, pour permettre à l'Assemblée de poursuivre sa séance, je prie toutes les personnes qui doivent se retirer de bien vouloir le faire immédiatement.

(Suspension de la séance à 21 h 30)

(Reprise à 21 h 34)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le vice-président, M. le président de la commission plénière.

Le Président (M. Cannon): M. le Président, j'ai l'honneur de faire rapport que la commission plénière a étudié en détail le projet de loi 90, Loi Instituant la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et qu'elle l'a adopté avec amendements.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ce rapport est-il adopté?

Des voix: Adopté.

Adoption

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Et je rappelle l'ordre de l'Assemblée de cet après-midi. Alors, il y a, par alternance, un intervenant du côté ministériel, un de l'Opposition officielle, le député de D'Arcy-McGee qui a un maximum de dix minutes et le député d'Anjou, un maximum de cinq minutes, et il y a réplique du côté ministériel. Je cède maintenant la parole au leader du gouvernement. M. le leader.

M. Pagé: M. le Président, je vous prierais de reconnaître M. le député de Jean-Talon, ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes, qui interviendra au nom de notre groupe parlementaire, en troisième lecture.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader. Je reconnais maintenant M. le ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes et responsable de la protection du consommateur. M. le ministre.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. L'étude que nous venons de faire de cette loi, article par article, nous a démontré que cette loi, qui se réfère directement à un consensus que nous avons établi dans cette Assemblée, puisque cette loi sera votée à l'unanimité, répond fort bien aux besoins que nous avons. Au départ, comme le premier ministre l'a souligné dans ses remarques, cet après-midi, nous avions discuté des possibilités de tenir des états généraux. Mais, après mûre réflexion, on s'est rendu compte que des états généraux qui auraient pu réunir en discussion différents éléments, les forces vives de la nation, comme on a l'habitude de le dire, nous auraient amenés dans de longues discussions et n'auraient pas permis aux parlementaires de prendre directement part aux travaux qui doivent nous amener à ces décisions extrêmement importantes que nous devons prendre pour l'avenir constitutionnel du Québec.

En nous référant à une commission parlementaire, nous nous référons à l'instrument premier de' l'exercice de la souveraineté du peuple québécois. En élargissant cette commission parlementaire à différentes personnes représentatives de différentes couches de notre société, nous pourrons établir un forum qui nous permettra de faire le point sur la situation présente, d'entendre des experts pour éclaircir certaines options que nous pourrions avoir et d'en arriver

à des recommandations quant à l'avenir constitutionnel du Québec.

Le consensus que nous pouvons établir aujourd'hui est gage d'avenir pour cette commission. Ce ne sera pas toujours facile, 35 personnes qui auront à travailler ensemble avec des options politiques qui peuvent se lier en fonction d'un objectif qui nous est tous commun, qui est le bien-être des Québécois et des Québécoises, en fonction d'une société québécoise que nous voulons la plus solide possible, la plus prospère possible, mais en fonction quand même d'options politiques qui font en sorte que nous sommes différents à certains points de vue. Dans ce contexte-là, M. le Président, il est évident que cette commission parlementaire nous amènera à avoir des débats importants sur l'avenir constitutionnel du Québec, prenant en considération nos options politiques, mais en nous référant, en tout premier lieu, à ce désir que nous avons de régler, une fois pour toutes, ce problème constitutionnel que nous avons depuis plusieurs années.

J'entendais le leader de l'Opposition nous parler, cet après-midi, sur cette nécessité que nous puissions apporter une solution qui serait durable et qui réglerait le problème constitutionnel du Québec une fois pour toutes. Je dis oui, c'est ce que nous devons faire. Je n'ai peut-être pas en tête tout à fait la même solution que celle du leader de l'Opposition, mais, objectivement, je crois que nous avons le même objectif et je le dis sans pompe, d'une façon très sereine, mais nous aurons à travailler ensemble dans les prochains jours, les prochaines semaines. Nous aurons, avec les autres personnes qui participeront à la commission parlementaire, à élaborer ensemble, donc, notre travail pour en arriver aux conclusions qui seront essentielles pour l'avenir du Québec.

M. le Président, en terminant, vous me permettrez de remercier très sincèrement le leader du gouvernement, le ministre de l'Agriculture, qui, avec beaucoup d'efficacité et, je dois dire, de diplomatie, parce qu'il en fallait aussi, de la diplomatie, a réussi à établir les bases de ce consensus que nous avons aujourd'hui dans cette Assemblée par ce projet de loi; remercier le chef de l'Opposition, remercier le député de Lac-Saint-Jean, le whip le l'Opposition, le leader de l'Opposition, remercier les gens d'Equality Party et remercier aussi le député indépendant d'Anjou, remercier tous les parlementaires qui, ici, ont donné leur appui à ce projet de loi et remercier ceux qui, comme juristes, comme M. Jules Brière, comme Me Jean-Claude Rivest, du cabinet du premier ministre, comme aussi Me André Tremblay et bien d'autres, ont apporté leurs compétences pour bonifier ce projet de loi et faire en sorte que nous puissions avoir ce consensus que nous avons ce soir.

Donc, mes remerciements les plus sincères. Je suis extrêmement heureux de voir que nous avons pu faire cette unanimité et je dis que ça annonce fort bien pour nos travaux. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Je reconnais maintenant M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette. M. le leader.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. La loi sera adoptée dans quelques minutes, les discours des parlementaires seront terminés et la parole sera au public.

M. le Président, on a pu remarquer - parce que je crois que le travail ne sera pas facile, j'abonde dans le sens du ministre de la Justice - on a même pu remarquer, en écoutant les discours des différents parlementaires, que, pour certains, c'est clair, le Québec doit avoir la maîtrise de tous ses pouvoirs. Pour d'autres, c'est clair, on doit garder un lien indéfectible avec le régime fédéral. Et, pour d'autres, encore une fois, j'ai compris dans cette Chambre qu'on cherchait des formules. Vous savez, un Québec souverain dans un Canada uni. J'ai entendu à peu près toute la gamme des discours. moi aussi, je suis obligé de conclure que le travail, oui, il va être difficile. et sans doute que ça se reflétera au niveau des mémoires. on aura des positions très diverses, certaines diamétralement opposées. mais une chose qui est certaine, m. le président, c'est qu'on se doit, en tout cas, comme élus du peuple, hommes et femmes, à cette assemblée nationale, chercher à présenter à l'ensemble des québécois, au niveau de la rédaction finale, des choses claires, des orientations précises, non pas des formules qui vont chercher à endormir les québécois, non pas des formules qui vont chercher à donner une 95e chance à un système qui s'étouffe de par lui-même.

Moi, je pense, M. le Président, qu'on aura compris une chose. Les Québécois, eux, ont compris. En tout cas, la population a très bien compris. On ne veut pas de nous. Il faut donc se définir une position qui nous est propre, sans contrainte de qui que ce soit. C'est à nous, Québécois, de nous définir entre nous, ce que nous voulons comme avenir, comme institutions, ce que nous voulons nous donner comme outils, comme instruments de développement, sans enfarger qui que ce soit, sans demander à qui que ce soit, sans quémander à qui que ce soit. Mais on est assez grands. On est assez forts. On est très capables de le faire chez nous.

Ça, M. le Président, les Québécois attendent ça. Les Québécois ont horreur de ceux et celles qui cherchent des formules mitigées, des somnifères temporaires. Parce que je peux vous dire très clairement, les anglophones ont compris, eux, le reste du Canada a compris qu'au Québec

on ne cessera d'exiger le rapatriement de nos pouvoirs. Ils ont compris et ils nous ont dit à une position minimale: On n'en veut pas. À toutes fins pratiques, quel était le message qu'ils nous passaient? C'était le message clair, sans équivoque: Vous êtes des Canadiens comme tous les autres, sinon définissez-vous. C'est ça qu'on a à faire avec cette Commission. On a à se définir, à faire faire une discussion très sérieuse, très profonde avec l'ensemble des Québécois, de quelque région du Québec qu'ils soient, de quelque origine ethnique qu'ils soient. Nous avons à nous définir, dis-je, une position claire, M. le Président. Les Québécois en ont soupe de tergiverser sur le constitutionnel. Et partout, si vous vous promenez dans le Québec, ils vont vous dire très clairement: Avez-vous fini d'en parler? Présentez-nous donc une position claire, précise et faites-nous-la donc adopter et on va marcher. C'est ça, fondamentalement, que les Québécois nous passent comme message. Moi, j'ai la conviction intime, M. le Président, que les Québécois, demain, même avant les travaux de cette Commission, auraient été prêts à répondre à des questions précises sur l'avenir du Québec, M. le Président, j'en ai la conviction intime. Mais je pense que cette sensibilisation ne sera pas inutile. On pourra carrément expliciter aux Québécois les bienfaits de la maîtrise entière de nos pouvoirs, de notre coffre d'outils, comme je disais ce matin.

M. le Président, il y a une autre chose que je veux dire. Je veux dire, M. le Président, d'une façon très précise, que ceux qui s'imaginent que des pouvoirs, ça se négocie tout en conservant le même statut, c'est d'ignorer ce que c'est qu'un rapport de force.

Les pays qui ont signé des traités de libre-échange étaient des pays autonomes, souverains. Les pays qui ont été capables de s'asseoir pour négocier des véritables mises en commun d'égal à égal étaient des États autonomes, des États souverains.

Si on s'imagine, M. le Président, qu'on va chercher des formules mitigées, plus fortes, comprenant plus de pouvoirs que ce qu'on s'est fait refuser, on s'illusionne. Et là, on risquerait encore de sombrer dans le ridicule et de berner une population et essayer de l'endormir.

On est rendus à l'heure des choix précis. Je pense qu'on doit être assez adultes, comme parlementaires, pour dire à nos concitoyens: Voici un régime qui a fait ses preuves. Voici celui qu'on vous propose, vous serez les seuls et uniques maîtres de vos propres destinées, sur tous les plans, sur le plan social, sur le plan économique, sur le plan institutionnel, vous êtes capables de diriger vos propres institutions. Il n'y aurait rien de plus fort - et ça, je suis d'accord avec le ministre de la Justice encore une fois - qu'une proposition unanime de cette Chambre pour convaincre la plus large portion de Québécois, 80 % à 85 % des Québécois qui diraient: Oui, on est capables plutôt que d'entendre des discours pessimistes de ratatinement et de rétrécissement. On est capables. La preuve qu'on est capables, il y a du monde qui, de bonne foi, en 1980, ont cru qu'un "non" au référendum voulait dire un "oui" et qui, aujourd'hui, disent quoi? J'ai cru, de bonne foi, qu'on dirait oui au Québec, à un Québec plus fort.

On m'a berné. Bien, là, je suis prêt maintenant parce que je me sens capable de mener mes propres destinées, M. le Président. Je suis capable de prendre mes propres décisions. Je suis capable d'assumer tous les pouvoirs d'un État. Je suis capable de négocier, quand je serai souverain, des traités de libre-échange. Je suis capable de discuter des mises en commun mais, pour ce faire, il faut d'abord avoir la volonté de la maîtrise totale. Tant et aussi longtemps qu'on donnera l'impression qu'on a besoin de quelqu'un, on ne voudra jamais nous céder un seul pouce. Mais le jour, par exemple, où on décidera et on affichera publiquement comme collectivité qu'on est capables et qu'on a la volonté de conduire nos propres affaires, ce jour-là, ce seront eux qui nous demanderont de s'asseoir et de négocier des mises en commun et de signer des traités. Parce que la crainte, là, les Brink's et les compagnies, ne vous essayez plus, les Québécois ont compris et ils ont surtout compris qu'ils en avaient la capacité et que c'était fini, les chicanes interminables, où de part et d'autre, on s'empêche d'évoluer correctement selon nos aspirations, selon nos désirs.

Donc, M. le Président, à compter de demain, je souhaite que tout membre de l'Assemblée nationale, partis politiques qui ont des orientations précises, de les afficher hautement, partis politiques qui n'ont pas d'orientation, de s'en trouver une au plus sacrant et d'afficher clairement leurs convictions. Mais, comme message qu'on doit passer à notre population, élus de cette Chambre, ce sont des orientations claires visant un objectif précis à faire du Québec, de l'État du Québec, un pays où on a la pleine maîtrise. Je suis sûr qu'on est capables de l'assumer. Si collectivement on se donne cette orientation, M. le Président, le moment historique aura été bien minime aujourd'hui, parce que le vrai moment historique, ce sera celui où on proclamera notre souveraineté politique et qu'on s'assoira correctement avec nos voisins pour discuter d'échanges, comme ça se fait entre peuples civilisés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Je reconnais maintenant M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député de D'Arcy-McGee, la parole est à vous.

M. Robert Ubman

M. Libman: Merci, M. le Président. Le moment est finalement arrivé où nous pourrons

entreprendre une série de discussions qui détermineront, espérons-le, une position constitutionnelle assagie. Cela fait déjà quelques mois qu'on ne cesse d'écouter les paroles articulées de nos dirigeants politiques nous menant vers un soi-disant consensus de la population de notre province. Cette Commission nous permettra enfin de faire le point sur ce consensus et de voir si, à tête reposée, ce consensus demeure intact. Je ne nierai pas l'existence de ce consensus, mais je nierai sans équivoque les prétentions de certains à l'effet que ce consensus soit facilement défini et que les gens de notre province exigent un bouleversement total des institutions politiques et gouvernementales qui nous ont tous bien servis. Avouons-le, M. le Président, avec toutes nos petites chicanes constitutionnelles et autres, il demeure qu'on est parmi les plus choyés de la planète. L'incompréhension délirante du monde entier vis-à-vis des problèmes du Canada est suffisante pour que nous nous sentions tous un peu gênés.

Je crois, M. le Président, que nous sommes arrivés à une période assez émotive de notre histoire. Il me semble qu'on en est arrivés à un point où on est prêt à risquer énormément pour satisfaire les aspirations politiques de quelques-uns.

Il faut dire en ce moment, M. le Président: Prenons le temps de réfléchir, prenons le temps d'écouter et cessons les accusations qui ne servent qu'à amplifier notre animosité, notre ignorance et notre désir scrupuleux, bien que parfois humain, de s'accaparer du pouvoir. Élevons-nous au-delà de nos préjugés et de notre fermeture d'esprit. Avouons qu'on n'est pas tous pareils et qu'on n'est pas tous issus du même moule. Parmi nous, il y a plusieurs nationalités, émanant de plusieurs groupes ancestraux, formant une société qui est francophone avant tout. Je dis bien francophone avant tout parce que, au Québec, le fait français n'est plus une affaire d'espoir, mais bien la réalité. Cette réalité renforce et sécurise le Québec tout en renforçant le pays dont nous faisons tous partie. Même le député de Notre-Dame-de-Grâce, M. le Président, tente de s'exprimer en français régulièrement dans notre Chambre.

En tant que Québécois, membre élu à la Législature du Québec, je m'engage envers la population de ma province à mettre ses intérêts au-delà de tout autre. Ceci, M. le Président, sera, je le crois, l'intérêt qui liera peut-être tous les membres de cette Commission. Merci, M. le Président.

Le Président: Alors, merci, M. le député de D'Arcy-McGee.

Je vais maintenant reconnaître M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour l'exercice de son droit de réplique. M. le leader.

M. Michel Pagé (réplique)

M. Pagé: M. le Président, très brièvement. Seulement quelques mots, encore une fois, pour remercier l'ensemble de mes collègues ici à l'Assemblée. L'étape de la troisième lecture est maintenant franchie. La loi sera adoptée. D'ailleurs, dans quelques minutes, sinon quelques secondes, je vais vous demander de suspendre nos travaux jusqu'à 22 h 25 pour que la loi puisse être sanctionnée et nous reprendrons nos travaux. Essentiellement, j'ai beaucoup de fierté et beaucoup de confiance à l'égard de ce mécanisme qu'on veut le plus ouvert, public. On souhaite une participation très large. J'ai la conviction profonde, comme parlementaire québécois, que cette loi pourra tracer la venue d'un Québec en devenir, mais d'un Québec qui a confiance dans ses moyens. Merci, M. le Président.

Le Président: Le débat étant terminé, est-ce que la motion de M. le leader du gouvernement et ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation proposant l'adoption du projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Donc, le projet de loi 90, Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, est adopté.

Maintenant, conformément à l'ordre précédemment adopté, la séance est suspendue afin de permettre à Son Excellence le lieutenant-gouverneur, de sanctionner ce projet de loi. La séance est suspendue quelques minutes.

(Suspension de la séance à 21 h 56)

(Reprise à 22 h 27)

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, nous allons maintenant procéder, tel que convenu par l'ordre adopté ce matin, à certaines motions prévues à l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je vais, à ce moment-ci, reconnaître M. le premier ministre.

Motion proposant la nomination des deux présidents de la Commission

M. Bourassa: M. le Président, conformément au premier paragraphe de l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je fais motion, conjointement avec le chef de l'Opposition officielle, pour que M. Michel Bélanger et M.

Jean Campeau soient nommés présidents de ladite Commission. J'ai eu l'occasion, cet après-midi, évidemment, de mettre en relief les grandes qualités, l'habileté et l'expérience de MM. Bélanger et Campeau pour assumer ces fonctions.

Le Président: Est-ce qu'il y a des interventions? M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, c'est avec grand plaisir que j'appuie la proposition du premier ministre de nommer MM. Bélanger et Campeau comme coprésidents de la Commission constitutionnelle. Je pense que c'est un changement important sur le plan politique au Québec que nous puissions confier à deux coprésidents, qui ont été impliqués dans le domaine, à la fois, des affaires et de la finance aussi intensément que MM. Bélanger et Campeau, la coprésidence d'une commission constitutionnelle.

Je pense que ce seul choix montrera à quel point le Québec a changé, à quel point le Québec n'est plus ce qu'il était, et montrera aussi à l'extérieur du Québec à quel point cette évolution québécoise, qui est issue de la Révolution tranquille, aura eu des conséquences profondes sur la façon dont notre société évolue. Et c'est donc avec plaisir que j'appuie la motion que vient de présenter le premier ministre.

Le Président: Est-ce que cette motion présentée par M. le premier ministre est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Je reconnais à nouveau M. le premier ministre.

Motions proposant la nomination des membres de la Commission

M. Bourassa: M. le Président, conformément au sous-paragraphe a) du deuxième paragraphe de l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je fais motion pour que les députés suivants du Parti libéral du Québec soient membres de ladite commission: Mme Louise Bégin, députée de Bellechasse, M. Guy Bélanger, député de Laval-des-Rapides, M. Claude Dauphin, député de Marquette, Mme Claire-Hélène Hovington, députée de Matane, M. Cosmo Maciocia, député de Viger, Mme Christiane Pelchat, députée de Vachon, M. Gil Rémillard, député de Jean-Talon, M. Claude Ryan, député d'Argenteuil, et M. Russell Williams, député de Nelligan.

Le Président: Alors, est-ce que cette motion présentée par M. le premier ministre est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Je vais maintenant reconnaître M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, en vertu de l'article 5, paragraphe 2°, de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je fais motion afin que les députés suivants du Parti québécois soient nommés membres de ladite Commission: le leader parlementaire de l'Opposition officielle et député de Joliette, M. Guy Chevrette; le whip en chef de l'Opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean, M. Jacques Brassard; la députée de Chicou-timi, Mme Jeanne Blackburn; la députée de Hochelaga-Maisonneuve, Mme Louise Harel; le député de Labelle, M. Jacques Léonard, et la députée de Taillon, Mme Pauline Marois.

Le Président: Est-ce que cette motion présentée par M. le chef de l'Opposition est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Je vais maintenant reconnaître M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président. Conformément à l'article 5, paragraphe 2°, sous-paragraphe c), et après consultation avec les membres de notre caucus et le député d'Anjou, je fais motion pour nommer le député de Westmount comme membre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Conforming to article 5, paragraph 2°, sub-paragraph c), it is my pleasure to name the MNA for Westmount to the Commission.

Le Président: Alors, est-ce que cette motion présentée par M. le député de D'Arcy-McGee est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Je reconnais maintenant à nouveau M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, après consultation avec le chef de l'Opposition officielle et conformément aux sous-paragraphes a), c) et d) du troisième paragraphe de l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel, je fais motion pour que les personnes suivantes soient nommées membres de ladite Commission: M. Jean-Louis Desrosiers, président de l'Union des municipalités du Québec; M. Roger Nicolet, président de l'Union des municipalités régionales de comté et des municipalités locales du Québec; Mme Lorraine Pagé, présidente de la Centrale de l'enseignement du Québec; M. Louis Laberge, président de la Fédération des travailleurs et des travailleuses du Québec; M. Gérald Larose, président de la

Confédération des syndicats nationaux; M. Jacques Proulx, président de l'Union des producteurs agricoles du Québec, et M. Claude Béland, président de la Confédération des caisses populaires et d'économie Desjardins du Québec.

J'aurai l'occasion, après consultation du chef de l'Opposition, de faire part dans les jours qui viennent des nominations représentant le milieu des entreprises conformément aux autres dispositions de la loi.

Le Président: Vous voulez intervenir sur cette motion, M. le chef de l'Opposition?

M. Parizeau: M. le Président, j'aurais quelques commentaires à faire à la suite de la proposition que vient de présenter le premier ministre. Je pense qu'une des considérations importantes dont nous avons, lui et moi, à tenir compte, c'est de faire en sorte que, lorsque l'on sort de cette Assemblée nationale, on cherche autant que possible à faire appel à des élus, pas à des élus à l'Assemblée nationale ici, mais à des gens qui, néanmoins, ont été élus dans leur milieu à des postes importants.

Nous avons accepté rapidement que les députés fédéraux au Québec puissent être représentés. Je pense que ça allait de soi, ils ont été élus au Québec. Je rappellerai, à cet égard, que le premier ministre, en un certain sens, c'était au début du processus, a nommé M. Lucien Bouchard à la Commission; il ne m'en avait pas parié à ce moment-là, mais il savait très bien qu'il n'aurait pas d'objection de ma part. Il était normal, je pense, que M. Bouchard, qui cherche, en un certain sens, à renouveler une sorte de fédéralisme au Québec, y soit. Mais nous nous sommes entendus aussi pour que les deux grands partis fédéraux au Québec aient leurs représentants; je souhaite vivement que, rapidement, les conservateurs du Québec nomment leur membre de la Commission - je pense que c'est à eux que ça revient - et, d'autre part, que les libéraux fédéraux du Canada nomment aussi leur élu à la Commission, parce que ça leur revient aussi et c'est important qu'ils soient représentés. On peut être d'accord ou pas d'accord avec les positions que ces partis prennent, le problème n'est pas là, ils représentent des Québécois.

Je suis très heureux que très rapidement, à cet égard, le premier ministre et moi soyons tombés d'accord sur le fait que les présidents élus de ces unions de municipalités au Québec, qui sont au fond le niveau de gouvernement le plus proche de la population, puissent appartenir à la Commission. Quand j'ai vu passer, ce matin, l'acceptation de M. Desrosiers, président de l'UMQ, et de M. Nicolet, président de l'UMRCQ, au fond, j'étais un peu gratifié du fait que nous reconnaissions, sans ambages, sans discussions - ça n'a pas toujours été le cas dans le passé - que ces représentants du milieu municipal étaient une partie prenante de la Commission sur l'avenir constitutionnel du Québec. je suis ravi aussi qu'en aussi peu de temps les quatre présidents élus des grandes centrales syndicales au québec aient tous accepté - et ça s'est fait en quelques heures - d'être eux-mêmes membres de la commission à l'invitation que le premier ministre et moi leur avons lancée. m. louis laberge est au fond une sorte de continuité dans notre milieu. si quelqu'un sert de mémoire à notre société en même temps qu'il est . une sorte de dessinateur de l'avenir, c'est bien lui. que m. larose, de la csn, représente dans une commission constitutionnelle comme celle-là des considérations d'ordre social qui ne sont pas tellement bien représentées d'autres façons, j'en suis ravi. que mme pagé représente une sorte de transformation, oui, il faut le dire, de la ceq, c'est-à-dire de l'enseignement, c'est-à-dire de l'avenir du pays, c'était important. et que m. proulx et ça, je veux dire de toutes ces... je voudrais souligner l'acceptation de m. proulx. peu de gens chez nous ont été mêlés au commerce extérieur, donc à notre avenir et donc à notre capacité de nous défendre dans le monde, autant que cet homme-là, le président de l'union des producteurs agricoles. qu'il ait accepté de venir à la commission me paraît être un très grand actif pour nos travaux.

Et, évidemment, comme représentant du mouvement coopératif tellement vivant au Québec, tellement dynamique qui fait, en un certain sens, l'admiration de bien des gens qui nous observent, que M. Béland accepte de jouer ce rôle de représentant du mouvement coopératif, je pense que ça allait de soi, mais ça va beaucoup mieux en le disant. Il est en Tchécoslovaquie pour quelques jours. On nous a confirmé qu'il acceptait et je pense que nous lui sommes tous reconnaissants d'avoir accepté de siéger à la Commission.

Il reste maintenant, M. le Président, deux postes à pourvoir par les partis fédéraux, les conservateurs et les libéraux. J'espère que ça viendra le plus vite possible. Quatre postes à pourvoir comme représentants des mouvements patronaux.

Le premier ministre a suggéré, à cet égard, un mode de nomination qui n'est pas nécessairement celui des présidents des associations patronales. Je pense que ce qu'il a proposé est tout à fait acceptable comme mode de fonctionnement. On n'a pas pu régler le cas de ces quatre représentants parce que le premier ministre avait d'autres occupations depuis quelque temps, et je le comprends fort bien. Et qu'il prenne encore un peu de temps pour régler cette question, j'en conviens aussi avec lui. Et puis, il y a une dernière chose que je voudrais soulever et, là, j'aimerais plaider avec lui, à cet égard, enfin, plaider... lui faire des représentations amicales. Nous avons un poste à pourvoir, qui représenterait, au fond, à la fois les intellectuels et les artistes du Québec. Je lui suggérerais

d'examiner la possibilité de faire en sorte que ce poste soit pourvu peut-être davantage par les culturels que par les universitaires en reconnaissance du rôle si remarquable que les artistes et les créateurs, dans notre société, jouent depuis 25 ans. Là-dessus, je m'arrête, M. le Président, et je vous remercie.

Le Président: Est-ce que cette motion présentée par M. le premier ministre est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Cette motion est adoptée. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Merci, M. le Président. L'adoption de ces motions complète l'agenda de nos travaux pour aujourd'hui. Là-dessus, je remercie les députés de leur disponibilité et je vous prierais d'accepter la motion d'ajournement de nos travaux à mardi, le 16 octobre prochain, à 14 heures.

Le Président: Est-ce que cette motion d'ajournement de nos travaux est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. En conséquence, les travaux de l'Assemblée sont ajournés au mardi, 16 octobre prochain, à 14 heures.

(Fin de la séance à 22 h 42)

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