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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le jeudi 18 octobre 1990 - Vol. 31 N° 67

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures quatorze minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Nous allons entreprendre nos travaux aux affaires courantes. Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents. M. le ministre de la Sécurité publique. Alors, au dépôt de documents, M. le ministre de la Sécurité publique.

Erratum au rapport annuel de la Commission québécoise des libérations conditionnelles

M. Ryan: M. le Président, je dépose un erratum au rapport annuel 1989-1990 de la Commission québécoise des libérations conditionnelles.

Le Président: Ce document est déposé.

Au dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission de la culture et député de Louis-Hébert.

Étude du rapport d'activités de la Commission d'accès à l'information

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai deux rapports de la commission de la culture à déposer. Un premier est celui de la séance du 28 août 1990; cette séance s'est tenue afin d'étudier le rapport d'activités 1989-1990 de la Commission d'accès à l'information conformément à l'article 119.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels.

Consultations particulières sur le projet de loi 62

Le deuxième rapport que je voudrais présenter, c'est celui des séances du 11 et du 12 septembre dernier afin de procéder à des consultations particulières dans le cadre de l'étude détaillée du projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels et d'autres dispositions législatives. Merci.

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés.

Dépôt de pétitions. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Modifications réclamées aux mesures sociales en vigueur

Mme Harel: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'assemblée nationale par 709 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du québec. les faits invoqués sont les suivants: "considérant que la loi sur la sécurité du revenu appauvrit l'ensemble des personnes assistées sociales; considérant que les personnes assistées sociales vivent, en moyenne 50 %, en dessous du seuil de la pauvreté; considérant que le coût du logement exige 30 % et parfois 50 % du budget d'un ménage assisté social; considérant que le seul recours pour ces personnes est de couper sur la nourriture pour elles et leurs enfants; considérant que les personnes assistées sociales veulent travailler et se sortir de ce cercle de pauvreté, l'intervention réclamée se résume ainsi: que l'assemblée nationale du québec intervienne auprès du premier ministre, m. robert bourassa, pour que les modifications suivantes soient apportées: que la coupure de 89 $ pour le partage du logement et celle de 85 $ pour les revenus de chambre et pension soient abolies; que la contribution parentale obligatoire soit abolie; que le statu quo en ce qui concerne le plafond de 260 $ par mois considéré comme un revenu fictif lorsque la pension alimentaire prend la forme de paiement d'une résidence soit maintenu; que l'incitation à la participation aux mesures se fasse sur une base volontaire, avec une hausse de l'allocation de participation de 100 $ par mois, calculée à partir du barème disponible et que le décret haussant les loyers dans les logements sociaux soit aboli." merci, m. le président.

Le Président: Cette pétition est déposée. Toujours au niveau du dépôt de pétitions, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Trudel: Merci, M. le Président. Je désire déposer l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 658 pétitionnaires, citoyens et citoyennes du Québec. "Les faits invoqués sont les suivants: Considérant que la Loi sur la sécurité du revenu appauvrit l'ensemble des personnes assistées sociales; considérant que les personnes assistées sociales vivent en moyenne 50 % en dessous du seuil de la pauvreté; considérant que le coût du logement exige 30 % et parfois 50 % du budget d'un ménage assisté social; considérant que le seul recours pour ces personnes est de couper sur la nourriture pour elles et leurs enfants; considérant que les personnes assistées sociales veulent travailler et se sortir de ce cercle de pauvreté, l'intervention réclamée est que l'Assemblée nationale du Québec intervienne auprès du premier ministre, M. Robert Bourassa, pour que les modifications suivantes soient apportées: Que la coupure de 89 $ pour le partage du logement et celle de 85 $ pour les revenus de

chambre et pension soient abolies; que la contribution parentale obligatoire soit également abolie; que le statu quo en ce qui concerne le plafond de 260 $ par mois considéré comme un revenu fictif lorsque la pension alimentaire prend la forme de paiement d'une résidence soit maintenu; que l'incitation à la participation aux mesures se fasse sur une base volontaire, avec une hausse de l'allocation de participation de 100 $ par mois, calculée à partir du barème disponible et que le décret haussant les loyers dans les logements sociaux soit aboli." Je certifie que cet extrait est conforme à l'original de la pétition.

Le Président: Votre pétition est déposée. Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Nous arrivons donc à la période de questions et réponses orales des députés. Je vais reconnaître, en question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

Dossier de l'intervention de la Sûreté du Québec à Oka

M. Chevrette: M. le Président, suite aux réponses du ministre de la Sécurité publique ainsi qu'à ses déclarations en dehors de cette Chambre, je pense qu'il est maintenant clairement établi que le moyen que le gouvernement a trouvé pour enterrer le passé ou pour nettoyer l'ardoise, pour reprendre une expression qu'affectionne l'actuel ministre de la Sécurité publique, et surtout pour éviter aux anciens ministres mutés de devoir rendre des comptes à l'Assemblée et à la population, c'est de trouver un bouc émissaire, M. le Président - en l'occurrence, c'est la directrice adjointe du cabinet de l'ancien ministre - et de lui faire porter par la même occasion tout l'odieux de la situation. C'est un procédé, M. le Président, qui n'honore personne du côté gouvernemental et qui ne convainc personne, et cela a pris 90 jours pour le trouver.

Il est également établi, si l'on se fie au complément de réponse du leader, hier, au nom du premier ministre - nous sommes tenus, en vertu des règlements, de le faire - que toute cette question de la crise des barricades d'Oka n'a jamais été discutée aux réunions du Conseil des ministres des 13, 20 et 27 juin et du 4 juillet. Cependant, hier, M. le Président, en réponse à ma question, à la page 5628-1, du Journal des débats, je note que le ministre de la Sécurité publique a clairement répondu qu'il y avait des discussions là-dessus. J'aimerais savoir, donc, qui dit la vérité: le leader ou le ministre?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ryan: M. le Président, si le temps nous en était fourni, j'aimerais signaler le nombre de faux raisonnements, de fausses interprétations des faits que j'ai lus dans un communiqué émis ce matin sous l'autorité du leader de l'Opposition au sujet de cette question que nous discutons maintenant. Je m'en dispenserai pour répondre directement à la question. Hier, la question portait sur l'intervention de la Sûreté du Québec à la côte Saint-Michel à Oka le 11 juillet, et la question demandait si ce sujet avait été discuté au Conseil des ministres aux dates que le leader de l'Opposition vient d'évoquer tantôt. La réponse du premier ministre fut claire, elle était négative. Elle est corroborée par tous les ministres qui étaient présents à ces réunions-là.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: En question complémentaire.

M. Chevrette: Le ministre se souvient-il que le 22 juin 1989 le ministre Savoie parlait d'accumulation d'armes massive dans son mémoire. Est-ce qu'il se souvient qu'au mois d'avril 1990 il y a eu une grande violence à St-Regis, deux morts d'homme? Le 2 mai 1990, est-ce qu'il se souvient que les autorités policières et civiles et au moins un sous-ministre adjoint ont examiné la première barricade d'Oka et ont vu des armes? Est-ce qu'il se souvient que, le 3 juillet, Me Charbonneau, le procureur de la municipalité, soutenait, preuve à l'appui, que les autorités politiques avaient retenu la Sûreté du Québec? Est-ce qu'il se souvient que le 5 juillet, cependant, son prédécesseur avait dit: Ça va descendre. Devant cette accumulation accablante de faits, est-ce que le ministre peut encore prétendre qu'aucune discussion n'a eu lieu au Conseil des ministres sur ce sujet? Et, si c'est le cas, M. le Président, comment peut-il expliquer une telle inaction, inaction qui frise carrément l'irresponsabilité?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: D'abord, M. le Président, je n'ai jamais dit qu'il n'avait pas été question de la crise amérindienne au cabinet. C'est une interprétation purement gratuite et tendancieuse de la part du député de Joliette. J'ai dit qu'il n'avait pas été question de l'intervention de la Sûreté du Québec sur laquelle portaient les questions. C'est clair?

Une voix: C'est ça, la question.

Une voix: C'est clair?

M. Ryan: Deuxièmement, je me demande si

j'ai souvenance d'un certain nombre d'événements. Je vais prendre le premier. Je ne pourrai pas les commenter tous, le temps serait trop bref. Je crois que le député a fait allusion à un mémoire qui avait été soumis au Conseil exécutif par le député de Val-d'Or qui était, à l'époque, ministre délégué aux Affaires autochtones. Ça adonne bien parce que j'ai relu ce document hier soir. Vu que des extraits en avaient paru dans La Presse, j'ai présumé que mon collègue ne serait pas vexé si j'en faisais quelques commentaires et en livrait même quelques extraits.

Dans ce mémoire, le ministre disait clairement qu'il y avait des choses qui se passaient à Akwesasne et à Kahnawake qui n'étaient pas admissibles dans un contexte normal. Il examinait toutes les possibilités d'intervention, y compris celles d'une intervention policière, et il concluait que ce n'était pas la chose à recommander dans le contexte où on était. Il concluait plutôt qu'il fallait encore chercher, par la négociation, des arrangements qui auraient permis d'en venir à créer des conditions capables de produire la sécurité publique de manière plus stable et plus durable. C'était ça, le vrai sens du mémoire qui avait été préparé par le ministre délégué aux Affaires autochtones, dans le temps, je m'en souviens.

Le Président: En question complémentaire.

M. Chevrette: M. le Président, si la Sûreté du Québec a pris bien soin de créer un comité spécial pour décider du moment de l'attaque, ce qui est extrêmement rare, soit dit en passant, qu'il y ait des comités spéciaux, ordinairement, on respecte la hiérarchie... Mais pour la crise mohawk, la crise amérindienne, on avait créé un véritable comité spécial, ça a été déclaré en cette Chambre par le ministre de la Sécurité publique. Est-ce que le ministre sait que des vérifications quotidiennes étaient faites auprès des citoyens d'Oka par rapport à un plan d'évacuation? Est-ce que le ministre sait que des citoyens étaient avisés d'une action imminente? Et est-ce qu'il sait aussi que, même 12 heures avant l'assaut de la Sûreté du Québec, le chef Jerry Etienne discutait avec la SQ et avec le ministre responsable du dossier autochtone, le député de Mont-Royal? À partir de ces faits-là, est-ce que, le ministre persiste à nous faire avaler l'incroyable en prétendant que personne n'en discutait au Conseil? Est-ce que c'est le ministre qui vit sur une autre planète, peut-être Mars?

M. Ryan: Ce n'est sûrement pas... Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Dans mon cas, ce n'est sûrement pas la Lune.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Je n'ai jamais dit que la Sûreté avait institué un mécanisme spécial d'intervention pour ce cas-là. Elle a déployé les mécanismes d'intervention qui sont dans ses formules de travail pour ce genre de situation. Je vous donnerai un exemple concret. Quand il a été question de l'intervention sur les routes qui conduisent à Kahnawake et à Châteauguay, elle a déployé le même dispositif; c'est le dispositif qu'elle déploie dans ces circonstances et qui se déploie à trois niveaux différents. Il n'y avait pas seulement un comité, il y en avait trois, trois groupes de travail. Alors, il n'y a rien de particulier là-dedans. Ça ne présageait, en aucune manière, de telle ou telle nature d'intervention en ce qui touche le pouvoir politique.

Le Président: En question complémentaire.

M. Chevrette: M. le Président, quand le ministre de la Sécurité publique s'en va sur les ondes d'une station radiophonique et qu'il annonce que ça va descendre s'il n'y a pas respect de l'injonction, qu'est-ce que ça veut dire "ça va descendre", M. le Président, d'abord, l'expression "ça va descendre"? Et avait-il discuté au Conseil du contenu de l'action ou du moment de l'action ou du comment de l'action?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ryan: Là, on tombe dans les redites. On va être obligé de rappeler que la règle, c'est qu'une fois que la question a reçu sa réponse, on n'est pas obligé de la donner trois fois parce qu'on n'a pas de garantie que la réponse sera mieux comprise.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: La première partie de la question, le ministre a fait une déclaration dont j'ai dit, hier, qu'elle pouvait prêter à diverses interprétations, je maintiens cette réponse. Deuxièmement, le député demande s'il a été question de cette déclaration au cabinet, je lui réponds non de nouveau.

M. Chevrette: M. le Président... Le Président: En complémentaire. M. Chevrette: ...le mépris a ses limites...

Des voix: Ah! Ah!

M. Chevrette: ...le mépris a ses limites et l'arrogance également...

Le Président: Un instant! Un instant! S'il

vous plaît!

Alors, je vous demanderais, en question complémentaire, M. le leader, de poser immédiatement votre question.

M. Chevrette: M. le Président, si on permet des commentaires, on va en permettre sur les deux bords.

Des voix: Oh! Oh!

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, très brièvement, très calmement, je vous demanderais d'appliquer rigoureusement les dispositions de l'article 78 comme quoi une question additionnelle ne doit pas être accompagnée d'un préambule, tout simplement.

Le Président: Alors, votre question, s'il vous plaît!

M. Chevrette: M. le Président, quand un ministre de la Sécurité publique dit que le corps policier doit répondre aux demandes de l'application de la loi et dit que ça va descendre des barricades, ça veut dire quoi si ça ne veut pas dire: passer à l'action policière concrète sur le terrain? Il ne faut pas prendre le monde pour des valises, je le répète. M. le Président, quant aux leçons à donner aux gens, le ministre de la Sécurité publique, hier, se souvient-il d'avoir louange Mme Hélène Ménard, après lui avoir dit la veille qu'il la mettrait dehors à coups de pied au derrière?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Pagé: Ce n'est pas le genre de M. Ryan.

M. Ryan: Pour ceux qui ont étudié la logique, ils savent très bien que l'élément le plus important dans un raisonnement, c'est le lien de causalité entre les prémisses et la conclusion. C'est ce qui est toujours le plus faible dans les raisonnements du député de Joliette. (14 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!

M. Ryan: Peut-il me rappeler sa question, parce que j'ai de la misère à voir ce qu'il y avait de nouveau dedans?

M. Chevrette: M. le Président, M. le ministre déclarait...

Le Président: À l'ordre!

M. Chevrette: "Un cabinet existe pour informer le ministre. Si un des membres de son cabinet se croit dépositaire d'informations et néglige d'informer adéquatement le ministre, c'est dehors à coups de pied dans le derrière, mais si vous avez des questions précises à poser à M. Elkas, c'est à lui d'aller l'interroger." Est-ce qu'il nie ses paroles? L'arrogance, M. le Président, le mépris vis-à-vis des gens...

Le Président: S'il vous plaît!

Des voix: Ha!

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: les directeurs de mon cabinet, m. le président, ont toujours su que, s'ils étaient détenteurs d'informations privilégiées et qu'ils décidaient de ne pas les communiquer à leur ministre, ils prendraient la porte dès que le ministre le saurait. dans ce cas-ci, la communication fut faite dans des délais sur lesquels on peut avoir des jugements d'appréciation différents. il n'y eut pas de rétention délibérée, malicieuse et systématique de l'information. on peut avoir le jugement qu'on voudra sur l'appréciation de la situation qui fut faite à ce moment-là, mais de là à me prêter des propos que je n'ai point tenus, je ne l'accepterai pas. je maintiens que si l'un de mes attachés politiques - ils m'écoutent actuellement, ils vont sourire parce qu'ils savent que c'est la règle qu'on suit depuis cinq ans - pratiquait ce genre de rétention d'informations, il aurait de la misère à vivre avec moi. c'est évident.

Le Président: Question complémentaire.

M. Chevrette: Quel mandat de négociation détenait le ministre responsable du dossier autochtone? Agissait-il en solo? Improvisait-il? Que faisait-il à 12 heures de l'attaque ou de l'assaut des policiers, quand il leur disait: II n'y en aura pas d'attaque. C'est même un chef, Etienne, hier, qui disait à la télé: 12 heures avant l'attaque, on nous assurait qu'il n'y en aurait pas. Qu'est-ce qui se passe dans votre gouvernement? Est-ce que c'était une décision d'équipe? Est-ce que c'était une décision de comité? Est-ce qu'un ministre agissait seul? De qui détenait-il son mandat et quel était le mandat précis?

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Par déférence pour le leader de l'Opposition, est-ce qu'il pourrait nous indiquer à qui la question est adressée? Parce que l'interprétation que je fais du libellé de la question formulée, elle devrait être adressée au ministre délégué aux Affaires autochtones.

Le Président: Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je croyais qu'il n'y en avait rien qu'un qui pouvait répondre à toutes les questions. D'après ce que j'avais compris, descendu de la montagne, on ne pouvait avoir toutes les réponses.

Des voix: Ah! Ah!

M. Boulerice: Deux montagnes!

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, j'en appelle à la bonne foi, au calme, à la sérénité et à la sobriété dans les propos de mon collègue, le député de Joliette, pour qu'il adresse sa question. Le contenu de la question, M. le député, se référait au fond de la négociation relative aux droits des autochtones. Or, je vous recommande de formuler la question au ministre délégué aux Affaires autochtones.

Le Président: m. le leader de l'opposition.

M. Chevrette: Je croyais que concrétiser des faits dans une phrase, ça n'avait rien d'insultant pour le ministre qui l'a dit lui-même. Donc, on utilise ses paroles. Cela dit, M. le Président, ma question, je l'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre peut nous dire de qui il détenait le mandat... Est-ce que c'était un mandat que le ministre délégué aux Affaires autochtones s'était donné pour négocier? Est-ce qu'il détenait un mandat directement du Conseil des ministres? Si oui, quelle était la nature de ce mandat et comment pouvons-nous aujourd'hui affirmer que rien ne se passait quand, à 12 heures de l'assaut, le même ministre disait aux gens: II n'y en aura pas d'assaut sans que je vous le dise.

Le Président: - Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Nous avons répondu hier et, encore une fois, le ministre responsable a répondu à plusieurs reprises. Le ministre délégué aux Affaires autochtones s'occupait de ses responsabilités et le ministre de la Sécurité publique devait également assumer ses responsabilités, d'autant plus que pour la municipalité d'Oka, la police existante était la Sûreté du Québec; que, dans le mandat de la Sûreté du Québec, il y avait l'application et le respect des lois. Le comité ministériel qui a commencé à siéger sur la question de la crise amérindienne n'a pas commencé à siéger avant, évidemment, l'attaque du 11 juillet comme telle. Il me semble que ça, c'est bien connu. Je pense que ça a été annoncé à plusieurs reprises qu'un comité a été formé, composé de plusieurs ministres, pour examiner la situation. On a pu discuter, au cours des mois qui ont précédé, de la question amérindienne, mais, hier, j'ai donné une réponse très claire et confirmée par le leader pour ce qui a trait à l'attaque elle-même, et ça devrait satisfaire une fois pour toutes le leader parlementaire de l'Opposition.

Le Président: En question principale? En question principale, M. le chef de l'Opposition.

Demande d'une commission d'enquête sur les événements d'Oka

M. Parizeau: Une courte principale pour le premier ministre, M. le Président. Je pense qu'on constate que l'Opposition n'est pas prête à laisser ce qui s'est passé cet été s'éteindre rapidement. On cherche à comprendre. Nous avons, depuis quelques jours, parlé d'un épisode, c'est-à-dire de ces jours qui précédent le 11 juillet, et nous allons avoir à parler d'autres épisodes.

D'autre part, le député de Mont-Royal qui a été mêlé à toutes ces questions tout l'été n'a plus son dossier. Le député de Robert-Baldwin n'a plus son dossier. Le député de Portneuf est revenu à ses fonctions antérieures et, ensuite, a été changé de fonctions, mais n'est plus au dossier. Dans ces conditions, vous voyez bien, M. le Président, que nous n'avons difficilement d'autre choix, en vertu du règlement de cette Chambre, que de nous adresser au nouveau ministre de la Sécurité publique...

Une voix: Moses, Moïse.

M. Parizeau: ...ou bien encore, comme on nous le suggérait tout à l'heure, au nouveau ministre délégué aux Affaires autochtones, mais eux, ils ne peuvent pas nous répondre sur ce qui s'est passé.

Alors est-ce que le premier ministre ne croit pas, plutôt qu'on continue comme ça de chercher par personne interposée à savoir ce qui s'est passé, qu'il serait plus simple que, rapidement, il accepte qu'il faut qu'il y ait une commission d'enquête sur ces événements?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Avec grand étonnement, je constate que le chef de l'Opposition conteste le principe de la continuité de l'exécutif qui s'exerce en réponse-Une voix: Le fondement même.

M. Bourassa: ...le fondement même de l'administration publique.

Une voix: Oui.

M. Bourassa: Les ministres sont là pour répondre. Il y a eu quelques changements, évidemment, il y a le changement de la Sécurité publique. D'ailleurs, l'ancien ministre de la Sécurité publique m'avait demandé depuis longtemps d'avoir ses tâches un peu allégées. Il était responsable de deux ministères. Je ne vois pas pourquoi le leader parlementaire de l'Opposition trouve ça drôle; lui-même demandait constamment qu'il y ait un nouveau ministre de la Sécurité publique.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: Lui-même le demandait constamment et là, il ne voudrait pas que ce soit le ministre de la Sécurité publique actuel qui réponde. Alors je demande au leader parlementaire de mettre un peu de logique-Une voix:...

M. Bourassa: ...dans son argumentation de manière à augmenter sa crédibilité qui n'est pas nécessairement la plus forte à cette Assemblée nationale.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Sur un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Tout comme le leader du gouvernement l'a fait en demandant de s'en tenir aux questions, est-ce qu'on pourrait demander au premier ministre de laisser faire la crédibilité des autres et d'essayer de s'en bâtir une en répondant aux questions directement.

Des voix: Oh! Bravo!

Le Président: M. le premier ministre, rapidement, pour compléter votre réponse.

M. Bourassa: Bon, d'accord. Je ne suis pas sûr que j'aurai un plus gros programme que le leader parlementaire. Ce que je veux dire au chef de l'Opposition, c'est que le ministre responsable de la Sécurité publique a dit qu'au moment opportun... Il va accumuler les faits, il répond à toutes les questions depuis trois jours et je ne blâme pas l'Opposition d'essayer d'exploiter la crise autochtone; ça fait partie de la tradition politique. Nous avons quand même réussi à régler cette crise, sauf, évidemment, la mort du caporal Lemay, sans que du sang soit versé. Personne ne pouvait même prévoir. Je demande au chef de l'Opposition de trouver un autre exemple où, avec des risques aussi importants d'affrontement armé, nous avons eu une conclusion aussi pacifique. Et je pense que ceci est un hommage qu'on peut rendre au caractère pacifique et civilisé de la société québécoise dans son ensemble. Je dis au chef de l'Opposition qu'au moment opportun il aura toutes les réponses, comme l'a laissé entendre le ministre responsable de la Sécurité publique. Il a bien démontré depuis trois jours, avec ses collègues, que nous n'avons rien à cacher et que nous sommes prêts à défendre nos actions dans cette crise. (14 h 40)

Le Président: En question principale, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Position du gouvernement dans le dossier de la formation professionnelle

Mme Harel: M. le Président, ce midi, des centaines de personnes assistées sociales sont venues de toutes les régions du Québec manifester devant le parlement à l'occasion de la campagne de 37 jours contre la loi 37. Ces personnes sont venues protester contre l'augmentation du chômage et contre l'aggravation de la pauvreté et de la misère. Pourtant, pendant que le Québec connaît une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans des dizaines de secteurs payants, les chiffres officiels nous révèlent pour l'an dernier une diminution de 50 % des élèves adultes inscrits à plein temps en formation professionnelle et la disparition pure et simple de ceux inscrits à temps partiel; total en un an: 53 000 élèves adultes en moins dans les écoles secondaires et 15 000 élèves adultes en moins dans les centres de formation professionnelle.

Alors, M. le Président, en plus de ces problèmes, le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle reconnaît-il qu'il est empêché de légiférer dans le domaine de la formation et de la qualification professionnelles à cause des problèmes constitutionnels? Reconnaît-il que... Lui-même d'ailleurs le déclarait: "Je ne vois pas comment, disait-il, je pourrais maintenant déposer un projet de loi pour réformer les CFP alors qu'on ne sait même pas quelle sera l'étendue des responsabilités du gouvernement du Québec en matière de main-d'oeuvre dans la prochaine année ou dans les prochaines années. Je vais donc être obligé de retarder la présentation de projets de loi jusqu'à ce qu'on ait débattu le dossier plus fondamental des compétences gouvernementales en matière de main-d'oeuvre." Le ministre considère-t-il toujours que ces discussions doivent prendre préséance et sont prioritaires sur toute autre discussion?

Le Président: Alors, avant de céder la parole au ministre pour sa réponse, j'apprécierais... J'ai laissé une grande latitude depuis deux jours pour les deux premières questions principales. Je ne voudrais pas que ce soit la norme. Les questions devraient être beaucoup plus

courtes que ça. Alors, M. le ministre, votre réponse.

M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de profiter de l'occasion pour saluer la présence du Front commun des assistés sociaux qui culmine aujourd'hui sa campagne de sensibilisation à la loi 37 et qui est dirigé, bien sûr, par M. Desgagnés, l'ex-attaché politique de la députée de Maisonneuve.

Une voix: une promotion.

des voix: ha, ha, ha!

M. Bourbeau: M. le Président, en ce qui concerne la question de l'adaptation de la main-d'oeuvre et des pouvoirs que possède et que devrait posséder le Québec en cette matière, le premier ministre, au mois de juin, a annoncé l'intention du gouvernement du Québec de demander au gouvernement fédéral l'ouverture de négociations pour effectuer un certain rapatriement de pouvoirs en cette matière. Nous sommes présentement en train de préparer le dossier qui va faire en sorte, éventuellement, que nous pourrons nous présenter devant le gouvernement fédéral avec des demandes bien précises. D'ici là, bien sûr, le plan d'action que j'ai annoncé en matière de main-d'oeuvre continue, à l'exception, bien sûr - la seule exception - de la réforme de la Loi sur la formation et la qualification professionnelles de la main-d'oeuvre qui a institué les CFP, puisque, dans l'éventualité d'un rapatriement des pouvoirs, les CFP auraient des pouvoirs différents de ceux qu'ils auraient dans le contexte actuel.

Le Président: En question complémentaire, Mme la députée.

Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il qu'il n'y a donc aucune discussion formelle sur le dossier constitutionnel en matière de main-d'oeuvre et de formation professionnelle et qu'en matière d'ententes administratives le ministre a été informé par le fédéral de l'intention du gouvernement fédéral de se désengager de l'accord Canada-Québec sur la formation en établissement d'ici à 1994-1995? Et le gouvernement fédéral entend, d'ici à dès avril, réduire les achats de cours aux établissements publics. Est-ce que le ministre reconnaît qu'en matière d'ententes administratives, c'est plutôt la mésentente?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, les ententes administratives ont été renouvelées d'année en année depuis très longtemps. Les ententes actuelles sont en vigueur jusqu'au 31 mars prochain et on verra ce qui va arriver. Mais ce qu'il y a de nouveau, c'est que depuis ce temps-là le gouvernement du Québec a décidé de faire autre chose. Plutôt que de traiter ces ententes-là sur une base annuelle, le gouvernement du Québec a décidé de changer son fusil d'épaule, comme on peut dire, et de demander au gouvernement fédéral le rapatriement des pouvoirs. Ça change tout. Je ne suis pas pour commencer à négocier avec le fédéral sur une petite partie du gâteau quand je suis sur le point de réclamer dans les prochains mois la totalité du gâteau. Donc, je ne peux pas avoir deux politiques différentes. Ne me demandez pas de négocier des ententes partielles, alors que nous nous apprêtons à demander au fédéral le rapatriement de tous les pouvoirs en matière de main-d'?uvre.

Le Président: En question principale... Une voix: En additionnelle.

M. Brassard: En additionnelle, au premier ministre.

Le Président: En additionnelle, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je ne sais s'il a bien écouté son ministre. On verni bien, on va le tester.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît, sans commentaires.

Il est très difficile d'exiger des gens de ne pas donner de commentaires si on commence la question par donner un commentaire qui n'est pas admis au règlement. Je vous prierais d'aller directement avec une question additionnelle, sans préambule.

M. Brassard: Est-ce que la position du ministre et celle du gouvernement aussi qui consiste à exiger, comme il vient de le dire, le rapatriement des pouvoirs, la totalité des pouvoirs, donc en matière de formation professionnelle, de telle sorte que ça devienne une compétence exclusive du Québec, est-ce que c'est ça la position de son gouvernement? Et si c'est ça, le premier ministre pourrait-il nous expliquer, parce que c'est un peu mystérieux pour moi, comment il peut y arriver par le biais de discussions bilatérales? Si c'est ça, sa stratégie, présentement, comment peut-il y arriver par le biais de discussions bilatérales, alors que ça exige un arrangement constitutionnel et que le message d'Ottawa est très clair: Pas d'arrangement constitutionnel sur la base de discussions bilatérales? Expliquez nous ça, voir.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'admets que j'étais en discussion avec le ministre de la Sécurité publique pendant la réponse du ministre

responsable, mais je lui fais confiance. je fais un peu moins confiance à l'interprétation que peut lui avoir donnée le député de lac-saint-jean, et je pense que ce n'est pas étonnant. ce que je peux lui dire, c'est que c'est nous qui avons décidé de ne plus discuter à 11 sur le plan constitutionnel.

Par ailleurs, sur le plan bilatéral, nous avons déjà fait des gains dans le domaine de la main-d'oeuvre. J'ai dit hier que, si ma mémoire est bonne, par rapport aux entreprises de plus de 200 employés et de moins de 200 employés, il y avait une juridiction accrue, si je suis bien informé. C'est le ministre de l'Environnement qui était ministre à ce moment-là, il y avait une juridiction accrue qui était accordée au Québec. Nous poursuivons nos efforts, comme je l'ai dit hier et avant-hier. Nous sommes convaincus qu'il s'agit là d'un dossier fondamental pour l'avenir économique du Québec. On voit que les pays les plus dynamiques au monde - bien oui, mais je répète des choses que semble oublier le député de Lac-Saint-Jean - on constate que les pays les plus dynamiques, actuellement, en Occident, sont ceux qui ont accordé et accordent la priorité à la question de la formation de la main-d'oeuvre. Et c'est pourquoi nous poursuivons. C'est pourquoi, dans le budget du ministre des Finances, en mai dernier, il y a eu des crédits de plusieurs... 100 000 000 $ qui ont été accordés à cette fin-là. Alors, qu'on ne dise pas qu'on n'a pas prévenu. Hier, j'écoutais le ministre de l'Industrie et du Commerce...

Le Président: En conclusion.

M. Bourassa: ...répondre - j'ai lu son texte - au chef de l'Opposition. Je crois qu'on doit quand même admettre que le gouvernement a pris tous les moyens pour prévenir le ralentissement économique, essayer de l'atténuer. C'est évident que nous ne sommes pas responsables des facteurs internationaux mais, pour ce qui a trait au Québec, à date on a fait nos preuves.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Chicoutimi. (14 h 50)

Dossier de la francisation des immigrants

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mardi, en cette Chambre, nous avons pu constater que le gouvernement baigne dans la plus totale confusion dans le dossier de la francisation des immigrants: deux niveaux de gouvernement; quatre ministres supposés s'occuper de cette question; l'augmentation de la clientèle de quelque 12 %; une diminution de budgets fédéraux de 17 % et, au Québec, une enveloppe fermée, 45 % plus basse qu'elle ne l'était en 1987-1988; des attentes de six à neuf mois, nous dit la ministre des Communautés culturelles, attentes qui amènent 50 % des clientèles à perdre le goût d'apprendre le français. Une situation catastrophique, en fait, qui explique l'anglicisation de Montréal.

Ma question s'adresse au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Devant les conséquences extrêmement malheureuses de l'incohérence de l'action gouvernementale dans le programme de francisation des immigrants et des réfugiés, le ministre a-t-il l'intention de faire de cette question une priorité et a-t-il l'intention de prendre les moyens pour que les budgets requis y soient consentis?

Le Président: Alors, M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: Ma réponse est oui aux deux volets de la question. Pour moi, c'est une question très importante. Et d'ailleurs, comme ministre chargé de l'application de la Charte de la langue française, j'ai vu à ce que les crédits récurrents de 10 000 000 $ injectés pour la promotion de la langue française dans le budget du ministère, l'an dernier, soient affectés en très grande partie au développement de services d'encadrement, de soutien et d'accompagnement pédagogique dans l'enseignement primaire et secondaire et dans l'enseignement collégial, à l'intention des enfants et élèves de foyers immigrants. Je suis très heureux que ces crédits aient été reconduits pour le présent exercice. Et je pense que ma collègue, la ministre de l'Enseignement supérieur, aura le plaisir, au cours des prochains mois, d'être invitée dans plusieurs cégeps pour participer à l'inauguration et au bon fonctionnement de services de soutien aux élèves en provenance de milieux d'immigration.

En ce qui touche le problème soulevé hier, j'ai fait part à mes collègues, l'autre jour, à l'issue de la séance tenue en Chambre, de mon désir de collaborer avec les deux ministres chargés de l'éducation ainsi qu'avec la ministre de l'Immigration et ministre de la Main-d'oeuvre pour que nous trouvions ensemble une solution à ce problème-là, sans peut-être être obligés de recourir à une demande de crédits nouveaux au Conseil du trésor, ce qui nous vaudra l'appui du président du Conseil du trésor. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, en question complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, en question complémentaire qui s'adresserait au ministre de l'Éducation, est-ce que le ministre ne reconnaît pas que ses beaux discours de mardi ne pourront demeurer que lettre morte compte tenu que son prédécesseur lui a légué, en matière de

francisation des immigrants, une enveloppe fermée 45 % plus basse qu'elle ne l'était en 1987 et 1988? Et est-ce que le ministre a l'intention d'accorder à la CECM les budgets qui vont lui permettre d'accueillir les quelque 500 immigrants et réfugiés qui n'ont pu être reçus à la CECM, faute de budget?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: M. le Président, le discours demeure le même. La position du gouvernement du Québec, par la voie de chacun des ministres responsables des ministères concernés par le dossier de la francisation des immigrants, demeure une priorité. Suite à la rencontre que j'ai eue la semaine dernière, suite aux questions formulées par le député d'Abitibi-Ouest, j'ai eu encore hier soir et pas plus tard que ce matin d'autres discussions avec les fonctionnaires de mon ministère, mes sous-ministres notamment, qui sont pleinement d'accord avec les objectifs poursuivis par les membres du Conseil des ministres. Comme vous le savez probablement, Mme la députée, Mme la ministre des Communautés culturelles a un champ de juridiction et de responsabilités bien identifie dans son ministère; le ministère de l'Enseignement supérieur, même niveau de juridiction aussi. Le ministère de la Main-d'oeuvre a ses juridictions, notamment par les budgets alloués aux assistés sociaux, pour les mesures: d'employabilité et les 500 $ par année qui leur sont consentis pour suivre des cours. L'analyse me permet de constater que le succès du programme résultera possiblement, et ça je pourrai vous le confirmer la semaine prochaine, sur un manque de budget. Et si tel est le cas, comme je l'ai dit à mon sous-ministre ce matin, suite à l'aimable invitation formulée par le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, tout ce qui est humainement possible sera fait, en ce qui me concerne, comme ministre de l'Éducation du Québec, pour que ces bonnes gens qui veulent venir enrichir notre communauté puissent profiter d'une formation et apprendre le français. Je veux que ça soit clair, Mme la députée.

Le Président: Une question complémentaire, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: En clair, M. le Président, ça se traduit par combien? Quelle somme allez-vous donner à la CECM pour que, la semaine prochaine, ils puissent accueillir les immigrants dans le cours de français?

Une voix: Bravo!

Mme Blackburn: II y en a 500 qui attendent.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: La question, M. le Président, est pertinente, c'est le genre de question que j'aurais posée dans l'Opposition.

Mme Blackburn: C'est la réponse que je veux.

M. Pagé: La réponse? Vous me dites: Combien? Vous comprendrez, Mme la députée, qu'avant de vous confirmer le montant exact je dois recevoir, en début de semaine prochaine, le nombre exact de clientèles actuelles et éventuelles d'ici à la fin de l'année scolaire, donc d'ici au printemps 1991, ce qui affecte, évidemment, le budget gouvernemental 1991-1992. C'est seulement à partir de ce rapport que je recevrai en début de semaine prochaine que je pourrai établir les sommes qui devront nécessairement être affectées à la CECM. Et je vous le dirai, Mme la députée.

Le Président: Alors, en question principale maintenant, M. le député de La Prairie.

Application des recommandations du rapport Charbonneau

M. Lazure: Merci, M. le Président. On a vu, depuis quelques années, que la présence non contrôlée de déchets dangereux dans l'environnement constitue une menace sérieuse à la santé de la population, qu'il s'agisse de l'arsenic à Duparquet, en Abitibi, ou du plomb dans l'est de Montréal ou encore le même plomb à Saint-Jean, en Montérégie, ou encore des BPC en Montéré-gie, à Saint-Basile, ou sur la Côte-Nord, à Baie-Comeau. Depuis un an qu'il est en poste, le ministre de l'Environnement se refuse à présenter un plan d'ensemble pour décontaminer les sites où on retrouve des déchets dangereux. Son prétexte était tout trouvé: la commission Charbonneau étudie cette question; nous prendrons des décisions quand la commission Charbonneau fera rapport. Alors, M. le Président, le rapport Charbonneau a été rendu public la semaine dernière et le ministre l'a en main depuis plus d'un mois.

La question est très simple, j'espère que la réponse va être aussi courte que la question. Quand va-t-il constituer ce fonds de décontamination, ce fonds qui s'appelle dans le rapport, à la page 239, Fonds de réhabilitation des sites contaminés? Au lieu de continuer à jouer au pompier, va-t-il constituer, oui ou non, un fonds de décontamination et quand?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Dans un premier temps, vous me permettrez de reprendre quelques éléments du préambule du député de La Prairie. Lorsque le

député de La Prairie - vous allez comprendre pourquoi dans quelques instants - mentionne que le gouvernement n'a rien fait au cours de la dernière année et qu'il n'a fait qu'attendre, finalement, le dépôt du rapport de la commission Charbonneau, j'inviterais le député de La Prairie à retourner un peu dans le temps et à convenir avec nous, comme nous l'avons fait ce matin à l'occasion de l'étude des engagements financiers du ministère de l'Environnement, que c'est avec énergie que le ministère de l'Environnement du Québec est intervenu dans le cas de la Balmet, à Saint-Jean d'Iberville. Grâce à l'intervention du député de cette circonscription électorale et de l'action du ministère de l'Environnement, la décontamination des lieux est pratiquement terminée.

C'est également avec énergie que nous sommes intervenus dans la région de l'Abitibi en ce qui concerne ce que vous avez appelé le dossier de Duparquet, où on retrouve encore de l'arsenic. Dans chaque cas qui a été soumis au ministère de l'Environnement, nous sommes intervenus.

Maintenant, le rapport Charbonneau constitue une pièce maîtresse de l'intervention gouvernementale. Mes prédécesseurs avaient commandé le rapport Charbonneau et la commission Charbonneau s'est acquittée de son travail. C'est la première occasion que j'ai, en cette Chambre, de remercier les membres de la commission, qu'il s'agisse des commissaires, M. Délisle et M. Dulude ou de Mme Gélinas, du vice-président, M. Lalande, ou du président comme tel, M. Charbonneau. Le gouvernement a déjà indiqué son intention de donner suite à plusieurs dés recommandations du rapport Charbonneau et, comme l'indiquait également le député de La Prairie ce matin, certaines de ces recommandations vont même dans le sens du programme du Parti libéral du Québec en matière environnementale. Lorsque tout coïncide, c'est d'autant plus facile d'application.

Le Président: Alors, en complémentaire, M. le député de La Prairie.

M. Lazure: Est-ce qu'il se rend compte, le ministre, qu'il vient de confirmer une remarque de la commission Charbonneau, et je cite: "Le manque de volonté politique est vu comme la raison principale des difficultés graves observées dans la gestion des déchets dangereux." Est-ce qu'il vient de se rendre compte qu'encore une fois je lui ai demandé s'il était pour mettre à jour et rendre public un plan d'ensemble pour décontaminer l'ensemble des sites et non pas jouer au pompier? Est-ce que, oui ou non, il va créer le fonds de décontamination?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Environnement. (15 heures)

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. En matière de décontamination des sols, le gouvernement a entrepris une action à trois volets. Je rappellerai bien humblement au député de La Prairie que, dès l'automne dernier, alors que Lucien Bouchard occupait le poste de ministre fédéral de l'Environnement et suite à une conférence fédérale-provinciale des ministres de l'Environnement tenue à l'île-du-Prince-Édouard, M. Bouchard a annoncé, à l'époque, un fonds de décontamination de quelque 250 000 000 $ pour l'ensemble canadien, pour les sites orphelins. Et nous partageons 50 % des dépenses dans le cadre de ces travaux de décontamination. deuxième geste du gouvernement du québec en matière de décontamination des sols. à la session qui s'est terminée au mois de juin dernier, l'assemblée nationale a adopté ici unanimement, au moins en ce qui a trait au principe, le projet de loi 65 qui fait en sorte que les gens qui sont responsables de la contamination de leur site doivent payer pour la décontamination du site. !l s'agit là du deuxième geste posé par le gouvernement du québec. et le troisième geste - nous nous étions engagés à le faire au moment de l'adoption du projet de loi 65 - est la création d'un fonds de décontamination là où le propriétaire n'est pas responsable de la contamination. c'est ce que le rapport charbonneau nous recommande de faire, c'est ce que nous avions dit que nous ferions au moment de l'adoption du projet de loi 65 et c'est ce que nous allons faire, je l'espère, avec l'appui de l'opposition.

Des voix: Bravo!

Le Président: En complémentaire.

M. Lazure: Puisque le ministre ne répond pas à la question, je lui en pose une autre, très courte aussi, très courte. Est-ce que le ministre va donner suite à la recommandation 90 du rapport Charbonneau qui dit ces trois lignes: "Que les exploitants de mines - surtout en Abitibi-Témiscamingue - soient obligés de créer un fonds servant à assurer la fermeture et la stabilisation sécuritaire des parcs." Autrement dit, quand les mines ferment, si on leur fait mettre de côté un fonds pour que les dépôts miniers, les parcs de résidus miniers soient nettoyés de leurs déchets dangereux, est-ce que le ministre va donner suite à cette recommandation 90? Oui ou non?

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Le député de La Prairie me permettra de lui rappeler que le rapport Charbonneau contient - il est volumineux - quelque 500 pa-

ges, quelque 153 recommandations. Je n'ai pas d'objection qu'à chaque période de questions et à plusieurs reprises, le député de La Prairie se lève: Est-ce que le ministre va donner suite à la recommandation no 2, à la recommandation no 4, à la recommandation no 55? En ce qui concerne la création d'un fonds de décontamination, j'ai répondu à la question précédente. En ce qui concerne l'ensemble des recommandations, peut-être que ça va vous permettre de sauver du temps et on pourra continuer cet après-midi, aux engagements financiers...

Le Président: M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...le gouvernement a l'intention de donner suite aux recommandations d'ordre général qui nous recommandent un renforcement de la législation. Oui, nous allons continuer à renforcer la législation en matière environnementale. La commission précise les rôles du secteur public et privé. Oui, nous avons l'intention d'aller dans le sens...

Le Président: M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...des recommandations de la commission.

Une voix: Question de règlement.

Le Président: Sur un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

Une voix: En principale.

M. Chevrette: M. le Président, ça presse, oui.

Le Président: II n'y a pas eu de question de règlement. Vous voulez en faire une, alors je vous écoute.

M. Pagé: Je vois que le leader de l'Opposition s'impatiente. C'est la preuve...

Le Président: bon. o.k. non, non. un instant! il n'y a pas de question définitive de règlement. il y avait une intention possiblement. le ministre avait terminé sa...

Des voix: Oui.

Le Président: Le ministre a complété sa réponse, je crois. Il s'est assis. Donc, je vais donner une question principale...

Des voix: Bravo!

Le Président: ...à Mme la députée puisque le temps de la période de questions achève, il reste à peine une minute, une question principale...

Mme Marois: Oui.

Le Président: Question de règlement, M. le ministre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je me suis assis au moment où le leader de l'Opposition s'est levé et que vous vous êtes levé.

Des voix: Allons!

Le Président: Je peux constater que la réponse a été satisfaisante; du moins, on avait assez de contenu à la réponse. Donc, je considère que la question est terminée et je donne une question principale.

Retombées économiques au Québec du projet Hibemia

Mme Marois: Merci, M. le Président. Le projet Hibemia fait actuellement couler beaucoup d'encre et non sans raison, on va en convenir. En effet, sur un projet de 5 200 000 000 $, le gouvernement fédéral va y contribuer à plus de 50 % et ce, sans que les chantiers maritimes du Québec, pourtant menacés de fermeture et de perte d'emplois, ne puissent y retrouver aucune garantie quant aux retombées concrètes de ce projet. Ce sont des centaines de millions qui iront à Terre-Neuve, des garanties... On a même aidé à construire une entreprise, un chantier, pour que Terre-Neuve ait les contrats. Il faut le faire! Le Québec a pourtant procédé à la rationalisation de ses chantiers maritimes demandée par le gouvernement fédéral. Tracy est menacé de 700 pertes d'emploi. Davie ne voit pas son avenir garanti.

Le Président: Votre question.

Mme Marois: Qu'est-ce que le ministre a obtenu quant aux retombées du projet Hibemia pour le Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais remercier la députée de Taillon pour sa question. Je déplore seulement le fait que le parti de l'Opposition ait décidé de la poser en dernière minute alors que je n'ai presque pas de temps pour y répondre.

Des voix:...

Le Président: Non, non. Alors, M. le ministre, à la question qui est posée, s'il vous plaît!

M. Tremblay (Outremont): Alors, très brièvement. Ce n'est pas que je n'ai pas la ré-

ponse, au contraire. Mais je voudrais en profiter pour féliciter quatre entreprises du Québec: SNC, Monenco, Atlas et Janin qui ont récolté les deux premiers contrats totalisant 1 700 000 000 $ qui vont engendrer pour le Québec des retombées minimums de 600 000 000 $ et la création de 600 emplois.

Des voix: Bravo! Bravol

M. Tremblay (Outremont): C'était la fin de la question de la députée de Taillon: Quelles sont les retombées économiques pour le Québec? Le premier volet - j'ai bien écouté la question - c'est: Qu'est-ce qu'il va y avoir pour les chantiers maritimes? Il y avait deux questions. J'ai de bonnes raisons de croire, indépendamment du libellé du projet de loi C-44, qu'un nombre de 2 000 000 d'heures ont été réservées pour des soumissions de chantiers canadiens. Les chantiers maritimes de Davie et de Tracy ont démontré hors de tout doute dans le passé leur compétence pour recevoir des contrats importants. D'ailleurs, ils viennent d'avoir, à la Davie, 22 000 000 $ en soumissions au niveau des États-Unis, des contrats de la marine américaine. Nous allons faire tous les efforts nécessaires pour maximiser le rendement des retombées d'Hibernia au Québec. Nous avons un minimum assuré. Nous allons continuer à travailler très fort pour les Chantiers maritimes au Québec.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de votes reportés. S'il vous plaît!

Au niveau des motions sans préavis, Mme la ministre des Affaires culturelles.

Félicitations à M. Réjean Ducharme, lauréat du prix Gilles-Corbeil

Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je sollicite le consentement de l'Assemblée afin de proposer la motion sans préavis suivante: "Que l'Assemblée nationale félicite chaleureusement M. Réjean Ducharme qui s'est vu décerner le premier prix de littérature Gilles-Corbeil."

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour débattre de cette motion? Consentement. En requérant la collaboration de l'ensemble des députés s'il vous plaît. Alors, Mme la ministre des Affaires culturelles, vous avez la parole.

Mme Liza Frulla-Hébert

Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président. J'aimerais aujourd'hui rendre hommage à l'écrivain québécois Réjean Ducharme qui s'est mérité le premier prix de littérature Gilles-Corbeil.

Au nom de tous les membres de l'Assemblée nationale et en mon nom personnel, je tiens à le féliciter sincèrement. D'autant plus que ce prix littéraire est l'un des plus prestigieux après le célèbre Nobel de littérature. C'est un honneur pour le Québec que ce prix soit attribué à l'écrivain Réjean Ducharme. Sa contribution au monde de la littérature est fort importante et il convient de souligner l'extraordinaire qualité de ses oeuvres. Pour n'en mentionner que quelques-unes: L'Avalée des avalés qui lui a valu le prix du Gouverneur général et Le Nez qui voque qui s'est vu décerner le prix littéraire du Québec. L'annonce de son septième roman Dévadé qui sortira à la fin du mois sera probablement l'un des événements marquants de la rentrée 1990.

J'aimerais également profiter de l'occasion pour le remercier de son apport à l'ensemble de la culture québécoise car, en plus d'être romancier et dramaturge, Réjean Ducharme s'est signalé au cours des dernières années, en tant que parolier, scénariste et peintre.

Comme je l'ai mentionné hier devant cette Assemblée, les créateurs sont la source première de notre culture et constituent le point de départ à d'autres projets déterminants pour la vitalité culturelle du Québec.

M. le Président, en terminant, je tiens à réaffirmer notre volonté gouvernementale à travailler sans relâche au développement de notre culture, affirmation ultime de notre spécificité culturelle et de notre identité québécoise. En ce sens, la contribution de M. Réjean Ducharme est remarquable. (15 h 10)

Encore une fois, au nom du gouvernement et en celui des membres de cette Assemblée, je tiens à le féliciter pour l'honneur qu'il s'est mérité et qui rejaillit sur tout le Québec.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, j'ai toujours dit: Écrire pour mieux dire. Et qui, M. le Président, a mieux dit en écrivant sur l'enfance, l'amour, l'amitié, la solitude et la communication qui sont les trames de fond de l'oeuvre littéraire de Réjean Ducharme?

Réjean Ducharme, M. le Président, originaire de la très belle région de Lanaudière, vous me permettrez de le souligner, est un romancier majeur. Six romans à son actif, dont L'Avalée des avalés, prix du gouverneur-général du Canada, et le Nez qui voque pour lequel il s'est mérité le prix littéraire du Québec. Réjean Ducharme a enrichi notre vie culturelle et littéraire d'une façon exceptionnelle. Six livres

au total, vous disais-je tantôt. Dramaturge, il a fait l'écriture de quatre pièces de théâtre. Scénariste, Réjean Ducharme a fait les scénarios de deux films dont l'un très célèbre, "Les bons débarras", film qui nous a permis non pas de faire allusion au parti d'en face, vous le comprendrez, mais qui nous a permis, M. le Président, de découvrir le talent merveilleux de Marie Tifo et de la jeune Marie Laurier qui fait partie de la continuité littéraire. Parolier de surcroît, il est également créateur de chansons, donc un artiste dans le sens le plus complet du terme, M. le Président.

En lui attribuant le prix Gilles-Corbeil dont je salue la mémoire, M. le Président, la Fondation Émile-Nelligan, qui est dirigée par mon bon ami Gaston Miron, et par le maire de Québec, M. L'Allier, couronne une oeuvre littéraire francophone riche en réflexions sur la condition humaine et la réalité québécoise. Je me réjouis avec l'ensemble de la population québécoise du succès de l'un des nôtres qui voit l'ensemble de son oeuvre couronnée, mais de son vivant, M. le Président. Premier lauréat de ce plus grand prix littéraire au Québec, Réjean Ducharme va recevoir une bourse de 100 000 $. À l'échelle du Québec, cette bourse est plus importante que n'importe laquelle qui est distribuée en Europe. Il est intéressant, d'une part, de voir qu'une fondation donne un coup de main à la création littéraire et à l'édition québécoise, alors qu'au même moment, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, réunis dans une sombre complicité, préfèrent quant à eux, donner un coup de pied à l'édition, M. le Président, en imposant le livre d'une TPS de 15 %.

Je ne peux passer sous silence la non-réponse de la ministre, hier, qui ne trouvait autre chose à dire qu'une étude était en cours depuis cinq ans, M. le Président, et trois ministres successives, c'est toujours la même réponse, malheureusement. Il y a, M. le Président, dans ce ministère, des études passées, présentes et sans doute à venir, en un tel nombre que je me demande si le titulaire de ce ministère a de la place pour s'asseoir dans ses locaux. Avec cette TPS dont nous exigeons le retrait pur et simple et non pas des mesures compensatoires toujours aléatoires - d'ailleurs une conférence de presse se tient actuellement à Montréal là-dessus - trois questions se posent: Qui va éditer Réjean Ducharme et tous les autres dans 10 semaines? Qui va les distribuer? Qui va les vendre? Combien de librairies vont survivre? Qui va les acheter puisque maintenant, pour la population québécoise, le livre est devenu un luxe surtaxé, alors que c'est le contraire, c'est l'accès à une littérature, à une culture et au savoir?

M. le Président, je pense que nous devons dire bravo à M. Ducharme. Et je me permettrais une petite pointe d'humour envers notre ami Réjean Ducharme en lui disant: Réjean, pourriez- vous réactualiser votre photo et nous en donner une un petit peu plus récente? Ceci dit avec beaucoup d'amitié, et en nous souhaitant tous bonne chance dans cette grande bataille pour l'abolition de la TPS libérale provinciale qui est imposée aux livres. Réjean, de nouveau, mes meilleurs voeux, félicitations et, de grâce, continuez malgré la traversée un peu pénible que nous avons actuellement. Mais nous gagnerons puisque nous avons des talents comme le vôtre et les nombreux autres qui existent au Québec. Je vous remercie, M. le Président.

Le Président: Sur cette même motion, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. Au nom des membres de notre formation politique, je veux joindre ma voix à celle de la ministre des Affaires culturelles afin de rendre hommage à cet homme de lettres. Voulant souligner toute l'oeuvre de Réjean Ducharme, les membres de la Fondation Émile-Nelligan lui ont remis le prestigieux prix littéraire Gilles-Corbeil. Je voudrais profiter de l'occasion pour commenter à propos de l'importance que doit jouer ce prix sur la diffusion d'oeuvres en langue française à travers l'Amérique du Nord. La présence d'un comité de langue française sur le continent nord-américain doit-elle encourager de toutes les façons possibles? Le prix littéraire Gilles-Corbeil est un exemple concret et il permettra de récompenser un auteur canadien ou américain pour son oeuvre écrite en français. Et l'importance de la bourse assurera la notoriété du prix pour les années à venir. Nous sommes heureux et fiers, M. le Président, comme Canadiens et Québécois, de l'existence de ce prix littéraire et nous félicitons le premier récipiendiaire. Merci, M. le Président.

Le Président: Le débat étant terminé, est-ce que cette motion de félicitations à M. Réjean Ducharme, présentée par Mme la ministre des Affaires culturelles, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Maintenant, aux motions sans préavis toujours, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, avant de demander le consentement et de déposer ma motion sans préavis en vertu de l'article 86, comme leader, je peux informer cette Chambre, d'ailleurs, il me fait plaisir d'informer cette Chambre que je déposerai dans les prochains jours, à l'article b en préavis au feuilleton d'aujourd'hui, soit la Loi modifiant la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, en souhaitant qu'elle puisse être adoptée

dans les meilleurs délais, afin d'être certains que M. Serge Turgeon, le président de l'Union des artistes, soit membre de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Entre-temps, M. le Président, je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion suivante au nom du premier ministre du Québec: "Que, conformément au sous-paragraphe e) du troisième paragraphe de l'article 5 de la Loi instituant la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, M. Guy D'Anjou, président de la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec, soit nommé membre de ladite commission."

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la présentation de cette motion?

Une voix: Non, non.

Le Président: II n'y a pas de consentement.

Une voix: Merci.

Le Président: II n'y a pas de consentement. Vous avez une question de règlement?

Une voix: Non, j'ai une autre motion.

Le Président: Une autre motion. Très bien. Aux motions sans préavis, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Je sollicite le consentement de cette Chambre pour que l'Assemblée adopte la motion suivante: "Que l'Assemblée nationale demande au gouvernement du Québec de désigner sans délai M. Serge Turgeon, président de l'Union des artistes, comme représentant des milieux culturels au sein de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec conformément aux nombreuses recommandations émanant de façon unanime de l'ensemble des milieux culturels en faveur de la candidature de M. Turgeon."

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à ce que nous débattions cette motion? M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, sur une question de directive ou de règlement ou encore sur... Dans un premier temps, sur une question de règlement, parce que, en vertu des dispositions de l'article 5, 3°, M. Turgeon que l'on veut nommer doit être nommé sur proposition du premier ministre.

M. Chevrette: Question de règlement.

Le Président: Un instant, je dois comprendre. J'ai une question de règlement qui m'est soumise. Mais sur votre question de règlement...

M. Chevrette: M. Turgeon que l'on veut nommer, M. le Président, ce n'est pas dans la motion, ça. M. le Président, il veut expliquer que lui, il veut amender la loi... (15 h 20)

Le Président: Oui, un instant. Une minute, je suis debout. Un instant, je suis debout, M. le leader de l'Opposition. Je veux clarifier une situation. Il semble qu'il y ait incompréhension. J'ai compris, du sens de la motion présentée par le député de Lac-Saint-Jean, qu'il demandait dans sa motion que l'Assemblée nationale recommande au premier ministre de faire une recommandation pour désigner une personne à la commission. Ce qui est pleinement, en vertu des pouvoirs de l'Assemblée, au niveau des motions sans préavis. L'Assemblée ne pourrait pas proposer une personne à être nommée à la commission, mais il est possible que l'Assemblée puisse recommander au premier ministre de faire une nomination. Ça, c'est possible. C'était la question qu'on se posait. Je pense que c'est valablement proposé. Cette motion est recevable, pleinement recevable.

Maintenant, ma question est la suivante: Est-ce qu'il y a consentement pour que nous débattions cette motion?

M. Pagé: Je vais vous demander une directive.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: C'est de droit tout à fait nouveau. C'est une situation tout à fait nouvelle. Premièrement, la motion...

M. Chevrette: Sur une question de règlement.

Le Président: Écoutez...

M. Chevrette: Sur la demande de directive, j'ai une question de règlement.

Le Président: Je vais prendre une chose à la fois. Avant de poser une question de règlement sur la demande de directive, je dois au préalable, moi-même, entendre la demande de directive qui m'est proposée. Je vais vider une question et je vais en vider une autre. Un instant. Vous avez une question de règlement. Avant la demande de directive, je vais entendre votre question de règlement, pas sur la directive, sur une question de règlement.

M. Chevrette: Une question de règlement, M. le Président, c'est quand une motion sans préavis est proposée - le leader du gouvernement le sait - et qu'elle est jugée recevable par la présidence. Il n'y a pas de directive, il n'y a pas de ci, ni de ça. C'est: Est-ce qu'il y a consentement ou pas? Après ça, s'il veut parler, sur une

demande de directive, il pariera. Mais la question que la présidence doit poser, clairement, en vertu de nos règlements, c'est: Y a-t-il consentement ou pas? Les petites stratégies de demande de directive, je les connais tout autant que lui. On n'interviendra pas sur le fond de cette motion, sinon, M. le Président, je vais faire mon discours, moi aussi, sur l'autre qu'il a proposée.

Le Président: Exactement. C'est ce que la présidence a dit, si vous aviez écouté mes propos. Le député a posé une question, une possibilité de présenter une motion sans préavis, ce que je lui accorde. Le leader s'est interrogé sur la recevabilité d'une certaine façon, ce que j'ai compris de ses propos. Et je lui ai dit que la question était recevable. Maintenant, vous voulez poser une question de règlement, la question de règlement à l'effet que je dois demander s'il y a consentement de la débattre. C'est ce que j'ai fait. J'ai dit: Est-ce qu'il y a consentement à débattre cette motion? Le leader se lève. Il me demande, avant que j'entende une réponse, une directive. Vous comprendrez que la présidence ne peut présumer de la question qui sera posée. Je dois au minimum l'entendre. J'ai demandé formellement: Est-ce qu'il y a consentement à la débattre? Si la demande de directive veut porter sur le fond de la motion présentée par le député de Lac-Saint-Jean, je me lèverai et j'arrêterai immédiatement le leader du gouvernement, c'est évident. Il ne peut débattre la question de fond, à moins qu'il ne donne son consentement pour que nous débattions la motion du député de Lac-Saint-Jean. Je pense que j'ai été très clair là-dessus. Mais j'ai une directive qui m'est demandée, je suis obligé de l'entendre. M. le leader du gouvernement, sur votre demande de directive.

M. Pagé: Très brièvement, en respectant strictement le règlement. Compte tenu que j'ai indiqué mon intention comme leader du gouvernement d'amener un projet de loi... Attendez un peu. Compte tenu que j'ai manifesté l'intention de nommer les deux personnes auxquelles nous venons tous les deux de nous référer, est-ce que la motion, sans préavis à ce moment-là, est acceptable, premièrement? Deuxièmement, une autre qui, elle, se réfère davantage à la procédure. Parce que je suis prêt à dire: Oui, la loi, on la passe, un, deux, trois. Et votre motion, on l'accepte, on la débat. Mais est-ce que le fait de débattre la motion, ça retarde... Qu'est-ce qui arrive de la motion qui est présentée par l'Opposition officielle pour blâmer le gouvernement aujourd'hui?

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que la motion sans préavis...

Le Président: ...question, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président. Il vous demande si c'est recevable par le fait qu'il a annoncé ses intentions de présenter une législation. Pour l'information du député de Portneuf et leader du gouvernement, il y a non seulement des intentions, il y avait eu des engagements fermes de pris entre les chefs de parti, M. le Président. Ces intentions fermes, ces ententes ont sauté par-dessus bord. Et aujourd'hui, après que M. Turgeon lui-même eut reçu le O.K. du premier ministre, on procède d'abord par D'Anjou, en nommant D'Anjou, des commissions scolaires, et on essaie de faire croire qu'on va amender pour Turgeon. On ne prend pas de chance dans cette Chambre, nous, M. le Président. Ceux qui n'ont pas respecté les ententes préalables paieront pour.

M. Pagé: M. le Président, vous allez me permettre la même latitude...

Le Président: Sur la question, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, il y a un projet de loi qui est en préavis au feuilleton. Le projet de loi prévoit très clairement, très spécifiquement l'ajout d'un membre au sein de cette commission, le nombre total passant de 35 à 36. La volonté du gouvernement, c'est de nommer à la fois le président de la Fédération des commissions scolaires du Québec et le président de l'Union des artistes du Québec. Nous sommes prêts à passer la loi, un, deux, trois. Et les deux pourraient siéger la semaine prochaine.

La Président: Bon, alors sur la question de règlement M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Nous, les intentions du gouvernement, là, on n'a pas à s'en soucier pour le moment. Ce qu'on sait, c'est que d'après la loi qui crée la Commission sur l'avenir constitutionnel et politique du Québec il y a un poste de libre qui n'est pas comblé, et ma motion va dans le sens de le combler par la nomination de Serge Turgeon.

Une voix: C'est ça. Une voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Vous comprendrez quand même que votre motion n'est pas de nommer M. Turgeon, mais de recommander au premier ministre de nommer M. Turgeon. Il faudrait clarifier les choses. À la demande de directive qui m'est posée par le leader du gouvernement, la première question: Est-ce que cette motion-là est recevable? La réponse est oui, nonobstant le projet de loi que vous devez présenter. Et la deuxième question, c'était de savoir: Qu'arrive-t-il de la motion de cet après-midi? Bien, la

motion de censure présentée par l'Opposition officielle est une motion qui arrive aux affaires du jour. Quand nous serons rendus aux affaires prioritaires, nous allons l'appeler, mais tant que je ne suis pas rendu là, je ne peux l'appeler. Donc, est-ce qu'il y a consentement à débattre la motion présentée par l'Opposition officielle, par le député de Lac-Saint-Jean? Il n'y a pas de consentement. Oui, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je demande le consentement suivant, à ce moment-ci de nos procédures: Je demande au leader parlementaire de l'Opposition et à l'Opposition officielle de nous donner le consentement pour que le projet de loi en préavis puisse être déposé immédiatement; que la deuxième lecture et la troisième lecture soient effectuées et acceptées immédiatement, de sorte qu'avant de partir pour la fin de semaine, tant M. Turgeon que M. le président de la Fédération des commissions scolaires pourraient être en fonction. C'est ça l'objectif du gouvernement.

Une voix: Non, non.

M. Chevrette: M. le Président.

Le Président: Alors, sur une demande de consentement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, là, les petits pièges de M. le député de Porneuf, je les vois venir avec des souliers de bois sur du terrazzo. S'il vous plaît, déposez-donc votre loi conformément aux règlements. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser passer le fait que vous avez mis fin à une entente. Déposez votre loi et on va la traiter comme toutes les législations. Pas de consentement.

Le Président: Donc, il n'y a pas de consentement. Ceci met fin à cette question. Maintenant...

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît. Aux motions sans préavis, toujours, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Oui. Je demande le consentement de cette Assemblée pour déposer la motion suivante: Que l'Assemblée nationale du Québec redemande au premier ministre de nommer un membre de la communauté autochtone pour siéger sur la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, après consultation avec le chef de l'Opposition officielle et l'ensemble des députés indépendants.

Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à débattre cette motion? Il n'y a pas de consentement. Est-ce qu'il y a d'autres motions sans préavis? Il n'y a pas d'autres motions sans préavis.

Donc, maintenant, aux avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement, avis touchant les travaux des commissions.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Pagé: Bon, M. le Président, vous me voyez très déçu. M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes, jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration complétera sa consultation générale sur le document intitulé: "Le courtage immobilier".

Le Président: Alors, très bien, M. le leader du gouvernement. J'ai moi-même les avis suivants à transmettre: Je vous avise que cet après-midi, après les affaires courantes, jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 22 heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des équipements se réunira afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère de l'Environnement pour les mois de décembre 1989 à juillet 1990 inclusivement. Mardi prochain, le 23 octobre 1990, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif, la commission du budget et de l'administration se réunira afin de procéder à une consultation générale et à des consultations particulières dans le cadre de l'étude de l'opportunité de maintenir en vigueur, ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur la fonction publique.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée

Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, j'informe les députés que l'interpellation prévue pour le vendredi 26 octobre 1990 portera sur le sujet suivant: La relance de l'économie et de l'emploi à Montréal. Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve s'adressera alors à M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, et président du Conseil du trésor. Je vous avise également que ce soir, à 18 heures, il y aura sanction de projets de loi au cabinet du lieutenant-gouverneur. Il n'y a pas de question? Ceci met donc fin à la période des affaires du jour.

Nous allons maintenant procéder à la période des affaires courantes. Et aux affaires courantes, aux affaires prioritaires, nous avons une motion à débattre, une motion de censure présentée par M. le leader de l'Opposition officielle. (15 h 30)

Motion de censure proposant que l'Assemblée

blâme le gouvernement de ne pas avoir su

prévenir le conflit armé à Oka, Kanesatake

et Kahnawake et de ne pas y avoir assumé

un leadership politique et moral

La motion qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement libéral, d'une part, pour ne pas avoir su prévenir le conflit armé qui a éclaté cet été, à Oka, Kanesatake et Kahnawake, en ne donnant aucune suite à la déclaration solennelle de l'Assemblée nationale du 20 mars 1985 sur les droits des communautés autochtones et en tolérant, en pleine connaissance de cause, l'accumulation massive d'armes prohibées sur certains territoires et réserves et, d'autre part, pour avoir complètement failli à ses devoirs les plus fondamentaux au cours de cette crise, soit ceux d'assumer un leadership politique et moral, d'informer, de rassurer et réconforter les milliers de citoyennes et citoyens directement touchés et enfin, de maintenir, tant au Québec qu'à l'extérieur, la crédibilité de l'État québécois et de ses institutions."

Ce débat-là aura cours jusqu'à la fin de nos travaux, ce soir, à 22 heures. Suite à une rencontre avec les leaders parlementaires des deux formations politiques, et tenant compte de la présence des députés indépendants, le temps pour la discussion de cette motion sera partagé de la façon suivante: un temps de 15 minutes est réservé pour la réplique de l'auteur de la motion, M. le leader de l'Opposition officielle, 20 minutes seront réservées pour l'ensemble des députés indépendants, et le reste du temps sera partagé également, moitié-moitié, entre l'Opposition officielle et le groupe ministériel. Étant entendu que ce sont des enveloppes, à l'intérieur des enveloppes, il n'y a aucune limite de temps. Et le temps qui ne sera pas pris par un parti pourra accroître à l'autre parti.

Également, j'informe immédiatement l'Assemblée que, tel qu'on m'en a avisé lors de la rencontre des leaders, un vote enregistré sera demandé sur cette motion, et le vote enregistré sera reporté à la prochaine période des affaires courantes, soit mardi prochain. En conséquence, le débat se déroulera jusqu'à 22 heures inclusivement, jusqu'à la fin de nos travaux. Je suis donc maintenant prêt, comme premier intervenant sur le débat, à reconnaître l'auteur de la motion, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Depuis quelques jours, le gouvernement essaie de faire croire qu'il fut une victime des événements de cet été, que sa responsabilité est tout à fait inexistante. Ce même gouvernement tente de faire croire que cet événement qui s'est produit cet été était tout à fait imprévisible, d'une ampleur tout à fait inattendue. Il a fait même plus, il essaie de donner l'impression que cette crise-là est quasi le fruit de la spontanéité. Somme toute, le gouvernement est fort heureux que cela se soit terminé sans effusion de sang, dit-il, pour reprendre la phrase du ministre de la Sécurité publique. C'est comme si l'agent Lemay n'avait pas de sang dans les veines ou que les policiers, les militaires et même des autochtones n'avaient pas été blessés.

Et pourtant, pour reprendre une formule connue, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le gouvernement actuel fut et demeure le grand responsable de ce qui s'est passé. Il a accumulé erreur sur erreur, commis bourde sur bourde, avant, pendant et après cette crise. Il a laissé nos institutions en lambeaux, des familles dévastées dans ce qu'elles avaient de plus cher, des commerces et des entreprises en faillite. Il a détruit toute base de relations harmonieuses entre Blancs et autochtones. Cela va prendre des années pour réparer tes pots cassés, panser les plaies et remonter le moral. Il a beau avoir remanié les ministères-clés, tous les joueurs siègent encore au Conseil des ministres. Tout ce qu'on a fait, c'est qu'on a déplacé le mal de place. On a modifié, purement et simplement. Les éléments qu'on avait, on les a changés de place. Tous sont solidaires et responsables comme gouvernement. C'est pourquoi, collectivement, on n'a pas le choix, ils doivent être blâmés.

Aussi, j'invite les parlementaires à s'exprimer bien au-delà des lignes partisanes, comme l'a fait, par exemple, le député d'Anjou. Et j'invite les députés à démontrer que l'Assemblée nationale ne peut pas accepter une telle conduite d'un gouvernement. Bien sûr, me direz-vous, les images valent mille mots. À la suite de toutes les scènes qu'on a vues cet été, à la télévision et dans les journaux, je sais profondément que la population du Québec est fort mécontente, est fort malheureuse et même fort outrée. Dans le fond, je n'aurais quasiment pas l'obligation de faire une grande démonstration pour prouver que ce vote de blâme est tout à fait mérité. Je n'aurais qu'à rappeler purement et simplement les images, les reportages radiophoniques et les "clippings" de presse pour bien démontrer que ce gouvernement mérite un blâme sévère. Cependant, en raison de nos règles du Parlement, je vais quand même prendre un certain temps pour expliquer le pourquoi de cette motion de censure.

Tout d'abord, quand on vous dit, au tout début de cette motion de censure: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement libéral, d'une part, pour ne pas avoir su prévenir le conflit armé qui a éclaté cet été, à Oka, à Kanesatake et Kahnawake, en ne donnant aucune suite à la déclaration solennelle de l'Assemblée nationale du 20 mars 1985 sur les droits des communautés autochtones et en tolérant, en pleine connaissance de cause, l'accumulation

massive d'armes prohibées sur certains territoires et réserves", je vais commencer par cette partie, M. le Président.

M. le Président, le gouvernement est responsable parce qu'il savait, parce qu'il savait à peu près tout. C'est pour ça qu'il faut, dès le départ, établir la responsabilité du gouvernement. On n'est pas responsable de quelque chose quand on ignore quelque chose et qu'il se produit quelque chose. Mais quand on n'ignore pas les faits, quand on connaît les faits, quand on sait tous les faits et qu'on n'a rien fait pour éviter que ces faits-là ne dégénèrent en une crise, c'est la la responsabilité de l'État. C'est pour ça que j'affirme, dès le départ, que le gouvernement est responsable parce qu'il savait.

Le gouvernement a complètement ignoré la déclaration de l'Assemblée nationale de 1985 qui jetait les bases d'une négociation fructueuse avec les nations autochtones, il n'a rien foutu, et je laisserai à mon collègue de Duplessis le soin d'élaborer davantage sur cet aspect. Le député de Duplessis démontrera, à la suite de mes propos, jusqu'à quel point on a fait fi de toutes les motions passées à l'Assemblée nationale qui étaient susceptibles de jeter les bases d'une discussion saine amenant des relations harmonieuses entre Blancs et autochtones. Mais ce gouvernement-là, depuis cinq ans, depuis 1985, n'a absolument rien fait, n'a absolument rien foutu.

Il n'ignorait pas non plus, M. le Président, le gouvernement savait qu'une situation explosive existait au sein des trois communautés mohawks du Québec. Un mémoire au Conseil des ministres les avait prévenus au moins un an auparavant. Je le montre au public, ici. Ce mémoire-là n'est pas signé par les péquistes; ce mémoire-là n'est pas signé par un député. Ce mémoire-là a été signé par le ministre responsable du dossier autochtone, M. Savoie, député d'Abitibi-Est, en juin 1989; en juin 1989, je le dis bien, M. le Président. Donc, il était au courant, d'où sa responsabilité. Écoutez bien cela, à part ça. Que dit M. Savoie dans son mémoire au Conseil des ministres, ou le député d'Abitibi-Est ou le ministre responsable du dossier autochtone? Il dit ceci et je cite: "II est même à prévoir une augmentation des tensions si aucune solution n'est apportée au problème de fond. Kahnawake - dit-il, toujours dans le mémoire - est sans doute là où la situation peut être qualifiée de très sérieuse. La force croissante de la Société des guerriers, la présence massive d'armes à feu sont autant d'éléments qui risquent d'augmenter les tensions." (15 h 40)

Est-ce que le gouvernement le savait, M. le Président? Il le savait; il savait ça. Le ministre responsable leur avait tout dit ça. Il leur avait dit ça, cependant, quatre ans seulement après qu'on eut jeté les bases pour régler les questions de fond, comme le dit si bien le ministre responsable du dossier autochtone.

M. le Président, c'était au moins un an avant l'assaut sur les barricades. Le gouvernement avait déjà reçu deux avertissements sérieux. Rappelez-vous, en 1988, alors que les autochtones bloquaient le pont Mercier, tous avaient pu mesurer l'ampleur de leur force à ce moment-là, M. le Président. Ce n'était pas nouveau, ça; ce n'est pas une surprise, ça. En avril 1990, de véritables fusillades éclatent à St Regis. C'était avant le mois de juillet, ça. Deux Mohawks sont tués, M. le Président. Par la suite, le gouvernement est demeuré immobile encore. Son inaction à la suite des événements de St Regis méritait à elle seule une motion de blâme. Le gouvernement ne pouvait pas non plus ignorer que, depuis le 11 mars 1990 - on est loin du 11 juillet, là encore, avril, mai, juin, juillet, quatre mois avant - déjà, des Warriors avaient élevé une barricade dans la municipalité d'Oka.

Donc, M. le Président, le gouvernement savait. Par trois fois, la municipalité d'Oka s'était adressée au tribunal pour obtenir une injonction. Le gouvernement était tellement au courant, M. le Président, de tous ces faits que le prédécesseur du ministre de la Sécurité publique avait dit, le 5 juillet, six jours avant l'événement: Écoutez bien, s'ils ne respectent pas l'injonction, je pense qu'ils ont jusqu'à lundi pour obéir, sinon ça va descendre, M. le Président. Il disait ça sur les ondes de CJMS, M. le Président. Et M. Proulx, de pousser plus loin sa demande d'information: Donc, si vous attendez à l'échéance de l'injonction, donc demain, dit-il, il va falloir, n'en déplaise aux Indiens, que la police passe à l'action. M. Elkas, parce que c'est le "transcript" tel quel que je lis, le ministre de la Sécurité publique répond: Ah! Oui! Et vous savez, M. le Président, depuis trois jours qu'on questionne, si on savait ce qui se passait, si on savait ce qui s'en venait. Et ils ont su ça, le 16 octobre au matin, que la police s'en venait. Pourtant, le ministre responsable du temps a dit: Ah! Oui! Ça va y être. Qui croire, M. le Président? C'est effrayant! C'est épouvantable! C'est incroyable d'essayer de faire croire au monde autant de choses. Qu'on dise donc la vérité, toute la vérité, M. le Président.

Le gouvernement était aussi au fait de la situation que le ministre responsable du dossier des autochtones, le député de Mont-Royal, lançait le lundi, 9 juillet... Deux jours avant, qu'est-ce qui se passait? Le ministre responsable des autochtones disait, dans une lettre qu'il adressait au maire: De grâce! De grâce! Pour votre terrain de golf, y a-t-il moyen qu'on mette ça sur la glace un petit peu et qu'on prenne le temps de se parler parce que ça risque de dégénérer en quelque chose de pas beau? C'est très sérieux ça, M. le Président.

Le ministre délégué aux Affaires autochtones le savait et il demandait une intervention. Le ministre délégué aux Affaires autochtones avant le député de Mont-Royal, celui qui a précédé le député de Mont-Royal, lui, avait pris

la peine d'écrire tout un mémoire au Conseil des ministres en juin 1989. St Regis; les barricades en mars. Tout s'est fait, M. le Président et on essaie de savoir ce qui se passait. Dans le fin fond, M. le Président, je vous le dirai tantôt ce qui s'est passé. Que dire du ministre et député de Portneuf qui, par intérim, a occupé les fonctions de ministre de la Sécurité publique durant les vacances du ministre de la Sécurité publique? Qu'est-ce qu'il disait, lui, et déclarait au matin des événements? Ça faisait une semaine qu'il y avait possibilité d'une intervention policière, M. le Président. Et, bien sûr, vous avez eu toute la kyrielle, M. le Président. On s'est trouvé, après 90 jours... Une belle façon de s'en sortir, c'est la chef de cabinet adjointe du ministre de la Sécurité publique du temps qui va passer pour la grande responsable, M. le Président. La grande responsable, qu'on félicitait hier à tour de bras, après avoir dit la veille: S'il fallait que ça arrive dans mon cabinet, moi, ce serait ma botte au derrière et dehors!

M. le Président, un gouvernement qui est si petit, au point de ne pas vouloir partager les responsabilités de ses propres décisions et qui trouve des boucs émissaires, des simples employés... C'est la troisième fois, M. le Président, que ce gouvernement en cette Chambre, quand il est pris à ne pas trouver de réponse, met la faute sur des employés politiques. Rappelez-vous quand on a parlé de patronage dans le placement de la Baie James, le chef de cabinet du député de Mont-Royal, alors ministre de l'Énergie et des Ressources, a été congédié, M. Painchaud. On a dit: Dehors! Rappelez-vous quand l'Opposition a questionné, M. le Président, et puis qu'on s'est mis à parler du patronage dans le placement au ministère des Transports à la voirie, on a dit: C'est un petit documentaliste! Un petit documentaliste qui avait pris l'initiative, imaginez-vous, d'envoyer des fax avec des noms pour faire placer du monde dans la voirie, des gens de Charlesbourg.

Et là, hier, là, c'est encore une employée politique, Me Hélène Ménard, qui a été jugée assez bonne, cette femme-là... C'est une avocate de quelque 20 années. Ça fait cinq ans qu'elle est au cabinet du Solliciteur général. Elle a commencé avec M. Latulippe et a succédé à tous ceux qui se sont succédé sur ces postes. Elle est demeurée au cabinet parce qu'elle était d'une efficacité, d'une loyauté et d'une franchise. Et là, on dit: Tu as fait une erreur de jugement. M. le Président, on tente de faire croire que cette femme n'a pas rempli son devoir alors que, dans les faits, M. le Président, on sait très bien que M. le député de Portneuf savait qu'il arriverait quelque chose, que le député de Mont-Royal savait qu'il arriverait quelque chose, que le ministre de la Sécurité publique savait qu'il arriverait quelque chose. Ce qu'ils ne savaient pas, c'était peut-être le moment précis ou l'heure précise, M. le Président. Mais ça allait de soi parce qu'à l'époque, quand on rencontrait les ministres dans les corridors, qu'est-ce qu'ils nous disaient, qu'est-ce qu'ils nous disaient? Il y a deux écoles de pensée au Conseil des ministres, il y a le groupe minoritaire du député de Mont-Royal, piloté par le député de Mont-Royal qui, lui, favorise la voie de la négociation, et il y a un autre groupe, un peu plus nombreux, qui favorise la solution policière. Et ça, c'étaient les ministres, individuellement, qui nous disaient ça. Il y en a même qui allaient jusqu'à dire: Je connais Ciaccia, il veut tout donner aux autochtones. Vous allez nous faire accroire aujourd'hui que ça ne se discutait pas? Vous allez nous faire accroire qu'on ne savait pas qu'au Conseil des ministres il y avait deux groupes? Vous allez nous faire accroire qu'on ne sait pas que c'est le groupe qui avait la solution policière qui a gagné et que c'est ça qui a été appliqué et que c'était tout normal que ce soit ça qui se fasse? M. le Président, c'est exactement ça qui s'est passé. Et on a aujourd'hui une jeune avocate loyale, qui a fait un honnête travail et qui est sur le carreau, qui est jugée pour avoir fait une grave erreur de jugement alors que ce sont ceux qui n'ont pas le courage d'admettre la vérité qui sont les grands responsables parce qu'ils savaient tout avant, je vous l'ai démontré suffisamment.

Comble de l'irresponsabilité et comble de l'irréel, on apprend, hier seulement, qu'on avait discuté de cette question. Vous regarderez dans les galées, dans le Journal des débats, là, on l'apprend. Le ministre de la Sécurité publique lance des ultimatums à qui mieux mieux. Il dit carrément: La loi, ça va être la loi, l'égalité dans le traitement de la loi, quelles que soient les communautés. Et pourtant, faut-il rappeler certains événements? Faut-il rappeler qu'on ne peut accepter que ce gouvernement-là feigne de ne pas savoir? Ils ne peuvent pas donner l'impression qu'ils ne le savaient pas. Un mois avant, un mois avant la crise autochtone, M. le député et ministre délégué au dossier autochtone négociait. Il cherchait, par tous les moyens, de bonne foi, à trouver une solution. Ils feignent qu'ils ne parlaient ou à peu près pas de ça, qu'ils n'étaient pas au courant de ça et que c'est une grosse crise qui est arrivée subitement, qu'ils n'ont pas vu venir et qu'ils sont de grandes victimes.

Quand on sait des choses, quand on a les moyens de les prévenir, quand on a les moyens de les éviter, M. le Président, on est responsables quand on ne l'a pas fait et que quelque chose arrive. Dans un premier temps, c'est dans cette optique que je veux présenter le blâme à ce gouvernement qui savait tout, qui savait tout ce qui se passait, mais qui a opté, M. le Président, plutôt que par la voie d'un travail soutenu depuis 1985, plutôt que par la voie des négociations, pour d'autres solutions, le laisser faire et, après ça, la force. (15 h 50)

M. le Président, le gouvernement connaissait-il la présence massive d'armes? Le Service canadien de renseignements le savait et la Sûreté le savait. Peuvent-ils nier ces faits? C'est encore une fois, dans le mémoire du ministre de l'époque, en 1989, M. le Président. Ça faisait au moins un an qu'on connaissait ces faits, qu'il y avait un armement massif et que la position était extrêmement dangereuse. Est-ce qu'il y a eu de quoi de fait? Quel est le rôle du gouvernement quand on connaît ces faits, M. le Président? Quel est le rôle de tout gouvernement et de tout ministre de la Sécurité publique responsable quand il apprend des faits de même, M. le Président? Qu'est-ce qui arriverait si je disais à la Sûreté du Québec: Oui, mais M. le Président de l'Assemblée nationale a quatre armes prohibées. Qu'est-ce qui arriverait? M. le Président, le lendemain matin, le policier se ferait donner des mandats de perquisition, et il fouillerait partout chez vous. Vrai ou faux? Il irait chercher les armes pour lesquelles vous n'avez pas de permis.

Et là, on ne parle pas de .22, on ne parle pas de .12, on ne parle pas de .16, du calibre, le calibre .12, .16 ou .22, on parle d'armes lourdes, M. le Président. Qu'est-ce qu'il y a eu de fait depuis juin 1989? Nil, zéro, zéro, M. le Président. Et je vous rappellerai qu'on parlait d'environ 365 armes lourdes. Combien ont été saisies jusqu'à aujourd'hui? 10 % ou 15 %. On savait tout ça, M. le Président. Où est le reste? Dans le décor, M. le Président? Qu'est-ce que la Sécurité publique répond à ça, M. le Président? On nous a répété tout l'été que la Sûreté du Québec agissait comme une police municipale à la demande d'une municipalité. Rappelez-vous. Ça aurait dû vous faire rire, vous, M. le Président, qui êtes avocat. La Sûreté du Québec agissait comme une police municipale; on nous a chanté ça tout l'été, absolument tout l'été, M. le Président.

Quand on lit l'article 9 de la loi constitutive du ministère: La Sûreté du Québec est chargée d'assurer la paix sur tout le territoire québécois. Elle a responsabilité sur tout le territoire québécois. Quand on lit l'article 39 de cette même loi, qu'est-ce qu'elle dit? Elle dit que la Sûreté du Québec relève directement du ministre de la Sécurité publique, M. le Président, directement. J'ai été ministre de plusieurs ministères et même ministre tuteur de sociétés d'État, et je ne connais pas de président de société d'Etat qui aurait pris des décisions d'envergure sans m'en parler. Ça ne s'est jamais fait, ça. Ça ne s'est jamais fait. Il y a nécessairement des avertissements, M. le Président. Il y a nécessairement des présentations d'intention d'action. Il y a nécessairement quelque chose qui s'établit.

Je me rappelle encore plus que ça. Je vais en donner un exemple concret, M. le Président, pour bien démontrer qu'on ne m'emplira pas sur les relations entre la police et le ministère de la Sécurité publique, qu'il s'appelle Solliciteur général, qu'il s'appelle Sécurité publique, peu importe, le ministre de qui relève la police. À l'enquête Cliche, M. le Président, on est allés jusqu'à inviter dans la boîte des témoins M. Jérôme Choquette pour bien expliquer comment fonctionnait sa police, ses renseignements, à qui il les transmettait et comment fonctionnait sa police avant de faire des opérations. Par exemple, quand la police est intervenue à Mont-Wright, quand la police est intervenue à la Golden Eagle, ici à Québec, M. le Président, le ministre était averti avant. Tous les ministres sont avertis avant, M. le Président. Ils étaient avertis avant; ils avisaient leur ministre, si bien qu'on demandait à M. Choquette: Avez-vous été averti, M. Choquette? Oui, j'ai été averti. Avez-vous été averti, M. Choquette? Oui. Qu'est-ce que vous faites normalement quand vous êtes averti? Je suis averti et normalement, je dois avertir mon premier ministre en plus de ça, parce qu'il doit répondre à tous les sujets, et c'est la coutume, c'est la manière de faire.

Et dans ce cas-ci, M. le Président, alors que depuis un an on sait qu'il y a un armement lourd qu'on ne retrouve nulle part comparable au Québec, pas d'avertissement. Ah! Bien non, c'est une attachée politique, Mme Hélène Ménard, qui a manqué de jugement; si c'était arrivé dans mon cabinet, ce serait dehors avec mon pied au derrière; mais là, elle était très bonne, me dit-on. On lui rend hommage le lendemain.

M. le Président, il y a toujours des limites à prendre le monde pour des valises. Ce n'est pas de même que ça se passe. Ce n'est pas de même que ça se passe dans les cabinets. Ce n'est pas de même que ça se passe dans un ministère. On sait très bien que les supérieurs transmettent directement, avant toute opération d'envergure, l'information à leur ministre de tutelle. C'est évident qu'ils en sont avertis, M. le Président. Donc, la police qui s'est comportée, la Sûreté qui s'est comportée comme une police municipale, M. le Président, c'est une belle excuse, mais ça ne passe pas, quand on sait l'article 39 de la Loi de police et qu'on connaît l'article 9 de la loi constitutive du ministère.

On a aussi allégué, bien sûr, pour s'en sortir facilement, les fameux conflits de juridiction. Rappelez-vous les premiers jours. C'étaient les conflits de juridiction entre le fédéral et le provincial. De la foutaise! Les agents de la SQ sont des agents de la paix désignés pour voir à l'application sur tout notre territoire, pour voir à l'application des lois de juridiction québécoise ainsi que du Code criminel. D'ailleurs, l'article 88 de la loi des Indiens, M. le Président, spécifie que ceux-ci sont soumis à l'application des lois générales. Dans le fond, ce sont des problèmes de coordination bien plus que des problèmes de juridiction, de même que d'incurie politique qui sont en cause, M. le Président. C'est faire bien

peu de cas des lois que l'on vote à l'Assemblée nationale. C'est faire bien peu de cas de l'article 39 de la Loi de police, je le répète. C'est faire bien peu de cas de l'article 9 de la loi constitutive du ministère.

Le gouvernement a et avait l'autorité pour arrêter l'intervention du 11 juillet 1990. D'ailleurs, il l'a fait pour celle du 12 juillet. Mais pourquoi ne l'a-t-il pas fait pour celle du 11 juillet? M. le Président, c'est parce qu'il était d'accord. Il était d'accord fondamentalement avec le principe d'une intervention policière et seulement, on pensait que ça serait un pique-nique. C'est ça qu'est le problème. On pensait que ça serait un pique-nique. Mais le pique-nique, M. le Président, il n'a pas eu lieu - je me dis: Heureusement! C'est devant l'échec de l'intervention du 11 juillet qu'on a fait cesser celle du 12 juillet. Le gouvernement est donc responsable, à mon point de vue, de ne pas avoir su prévenir la crise alors qu'il avait tout en main. Il avait les informations de base, il avait même des principes pour discuter d'abord avec les autochtones et il avait les institutions pour mettre en branle un mécanisme de concertation avec ces communautés-là et il ne l'a pas fait. Il avait en main toutes les données de base. Il savait qu'il y avait armement, il savait que les tensions montaient, il savait que les Warriors s'armaient. Mais ils n'ont rien fait. Ils ont laissé aller jusqu'à la crise, crise qu'ils n'ont même pas su gérer comme du monde.

Une des premières grandes erreurs, M. le Président, du gouvernement, l'erreur fondamentale, je dirai, c'est de ne pas avoir empêché, dans les heures qui ont suivi l'assaut, la fermeture du pont Mercier. Vous allez me dire: Oui, mais pouvait-on prévoir qu'ils fermeraient le pont Mercier? Bien, voyons! L'exemple de 1988 n'était tout de même pas si usé que ça, M. le Président. Il me semble qu'un gouvernement alerte aurait compris que, quand ça a déclenché, tout de suite on risquait de se trouver encore dans le même cas au pont Mercier. Rien de fait dans les premières heures alors qu'il n'y avait personne (à-dessus; ça aurait pu être gardé sécuritairement et je vais en parler un peu plus longuement. Si on avait protégé et gardé le pont ouvert, fa crise aurait eu une toute autre ampleur, M. le Président. D'ailleurs, on a pu constater qu'au moment où le pont Mercier fut rouvert, comment le gouvernement n'avait-if pas prévu, entre vous et moi... Comment le gouvernement n'a-t-il pas prévu que les Warriors barricaderaient le pont? Parce qu'il faut bien le comprendre, dès que le pont a été libéré, ça n'a pas été du tout le même comportement au niveau de la crise. Et ça, c'était évitaWe par un gouvernement qui sait tirer des leçons du passé. Et le passé n'était pas si lointain, il remontait seulement à 1988. (16 heures)

Une autre grande erreur, M. le Président, la deuxième grande erreur réside dans le fait que, dès le départ, le gouvernement se place en position de faiblesse. Rappelez-vous ce qui s'est passé. M. le ministre responsable du dossier autochtone accepte de négocier dans le bois, derrière les barricades, M. le Président. Dès le début, on lance un message... Vous rappelez-vous ce qui est sorti? Deux poids, deux mesures. Mais surtout, on négocie avec les Warriors les revendications traditionnelles des Mohawks. Les revendications traditionnelles des Mohawks, c'est une chose et les revendications des Warriors, ça pouvait être autre chose. Et ça, on le faisait derrière les barricades, dans le bois, pas au vu et au su du monde. Pourtant, le mémoire de M. Savoie ou du ministre responsable des Affaires autochtones d'alors, au Conseil des ministre, était clair, et je le cite. Qu'est-ce qu'il disait, le ministre délégué aux relations avec les autochtones? "Le rôle des conseils de bande doit être renforcé par rapport à la Société des guerriers." Qui est-ce qui écrit ça? Ce n'est pas te PQ qui écrit ça. Ce n'est pas un journaliste qui écrit ça. Ce n'est pas un simple député parce qu'il y a une réserve sur son territoire de comté. C'est le ministre qui a le dossier des autochtones en main qui dit: Le rôle des conseils de bande doit être renforcé par rapport à la Société des guerriers.

M. Le Président, le ministre délégué aux affaires autochtones déclarait, le 23 juillet 1990 qu'il exigeait, dorénavant, que les négociations aient lieu en terrain neutre; après avoir été négocier derrière les barricades, le nouveau ministre délégué aux affaires autochtones, là, voudrait s'en revenir sur un terrain neutre. vous ne pensez pas qu'il était trop tard? le cycle infernal était enclenché. et c'était une situation tout à fait perdue d'avance.

Le 5 août 1990, et ça, je me le rappelle comme si c'était hier, notre très robuste premier ministre, coriace, solide, lance un ultimatum de 48 heures aux Warriors. On se rappellera ça. L'ultimatum, M. le Président, on lance ça quand on est capable de le faire respecter. On lance ça quand on a la volonté politique de le faire respecter. Mais on ne lance pas d'ultimatum pour faire une farce. Je le vois encore. Ils ont 48 heures... La population a encore 48 heures. M. le Président, connaissant le premier ministre actuel, ils savaient bien que 48 heures, cela voulait dire 48 jours, minimum. Voyons! Ils n'ont pas été surpris. Il reste que c'est ce genre de chose irresponsable lancée un peu n'importe comment qui fait en sorte que la crédibilité de l'État en prend pour son rhume. Ce n'est que le 17 août, soit 12 jours plus tard, que M. Bourassa demande officiellement l'armée. Ce n'est que le 20 août que l'armée entrera en scène. Plus d'un mois après le début de la crise. Je vous avoue, et je répète, lorsqu'on n'a pas l'intention de faire respecter ses ultimatums, on ne les lance pas. C'est une règle d'or pour éviter de perdre le peu de crédibilité qu'il nous reste.

Le 12 août 1990, M. le Président, le ministre délégué aux Affaires autochtones participe à une mascarade, participe à une véritable mascarade, en signant une entente derrière les barricades avec des Warriors masqués. Et plus encore, on nous informe, on nous dit que l'un d'eux serait même un mineur. Là, écoutez, si les farces n'ont pas assez duré - et Je continue - pendant ce même temps, on chargeait les femmes et les enfants à Saint-Louis-de-Gonzague. Saint-Louis-de-Gonzague, rappelez-vous ce qui est arrivé. La loi, c'est la loi, diront certains. L'égalité dans le traitement de la loi, disait le ministre de la Justice. Pourquoi a-t-on laissé la tension augmenter, a-t-on laissé la tension s'intensifier, soir après soir, pendant 78 jours? Évidemment, le gouvernement refuse de prendre ses responsabilités dans cet épisode peu glorieux. Et, il prétend que le ministre s'est fait avoir par le juge Gold. La belle histoire! La belle histoire! Qui va croire ça? Un ministre qui arrive quelque part, qui, pour et au nom d'un gouvernement, s'en vient signer un document, il s'aperçoit qu'il y a quelqu'un de masqué. Qu'est-ce qu'il fait? Il exige que le masque tombe ou il ne signe pas, M. le Président, est-ce clair? Depuis quand a-t-on vu cela, M. le Président? Même un étudiant de cégep comprendrait ça, un étudiant du secondaire, je pense qu'il comprendrait ça. Mais la farce, il fallait qu'elle continue, M. le Président. Et, me dit-on, c'est un mineur, en plus. Il faut le faire, M. le Président! Mais, au-delà de la mascarade, il faut aussi retenir que le gouvernement, dans cette entente, avait tout donné sans rien obtenir: observateurs étrangers, chefs spirituels et tout le tralala. Ce n'était d'ailleurs pas la première fois, M. le Président, on se souviendra que les gouvernements s'apprêtaient à céder le terrain litigieux aux Mohawks sans garantie que les Warriors démantèlent les barricades. Seul le réflexe populaire a réussi à empêcher tout cela.

Et le 22 août, M. le Président, pour que le vaudeville continue, le ministre de la Sécurité publique de l'époque déclare publiquement: Notre gouvernement, on s'est fait avoir. Vous savez, là, l'instance suprême sur qui les citoyens doivent compter, là, bien il s'est fait avoir. Ça, c'a l'air fort. C'est rassurant comme ministre de la Sécurité publique, M. le Président. Le 16 septembre, l'armée annonce qu'elle a carte blanche pour négocier toute la reddition des Warriors. Du 16 septembre jusqu'à la fin, M. le Président, là, c'est l'armée qui entre en ligne de compte. Malheureusement, et je le dis comme je le pense, parce que ce n'est pas normal, malheureusement, c'a été un sentiment de soulagement. Vous savez, la nature a horreur du vide, M. le Président. Normalement, le leadership, dans une telle crise, ne doit pas appartenir exclusivement au pouvoir policier ou armé. Il doit également être exercé par l'État. Le leadership civil s'impose, M. le Président, dans de telles crises. Les gens ont le droit d'être informés, d'être rassurés, d'être réconfortés, M. le Président.

Je pense que je n'ai jamais vu un gouvernement être aussi responsable d'avoir aussi peu informé notre population. Pourtant, il me semble que c'est là un des droits les plus fondamentaux, les plus stricts. Que de questions se sont posées qui n'ont jamais reçu de réponse, M. le Président. Jamais reçu de réponse. Ça a pris 90 jours à savoir que c'était un attaché politique, M. le Président. Mais qui, fondamentalement, était porteur en autorité du dossier? Quel rôle jouait la GRC, M. le Président? Est-ce que la menace d'un courant terroriste était fondée, oui ou non? C'étaient des questions qui se posaient quotidiennement, ça. La menace d'un courant terroriste était-elle fondée? Le pont Mercier, une journée on disait qu'il était peut-être miné, qu'il ne serait peut-être pas miné, qu'il était peut-être endommagé. L'armée avait-elle totalement carte blanche, oui ou non? Sur toute la ligne, oui ou non?

M. le Président, qui avait donné l'ordre de l'assaut? Je l'ai dit tantôt, 90 jours après, on apprend qu'il le savait. Quelles étaient les offres gouvernementales? Quels étaient les contenus? Qu'est-ce qu'on offrait? Les journalistes n'ont jamais pu le savoir. Quel était le mandat exact du ministre responsable du dossier autochtone? Jusqu'où pouvait-il se rendre? Avait-il un mandat du Conseil des ministres, M. le Président, bien étayé? Là-dessus tu peux y aller. Sur ce point précis d'intégrité du territoire, non. Je ne sais pas, on ne sait rien, M. le Président, même après la crise. Pourquoi le premier ministre ne s'est-il jamais rendu sur place? Croyez-le ou non, c'est M. Parizeau qui l'a appelé pour lui dire: Rencontrez-donc les maires. Bien oui, il les a rencontrés à Québec, après. On était si peu informés que le chef de l'Opposition a été obligé d'appeler, M. le Président, pour avoir des informations. Le ministre de la Sécurité publique dit non. M. le ministre de la Sécurité publique de l'époque est allé au cabinet du chef de l'Opposition avec son sous-ministre, M. Beaudoin, pour renseigner le chef de l'Opposition, M. le Président, parce qu'on ne savait pas ce qui se passait. Est-ce assez grave? Et on voulait jouer un rôle responsable. Et pour jouer un rôle responsable, M. le Président, ça demande de l'information. On est à gratter, miette par miette, pouce par pouce, les informations dans ce dossier, M. le Président. Et je pourrais continuer, M. le Président, longuement. (16 h 10)

Les citoyens avaient besoin de savoir, avaient besoin d'être rassurés et d'être réconfortés. Tout cela, tout ce qu'ils voyaient, ce sont de brèves apparations, de temps en temps, du ministre de la région qui allait leur dire: Au lieu de 34,25 $, vous allez recevoir 34,64 $ par jour. Grosse nouvelle! Mais c'est quoi, ça? Qu'est-ce qui arrive fondamentalement dans cette crise?

Ces gens-là avaient besoin de renseignements, ils étaient à bout. Ce n'est pas surprenant, à ce moment-là, c'est loin d'être surprenant que des gars comme M. Poitras, M. Turcotte prenaient la TV et assumaient une forme de leadership, le gouvernement n'était pas là. Ils s'organisaient comme ils pouvaient. Vous le savez, la nature, ça a horreur du vide. Les gens s'érigent en leaders, à ce moment-là. Il n'y en avait pas. On ne savait pas qui était responsable de quoi. Comment voulez-vous demander au ministre de la Sécurité publique du temps d'assumer un leadership, il s'en allait à la TV dire qu'il s'était fait avoir? Et l'autre qui disait: Je n'ai plus de mandat. Voyons, M. le Président! Il ne faut pas se surprendre que du monde se soit improvisé leader. Bien sûr, ils se sont érigés en leaders et ils ont essayé de représenter le mieux possible la population parce que leur gouvernement était absent.

M. le Président, rappelez-vous les gestes qui ont été posés. Le blocus du pont Mercier par les gens de LaSalle et toutes les scènes de lapidation, ce n'était pas beau à voir. Mais quand les gens n'ont plus de gouvernement, quand les gens ne savent plus à qui s'en remettre, ils s'organisent spontanément eux-mêmes. Et il y a des leaders qui avancent et qui disent: Bien, on va se faire justice, d'abord. C'est ça, fondamentalement. Le gouvernement a été absent, complètement absent de cette crise et, quand il posait des gestes, c'était les pieds dans les plats ou bien il admettait qu'il s'était fait avoir.

Je pourrais ramener un autre cas bien précis. Comment la population pouvait-elle avoir confiance? Le ministre qui négocie derrière les barricades signe un document avec des gens armés, et prête son terrain pour bâtir un quai pour permettre n'importe quoi. Pensez-y 30 secondes! Mettez-vous dans la peau, un tant soit peu, une minute, mettez-vous dans la peau des citoyens ordinaires. Mettez-vous dans la peau des citoyens qui vivent une crise et regardez ça à la télévision, le soir: bourde par dessus bourde. Et ils s'en remettent à qui, ces gens-là? Ils disent: À qui je peux faire confiance? Qui peut nous sortir de là? M. le Président, ne demandez pas pourquoi les gens sont aigris. Ne demandez pas pourquoi. Et ce sont les effets négatifs d'une telle crise qui sont dangereux, vous le savez, M. le Président. Il restera des plaies énormes, des cicatrices qui prendront du temps à se refermer. Et il faut pourtant, dans les plus brefs délais, renouer avec ces communautés, faire un pas entre les communautés pour qu'elles se reparlent. Sinon, j'ignore où on s'en va.

L'absence d'information et le camouflage ont fait en sorte que l'armée est rapidement devenue la seule bouée de sauvetage. Et entre vous et moi, ça a été un soulagement, et on l'a ressenti, nous qui circulions à travers le Québec: Ah! bien, au moins l'armée, elle, donne des informations! Au moins, l'armée nous dit ce qu'elle fait. Au moins, l'armée s'est comportée correctement Au moins, l'armée n'avait pas l'air de vouloir cacher quelque chose. Au moins, l'armée faisait quelque chose de positif. Quand des citoyens sont rendus à organiser des fêtes pour leur armée, moi, si j'étais ministre d'un gouvernement, je me poserais une question. Parce que ce sont des fêtes en réaction à l'absence d'autre chose. S'ils ont développé un tel leadership, c'est parce qu'il y a quelqu'un qui n'a pas pris sa place au bon moment, 0 y a du monde qui ne l'a pas exercé, son leadership. Je le répète, la nature a horreur du vide. Il m'est apparu, dans cette crise, que le gouvernement était absent de ça. Donc, il était normal, pour des citoyens qui ne demandent pas plus que d'être informés, d'être rassurés et d'être réconfortés... Mais s'il n'y a personne qui le fait, celui qui le fait devient son héros, sa bouée de sauvetage, la personne qu'on doit admirer, parce que c'est ça qu'on doit faire durant une telle crise, M. le Président.

Je ne reviendrai pas, sans doute, sur tout ce qui s'est passé, les signatures, le quai, j'en ai parié. J'avais le goût, même, de vous parier pendant quelques minutes des ministres qui se promenaient avec leur veste "antiballes". C'a apporté un gros apport à la crise, ça! Mais cela dit, il y a des questions très graves qui restent en suspens. Il y a des choses très graves qui se sont produites et sur lesquelles il y aura du questionnement en cette Chambre et, je pense, sur lesquelles on devrait faire toute la lumière pour les plus grands intérêts du Québec et des institutions du Québec.

M. le Président, vous comprendrez que je ne traiterai pas du tout de cas où il y a eu des arrestations parce que c'est sub judice et je sais que notre règlement est clair là-dessus. Mais j'ai entendu en cette Chambre, au cours des séances du mois d'août où on a siégé à deux reprises, le ministre de la Justice et j'ai entendu le ministre de la Sécurité publique d'alors nous dire qu'il y aurait justice égale pour tout. Il y a des événements qui se sont produits, qui risquent fort que justice ne soit pas appliquée, qui risquent fort que l'équité dans l'application de la justice, ce soit de la bouillabaisse, de la bouillie pour les chats. Je vais vous en donner quelques exemples.

Que dire, par exemple, du pont aérien? 75 minutes. L'armée nous dit quoi? Pas de mandat d'intervenir. La Sûreté était au courant? Oui, elle nous dit. La GRC le savait? Également, M. le Président. Tous les corps policiers le savaient. On avait promis qu'il n'y aurait pas d'immunité pour personne et, pourtant, ce sont de véritables sauf-conduits déguisés qu'on a permis, M. le Président. Au fait, où sont les 150 Warriors du début? Où sont-ils, les 150 du début? Où est tout l'armement identifié? Ce n'était sûrement pas - je répète ce que j'avais dit à l'époque - ce pont aérien qui aurait pu être empêché, parce qu'on nous assure que dans l'espace de 15

minutes, à Saint-Hubert, on a tous les moyens pour au moins suivre et regarder les destinations et on pourrait môme faire plus, on pourrait même arrêter quelqu'un qui cherche à voler à basse altitude du genre, et ça ne s'est pas fait. Et sans doute qu'on tentera de faire la lumière sur ces faits. Sans doute! On pourra même fournir des noms à M. le ministre, à savoir qui est propriétaire. Je ne crois pas que ce soient des cartes de bingo qu'on sortait de là. Ça, c'est de quoi, entre vous et moi, faire pleurer ou rire le plus taciturne des Québécois, de quoi faire honte aussi, par contre, à n'importe quel homme ou femme politique, de quoi inquiéter le plus brave de nos concitoyens.

M. le Président, je voudrais un petit peu me résumer avant la fin de mon exposé, mais je vous dirai ceci. Le gouvernement savait. Il savait qu'il y avait des armes, il savait que la tension montait, il savait que les conseils de bande avaient de la difficulté, il savait que les armes entraient en masse, comme on dit en bon québécois. Le ministre Savoie savait et avait écrit. Le ministre par intérim savait qu'il y avait une intention policière. Le ministre délégué aux Affaires autochtones, le nouveau, disait: De grâce, suspendez vos actions. On a laissé tout faire ça. Donc, on est responsable de tout ça, de tout ça, M. le Président, de tout ça. Je n'en reviens tout simplement pas. On le savait, on avait les informations, on a laissé tout faire et on n'a pas assumé de leadership, M. le Président. (16 h 20)

M. le Président, je répète une chose: un ultimatum de 48 heures qu'on lance sans y donner suite, ça couvre de ridicule un gouvernement et un homme public. Un ministre qui admet s'être fait avoir candidement, à deux reprises, ne peut pas obtenir la confiance d'un public. Des scènes disgracieuses de dilapidage ou de lapidage de voitures, comme on a vues, ça couvre de ridicule un peuple, une société. La violence excessive qu'on a vue à Saint-Louis-de-Gonzague, ce n'est pas correct; ce n'est pas ça qui redore le blason d'une société. Un gouvernement qui semble complètement avoir perdu le contrôle et qui s'en remet à l'armée, ça n'a aucun bon sens pour redorer le blason d'une société. La SQ qui fait des commentaires d'ordre politique, c'est plus ou moins acceptable, M. le Président. Des ministres orphelins et une vice-première ministre qui dit: Revenez, M. le premier ministre, on ne sait plus quoi faire! Oui, s'il peut arriver et s'il peut faire le ménage! Rappelez-vous les propos de la vice-première ministre. Un gouvernement qui donnait une image de débandade, qui ne savait pas quoi faire, M. le Président. Ça diminue le leadership; ça diminue les institutions. Ce n'est pas de nature à rehausser le prestige des institutions d'un État. La réputation de notre système judiciaire est entachée, M. le Président; la réputation du ministère de la Sécurité publi- que, M. le Président, est passablement amochée. Nous avons donc, devant nous, M. le Président, un gouvernement qui a carrément refusé d'assumer un leadership politique, un gouvernement qui a mis en péril la crédibilité de l'État québécois et de ses institutions. Le gouvernement n'aura pas réussi, M. le Président, à faire en sorte que les autochtones acceptent le Québec comme un interlocuteur valable.

Pourtant, le québec fut tout de même à l'avant-garde au canada en ce qui a trait au traitement réservé aux premières nations, m. Le Président. que ça fait mal d'entendre des déclarations, en ce qui me concerne, en tout cas, de george erasmus, que ça fait mal également de lire la résolution du parlement européen. c'est ça fondamentalement qui est arrivé au québec comme suite et ça, ça fait mal pour quelqu'un qui a la fierté de son peuple, de son pays, de son territoire, de son gouvernement et de ses institutions, m. Le Président. ça n'a pas l'air de les ébranler du tout ça, eux autres.

On se retrouve dans une situation si ridicule, M. Le Président, que c'est à l'opposition officielle qu'il est revenu de prendre la défense de nos institutions, parce que le seul vrai gagnant dans tout ça, je pense que ça a été l'armée, M. Le Président.

L'après-crise n'est pas terminée du simple fait du retrait de l'armée, M. Le Président. j'exhorte les députés libéraux, en particulier, à faire en sorte que leur gouvernement n'oublie pas que les tensions perdurent. les familles victimes de la crise et les solutions de fond à apporter au problème doivent être des préoccupations constantes et quotidiennes. la crise est finie, mais il y a des séquelles qu'il faut corriger, M. Le Président. le gouvernement doit mettre la population locale dans le coup. il doit rehausser la crédibilité des conseils de bandes élus et surtout, puisqu'ils sont au coeur du problème, il doit rehausser la crédibilité de la sûreté du québec, de son propre gouvernement et rétablir un minimum de climat de confiance et ce, en déclenchant, m. Le Président, une véritable enquête publique. mais ce n'est pas ce que nous avons depuis quelques jours, m. Le Président, nous avons pire. nous avons un gouvernement qui refuse d'assumer ses responsabilités, un gouvernement qui ne cherche que des boucs émissaires, un gouvernement qui veut abrier la vérité, M. Le Président.

Quand je dis qu'une véritable enquête publique s'impose, j'en ai la conviction, M. le Président. On n'a pas le droit, pour des choses beaucoup plus petites en répercussion, pour des événements de beaucoup moins d'envergure, avec beaucoup moins d'ampleur... M. le Président, nous avons eu des enquêtes publiques pour toucher du doigt les responsabilités, pour toucher du doigt les véritables enjeux, les véritables problèmes et nous faire démarrer dans une autre voie, M. le Président.

Je vous le dis très sincèrement, j'ai la conviction profonde, M. le Président, que, sans une enquête publique, sans une enquête profonde, avec un mandat large qui tiendrait compte, à la fois des aspirations, des demandes, des responsabilités de chacun, avec des recommandations pour agir dans l'avenir, je pense qu'on ne fait que retarder l'échéance d'autres crises. Si l'on veut que le Québec redevienne cette terre paisible avec une population accueillante, une population tolérante que nous avons toujours été au Québec, si on ne veut pas que cette crise se perpétue, il nous faut faire le point; non pas faire le point en essayant de mettre le couvercle sur la marmite pour ne pas que rien sorte. S'il y a des responsables, ils doivent être pointés du doigt, et c'est le risque que prend un homme ou une femme politique en se faisant élire. Un gouvernement transparent ne doit pas craindre, ne doit pas craindre, ne jamais craindre d'étaler au grand jour ses décisions, de porter le fardeau de ses décisions s'il doit le porter. Mais il n'a pas le droit de faire croire à une population qu'il est victime d'un événement malheureux. Le gouvernement Bourassa n'est pas victime de l'événement malheureux de cet été. Il savait tout et il y a longtemps qu'il savait tout, mais il n'a rien fait pour l'éviter. Puis quand on ne fait rien pour éviter quelque chose, on est responsables de ce qui arrive. Donc, qu'on ne joue pas à la "pleurine" pour essayer de montrer qu'on est victime. On pourra, bien sûr, essayer de camoufler, mais, tôt ou tard, la vérité sort. Quand on se dit être la vérité, j'espère qu'on dira toujours la vérité, M. le Président. Ça, c'est important qu'il n'y ait pas l'ombre d'un doute dans l'esprit de nos concitoyens sur ce qui s'est passé. J'espère que tout le monde comprend ça. On a le droit de savoir ce que ça a coûté. On a le droit de savoir les programmes correctifs, par exemple aux victimes qui ont eu du saccage. On a le droit de savoir ce qui s'est passé dans les ponts aériens. On a le droit de savoir où sont les armes, comment elles sont entrées? Qu'est-ce qui a été fait pour les récupérer? On a le droit de tout savoir ça, comme peuple québécois, parce qu'on a élu un gouvernement pour qu'il s'en occupe. Si le gouvernement ne s'en occupe pas, M. le Président, si le gouvernement fait fi de toutes ces demandes, c'est que le gouvernement a peur d'étaler au grand jour sa grande part de responsabilités. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, j'écoutais avec intérêt le leader de l'Opposition. En l'écoutant, j'avais l'impression d'entendre la personne qui a été mise en possession d'un livre, qui en a lu peut-être une dizaine ou une quinzaine de pages, qui n'a pas eu le temps de lire tout le volume et qui, par conséquent, a manqué la trame tout en ayant quelques souvenirs qui, parfois, sont conformes à la réalité.

Je voudrais, aujourd'hui, rappeler la trame des événements, la trame véritable de l'action gouvernementale, pour que tous les petits coups de pinceau particuliers qu'a tenté de donner le député de Joliette soient situés dans leur véritable perspective et puissent être l'objet de jugements plus équilibrés que ceux qu'il porte dans son esprit essentiellement négatif à l'endroit du gouvernement. Du mois de mars au début d'octobre, le gouvernement et la population du Québec ont dû faire face à une série de désordres qui furent parmi les plus complexes, les plus lourds de conséquences et les plus coûteux de toute l'histoire politique du Québec. Mon collègue, le ministre délégué aux Affaires autochtones, exposera dans le cadre de ce débat les grandes lignes de la politique du gouvernement concernant les populations amérindiennes implantées sur le territoire du Québec. Je m'appliquerai, pour ma part, à rendre compte de la manière hautement civilisée et responsable dont le gouvernement du Québec a su gérer, sous l'angle de la sécurité publique, cette situation sans précédent. (16 h 30)

Dès le début de la crise, le gouvernement s'était fixé trois objectifs dont il n'a jamais dévié: un premier objectif visait le règlement du conflit par des voies pacifiques; un second objectif visait le règlement du conflit sans qu'il soit porté atteinte aux droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens du Québec et un troisième objectif visait le règlement du conflit par la voie de la négociation.

Au cours des 78 jours qu'a duré la crise, il y eut sans doute un certain nombre de signes d'hésitation, d'erreurs tactiques, de pages plus sombres les unes que les autres. La nature même du mode d'action qu'avait retenu le gouvernement exigeait de lui une aptitude continuelle à s'adapter aux événements, à ajuster son action aux objectifs qu'il s'était fixés en même temps qu'aux exigences sans cesse nouvelles des situations inédites qui surgissaient chaque jour. Qu'il y ait eu dans ce cheminement, long, pénible et souvent obscur, un certain nombre de fautes, un certain nombre de carences, voire un certain nombre, heureusement fort limité, d'incidents regrettables, il y a certes lieu de le déplorer, et il faudra en toute objectivité tenter de comprendre comment et pourquoi ces événements ont pu se produire et surtout, définir les moyens à prendre en vue d'en empêcher la répétition.

Ce que l'on doit toutefois retenir par-dessus tout si l'on veut apprécier les événements avec impartialité, c'est la remarquable constance avec laquelle le gouvernement est demeuré fidèle

pendant toute la durée de la crise, aux objectifs qu'il s'était fixés. Tandis qu'au début de la crise, le chef de l'Opposition, dans des propos qui ne font pas honneur à sa formation politique, invoquait carrément le recours à la force armée pour déloger les Mohawks du pont Mercier et il déplorait même - et, ici, je reprends ses propres termes - "qu'on ne soit pas rentré dedans tout de suite", le gouvernement n'a cessé, du début à la fin du conflit, de promouvoir et de rechercher activement une solution d'où seraient absentes toute pensée d'écrasement par la force, et encore davantage toute effusion de sang qui eut risqué d'envenimer le conflit et d'entacher à jamais la réputation du Québec.

Au début, il y eut, reconnaissons-le, l'épisode malheureux du 11 juillet sur la côte Saint-Michel à Oka. Au cours de l'affrontement armé qui eut lieu ce jour-là aux petites heures du matin, un valeureux officier de la Sûreté du Québec, le caporal Marcel Lemay, perdit la vie. Il fut enlevé à sa famille et à ses camarades de travail dans un climat enveloppé de douleur et de tristesse. Mais le sacrifice du caporal Lemay aura eu des effets bienfaisants. Il aurait pu donner lieu de la part de ses confrères à un sursaut de haine et de vengeance. Fort heureusement, il n'en fut rien car à partir du jour tragique où le caporal Lemay perdit la vie, les agents de la Sûreté du Québec, obéissant loyalement aux consignes émises par leurs supérieurs, s'employèrent de manière très générale à maintenir et à promouvoir l'ordre public sans recourir aux moyens d'intervention forte qui leur sont conférés par la société. Des incidents regrettables ont pu assombrir en quelques occasions l'image créée par la conduite des policiers de la Sûreté du Québec. De manière très générale, cependant, et j'en fus le témoin à d'innombrables reprises dans la région d'Oka, leur conduite a été digne de leur mission. Ils ont cherché à pacifier, à contenir, à retenir. Ils ont été en même temps respectueux des personnes et de leurs droits.

Ce que je viens de dire de la Sûreté du Québec vaut aussi pour les populations plus directement touchées par le conflit amérindien. À Oka, j'ai pu vérifier à maintes reprises, et le député de Deux-Montagnes corroborera ces observations dans son intervention ce soir, les épreuves qu'ont dû subir des centaines de citoyens. Chassés de leur demeure par des agresseurs armés et menaçants, empêchés de vaquer à leurs commerces et entreprises, incapables de conduire à terme les récoltes généreuses que promettait un été exceptionnellement propice à la culture du sol, empêchés de circuler librement dans leur propre région, des citoyens nombreux ont connu, en raison de la crise, un été que je n'hésite pas à qualifier d'infernal. Mais on chercherait en vain chez la population d'Oka les traces d'une attitude vengeresse ou de comportement provocateur. Au contraire, les personnes touchées par la crise ont supporté cette épreuve avec une dignité qui les honore. Leur comportement fut à l'image de celui que le gouvernement s'employait à maintenir.

Dans la région de Châteauguay et Kahnawa-ke, les réactions de la population furent à certains jours beaucoup plus vives, beaucoup plus empreintes d'impatience. Exploités sans vergogne par des démagogues irresponsables, ces sentiments débouchèrent à quelques reprises sur des manifestations déplorables de violence et de désordre. Si l'on examine, cependant, la trame complète de la crise dans la région de Châteauguay et Kahnawake, force est de reconnaître que, là aussi, cette vis sustinendi - c'est une expression latine que j'emprunte à saint Thomas d'Aquin - cette capacité d'endurance dont pariait Thomas d'Aquin naguère et dont il disait qu'elle est bien plus porteuse de force véritable que les assauts agressifs auxquels certains se livrent sous l'empire de la passion, cette force d'endurance fut à l'ordre du jour et elle restera comme l'un des traits caractéristiques de l'attitude de la population et du gouvernement pendant la crise amérindienne.

On me permettra à cet égard de rappeler un souvenir qui restera pour moi l'un des plus émouvants de tout ce chapitre de notre histoire. Je m'étais rendu un soir rencontrer, à Châteauguay, un groupe de commissaires d'écoles et de parents afin de discuter avec eux de la manière dont serait assurée à la fin d'août la reprise des travaux scolaires. C'était au début du mois d'août. J'entendis alors avec inquiétude certains parents me dire qu'ils ne pourraient accepter que leurs enfants se retrouvent à l'avenir dans les mêmes écoles et les mêmes classes que les enfants amérindiens qui avaient été leurs condisciples avant l'éclatement de la crise. Mon inquiétude devait toutefois être de courte durée. À peine deux semaines plus tard, avec l'appui des enseignants, des élèves concernés et d'une majorité de parents, la commission scolaire catholique de Châteauguay décidait à l'unanimité de réintégrer sans restriction dans ses écoles les élèves amérindiens qui y étaient inscrits avant la crise et la rentrée se fit dans un climat de calme, d'harmonie et de collaboration qui préfigure l'esprit dans lequel nous souhaitons tous que se développent, à l'avenir, les relations entres les populations autochtones et la population blanche au Québec.

Après que le conflit eut duré plusieurs semaines et alors qu'il semblait devoir s'éterniser, devant l'évidence du rapport inégal de force créé par les armements nombreux et puissants dont disposaient les Warriors, le gouvernement décida de requérir du gouvernement fédéral l'intervention des Forces armées canadiennes. Cette intervention était devenue indispensable. Dès le début, elle fut toutefois inspirée par la réticence délibérée à l'endroit de tout recours pur et simple à la force. Venant

d'un corps que l'on identifie d'ordinaire à l'action forte, cette attitude avait de quoi étonner, mais la crise amérindienne nous aura permis de découvrir que l'armée canadienne, mûrie par de nombreuses missions de paix à travers le monde, est beaucoup plus intéressée à promouvoir la paix qu'à pratiquer la guerre. L'armée est venue au Québec comme une force de paix et non comme une force d'agression. L'esprit dans lequel elle a accompli sa mission était exactement le même que celui dont s'est inspiré le gouvernement du Québec dans la gestion de la crise. Cette convergence profonde explique sans doute l'excellente qualité des rapports qui s'établirent dès le début entre les Forces armées canadiennes et les dirigeants démocratiquement élus du Québec. Les Forces armées ont fourni un exemple éloquent de collaboration loyale avec le pouvoir civil. Leur séjour parmi nous laissera un souvenir ineffaçable dans l'esprit de celles et de ceux qui les ont vues à l'oeuvre. Aux Forces armées canadiennes et à leurs représentants qui ont valeureusement secondé et épaulé le gouvernement du Québec et sa population pendant la crise amérindienne, j'adresse des remerciements sincères du gouvernement et de la population du Québec et plus particulièrement des remerciements des populations qui furent immédiatement touchées par la crise amérindienne. (16 h 40)

C'est grâce à des comportements comme ceux dont je viens de parier que nous sommes sortis sans effusion de sang de cette longue et douloureuse nuit qu'aura été pour le Québec l'été de 1990. Y a-t-il beaucoup d'autres sociétés qui auraient pu subir aussi longtemps un véritable siège armé dans leurs murs, à quelques kilomètres de leur métropole, sans céder à la tentation de recourir à la force pour maîtriser la situation? On me permettra d'en douter. Sans disposer de statistiques à ce sujet, j'affirme sans hésitation, avec une conviction profonde, que le Québec et son gouvernement ont donné pendant la crise amérindienne un exemple remarquable de conduite respectueuse de la valeur irremplaçable de la vie humaine. Certains, qui n'en comprenaient pas toujours la manifestation quotidienne, ont pu voir, à certains jours, dans la lenteur extérieure et la patience de l'action gouvernementale, des signes de faiblesse. Mais une fois l'épreuve surmontée, ils voudront reconnaître, j'en suis convaincu, que la véritable force, dans une situation comme celle que nous avons vécue l'été dernier, est celle qui, au lieu de se dégainer sans entraves et sans contrôle, se distingue au contraire par son aptitude à se contenir dans des bornes raisonnables.

Deuxième caractéristique de la conduite du gouvernement, le respect qu'il a su conserver, du début à la fin, pour les libertés fondamentales garanties dans nos chartes québécoise et canadienne des droits de la personne. Par une éloquente coïncidence, on nous a rappelé ces temps derniers le vingtième anniversaire des troubles d'octobre 1970, provoqués par le Front de libération du Québec. Les actes commis par le FLQ donnèrent lieu, on s'en souvient, à une réaction gouvernementale très dure, laquelle se traduisit par le recours à la Loi sur les mesures de guerre, par la mise en veilleuse de plusieurs libertés fondamentales, par des perquisitions, par des saisies et des arrestations dont la très grande majorité furent impossibles à justifier par la suite.

Le gouvernement du Québec, se souvenant de cet épisode pénible de notre histoire, voulait, à juste titre, en empêcher la répétition à l'occasion de la crise amérindienne. Aussi, toutes les précautions furent prises dès le début de la crise pour assurer que seraient respectés les droits garantis par les chartes. Très tôt, il fut établi, sans que cette décision soit jamais remise en question, que le gouvernement éviterait les recours législatifs qui eussent pu le soustraire à l'obligation de respecter les droits et libertés garantis dans nos chartes. Ensuite, à chaque étape de l'action - et j'en fus le témoin direct - une attention vigilante fut apportée à la définition de stratégies et au choix de moyens d'action respectueux de la lettre et de l'esprit des chartes de droit.

Je ne veux pas verser dans l'exagération, mais je crois sincèrement que peu de sociétés au monde pourraient se vanter d'avoir traversé une crise aussi sérieuse que celle que le Québec a connue l'été dernier, sans avoir supprimé ni mis en veilleuse aucun droit fondamental des citoyens.

Je constatais l'autre jour en examinant, à mon nouveau titre de ministre de la Sécurité publique, certaines factures reliées à la crise amérindienne, que le gouvernement a versé des sommes importantes pour la venue et le séjour au Québec d'observateurs étrangers, investis d'une mission de surveillance, dont certains auraient eu profit à s'acquitter d'abord chez eux, quant au respect des droits et libertés dans les territoires immédiatement touchés par la crise amérindienne. Seul un gouvernement profondément attaché aux libertés fondamentales était capable de s'imposer de lui-même, de sa propre volition, des contraintes semblables.

Le gouvernement du Québec a consenti, sans arrière-pensée, à diverses formes d'intervention dont l'objet était d'assurer le respect des droits fondamentaux. Je pense, par exemple, à la Croix-Rouge, laquelle se vit confier un rôle de premier plan, en vue d'assurer la libre circulation des vivres et des médicaments parmi la population vivant dans les territoires soumis au contrôle armé des Warriors.

On a pu assister, depuis la fin du siège qui a sévi à Oka jusqu'au début de ce mois, à un grand nombre d'arrestations en relation avec les délits commis pendant la crise. A-t-on remarqué

que la quasi-totalité des personnes arrêtées ont pu obtenir des tribunaux leur libération en attendant la tenue de leur procès? Ces faits n'ont rien d'extraordinaire pour qui les juge à l'aune de notre tradition judiciaire canadienne. Ils reflètent tout simplement notre façon de voir et notre façon de faire. Par le comportement qu'ils ont adopté pendant la crise amérindienne, le Québec et son gouvernement sont sortis de la crise avec dignité, sans avoir entaché l'histoire de ce pays au chapitre du respect des libertés. À moins que l'on ne soit masochistes, comme c'est hélas souvent le rôle que s'attribue l'Opposition, ou de mauvaise foi, ce que je ne veux pas croire, il y a là matière à fierté, et non pas à dénigrement pour notre société. À nos concitoyens qui auraient souhaité par moments une action plus musclée du gouvernement, je rappelle que nous poursuivions tous le même objectif, qui était le retour à la vie normale dans les meilleures conditions. Mais il y aurait eu un prix potentiellement très élevé, voire tragique à payer, pour une approche violente qui eut peut-être procuré plus vite l'objectif recherché, mais qui eut entraîné en même temps la suppression ou la mise en veilleuse de certaines libertés, en même temps que des risques beaucoup plus élevés pour la perte de vies humaines.

J'ajoute, en troisième lieu, que le gouvernement a recherché aussi longtemps que cela fut possible un règlement négocié de la crise amérindienne. Dès le début de la crise et bien avant l'éclatement du 11 juillet, le gouvernement, par la voix du ministre délégué aux Affaires autochtones et du premier ministre lui-même, se déclarait favorable à la recherche d'une solution négociée. Comment ne pas souligner les initiatives nombreuses que prit à cette fin le ministre délégué aux Affaires autochtones, parce qu'il était conscient de la dimension politique du conflit, parce qu'il savait que, par-delà le caractère reprehensible de certains actes, il y avait des revendications authentiques auxquelles le Québec ne pouvait pas être indifférent? Le gouvernement, à de nombreuses reprises, se laissa gagner par l'espoir d'un règlement négocié. Il prit lui-même l'initiative de propositions cons-tructives, dont les plus importantes furent sans doute celles que contenait une déclaration émise le 27 juillet et dans laquelle le gouvernement s'engageait à faire droit à maintes revendications des communautés autochtones concernées. Le gouvernement se prêta, sans arrière-pensée, à une médiation instituée par le gouvernement fédéral, sous la présidence du juge en chef Alan Gold, de la Cour supérieure du Québec. À la suite de cette médiation, le gouvernement consentit à entreprendre de bonne foi une nouvelle ronde de négociations avec les représentants des communautés mohawks. Et ceci, que je viens de souligner, bien plus important que l'erreur particulière qui a été évoquée tantôt par le leader de l'Opposition concernant la fameuse cérémonie de signatures, nous convenons tous que ce fut une maladresse. Il n'y a pas de discussion là-dessus. On n'a pas besoin d'enquête pour conclure que ce fut une maladresse, on le sait. Mais l'essentiel de la démarche était là quand même, et je veux remercier mon collègue, l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones, du zèle et de la conviction profonde qu'il a déployés pour rechercher, avec l'encouragement de ses collègues, un règlement négocié. On n'en a pas entendu parler, de ça, dans la critique qui a été faite. Tout ce qu'on s'est rappelé, c'est le visage masqué qui était apparu un certain soir. Voyons donc l'essentiel avant de se perdre dans les détails, M. le Président. Comme les précédentes, cette dernière tentative de négociation vint malheureusement se briser sur le récif de l'intransigeance des porte-parole mohawks. Ce n'est qu'après avoir tenté loyalement de négocier que le gouvernement a dû, de guerre lasse, se résigner à ne plus attendre de résultat immédiat de ce côté.

Un dernier trait de l'action du gouvernement dans la crise doit être souligné. Je veux parler de l'aide concrète mise en oeuvre pour assister les victimes de la crise, c'est-à-dire les personnes atteintes dans leurs libertés fondamentales et leurs biens les plus chers par la violence de ceux qui s'étaient mis dans une véritable situation d'insurrection armée. Initiés, en partie du moins, à ce genre de défis par les situations d'urgence auxquelles il avait dû faire face à Saint-Basile et Saint-Amable au cours des deux années précédentes, le gouvernement reconnut rapidement que les personnes chassées de leur domicile ou de leur commerce par la violence étaient des victimes innocentes envers lesquelles des gestes de solidarité s'imposaient au nom de la justice la plus élémentaire. (16 h 50)

Dès le 1er août, un premier décret était adopté, prévoyant le versement d'indemnités de logement et de subsistance à l'intention des personnes évincées de leur domicile en raison de la crise. Une semaine plus tard, soit le 8 août, un second décret était adopté. Celui-là prévoyait le paiement d'indemnités au titre des pertes reliées à des dommages causés aux biens meubles ou immeubles ainsi qu'au titre de pertes de revenu subies par des producteurs agricoles et divers types d'entreprises à caractère local. Le décret donnait également aux municipalités concernées l'assurance qu'elles seraient remboursées pour les dépenses extraordinaires encourues en relation avec la gestion de la crise sur leurs territoires respectifs. Le 15 août, un troisième décret instituait des allocations de compensation à l'intention des employeurs ayant été forcés d'engager du personnel occasionnel ou d'exiger du temps supplémentaire de leurs employés ou encore, de louer des équipements ou des locaux parce qu'ils n'avaient pas accès à ceux qui leur appartenaient. Le 29 août, le Conseil des minis-

très adoptait un quatrième décret. Celui-ci comportait le versement d'indemnités aux personnes empêchées de travailler en raison de la crise, ou ayant dû faire face à des dépenses de transport accrues par suite de la fermeture de certaines routes, et des longs et coûteux détours que des milliers de personnes durent emprunter pendant cette période.

Finalement, le Conseil des ministres adoptait hier un cinquième décret. Celui-ci apporte des solutions au problème de divers types d'entreprises qui subirent des pertes substantielles en raison de la crise, mais qui n'avaient pas été incluses dans les décrets antérieurs. Je suis heureux de dire à l'un de nos amis de la région d'Oka qui est l'un de ceux dont l'entreprise a le plus souffert - il se reconnaîtra dans mes paroles - que son cas est compris dans le décret qui a été adopté hier, et que nous verrons à le rencontrer rapidement pour que justice lui soit faite, de même qu'à de nombreux autres. Je serai heureux de livrer, au cours des prochains jours, aux responsables d'entreprises et à la population des deux régions concernées, accompagné des deux députés concernés, le député de Deux-Montagnes et la députée de Châteauguay, les éléments de ce programme de compensation méritée aux responsables de certaines entreprises qui n'avaient pas pu être incluses jusqu'à maintenant.

Ces diverses mesures gouvernementales furent complétées par la présence dynamique, sur les lieux même où les problèmes se posaient, de représentants de la Direction générale de la sécurité civile. Appuyée par quelque 150 fonctionnaires permanents ou occasionnels, la Direction de la sécurité civile a vu à mettre à la disposition des personnes concernées l'information et l'assistance permettant de traduire en actions concrètes et généralement immédiates les décisions gouvernementales. Pendant toute la durée de la crise, les bureaux installés dans les deux régions de Châteauguay et d'Oka ont été de véritables ruches de travail. On a vu y défiler des citoyennes et des citoyens en très grand nombre. La Direction de la sécurité civile estime à plus de 15 000 le nombre de personnes qui ont visité, pendant la crise, les bureaux établis à Oka, Saint-Eustache, Châteauguay, Pointe-Claire, Sainte-Catherine, Delson, Saint-Isidore et Saint-Constant. Et l'action de ces bureaux fut rendue mieux adaptée et plus efficace par les liens étroits de collaboration que la Direction de la sécurité civile sut établir avec les représentants des municipalités et des corps intermédiaires des régions concernées.

Dans la même ligne, je veux rendre hommage au travail de liaison et de soutien auprès de la population accompli par la Sûreté du Québec. On connaît trop souvent la Sûreté uniquement sous le visage plutôt désagréable de l'agent qui vous arrête le long de la route pour Un délit de vitesse, ou encore sous les traits de celui qui s'est distingué par ses hauts faits contre des malfaiteurs. On ignore trop généralement le rôle proprement civique qui incombe aussi à l'agent de la paix. Au plus fort de la crise amérindienne, j'appris avec plaisir, à une réunion à laquelle nous étions présents tous les deux, le député de Deux-Montagnes et moi-même, de la bouche des représentants de la Sûreté du Québec à Oka, que notre force policière avait déjà mis au point, avant même la fin de la crise, un programme élaboré visant à faciliter le retour des citoyens à la vie normale.

Très tôt, enfin, la crise revêtit aux yeux du gouvernement une importance telle qu'un comité spécial de cinq ministres, auquel avaient été adjoints le Secrétaire générai du gouvernement, le chef de cabinet du premier ministre et un adjoint de celui-ci ainsi que l'attachée de presse du premier ministre, afin d'assurer la gestion de la crise... À compter de sa création, je crois que c'est le 19 juillet, le comité assura la direction de l'action gouvernementale sous l'autorité ultime du premier ministre. Le comité se réunit très fréquemment pendant tout l'été, s'adjoignant au besoin des représentants au plus haut niveau de la Sûreté du Québec et des ministères concernés. Ce comité ministériel joua un rôle relativement discret, mais intense, indispensable et très efficace. C'est à lui ainsi qu'à la volonté clairement exprimée du premier ministre que l'on est redevable de la constance exemplaire déployée par le gouvernement dans la poursuite des objectifs de règlement pacifique du conflit, de respect inviolable des droits fondamentaux, de recherche d'une solution négociée et de solidarité agissante qui ont caractérisé l'action du gouvernement pendant la crise amérindienne.

Ce rappel trop bref de la véritable histoire de l'action gouvernementale pendant la crise amérindienne permet de voir combien est injuste, partial et mesquin le jugement que l'Opposition, dans son aveuglement, voudrait voir adopté par l'Assemblée nationale concernant la conduite du gouvernement. Res ipsa loquitur, disaient les Anciens; le dossier de cette crise parie par lui-même pour qui sait lire et écouter. Il témoigne que le gouvernement a su procurer pendant les jours difficiles de la crise un leadership dont les traits caractéristiques furent non pas l'inflation verbale ou la culture des passions populaires ou la recherche d'une popularité facile, mais le refus de la violence aveugle, le respect de la personne, l'acceptation d'une popularité momentanée, le souci concret d'une solidarité agissante envers les personnes atteintes dans leurs biens les plus chers et le désir jamais oublié de ne pas compromettre irrémédiablement pour l'avenir la qualité des rapports que nous devrons toujours rechercher avec les communautés améridiennes vivant sur te territoire du Québec.

Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de cette motion déplorable, le gouvernement a su, pendant la crise amérindienne,

assumer et déployer un leadership politique et moral inspiré par les idéaux les plus élevés de civilisation, de respect et de responsabilité. Il a su non seulement rassurer et réconforter. C'est facile, ça, d'aller faire des émissions à la télévision pour dire: On est avec vous autres, on sympathise avec vous. Le gouvernement a voulu non seulement rassurer et réconforter, mais aussi et surtout assister et soutenir concrètement et généreusement les citoyennes et les citoyens directement touchés par la crise. Et lorsqu'on est près des gens qui souffrent, on n'éprouve pas autant le besoin de le proclamer sur la place publique. Quand on le fait, on se passe souvent de le répéter et de le dire pour avoir l'air de se vanter. Le gouvernement a su enfin conserver intacte, aux yeux de ses propres citoyens et du monde entier - je le dis sans hésitation - la réputation que possède le Québec d'être une société vouée de manière indéfectible au respect du droit de tous les citoyens à la paix et à la tranquillité publiques ainsi qu'à la jouissance de leurs libertés fondamentales.

Je terminerai ces remarques en formulant quelques commentaires au sujet d'un reproche que l'Opposition adresse au gouvernement, à savoir celui de n'avoir pas su prévoir le conflit armé qui a surgi cet été en tolérant, en pleine connaissance de cause, pendant les mois qui précédèrent les événements du 11 juillet et des jours suivants, l'accumulation massive d'armes prohibées sur certains territoires et réserves. (17 heures)

II est malheureusement vrai, M. le Président, que depuis au moins une douzaine d'années - ça . remonte, je pense que le député qui me regarde de l'autre côté s'en souvient comme moi, à 1978; ce n'est pas une histoire de la semaine dernière - depuis 1978, à la suite d'événements malheureux survenus à Kahnawake, ce territoire a été l'objet d'une surveillance policière inadéquate. Ce fut la même chose dans le secteur d'Akwesasne dont on a beaucoup parlé ces derniers temps. Il est non moins vrai que, pendant la même période, on a vu se multiplier sur ces territoires diverses formes d'activités commerciales ou autres à caractère souvent illégal, sinon criminel. Lorsqu'elle fait cette constatation, à grand renfort de déploiement verbal, l'Opposition n'apprend rien à personne. Elle ne fait que rappeler des faits qui sont depuis longtemps de notoriété publique, mais il est faux et injuste de soutenir que le gouvernement aurait laissé sans réagir cette situation malsaine se développer.

Pas plus tard que l'an dernier, la Sûreté du Québec, de concert avec la GRC et la police ontarienne, faisait à Akwesasne une intervention majeure, dont l'effet net aura été de remettre sous l'autorité de la SQ et des deux autres corps de police la surveillance policière sur tout le territoire de cette réserve.

Si une solution n'avait pas encore été apportée à certains problèmes sévissant à Kahnawake et Oka, lorsque survint l'éclatement du 11 juBlet, ce n'était pas à cause de l'indifférence que l'on tente, à tort, d'imputer à la SQ et au gouvernement. C'était plutôt parce qu'au lieu d'emprunter la voie de la force pure et simple, le gouvernement voulait privilégier, en premier lieu, la recherche d'arrangements négociés qui eussent permis d'obtenir, par des voies moins risquées et moins destructives, des résultats plus solides et plus durables.

Si l'on veut des exemples de cette stratégie gouvernementale, je citerai à ce sujet deux documents dont la signification est on ne peut plus éloquente. Le premier document remonte au 21 juin 1989. Il émane de celui qui était alors ministre délégué aux Affaires autochtones, M. Raymond Savoie. Dans un mémoire sur la question amérindienne qu'il adressait alors au Conseil des ministres, M. Savoie, après avoir fait état des problèmes observés dans les trois communautés mohawks du Québec, explorait les diverses solutions possibles. L'une des actions possibles, écrivait M. Savoie, serait d'entreprendre des actions policières. Ainsi, on pourrait augmenter la présence policière à Oka, de façon à éviter de nouveaux actes de vandalisme ou encore tenter, par ce moyen, de contrôler la vente des cigarettes à Kahnawake ou la présence d'armes à feu au même endroit. Bien que l'on ne puisse écarter cette solution d'actions policières, dans les cas où la sécurité publique l'exige, il apparaît - et ça, c'est la conclusion d'un mémoire qu'on a trop souvent cité ces dernières semaines de façon tronquée - concluait le ministre, que cette solution ne pourrait qu'entraîner une escalade des tensions et même être jugée comme provocatrice. De plus, cette solution laisserait sans réponse plusieurs questions, comme celles qui sont liées à l'autonomie et aux revendications territoriales. Après avoir rejeté la solution du seul recours policier, M. Savoie concluait dans son mémoire à la nécessité d'actions concertées dont les formes seraient appelées à varier pour chacune des trois communautés, mais dont l'essentiel devait être recherché par la voie de la négociation.

Un second document que je veux citer est une lettre adressée le 24 novembre dernier à M. Sam Elkas, alors ministre des Transports, par M. John Ciaccia, qui était alors ministre délégué aux Affaires autochtones. Dans sa lettre au ministre, au ministre des Transports, le ministre délégué aux Affaires autochtones écrit qu'il a entendu parier de la possibilité d'une intervention policière à Kahnawake pour empêcher la tenue d'un super bingo. "Je ne crois pas, écrit M. Ciaccia dans cette lettre, que la confrontation puisse mener à des résultats satisfaisants ni pour le gouvernement du Québec ni pour les Mohawks de Kahnawake.

"Je crains fortement qu'une opération policière sur la réserve à ce stade-ci ne cause

des torts irréparables à nos relations avec les autochtones de Kahnawake et du reste du Canada."

"Certes - c'est toujours M. Ciaccia qui parte - nous devons travailler à faire respecter les lois. Toutefois, une intervention policière ne servirait qu'à durcir les positions de l'ensemble de la communauté mohawk, sans parler de celles de tous les peuples autochtones du Canada, contre le pouvoir blanc. Plutôt que de régler un problème, nous le rendrions insoluble", conclut M. Ciaccia.

L'expérience des mois qui suivirent, en particulier l'épisode malheureux des injonctions qui furent émises par des juges de la Cour supérieure concernant le territoire d'Oka, injonctions qui, à deux reprises, furent déchirées comme un chiffon de papier par les agitateurs du côté mohawk... Les circonstances créées par ces actes ont malheureusement fait voir - et à mesure que l'on s'enfonçait dans le conflit, on l'a découvert davantage - des obstacles pratiquement infranchissables auxquels devait se heurter l'approche préconisée à l'époque par l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones. Elles ne sauraient faire oublier, cependant, que cette approche fut bel et bien mise de l'avant par le ministre et retenue à l'époque par le gouvernement. Le gouvernement l'avait appuyée et a soutenu l'ancien ministre dans son action. Si le gouvernement n'a pas sévi plus tôt et de manière directe et musclée contre la situation qui se développait dans certaines communautés autochtones, ce n'est pas parce qu'il était indifférent, endormi ou insconscient en face des problèmes auxquels il faisait face, ce fut plutôt parce qu'il avait mis sa confiance, il privilégiait une autre voie, une voie qu'il jugeait plus civilisée et plus susceptible de produire à long terme des fruits solides et durables.

C'est ça l'explication que prétend rechercher le leader de l'Opposition dans ses interminables questions répétitives durant la période de questions. S'il veut avoir l'explication franche, profonde, loyale et complète, c'est de ce côté-ci qu'il doit la rechercher. Il me semble que c'est un objectif auquel nous devrions souscrire d'emblée des deux côtés de la Chambre.

Devant la persistance de la crise à laquelle faisait face le Québec, l'été dernier, il a fallu, en dernière analyse, sans l'abandonner pour l'avenir, reporter au second plan dans l'immédiat, l'approche longtemps privilégiée par le gouvernement du Québec. Il a fallu plutôt mettre l'accent sur des mesures aptes à procurer le plus tôt possible un retour à la vie normale. Ce retour étant maintenant largement acquis, il restera à compléter l'oeuvre commencée en assurant la surveillance efficace et complète du territoire québécois dans toutes les régions et pour toutes les populations du territoire, sans exception.

Ainsi que je le rappelais, le 13 octobre, en annonçant la reprise en charge par la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du Canada de la patrouille policière sur les routes entourant Kahnawake et Châteauguay, les lois du Québec et du Canada doivent s'appliquer efficacement à travers tout le territoire du Québec. Il ne saurait exister de zones d'exception où les citoyens seraient autorisés à se soustraire à la loi, mais le gouvernement veut que les lois s'appliquent en territoire amérindien à l'aide de modes d'intervention policière qui soient le plus possible adaptés à la mentalité, aux habitudes et aux attentes de ces populations. C'est dans cet esprit qu'a été reprise en charge, par la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale du Canada, la patrouille policière sur les routes en bordure de Châteauguay et de Kahnawake. Et c'est dans le même esprit que sera mis au point, d'ici à la mi-novembre, un plan d'intervention devant permettre d'assurer le maintien de la paix et de l'ordre public dans les territoires d'Akwesasne, de Kahnawake et d'Oka-Kanesatake pendant les années à venir.

Mais autant le règne de la loi doit être universel et incontesté, autant les modalités par lesquelles il est assuré doivent tenir compte des caractéristiques et des attentes légitimes des populations concernées. Dans le cas des populations amérindiennes, il est acquis depuis déjà quelques années dans la pensée du gouvernement que le respect de l'ordre public doit être assuré chez elles avec l'aide de forces policières issues, dans toute la mesure du possible, de ces communautés possédant des forces policières composées de membres possédant à cette fin une formation d'une qualité professionnelle indiscutable et agissant suivant les normes d'intégrité les plus élevées, sous le contrôle général de l'autorité locale. Parce qu'il adhère à cet objectif, le gouvernement a promu depuis déjà quelques années l'implantation de forces policières autochtones dans plusieurs communautés amérindiennes. Ces jours derniers, j'avais le plaisir d'apposer ma signature, au nom du gouvernement, à un document prévoyant l'implantation d'une force policière autochtone dans le village huron de Wendake. J'ai de même pris connaissance de travaux qui sont en cours dans divers ministères afin de favoriser la mise au point de services publics mieux adaptés à la mentalité et aux attentes des populations autochtones. (17 h 10)

Le gouvernement a également favorisé la formation de policiers issus des communautés autochtones dans des programmes et établissements reconnus. Depuis 1985, par exemple, 200 constables spéciaux en provenance de communautés autochtones ont été formés à l'Institut de police du Québec à Nicolet. À l'heure actuelle, 17 aspirants policiers d'origine amérindienne sont en formation à l'Institut de police. Des travaux sont également en cours en vue d'une meilleure adaptation de nos services correctionnels et des services d'administration de la justice en fonc-

tion des caractéristiques et des besoins propres des communautés autochtones.

Nous entendons procéder dans le même esprit à la mise en oeuvre de conditions capables d'assurer la paix et l'ordre public dans les territoires d'Akwesasne, Kahnawake et d'Oka-Kanesatake. Déjà, à Akwesasne, l'objectif d'une surveillance policière efficace est largement atteint. Il reste à compléter les dispositions actuelles par des ententes en bonne et due forme qui en assureront la permanence et l'efficacité. Un protocole avait été signé à cette fin le 28 juin dernier, mais la mise en oeuvre a dû en être retardée à cause des événements de l'été à Kahnawake et à Oka. À Oka-Kanesatake, l'objectif sera réalisé par le renforcement de la présence de la SQ sur le territoire, selon des modalités dont la nature a déjà donné lieu à des consultations très utiles avec les autorités municipales, et dont l'implantation ne saurait tarder. À Kahnawake, la prise en charge par la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale de la patrouille routière des routes environnantes s'est faite depuis le 13 octobre, dans des conditions qui permettent d'augurer que l'opération sera réussie.

Je suis content de signaler à ce sujet, M. le Président, que les forces policières présentes sur les routes 132, 138 et 207 fonctionnent dans un climat de collaboration avec les "Peace Keepers" qui opèrent surtout à l'intérieur du village, et que des relations cordiales se sont établies entre tous ces éléments, ce qui augure très bien pour l'avenir. J'aurais pensé qu'on aurait des questions là-dessus en Chambre. Ça, c'est actuel. Ça, c'est vrai et ça, c'est direct. Mais je pense qu'ils ne sont même pas au courant.

En qualité de ministre de la Sécurité publique, je ne serai pleinement satisfait des services disponibles dans le territoire de Kah-nawake-Châteauguay que le jour où j'aurai acquis la conviction que les populations de ces endroits sont capables d'assurer la paix publique sur tout le territoire. La collaboration des forces policières québécoises, des dirigeants politiques et de la population de Kahnawake me paraît indispensable pour la réalisation de cet objectif. Je renouvelle en conséquence l'appel à la collaboration que j'adressais le 13 octobre dernier à une délégation présidée par le chef Joe Norton qui était venu, me rencontrer à mon bureau de Montréal. Je dis en toute sincérité aux dirigeants et à la population mohawk de Kahnawake: Au lieu de nous méfier les uns des autres, rencontrons-nous donc afin de chercher à nous entendre sur ce que pourraient être à Kahnawake les modalités d'une action policière capable de procurer à la population de ce territoire une protection d'une qualité professionnelle au moins égale à celle dont jouissent les citoyens à travers toutes les autres parties du territoire québécois.

Je termine, M. le Président, en vous assurant qu'en ma qualité de ministre de la

Sécurité publique du Québec je veillerai par tous les moyens raisonnables à ce que l'ordre et la paix publique soient maintenus sur tout le territoire, mais je verrai à ce que cet objectif soit réalisé dans le même esprit de collaboration, de concertation et d'entraide que j'ai eu l'honneur de déployer pendant cinq années à la tête des ministères chargés de l'éducation dans cette province. J'assume cette nouvelle charge dans un souci éducatif que je crois avoir appris un petit peu au temps où j'étais chargé de l'enseignement primaire, secondaire, collégial et universitaire, et je suis convaincu que, si nous abordons notre tâche dans un souci de dialogue et d'éducation réciproque, nous réussirons à vivre ensemble, autochtones et Blancs, dans le climat d'amitié et de respect mutuel qui me paraît seul digne d'une société vraiment civilisée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous remercie, M. le ministre de la Sécurité publique. Oui, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui, M. le Président, question de règlement. J'ai observé le règlement en n'interrompant pas le ministre dans son discours. Mais, comme le veut le règlement, à la fin du discours, mon intervention doit se faire. Le ministre, dans son discours, a cité textuellement en partie la lettre du ministre délégué aux Affaires autochtones, M. Ciaccia, au ministre des Transports, M. Elkas. Alors, en vertu du règlement, M. le Président, que vous connaissez très bien, je demanderais que le ministre dépose cette lettre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: M. le Président, M. le ministre n'a pas d'objection au dépôt de ce document. Alors, nous allons y procéder le plus rapidement possible.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le ministre, si vous voulez déposer le document auquel on a fait référence.

M. Ryan: Je ne suis pas sûr de l'avoir dans mes dossiers. Je vérifierai et je ferai le dépôt le plus tôt possible, comme l'a dit le leader adjoint.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ça va, M. le député de Laviolette?

M. Jolivet: Oui.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je reconnais maintenant M. le député de Ouplessis. M. le député de Duplessis.

M. Denis Perron M. Perron: Merci, M. le Président. Dans le

même sens que les propos tenus par mon collègue, le député de Joliette, je suis d'avis que le gouvernement est le grand responsable de l'éclatement du conflit que nous avons connu cet été et que la crédibilité du Québec a été entachée. À ce jour, on ne peut pas mesurer l'ampleur du conflit avec la faction mohawk des régions de Châteauguay et d'Oka. Au-delà des coûts monétaires, il y a des principes et des valeurs qui ont été entachés et des drames humains qui ont été vécus. Pensons, en premier lieu, aux familles de la région d'Oka qui ont été expulsées de leurs maisons pendant plusieurs semaines et à ceux et celles dont les maisons ont été pillées. Pensons aux commerçants, aux petites entreprises, aux agriculteurs et aux pomiculteurs des deux secteurs dont les pertes sont énormes. Pensons aux élus municipaux envers lesquels l'Opposition n'a aucun droit, ni le gouvernement, de lancer aucun blâme puisque ces derniers, c'est-à-dire les élus municipaux, ont pratiqué leurs droits en tant que responsables de cette municipalité d'Oka. Et nul doute que si le gouvernement avait pris ses responsabilités en temps et lieu, c'est-à-dire il y a environ deux ans, lorsque s'est confirmé de plus en plus le problème vécu entre Kanesatake et Oka, ce gouvernement aurait très bien pu, par des mesures législatives ou encore par des ententes avec la municipalité, régler le problème qui existait entre les Blancs d'Oka et les Mohawks de Kanesatake.

De plus, la confiance de la population dans les institutions et dans leurs représentants est sans aucun doute ébranlée à la suite de la triste mise en scène que l'on a vue, où l'on a vu le juge Alan Gold, les ministres Ciaccia et Siddon signer une entente avec des Warriors masqués. Je dénonce donc le gouvernement libéral qui a accepté de négocier avec des gens non élus qui ne représentaient aucunement cette nation mohawk.

Tous les événements ont eu pour conséquence d'éloigner les deux peuples l'un de l'autre et d'anéantir quelque lien de confiance qui existait entre les deux nations depuis plusieurs années. Ces événements nous obligent aujourd'hui à interroger sur les raisons de cette crise où il y a eu la perte d'une vie humaine, des actes de violence, d'intimidation et de racisme. Et parlant de racisme, M. le Président, je voudrais lancer un appel ici à tous les Blancs du Québec, à toutes les communautés culturelles du Québec et à tous les membres de toutes les nations autochtones du Québec de faire en sorte que disparaisse ce racisme qui s'est créé au cours des derniers mois entre toutes les factions.

Depuis plusieurs années, je suis de très près les rapports qu'entretient le gouvernement du Québec avec les nations autochtones. J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs représentants et représentantes des différentes nations autochtones avec qui j'ai échangé sur leurs revendica- tions et l'état des négociations depuis l'arrivée du Parti libéral au pouvoir. L'éclatement du conflit, nous le savons maintenant, qui était latent depuis deux à trois ans, est le résultat de l'exaspération de la nation mohawk dans l'immobilisme et le mutisme du gouvernement vis-à-vis de ses demandes. Cette exaspération est aussi visible chez d'autres nations, comme les Hurons, les Montagnais, les Attikameks, les Algonquins, et j'en passe. (17 h 20)

Je crois pouvoir démontrer que le gouvernement libéral est le grand responsable de tout ce gâchis. La cause des autochtones n'a jamais été aussi mal servie que depuis l'arrivée au pouvoir des libéraux. Lorsque le Parti libéral a pris le pouvoir, en 1985, le 2 décembre, il se devait de poursuivre dans la voie tracée par le gouvernement Lévesque et de respecter les engagements pris par l'Assemblée nationale vis-à-vis des nations autochtones du Québec. Le non-respect de ces engagements est un affront envers les autochtones et un acte humiliant pour le Québec. Qu'on se rappelle que durant la campagne électorale de 1985 l'actuel premier ministre du Québec promettait de tout faire pour que les droits des autochtones soient inclus dans la Constitution canadienne.

En mars 1987, suite à l'échec de la conférence constitutionnelle à Ottawa, l'actuel premier ministre du Québec a promis que le Québec ne réintégrerait pas la Constitution tant que les droits des autochtones ne seraient pas dans la Constitution canadienne. Pourtant, en juin 1987, il a lui-même signé ce qu'on appelle l'accord du lac Meech, sans protéger les droits des autochtones dans ce même accord. Tout ça pour vous dire, M. le Président, qu'une promesse libérale, c'est une chose et la réalité est maintenant tout autre chose.

Rappelons que le 9 février 1983, le Conseil des ministres du gouvernement Lévesque répondait aux demandes formulées par les autochtones en 1982 et adoptait 15 principes énonçant la politique du Québec à leur égard. Le 20 mars 1985, l'Assemblée nationale adoptait, à la majorité des voix, une résolution basée sur ces 15 principes et reconnaissait les droits des autochtones du Québec. Il est important que l'on fasse mention, cet après-midi, de ces droits, pour démontrer aux autochtones qui l'ignorent encore et aux gouvernements, celui de Québec et d'Ottawa, toute la considération que le gouvernement péquiste avait pour les autochtones et jusqu'où il voulait aller dans la reconnaissance de leurs droits. Une partie des 15 principes se lit comme suit. La reconnaissance formelle des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naska-pie et inuit; la reconnaissance de leurs droits ancestraux existants et ceux inscrits dans les conventions de la Baie James et du Nord-Est québécois; la nécessité d'établir avec les autoch-

tones des rapports harmonieux fondés sur le respect des droits et la confiance mutuelle; la nécessité de poursuivre les négociations avec les nations autochtones et de conclure des ententes assurant l'exercice de leurs droits, en particulier: du droit à l'autonomie au sein du Québec; du droit à leur culture, leur langue, et leurs traditions; du droit de posséder et de contrôler des terres; du droit de chasser, pêcher et de participer à la gestion des ressources fauniques; du droit de participer au développement économique du Québec et d'en bénéficier, de façon à leur permettre de se développer en tant que nations distinctes - et j'ai bien dit "nations distinctes" et non "sociétés distinctes" - ayant leur identité propre et exerçant leurs droits au sein du Québec.

De plus, par cette résolution, on prenait l'engagement d'établir un forum parlementaire permanent, permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins à la face de tous et de toutes et non pas en catimini, comme le fait actuellement le gouvernement libéral.

Par la ratification de cette motion à l'Assemblée nationale, le gouvernement Lévesque signifiait clairement qu'il reconnaissait les droits des nations autochtones et qu'il désirait s'engager de bonne foi dans un processus de négociation d'entente. Lors de son discours en Chambre, le regretté premier ministre du temps, M. René Lévesque, parlait d'une politique d'accueil et d'ouverture et non pas d'une politique interventionniste qui voudrait forcer le changement des institutions et des mentalités chez les autochtones.

De façon délibérée, le gouvernement libéral a choisi d'ignorer ces engagements. La commission parlementaire permanente n'a jamais été instituée. Ainsi, depuis 1985, les autochtones n'ont jamais eu l'occasion d'échanger avec les membres de l'Assemblée nationale, nouveaux comme anciens. Dans le cadre d'un débat officiel et sur la place publique, les négociations, s'il y en a eu avant l'éclatement du conflit à Oka, ont été menées a l'extérieur de la place publique et, comme le démontre la crise que nous avons connue cet été, n'ont pas donné satisfaction aux peuples autochtones et en particulier à la nation monawk.

Cette attitude du gouvernement est inexcusable. Elle a d'ailleurs été dénoncée par l'ancien secrétaire associé du Conseil exécutif et responsable du dossier autochtone de 1978 à 1985, M. Éric Gourdeau, qui disait dans une entrevue à la Presse canadienne en août dernier, et je cite. Le gouvernement du Québec s'était doté d'une politique, pour ses relations avec les autochtones, mais on ne l'a pas suivie parce qu'un ministre voulait faire un "ego trip". Voilà une déclaration qui en dit long sur l'attitude du gouvernement. Un "ego trip" qui coûtera cher aux Québécois et Québécoises, plus de 100 000 000 $, selon ce qu'on connaît actuellement. Cette déclaration n'est pas celle d'un politicien, mais d'un ancien haut fonctionnaire qui constate avec amertume que le travail qu'il a accompli n'a pas été pris au sérieux par le gouvernement libéral, avec les conséquences que l'on connaît aujourd'hui.

M. le Président, depuis 1985, le gouvernement libéral a considéré les relations avec les nations autochtones comme étant une question de second ordre. Par exemple, les dépenses de transferts payés sous forme de subventions à des groupes communautaires ou à des organismes autochtones ou traitant des questions autochtones sont passées de 836 000 $ en 1985-1986 à 705 000 $ en 1989-1990, c'est-à-dire qu'il y a une diminution de 5,5 %, alors que nous avons connu des taux d'inflation de 4 % à 5 % pour les années entre 1985 et 1990. Pourtant, nous savons combien cet argent est nécessaire aux nations autochtones qui sont confrontées à de graves problèmes de pauvreté, d'alcoolisme, de violence conjugale et de drogue, tout comme ça l'est du côté des Blancs. Ces faits, le gouvernement ne peut pas les ignorer puisqu'il a, auprès des autochtones, les mêmes responsabilités qu'il assume auprès de la population blanche. Les autochtones ne sont pas des citoyens de second ordre, et je m'explique mal que l'on n'ait pas encore donné suite à la demande de fonds, présentée par la Commission des droits de la personne au ministre de la Justice, pour la tenue d'audiences publiques portant sur les relations entre les corps policiers et les nations autochtones du Québec. Cette demande, présentée au début du mois de juin dernier, et fondée sur des faits et sur de nombreuses plaintes de la part des autochtones, est restée sans réponse.

Au lendemain de la crise que nous avons connue cet été, de telles audiences m'apparais-saient nécessaires et urgentes. J'aimerais qu'au gouvernement on m'explique pourquoi la Commission n'a pas encore eu de réponse à sa demande de juin dernier. Comment se fait-il qu'en 1987 la Commission des droits de la personne du Québec a reçu les fonds nécessaires pour instituer une vaste enquête indépendante et publique portant sur les relations entre les corps policiers et les minorités visibles et ethniques et que la présente demande demeure toujours sans réponse? Ma collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, vous pariera davantage de ce dossier.

M. Le Président, dans ce dossier, le gouvernement ne réagit pas. je veux vous donner d'autres exemples où, dans le passé, le gouvernement a réagi plutôt que d'agir. le gouvernement préfère gérer les crises plutôt que de gérer le québec, et de gérer les affaires autochtones. un exemple flagrant où le gouvernement s'est traîné les pieds et s'est moqué des autochtones est celui de l'exploitation de la forêt dans la réserve faunique la vérendrye où les algonquins du lac barrière se sont opposés à la coupe de

bois par les compagnies forestières. Après s'être opposés pendant un an à toute coupe de bois dans la réserve, ce n'est qu'au milieu de la crise d'Oka que les Algonquins ont été entendus. Il aura fallu, encore une fois, une levée de barricades sur la route 117 entre Montréal et l'Abitibi pour que le gouvernement libéral les écoute et que le ministre du temps se déplace sur les lieux pour les rencontrer. Ils ont finalement obtenu d'être impliqués dans le choix des zones forestières à protéger et la promesse qu'ils seraient associés à l'élaboration d'une stratégie de conservation de la forêt et de la faune. Pourquoi a-t-il fallu attendre une levée de barricades pour que le dossier progresse et débloque? N'était-il pas normal que les Algonquins et les autres nations soient impliqués dans la gestion des forêts, dans les projets qui touchent leur environnement et leur milieu de vie, comme par exemple les développements forestiers, les aménagements hydroélectriques, la gestion des rivières à saumon, l'opération des ZEC, le développement des pourvoiries et des parcs, les exercices militaires aériens à basse altitude?

Je peux aussi vous parler des négociations avec le conseil des Attikameks et des Montagnais sur les revendication territoriales qui sont rompues depuis mars dernier et dont on' ne peut dire quand elles reprendront. Lors de l'étude des crédits du Secrétariat aux Affaires autochtones, en mai dernier, l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones me faisait part que l'offre qui a été faite en mars aux Attikameks et aux Montagnais et qui a été refusée par le gouvernement n'était pas la position officielle du gouvernement puisque celle-ci n'était pas encore établie - et, fait à remarquer, après cinq ans de présence de ce gouvernement à l'Assemblée nationale. Il m'a assuré, à ce moment-là, que fe gouvernement allait développer une position et qu'après il se rassoirait avec le Conseil attika-mek-montagnais pour poursuivre les négociations. (17 h 30)

Plus de cinq mois plus tard, il nous faut donc conclure que le- gouvernement n'a pas encore de position sur les revendications territoriales du Conseil attikamek-montagnais. Comment une telle situation est-elle possible alors que le gouvernement est en place depuis cinq ans et qu'il avait toute la latitude pour travailler dans ce dossier? M. le Président, je me demande si on ne s'est pas moqué des Attikameks et des Montagnais pendant cinq ans, si on n'a pas laissé traîner ce dossier parce que ceci faisait l'affaire du gouvernement. Qu'attend donc le gouvernement pour reprendre lesdites négociations? J'espère qu'il aura appris des événements de cet été et qu'il saura, à l'avenir, qu'il y a des conséquences à laisser traîner des dossiers indéfiniment. Celui des Attikameks-Montagnais devrait être prioritaire pour le nouveau ministre délégué aux Affaires autochtones, et je lui conseille de se mettre à la tâche très rapidement.

Nous savons que les résidents et les résidentes du Nunavik ont présenté au gouvernement un projet de constitution pour la création d'un gouvernement autonome sur leur propre territoire. Ce projet aboutit après trois ans de travail des autochtones de la nation inuit, et une première rencontre est prévue pour le mois de novembre avec les représentants du gouvernement. J'ose espérer que le nouveau ministre responsable des Affaires autochtones démontrera sa bonne foi en agissant avec sérieux et célérité dans ce dossier et qu'il fera plus qu'écouter. D'autres ministres qui l'ont précédé, ont, eux aussi, beaucoup écouté et n'ont pas agi, avec les résultats que nous connaissons aujourd'hui.

M. le Président, le gouvernement du Québec n'est pas le seul responsable des relations tendues qui existent entre les nations autochtones et la population blanche du Québec. Le gouvernement fédéral doit porter l'odieux d'avoir écarté les autochtones des négociations constitutionnelles de l'accord du lac Meech. Il doit aussi porter l'odieux d'avoir imposé dans le dernier budget Wilson des coupures budgétaires de l'ordre de 23 000 000 $ aux divers programmes réservés aux autochtones. Ces coupures touchent les centres d'amitié autochtone, et ces groupes se voient privés de plusieurs millions de dollars. Au Québec, nous avons six centres d'amitié autochtone situés à Montréal, Québec, Sept-îles, Val-d'Or, La Tuque et Chibougamau. Ces centres sont touchés par le gel des budgets de fonctionnement et les coupures au niveau des programmes sociaux, ce qui les obligera à restreindre les activités et les services qu'ils offraient.

M. le Président, voici l'exemple d'une décision gouvernementale qui en est une que nous appelons des économies de bout de chandelle. Le gouvernement fédéral met en danger l'existence de ces centres dont le principal but est de favoriser l'intégration des autochtones qui quittent leur réserve vers les grands centres urbains. Les centres d'amitié fonctionnent avec un budget restreint et accomplissent un travail gigantesque dans la recherche d'emplois pour cesdits autochtones. Ils les orientent vers les services gouvernementaux et offrent même l'hébergement. Nous nous serions attendu que le gouvernement libéral du Québec soit plus insistant auprès du gouvernement fédéral pour s'opposer à ces coupures et, sinon, même aller jusqu'à y prendre la place, si le gouvernement fédéral néglige d'émettre les budgets nécessaires.

Les quelques exemples dont je viens de vous faire état nous fournissent une partie de la réponse que je posais au début de mon intervention: Comment le Québec en est-il venu à une crise si aiguë? Qu'a fait le gouvernement dans le dossier des Affaires autochtones depuis 1985?

Nous retrouvons aujourd'hui chaque partie retranchée dans son propre camp, non pas opposées, mais très loin l'une de l'autre. Le dialogue doit reprendre sans délai entre les nations et s'établir sur des bases différentes. Nous ne pouvons, avec le poids du nombre, imposer et définir à notre façon l'avenir des nations autochtones. Ce sont elles qui doivent le faire, avec toutes les conséquences et les déchirements qu'un tel projet suppose.

M. le Président, je ne peux manquer une si belle occasion pour vous parler quelque peu de l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones du Québec qui s'est littéralement fait bousiller de son poste par le premier ministre du Québec pour se faire remplacer par un ministre, entre guillemets, néophyte en matière autochtone. Si, depuis cinq ans, la cause des autochtones du Québec n'a pas avancé, j'accuse l'ancien ministre et son gouvernement de ne pas en avoir fait une priorité. Le député de Mont-Royal est le grand responsable du fouillis que l'on retrouve actuellement puisque ce dernier a toujours mis de côté les 15 principes de 1983 et la motion de mars 1985 en se basant sur le fait que les nations autochtones en voulaient plus.

Si c'était vraiment la raison fondamentale, c'est-à-dire que les nations autochtones en voulaient plus, est-ce qu'on peut me dire, M. le Président, pourquoi ce ministre, cet ancien ministre délégué aux Affaires autochtones n'a pas contribué à y ajouter tout le nécessaire au cours des cinq dernières années? À ce qu'on puisse voir dans les dossiers autochtones, rien n'a été fait de ce côté. Le gouvernement peut-il me dire pourquoi son ancien ministre a passé son temps à éteindre des petits feux ici et là, en donnant un peu de fric ici et là, pour, un jour, se ramasser avec un grand feu qu'il n'a pu éteindre en plus d'occasionner la présence de l'armée au Québec, ce qui, vous comprendrez, n'était pas une première pour l'actuel premier ministre? Si cet ancien ministre était parti des 15 principes et de la motion, les choses ne seraient pas ce qu'elles sont aujourd'hui. Il n'y aurait sûrement pas une telle motion de blâme face au gouvernement libéral en cette Assemblée nationale et la paix régnerait probablement entre notre peuple et les nations autochtones.

De plus, pour mélanger tout le monde, le premier ministre a nommé un nouveau ministre en jouant à la chaise musicale. Ce nouveau ministre se rendra compte très vite qu'il devra traiter les nations autochtones comme telles et non comme des communautés culturelles. Il verra que sa méconnaissance du dossier le portera à réagir très souvent à la va-comme-je-te-pousse et qu'il se devra de discuter d'égal à égal plutôt que d'imposer ses vues et celles de son gouvernement à toutes les nations autochtones ou à différentes nations autochtones. Malgré les nombreux doutes que j'entretiens sur la sincérité du gouvernement actuel, je ne doute pas de celle du nouveau ministre délégué aux Affaires autochtones, mais il apprendra très tôt que ses positions ne seront pas nécessairement celles de son propre gouvernement et que son parti politique n'a pas de vrai programme sur les questions autochtones.

D'autre part, je ne demande pas au peuple québécois de se soumettre à toutes les demandes des autochtones. Le peuple québécois a fait ce Québec avec d'autres et il est là pour y rester. Il faut trouver une façon de faire coexister le peuple québécois et les nations autochtones côte à côte dans le respect mutuel de leur entité distincte. Ce projet peut paraître utopique, mais je me demande s'il n'est pas la seule voie possible pour éviter que ne se reproduisent les affrontements que nous avons connus cet été.

Pour notre part, M. le Président, les relations avec les nations autochtones ont toujours été prioritaires. C'est pourquoi nous avons mis sur pied, en tant que parti politique, une table de travail sur le programme du Parti québécois où siègent des représentants des nations autochtones. De plus, maintenant que le premier ministre a décidé de rouvrir la loi créant la Commission constitutionnelle sur l'avenir du Québec, l'Opposition demande, et ce très fortement, au gouvernement libéral d'y ajouter un représentant des nations autochtones, soit le chef de l'Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador, M. Konrad Sioui, qui, en passant, a une grande expérience dans le domaine autochtone et ce, en particulier sur le territoire québécois et celui du Labrador. Je trouve d'ailleurs déplorable que le nouveau ministre délégué aux Affaires autochtones n'ait pas déjà réclamé la présence d'un membre des nations autochtones à cette Commission, se limitant à parler de forum spécifique et parallèle à cette même Commission. Le nouveau ministre responsable des Affaires autochtones doit comprendre qu'il nous faut revenir le plus rapidement possible à la négociation et, cette fois-ci, sur de nouvelles bases. Nous devons parier de vrais pouvoirs politiques pour les autochtones et nous devons traiter avec eux de nation à nation. Sinon, toute entente serait illusoire.

M. le Président, le projet de la souveraineté politique du Québec que le Parti québécois défend avec ardeur depuis plusieurs années nous oblige à nous interroger sur la place des nations autochtones au sein d'un Québec souverain et sur le sens même d'une vraie autonomie pour ces nations. Le Québec a tout ce qu'il faut pour devenir souverain, une population suffisante, un territoire déterminé, une économie durable, une fiscalité imposante et toutes les ressources nécessaires. L'indépendance du peuple québécois signifie pour moi l'inclusion des nations autochtones du Québec dans ce processus. (17 h 40)

Est-ce qu'un gouvernement du Parti québécois dans un Québec indépendant serait prêt à

discuter avec les nations autochtones, d'égal à égal? Je dirai oui, M. le Président. Est-ce qu'un gouvernement du Parti québécois dans un Québec indépendant serait prêt à inclure, dans sa constitution, ce qui existe déjà dans la Constitution canadienne en rapport avec 25 et 35? Je dirai oui, M. le Président. Et on serait prêt à donner encore plus. Est-ce que les négociations avanceraient plus vite entre les nations autochtones vivant dans un Québec indépendant? C'est oui, M. le Président.

J'ai répondu oui à chacune de ces questions; oui, car la complexité des présentes négociations tripartites disparaîtrait de façon prodigieuse sans la présence du gouvernement fédéral et des neuf autres provinces canadiennes. Il serait plus facile de s'entendre avec 57 chefs représentant 11 nations autochtones du Québec que de le faire avec plus de 600 chefs canadiens.

M. le Président, en terminant, je voudrais dire aux députés libéraux et au gouvernement qu'ils ont beaucoup de travail à faire pour s'approcher des positions du Parti québécois, pour établir des relations durables avec les autochtones du Québec et qu'ils devront rendre des comptes à la population du Québec sur leur mutisme, leur léthargie et leur incurie dans le dossier des affaires autochtones et ce, depuis cinq ans. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Duplessis. Je reconnais maintenant le ministre délégué aux Affaires autochtones et député de Laurier. M. le ministre.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer en disant d'abord, M. le Président, au député de Duplessis que je n'entends pas faire un genre de concurrence quant à savoir si on va être meilleur que ce que le Parti québécois déclare qu'il a été, etc. Il n'y aura pas de surenchère dans ce sens-là.

J'arrive au poste, M. le Président, avec la ferme détermination d'aborder le dossier avec calme, avec objectivité et avec la détermination d'établir des liens solides et valables avec les autochtones, M. le Président, basés sur l'ouverture, l'acceptation et, surtout, axés vers l'avenir.

M. le Président, nous venons de vivre une crise qui a secoué beaucoup de choses au Québec. Ça a été une grande épreuve tant pour la société québécoise, tant, je dirais, pour les peuples autochtones en général ainsi que pour les Mohawks en particulier. Nous ne sommes pas encore prêts, je pense M. le Président, à répondre - tout au moins, moi, je ne le suis pas - par un oui ou un non à la question, à savoir si on a réussi ou si on a échoué cette épreuve. Il y a des choses qu'il faudra un certain temps à regarder, à comprendre et à examiner. Il n'est pas mon intention non plus - et ce serait très prétentieux de ma part à ce stade-ci - de pouvoir fournir aujourd'hui une analyse détaillée des facteurs qui ont conduit à la crise que nous avons connue.

Le Parti québécois et le député de Duplessis, en particulier, tout à l'heure, comme son collègue, le leader de l'Opposition, le député de Joliette, ont choisi de décider que c'est ça, c'est l'incurie, l'inaction, le manque de présence du gouvernement, pendant les cinq dernières années au complet, qui ont conduit - voilà - à la crise que nous avons connue.

J'aimerais tout simplement, M. le Président, rappeler que ce style auquel le député de Joliette nous a habitués depuis quelque temps l'a conduit, tout récemment, durant l'été, à des erreurs, je pense, et j'aurais pensé que ça lui aurait laissé un certain brin de sagesse, quand, par exemple, il prenait les mêmes grands moyens, les grandes déclarations, affirmations sans nuance, sans sens critique, sans aucun sens de perspective, je dirais, quand il commentait l'absence soi-disant du premier ministre à un certain moment donné. Ses paroles ont certainement dépassé sa pensée à ce moment-là, M. le Président, mais je vois qu'aujourd'hui le député de Joliette et le député de Duplessis commettent encore une fois le même genre d'erreur. Il n'est pas vrai que le gouvernement a été absent dans le dossier des autochtones durant les cinq dernières années. Si, aujourd'hui, on peut être très fiers au Québec quand on regarde objectivement que la situation vis-à-vis des autochtones et des non-autochtones est la meilleure base pour une relation saine dans l'ensemble des provinces canadiennes, c'est largement parce que le gouvernement des cinq dernières années a effectivement travaillé dans le sens de créer des liens, de signer des ententes qui transfèrent justement la responsabilité pour un certain nombre de choses aux autochtones.

J'aimerais aujourd'hui tout simplement intervenir pour dire, d'une part, que la crise n'est pas l'ensemble du dossier des autochtones. Ce serait une erreur de ne parier que de la crise quand on parie du dossier des autochtones. Il faut aussi dire que la crise a été importante dans le dossier des autochtones. Elle a été importante parce qu'elle nous a permis de mesurer, si je peux dire ainsi, la profondeur de nos divisions, l'étendue de notre manque de connaissance mutuelle - et j'insiste sur le mot "mutuelle", M. le Président - ainsi que de nous signaler un peu les dangers qui nous guettent tous, de part et d'autre, si nous ne réussissons pas à bâtir un climat de confiance et une relation, comme je le disais, basée sur l'acceptation mutuelle, sur l'ouverture, et surtout axée vers l'avenir.

Je ne voudrais donc pas qu'on assimile le dossier autochtone à celui de la crise que nous avons connue. Nous devons faire attention, dans tous les discours que nous ferons, de bien

distinguer, quand on parte des Warriors, des Mohawks, les factions modérées ou les personnes modérées de ceux qui ont décidé de prendre la loi entre leurs mains, M. le Président. Dans ce sens-là, je pense que les gestes qui ont été posés jusqu'à date après la crise, surtout par rapport à la sécurité publique, doivent recevoir de la part de l'ensemble de la population, y inclus les autochtones - ça a été le sens des propos que m'a tenus le chef Mike Mitchell de la réserve d'Akwesasne quand je l'ai rencontré la semaine passée - l'appui à ce principe que les lois du territoire québécois et canadien doivent s'appliquer partout à travers le territoire, sans exception. Il est toujours possible de s'asseoir, comme nous l'avons déjà fait dans le cas d'Akwesasne, par exemple, et de s'entendre avec les autochtones, comme le soulignait le ministre de la Sécurité publique, pour que l'application de ces lois puisse être faite en grande partie par les autochtones eux-mêmes, en tenant compte des particularités, des valeurs, de leur façon de faire, etc., mais en respectant de part et d'autre qu'il y a un cadre juridique à l'intérieur duquel nous évoluons tous ensemble et avec lequel nous vivrons tous.

Quand l'Opposition déclare, dans sa motion, que le gouvernement n'a donné aucune suite à cette résolution adoptée en 1985 et que ceci, entre autres, a conduit aux événements de l'été, je peux affirmer déjà, même après seulement deux semaines en poste, M. le Président, même pas, que c'est une exagération; exagération du style à laquelle on nous a déjà habitués, comme je le disais tout à l'heure.

Tout à l'heure, le ministre de la Sécurité publique a fait, je pense, un survol très clair de toute la question quant à la gestion de la crise et il a fait ressortir, d'une part, que les droits fondamentaux n'ont jamais été mis en question et, d'autre part, que le gouvernement, durant toute la crise, n'a jamais fléchi de sa détermination de s'assurer qu'il n'y aurait pas d'autres effusions de sang que celle très malheureuse du caporal Lemay, le 11 juillet. Et nous avons réussi. Il est vrai qu'ici et là, comme le disait le ministre de la Sécurité publique, il aurait pu y avoir des difficultés, des erreurs de parcours, mais, dans l'ensemble, nous sortons de cette crise avec la conviction et l'affirmation que, finalement, la société québécoise a tenu beaucoup à ce qu'on évite d'avoir des conflits comme ceux que connaissent d'autres endroits dans le monde et que nous sommes prêts à repartir, M. le Président, sur une voie qui nous amènera à des relations saines, à des relations qui nous permettront de parier clairement de part et d'autre, et de se comprendre.

Dans ce sens-là, je ne peux pas et je ne veux pas retourner en arrière et essayer d'attribuer des blâmes par rapport à la crise à tel comportement, à telle faction, à tel geste ou à tel groupe ou quoi que ce soit. Ce que je retiens des événements de cet été, c'est, d'une part, qu'il y a une situation particulière par rapport aux Mohawks à laquelle il faut faire face et, d'autre part, qu'il va falloir qu'on établisse une nouvelle relation avec l'ensemble des peuples aborigènes du Québec en ce qui nous concerne au Québec. Il existe, comme nous le savons tous et comme l'a souligné le député de Duplessis tout à l'heure, à l'arrière-plan, le fait que le dossier des autochtones, à l'exception des territoires conventionnés, est un dossier de compétence fédérale à plusieurs égards. Mais j'aimerais affirmer déjà, M. le Président, que ceci ne veut pas dire que nous nous en laverons les mains. Bien au contraire. Parce que les manifestations concrètes de la qualité de nos relations se font sentir sur le Québec, et nous avons tout intérêt à maintenir et à développer davantage une relation qui nous soit propre. (17 h 50)

La nomination d'un ministre à temps plein sur le dossier - et c'est la première fois dans l'histoire de ce dossier, M. le Président, qu'il y a un ministre à temps plein - cette nomination souligne, je crois, le fait que nous devons travailler dans ce sens-là, et c'est exactement mon intention, M. le Président. J'aurai d'ailleurs l'occasion de travailler avec les chefs autochtones, avec les collègues ici et je rencontrerai également, dans un proche avenir, mon homologue fédéral afin de discuter avec lui de toute la question de nos relations sur ce dossier.

Mais retournons pour deux secondes à la motion que nous avons, et faisons un tour rapide des actions du gouvernement depuis 1985. À bien croire le député qui m'a précédé, nous étions complètement absents, absolument rien ne s'est fait et nous n'avons pas de relation avec les autochtones. Ce n'est tout simplement pas vrai, M. le Président. Mes deux prédécesseurs ont travaillé très fort, et c'est tout à leur honneur si nous avons un bilan qui est parmi les plus riches de l'ensemble des provinces, et contrairement à ce que peuvent laisser entendre certains chefs autochtones pour des raisons qui leur sont propres, c'est au Québec qu'il y a la meilleure base pour une relation saine entre les autochtones et les non-autochtones et ce fait est surtout dû aux actions de ce gouvernement, M. le Président, et au travail effectué par mes prédécesseurs.

Commençons avec le développement économique parce que le développement économique, M. le Président, est un des secteurs touchés par la résolution de 1985 qui pariait du droit de participer au développement économique du Québec et d'en bénéficier. Commençons par ce secteur parce que c'est là, à mon avis, la base des problèmes que peuvent vivre les autochtones. Il est clair qu'il faudra ensemble trouver des façons légitimes, je dirais aussi légales, d'assurer une base économique pour assurer et permettre le développement social, culturel et communau-

taire des autochtones. Il est clair qu'il reste encore beaucoup à faire dans ce secteur et qu'il faudra explorer plusieurs pistes, utiliser de l'imagination et être prêts à faire face à de nombreuses difficultés et complexités.

Déjà, pourtant, nous avons apporté notre appui à divers projets pour autochtones lors des sommets socio-économiques de la Côte-Nord, par exemple, de la Gaspésie, de la Mauricie, de Lanaudière, et lors de la biennale de l'Abitibi-Témiscamingue, et c'est ainsi que les Montagnais, les Naskapis, les Micmacs, les Attikameks et les Algonquins ont pu obtenir du gouvernement du Québec des engagements totalisant 9 000 000 $. Mieux pourtant, cet exercice aura permis à plusieurs communautés d'établir des liens étroits avec l'ensemble des organismes socio-économiques de leur région et, dans bien des cas, le forum régional a priorisé les projets des autochtones qui, de plus en plus, ont le sentiment d'être des partenaires à part entière du développement du milieu. Enfin, M. le Président, ceci n'est qu'un exemple pour montrer que nous entendons soutenir le plus efficacement possible le développement socio-économique des Amérindiens et des Inuit du Québec.

Actuellement, nous poursuivons nos travaux de mise en oeuvre de l'entente de concertation Canada-Québec qui permettra de faciliter l'accès des autochtones aux programmes de développement économique des deux niveaux de gouvernement. D'autre part, en favorisant, comme nous l'avons fait, : la mise en place de comités d'adaptation de la main-d'oeuvre, les soi-disant CAMO - je suis en train d'apprendre un nouveau vocabulaire et un nouveau jargon - dans plusieurs communautés, nous espérons pouvoir apporter le coup de pouce nécessaire qui permettra d'organiser et de planifier le développement économique futur tout en offrant des possibilités d'emploi intéressantes. Et, à cet égard, M. le Président, nous avons participé activement à la création d'une banque informatisée de données sur la main-d'oeuvre montagnaise qui permettra de planifier la formation des travailleurs et d'offrir aux employeurs de tout le Québec le savoir-faire des jeunes autochtones.

M. le Président, toute cette question de la formation professionnelle, toute cette question de la nécessité de faire la jonction entre la jeunesse autochtone - qui est une jeunesse, j'allais utiliser un mot, grandissante; chez les Cris, par exemple, au-delà de 50 % de la population a moins de 18 ans, M. le Président - et la nécessité de faire la jonction entre cette jeunesse et les débouchés sur le marché du travail, est reliée à la base économique dont je parlais tout à l'heure, est tout à fait évidente et, parmi les premières priorités tant du gouvernement que de la part des autochtones eux-mêmes, parce qu'ils comprennent très bien - et n'importe qui qui regarde la situation va le comprendre - que si on ne réussit pas à trouver des sorties et des débouchés productifs pour les jeunes autochtones qui arrivent sur la scène, c'est le désespoir, c'est la continuation des situations qu'on a connues comme la drogue, l'alcool, le suicide. Et c'est inacceptable, tant pour le reste de la société que pour les autochtones. Mais le fait qu'il y a de plus en plus de jeunes chez les autochtones qui arrivent nous force davantage à regarder du côté de la nécessité de la formation professionnelle et de cette base du développement économique qu'il faudrait avoir.

Enfin, en ce qui concerne justement le développement économique, j'entends supporter la Société de développement économique des autochtones qui a été récemment mise sur pied, dans la mesure où l'ensemble des nations autochtones y donnera son appui.

Pour ce qui est du développement communautaire, j'aimerais vous souligner, M. le Président, quelques réalisations. En septembre 1989, notre gouvernement a signé avec les Cris une entente permettant la création du village de Oudjé-Bougoumou, sur les rives du lac Opémisca, près de Chibougamau. Le Québec investira 20 000 000 $, pour la mise en place d'un programme de développement économique qui s'ajouteront aux 10 075 000 $ pour la construction du village.

D'autre part, j'aimerais mentionner que le gouvernement du Québec effectue une revue de la mise en oeuvre de la Convention de la Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est québécois. Ainsi, depuis 1988, le processus de revue de la mise en oeuvre de la convention est très actif et le Québec poursuit actuellement ces discussions afin d'en venir à une entente sur la mise en oeuvre de ces conventions.

Descendant plus au sud, un groupe de travail spécial, formé de représentants d'Ak-wesasne, de l'Ontario, du Québec et du Canada, négocie une entente actuellement concernant les infrastructures essentielles à la communauté d'Akwesasne, dont des centres communautaires, une patinoire, une clinique médicale, un centre de formation et un centre d'administration de la justice. Déjà, notre gouvernement, par l'entremise du ministère de la Santé et des Services sociaux, a versé tout près de 1 000 000 $ pour la construction d'une résidence pour personnes âgées en perte d'autonomie, qui sera, elle, inaugurée au mois de novembre prochain.

M. le Président, il est aussi important de constater qu'au Québec, pas nécessairement comme ça se fait ailleurs, les autochtones bénéficient sans aucune restriction de tous les services offerts à l'ensemble des citoyens: services de santé gratuits, aide juridique, allocations familiales et aide sociale.

J'aimerais pourtant, M. le Président, sans vouloir faire une revue de l'ensemble des choses qui se sont faites depuis t985, prendre les quelques minutes qui me restent... Et je deman-

derai peut-être le consentement de l'Opposition, quand le temps arrivera, pour dépasser de cinq à dix minutes le temps...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le ministre, à moins qu'il n'y ait un consentement, je crois comprendre que vous avez besoin de quelques minutes pour terminer. Est-ce qu'il y a consentement?

M. Perron: Oui, M. le Président, nous sommes parfaitement d'accord de ce côté-ci à ce que le ministre délégué aux Affaires autochtones puisse continuer son intervention et terminer.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le ministre, si vous voulez continuer.

M. Perron: On recommencera à 20 heures, quant à nous.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): D'accord. M. le ministre, continuez.

M. Sirros: Merci, alors ce ne sera pas tellement long après 18 heures, M. le Président. Je voulais, effectivement, M. le Président, faire un certain retour en arrière pour démontrer qu'il y a eu toutes sortes de choses, toutes sortes d'ententes, et je veux me référer tout à l'heure à des ententes qui ont été signées depuis 1985 avec les différentes nations et communautés autochtones, M. le Président, parce que c'est important. Aujourd'hui, je ne veux pas me prononcer de façon précise sur toute la question qui est au coeur de nos relations avec les autochtones, qui est sans aucun doute la question de l'autonomie gouvernementale. Ce sujet vient en tête de liste de la résolution de 1985. Mais sans vouloir aujourd'hui me prononcer, de façon précise sur la question, vous comprendrez je l'espère, je peux pourtant déjà dire deux choses à cet effet: premièrement, nous ne pourrons pas et ne devrons pas, je dirais, escamoter la question. Il faut l'examiner de front, avec calme et objectivité, en comprenant qu'une bonne définition des termes est un prérequis à la compréhension mutuelle. (18 heures)

Deuxièmement, dès mon arrivée, et bien conscient de l'importance de la question, M. le Président, j'ai clairement indiqué aux fonctionnaires du Secrétariat que j'avais l'intention de consacrer beaucoup d'heures au dossier des autochtones et que cette question d'autonomie gouvernementale est au centre de mes préoccupations. Je vise à la préparation d'une position sur le sujet aussitôt que j'aurai terminé d'approfondir un petit peu plus mes connaissances et après avoir discuté avec les leaders autochtones de la question, également, ce qui ne devrait pas, quand même, tarder outre mesure. Je n'ai pas l'intention, pour répondre aux inquiétudes du député de

Duplessis, M. le Président, simplement d'écouter. Mais, avant d'agir, je pense que ça va prendre une certaine dose d'écoute. Au fur et à mesure qu'il y a des choses qui se dégagent.. Comme déjà, la semaine passée, je décidais que c'était nécessaire et valable de rencontrer le chef d'Akwesasne, M. Mitchell, pour souligner et réaffirmer que le Québec maintient sa détermination de participer au financement des infrastructures dans sa communauté, je n'ai pas attendu des mois, M. le Président. C'était clair, dès le départ, qu'il fallait le faire, et je l'ai fait.

Au fur et à mesure que ces positions se dégagent, H y aura des actions, M. le Président, mais, comme je le disais au départ, H n'y aura pas de surenchère avec le député de Duplessis pour démontrer qui est le plus fin. Nous allons aborder le dossier d'une façon calme, objective, comme je le disais, ce qui nous permettra, justement, d'axer nos interventions sur le développement d'une base solide dans les relations. J'ai l'intention, et je l'ai déjà écrit à tous les chefs autochtones, de prendre contact de façon plus formelle dans les jours qui suivent et de pouvoir annoncer, à ce moment-là, de quelle façon ce contact se fera.

Mais pour retourner un peu à toute la question de la nécessité d'établir des politiques, c'est depuis 1986 que le Secrétariat aux affaires autochtones coordonne l'adoption par les ministères sectoriels de politiques spécifiques aussi pour les autochtones. Le ministère des Affaires municipales a déjà adopté une telle politique, comme l'avait fait dans le passé avant lui le ministère de la Santé et des Services sociaux, la Commission de la toponymie et le ministère de l'Énergie et des Ressources. D'autres ministères, et nous les incitons à le faire, travaillent présentement à élaborer ces politiques. Mentionnons, notamment, les ministères des Affaires culturelles, de la Sécurité publique, des Communications - n'est-ce pas, M. le ministre des Communications? - de l'Enseignement supérieur et de la Science, de la Justice ainsi que du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. De plus, les ministères transigent quotidiennement avec la clientèle autochtone et, par le biais des coordon-nateurs ministériels, l'accès des autochtones aux différents services du gouvernement est facilité.

Depuis 1986, en seulement quatre ans, une cinquantaine d'ententes avec des autochtones ont été signées par des représentants d'une dizaine de ministères québécois, et plusieurs de ces ententes sont récurrentes. Je me passerai de les nommer une par une étant donné que l'heure commence à presser, mais ce sont là des réalisations concrètes de notre gouvernement pour mettre en oeuvre un des éléments de la résolution de 1985, soit de négocier afin d'en arriver à des ententes pour assurer aux autochtones l'exercice de leurs droits de façon à leur permettre de se développer.

Je suis bien conscient, comme le mentionnait le député de Dupiessis, que la résolution de l'Assemblée nationale du 20 mars 1985 prévoyait l'établissement d'un forum parlementaire permanent permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs besoins. Mais même si une telle formule n'a pas vu le jour jusqu'à maintenant, une voie un peu différente a été choisie. Il y a quand même eu plusieurs contacts systématisés entre le gouvernement et les autochtones, et c'est dans ce sens que mon "avant prédécesseur", si je peux parler ainsi, le ministre Savoie, avait instauré des rencontres "biannuelles" avec l'ensemble des chefs autochtones et des rencontres plus souvent avec un groupe de travail qui préparait avec lui l'agenda de ces rencontres selon les intérêts exprimés par les leaders autochtones eux-mêmes. Et c'est ainsi que les autochtones ont rencontré le ministre délégué aux Affaires autochtones, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le ministre du Revenu ainsi que le premier ministre dans le cadre de ces rencontres qui réunissaient les représentants de chaque nation et communauté autochtone. Ces rencontres ont permis de discuter des sujets les plus variés, dont les activités traditionnelles de chasse, de pêche, etc. Je réévalue actuellement quelle est la meilleure forme pour que les autochtones puissent discuter avec le gouvernement et j'entends les consulter à cet égard. Il n'y aura pas de ma part et, encore une fois, pour réconforter le député de Dupiessis, mais surtout pour donner le message, M. le Président, il n'y aura pas de ma part une approche qui permettrait à quiconque de penser à un paternalisme.

M. le Président, j'ai l'intention d'aborder le dossier avec les leaders autochtones en tenant compte du fait que mes responsabilités sont à deux sens. De part et d'autre, M. le Président, il faut qu'on travaille, d'une part, à faire connaître et faire comprendre mieux à la population québécoise la réalité autochtone, mais également, chez les autochtones, M. le Président, qu'on puisse aussi connaître le fait... Le député me fait signe que je devrais arrêter. Je lui fais remarquer qu'il y avait un consentement pour 5 à 10 minutes supplémentaires. Or, j'imagine qu'il me permettra de terminer dans ce sens-là.

Une voix:...

M. Sirros: Ha, ha, ha! M. le Président, je reviendrai à d'autres moments sur les revendications, par exemple, territoriales, sur toute la question des négociations avec les Attikameks-Montagnais parce que c'est le seul endroit où nous avons une revendication territoriale globale. S'il est vrai que ces négociations ont été arrêtées, elles ont été arrêtées à la demande des Attikameks-Montagnais, M. le Président, et des récents échanges nous laissent présager un retour à la table des négociations dans les meilleurs délais, ce que le gouvernement souhaite ardemment, afin de pouvoir mettre en oeuvre pour les Attikameks et les Montagnais les dispositions prévues dans la résolution de 1985 et ce, par la négociation d'une entente de principe.

M. le Président, somme toute, vous comprendrez bien qu'il ne m'est pas permis de souscrire à la motion d'aujourd'hui. Après cette lecture des choses, il est évident que le gouvernement a effectivement fait des pas, fait des choses, est entré dans le sens de la résolution, M. le Président. Mais il est évident aussi qu'B y a encore beaucoup de travail à faire. Il n'en demeure pas moins que les problèmes reliés au monde autochtone sont encore très nombreux et il faudra encore beaucoup de temps, de vigilance et d'efforts pour parvenir à les solutionner. Et, à cette fin, il m'apparaît dès à présent que le rôle du Secrétariat aux affaires autochtones devra être renforcé à plusieurs égards. Il y a lieu de mettre davantage l'accent, par exemple, sur le développement des politiques et sur lés moyens de leur mise en oeuvre. Un support accru devra aussi être fourni aux équipes de négociation et une véritable politique d'information devra être mise au point. De façon concrète et en collaboration avec les autochtones, il faudra, comme je le mentionnais plus tôt, aussi répondre à leurs préoccupations actuelles qui m'apparaissent être le développement économique et l'autonomie gouvernementale.

En terminant, M. le Président, bien qu'il soit incontestable que le sort des autochtones soit bien meilleur au Québec qu'ailleurs au Canada et ce, dans plusieurs domaines, comme celui des revenus, il n'en demeure pas moins qu'au-delà de toutes les statistiques, la situation chez les autochtones est bien souvent dramatique. Et nous avons tous l'obligation de prendre acte de cet état de fait et de travailler à corriger cette situation qui, bien souvent, est la cause première de toutes les tensions. Afin de redresser cette situation, nous devons établir rapidement un dialogue serein avec tous les éléments modérés autochtones et c'est dans cet esprit que j'ai déjà communiqué, comme je le mentionnais, avec chacun des chefs autochtones du Québec, les invitant à me rencontrer. Je pourrai, dans les jours qui suivent, être plus précis à ce sujet. Tous nos efforts seraient vains et improductifs si ces discussions devaient se poursuivre dans un climat d'affrontement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): On vous remercie, M. le ministre délégué aux Affaires autochtones. Compte tenu qu'il est 18 h 10, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, en vous indiquant qu'on continuera le débat sur cette motion de censure. Merci.

(Suspension de la séance à 18 h 9)

(Reprise à 20 h 3)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il vous plaît!

C'est le débat sur la motion de censure de M. le leader de l'Opposition officielle qui se continue. Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant. Alors, je reconnais M. le député de La Prairie. M. le député.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, il est tout à fait normal que je participe à ce débat puisque des milliers de citoyens et de citoyennes dans le comté que je représente ici avec honneur, le comté de La Prairie, des milliers d'électeurs et d'électrices ont souffert de cette crise qui a été si mal gérée par le gouvernement du Québec.

Qu'est-ce qu'elle dit, cette motion? C'est une motion qui, à toutes fins pratiques, reproche au gouvernement actuel d'avoir été imprévoyant, de n'avoir pas suivi les traces du gouvernement précédent, celui qui était là avant 1985 et qui avait réussi un rapprochement remarquable avec les nations amérindiennes et avec les Inuit.

Deuxièmement, cette motion reproche aussi au gouvernement d'avoir toléré, malgré tous les avertissements que ce gouvernement avait reçus, notamment de la Sûreté du Québec, l'accumulation massive d'armes très dangereuses, d'armes très puissantes dans les deux réserves en question.

Troisièmement, la motion reproche aussi de ne pas avoir exercé le leadership, la direction normale, politique, morale à laquelle la population a le droit de s'attendre d'un gouvernement démocratiquement élu. Je reviendrai sur chacun de ces points-là tout à l'heure, mais je veux, avant d'aller plus loin, m'arrêter quelques minutes sur les conséquences vécues par les gens du comté de La Prairie, notamment les résidents et résidentes de quelques villes qui sont voisines de la réserve de Kahnawake, la ville de Sainte-Catherine, la ville de Saint-Constant et la ville de Delson. Ces gens ont souffert non pas seulement - inconvénient majeur pour la plupart d'entre eux - d'avoir à utiliser une autre voie d'accès vers Montréal, puisque la plupart travaillent à Montréal, n'ont pas seulement souffert de cette fermeture donc du pont Mercier, ce qui était déjà considérable, mais aussi plusieurs familles ont dû quitter leur foyer pour se réfugier dans des motels, dans des hôtels. Même si le gouvernement a offert un programme de compensations financières, on sait tous que ces compensations financières ne défraient jamais le coût réel de tous les inconvénients.

Troisièmement, les gens de mon comté ont aussi souffert gravement de ce climat vicieux et vicié qui s'est développé tout au long de la crise. Un climat de méfiance entre voisins qui, jus- que-là, depuis des générations... Les gens de Kahnawake, les gens de la région de Sainte-Catherine, de Saint-Constant et de Château-guay, depuis des générations, malgré certains problèmes qui survenaient de temps à autre, le voisinage se faisait de façon plutôt correcte. Mais durant cette crise si mal gérée par le gouvernement, l'un des résultats a été la détérioration des relations entre ces voisins.

Les commerces ont subi des torts considérables, M. le Président. Les responsables qui sont venus dans la région ont promis, il y a déjà plusieurs semaines de ça, durant la crise - parce qu'il y a des ministres qui venaient chaque semaine... Ils n'ont pas rencontré la population, parce que aucun ministre n'est venu rencontrer la population, aucun! Aucun n'a eu le courage de venir rencontrer la population dans ma région.

Je dois rendre hommage au député d'Argen-teuil qui lui, au moins, à ma connaissance, a été le seul ministre qui rencontrait des groupes de population. Les ministres qui sont venus dans ma région, le ministre de la Sécurité du revenu, responsable de la région, avec le ministre de la Sécurité publique à l'époque et le ministre responsable des autochtones, venaient rencontrer les maires, les notables seulement, entre quatre murs. Ils venaient chaque semaine apporter la bonne nouvelle, essayer de mettre un peu de baume, des bonbons qu'ils apportaient. Souvent, ces promesses-là n'ont pas été tenues, notamment en ce qui concerne les commerces. Les commerces devaient être compensés et ils ne l'ont pas été encore. Les gens de Sainte-Catherine, de Saint-Constant et de Delson, ils ont surtout souffert de ne pas être informés. Je pense que le reproche le plus grave qu'on peut émettre à l'égard de ce gouvernement, c'est de ne pas être capable de communiquer avec la population en temps de crise, même pas en temps normal, et encore moins en temps de crise. C'est ça la marque, M. le Président, de chefs politiques qui ont une crédibilité, qui ont de l'étoffe, qui ont de l'envergure, de pouvoir, dans les moments difficiles, dans les moments de crise, se rendre auprès des groupes, auprès de la population, leur expliquer pourquoi ils prenaient telle ou telle stratégie, pourquoi ils avaient décidé telle ou telle pratique.

M. le Président, le gouvernement Lévesque dont j'ai fait partie durant un certain nombre d'années avait, comme je le disais tantôt, en 1985, adopté en Chambre une résolution et je rappelle que le Parti libéral a voté contre cette résolution. Qu'est-ce qu'elle disait essentiellement, cette résolution? Elle disait - et ça venait après plusieurs années, trois ans de négociations avec les 10 nations amérindiennes et la nation inuit - que l'Assemblée reconnaît les droits autochtones, cette résolution reconnaît l'existence des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit. Elle permet de

conclure avec les nations qui le désirent des ententes leur assurant l'exercice du droit à l'autonomie au sein du Québec, du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions, du droit de posséder et de contrôler des terres, du droit de chasser et piéger et du droit de participer au développement économique du Québec. Ce n'étaient pas seulement des paroles, parce que, peu de temps après cette résolution, justement, la communauté mohawk de Kahnawake a reçu du gouvernement du Québec à l'époque une somme d'environ 5 000 000 $ lui permettant de construire son propre hôpital à Kahnawake selon des plans qu'eux allaient élaborer, sans passer par toute la procédure habituelle du ministère des Affaires sociales de l'époque. Nous avons confié à l'époque, à toutes fins pratiques, l'administration des services de santé à cette population de Kahnawake au conseil de bande et c'est encore la situation qui prévaut.

M. le Président, ce gouvernement a été absent durant la crise. Le reproche que les ministres auraient pu entendre s'ils étaient venus côtoyer la population, que ce soit aux barricades ou ailleurs, le reproche principal, c'était: Qu'est-ce que vous attendez pour nous expliquer comment vous entendez sortir de cette crise? Le silence, M. le Président. Le silence. Et c'est un silence qui était méprisant parce que, en même temps, on disait à la population avoisinante: Si vous ne restez pas tranquilles, la Sûreté du Québec va s'occuper de vous. Et, pendant que les ministres du gouvernement du Québec et les ministres du gouvernement fédéral passaient les barricades pour aller signer une entente avec des gens masqués, pendant ce temps-là, la population avoisinante se faisait matraquer par la Sûreté du Québec et, encore aujourd'hui, on ne sait pas qui a donné l'ordre à la Sûreté du Québec de matraquer la population blanche sur le pont Saint-Louis-de-Gonzague, ce dimanche après-midi, où tout le monde a vu à la télévision ces images dont on ne peut pas oublier la gravité. Et c'était, M. le Président, pour la population avoisinante, que ce soit La Prairie ou Château-guay, une situation tout à fait incompréhensible.

Le gouvernement nous en a dit plus depuis deux jours sur l'assaut de la Sûreté du Québec à Oka, à Kanesatake que nous n'en avions su pendant 80 jours. Pendant plus de 80 jours, on nous dit, le gouvernement n'était pas au courant et, tout à coup, depuis hier, on se rend compte que c'est une attachée politique qui était au courant et que c'est sa faute si les gouvernants, les leaders de ce gouvernement-ci, n'ont pas été avertis en temps. Bouc émissaire! C'est l'habitude de ce gouvernement de se servir du personnel politique comme bouc émissaire.

M. le Président, les Québécois et les Québécoises doivent se méfier beaucoup plus de ce genre de gouvernement que de la population autochtone. Nos concitoyens et nos concitoyennes n'ont pas à craindre les 100 000 autochtones qui vivent au Québec. Le passé est garant de l'avenir. Les Québécois, nos ancêtres, ont côtoyé, ont voisiné, ont cohabité avec les nations amérindiennes de façon pacifique, généralement. Non seulement les ont-Hs côtoyées, mais plusieurs d'entre nous possédons une certaine dose de sang indien et nous devons en être fiers.

Et lorsqu'une certaine publicité, une certaine propagande venant surtout des médias anglophones au Québec, comme en dehors du Québec, vient essayer de faire croire que le Québec francophone est devenu un État fasciste, il s'agit, M. le Président, de gens qui ne connaissent pas leur histoire. Ou il s'agit de gens de mauvaise foi, qui font tout pour détruire la volonté des Québécois et des Québécoises non seulement de se donner leur propre indépendance, mais de traiter sur un pied d'égalité les 10 nations amérindiennes et la nation inuit.

Et qu'est-ce que ce gouvernement va faire? Déjà, M. le Président, il y a moins d'urgence depuis que la crise est finie. Déjà, le gouvernement recule. Nous pensons de ce côté-ci, comme bien d'autres, qu'il doit y avoir un examen large de cette question de l'avenir des autochtones au Québec. Et quand je parle d'autochtones, il ne faut pas oublier la nation inuit. Les 10 nations amérindiennes et la nation inuit. Il faut qu'il y ait une discussion publique. Qu'on appelle ça une commission sur l'avenir des autochtones au Québec, dans le Québec, qu'on l'appelle autrement, je pense qu'on ne devrait pas appeler ça une commission d'enquête parce qu'il ne s'agit pas d'une enquête. Il s'agit d'une consultation large où à la fois les Québécois et les autochtones doivent ensemble trouver des façons de développer leur avenir. Et c'est une proposition que la Centrale de l'enseignement du Québec circule depuis quelque temps et qu'il faut regarder attentivement. À tout le moins, M. le Président, il faudrait que la commission parlementaire qui avait, pendant plusieurs jours, rencontré et reçu des groupes autochtones en 1983 - ça fait déjà'sept ans - il faudrait à tout le moins que cette commission parlementaire soit convoquée par le gouvernement pour que, de nouveau, nous fassions le point en tant que société sur les relations entre les autochtones et les non-autochtones.

Et il faut que ce gouvernement prenne l'initiative. il faut que ce gouvernement arrête de gérer, d'administrer le québec en réaction à des crises. et ce n'est pas seulement dans le cas de la crise des autochtones. on a vu ça aussi dans l'environnement, m. Le Président. dans l'environnement, ce gouvernement n'agit que lorsqu'il y a une crise. encore cet après-midi, le ministre de l'environnement refusait de s'engager à suivre une des recommandations importantes du rapport charbonneau, à savoir: de constituer un fonds pour la décontamination des nombreux sites qui ont actuellement des déchets dangereux. il attend la prochaine crise. ce gouvernement doit, à

froid, prendre des initiatives, faire preuve d'imagination et l'Opposition va collaborer. Nous déplorons, comme la population l'a déploré durant la crise, ce vide politique. C'est comme s'il n'y avait pas de gouvernement. Quand il se manifeste finalement, les autochtones ont droit à des scénarios de confusion, parce qu'on se retrouve devant le fameux triangle fédéral-provincial et autochtone.

Nos dirigeants, autant Québec qu'Ottawa, ont reproché aux Amérindiens durant cette crise d'avoir peu de clarté dans leur leadership, autrement dit, de ne pas déléguer à la table de négociation des représentants clairement identifiés. Nos dirigeants ont fait ce reproche. M. le Président, les autochtones peuvent aussi faire le reproche au gouvernement des Blancs, peuvent faire le reproche au gouvernement du Québec et au gouvernement d'Ottawa d'entretenir une confusion sur les responsabilités respectives des deux paliers de gouvernement. (20 h 20)

Alors, il faut que cette triste page de notre histoire, il faut qu'elle soit remplacée le plus tôt possible par des initiatives où on va faire preuve d'imagination, de courage, de magnanimité. Il faut que des gestes soient posés. Nous pensons que ça doit venir, sur le plan national, mais il le faut aussi sur le plan local. Je pense notamment aux relations de voisinage dont je parlais tantôt. Il serait utile que le gouvernement encourage, favorise la création de groupes qui veulent améliorer les relations entre autochtones et voisins, en tout cas dans la région de Kahna-wake. Pour ça, il faudra qu'il y ait un support financier et autre de la part du gouvernement.

L'avenir, M. le Président, il est intimement Hé à l'avenir politique du Québec - c'est là-dessus que je vais terminer - dans la mesure où la population québécoise va décider une fois pour toutes, clairement, en toute lucidité, de prendre en main toute sa destinée, et c'est ce que nous voyons poindre à l'horizon, un horizon prochain. Dans la même mesure, nous pensons, de ce côté-ci de la Chambre, que les relations entre gouvernements québécois et autochtones seront grandement améliorées. Nous mettons en garde les autochtones, cependant, contre des manoeuvres de diversion comme on en a vu durant la crise, des manoeuvres de diversion qui peuvent venir des autorités fédérales ou des adversaires de l'indépendance du Québec, des manoeuvres qui viseraient à faire croire à la population autochtone qu'un gouvernement d'un Québec indépendant serait raciste, serait nazi, comme on l'a entendu durant la crise.

M. le Président, il faut, en toute honnêteté, en toute tranquillité d'esprit, en dehors des crises, que ce gouvernement s'assoie et présente de façon très concrète des outils de développement économique aux autochtones. Il ne s'agit pas simplement de négocier les grandes questions de droit de propriété, de droit de chasse, de droit de pêche, de droit de piégeage. Il s'agit aussi, comme ça a été fait pour les Cris, dans le Grand-Nord, et les Inuit, de fournir aux communautés autochtones des instruments de développement économique modernes qui mettront une fois pour toutes un dynamisme économique dans ces communautés et qui permettront à ces communautés de s'ouvrir, en toute tranquillité d'esprit, en toute sérénité, à la communauté québécoise environnante.

M. le Président, je pense que ce gouvernement porte une responsabilité très lourde pour nous avoir fait reculer de plusieurs années dans nos relations avec les autochtones et, par conséquent, on attend de lui qu'il prenne ses responsabilités, et le plus tôt possible. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de La Prairie. Je reconnais maintenant le député de D'Arcy-McGee.

M. Robert Libman

M. Libman: M. le Président, suite à l'échec du lac Meech ce printemps dernier, l'atmosphère qui régnait en était une où la population entière de ce pays se devait de prendre un grand recul afin de remettre l'état des choses dans une certaine perspective. Les bouleversements politiques m'ont tourmenté au point, comme la plupart des députés en cette Chambre ainsi que ceux dans la plupart des Législatures du pays, d'attendre avec impatience un été calme et paisible, où toute réflexion pourrait se faire dans une atmosphère de relative tranquillité. Hélas! l'été à peine commencé, nous étions les témoins de scènes qui, jusqu'à maintenant, ne faisaient partie que de nos souvenirs de cinéma.

L'été d'enfer a commencé le 11 juillet. Les scènes de guerre ont été répétées tellement souvent que je vous ferai grâce des faits, M. le Président. Je vous rappellerai toutefois que cette première journée a été la plus marquante pour la simple raison qu'elle fut la plus coûteuse. Le caporal Marcel Lemay s'est présenté au travail, ce matin-là, sachant que la journée comporterait des risques élevés. Ce à quoi sa famille et lui ne s'attendaient pas, c'est que cette journée soit sa dernière. L'assaut de la Sûreté du Québec sur les barricades mohawks était une idée irrémédiablement vouée à l'échec. Personne n'aurait pu oser dire que cette affaire n'impliquerait aucune perte de vie. C'était une mission suicidaire d'un bord comme de l'autre. De plus, cette mission était entachée d'illégalités sur lesquelles mes collègues et moi-même avons exigé une enquête publique impartiale, à plusieurs reprises. Je ne comprends pas, aujourd'hui, pourquoi le gouvernement ne veut pas commencer une enquête judiciaire impartiale sur cette crise.

Envoyer une escouade paramilitaire, est-ce une façon normale de faire respecter une injonction ou doit-on peut-être, avant, obtenir l'ordre

d'un tribunal statuant qu'il y a outrage au tribunal? Et encore, le gouvernement considérait-il cette affaire comme une insurrection armée, tout à fait surprise, ou bien pouvait-on prédire le déroulement des événements avec les informations qu'on obtenait depuis déjà trois ans? Il nous faut des réponses, M. le Président; H est évident qu'il nous faut des réponses. On ne peut tourner la page et prendre pour acquis que cette affaire est réglée, elle est très loin de l'être.

Les autochtones de notre pays se sont fait littéralement fourrer dans ce pays depuis que nous y sommes arrivés. Néanmoins, je n'accepte pas les propos, les paroles de ceux qui prétendent que c'est au Québec que les autochtones ont été les moins respectés. Je crois, en toute franchise, que ce genre de commentaire n'a pas sa place dans les circonstances. Toutes les provinces sont coupables dans cette affaire, autant que le gouvernement fédéral. Pointer du doigt pour déterminer qui est mieux et qui est pire, c'est rendre un mauvais service à ceux qui tentent de régler certaines de ces injustices historiques.

Par contre, je demeure littéralement sidéré, suite aux événements de cet été, de voir que la principale leçon continue de nous échapper. Il y a deux semaines que John Ciaccia, le député de Mont-Royal ou l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones, a passé une entrevue sur l'émission "News Watch". Il a dit que si on a appris une leçon de la crise de cet été, c'est qu'y faut consulter, il faut parier avec les autochtones sur l'avenir de notre province. la commission bélanger-campeau continue à se préparer sans aucune invitation aux communautés autochtones. de combien de crises aura-t-on besoin avant que le gouvernement n'utilise le concept de la coopération? combien de fois m'a-t-on dit que les indiens ne sont pas intéressés, qu'ils ne se considèrent pas comme des québécois? le gouvernement nous dit que les communautés autochtones ne sont pas intéressées à participer à un débat sur l'avenir constitutionnel et politique pour le québec. c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas leur place sur cette commission. nous savons que c'est faux. nous savons que ce n'est jamais le cas. pourtant, m. lucien bouchard est dans son droit de siéger au parlement national. vous pouvez en être certain, m. Le Président, l'affaire d'un siège autochtone sur la commission est loin d'être réglée et nous continuerons nos efforts afin de rectifier cette injustice flagrante. c'est impensable qu'après ce qu'on a vu cet été il n'y ait pas une place sur cette commission pour un représentant de la communauté autochtone.

Une autre chose à dire, M. le Président, est que la seule véritable percée de soleil qui est rassortie de la crise de cet été était, de toute évidence, le comportement et le travail exemplaire de l'armée canadienne. Ces hommes et femmes, avec relativement peu d'expérience dans ce genre de situation, nous ont tous démontré à quel point ils ont mérité notre estime. J'avoue que j'étais sceptique quant au rôle qu'ils pouvaient jouer dans cette affaire, mais, aujourd'hui, je ne peux que dire: Chapeau! l'armée canadienne.

En terminant, M. le Président, bien que certains ministres aient fourni un effort honnête pour dénouer cette crise - il faut dire que le député de Mont-Royal a fait un effort honnête pour dénouer cette crise - il reste néanmoins que le tout a été un véritable fiasco. De plus, on semble ajouter l'insulte à l'injure en faisant passer une attachée politique comme bouc émissaire de cette affaire. (20 h 30)

In conclusion, I think everyone has to admit, and I would be surprised if the Government themselves did not admit that they were embarrassed this summer, that they were humiliated this summer on a few occasions. I just want to bring up one instance. I think the painful images that a lot of us saw on television of a handful of hoodlums stoning a convoy, stoning several cars containing innocent Mohawks trying to leave or trying to pass by the Mercier Bridge into LaSalle, I think that scene we saw of people stoning these innocent Mohawks is something that a lot of us will have a lot of trouble to forget for a long time. And it brings up the question of a double standard. The Premier of this province said that the reason for intervening with the Canadian Army was to maintain public order. Yet, when these innocent people were being stoned, the Sûreté du Québec was standing idly by and that was a disgrace for myself and for us and, I think, for all Canadians.

But just to conclude, for the past two days, since Tuesday, we have been here and every day, we see question after question of the Government for some answers and we keep getting ridiculously inadequate answers from the Government. And that, in itself, should tell us, that in itself should be a lesson to us that there has to be some type of inquiry, some type of judicial inquiry to understand, to find out, to examine, to explore, to see what really happened, to answer some of these questions that have not been answered.

And another thing, we talk about lessons having been learned from this summer's crisis, yet we see or we sense that the Government plans to plow forward with the development of James Bay II which will have ultimate devastating effects on our Native peoples to the North. The Crée and Inuit people will suffer irreparable damage to their life, to their land, to their home. Yet the Government still plans to plow forward. You would think that after what we have learned or seen this summer, there would at least be some sensitivity towards our Native peoples in the North.

Alors, pour ces raisons, je m'associe au nom

de mes collègues à la motion de l'Opposition officielle, et nous dénonçons vertement le comportement du gouvernement dans la crise de cet été. Merci.

Je veux présenter un amendement à la motion de censure, M. le Président. Je vais déposer cet amendement:

Conformément à l'article 198 des règles de cette Chambre nous demandons que les termes "de l'État québécois" apparaissant à l'avant-dernière ligne de la motion présentée par le leader de l'Opposition officielle soient remplacés par les termes "du gouvernement du Québec" afin qu'il puisse y avoir concordance entre les versions anglaise et française. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous remercie, M. le député de D'Arcy-McGee. Je dois vous indiquer immédiatement, cependant, qu'en vertu de l'article 306 et j'en fais lecture: Le débat sur une motion de censure est prioritaire. Il a lieu au cours d'une seule séance et se termine un quart d'heure avant sa levée. La motion est alors mise aux voix et la motion de censure ne peut être amendée. Alors, je me dois, en vertu de ces dispositions de l'article 306, de déclarer, M. le député de D'Arcy-McGee, votre motion irrecevable.

Oui, Mme la députée de Châteauguay je vous reconnais pour votre intervention. Mme la députée.

Mme Pierrette Cardinal

Mme Cardinal: Merci, M. le Président. La motion présentée aujourd'hui est importante en ce sens qu'elle implique un épisode important de l'histoire politique du Québec, triste à certains égards. La société québécoise ne peut tirer aucune leçon positive de ce type de conflit. En effet, pendant plus de deux mois, une poignée de personnes, hommes, femmes, et parmi eux des enfants, ont attiré l'attention d'abord nationale puis internationale, par des moyens qui, évidemment, nous paraissent fort discutables. Qui plus est, une telle situation, avec ses tenants et aboutissants, survenait dans une société moderne où supposément l'esprit de tolérance, d'accueil et de générosité semblait caractériser le Québec. Du moins, telle est l'image historiquement projetée sur l'ensemble de l'Amérique du Nord et un peu partout dans le monde.

Donc, M. le Président, rien ne sert de se cacher. Plusieurs des scènes ou événements survenus tout au long de ce conflit furent choquants, voire même, dégradants dans une société comme la nôtre. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, je n'accuse ici personne en particulier, dans quelque camp que ce soit, de porter l'odieux de l'ensemble du dossier. Toutefois, nul ne peut douter, avec le recul du temps, que l'état émotif de ce conflit a fait peur à plusieurs et que seule la rationalité pouvait venir à bout d'une solution acceptable pour chacun des intervenants en jeu.

Pour sa part, l'État québécois a dû affronter cette crise de façon respo'nsable. La solution pour régler définitivement ce conflit dans les faits reste encore à être définie, si ce n'est que la population a pu au moins retrouver une tranquillité relative tant recherchée. Parce que, M. le Président, la solution ne peut, en toute honnêteté, être formulée en quelques semaines puisqu'elle doit passer par une reprise du dialogue constructif avec les interlocuteurs dûment mandatés par les autochtones et reconnus par le gouvernement.

M. le Président, je dois m'assurer que jamais plus ma population n'aura à revivre une telle situation. Or, on l'a bien vu, le contexte armé du dernier conflit ne se prêtait guère aux approches fructueuses. Les revendications s'appuient en grande partie sur des problèmes de fond, historiquement difficiles à traiter, et qui doivent être précédées d'études encore et davantage approfondies. Aujourd'hui, l'Opposition tente de se lancer dans toutes sortes de procès d'intention, mais oublie d'insister sur le fait que le chef du Parti québécois préconisait, lui, la manière forte pour venir à bout de ce dossier. Personnellement, j'ai toujours préconisé la négociation car la violence attire la violence. Notre souci constant était de préserver des vies; une suffisait, cette perte de vie qui est vraiment regrettable. En tout état de cause, notre gouvernement a retenu la seule solution qui tienne compte de la nécessité de reprendre le dialogue avec les autochtones.

Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, je ne saurais trop insister sur les répercussions de cette crise. Séquelles économiques, d'abord, en ce que les activités de deux régions furent littéralement paralysées pendant des semaines. Ces séquelles, les régions impliquées les ressentiront longtemps, mais j'ose croire qu'avec une bonne relance économique, la collaboration des intervenants du milieu, notre dynamisme et notre ferme détermination, nous pourrons relever ce défi de taille. Pour sa part, le gouvernement libéral n'a pas fermé les portes, loin de là. Il a rouvert le cadre des discussions pour évaluer le mieux possible les demandes du milieu et pour trouver une solution qui puisse être durable. (20 h 40)

Séquelles humaines également, M. le Président, dans la mesure où des communautés qui vivaient en harmonie se sont tout à coup trouvées dans un contexte d'adversité qui a vite tourné en animosité. À titre de députée, je mettrai tous mes efforts à refaire le tissu social et faire en sorte que renaisse ce bon voisinage de naguère.

Ainsi, vous me permettrez de m'attarder quelques instants sur un volet du dossier dans

lequel je fus impliquée directement. Vous avez compris que je fais allusion aux événements de Châteauguay qui ont parlé d'eux-mêmes. Ils ont témoigné de la frustration d'une population consternée devant les difficultés de se déplacer quotidiennement.

À cet égard, vous me permettrez de vous résumer en quelques mots les sentiments que j'ai vécus à titre de députée du comté de Châteauguay, tout au long de ce conflit. Il m'est presque difficile de vous décrire en des termes simples et concrets l'intensité des émotions ressenties dans le milieu durant tout le conflit et qui perdurent toujours. M. le Président, les médias d'information tant pariés qu'écrits ont reflété le mieux possible la panique qui s'est installée dans le milieu dès le 11 juillet dernier. Il ne faut pas oublier que nous avons déjà vécu cette situation à Châteauguay, moins longtemps, certes, mais aussi intensément, le 1er juin 1988.

Vous comprendrez, M. le Président, que la population s'est littéralement sentie désemparée et abandonnée. En effet, les inconvénients subis ont impliqué pas moins de 100 000 personnes. Et je parle ici d'inconvénients à court terme. Nous sommes encore à dresser le bilan des pertes totales qui ont sérieusement endommagé le tissu social et économique de ma région.

Voilà la véritable portée du conflit vécu aussi bien à Châteauguay que dans les autres régions impliquées de près ou de loin dans le conflit autochtone. Et j'irai plus loin en disant que ma priorité est de refaire, voire même de reconstruire le tissu social sérieusement entaché depuis plus de cinq mois.

Je profite de l'occasion pour rendre hommage encore une fois à tous les intervenants du milieu, municipalités, chambres de commerce, sociétés pour le développement économique de Châteauguay, mon personnel, ma famille, tous ceux et celles qui, de près ou de loin, m'ont aidée et soutenue durant tout le temps qu'a duré ce conflit et je vous prie de croire que ça n'a pas été facile.

Si j'insiste pour les remercier et exprimer publiquement ma reconnaissance, c'est que vous admettrez avec moi qu'un tel dossier devient vite extrêmement sensible, sinon délicat et, à certains égards, très éprouvant pour un représentant ou une représentante de circonscription électorale.

Le 30 août dernier, les membres de l'Assemblée nationale furent appelés à solutionner un élément essentiel pour l'avenir de Châteauguay et des environs, soit le projet d'une loi spéciale qui fit suite à une annonce du 9 août dernier alors que le ministre des Transports annonçait qu'il amorçait les démarches nécessaires afin de réaliser dès cette année un tronçon de 8,5 kilomètres de l'autoroute 30 reliant le boulevard Ford de Châteauguay et la route 132 à Sainte-Catherine. L'adoption d'une loi spéciale apparaissait nécessaire pour rencontrer l'objectif du gouvernement, de mettre à la disposition de la population de Châteauguay une voie de contour-nement de la réserve de Kahnawake.

Ce projet est présentement bien engagé, en raison du début des travaux, en septembre dernier, devant être complétés au coût de 10 000 000 $, et cette première étape verra une chaussée à deux voies dont l'ouverture à la circulation est prévue pour décembre prochain. Quel soulagement pour ma population et les populations avoisinantes devenant ainsi une motivation certaine à travailler avec acharnement à notre relance économique. Cette motivation sera soutenue car, l'an prochain, on complétera la première phase de ce projet routier de 12,5 km, qui coûtera 43 800 000 $. Cette mesure, que l'on peut qualifier de considérable mais nécessaire, contribuera à améliorer la circulation routière, quand on sait que 80 % de ma population transite entre les villes avoisinantes et Montréal sur une base quotidienne. On peut donc imaginer les inconvénients vécus, tout au long de ce conflit, alors que toute la circulation automobile fut détournée, provoquant des coûts et des retards très importants.

D'ailleurs, le projet de l'autoroute 30 n'est pas né spontanément dans le sillon du dernier conflit. On se rappellera, en effet, qu'au début des années quatre-vingt on parlait de ce dossier de façon abondante et seul l'espoir semblait constituer la réalité. Je souligne, en passant, que l'ancien gouvernement n'a pas été très présent dans ce dossier à l'époque.

Les gestes posés par le gouvernement libéral ont eu ceci de bénéfique, en ce qu'ils ont rassuré la population de la région, puisque la réalisation complète de cette autoroute constituera une alternative efficace pour assurer le déplacement de la population.

Je n'ai pas à insister, M. le Président, sur le fait que le gouvernement libéral accorde une grande importance au développement régional, dont le raffermissement du réseau routier constitue une priorité et assure un lien essentiel entre les différentes régions du Québec.

Quant à la gestion globale de ce présent dossier, je tiens à souligner que le gouvernement québécois a assumé le leadership nécessaire au règlement d'un conflit marqué par de l'émotivité et de la sensibilité et ce, en empruntant une voie pacifique jusqu'à la dernière limite permise, dans la mesure où la population demeurait en sécurité.

Nul ne peut nier que le gouvernement a fait preuve d'une tolérance absolue en tout temps au cours des mois derniers pour en arriver a une solution pacifique. Les développements survenus au cours des derniers mois et la solution ultime furent rendus nécessaires parce que, à un moment donné, dans toute négociation, il y a une limite qu'un État doit assumer pleinement, soit lorsque des interlocuteurs menacent la sécurité d'une population civile. En définitive, la population se sent sécurisée en ce sens qu'une alterna-

tive fut enfin trouvée pour assurer une circulation normale et efficace entre les villes de Châteauguay et ses environs et la ville de Montréal.

On retiendra également que le gouvernement québécois était confronté à un dilemme important par rapport à l'ensemble du dossier. D'une part, il s'est vite aperçu que la population souffrait d'inconvénients majeurs à cause de ce chaos social créé depuis quelques mois. D'autre part, le gouvernement a toujours estimé que les demandes formulées par les autochtones doivent être abordées dans un processus normal d'échanges entre différents partenaires. Devant l'ampleur et la portée des problèmes rencontrés cet été, l'Assemblée nationale a dû être convoquée à un moment où les négociations ont cessé d'être menées dans un processus normal de négociations. Quand on y pense bien, ce projet d'autoroute témoigne d'un respect certain du gouvernement à l'égard des autochtones, puisque celle-ci contournera la réserve. (20 h 50)

La solution retenue tient également compte de ces inconvénients vécus par la population de Châteauguay et de ses environs. Vous comprendrez, M. le Président, qu'il y a certainement une considération humaine qui a été prise en ligne de compte lorsque est venu le moment de solutionner ce problème. Cette solution s'inscrit dans une perspective d'action légitime de la part du gouvernement à l'égard de la population visée. Donc, l'option privilégiée dans la gestion de ce dossier difficile est catégorique. Il s'agit d'assurer une gestion responsable. Telle est la voie retenue par le gouvernement libéral. Cette action s'inscrit dans un processus visant à améliorer la qualité de vie des citoyens et citoyennes durement éprouvés, dont la patience et la bonne volonté de la majorité de la population méritent d'être soulignées. Cette action s'inscrit également dans un processus d'amélioration de la circulation routière sur la rive sud de Montréal. En fait, le rôle de député dans un contexte aussi complexe et fragile ne sera pas de tout repos, en ce sens qu'on ne recolle pas facilement les morceaux d'un aussi long conflit qui a laissé des séquelles marquantes pour toute la population.

Je sais à l'avance que nous devrons user de patience, de modération et d'un sens de compréhension considérable afin de rétablir les ponts de communication à un problème dont la source est autant juridique, politique qu'humaine. C'est pour cette raison que j'attends de l'ensemble des intervenants de ce dossier que l'on fasse preuve d'ouverture d'esprit et surtout de générosité afin que le dialogue se poursuive dans une voie constructive, comme l'a récemment fait le nouveau ministre délégué aux Affaires autochtones. Chose certaine, j'estime que la population québécoise dans son ensemble ne souhaite pas la répétition d'un tel conflit, eu égard qu'elle prend pour acquis que nous vivons dans une société moderne, laquelle possède une philosophie de vie et de communication qui nous permet d'établir de façon harmonieuse un climat de relations respectueuses en vue d'en arriver à des solutions réalistes et durables. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Châteauguay. Je reconnais maintenant Mme la députée de Hochelaga-Mai-sonneuve.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. À écouter la députée de Châteauguay, je me suis demandé si on n'assistait pas à une sorte d'exercice, ici en cette Chambre, depuis l'ouverture, de réécrire l'histoire de cet été, de la réinterpréter et puis de l'enjoliver en la réinterprétant. Parce que ce que la députée de Châteauguay vient de nous dire, c'est que le gouvernement avait préconisé la négociation. Eh bien, la question qu'il faut lui poser, c'est: Pourquoi l'a-t-il préconisée seulement après l'opération militaire aux barricades d'Oka et pas avant?

Une voix: C'est ça.

Mme Harel: C'est ça, la question, M. le Président. Et depuis le début, les ministres, plusieurs d'entre eux, ont lancé l'opinion publique, les médias d'information sur toutes sortes de fausses pistes, à se demander qui avait décidé le raid plutôt que de se demander, sans doute: Est-ce que ces fausses pistes ont été lancées? Parce que les ministres n'étaient pas intéressés à répondre à la vraie question qui était la suivante: L'intervention de la Sûreté était-elle justifiée, et est-ce que c'est cette intervention que le gouvernement privilégiait plutôt qu'une résolution pacifique au conflit qui existait depuis plus d'un an? Je siégeais à la Commission sur l'avenir du Québec cet après-midi et, comme je n'avais pas pu assister aux interventions qui se sont faites sur la motion de censure, je me suis enquise auprès de plusieurs personnes de la nature de l'intervention qu'avait faite le député d'Argenteuil et ministre responsable de la Sécurité publique. Toutes ces personnes m'ont résumé, en très peu de mots, l'exercice qui avait été tenté par le ministre de la Sécurité publique, soit celui de décerner un certificat de bonne conduite dans une sorte d'opération d'autocongratulation, M. le Président.

Une voix: C'est ça.

Mme Harel: Avec un rien de scandalisé dans le ton, le ministre de la Sécurité publique se serait demandé comment il se pouvait qu'on blâme le gouvernement pour sa patience, disait-il. Mais c'est qu'il n'a pas compris. On blâme le

gouvernement pour son imprévoyance. Une voix: C'est ça.

Mme Harel: Ce n'est pas la même chose, M. le Président. On ne le blâme pas pour sa patience, on le blâme pour son imprévoyance. Cette même imprévoyance dont il a fait preuve en matière linguistique, rappelez-vous, M. le Président, quand le gouvernement n'avait pas prévu le jugement de la Cour suprême du Canada. La même imprévoyance en matière politique en ne prévoyant pas le refus du Canada de l'entente du lac Meech. La même imprévoyance en matière économique; on se rend compte qu'il n'a prévu aucun moyen pour sortir les Québécois de la récession. La même imprévoyance, c'est la marque de commerce du gouvernement. Cette imprévoyance nous a amené le désarroi dans lequel nous a plongés l'imprévoyance du gouvernement l'été dernier, un désarroi qui a été extrêmement douloureux pour les Québécois et pour le Québec.

Comment se pouvait-il que ce gouvernement n'ait pas prévu que les revendications des autochtones, partout dans le monde là - il ne s'agit pas simplement ici même au Québec - sont en voie de radicalisation? Au moment d'ailleurs où ça se passait, à Oka, cet été, il y avait la même situation à Quito, la capitale Quito, en Amérique latine, où on retrouvait des situations absolument semblables à celle que nous avons connue ici. Comment ne pas avoir prévu, après l'échec des quatre conférences constitutionnelles sur les droits ancestraux qui ont commencé en 1983 et qui ont abouti à rien en 1987, parce que ça aussi, il faut le dire à la population, que le sort que nous, on a connu avec le refus du Canada anglais de reconnaître la société distincte, les nations autochtones l'avaient connu avant nous avec l'échec de quatre conférences constitutionnelles qui ont mené strictement à rien entre 1983 et 1987 sur la reconnaissance de leurs droits ancestraux, à rien d'autre, finalement, qu'à se faire dire d'aller devant les tribunaux. C'est ça le modèle canadien. On le connaît, nous, les Québécois, c'est d'aller devant les tribunaux pour se faire reconnaître des droits.

Alors, comment est-ce possible? Moi, la question que je me suis posée tout l'été: Quand on dit que gouverner, c'est prévoir, comment est-il possible qu'on supporte un gouvernement qui est un si mauvais gouvernement qui laisse pourrir les problèmes jusqu'à ce qu'une crise arrive? Pas de crise, pas de problème. C'est ça le danger, M. le Président. Là, il n'y a plus de crise, alors il n'y a plus de problème, jusqu'à ce que la prochaine crise nous arrive dans le visage.

C'était depuis le 28 janvier 1988 que la municipalité d'Oka avait ouvert ce dossier du golf. Je vous rappelle qu'en janvier 1989, un an plus tard, officiellement, la municipalité décidait de se porter acquéreur du terrain. C'est quand même un an et demi, ça, avant la charge des barricades. Le 16 juin 1989, pour la première fois, les Mohawks manifestaient leur objection. C'était un an, ça, avant la crise des barricades. Cette année, c'était déjà depuis le 11 mars qu'il y avait eu l'érection de la première barricade, et dans les jours qui suivaient, il y en avait eu une deuxième. Qui a laissé pourrir la situation? (21 heures)

M. le Président, moi, je comprends parfaitement l'exaspération de mon collègue, le député de Joliette, qui est responsable du dossier. Comment comprendre que si ce n'était pas l'opinion de la majorité, et on veut bien croire qu'il n'y avait pas eu de vote majoritaire au Conseil des ministres, de toute façon, au Conseil des ministres, on ne vote pas... Mais comment imaginer qu'il n'en ait pas été question entre les ministres concernés. Comment ne pas tout simplement constater que ça devait être certainement l'opinion de la majorité des ministres puisque la directrice adjointe n'était pas suffisamment émue par la nouvelle du raid du lendemain, ne se sentait pas suffisamment impressionnée pour en avertir son ministre. C'est parce que ça avait déjà été discuté. Dans le fond, est-ce que, finalement, ce n'était pas ça qui était convenu, que s'il n'y avait pas d'entente, la Sûreté intervenait pour faire respecter l'ordre, vont dire les gens d'en face? Mais qui est-ce qui avait créé le désordre? Est-ce que ce n'était pas justement le recours à un processus judiciaire et policier pour régler un conflit?

On a appris depuis longtemps au Québec à tenter de ne plus régler, par exemple, des conflits sociaux ou des conflits syndicaux comme ça se faisait du temps du gouvernement, première manière du premier ministre actuel, dans les années soixante-dix, à coups d'injonctions et puis à coups de raids policiers sur les lignes de piquetage. On a changé les lois du travail pour les civiliser. Est-ce que vous pensez que c'est civilisé dans une société, de faire intervenir le processus judiciaire et le processus policier, c'est-à-dire la méthode forte, plutôt que de rechercher une solution pacifique à un conflit? Surtout que je relisais la lettre que, le 9 juillet, le ministre responsable des Affaires autochtones écrivait au maire d'Oka. Je ne peux pas croire que le ministre qui exprimait cette opinion, dont je vais vous faire lecture, M. le Président, au maire d'Oka, ne l'avait pas exprimée à ses propres collègues.

Le ministre disait: "M. le maire et MM. les conseillers - il disait ça avant l'intervention - la situation à Oka est très sérieuse et risque de dégénérer en confrontation qui aura de tristes conséquences pour les sociétés autochtones et non autochtones. Je crois que cette confrontation peut et doit être évitée. Les enjeux sont très importants. Ces enjeux impliquent: 1. les reven-

dications historiques des peuples autochtones; 2. le contexte culturel et la perception des autochtones de cette situation; 3. les relations entre les communautés autochtones et notre société; 4. le message que nous enverrons dans le monde comme étant le traitement que nous accordons aux autochtones. "Ces enjeux - continue le ministre, le 9 juillet dernier - vont au-delà de la stricte légalité de la situation telle qu'interprétée par nos tribunaux qui se basent sur des lois mises en vigueur par notre société, lois qui ne répondent pas nécessairement aux revendications des autochtones. "Nous sommes souvent accusés par les autochtones de ne pas tenir compte de leurs revendications et de renier nos engagements. La situation à Oka accorde la crédibilité à ces accusations."

Je ne peux pas croire, M. le Président, que le ministre a écrit tout ça et qu'il n'en avait pas fait part à ses propres collègues et, entre autres, à son collègue responsable de la Sûreté. Comment se fait-il que ça n'ait pas impressionné le maire d'Oka qui a passé outre complètement? Est-ce que, finalement, le maise d'Oka ne savait pas, lui, que ce n'était pas la position majoritaire du gouvernement, que c'était une position minoritaire? Est-ce que le maire d'Oka ne se sentait pas finalement réconforté par des opinions contradictoires à celles du ministre Ciaccia, opinions qui l'encourageaient à continuer à utiliser la guérilla judiciaire et à faire appel aux forces d'intervention policières pour régler un conflit que le ministre délégué aux Affaires autochtones lui-même considérait comme pouvant dégénérer en confrontation. Alors, quand la députée de Châteauguay nous dit que son gouvernement a toujours préconisé la négociation, je lui redemande: Avant ou après?

M. le Président, je vous assure que je suis personnellement inquiète, vraiment inquiète, inquiète que ça ne serve pas de leçon au gouvernement, juste à constater l'attitude de bonne conduite qu'il se donne; ça m'inquiète qu'il ne se serve pas des leçons de ce qui s'est passé. Simplement vous rappeler, M. le Président, que déjà, le 1er juin, j'avais interrogé le ministre de la Justice à savoir s'il allait accorder à la Commission des droits de la personne les fonds que la Commission lui demandait pour mener une enquête sur les relations... Je vais vous lire exactement la résolution de la Commission des droits de la personne: "Procéder à des audiences publiques - c'était au mois de juin, ça, avant les événements de cet été - sur les allégations de traitements discriminatoires et de comportements racistes à l'endroit des communautés autochtones ou de leurs membres par les corps policiers, ainsi que sur les causes des tensions dans les relations entre ces communautés et les corps policiers relevant de la juridiction du Québec et de demander au gouvernement du Québec de fournir à la Commission les fonds requis pour la tenue de ces audiences publiques."

Il y a quatre mois et demi, j'ai demandé au ministre de la Justice s'il entendait donner suite à cette requête de la Commission. M. le Président, cette semaine, la Commission n'a pas encore reçu un accusé de réception, la Commission n'a pas encore reçu une réponse. Puis, quand vous pensez pourtant que, sur le territoire de l'île de Montréal, la Commission a mené une enquête comme celle-là, après des événements violents - je fais référence évidemment à la mort du jeune Griffin - et ces audiences ont permis à la fois aux groupes concernés dans les communautés ethniques et à la fois à la police de Montréal de nouer un dialogue, d'échanger sur une base nouvelle, M. le Président, il faut souhaiter que le gouvernement se porte responsable rapidement de permettre ces occasions pour faire en sorte qu'on ne retombe pas dans les limbes de notre indifférence, pour permettre qu'on n'abrie pas cette remise en question essentielle, indispensable de nos relations comme Québécois avec les nations autochtones qui vivent parmi nous. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Je reconnais maintenant M. le député de Deux-Montagnes. M. le député de Deux-Montagnes.

M. Jean-Guy Bergeron

M. Bergeron: M. le Président, je suis sidéré par les critiques de l'Opposition sur notre gestion de la crise amérindienne qu'a traversée notre société l'été dernier. Cette motion de blâme de l'Opposition officielle à l'endroit de notre gouvernement est injustifiée. Notre gouvernement a été le premier gouvernement, dans l'histoire récente du Québec, a être confronté à une crise aussi grave. Il n'y avait pas de précédent historique à cette crise amérindienne, pas de précédent historique susceptible d'indiquer la voie à suivre pour faire face à un groupe de citoyens qui se sont armés pour revendiquer des droits.

Notre tradition politique veut, fort heureusement, que la violence soit exclue des procédés par lesquels des citoyens font valoir des revendications auprès des pouvoirs politiques. C'est la première fois dans l'histoire récente qu'un groupe de citoyens de notre société emprunte la voie des armes pour être entendus des pouvoirs politiques. Devant cette situation inédite, M. le Président, notre gouvernement a élaboré une stratégie à suivre. Il a établi une gestion de crise sous la responsabilité d'un comité spécial. Cette stratégie, c'était celle de faire le maximum pour régler pacifiquement cette crise amérindienne. Le bain de sang a été évité. (21 h 10)

Je ne dis pas, M. le Président, qu'il n'y a

pas eu de failles, mais je trouve injustifiées la teneur et la portée du blâme que l'Opposition présente aujourd'hui.

La principale critique adressée à notre gouvernement au cours de cette crise, c'est celle d'une supposée inertie du gouvernement. Cette critique n'est pas fondée. Notre gouvernement a agi de façon responsable tout au long de la crise.

Agir de façon responsable a signifié pour nous, M. le Président, d'éviter le bain de sang. Éviter que des vies humaines ne soient perdues. La perte du caporal Lemay nous est apparue et apparaît encore une de trop.

Il est loin d'être certain que les résultats auraient été les mêmes si l'on avait écouté certains des membres de l'Opposition, y compris le chef de l'Opposition lui-même. Si le gouvernement l'avait écouté, le Québec serait probablement devenu une terre fertile avec actes de violence et du terrorisme. Il serait probablement devenu un sol fertile pour des actes de violence politique. Car - Ah! Vous pouvez me regarder, monsieur, ça ne me dérange pas - la violence politique, il faut le rappeler, a pour particularité d'engendrer la violence...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! Je demanderais la collaboration des députés. Les députés ont écouté, à ma connaissance, depuis le début de ce débat, chaque intervenant et je demanderais que ça continue. M. le député de Deux-Montagnes, s'il vous plaît.

M. Bergeron: En politique, son usage est plus souvent un aveu d'impuissance qu'une démonstration de puissance. Elle est, en politique, un aveu d'impuissance même si, lorsque l'on a le nez collé sur la vitre de la télévision, l'impression contraire peut être ressentie. Et s'il en est ainsi, c'est parce que notre société privilégie les voies de la négociation pour régler les conflits qu'elle connaît. La négociation chez nous a préséance sur tout moyen pour résoudre les conflits et les tensions qui habitent notre société. Elle a une valeur supérieure à tout autre moyen pour faire valoir des revendications.

Les Québécois ne sont pas violents. Ils n'ont jamais solutionné leurs conflits politiques en empruntant la voie de la violence. Il n'y a pas, fort heureusement, de violence dans notre tradition politique.

Notre gouvernement a agi conformément à cette tradition qui a toujours honoré notre société et l'homme d'aujourd'hui.

Le dénouement pacifique de la crise montre la justesse de l'option privilégiée pour régler la crise.

M. le Président, malgré tout ce qui a pu être dit par des citoyens en colère l'été dernier, je suis persuadé qu'ils sont peu nombreux ces citoyens qui souhaitaient voir le Québec vivre des situations analogues à celle de l'Angleterre avec l'Irlande du Nord ou celle de l'Espagne avec le Pays Basque. Et pour éviter une telle situation, il fallait être responsable et notre gouvernement l'a été en agissant de manière réfléchie et en écartant la voie de la violence.

Notre gouvernement a donc refusé d'hypothéquer l'avenir de notre société. En cela, sa gestion de la crise amérindienne s'inscrit dans la perspective qui a toujours été la sienne depuis 1985. Un souci marqué par les conséquences à long ternie de l'action gouvernementale sur notre société. Ce souci a guidé notre gestion de la crise, comme il guide notre gestion des finances publiques et nos efforts pour contrôler le déficit.

Refuser d'hypothéquer le futur à travers un arbitrage judicieux entre le présent et l'avenir contraint quelquefois des citoyens à de dures réalités. Beaucoup de citoyens directement concernés par la crise ont vécu un été difficile, voire même cruel.

Notre gouvernement a tout fait ce qui était raisonnablement possible pour diminuer les inconvénients auxquels ces citoyens concernés étaient confrontés. Des mesures pour atténuer ces inconvénients ont été mises en place rapidement et elles ont donné des résultats satisfaisants. Personne, M. le Président, n'ira jusqu'à affirmer que les plaies ouvertes à l'occasion de la crise se sont refermées en même temps que les lampes des caméras de télévision.

Tous ceux qui ont vécu cette crise savent qu'il faudra beaucoup de temps et d'énergies pour cicatriser le tout. Il faudra également du temps et des énergies pour recoudre le tissu social dans les régions de Châteauguay et d'Oka. Des citoyens ont été divisés par la crise et ils devront réapprendre à vivre les uns à côté des autres dans le respect de leurs différences mutuelles. Des efforts devront être consentis afin que les régions concernées retrouvent une vitalité économique.

Notre gouvernement entend accorder une attention particulière au rétablissement de la stabilité économique de ces régions, ce qui permettra d'accélérer le retour des choses à la normale. M. le Président, la crise amérindienne de l'été dernier a non seulement été éprouvante pour les citoyens d'Oka et de Châteauguay, mais aussi pour nos institutions et en particulier pour notre corps policier provincial. La crise maintenant terminée," notre gouvernement s'est déjà mis à la tâche de refaire la crédibilité de notre corps de police et j'ai grande confiance qu'il réussira dans cette entreprise.

J'aimerais maintenant, M. le Président, dire très respectueusement un mot sur le rôle de la presse dans cette crise. Je trouve déplorable que les lieux du drame aient été transformés par certains - et j'insiste, par certains - en plateau de tournage. Cela n'a pas toujours permis au simple citoyen d'avoir l'heure juste dans ces

événements. Le traitement des événements n'a pas toujours été raisonnable et juste pour les parties en cause dans le conflit. Il est possible, cependant, d'invoquer le fait que certaines presses n'avaient pas l'expérience pour couvrir et traiter ce genre d'événement. À ma connaissance, M. le Président, il n'y a pas d'événement où les médias ont joué un tel rôle. C'est pourquoi j'ai tantôt parlé d'un véritable plateau de tournage. J'ai même par moments, parce que je l'ai vécu jour après jour à Oka, eu l'impression qu'à l'occasion l'on tournait un film. J'ai parfois eu l'impression que la guerre d'images prenait le pas sur le drame des citoyens.

J'ai lu dans les journaux que les médias ont entrepris une réflexion sur le rôle qu'ils ont joué dans le déroulement de la crise. Je souhaite fortement que leur réflexion porte fruit car ces excès ont contribué à amplifier les exaspérations compréhensibles de certains citoyens vivant le drame et tout particulièrement à Oka. Devant une situation exigeant le maximum de raison, le débordement émotif qu'elle a amplifié a porté atteinte à l'image de notre société autant au plan local qu'international.

M. le Président, je voudrais également souligner l'excellent travail de l'armée canadienne dans le dénouement de la crise. Elle a su, par sa présence, rassurer les citoyens d'Oka, et le tout sans violence. (21 h 20)

M. le Président, je me dois de souligner le travail, tout au long de la crise, de ceux qui, sur le terrain, ont permis l'application des mesures mises en place par notre gouvernement pour alléger les inconvénients subis par les citoyens concernés et en particulier ceux d'Oka. J'ai pu constater la célérité avec laquelle ils ont procédé à la mise en place de ces mesures. Leur travail a contribué à alléger les difficultés pratiques de plusieurs citoyens directement concernés par la crise. Si l'on considère la durée de la crise, ce travail de terrain a été un élément important dans le dénouement de la crise. Sans dire qu'il a été déterminant, on peut dire à juste titre qu'il a largement contribué à contenir une partie importante de la pression créée par la situation de crise. Il a été le support remarquable de notre stratégie qui faisait appel à la retenue et à la patience.

M. le Président, j'aimerais à ce moment-ci de mon allocution aborder un autre élément de la crise et, en particulier, l'excellente participation des citoyens de mon comté aux mesures d'allégement des inconvénients de la crise mises en place par notre gouvernement. Si l'on peut aujourd'hui dire qu'elles sont un succès, c'est grâce à la précieuse collaboration des citoyens de la région d'Oka. Leur comportement réfléchi, tout au long de cette épreuve, et en particulier lors de l'évacuation, a rendu possible la rapidité d'exécution.

M. le Président, jusqu'ici je n'ai pas accordé d'attention au fond du problème, j'aimerais maintenant l'aborder, la question autochtone. Je sais qu'il s'agit là d'une question très vaste, qui ne peut faire l'économie de mots; cependant, l'exclure me paraîtrait tout aussi inconvenant. La question autochtone est une question qui n'est pas neuve au Québec en dépit de son âge. Les événements d'Oka et de Châteauguay auxquels nous avons été confrontés l'été dernier ont montré hors de tout doute qu'elle reprend aujourd'hui une importance considérable. S'il en est ainsi, c'est parce que depuis plus de 50 ans nous l'avons quelque peu négligée. Les contentieux divers entre les communautés amérindiennes et les gouvernements ont pendant longtemps été négligés. S'il fallait une preuve de cela, nous l'avons eue l'été dernier. Lorsque les citoyens prennent des années pour se faire entendre des pouvoirs politiques, c'est le signe évident que quelque chose quelque part a été négligé.

Nous sommes aujourd'hui confrontés à fournir des solutions acceptables à tous. C'est là une tâche énorme puisqu'il nous faudra négocier, trouver des solutions inédites. Ce défi qui nous attend est de taille, puisqu'il s'agit de reconnaître des droits et d'en arbitrer d'autres. Ce défi, nous devrons y faire face, nous en sommes capables, nous ne pouvons pas le contourner. Il fera appel à l'imagination et à la volonté des hommes et des femmes désireux de vivre ensemble sur un même territoire. Il ne faudrait pas être naïf, les difficultés à surmonter seront nombreuses puisque, comme on le sait, la question amérindienne se pose dans un contexte où plusieurs paliers de gouvernement régissent un territoire.

Je n'ai pas, M. le Président, la prétention d'avoir des réponses à toutes les questions que pose ce défi. J'ai seulement le sentiment qu'il faudra en trouver dans un avenir très rapproché. C'est la seule façon pour nous d'éviter que d'autres groupes prennent les armes pour revendiquer leurs droits. Nous venons de vivre une situation que nous serons capables de faire en sorte qu'il n'y ait pas de reprise et que la crise d'Oka et de Châteauguay sera la seule crise du genre que connaîtra notre société. C'est le souhait qu'on peut faire à la lumière de la déchirure profonde de l'été dernier. J'ai dit tantôt qu'il faudra beaucoup de temps et d'énergies pour réparer cette déchirure. Le tissu social étant quelque chose de fragile, il faudra beaucoup d'efforts pour le refaire. Nous avons trop besoin de l'énergie de nos citoyens pour relever les grands défis économiques et technologiques pour permettre une autre crise de ce genre. Il importe maintenant de nous efforcer de trouver des solutions, des ajustements qui permettront aux citoyens d'origine amérindienne d'être chez eux dans la société québécoise.

M. le Président, je m'en voudrais de terminer cette allocution sans prendre quelques instants pour remercier ceux et celles qui, dans

mon entourage, m'ont apporté le soutien et le dévouement nécessaires dans les circonstances. Ces collaborateurs et ces collaboratrices furent nombreux. Ils ont été d'un support appréciable. Ils m'ont permis de régler une foule de problèmes pratiques auxquels étaient confrontés les citoyens de ma circonscription. Comme tout le monde le sait, des solutions pratiques sont fort appréciables dans les circonstances que j'ai vécues cet été.

En terminant, M. le Président, je voudrais rendre hommage à la population d'Oka pour la dignité avec laquelle elle s'est conduite durant la crise autochtone. Il faut avoir été sur les lieux jour après jour pour comprendre le drame que ces gens-là ont vécu. Aux deux maires d'Oka, aussi, en terminant, je voudrais offrir mes plus sincères remerciements pour tout le support qu'ils m'ont accordé durant cette crise qui, dans notre cas, a été terrible et très difficile.

M. le Président, durant la crise autochtone, le gouvernement que je représente a tout fait pour arriver à une solution pacifique et sans effusion de sang. Le prix à payer a été très lourd, 78 jours, mais il a réussi la mission qu'il s'était fixée dès le début de la crise. Le gouvernement a tenu, dans cette crise, la seule ligne qui se défendait, celle de fa fermeté face aux demandes amérindiennes et de la patience à l'égard des guerriers masqués. Il nous fallait éviter un bain de sang et nous avons réussi. C'est donc avec plaisir, ce soir, que je profite de l'occasion pour saluer les gens de mon comté et ceux d'Oka qui ont vécu des jours terribles et je leur offre toutes mes félicitations et mon support pour l'avenir, pour l'après-crise. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Deux-Montagnes. Nous allons procéder maintenant au droit de réplique et je reconnais le leader de l'Opposition officielle. M. le leader.

M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. A écouter les députés libéraux, tout est rose, tout est beau, tout va bien, tout a été merveilleux, il n'y a rien qui s'est passé. Il faudrait quasiment encenser ce gouvernement et procéder à un vote de félicitations. J'ai relu avec beaucoup d'intérêt les propos du ministre de la Sécurité publique. Une chose m'a sauté aux yeux. Si le ministre avait pu - s'il avait pu, je le dis bien - il aurait commencé sa narration des faits et son analyse à partir du 5 octobre, à savoir sa nomination. Évidemment, ne pouvant pousser l'absurde à ce point, il a commencé en disant qu'au début fut l'épisode malheureux du 11 juillet. Mais il n'a pas dit un mot de l'avant-crise. Aucun député libéral n'a parlé de l'avant-crise. Et un des points les plus fondamentaux du vote de blâme, c'est précisément sur l'avant-crise. (21 h 30)

Ce gouvernement n'a rien fait pour éviter la crise, donc, il est responsable. C'est ça, fondamentalement, que les députés libéraux n'ont pas compris. Même si la députée de Kamouraska-Témiscouata a des choses à dire présentement, qu'elle aille à son siège et qu'elle le fasse dans son temps de parole, s'il y en a un. Je n'ai interrompu personne, mais je vous dis que même le ministre de la Sécurité publique, un homme rigoureux, n'a pas fait un lien avec l'avant-crise. La députée de Châteauguay: Tout était merveilleux, elle a obtenu un bout de route en pleine crise. Le député de Deux-Montagnes: Merci tout le monde, bravo! Mais le vote de blâme qui est rédigé, et qui fait partie intégrante du feuilleton de ce jour, parle de l'avant-crise. Gouverner, ce n'est pas se congratuler puis se féliciter pour une après-crise; gouverner, c'est prévoir une crise, essayer d'éviter une crise, la gérer le mieux possible, cette crise, et faire en sorte que cette crise donne des leçons et qu'elle ne se représente plus. C'est ça, fondamentalement, que vous ne semblez pas comprendre.

Depuis quand savez-vous que ça va mal avec les autochtones au Québec? Ce n'est pas d'aujourd'hui. En 1988, vous étiez au pouvoir, le pont Mercier était bloqué. Qu'avez-vous fait? Qu'avez-vous fait avec la proposition de 1985 qui reconnaissait une base de discussion sur les droits des autochtones? Pas une rencontre avec les chefs de nation pour discuter de ce que pourrait être un avenir pour les nations amérindiennes dans un Québec. Pas un mot. Votre ministre, porteur du dossier des autochtones, en juin 1989, vous écrit au Conseil des ministres et vous dit: Les armes rentrent à profusion dans la réserve de Kahnawake, des armes lourdes. Qu'est-ce que vous avez fait comme gouvernement responsable pour au moins rassurer l'opinion publique, pour aller chercher ces armes avant qu'on ne les utilise? Rien, M. le Président, pas un geste, pas un geste. Qu'avez-vous fait à compter de juin 1989 pour établir immédiatement un dialogue avec les communautés autochtones pour éviter qu'une crise survienne? Rien, M. le Président, si ce n'est qu'il y avait un ministre qui tâchait, tant bien que mal, d'essayer d'aller leur parler lentement, tranquillement. en mars 1990 - ce n'est pas si loin que ça - qu'avez-vous fait depuis mars 1990, depuis l'érection de la première barricade pour essayer d'éviter la crise du 11 juillet? rien, m. le président. au contraire, au conseil des ministres, il y avait deux clans: il y avait ceux qui étaient pour la force policière et ceux qui étaient pour la négociation. ceux qui étaient pour la négociation étaient minoritaires et ceux qui étaient pour la force policière disaient: aïe! il faut que ça descende! ce soir, ça vient essayer de nous donner des leçons de fierté. aïe! mon oeil! soyez au moins un petit peu humbles et reconnaissez

qu'il n'y en a pas un parmi vous, ce soir, depuis cet après-midi, qui a traité de l'avant-crise. Vous n'avez rien fait pour éviter la crise. C'est sur ce point, fondamentalement, d'abord, que porte le vote de blâme, M. le Président. Il y a des limites à l'inconscience, autant le député de Deux-Montagnes que la députée de Châteauguay, que tous ceux qui se sont exprimés du côté libéral sur cette motion de blâme, au moins reconnaissez que vous n'avez pas su dire un mot sur l'avant-crise et c'est, à mon point de vue, un aveu très explicite de culpabilité. Vous n'avez rien fait pour éviter cette crise. Voilà le premier point de la motion de blâme.

Deuxième point de la motion de blâme, M. le Président. Tout au long de son discours d'une heure, cet après-midi, le ministre nous a présenté une vision idyllique, paradiasique, c'était le paradis. Depuis que l'histoire naît avec M. Ryan, avec le député d'Argenteuil, c'est comme si rien n'existait, M. le Président. Il faut le faire! Un gars qui est supposément rigoureux comme lui, il n'y a pas d'analyses qui se font. La seule petite chose qu'il a dite, savez-vous quoi, M. le Président? Ah! c'est une petite erreur d'avoir signé avec quelqu'un de masqué. Mais le reste, tout est beau, tout est bon, tout est fin, tout est rose.

M. le Président, je m'excuse. Le ministre de la Sécurité publique, à mes yeux, toute la rigueur qu'il avait, elle est descendue bien bas. Sa cote, si j'avais une note à lui distribuer, avec l'analyse qu'il a faite de la crise autochtone, de l'avant-crise autochtone, de la crise elle-même, du pendant et de l'après, M. le Président, cet homme ne passerait pas le cap de la note requise. Pas un mot de l'avant, tout est parfait pendant et il n'y a rien à faire après si ce n'est que de parler, que de jaser, un peu comme le premier ministre: L'économie va mal; des débats et des questions en Chambre.

M. le Président, où est-ce qu'on s'en va avec un gouvernement de même? Sur quelle planète vivez-vous? Promenez-vous sur les routes de Châteauguay, promenez-vous dans les rues d'Oka, M. le député, et demandez donc aux citoyens s'ils sont satisfaits de ce qui s'est passé avant la crise. Demandez donc aux citoyens s'ils trouvent satisfaisant ce qui s'est vécu à Oka et à Châteauguay avant la crise. Promenez-vous donc et demandez-leur très calmement: Êtes-vous satisfaits du gouvernement Bourassa dans ses tentatives d'éviter la crise? Ils vont vous demander: Mais qu'est-ce qu'il a fait? Et, comme député, vous allez avoir l'air fou, parce que vous ne saurez pas quoi répondre. Vous n'avez rien fait pour éviter la crise. Si bien que le ministre porteur du dossier n'était même pas appuyé par le Conseil des ministres. Cessez de nous donner des leçons de fierté.

J'écoutais le ministre de la Sécurité publique, il était fier d'appartenir à un gouvernement qui n'avait pas provoqué d'effusion de sang. Le caporal Lemay, qu'est-ce qui lui coulait dans les veines, M. le Président? Les soldats blessés, qu'est-ce qui leur coulait dans les veines? Les citoyens qui ont eu l'assaut de la Sûreté - je ne me souviens plus de l'endroit...

Une voix: Saint-Constant.

M. Chevrette: Saint-Constant, à Saint-Louis-de-Gonzague, qu'est-ce qui leur coulait dans les veines, ces gens-là? Les autochtones qui ont été blessés, qu'est-ce qui leur coulait dans les veines, ces gens-là? La fierté d'avoir eu un dénouement, d'avoir eu un dénouement heureux. ? M. le Président, on a la fierté qu'on veut bien avoir. Mais je vais demander au député de Deux-Montagnes, à la députée de Châteauguay, aux députés impliqués dans cette crise autochtone, au gouvernement en général, à n'importe quel député de cette Chambre: Y avait-il de la fierté de ne pas savoir avant 90 jours qui avait osé donner l'assaut, l'ordre de l'assaut? Ça a pris 90 jours pour trouver une attachée politique pour en faire un bouc émissaire. Est-ce que vous êtes fiers de ça, vous autres? Est-ce que ça grandit votre gouvernement, de rendre responsable une attachée politique dont la compétence a été reconnue par tous les Solliciteurs généraux avant? Est-ce que vous avez beaucoup de fierté d'avoir un ministre de la Sécurité publique qui a admis deux fois devant la population qu'il s'est fait flouer, qu'il s'est fait avoir? Est-ce que vous avez eu beaucoup de fierté de la part des gens de Deux-Montagnes, d'Oka, de Châteauguay, du Québec en général, de voir un ministre, dans le dossier autochtone, signer, avec un mineur de 17 ans, une entente? Est-ce que vous avez eu beaucoup de fierté de voir, par exemple, qu'on aurait pu éviter que le pont Jacques-Cartier ne soit fermé si on était intervenu dans les six premières heures, M. le Président, alors qu'il n'y avait personne sur le pont ou à peu près personne, et si on avait mis de la sécurité? Ce qui aurait changé tout l'aspect de la crise parce que, dès que le pont Mercier a été libéré, toute l'ambiance a changé au niveau de cette crise.

Est-ce que vous avez beaucoup de fierté de voir, par exemple, des gens qui ont des maisons saccagées à Oka? Je m'adresse au député de Deux-Montagnes, M. le Président, par votre intermédiaire: Y a-t-il beaucoup de fierté de voir des commerces en difficulté, de voir des professionnels non indemnisés, de voir du monde qui subira des séquelles épouvantables pendant des mois et des années? Est-ce que c'est avec ça que vous avez votre fierté? Ma fierté, M. le Président, moi, était dans le fait qu'un gouvernement est là pour gouverner et gouverner, c'est l'art de prévoir, c'est l'art d'éviter des choses, c'est l'art de gérer correctement des crises, c'est l'art d'assumer un leadership, c'est l'art d'être le maître d'oeuvre. Qui a eu la maîtrise d'oeuvre dans tout ça, M. le Président?

Le seul organisme qui sort grandi de tout ça, c'est l'armée parce qu'ils ont joué le rôle du gouvernement. C'est eux qui informaient le public, c'est eux qui sécurisaient le public, c'est eux qui réconfortaient les citoyens qui ne savaient pas où donner de la tête. Puis, durant ce temps-là, vous aviez des citoyens qui montaient des manifestations, qui s'organisaient pour se dépanner, qui essayaient de savoir où ils s'en allaient.

Ils ont la fierté de ça, M. le Président! Ils ont la fierté de ça, ces gens-là. Où est-ce qu'on s'en va? Où est-ce qu'on s'en va véritablement? Moi, je n'en reviens pas d'avoir entendu le ministre de la Sécurité publique. J'ai préféré aller l'écouter dans mon bureau; de même je n'aurai pas de réactions vives, M. le Président! Mais comme j'ai le droit de réplique, je vous dirai très honnêtement que tant qu'on sera dirigés par des hommes et des femmes dont le courage politique est nul, est zéro, on n'est pas capables d'intervenir au bon moment... C'est de l'indécision complète, totale et permanente. Ils souffrent d'incapacité permanente totale à prendre des décisions au bon moment. Ils souffrent d'incapacité totale permanente à prévoir les choses. Ils souffrent d'incapacité totale permanente à anticiper les événements et à prendre des actions pour les contrer, ces événements, M. le Président.

Je vous avoue très honnêtement que c'est inquiétant. Oui, c'est inquiétant pour des citoyens québécois et le blâme de ce soir, le blâme que nous présentons, il n'est pas la moitié de ce que vous pourriez entendre de la bouche des citoyens, des citoyens démunis, des citoyens qui se fient sur leur gouvernement, des citoyens qui attendent un leadership d'État, qui attendent que les institutions prennent soin d'eux, s'occupent d'eux, les informent, les sécurisent.

Il y a eu une avant-crise que vous avez tous ignorée ce soir, toutes et tous de votre côté. Il y a eu une avant-crise qui vous pèsera lourd dans chacune de vos circonscriptions électorales. Vous aurez à expliquer comment il se fait que vous n'avez pas posé des gestes avant pour éviter de telles crises. Et vous aurez à expliquer comment il se fait que pendant la crise on s'est comportés de la sorte, fournir un quai à un groupe, signer masqués, se promener avec des vestes "antiballes" pour avoir l'air brave. Ça, ça fait évoluer les choses. Puis, on parle d'harmonie, d'établir des ponts. Les ponts, vous auriez dû les établir au lendemain de la prise du pouvoir, vous aviez entre les mains - et c'était l'héritage du Parti québécois - des motions de l'Assemblée nationale en 15 points, délimitant les droits et les pouvoirs que pouvaient avoir les populations amérindiennes. Avec une discussion franche, en cinq ou six ans, vous auriez pu bâtir des ponts précisément avec ces communautés, ce qui aurait pu éviter de nous conduire à ce qu'on a vécu cet été. Mais, de grâce, ayez au moins l'humilité, si vous n'avez pas la décence, de reconnaître que lorsqu'on se conduit pratiquement comme des bouffons, on ne peut pas récolter autre chose que du vaudeville.

M. le Président, on a vécu un été d'enfer, un été qui a fait en sorte que l'image du Québec a été ternie à l'extérieur du Québec. Pourtant, s'il y a une communauté, une collectivité qui a démontré une tolérance dans le passé et qui l'a toujours démontrée, c'est bien le Québec. On est encore prêts à s'en sortir, mais pas à s'en sortir avec des gens qui essaient de se congratuler suite à des événements où ils devraient se cacher. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Est-ce que la motion de censure proposée par le leader de l'Opposition officielle qui se lit comme ceci: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le gouvernement libéral, d'une part, pour ne pas avoir su prévenir le conflit armé qui a éclaté cet été à Oka, à Kanesatake et à Kahnawake, en ne donnant aucune suite à la déclaration solennelle de l'Assemblée nationale du 20 mars 1985 sur les droits des communautés autochtones et en tolérant, en pleine connaissance de cause, l'accumulation massive d'armes prohibées sur certains territoires et réserves et, d'autre part, pour avoir complètement failli à ses devoirs les plus fondamentaux au cours de cette crise, soit ceux d'assumer un leadership politique et moral, d'informer, de rassurer et réconforter les milliers de citoyennes et citoyens directement touchés et, enfin, de maintenir, tant au Québec qu'à l'extérieur, la crédibilité de l'État québécois et de ses institutions" est adoptée?

Une voix: Adopté.

M. Bélisle: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: En vertu de l'article 223 de notre règlement, je vous demande le report du vote au mardi 23 octobre, après les affaires courantes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Concernant votre demande, M. le leader adjoint du gouvernement, le vote sera reporté à la prochaine séance, soit mardi prochain, après les affaires courantes.

M. Bélisle: et je propose également, m. le président, l'ajournement de nos travaux au mardi 23 octobre, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à mardi prochain, 23 octobre, à 14 heures. Merci et bonne soirée à tous.

(Fin de la séance à 21 h 46)

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