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(Quatorze heures quatorze minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous
asseoir.
Nous allons entreprendre nos travaux aux affaires courantes. Il n'y a
pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi.
Dépôt de documents. M. le ministre de la
Sécurité publique. Alors, au dépôt de documents, M.
le ministre de la Sécurité publique.
Erratum au rapport annuel de la Commission
québécoise des libérations conditionnelles
M. Ryan: M. le Président, je dépose un erratum au
rapport annuel 1989-1990 de la Commission québécoise des
libérations conditionnelles.
Le Président: Ce document est déposé.
Au dépôt de rapports de commissions. M. le président
de la commission de la culture et député de
Louis-Hébert.
Étude du rapport d'activités de la
Commission d'accès à l'information
M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai deux rapports de la
commission de la culture à déposer. Un premier est celui de la
séance du 28 août 1990; cette séance s'est tenue afin
d'étudier le rapport d'activités 1989-1990 de la Commission
d'accès à l'information conformément à l'article
119.1 de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur
la protection des renseignements personnels.
Consultations particulières sur le projet de
loi 62
Le deuxième rapport que je voudrais présenter, c'est celui
des séances du 11 et du 12 septembre dernier afin de procéder
à des consultations particulières dans le cadre de l'étude
détaillée du projet de loi 62, Loi modifiant la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels et d'autres dispositions législatives.
Merci.
Le Président: Alors, ces rapports sont
déposés.
Dépôt de pétitions. Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Modifications réclamées aux mesures
sociales en vigueur
Mme Harel: Merci, M. le Président. Je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'assemblée
nationale par 709 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du
québec. les faits invoqués sont les suivants: "considérant
que la loi sur la sécurité du revenu appauvrit l'ensemble des
personnes assistées sociales; considérant que les personnes
assistées sociales vivent, en moyenne 50 %, en dessous du seuil de la
pauvreté; considérant que le coût du logement exige 30 % et
parfois 50 % du budget d'un ménage assisté social;
considérant que le seul recours pour ces personnes est de couper sur la
nourriture pour elles et leurs enfants; considérant que les personnes
assistées sociales veulent travailler et se sortir de ce cercle de
pauvreté, l'intervention réclamée se résume ainsi:
que l'assemblée nationale du québec intervienne auprès du
premier ministre, m. robert bourassa, pour que les modifications suivantes
soient apportées: que la coupure de 89 $ pour le partage du logement et
celle de 85 $ pour les revenus de chambre et pension soient abolies; que la
contribution parentale obligatoire soit abolie; que le statu quo en ce qui
concerne le plafond de 260 $ par mois considéré comme un revenu
fictif lorsque la pension alimentaire prend la forme de paiement d'une
résidence soit maintenu; que l'incitation à la participation aux
mesures se fasse sur une base volontaire, avec une hausse de l'allocation de
participation de 100 $ par mois, calculée à partir du
barème disponible et que le décret haussant les loyers dans les
logements sociaux soit aboli." merci, m. le président.
Le Président: Cette pétition est
déposée. Toujours au niveau du dépôt de
pétitions, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Trudel: Merci, M. le Président. Je désire
déposer l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 658 pétitionnaires, citoyens et
citoyennes du Québec. "Les faits invoqués sont les suivants:
Considérant que la Loi sur la sécurité du revenu appauvrit
l'ensemble des personnes assistées sociales; considérant que les
personnes assistées sociales vivent en moyenne 50 % en dessous du seuil
de la pauvreté; considérant que le coût du logement exige
30 % et parfois 50 % du budget d'un ménage assisté social;
considérant que le seul recours pour ces personnes est de couper sur la
nourriture pour elles et leurs enfants; considérant que les personnes
assistées sociales veulent travailler et se sortir de ce cercle de
pauvreté, l'intervention réclamée est que
l'Assemblée nationale du Québec intervienne auprès du
premier ministre, M. Robert Bourassa, pour que les modifications suivantes
soient apportées: Que la coupure de 89 $ pour le partage du logement et
celle de 85 $ pour les revenus de
chambre et pension soient abolies; que la contribution parentale
obligatoire soit également abolie; que le statu quo en ce qui concerne
le plafond de 260 $ par mois considéré comme un revenu fictif
lorsque la pension alimentaire prend la forme de paiement d'une
résidence soit maintenu; que l'incitation à la participation aux
mesures se fasse sur une base volontaire, avec une hausse de l'allocation de
participation de 100 $ par mois, calculée à partir du
barème disponible et que le décret haussant les loyers dans les
logements sociaux soit aboli." Je certifie que cet extrait est conforme
à l'original de la pétition.
Le Président: Votre pétition est
déposée. Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation
de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Nous arrivons donc à la période de questions et
réponses orales des députés. Je vais reconnaître, en
question principale, M. le leader de l'Opposition et député de
Joliette.
Dossier de l'intervention de la Sûreté du
Québec à Oka
M. Chevrette: M. le Président, suite aux réponses
du ministre de la Sécurité publique ainsi qu'à ses
déclarations en dehors de cette Chambre, je pense qu'il est maintenant
clairement établi que le moyen que le gouvernement a trouvé pour
enterrer le passé ou pour nettoyer l'ardoise, pour reprendre une
expression qu'affectionne l'actuel ministre de la Sécurité
publique, et surtout pour éviter aux anciens ministres mutés de
devoir rendre des comptes à l'Assemblée et à la
population, c'est de trouver un bouc émissaire, M. le Président -
en l'occurrence, c'est la directrice adjointe du cabinet de l'ancien ministre -
et de lui faire porter par la même occasion tout l'odieux de la
situation. C'est un procédé, M. le Président, qui n'honore
personne du côté gouvernemental et qui ne convainc personne, et
cela a pris 90 jours pour le trouver.
Il est également établi, si l'on se fie au
complément de réponse du leader, hier, au nom du premier ministre
- nous sommes tenus, en vertu des règlements, de le faire - que toute
cette question de la crise des barricades d'Oka n'a jamais été
discutée aux réunions du Conseil des ministres des 13, 20 et 27
juin et du 4 juillet. Cependant, hier, M. le Président, en
réponse à ma question, à la page 5628-1, du Journal des
débats, je note que le ministre de la Sécurité
publique a clairement répondu qu'il y avait des discussions
là-dessus. J'aimerais savoir, donc, qui dit la vérité: le
leader ou le ministre?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Ryan: M. le Président, si le temps nous en était
fourni, j'aimerais signaler le nombre de faux raisonnements, de fausses
interprétations des faits que j'ai lus dans un communiqué
émis ce matin sous l'autorité du leader de l'Opposition au sujet
de cette question que nous discutons maintenant. Je m'en dispenserai pour
répondre directement à la question. Hier, la question portait sur
l'intervention de la Sûreté du Québec à la
côte Saint-Michel à Oka le 11 juillet, et la question demandait si
ce sujet avait été discuté au Conseil des ministres aux
dates que le leader de l'Opposition vient d'évoquer tantôt. La
réponse du premier ministre fut claire, elle était
négative. Elle est corroborée par tous les ministres qui
étaient présents à ces réunions-là.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: En question complémentaire.
M. Chevrette: Le ministre se souvient-il que le 22 juin 1989 le
ministre Savoie parlait d'accumulation d'armes massive dans son mémoire.
Est-ce qu'il se souvient qu'au mois d'avril 1990 il y a eu une grande violence
à St-Regis, deux morts d'homme? Le 2 mai 1990, est-ce qu'il se souvient
que les autorités policières et civiles et au moins un
sous-ministre adjoint ont examiné la première barricade d'Oka et
ont vu des armes? Est-ce qu'il se souvient que, le 3 juillet, Me Charbonneau,
le procureur de la municipalité, soutenait, preuve à l'appui, que
les autorités politiques avaient retenu la Sûreté du
Québec? Est-ce qu'il se souvient que le 5 juillet, cependant, son
prédécesseur avait dit: Ça va descendre. Devant cette
accumulation accablante de faits, est-ce que le ministre peut encore
prétendre qu'aucune discussion n'a eu lieu au Conseil des ministres sur
ce sujet? Et, si c'est le cas, M. le Président, comment peut-il
expliquer une telle inaction, inaction qui frise carrément
l'irresponsabilité?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: D'abord, M. le Président, je n'ai jamais dit
qu'il n'avait pas été question de la crise amérindienne au
cabinet. C'est une interprétation purement gratuite et tendancieuse de
la part du député de Joliette. J'ai dit qu'il n'avait pas
été question de l'intervention de la Sûreté du
Québec sur laquelle portaient les questions. C'est clair?
Une voix: C'est ça, la question.
Une voix: C'est clair?
M. Ryan: Deuxièmement, je me demande si
j'ai souvenance d'un certain nombre d'événements. Je vais
prendre le premier. Je ne pourrai pas les commenter tous, le temps serait trop
bref. Je crois que le député a fait allusion à un
mémoire qui avait été soumis au Conseil exécutif
par le député de Val-d'Or qui était, à
l'époque, ministre délégué aux Affaires
autochtones. Ça adonne bien parce que j'ai relu ce document hier soir.
Vu que des extraits en avaient paru dans La Presse, j'ai
présumé que mon collègue ne serait pas vexé si j'en
faisais quelques commentaires et en livrait même quelques extraits.
Dans ce mémoire, le ministre disait clairement qu'il y avait des
choses qui se passaient à Akwesasne et à Kahnawake qui
n'étaient pas admissibles dans un contexte normal. Il examinait toutes
les possibilités d'intervention, y compris celles d'une intervention
policière, et il concluait que ce n'était pas la chose à
recommander dans le contexte où on était. Il concluait
plutôt qu'il fallait encore chercher, par la négociation, des
arrangements qui auraient permis d'en venir à créer des
conditions capables de produire la sécurité publique de
manière plus stable et plus durable. C'était ça, le vrai
sens du mémoire qui avait été préparé par le
ministre délégué aux Affaires autochtones, dans le temps,
je m'en souviens.
Le Président: En question complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, si la Sûreté
du Québec a pris bien soin de créer un comité
spécial pour décider du moment de l'attaque, ce qui est
extrêmement rare, soit dit en passant, qu'il y ait des comités
spéciaux, ordinairement, on respecte la hiérarchie... Mais pour
la crise mohawk, la crise amérindienne, on avait créé un
véritable comité spécial, ça a été
déclaré en cette Chambre par le ministre de la
Sécurité publique. Est-ce que le ministre sait que des
vérifications quotidiennes étaient faites auprès des
citoyens d'Oka par rapport à un plan d'évacuation? Est-ce que le
ministre sait que des citoyens étaient avisés d'une action
imminente? Et est-ce qu'il sait aussi que, même 12 heures avant l'assaut
de la Sûreté du Québec, le chef Jerry Etienne discutait
avec la SQ et avec le ministre responsable du dossier autochtone, le
député de Mont-Royal? À partir de ces faits-là,
est-ce que, le ministre persiste à nous faire avaler l'incroyable en
prétendant que personne n'en discutait au Conseil? Est-ce que c'est le
ministre qui vit sur une autre planète, peut-être Mars?
M. Ryan: Ce n'est sûrement pas... Le Président:
M. le ministre.
M. Ryan: Dans mon cas, ce n'est sûrement pas la Lune.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Je n'ai jamais dit que la Sûreté avait
institué un mécanisme spécial d'intervention pour ce
cas-là. Elle a déployé les mécanismes
d'intervention qui sont dans ses formules de travail pour ce genre de
situation. Je vous donnerai un exemple concret. Quand il a été
question de l'intervention sur les routes qui conduisent à Kahnawake et
à Châteauguay, elle a déployé le même
dispositif; c'est le dispositif qu'elle déploie dans ces circonstances
et qui se déploie à trois niveaux différents. Il n'y avait
pas seulement un comité, il y en avait trois, trois groupes de travail.
Alors, il n'y a rien de particulier là-dedans. Ça ne
présageait, en aucune manière, de telle ou telle nature
d'intervention en ce qui touche le pouvoir politique.
Le Président: En question complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, quand le ministre de la
Sécurité publique s'en va sur les ondes d'une station
radiophonique et qu'il annonce que ça va descendre s'il n'y a pas
respect de l'injonction, qu'est-ce que ça veut dire "ça va
descendre", M. le Président, d'abord, l'expression "ça va
descendre"? Et avait-il discuté au Conseil du contenu de l'action ou du
moment de l'action ou du comment de l'action?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Ryan: Là, on tombe dans les redites. On va être
obligé de rappeler que la règle, c'est qu'une fois que la
question a reçu sa réponse, on n'est pas obligé de la
donner trois fois parce qu'on n'a pas de garantie que la réponse sera
mieux comprise.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: La première partie de la question, le ministre a
fait une déclaration dont j'ai dit, hier, qu'elle pouvait prêter
à diverses interprétations, je maintiens cette réponse.
Deuxièmement, le député demande s'il a été
question de cette déclaration au cabinet, je lui réponds non de
nouveau.
M. Chevrette: M. le Président... Le Président:
En complémentaire. M. Chevrette: ...le mépris a ses
limites...
Des voix: Ah! Ah!
M. Chevrette: ...le mépris a ses limites et l'arrogance
également...
Le Président: Un instant! Un instant! S'il
vous plaît!
Alors, je vous demanderais, en question complémentaire, M. le
leader, de poser immédiatement votre question.
M. Chevrette: M. le Président, si on permet des
commentaires, on va en permettre sur les deux bords.
Des voix: Oh! Oh!
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, très
brièvement, très calmement, je vous demanderais d'appliquer
rigoureusement les dispositions de l'article 78 comme quoi une question
additionnelle ne doit pas être accompagnée d'un préambule,
tout simplement.
Le Président: Alors, votre question, s'il vous
plaît!
M. Chevrette: M. le Président, quand un ministre de la
Sécurité publique dit que le corps policier doit répondre
aux demandes de l'application de la loi et dit que ça va descendre des
barricades, ça veut dire quoi si ça ne veut pas dire: passer
à l'action policière concrète sur le terrain? Il ne faut
pas prendre le monde pour des valises, je le répète. M. le
Président, quant aux leçons à donner aux gens, le ministre
de la Sécurité publique, hier, se souvient-il d'avoir louange Mme
Hélène Ménard, après lui avoir dit la veille qu'il
la mettrait dehors à coups de pied au derrière?
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Pagé: Ce n'est pas le genre de M. Ryan.
M. Ryan: Pour ceux qui ont étudié la logique, ils
savent très bien que l'élément le plus important dans un
raisonnement, c'est le lien de causalité entre les prémisses et
la conclusion. C'est ce qui est toujours le plus faible dans les raisonnements
du député de Joliette. (14 h 30)
Des voix: Ha, ha, ha! Bravo!
M. Ryan: Peut-il me rappeler sa question, parce que j'ai de la
misère à voir ce qu'il y avait de nouveau dedans?
M. Chevrette: M. le Président, M. le ministre
déclarait...
Le Président: À l'ordre!
M. Chevrette: "Un cabinet existe pour informer le ministre. Si un
des membres de son cabinet se croit dépositaire d'informations et
néglige d'informer adéquatement le ministre, c'est dehors
à coups de pied dans le derrière, mais si vous avez des questions
précises à poser à M. Elkas, c'est à lui d'aller
l'interroger." Est-ce qu'il nie ses paroles? L'arrogance, M. le
Président, le mépris vis-à-vis des gens...
Le Président: S'il vous plaît!
Des voix: Ha!
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: les directeurs de mon cabinet, m. le président,
ont toujours su que, s'ils étaient détenteurs d'informations
privilégiées et qu'ils décidaient de ne pas les
communiquer à leur ministre, ils prendraient la porte dès que le
ministre le saurait. dans ce cas-ci, la communication fut faite dans des
délais sur lesquels on peut avoir des jugements d'appréciation
différents. il n'y eut pas de rétention
délibérée, malicieuse et systématique de
l'information. on peut avoir le jugement qu'on voudra sur l'appréciation
de la situation qui fut faite à ce moment-là, mais de là
à me prêter des propos que je n'ai point tenus, je ne l'accepterai
pas. je maintiens que si l'un de mes attachés politiques - ils
m'écoutent actuellement, ils vont sourire parce qu'ils savent que c'est
la règle qu'on suit depuis cinq ans - pratiquait ce genre de
rétention d'informations, il aurait de la misère à vivre
avec moi. c'est évident.
Le Président: Question complémentaire.
M. Chevrette: Quel mandat de négociation détenait
le ministre responsable du dossier autochtone? Agissait-il en solo?
Improvisait-il? Que faisait-il à 12 heures de l'attaque ou de l'assaut
des policiers, quand il leur disait: II n'y en aura pas d'attaque. C'est
même un chef, Etienne, hier, qui disait à la télé:
12 heures avant l'attaque, on nous assurait qu'il n'y en aurait pas. Qu'est-ce
qui se passe dans votre gouvernement? Est-ce que c'était une
décision d'équipe? Est-ce que c'était une décision
de comité? Est-ce qu'un ministre agissait seul? De qui
détenait-il son mandat et quel était le mandat précis?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Par déférence pour le leader de
l'Opposition, est-ce qu'il pourrait nous indiquer à qui la question est
adressée? Parce que l'interprétation que je fais du
libellé de la question formulée, elle devrait être
adressée au ministre délégué aux Affaires
autochtones.
Le Président: Alors, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je croyais qu'il n'y en
avait rien qu'un qui pouvait répondre à toutes les questions.
D'après ce que j'avais compris, descendu de la montagne, on ne pouvait
avoir toutes les réponses.
Des voix: Ah! Ah!
M. Boulerice: Deux montagnes!
Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, j'en appelle à la
bonne foi, au calme, à la sérénité et à la
sobriété dans les propos de mon collègue, le
député de Joliette, pour qu'il adresse sa question. Le contenu de
la question, M. le député, se référait au fond de
la négociation relative aux droits des autochtones. Or, je vous
recommande de formuler la question au ministre délégué aux
Affaires autochtones.
Le Président: m. le leader de l'opposition.
M. Chevrette: Je croyais que concrétiser des faits dans
une phrase, ça n'avait rien d'insultant pour le ministre qui l'a dit
lui-même. Donc, on utilise ses paroles. Cela dit, M. le Président,
ma question, je l'adresse au premier ministre. Est-ce que le premier ministre
peut nous dire de qui il détenait le mandat... Est-ce que c'était
un mandat que le ministre délégué aux Affaires autochtones
s'était donné pour négocier? Est-ce qu'il détenait
un mandat directement du Conseil des ministres? Si oui, quelle était la
nature de ce mandat et comment pouvons-nous aujourd'hui affirmer que rien ne se
passait quand, à 12 heures de l'assaut, le même ministre disait
aux gens: II n'y en aura pas d'assaut sans que je vous le dise.
Le Président: - Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Nous avons répondu hier et, encore une fois,
le ministre responsable a répondu à plusieurs reprises. Le
ministre délégué aux Affaires autochtones s'occupait de
ses responsabilités et le ministre de la Sécurité publique
devait également assumer ses responsabilités, d'autant plus que
pour la municipalité d'Oka, la police existante était la
Sûreté du Québec; que, dans le mandat de la
Sûreté du Québec, il y avait l'application et le respect
des lois. Le comité ministériel qui a commencé à
siéger sur la question de la crise amérindienne n'a pas
commencé à siéger avant, évidemment, l'attaque du
11 juillet comme telle. Il me semble que ça, c'est bien connu. Je pense
que ça a été annoncé à plusieurs reprises
qu'un comité a été formé, composé de
plusieurs ministres, pour examiner la situation. On a pu discuter, au cours des
mois qui ont précédé, de la question amérindienne,
mais, hier, j'ai donné une réponse très claire et
confirmée par le leader pour ce qui a trait à l'attaque
elle-même, et ça devrait satisfaire une fois pour toutes le leader
parlementaire de l'Opposition.
Le Président: En question principale? En question
principale, M. le chef de l'Opposition.
Demande d'une commission d'enquête sur les
événements d'Oka
M. Parizeau: Une courte principale pour le premier ministre, M.
le Président. Je pense qu'on constate que l'Opposition n'est pas
prête à laisser ce qui s'est passé cet été
s'éteindre rapidement. On cherche à comprendre. Nous avons,
depuis quelques jours, parlé d'un épisode, c'est-à-dire de
ces jours qui précédent le 11 juillet, et nous allons avoir
à parler d'autres épisodes.
D'autre part, le député de Mont-Royal qui a
été mêlé à toutes ces questions tout
l'été n'a plus son dossier. Le député de
Robert-Baldwin n'a plus son dossier. Le député de Portneuf est
revenu à ses fonctions antérieures et, ensuite, a
été changé de fonctions, mais n'est plus au dossier. Dans
ces conditions, vous voyez bien, M. le Président, que nous n'avons
difficilement d'autre choix, en vertu du règlement de cette Chambre, que
de nous adresser au nouveau ministre de la Sécurité
publique...
Une voix: Moses, Moïse.
M. Parizeau: ...ou bien encore, comme on nous le suggérait
tout à l'heure, au nouveau ministre délégué aux
Affaires autochtones, mais eux, ils ne peuvent pas nous répondre sur ce
qui s'est passé.
Alors est-ce que le premier ministre ne croit pas, plutôt qu'on
continue comme ça de chercher par personne interposée à
savoir ce qui s'est passé, qu'il serait plus simple que, rapidement, il
accepte qu'il faut qu'il y ait une commission d'enquête sur ces
événements?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Avec grand étonnement, je constate que le
chef de l'Opposition conteste le principe de la continuité de
l'exécutif qui s'exerce en réponse-Une voix: Le fondement
même.
M. Bourassa: ...le fondement même de l'administration
publique.
Une voix: Oui.
M. Bourassa: Les ministres sont là pour répondre.
Il y a eu quelques changements, évidemment, il y a le changement de la
Sécurité publique. D'ailleurs, l'ancien ministre de la
Sécurité publique m'avait demandé depuis longtemps d'avoir
ses tâches un peu allégées. Il était responsable de
deux ministères. Je ne vois pas pourquoi le leader parlementaire de
l'Opposition trouve ça drôle; lui-même demandait constamment
qu'il y ait un nouveau ministre de la Sécurité publique.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Lui-même le demandait constamment et
là, il ne voudrait pas que ce soit le ministre de la
Sécurité publique actuel qui réponde. Alors je demande au
leader parlementaire de mettre un peu de logique-Une voix:...
M. Bourassa: ...dans son argumentation de manière à
augmenter sa crédibilité qui n'est pas nécessairement la
plus forte à cette Assemblée nationale.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Sur un rappel au règlement, M. le
leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Tout comme le leader du gouvernement l'a fait en
demandant de s'en tenir aux questions, est-ce qu'on pourrait demander au
premier ministre de laisser faire la crédibilité des autres et
d'essayer de s'en bâtir une en répondant aux questions
directement.
Des voix: Oh! Bravo!
Le Président: M. le premier ministre, rapidement, pour
compléter votre réponse.
M. Bourassa: Bon, d'accord. Je ne suis pas sûr que j'aurai
un plus gros programme que le leader parlementaire. Ce que je veux dire au chef
de l'Opposition, c'est que le ministre responsable de la Sécurité
publique a dit qu'au moment opportun... Il va accumuler les faits, il
répond à toutes les questions depuis trois jours et je ne
blâme pas l'Opposition d'essayer d'exploiter la crise autochtone;
ça fait partie de la tradition politique. Nous avons quand même
réussi à régler cette crise, sauf, évidemment, la
mort du caporal Lemay, sans que du sang soit versé. Personne ne pouvait
même prévoir. Je demande au chef de l'Opposition de trouver un
autre exemple où, avec des risques aussi importants d'affrontement
armé, nous avons eu une conclusion aussi pacifique. Et je pense que ceci
est un hommage qu'on peut rendre au caractère pacifique et
civilisé de la société québécoise dans son
ensemble. Je dis au chef de l'Opposition qu'au moment opportun il aura toutes
les réponses, comme l'a laissé entendre le ministre responsable
de la Sécurité publique. Il a bien démontré depuis
trois jours, avec ses collègues, que nous n'avons rien à cacher
et que nous sommes prêts à défendre nos actions dans cette
crise. (14 h 40)
Le Président: En question principale, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Position du gouvernement dans le dossier de la
formation professionnelle
Mme Harel: M. le Président, ce midi, des centaines de
personnes assistées sociales sont venues de toutes les régions du
Québec manifester devant le parlement à l'occasion de la campagne
de 37 jours contre la loi 37. Ces personnes sont venues protester contre
l'augmentation du chômage et contre l'aggravation de la pauvreté
et de la misère. Pourtant, pendant que le Québec connaît
une pénurie de main-d'oeuvre qualifiée dans des dizaines de
secteurs payants, les chiffres officiels nous révèlent pour l'an
dernier une diminution de 50 % des élèves adultes inscrits
à plein temps en formation professionnelle et la disparition pure et
simple de ceux inscrits à temps partiel; total en un an: 53 000
élèves adultes en moins dans les écoles secondaires et 15
000 élèves adultes en moins dans les centres de formation
professionnelle.
Alors, M. le Président, en plus de ces problèmes, le
ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la
Formation professionnelle reconnaît-il qu'il est empêché de
légiférer dans le domaine de la formation et de la qualification
professionnelles à cause des problèmes constitutionnels?
Reconnaît-il que... Lui-même d'ailleurs le déclarait: "Je ne
vois pas comment, disait-il, je pourrais maintenant déposer un projet de
loi pour réformer les CFP alors qu'on ne sait même pas quelle sera
l'étendue des responsabilités du gouvernement du Québec en
matière de main-d'oeuvre dans la prochaine année ou dans les
prochaines années. Je vais donc être obligé de retarder la
présentation de projets de loi jusqu'à ce qu'on ait
débattu le dossier plus fondamental des compétences
gouvernementales en matière de main-d'oeuvre." Le ministre
considère-t-il toujours que ces discussions doivent prendre
préséance et sont prioritaires sur toute autre discussion?
Le Président: Alors, avant de céder la parole au
ministre pour sa réponse, j'apprécierais... J'ai laissé
une grande latitude depuis deux jours pour les deux premières questions
principales. Je ne voudrais pas que ce soit la norme. Les questions devraient
être beaucoup plus
courtes que ça. Alors, M. le ministre, votre réponse.
M. Bourbeau: M. le Président, il me fait plaisir de
profiter de l'occasion pour saluer la présence du Front commun des
assistés sociaux qui culmine aujourd'hui sa campagne de sensibilisation
à la loi 37 et qui est dirigé, bien sûr, par M.
Desgagnés, l'ex-attaché politique de la députée de
Maisonneuve.
Une voix: une promotion.
des voix: ha, ha, ha!
M. Bourbeau: M. le Président, en ce qui concerne la
question de l'adaptation de la main-d'oeuvre et des pouvoirs que possède
et que devrait posséder le Québec en cette matière, le
premier ministre, au mois de juin, a annoncé l'intention du gouvernement
du Québec de demander au gouvernement fédéral l'ouverture
de négociations pour effectuer un certain rapatriement de pouvoirs en
cette matière. Nous sommes présentement en train de
préparer le dossier qui va faire en sorte, éventuellement, que
nous pourrons nous présenter devant le gouvernement
fédéral avec des demandes bien précises. D'ici là,
bien sûr, le plan d'action que j'ai annoncé en matière de
main-d'oeuvre continue, à l'exception, bien sûr - la seule
exception - de la réforme de la Loi sur la formation et la qualification
professionnelles de la main-d'oeuvre qui a institué les CFP, puisque,
dans l'éventualité d'un rapatriement des pouvoirs, les CFP
auraient des pouvoirs différents de ceux qu'ils auraient dans le
contexte actuel.
Le Président: En question complémentaire, Mme la
députée.
Mme Harel: M. le Président, le ministre reconnaît-il
qu'il n'y a donc aucune discussion formelle sur le dossier constitutionnel en
matière de main-d'oeuvre et de formation professionnelle et qu'en
matière d'ententes administratives le ministre a été
informé par le fédéral de l'intention du gouvernement
fédéral de se désengager de l'accord Canada-Québec
sur la formation en établissement d'ici à 1994-1995? Et le
gouvernement fédéral entend, d'ici à dès avril,
réduire les achats de cours aux établissements publics. Est-ce
que le ministre reconnaît qu'en matière d'ententes
administratives, c'est plutôt la mésentente?
Le Président: M. le ministre.
M. Bourbeau: M. le Président, les ententes administratives
ont été renouvelées d'année en année depuis
très longtemps. Les ententes actuelles sont en vigueur jusqu'au 31 mars
prochain et on verra ce qui va arriver. Mais ce qu'il y a de nouveau, c'est que
depuis ce temps-là le gouvernement du Québec a
décidé de faire autre chose. Plutôt que de traiter ces
ententes-là sur une base annuelle, le gouvernement du Québec a
décidé de changer son fusil d'épaule, comme on peut dire,
et de demander au gouvernement fédéral le rapatriement des
pouvoirs. Ça change tout. Je ne suis pas pour commencer à
négocier avec le fédéral sur une petite partie du
gâteau quand je suis sur le point de réclamer dans les prochains
mois la totalité du gâteau. Donc, je ne peux pas avoir deux
politiques différentes. Ne me demandez pas de négocier des
ententes partielles, alors que nous nous apprêtons à demander au
fédéral le rapatriement de tous les pouvoirs en matière de
main-d'?uvre.
Le Président: En question principale... Une voix:
En additionnelle.
M. Brassard: En additionnelle, au premier ministre.
Le Président: En additionnelle, M. le député
de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je ne sais s'il a bien écouté son
ministre. On verni bien, on va le tester.
Le Président: Votre question, s'il vous plaît, sans
commentaires.
Il est très difficile d'exiger des gens de ne pas donner de
commentaires si on commence la question par donner un commentaire qui n'est pas
admis au règlement. Je vous prierais d'aller directement avec une
question additionnelle, sans préambule.
M. Brassard: Est-ce que la position du ministre et celle du
gouvernement aussi qui consiste à exiger, comme il vient de le dire, le
rapatriement des pouvoirs, la totalité des pouvoirs, donc en
matière de formation professionnelle, de telle sorte que ça
devienne une compétence exclusive du Québec, est-ce que c'est
ça la position de son gouvernement? Et si c'est ça, le premier
ministre pourrait-il nous expliquer, parce que c'est un peu mystérieux
pour moi, comment il peut y arriver par le biais de discussions
bilatérales? Si c'est ça, sa stratégie,
présentement, comment peut-il y arriver par le biais de discussions
bilatérales, alors que ça exige un arrangement constitutionnel et
que le message d'Ottawa est très clair: Pas d'arrangement
constitutionnel sur la base de discussions bilatérales? Expliquez nous
ça, voir.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'admets que j'étais
en discussion avec le ministre de la Sécurité publique pendant la
réponse du ministre
responsable, mais je lui fais confiance. je fais un peu moins confiance
à l'interprétation que peut lui avoir donnée le
député de lac-saint-jean, et je pense que ce n'est pas
étonnant. ce que je peux lui dire, c'est que c'est nous qui avons
décidé de ne plus discuter à 11 sur le plan
constitutionnel.
Par ailleurs, sur le plan bilatéral, nous avons
déjà fait des gains dans le domaine de la main-d'oeuvre. J'ai dit
hier que, si ma mémoire est bonne, par rapport aux entreprises de plus
de 200 employés et de moins de 200 employés, il y avait une
juridiction accrue, si je suis bien informé. C'est le ministre de
l'Environnement qui était ministre à ce moment-là, il y
avait une juridiction accrue qui était accordée au Québec.
Nous poursuivons nos efforts, comme je l'ai dit hier et avant-hier. Nous sommes
convaincus qu'il s'agit là d'un dossier fondamental pour l'avenir
économique du Québec. On voit que les pays les plus dynamiques au
monde - bien oui, mais je répète des choses que semble oublier le
député de Lac-Saint-Jean - on constate que les pays les plus
dynamiques, actuellement, en Occident, sont ceux qui ont accordé et
accordent la priorité à la question de la formation de la
main-d'oeuvre. Et c'est pourquoi nous poursuivons. C'est pourquoi, dans le
budget du ministre des Finances, en mai dernier, il y a eu des crédits
de plusieurs... 100 000 000 $ qui ont été accordés
à cette fin-là. Alors, qu'on ne dise pas qu'on n'a pas
prévenu. Hier, j'écoutais le ministre de l'Industrie et du
Commerce...
Le Président: En conclusion.
M. Bourassa: ...répondre - j'ai lu son texte - au chef de
l'Opposition. Je crois qu'on doit quand même admettre que le gouvernement
a pris tous les moyens pour prévenir le ralentissement
économique, essayer de l'atténuer. C'est évident que nous
ne sommes pas responsables des facteurs internationaux mais, pour ce qui a
trait au Québec, à date on a fait nos preuves.
Le Président: En question principale, Mme la
députée de Chicoutimi. (14 h 50)
Dossier de la francisation des immigrants
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Mardi, en cette
Chambre, nous avons pu constater que le gouvernement baigne dans la plus totale
confusion dans le dossier de la francisation des immigrants: deux niveaux de
gouvernement; quatre ministres supposés s'occuper de cette question;
l'augmentation de la clientèle de quelque 12 %; une diminution de
budgets fédéraux de 17 % et, au Québec, une enveloppe
fermée, 45 % plus basse qu'elle ne l'était en 1987-1988; des
attentes de six à neuf mois, nous dit la ministre des Communautés
culturelles, attentes qui amènent 50 % des clientèles à
perdre le goût d'apprendre le français. Une situation
catastrophique, en fait, qui explique l'anglicisation de Montréal.
Ma question s'adresse au ministre responsable de l'application de la
Charte de la langue française. Devant les conséquences
extrêmement malheureuses de l'incohérence de l'action
gouvernementale dans le programme de francisation des immigrants et des
réfugiés, le ministre a-t-il l'intention de faire de cette
question une priorité et a-t-il l'intention de prendre les moyens pour
que les budgets requis y soient consentis?
Le Président: Alors, M. le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française.
M. Ryan: Ma réponse est oui aux deux volets de la
question. Pour moi, c'est une question très importante. Et d'ailleurs,
comme ministre chargé de l'application de la Charte de la langue
française, j'ai vu à ce que les crédits récurrents
de 10 000 000 $ injectés pour la promotion de la langue française
dans le budget du ministère, l'an dernier, soient affectés en
très grande partie au développement de services d'encadrement, de
soutien et d'accompagnement pédagogique dans l'enseignement primaire et
secondaire et dans l'enseignement collégial, à l'intention des
enfants et élèves de foyers immigrants. Je suis très
heureux que ces crédits aient été reconduits pour le
présent exercice. Et je pense que ma collègue, la ministre de
l'Enseignement supérieur, aura le plaisir, au cours des prochains mois,
d'être invitée dans plusieurs cégeps pour participer
à l'inauguration et au bon fonctionnement de services de soutien aux
élèves en provenance de milieux d'immigration.
En ce qui touche le problème soulevé hier, j'ai fait part
à mes collègues, l'autre jour, à l'issue de la
séance tenue en Chambre, de mon désir de collaborer avec les deux
ministres chargés de l'éducation ainsi qu'avec la ministre de
l'Immigration et ministre de la Main-d'oeuvre pour que nous trouvions ensemble
une solution à ce problème-là, sans peut-être
être obligés de recourir à une demande de crédits
nouveaux au Conseil du trésor, ce qui nous vaudra l'appui du
président du Conseil du trésor. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
Mme Blackburn: M. le Président, en question
complémentaire qui s'adresserait au ministre de l'Éducation,
est-ce que le ministre ne reconnaît pas que ses beaux discours de mardi
ne pourront demeurer que lettre morte compte tenu que son
prédécesseur lui a légué, en matière de
francisation des immigrants, une enveloppe fermée 45 % plus basse
qu'elle ne l'était en 1987 et 1988? Et est-ce que le ministre a
l'intention d'accorder à la CECM les budgets qui vont lui permettre
d'accueillir les quelque 500 immigrants et réfugiés qui n'ont pu
être reçus à la CECM, faute de budget?
Le Président: Alors, M. le ministre de
l'Éducation.
M. Pagé: M. le Président, le discours demeure le
même. La position du gouvernement du Québec, par la voie de chacun
des ministres responsables des ministères concernés par le
dossier de la francisation des immigrants, demeure une priorité. Suite
à la rencontre que j'ai eue la semaine dernière, suite aux
questions formulées par le député d'Abitibi-Ouest, j'ai eu
encore hier soir et pas plus tard que ce matin d'autres discussions avec les
fonctionnaires de mon ministère, mes sous-ministres notamment, qui sont
pleinement d'accord avec les objectifs poursuivis par les membres du Conseil
des ministres. Comme vous le savez probablement, Mme la députée,
Mme la ministre des Communautés culturelles a un champ de juridiction et
de responsabilités bien identifie dans son ministère; le
ministère de l'Enseignement supérieur, même niveau de
juridiction aussi. Le ministère de la Main-d'oeuvre a ses juridictions,
notamment par les budgets alloués aux assistés sociaux, pour les
mesures: d'employabilité et les 500 $ par année qui leur sont
consentis pour suivre des cours. L'analyse me permet de constater que le
succès du programme résultera possiblement, et ça je
pourrai vous le confirmer la semaine prochaine, sur un manque de budget. Et si
tel est le cas, comme je l'ai dit à mon sous-ministre ce matin, suite
à l'aimable invitation formulée par le ministre responsable de
l'application de la Charte de la langue française, tout ce qui est
humainement possible sera fait, en ce qui me concerne, comme ministre de
l'Éducation du Québec, pour que ces bonnes gens qui veulent venir
enrichir notre communauté puissent profiter d'une formation et apprendre
le français. Je veux que ça soit clair, Mme la
députée.
Le Président: Une question complémentaire, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: En clair, M. le Président, ça se
traduit par combien? Quelle somme allez-vous donner à la CECM pour que,
la semaine prochaine, ils puissent accueillir les immigrants dans le cours de
français?
Une voix: Bravo!
Mme Blackburn: II y en a 500 qui attendent.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: La question, M. le Président, est
pertinente, c'est le genre de question que j'aurais posée dans
l'Opposition.
Mme Blackburn: C'est la réponse que je veux.
M. Pagé: La réponse? Vous me dites: Combien? Vous
comprendrez, Mme la députée, qu'avant de vous confirmer le
montant exact je dois recevoir, en début de semaine prochaine, le nombre
exact de clientèles actuelles et éventuelles d'ici à la
fin de l'année scolaire, donc d'ici au printemps 1991, ce qui affecte,
évidemment, le budget gouvernemental 1991-1992. C'est seulement à
partir de ce rapport que je recevrai en début de semaine prochaine que
je pourrai établir les sommes qui devront nécessairement
être affectées à la CECM. Et je vous le dirai, Mme la
députée.
Le Président: Alors, en question principale maintenant, M.
le député de La Prairie.
Application des recommandations du rapport
Charbonneau
M. Lazure: Merci, M. le Président. On a vu, depuis
quelques années, que la présence non contrôlée de
déchets dangereux dans l'environnement constitue une menace
sérieuse à la santé de la population, qu'il s'agisse de
l'arsenic à Duparquet, en Abitibi, ou du plomb dans l'est de
Montréal ou encore le même plomb à Saint-Jean, en
Montérégie, ou encore des BPC en Montéré-gie,
à Saint-Basile, ou sur la Côte-Nord, à Baie-Comeau. Depuis
un an qu'il est en poste, le ministre de l'Environnement se refuse à
présenter un plan d'ensemble pour décontaminer les sites
où on retrouve des déchets dangereux. Son prétexte
était tout trouvé: la commission Charbonneau étudie cette
question; nous prendrons des décisions quand la commission Charbonneau
fera rapport. Alors, M. le Président, le rapport Charbonneau a
été rendu public la semaine dernière et le ministre l'a en
main depuis plus d'un mois.
La question est très simple, j'espère que la
réponse va être aussi courte que la question. Quand va-t-il
constituer ce fonds de décontamination, ce fonds qui s'appelle dans le
rapport, à la page 239, Fonds de réhabilitation des sites
contaminés? Au lieu de continuer à jouer au pompier, va-t-il
constituer, oui ou non, un fonds de décontamination et quand?
Le Président: Alors, M. le ministre de
l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le
Président. Dans un premier temps, vous me permettrez de reprendre
quelques éléments du préambule du député de
La Prairie. Lorsque le
député de La Prairie - vous allez comprendre pourquoi dans
quelques instants - mentionne que le gouvernement n'a rien fait au cours de la
dernière année et qu'il n'a fait qu'attendre, finalement, le
dépôt du rapport de la commission Charbonneau, j'inviterais le
député de La Prairie à retourner un peu dans le temps et
à convenir avec nous, comme nous l'avons fait ce matin à
l'occasion de l'étude des engagements financiers du ministère de
l'Environnement, que c'est avec énergie que le ministère de
l'Environnement du Québec est intervenu dans le cas de la Balmet,
à Saint-Jean d'Iberville. Grâce à l'intervention du
député de cette circonscription électorale et de l'action
du ministère de l'Environnement, la décontamination des lieux est
pratiquement terminée.
C'est également avec énergie que nous sommes intervenus
dans la région de l'Abitibi en ce qui concerne ce que vous avez
appelé le dossier de Duparquet, où on retrouve encore de
l'arsenic. Dans chaque cas qui a été soumis au ministère
de l'Environnement, nous sommes intervenus.
Maintenant, le rapport Charbonneau constitue une pièce
maîtresse de l'intervention gouvernementale. Mes
prédécesseurs avaient commandé le rapport Charbonneau et
la commission Charbonneau s'est acquittée de son travail. C'est la
première occasion que j'ai, en cette Chambre, de remercier les membres
de la commission, qu'il s'agisse des commissaires, M. Délisle et M.
Dulude ou de Mme Gélinas, du vice-président, M. Lalande, ou du
président comme tel, M. Charbonneau. Le gouvernement a
déjà indiqué son intention de donner suite à
plusieurs dés recommandations du rapport Charbonneau et, comme
l'indiquait également le député de La Prairie ce matin,
certaines de ces recommandations vont même dans le sens du programme du
Parti libéral du Québec en matière environnementale.
Lorsque tout coïncide, c'est d'autant plus facile d'application.
Le Président: Alors, en complémentaire, M. le
député de La Prairie.
M. Lazure: Est-ce qu'il se rend compte, le ministre, qu'il vient
de confirmer une remarque de la commission Charbonneau, et je cite: "Le manque
de volonté politique est vu comme la raison principale des
difficultés graves observées dans la gestion des déchets
dangereux." Est-ce qu'il vient de se rendre compte qu'encore une fois je lui ai
demandé s'il était pour mettre à jour et rendre public un
plan d'ensemble pour décontaminer l'ensemble des sites et non pas jouer
au pompier? Est-ce que, oui ou non, il va créer le fonds de
décontamination?
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Environnement.
(15 heures)
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. En
matière de décontamination des sols, le gouvernement a entrepris
une action à trois volets. Je rappellerai bien humblement au
député de La Prairie que, dès l'automne dernier, alors que
Lucien Bouchard occupait le poste de ministre fédéral de
l'Environnement et suite à une conférence
fédérale-provinciale des ministres de l'Environnement tenue
à l'île-du-Prince-Édouard, M. Bouchard a annoncé,
à l'époque, un fonds de décontamination de quelque 250 000
000 $ pour l'ensemble canadien, pour les sites orphelins. Et nous partageons 50
% des dépenses dans le cadre de ces travaux de décontamination.
deuxième geste du gouvernement du québec en matière de
décontamination des sols. à la session qui s'est terminée
au mois de juin dernier, l'assemblée nationale a adopté ici
unanimement, au moins en ce qui a trait au principe, le projet de loi 65 qui
fait en sorte que les gens qui sont responsables de la contamination de leur
site doivent payer pour la décontamination du site. !l s'agit là
du deuxième geste posé par le gouvernement du québec. et
le troisième geste - nous nous étions engagés à le
faire au moment de l'adoption du projet de loi 65 - est la création d'un
fonds de décontamination là où le propriétaire
n'est pas responsable de la contamination. c'est ce que le rapport charbonneau
nous recommande de faire, c'est ce que nous avions dit que nous ferions au
moment de l'adoption du projet de loi 65 et c'est ce que nous allons faire, je
l'espère, avec l'appui de l'opposition.
Des voix: Bravo!
Le Président: En complémentaire.
M. Lazure: Puisque le ministre ne répond pas à la
question, je lui en pose une autre, très courte aussi, très
courte. Est-ce que le ministre va donner suite à la recommandation 90 du
rapport Charbonneau qui dit ces trois lignes: "Que les exploitants de mines -
surtout en Abitibi-Témiscamingue - soient obligés de créer
un fonds servant à assurer la fermeture et la stabilisation
sécuritaire des parcs." Autrement dit, quand les mines ferment, si on
leur fait mettre de côté un fonds pour que les dépôts
miniers, les parcs de résidus miniers soient nettoyés de leurs
déchets dangereux, est-ce que le ministre va donner suite à cette
recommandation 90? Oui ou non?
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président. Le
député de La Prairie me permettra de lui rappeler que le rapport
Charbonneau contient - il est volumineux - quelque 500 pa-
ges, quelque 153 recommandations. Je n'ai pas d'objection qu'à
chaque période de questions et à plusieurs reprises, le
député de La Prairie se lève: Est-ce que le ministre va
donner suite à la recommandation no 2, à la recommandation no 4,
à la recommandation no 55? En ce qui concerne la création d'un
fonds de décontamination, j'ai répondu à la question
précédente. En ce qui concerne l'ensemble des recommandations,
peut-être que ça va vous permettre de sauver du temps et on pourra
continuer cet après-midi, aux engagements financiers...
Le Président: M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...le gouvernement a l'intention
de donner suite aux recommandations d'ordre général qui nous
recommandent un renforcement de la législation. Oui, nous allons
continuer à renforcer la législation en matière
environnementale. La commission précise les rôles du secteur
public et privé. Oui, nous avons l'intention d'aller dans le sens...
Le Président: M. le ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): ...des recommandations de la
commission.
Une voix: Question de règlement.
Le Président: Sur un rappel au règlement, M. le
leader de l'Opposition.
Une voix: En principale.
M. Chevrette: M. le Président, ça presse, oui.
Le Président: II n'y a pas eu de question de
règlement. Vous voulez en faire une, alors je vous écoute.
M. Pagé: Je vois que le leader de l'Opposition
s'impatiente. C'est la preuve...
Le Président: bon. o.k. non, non. un instant! il n'y a pas
de question définitive de règlement. il y avait une intention
possiblement. le ministre avait terminé sa...
Des voix: Oui.
Le Président: Le ministre a complété sa
réponse, je crois. Il s'est assis. Donc, je vais donner une question
principale...
Des voix: Bravo!
Le Président: ...à Mme la députée
puisque le temps de la période de questions achève, il reste
à peine une minute, une question principale...
Mme Marois: Oui.
Le Président: Question de règlement, M. le
ministre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): M. le Président, je me suis
assis au moment où le leader de l'Opposition s'est levé et que
vous vous êtes levé.
Des voix: Allons!
Le Président: Je peux constater que la réponse a
été satisfaisante; du moins, on avait assez de contenu à
la réponse. Donc, je considère que la question est
terminée et je donne une question principale.
Retombées économiques au Québec
du projet Hibemia
Mme Marois: Merci, M. le Président. Le projet Hibemia fait
actuellement couler beaucoup d'encre et non sans raison, on va en convenir. En
effet, sur un projet de 5 200 000 000 $, le gouvernement fédéral
va y contribuer à plus de 50 % et ce, sans que les chantiers maritimes
du Québec, pourtant menacés de fermeture et de perte d'emplois,
ne puissent y retrouver aucune garantie quant aux retombées
concrètes de ce projet. Ce sont des centaines de millions qui iront
à Terre-Neuve, des garanties... On a même aidé à
construire une entreprise, un chantier, pour que Terre-Neuve ait les contrats.
Il faut le faire! Le Québec a pourtant procédé à la
rationalisation de ses chantiers maritimes demandée par le gouvernement
fédéral. Tracy est menacé de 700 pertes d'emploi. Davie ne
voit pas son avenir garanti.
Le Président: Votre question.
Mme Marois: Qu'est-ce que le ministre a obtenu quant aux
retombées du projet Hibemia pour le Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): Alors, je voudrais remercier la
députée de Taillon pour sa question. Je déplore seulement
le fait que le parti de l'Opposition ait décidé de la poser en
dernière minute alors que je n'ai presque pas de temps pour y
répondre.
Des voix:...
Le Président: Non, non. Alors, M. le ministre, à la
question qui est posée, s'il vous plaît!
M. Tremblay (Outremont): Alors, très brièvement. Ce
n'est pas que je n'ai pas la ré-
ponse, au contraire. Mais je voudrais en profiter pour féliciter
quatre entreprises du Québec: SNC, Monenco, Atlas et Janin qui ont
récolté les deux premiers contrats totalisant 1 700 000 000 $ qui
vont engendrer pour le Québec des retombées minimums de 600 000
000 $ et la création de 600 emplois.
Des voix: Bravo! Bravol
M. Tremblay (Outremont): C'était la fin de la question de
la députée de Taillon: Quelles sont les retombées
économiques pour le Québec? Le premier volet - j'ai bien
écouté la question - c'est: Qu'est-ce qu'il va y avoir pour les
chantiers maritimes? Il y avait deux questions. J'ai de bonnes raisons de
croire, indépendamment du libellé du projet de loi C-44, qu'un
nombre de 2 000 000 d'heures ont été réservées pour
des soumissions de chantiers canadiens. Les chantiers maritimes de Davie et de
Tracy ont démontré hors de tout doute dans le passé leur
compétence pour recevoir des contrats importants. D'ailleurs, ils
viennent d'avoir, à la Davie, 22 000 000 $ en soumissions au niveau des
États-Unis, des contrats de la marine américaine. Nous allons
faire tous les efforts nécessaires pour maximiser le rendement des
retombées d'Hibernia au Québec. Nous avons un minimum
assuré. Nous allons continuer à travailler très fort pour
les Chantiers maritimes au Québec.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de votes reportés. S'il vous plaît!
Au niveau des motions sans préavis, Mme la ministre des Affaires
culturelles.
Félicitations à M. Réjean
Ducharme, lauréat du prix Gilles-Corbeil
Mme Frulla-Hébert: M. le Président, je sollicite le
consentement de l'Assemblée afin de proposer la motion sans
préavis suivante: "Que l'Assemblée nationale félicite
chaleureusement M. Réjean Ducharme qui s'est vu décerner le
premier prix de littérature Gilles-Corbeil."
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement pour
débattre de cette motion? Consentement. En requérant la
collaboration de l'ensemble des députés s'il vous plaît.
Alors, Mme la ministre des Affaires culturelles, vous avez la parole.
Mme Liza Frulla-Hébert
Mme Frulla-Hébert: Merci, M. le Président.
J'aimerais aujourd'hui rendre hommage à l'écrivain
québécois Réjean Ducharme qui s'est mérité
le premier prix de littérature Gilles-Corbeil.
Au nom de tous les membres de l'Assemblée nationale et en mon nom
personnel, je tiens à le féliciter sincèrement. D'autant
plus que ce prix littéraire est l'un des plus prestigieux après
le célèbre Nobel de littérature. C'est un honneur pour le
Québec que ce prix soit attribué à l'écrivain
Réjean Ducharme. Sa contribution au monde de la littérature est
fort importante et il convient de souligner l'extraordinaire qualité de
ses oeuvres. Pour n'en mentionner que quelques-unes: L'Avalée des
avalés qui lui a valu le prix du Gouverneur général et
Le Nez qui voque qui s'est vu décerner le prix littéraire
du Québec. L'annonce de son septième roman
Dévadé qui sortira à la fin du mois sera
probablement l'un des événements marquants de la rentrée
1990.
J'aimerais également profiter de l'occasion pour le remercier de
son apport à l'ensemble de la culture québécoise car, en
plus d'être romancier et dramaturge, Réjean Ducharme s'est
signalé au cours des dernières années, en tant que
parolier, scénariste et peintre.
Comme je l'ai mentionné hier devant cette Assemblée, les
créateurs sont la source première de notre culture et constituent
le point de départ à d'autres projets déterminants pour la
vitalité culturelle du Québec.
M. le Président, en terminant, je tiens à
réaffirmer notre volonté gouvernementale à travailler sans
relâche au développement de notre culture, affirmation ultime de
notre spécificité culturelle et de notre identité
québécoise. En ce sens, la contribution de M. Réjean
Ducharme est remarquable. (15 h 10)
Encore une fois, au nom du gouvernement et en celui des membres de cette
Assemblée, je tiens à le féliciter pour l'honneur qu'il
s'est mérité et qui rejaillit sur tout le Québec.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la ministre.
Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, j'ai toujours dit:
Écrire pour mieux dire. Et qui, M. le Président, a mieux dit en
écrivant sur l'enfance, l'amour, l'amitié, la solitude et la
communication qui sont les trames de fond de l'oeuvre littéraire de
Réjean Ducharme?
Réjean Ducharme, M. le Président, originaire de la
très belle région de Lanaudière, vous me permettrez de le
souligner, est un romancier majeur. Six romans à son actif, dont
L'Avalée des avalés, prix du
gouverneur-général du Canada, et le Nez qui voque pour
lequel il s'est mérité le prix littéraire du
Québec. Réjean Ducharme a enrichi notre vie culturelle et
littéraire d'une façon exceptionnelle. Six livres
au total, vous disais-je tantôt. Dramaturge, il a fait
l'écriture de quatre pièces de théâtre.
Scénariste, Réjean Ducharme a fait les scénarios de deux
films dont l'un très célèbre, "Les bons
débarras", film qui nous a permis non pas de faire allusion au parti
d'en face, vous le comprendrez, mais qui nous a permis, M. le Président,
de découvrir le talent merveilleux de Marie Tifo et de la jeune Marie
Laurier qui fait partie de la continuité littéraire. Parolier de
surcroît, il est également créateur de chansons, donc un
artiste dans le sens le plus complet du terme, M. le Président.
En lui attribuant le prix Gilles-Corbeil dont je salue la
mémoire, M. le Président, la Fondation Émile-Nelligan, qui
est dirigée par mon bon ami Gaston Miron, et par le maire de
Québec, M. L'Allier, couronne une oeuvre littéraire francophone
riche en réflexions sur la condition humaine et la réalité
québécoise. Je me réjouis avec l'ensemble de la population
québécoise du succès de l'un des nôtres qui voit
l'ensemble de son oeuvre couronnée, mais de son vivant, M. le
Président. Premier lauréat de ce plus grand prix
littéraire au Québec, Réjean Ducharme va recevoir une
bourse de 100 000 $. À l'échelle du Québec, cette bourse
est plus importante que n'importe laquelle qui est distribuée en Europe.
Il est intéressant, d'une part, de voir qu'une fondation donne un coup
de main à la création littéraire et à
l'édition québécoise, alors qu'au même moment, le
gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec, réunis dans
une sombre complicité, préfèrent quant à eux,
donner un coup de pied à l'édition, M. le Président, en
imposant le livre d'une TPS de 15 %.
Je ne peux passer sous silence la non-réponse de la ministre,
hier, qui ne trouvait autre chose à dire qu'une étude
était en cours depuis cinq ans, M. le Président, et trois
ministres successives, c'est toujours la même réponse,
malheureusement. Il y a, M. le Président, dans ce ministère, des
études passées, présentes et sans doute à venir, en
un tel nombre que je me demande si le titulaire de ce ministère a de la
place pour s'asseoir dans ses locaux. Avec cette TPS dont nous exigeons le
retrait pur et simple et non pas des mesures compensatoires toujours
aléatoires - d'ailleurs une conférence de presse se tient
actuellement à Montréal là-dessus - trois questions se
posent: Qui va éditer Réjean Ducharme et tous les autres dans 10
semaines? Qui va les distribuer? Qui va les vendre? Combien de librairies vont
survivre? Qui va les acheter puisque maintenant, pour la population
québécoise, le livre est devenu un luxe surtaxé, alors que
c'est le contraire, c'est l'accès à une littérature,
à une culture et au savoir?
M. le Président, je pense que nous devons dire bravo à M.
Ducharme. Et je me permettrais une petite pointe d'humour envers notre ami
Réjean Ducharme en lui disant: Réjean, pourriez- vous
réactualiser votre photo et nous en donner une un petit peu plus
récente? Ceci dit avec beaucoup d'amitié, et en nous souhaitant
tous bonne chance dans cette grande bataille pour l'abolition de la TPS
libérale provinciale qui est imposée aux livres. Réjean,
de nouveau, mes meilleurs voeux, félicitations et, de grâce,
continuez malgré la traversée un peu pénible que nous
avons actuellement. Mais nous gagnerons puisque nous avons des talents comme le
vôtre et les nombreux autres qui existent au Québec. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Président: Sur cette même motion, M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président. Au nom des membres de
notre formation politique, je veux joindre ma voix à celle de la
ministre des Affaires culturelles afin de rendre hommage à cet homme de
lettres. Voulant souligner toute l'oeuvre de Réjean Ducharme, les
membres de la Fondation Émile-Nelligan lui ont remis le prestigieux prix
littéraire Gilles-Corbeil. Je voudrais profiter de l'occasion pour
commenter à propos de l'importance que doit jouer ce prix sur la
diffusion d'oeuvres en langue française à travers
l'Amérique du Nord. La présence d'un comité de langue
française sur le continent nord-américain doit-elle encourager de
toutes les façons possibles? Le prix littéraire Gilles-Corbeil
est un exemple concret et il permettra de récompenser un auteur canadien
ou américain pour son oeuvre écrite en français. Et
l'importance de la bourse assurera la notoriété du prix pour les
années à venir. Nous sommes heureux et fiers, M. le
Président, comme Canadiens et Québécois, de l'existence de
ce prix littéraire et nous félicitons le premier
récipiendiaire. Merci, M. le Président.
Le Président: Le débat étant terminé,
est-ce que cette motion de félicitations à M. Réjean
Ducharme, présentée par Mme la ministre des Affaires culturelles,
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Maintenant, aux motions sans
préavis toujours, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, avant de demander le
consentement et de déposer ma motion sans préavis en vertu de
l'article 86, comme leader, je peux informer cette Chambre, d'ailleurs, il me
fait plaisir d'informer cette Chambre que je déposerai dans les
prochains jours, à l'article b en préavis au feuilleton
d'aujourd'hui, soit la Loi modifiant la Loi instituant la Commission sur
l'avenir politique et constitutionnel du Québec, en souhaitant qu'elle
puisse être adoptée
dans les meilleurs délais, afin d'être certains que M.
Serge Turgeon, le président de l'Union des artistes, soit membre de la
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Entre-temps, M. le Président, je sollicite le consentement de cette
Assemblée afin de présenter la motion suivante au nom du premier
ministre du Québec: "Que, conformément au sous-paragraphe e) du
troisième paragraphe de l'article 5 de la Loi instituant la Commission
sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, M. Guy D'Anjou,
président de la Fédération des commissions scolaires
catholiques du Québec, soit nommé membre de ladite
commission."
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à la
présentation de cette motion?
Une voix: Non, non.
Le Président: II n'y a pas de consentement.
Une voix: Merci.
Le Président: II n'y a pas de consentement. Vous avez une
question de règlement?
Une voix: Non, j'ai une autre motion.
Le Président: Une autre motion. Très bien. Aux
motions sans préavis, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Je sollicite le consentement de cette Chambre pour
que l'Assemblée adopte la motion suivante: "Que l'Assemblée
nationale demande au gouvernement du Québec de désigner sans
délai M. Serge Turgeon, président de l'Union des artistes, comme
représentant des milieux culturels au sein de la Commission sur l'avenir
politique et constitutionnel du Québec conformément aux
nombreuses recommandations émanant de façon unanime de l'ensemble
des milieux culturels en faveur de la candidature de M. Turgeon."
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à ce
que nous débattions cette motion? M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, sur une question de
directive ou de règlement ou encore sur... Dans un premier temps, sur
une question de règlement, parce que, en vertu des dispositions de
l'article 5, 3°, M. Turgeon que l'on veut nommer doit être
nommé sur proposition du premier ministre.
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Président: Un instant, je dois comprendre. J'ai une
question de règlement qui m'est soumise. Mais sur votre question de
règlement...
M. Chevrette: M. Turgeon que l'on veut nommer, M. le
Président, ce n'est pas dans la motion, ça. M. le
Président, il veut expliquer que lui, il veut amender la loi... (15 h
20)
Le Président: Oui, un instant. Une minute, je suis debout.
Un instant, je suis debout, M. le leader de l'Opposition. Je veux clarifier une
situation. Il semble qu'il y ait incompréhension. J'ai compris, du sens
de la motion présentée par le député de
Lac-Saint-Jean, qu'il demandait dans sa motion que l'Assemblée nationale
recommande au premier ministre de faire une recommandation pour désigner
une personne à la commission. Ce qui est pleinement, en vertu des
pouvoirs de l'Assemblée, au niveau des motions sans préavis.
L'Assemblée ne pourrait pas proposer une personne à être
nommée à la commission, mais il est possible que
l'Assemblée puisse recommander au premier ministre de faire une
nomination. Ça, c'est possible. C'était la question qu'on se
posait. Je pense que c'est valablement proposé. Cette motion est
recevable, pleinement recevable.
Maintenant, ma question est la suivante: Est-ce qu'il y a consentement
pour que nous débattions cette motion?
M. Pagé: Je vais vous demander une directive.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: C'est de droit tout à fait nouveau. C'est
une situation tout à fait nouvelle. Premièrement, la
motion...
M. Chevrette: Sur une question de règlement.
Le Président: Écoutez...
M. Chevrette: Sur la demande de directive, j'ai une question de
règlement.
Le Président: Je vais prendre une chose à la fois.
Avant de poser une question de règlement sur la demande de directive, je
dois au préalable, moi-même, entendre la demande de directive qui
m'est proposée. Je vais vider une question et je vais en vider une
autre. Un instant. Vous avez une question de règlement. Avant la demande
de directive, je vais entendre votre question de règlement, pas sur la
directive, sur une question de règlement.
M. Chevrette: Une question de règlement, M. le
Président, c'est quand une motion sans préavis est
proposée - le leader du gouvernement le sait - et qu'elle est
jugée recevable par la présidence. Il n'y a pas de directive, il
n'y a pas de ci, ni de ça. C'est: Est-ce qu'il y a consentement ou pas?
Après ça, s'il veut parler, sur une
demande de directive, il pariera. Mais la question que la
présidence doit poser, clairement, en vertu de nos règlements,
c'est: Y a-t-il consentement ou pas? Les petites stratégies de demande
de directive, je les connais tout autant que lui. On n'interviendra pas sur le
fond de cette motion, sinon, M. le Président, je vais faire mon
discours, moi aussi, sur l'autre qu'il a proposée.
Le Président: Exactement. C'est ce que la
présidence a dit, si vous aviez écouté mes propos. Le
député a posé une question, une possibilité de
présenter une motion sans préavis, ce que je lui accorde. Le
leader s'est interrogé sur la recevabilité d'une certaine
façon, ce que j'ai compris de ses propos. Et je lui ai dit que la
question était recevable. Maintenant, vous voulez poser une question de
règlement, la question de règlement à l'effet que je dois
demander s'il y a consentement de la débattre. C'est ce que j'ai fait.
J'ai dit: Est-ce qu'il y a consentement à débattre cette motion?
Le leader se lève. Il me demande, avant que j'entende une
réponse, une directive. Vous comprendrez que la présidence ne
peut présumer de la question qui sera posée. Je dois au minimum
l'entendre. J'ai demandé formellement: Est-ce qu'il y a consentement
à la débattre? Si la demande de directive veut porter sur le fond
de la motion présentée par le député de
Lac-Saint-Jean, je me lèverai et j'arrêterai immédiatement
le leader du gouvernement, c'est évident. Il ne peut débattre la
question de fond, à moins qu'il ne donne son consentement pour que nous
débattions la motion du député de Lac-Saint-Jean. Je pense
que j'ai été très clair là-dessus. Mais j'ai une
directive qui m'est demandée, je suis obligé de l'entendre. M. le
leader du gouvernement, sur votre demande de directive.
M. Pagé: Très brièvement, en respectant
strictement le règlement. Compte tenu que j'ai indiqué mon
intention comme leader du gouvernement d'amener un projet de loi... Attendez un
peu. Compte tenu que j'ai manifesté l'intention de nommer les deux
personnes auxquelles nous venons tous les deux de nous référer,
est-ce que la motion, sans préavis à ce moment-là, est
acceptable, premièrement? Deuxièmement, une autre qui, elle, se
réfère davantage à la procédure. Parce que je suis
prêt à dire: Oui, la loi, on la passe, un, deux, trois. Et votre
motion, on l'accepte, on la débat. Mais est-ce que le fait de
débattre la motion, ça retarde... Qu'est-ce qui arrive de la
motion qui est présentée par l'Opposition officielle pour
blâmer le gouvernement aujourd'hui?
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que la motion sans
préavis...
Le Président: ...question, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président. Il vous demande si c'est
recevable par le fait qu'il a annoncé ses intentions de présenter
une législation. Pour l'information du député de Portneuf
et leader du gouvernement, il y a non seulement des intentions, il y avait eu
des engagements fermes de pris entre les chefs de parti, M. le
Président. Ces intentions fermes, ces ententes ont sauté
par-dessus bord. Et aujourd'hui, après que M. Turgeon lui-même eut
reçu le O.K. du premier ministre, on procède d'abord par D'Anjou,
en nommant D'Anjou, des commissions scolaires, et on essaie de faire croire
qu'on va amender pour Turgeon. On ne prend pas de chance dans cette Chambre,
nous, M. le Président. Ceux qui n'ont pas respecté les ententes
préalables paieront pour.
M. Pagé: M. le Président, vous allez me permettre
la même latitude...
Le Président: Sur la question, M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, il y a un projet de loi
qui est en préavis au feuilleton. Le projet de loi prévoit
très clairement, très spécifiquement l'ajout d'un membre
au sein de cette commission, le nombre total passant de 35 à 36. La
volonté du gouvernement, c'est de nommer à la fois le
président de la Fédération des commissions scolaires du
Québec et le président de l'Union des artistes du Québec.
Nous sommes prêts à passer la loi, un, deux, trois. Et les deux
pourraient siéger la semaine prochaine.
La Président: Bon, alors sur la question de
règlement M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Nous, les intentions du gouvernement, là, on
n'a pas à s'en soucier pour le moment. Ce qu'on sait, c'est que
d'après la loi qui crée la Commission sur l'avenir
constitutionnel et politique du Québec il y a un poste de libre qui
n'est pas comblé, et ma motion va dans le sens de le combler par la
nomination de Serge Turgeon.
Une voix: C'est ça. Une voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Vous comprendrez quand même que votre
motion n'est pas de nommer M. Turgeon, mais de recommander au premier ministre
de nommer M. Turgeon. Il faudrait clarifier les choses. À la demande de
directive qui m'est posée par le leader du gouvernement, la
première question: Est-ce que cette motion-là est recevable? La
réponse est oui, nonobstant le projet de loi que vous devez
présenter. Et la deuxième question, c'était de savoir:
Qu'arrive-t-il de la motion de cet après-midi? Bien, la
motion de censure présentée par l'Opposition officielle
est une motion qui arrive aux affaires du jour. Quand nous serons rendus aux
affaires prioritaires, nous allons l'appeler, mais tant que je ne suis pas
rendu là, je ne peux l'appeler. Donc, est-ce qu'il y a consentement
à débattre la motion présentée par l'Opposition
officielle, par le député de Lac-Saint-Jean? Il n'y a pas de
consentement. Oui, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Je demande le consentement suivant, à ce
moment-ci de nos procédures: Je demande au leader parlementaire de
l'Opposition et à l'Opposition officielle de nous donner le consentement
pour que le projet de loi en préavis puisse être
déposé immédiatement; que la deuxième lecture et la
troisième lecture soient effectuées et acceptées
immédiatement, de sorte qu'avant de partir pour la fin de semaine, tant
M. Turgeon que M. le président de la Fédération des
commissions scolaires pourraient être en fonction. C'est ça
l'objectif du gouvernement.
Une voix: Non, non.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Président: Alors, sur une demande de consentement, M.
le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, là, les petits
pièges de M. le député de Porneuf, je les vois venir avec
des souliers de bois sur du terrazzo. S'il vous plaît,
déposez-donc votre loi conformément aux règlements. Ce
n'est pas vrai qu'on va laisser passer le fait que vous avez mis fin à
une entente. Déposez votre loi et on va la traiter comme toutes les
législations. Pas de consentement.
Le Président: Donc, il n'y a pas de consentement. Ceci met
fin à cette question. Maintenant...
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît. Aux motions sans
préavis, toujours, M. le député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Oui. Je demande le consentement de cette
Assemblée pour déposer la motion suivante: Que l'Assemblée
nationale du Québec redemande au premier ministre de nommer un membre de
la communauté autochtone pour siéger sur la Commission sur
l'avenir politique et constitutionnel du Québec, après
consultation avec le chef de l'Opposition officielle et l'ensemble des
députés indépendants.
Le Président: Est-ce qu'il y a consentement à
débattre cette motion? Il n'y a pas de consentement. Est-ce qu'il y a
d'autres motions sans préavis? Il n'y a pas d'autres motions sans
préavis.
Donc, maintenant, aux avis touchant les travaux des commissions. M. le
leader du gouvernement, avis touchant les travaux des commissions.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Pagé: Bon, M. le Président, vous me voyez
très déçu. M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, après les affaires courantes,
jusqu'à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la
commission du budget et de l'administration complétera sa consultation
générale sur le document intitulé: "Le courtage
immobilier".
Le Président: Alors, très bien, M. le leader du
gouvernement. J'ai moi-même les avis suivants à transmettre: Je
vous avise que cet après-midi, après les affaires courantes,
jusqu'à 18 heures, et de 20 heures à 22 heures, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des
équipements se réunira afin de procéder à la
vérification des engagements financiers du ministère de
l'Environnement pour les mois de décembre 1989 à juillet 1990
inclusivement. Mardi prochain, le 23 octobre 1990, de 10 heures à 12 h
30, à la salle du Conseil législatif, la commission du budget et
de l'administration se réunira afin de procéder à une
consultation générale et à des consultations
particulières dans le cadre de l'étude de l'opportunité de
maintenir en vigueur, ou, le cas échéant, de modifier la Loi sur
la fonction publique.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Maintenant, aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée,
j'informe les députés que l'interpellation prévue pour le
vendredi 26 octobre 1990 portera sur le sujet suivant: La relance de
l'économie et de l'emploi à Montréal. Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve s'adressera alors à M. le
ministre délégué à l'Administration et à la
Fonction publique, et président du Conseil du trésor. Je vous
avise également que ce soir, à 18 heures, il y aura sanction de
projets de loi au cabinet du lieutenant-gouverneur. Il n'y a pas de question?
Ceci met donc fin à la période des affaires du jour.
Nous allons maintenant procéder à la période des
affaires courantes. Et aux affaires courantes, aux affaires prioritaires, nous
avons une motion à débattre, une motion de censure
présentée par M. le leader de l'Opposition officielle. (15 h
30)
Motion de censure proposant que
l'Assemblée
blâme le gouvernement de ne pas avoir su
prévenir le conflit armé à Oka,
Kanesatake
et Kahnawake et de ne pas y avoir
assumé
un leadership politique et moral
La motion qui se lit comme suit: "Que cette Assemblée blâme
sévèrement le gouvernement libéral, d'une part, pour ne
pas avoir su prévenir le conflit armé qui a éclaté
cet été, à Oka, Kanesatake et Kahnawake, en ne donnant
aucune suite à la déclaration solennelle de l'Assemblée
nationale du 20 mars 1985 sur les droits des communautés autochtones et
en tolérant, en pleine connaissance de cause, l'accumulation massive
d'armes prohibées sur certains territoires et réserves et,
d'autre part, pour avoir complètement failli à ses devoirs les
plus fondamentaux au cours de cette crise, soit ceux d'assumer un leadership
politique et moral, d'informer, de rassurer et réconforter les milliers
de citoyennes et citoyens directement touchés et enfin, de maintenir,
tant au Québec qu'à l'extérieur, la
crédibilité de l'État québécois et de ses
institutions."
Ce débat-là aura cours jusqu'à la fin de nos
travaux, ce soir, à 22 heures. Suite à une rencontre avec les
leaders parlementaires des deux formations politiques, et tenant compte de la
présence des députés indépendants, le temps pour la
discussion de cette motion sera partagé de la façon suivante: un
temps de 15 minutes est réservé pour la réplique de
l'auteur de la motion, M. le leader de l'Opposition officielle, 20 minutes
seront réservées pour l'ensemble des députés
indépendants, et le reste du temps sera partagé également,
moitié-moitié, entre l'Opposition officielle et le groupe
ministériel. Étant entendu que ce sont des enveloppes, à
l'intérieur des enveloppes, il n'y a aucune limite de temps. Et le temps
qui ne sera pas pris par un parti pourra accroître à l'autre
parti.
Également, j'informe immédiatement l'Assemblée que,
tel qu'on m'en a avisé lors de la rencontre des leaders, un vote
enregistré sera demandé sur cette motion, et le vote
enregistré sera reporté à la prochaine période des
affaires courantes, soit mardi prochain. En conséquence, le débat
se déroulera jusqu'à 22 heures inclusivement, jusqu'à la
fin de nos travaux. Je suis donc maintenant prêt, comme premier
intervenant sur le débat, à reconnaître l'auteur de la
motion, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition
officielle.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Depuis quelques
jours, le gouvernement essaie de faire croire qu'il fut une victime des
événements de cet été, que sa responsabilité
est tout à fait inexistante. Ce même gouvernement tente de faire
croire que cet événement qui s'est produit cet été
était tout à fait imprévisible, d'une ampleur tout
à fait inattendue. Il a fait même plus, il essaie de donner
l'impression que cette crise-là est quasi le fruit de la
spontanéité. Somme toute, le gouvernement est fort heureux que
cela se soit terminé sans effusion de sang, dit-il, pour reprendre la
phrase du ministre de la Sécurité publique. C'est comme si
l'agent Lemay n'avait pas de sang dans les veines ou que les policiers, les
militaires et même des autochtones n'avaient pas été
blessés.
Et pourtant, pour reprendre une formule connue, quoi qu'on dise et quoi
qu'on fasse, le gouvernement actuel fut et demeure le grand responsable de ce
qui s'est passé. Il a accumulé erreur sur erreur, commis bourde
sur bourde, avant, pendant et après cette crise. Il a laissé nos
institutions en lambeaux, des familles dévastées dans ce qu'elles
avaient de plus cher, des commerces et des entreprises en faillite. Il a
détruit toute base de relations harmonieuses entre Blancs et
autochtones. Cela va prendre des années pour réparer tes pots
cassés, panser les plaies et remonter le moral. Il a beau avoir
remanié les ministères-clés, tous les joueurs
siègent encore au Conseil des ministres. Tout ce qu'on a fait, c'est
qu'on a déplacé le mal de place. On a modifié, purement et
simplement. Les éléments qu'on avait, on les a changés de
place. Tous sont solidaires et responsables comme gouvernement. C'est pourquoi,
collectivement, on n'a pas le choix, ils doivent être
blâmés.
Aussi, j'invite les parlementaires à s'exprimer bien
au-delà des lignes partisanes, comme l'a fait, par exemple, le
député d'Anjou. Et j'invite les députés à
démontrer que l'Assemblée nationale ne peut pas accepter une
telle conduite d'un gouvernement. Bien sûr, me direz-vous, les images
valent mille mots. À la suite de toutes les scènes qu'on a vues
cet été, à la télévision et dans les
journaux, je sais profondément que la population du Québec est
fort mécontente, est fort malheureuse et même fort outrée.
Dans le fond, je n'aurais quasiment pas l'obligation de faire une grande
démonstration pour prouver que ce vote de blâme est tout à
fait mérité. Je n'aurais qu'à rappeler purement et
simplement les images, les reportages radiophoniques et les "clippings" de
presse pour bien démontrer que ce gouvernement mérite un
blâme sévère. Cependant, en raison de nos règles du
Parlement, je vais quand même prendre un certain temps pour expliquer le
pourquoi de cette motion de censure.
Tout d'abord, quand on vous dit, au tout début de cette motion de
censure: "Que cette Assemblée blâme sévèrement le
gouvernement libéral, d'une part, pour ne pas avoir su prévenir
le conflit armé qui a éclaté cet été,
à Oka, à Kanesatake et Kahnawake, en ne donnant aucune suite
à la déclaration solennelle de l'Assemblée nationale du 20
mars 1985 sur les droits des communautés autochtones et en
tolérant, en pleine connaissance de cause, l'accumulation
massive d'armes prohibées sur certains territoires
et réserves", je vais commencer par cette partie, M. le
Président.
M. le Président, le gouvernement est responsable
parce qu'il savait, parce qu'il savait à peu près tout. C'est
pour ça qu'il faut, dès le départ, établir la
responsabilité du gouvernement. On n'est pas responsable de quelque
chose quand on ignore quelque chose et qu'il se produit quelque chose. Mais
quand on n'ignore pas les faits, quand on connaît les faits, quand on
sait tous les faits et qu'on n'a rien fait pour éviter que ces
faits-là ne dégénèrent en une crise, c'est la la
responsabilité de l'État. C'est pour ça que j'affirme,
dès le départ, que le gouvernement est responsable parce qu'il
savait.
Le gouvernement a complètement ignoré la
déclaration de l'Assemblée nationale de 1985 qui jetait les bases
d'une négociation fructueuse avec les nations autochtones, il n'a rien
foutu, et je laisserai à mon collègue de Duplessis le soin
d'élaborer davantage sur cet aspect. Le député de
Duplessis démontrera, à la suite de mes propos, jusqu'à
quel point on a fait fi de toutes les motions passées à
l'Assemblée nationale qui étaient susceptibles de jeter les bases
d'une discussion saine amenant des relations harmonieuses entre Blancs et
autochtones. Mais ce gouvernement-là, depuis cinq ans, depuis 1985, n'a
absolument rien fait, n'a absolument rien foutu.
Il n'ignorait pas non plus, M. le Président, le
gouvernement savait qu'une situation explosive existait au sein des trois
communautés mohawks du Québec. Un mémoire au Conseil des
ministres les avait prévenus au moins un an auparavant. Je le montre au
public, ici. Ce mémoire-là n'est pas signé par les
péquistes; ce mémoire-là n'est pas signé par un
député. Ce mémoire-là a été
signé par le ministre responsable du dossier autochtone, M. Savoie,
député d'Abitibi-Est, en juin 1989; en juin 1989, je le dis bien,
M. le Président. Donc, il était au courant, d'où sa
responsabilité. Écoutez bien cela, à part ça. Que
dit M. Savoie dans son mémoire au Conseil des ministres, ou le
député d'Abitibi-Est ou le ministre responsable du dossier
autochtone? Il dit ceci et je cite: "II est même à prévoir
une augmentation des tensions si aucune solution n'est apportée au
problème de fond. Kahnawake - dit-il, toujours dans le mémoire -
est sans doute là où la situation peut être
qualifiée de très sérieuse. La force croissante de la
Société des guerriers, la présence massive d'armes
à feu sont autant d'éléments qui risquent d'augmenter les
tensions." (15 h 40)
Est-ce que le gouvernement le savait, M. le
Président? Il le savait; il savait ça. Le ministre responsable
leur avait tout dit ça. Il leur avait dit ça, cependant, quatre
ans seulement après qu'on eut jeté les bases pour régler
les questions de fond, comme le dit si bien le ministre responsable du dossier
autochtone.
M. le Président, c'était au moins un an avant
l'assaut sur les barricades. Le gouvernement avait déjà
reçu deux avertissements sérieux. Rappelez-vous, en 1988, alors
que les autochtones bloquaient le pont Mercier, tous avaient pu mesurer
l'ampleur de leur force à ce moment-là, M. le Président.
Ce n'était pas nouveau, ça; ce n'est pas une surprise, ça.
En avril 1990, de véritables fusillades éclatent à St
Regis. C'était avant le mois de juillet, ça. Deux Mohawks sont
tués, M. le Président. Par la suite, le gouvernement est
demeuré immobile encore. Son inaction à la suite des
événements de St Regis méritait à elle seule une
motion de blâme. Le gouvernement ne pouvait pas non plus ignorer que,
depuis le 11 mars 1990 - on est loin du 11 juillet, là encore, avril,
mai, juin, juillet, quatre mois avant - déjà, des Warriors
avaient élevé une barricade dans la municipalité
d'Oka.
Donc, M. le Président, le gouvernement savait. Par
trois fois, la municipalité d'Oka s'était adressée au
tribunal pour obtenir une injonction. Le gouvernement était tellement au
courant, M. le Président, de tous ces faits que le
prédécesseur du ministre de la Sécurité publique
avait dit, le 5 juillet, six jours avant l'événement:
Écoutez bien, s'ils ne respectent pas l'injonction, je pense qu'ils ont
jusqu'à lundi pour obéir, sinon ça va descendre, M. le
Président. Il disait ça sur les ondes de CJMS, M. le
Président. Et M. Proulx, de pousser plus loin sa demande d'information:
Donc, si vous attendez à l'échéance de l'injonction, donc
demain, dit-il, il va falloir, n'en déplaise aux Indiens, que la police
passe à l'action. M. Elkas, parce que c'est le "transcript" tel quel que
je lis, le ministre de la Sécurité publique répond: Ah!
Oui! Et vous savez, M. le Président, depuis trois jours qu'on
questionne, si on savait ce qui se passait, si on savait ce qui s'en venait. Et
ils ont su ça, le 16 octobre au matin, que la police s'en venait.
Pourtant, le ministre responsable du temps a dit: Ah! Oui! Ça va y
être. Qui croire, M. le Président? C'est effrayant! C'est
épouvantable! C'est incroyable d'essayer de faire croire au monde autant
de choses. Qu'on dise donc la vérité, toute la
vérité, M. le Président.
Le gouvernement était aussi au fait de la situation
que le ministre responsable du dossier des autochtones, le député
de Mont-Royal, lançait le lundi, 9 juillet... Deux jours avant,
qu'est-ce qui se passait? Le ministre responsable des autochtones disait, dans
une lettre qu'il adressait au maire: De grâce! De grâce! Pour votre
terrain de golf, y a-t-il moyen qu'on mette ça sur la glace un petit peu
et qu'on prenne le temps de se parler parce que ça risque de
dégénérer en quelque chose de pas beau? C'est très
sérieux ça, M. le Président.
Le ministre délégué aux Affaires
autochtones le savait et il demandait une intervention. Le ministre
délégué aux Affaires autochtones avant le
député de Mont-Royal, celui qui a précédé le
député de Mont-Royal, lui, avait pris
la peine d'écrire tout un mémoire au Conseil des ministres
en juin 1989. St Regis; les barricades en mars. Tout s'est fait, M. le
Président et on essaie de savoir ce qui se passait. Dans le fin fond, M.
le Président, je vous le dirai tantôt ce qui s'est passé.
Que dire du ministre et député de Portneuf qui, par
intérim, a occupé les fonctions de ministre de la
Sécurité publique durant les vacances du ministre de la
Sécurité publique? Qu'est-ce qu'il disait, lui, et
déclarait au matin des événements? Ça faisait une
semaine qu'il y avait possibilité d'une intervention policière,
M. le Président. Et, bien sûr, vous avez eu toute la kyrielle, M.
le Président. On s'est trouvé, après 90 jours... Une belle
façon de s'en sortir, c'est la chef de cabinet adjointe du ministre de
la Sécurité publique du temps qui va passer pour la grande
responsable, M. le Président. La grande responsable, qu'on
félicitait hier à tour de bras, après avoir dit la veille:
S'il fallait que ça arrive dans mon cabinet, moi, ce serait ma botte au
derrière et dehors!
M. le Président, un gouvernement qui est si petit, au point de ne
pas vouloir partager les responsabilités de ses propres décisions
et qui trouve des boucs émissaires, des simples employés... C'est
la troisième fois, M. le Président, que ce gouvernement en cette
Chambre, quand il est pris à ne pas trouver de réponse, met la
faute sur des employés politiques. Rappelez-vous quand on a parlé
de patronage dans le placement de la Baie James, le chef de cabinet du
député de Mont-Royal, alors ministre de l'Énergie et des
Ressources, a été congédié, M. Painchaud. On a dit:
Dehors! Rappelez-vous quand l'Opposition a questionné, M. le
Président, et puis qu'on s'est mis à parler du patronage dans le
placement au ministère des Transports à la voirie, on a dit:
C'est un petit documentaliste! Un petit documentaliste qui avait pris
l'initiative, imaginez-vous, d'envoyer des fax avec des noms pour faire placer
du monde dans la voirie, des gens de Charlesbourg.
Et là, hier, là, c'est encore une employée
politique, Me Hélène Ménard, qui a été
jugée assez bonne, cette femme-là... C'est une avocate de quelque
20 années. Ça fait cinq ans qu'elle est au cabinet du Solliciteur
général. Elle a commencé avec M. Latulippe et a
succédé à tous ceux qui se sont succédé sur
ces postes. Elle est demeurée au cabinet parce qu'elle était
d'une efficacité, d'une loyauté et d'une franchise. Et là,
on dit: Tu as fait une erreur de jugement. M. le Président, on tente de
faire croire que cette femme n'a pas rempli son devoir alors que, dans les
faits, M. le Président, on sait très bien que M. le
député de Portneuf savait qu'il arriverait quelque chose, que le
député de Mont-Royal savait qu'il arriverait quelque chose, que
le ministre de la Sécurité publique savait qu'il arriverait
quelque chose. Ce qu'ils ne savaient pas, c'était peut-être le
moment précis ou l'heure précise, M. le Président. Mais
ça allait de soi parce qu'à l'époque, quand on rencontrait
les ministres dans les corridors, qu'est-ce qu'ils nous disaient, qu'est-ce
qu'ils nous disaient? Il y a deux écoles de pensée au Conseil des
ministres, il y a le groupe minoritaire du député de Mont-Royal,
piloté par le député de Mont-Royal qui, lui, favorise la
voie de la négociation, et il y a un autre groupe, un peu plus nombreux,
qui favorise la solution policière. Et ça, c'étaient les
ministres, individuellement, qui nous disaient ça. Il y en a même
qui allaient jusqu'à dire: Je connais Ciaccia, il veut tout donner aux
autochtones. Vous allez nous faire accroire aujourd'hui que ça ne se
discutait pas? Vous allez nous faire accroire qu'on ne savait pas qu'au Conseil
des ministres il y avait deux groupes? Vous allez nous faire accroire qu'on ne
sait pas que c'est le groupe qui avait la solution policière qui a
gagné et que c'est ça qui a été appliqué et
que c'était tout normal que ce soit ça qui se fasse? M. le
Président, c'est exactement ça qui s'est passé. Et on a
aujourd'hui une jeune avocate loyale, qui a fait un honnête travail et
qui est sur le carreau, qui est jugée pour avoir fait une grave erreur
de jugement alors que ce sont ceux qui n'ont pas le courage d'admettre la
vérité qui sont les grands responsables parce qu'ils savaient
tout avant, je vous l'ai démontré suffisamment.
Comble de l'irresponsabilité et comble de l'irréel, on
apprend, hier seulement, qu'on avait discuté de cette question. Vous
regarderez dans les galées, dans le Journal des débats,
là, on l'apprend. Le ministre de la Sécurité publique
lance des ultimatums à qui mieux mieux. Il dit carrément: La loi,
ça va être la loi, l'égalité dans le traitement de
la loi, quelles que soient les communautés. Et pourtant, faut-il
rappeler certains événements? Faut-il rappeler qu'on ne peut
accepter que ce gouvernement-là feigne de ne pas savoir? Ils ne peuvent
pas donner l'impression qu'ils ne le savaient pas. Un mois avant, un mois avant
la crise autochtone, M. le député et ministre
délégué au dossier autochtone négociait. Il
cherchait, par tous les moyens, de bonne foi, à trouver une solution.
Ils feignent qu'ils ne parlaient ou à peu près pas de ça,
qu'ils n'étaient pas au courant de ça et que c'est une grosse
crise qui est arrivée subitement, qu'ils n'ont pas vu venir et qu'ils
sont de grandes victimes.
Quand on sait des choses, quand on a les moyens de les prévenir,
quand on a les moyens de les éviter, M. le Président, on est
responsables quand on ne l'a pas fait et que quelque chose arrive. Dans un
premier temps, c'est dans cette optique que je veux présenter le
blâme à ce gouvernement qui savait tout, qui savait tout ce qui se
passait, mais qui a opté, M. le Président, plutôt que par
la voie d'un travail soutenu depuis 1985, plutôt que par la voie des
négociations, pour d'autres solutions, le laisser faire et, après
ça, la force. (15 h 50)
M. le Président, le gouvernement connaissait-il la
présence massive d'armes? Le Service canadien de renseignements le
savait et la Sûreté le savait. Peuvent-ils nier ces faits? C'est
encore une fois, dans le mémoire du ministre de l'époque, en
1989, M. le Président. Ça faisait au moins un an qu'on
connaissait ces faits, qu'il y avait un armement massif et que la position
était extrêmement dangereuse. Est-ce qu'il y a eu de quoi de fait?
Quel est le rôle du gouvernement quand on connaît ces faits, M. le
Président? Quel est le rôle de tout gouvernement et de tout
ministre de la Sécurité publique responsable quand il apprend des
faits de même, M. le Président? Qu'est-ce qui arriverait si je
disais à la Sûreté du Québec: Oui, mais M. le
Président de l'Assemblée nationale a quatre armes
prohibées. Qu'est-ce qui arriverait? M. le Président, le
lendemain matin, le policier se ferait donner des mandats de perquisition, et
il fouillerait partout chez vous. Vrai ou faux? Il irait chercher les armes
pour lesquelles vous n'avez pas de permis.
Et là, on ne parle pas de .22, on ne parle pas de .12, on ne
parle pas de .16, du calibre, le calibre .12, .16 ou .22, on parle d'armes
lourdes, M. le Président. Qu'est-ce qu'il y a eu de fait depuis juin
1989? Nil, zéro, zéro, M. le Président. Et je vous
rappellerai qu'on parlait d'environ 365 armes lourdes. Combien ont
été saisies jusqu'à aujourd'hui? 10 % ou 15 %. On savait
tout ça, M. le Président. Où est le reste? Dans le
décor, M. le Président? Qu'est-ce que la Sécurité
publique répond à ça, M. le Président? On nous a
répété tout l'été que la Sûreté
du Québec agissait comme une police municipale à la demande d'une
municipalité. Rappelez-vous. Ça aurait dû vous faire rire,
vous, M. le Président, qui êtes avocat. La Sûreté du
Québec agissait comme une police municipale; on nous a chanté
ça tout l'été, absolument tout l'été, M. le
Président.
Quand on lit l'article 9 de la loi constitutive du ministère: La
Sûreté du Québec est chargée d'assurer la paix sur
tout le territoire québécois. Elle a responsabilité sur
tout le territoire québécois. Quand on lit l'article 39 de cette
même loi, qu'est-ce qu'elle dit? Elle dit que la Sûreté du
Québec relève directement du ministre de la
Sécurité publique, M. le Président, directement. J'ai
été ministre de plusieurs ministères et même
ministre tuteur de sociétés d'État, et je ne connais pas
de président de société d'Etat qui aurait pris des
décisions d'envergure sans m'en parler. Ça ne s'est jamais fait,
ça. Ça ne s'est jamais fait. Il y a nécessairement des
avertissements, M. le Président. Il y a nécessairement des
présentations d'intention d'action. Il y a nécessairement quelque
chose qui s'établit.
Je me rappelle encore plus que ça. Je vais en donner un exemple
concret, M. le Président, pour bien démontrer qu'on ne m'emplira
pas sur les relations entre la police et le ministère de la
Sécurité publique, qu'il s'appelle Solliciteur
général, qu'il s'appelle Sécurité publique, peu
importe, le ministre de qui relève la police. À l'enquête
Cliche, M. le Président, on est allés jusqu'à inviter dans
la boîte des témoins M. Jérôme Choquette pour bien
expliquer comment fonctionnait sa police, ses renseignements, à qui il
les transmettait et comment fonctionnait sa police avant de faire des
opérations. Par exemple, quand la police est intervenue à
Mont-Wright, quand la police est intervenue à la Golden Eagle, ici
à Québec, M. le Président, le ministre était averti
avant. Tous les ministres sont avertis avant, M. le Président. Ils
étaient avertis avant; ils avisaient leur ministre, si bien qu'on
demandait à M. Choquette: Avez-vous été averti, M.
Choquette? Oui, j'ai été averti. Avez-vous été
averti, M. Choquette? Oui. Qu'est-ce que vous faites normalement quand vous
êtes averti? Je suis averti et normalement, je dois avertir mon premier
ministre en plus de ça, parce qu'il doit répondre à tous
les sujets, et c'est la coutume, c'est la manière de faire.
Et dans ce cas-ci, M. le Président, alors que depuis un an on
sait qu'il y a un armement lourd qu'on ne retrouve nulle part comparable au
Québec, pas d'avertissement. Ah! Bien non, c'est une attachée
politique, Mme Hélène Ménard, qui a manqué de
jugement; si c'était arrivé dans mon cabinet, ce serait dehors
avec mon pied au derrière; mais là, elle était très
bonne, me dit-on. On lui rend hommage le lendemain.
M. le Président, il y a toujours des limites à prendre le
monde pour des valises. Ce n'est pas de même que ça se passe. Ce
n'est pas de même que ça se passe dans les cabinets. Ce n'est pas
de même que ça se passe dans un ministère. On sait
très bien que les supérieurs transmettent directement, avant
toute opération d'envergure, l'information à leur ministre de
tutelle. C'est évident qu'ils en sont avertis, M. le Président.
Donc, la police qui s'est comportée, la Sûreté qui s'est
comportée comme une police municipale, M. le Président, c'est une
belle excuse, mais ça ne passe pas, quand on sait l'article 39 de la Loi
de police et qu'on connaît l'article 9 de la loi constitutive du
ministère.
On a aussi allégué, bien sûr, pour s'en sortir
facilement, les fameux conflits de juridiction. Rappelez-vous les premiers
jours. C'étaient les conflits de juridiction entre le
fédéral et le provincial. De la foutaise! Les agents de la SQ
sont des agents de la paix désignés pour voir à
l'application sur tout notre territoire, pour voir à l'application des
lois de juridiction québécoise ainsi que du Code criminel.
D'ailleurs, l'article 88 de la loi des Indiens, M. le Président,
spécifie que ceux-ci sont soumis à l'application des lois
générales. Dans le fond, ce sont des problèmes de
coordination bien plus que des problèmes de juridiction, de même
que d'incurie politique qui sont en cause, M. le Président. C'est faire
bien
peu de cas des lois que l'on vote à
l'Assemblée nationale. C'est faire bien peu de cas de l'article 39 de la
Loi de police, je le répète. C'est faire bien peu de cas de
l'article 9 de la loi constitutive du ministère.
Le gouvernement a et avait l'autorité pour
arrêter l'intervention du 11 juillet 1990. D'ailleurs, il l'a fait pour
celle du 12 juillet. Mais pourquoi ne l'a-t-il pas fait pour celle du 11
juillet? M. le Président, c'est parce qu'il était d'accord. Il
était d'accord fondamentalement avec le principe d'une intervention
policière et seulement, on pensait que ça serait un pique-nique.
C'est ça qu'est le problème. On pensait que ça serait un
pique-nique. Mais le pique-nique, M. le Président, il n'a pas eu lieu -
je me dis: Heureusement! C'est devant l'échec de l'intervention du 11
juillet qu'on a fait cesser celle du 12 juillet. Le gouvernement est donc
responsable, à mon point de vue, de ne pas avoir su prévenir la
crise alors qu'il avait tout en main. Il avait les informations de base, il
avait même des principes pour discuter d'abord avec les autochtones et il
avait les institutions pour mettre en branle un mécanisme de
concertation avec ces communautés-là et il ne l'a pas fait. Il
avait en main toutes les données de base. Il savait qu'il y avait
armement, il savait que les tensions montaient, il savait que les Warriors
s'armaient. Mais ils n'ont rien fait. Ils ont laissé aller
jusqu'à la crise, crise qu'ils n'ont même pas su gérer
comme du monde.
Une des premières grandes erreurs, M. le
Président, du gouvernement, l'erreur fondamentale, je dirai, c'est de ne
pas avoir empêché, dans les heures qui ont suivi l'assaut, la
fermeture du pont Mercier. Vous allez me dire: Oui, mais pouvait-on
prévoir qu'ils fermeraient le pont Mercier? Bien, voyons! L'exemple de
1988 n'était tout de même pas si usé que ça, M. le
Président. Il me semble qu'un gouvernement alerte aurait compris que,
quand ça a déclenché, tout de suite on risquait de se
trouver encore dans le même cas au pont Mercier. Rien de fait dans les
premières heures alors qu'il n'y avait personne (à-dessus;
ça aurait pu être gardé sécuritairement et je vais
en parler un peu plus longuement. Si on avait protégé et
gardé le pont ouvert, fa crise aurait eu une toute autre ampleur, M. le
Président. D'ailleurs, on a pu constater qu'au moment où le pont
Mercier fut rouvert, comment le gouvernement n'avait-if pas prévu, entre
vous et moi... Comment le gouvernement n'a-t-il pas prévu que les
Warriors barricaderaient le pont? Parce qu'il faut bien le comprendre,
dès que le pont a été libéré, ça n'a
pas été du tout le même comportement au niveau de la crise.
Et ça, c'était évitaWe par un gouvernement qui sait tirer
des leçons du passé. Et le passé n'était pas si
lointain, il remontait seulement à 1988. (16 heures)
Une autre grande erreur, M. le Président, la
deuxième grande erreur réside dans le fait que, dès le
départ, le gouvernement se place en position de faiblesse. Rappelez-vous
ce qui s'est passé. M. le ministre responsable du dossier autochtone
accepte de négocier dans le bois, derrière les barricades, M. le
Président. Dès le début, on lance un message... Vous
rappelez-vous ce qui est sorti? Deux poids, deux mesures. Mais surtout, on
négocie avec les Warriors les revendications traditionnelles des
Mohawks. Les revendications traditionnelles des Mohawks, c'est une chose et les
revendications des Warriors, ça pouvait être autre chose. Et
ça, on le faisait derrière les barricades, dans le bois, pas au
vu et au su du monde. Pourtant, le mémoire de M. Savoie ou du ministre
responsable des Affaires autochtones d'alors, au Conseil des ministre,
était clair, et je le cite. Qu'est-ce qu'il disait, le ministre
délégué aux relations avec les autochtones? "Le rôle
des conseils de bande doit être renforcé par rapport à la
Société des guerriers." Qui est-ce qui écrit ça? Ce
n'est pas te PQ qui écrit ça. Ce n'est pas un journaliste qui
écrit ça. Ce n'est pas un simple député parce qu'il
y a une réserve sur son territoire de comté. C'est le ministre
qui a le dossier des autochtones en main qui dit: Le rôle des conseils de
bande doit être renforcé par rapport à la
Société des guerriers.
M. Le Président, le ministre
délégué aux affaires autochtones déclarait, le 23
juillet 1990 qu'il exigeait, dorénavant, que les négociations
aient lieu en terrain neutre; après avoir été
négocier derrière les barricades, le nouveau ministre
délégué aux affaires autochtones, là, voudrait s'en
revenir sur un terrain neutre. vous ne pensez pas qu'il était trop tard?
le cycle infernal était enclenché. et c'était une
situation tout à fait perdue d'avance.
Le 5 août 1990, et ça, je me le rappelle comme
si c'était hier, notre très robuste premier ministre, coriace,
solide, lance un ultimatum de 48 heures aux Warriors. On se rappellera
ça. L'ultimatum, M. le Président, on lance ça quand on est
capable de le faire respecter. On lance ça quand on a la volonté
politique de le faire respecter. Mais on ne lance pas d'ultimatum pour faire
une farce. Je le vois encore. Ils ont 48 heures... La population a encore 48
heures. M. le Président, connaissant le premier ministre actuel, ils
savaient bien que 48 heures, cela voulait dire 48 jours, minimum. Voyons! Ils
n'ont pas été surpris. Il reste que c'est ce genre de chose
irresponsable lancée un peu n'importe comment qui fait en sorte que la
crédibilité de l'État en prend pour son rhume. Ce n'est
que le 17 août, soit 12 jours plus tard, que M. Bourassa demande
officiellement l'armée. Ce n'est que le 20 août que l'armée
entrera en scène. Plus d'un mois après le début de la
crise. Je vous avoue, et je répète, lorsqu'on n'a pas l'intention
de faire respecter ses ultimatums, on ne les lance pas. C'est une règle
d'or pour éviter de perdre le peu de crédibilité qu'il
nous reste.
Le 12 août 1990, M. le Président, le ministre
délégué aux Affaires autochtones participe à une
mascarade, participe à une véritable mascarade, en signant une
entente derrière les barricades avec des Warriors masqués. Et
plus encore, on nous informe, on nous dit que l'un d'eux serait même un
mineur. Là, écoutez, si les farces n'ont pas assez duré -
et Je continue - pendant ce même temps, on chargeait les femmes et les
enfants à Saint-Louis-de-Gonzague. Saint-Louis-de-Gonzague,
rappelez-vous ce qui est arrivé. La loi, c'est la loi, diront certains.
L'égalité dans le traitement de la loi, disait le ministre de la
Justice. Pourquoi a-t-on laissé la tension augmenter, a-t-on
laissé la tension s'intensifier, soir après soir, pendant 78
jours? Évidemment, le gouvernement refuse de prendre ses
responsabilités dans cet épisode peu glorieux. Et, il
prétend que le ministre s'est fait avoir par le juge Gold. La belle
histoire! La belle histoire! Qui va croire ça? Un ministre qui arrive
quelque part, qui, pour et au nom d'un gouvernement, s'en vient signer un
document, il s'aperçoit qu'il y a quelqu'un de masqué. Qu'est-ce
qu'il fait? Il exige que le masque tombe ou il ne signe pas, M. le
Président, est-ce clair? Depuis quand a-t-on vu cela, M. le
Président? Même un étudiant de cégep comprendrait
ça, un étudiant du secondaire, je pense qu'il comprendrait
ça. Mais la farce, il fallait qu'elle continue, M. le Président.
Et, me dit-on, c'est un mineur, en plus. Il faut le faire, M. le
Président! Mais, au-delà de la mascarade, il faut aussi retenir
que le gouvernement, dans cette entente, avait tout donné sans rien
obtenir: observateurs étrangers, chefs spirituels et tout le tralala. Ce
n'était d'ailleurs pas la première fois, M. le Président,
on se souviendra que les gouvernements s'apprêtaient à
céder le terrain litigieux aux Mohawks sans garantie que les Warriors
démantèlent les barricades. Seul le réflexe populaire a
réussi à empêcher tout cela.
Et le 22 août, M. le Président, pour que le
vaudeville continue, le ministre de la Sécurité publique de
l'époque déclare publiquement: Notre gouvernement, on s'est fait
avoir. Vous savez, là, l'instance suprême sur qui les citoyens
doivent compter, là, bien il s'est fait avoir. Ça, c'a l'air
fort. C'est rassurant comme ministre de la Sécurité publique, M.
le Président. Le 16 septembre, l'armée annonce qu'elle a carte
blanche pour négocier toute la reddition des Warriors. Du 16 septembre
jusqu'à la fin, M. le Président, là, c'est l'armée
qui entre en ligne de compte. Malheureusement, et je le dis comme je le pense,
parce que ce n'est pas normal, malheureusement, c'a été un
sentiment de soulagement. Vous savez, la nature a horreur du vide, M. le
Président. Normalement, le leadership, dans une telle crise, ne doit pas
appartenir exclusivement au pouvoir policier ou armé. Il doit
également être exercé par l'État. Le leadership
civil s'impose, M. le Président, dans de telles crises. Les gens ont le
droit d'être informés, d'être rassurés, d'être
réconfortés, M. le Président.
Je pense que je n'ai jamais vu un gouvernement être
aussi responsable d'avoir aussi peu informé notre population. Pourtant,
il me semble que c'est là un des droits les plus fondamentaux, les plus
stricts. Que de questions se sont posées qui n'ont jamais reçu de
réponse, M. le Président. Jamais reçu de réponse.
Ça a pris 90 jours à savoir que c'était un attaché
politique, M. le Président. Mais qui, fondamentalement, était
porteur en autorité du dossier? Quel rôle jouait la GRC, M. le
Président? Est-ce que la menace d'un courant terroriste était
fondée, oui ou non? C'étaient des questions qui se posaient
quotidiennement, ça. La menace d'un courant terroriste était-elle
fondée? Le pont Mercier, une journée on disait qu'il était
peut-être miné, qu'il ne serait peut-être pas miné,
qu'il était peut-être endommagé. L'armée avait-elle
totalement carte blanche, oui ou non? Sur toute la ligne, oui ou non?
M. le Président, qui avait donné l'ordre de
l'assaut? Je l'ai dit tantôt, 90 jours après, on apprend qu'il le
savait. Quelles étaient les offres gouvernementales? Quels
étaient les contenus? Qu'est-ce qu'on offrait? Les journalistes n'ont
jamais pu le savoir. Quel était le mandat exact du ministre responsable
du dossier autochtone? Jusqu'où pouvait-il se rendre? Avait-il un mandat
du Conseil des ministres, M. le Président, bien étayé?
Là-dessus tu peux y aller. Sur ce point précis
d'intégrité du territoire, non. Je ne sais pas, on ne sait rien,
M. le Président, même après la crise. Pourquoi le premier
ministre ne s'est-il jamais rendu sur place? Croyez-le ou non, c'est M.
Parizeau qui l'a appelé pour lui dire: Rencontrez-donc les maires. Bien
oui, il les a rencontrés à Québec, après. On
était si peu informés que le chef de l'Opposition a
été obligé d'appeler, M. le Président, pour avoir
des informations. Le ministre de la Sécurité publique dit non. M.
le ministre de la Sécurité publique de l'époque est
allé au cabinet du chef de l'Opposition avec son sous-ministre, M.
Beaudoin, pour renseigner le chef de l'Opposition, M. le Président,
parce qu'on ne savait pas ce qui se passait. Est-ce assez grave? Et on voulait
jouer un rôle responsable. Et pour jouer un rôle responsable, M. le
Président, ça demande de l'information. On est à gratter,
miette par miette, pouce par pouce, les informations dans ce dossier, M. le
Président. Et je pourrais continuer, M. le Président, longuement.
(16 h 10)
Les citoyens avaient besoin de savoir, avaient besoin
d'être rassurés et d'être réconfortés. Tout
cela, tout ce qu'ils voyaient, ce sont de brèves apparations, de temps
en temps, du ministre de la région qui allait leur dire: Au lieu de
34,25 $, vous allez recevoir 34,64 $ par jour. Grosse nouvelle! Mais c'est
quoi, ça? Qu'est-ce qui arrive fondamentalement dans cette crise?
Ces gens-là avaient besoin de renseignements, ils
étaient à bout. Ce n'est pas surprenant, à ce
moment-là, c'est loin d'être surprenant que des gars comme M.
Poitras, M. Turcotte prenaient la TV et assumaient une forme de leadership, le
gouvernement n'était pas là. Ils s'organisaient comme ils
pouvaient. Vous le savez, la nature, ça a horreur du vide. Les gens
s'érigent en leaders, à ce moment-là. Il n'y en avait pas.
On ne savait pas qui était responsable de quoi. Comment voulez-vous
demander au ministre de la Sécurité publique du temps d'assumer
un leadership, il s'en allait à la TV dire qu'il s'était fait
avoir? Et l'autre qui disait: Je n'ai plus de mandat. Voyons, M. le
Président! Il ne faut pas se surprendre que du monde se soit
improvisé leader. Bien sûr, ils se sont érigés en
leaders et ils ont essayé de représenter le mieux possible la
population parce que leur gouvernement était absent.
M. le Président, rappelez-vous les gestes qui ont
été posés. Le blocus du pont Mercier par les gens de
LaSalle et toutes les scènes de lapidation, ce n'était pas beau
à voir. Mais quand les gens n'ont plus de gouvernement, quand les gens
ne savent plus à qui s'en remettre, ils s'organisent spontanément
eux-mêmes. Et il y a des leaders qui avancent et qui disent: Bien, on va
se faire justice, d'abord. C'est ça, fondamentalement. Le gouvernement a
été absent, complètement absent de cette crise et, quand
il posait des gestes, c'était les pieds dans les plats ou bien il
admettait qu'il s'était fait avoir.
Je pourrais ramener un autre cas bien précis.
Comment la population pouvait-elle avoir confiance? Le ministre qui
négocie derrière les barricades signe un document avec des gens
armés, et prête son terrain pour bâtir un quai pour
permettre n'importe quoi. Pensez-y 30 secondes! Mettez-vous dans la peau, un
tant soit peu, une minute, mettez-vous dans la peau des citoyens ordinaires.
Mettez-vous dans la peau des citoyens qui vivent une crise et regardez
ça à la télévision, le soir: bourde par dessus
bourde. Et ils s'en remettent à qui, ces gens-là? Ils disent:
À qui je peux faire confiance? Qui peut nous sortir de là? M. le
Président, ne demandez pas pourquoi les gens sont aigris. Ne demandez
pas pourquoi. Et ce sont les effets négatifs d'une telle crise qui sont
dangereux, vous le savez, M. le Président. Il restera des plaies
énormes, des cicatrices qui prendront du temps à se refermer. Et
il faut pourtant, dans les plus brefs délais, renouer avec ces
communautés, faire un pas entre les communautés pour qu'elles se
reparlent. Sinon, j'ignore où on s'en va.
L'absence d'information et le camouflage ont fait en sorte
que l'armée est rapidement devenue la seule bouée de sauvetage.
Et entre vous et moi, ça a été un soulagement, et on l'a
ressenti, nous qui circulions à travers le Québec: Ah! bien, au
moins l'armée, elle, donne des informations! Au moins, l'armée
nous dit ce qu'elle fait. Au moins, l'armée s'est comportée
correctement Au moins, l'armée n'avait pas l'air de vouloir cacher
quelque chose. Au moins, l'armée faisait quelque chose de positif. Quand
des citoyens sont rendus à organiser des fêtes pour leur
armée, moi, si j'étais ministre d'un gouvernement, je me poserais
une question. Parce que ce sont des fêtes en réaction à
l'absence d'autre chose. S'ils ont développé un tel leadership,
c'est parce qu'il y a quelqu'un qui n'a pas pris sa place au bon moment, 0 y a
du monde qui ne l'a pas exercé, son leadership. Je le
répète, la nature a horreur du vide. Il m'est apparu, dans cette
crise, que le gouvernement était absent de ça. Donc, il
était normal, pour des citoyens qui ne demandent pas plus que
d'être informés, d'être rassurés et d'être
réconfortés... Mais s'il n'y a personne qui le fait, celui qui le
fait devient son héros, sa bouée de sauvetage, la personne qu'on
doit admirer, parce que c'est ça qu'on doit faire durant une telle
crise, M. le Président.
Je ne reviendrai pas, sans doute, sur tout ce qui s'est
passé, les signatures, le quai, j'en ai parié. J'avais le
goût, même, de vous parier pendant quelques minutes des ministres
qui se promenaient avec leur veste "antiballes". C'a apporté un gros
apport à la crise, ça! Mais cela dit, il y a des questions
très graves qui restent en suspens. Il y a des choses très graves
qui se sont produites et sur lesquelles il y aura du questionnement en cette
Chambre et, je pense, sur lesquelles on devrait faire toute la lumière
pour les plus grands intérêts du Québec et des institutions
du Québec.
M. le Président, vous comprendrez que je ne
traiterai pas du tout de cas où il y a eu des arrestations parce que
c'est sub judice et je sais que notre règlement est clair
là-dessus. Mais j'ai entendu en cette Chambre, au cours des
séances du mois d'août où on a siégé à
deux reprises, le ministre de la Justice et j'ai entendu le ministre de la
Sécurité publique d'alors nous dire qu'il y aurait justice
égale pour tout. Il y a des événements qui se sont
produits, qui risquent fort que justice ne soit pas appliquée, qui
risquent fort que l'équité dans l'application de la justice, ce
soit de la bouillabaisse, de la bouillie pour les chats. Je vais vous en donner
quelques exemples.
Que dire, par exemple, du pont aérien? 75 minutes.
L'armée nous dit quoi? Pas de mandat d'intervenir. La
Sûreté était au courant? Oui, elle nous dit. La GRC le
savait? Également, M. le Président. Tous les corps policiers le
savaient. On avait promis qu'il n'y aurait pas d'immunité pour personne
et, pourtant, ce sont de véritables sauf-conduits déguisés
qu'on a permis, M. le Président. Au fait, où sont les 150
Warriors du début? Où sont-ils, les 150 du début?
Où est tout l'armement identifié? Ce n'était
sûrement pas - je répète ce que j'avais dit à
l'époque - ce pont aérien qui aurait pu être
empêché, parce qu'on nous assure que dans l'espace de 15
minutes, à Saint-Hubert, on a tous les moyens pour
au moins suivre et regarder les destinations et on pourrait môme faire
plus, on pourrait même arrêter quelqu'un qui cherche à voler
à basse altitude du genre, et ça ne s'est pas fait. Et sans doute
qu'on tentera de faire la lumière sur ces faits. Sans doute! On pourra
même fournir des noms à M. le ministre, à savoir qui est
propriétaire. Je ne crois pas que ce soient des cartes de bingo qu'on
sortait de là. Ça, c'est de quoi, entre vous et moi, faire
pleurer ou rire le plus taciturne des Québécois, de quoi faire
honte aussi, par contre, à n'importe quel homme ou femme politique, de
quoi inquiéter le plus brave de nos concitoyens.
M. le Président, je voudrais un petit peu me
résumer avant la fin de mon exposé, mais je vous dirai ceci. Le
gouvernement savait. Il savait qu'il y avait des armes, il savait que la
tension montait, il savait que les conseils de bande avaient de la
difficulté, il savait que les armes entraient en masse, comme on dit en
bon québécois. Le ministre Savoie savait et avait écrit.
Le ministre par intérim savait qu'il y avait une intention
policière. Le ministre délégué aux Affaires
autochtones, le nouveau, disait: De grâce, suspendez vos actions. On a
laissé tout faire ça. Donc, on est responsable de tout ça,
de tout ça, M. le Président, de tout ça. Je n'en reviens
tout simplement pas. On le savait, on avait les informations, on a
laissé tout faire et on n'a pas assumé de leadership, M. le
Président. (16 h 20)
M. le Président, je répète une chose:
un ultimatum de 48 heures qu'on lance sans y donner suite, ça couvre de
ridicule un gouvernement et un homme public. Un ministre qui admet s'être
fait avoir candidement, à deux reprises, ne peut pas obtenir la
confiance d'un public. Des scènes disgracieuses de dilapidage ou de
lapidage de voitures, comme on a vues, ça couvre de ridicule un peuple,
une société. La violence excessive qu'on a vue à
Saint-Louis-de-Gonzague, ce n'est pas correct; ce n'est pas ça qui
redore le blason d'une société. Un gouvernement qui semble
complètement avoir perdu le contrôle et qui s'en remet à
l'armée, ça n'a aucun bon sens pour redorer le blason d'une
société. La SQ qui fait des commentaires d'ordre politique, c'est
plus ou moins acceptable, M. le Président. Des ministres orphelins et
une vice-première ministre qui dit: Revenez, M. le premier ministre, on
ne sait plus quoi faire! Oui, s'il peut arriver et s'il peut faire le
ménage! Rappelez-vous les propos de la vice-première ministre. Un
gouvernement qui donnait une image de débandade, qui ne savait pas quoi
faire, M. le Président. Ça diminue le leadership; ça
diminue les institutions. Ce n'est pas de nature à rehausser le prestige
des institutions d'un État. La réputation de notre système
judiciaire est entachée, M. le Président; la réputation du
ministère de la Sécurité publi- que, M. le
Président, est passablement amochée. Nous avons donc, devant
nous, M. le Président, un gouvernement qui a carrément
refusé d'assumer un leadership politique, un gouvernement qui a mis en
péril la crédibilité de l'État
québécois et de ses institutions. Le gouvernement n'aura pas
réussi, M. le Président, à faire en sorte que les
autochtones acceptent le Québec comme un interlocuteur valable.
Pourtant, le québec fut tout de même à
l'avant-garde au canada en ce qui a trait au traitement réservé
aux premières nations, m. Le Président. que ça fait mal
d'entendre des déclarations, en ce qui me concerne, en tout cas, de
george erasmus, que ça fait mal également de lire la
résolution du parlement européen. c'est ça
fondamentalement qui est arrivé au québec comme suite et
ça, ça fait mal pour quelqu'un qui a la fierté de son
peuple, de son pays, de son territoire, de son gouvernement et de ses
institutions, m. Le Président. ça n'a pas l'air de les
ébranler du tout ça, eux autres.
On se retrouve dans une situation si ridicule, M. Le
Président, que c'est à l'opposition officielle qu'il est revenu
de prendre la défense de nos institutions, parce que le seul vrai
gagnant dans tout ça, je pense que ça a été
l'armée, M. Le Président.
L'après-crise n'est pas terminée du simple
fait du retrait de l'armée, M. Le Président. j'exhorte les
députés libéraux, en particulier, à faire en sorte
que leur gouvernement n'oublie pas que les tensions perdurent. les familles
victimes de la crise et les solutions de fond à apporter au
problème doivent être des préoccupations constantes et
quotidiennes. la crise est finie, mais il y a des séquelles qu'il faut
corriger, M. Le Président. le gouvernement doit mettre la population
locale dans le coup. il doit rehausser la crédibilité des
conseils de bandes élus et surtout, puisqu'ils sont au coeur du
problème, il doit rehausser la crédibilité de la
sûreté du québec, de son propre gouvernement et
rétablir un minimum de climat de confiance et ce, en déclenchant,
m. Le Président, une véritable enquête publique. mais ce
n'est pas ce que nous avons depuis quelques jours, m. Le Président, nous
avons pire. nous avons un gouvernement qui refuse d'assumer ses
responsabilités, un gouvernement qui ne cherche que des boucs
émissaires, un gouvernement qui veut abrier la vérité, M.
Le Président.
Quand je dis qu'une véritable enquête publique
s'impose, j'en ai la conviction, M. le Président. On n'a pas le droit,
pour des choses beaucoup plus petites en répercussion, pour des
événements de beaucoup moins d'envergure, avec beaucoup moins
d'ampleur... M. le Président, nous avons eu des enquêtes publiques
pour toucher du doigt les responsabilités, pour toucher du doigt les
véritables enjeux, les véritables problèmes et nous faire
démarrer dans une autre voie, M. le Président.
Je vous le dis très sincèrement, j'ai la conviction
profonde, M. le Président, que, sans une enquête publique, sans
une enquête profonde, avec un mandat large qui tiendrait compte, à
la fois des aspirations, des demandes, des responsabilités de chacun,
avec des recommandations pour agir dans l'avenir, je pense qu'on ne fait que
retarder l'échéance d'autres crises. Si l'on veut que le
Québec redevienne cette terre paisible avec une population accueillante,
une population tolérante que nous avons toujours été au
Québec, si on ne veut pas que cette crise se perpétue, il nous
faut faire le point; non pas faire le point en essayant de mettre le couvercle
sur la marmite pour ne pas que rien sorte. S'il y a des responsables, ils
doivent être pointés du doigt, et c'est le risque que prend un
homme ou une femme politique en se faisant élire. Un gouvernement
transparent ne doit pas craindre, ne doit pas craindre, ne jamais craindre
d'étaler au grand jour ses décisions, de porter le fardeau de ses
décisions s'il doit le porter. Mais il n'a pas le droit de faire croire
à une population qu'il est victime d'un événement
malheureux. Le gouvernement Bourassa n'est pas victime de
l'événement malheureux de cet été. Il savait tout
et il y a longtemps qu'il savait tout, mais il n'a rien fait pour
l'éviter. Puis quand on ne fait rien pour éviter quelque chose,
on est responsables de ce qui arrive. Donc, qu'on ne joue pas à la
"pleurine" pour essayer de montrer qu'on est victime. On pourra, bien
sûr, essayer de camoufler, mais, tôt ou tard, la
vérité sort. Quand on se dit être la vérité,
j'espère qu'on dira toujours la vérité, M. le
Président. Ça, c'est important qu'il n'y ait pas l'ombre d'un
doute dans l'esprit de nos concitoyens sur ce qui s'est passé.
J'espère que tout le monde comprend ça. On a le droit de savoir
ce que ça a coûté. On a le droit de savoir les programmes
correctifs, par exemple aux victimes qui ont eu du saccage. On a le droit de
savoir ce qui s'est passé dans les ponts aériens. On a le droit
de savoir où sont les armes, comment elles sont entrées?
Qu'est-ce qui a été fait pour les récupérer? On a
le droit de tout savoir ça, comme peuple québécois, parce
qu'on a élu un gouvernement pour qu'il s'en occupe. Si le gouvernement
ne s'en occupe pas, M. le Président, si le gouvernement fait fi de
toutes ces demandes, c'est que le gouvernement a peur d'étaler au grand
jour sa grande part de responsabilités. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de
l'Opposition officielle. Je reconnais maintenant le prochain intervenant, M. le
ministre de la Sécurité publique. M. le ministre.
M. Claude Ryan
M. Ryan: M. le Président, j'écoutais avec
intérêt le leader de l'Opposition. En l'écoutant, j'avais
l'impression d'entendre la personne qui a été mise en possession
d'un livre, qui en a lu peut-être une dizaine ou une quinzaine de pages,
qui n'a pas eu le temps de lire tout le volume et qui, par conséquent, a
manqué la trame tout en ayant quelques souvenirs qui, parfois, sont
conformes à la réalité.
Je voudrais, aujourd'hui, rappeler la trame des
événements, la trame véritable de l'action
gouvernementale, pour que tous les petits coups de pinceau particuliers qu'a
tenté de donner le député de Joliette soient situés
dans leur véritable perspective et puissent être l'objet de
jugements plus équilibrés que ceux qu'il porte dans son esprit
essentiellement négatif à l'endroit du gouvernement. Du mois de
mars au début d'octobre, le gouvernement et la population du
Québec ont dû faire face à une série de
désordres qui furent parmi les plus complexes, les plus lourds de
conséquences et les plus coûteux de toute l'histoire politique du
Québec. Mon collègue, le ministre délégué
aux Affaires autochtones, exposera dans le cadre de ce débat les grandes
lignes de la politique du gouvernement concernant les populations
amérindiennes implantées sur le territoire du Québec. Je
m'appliquerai, pour ma part, à rendre compte de la manière
hautement civilisée et responsable dont le gouvernement du Québec
a su gérer, sous l'angle de la sécurité publique, cette
situation sans précédent. (16 h 30)
Dès le début de la crise, le gouvernement s'était
fixé trois objectifs dont il n'a jamais dévié: un premier
objectif visait le règlement du conflit par des voies pacifiques; un
second objectif visait le règlement du conflit sans qu'il soit
porté atteinte aux droits fondamentaux des citoyennes et des citoyens du
Québec et un troisième objectif visait le règlement du
conflit par la voie de la négociation.
Au cours des 78 jours qu'a duré la crise, il y eut sans doute un
certain nombre de signes d'hésitation, d'erreurs tactiques, de pages
plus sombres les unes que les autres. La nature même du mode d'action
qu'avait retenu le gouvernement exigeait de lui une aptitude continuelle
à s'adapter aux événements, à ajuster son action
aux objectifs qu'il s'était fixés en même temps qu'aux
exigences sans cesse nouvelles des situations inédites qui surgissaient
chaque jour. Qu'il y ait eu dans ce cheminement, long, pénible et
souvent obscur, un certain nombre de fautes, un certain nombre de carences,
voire un certain nombre, heureusement fort limité, d'incidents
regrettables, il y a certes lieu de le déplorer, et il faudra en toute
objectivité tenter de comprendre comment et pourquoi ces
événements ont pu se produire et surtout, définir les
moyens à prendre en vue d'en empêcher la
répétition.
Ce que l'on doit toutefois retenir par-dessus tout si l'on veut
apprécier les événements avec impartialité, c'est
la remarquable constance avec laquelle le gouvernement est demeuré
fidèle
pendant toute la durée de la crise, aux objectifs qu'il
s'était fixés. Tandis qu'au début de la crise, le chef de
l'Opposition, dans des propos qui ne font pas honneur à sa formation
politique, invoquait carrément le recours à la force armée
pour déloger les Mohawks du pont Mercier et il déplorait
même - et, ici, je reprends ses propres termes - "qu'on ne soit pas
rentré dedans tout de suite", le gouvernement n'a cessé, du
début à la fin du conflit, de promouvoir et de rechercher
activement une solution d'où seraient absentes toute pensée
d'écrasement par la force, et encore davantage toute effusion de sang
qui eut risqué d'envenimer le conflit et d'entacher à jamais la
réputation du Québec.
Au début, il y eut, reconnaissons-le, l'épisode malheureux
du 11 juillet sur la côte Saint-Michel à Oka. Au cours de
l'affrontement armé qui eut lieu ce jour-là aux petites heures du
matin, un valeureux officier de la Sûreté du Québec, le
caporal Marcel Lemay, perdit la vie. Il fut enlevé à sa famille
et à ses camarades de travail dans un climat enveloppé de douleur
et de tristesse. Mais le sacrifice du caporal Lemay aura eu des effets
bienfaisants. Il aurait pu donner lieu de la part de ses confrères
à un sursaut de haine et de vengeance. Fort heureusement, il n'en fut
rien car à partir du jour tragique où le caporal Lemay perdit la
vie, les agents de la Sûreté du Québec, obéissant
loyalement aux consignes émises par leurs supérieurs,
s'employèrent de manière très générale
à maintenir et à promouvoir l'ordre public sans recourir aux
moyens d'intervention forte qui leur sont conférés par la
société. Des incidents regrettables ont pu assombrir en quelques
occasions l'image créée par la conduite des policiers de la
Sûreté du Québec. De manière très
générale, cependant, et j'en fus le témoin à
d'innombrables reprises dans la région d'Oka, leur conduite a
été digne de leur mission. Ils ont cherché à
pacifier, à contenir, à retenir. Ils ont été en
même temps respectueux des personnes et de leurs droits.
Ce que je viens de dire de la Sûreté du Québec vaut
aussi pour les populations plus directement touchées par le conflit
amérindien. À Oka, j'ai pu vérifier à maintes
reprises, et le député de Deux-Montagnes corroborera ces
observations dans son intervention ce soir, les épreuves qu'ont dû
subir des centaines de citoyens. Chassés de leur demeure par des
agresseurs armés et menaçants, empêchés de vaquer
à leurs commerces et entreprises, incapables de conduire à terme
les récoltes généreuses que promettait un
été exceptionnellement propice à la culture du sol,
empêchés de circuler librement dans leur propre région, des
citoyens nombreux ont connu, en raison de la crise, un été que je
n'hésite pas à qualifier d'infernal. Mais on chercherait en vain
chez la population d'Oka les traces d'une attitude vengeresse ou de
comportement provocateur. Au contraire, les personnes touchées par la
crise ont supporté cette épreuve avec une dignité qui les
honore. Leur comportement fut à l'image de celui que le gouvernement
s'employait à maintenir.
Dans la région de Châteauguay et Kahnawa-ke, les
réactions de la population furent à certains jours beaucoup plus
vives, beaucoup plus empreintes d'impatience. Exploités sans vergogne
par des démagogues irresponsables, ces sentiments
débouchèrent à quelques reprises sur des manifestations
déplorables de violence et de désordre. Si l'on examine,
cependant, la trame complète de la crise dans la région de
Châteauguay et Kahnawake, force est de reconnaître que, là
aussi, cette vis sustinendi - c'est une expression latine que j'emprunte
à saint Thomas d'Aquin - cette capacité d'endurance dont pariait
Thomas d'Aquin naguère et dont il disait qu'elle est bien plus porteuse
de force véritable que les assauts agressifs auxquels certains se
livrent sous l'empire de la passion, cette force d'endurance fut à
l'ordre du jour et elle restera comme l'un des traits caractéristiques
de l'attitude de la population et du gouvernement pendant la crise
amérindienne.
On me permettra à cet égard de rappeler un souvenir qui
restera pour moi l'un des plus émouvants de tout ce chapitre de notre
histoire. Je m'étais rendu un soir rencontrer, à
Châteauguay, un groupe de commissaires d'écoles et de parents afin
de discuter avec eux de la manière dont serait assurée à
la fin d'août la reprise des travaux scolaires. C'était au
début du mois d'août. J'entendis alors avec inquiétude
certains parents me dire qu'ils ne pourraient accepter que leurs enfants se
retrouvent à l'avenir dans les mêmes écoles et les
mêmes classes que les enfants amérindiens qui avaient
été leurs condisciples avant l'éclatement de la crise. Mon
inquiétude devait toutefois être de courte durée. À
peine deux semaines plus tard, avec l'appui des enseignants, des
élèves concernés et d'une majorité de parents, la
commission scolaire catholique de Châteauguay décidait à
l'unanimité de réintégrer sans restriction dans ses
écoles les élèves amérindiens qui y étaient
inscrits avant la crise et la rentrée se fit dans un climat de calme,
d'harmonie et de collaboration qui préfigure l'esprit dans lequel nous
souhaitons tous que se développent, à l'avenir, les relations
entres les populations autochtones et la population blanche au
Québec.
Après que le conflit eut duré plusieurs semaines et alors
qu'il semblait devoir s'éterniser, devant l'évidence du rapport
inégal de force créé par les armements nombreux et
puissants dont disposaient les Warriors, le gouvernement décida de
requérir du gouvernement fédéral l'intervention des Forces
armées canadiennes. Cette intervention était devenue
indispensable. Dès le début, elle fut toutefois inspirée
par la réticence délibérée à l'endroit de
tout recours pur et simple à la force. Venant
d'un corps que l'on identifie d'ordinaire à l'action
forte, cette attitude avait de quoi étonner, mais la crise
amérindienne nous aura permis de découvrir que l'armée
canadienne, mûrie par de nombreuses missions de paix à travers le
monde, est beaucoup plus intéressée à promouvoir la paix
qu'à pratiquer la guerre. L'armée est venue au Québec
comme une force de paix et non comme une force d'agression. L'esprit dans
lequel elle a accompli sa mission était exactement le même que
celui dont s'est inspiré le gouvernement du Québec dans la
gestion de la crise. Cette convergence profonde explique sans doute
l'excellente qualité des rapports qui s'établirent dès le
début entre les Forces armées canadiennes et les dirigeants
démocratiquement élus du Québec. Les Forces armées
ont fourni un exemple éloquent de collaboration loyale avec le pouvoir
civil. Leur séjour parmi nous laissera un souvenir ineffaçable
dans l'esprit de celles et de ceux qui les ont vues à l'oeuvre. Aux
Forces armées canadiennes et à leurs représentants qui ont
valeureusement secondé et épaulé le gouvernement du
Québec et sa population pendant la crise amérindienne, j'adresse
des remerciements sincères du gouvernement et de la population du
Québec et plus particulièrement des remerciements des populations
qui furent immédiatement touchées par la crise
amérindienne. (16 h 40)
C'est grâce à des comportements comme ceux
dont je viens de parier que nous sommes sortis sans effusion de sang de cette
longue et douloureuse nuit qu'aura été pour le Québec
l'été de 1990. Y a-t-il beaucoup d'autres sociétés
qui auraient pu subir aussi longtemps un véritable siège
armé dans leurs murs, à quelques kilomètres de leur
métropole, sans céder à la tentation de recourir à
la force pour maîtriser la situation? On me permettra d'en douter. Sans
disposer de statistiques à ce sujet, j'affirme sans hésitation,
avec une conviction profonde, que le Québec et son gouvernement ont
donné pendant la crise amérindienne un exemple remarquable de
conduite respectueuse de la valeur irremplaçable de la vie humaine.
Certains, qui n'en comprenaient pas toujours la manifestation quotidienne, ont
pu voir, à certains jours, dans la lenteur extérieure et la
patience de l'action gouvernementale, des signes de faiblesse. Mais une fois
l'épreuve surmontée, ils voudront reconnaître, j'en suis
convaincu, que la véritable force, dans une situation comme celle que
nous avons vécue l'été dernier, est celle qui, au lieu de
se dégainer sans entraves et sans contrôle, se distingue au
contraire par son aptitude à se contenir dans des bornes
raisonnables.
Deuxième caractéristique de la conduite du
gouvernement, le respect qu'il a su conserver, du début à la fin,
pour les libertés fondamentales garanties dans nos chartes
québécoise et canadienne des droits de la personne. Par une
éloquente coïncidence, on nous a rappelé ces temps derniers
le vingtième anniversaire des troubles d'octobre 1970, provoqués
par le Front de libération du Québec. Les actes commis par le FLQ
donnèrent lieu, on s'en souvient, à une réaction
gouvernementale très dure, laquelle se traduisit par le recours à
la Loi sur les mesures de guerre, par la mise en veilleuse de plusieurs
libertés fondamentales, par des perquisitions, par des saisies et des
arrestations dont la très grande majorité furent impossibles
à justifier par la suite.
Le gouvernement du Québec, se souvenant de cet
épisode pénible de notre histoire, voulait, à juste titre,
en empêcher la répétition à l'occasion de la crise
amérindienne. Aussi, toutes les précautions furent prises
dès le début de la crise pour assurer que seraient
respectés les droits garantis par les chartes. Très tôt, il
fut établi, sans que cette décision soit jamais remise en
question, que le gouvernement éviterait les recours législatifs
qui eussent pu le soustraire à l'obligation de respecter les droits et
libertés garantis dans nos chartes. Ensuite, à chaque
étape de l'action - et j'en fus le témoin direct - une attention
vigilante fut apportée à la définition de
stratégies et au choix de moyens d'action respectueux de la lettre et de
l'esprit des chartes de droit.
Je ne veux pas verser dans l'exagération, mais je
crois sincèrement que peu de sociétés au monde pourraient
se vanter d'avoir traversé une crise aussi sérieuse que celle que
le Québec a connue l'été dernier, sans avoir
supprimé ni mis en veilleuse aucun droit fondamental des citoyens.
Je constatais l'autre jour en examinant, à mon
nouveau titre de ministre de la Sécurité publique, certaines
factures reliées à la crise amérindienne, que le
gouvernement a versé des sommes importantes pour la venue et le
séjour au Québec d'observateurs étrangers, investis d'une
mission de surveillance, dont certains auraient eu profit à s'acquitter
d'abord chez eux, quant au respect des droits et libertés dans les
territoires immédiatement touchés par la crise
amérindienne. Seul un gouvernement profondément attaché
aux libertés fondamentales était capable de s'imposer de
lui-même, de sa propre volition, des contraintes semblables.
Le gouvernement du Québec a consenti, sans
arrière-pensée, à diverses formes d'intervention dont
l'objet était d'assurer le respect des droits fondamentaux. Je pense,
par exemple, à la Croix-Rouge, laquelle se vit confier un rôle de
premier plan, en vue d'assurer la libre circulation des vivres et des
médicaments parmi la population vivant dans les territoires soumis au
contrôle armé des Warriors.
On a pu assister, depuis la fin du siège qui a
sévi à Oka jusqu'au début de ce mois, à un grand
nombre d'arrestations en relation avec les délits commis pendant la
crise. A-t-on remarqué
que la quasi-totalité des personnes arrêtées ont pu
obtenir des tribunaux leur libération en attendant la tenue de leur
procès? Ces faits n'ont rien d'extraordinaire pour qui les juge à
l'aune de notre tradition judiciaire canadienne. Ils reflètent tout
simplement notre façon de voir et notre façon de faire. Par le
comportement qu'ils ont adopté pendant la crise amérindienne, le
Québec et son gouvernement sont sortis de la crise avec dignité,
sans avoir entaché l'histoire de ce pays au chapitre du respect des
libertés. À moins que l'on ne soit masochistes, comme c'est
hélas souvent le rôle que s'attribue l'Opposition, ou de mauvaise
foi, ce que je ne veux pas croire, il y a là matière à
fierté, et non pas à dénigrement pour notre
société. À nos concitoyens qui auraient souhaité
par moments une action plus musclée du gouvernement, je rappelle que
nous poursuivions tous le même objectif, qui était le retour
à la vie normale dans les meilleures conditions. Mais il y aurait eu un
prix potentiellement très élevé, voire tragique à
payer, pour une approche violente qui eut peut-être procuré plus
vite l'objectif recherché, mais qui eut entraîné en
même temps la suppression ou la mise en veilleuse de certaines
libertés, en même temps que des risques beaucoup plus
élevés pour la perte de vies humaines.
J'ajoute, en troisième lieu, que le gouvernement a
recherché aussi longtemps que cela fut possible un règlement
négocié de la crise amérindienne. Dès le
début de la crise et bien avant l'éclatement du 11 juillet, le
gouvernement, par la voix du ministre délégué aux Affaires
autochtones et du premier ministre lui-même, se déclarait
favorable à la recherche d'une solution négociée. Comment
ne pas souligner les initiatives nombreuses que prit à cette fin le
ministre délégué aux Affaires autochtones, parce qu'il
était conscient de la dimension politique du conflit, parce qu'il savait
que, par-delà le caractère reprehensible de certains actes, il y
avait des revendications authentiques auxquelles le Québec ne pouvait
pas être indifférent? Le gouvernement, à de nombreuses
reprises, se laissa gagner par l'espoir d'un règlement
négocié. Il prit lui-même l'initiative de propositions
cons-tructives, dont les plus importantes furent sans doute celles que
contenait une déclaration émise le 27 juillet et dans laquelle le
gouvernement s'engageait à faire droit à maintes revendications
des communautés autochtones concernées. Le gouvernement se
prêta, sans arrière-pensée, à une médiation
instituée par le gouvernement fédéral, sous la
présidence du juge en chef Alan Gold, de la Cour supérieure du
Québec. À la suite de cette médiation, le gouvernement
consentit à entreprendre de bonne foi une nouvelle ronde de
négociations avec les représentants des communautés
mohawks. Et ceci, que je viens de souligner, bien plus important que l'erreur
particulière qui a été évoquée tantôt
par le leader de l'Opposition concernant la fameuse cérémonie de
signatures, nous convenons tous que ce fut une maladresse. Il n'y a pas de
discussion là-dessus. On n'a pas besoin d'enquête pour conclure
que ce fut une maladresse, on le sait. Mais l'essentiel de la démarche
était là quand même, et je veux remercier mon
collègue, l'ancien ministre délégué aux Affaires
autochtones, du zèle et de la conviction profonde qu'il a
déployés pour rechercher, avec l'encouragement de ses
collègues, un règlement négocié. On n'en a pas
entendu parler, de ça, dans la critique qui a été faite.
Tout ce qu'on s'est rappelé, c'est le visage masqué qui
était apparu un certain soir. Voyons donc l'essentiel avant de se perdre
dans les détails, M. le Président. Comme les
précédentes, cette dernière tentative de
négociation vint malheureusement se briser sur le récif de
l'intransigeance des porte-parole mohawks. Ce n'est qu'après avoir
tenté loyalement de négocier que le gouvernement a dû, de
guerre lasse, se résigner à ne plus attendre de résultat
immédiat de ce côté.
Un dernier trait de l'action du gouvernement dans la crise doit
être souligné. Je veux parler de l'aide concrète mise en
oeuvre pour assister les victimes de la crise, c'est-à-dire les
personnes atteintes dans leurs libertés fondamentales et leurs biens les
plus chers par la violence de ceux qui s'étaient mis dans une
véritable situation d'insurrection armée. Initiés, en
partie du moins, à ce genre de défis par les situations d'urgence
auxquelles il avait dû faire face à Saint-Basile et Saint-Amable
au cours des deux années précédentes, le gouvernement
reconnut rapidement que les personnes chassées de leur domicile ou de
leur commerce par la violence étaient des victimes innocentes envers
lesquelles des gestes de solidarité s'imposaient au nom de la justice la
plus élémentaire. (16 h 50)
Dès le 1er août, un premier décret était
adopté, prévoyant le versement d'indemnités de logement et
de subsistance à l'intention des personnes évincées de
leur domicile en raison de la crise. Une semaine plus tard, soit le 8
août, un second décret était adopté. Celui-là
prévoyait le paiement d'indemnités au titre des pertes
reliées à des dommages causés aux biens meubles ou
immeubles ainsi qu'au titre de pertes de revenu subies par des producteurs
agricoles et divers types d'entreprises à caractère local. Le
décret donnait également aux municipalités
concernées l'assurance qu'elles seraient remboursées pour les
dépenses extraordinaires encourues en relation avec la gestion de la
crise sur leurs territoires respectifs. Le 15 août, un troisième
décret instituait des allocations de compensation à l'intention
des employeurs ayant été forcés d'engager du personnel
occasionnel ou d'exiger du temps supplémentaire de leurs employés
ou encore, de louer des équipements ou des locaux parce qu'ils n'avaient
pas accès à ceux qui leur appartenaient. Le 29 août, le
Conseil des minis-
très adoptait un quatrième décret.
Celui-ci comportait le versement d'indemnités aux personnes
empêchées de travailler en raison de la crise, ou ayant dû
faire face à des dépenses de transport accrues par suite de la
fermeture de certaines routes, et des longs et coûteux détours que
des milliers de personnes durent emprunter pendant cette période.
Finalement, le Conseil des ministres adoptait hier un
cinquième décret. Celui-ci apporte des solutions au
problème de divers types d'entreprises qui subirent des pertes
substantielles en raison de la crise, mais qui n'avaient pas été
incluses dans les décrets antérieurs. Je suis heureux de dire
à l'un de nos amis de la région d'Oka qui est l'un de ceux dont
l'entreprise a le plus souffert - il se reconnaîtra dans mes paroles -
que son cas est compris dans le décret qui a été
adopté hier, et que nous verrons à le rencontrer rapidement pour
que justice lui soit faite, de même qu'à de nombreux autres. Je
serai heureux de livrer, au cours des prochains jours, aux responsables
d'entreprises et à la population des deux régions
concernées, accompagné des deux députés
concernés, le député de Deux-Montagnes et la
députée de Châteauguay, les éléments de ce
programme de compensation méritée aux responsables de certaines
entreprises qui n'avaient pas pu être incluses jusqu'à
maintenant.
Ces diverses mesures gouvernementales furent
complétées par la présence dynamique, sur les lieux
même où les problèmes se posaient, de représentants
de la Direction générale de la sécurité civile.
Appuyée par quelque 150 fonctionnaires permanents ou occasionnels, la
Direction de la sécurité civile a vu à mettre à la
disposition des personnes concernées l'information et l'assistance
permettant de traduire en actions concrètes et
généralement immédiates les décisions
gouvernementales. Pendant toute la durée de la crise, les bureaux
installés dans les deux régions de Châteauguay et d'Oka ont
été de véritables ruches de travail. On a vu y
défiler des citoyennes et des citoyens en très grand nombre. La
Direction de la sécurité civile estime à plus de 15 000 le
nombre de personnes qui ont visité, pendant la crise, les bureaux
établis à Oka, Saint-Eustache, Châteauguay, Pointe-Claire,
Sainte-Catherine, Delson, Saint-Isidore et Saint-Constant. Et l'action de ces
bureaux fut rendue mieux adaptée et plus efficace par les liens
étroits de collaboration que la Direction de la sécurité
civile sut établir avec les représentants des
municipalités et des corps intermédiaires des régions
concernées.
Dans la même ligne, je veux rendre hommage au travail
de liaison et de soutien auprès de la population accompli par la
Sûreté du Québec. On connaît trop souvent la
Sûreté uniquement sous le visage plutôt
désagréable de l'agent qui vous arrête le long de la route
pour Un délit de vitesse, ou encore sous les traits de celui qui s'est
distingué par ses hauts faits contre des malfaiteurs. On ignore trop
généralement le rôle proprement civique qui incombe aussi
à l'agent de la paix. Au plus fort de la crise amérindienne,
j'appris avec plaisir, à une réunion à laquelle nous
étions présents tous les deux, le député de
Deux-Montagnes et moi-même, de la bouche des représentants de la
Sûreté du Québec à Oka, que notre force
policière avait déjà mis au point, avant même la fin
de la crise, un programme élaboré visant à faciliter le
retour des citoyens à la vie normale.
Très tôt, enfin, la crise revêtit aux
yeux du gouvernement une importance telle qu'un comité spécial de
cinq ministres, auquel avaient été adjoints le Secrétaire
générai du gouvernement, le chef de cabinet du premier ministre
et un adjoint de celui-ci ainsi que l'attachée de presse du premier
ministre, afin d'assurer la gestion de la crise... À compter de sa
création, je crois que c'est le 19 juillet, le comité assura la
direction de l'action gouvernementale sous l'autorité ultime du premier
ministre. Le comité se réunit très fréquemment
pendant tout l'été, s'adjoignant au besoin des
représentants au plus haut niveau de la Sûreté du
Québec et des ministères concernés. Ce comité
ministériel joua un rôle relativement discret, mais intense,
indispensable et très efficace. C'est à lui ainsi qu'à la
volonté clairement exprimée du premier ministre que l'on est
redevable de la constance exemplaire déployée par le gouvernement
dans la poursuite des objectifs de règlement pacifique du conflit, de
respect inviolable des droits fondamentaux, de recherche d'une solution
négociée et de solidarité agissante qui ont
caractérisé l'action du gouvernement pendant la crise
amérindienne.
Ce rappel trop bref de la véritable histoire de
l'action gouvernementale pendant la crise amérindienne permet de voir
combien est injuste, partial et mesquin le jugement que l'Opposition, dans son
aveuglement, voudrait voir adopté par l'Assemblée nationale
concernant la conduite du gouvernement. Res ipsa loquitur, disaient les
Anciens; le dossier de cette crise parie par lui-même pour qui sait lire
et écouter. Il témoigne que le gouvernement a su procurer pendant
les jours difficiles de la crise un leadership dont les traits
caractéristiques furent non pas l'inflation verbale ou la culture des
passions populaires ou la recherche d'une popularité facile, mais le
refus de la violence aveugle, le respect de la personne, l'acceptation d'une
popularité momentanée, le souci concret d'une solidarité
agissante envers les personnes atteintes dans leurs biens les plus chers et le
désir jamais oublié de ne pas compromettre
irrémédiablement pour l'avenir la qualité des rapports que
nous devrons toujours rechercher avec les communautés
améridiennes vivant sur te territoire du Québec.
Contrairement à ce que soutiennent les auteurs de
cette motion déplorable, le gouvernement a su, pendant la crise
amérindienne,
assumer et déployer un leadership politique et moral
inspiré par les idéaux les plus élevés de
civilisation, de respect et de responsabilité. Il a su non seulement
rassurer et réconforter. C'est facile, ça, d'aller faire des
émissions à la télévision pour dire: On est avec
vous autres, on sympathise avec vous. Le gouvernement a voulu non seulement
rassurer et réconforter, mais aussi et surtout assister et soutenir
concrètement et généreusement les citoyennes et les
citoyens directement touchés par la crise. Et lorsqu'on est près
des gens qui souffrent, on n'éprouve pas autant le besoin de le
proclamer sur la place publique. Quand on le fait, on se passe souvent de le
répéter et de le dire pour avoir l'air de se vanter. Le
gouvernement a su enfin conserver intacte, aux yeux de ses propres citoyens et
du monde entier - je le dis sans hésitation - la réputation que
possède le Québec d'être une société
vouée de manière indéfectible au respect du droit de tous
les citoyens à la paix et à la tranquillité publiques
ainsi qu'à la jouissance de leurs libertés fondamentales.
Je terminerai ces remarques en formulant quelques
commentaires au sujet d'un reproche que l'Opposition adresse au gouvernement,
à savoir celui de n'avoir pas su prévoir le conflit armé
qui a surgi cet été en tolérant, en pleine connaissance de
cause, pendant les mois qui précédèrent les
événements du 11 juillet et des jours suivants, l'accumulation
massive d'armes prohibées sur certains territoires et réserves.
(17 heures)
II est malheureusement vrai, M. le Président, que
depuis au moins une douzaine d'années - ça . remonte, je pense
que le député qui me regarde de l'autre côté s'en
souvient comme moi, à 1978; ce n'est pas une histoire de la semaine
dernière - depuis 1978, à la suite d'événements
malheureux survenus à Kahnawake, ce territoire a été
l'objet d'une surveillance policière inadéquate. Ce fut la
même chose dans le secteur d'Akwesasne dont on a beaucoup parlé
ces derniers temps. Il est non moins vrai que, pendant la même
période, on a vu se multiplier sur ces territoires diverses formes
d'activités commerciales ou autres à caractère souvent
illégal, sinon criminel. Lorsqu'elle fait cette constatation, à
grand renfort de déploiement verbal, l'Opposition n'apprend rien
à personne. Elle ne fait que rappeler des faits qui sont depuis
longtemps de notoriété publique, mais il est faux et injuste de
soutenir que le gouvernement aurait laissé sans réagir cette
situation malsaine se développer.
Pas plus tard que l'an dernier, la Sûreté du
Québec, de concert avec la GRC et la police ontarienne, faisait à
Akwesasne une intervention majeure, dont l'effet net aura été de
remettre sous l'autorité de la SQ et des deux autres corps de police la
surveillance policière sur tout le territoire de cette
réserve.
Si une solution n'avait pas encore été
apportée à certains problèmes sévissant à
Kahnawake et Oka, lorsque survint l'éclatement du 11 juBlet, ce
n'était pas à cause de l'indifférence que l'on tente,
à tort, d'imputer à la SQ et au gouvernement. C'était
plutôt parce qu'au lieu d'emprunter la voie de la force pure et simple,
le gouvernement voulait privilégier, en premier lieu, la recherche
d'arrangements négociés qui eussent permis d'obtenir, par des
voies moins risquées et moins destructives, des résultats plus
solides et plus durables.
Si l'on veut des exemples de cette stratégie
gouvernementale, je citerai à ce sujet deux documents dont la
signification est on ne peut plus éloquente. Le premier document remonte
au 21 juin 1989. Il émane de celui qui était alors ministre
délégué aux Affaires autochtones, M. Raymond Savoie. Dans
un mémoire sur la question amérindienne qu'il adressait alors au
Conseil des ministres, M. Savoie, après avoir fait état des
problèmes observés dans les trois communautés mohawks du
Québec, explorait les diverses solutions possibles. L'une des actions
possibles, écrivait M. Savoie, serait d'entreprendre des actions
policières. Ainsi, on pourrait augmenter la présence
policière à Oka, de façon à éviter de
nouveaux actes de vandalisme ou encore tenter, par ce moyen, de contrôler
la vente des cigarettes à Kahnawake ou la présence d'armes
à feu au même endroit. Bien que l'on ne puisse écarter
cette solution d'actions policières, dans les cas où la
sécurité publique l'exige, il apparaît - et ça,
c'est la conclusion d'un mémoire qu'on a trop souvent cité ces
dernières semaines de façon tronquée - concluait le
ministre, que cette solution ne pourrait qu'entraîner une escalade des
tensions et même être jugée comme provocatrice. De plus,
cette solution laisserait sans réponse plusieurs questions, comme celles
qui sont liées à l'autonomie et aux revendications territoriales.
Après avoir rejeté la solution du seul recours policier, M.
Savoie concluait dans son mémoire à la nécessité
d'actions concertées dont les formes seraient appelées à
varier pour chacune des trois communautés, mais dont l'essentiel devait
être recherché par la voie de la négociation.
Un second document que je veux citer est une lettre
adressée le 24 novembre dernier à M. Sam Elkas, alors ministre
des Transports, par M. John Ciaccia, qui était alors ministre
délégué aux Affaires autochtones. Dans sa lettre au
ministre, au ministre des Transports, le ministre délégué
aux Affaires autochtones écrit qu'il a entendu parier de la
possibilité d'une intervention policière à Kahnawake pour
empêcher la tenue d'un super bingo. "Je ne crois pas, écrit M.
Ciaccia dans cette lettre, que la confrontation puisse mener à des
résultats satisfaisants ni pour le gouvernement du Québec ni pour
les Mohawks de Kahnawake.
"Je crains fortement qu'une opération
policière sur la réserve à ce stade-ci ne cause
des torts irréparables à nos relations avec
les autochtones de Kahnawake et du reste du Canada."
"Certes - c'est toujours M. Ciaccia qui parte - nous devons
travailler à faire respecter les lois. Toutefois, une intervention
policière ne servirait qu'à durcir les positions de l'ensemble de
la communauté mohawk, sans parler de celles de tous les peuples
autochtones du Canada, contre le pouvoir blanc. Plutôt que de
régler un problème, nous le rendrions insoluble", conclut M.
Ciaccia.
L'expérience des mois qui suivirent, en particulier
l'épisode malheureux des injonctions qui furent émises par des
juges de la Cour supérieure concernant le territoire d'Oka, injonctions
qui, à deux reprises, furent déchirées comme un chiffon de
papier par les agitateurs du côté mohawk... Les circonstances
créées par ces actes ont malheureusement fait voir - et à
mesure que l'on s'enfonçait dans le conflit, on l'a découvert
davantage - des obstacles pratiquement infranchissables auxquels devait se
heurter l'approche préconisée à l'époque par
l'ancien ministre délégué aux Affaires autochtones. Elles
ne sauraient faire oublier, cependant, que cette approche fut bel et bien mise
de l'avant par le ministre et retenue à l'époque par le
gouvernement. Le gouvernement l'avait appuyée et a soutenu l'ancien
ministre dans son action. Si le gouvernement n'a pas sévi plus tôt
et de manière directe et musclée contre la situation qui se
développait dans certaines communautés autochtones, ce n'est pas
parce qu'il était indifférent, endormi ou insconscient en face
des problèmes auxquels il faisait face, ce fut plutôt parce qu'il
avait mis sa confiance, il privilégiait une autre voie, une voie qu'il
jugeait plus civilisée et plus susceptible de produire à long
terme des fruits solides et durables.
C'est ça l'explication que prétend rechercher
le leader de l'Opposition dans ses interminables questions
répétitives durant la période de questions. S'il veut
avoir l'explication franche, profonde, loyale et complète, c'est de ce
côté-ci qu'il doit la rechercher. Il me semble que c'est un
objectif auquel nous devrions souscrire d'emblée des deux
côtés de la Chambre.
Devant la persistance de la crise à laquelle faisait
face le Québec, l'été dernier, il a fallu, en
dernière analyse, sans l'abandonner pour l'avenir, reporter au second
plan dans l'immédiat, l'approche longtemps privilégiée par
le gouvernement du Québec. Il a fallu plutôt mettre l'accent sur
des mesures aptes à procurer le plus tôt possible un retour
à la vie normale. Ce retour étant maintenant largement acquis, il
restera à compléter l'oeuvre commencée en assurant la
surveillance efficace et complète du territoire québécois
dans toutes les régions et pour toutes les populations du territoire,
sans exception.
Ainsi que je le rappelais, le 13 octobre, en
annonçant la reprise en charge par la Sûreté du
Québec et la Gendarmerie royale du Canada de la patrouille
policière sur les routes entourant Kahnawake et Châteauguay, les
lois du Québec et du Canada doivent s'appliquer efficacement à
travers tout le territoire du Québec. Il ne saurait exister de zones
d'exception où les citoyens seraient autorisés à se
soustraire à la loi, mais le gouvernement veut que les lois s'appliquent
en territoire amérindien à l'aide de modes d'intervention
policière qui soient le plus possible adaptés à la
mentalité, aux habitudes et aux attentes de ces populations. C'est dans
cet esprit qu'a été reprise en charge, par la Sûreté
du Québec et la Gendarmerie royale du Canada, la patrouille
policière sur les routes en bordure de Châteauguay et de
Kahnawake. Et c'est dans le même esprit que sera mis au point, d'ici
à la mi-novembre, un plan d'intervention devant permettre d'assurer le
maintien de la paix et de l'ordre public dans les territoires d'Akwesasne, de
Kahnawake et d'Oka-Kanesatake pendant les années à venir.
Mais autant le règne de la loi doit être
universel et incontesté, autant les modalités par lesquelles il
est assuré doivent tenir compte des caractéristiques et des
attentes légitimes des populations concernées. Dans le cas des
populations amérindiennes, il est acquis depuis déjà
quelques années dans la pensée du gouvernement que le respect de
l'ordre public doit être assuré chez elles avec l'aide de forces
policières issues, dans toute la mesure du possible, de ces
communautés possédant des forces policières
composées de membres possédant à cette fin une formation
d'une qualité professionnelle indiscutable et agissant suivant les
normes d'intégrité les plus élevées, sous le
contrôle général de l'autorité locale. Parce qu'il
adhère à cet objectif, le gouvernement a promu depuis
déjà quelques années l'implantation de forces
policières autochtones dans plusieurs communautés
amérindiennes. Ces jours derniers, j'avais le plaisir d'apposer ma
signature, au nom du gouvernement, à un document prévoyant
l'implantation d'une force policière autochtone dans le village huron de
Wendake. J'ai de même pris connaissance de travaux qui sont en cours dans
divers ministères afin de favoriser la mise au point de services publics
mieux adaptés à la mentalité et aux attentes des
populations autochtones. (17 h 10)
Le gouvernement a également favorisé la
formation de policiers issus des communautés autochtones dans des
programmes et établissements reconnus. Depuis 1985, par exemple, 200
constables spéciaux en provenance de communautés autochtones ont
été formés à l'Institut de police du Québec
à Nicolet. À l'heure actuelle, 17 aspirants policiers d'origine
amérindienne sont en formation à l'Institut de police. Des
travaux sont également en cours en vue d'une meilleure adaptation de nos
services correctionnels et des services d'administration de la justice en
fonc-
tion des caractéristiques et des besoins propres des
communautés autochtones.
Nous entendons procéder dans le même esprit à la
mise en oeuvre de conditions capables d'assurer la paix et l'ordre public dans
les territoires d'Akwesasne, Kahnawake et d'Oka-Kanesatake. Déjà,
à Akwesasne, l'objectif d'une surveillance policière efficace est
largement atteint. Il reste à compléter les dispositions
actuelles par des ententes en bonne et due forme qui en assureront la
permanence et l'efficacité. Un protocole avait été
signé à cette fin le 28 juin dernier, mais la mise en oeuvre a
dû en être retardée à cause des
événements de l'été à Kahnawake et à
Oka. À Oka-Kanesatake, l'objectif sera réalisé par le
renforcement de la présence de la SQ sur le territoire, selon des
modalités dont la nature a déjà donné lieu à
des consultations très utiles avec les autorités municipales, et
dont l'implantation ne saurait tarder. À Kahnawake, la prise en charge
par la Sûreté du Québec et la Gendarmerie royale de la
patrouille routière des routes environnantes s'est faite depuis le 13
octobre, dans des conditions qui permettent d'augurer que l'opération
sera réussie.
Je suis content de signaler à ce sujet, M. le Président,
que les forces policières présentes sur les routes 132, 138 et
207 fonctionnent dans un climat de collaboration avec les "Peace Keepers" qui
opèrent surtout à l'intérieur du village, et que des
relations cordiales se sont établies entre tous ces
éléments, ce qui augure très bien pour l'avenir. J'aurais
pensé qu'on aurait des questions là-dessus en Chambre. Ça,
c'est actuel. Ça, c'est vrai et ça, c'est direct. Mais je pense
qu'ils ne sont même pas au courant.
En qualité de ministre de la Sécurité publique, je
ne serai pleinement satisfait des services disponibles dans le territoire de
Kah-nawake-Châteauguay que le jour où j'aurai acquis la conviction
que les populations de ces endroits sont capables d'assurer la paix publique
sur tout le territoire. La collaboration des forces policières
québécoises, des dirigeants politiques et de la population de
Kahnawake me paraît indispensable pour la réalisation de cet
objectif. Je renouvelle en conséquence l'appel à la collaboration
que j'adressais le 13 octobre dernier à une délégation
présidée par le chef Joe Norton qui était venu, me
rencontrer à mon bureau de Montréal. Je dis en toute
sincérité aux dirigeants et à la population mohawk de
Kahnawake: Au lieu de nous méfier les uns des autres, rencontrons-nous
donc afin de chercher à nous entendre sur ce que pourraient être
à Kahnawake les modalités d'une action policière capable
de procurer à la population de ce territoire une protection d'une
qualité professionnelle au moins égale à celle dont
jouissent les citoyens à travers toutes les autres parties du territoire
québécois.
Je termine, M. le Président, en vous assurant qu'en ma
qualité de ministre de la
Sécurité publique du Québec je veillerai par tous
les moyens raisonnables à ce que l'ordre et la paix publique soient
maintenus sur tout le territoire, mais je verrai à ce que cet objectif
soit réalisé dans le même esprit de collaboration, de
concertation et d'entraide que j'ai eu l'honneur de déployer pendant
cinq années à la tête des ministères chargés
de l'éducation dans cette province. J'assume cette nouvelle charge dans
un souci éducatif que je crois avoir appris un petit peu au temps
où j'étais chargé de l'enseignement primaire, secondaire,
collégial et universitaire, et je suis convaincu que, si nous abordons
notre tâche dans un souci de dialogue et d'éducation
réciproque, nous réussirons à vivre ensemble, autochtones
et Blancs, dans le climat d'amitié et de respect mutuel qui me
paraît seul digne d'une société vraiment
civilisée.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous remercie, M. le
ministre de la Sécurité publique. Oui, M. le député
de Laviolette.
M. Jolivet: Oui, M. le Président, question de
règlement. J'ai observé le règlement en n'interrompant pas
le ministre dans son discours. Mais, comme le veut le règlement,
à la fin du discours, mon intervention doit se faire. Le ministre, dans
son discours, a cité textuellement en partie la lettre du ministre
délégué aux Affaires autochtones, M. Ciaccia, au ministre
des Transports, M. Elkas. Alors, en vertu du règlement, M. le
Président, que vous connaissez très bien, je demanderais que le
ministre dépose cette lettre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint
du gouvernement.
M. Bélisle: M. le Président, M. le ministre n'a pas
d'objection au dépôt de ce document. Alors, nous allons y
procéder le plus rapidement possible.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le ministre, si
vous voulez déposer le document auquel on a fait
référence.
M. Ryan: Je ne suis pas sûr de l'avoir dans mes dossiers.
Je vérifierai et je ferai le dépôt le plus tôt
possible, comme l'a dit le leader adjoint.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ça va, M. le
député de Laviolette?
M. Jolivet: Oui.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je reconnais
maintenant M. le député de Ouplessis. M. le député
de Duplessis.
M. Denis Perron M. Perron: Merci, M. le Président. Dans
le
même sens que les propos tenus par mon collègue, le
député de Joliette, je suis d'avis que le gouvernement est le
grand responsable de l'éclatement du conflit que nous avons connu cet
été et que la crédibilité du Québec a
été entachée. À ce jour, on ne peut pas mesurer
l'ampleur du conflit avec la faction mohawk des régions de
Châteauguay et d'Oka. Au-delà des coûts monétaires,
il y a des principes et des valeurs qui ont été entachés
et des drames humains qui ont été vécus. Pensons, en
premier lieu, aux familles de la région d'Oka qui ont été
expulsées de leurs maisons pendant plusieurs semaines et à ceux
et celles dont les maisons ont été pillées. Pensons aux
commerçants, aux petites entreprises, aux agriculteurs et aux
pomiculteurs des deux secteurs dont les pertes sont énormes. Pensons aux
élus municipaux envers lesquels l'Opposition n'a aucun droit, ni le
gouvernement, de lancer aucun blâme puisque ces derniers,
c'est-à-dire les élus municipaux, ont pratiqué leurs
droits en tant que responsables de cette municipalité d'Oka. Et nul
doute que si le gouvernement avait pris ses responsabilités en temps et
lieu, c'est-à-dire il y a environ deux ans, lorsque s'est
confirmé de plus en plus le problème vécu entre Kanesatake
et Oka, ce gouvernement aurait très bien pu, par des mesures
législatives ou encore par des ententes avec la municipalité,
régler le problème qui existait entre les Blancs d'Oka et les
Mohawks de Kanesatake.
De plus, la confiance de la population dans les institutions et dans
leurs représentants est sans aucun doute ébranlée à
la suite de la triste mise en scène que l'on a vue, où l'on a vu
le juge Alan Gold, les ministres Ciaccia et Siddon signer une entente avec des
Warriors masqués. Je dénonce donc le gouvernement libéral
qui a accepté de négocier avec des gens non élus qui ne
représentaient aucunement cette nation mohawk.
Tous les événements ont eu pour conséquence
d'éloigner les deux peuples l'un de l'autre et d'anéantir quelque
lien de confiance qui existait entre les deux nations depuis plusieurs
années. Ces événements nous obligent aujourd'hui à
interroger sur les raisons de cette crise où il y a eu la perte d'une
vie humaine, des actes de violence, d'intimidation et de racisme. Et parlant de
racisme, M. le Président, je voudrais lancer un appel ici à tous
les Blancs du Québec, à toutes les communautés culturelles
du Québec et à tous les membres de toutes les nations autochtones
du Québec de faire en sorte que disparaisse ce racisme qui s'est
créé au cours des derniers mois entre toutes les factions.
Depuis plusieurs années, je suis de très près les
rapports qu'entretient le gouvernement du Québec avec les nations
autochtones. J'ai eu l'occasion de rencontrer plusieurs représentants et
représentantes des différentes nations autochtones avec qui j'ai
échangé sur leurs revendica- tions et l'état des
négociations depuis l'arrivée du Parti libéral au pouvoir.
L'éclatement du conflit, nous le savons maintenant, qui était
latent depuis deux à trois ans, est le résultat de
l'exaspération de la nation mohawk dans l'immobilisme et le mutisme du
gouvernement vis-à-vis de ses demandes. Cette exaspération est
aussi visible chez d'autres nations, comme les Hurons, les Montagnais, les
Attikameks, les Algonquins, et j'en passe. (17 h 20)
Je crois pouvoir démontrer que le gouvernement libéral est
le grand responsable de tout ce gâchis. La cause des autochtones n'a
jamais été aussi mal servie que depuis l'arrivée au
pouvoir des libéraux. Lorsque le Parti libéral a pris le pouvoir,
en 1985, le 2 décembre, il se devait de poursuivre dans la voie
tracée par le gouvernement Lévesque et de respecter les
engagements pris par l'Assemblée nationale vis-à-vis des nations
autochtones du Québec. Le non-respect de ces engagements est un affront
envers les autochtones et un acte humiliant pour le Québec. Qu'on se
rappelle que durant la campagne électorale de 1985 l'actuel premier
ministre du Québec promettait de tout faire pour que les droits des
autochtones soient inclus dans la Constitution canadienne.
En mars 1987, suite à l'échec de la conférence
constitutionnelle à Ottawa, l'actuel premier ministre du Québec a
promis que le Québec ne réintégrerait pas la Constitution
tant que les droits des autochtones ne seraient pas dans la Constitution
canadienne. Pourtant, en juin 1987, il a lui-même signé ce qu'on
appelle l'accord du lac Meech, sans protéger les droits des autochtones
dans ce même accord. Tout ça pour vous dire, M. le
Président, qu'une promesse libérale, c'est une chose et la
réalité est maintenant tout autre chose.
Rappelons que le 9 février 1983, le Conseil des ministres du
gouvernement Lévesque répondait aux demandes formulées par
les autochtones en 1982 et adoptait 15 principes énonçant la
politique du Québec à leur égard. Le 20 mars 1985,
l'Assemblée nationale adoptait, à la majorité des voix,
une résolution basée sur ces 15 principes et reconnaissait les
droits des autochtones du Québec. Il est important que l'on fasse
mention, cet après-midi, de ces droits, pour démontrer aux
autochtones qui l'ignorent encore et aux gouvernements, celui de Québec
et d'Ottawa, toute la considération que le gouvernement péquiste
avait pour les autochtones et jusqu'où il voulait aller dans la
reconnaissance de leurs droits. Une partie des 15 principes se lit comme suit.
La reconnaissance formelle des nations abénaquise, algonquine,
attikamek, crie, huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naska-pie et inuit; la
reconnaissance de leurs droits ancestraux existants et ceux inscrits dans les
conventions de la Baie James et du Nord-Est québécois; la
nécessité d'établir avec les autoch-
tones des rapports harmonieux fondés sur le respect
des droits et la confiance mutuelle; la nécessité de poursuivre
les négociations avec les nations autochtones et de conclure des
ententes assurant l'exercice de leurs droits, en particulier: du droit à
l'autonomie au sein du Québec; du droit à leur culture, leur
langue, et leurs traditions; du droit de posséder et de contrôler
des terres; du droit de chasser, pêcher et de participer à la
gestion des ressources fauniques; du droit de participer au
développement économique du Québec et d'en
bénéficier, de façon à leur permettre de se
développer en tant que nations distinctes - et j'ai bien dit "nations
distinctes" et non "sociétés distinctes" - ayant leur
identité propre et exerçant leurs droits au sein du
Québec.
De plus, par cette résolution, on prenait
l'engagement d'établir un forum parlementaire permanent, permettant aux
autochtones de faire connaître leurs droits, leurs aspirations et leurs
besoins à la face de tous et de toutes et non pas en catimini, comme le
fait actuellement le gouvernement libéral.
Par la ratification de cette motion à
l'Assemblée nationale, le gouvernement Lévesque signifiait
clairement qu'il reconnaissait les droits des nations autochtones et qu'il
désirait s'engager de bonne foi dans un processus de négociation
d'entente. Lors de son discours en Chambre, le regretté premier ministre
du temps, M. René Lévesque, parlait d'une politique d'accueil et
d'ouverture et non pas d'une politique interventionniste qui voudrait forcer le
changement des institutions et des mentalités chez les autochtones.
De façon délibérée, le
gouvernement libéral a choisi d'ignorer ces engagements. La commission
parlementaire permanente n'a jamais été instituée. Ainsi,
depuis 1985, les autochtones n'ont jamais eu l'occasion d'échanger avec
les membres de l'Assemblée nationale, nouveaux comme anciens. Dans le
cadre d'un débat officiel et sur la place publique, les
négociations, s'il y en a eu avant l'éclatement du conflit
à Oka, ont été menées a l'extérieur de la
place publique et, comme le démontre la crise que nous avons connue cet
été, n'ont pas donné satisfaction aux peuples autochtones
et en particulier à la nation monawk.
Cette attitude du gouvernement est inexcusable. Elle a
d'ailleurs été dénoncée par l'ancien
secrétaire associé du Conseil exécutif et responsable du
dossier autochtone de 1978 à 1985, M. Éric Gourdeau, qui disait
dans une entrevue à la Presse canadienne en août dernier, et je
cite. Le gouvernement du Québec s'était doté d'une
politique, pour ses relations avec les autochtones, mais on ne l'a pas suivie
parce qu'un ministre voulait faire un "ego trip". Voilà une
déclaration qui en dit long sur l'attitude du gouvernement. Un "ego
trip" qui coûtera cher aux Québécois et
Québécoises, plus de 100 000 000 $, selon ce qu'on connaît
actuellement. Cette déclaration n'est pas celle d'un politicien, mais
d'un ancien haut fonctionnaire qui constate avec amertume que le travail qu'il
a accompli n'a pas été pris au sérieux par le gouvernement
libéral, avec les conséquences que l'on connaît
aujourd'hui.
M. le Président, depuis 1985, le gouvernement
libéral a considéré les relations avec les nations
autochtones comme étant une question de second ordre. Par exemple, les
dépenses de transferts payés sous forme de subventions à
des groupes communautaires ou à des organismes autochtones ou traitant
des questions autochtones sont passées de 836 000 $ en 1985-1986
à 705 000 $ en 1989-1990, c'est-à-dire qu'il y a une diminution
de 5,5 %, alors que nous avons connu des taux d'inflation de 4 % à 5 %
pour les années entre 1985 et 1990. Pourtant, nous savons combien cet
argent est nécessaire aux nations autochtones qui sont
confrontées à de graves problèmes de pauvreté,
d'alcoolisme, de violence conjugale et de drogue, tout comme ça l'est du
côté des Blancs. Ces faits, le gouvernement ne peut pas les
ignorer puisqu'il a, auprès des autochtones, les mêmes
responsabilités qu'il assume auprès de la population blanche. Les
autochtones ne sont pas des citoyens de second ordre, et je m'explique mal que
l'on n'ait pas encore donné suite à la demande de fonds,
présentée par la Commission des droits de la personne au ministre
de la Justice, pour la tenue d'audiences publiques portant sur les relations
entre les corps policiers et les nations autochtones du Québec. Cette
demande, présentée au début du mois de juin dernier, et
fondée sur des faits et sur de nombreuses plaintes de la part des
autochtones, est restée sans réponse.
Au lendemain de la crise que nous avons connue cet
été, de telles audiences m'apparais-saient nécessaires et
urgentes. J'aimerais qu'au gouvernement on m'explique pourquoi la Commission
n'a pas encore eu de réponse à sa demande de juin dernier.
Comment se fait-il qu'en 1987 la Commission des droits de la personne du
Québec a reçu les fonds nécessaires pour instituer une
vaste enquête indépendante et publique portant sur les relations
entre les corps policiers et les minorités visibles et ethniques et que
la présente demande demeure toujours sans réponse? Ma
collègue, la députée de Hochelaga-Maisonneuve, vous
pariera davantage de ce dossier.
M. Le Président, dans ce dossier, le gouvernement ne
réagit pas. je veux vous donner d'autres exemples où, dans le
passé, le gouvernement a réagi plutôt que d'agir. le
gouvernement préfère gérer les crises plutôt que de
gérer le québec, et de gérer les affaires autochtones. un
exemple flagrant où le gouvernement s'est traîné les pieds
et s'est moqué des autochtones est celui de l'exploitation de la
forêt dans la réserve faunique la vérendrye où les
algonquins du lac barrière se sont opposés à la coupe
de
bois par les compagnies forestières. Après s'être
opposés pendant un an à toute coupe de bois dans la
réserve, ce n'est qu'au milieu de la crise d'Oka que les Algonquins ont
été entendus. Il aura fallu, encore une fois, une levée de
barricades sur la route 117 entre Montréal et l'Abitibi pour que le
gouvernement libéral les écoute et que le ministre du temps se
déplace sur les lieux pour les rencontrer. Ils ont finalement obtenu
d'être impliqués dans le choix des zones forestières
à protéger et la promesse qu'ils seraient associés
à l'élaboration d'une stratégie de conservation de la
forêt et de la faune. Pourquoi a-t-il fallu attendre une levée de
barricades pour que le dossier progresse et débloque? N'était-il
pas normal que les Algonquins et les autres nations soient impliqués
dans la gestion des forêts, dans les projets qui touchent leur
environnement et leur milieu de vie, comme par exemple les
développements forestiers, les aménagements
hydroélectriques, la gestion des rivières à saumon,
l'opération des ZEC, le développement des pourvoiries et des
parcs, les exercices militaires aériens à basse altitude?
Je peux aussi vous parler des négociations avec le conseil des
Attikameks et des Montagnais sur les revendication territoriales qui sont
rompues depuis mars dernier et dont on' ne peut dire quand elles reprendront.
Lors de l'étude des crédits du Secrétariat aux Affaires
autochtones, en mai dernier, l'ancien ministre délégué aux
Affaires autochtones me faisait part que l'offre qui a été faite
en mars aux Attikameks et aux Montagnais et qui a été
refusée par le gouvernement n'était pas la position officielle du
gouvernement puisque celle-ci n'était pas encore établie - et,
fait à remarquer, après cinq ans de présence de ce
gouvernement à l'Assemblée nationale. Il m'a assuré,
à ce moment-là, que fe gouvernement allait développer une
position et qu'après il se rassoirait avec le Conseil
attika-mek-montagnais pour poursuivre les négociations. (17 h 30)
Plus de cinq mois plus tard, il nous faut donc conclure que le-
gouvernement n'a pas encore de position sur les revendications territoriales du
Conseil attikamek-montagnais. Comment une telle situation est-elle possible
alors que le gouvernement est en place depuis cinq ans et qu'il avait toute la
latitude pour travailler dans ce dossier? M. le Président, je me demande
si on ne s'est pas moqué des Attikameks et des Montagnais pendant cinq
ans, si on n'a pas laissé traîner ce dossier parce que ceci
faisait l'affaire du gouvernement. Qu'attend donc le gouvernement pour
reprendre lesdites négociations? J'espère qu'il aura appris des
événements de cet été et qu'il saura, à
l'avenir, qu'il y a des conséquences à laisser traîner des
dossiers indéfiniment. Celui des Attikameks-Montagnais devrait
être prioritaire pour le nouveau ministre délégué
aux Affaires autochtones, et je lui conseille de se mettre à la
tâche très rapidement.
Nous savons que les résidents et les résidentes du Nunavik
ont présenté au gouvernement un projet de constitution pour la
création d'un gouvernement autonome sur leur propre territoire. Ce
projet aboutit après trois ans de travail des autochtones de la nation
inuit, et une première rencontre est prévue pour le mois de
novembre avec les représentants du gouvernement. J'ose espérer
que le nouveau ministre responsable des Affaires autochtones démontrera
sa bonne foi en agissant avec sérieux et célérité
dans ce dossier et qu'il fera plus qu'écouter. D'autres ministres qui
l'ont précédé, ont, eux aussi, beaucoup
écouté et n'ont pas agi, avec les résultats que nous
connaissons aujourd'hui.
M. le Président, le gouvernement du Québec n'est pas le
seul responsable des relations tendues qui existent entre les nations
autochtones et la population blanche du Québec. Le gouvernement
fédéral doit porter l'odieux d'avoir écarté les
autochtones des négociations constitutionnelles de l'accord du lac
Meech. Il doit aussi porter l'odieux d'avoir imposé dans le dernier
budget Wilson des coupures budgétaires de l'ordre de 23 000 000 $ aux
divers programmes réservés aux autochtones. Ces coupures touchent
les centres d'amitié autochtone, et ces groupes se voient privés
de plusieurs millions de dollars. Au Québec, nous avons six centres
d'amitié autochtone situés à Montréal,
Québec, Sept-îles, Val-d'Or, La Tuque et Chibougamau. Ces centres
sont touchés par le gel des budgets de fonctionnement et les coupures au
niveau des programmes sociaux, ce qui les obligera à restreindre les
activités et les services qu'ils offraient.
M. le Président, voici l'exemple d'une décision
gouvernementale qui en est une que nous appelons des économies de bout
de chandelle. Le gouvernement fédéral met en danger l'existence
de ces centres dont le principal but est de favoriser l'intégration des
autochtones qui quittent leur réserve vers les grands centres urbains.
Les centres d'amitié fonctionnent avec un budget restreint et
accomplissent un travail gigantesque dans la recherche d'emplois pour cesdits
autochtones. Ils les orientent vers les services gouvernementaux et offrent
même l'hébergement. Nous nous serions attendu que le gouvernement
libéral du Québec soit plus insistant auprès du
gouvernement fédéral pour s'opposer à ces coupures et,
sinon, même aller jusqu'à y prendre la place, si le gouvernement
fédéral néglige d'émettre les budgets
nécessaires.
Les quelques exemples dont je viens de vous faire état nous
fournissent une partie de la réponse que je posais au début de
mon intervention: Comment le Québec en est-il venu à une crise si
aiguë? Qu'a fait le gouvernement dans le dossier des Affaires autochtones
depuis 1985?
Nous retrouvons aujourd'hui chaque partie retranchée dans son
propre camp, non pas opposées, mais très loin l'une de l'autre.
Le dialogue doit reprendre sans délai entre les nations et
s'établir sur des bases différentes. Nous ne pouvons, avec le
poids du nombre, imposer et définir à notre façon l'avenir
des nations autochtones. Ce sont elles qui doivent le faire, avec toutes les
conséquences et les déchirements qu'un tel projet suppose.
M. le Président, je ne peux manquer une si belle occasion pour
vous parler quelque peu de l'ancien ministre délégué aux
Affaires autochtones du Québec qui s'est littéralement fait
bousiller de son poste par le premier ministre du Québec pour se faire
remplacer par un ministre, entre guillemets, néophyte en matière
autochtone. Si, depuis cinq ans, la cause des autochtones du Québec n'a
pas avancé, j'accuse l'ancien ministre et son gouvernement de ne pas en
avoir fait une priorité. Le député de Mont-Royal est le
grand responsable du fouillis que l'on retrouve actuellement puisque ce dernier
a toujours mis de côté les 15 principes de 1983 et la motion de
mars 1985 en se basant sur le fait que les nations autochtones en voulaient
plus.
Si c'était vraiment la raison fondamentale, c'est-à-dire
que les nations autochtones en voulaient plus, est-ce qu'on peut me dire, M. le
Président, pourquoi ce ministre, cet ancien ministre
délégué aux Affaires autochtones n'a pas contribué
à y ajouter tout le nécessaire au cours des cinq dernières
années? À ce qu'on puisse voir dans les dossiers autochtones,
rien n'a été fait de ce côté. Le gouvernement
peut-il me dire pourquoi son ancien ministre a passé son temps à
éteindre des petits feux ici et là, en donnant un peu de fric ici
et là, pour, un jour, se ramasser avec un grand feu qu'il n'a pu
éteindre en plus d'occasionner la présence de l'armée au
Québec, ce qui, vous comprendrez, n'était pas une première
pour l'actuel premier ministre? Si cet ancien ministre était parti des
15 principes et de la motion, les choses ne seraient pas ce qu'elles sont
aujourd'hui. Il n'y aurait sûrement pas une telle motion de blâme
face au gouvernement libéral en cette Assemblée nationale et la
paix régnerait probablement entre notre peuple et les nations
autochtones.
De plus, pour mélanger tout le monde, le premier ministre a
nommé un nouveau ministre en jouant à la chaise musicale. Ce
nouveau ministre se rendra compte très vite qu'il devra traiter les
nations autochtones comme telles et non comme des communautés
culturelles. Il verra que sa méconnaissance du dossier le portera
à réagir très souvent à la va-comme-je-te-pousse et
qu'il se devra de discuter d'égal à égal plutôt que
d'imposer ses vues et celles de son gouvernement à toutes les nations
autochtones ou à différentes nations autochtones. Malgré
les nombreux doutes que j'entretiens sur la sincérité du
gouvernement actuel, je ne doute pas de celle du nouveau ministre
délégué aux Affaires autochtones, mais il apprendra
très tôt que ses positions ne seront pas nécessairement
celles de son propre gouvernement et que son parti politique n'a pas de vrai
programme sur les questions autochtones.
D'autre part, je ne demande pas au peuple québécois de se
soumettre à toutes les demandes des autochtones. Le peuple
québécois a fait ce Québec avec d'autres et il est
là pour y rester. Il faut trouver une façon de faire coexister le
peuple québécois et les nations autochtones côte à
côte dans le respect mutuel de leur entité distincte. Ce projet
peut paraître utopique, mais je me demande s'il n'est pas la seule voie
possible pour éviter que ne se reproduisent les affrontements que nous
avons connus cet été.
Pour notre part, M. le Président, les relations avec les nations
autochtones ont toujours été prioritaires. C'est pourquoi nous
avons mis sur pied, en tant que parti politique, une table de travail sur le
programme du Parti québécois où siègent des
représentants des nations autochtones. De plus, maintenant que le
premier ministre a décidé de rouvrir la loi créant la
Commission constitutionnelle sur l'avenir du Québec, l'Opposition
demande, et ce très fortement, au gouvernement libéral d'y
ajouter un représentant des nations autochtones, soit le chef de
l'Assemblée des premières nations du Québec et du
Labrador, M. Konrad Sioui, qui, en passant, a une grande expérience dans
le domaine autochtone et ce, en particulier sur le territoire
québécois et celui du Labrador. Je trouve d'ailleurs
déplorable que le nouveau ministre délégué aux
Affaires autochtones n'ait pas déjà réclamé la
présence d'un membre des nations autochtones à cette Commission,
se limitant à parler de forum spécifique et parallèle
à cette même Commission. Le nouveau ministre responsable des
Affaires autochtones doit comprendre qu'il nous faut revenir le plus rapidement
possible à la négociation et, cette fois-ci, sur de nouvelles
bases. Nous devons parier de vrais pouvoirs politiques pour les autochtones et
nous devons traiter avec eux de nation à nation. Sinon, toute entente
serait illusoire.
M. le Président, le projet de la souveraineté politique du
Québec que le Parti québécois défend avec ardeur
depuis plusieurs années nous oblige à nous interroger sur la
place des nations autochtones au sein d'un Québec souverain et sur le
sens même d'une vraie autonomie pour ces nations. Le Québec a tout
ce qu'il faut pour devenir souverain, une population suffisante, un territoire
déterminé, une économie durable, une fiscalité
imposante et toutes les ressources nécessaires. L'indépendance du
peuple québécois signifie pour moi l'inclusion des nations
autochtones du Québec dans ce processus. (17 h 40)
Est-ce qu'un gouvernement du Parti québécois dans un
Québec indépendant serait prêt à
discuter avec les nations autochtones, d'égal à
égal? Je dirai oui, M. le Président. Est-ce qu'un gouvernement du
Parti québécois dans un Québec indépendant serait
prêt à inclure, dans sa constitution, ce qui existe
déjà dans la Constitution canadienne en rapport avec 25 et 35? Je
dirai oui, M. le Président. Et on serait prêt à donner
encore plus. Est-ce que les négociations avanceraient plus vite entre
les nations autochtones vivant dans un Québec indépendant? C'est
oui, M. le Président.
J'ai répondu oui à chacune de ces questions; oui, car la
complexité des présentes négociations tripartites
disparaîtrait de façon prodigieuse sans la présence du
gouvernement fédéral et des neuf autres provinces canadiennes. Il
serait plus facile de s'entendre avec 57 chefs représentant 11 nations
autochtones du Québec que de le faire avec plus de 600 chefs
canadiens.
M. le Président, en terminant, je voudrais dire aux
députés libéraux et au gouvernement qu'ils ont beaucoup de
travail à faire pour s'approcher des positions du Parti
québécois, pour établir des relations durables avec les
autochtones du Québec et qu'ils devront rendre des comptes à la
population du Québec sur leur mutisme, leur léthargie et leur
incurie dans le dossier des affaires autochtones et ce, depuis cinq ans. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Duplessis. Je reconnais maintenant le ministre
délégué aux Affaires autochtones et député
de Laurier. M. le ministre.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Je voudrais commencer
en disant d'abord, M. le Président, au député de Duplessis
que je n'entends pas faire un genre de concurrence quant à savoir si on
va être meilleur que ce que le Parti québécois
déclare qu'il a été, etc. Il n'y aura pas de
surenchère dans ce sens-là.
J'arrive au poste, M. le Président, avec la ferme
détermination d'aborder le dossier avec calme, avec objectivité
et avec la détermination d'établir des liens solides et valables
avec les autochtones, M. le Président, basés sur l'ouverture,
l'acceptation et, surtout, axés vers l'avenir.
M. le Président, nous venons de vivre une crise qui a
secoué beaucoup de choses au Québec. Ça a
été une grande épreuve tant pour la société
québécoise, tant, je dirais, pour les peuples autochtones en
général ainsi que pour les Mohawks en particulier. Nous ne sommes
pas encore prêts, je pense M. le Président, à
répondre - tout au moins, moi, je ne le suis pas - par un oui ou un non
à la question, à savoir si on a réussi ou si on a
échoué cette épreuve. Il y a des choses qu'il faudra un
certain temps à regarder, à comprendre et à examiner. Il
n'est pas mon intention non plus - et ce serait très prétentieux
de ma part à ce stade-ci - de pouvoir fournir aujourd'hui une analyse
détaillée des facteurs qui ont conduit à la crise que nous
avons connue.
Le Parti québécois et le député de
Duplessis, en particulier, tout à l'heure, comme son collègue, le
leader de l'Opposition, le député de Joliette, ont choisi de
décider que c'est ça, c'est l'incurie, l'inaction, le manque de
présence du gouvernement, pendant les cinq dernières
années au complet, qui ont conduit - voilà - à la crise
que nous avons connue.
J'aimerais tout simplement, M. le Président, rappeler que ce
style auquel le député de Joliette nous a habitués depuis
quelque temps l'a conduit, tout récemment, durant l'été,
à des erreurs, je pense, et j'aurais pensé que ça lui
aurait laissé un certain brin de sagesse, quand, par exemple, il prenait
les mêmes grands moyens, les grandes déclarations, affirmations
sans nuance, sans sens critique, sans aucun sens de perspective, je dirais,
quand il commentait l'absence soi-disant du premier ministre à un
certain moment donné. Ses paroles ont certainement dépassé
sa pensée à ce moment-là, M. le Président, mais je
vois qu'aujourd'hui le député de Joliette et le
député de Duplessis commettent encore une fois le même
genre d'erreur. Il n'est pas vrai que le gouvernement a été
absent dans le dossier des autochtones durant les cinq dernières
années. Si, aujourd'hui, on peut être très fiers au
Québec quand on regarde objectivement que la situation vis-à-vis
des autochtones et des non-autochtones est la meilleure base pour une relation
saine dans l'ensemble des provinces canadiennes, c'est largement parce que le
gouvernement des cinq dernières années a effectivement
travaillé dans le sens de créer des liens, de signer des ententes
qui transfèrent justement la responsabilité pour un certain
nombre de choses aux autochtones.
J'aimerais aujourd'hui tout simplement intervenir pour dire, d'une part,
que la crise n'est pas l'ensemble du dossier des autochtones. Ce serait une
erreur de ne parier que de la crise quand on parie du dossier des autochtones.
Il faut aussi dire que la crise a été importante dans le dossier
des autochtones. Elle a été importante parce qu'elle nous a
permis de mesurer, si je peux dire ainsi, la profondeur de nos divisions,
l'étendue de notre manque de connaissance mutuelle - et j'insiste sur le
mot "mutuelle", M. le Président - ainsi que de nous signaler un peu les
dangers qui nous guettent tous, de part et d'autre, si nous ne
réussissons pas à bâtir un climat de confiance et une
relation, comme je le disais, basée sur l'acceptation mutuelle, sur
l'ouverture, et surtout axée vers l'avenir.
Je ne voudrais donc pas qu'on assimile le dossier autochtone à
celui de la crise que nous avons connue. Nous devons faire attention, dans tous
les discours que nous ferons, de bien
distinguer, quand on parte des Warriors, des Mohawks, les factions
modérées ou les personnes modérées de ceux qui ont
décidé de prendre la loi entre leurs mains, M. le
Président. Dans ce sens-là, je pense que les gestes qui ont
été posés jusqu'à date après la crise,
surtout par rapport à la sécurité publique, doivent
recevoir de la part de l'ensemble de la population, y inclus les autochtones -
ça a été le sens des propos que m'a tenus le chef Mike
Mitchell de la réserve d'Akwesasne quand je l'ai rencontré la
semaine passée - l'appui à ce principe que les lois du territoire
québécois et canadien doivent s'appliquer partout à
travers le territoire, sans exception. Il est toujours possible de s'asseoir,
comme nous l'avons déjà fait dans le cas d'Akwesasne, par
exemple, et de s'entendre avec les autochtones, comme le soulignait le ministre
de la Sécurité publique, pour que l'application de ces lois
puisse être faite en grande partie par les autochtones eux-mêmes,
en tenant compte des particularités, des valeurs, de leur façon
de faire, etc., mais en respectant de part et d'autre qu'il y a un cadre
juridique à l'intérieur duquel nous évoluons tous ensemble
et avec lequel nous vivrons tous.
Quand l'Opposition déclare, dans sa motion, que le gouvernement
n'a donné aucune suite à cette résolution adoptée
en 1985 et que ceci, entre autres, a conduit aux événements de
l'été, je peux affirmer déjà, même
après seulement deux semaines en poste, M. le Président,
même pas, que c'est une exagération; exagération du style
à laquelle on nous a déjà habitués, comme je le
disais tout à l'heure.
Tout à l'heure, le ministre de la Sécurité publique
a fait, je pense, un survol très clair de toute la question quant
à la gestion de la crise et il a fait ressortir, d'une part, que les
droits fondamentaux n'ont jamais été mis en question et, d'autre
part, que le gouvernement, durant toute la crise, n'a jamais fléchi de
sa détermination de s'assurer qu'il n'y aurait pas d'autres effusions de
sang que celle très malheureuse du caporal Lemay, le 11 juillet. Et nous
avons réussi. Il est vrai qu'ici et là, comme le disait le
ministre de la Sécurité publique, il aurait pu y avoir des
difficultés, des erreurs de parcours, mais, dans l'ensemble, nous
sortons de cette crise avec la conviction et l'affirmation que, finalement, la
société québécoise a tenu beaucoup à ce
qu'on évite d'avoir des conflits comme ceux que connaissent d'autres
endroits dans le monde et que nous sommes prêts à repartir, M. le
Président, sur une voie qui nous amènera à des relations
saines, à des relations qui nous permettront de parier clairement de
part et d'autre, et de se comprendre.
Dans ce sens-là, je ne peux pas et je ne veux pas retourner en
arrière et essayer d'attribuer des blâmes par rapport à la
crise à tel comportement, à telle faction, à tel geste ou
à tel groupe ou quoi que ce soit. Ce que je retiens des
événements de cet été, c'est, d'une part, qu'il y a
une situation particulière par rapport aux Mohawks à laquelle il
faut faire face et, d'autre part, qu'il va falloir qu'on établisse une
nouvelle relation avec l'ensemble des peuples aborigènes du
Québec en ce qui nous concerne au Québec. Il existe, comme nous
le savons tous et comme l'a souligné le député de
Duplessis tout à l'heure, à l'arrière-plan, le fait que le
dossier des autochtones, à l'exception des territoires
conventionnés, est un dossier de compétence
fédérale à plusieurs égards. Mais j'aimerais
affirmer déjà, M. le Président, que ceci ne veut pas dire
que nous nous en laverons les mains. Bien au contraire. Parce que les
manifestations concrètes de la qualité de nos relations se font
sentir sur le Québec, et nous avons tout intérêt à
maintenir et à développer davantage une relation qui nous soit
propre. (17 h 50)
La nomination d'un ministre à temps plein sur le dossier - et
c'est la première fois dans l'histoire de ce dossier, M. le
Président, qu'il y a un ministre à temps plein - cette nomination
souligne, je crois, le fait que nous devons travailler dans ce sens-là,
et c'est exactement mon intention, M. le Président. J'aurai d'ailleurs
l'occasion de travailler avec les chefs autochtones, avec les collègues
ici et je rencontrerai également, dans un proche avenir, mon homologue
fédéral afin de discuter avec lui de toute la question de nos
relations sur ce dossier.
Mais retournons pour deux secondes à la motion que nous avons, et
faisons un tour rapide des actions du gouvernement depuis 1985. À bien
croire le député qui m'a précédé, nous
étions complètement absents, absolument rien ne s'est fait et
nous n'avons pas de relation avec les autochtones. Ce n'est tout simplement pas
vrai, M. le Président. Mes deux prédécesseurs ont
travaillé très fort, et c'est tout à leur honneur si nous
avons un bilan qui est parmi les plus riches de l'ensemble des provinces, et
contrairement à ce que peuvent laisser entendre certains chefs
autochtones pour des raisons qui leur sont propres, c'est au Québec
qu'il y a la meilleure base pour une relation saine entre les autochtones et
les non-autochtones et ce fait est surtout dû aux actions de ce
gouvernement, M. le Président, et au travail effectué par mes
prédécesseurs.
Commençons avec le développement économique parce
que le développement économique, M. le Président, est un
des secteurs touchés par la résolution de 1985 qui pariait du
droit de participer au développement économique du Québec
et d'en bénéficier. Commençons par ce secteur parce que
c'est là, à mon avis, la base des problèmes que peuvent
vivre les autochtones. Il est clair qu'il faudra ensemble trouver des
façons légitimes, je dirais aussi légales, d'assurer une
base économique pour assurer et permettre le développement
social, culturel et communau-
taire des autochtones. Il est clair qu'il reste encore
beaucoup à faire dans ce secteur et qu'il faudra explorer plusieurs
pistes, utiliser de l'imagination et être prêts à faire face
à de nombreuses difficultés et complexités.
Déjà, pourtant, nous avons apporté
notre appui à divers projets pour autochtones lors des sommets
socio-économiques de la Côte-Nord, par exemple, de la
Gaspésie, de la Mauricie, de Lanaudière, et lors de la biennale
de l'Abitibi-Témiscamingue, et c'est ainsi que les Montagnais, les
Naskapis, les Micmacs, les Attikameks et les Algonquins ont pu obtenir du
gouvernement du Québec des engagements totalisant 9 000 000 $. Mieux
pourtant, cet exercice aura permis à plusieurs communautés
d'établir des liens étroits avec l'ensemble des organismes
socio-économiques de leur région et, dans bien des cas, le forum
régional a priorisé les projets des autochtones qui, de plus en
plus, ont le sentiment d'être des partenaires à part
entière du développement du milieu. Enfin, M. le
Président, ceci n'est qu'un exemple pour montrer que nous entendons
soutenir le plus efficacement possible le développement
socio-économique des Amérindiens et des Inuit du
Québec.
Actuellement, nous poursuivons nos travaux de mise en
oeuvre de l'entente de concertation Canada-Québec qui permettra de
faciliter l'accès des autochtones aux programmes de développement
économique des deux niveaux de gouvernement. D'autre part, en
favorisant, comme nous l'avons fait, : la mise en place de comités
d'adaptation de la main-d'oeuvre, les soi-disant CAMO - je suis en train
d'apprendre un nouveau vocabulaire et un nouveau jargon - dans plusieurs
communautés, nous espérons pouvoir apporter le coup de pouce
nécessaire qui permettra d'organiser et de planifier le
développement économique futur tout en offrant des
possibilités d'emploi intéressantes. Et, à cet
égard, M. le Président, nous avons participé activement
à la création d'une banque informatisée de données
sur la main-d'oeuvre montagnaise qui permettra de planifier la formation des
travailleurs et d'offrir aux employeurs de tout le Québec le
savoir-faire des jeunes autochtones.
M. le Président, toute cette question de la
formation professionnelle, toute cette question de la nécessité
de faire la jonction entre la jeunesse autochtone - qui est une jeunesse,
j'allais utiliser un mot, grandissante; chez les Cris, par exemple,
au-delà de 50 % de la population a moins de 18 ans, M. le
Président - et la nécessité de faire la jonction entre
cette jeunesse et les débouchés sur le marché du travail,
est reliée à la base économique dont je parlais tout
à l'heure, est tout à fait évidente et, parmi les
premières priorités tant du gouvernement que de la part des
autochtones eux-mêmes, parce qu'ils comprennent très bien - et
n'importe qui qui regarde la situation va le comprendre - que si on ne
réussit pas à trouver des sorties et des débouchés
productifs pour les jeunes autochtones qui arrivent sur la scène, c'est
le désespoir, c'est la continuation des situations qu'on a connues comme
la drogue, l'alcool, le suicide. Et c'est inacceptable, tant pour le reste de
la société que pour les autochtones. Mais le fait qu'il y a de
plus en plus de jeunes chez les autochtones qui arrivent nous force davantage
à regarder du côté de la nécessité de la
formation professionnelle et de cette base du développement
économique qu'il faudrait avoir.
Enfin, en ce qui concerne justement le développement
économique, j'entends supporter la Société de
développement économique des autochtones qui a été
récemment mise sur pied, dans la mesure où l'ensemble des nations
autochtones y donnera son appui.
Pour ce qui est du développement communautaire,
j'aimerais vous souligner, M. le Président, quelques
réalisations. En septembre 1989, notre gouvernement a signé avec
les Cris une entente permettant la création du village de
Oudjé-Bougoumou, sur les rives du lac Opémisca, près de
Chibougamau. Le Québec investira 20 000 000 $, pour la mise en place
d'un programme de développement économique qui s'ajouteront aux
10 075 000 $ pour la construction du village.
D'autre part, j'aimerais mentionner que le gouvernement du
Québec effectue une revue de la mise en oeuvre de la Convention de la
Baie James et du Nord québécois et la Convention du Nord-Est
québécois. Ainsi, depuis 1988, le processus de revue de la mise
en oeuvre de la convention est très actif et le Québec poursuit
actuellement ces discussions afin d'en venir à une entente sur la mise
en oeuvre de ces conventions.
Descendant plus au sud, un groupe de travail
spécial, formé de représentants d'Ak-wesasne, de
l'Ontario, du Québec et du Canada, négocie une entente
actuellement concernant les infrastructures essentielles à la
communauté d'Akwesasne, dont des centres communautaires, une patinoire,
une clinique médicale, un centre de formation et un centre
d'administration de la justice. Déjà, notre gouvernement, par
l'entremise du ministère de la Santé et des Services sociaux, a
versé tout près de 1 000 000 $ pour la construction d'une
résidence pour personnes âgées en perte d'autonomie, qui
sera, elle, inaugurée au mois de novembre prochain.
M. le Président, il est aussi important de constater
qu'au Québec, pas nécessairement comme ça se fait
ailleurs, les autochtones bénéficient sans aucune restriction de
tous les services offerts à l'ensemble des citoyens: services de
santé gratuits, aide juridique, allocations familiales et aide
sociale.
J'aimerais pourtant, M. le Président, sans vouloir
faire une revue de l'ensemble des choses qui se sont faites depuis t985,
prendre les quelques minutes qui me restent... Et je deman-
derai peut-être le consentement de l'Opposition, quand le temps
arrivera, pour dépasser de cinq à dix minutes le temps...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le ministre, à
moins qu'il n'y ait un consentement, je crois comprendre que vous avez besoin
de quelques minutes pour terminer. Est-ce qu'il y a consentement?
M. Perron: Oui, M. le Président, nous sommes parfaitement
d'accord de ce côté-ci à ce que le ministre
délégué aux Affaires autochtones puisse continuer son
intervention et terminer.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le ministre, si
vous voulez continuer.
M. Perron: On recommencera à 20 heures, quant à
nous.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): D'accord. M. le ministre,
continuez.
M. Sirros: Merci, alors ce ne sera pas tellement long
après 18 heures, M. le Président. Je voulais, effectivement, M.
le Président, faire un certain retour en arrière pour
démontrer qu'il y a eu toutes sortes de choses, toutes sortes
d'ententes, et je veux me référer tout à l'heure à
des ententes qui ont été signées depuis 1985 avec les
différentes nations et communautés autochtones, M. le
Président, parce que c'est important. Aujourd'hui, je ne veux pas me
prononcer de façon précise sur toute la question qui est au coeur
de nos relations avec les autochtones, qui est sans aucun doute la question de
l'autonomie gouvernementale. Ce sujet vient en tête de liste de la
résolution de 1985. Mais sans vouloir aujourd'hui me prononcer, de
façon précise sur la question, vous comprendrez je
l'espère, je peux pourtant déjà dire deux choses à
cet effet: premièrement, nous ne pourrons pas et ne devrons pas, je
dirais, escamoter la question. Il faut l'examiner de front, avec calme et
objectivité, en comprenant qu'une bonne définition des termes est
un prérequis à la compréhension mutuelle. (18 heures)
Deuxièmement, dès mon arrivée, et bien conscient de
l'importance de la question, M. le Président, j'ai clairement
indiqué aux fonctionnaires du Secrétariat que j'avais l'intention
de consacrer beaucoup d'heures au dossier des autochtones et que cette question
d'autonomie gouvernementale est au centre de mes préoccupations. Je vise
à la préparation d'une position sur le sujet aussitôt que
j'aurai terminé d'approfondir un petit peu plus mes connaissances et
après avoir discuté avec les leaders autochtones de la question,
également, ce qui ne devrait pas, quand même, tarder outre mesure.
Je n'ai pas l'intention, pour répondre aux inquiétudes du
député de
Duplessis, M. le Président, simplement d'écouter. Mais,
avant d'agir, je pense que ça va prendre une certaine dose
d'écoute. Au fur et à mesure qu'il y a des choses qui se
dégagent.. Comme déjà, la semaine passée, je
décidais que c'était nécessaire et valable de rencontrer
le chef d'Akwesasne, M. Mitchell, pour souligner et réaffirmer que le
Québec maintient sa détermination de participer au financement
des infrastructures dans sa communauté, je n'ai pas attendu des mois, M.
le Président. C'était clair, dès le départ, qu'il
fallait le faire, et je l'ai fait.
Au fur et à mesure que ces positions se dégagent, H y aura
des actions, M. le Président, mais, comme je le disais au départ,
H n'y aura pas de surenchère avec le député de Duplessis
pour démontrer qui est le plus fin. Nous allons aborder le dossier d'une
façon calme, objective, comme je le disais, ce qui nous permettra,
justement, d'axer nos interventions sur le développement d'une base
solide dans les relations. J'ai l'intention, et je l'ai déjà
écrit à tous les chefs autochtones, de prendre contact de
façon plus formelle dans les jours qui suivent et de pouvoir annoncer,
à ce moment-là, de quelle façon ce contact se fera.
Mais pour retourner un peu à toute la question de la
nécessité d'établir des politiques, c'est depuis 1986 que
le Secrétariat aux affaires autochtones coordonne l'adoption par les
ministères sectoriels de politiques spécifiques aussi pour les
autochtones. Le ministère des Affaires municipales a déjà
adopté une telle politique, comme l'avait fait dans le passé
avant lui le ministère de la Santé et des Services sociaux, la
Commission de la toponymie et le ministère de l'Énergie et des
Ressources. D'autres ministères, et nous les incitons à le faire,
travaillent présentement à élaborer ces politiques.
Mentionnons, notamment, les ministères des Affaires culturelles, de la
Sécurité publique, des Communications - n'est-ce pas, M. le
ministre des Communications? - de l'Enseignement supérieur et de la
Science, de la Justice ainsi que du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
De plus, les ministères transigent quotidiennement avec la
clientèle autochtone et, par le biais des coordon-nateurs
ministériels, l'accès des autochtones aux différents
services du gouvernement est facilité.
Depuis 1986, en seulement quatre ans, une cinquantaine d'ententes avec
des autochtones ont été signées par des
représentants d'une dizaine de ministères
québécois, et plusieurs de ces ententes sont récurrentes.
Je me passerai de les nommer une par une étant donné que l'heure
commence à presser, mais ce sont là des réalisations
concrètes de notre gouvernement pour mettre en oeuvre un des
éléments de la résolution de 1985, soit de négocier
afin d'en arriver à des ententes pour assurer aux autochtones l'exercice
de leurs droits de façon à leur permettre de se
développer.
Je suis bien conscient, comme le mentionnait le député de
Dupiessis, que la résolution de l'Assemblée nationale du 20 mars
1985 prévoyait l'établissement d'un forum parlementaire permanent
permettant aux autochtones de faire connaître leurs droits, leurs
aspirations et leurs besoins. Mais même si une telle formule n'a pas vu
le jour jusqu'à maintenant, une voie un peu différente a
été choisie. Il y a quand même eu plusieurs contacts
systématisés entre le gouvernement et les autochtones, et c'est
dans ce sens que mon "avant prédécesseur", si je peux parler
ainsi, le ministre Savoie, avait instauré des rencontres "biannuelles"
avec l'ensemble des chefs autochtones et des rencontres plus souvent avec un
groupe de travail qui préparait avec lui l'agenda de ces rencontres
selon les intérêts exprimés par les leaders autochtones
eux-mêmes. Et c'est ainsi que les autochtones ont rencontré le
ministre délégué aux Affaires autochtones, le ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche, le ministre du Revenu ainsi que le
premier ministre dans le cadre de ces rencontres qui réunissaient les
représentants de chaque nation et communauté autochtone. Ces
rencontres ont permis de discuter des sujets les plus variés, dont les
activités traditionnelles de chasse, de pêche, etc. Je
réévalue actuellement quelle est la meilleure forme pour que les
autochtones puissent discuter avec le gouvernement et j'entends les consulter
à cet égard. Il n'y aura pas de ma part et, encore une fois, pour
réconforter le député de Dupiessis, mais surtout pour
donner le message, M. le Président, il n'y aura pas de ma part une
approche qui permettrait à quiconque de penser à un
paternalisme.
M. le Président, j'ai l'intention d'aborder le dossier avec les
leaders autochtones en tenant compte du fait que mes responsabilités
sont à deux sens. De part et d'autre, M. le Président, il faut
qu'on travaille, d'une part, à faire connaître et faire comprendre
mieux à la population québécoise la réalité
autochtone, mais également, chez les autochtones, M. le
Président, qu'on puisse aussi connaître le fait... Le
député me fait signe que je devrais arrêter. Je lui fais
remarquer qu'il y avait un consentement pour 5 à 10 minutes
supplémentaires. Or, j'imagine qu'il me permettra de terminer dans ce
sens-là.
Une voix:...
M. Sirros: Ha, ha, ha! M. le Président, je reviendrai
à d'autres moments sur les revendications, par exemple, territoriales,
sur toute la question des négociations avec les Attikameks-Montagnais
parce que c'est le seul endroit où nous avons une revendication
territoriale globale. S'il est vrai que ces négociations ont
été arrêtées, elles ont été
arrêtées à la demande des Attikameks-Montagnais, M. le
Président, et des récents échanges nous laissent
présager un retour à la table des négociations dans les
meilleurs délais, ce que le gouvernement souhaite ardemment, afin de
pouvoir mettre en oeuvre pour les Attikameks et les Montagnais les dispositions
prévues dans la résolution de 1985 et ce, par la
négociation d'une entente de principe.
M. le Président, somme toute, vous comprendrez bien qu'il ne
m'est pas permis de souscrire à la motion d'aujourd'hui. Après
cette lecture des choses, il est évident que le gouvernement a
effectivement fait des pas, fait des choses, est entré dans le sens de
la résolution, M. le Président. Mais il est évident aussi
qu'B y a encore beaucoup de travail à faire. Il n'en demeure pas moins
que les problèmes reliés au monde autochtone sont encore
très nombreux et il faudra encore beaucoup de temps, de vigilance et
d'efforts pour parvenir à les solutionner. Et, à cette fin, il
m'apparaît dès à présent que le rôle du
Secrétariat aux affaires autochtones devra être renforcé
à plusieurs égards. Il y a lieu de mettre davantage l'accent, par
exemple, sur le développement des politiques et sur lés moyens de
leur mise en oeuvre. Un support accru devra aussi être fourni aux
équipes de négociation et une véritable politique
d'information devra être mise au point. De façon concrète
et en collaboration avec les autochtones, il faudra, comme je le mentionnais
plus tôt, aussi répondre à leurs préoccupations
actuelles qui m'apparaissent être le développement
économique et l'autonomie gouvernementale.
En terminant, M. le Président, bien qu'il soit incontestable que
le sort des autochtones soit bien meilleur au Québec qu'ailleurs au
Canada et ce, dans plusieurs domaines, comme celui des revenus, il n'en demeure
pas moins qu'au-delà de toutes les statistiques, la situation chez les
autochtones est bien souvent dramatique. Et nous avons tous l'obligation de
prendre acte de cet état de fait et de travailler à corriger
cette situation qui, bien souvent, est la cause première de toutes les
tensions. Afin de redresser cette situation, nous devons établir
rapidement un dialogue serein avec tous les éléments
modérés autochtones et c'est dans cet esprit que j'ai
déjà communiqué, comme je le mentionnais, avec chacun des
chefs autochtones du Québec, les invitant à me rencontrer. Je
pourrai, dans les jours qui suivent, être plus précis à ce
sujet. Tous nos efforts seraient vains et improductifs si ces discussions
devaient se poursuivre dans un climat d'affrontement. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): On vous remercie, M. le
ministre délégué aux Affaires autochtones. Compte tenu
qu'il est 18 h 10, nous suspendons nos travaux jusqu'à 20 heures, en
vous indiquant qu'on continuera le débat sur cette motion de censure.
Merci.
(Suspension de la séance à 18 h 9)
(Reprise à 20 h 3)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il
vous plaît!
C'est le débat sur la motion de censure de M. le leader de
l'Opposition officielle qui se continue. Je suis prêt à
reconnaître le premier intervenant. Alors, je reconnais M. le
député de La Prairie. M. le député.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Alors, il est tout
à fait normal que je participe à ce débat puisque des
milliers de citoyens et de citoyennes dans le comté que je
représente ici avec honneur, le comté de La Prairie, des milliers
d'électeurs et d'électrices ont souffert de cette crise qui a
été si mal gérée par le gouvernement du
Québec.
Qu'est-ce qu'elle dit, cette motion? C'est une motion qui, à
toutes fins pratiques, reproche au gouvernement actuel d'avoir
été imprévoyant, de n'avoir pas suivi les traces du
gouvernement précédent, celui qui était là avant
1985 et qui avait réussi un rapprochement remarquable avec les nations
amérindiennes et avec les Inuit.
Deuxièmement, cette motion reproche aussi au gouvernement d'avoir
toléré, malgré tous les avertissements que ce gouvernement
avait reçus, notamment de la Sûreté du Québec,
l'accumulation massive d'armes très dangereuses, d'armes très
puissantes dans les deux réserves en question.
Troisièmement, la motion reproche aussi de ne pas avoir
exercé le leadership, la direction normale, politique, morale à
laquelle la population a le droit de s'attendre d'un gouvernement
démocratiquement élu. Je reviendrai sur chacun de ces
points-là tout à l'heure, mais je veux, avant d'aller plus loin,
m'arrêter quelques minutes sur les conséquences vécues par
les gens du comté de La Prairie, notamment les résidents et
résidentes de quelques villes qui sont voisines de la réserve de
Kahnawake, la ville de Sainte-Catherine, la ville de Saint-Constant et la ville
de Delson. Ces gens ont souffert non pas seulement - inconvénient majeur
pour la plupart d'entre eux - d'avoir à utiliser une autre voie
d'accès vers Montréal, puisque la plupart travaillent à
Montréal, n'ont pas seulement souffert de cette fermeture donc du pont
Mercier, ce qui était déjà considérable, mais aussi
plusieurs familles ont dû quitter leur foyer pour se réfugier dans
des motels, dans des hôtels. Même si le gouvernement a offert un
programme de compensations financières, on sait tous que ces
compensations financières ne défraient jamais le coût
réel de tous les inconvénients.
Troisièmement, les gens de mon comté ont aussi souffert
gravement de ce climat vicieux et vicié qui s'est
développé tout au long de la crise. Un climat de méfiance
entre voisins qui, jus- que-là, depuis des générations...
Les gens de Kahnawake, les gens de la région de Sainte-Catherine, de
Saint-Constant et de Château-guay, depuis des générations,
malgré certains problèmes qui survenaient de temps à
autre, le voisinage se faisait de façon plutôt correcte. Mais
durant cette crise si mal gérée par le gouvernement, l'un des
résultats a été la détérioration des
relations entre ces voisins.
Les commerces ont subi des torts considérables, M. le
Président. Les responsables qui sont venus dans la région ont
promis, il y a déjà plusieurs semaines de ça, durant la
crise - parce qu'il y a des ministres qui venaient chaque semaine... Ils n'ont
pas rencontré la population, parce que aucun ministre n'est venu
rencontrer la population, aucun! Aucun n'a eu le courage de venir rencontrer la
population dans ma région.
Je dois rendre hommage au député d'Argen-teuil qui lui, au
moins, à ma connaissance, a été le seul ministre qui
rencontrait des groupes de population. Les ministres qui sont venus dans ma
région, le ministre de la Sécurité du revenu, responsable
de la région, avec le ministre de la Sécurité publique
à l'époque et le ministre responsable des autochtones, venaient
rencontrer les maires, les notables seulement, entre quatre murs. Ils venaient
chaque semaine apporter la bonne nouvelle, essayer de mettre un peu de baume,
des bonbons qu'ils apportaient. Souvent, ces promesses-là n'ont pas
été tenues, notamment en ce qui concerne les commerces. Les
commerces devaient être compensés et ils ne l'ont pas
été encore. Les gens de Sainte-Catherine, de Saint-Constant et de
Delson, ils ont surtout souffert de ne pas être informés. Je pense
que le reproche le plus grave qu'on peut émettre à l'égard
de ce gouvernement, c'est de ne pas être capable de communiquer avec la
population en temps de crise, même pas en temps normal, et encore moins
en temps de crise. C'est ça la marque, M. le Président, de chefs
politiques qui ont une crédibilité, qui ont de l'étoffe,
qui ont de l'envergure, de pouvoir, dans les moments difficiles, dans les
moments de crise, se rendre auprès des groupes, auprès de la
population, leur expliquer pourquoi ils prenaient telle ou telle
stratégie, pourquoi ils avaient décidé telle ou telle
pratique.
M. le Président, le gouvernement Lévesque dont j'ai fait
partie durant un certain nombre d'années avait, comme je le disais
tantôt, en 1985, adopté en Chambre une résolution et je
rappelle que le Parti libéral a voté contre cette
résolution. Qu'est-ce qu'elle disait essentiellement, cette
résolution? Elle disait - et ça venait après plusieurs
années, trois ans de négociations avec les 10 nations
amérindiennes et la nation inuit - que l'Assemblée
reconnaît les droits autochtones, cette résolution reconnaît
l'existence des nations abénaquise, algonquine, attikamek, crie,
huronne, micmaque, mohawk, montagnaise, naskapie et inuit. Elle permet de
conclure avec les nations qui le désirent des
ententes leur assurant l'exercice du droit à l'autonomie au sein du
Québec, du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions,
du droit de posséder et de contrôler des terres, du droit de
chasser et piéger et du droit de participer au développement
économique du Québec. Ce n'étaient pas seulement des
paroles, parce que, peu de temps après cette résolution,
justement, la communauté mohawk de Kahnawake a reçu du
gouvernement du Québec à l'époque une somme d'environ 5
000 000 $ lui permettant de construire son propre hôpital à
Kahnawake selon des plans qu'eux allaient élaborer, sans passer par
toute la procédure habituelle du ministère des Affaires sociales
de l'époque. Nous avons confié à l'époque, à
toutes fins pratiques, l'administration des services de santé à
cette population de Kahnawake au conseil de bande et c'est encore la situation
qui prévaut.
M. le Président, ce gouvernement a été
absent durant la crise. Le reproche que les ministres auraient pu entendre
s'ils étaient venus côtoyer la population, que ce soit aux
barricades ou ailleurs, le reproche principal, c'était: Qu'est-ce que
vous attendez pour nous expliquer comment vous entendez sortir de cette crise?
Le silence, M. le Président. Le silence. Et c'est un silence qui
était méprisant parce que, en même temps, on disait
à la population avoisinante: Si vous ne restez pas tranquilles, la
Sûreté du Québec va s'occuper de vous. Et, pendant que les
ministres du gouvernement du Québec et les ministres du gouvernement
fédéral passaient les barricades pour aller signer une entente
avec des gens masqués, pendant ce temps-là, la population
avoisinante se faisait matraquer par la Sûreté du Québec
et, encore aujourd'hui, on ne sait pas qui a donné l'ordre à la
Sûreté du Québec de matraquer la population blanche sur le
pont Saint-Louis-de-Gonzague, ce dimanche après-midi, où tout le
monde a vu à la télévision ces images dont on ne peut pas
oublier la gravité. Et c'était, M. le Président, pour la
population avoisinante, que ce soit La Prairie ou Château-guay, une
situation tout à fait incompréhensible.
Le gouvernement nous en a dit plus depuis deux jours sur
l'assaut de la Sûreté du Québec à Oka, à
Kanesatake que nous n'en avions su pendant 80 jours. Pendant plus de 80 jours,
on nous dit, le gouvernement n'était pas au courant et, tout à
coup, depuis hier, on se rend compte que c'est une attachée politique
qui était au courant et que c'est sa faute si les gouvernants, les
leaders de ce gouvernement-ci, n'ont pas été avertis en temps.
Bouc émissaire! C'est l'habitude de ce gouvernement de se servir du
personnel politique comme bouc émissaire.
M. le Président, les Québécois et les
Québécoises doivent se méfier beaucoup plus de ce genre de
gouvernement que de la population autochtone. Nos concitoyens et nos
concitoyennes n'ont pas à craindre les 100 000 autochtones qui vivent au
Québec. Le passé est garant de l'avenir. Les
Québécois, nos ancêtres, ont côtoyé, ont
voisiné, ont cohabité avec les nations amérindiennes de
façon pacifique, généralement. Non seulement les ont-Hs
côtoyées, mais plusieurs d'entre nous possédons une
certaine dose de sang indien et nous devons en être fiers.
Et lorsqu'une certaine publicité, une certaine
propagande venant surtout des médias anglophones au Québec, comme
en dehors du Québec, vient essayer de faire croire que le Québec
francophone est devenu un État fasciste, il s'agit, M. le
Président, de gens qui ne connaissent pas leur histoire. Ou il s'agit de
gens de mauvaise foi, qui font tout pour détruire la volonté des
Québécois et des Québécoises non seulement de se
donner leur propre indépendance, mais de traiter sur un pied
d'égalité les 10 nations amérindiennes et la nation
inuit.
Et qu'est-ce que ce gouvernement va faire?
Déjà, M. le Président, il y a moins d'urgence depuis que
la crise est finie. Déjà, le gouvernement recule. Nous pensons de
ce côté-ci, comme bien d'autres, qu'il doit y avoir un examen
large de cette question de l'avenir des autochtones au Québec. Et quand
je parle d'autochtones, il ne faut pas oublier la nation inuit. Les 10 nations
amérindiennes et la nation inuit. Il faut qu'il y ait une discussion
publique. Qu'on appelle ça une commission sur l'avenir des autochtones
au Québec, dans le Québec, qu'on l'appelle autrement, je pense
qu'on ne devrait pas appeler ça une commission d'enquête parce
qu'il ne s'agit pas d'une enquête. Il s'agit d'une consultation large
où à la fois les Québécois et les autochtones
doivent ensemble trouver des façons de développer leur avenir. Et
c'est une proposition que la Centrale de l'enseignement du Québec
circule depuis quelque temps et qu'il faut regarder attentivement. À
tout le moins, M. le Président, il faudrait que la commission
parlementaire qui avait, pendant plusieurs jours, rencontré et
reçu des groupes autochtones en 1983 - ça fait
déjà'sept ans - il faudrait à tout le moins que cette
commission parlementaire soit convoquée par le gouvernement pour que, de
nouveau, nous fassions le point en tant que société sur les
relations entre les autochtones et les non-autochtones.
Et il faut que ce gouvernement prenne l'initiative. il faut
que ce gouvernement arrête de gérer, d'administrer le
québec en réaction à des crises. et ce n'est pas seulement
dans le cas de la crise des autochtones. on a vu ça aussi dans
l'environnement, m. Le Président. dans l'environnement, ce gouvernement
n'agit que lorsqu'il y a une crise. encore cet après-midi, le ministre
de l'environnement refusait de s'engager à suivre une des
recommandations importantes du rapport charbonneau, à savoir: de
constituer un fonds pour la décontamination des nombreux sites qui ont
actuellement des déchets dangereux. il attend la prochaine crise. ce
gouvernement doit, à
froid, prendre des initiatives, faire preuve d'imagination et
l'Opposition va collaborer. Nous déplorons, comme la population l'a
déploré durant la crise, ce vide politique. C'est comme s'il n'y
avait pas de gouvernement. Quand il se manifeste finalement, les autochtones
ont droit à des scénarios de confusion, parce qu'on se retrouve
devant le fameux triangle fédéral-provincial et autochtone.
Nos dirigeants, autant Québec qu'Ottawa, ont reproché aux
Amérindiens durant cette crise d'avoir peu de clarté dans leur
leadership, autrement dit, de ne pas déléguer à la table
de négociation des représentants clairement identifiés.
Nos dirigeants ont fait ce reproche. M. le Président, les autochtones
peuvent aussi faire le reproche au gouvernement des Blancs, peuvent faire le
reproche au gouvernement du Québec et au gouvernement d'Ottawa
d'entretenir une confusion sur les responsabilités respectives des deux
paliers de gouvernement. (20 h 20)
Alors, il faut que cette triste page de notre histoire, il faut qu'elle
soit remplacée le plus tôt possible par des initiatives où
on va faire preuve d'imagination, de courage, de magnanimité. Il faut
que des gestes soient posés. Nous pensons que ça doit venir, sur
le plan national, mais il le faut aussi sur le plan local. Je pense notamment
aux relations de voisinage dont je parlais tantôt. Il serait utile que le
gouvernement encourage, favorise la création de groupes qui veulent
améliorer les relations entre autochtones et voisins, en tout cas dans
la région de Kahna-wake. Pour ça, il faudra qu'il y ait un
support financier et autre de la part du gouvernement.
L'avenir, M. le Président, il est intimement Hé à
l'avenir politique du Québec - c'est là-dessus que je vais
terminer - dans la mesure où la population québécoise va
décider une fois pour toutes, clairement, en toute lucidité, de
prendre en main toute sa destinée, et c'est ce que nous voyons poindre
à l'horizon, un horizon prochain. Dans la même mesure, nous
pensons, de ce côté-ci de la Chambre, que les relations entre
gouvernements québécois et autochtones seront grandement
améliorées. Nous mettons en garde les autochtones, cependant,
contre des manoeuvres de diversion comme on en a vu durant la crise, des
manoeuvres de diversion qui peuvent venir des autorités
fédérales ou des adversaires de l'indépendance du
Québec, des manoeuvres qui viseraient à faire croire à la
population autochtone qu'un gouvernement d'un Québec indépendant
serait raciste, serait nazi, comme on l'a entendu durant la crise.
M. le Président, il faut, en toute honnêteté, en
toute tranquillité d'esprit, en dehors des crises, que ce gouvernement
s'assoie et présente de façon très concrète des
outils de développement économique aux autochtones. Il ne s'agit
pas simplement de négocier les grandes questions de droit de
propriété, de droit de chasse, de droit de pêche, de droit
de piégeage. Il s'agit aussi, comme ça a été fait
pour les Cris, dans le Grand-Nord, et les Inuit, de fournir aux
communautés autochtones des instruments de développement
économique modernes qui mettront une fois pour toutes un dynamisme
économique dans ces communautés et qui permettront à ces
communautés de s'ouvrir, en toute tranquillité d'esprit, en toute
sérénité, à la communauté
québécoise environnante.
M. le Président, je pense que ce gouvernement porte une
responsabilité très lourde pour nous avoir fait reculer de
plusieurs années dans nos relations avec les autochtones et, par
conséquent, on attend de lui qu'il prenne ses responsabilités, et
le plus tôt possible. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de La Prairie. Je reconnais maintenant le
député de D'Arcy-McGee.
M. Robert Libman
M. Libman: M. le Président, suite à l'échec
du lac Meech ce printemps dernier, l'atmosphère qui régnait en
était une où la population entière de ce pays se devait de
prendre un grand recul afin de remettre l'état des choses dans une
certaine perspective. Les bouleversements politiques m'ont tourmenté au
point, comme la plupart des députés en cette Chambre ainsi que
ceux dans la plupart des Législatures du pays, d'attendre avec
impatience un été calme et paisible, où toute
réflexion pourrait se faire dans une atmosphère de relative
tranquillité. Hélas! l'été à peine
commencé, nous étions les témoins de scènes qui,
jusqu'à maintenant, ne faisaient partie que de nos souvenirs de
cinéma.
L'été d'enfer a commencé le 11 juillet. Les
scènes de guerre ont été répétées
tellement souvent que je vous ferai grâce des faits, M. le
Président. Je vous rappellerai toutefois que cette première
journée a été la plus marquante pour la simple raison
qu'elle fut la plus coûteuse. Le caporal Marcel Lemay s'est
présenté au travail, ce matin-là, sachant que la
journée comporterait des risques élevés. Ce à quoi
sa famille et lui ne s'attendaient pas, c'est que cette journée soit sa
dernière. L'assaut de la Sûreté du Québec sur les
barricades mohawks était une idée irrémédiablement
vouée à l'échec. Personne n'aurait pu oser dire que cette
affaire n'impliquerait aucune perte de vie. C'était une mission
suicidaire d'un bord comme de l'autre. De plus, cette mission était
entachée d'illégalités sur lesquelles mes collègues
et moi-même avons exigé une enquête publique impartiale,
à plusieurs reprises. Je ne comprends pas, aujourd'hui, pourquoi le
gouvernement ne veut pas commencer une enquête judiciaire impartiale sur
cette crise.
Envoyer une escouade paramilitaire, est-ce une façon normale de
faire respecter une injonction ou doit-on peut-être, avant, obtenir
l'ordre
d'un tribunal statuant qu'il y a outrage au tribunal? Et
encore, le gouvernement considérait-il cette affaire comme une
insurrection armée, tout à fait surprise, ou bien pouvait-on
prédire le déroulement des événements avec les
informations qu'on obtenait depuis déjà trois ans? Il nous faut
des réponses, M. le Président; H est évident qu'il nous
faut des réponses. On ne peut tourner la page et prendre pour acquis que
cette affaire est réglée, elle est très loin de
l'être.
Les autochtones de notre pays se sont fait
littéralement fourrer dans ce pays depuis que nous y sommes
arrivés. Néanmoins, je n'accepte pas les propos, les paroles de
ceux qui prétendent que c'est au Québec que les autochtones ont
été les moins respectés. Je crois, en toute franchise, que
ce genre de commentaire n'a pas sa place dans les circonstances. Toutes les
provinces sont coupables dans cette affaire, autant que le gouvernement
fédéral. Pointer du doigt pour déterminer qui est mieux et
qui est pire, c'est rendre un mauvais service à ceux qui tentent de
régler certaines de ces injustices historiques.
Par contre, je demeure littéralement
sidéré, suite aux événements de cet
été, de voir que la principale leçon continue de nous
échapper. Il y a deux semaines que John Ciaccia, le député
de Mont-Royal ou l'ancien ministre délégué aux Affaires
autochtones, a passé une entrevue sur l'émission "News Watch". Il
a dit que si on a appris une leçon de la crise de cet été,
c'est qu'y faut consulter, il faut parier avec les autochtones sur l'avenir de
notre province. la commission bélanger-campeau continue à se
préparer sans aucune invitation aux communautés autochtones. de
combien de crises aura-t-on besoin avant que le gouvernement n'utilise le
concept de la coopération? combien de fois m'a-t-on dit que les indiens
ne sont pas intéressés, qu'ils ne se considèrent pas comme
des québécois? le gouvernement nous dit que les
communautés autochtones ne sont pas intéressées à
participer à un débat sur l'avenir constitutionnel et politique
pour le québec. c'est pour cette raison qu'ils n'ont pas leur place sur
cette commission. nous savons que c'est faux. nous savons que ce n'est jamais
le cas. pourtant, m. lucien bouchard est dans son droit de siéger au
parlement national. vous pouvez en être certain, m. Le Président,
l'affaire d'un siège autochtone sur la commission est loin d'être
réglée et nous continuerons nos efforts afin de rectifier cette
injustice flagrante. c'est impensable qu'après ce qu'on a vu cet
été il n'y ait pas une place sur cette commission pour un
représentant de la communauté autochtone.
Une autre chose à dire, M. le Président, est
que la seule véritable percée de soleil qui est rassortie de la
crise de cet été était, de toute évidence, le
comportement et le travail exemplaire de l'armée canadienne. Ces hommes
et femmes, avec relativement peu d'expérience dans ce genre de
situation, nous ont tous démontré à quel point ils ont
mérité notre estime. J'avoue que j'étais sceptique quant
au rôle qu'ils pouvaient jouer dans cette affaire, mais, aujourd'hui, je
ne peux que dire: Chapeau! l'armée canadienne.
En terminant, M. le Président, bien que certains
ministres aient fourni un effort honnête pour dénouer cette crise
- il faut dire que le député de Mont-Royal a fait un effort
honnête pour dénouer cette crise - il reste néanmoins que
le tout a été un véritable fiasco. De plus, on semble
ajouter l'insulte à l'injure en faisant passer une attachée
politique comme bouc émissaire de cette affaire. (20 h 30)
In conclusion, I think everyone has to admit, and I would
be surprised if the Government themselves did not admit that they were
embarrassed this summer, that they were humiliated this summer on a few
occasions. I just want to bring up one instance. I think the painful images
that a lot of us saw on television of a handful of hoodlums stoning a convoy,
stoning several cars containing innocent Mohawks trying to leave or trying to
pass by the Mercier Bridge into LaSalle, I think that scene we saw of people
stoning these innocent Mohawks is something that a lot of us will have a lot of
trouble to forget for a long time. And it brings up the question of a double
standard. The Premier of this province said that the reason for intervening
with the Canadian Army was to maintain public order. Yet, when these innocent
people were being stoned, the Sûreté du Québec was standing
idly by and that was a disgrace for myself and for us and, I think, for all
Canadians.
But just to conclude, for the past two days, since Tuesday,
we have been here and every day, we see question after question of the
Government for some answers and we keep getting ridiculously inadequate answers
from the Government. And that, in itself, should tell us, that in itself should
be a lesson to us that there has to be some type of inquiry, some type of
judicial inquiry to understand, to find out, to examine, to explore, to see
what really happened, to answer some of these questions that have not been
answered.
And another thing, we talk about lessons having been
learned from this summer's crisis, yet we see or we sense that the Government
plans to plow forward with the development of James Bay II which will have
ultimate devastating effects on our Native peoples to the North. The
Crée and Inuit people will suffer irreparable damage to their life, to
their land, to their home. Yet the Government still plans to plow forward. You
would think that after what we have learned or seen this summer, there would at
least be some sensitivity towards our Native peoples in the North.
Alors, pour ces raisons, je m'associe au nom
de mes collègues à la motion de l'Opposition officielle,
et nous dénonçons vertement le comportement du gouvernement dans
la crise de cet été. Merci.
Je veux présenter un amendement à la motion de censure, M.
le Président. Je vais déposer cet amendement:
Conformément à l'article 198 des règles de cette
Chambre nous demandons que les termes "de l'État
québécois" apparaissant à l'avant-dernière ligne de
la motion présentée par le leader de l'Opposition officielle
soient remplacés par les termes "du gouvernement du Québec" afin
qu'il puisse y avoir concordance entre les versions anglaise et
française. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous remercie, M. le
député de D'Arcy-McGee. Je dois vous indiquer
immédiatement, cependant, qu'en vertu de l'article 306 et j'en fais
lecture: Le débat sur une motion de censure est prioritaire. Il a lieu
au cours d'une seule séance et se termine un quart d'heure avant sa
levée. La motion est alors mise aux voix et la motion de censure ne peut
être amendée. Alors, je me dois, en vertu de ces dispositions de
l'article 306, de déclarer, M. le député de D'Arcy-McGee,
votre motion irrecevable.
Oui, Mme la députée de Châteauguay je vous reconnais
pour votre intervention. Mme la députée.
Mme Pierrette Cardinal
Mme Cardinal: Merci, M. le Président. La motion
présentée aujourd'hui est importante en ce sens qu'elle implique
un épisode important de l'histoire politique du Québec, triste
à certains égards. La société
québécoise ne peut tirer aucune leçon positive de ce type
de conflit. En effet, pendant plus de deux mois, une poignée de
personnes, hommes, femmes, et parmi eux des enfants, ont attiré
l'attention d'abord nationale puis internationale, par des moyens qui,
évidemment, nous paraissent fort discutables. Qui plus est, une telle
situation, avec ses tenants et aboutissants, survenait dans une
société moderne où supposément l'esprit de
tolérance, d'accueil et de générosité semblait
caractériser le Québec. Du moins, telle est l'image
historiquement projetée sur l'ensemble de l'Amérique du Nord et
un peu partout dans le monde.
Donc, M. le Président, rien ne sert de se cacher. Plusieurs des
scènes ou événements survenus tout au long de ce conflit
furent choquants, voire même, dégradants dans une
société comme la nôtre. Mais qu'on ne s'y méprenne
pas, je n'accuse ici personne en particulier, dans quelque camp que ce soit, de
porter l'odieux de l'ensemble du dossier. Toutefois, nul ne peut douter, avec
le recul du temps, que l'état émotif de ce conflit a fait peur
à plusieurs et que seule la rationalité pouvait venir à
bout d'une solution acceptable pour chacun des intervenants en jeu.
Pour sa part, l'État québécois a dû affronter
cette crise de façon respo'nsable. La solution pour régler
définitivement ce conflit dans les faits reste encore à
être définie, si ce n'est que la population a pu au moins
retrouver une tranquillité relative tant recherchée. Parce que,
M. le Président, la solution ne peut, en toute honnêteté,
être formulée en quelques semaines puisqu'elle doit passer par une
reprise du dialogue constructif avec les interlocuteurs dûment
mandatés par les autochtones et reconnus par le gouvernement.
M. le Président, je dois m'assurer que jamais plus ma population
n'aura à revivre une telle situation. Or, on l'a bien vu, le contexte
armé du dernier conflit ne se prêtait guère aux approches
fructueuses. Les revendications s'appuient en grande partie sur des
problèmes de fond, historiquement difficiles à traiter, et qui
doivent être précédées d'études encore et
davantage approfondies. Aujourd'hui, l'Opposition tente de se lancer dans
toutes sortes de procès d'intention, mais oublie d'insister sur le fait
que le chef du Parti québécois préconisait, lui, la
manière forte pour venir à bout de ce dossier. Personnellement,
j'ai toujours préconisé la négociation car la violence
attire la violence. Notre souci constant était de préserver des
vies; une suffisait, cette perte de vie qui est vraiment regrettable. En tout
état de cause, notre gouvernement a retenu la seule solution qui tienne
compte de la nécessité de reprendre le dialogue avec les
autochtones.
Dans un autre ordre d'idées, M. le Président, je ne
saurais trop insister sur les répercussions de cette crise.
Séquelles économiques, d'abord, en ce que les activités de
deux régions furent littéralement paralysées pendant des
semaines. Ces séquelles, les régions impliquées les
ressentiront longtemps, mais j'ose croire qu'avec une bonne relance
économique, la collaboration des intervenants du milieu, notre dynamisme
et notre ferme détermination, nous pourrons relever ce défi de
taille. Pour sa part, le gouvernement libéral n'a pas fermé les
portes, loin de là. Il a rouvert le cadre des discussions pour
évaluer le mieux possible les demandes du milieu et pour trouver une
solution qui puisse être durable. (20 h 40)
Séquelles humaines également, M. le Président, dans
la mesure où des communautés qui vivaient en harmonie se sont
tout à coup trouvées dans un contexte d'adversité qui a
vite tourné en animosité. À titre de
députée, je mettrai tous mes efforts à refaire le tissu
social et faire en sorte que renaisse ce bon voisinage de naguère.
Ainsi, vous me permettrez de m'attarder quelques instants sur un volet
du dossier dans
lequel je fus impliquée directement. Vous avez compris que je
fais allusion aux événements de Châteauguay qui ont
parlé d'eux-mêmes. Ils ont témoigné de la
frustration d'une population consternée devant les difficultés de
se déplacer quotidiennement.
À cet égard, vous me permettrez de vous résumer en
quelques mots les sentiments que j'ai vécus à titre de
députée du comté de Châteauguay, tout au long de ce
conflit. Il m'est presque difficile de vous décrire en des termes
simples et concrets l'intensité des émotions ressenties dans le
milieu durant tout le conflit et qui perdurent toujours. M. le
Président, les médias d'information tant pariés
qu'écrits ont reflété le mieux possible la panique qui
s'est installée dans le milieu dès le 11 juillet dernier. Il ne
faut pas oublier que nous avons déjà vécu cette situation
à Châteauguay, moins longtemps, certes, mais aussi
intensément, le 1er juin 1988.
Vous comprendrez, M. le Président, que la population s'est
littéralement sentie désemparée et abandonnée. En
effet, les inconvénients subis ont impliqué pas moins de 100 000
personnes. Et je parle ici d'inconvénients à court terme. Nous
sommes encore à dresser le bilan des pertes totales qui ont
sérieusement endommagé le tissu social et économique de ma
région.
Voilà la véritable portée du conflit vécu
aussi bien à Châteauguay que dans les autres régions
impliquées de près ou de loin dans le conflit autochtone. Et
j'irai plus loin en disant que ma priorité est de refaire, voire
même de reconstruire le tissu social sérieusement entaché
depuis plus de cinq mois.
Je profite de l'occasion pour rendre hommage encore une fois à
tous les intervenants du milieu, municipalités, chambres de commerce,
sociétés pour le développement économique de
Châteauguay, mon personnel, ma famille, tous ceux et celles qui, de
près ou de loin, m'ont aidée et soutenue durant tout le temps
qu'a duré ce conflit et je vous prie de croire que ça n'a pas
été facile.
Si j'insiste pour les remercier et exprimer publiquement ma
reconnaissance, c'est que vous admettrez avec moi qu'un tel dossier devient
vite extrêmement sensible, sinon délicat et, à certains
égards, très éprouvant pour un représentant ou une
représentante de circonscription électorale.
Le 30 août dernier, les membres de l'Assemblée nationale
furent appelés à solutionner un élément essentiel
pour l'avenir de Châteauguay et des environs, soit le projet d'une loi
spéciale qui fit suite à une annonce du 9 août dernier
alors que le ministre des Transports annonçait qu'il amorçait les
démarches nécessaires afin de réaliser dès cette
année un tronçon de 8,5 kilomètres de l'autoroute 30
reliant le boulevard Ford de Châteauguay et la route 132 à
Sainte-Catherine. L'adoption d'une loi spéciale apparaissait
nécessaire pour rencontrer l'objectif du gouvernement, de mettre
à la disposition de la population de Châteauguay une voie de
contour-nement de la réserve de Kahnawake.
Ce projet est présentement bien engagé, en raison du
début des travaux, en septembre dernier, devant être
complétés au coût de 10 000 000 $, et cette première
étape verra une chaussée à deux voies dont l'ouverture
à la circulation est prévue pour décembre prochain. Quel
soulagement pour ma population et les populations avoisinantes devenant ainsi
une motivation certaine à travailler avec acharnement à notre
relance économique. Cette motivation sera soutenue car, l'an prochain,
on complétera la première phase de ce projet routier de 12,5 km,
qui coûtera 43 800 000 $. Cette mesure, que l'on peut qualifier de
considérable mais nécessaire, contribuera à
améliorer la circulation routière, quand on sait que 80 % de ma
population transite entre les villes avoisinantes et Montréal sur une
base quotidienne. On peut donc imaginer les inconvénients vécus,
tout au long de ce conflit, alors que toute la circulation automobile fut
détournée, provoquant des coûts et des retards très
importants.
D'ailleurs, le projet de l'autoroute 30 n'est pas né
spontanément dans le sillon du dernier conflit. On se rappellera, en
effet, qu'au début des années quatre-vingt on parlait de ce
dossier de façon abondante et seul l'espoir semblait constituer la
réalité. Je souligne, en passant, que l'ancien gouvernement n'a
pas été très présent dans ce dossier à
l'époque.
Les gestes posés par le gouvernement libéral ont eu ceci
de bénéfique, en ce qu'ils ont rassuré la population de la
région, puisque la réalisation complète de cette autoroute
constituera une alternative efficace pour assurer le déplacement de la
population.
Je n'ai pas à insister, M. le Président, sur le fait que
le gouvernement libéral accorde une grande importance au
développement régional, dont le raffermissement du réseau
routier constitue une priorité et assure un lien essentiel entre les
différentes régions du Québec.
Quant à la gestion globale de ce présent dossier, je tiens
à souligner que le gouvernement québécois a assumé
le leadership nécessaire au règlement d'un conflit marqué
par de l'émotivité et de la sensibilité et ce, en
empruntant une voie pacifique jusqu'à la dernière limite permise,
dans la mesure où la population demeurait en sécurité.
Nul ne peut nier que le gouvernement a fait preuve d'une
tolérance absolue en tout temps au cours des mois derniers pour en
arriver a une solution pacifique. Les développements survenus au cours
des derniers mois et la solution ultime furent rendus nécessaires parce
que, à un moment donné, dans toute négociation, il y a une
limite qu'un État doit assumer pleinement, soit lorsque des
interlocuteurs menacent la sécurité d'une population civile. En
définitive, la population se sent sécurisée en ce sens
qu'une alterna-
tive fut enfin trouvée pour assurer une circulation normale et
efficace entre les villes de Châteauguay et ses environs et la ville de
Montréal.
On retiendra également que le gouvernement
québécois était confronté à un dilemme
important par rapport à l'ensemble du dossier. D'une part, il s'est vite
aperçu que la population souffrait d'inconvénients majeurs
à cause de ce chaos social créé depuis quelques mois.
D'autre part, le gouvernement a toujours estimé que les demandes
formulées par les autochtones doivent être abordées dans un
processus normal d'échanges entre différents partenaires. Devant
l'ampleur et la portée des problèmes rencontrés cet
été, l'Assemblée nationale a dû être
convoquée à un moment où les négociations ont
cessé d'être menées dans un processus normal de
négociations. Quand on y pense bien, ce projet d'autoroute
témoigne d'un respect certain du gouvernement à l'égard
des autochtones, puisque celle-ci contournera la réserve. (20 h 50)
La solution retenue tient également compte de ces
inconvénients vécus par la population de Châteauguay et de
ses environs. Vous comprendrez, M. le Président, qu'il y a certainement
une considération humaine qui a été prise en ligne de
compte lorsque est venu le moment de solutionner ce problème. Cette
solution s'inscrit dans une perspective d'action légitime de la part du
gouvernement à l'égard de la population visée. Donc,
l'option privilégiée dans la gestion de ce dossier difficile est
catégorique. Il s'agit d'assurer une gestion responsable. Telle est la
voie retenue par le gouvernement libéral. Cette action s'inscrit dans un
processus visant à améliorer la qualité de vie des
citoyens et citoyennes durement éprouvés, dont la patience et la
bonne volonté de la majorité de la population méritent
d'être soulignées. Cette action s'inscrit également dans un
processus d'amélioration de la circulation routière sur la rive
sud de Montréal. En fait, le rôle de député dans un
contexte aussi complexe et fragile ne sera pas de tout repos, en ce sens qu'on
ne recolle pas facilement les morceaux d'un aussi long conflit qui a
laissé des séquelles marquantes pour toute la population.
Je sais à l'avance que nous devrons user de patience, de
modération et d'un sens de compréhension considérable afin
de rétablir les ponts de communication à un problème dont
la source est autant juridique, politique qu'humaine. C'est pour cette raison
que j'attends de l'ensemble des intervenants de ce dossier que l'on fasse
preuve d'ouverture d'esprit et surtout de générosité afin
que le dialogue se poursuive dans une voie constructive, comme l'a
récemment fait le nouveau ministre délégué aux
Affaires autochtones. Chose certaine, j'estime que la population
québécoise dans son ensemble ne souhaite pas la
répétition d'un tel conflit, eu égard qu'elle prend pour
acquis que nous vivons dans une société moderne, laquelle
possède une philosophie de vie et de communication qui nous permet
d'établir de façon harmonieuse un climat de relations
respectueuses en vue d'en arriver à des solutions réalistes et
durables. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Châteauguay. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Hochelaga-Mai-sonneuve.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. À écouter
la députée de Châteauguay, je me suis demandé si on
n'assistait pas à une sorte d'exercice, ici en cette Chambre, depuis
l'ouverture, de réécrire l'histoire de cet été, de
la réinterpréter et puis de l'enjoliver en la
réinterprétant. Parce que ce que la députée de
Châteauguay vient de nous dire, c'est que le gouvernement avait
préconisé la négociation. Eh bien, la question qu'il faut
lui poser, c'est: Pourquoi l'a-t-il préconisée seulement
après l'opération militaire aux barricades d'Oka et pas
avant?
Une voix: C'est ça.
Mme Harel: C'est ça, la question, M. le Président.
Et depuis le début, les ministres, plusieurs d'entre eux, ont
lancé l'opinion publique, les médias d'information sur toutes
sortes de fausses pistes, à se demander qui avait décidé
le raid plutôt que de se demander, sans doute: Est-ce que ces fausses
pistes ont été lancées? Parce que les ministres
n'étaient pas intéressés à répondre à
la vraie question qui était la suivante: L'intervention de la
Sûreté était-elle justifiée, et est-ce que c'est
cette intervention que le gouvernement privilégiait plutôt qu'une
résolution pacifique au conflit qui existait depuis plus d'un an? Je
siégeais à la Commission sur l'avenir du Québec cet
après-midi et, comme je n'avais pas pu assister aux interventions qui se
sont faites sur la motion de censure, je me suis enquise auprès de
plusieurs personnes de la nature de l'intervention qu'avait faite le
député d'Argenteuil et ministre responsable de la
Sécurité publique. Toutes ces personnes m'ont
résumé, en très peu de mots, l'exercice qui avait
été tenté par le ministre de la Sécurité
publique, soit celui de décerner un certificat de bonne conduite dans
une sorte d'opération d'autocongratulation, M. le Président.
Une voix: C'est ça.
Mme Harel: Avec un rien de scandalisé dans le ton, le
ministre de la Sécurité publique se serait demandé comment
il se pouvait qu'on blâme le gouvernement pour sa patience, disait-il.
Mais c'est qu'il n'a pas compris. On blâme le
gouvernement pour son imprévoyance. Une voix: C'est
ça.
Mme Harel: Ce n'est pas la même chose, M. le
Président. On ne le blâme pas pour sa patience, on le blâme
pour son imprévoyance. Cette même imprévoyance dont il a
fait preuve en matière linguistique, rappelez-vous, M. le
Président, quand le gouvernement n'avait pas prévu le jugement de
la Cour suprême du Canada. La même imprévoyance en
matière politique en ne prévoyant pas le refus du Canada de
l'entente du lac Meech. La même imprévoyance en matière
économique; on se rend compte qu'il n'a prévu aucun moyen pour
sortir les Québécois de la récession. La même
imprévoyance, c'est la marque de commerce du gouvernement. Cette
imprévoyance nous a amené le désarroi dans lequel nous a
plongés l'imprévoyance du gouvernement l'été
dernier, un désarroi qui a été extrêmement
douloureux pour les Québécois et pour le Québec.
Comment se pouvait-il que ce gouvernement n'ait pas prévu que les
revendications des autochtones, partout dans le monde là - il ne s'agit
pas simplement ici même au Québec - sont en voie de
radicalisation? Au moment d'ailleurs où ça se passait, à
Oka, cet été, il y avait la même situation à Quito,
la capitale Quito, en Amérique latine, où on retrouvait des
situations absolument semblables à celle que nous avons connue ici.
Comment ne pas avoir prévu, après l'échec des quatre
conférences constitutionnelles sur les droits ancestraux qui ont
commencé en 1983 et qui ont abouti à rien en 1987, parce que
ça aussi, il faut le dire à la population, que le sort que nous,
on a connu avec le refus du Canada anglais de reconnaître la
société distincte, les nations autochtones l'avaient connu avant
nous avec l'échec de quatre conférences constitutionnelles qui
ont mené strictement à rien entre 1983 et 1987 sur la
reconnaissance de leurs droits ancestraux, à rien d'autre, finalement,
qu'à se faire dire d'aller devant les tribunaux. C'est ça le
modèle canadien. On le connaît, nous, les Québécois,
c'est d'aller devant les tribunaux pour se faire reconnaître des
droits.
Alors, comment est-ce possible? Moi, la question que je me suis
posée tout l'été: Quand on dit que gouverner, c'est
prévoir, comment est-il possible qu'on supporte un gouvernement qui est
un si mauvais gouvernement qui laisse pourrir les problèmes
jusqu'à ce qu'une crise arrive? Pas de crise, pas de problème.
C'est ça le danger, M. le Président. Là, il n'y a plus de
crise, alors il n'y a plus de problème, jusqu'à ce que la
prochaine crise nous arrive dans le visage.
C'était depuis le 28 janvier 1988 que la municipalité
d'Oka avait ouvert ce dossier du golf. Je vous rappelle qu'en janvier 1989, un
an plus tard, officiellement, la municipalité décidait de se
porter acquéreur du terrain. C'est quand même un an et demi,
ça, avant la charge des barricades. Le 16 juin 1989, pour la
première fois, les Mohawks manifestaient leur objection. C'était
un an, ça, avant la crise des barricades. Cette année,
c'était déjà depuis le 11 mars qu'il y avait eu
l'érection de la première barricade, et dans les jours qui
suivaient, il y en avait eu une deuxième. Qui a laissé pourrir la
situation? (21 heures)
M. le Président, moi, je comprends parfaitement
l'exaspération de mon collègue, le député de
Joliette, qui est responsable du dossier. Comment comprendre que si ce
n'était pas l'opinion de la majorité, et on veut bien croire
qu'il n'y avait pas eu de vote majoritaire au Conseil des ministres, de toute
façon, au Conseil des ministres, on ne vote pas... Mais comment imaginer
qu'il n'en ait pas été question entre les ministres
concernés. Comment ne pas tout simplement constater que ça devait
être certainement l'opinion de la majorité des ministres puisque
la directrice adjointe n'était pas suffisamment émue par la
nouvelle du raid du lendemain, ne se sentait pas suffisamment
impressionnée pour en avertir son ministre. C'est parce que ça
avait déjà été discuté. Dans le fond, est-ce
que, finalement, ce n'était pas ça qui était convenu, que
s'il n'y avait pas d'entente, la Sûreté intervenait pour faire
respecter l'ordre, vont dire les gens d'en face? Mais qui est-ce qui avait
créé le désordre? Est-ce que ce n'était pas
justement le recours à un processus judiciaire et policier pour
régler un conflit?
On a appris depuis longtemps au Québec à tenter de ne plus
régler, par exemple, des conflits sociaux ou des conflits syndicaux
comme ça se faisait du temps du gouvernement, première
manière du premier ministre actuel, dans les années soixante-dix,
à coups d'injonctions et puis à coups de raids policiers sur les
lignes de piquetage. On a changé les lois du travail pour les civiliser.
Est-ce que vous pensez que c'est civilisé dans une
société, de faire intervenir le processus judiciaire et le
processus policier, c'est-à-dire la méthode forte, plutôt
que de rechercher une solution pacifique à un conflit? Surtout que je
relisais la lettre que, le 9 juillet, le ministre responsable des Affaires
autochtones écrivait au maire d'Oka. Je ne peux pas croire que le
ministre qui exprimait cette opinion, dont je vais vous faire lecture, M. le
Président, au maire d'Oka, ne l'avait pas exprimée à ses
propres collègues.
Le ministre disait: "M. le maire et MM. les conseillers - il disait
ça avant l'intervention - la situation à Oka est très
sérieuse et risque de dégénérer en confrontation
qui aura de tristes conséquences pour les sociétés
autochtones et non autochtones. Je crois que cette confrontation peut et doit
être évitée. Les enjeux sont très importants. Ces
enjeux impliquent: 1. les reven-
dications historiques des peuples autochtones; 2. le contexte culturel
et la perception des autochtones de cette situation; 3. les relations entre les
communautés autochtones et notre société; 4. le message
que nous enverrons dans le monde comme étant le traitement que nous
accordons aux autochtones. "Ces enjeux - continue le ministre, le 9 juillet
dernier - vont au-delà de la stricte légalité de la
situation telle qu'interprétée par nos tribunaux qui se basent
sur des lois mises en vigueur par notre société, lois qui ne
répondent pas nécessairement aux revendications des autochtones.
"Nous sommes souvent accusés par les autochtones de ne pas tenir compte
de leurs revendications et de renier nos engagements. La situation à Oka
accorde la crédibilité à ces accusations."
Je ne peux pas croire, M. le Président, que le ministre a
écrit tout ça et qu'il n'en avait pas fait part à ses
propres collègues et, entre autres, à son collègue
responsable de la Sûreté. Comment se fait-il que ça n'ait
pas impressionné le maire d'Oka qui a passé outre
complètement? Est-ce que, finalement, le maise d'Oka ne savait pas, lui,
que ce n'était pas la position majoritaire du gouvernement, que
c'était une position minoritaire? Est-ce que le maire d'Oka ne se
sentait pas finalement réconforté par des opinions
contradictoires à celles du ministre Ciaccia, opinions qui
l'encourageaient à continuer à utiliser la guérilla
judiciaire et à faire appel aux forces d'intervention policières
pour régler un conflit que le ministre délégué aux
Affaires autochtones lui-même considérait comme pouvant
dégénérer en confrontation. Alors, quand la
députée de Châteauguay nous dit que son gouvernement a
toujours préconisé la négociation, je lui redemande: Avant
ou après?
M. le Président, je vous assure que je suis personnellement
inquiète, vraiment inquiète, inquiète que ça ne
serve pas de leçon au gouvernement, juste à constater l'attitude
de bonne conduite qu'il se donne; ça m'inquiète qu'il ne se serve
pas des leçons de ce qui s'est passé. Simplement vous rappeler,
M. le Président, que déjà, le 1er juin, j'avais
interrogé le ministre de la Justice à savoir s'il allait accorder
à la Commission des droits de la personne les fonds que la Commission
lui demandait pour mener une enquête sur les relations... Je vais vous
lire exactement la résolution de la Commission des droits de la
personne: "Procéder à des audiences publiques - c'était au
mois de juin, ça, avant les événements de cet
été - sur les allégations de traitements discriminatoires
et de comportements racistes à l'endroit des communautés
autochtones ou de leurs membres par les corps policiers, ainsi que sur les
causes des tensions dans les relations entre ces communautés et les
corps policiers relevant de la juridiction du Québec et de demander au
gouvernement du Québec de fournir à la Commission les fonds
requis pour la tenue de ces audiences publiques."
Il y a quatre mois et demi, j'ai demandé au ministre de la
Justice s'il entendait donner suite à cette requête de la
Commission. M. le Président, cette semaine, la Commission n'a pas encore
reçu un accusé de réception, la Commission n'a pas encore
reçu une réponse. Puis, quand vous pensez pourtant que, sur le
territoire de l'île de Montréal, la Commission a mené une
enquête comme celle-là, après des événements
violents - je fais référence évidemment à la mort
du jeune Griffin - et ces audiences ont permis à la fois aux groupes
concernés dans les communautés ethniques et à la fois
à la police de Montréal de nouer un dialogue, d'échanger
sur une base nouvelle, M. le Président, il faut souhaiter que le
gouvernement se porte responsable rapidement de permettre ces occasions pour
faire en sorte qu'on ne retombe pas dans les limbes de notre
indifférence, pour permettre qu'on n'abrie pas cette remise en question
essentielle, indispensable de nos relations comme Québécois avec
les nations autochtones qui vivent parmi nous. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. Je reconnais maintenant M. le député de
Deux-Montagnes. M. le député de Deux-Montagnes.
M. Jean-Guy Bergeron
M. Bergeron: M. le Président, je suis sidéré
par les critiques de l'Opposition sur notre gestion de la crise
amérindienne qu'a traversée notre société
l'été dernier. Cette motion de blâme de l'Opposition
officielle à l'endroit de notre gouvernement est injustifiée.
Notre gouvernement a été le premier gouvernement, dans l'histoire
récente du Québec, a être confronté à une
crise aussi grave. Il n'y avait pas de précédent historique
à cette crise amérindienne, pas de précédent
historique susceptible d'indiquer la voie à suivre pour faire face
à un groupe de citoyens qui se sont armés pour revendiquer des
droits.
Notre tradition politique veut, fort heureusement, que la violence soit
exclue des procédés par lesquels des citoyens font valoir des
revendications auprès des pouvoirs politiques. C'est la première
fois dans l'histoire récente qu'un groupe de citoyens de notre
société emprunte la voie des armes pour être entendus des
pouvoirs politiques. Devant cette situation inédite, M. le
Président, notre gouvernement a élaboré une
stratégie à suivre. Il a établi une gestion de crise sous
la responsabilité d'un comité spécial. Cette
stratégie, c'était celle de faire le maximum pour régler
pacifiquement cette crise amérindienne. Le bain de sang a
été évité. (21 h 10)
Je ne dis pas, M. le Président, qu'il n'y a
pas eu de failles, mais je trouve injustifiées la teneur et la
portée du blâme que l'Opposition présente aujourd'hui.
La principale critique adressée à notre gouvernement au
cours de cette crise, c'est celle d'une supposée inertie du
gouvernement. Cette critique n'est pas fondée. Notre gouvernement a agi
de façon responsable tout au long de la crise.
Agir de façon responsable a signifié pour nous, M. le
Président, d'éviter le bain de sang. Éviter que des vies
humaines ne soient perdues. La perte du caporal Lemay nous est apparue et
apparaît encore une de trop.
Il est loin d'être certain que les résultats auraient
été les mêmes si l'on avait écouté certains
des membres de l'Opposition, y compris le chef de l'Opposition lui-même.
Si le gouvernement l'avait écouté, le Québec serait
probablement devenu une terre fertile avec actes de violence et du terrorisme.
Il serait probablement devenu un sol fertile pour des actes de violence
politique. Car - Ah! Vous pouvez me regarder, monsieur, ça ne me
dérange pas - la violence politique, il faut le rappeler, a pour
particularité d'engendrer la violence...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Je demanderais la collaboration des
députés. Les députés ont écouté,
à ma connaissance, depuis le début de ce débat, chaque
intervenant et je demanderais que ça continue. M. le
député de Deux-Montagnes, s'il vous plaît.
M. Bergeron: En politique, son usage est plus souvent un aveu
d'impuissance qu'une démonstration de puissance. Elle est, en politique,
un aveu d'impuissance même si, lorsque l'on a le nez collé sur la
vitre de la télévision, l'impression contraire peut être
ressentie. Et s'il en est ainsi, c'est parce que notre société
privilégie les voies de la négociation pour régler les
conflits qu'elle connaît. La négociation chez nous a
préséance sur tout moyen pour résoudre les conflits et les
tensions qui habitent notre société. Elle a une valeur
supérieure à tout autre moyen pour faire valoir des
revendications.
Les Québécois ne sont pas violents. Ils n'ont jamais
solutionné leurs conflits politiques en empruntant la voie de la
violence. Il n'y a pas, fort heureusement, de violence dans notre tradition
politique.
Notre gouvernement a agi conformément à cette tradition
qui a toujours honoré notre société et l'homme
d'aujourd'hui.
Le dénouement pacifique de la crise montre la justesse de
l'option privilégiée pour régler la crise.
M. le Président, malgré tout ce qui a pu être dit
par des citoyens en colère l'été dernier, je suis
persuadé qu'ils sont peu nombreux ces citoyens qui souhaitaient voir le
Québec vivre des situations analogues à celle de l'Angleterre
avec l'Irlande du Nord ou celle de l'Espagne avec le Pays Basque. Et pour
éviter une telle situation, il fallait être responsable et notre
gouvernement l'a été en agissant de manière
réfléchie et en écartant la voie de la violence.
Notre gouvernement a donc refusé d'hypothéquer l'avenir de
notre société. En cela, sa gestion de la crise
amérindienne s'inscrit dans la perspective qui a toujours
été la sienne depuis 1985. Un souci marqué par les
conséquences à long ternie de l'action gouvernementale sur notre
société. Ce souci a guidé notre gestion de la crise, comme
il guide notre gestion des finances publiques et nos efforts pour
contrôler le déficit.
Refuser d'hypothéquer le futur à travers un arbitrage
judicieux entre le présent et l'avenir contraint quelquefois des
citoyens à de dures réalités. Beaucoup de citoyens
directement concernés par la crise ont vécu un été
difficile, voire même cruel.
Notre gouvernement a tout fait ce qui était raisonnablement
possible pour diminuer les inconvénients auxquels ces citoyens
concernés étaient confrontés. Des mesures pour
atténuer ces inconvénients ont été mises en place
rapidement et elles ont donné des résultats satisfaisants.
Personne, M. le Président, n'ira jusqu'à affirmer que les plaies
ouvertes à l'occasion de la crise se sont refermées en même
temps que les lampes des caméras de télévision.
Tous ceux qui ont vécu cette crise savent qu'il faudra beaucoup
de temps et d'énergies pour cicatriser le tout. Il faudra
également du temps et des énergies pour recoudre le tissu social
dans les régions de Châteauguay et d'Oka. Des citoyens ont
été divisés par la crise et ils devront réapprendre
à vivre les uns à côté des autres dans le respect de
leurs différences mutuelles. Des efforts devront être consentis
afin que les régions concernées retrouvent une vitalité
économique.
Notre gouvernement entend accorder une attention particulière au
rétablissement de la stabilité économique de ces
régions, ce qui permettra d'accélérer le retour des choses
à la normale. M. le Président, la crise amérindienne de
l'été dernier a non seulement été éprouvante
pour les citoyens d'Oka et de Châteauguay, mais aussi pour nos
institutions et en particulier pour notre corps policier provincial. La crise
maintenant terminée," notre gouvernement s'est déjà mis
à la tâche de refaire la crédibilité de notre corps
de police et j'ai grande confiance qu'il réussira dans cette
entreprise.
J'aimerais maintenant, M. le Président, dire très
respectueusement un mot sur le rôle de la presse dans cette crise. Je
trouve déplorable que les lieux du drame aient été
transformés par certains - et j'insiste, par certains - en plateau de
tournage. Cela n'a pas toujours permis au simple citoyen d'avoir l'heure juste
dans ces
événements. Le traitement des
événements n'a pas toujours été raisonnable et
juste pour les parties en cause dans le conflit. Il est possible, cependant,
d'invoquer le fait que certaines presses n'avaient pas l'expérience pour
couvrir et traiter ce genre d'événement. À ma
connaissance, M. le Président, il n'y a pas d'événement
où les médias ont joué un tel rôle. C'est pourquoi
j'ai tantôt parlé d'un véritable plateau de tournage. J'ai
même par moments, parce que je l'ai vécu jour après jour
à Oka, eu l'impression qu'à l'occasion l'on tournait un film.
J'ai parfois eu l'impression que la guerre d'images prenait le pas sur le drame
des citoyens.
J'ai lu dans les journaux que les médias ont
entrepris une réflexion sur le rôle qu'ils ont joué dans le
déroulement de la crise. Je souhaite fortement que leur réflexion
porte fruit car ces excès ont contribué à amplifier les
exaspérations compréhensibles de certains citoyens vivant le
drame et tout particulièrement à Oka. Devant une situation
exigeant le maximum de raison, le débordement émotif qu'elle a
amplifié a porté atteinte à l'image de notre
société autant au plan local qu'international.
M. le Président, je voudrais également
souligner l'excellent travail de l'armée canadienne dans le
dénouement de la crise. Elle a su, par sa présence, rassurer les
citoyens d'Oka, et le tout sans violence. (21 h 20)
M. le Président, je me dois de souligner le travail,
tout au long de la crise, de ceux qui, sur le terrain, ont permis l'application
des mesures mises en place par notre gouvernement pour alléger les
inconvénients subis par les citoyens concernés et en particulier
ceux d'Oka. J'ai pu constater la célérité avec laquelle
ils ont procédé à la mise en place de ces mesures. Leur
travail a contribué à alléger les difficultés
pratiques de plusieurs citoyens directement concernés par la crise. Si
l'on considère la durée de la crise, ce travail de terrain a
été un élément important dans le dénouement
de la crise. Sans dire qu'il a été déterminant, on peut
dire à juste titre qu'il a largement contribué à contenir
une partie importante de la pression créée par la situation de
crise. Il a été le support remarquable de notre stratégie
qui faisait appel à la retenue et à la patience.
M. le Président, j'aimerais à ce moment-ci de
mon allocution aborder un autre élément de la crise et, en
particulier, l'excellente participation des citoyens de mon comté aux
mesures d'allégement des inconvénients de la crise mises en place
par notre gouvernement. Si l'on peut aujourd'hui dire qu'elles sont un
succès, c'est grâce à la précieuse collaboration des
citoyens de la région d'Oka. Leur comportement réfléchi,
tout au long de cette épreuve, et en particulier lors de
l'évacuation, a rendu possible la rapidité
d'exécution.
M. le Président, jusqu'ici je n'ai pas
accordé d'attention au fond du problème, j'aimerais maintenant
l'aborder, la question autochtone. Je sais qu'il s'agit là d'une
question très vaste, qui ne peut faire l'économie de mots;
cependant, l'exclure me paraîtrait tout aussi inconvenant. La question
autochtone est une question qui n'est pas neuve au Québec en
dépit de son âge. Les événements d'Oka et de
Châteauguay auxquels nous avons été confrontés
l'été dernier ont montré hors de tout doute qu'elle
reprend aujourd'hui une importance considérable. S'il en est ainsi,
c'est parce que depuis plus de 50 ans nous l'avons quelque peu
négligée. Les contentieux divers entre les communautés
amérindiennes et les gouvernements ont pendant longtemps
été négligés. S'il fallait une preuve de cela, nous
l'avons eue l'été dernier. Lorsque les citoyens prennent des
années pour se faire entendre des pouvoirs politiques, c'est le signe
évident que quelque chose quelque part a été
négligé.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à fournir
des solutions acceptables à tous. C'est là une tâche
énorme puisqu'il nous faudra négocier, trouver des solutions
inédites. Ce défi qui nous attend est de taille, puisqu'il s'agit
de reconnaître des droits et d'en arbitrer d'autres. Ce défi, nous
devrons y faire face, nous en sommes capables, nous ne pouvons pas le
contourner. Il fera appel à l'imagination et à la volonté
des hommes et des femmes désireux de vivre ensemble sur un même
territoire. Il ne faudrait pas être naïf, les difficultés
à surmonter seront nombreuses puisque, comme on le sait, la question
amérindienne se pose dans un contexte où plusieurs paliers de
gouvernement régissent un territoire.
Je n'ai pas, M. le Président, la prétention
d'avoir des réponses à toutes les questions que pose ce
défi. J'ai seulement le sentiment qu'il faudra en trouver dans un avenir
très rapproché. C'est la seule façon pour nous
d'éviter que d'autres groupes prennent les armes pour revendiquer leurs
droits. Nous venons de vivre une situation que nous serons capables de faire en
sorte qu'il n'y ait pas de reprise et que la crise d'Oka et de
Châteauguay sera la seule crise du genre que connaîtra notre
société. C'est le souhait qu'on peut faire à la
lumière de la déchirure profonde de l'été dernier.
J'ai dit tantôt qu'il faudra beaucoup de temps et d'énergies pour
réparer cette déchirure. Le tissu social étant quelque
chose de fragile, il faudra beaucoup d'efforts pour le refaire. Nous avons trop
besoin de l'énergie de nos citoyens pour relever les grands défis
économiques et technologiques pour permettre une autre crise de ce
genre. Il importe maintenant de nous efforcer de trouver des solutions, des
ajustements qui permettront aux citoyens d'origine amérindienne
d'être chez eux dans la société
québécoise.
M. le Président, je m'en voudrais de terminer cette
allocution sans prendre quelques instants pour remercier ceux et celles qui,
dans
mon entourage, m'ont apporté le soutien et le dévouement
nécessaires dans les circonstances. Ces collaborateurs et ces
collaboratrices furent nombreux. Ils ont été d'un support
appréciable. Ils m'ont permis de régler une foule de
problèmes pratiques auxquels étaient confrontés les
citoyens de ma circonscription. Comme tout le monde le sait, des solutions
pratiques sont fort appréciables dans les circonstances que j'ai
vécues cet été.
En terminant, M. le Président, je voudrais rendre hommage
à la population d'Oka pour la dignité avec laquelle elle s'est
conduite durant la crise autochtone. Il faut avoir été sur les
lieux jour après jour pour comprendre le drame que ces gens-là
ont vécu. Aux deux maires d'Oka, aussi, en terminant, je voudrais offrir
mes plus sincères remerciements pour tout le support qu'ils m'ont
accordé durant cette crise qui, dans notre cas, a été
terrible et très difficile.
M. le Président, durant la crise autochtone, le gouvernement que
je représente a tout fait pour arriver à une solution pacifique
et sans effusion de sang. Le prix à payer a été
très lourd, 78 jours, mais il a réussi la mission qu'il
s'était fixée dès le début de la crise. Le
gouvernement a tenu, dans cette crise, la seule ligne qui se défendait,
celle de fa fermeté face aux demandes amérindiennes et de la
patience à l'égard des guerriers masqués. Il nous fallait
éviter un bain de sang et nous avons réussi. C'est donc avec
plaisir, ce soir, que je profite de l'occasion pour saluer les gens de mon
comté et ceux d'Oka qui ont vécu des jours terribles et je leur
offre toutes mes félicitations et mon support pour l'avenir, pour
l'après-crise. Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Deux-Montagnes. Nous allons procéder maintenant
au droit de réplique et je reconnais le leader de l'Opposition
officielle. M. le leader.
M. Guy Chevrette (réplique)
M. Chevrette: Merci, M. le Président. A écouter les
députés libéraux, tout est rose, tout est beau, tout va
bien, tout a été merveilleux, il n'y a rien qui s'est
passé. Il faudrait quasiment encenser ce gouvernement et procéder
à un vote de félicitations. J'ai relu avec beaucoup
d'intérêt les propos du ministre de la Sécurité
publique. Une chose m'a sauté aux yeux. Si le ministre avait pu - s'il
avait pu, je le dis bien - il aurait commencé sa narration des faits et
son analyse à partir du 5 octobre, à savoir sa nomination.
Évidemment, ne pouvant pousser l'absurde à ce point, il a
commencé en disant qu'au début fut l'épisode malheureux du
11 juillet. Mais il n'a pas dit un mot de l'avant-crise. Aucun
député libéral n'a parlé de l'avant-crise. Et un
des points les plus fondamentaux du vote de blâme, c'est
précisément sur l'avant-crise. (21 h 30)
Ce gouvernement n'a rien fait pour éviter la crise, donc, il est
responsable. C'est ça, fondamentalement, que les députés
libéraux n'ont pas compris. Même si la députée de
Kamouraska-Témiscouata a des choses à dire présentement,
qu'elle aille à son siège et qu'elle le fasse dans son temps de
parole, s'il y en a un. Je n'ai interrompu personne, mais je vous dis que
même le ministre de la Sécurité publique, un homme
rigoureux, n'a pas fait un lien avec l'avant-crise. La députée de
Châteauguay: Tout était merveilleux, elle a obtenu un bout de
route en pleine crise. Le député de Deux-Montagnes: Merci tout le
monde, bravo! Mais le vote de blâme qui est rédigé, et qui
fait partie intégrante du feuilleton de ce jour, parle de l'avant-crise.
Gouverner, ce n'est pas se congratuler puis se féliciter pour une
après-crise; gouverner, c'est prévoir une crise, essayer
d'éviter une crise, la gérer le mieux possible, cette crise, et
faire en sorte que cette crise donne des leçons et qu'elle ne se
représente plus. C'est ça, fondamentalement, que vous ne semblez
pas comprendre.
Depuis quand savez-vous que ça va mal avec les autochtones au
Québec? Ce n'est pas d'aujourd'hui. En 1988, vous étiez au
pouvoir, le pont Mercier était bloqué. Qu'avez-vous fait?
Qu'avez-vous fait avec la proposition de 1985 qui reconnaissait une base de
discussion sur les droits des autochtones? Pas une rencontre avec les chefs de
nation pour discuter de ce que pourrait être un avenir pour les nations
amérindiennes dans un Québec. Pas un mot. Votre ministre, porteur
du dossier des autochtones, en juin 1989, vous écrit au Conseil des
ministres et vous dit: Les armes rentrent à profusion dans la
réserve de Kahnawake, des armes lourdes. Qu'est-ce que vous avez fait
comme gouvernement responsable pour au moins rassurer l'opinion publique, pour
aller chercher ces armes avant qu'on ne les utilise? Rien, M. le
Président, pas un geste, pas un geste. Qu'avez-vous fait à
compter de juin 1989 pour établir immédiatement un dialogue avec
les communautés autochtones pour éviter qu'une crise survienne?
Rien, M. le Président, si ce n'est qu'il y avait un ministre qui
tâchait, tant bien que mal, d'essayer d'aller leur parler lentement,
tranquillement. en mars 1990 - ce n'est pas si loin que ça -
qu'avez-vous fait depuis mars 1990, depuis l'érection de la
première barricade pour essayer d'éviter la crise du 11 juillet?
rien, m. le président. au contraire, au conseil des ministres, il y
avait deux clans: il y avait ceux qui étaient pour la force
policière et ceux qui étaient pour la négociation. ceux
qui étaient pour la négociation étaient minoritaires et
ceux qui étaient pour la force policière disaient: aïe! il
faut que ça descende! ce soir, ça vient essayer de nous donner
des leçons de fierté. aïe! mon oeil! soyez au moins un petit
peu humbles et reconnaissez
qu'il n'y en a pas un parmi vous, ce soir, depuis cet après-midi,
qui a traité de l'avant-crise. Vous n'avez rien fait pour éviter
la crise. C'est sur ce point, fondamentalement, d'abord, que porte le vote de
blâme, M. le Président. Il y a des limites à
l'inconscience, autant le député de Deux-Montagnes que la
députée de Châteauguay, que tous ceux qui se sont
exprimés du côté libéral sur cette motion de
blâme, au moins reconnaissez que vous n'avez pas su dire un mot sur
l'avant-crise et c'est, à mon point de vue, un aveu très
explicite de culpabilité. Vous n'avez rien fait pour éviter cette
crise. Voilà le premier point de la motion de blâme.
Deuxième point de la motion de blâme, M. le
Président. Tout au long de son discours d'une heure, cet
après-midi, le ministre nous a présenté une vision
idyllique, paradiasique, c'était le paradis. Depuis que l'histoire
naît avec M. Ryan, avec le député d'Argenteuil, c'est comme
si rien n'existait, M. le Président. Il faut le faire! Un gars qui est
supposément rigoureux comme lui, il n'y a pas d'analyses qui se font. La
seule petite chose qu'il a dite, savez-vous quoi, M. le Président? Ah!
c'est une petite erreur d'avoir signé avec quelqu'un de masqué.
Mais le reste, tout est beau, tout est bon, tout est fin, tout est rose.
M. le Président, je m'excuse. Le ministre de la
Sécurité publique, à mes yeux, toute la rigueur qu'il
avait, elle est descendue bien bas. Sa cote, si j'avais une note à lui
distribuer, avec l'analyse qu'il a faite de la crise autochtone, de
l'avant-crise autochtone, de la crise elle-même, du pendant et de
l'après, M. le Président, cet homme ne passerait pas le cap de la
note requise. Pas un mot de l'avant, tout est parfait pendant et il n'y a rien
à faire après si ce n'est que de parler, que de jaser, un peu
comme le premier ministre: L'économie va mal; des débats et des
questions en Chambre.
M. le Président, où est-ce qu'on s'en va avec un
gouvernement de même? Sur quelle planète vivez-vous? Promenez-vous
sur les routes de Châteauguay, promenez-vous dans les rues d'Oka, M. le
député, et demandez donc aux citoyens s'ils sont satisfaits de ce
qui s'est passé avant la crise. Demandez donc aux citoyens s'ils
trouvent satisfaisant ce qui s'est vécu à Oka et à
Châteauguay avant la crise. Promenez-vous donc et demandez-leur
très calmement: Êtes-vous satisfaits du gouvernement Bourassa dans
ses tentatives d'éviter la crise? Ils vont vous demander: Mais qu'est-ce
qu'il a fait? Et, comme député, vous allez avoir l'air fou, parce
que vous ne saurez pas quoi répondre. Vous n'avez rien fait pour
éviter la crise. Si bien que le ministre porteur du dossier
n'était même pas appuyé par le Conseil des ministres.
Cessez de nous donner des leçons de fierté.
J'écoutais le ministre de la Sécurité publique, il
était fier d'appartenir à un gouvernement qui n'avait pas
provoqué d'effusion de sang. Le caporal Lemay, qu'est-ce qui lui coulait
dans les veines, M. le Président? Les soldats blessés, qu'est-ce
qui leur coulait dans les veines? Les citoyens qui ont eu l'assaut de la
Sûreté - je ne me souviens plus de l'endroit...
Une voix: Saint-Constant.
M. Chevrette: Saint-Constant, à Saint-Louis-de-Gonzague,
qu'est-ce qui leur coulait dans les veines, ces gens-là? Les autochtones
qui ont été blessés, qu'est-ce qui leur coulait dans les
veines, ces gens-là? La fierté d'avoir eu un dénouement,
d'avoir eu un dénouement heureux. ? M. le Président, on a la
fierté qu'on veut bien avoir. Mais je vais demander au
député de Deux-Montagnes, à la députée de
Châteauguay, aux députés impliqués dans cette crise
autochtone, au gouvernement en général, à n'importe quel
député de cette Chambre: Y avait-il de la fierté de ne pas
savoir avant 90 jours qui avait osé donner l'assaut, l'ordre de
l'assaut? Ça a pris 90 jours pour trouver une attachée politique
pour en faire un bouc émissaire. Est-ce que vous êtes fiers de
ça, vous autres? Est-ce que ça grandit votre gouvernement, de
rendre responsable une attachée politique dont la compétence a
été reconnue par tous les Solliciteurs généraux
avant? Est-ce que vous avez beaucoup de fierté d'avoir un ministre de la
Sécurité publique qui a admis deux fois devant la population
qu'il s'est fait flouer, qu'il s'est fait avoir? Est-ce que vous avez eu
beaucoup de fierté de la part des gens de Deux-Montagnes, d'Oka, de
Châteauguay, du Québec en général, de voir un
ministre, dans le dossier autochtone, signer, avec un mineur de 17 ans, une
entente? Est-ce que vous avez eu beaucoup de fierté de voir, par
exemple, qu'on aurait pu éviter que le pont Jacques-Cartier ne soit
fermé si on était intervenu dans les six premières heures,
M. le Président, alors qu'il n'y avait personne sur le pont ou à
peu près personne, et si on avait mis de la sécurité? Ce
qui aurait changé tout l'aspect de la crise parce que, dès que le
pont Mercier a été libéré, toute l'ambiance a
changé au niveau de cette crise.
Est-ce que vous avez beaucoup de fierté de voir, par exemple, des
gens qui ont des maisons saccagées à Oka? Je m'adresse au
député de Deux-Montagnes, M. le Président, par votre
intermédiaire: Y a-t-il beaucoup de fierté de voir des commerces
en difficulté, de voir des professionnels non indemnisés, de voir
du monde qui subira des séquelles épouvantables pendant des mois
et des années? Est-ce que c'est avec ça que vous avez votre
fierté? Ma fierté, M. le Président, moi, était dans
le fait qu'un gouvernement est là pour gouverner et gouverner, c'est
l'art de prévoir, c'est l'art d'éviter des choses, c'est l'art de
gérer correctement des crises, c'est l'art d'assumer un leadership,
c'est l'art d'être le maître d'oeuvre. Qui a eu la maîtrise
d'oeuvre dans tout ça, M. le Président?
Le seul organisme qui sort grandi de tout ça, c'est
l'armée parce qu'ils ont joué le rôle du gouvernement.
C'est eux qui informaient le public, c'est eux qui sécurisaient le
public, c'est eux qui réconfortaient les citoyens qui ne savaient pas
où donner de la tête. Puis, durant ce temps-là, vous aviez
des citoyens qui montaient des manifestations, qui s'organisaient pour se
dépanner, qui essayaient de savoir où ils s'en allaient.
Ils ont la fierté de ça, M. le Président! Ils ont
la fierté de ça, ces gens-là. Où est-ce qu'on s'en
va? Où est-ce qu'on s'en va véritablement? Moi, je n'en reviens
pas d'avoir entendu le ministre de la Sécurité publique. J'ai
préféré aller l'écouter dans mon bureau; de
même je n'aurai pas de réactions vives, M. le Président!
Mais comme j'ai le droit de réplique, je vous dirai très
honnêtement que tant qu'on sera dirigés par des hommes et des
femmes dont le courage politique est nul, est zéro, on n'est pas
capables d'intervenir au bon moment... C'est de l'indécision
complète, totale et permanente. Ils souffrent d'incapacité
permanente totale à prendre des décisions au bon moment. Ils
souffrent d'incapacité totale permanente à prévoir les
choses. Ils souffrent d'incapacité totale permanente à anticiper
les événements et à prendre des actions pour les contrer,
ces événements, M. le Président.
Je vous avoue très honnêtement que c'est inquiétant.
Oui, c'est inquiétant pour des citoyens québécois et le
blâme de ce soir, le blâme que nous présentons, il n'est pas
la moitié de ce que vous pourriez entendre de la bouche des citoyens,
des citoyens démunis, des citoyens qui se fient sur leur gouvernement,
des citoyens qui attendent un leadership d'État, qui attendent que les
institutions prennent soin d'eux, s'occupent d'eux, les informent, les
sécurisent.
Il y a eu une avant-crise que vous avez tous ignorée ce soir,
toutes et tous de votre côté. Il y a eu une avant-crise qui vous
pèsera lourd dans chacune de vos circonscriptions électorales.
Vous aurez à expliquer comment il se fait que vous n'avez pas
posé des gestes avant pour éviter de telles crises. Et vous aurez
à expliquer comment il se fait que pendant la crise on s'est
comportés de la sorte, fournir un quai à un groupe, signer
masqués, se promener avec des vestes "antiballes" pour avoir l'air
brave. Ça, ça fait évoluer les choses. Puis, on parle
d'harmonie, d'établir des ponts. Les ponts, vous auriez dû les
établir au lendemain de la prise du pouvoir, vous aviez entre les mains
- et c'était l'héritage du Parti québécois - des
motions de l'Assemblée nationale en 15 points, délimitant les
droits et les pouvoirs que pouvaient avoir les populations
amérindiennes. Avec une discussion franche, en cinq ou six ans, vous
auriez pu bâtir des ponts précisément avec ces
communautés, ce qui aurait pu éviter de nous conduire à ce
qu'on a vécu cet été. Mais, de grâce, ayez au moins
l'humilité, si vous n'avez pas la décence, de reconnaître
que lorsqu'on se conduit pratiquement comme des bouffons, on ne peut pas
récolter autre chose que du vaudeville.
M. le Président, on a vécu un été d'enfer,
un été qui a fait en sorte que l'image du Québec a
été ternie à l'extérieur du Québec.
Pourtant, s'il y a une communauté, une collectivité qui a
démontré une tolérance dans le passé et qui l'a
toujours démontrée, c'est bien le Québec. On est encore
prêts à s'en sortir, mais pas à s'en sortir avec des gens
qui essaient de se congratuler suite à des événements
où ils devraient se cacher. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de
l'Opposition officielle. Est-ce que la motion de censure proposée par le
leader de l'Opposition officielle qui se lit comme ceci: "Que cette
Assemblée blâme sévèrement le gouvernement
libéral, d'une part, pour ne pas avoir su prévenir le conflit
armé qui a éclaté cet été à Oka,
à Kanesatake et à Kahnawake, en ne donnant aucune suite à
la déclaration solennelle de l'Assemblée nationale du 20 mars
1985 sur les droits des communautés autochtones et en tolérant,
en pleine connaissance de cause, l'accumulation massive d'armes
prohibées sur certains territoires et réserves et, d'autre part,
pour avoir complètement failli à ses devoirs les plus
fondamentaux au cours de cette crise, soit ceux d'assumer un leadership
politique et moral, d'informer, de rassurer et réconforter les milliers
de citoyennes et citoyens directement touchés et, enfin, de maintenir,
tant au Québec qu'à l'extérieur, la
crédibilité de l'État québécois et de ses
institutions" est adoptée?
Une voix: Adopté.
M. Bélisle: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: En vertu de l'article 223 de notre
règlement, je vous demande le report du vote au mardi 23 octobre,
après les affaires courantes.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Concernant votre
demande, M. le leader adjoint du gouvernement, le vote sera reporté
à la prochaine séance, soit mardi prochain, après les
affaires courantes.
M. Bélisle: et je propose également, m. le
président, l'ajournement de nos travaux au mardi 23 octobre, à 14
heures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors,
les travaux de cette Assemblée sont ajournés à mardi
prochain, 23 octobre, à 14 heures. Merci et bonne soirée à
tous.
(Fin de la séance à 21 h 46)