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(Quatorze heures trois minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir
quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
L'Assemblée entreprend ses travaux, en ce lundi 17
décembre, aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article b du feuilleton, s'il vous plaît, et le ministre des
Finances.
Projet de loi 116
Le Président: Très bien. À l'article b du
feuilleton, M. le ministre des Finances présente le projet de loi 116,
Loi modifiant de nouveau la Loi sur l'administration financière. M. le
ministre des Finances.
M. Gérard D. Levesque
M. Levesque: M. le Président, ce projet de loi modifie la
Loi sur l'administration financière pour confirmer le pouvoir du
ministre des Finances d'acquérir des options, des contrats à
terme et d'autres instruments financiers déterminés par le
gouvernement et pour rendre incontestables devant les tribunaux les
transactions ainsi visées. Il autorise le ministre à disposer de
ces instruments, permet au gouvernement de désigner les personnes
habiles à signer les documents relatifs aux transactions à
conclure et assimile les charges et dépenses encourues à celles
relatives à la régie du fonds consolidé du revenu. Enfin,
il autorise le gouvernement à établir un régime d'emprunts
et habilite le ministre des Finances, dans le cadre de ce régime
d'emprunts, à conclure les transactions qui y sont prévues.
Le Président: Alors, merci, M. le ministre des Finances.
Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de
loi?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté? Donc, adopté.
Dépôt de documents. M. le président de la commission
du budget et de l'administration et député de Vanier.
Étude détaillée du projet de loi
2
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé le 15 décembre 1989, les 6 juin, 13 et 14
décembre 1990 afin de procéder à l'étude
détaillée du projet de loi 2, Loi modifiant la Loi sur
l'administration financière et d'autres dispositions
législatives. Le projet de loi a été adopté avec
des amendements.
Consultation générale sur
l'opportunité
de maintenir en vigueur ou de modifier
la Loi sur la fonction publique
M. le Président, j'ai encore plus d'honneur de déposer le
rapport de la commission du budget et de l'administration qui a
étudié l'opportunité de maintenir en vigueur ou de
modifier, le cas échéant, la Loi sur la fonction publique et qui
a procédé, à cette fin, à une consultation
générale et tenu des auditions publiques les 9, 10, 23, 24 et 25
octobre 1990 ainsi que des séances de travail et une séance
publique le 13 mars, le 29 mai, le 16 août, le 26 septembre, les 11, 13
et 17 décembre 1990. Le rapport contient les observations, les
conclusions et les recommandations de la commission.
Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!
Le Président: Alors, ces rapports sont
déposés.
Toujours au niveau du dépôt de rapports de commissions, M.
le député de Lévis et président de la commission de
l'aménagement et des équipements.
Étude détaillée du projet de loi
106
M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de
la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 14 décembre 1990 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 106, Loi modifiant la
Loi sur le transport par taxi. Le projet de loi a été
adopté avec un amendement.
Le Président: Alors, ce rapport est
déposé.
Maintenant, dépôt de pétitions.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Nous arrivons maintenant à la période
régulière des questions et réponses orales des
députés. Et je vais reconnaître, en première
question principale, M. le député de Lévis.
Transfert du financement du transport en commun aux
municipalités
M. Garon: M. le Président, la semaine
dernière le ministre des Affaires municipales a
transféré aux municipalités la responsabilité du
financement des opérations du transport en commun. Il s'agit d'un
montant de 266 000 000 $. Quoi qu'en dise le ministre, c'est ni plus ni moins
la diminution substantielle et dans certains cas la disparition totale des
services de transport en commun qui est en cause puisque, en effet, les
principaux usagers du transport sont les jeunes, les personnes
âgées et les gens qui n'ont pas d'automobile qui sont souvent
aussi des locataires, qui ne sont pas nécessairement ceux qui
contribuent le plus au champ de taxation accordé aux
municipalités.
Les pressions des commerçants et des entreprises seront telles
que les municipalités devront abolir les services de transport en commun
à plusieurs endroits. Le ministre ne considère-t-il pas que la
décision du gouvernement va à l'encontre de la tendance des
autres gouvernements dans le monde qui investissent dans le transport
collectif, même dans les trains rapides, afin d'améliorer la
circulation en milieu urbain et la qualité de vie des citadins?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: Merci, M. le Président. Je suis heureux que le
député de Lévis fasse allusion à la question des
autres gouvernements qui investissent. Il est faux de dire que le gouvernement
n'investit pas dans le transport en commun. Justement, cette année, de
l'aide financière, on en a donné pour 181 000 000 $ qui
s'appliquent au service de la dette, pour l'achat des métros, des
autobus, des abribus, dépenses pour les trains de banlieue. Alors, de
dire que le gouvernement se retire, c'est totalement faux. On parle de notre
avenir. Prolongement du métro - on pourrait peut-être regarder
seulement ce volet - on s'engage pour 500 000 000 $; les trains de banlieue,
230 000 000 $; l'estacade, dans la région de Montréal, 90 000 000
$. On dépose de l'argent, des investissements au niveau du
renouvellement des autobus. C'est de l'investissement. C'est faux de dire qu'on
se retire complètement.
Le Président: En question complémentaire.
M. Garon: Est-ce que le ministre pourrait nous répondre en
fonction de l'avenir et non pas en fonction du passé? Est-ce que le
ministre et le gouvernement ont examiné sérieusement, en fonction
de l'avenir, les conséquences de la diminution de 40 % de la
contribution actuelle du gouvernement dans les régions, de la
disparition des services de transport en commun sur l'organisation des
systèmes de transport et sur la mobilité des personnes en milieu
urbain et sur la qualité de vie des citoyens à Montréal et
dans les régions? Est-ce que le ministre a évalué cette
décision sur la réalisation du plan de transport dans la
région de Montréal, qui prévoyait des investissements de
780 000 000 $ dans le transport en commun, en plus du prolongement du
métro à Laval, qui a été annoncé
après le dépôt de ce plan? Et est-ce que le ministre
considère toujours que ces projets vont se réaliser compte tenu
de la décision du ministre des Affaires municipales, en fonction de
l'avenir...
Le Président: M. le député.
M. Garon: ...pas en fonction d'une situation différente de
celle du passé?
Le Président: M. le ministre.
M. Elkas: M. le Président, je ne sais pas ce qui se passe.
On vient de répondre à la question qu'on vient de me poser.
J'aurais peut-être apprécié que la question ne soit pas
écrite et qu'on porte attention aux réponses qu'on vient de
donner. Je viens tout juste de dire que le prolongement du métro, pour
les cinq prochaines années, on en a pour 500 000 000 $; les trains de
banlieue, pour 230 000 000 $ et l'estacade, pour 90 000 000 $. Ce ne sont que
des exemples de ce qu'on va faire pour l'avenir.
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Garon: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a
réactualisé ses études concernant ces
investissements-là en fonction de ce que nous a annoncé le
ministre des Affaires municipales qu'il n'y aura plus de contribution au
fonctionnement du transport en commun ou s'il marche toujours sur les
mêmes études et qu'il n'a pas fait ses devoirs? Est-ce qu'il peut
nous dire s'il a réactualisé ses études ou non? Et est-ce
que le ministre peut nous dire si la décision, selon ses études,
de refiler la facture du transport en commun aux municipalités va
permettre au gouvernement d'économiser des sommes supérieures
à 266 000 000 $ parce qu'il n'aura plus besoin d'investir, justement,
dans le réseau du transport en commun parce quel les
municipalités n'opéreront plus les services et qu'elles vont se
désengager du transport en...
Le Président: M. le député.
M. Garon: ...commun?
Le Président: M. le ministre.
M. Elkas: M. le Président, ces demandes de se retirer,
cette question de se retirer du champ de taxation et de taxes au niveau de
l'exploitation a été étudiée pendant des
années. En 1982-1983, dans le temps, la CUM, le comité
exécutif de la CUM, avait fait la demande au parti du temps, au
gouvernement du temps, d'aller cher-
cher un champ de taxation pour éviter, justement, qu'on ne vienne
quêter à tous les ans les montants d'argent qu'on n'était
pas sûr d'avoir - d'ailleurs, je parie comme quand j'étais maire -
lorsqu'on préparait nos budgets. Il est seulement sain qu'on donne le
champ de taxation à un autre niveau de gouvernement et qu'eux puissent
planifier selon leurs besoins. On dépose des montants d'argent au niveau
de l'exploitation. On n'a même pas de regard de gestion.
Le Président: En question complémentaire.
M. Garon: M. le Président, comme le ministre admet qu'il
n'a pas étudié l'impact des mesures annoncées par le
ministre des Affaires municipales, est-ce que le ministre peut nous dire
maintenant s'il a étudié l'impact de la décision du
ministre des Affaires municipales sur le fonctionnement du Conseil
métropolitain de transport en commun dans la région de
Montréal créé à la suite de l'adoption du projet de
loi 67 en octobre dernier? Parce qu'on nous disait que ce qui rendrait
ça possible, c'était l'implication du gouvernement dans le
financement du transport en commun, aux auditions du mois d'août 1987.
Est-ce qu'il a étudié l'impact maintenant de ce Conseil
métropolitain de transport en commun?
Le Président: M. le ministre des Transports.
M. Elkas: M. le Président, je suis heureux d'annoncer au
député de Lévis que les 26 000 000 $ ou les 144 000 000 $
qui ont été engagés auprès du CMTC vont être
respectés. Alors, rien ne change à ce niveau-là. Quant aux
études d'impact, les municipalités, les gouvernements
régionaux sont très au courant des impacts que ça peut
avoir sur le transport. Ce n'est pas nécessairement le retrait d'un
montant d'argent au niveau de l'exploitation et le remplacement par un autre
qui vont avoir un impact sur le transport. C'est la qualité du transport
qui va nous dire et dicter si les gens vont s'en servir, oui ou non.
Le Président: Une question additionnelle, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: Ma question s'adresse au président du Conseil
du trésor, responsable du comité interministériel de
Montréal. Elle a deux volets. Le ministre sait-il que l'île de
Montréal, avec 28 % de la population, va avoir 50 % des coupures
annoncées et a-t-il l'intention de faire quelque chose pour
Montréal ou de continuer à se traîner les pieds?
Le Président: M. le président du Conseil du
trésor.
M. Johnson: La réponse, c'est oui et non.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Jonquière.
Impact des hausses de la taxe foncière sur
l'accès à la propriété
M. Dufour: Le ministre des Affaires municipales, à
l'origine des deux dernières hausses de la taxe foncière à
Québec, soit celle de 320 000 000 $ du printemps dernier...
Le Président: M. le député, un instant!
Alors, je vais demander l'attention. Allez-y pour votre question.
M. Dufour: Le ministre des Affaires municipales, à
l'origine des dernières hausses de la taxe foncière au
Québec, soit celle de 320 000 000 $ du printemps dernier et celle qui
s'ajoutera, c'est-à-dire les 500 000 000 $ refilés aux
municipalités, met un frein désastreux à l'accession
à la propriété pour les Québécois et les
Québécoises. La première opération aura
coûté 140 $ à chaque famille alors que celle qui s'en vient
coûtera 300 $ supplémentaires. Pour un gouvernement qui se dit
soucieux d'encourager la famille et la propriété, il s'agit
là d'un procédé pour le moins douteux. Ma question au
ministre des Affaires municipales: Quel impact ces deux hausses de la taxe
foncière totalisant 440 $ par famille auront-elles sur l'accès de
plus en plus difficile à la propriété pour les
contribuables du Québec?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: Si le député de Jonquière examine
attentivement les propositions déposées devant les
municipalités vendredi dernier, il constatera qu'en ce qui touche les
régions, les municipalités urbaines disposant déjà
d'un corps de police, l'impact sera plutôt limité. Là
où il y a un service de transport en commun, l'impact sera plus
sensible, mais devra être compensé, suivant les propositions du
gouvernement, par le recours à un supplément sur la taxe
foncière concernant les immeubles non résidentiels et aussi une
taxe sur le stationnement, mais ça n'a rien à voir avec
l'accès à la propriété. Je l'ai dit l'autre jour,
et je le répète aujourd'hui, si les autorités municipales
prennent les décisions en correspondance avec les orientations
proposées par le gouvernement, l'impact sur la taxation foncière
résidentielle sera très limité, et je dispose de
données pour Québec et Montréal, en particulier, qui
contredisent carrément les affirmations erronées qui ont
été entendues ces jours derniers et nous ferons la preuve en
temps utile.
Le Président: En question complémentaire.
M. Dufour: Est-ce que le ministre des Affaires municipales veut
convenir avec moi que les taxes qu'on veut refiler, que ce soit aux petits
contribuables ou aux non-résidentiels, vu que ces gens-là sont
appelés à vivre ensemble, est-ce que vous ne croyez pas que
l'impact va se rajouter immédiatement aux petits contribuables? Que
ça provienne de la propriété ou de sa poche par le biais
d'un autre, on arrive aux mêmes fins.
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: C'est sûr qu'au bout de la ligne le
député de Jonquière a raison, mais, là, je voudrais
le référer à un article qui est paru dans Le Devoir
ce matin, sous la signature d'Albert Juneau, un article qui replace ce
sujet dans son contexte véritable, qui est celui du contexte
général des finances publiques au Canada, au Québec et au
plan local. Et quand on examine la proposition ou l'ensemble des propositions
gouvernementales à la lumière de ce contexte plus large, on
comprend beaucoup plus facilement et de quoi il s'agit et l'importance
réelle que les changements proposés revêtent par rapport
à l'ensemble.
Le Président: En question additionnelle.
M. Dufour: Si le ministre me réfère à un
article, je peux peut-être essayer de conclure ou de trouver la
prémisse. Le ministre ne croit-il pas que les hausses de la taxe
foncière qu'il refile aux municipalités sans aucun service
additionnel offert à la population n'ont pour objectif que de
répondre à un besoin de fonds effréné de son
gouvernement?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: Nous n'avons aucunement cherché à cacher
la situation qui existe et qui commande un rééquilibrage des
sources de revenus et de dépenses des différents niveaux de
gouvernement. Mais c'est évident que c'est une des dimensions dont nous
tenons compte. La preuve, c'est que, dans la série de documents que nous
avons remis aux municipalités, il y en a un qui traite plus
précisément des finances publiques; il n'a pas été
inséré là pour rien.
Le Président: Toujours en question complémentaire,
M. le député de Jonquière.
M. Dufour: Le ministre estime-t-il qu'en agissant de la sorte,
c'est-à-dire en faisant porter par d'autres la tâche ingrate
d'augmenter les taxes, il se défile de ses responsabilités et
fait preuve d'un manque de rigueur dans la gestion des deniers publics?
Le Président: M. le ministre. (14 h 20)
M. Ryan: Non. Ce que nous faisons, je veux le rappeler
clairement. Nous demandons aux municipalités d'assumer certaines
responsabilités qui leur reviennent, suivant l'ordre des choses. Par
exemple, en matière de service de police, le chef de l'Opposition, dans
le rapport dont il a été le signataire, le rapport Parizeau,
reconnaissait clairement qu'il fallait demander aux municipalités qui
n'ont pas de corps de police de participer au financement des services de
protection policière au Québec. Ce n'est pas un refilage de quoi
que ce soit, c'est une invitation aux municipalités concernées
à assumer leurs responsabilités dans ce secteur. Il
écrivait, de même, dans son rapport qu'il est tout à fait
illogique que l'entretien des chemins locaux à l'intérieur d'une
municipalité soit à la charge du gouvernement du Québec
plutôt qu'à la charge de la municipalité; c'était
très judicieux. Nous n'avons pas peur de reconnaître que nous
sommes d'accord avec lui sur ce point-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: alors, nous ne refilons pas de responsabilités
indûment. nous demandons un rééquilibrage suivant lequel
chacun va porter ses culottes au complet.
Le Président: En question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, puis-je demander au ministre
des Affaires municipales s'il ne croit pas, puisqu'il cite mon rapport, que
porter ses culottes au complet, ça voudrait dire, si mon rapport l'a
à ce point impressionné, en appliquer toutes les dispositions, y
compris les augmentations importantes de subventions qu'il proposait pour
contrebalancer justement certaines des coupures dont il parle?
Des voix: Bravo! Bravo! Le Président: M. le
ministre.
M. Ryan: Justement, le président de la commission Parizeau
et ses collègues écrivaient que, s'il devait y avoir un transfert
de responsabilités objectives du côté des
municipalités, il faudrait qu'il y eût des sources de revenus
correspondantes. Mais ici, ce n'est pas un transfert de responsabilités
objectives, c'est un transfert de responsabilités qui reviennent
déjà aux municipalités. Et lui-même, quand il a
proposé les deux mesures que j'ai mentionnées, le transfert de la
voirie - ça, c'en est un transfert d'objet - et le transfert de la
police, il n'a pas suggéré de sources de revenus nouvelles. On
n'est quand même pas pour leur demander de reprendre ça et qu'on
les finance en retour; à ce
moment-là, on ne fait rien et ça revient au même.
Mais les seules sources de revenus nouvelles qu'a proposées le
comité Parizeau, c'a été le changement de la taxe
d'affaires pour la taxe non résidentielle supplémentaire que nous
instituons avec ces propositions. Ça a été aussi de
regarder du côté de la tarification. La tarification, nous le
disons dans notre documentation, c'est une voie qu'il convient d'explorer et
que nous sommes intéressés d'explorer avec les
municipalités et, là-dessus, le rapport Parizeau avait des choses
pertinentes que nous sommes en train d'examiner avec intérêt, mais
il n'y avait pas autre chose.
Le Président: Toujours en question complémentaire,
M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le ministre des
Affaires municipales ne conviendra pas qu'il se trouve aussi dans ce rapport
une proposition que le gouvernement du Québec devienne enfin un
contribuable à part entière dans les municipalités, qu'il
paie la totalité de ses taxes sur les immeubles gouvernementaux, sur les
immeubles de santé et de services sociaux et sur toutes les
écoles primaires et secondaires...
Une voix: Bravo!
M. Parizeau: ...et que, dans le transfert comme il dit, que moi
j'appelle plutôt des coupures jusqu'à ce que le ministre des
Finances nous confirme l'exactitude des titres, est-ce que le ministre des
Affaires municipales conviendra qu'il a, dans sa proposition, coupé
toutes les taxes payables sur les écoles primaires et secondaires?
Le Président: M. le ministre.
M. Ryan: C'est à peu près la seule planche de salut
qu'il reste au chef de l'Opposition dans ce document-là.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Ryan: Je vois que le député de Jonquière
sourit. C'est à peu près la seule planche de salut qu'il reste au
chef de l'Opposition dans son document. Je reconnais que, sur ce point
précis, il y a un désaccord entre le gouvernement et la
commission Parizeau.
Le gouvernement offre de porter à 100 %, de 80 % qu'il est
actuellement, "l'en lieu" de taxes payé sur les hôpitaux, les
collèges et les universités. Mais en retour, après avoir
examiné la pratique observée dans toutes les autres provinces du
Canada, il propose que, comme on le fait ailleurs, sur les écoles, les
"en lieu" de taxes soient abolis. C'est ce qui se pratique ailleurs, ce n'est
rien de nouveau. Sur ce point, je conviens qu'il y a un désaccord non
négligea- ble entre le comité Parizeau et le gouvernement.
Le Président: Alors, une dernière question
additionnelle, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, toujours en
complémentaire, puisque le ministre veut parler de ce rapport, le
ministre a-t-il l'intention de mettre en vigueur cette proposition du rapport
Parizeau, dit-il, à l'effet qu'on ne touche pas aux subventions du
transport en commun? Nulle part dans le rapport Parizeau il n'était
question de ça. Et deuxièmement, a-t-il l'intention, enfin,
après des années, de clarifier la taxation des installations
industrielles en faisant ce que le rapport Parizeau lui demande depuis cinq
ans, c'est-à-dire de clarifier l'article 65.1? Est-ce qu'il sait de quoi
il s'agit?
Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.
M. Ryan: Tout d'abord, sur le transport en commun, je ne pouvais
pas m'inspirer du rapport Parizeau parce qu'il a prudemment évité
d'en traiter. Êtes-vous d'accord là-dessus?
Des voix: Bravo!
M. Ryan: En ce qui touche l'article 65.1, le chef de l'Opposition
soulève une question très pertinente dont nous avons
mentionné la possibilité d'initiative à cet égard
dans un autre document remis aux municipalités. Nous sommes très
intéressés à examiner ce problème sur lequel, nous
convenons volontiers, il existe un problème sérieux.
Le Président: M. le chef de l'Opposition on vous accorde
une dernière additionnelle.
M. Parizeau: En dernière additionnelle, est-ce que le
ministre des Affaires municipales se rend compte que l'intérêt
qu'il apporte à l'article 65.1 existe depuis exactement six ans?
Ça fait maintenant au-delà de cinq ans que son gouvernement dit
que l'article 65.1, c'est important à régler, et là, ce
qu'il suggère, c'est d'y apporter de l'intérêt. Bravo, M.
le Président!
Le Président: Alors, M. le ministre des Affaires
municipales.
M. Ryan: On va accentuer l'intérêt!
Le Président: En question principale maintenant M. le
député de Lévis.
Maintien des stations de télévision dans
l'Est du Québec
M. Garon: M. le Président, en parlant de
culottes, à ce moment-là, parlons du gouvernement de
sans-culottes que nous avons à Ottawa et qui trouve opportun de
maintenir au coût de 1 200 000 000 $ à 1 300 000 000 $ par
année des soldats en Allemagne alors que la guerre est finie depuis 45
ans, mais qui n'a pas d'argent pour le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie -
c'est ça, il faut savoir couper aux bonnes places - et qu'il y a
eu...
Le Président: Un instant, M. le député de
Lévis, s'il vous plaît! S'il vous plaît, s'il vous
plaît! Vous savez fort bien qu'un préambule est admissible pour
une question principale mais elle ne doit pas susciter... S'il vous
plaît! Tout préambule ne doit pas susciter de débat et,
actuellement, je pense que vous suscitez des débats. Le préambule
doit également être relatif à votre question principale; je
ne la connais pas...
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! Évidemment, je
ne la connais pas, mais le préambule doit quand même être
bref. Alors, allez-y avec un bref préambule et votre question.
M. Garon: M. le Président, essentiellement, comme il
s'agit de coupures du gouvernement fédéral qui nous touchent, je
n'étais pas surpris que le supposé défenseur des
régions, le député de Charlesbourg, s'objecte...
Des voix: Ah! Ah! Ah!
M. Garon: ...alors je me dis, j'indique où prendre
l'argent.
Une voix: Pose-la donc, la question.
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
Une voix: Poses-en une question.
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît!
Bon, MM. les députés, Mmes les députées,
s'il vous plaît! Je demande la collaboration de tout le monde et
j'invite...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Oui.
Une voix: M. le Président...
Le Président: Bon. Alors, je vais demander la
collaboration de tout le monde et j'invite le député de
Lévis...
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! J'invite le
député de Lévis à poser une question dans les
normes du règlement, sans susciter de débat directement sur votre
question. Allez-y.
M. Garon: M. le Président, je ne pensais pas choquer
personne en disant que la guerre de 1939-1945 était finie depuis 45 ans.
(14 h 30)
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Je veux dire qu'en fin de semaine j'étais
présent...
Des voix:...
Le Président: Bon. Alors, très bien. Vous
êtes prêt, M. le député de Lévis, et je vous
reconnais pour une dernière tentative. Allez-y.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: M. le Président, j'étais présent,
dans un esprit non partisan, en fin de semaine à Rimouski, avec,
d'ailleurs, le député de Matapé-dia, le
député de Rimouski et d'autres personnes du Conseil
régional de développement du Bas-Saint-Laurent, les organismes
communautaires, des syndicats, des marchands, des téléspectateurs
qui avaient payé 3 $, 5000 personnes qui avaient payé 3 $ pour
être présentes pour défendre leur télévision,
des gens, dans le fond, qui ont besoin de moyens d'information dans une
région qui est immense, qui ont besoin de moyens de production
culturelle régionale aussi. Comment voulez-vous que des gens qui veulent
faire quelque chose dans le domaine des arts, s'il ne reste que
Montréal... Là, on leur dit: Vous allez partager Québec.
Il n'y a déjà rien à Québec! Ne nous comptons pas
d'histoire.
Le Président: Votre question, M. le député
de Lévis, s'il vous plaît!
M. Garon: Le spectacle de... Maritchu d'Abbadie qui peut nous
éviter...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: Bon. Un instant! Mmes et MM. les
députés! Sur un rappel au règlement, M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, pourriez-vous demander au
député de Lévis, s'il vous plaît, de respecter
judicieusement le règlement. Je comprends qu'il doit être
satisfait de voir un constat ou une manifestation de satisfaction de la part de
son voisin de gauche, M. le chef de l'Opposition, à l'égard de sa
question. C'est tout récent, c'est tout nouveau. Venez-en donc au sujet,
s'il vous plaît!
Le Président: Alors, votre question directement, M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, ma question au ministre des
Communications: Puisqu'il nous a dit qu'il avait communiqué avec le
ministre fédéral à Ottawa concernant la répartition
des budgets du gouvernement fédéral et le maintien des stations
de télévision dans l'Est du Québec, quelle réponse
a-t-il obtenu du ministre fédéral des Communications?
Le Président: M. le ministre des Communications .
M. Cannon: Je suis très heureux, M. le Président,
de m'apercevoir aujourd'hui que j'ai un nouveau critique dans le domaine des
communications, en l'occurrence celui qui...
Des voix: Ah! Ah!
M. Cannon: Est-ce qu'il y a un problème de l'autre
côté?
Le Président: Un instant, M. le ministre. S'il vous
plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, sur un rappel
au règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, vous avez toujours
tenu les députés à l'ordre là-dessus en disant que
l'absence d'un député ne doit pas être notée. Et
s'il faut que je donne les raisons, M. le Président, je les donnerai,
mais je trouve ça tout à fait "cheap".
Le Président: S'il vous plaît! Sur la même
question... À l'ordre, s'il vous plaît! écoutez, je demande
la collaboration des députés. Ma patience commence à avoir
des limites à ce moment-ci.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, je vous demande votre collaboration,
s'il vous plaît. Sur la même question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, deux choses.
Premièrement, je conviens avec le leader de l'Opposition qu'on
s'était entendu pour ne pas souligner les absences de chacun et chacune
d'entre nous. Mais, deuxièmement, vous devez comprendre que le ministre
des Communications s'ennuie du député de Masson.
Le Président: Alors, effectivement, sur la question de
règlement, on sait fort bien que toute absence d'un député
ne doit pas être soulevée. C'est conforme à la tradition
parlementaire. Je demanderais aux gens de respecter cette tradition. Alors, M.
le ministre des Communica- tions.
M. Cannon: Alors, M. le Président, simplement pour
rectifier. Je ne voulais pas souligner l'absence de mon collègue, le
député de Masson, et je ne l'ai pas fait d'une façon
délibérée. Je le dis au leader de l'Opposition. Quant
à la question du député de Lévis, M. le
Président, celui-ci me demande si, effectivement, j'ai eu une
réponse de la part du ministre fédéral. Non, je n'ai pas
eu de réponse de la part du ministre fédéral. Toutefois,
j'ai indiqué aux gens de la coalition, notamment les gens du syndicat de
Radio-Canada, que j'étais disposé à m'asseoir avec eux
afin de regarder l'ensemble du dossier et ceux-ci m'ont indiqué que le
plus rapidement possible ils viendraient me rencontrer afin de faire des
propositions d'analyser avec eux l'ensemble du dossier.
En terminant, M. le Président, je suis très fier aussi
d'avoir vu, hier, mon collègue, le député de
Matapédia, présent à cette assemblée à
Rimouski, pour répondre véritablement...
Des voix: Le député de Rimouski aussi.
M. Cannon: ...le député de Rimouski,
également-Dès voix: Ha, ha, ha!
M. Cannon: ...aux gens qui, dans la région du
Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, sont touchés par les
coupures. Eux s'occupent de leur région et j'en suis fier.
Le Président: En question complémentaire, M. le
député de Lévis.
M. Garon: M. le Président, sans agressivité et sans
partisanerie, je demanderais tout simplement au ministre des Communications
s'il a l'intention de demander à Radio-Québec de prendre la
relève de Radio-Canada, d'une façon intérimaire, parce que
les postes sont fermés, et s'il a l'intention de proposer quelque
solution que ce soit pour faire en sorte que les équipements qui sont en
place restent en place et continuent à être utilisés pour
les bénéfices de la région, qu'il s'agisse de Rimouski, de
Matane ou de Sept-îles?
Le Président: M. le ministre des Communications.
M. Cannon: J'indiquerai, M. le Président, au
député de Lévis que je suis prêt à m'asseoir
et à regarder avec les gens du syndicat un certain nombre de solutions.
Et je vous indiquerai également, M. le député de
Lévis, qu'il n'appartient pas au gouvernement du Québec de
renflouer les erreurs du gouvernement fédéral. Et celui qui vous
parle n'a pas du tout l'intention de faire
ça, ni de recommander une action comme celle-là à
l'ensemble des Québécois et Québécoises.
Le Président: En question principale maintenant, Mme la
députée de Chicoutimi.
Utilisation de logiciels anglais dans des
écoles françaises
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Vendredi, en cette
Chambre, j'avais l'occasion d'interroger le ministre responsable de
l'application de la loi 101 sur la pertinence ou le bien-fondé de
l'achat, par le ministère de l'Éducation, de 250 logiciels
anglais destinés à des écoles françaises. Les
raisons invoquées par le ministère de l'Éducation reposent
sur le fait que 99,9 % des entreprises utilisent des logiciels anglais et qu'il
faut donc former les travailleurs en anglais. Alors, ma question s'adresse au
ministre de l'Éducation. Compte tenu que cette décision
contrevient à l'esprit de la loi, sinon à la loi elle-même,
sur l'enseignement du français dans les écoles françaises,
compte tenu que, selon son collègue responsable de la loi 101, qui est
responsable de l'application des programmes de francisation, cette
décision contrevient à ce programme, est-ce que le ministre de
l'Éducation a l'intention de retirer les logiciels anglais des
écoles françaises?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: M. le Président, je remercie Mme la
députée de sa question. Effectivement, le ministre des Affaires
municipales et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française a plutôt vite fait de me sensibiliser à cette
question. On a de nombreux sujets qui nous occupent, tous les deux, de ce
temps-ci. Effectivement, on se réfère à un logiciel,
l'AUTOCAD, qui sert dans la dispensation d'enseignement au niveau du dessin
technique et, à la demande du ministère de l'Éducation,
les commissions scolaires se sont regroupées pour des appels d'offres
pour pouvoir bénéficier de tels équipements, au niveau
technique, à meilleur prix. Il ressort de l'analyse du dossier, qui
n'est pas complétée, j'en conviens avec Mme la
députée, que toutes les entreprises consultées, les
entreprises chez qui celles et ceux qui apprennent à travailler avec ces
équipements sont susceptibles de se retrouver dans le cadre de leur
travail quotidien comme suite de leur diplomation, utilisent cette version et,
pour nous, il était important que les diplômés soient en
mesure de l'utiliser dès leur entrée sur le marché du
travail.
La version française... M. le Président, c'est important
et je n'ai pas d'objection, de l'autre côté, à donner une
réponse complète, je crois. La version française est une
interprétation européenne du logiciel qui ne prend pas en compte
les mesures du système SI et les mesures du système
impérial. La version française, d'ailleurs, selon les indications
qu'on m'a fournies, ne fonctionne pas avec le clavier québécois
et elle est disponible... Il faut calculer de six mois à un an avant
d'avoir un clavier approprié. Enfin, les manuels d'accompagnement de la
version française sont en anglais, à une exception près,
effectivement, et la version française a été
expérimentée par quelques cégeps et commissions scolaires
qui ont exprimé beaucoup de réserve à l'égard de la
performance. Ceci étant dit, pour nous... Ce n'est pas le
ministère qui a acheté. Ça, je veux être très
clair avec vous. Ce n'est pas le ministère et, à cet
égard-là, l'affirmation que vous avez faite, Mme la
députée, vendredi dernier, m'apparaît non fondée. Ce
sont les commissions scolaires, à partir d'une analyse rigoureuse de
matériel pédagogique disponible le plus susceptible de
correspondre exactement aux besoins des élèves dans une
perspective de recherche d'un emploi et de travail de compétence et de
qualité avec des équipements déjà présents
dans les industries, premièrement. Deuxièmement, j'ai
demandé, parce que vous vous êtes interrogée à
savoir si cette...
Le Président: En conclusion, M. le ministre, s'il vous
plaît!
M. Pagé: Merci, M. le Président.
Le Président: Très bien. Alors, en question
complémentaire.
Mme Blackburn: M. le Président, j'ai bien entendu les
arguments du ministre. D'abord, les appels d'offres ont été faits
par le ministère.
Le Président: Votre question, s'il vous plaît!
Mme Blackburn: Ma question est claire. Compte tenu de la
pénurie ou des carences que nous avons en cette matière, de
l'importance de convaincre les jeunes francophones, au Québec, de
l'importance de la langue, de développer chez eux la fierté,
comment pense-t-il qu'il va développer la fierté chez nos jeunes
Québécois si on leur dit qu'ils ne pourront pas travailler en
français? Comment développer la fierté de leur langue dans
cette situation-là? Est-ce qu'il n'aurait pas cru
préférable, M. le Président, d'accorder des subventions
à un organisme susceptible de développer un logiciel en
français, adapté à la situation des entreprises et des
écoles? (14 h 40)
Le Président: M. le ministre.
M. Pagé: M. le Président, je vais être
très clair avec Mme la députée. Ces jeunes-là
veulent apprendre en français et nous aussi. Ce n'est pas
compliqué, c'est très simple, sauf qu'il y a un
équipement qui ne leur est pas accessible actuellement dans cette
langue, premièrement. À certains égards, au point de vue
technique, les manuels d'accompagnement sont actuellement en traduction.
Deuxièmement, comme je vous l'indiquais, je vais voir ce
dossier-là personnellement. On va l'analyser et sachez que tout sera
humainement fait pour que l'acquisition de connaissances puisse se faire en
français, mais en autant, cependant, qu'on ait des équipements
disponibles. Vous allez accepter ça avec moi, je présume.
Mme Blackburn: M. le Président. Le Président:
En complémentaire.
Mme Blackburn: Ma question s'adressera au ministre responsable de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Il y a déjà plus
d'un an que le Conseil de la science et de la technologie a
déposé un avis lui suggérant d'utiliser les achats publics
pour assurer le développement technologique. Et il y a un secteur
où c'est particulièrement important: la fabrication de logiciels.
Quand le ministre mettra-t-il en place une politique d'achats publics
susceptible de soutenir le développement de logiciels en
français?
Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce
et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): Je remercie beaucoup la
députée de Jonquière de l'opportunité qu'elle me
donne de parler du Conseil de la science et de la technologie.
Des voix: ...Chicoutimi.
M. Tremblay (Outremont): Ce n'est pas loin!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Tremblay (Outremont): Excusez-moi, Mme la
députée de Chicoutimi, je suis tellement d'accord avec ce que
vous dites. C'est la raison pour laquelle une compagnie internationale, la plus
importante compagnie dans le secteur du logiciel au monde, la compagnie Oracle,
a établi récemment à Montréal sa première
filiale entièrement autonome de logiciels; elle va travailler avec
l'Université du Québec pour faciliter le transfert technologique
en faveur d'entreprises du Québec et également la traduction en
français de tous les logiciels.
Donc, la politique de partenariat économique du présent
gouvernement porte fruit et aucun effort ne sera ménagé pour
assurer le transfert de connaissances en français à nos
élèves.
Des voix: Bravo!
Le Président: Une question additionnelle, M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: Merci, M. le Président. Nous sommes
complètement d'accord avec la députée de Chicoutimi. Ma
question s'adresse au ministre responsable de l'application de la Charte de la
langue française. Ne croyez-vous pas que c'est beaucoup plus avantageux
pour les Québécois de promouvoir la vitalité de la langue
française avec des initiatives positives comme l'achat de logiciels en
français au lieu des restrictions linguistiques?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Ryan: La réponse, c'est oui.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
Dossier de l'alphabétisation
M. / Gendron: Depuis quelques semaines, M. le Président,
on assiste à un concert de voix de la part de certains ministres
réclamant le rapatriement de pouvoirs pleinement exercés par
Québec. C'est le cas du ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu pour ce qui est de la formation
professionnelle. C'est le cas de la ministre des Communautés culturelles
et de l'Immigration. C'était le cas du ministre de la Santé et
des Services sociaux repris par le ministre des affaires canadiennes. Et,
pendant ce temps, lui, le ministre de l'Éducation a
démissionné complètement dans le dossier de
l'alphabétisation.
En effet, le Québec a décidé au cours de cette
Année internationale de l'alphabétisation de rester dans l'ombre,
laissant ainsi à Ottawa l'occasion d'exercer une présence
beaucoup plus marquée et visible. La plus belle preuve, c'est samedi
dernier, samedi qu'on vient de passer. Le Regroupement des groupes populaires
en alphabétisation du Québec inaugurait, en grande pompe, la
décennie de l'alphabétisation, avec des commandites exclusivement
fédérales. Toutes les commandites étaient
fédérales. Le ministre n'était même pas là.
Ma question: Le ministre de l'Éducation peut-il nous expliquer comment
il peut tolérer cette ingérence excessive du
fédéral dans le dossier de l'alphabétisation qui, en
principe, devrait relever sans conteste de la seule compétence du
Québec?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: M. le Président, je pense que le
député d'Abitibi-Ouest ne peut pas s'adresser de façon
aussi critique à l'égard du gouvernement aujourd'hui. Il doit
convenir avec nous que,
globalement, c'est 34 000 000 $ qui sont engagés par notre
gouvernement dans cette démarche de support à
l'alphabétisation de nos concitoyens et concitoyennes, dont près
de 10 000 000 $ via le mécanisme ou avec l'appui des organismes
s'occupant de formation populaire. Ce qu'on a dit, c'est ceci, et je m'inscris,
évidemment, dans le même sens que l'avis ou l'opinion
formulée par mon prédécesseur, le ministre des Affaires
municipales d'aujourd'hui, à savoir qu'il revient au Québec
d'assurer les coûts, la responsabilité de cette démarche
via, entre autres et notamment, notre réseau des commissions scolaires
du Québec. Cependant, si le gouvernement canadien décide
d'ajouter à cette démarche du Québec, elle doit s'inscrire
dans le cadre de nos interventions et elle doit s'incrire en
complémentarité. Ce n'est pas parce que le gouvernement canadien
a jugé opportun de supporter, de s'inscrire dans cette démarche
qu'on doit le rejeter du revers de la main. Pour nous, ce qui est important,
c'est que le Québec demeure maître d'oeuvre et que ça
s'inscrive en complémentarité. Et c'est ce qui se fait,
d'ailleurs, jusqu'à maintenant.
Le Président: En question complémentaire.
M. Gendron: Si c'est ce qui se fait, est-ce que le ministre peut
nous expliquer comment il se fait que le plan d'action réclamé en
matière d'alphabétisation depuis plusieurs années et
l'injection de ressources financières adéquates,
spécialement au niveau du programme de soutien à
l'alphabétisation populaire autonome, n'a pas encore été
connu et les groupes le réclament à cor et à cri? Comment
se fait-il?
Le Président: M. le ministre.
M. Pagé: M. le Président, le député a
omis d'indiquer dans son préambule à sa question additionnelle,
il aurait dû le faire, que le Québec se situe au premier plan, au
premier niveau de l'ensemble canadien dans sa démarche
d'alphabétisation et de support à celles et ceux à qui
cette démarche s'adresse, premièrement. Deuxièmement,
concernant le plan d'action, bientôt.
M. Gendron: C'est que l'ex-collègue était d'accord
avec moi que je ne parlais pas de l'argent, je parlais du plan d'action.
Le Président: En question complémentaire.
M. Gendron: Alors, en question complémentaire: Est-ce que
le ministre de l'Éducation se rappelle l'engagement de son gouvernement
en campagne électorale? Est-il au courant que l'engagement
électoral du Parti libéral, c'était une action rigoureuse
en alphabétisation par un plan? Où en êtes-vous dans
l'élaboration de votre plan en alphabétisation?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: Premièrement, vous pouvez compter sur
toute ma vigueur. Deuxièmement, je peux vous indiquer que c'est
bientôt, comme je vous en ai fait part dans ma réponse
précédente.
Le Président: En question principale, Mme la
députée de Johnson.
Programmes de subventions à l'intention des
clubs de motoneigistes
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Après
avoir respecté tous les critères inhérents au programme de
subventions, les clubs de motoneigistes du Québec, encore aujourd'hui,
n'ont rien reçu des subventions pour l'entretien des sentiers de
motoneige. Deuxièmement, il y a aussi le programme de renouvellement des
surfaceuses au Québec. Il y a 10 clubs qui se sont qualifiés pour
avoir les subventions et ils n'ont pas reçu un sou, pas plus que les 263
autres clubs, de l'Abitibi-Témiscamingue jusqu'en Estrie. Il n'y a
personne qui a reçu un sou et on est rendus au 17 décembre. Quand
le ministre du Loisir va-t-il verser les subventions, autant dans un programme
que dans l'autre?
Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche.
M. Blackburn: M. le Président, j'apprécie beaucoup
la question de la députée de Johnson concernant sa
préoccupation par rapport aux motoneigistes, compte tenu de l'importance
de cette activité économique au plan
récréo-touris-tique et au plan touristique, en particulier, pour
l'ensemble du Québec. Alors, je tiens à rassurer la
députée de Johnson. Cette semaine, les clubs de motoneige, les
responsables au niveau des surfaceuses vont recevoir, du gouvernement du
Québec, des réponses positives à leurs attentes.
Le Président: En question principale, M. le
député de Joliette et leader de l'Opposition.
Sécurité publique et protection
policière sur le territoire de Kahnawake
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Un peu après sa
nomination, le ministre de la Sécurité publique avait dit que
Kahnawake devait se doter d'une force policière professionnelle,
compétente, largement autochtone et agissant en concertation avec
l'autorité politique locale et les autorités policières du
Québec. Il avait déclaré, et je le cite: Les lois du
Québec et du Canada doivent s'appliquer efficacement dans tout le
territoire et il ne saurait exister des zones d'exception où les
citoyens seraient soustraits à la loi. Ma question est la suivante, M.
le Président. Compte tenu que depuis presque le mois d'octobre il y a
seulement
quelques routes qui sont patrouillées par la police et
qu'à toutes fins pratiques le territoire même de Kahnawake est
sans surveillance, est-ce que le ministre peut nous dire, suite à la
rencontre qu'il a eue - ça devait être ce matin - si on lui a
clairement indiqué que le territoire serait enfin surveillé et
que les lois du Québec et du Canada seraient respectées là
comme ailleurs? (14 h 50)
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Ryan: M. le Président, comme il avait été
annoncé, j'ai tenu ce matin une rencontre à Longueuil avec le
conseil de bande du Conseil mohawk de Kahnawake. Sur 12 membres, 11
étaient présents et le douzième était absent pour
raison de maladie. Au début de la réunion que j'avais
demandée moi-même, j'ai rappelé les grandes orientations de
la politique gouvernementale en matière de sécurité
publique et de protection policière et, ensuite, nous avons
engagé la discussion. Il me fait plaisir de vous dire, M. le
Président, que la discussion s'est déroulée dans un climat
très constructif. J'ai été agréablement
impressionné par l'atmosphère qui existait ce matin, qui
était influencée, dans une certaine mesure, par l'esprit des
fêtes. Et nous sommes convenus, après nous être entendus sur
un certain nombre de points, de nous retrouver en janvier pour essayer de
poursuivre la besogne. Je dois dire que j'ai trouvé des manifestations
de bonne volonté qui m'ont grandement encouragé. Je crois que
nous sommes peut-être entrés, à compter de ce matin, sur
une piste qui nous amènera à des aménagements stables et
acceptables, autant pour les Amérindiens de Kahnawake que pour le
gouvernement du Québec, en conformité avec les principes
déjà énoncés.
Le Président: En question complémentaire.
M. Chevrette: Est-ce que le ministre peut nous dire si, d'ores et
déjà, il peut garantir à cette Chambre que, quel que soit
le type de police qui sera instauré pour Kahnawake, elle relèvera
de l'autorité du ministre ou pas? Et, dans un deuxième temps,
étant donné qu'on parle de justice équitable pour tous,
est-ce que le ministre peut me dire - c'est parce que je n'ai pas le temps, M.
le ministre, que je vous pose ce deuxième volet-là - si les 12
citoyens de Châ-teauguay qui, vendredi dernier, ont paradé devant
la justice pour avoir obstrué le pont et l'intersection de la route 132,
si ces gens-là ont l'assurance qu'ils seront traités sur le
même pied que l'ont été ceux qui ont bloqué le pont
Mercier pendant 78 jours?
Le Président: M. le ministre de la Sécurité
publique.
M. Ryan: À la première question, il faudrait
répondre en apportant bien des nuances. Je vous donnerai un exemple.
Prenez la police de Saint-Jean-sur-Richelieu: elle ne relève pas
directement du ministre de la Sécurité publique, elle
relève de l'autorité politique de Saint-Jean-sur-Richelieu. Le
ministre a une fonction de surveillance générale quant aux normes
qui doivent s'appliquer. Il faudra veiller à ne pas exiger, dans un
endroit comme Kahnawake, des choses qu'on n'exigerait pas ailleurs. Mais il
faudra qu'une période de transition ait lieu, au cours de laquelle il
faudra une liaison spéciale; ça a été clairement
énoncé et c'est vers ça que nous essayons d'aller.
J'espère que nous pourrons mettre au point des arrangements qui
respecteront les exigences sainement rappelées par le leader de
l'Opposition.
En ce qui touche le deuxième volet, je suis porté à
répondre oui, en principe. Mais je vous préviens que je ne suis
pas au courant de toutes les modalités des incidents auxquels fait
allusion la question. Je devrai d'abord me renseigner sur les circonstances
dans lesquelles chaque incident est survenu, m'assurer qu'il y a lieu de porter
des plaintes dans chaque cas, qu'on a les données voulues. Et je serai
disposé à apporter un complément de réponse
dès que j'aurai obtenu ce supplément d'information.
Le Président: C'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de votes reportés. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, j'apprécierais
obtenir le consentement du leader de l'Opposition pour le dépôt de
deux rapports qui devaient être effectivement déposés en
début de séance, mais qui n'ont pu l'être compte tenu de
l'arrivée un peu tardive de chacun de nos collègues. Je me
réfère au dépôt du rapport de la commission de
l'économie et du travail pour le projet de loi 81 et du rapport de la
commission de l'éducation pour le projet de loi 102.
Le Président: M. le leader...
M. Chevrette: Est-ce que ça a des incidences...
Le Président: ...de l'Opposition.
M. Chevrette: Non. J'ai une question avant de donner mon
consentement. Je voudrais savoir si ça a des incidences directes sur la
législation. Je ne suis pas certain que, les déposer demain,
ça nuirait à l'adoption, puisque c'est demain mardi.
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Sauf que les déposer aujourd'hui,
ça ne nuirait pas, non plus, à l'adoption.
Le Président: Tout simplement, pour information, je dois
dire que le député de Laval-des-Rapides et président de la
commission de l'économie et du travail était présent
à l'Assemblée. Mais c'est un défaut technique que le
document ne lui ait pas été transmis lors de la période
propice au dépôt. Alors, simplement, à titre de
président, à ce moment-ci, puisque les dépôts sont
terminés, je suis obligé de demander s'il y a consentement...
Une voix: Non.
Le Président: II n'y a pas de consentement. Très
bien. Alors, les dépôts auront lieu demain. Maintenant, aux
motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Pagé: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'après les affaires courantes jusqu'à 18 h 30
et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la
commission du budget et de l'administration procédera à
l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet
de loi 112, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions
législatives, le projet de loi 101, Loi modifiant la Loi sur les valeurs
mobilières; de 20 heures à minuit, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des
équipements poursuivra l'étude détaillée du projet
de loi 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant
les organismes intermunicipaux de l'Outaouais. Une fois terminée
l'étude détaillée dudit projet de loi et ce,
jusqu'à minuit, à la même salle, la commission des
institutions procédera à l'étude détaillée
du projet de loi 55, Loi modifiant la Loi sur les permis d'alcool et d'autres
dispositions législatives.
De plus, j'avise que de 20 heures à minuit et, si
nécessaire, demain, le mardi 18 décembre 1990, de 10 heures
à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May,
la commission de l'éducation procédera à l'étude
détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi 100, Loi
modifiant le Code des professions et diverses lois constituant une corporation
professionnelle concernant la publicité professionnelle et certains
registres, le projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur la pharmacie.
J'avise également cette Assemblée que, le mardi 18
décembre 1990, de 10 heures à 12 h 30, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des
équipements poursuivra l'étude détaillée du projet
de loi 108, Loi modifiant le Code de la sécurité routière
et d'autres dispositions législatives.
Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y
a des questions? Il n'y a pas de questions. Ceci met fin à la
période des affaires courantes. Aux affaires du jour maintenant, M. le
leader du gouvernement, si vous voulez m'indiquer l'article du feuilleton que
je dois appeler.
M. Pagé: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de Ioi113 Adoption du principe
Le Président: À l'article 6 du feuilleton, M. le
ministre délégué à l'Administration et à la
Fonction publique et président du Conseil du trésor propose
l'adoption du principe du projet de loi 113, Loi modifiant certains
régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Avant de donner
la parole à M. le président du Conseil du trésor, je dois
m'enquérir s'il y a consentement de l'Assemblée pour
déroger à l'article 237 du règlement qui prévoit un
certain délai avant la présentation de la motion d'adoption du
principe. Est-ce qu'il y a consentement? Donc, il y a consentement. Très
bien. À ce moment-ci, je vais reconnaître M. le président
du Conseil du trésor. Je vais attendre quelques secondes, si vous
permettez, pour laisser la chance à nos collègues de bien vouloir
quitter l'Assemblée, ceux qui doivent vaquer à d'autres
occupations.
Mmes, MM. les députés, à ma droite, je vous
inviterais à quitter à l'arrière, s'il vous
plaît.
Nous pouvons maintenant procéder à cette motion d'adoption
du principe du projet de loi 113, à la discussion sur cette motion, et
je vais reconnaître M. le président du Conseil du
trésor.
M. Daniel Johnson
M. Johnson: Oui, M. le Président. Si le projet de loi a
pour objet principal de donner suite à certaines propositions
formulées par le comité... Excusez-moi, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): s'il vous plaît,
je vous demande votre collaboration. m. le ministre, je crois que je vais
pouvoir vous entendre.
M. Johnson: Merci, M. le Président. Le projet de loi a
donc pour objet principal de donner suite à des propositions qui sont
formulées par le comité de retraite de la Commission
administrative des régimes de retraite et d'assurances ou qui sont
contenues dans les lettres d'intention du gouvernement, annexées aux
conventions collectives dans les secteurs
public et parapublic et qui concernent les principaux régimes de
retraite applicables à nos employés visés par ces
conventions.
Il faut d'abord se rappeler qu'en décembre l'an dernier et qu'en
juin dernier, l'Assemblée adoptait les projets de loi 24 et 78 qui
visaient tous les deux à donner suite à une partie des
dispositions prévues dans la lettre d'intention sur le RREGOP,
c'est-à-dire le Régime de retraite des employés du
gouvernement et des organismes publics, négociées avec la partie
syndicale. Le présent projet vise donc à concrétiser le
reste des modifications qui sont prévues dans cette lettre d'intention.
(15 heures)
De plus, certaines modifications originent de résolutions du
comité de retraite de la CARRA, de demandes du gouvernement ou alors de
la lettre d'intention conclue entre le gouvernement et l'Union des agents de la
paix en institutions pénales et d'une décision du Conseil du
trésor à l'égard d'employés de niveau non
syndicable.
M. le Président, je suggère donc et j'ai l'intention de
souligner quelques-uns des éléments qui se rattachent à
chacune des modifications que j'ai ainsi décrites.
Premièrement, quant à la pension différée
dans le régime général, c'est-à-dire dans le
RREGOP, les dispositions actuelles du RREGOP prévoient que la pension
différée, qui est payable à 65 ans est obligatoire
uniquement pour l'employé qui cesse ses fonctions alors qu'il est
âgé de 45 ans et plus et s'il a 10 années de service et
plus. L'employé peut choisir de recevoir un paiement comptant de 25 % de
la valeur actuarielle, et cette pension différée n'est pas
indexée au cours de la période d'attente. Les modifications
proposées visent donc à prévoir au RREGOP les dispositions
suivantes: Une pension différée obligatoire après deux ans
et plus de service et payable à 65 ans; deuxièmement, une
indexation de cette pension différée selon le taux de
l'augmentation de l'indice des pensions pour toute la durée de la
période d'attente; troisièmement, une garantie que la valeur
présente de la pension différée indexée sera au
moins égale à la somme des cotisations accumulées avec
intérêt. Le calcul des intérêts, incidemment, devra
se faire de la même façon que s'il s'agissait d'un remboursement
de cotisations en distinguant les cotisations antérieures ou
postérieures au 1er janvier 1991. Quatrièmement, il s'agira
d'abolir la possibilité d'obtenir le paiement comptant de 25 % de la
valeur présente de la pension différée.
Cinquièmement, nous pourvoirons au paiement de la pension
différée rétroactivement à 65 ans si
l'employé formule sa demande après cette date.
Ces modifications permettront de rencontrer les principes mis de l'avant
dans la réforme des régimes complémentaires de rentes et
de concrétiser l'entente intervenue entre le gouvernement et les
syndicats lors de la dernière ronde de négociations quant
à la pension différée, tout en bonifiant le calcul des
intérêts pour les périodes postérieures à
1991 sans toutefois augmenter le coût du régime.
Deuxième élément: remboursement des cotisations
avec intérêt en cas de cessation de participation ou de
décès avec moins de deux années de service
créditées.
Les dispositions actuelles, en effet, permettent à toute personne
qui cesse ses fonctions avant d'être admissible à une pension ou
à une pension différée obligatoire d'obtenir le
remboursement de ses cotisations. Ce remboursement inclut des
intérêts calculés selon le taux de rendement du
régime de retraite. Le pourcentage payable des intérêts est
croissant et ne peut excéder 90 %. Les modifications que nous proposons
sont à l'effet de donner droit au remboursement uniquement à la
personne qui cesse ses fonctions avec moins de deux années de service ou
alors à ses ayants droit, d'accorder 100 % des intérêts
pour les intérêts payables sur les cotisations relatives au
service postérieur au 31 décembre 1990 et de maintenir la
règle du 90 % pour les années antérieures.
Troisième élément: les bénéfices
payables aux ayants droit de la personne ayant à son décès
deux années et plus de service au RREGOP sans être admissible
à une pension. Les modifications proposées quant à la
pension différée obligatoire après deux années de
service créditées et l'indexation de cette pension au cours de la
période d'attente obligent à modifier ces dispositions afin
d'assurer aux ayants droit des bénéfices qui correspondent
à ceux accordés au participant. Ainsi, des modifications sont
proposées afin d'assurer aux ayants droit le plus élevé
des deux montants suivants: soit la valeur présente de la pension
différée indexée qui serait payable à 65 ans ou
alors, la somme des cotisations versées avec les intérêts
accumulés, cet intérêt étant toujours calculé
selon que le service est antérieur ou postérieur au 1er janvier
1991.
Quatrième élément: modifications au montant de la
pension de conjoint survivant à la demande du participant, ces
règles s'appliquant dans le RREGOP et le Régime de retraite des
fonctionnaires.
Des modifications sont proposées en effet au RREGOP afin d'offrir
au participant, au moment où il formule sa demande de retraite, la
possibilité d'opter en réduisant sa rente de retraite pour une
pension garantie au conjoint équivalant à 60 % de la pension qui
est payable au participant.
Quant au Régime de retraite des fonctionnaires, la modification
proposée est à l'effet que la pension de conjoint correspond
automatiquement à 60 % de la pension du participant.
Cinquième élément: De fait - je le dis tout de
suite - ajout au RREGOP d'un critère facultatif d'admissibilité
à la retraite avec réduction
actuarielle pour l'employé qui est âgé d'au moins 55
ans. Ainsi, une modification est proposée afin de permettre au
participant âgé de 55 ans à 60 ans d'opter pour le paiement
d'une pension immédiate ou d'une pension différée.
Sixièmement, modifications aux dispositions relatives aux
critères d'admissibilité au Régime de retraite des
fonctionnaires. Les critères d'admissibilité à la retraite
du Régime de retraite des fonctionnaires prévoient actuellement
qu'un employé de sexe masculin âgé de 55 ans et qui a au
moins 22 années de service peut prendre sa retraite avec
réduction actuarielle; une modification est proposée ici afin
d'uniformiser au Régime de retraite des fonctionnaires le calcul de la
réduction actuarielle avec celui applicable au RREGOP suite à
l'introduction d'un nouveau critère d'admissiblité à la
retraite, soit le facteur 90, c'est-à-dire qui vise à
reconnaître la somme des années de service et de l'âge
atteint par le participant.
Septièmement, rachat au RREGOP d'un congé sans traitement
suivant un congé de maternité, de paternité ou d'adoption.
Une modification est proposée afin de permettre à
l'employé qui prend un congé sans traitement, suite à un
congé de maternité, de paternité ou d'adoption, de n'avoir
à payer que 100 % des cotisations qui auraient été
retenues sur son traitement, alors qu'auparavant il devait payer 200 % de
telles cotisations.
M. le Président, quelques modifications contenues dans ce projet
de loi visent également à donner suite à des
résolutions du comité de retraite et à certaines demandes
du gouvernement. Ainsi, le projet de loi propose des modifications afin de
prévoir que seules les années cotisées ou
exonérées après la date d'un transfert doivent être
considérées dans le calcul du traitement moyen aux fins du calcul
de la pension. Il permet également d'ajuster le texte de ces
régimes ainsi que celui du régime de retraite de certains
enseignants afin de prévoir de nouvelles modalités concernant le
rachat d'années ou de parties d'années de service.
Ces modifications sont également apportées au
Régime de retraite des agents de la paix en institutions pénales.
De plus, ce projet de loi permet aux employés occupant temporairement
une fonction de gérance de participer à ce dernier régime
et il substitue le nom de l'Union des agents de la paix en institutions
pénales par celui du Syndicat des agents de la paix en services
correctionnels du Québec.
Le projet de loi modifie également le Régime de retraite
des employés du gouvernement et des organismes publics, le Régime
de retraite des enseignants, le Régime de retraite des fonctionnaires et
le Régime de retraite des agents de la paix en institutions
pénales concernant l'assujettissement à ces régimes des
membres du personnel d'un ministre ou d'une personne visée à
l'article 124.1 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui ne sont pas
assurés d'une réintégration dans une fonction visée
par ces régimes lorsque leur emploi prend fin. Il s'agit ici, M. le
Président, pour ces employés qui, soit dans les cabinets de
ministre, soit dans les bureaux de comté de députés ou qui
travaillent au service des députés ou de la présidence de
l'Assemblée nationale, de pouvoir se prévaloir de l'option de
non-contribution et de non-couverture aux régimes de retraite du secteur
public, sauf dans les cas de ceux qui sont effectivement assurés d'une
intégration éventuelle, en quittant leur emploi dans
l'arène politique, dans la fonction publique.
Par ailleurs, et finalement, le projet de loi reconduit, sous
réserve de certains ajustements, l'application de la mesure temporaire
relative à la retraite anticipée à l'égard des
employés de niveau non syndicable qui participent au Régime de
retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.
M. le Président, ce projet de loi, je le répète en
terminant, ne fait que donner suite à des conventions qui ont
été négociées avec nos employés. Deux fois
par année, je le resouligne à l'endroit du porte-parole de
l'Opposition et des membres de cette Chambre, j'ai l'honneur, le plaisir ou,
à tout le moins, l'occasion d'amener ici, à l'Assemblée
nationale - presque régulièrement, deux fois par année -
un tel projet de loi. Il faut savoir en effet que nous sommes en
négociations avec 400 000 employés, qu'à l'égard de
ceux-ci les négociations prises globalement sont quasi permanentes, que
nous sommes constamment en discussion à l'égard de ces
matières avec l'un ou l'autre des groupes d'employés du secteur
public et qu'en conséquence, et afin de donner suite aux ententes qui
peuvent toucher aux régimes de retraite de nos employés, nous
avons à légiférer.
Je reconnais encore une fois, avant qu'on ne me le souligne de l'autre
côté, qu'il est presque inévitable, si nous voulons
être le plus à jour possible, que nous déposions et
discutions de ces projets de loi vers la fin de chaque session. Il est
évidemment difficile de pouvoir, en toute sérénité
et de façon complète, discuter de choses extrêmement
complexes, qui font appel à des notions d'actuariat extrêmement
avancées et extrêmement subtiles, et on pourrait se demander
véritablement ce que nous, parlementaires, qui ne sommes pas
nécessairement artisans ou experts en semblable matière, avons
à discuter de ces choses. (15 h 10)
M. le Président, j'indique tout de suite que, quant à moi,
à partir du moment où le comité de retraite de la
Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances du
gouvernement du Québec a exprimé certains souhaits, après
examen avec leurs experts, après que nos différents
interlocuteurs du côté syndical avec leurs experts
également ont négocié dans le
cadre des conventions collectives certaines caractéristiques de
leur régime de retraite, après que du côté
gouvernemental, avec nos experts, notamment ceux du Secrétariat du
Conseil du trésor, nous avons pu viser de telles demandes qui
émanent soit de la CARRA, soit de nos syndiqués, nous en sommes,
quant à nous ici, à l'Assemblée nationale, à juger
si les droits que nous conférons sont bien les droits qui étaient
envisagés par les parties qui ont négocié, si les droits
qu'à la limite nous pourrions enlever, par certaines dispositions, le
sont en toute connaissance de cause, si les dispositions rétroactives
que l'on pourrait introduire le sont sans battre en brèche certains
droits qui auraient été acquis par des individus ou certains
groupes d'individus bénéficiaires des dispositions des
régimes de retraite.
Nous avons donc à nous satisfaire que l'ensemble des
étapes qui doivent être parcourues dans ces matières, soit
des étapes de négociation entre nos employés et le
gouvernement, ont bien été franchies et que la loi donne à
leurs demandes effet aux négociations qui sont intervenues.
C'est ce qui explique, encore une fois, et vous m'en voyez navré,
d'amener ce projet de loi à un moment où on pourrait devoir
compter, effectivement, sur le consentement de cette Chambre afin de donner
pour le 1er janvier 1991 effet complet aux négociations qui sont
intervenues. Je viens d'expliquer, M. le Président, pour la
troisième fois, j'en ai l'impression depuis un an et demi, la raison
pour laquelle c'est à ce moment-ci que nous avons à
débattre ce projet de loi. Je veux assurer tout de suite mon
vis-à-vis de l'Opposition officielle de toute ma collaboration et de
celle de mes collaborateurs même quant aux explications de nature
hautement technique que lui et moi, devrais-je dire, pourrions requérir
dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre et
président du Conseil du trésor. Sur le projet de loi 113, je
reconnais maintenant M. le député de Labelle. M. le
député.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. J'ai
écouté le président du Conseil du trésor nous
expliquer son projet de loi, au moins nous donner quelques explications.
J'avais l'impression que j'aurais pu ressortir mon discours de l'an
passé sur le même sujet et le lire à l'Assemblée
nationale, et c'est à peu près le même que je pourrais
faire aujourd'hui.
Nous sommes toujours dans la même situation, une année sur
l'autre. Je vois qu'il prenait les devants, qu'il disait que oui, nous avons
toutes les explications. Mais, c'est malheureusement, encore une fois, comme
par les années passées, le cas où on nous présente
un projet de loi en toute fin de session et je dirais non seulement en toute
fin de session, mais on ne l'a pas présenté le 15 novembre, qui
était la date limite. On l'a présenté il y a une semaine
et c'est un projet de loi qu'il nous faudra adopter.
Alors, sur son contenu, M. le Président, le projet de loi 113
vise, d'une part, à donner suite à la lettre d'intention du
gouvernement qui est annexée aux conventions collectives et, d'autre
part, à donner suite à certaines recommandations du comité
de retraite. C'est donc dire qu'une bonne partie du projet de loi 113, au fond,
est le fruit de négociations entre le gouvernement et ses
employés lors de négociations de conventions collectives. Les
dispositions du projet de loi quant à cette portion ont, par
conséquent, été acceptées par les deux parties et
on demande maintenant à l'Assemblée nationale d'autoriser le
tout. J'y reviendrai.
Et, par ailleurs, une autre portion des dispositions ont
été recommandées par le comité de retraite qui
siège pour administrer les différents régimes de retraite
du gouvernement, ou des employés du gouvernement. Puisqu'on retrouve
dans un projet de loi ces dispositions, on peut aussi croire qu'elles ont
été acceptées par toutes les parties et on demande, encore
une fois, à l'Assemblée nationale d'autoriser le tout.
M. le Président, comme j'ai dit au début, le projet de loi
113, comme tous les projets de loi de même nature, a été
déposé en toute fin de session. On demande alors à
l'Opposition de donner son consentement pour qu'il soit possible d'adopter le
projet de loi avant l'ajournement de nos travaux dans quelques jours. Il
s'ensuit que nous transgressons nos règles de procédure et je
pense qu'on doit le déplorer, non seulement on peut, mais on doit le
déplorer, dans ce cas-ci, malgré certains griefs que nous
pourrions avoir à l'endroit du président du Conseil du
trésor. Je crois qu'il a été, par la force des choses,
amené à nous bousculer parce qu'il doit, d'abord, respecter des
échéances très courtes, M. le Président, et, par
ailleurs, la complexité, qui est propre à la rédaction
d'un projet de loi de cette nature, l'empêche probablement de respecter
les délais prévus par les règlements de l'Assemblée
nationale s'il s'y est pris trop tard.
Si nous n'en faisons pas de reproche au président du Conseil du
trésor, nous ne pouvons, toutefois, que déplorer que
l'Assemblée nationale en soit réduite à un rôle
aussi limité. Dans ce cas-ci, son rôle ne consiste qu'à
entériner un projet de loi sans avoir, véritablement, d'autre
rôle à jouer. La démarche ne se limite pas, d'ailleurs,
qu'à ce rôle, mais il faut dire que-Comment voulez-vous que l'on
discute de principes sur un tel projet de loi qui touche, dans une bonne partie
de ses articles, des cas très particuliers? Donc, c'est gênant de
le faire et difficile aussi de le faire correctement parce qu'il ne faut pas
brimer des droits d'individus. Je suis très conscient de cela et c'est
pour cela
que nous allons concourir à l'adoption de ce projet de loi.
Nous nous retrouvons - c'est paradoxal -dans la situation du
lieutenant-gouverneur à qui on ne demande pas s'il est d'accord ou non,
mais simplement d'y apposer son sceau. Sans vouloir dénigrer la fonction
de lieutenant-gouverneur, le rôle de l'Assemblée nationale ne peut
être réduit à cette simple expression. Ce que nous vivons
aujourd'hui doit être l'exception et c'est pourquoi aussi, je tiens
à le souligner, je déplore au plus haut point le recours de plus
en plus fréquent à ces motions dites de clôture, qui sont
une atteinte directe à la liberté d'expression et à la
démocratie, en quelque sorte, et nous en avons vécu des exemples
la semaine dernière et encore cette semaine.
Je pense que nous devrions nous interroger sur la
nécessité d'adopter des lois à la vapeur. Au fond, est-ce
qu'il n'y a pas d'autres possibilités dans ces cas de réforme des
régimes de retraite que d'avoir sans cesse recours à l'adoption
d'une loi? Je pense que c'est une question que nous pourrions nous poser, mais,
quoi qu'il en soit, je crois que c'est réduire le rôle du
Parlement à peu de chose et je le rappelle - et je vais le rappeler
ultérieurement encore - lorsque nous avons décidé d'abolir
le Conseil législatif, il fallait qu'on ait une obligation de respecter
toute la réglementation, toutes les procédures de
l'Assemblée nationale parce que, autrement, c'est trop facile de faire
des erreurs et qui peuvent comporter aussi des erreurs très graves.
Donc, je pense qu'on ne doit pas arriver à des fins de session, comme
ça, avec des projets de loi qui peuvent être bons, mais on ne le
sait pas et on n'a ni le temps ni les moyens d'en juger.
M. le Président, malgré toutes ces réserves que
j'ai présentement sur la façon d'étudier le projet de loi
113, malgré que le rôle de l'Assemblée nationale soit
réduit à sa plus simple expression, je veux assurer le
président du Conseil du trésor de mon appui et l'assurer que nous
ferons tout en notre pouvoir pour que le projet de loi 113 soit adopté
avant l'ajournement de la présente session et je compte, effectivement,
sur la collaboration des fonctionnaires. Je sais que, l'an dernier, nous
l'avons eue, nous l'avons eue au mois de juin. J'espère que nous aurons
aussi une planification des travaux, de leur part, qui fasse qu'au moins le 15
novembre on ait déjà des contenus et s'ils ont besoin
d'amendements pour les tout derniers articles qu'ils veulent amener ou
corriger, que nous les ayons, ces amendements, comme dans d'autres lois, mais
qu'on nous les dépose le 15 novembre ou le 15 mai plutôt que
d'attendre en toute dernière minute et dire que nous avons un projet de
loi de - attendez un peu - quelque 112 articles, dont on en retire une
quarantaine. Au fond, on aurait très bien pu nous en amener 60 avec un
projet de loi déposé à temps pour respecter nos
échéances. Ce n'est pas parce que nous aurions eu l'intention de
le bloquer, c'est que nous aurions voulu l'étudier correctement.
Maintenant, nous allons passer à l'étude article par article et,
encore une fois, je suis sûr que ce projet de loi a été
rédigé avec les meilleures intentions du monde, que les
fonctionnaires y ont mis tous leurs soins. Encore faudrait-il nous en assurer
au plan de la Législature, ici. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Labelle. En fonction de votre droit de réplique,
M. le président du Conseil du trésor. (15 h 20)
M. Daniel Johnson (réplique)
M. Johnson: M. le Président, deux ou trois commentaires:
le premier, sur l'ampleur du projet de loi comme tel. J'ai eu l'occasion
d'échanger avec le député de Labelle à ce sujet. Il
peut effectivement apparaître qu'en toute fin de session quelque chose
d'aussi peu comestible soit soumis à notre attention. Je rappelle
à l'Assemblée - parce que tout le monde est
intéressé - que les dispositions qu'on introduit sur la foi, par
exemple, de l'introduction d'un principe nouveau sont
répétitives. Il y a plusieurs régimes de retraite dans
chacun desquels on retrouve les mêmes dispositions et lorsqu'on
procède à des modifications, elles ont un caractère
répétitif étant l'une et l'autre toute l'image du miroir
de l'ancienne disposition qu'on trouve dans chacun des régimes de
retraite. Alors, quant à l'ampleur, elle n'est pas aussi terrible
qu'elle ne le laisse paraître.
Je dirais, par ailleurs, que nous introduisons - et je vais qualifier un
peu les remarques du député de Labelle - quand même un
principe nouveau - ce n'est peut-être pas négligeable, à ce
moment-ci, de le resouligner - c'est celui de l'introduction de l'acquisition
d'un droit obligatoire à la retraite, à partir du moment
où un de nos employés a 2 ans de service crédités,
ce qui remplace la notion de 10 ans de service et 45 ans d'âge, qui
était la limite ou la combinaison, devrais-je dire, de conditions qui
faisaient en sorte que les gens acquéraient, à ce
moment-là, de façon obligatoire, le droit à une retraite.
L'introduction de cette mesure, c'est-à-dire 2 ans de service
crédités, fait en sorte que nous rendons obligatoirement
accessible à un plus grand nombre de nos employés cette
protection de l'après-carrière que constitue la retraite. Et,
c'est à ce titre que plusieurs de nos régimes s'en voient
bonifiés.
Troisième commentaire. Quant au rôle de l'Assemblée
nationale - je le répète - il m'ap-paraît que nous avons -
que ce soit vrai à ce stade-ci pas vraiment autant qu'au niveau de
l'étude article par article - mon collègue et moi et les membres
de la commission qui aurons à
étudier ce projet de loi éventuellement article par
article, aurons à nous poser les questions sur ce qui arrive aux droits
des individus ou des groupes d'individus qui sont visés par les
différents régimes de retraite.
Je le répète: Est-ce qu'on enlève des droits?
Est-ce qu'on en donne des nouveaux? Est-ce qu'on le fait selon les
règles? Est-ce que ça coule de source par rapport à ce qui
a été négocié avec les représentants
syndicaux de nos employés ou alors avec les intervenants quant aux
groupes non syndicales? Donc, l'Assemblée a un rôle réel et
il ne me paraît pas évident à ce moment-ci qu'on ferait
oeuvre utile d'édicter éventuellement une loi-cadre et de laisser
à la réglementation ou à la suite des choses la
disposition précise des suites à donner aux conventions
collectives avec nos employés. Ça m'apparaît essentiel que
nous ayons l'occasion, aussi imparfaite soit-elle, de discuter de ces choses
entre nous au niveau de l'Assemblée nationale et de véritablement
donner un accord de principe à ce que certains des principes
sous-jacents à nos régimes de retraite soient adoptés par
l'Assemblée nationale indiquant ainsi que, comme gouvernement, comme
Assemblée nationale, nous croyons à la dotation à
l'endroit de nos employés, si je peux employer le terme, de certaines
caractéristiques quant à leur régime de retraite. Je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
président du Conseil du trésor. Je reconnais maintenant M. le
leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, on retient que le
principe est adopté?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oh! excusez-moi!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que le principe
du projet de loi 113 est adopté?
Des voix: adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Pagé: Merci, M. le Président. Je fais donc
motion pour que le projet de loi soit déféré à la
commission du budget et de l'administration pour étude
détaillée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
du leader du gouvernement est adoptée?
M. Pagé: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le
leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 120 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 7, M.
le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du
principe du projet de loi 120, Loi sur les services de santé et les
services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Je
suis prêt à reconnaître M. le ministre de la Santé et
des Services sociaux. M. le ministre. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, seulement quelques
secondes pour indiquer à mes collègues que nous entendons
conduire le débat en deuxième lecture sur ce projet de loi
très important, à moins que ce ne soit complété
avant, au moins jusqu'à minuit ce soir, si nécessaire. Si,
toutefois, l'Opposition officielle décidait de compléter
l'étude avant, nous aurons encore, comme vous le savez et comme avis en
a été donné au leader de l'Opposition, un autre
élément de notre feuilleton qui sera appelé.
M. Trudel: J'aurais une question, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, sur la même
question, M. le député de
Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.
M. Trudel: Oui. L'Opposition est très consciente de
l'importance du projet de loi qui est déposé aujourd'hui et va
attendre les remarques du ministre et sa description plus précise avant
de décider de l'heure à laquelle nous allons fermer ce soir.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je voudrais, de plus,
m'inscrire encore une fois dans cette délicatesse qui nous
caractérise à l'égard de l'Opposition, qui devient plus
palpable au fur et à mesure que la session est sur le point de se
terminer, vous l'aurez compris, à savoir que le consentement est
accordé à l'Opposition pour permettre à M. le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue d'intervenir pour
une durée de 50 minutes.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît,
voulez-vous poursuivre? M. le ministre de
la Santé et des Services sociaux.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. À n'en point douter, nous entamons, à ce
moment-ci, une étape extrêmement importante dans la modification
de notre régime de santé et de services sociaux. Je voudrais
situer dans sa véritable perspective ce que nous nous apprêtons
à faire, de telle sorte que tous et chacun d'entre nous et ceux qui nous
écoutent comprennent bien ce que nous faisons à ce moment-ci.
Il y a donc une dizaine de jours, je rendais publique la réforme,
ce qu'on appelle maintenant la réforme, qui a été
extrêmement importante et, je pense qu'on peut le dire, très bien
accueillie un peu partout à travers le Québec, et de tous les
intervenants. Nous commençons donc l'adoption du projet de loi 120 qui
est la transposition de certaines de ces mesures qui nécessitent des
aménagements sur le plan législatif, donc un nouveau cadre
législatif. C'est ce que nous nous apprêtons à faire
aujourd'hui, demain, et jusqu'à ce que nous ayons disposé du
principe de ce projet de loi.
Mais ce n'est pas tout, M. le Président, parce que nous aurons
d'autres étapes qui vont venir puisque nous ferons l'analyse du projet
de loi article par article à la fin de janvier et au mois de
février. À la fin de mars et au début d'avril, nous
entamerons la troisième étape extrêmement importante de ce
processus, soit de rendre publique la politique de santé et
bien-être qui est une pièce extrêmement importante, qui
n'accompagnait pas la réforme, et de manière volontaire, et qui,
là, va fixer les objectifs à atteindre pour l'ensemble du
réseau, que ce soit dans les maladies cardio-vasculaires, que ce soit
dans la prévention, que ce soit dans différents domaines qui
façonnent la santé et le bien-être à travers le
Québec. Donc, par la suite, et peut-être simultanément,
nous rendrons public le plan d'implantation de la réforme qui, lui,
devient un plan extrêmement important.
Oui, M. le Président, je suis extrêmement fier, comme
ministre de la Santé et des Services sociaux, d'entamer aujourd'hui la
deuxième lecture de ce projet de loi très important, majeur, et
qui est très certainement l'une des pièces les plus importantes
de législation qu'aura étudiées le Parlement cet automne.
Ça marque donc une étape extrêmement importante dans ce
cheminement qui est enclenché maintenant, qui est
irrémédiable et, comme je l'ai dit lors de la conférence
lançant la réforme, qui est aussi incontournable.
C'est un processus qui a démarré il y a cinq ans puisque
mon collègue, le député de Joliette, qui était
alors ministre de la Santé et des Services sociaux sous le gouvernement
qui nous a précédés, avait créé la
commission Rochon. Il avait donc constaté un certain nombre de malaises
au niveau de notre système et avait décidé de faire une
commission d'importance qui sillonnerait le Québec et qui entendrait les
intervenants afin de tenter de proposer des solutions à notre
régime, donc aux problèmes que nous connaissions. Ce rapport de
plus de 900 pages, de la commission qui a entendu au-delà de 6000
personnes à travers le Québec, est une étape
extrêmement importante, même s'il n'a pas tout solutionné,
qui a fait l'objet de consensus sur certains points, de discussions sur
d'autres, et d'absence de propositions dans certains autres domaines. (15 h
30)
II y a eu, par la suite, la tournée de Mme Thérèse
Lavoie-Roux qui m'a précédé au niveau du ministère
de la Santé et des Services sociaux, qui a été aussi une
tournée importante, qui a fait l'ensemble des régions du
Québec, qui a entendu tout près de 2000 personnes et qui avait,
en cours de route, des ajustements à faire et à proposer. En
avril 1989, Mme Lavoie-Roux déposait devant l'Assemblée nationale
et devant le peuple québécois sa proposition d'orientation et de
réforme du système de la santé et des services sociaux.
Nous avons donc, à la suite de ces documents, décidé de
tenir, il y a à peine 10 mois, une commission parlementaire
extrêmement importante où on a siégé pendant tout
près de 7 semaines, si ma mémoire est fidèle, où
nous avons entendu 175 mémoires sur 266 qui ont présenté
leur opinion devant cette commission. En collaboration avec les membres de
l'Opposition et les collègues de la majorité
ministérielle, nous avons questionné, interrogé, sommes
allés au-delà même, dans certaines occasions, de ce qu'on
pensait pour vérifier là où étaient des choses
réalisables et qu'on pourrait retourner à la population en termes
de réussite ou de projet de réforme.
C'est donc il y a maintenant une dizaine de jours - 10 jours presque
précisément, puisque c'était le 7 décembre et qu'on
en est au 17 aujourd'hui - que je rendais publique la réforme du
système de santé et des services sociaux. Nous en sommes
aujourd'hui à l'adoption du principe du projet de loi 120 qui n'est pas
l'ensemble de la réforme, mais une partie de la réforme, qui
nécessite donc une intervention législative, puisque nous
touchons un certain nombre de lois. Elle va donc modifier de manière
substantielle des responsabilités, des fonctions des divers acteurs au
sein du réseau et certaines règles, actuellement, qui sont les
règles du jeu.
Si vous me permettez, pour la bonne compréhension de nos
auditeurs, parce que je sais déjà, M. le Président, que
vous en êtes parfaitement informés, permettez-moi d'aborder le
pourquoi de la réforme. Parce que certainement, avec tout ce qui a
été dit et entendu, malgré de très larges consensus
qui se dégagent à travers la population, il y a encore certains
individus qui se posent la question: Pourquoi une
réforme de la santé et des services sociaux?
D'abord, et je pense qu'il faut le dire et le redire, il ne faut pas attendre
de sortir du Québec pour aller à l'extérieur pour
être capable de s'en rendre compte, le Québec a un système
de santé et de services sociaux qui est enviable, qui fait l'envie des
États-Unis. Ne pensons qu'aux sorties des Kennedy qui ont toujours dit
que le système canadien et au Québec était un
système extraordinaire et que la grande ambition des Kennedy
était d'implanter aux États-Unis un système qui
ressemblerait à celui qui était en application au Canada et au
Québec. Allons dans les pays nordiques et on retrouve certaines
similitudes avec le système que nous connaissons aujourd'hui qui est un
système assez bien reconnu. Donc, dans ce sens-là, nous avons un
bon système, mais il est aussi confronté à un certain
nombre de problèmes que nous voulons tenter de régler par la
réforme que nous amorçons.
La première sorte de problèmes, c'est des
problèmes de développement. Tout le monde le sait, actuellement,
nous avons à peu près 10 % de personnes âgées au
Québec. Nous en aurons, au tournant de l'an 2000, 14 %, donc, une
commande assez importante, et nous devons réagir dès maintenant
pour être capable de procurer aux personnes âgées
d'aujourd'hui et de demain des services qu'une société
civilisée ou dite civilisée se doit d'offrir aux bâtisseurs
et aux bâtisseuses de ce pays qu'est le Canada et de cette province
qu'est le Québec. Donc, développement au niveau des personnes
âgées, au niveau des jeunes, au niveau des nouvelles technologies
de santé où, constamment, que ce soient des centres hospitaliers
de régions ou des centres hospitaliers universitaires, on met de la
pression sur les décideurs pour qu'on soit toujours à la fine
pointe de la technologie, et je pense qu'on ne peut pas les en blâmer.
Et, finalement, de nouveaux besoins qui arrivent aujourd'hui, de nouveaux
besoins demain aussi, puisque nous en aurons demain que nous ne connaissons pas
aujourd'hui. Pour ne le citer que pour seul exemple, le sida qui est un
problème de jeune génération dans le sens que c'est un
problème que nous connaissons depuis quelques années
déjà et qui commande des sommes tout à fait
exceptionnelles et des efforts tout à fait exceptionnels de la part de
nos chercheurs, de la part de nos cliniciens et aussi sur le plan
financier.
La deuxième sorte de problème en est un de
fonctionnement. Oui, parce que, malgré tout cela, malgré nos 11
000 000 000 $ de budget, malgré un bon système, malgré la
bonne volonté des uns et des autres, on se retrouve encore avec des
listes d'attente en maladies cardio-vasculaires, on se retrouve encore avec des
listes d'attente au niveau des jeunes, on se retrouve encore avec des
problèmes d'urgence, malgré le fait que, comme le disait Mme
Diane Lavallée, vendredi dernier, pour tenter de démontrer que le
ticket orienteur ne s'attaquait pas aux bonnes personnes, il n'y a que 6 % des
Québécois qui vont dans les urgences. Imaginez-vous! 6 % et c'est
engorgé! S'il y en avait davantage, on serait davantage engorgés.
Elle a réussi à faire la démonstration que parmi les gens
qui, pour 6 %, vont dans les urgences, un certain nombre n'ont pas d'affaire
dans les urgences. Il faut donc trouver les moyens pour qu'ils aillent ailleurs
où il y a des ressources disponibles à ce niveau-là.
Nous favorisons de plus en plus, comme
société - et c'est clair, des rapports le disent -
l'institutionnalisation plutôt que l'ambulatoire et le domicile. Il est
plus facile maintenant, pour nous, société
québécoise - et ça ne vise personne en particulier -
d'institutionnaliser notre personne âgée que de la maintenir
à domicile. Il nous faut donc changer les choses. Évidemment, ce
virage tant parlé et tant attendu du curatif vers le préventif,
aujourd'hui, n'est pas à nos portes et il nous faut faire des
choses.
Donc, des problèmes de développement, des
problèmes de fonctionnement et, aussi, des problèmes de
financement puisque tous les beaux discours que j'ai entendus jusqu'à
maintenant, y compris ceux de l'Opposition - je ne les en blâme pas,
c'est leur rôle, si j'étais dans leur situation, probablement que
je ferais le même discours pour leur faciliter la tâche - le
financement est public, il est pris à même le fonds
consolidé du Québec et ça, c'est extrêmement
important de le rappeler. Mais où prend-on ce système ou cet
argent? On le prend dans les poches des contribuables, et il est faux de
prétendre que les citoyens du Québec ne paient pas pour leur
système, ce sont les citoyens qui paient par leurs taxes et leurs
impôts en général. Dans ce sens-là, la
capacité des individus ou du gouvernement lui-même, de par la
marge de manoeuvre qu'il a, a atteint ses limites. Il y a donc, M. le
Président, incompatibilité entre les besoins reliés au
développement du réseau, au fonctionnement du réseau et au
financement du réseau. Les trois enjeux sont là.
Comment répondre aux besoins de la population?
Comment utiliser le mieux possible l'argent actuellement investi? Comment
respecter la capacité de payer de l'État et ses individus? C'est
clair, les questions sont là, fondamentales, elles se sont posées
à nous comme à tous ceux qui sont des observateurs avertis de
cette scène et qui, aujourd'hui, doivent prendre des décisions.
Donc, le but de la réforme, M. le Président, c'est que tout le
monde s'entend sur les problèmes, mais les solutions sont
différentes si on les aborde du point de vue du citoyen, du producteur
ou des instances gouvernementales. La réforme, quant à elle,
prend essentiellement et uniquement le point de vue du citoyen. Pourquoi? C'est
simple, parce que les services lui sont destinés, c'est lui qui sera le
consommateur des
services dans les différents centres du ministère. Il y en
a au-delà de 900. C'est lui qui, de toute façon, que ce soit
directement ou indirectement, paie la note de par ses impôts, que ce soit
l'impôt général, que ce soit des coûts indirects. Je
pense que c'est à lui de décider et c'est vers lui que doivent
être orientés les services. En conséquence, il faut que le
citoyen soit le centre de nos préoccupations et soit la colonne
vertébrale du système que nous voulons bâtir pour demain,
pour les deux générations qui viennent. Et pour le replacer au
centre, il faut l'aborder sous trois angles: le citoyen consommateur, le
citoyen décideur et le citoyen payeur. La raison est simple, très
simple, M. le Président. Il suffit de se rappeler, de retourner un peu
en arrière, à tous ceux qui ont ausculté ce régime:
M. Rochon, Mme Lavoie-Roux, ainsi de suite, et nous-mêmes, l'Opposition,
tout le monde, tous ceux qui sont passés dans le même fauteuil ont
fait les mêmes constats, à un moment ou l'autre de leur
administration. (15 h 40)
Le diagnostic de M. Rochon était simple: Le système est
prisonnier de groupes d'intérêts; ça ne plaît pas
quand on dit ça, c'est clair. Lorsqu'on dit ça, on dit: Qui sont
les groupes d'intérêt? Tout de suite, on tente de mettre la
tête d'un individu sur le groupe d'intérêts ou un groupe en
particulier, mais les groupes d'intérêts, qu'est-ce que c'est? Qui
sont-ils? Tout de suite, on pense médecins; oui, c'est des producteurs,
mais il faut aller plus loin que ça, parce qu'il y en a d'autres. Il y a
les établissements eux-mêmes, quel que soit
l'établissement. Je pourrais vous nommer tantôt des CLSC qui se
comportent comme des producteurs, qui défendent aussi et qui sont
prisonniers de leur groupe d'intérêt. Je pourrais vous nommer des
CSS, des CRSSS, je pourrais vous nommer l'ensemble des établissements
dans chacune de leur catégorie qui ont leurs propres
intérêts à défendre. C'est au ministère de
trancher à l'intérieur de tout ça. Et Rochon, nous disait:
À un point tel qu'on est prisonniers des groupes d'intérêt,
qu'on a oublié la raison même et la raison fondamentale du
système, soit celui de donner des services à un usager qui n'en a
pas, n'en rêve pas. L'usager qui se retrouve dans nos
établissements ne l'a pas souhaité. Est-ce que vous avez
rencontré, vous, parmi tous ceux qui fréquentent les centres
hospitaliers, des gens qui ont souhaité être hospitalisés?
Est-ce que vous avez rencontré des jeunes qui sont en protection de la
jeunesse qui ont souhaité être pris en compte par la protection de
la jeunesse? Non, c'est des gens qui, dans toutes les circonstances, ou
à peu près, n'ont pas le choix et se retrouvent là
aujourd'hui dans ces centres, ayant, de par leur santé ou de par
certaines défaillances physiques, l'obligation de s'y retrouver.
Quant à la commission parlementaire que nous avons tenue,
c'était intéressant, c'était très
intéressant. Ce qui était très intéressant,
c'était de voir comment chacun des groupes qui s'est
présenté en commission parlementaire réussissait à
se définir. Il se définissait toujours comme étant le
centre des préoccupations de l'ensemble des consommateurs et vers lui
devaient être dirigés les services. Donc, regrouper, lui
étant le centre, le reste étant du périphérique ou
l'ajout de possibilités de services, puis le citoyen quelque part
là-dedans, non pas comme un usager, un citoyen qui était un
consommateur mais qui venait consommer des services que, moi, je dispensais,
moi, le centre du monde. C'est clair, le citoyen était absent. Le plus
bel exemple de tout ça, c'est lorsqu'on regarde les gens qui sont venus
en commission parlementaire. Le Comité provincial des malades est venu
défendre en commission parlementaire les malades de manière
admirable, quelques individus aussi. Mais, de manière majoritaire, il
faut bien admettre que le citoyen consommateur a été absent de
notre commission parlementaire pour venir nous rappeler à l'ordre, nous
remettre à l'ordre et remettre un certain nombre de personnes à
l'ordre qui venaient défendre leur point de vue, étant
eux-mêmes le centre du système.
Ce virage est un virage majeur et il est fondamental pour l'avenir
même du système. Il doit être et il sera la colonne
vertébrale de la réforme. Pour concrétiser ce virage
extrêmement important, neuf orientations qui se situent à
l'intérieur de nos trois citoyens: citoyen décideur, citoyen
consommateur et citoyen payeur.
La première, pour le citoyen consommateur, des citoyens avec des
droits reconnus et respectés, des citoyens avec des services
adaptés.
Pour le citoyen décideur, trois orientations: une prise de
décision le plus près possible de l'action, des citoyens au coeur
de la prise de décision et des citoyens imputables de leur
décision.
Dernièrement, quant au citoyen payeur, deux orientations: Des
citoyens qui en ont pour leur argent et des citoyens qui doivent assumer le
coût des services.
Ces neuf orientations sont supportées par un ensemble de mesures.
Certaines d'entre elles peuvent être implantées sans modification
législative. D'autres, par ailleurs - et elles sont nombreuses -
commandent des changements législatifs, entre autres à la Loi sur
les services de santé et les services sociaux, au Code civil du Bas
Canada ainsi qu'à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie.
Le projet de loi 120 répond à ces exigences au niveau des
changements que nous devons apporter. Il ne m'est donc pas possible, dans
l'heure qui m'est donnée, d'aborder l'ensemble de la réforme qui
m'a pris au minimum trois heures à présenter à la
population, il y a une dizaine de jours. Je me devrai donc, M. le
Président, de tenter de me limiter à un certain nombre de mesures
que je voudrais faire partager par
l'ensemble de mes collègues de cette Assemblée et des
citoyens qui nous écoutent et nous regardent aujourd'hui. J'ai donc
choisi six points qui sont d'ailleurs au coeur même de la réforme:
premièrement, les droits des citoyens; deuxièmement, les
établissements; troisièmement, les médecins;
quatrièmement, les organismes communautaires; cinquièmement, les
régies régionales et, sixièmement, l'assemblée
régionale.
Les droits. Commençons par le premier parce qu'il est
fondamental. Si on a une réforme qui est axée sur l'usager, sur
le citoyen, il faut, par conséquent, lui définir des droits,
à l'intérieur de cette loi, et c'est ce que nous faisons. Ce
projet de loi, donc, vise à réaffirmer les droits des usagers,
deuxièmement à renforcer l'aide et l'accompagnement et,
troisièmement, à rendre les mécanismes de traitement des
plaintes plus crédibles et plus transparents.
Examinons dans le détail ce que cela signifie pour l'usager qui,
aujourd'hui, pourrait être dans un centre hospitalier, dans un CLSC ou
dans un centre d'accueil et d'hébergement. De réaffirmer les
droits des usagers, premièrement, et c'est très important, c'est
aussi significatif, le dossier médical devient le dossier de l'usager.
C'est un changement de cap assez important puisque le dossier appartient
toujours et appartiendra à l'usager. Les éléments que l'on
collige à l'intérieur d'un dossier, c'est des renseignements qui
concernent ma personne à moi comme citoyen; j'ai donc, et je dois donc
avoir, en tout temps, la possibilité de consulter, d'examiner, de lire
ce qui est écrit sur mon compte, et ça me paraît
extrêmement important, et c'est pour ça que nous voulons donner
une nouvelle dimension en signifiant nettement que le dossier médical
devient le dossier de l'usager. Par conséquent, nous nous retrouverons
dans la situation où, par exemple, si on avait deux ou trois dossiers
dans un centre hospitalier, il n'y aurait plus qu'un seul dossier, le dossier
de l'usager, de telle sorte que l'ensemble de l'information, qu'elle soit de
nature sociale ou de santé, soit à l'intérieur du
même dossier, de telle sorte que ceux qui auront à intervenir pour
me soigner le fassent en pleine connaissance de cause de l'ensemble du dossier
qui me concerne.
Deuxièmement, d'obtenir des services adéquats continus et
personnalisés. Ah! bien sûr, pour certains, on pourrait nous dire:
C'est l'évidence même. C'est ce qui existe maintenant. Je pense
que, dans l'esprit avec lequel nous abordons cette réforme, il est bon
de rappeler un certain nombre de choses et de les clarifier autant que
possible.
Troisièmement, de choisir l'établissement et le
professionnel de son choix, compte tenu de la mission des
établissements, des ressources disponibles et de l'organisation
régionale des services. Il faut quand même dire à la
société et dire aux individus: Oui, vous avez le droit de choisir
votre professionnel, oui, vous avez le droit de choisir l'établissement,
mais, bien sûr, soumis à un plan régional d'organisation de
services, avec tout ce que ça comporte parce que, autrement, ce serait
tenter de faire croire à la population de partout à travers le
Québec que tous les services et toute la gamme des services doivent
être disponibles sur chacun des territoires du Québec, et c'est
illusoire de penser une telle chose.
Quatrièmement, de recevoir l'information concernant son
état de santé et de bien-être, les soins et les risques qui
leur sont associés. Nous sommes dans une société
aujourd'hui où les gens sont ouverts à l'information, capables de
la recevoir et de la digérer et, dans ce sens-là, les gens
exigent d'être informés, parfaitement informés de leur
dossier, et c'est un droit qui sera donc très explicite à
l'intérieur de la loi.
Cinquièmement, de participer activement aux décisions qui
la concerne et, en particulier, le droit de refuser l'administration de soins
disproportionnés ou d'être maintenu en vie par des moyens
artificiels. C'est clair, c'est très clair et ça ne peut pas
être plus clair que cela.
Sixièmement, le droit d'être assisté et d'être
accompagné pour faire respecter ses droits et, septièmement,
c'est très simple, le droit de mourir dignement.
Le projet de loi, au-delà de tout cela, M. le Président,
demande à l'établissement de se doter d'un code d'éthique.
C'est beau d'avoir des droits à l'intérieur de la loi, mais il
faut que chacun de nos établissements ait un code d'éthique;
ça n'entrave d'aucune manière le code d'éthique de chacune
des professions qui oeuvrent à l'intérieur des
établissements et qui sont la responsabilité des corporations
professionnelles et ça demeure leur responsabilité. (15 h 50)
Ce code d'éthique devra énoncer les droits des usagers,
donc, ce dont on vient de se parler, précisera les pratiques et les
conduites attendues du personnel, précisera aussi des recours dont le
citoyen dispose. Il est donc clair qu'ayant un code d'éthique il doit
être distribué à l'individu qui se retrouve dans
l'établissement au niveau du réseau et ça, c'est
l'ensemble des établissements du réseau, soit les 900 et
quelques. Donc, ça signifie aussi que les établissements devront
former leur personnel en conséquence du code d'éthique et des
droits des individus qui ont à séjourner dans les
établissements du réseau.
Le dossier, donc, de l'usager, pour bien se comprendre, appartient
à l'usager; l'établissement en a la garde. Ce dossier peut
être consulté par l'usager et les professionnels qui lui
dispensent les services et les soins. Et je dis tout de suite à ceux qui
verraient là une ouverture possible, par exemple, dans le domaine de
l'assurance, d'avoir accès au dossier de l'individu pour être
capable de savoir si on l'assure ou si on ne l'assure pas, tout cela va aussi
être régi par la Commission d'accès à l'information
puisque le
dossier, s'il appartient à l'usager, il appartient à
l'usager et on ne peut pas y avoir accès si on n'est pas un
professionnel de la santé, et si on y a accès, ce sera par des
normes qu'édictera la Commission d'accès à
l'information.
Deuxième point de la réforme: renforcer l'aide et
l'accompagnement. Parce que si on a des droits dans la loi, s'ils sont
très clairement exprimés et explicités à
l'intérieur d'un code d'éthique d'établissement, est-ce
que ça veut dire pour autant que quelqu'un qui est seul,
dépourvu, malade, secoué par sa maladie, peut revendiquer
lui-même tout seul tout ce qu'il faut pour être capable de
revendiquer ses droits? Moi, je vous dis que, dans certaines circonstances,
non, et c'est pour ça que nous créons au niveau de la longue
durée, physique et psychiatrique, des comités de
bénéficiaires - il y en a actuellement, mais nous allons les
créer de par l'obligation de la loi - que les mandats, donc, seront
revus de ces comités, mandats orientés sur la défense des
droits et non la promotion des loisirs, donc, la défense des droits des
citoyens, et qu'il y aura un appui financier pour chacun de ces comités
qui se situera entre 5000 $ et 70 000 $, M. le Président, compte tenu du
budget de l'établissement.
Vous me permettrez de vous dire qu'hier c'a été
l'étonnement assez exceptionnel que de lire dans un journal de la
région de Québec que le comité des
bénéficiaires de l'hôpital Robert-Giffard était
pénalisé dans la réforme, puisque, actuellement, ils
avaient 75 000 $ et qu'ils perdraient donc 5000 $ en se ramenant à 70
000 $. Écoutez, un journaliste a pris le moyen d'écrire un
article avec un gros titre en disant que ça allait pénaliser le
comité de citoyens de Robert-Giffard. Eh bien, en tout cas, dans ce
cas-là, il avait un peu de temps à perdre pour écrire un
article comme celui-là. Je désirerais lui renvoyer le message de
manière très claire, puisque, évidemment, si c'est le
citoyen qui est au centre du système et qu'on doit avoir cette
préoccupation, il me semble bien qu'à un moment donné,
s'il y a une indexation du budget, on peut peut-être se retrouver avec
les 75 000 $.
Deuxièmement, nous allons créer par un organisme
communautaire, au niveau de chacune des régions du Québec, un
organisme communautaire sans but lucratif, donc un OSBL, chargé d'aider
les usagers dans le respect de leurs droits.
Troisièmement, donc... On a dit des droits dans la loi.
Deuxièmement, des droits, un code d'éthique, avec des
comités de bénéficiaires, avec un organisme sans but
lucratif au niveau régional. Et je dois vous dire que dans mon esprit
à moi, puisque le ministre s'est réservé le droit de
reconnaître lui-même l'organisme sans but lucratif pour l'aide et
l'accompagnement au niveau de chacune des régions du Québec, je
le ferai en parfaite harmonie avec le Comité provincial des malades qui
m'apparaît, dans ce cas-ci, être un organisme très
crédible pour nous souligner qui pourrait remplir ces
fonctions-là à travers le Québec.
Donc, ça prend un mécanisme de traitement des plaintes
plus crédible et plus transparent. Donc, pour le rendre plus
crédible, des responsabilités sont confiées au niveau
local, puisque c'est d'abord là et avant tout là que doivent se
régler les problèmes de plaintes des individus, qui ont à
se plaindre, effectivement, du traitement qu'ils ont pu recevoir. C'est donc au
niveau de rétablissement que nous situons le premier niveau de plaintes.
Jusqu'à maintenant, les établissements, et plusieurs - et je
pense qu'il faut les en féliciter - ont nommé des ombuds-mans un
peu partout à travers le Québec, dans certains cas, plus
précisément dans le domaine psychiatrique, pour permettre de
défendre et d'analyser les plaintes qui peuvent être
déposées par des individus. Ces ombudsmans ont fait un travail
honnête depuis leur nomination, mais, quand même, dépendant
du conseil d'administration qui les nomme ou qui les engage. Ce que nous
faisons aujourd'hui, c'est de créer l'obligation que le traitement des
plaintes repose sur la tête d'un individu et pas n'importe qui, d'un
cadre supérieur de l'établissement, que ce soit sa
responsabilité sur sa tête à lui, et c'est lui-même
qui devra répondre du traitement des plaintes. Nous créons un
deuxième mécanisme, celui d'un appel au niveau de la régie
régionale, de la même manière que nous le faisons
aujourd'hui. Celui qui sera responsable sur le plan régional sera un
cadre supérieur qui aura la responsabilité de l'ensemble des
établissements à l'intérieur de la région et qui
devra, lui, juger en appel si la plainte est fondée ou pas, avec des
explications et avec plus de pouvoirs qu'ils n'en ont maintenant.
Et, troisièmement, nous créons, au niveau central, un
pouvoir d'appel au ministre alors que le ministre, lui, rendra des
décisions qui sont finales et incontournables. Donc, un mécanisme
plus crédible, des individus sur la tête des individus au niveau
local, au niveau régional et, par la suite, un pouvoir d'enquête
au ministre où le ministre prendra des décisions et elles seront
finales et sans appel.
Mais est-ce que, pour autant, si c'est plus crédible, c'est plus
transparent? Non. Pour rendre ces décisions plus transparentes, ce que
nous faisons, M. le Président, nous allons exiger de chaque
établissement qu'il publie annuellement un rapport sur le traitement des
plaintes. Si vous en avez reçues 24 et qu'il y en a 23 qui sont
rejetées, vous allez donc publier que 23 plaintes ont été
rejetées sans fondement, qu'il y en a une qui a été
acceptée, et vous allez donner le pourquoi de l'acceptation ou du rejet
dans un document qui sera transmis à la régie régionale.
De la même manière, la régie régionale devra, quant
à elle, faire rapport au ministre du traitement de l'ensemble des
plaintes sur son
territoire, de l'ensemble de ses établissements et le ministre
déposera, à l'Assemblée nationale, annuellement, le
rapport de la régie régionale concernant le traitement des
plaintes de telle sorte que ce soit très transparent, que des gens de
l'Opposition, l'ensemble des parlementaires, puissent s'en saisir, questionner,
interroger et voir le pourquoi de telle ou telle situation dans telle ou telle
région.
Donc, M. le Président, d'entrée de jeu à
l'intérieur du projet de loi, des choses claires, renforcées
comme droits. Donc, les droits de l'usager, de notre consommateur... Le citoyen
consommateur qui se voit renforcer et clarifier ses droits partout à
travers le réseau; c'est donc, la priorité et l'entrée en
matière du projet de loi.
Deuxièmement, les établissements. Le projet de loi
détermine les services de santé et les services sociaux qui
seront offerts pour les différents établissements. Les missions
actuelles, il faut bien l'admettre, demandent des ajustements. Des
catégories d'établissements doivent traduire la volonté de
les définir davantage en fonction des clientèles et des
populations à desservir. Oui, si on veut les changer, c'est parce qu'il
existe des problèmes actuellement. Dans le but d'assurer la
continuité des services à leur clientèle, les
établissements ont, au fil des années, graduellement
élargi leur champ et vous voyez ça un peu partout. Grandir
l'empire et, effectivement, il y en a qui ont suffisamment bien réussi
pour être à peu près en possession de tout ce qui peut
bouger dans une région. Tous se sont institues comme la porte
d'entrée du système et ont augmenté leurs services par le
développement de leurs propres services à domicile ou de leurs
ressources intermédiaires. (16 heures)
Les missions sont donc revues et ce que nous faisons, nous
définissons le noyau dur, ce qui est essentiel à la mission
à l'intérieur du projet de loi, essentiel et aussi distinctrf
puisqu'il faut, par conséquent, que ce sort essentiel, mais aussi
distinctrf. Nous ne défendrons pas aux conseils d'administration ou aux
établissements d'ajouter au noyau dur et au noyau distinctif. On
permettra de le faire, mais dans la mesure où il y aura acceptation de
la régie régionale, donc qu'il y ait
complémentarité, complicité à l'intérieur de
la région pour que de tels services puissent être ajoutés
à tel centre d'accueil d'hébergement, tel centre hospitalier ou
tel CLSC. Dans ce sens-là, ça prendra des plans régionaux
d'organisation de services. Et c'est à l'intérieur de ces plans
que nous réussirons ou que nous pourrons ajouter des services à
un établissement déjà reconnu.
Il est clair - et qu'on se le dise partout à travers le
Québec - les CLSC deviennent l'établissement par excellence de
première ligne, que ce soit en ville, que ce soit dans le milieu rural;
nous en sommes rendus là maintenant. Et il n'y a personne qui
m'impressionne en me disant qu'aujourd'hui les CLSC ne reçoivent que 4 %
de la population. Non, il faut leur donner les moyens de recevoir la population
et il faut faire ce travail-là; c'est un travail extrêmement
important que nous devrons faire.
Donc, si les CLSC sont l'établissement de première ligne,
ça signifie que les autres recevront, sur référence de la
première ligne, et ça m'apparaît extrêmement
essentiel pour être capable de bien ordonnancer l'ensemble de notre
système.
De plus, les catégories doivent refléter le plus possible
les clientèles à desservir, non pas maintenant des services en
fonction de l'établissement, mais des services donnés par
clientèle. Il faut donc éviter d'avoir deux catégories
d'établissements qui ont des missions identiques. Je pense aussi aux
centres d'accueil et d'hébergement et aux centres hospitaliers de soins
de longue durée. Il faut également que la catégorie
reflète le champ d'action privilégié de
l'établissement par rapport à une clientèle à
desservir.
En conséquence, le projet de loi 120 propose de regrouper les
catégories centres hospitaliers de soins longue durée et centres
d'accueil et d'hébergement en une seule, soit le centre
d'hébergement et de soins de longue durée, crée un centre
de protection de l'enfance et de la jeunesse pour chacune des régions du
Québec, sauf à Montréal, afin de recentrer la mission des
centres de services sociaux sur la protection de l'enfance et de la jeunesse,
crée aussi cinq catégories d'établissements: les CLSC, les
centres hospitaliers généraux et spécialisés et
psychiatriques, les centres de réadaptation, les centres
d'hébergement et de soins de longue durée et les centres de
protection de l'enfance et de la jeunesse.
Donc, c'est clair. Des missions beaucoup plus claires, pas de
duplication et des champs bien définis, avec un noyau dur et avec la
possibilité d'ajouter des services dans le périphérique,
mais dans la mesure où ça correspond aux plans régionaux
d'organisation de services et non pas décidé par
l'établissement lui-même, mais décidé par la
planification régionale de telle sorte qu'on fasse les économies
de ressources qu'il faut, en ayant toujours à l'esprit que ça
doit viser des clientèles et que ce soit, d'abord et avant tout, les
clientèles qui soient concernées.
Au niveau de l'organisation des établissements, le projet de loi
120 traite de l'organisation des établissements de la santé et
des services sociaux. Il précise leur rôle. Il y en a 4. Pas 21,
pas 30, pas 40, mais 4 qui sont très clairs. La qualité de
dispensation des soins, deuxièmement, la qualité de la gestion de
la ressource humaine, troisièmement, la qualité de la gestion de
la ressource financière et, quatrièmement, la qualité des
services dispensés aux citoyens consommateurs.
Un nouveau mode d'organisation est donc institué afin de corriger
le manque de complémentarité. Pensons au développement
parallèle, pour ne citer que quelques exemples. Des hôpitaux de
jour dans des centres hospitaliers de longue durée et des centres de
jour dans des centres d'accueil. De l'hôpital à domicile et des
services intensifs de maintien à domicile. Pensons à la
compétition que je qualifie de déloyale entre
établissements d'un même réseau. Chacun veut organiser tous
les services pour répondre à l'ensemble des besoins de la
clientèle.
Le projet de loi introduit donc un nouveau mode d'organisation des
conseils d'administration des établissements publics, prévoyant
qu'un conseil d'administration pourra administrer plusieurs
établissements sur un territoire donné. Des conseils
d'administration unifiés s'appliqueront, entre autres, pour les
établissements oeuvrant auprès des personnes âgées,
des jeunes et des personnes handicapées. Des conseils d'administration
spécifiques seront maintenus pour les CLSC, pour les centres
hospitaliers, pour les centres d'hébergement et de soins de longue
durée ayant plus de 50 lits de soins généraux et
spécialisés, les centres hospitaliers universitaires et les
instituts universitaires.
Qu'en est-il de la composition des conseils d'administration? Le projet
de loi revoit donc la composition des conseils d'administration, le mode de
désignation de leurs membres et les règles de fonctionnement qui
leur sont applicables. Le projet de loi fera en sorte que les citoyens soient
majoritaires au conseil d'administration et, ça, c'est extrêmement
important. Si on veut redonner au citoyen le réseau, il faut lui
redonner les établissements et il faut qu'il s'implique, décide
et administre les établissements. Donc, dans toutes les
catégories, les conseils d'administration seront dominés, sur le
plan du nombre, par des citoyens qui devront donc être majoritaires. Il
permet - et ça c'est différent de ce qu'on avait entendu en
commission parlementaire - au personnel d'être présent sur des
conseils d'administration. On a eu beaucoup de discussions en commission
parlementaire où les gens sont venus nous dire: Nous sommes
attachés à notre institution, on peut apporter des choses
très importantes au niveau des discussions du conseil d'administration.
On nous a dit: Pourquoi priver le conseil d'administration de l'expertise d'un
médecin qui aurait des choses à dire pour éclairer les
citoyens qui ont à décider au niveau du conseil d'administration?
On s'est donc rendus à ces demandes et il y aura un médecin, il y
aura une infirmière et il y aura un autre travailleur, donc, trois
personnes qui seront membres du conseil d'administration.
Quant aux structures internes, les postes dans les
établissements, ça a fait l'objet de plusieurs discussions et,
dans la loi actuelle, on se retrouve avec des CMDP, des CCPC, des CCDG, des
chefs de département, des directeurs de soins infirmiers, des directeurs
de soins médicaux et ils sont tous définis à
l'intérieur de la loi. Je pense qu'il nous faut davantage
responsabiliser les conseils d'administration sur leurs rôles - les
quatre que j'ai évoqués tantôt - et que ça doit
devenir leur responsabilité de définir les structures dont ils
ont besoin afin d'être capables de remplir les quatre rôles qu'on
leur confie.
Je l'ai dit à maintes reprises, je le répète - et
ce n'est péjoratif pour personne - il n'y a pas un chat à travers
le Québec qui va réussir à me convaincre que nous avons
besoin des mêmes structures à l'hôpital de
Sainte-Anne-des-Monts en Gaspésie - mon lieu d'origine - où il y
a 100 lits par rapport à un autre hôpital, que ce soit Notre-Dame
ou d'autres, où il y a 1000 lits. Non, ce n'est pas vrai. Personne ne va
me faire la démonstration que ça prend la même structure
pour être capable de remplir les mêmes rôles. Et la loi a le
défaut, actuellement, d'avoir pris un modèle exemplaire qui
s'applique, effectivement, dans certaines institutions, mais qui ne s'applique
pas dans la majorité des institutions. Par conséquent, il faut
redonner de l'oxygène au niveau des établissements sur le plan
local. Quand on prend des pouvoirs à Québec et qu'on les envoie
en région, ce n'est pas pour qu'ils étouffent en région.
C'est pour qu'on continue le mouvement pour faire en sorte que l'on donne aussi
au pouvoir local de l'oxygène pour qu'il puisse s'administrer et remplir
les fonctions qui lui sont dévolues.
Dans les échanges que j'ai eus avec mon bon ami Augustin Roy, de
la Corporation des médecins, le Dr Saint-Georges, en particulier, m'a
fait la démonstration in extremis de certains écueils si nous
avions éliminé de la loi le Conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens. Il ne m'a pas totalement convaincu, mais il m'a
suffisamment ébranlé pour que je ne prenne pas de chance et que
je maintienne, dans la loi, pour les centres hospitaliers, le Conseil des
médecins, dentistes et pharmaciens. Il est donc maintenu. En
contrepartie, nous créons le CM, le Conseil des infirmières et
infirmiers qui, lui aussi, a sa place à l'intérieur d'un centre
hospitalier, avec des fonctions très spécifiques qui sont
définies à l'intérieur de la loi et qui sont
décrites dans la réforme. (16 h 10)
Donc, M. le Président, je dis à tous ceux qui,
aujourd'hui, s'inquiètent de ne pas se voir mentionnés tels
qu'ils sont actuellement, que ce soient les directrices de soins infirmiers ou
les autres, DSP, ainsi de suite, à travers le Québec, qui sont
inquiets, à l'intérieur de la loi, il y a une clause
crépusculaire qui fait en sorte que, pour les trois prochaines
années, il y a possibilité de maintenir les structures actuelles,
laissant le soin à chacun des établissements, d'ici là, de
s'entendre sur une nouvelle structure oganisationnelle qui permet de remplir
les quatre
fonctions. Et à partir du moment où on s'est entendus, on
le signifiera à la régie régionale et au ministre, et ce
sont ces nouvelles structures qui entreront en fonction. Si on ne s'est pas
entendus d'ici à trois ans, dans trois ans, excepté le Cl et le
CMDP, les structures tombent; c'est ça, le portrait très clair.
Vous avez donc trois ans pour faire en sorte de vous adapter aux nouvelles
circonstances. Et si vous décidez de maintenir, au niveau de votre
établissement, exactement les mêmes organisations que vous avez
maintenant, vous pourrez le faire. Mais, au moins, ce que nous faisons: on vous
donne la possibilité de vous servir de l'oxygène. Si vous
décidez de ne pas vous en servir, c'est que vous aurez jugé ne
pas vous en servir. Vous pourrez donc, sans que ce soit campé de
manière irrémédiable à l'intérieur de la
loi, apporter toute la souplesse qu'il faut sur le plan organisationnel, si
vous avez dans l'esprit que votre priorité, c'est le citoyen et que
c'est d'abord le citoyen et l'usager qu'il faut privilégier.
Donc, le projet de loi crée le Conseil des médecins,
dentistes et pharmaciens et le Conseil des infirmières et infirmiers,
avec le mandat suivant et avec le même mandat: apprécier la
pertinence, la qualité et l'efficacité des soins infirmiers,
évaluer et maintenir la compétence de leurs membres, donner leur
avis sur les règles et les soins infirmiers applicables dans le centre.
Voilà, pour les structures et l'esprit même dans lequel ça
a été fait. Et je suis pleinement convaincu que ceux qui
réussiront le mieux sont ceux qui vont accepter de prendre de
l'oxygène et de modeler, à leur manière, les structures
qui sont les plus à même de faire en sorte qu'on ne les fait pas
pour les producteurs, mais on les fait davantage pour donner aussi de
l'oxygère à notre usager et à notre citoyen. Et dans ce
sens-là, je suis pleinement convaincu que ce sera très bien
accepté et très bien connu.
M. le Président, abordons maintenant les médecins. Le
projet de loi met en place des dispositions législatives afin d'assurer
une meilleure répartition des médecins entre les
différentes régions administratives du Québec. Vous savez,
de ce temps-là, mes collègues et moi sommes à peu
près inondés de téléphones de jeunes
étudiants universitaires qui ont appris, par l'entremise de quelqu'un -
je ne sais pas qui - qui a probablement d'autres intérêts que de
dire la vérité, qu'ils seraient littéralement
obligés de se retrouver dans les régions du Québec pour
pratiquer la médecine. "C'est-y" pas écoeurant, M. le
Président! C'est absolument abominable que d'être obligé -
imaginez-vous, là - demain matin, comme médecin, d'aller
pratiquer à Rimouski, d'aller pratiquer à
Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue. C'est le bout du monde, vous savez. C'est
extraordinaire. Il n'y a pas d'êtres humains qui demeurent dans ces
régions-là, qui ont besoin de soins. Bien, je leur dis
aujourd'hui: Vous avez du chemin à faire avant de me convaincre qu'on ne
doit pas, nous, comme législateurs, faire ce que nous devons faire pour
faire en sorte que la société, qui vous a très bien
organisés, dans le sens que vous êtes acceptés parmi les
575 privilégiés - que ça vous plaise ou pas - qui, chaque
année, sont acceptés en faculté de médecine, qui
n'avez, à partir de ce moment, aucune espèce de crainte quant au
niveau de rémunération, quant aux possibilités d'avoir des
clients, en plus des études, en bonne et très large partie,
payées par l'État... Vous n'aurez donc jamais de problème
de clientèle, si vous voulez travailler. Vous n'aurez aussi jamais de
problème de paie parce que la paie est garantie, et pas des petits
salaires, s'il vous plaît! On ne parle pas de 5,50 $ l'heure, ce n'est
pas de ça qu'on parle. Et qu'il n'y ait pas, en retour de ces avantages
et de ces privilèges, des droits que l'on doit respecter
vis-à-vis de la population du Québec? Moi, je vous dis tout de
suite: Ne partez pas de campagne, vous allez la partir pour rien et vous allez
dépenser des énergies pour rien. Et d'aucune manière, il
m'apparaît très clair que personne ne me fera changer
d'idée sur les responsabilités des individus vis-à-vis des
autres individus payeurs de taxes à travers le Québec. Dans ce
sens-là, il y a des gens, des malins, qui tentent de faire accroire
qu'ils ne pourront plus pratiquer la médecine libre dans les grands
centres puisqu'ils seront littéralement obligés d'aller
pratiquer, imaginez-vous, dans Bellechasse. Aïe! N'est-ce pas
extraordinaire? À 20 minutes et une demi-heure de Québec. C'est
épouvantable, vous savez. Et ils vont être obligés demain
matin d'aller soigner des gens de Sainte-Thérèse-de-Gaspé,
évidemment, comme s'il n'y avait pas d'avion pour y aller et comme s'il
n'y avait pas de route qui se rend là non plus. C'est tout à fait
exceptionnel. Moi, je vous dis que vous aurez, malgré tout cela, la
liberté de pratiquer à Québec, de pratiquer au
centre-ville de Montréal, mais à partir des plans d'effectifs
médicaux et j'aurai aussi la liberté de décider comme
gouvernement combien ça vaut, comment ça se paie. Pour bien nous
faire comprendre de la part des individus qui comprennent aujourd'hui, qui nous
entendent, des citoyens de ces régions ou sous-régions du
Québec, qui sont en attente de services-Vendredi dernier, je faisais une
ligne ouverte à CJRP, à Québec, et il y a une dame de
Bellechasse qui téléphonait, qui disait: M. le ministre, est-ce
que ce serait possible d'avoir des médecins les fins de semaine dans
Bellechasse au cas où je serais malade, pour m'éviter d'aller
à 40 milles plus loin, à la salle d'urgence de l'hôpital de
Montmagny? On en a cinq jours par semaine à notre CLSC, mais on n'en a
pas les fins de semaine. Ce n'est pas le voisin là, c'est une citoyenne,
payeur de taxes, consommateur qui me disait ça. Si c'est vrai là,
c'est vrai aussi ailleurs. Moi, je me dis: Ma responsabilité à
moi,
c'est de faire en sorte qu'il y ait des médecins partout. Mais je
veux aussi dire aux citoyens du Québec, parce que ça
m'apparaît extrêmement important, qu'aujourd'hui nous avons fait
des efforts jusqu'à maintenant, nos prédécesseurs qui ont
occupé les fonctions que j'occupe et moi et Mme Lavoie-Roux, pour donner
de l'intérêt, on appelle ça de ('"incentive" à ces
gens pour faire en sorte qu'ils puissent se retrouver en région et
qu'ils aient quelques compensations financières pour leur permettre de
s'installer.
Je veux juste vous prendre le portrait d'un omnipraticien et d'un
spécialiste qui auraient bénéficié de l'ensemble
des mesures que nous avons faites jusqu'à maintenant - et c'est possible
- pour vous dire que, recevant son salaire à 100 %, s'il gagne 130 000
$, 140 000 $ ou 150 000 $ ou, à l'occasion, 200 000 $ comme
spécialiste, on ne parle même pas de ça. On parle du
salaire de base, 100 % bien payé. Un omni qui aurait profité de
tout pourrait aller dans une sous-région du Québec, pourrait
bénéficier de jusqu'à 200 000 $ sur quatre ans, donc 50
000 $ par année au-delà des 100 % du salaire qui lui est
dévolu, pour qu'il s'implante dans les régions du Québec
et le spécialiste, lui, 288 000 $ sur quatre ans, donc vous faites la
division, et ça vous donne ce que ça donne en termes de
rémunération additionnelle, que soit des avantages pour
l'implantation, pour le ressourcement ainsi de suite. Et, malgré tout
cela, on est encore avec des problèmes extrêmement importants
à travers le Québec, dans les sous-régions du
Québec, pour un certain nombre d'omnis et aussi pour des
spécialités de base. Je ne suis pas de ceux, et je ne serai pas
de ceux qui vont pleurer sur le sort de ces individus qui, aujourd'hui, se
sentent brimés par la société et que c'est une atteinte
fondamentale à leur liberté personnelle d'exercice à
travers le Québec. Moi, je vous dis qu'il y a aussi la liberté
des individus à être soignes à travers le Québec,
parce que ces individus paient des taxes, comme tout le monde, qu'ils soient de
Sainte-Thérèse-de-Gaspé, qu'ils soient de Senneterre en
Abitibi ou qu'ils soient du Saguenay-Lac-Saint-Jean; ils paient les mêmes
taxes que les citoyens qu'ils soient de Québec ou de Montréal. Et
notre priorité à nous est de faire une loi qui permette a ces
individus de recevoir des services non pas ultraspécialisés, mais
des services adaptés à leurs besoins. Et je dis à M.
Brassard, qui représente les résidents du Québec et qui
nous a dit la semaine dernière que ça allait contre sa culture
que d'aller pratiquer la médecine au niveau des régions du
Québec, que c'est, dans certains cas, l'exemple parfait de ce que donne
la cote z - c'est clair - et qu'à l'occasion il faut, bien sûr,
faire en sorte que des spécialistes de base puissent se retrouver dans
les régions du Québec pour dispenser des services à ces
êtres humains qui, eux, ont accepté d'être dans les
régions du Québec. (16 h 20)
Je dis, au-delà de tout ça, M. le Président, que
nous devons, comme gouvernement, prendre nos responsabilités pour nous
assurer que les chirurgiens généraux et les médecins de
médecine interne puissent être formés en plus grand nombre
parce que ce sont ces spécialités de base qui sont
nécessaires à la dispensation des services au niveau des
régions. L'âge moyen des chirurgiens généraux
aujourd'hui est de 64 ans. Comme il faut 10 ans pour en former un, c'est clair
que nous nous retrouvons presque en rupture, avec un manque absolument
important.
Est-ce qu'on est mieux comme société ou comme
décideurs publics de faire en sorte de forcer la main à ceux qui
ont le privilège d'être acceptés en médecine ou en
spécialité d'aller en chirurgie générale pour
être capables d'opérer une fracture à Sainte-Anne-des-Monts
ou de dire au citoyen: cours donc après le médecin, toi, avec ta
fracture, on va te monter en ambulance de Sainte-Anne-des-Monts à
Québec pour te faire opérer parce qu'ils sont à
Québec? Je pense que la capacité des citoyens d'absorber ce genre
de choses à travers le Québec a atteint ses limites, c'est
à ça qu'on doit s'attaquer et c'est à ça, à
cet abus du système que nous devons nous attaquer.
En ce sens-là, les médecins qui sont dans les
régions du Québec, au moment où nous nous parlons - je
veux m'adresser à eux de manière particulière - ceux qui
ont accepté, de bon gré ou de mauvais gré, d'aller
travailler un peu partout - je vois le député de Matapédia
qui est ici - à Amqui par exemple, pendant cinq ans, pendant sept ans,
pendant nuit ans, à Baie-Comeau, un peu partout à travers le
Québec, dans les régions éloignées, qui ont
accepté d'aller donner du service là-bas, il n'est aucunement
question pour nous comme gouvernement de les brimer quant à la
possibilité de revenir pratiquer dans les régions des grands
centres parce qu'ils ont donné du service à travers les
régions et nous allons respecter ça. Nous allons prendre les
moyens pour les respecter.
Dans ce sens-là, M. le Président, oui, effectivement, nous
devons faire ce que nous faisons aujourd'hui parce que les plans d'effectifs
médicaux qui ont été efficaces ont été aussi
contournés au fil des années. Je dis aux jeunes médecins,
vous qui avez été admis en pratique au fil des dernières
années, vous étiez, en 1985, 20 % à vous installer en
cabinet privé, sans droit de pratique, sans affiliation de pratique avec
un établissement du réseau. En 1988-1989, vous étiez 55 %
et, en 1989-1990, avec les tendances que l'on connaît, vous êtes
maintenant 65 %. Et c'est totalement inacceptable parce qu'il y a des besoins
dans les centres hospitaliers, il y a des besoins dans les cliniques
privées et il y a aussi des besoins dans les CLSC et dans les centres
d'accueil et d'hébergement et c'est ça que nous devons combler et
c'est ça que visent les différentes mesures que nous adoptons.
Donc, il
y aura, M. le Président, une enveloppe fermée de la
Régie de l'assurance-maladie du Québec.
Je sais que vous me signifiez que mon temps achève, c'est clair
que nous aurons et que nous pourrons en discuter encore éventuellement.
Je me devais de passer le message que je passe compte tenu des
téléphones que nous avons ces jours-ci. M. le Président,
je rencontrerai les étudiants de la Faculté de médecine,
puisqu'ils me l'ont demandé, au mois de janvier avec beaucoup
d'intérêt mais avec un message très clair qui prend sa base
dans ce que j'ai dit ici, aujourd'hui, que je leur répéterai au
mois de janvier quand je les rencontrerai. Je ne suis pas de ceux qui vont fuir
leurs responsabilités, je vais les défendre jusqu'au bout et,
s'il le faut, chez vous.
M. le Président, les organismes communautaires ont
été extrêmement présents au niveau de la commission
parlementaire, défendant leur dossier, faisant l'exemple et
démontrant que les organismes communautaires avaient dans notre
société été, dans plusieurs des cas, initiateurs de
bons projets et que nous nous devions de faire en sorte que le réseau
n'accapare pas les bonnes initiatives au niveau des organismes communautaires.
Nous les reconnaissons donc dans le projet de loi 120 de manière
très claire avec leur autonomie. Ce que nous faisons aussi, nous
transférons aux régies régionales la responsabilité
de financer les organismes communautaires de niveau local avec un budget de
base, donc un plancher protégé. Nous reconnaissons que la
responsabilité du financement des regroupements en est une de niveau
provincial et nous la gardons comme responsabilité. Ce que nous ferons,
au fil des prochaines années, avec les regroupements provinciaux, c'est
de définir des moyens adaptés pour la reddition de comptes. Donc
en fonction de leur financement, nous ferons, avec eux, les grilles
d'évaluation qui doivent être différentes d'un centre
hospitalier qui est financé à 100 % par l'État. Nous
ferons de même manière avec eux et élaborerons les
programmes sur le plan provincial qui doivent servir les fins qu'ils
veulent.
En terminant, les régies régionales sont des régies
qui seront créées et qui remplaceront les conseils
régionaux des services de la santé et des services sociaux que
nous connaissons maintenant. Il y en aura donc 17 à travers le
Québec qui puiseront leur force et leur base à l'intérieur
même de chacune des régions du Québec puisque 40 % des gens
qui formeront l'assemblée constituante proviendront des
établissements et seront des citoyens qui ne seront pas payés; 20
% proviendront du monde municipal, 20 % des organismes communautaires et 20 %
du monde socio-éducatif et culturel. Cette assemblée constituante
déléguera la responsabilité de l'administration à
21 personnes qui formeront le conseil d'administration avec le respect des
mêmes proportions.
M. le Président, ces régies régionales devront
effectivement être imputables au gouvernement et elles auront comme
responsabilité de faire des plans régionaux d'organisation de
services et de faire des attributions financières en fonction des plans
régionaux d'organisation de services. La manière dont ça
va se passer n'est pas très compliquée; au début de 1992,
on va former les nouveaux conseils d'administration des établissements
de telle sorte qu'à la fin mars 1992 on puisse créer les
régies régionales, et on transférera, par la suite, aux
régies régionales, la responsabilité des programmes un
à un. Le premier transféré sera celui des personnes
âgées; le deuxième sera donc la jeunesse, ainsi de suite
jusqu'à l'horizon 1997-1998, de telle sorte que les régies
régionales auront à ce moment-là l'ensemble des
responsabilités.
En terminant et en conclusion, ce projet de loi mérite mieux que
d'être présenté en une heure, mais les règlements de
l'Assemblée doivent être respectés, M. le Président.
J'ai tenté de vous en faire un bon résumé. Il touche
directement l'ensemble de la population du Québec. Il vise
principalement à revoir les responsabilités, les fonctions des
acteurs dans le système ainsi que certaines règles du jeu. Ce
projet de loi n'est pas toute la réforme puisque, je l'ai dit
tantôt, il y aura la politique de santé et de bien-être,
mais il constitue une pièce extrêmement importante de cette
réforme. Il doit donc recevoir l'accord, le plus rapidement possible,
des parlementaires car les citoyens et les citoyennes du Québec
attendent ce jour depuis déjà cinq ans. Il est essentiel car il
permettra d'avoir de meilleurs services de santé et de services sociaux,
du moins je l'espère, et on va travailler avec acharnement pour que ce
soit le résultat. Il permettra d'avoir un système qui pourra se
comparer encore très avantageusement avec d'autres systèmes
à travers le monde. J'y crois profondément puisque, en faisant le
pari qu'un système doit être axé, orienté,
dédié aux citoyens du Québec, nous avons fait le bon pari
et que, par conséquent, les solutions que nous avons choisies sont les
solutions les plus adaptées à la situation que nous voulons
défendre. Merci, M. le Président,
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de
la Santé et des Services sociaux. Sur ce même projet de loi, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. M. le
député.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Évidemment, nous
en sommes donc à la première déclaration officielle de
l'Opposition, suite au dépôt de ce projet de loi, le projet de loi
120, sur la réforme de la santé et des services
sociaux au Québec.
Le ministre l'a bien rappelé, et il est important, pour bien
situer les gens, de dire dans quel contexte se déroule ou se
déroulera cette réforme, en taquinant un peu le ministre
dès le départ, en lui disant que son audience n'a pas
été comme à Charlesbourg, si bien orchestrée et si
largement étendue, puisque, cet après-midi, il a encore le
fédéral dans les pattes, bien sûr, puisque, de l'autre
côté, dans le salon rouge, le ministre a encore le
fédéral dans les pattes, même si, à
l'intérieur de son projet de réforme, il nous... (16 h 30)
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, si
vous me permettez.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, sur une question de
règlement, M. le ministre?
M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président.
Je veux juste dire au député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue que ce qu'il fait n'est pas
chrétien.
Des voix: Ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, votre message est
passé. M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Trudel: Les gens qui nous regardent, et à tous les gens
qui nous regardent, M. le Président, comme le ministre de la
Santé et des Services sociaux m'a offert un bon dictionnaire, vendredi
dernier, chacun aurait avantage à aller voir la définition de ce
qu'est un bon chrétien dans le dictionnaire. Le ministre constatera que
sa remarque est très juste, probablement.
Alors, M. le Président, oui, l'Opposition officielle est
prête à déclarer et à dire qu'il s'agit ici d'un
virage majeur et d'un virage qui s'imposait au niveau de nos services de
santé et de nos services sociaux au Québec. Je ne serai pas
tellement long là-dessus, bien sûr, puisque le ministre l'a
rappelé lui-même, c'est un gouvernement du Parti
québécois, c'est mon collègue du comté de Joliette,
Guy Chevrette, qui a déclenché cette enquête, cet examen de
tout le fonctionnement de notre système de dispensation des services de
santé et des services sociaux, et cette commission Rochon nous a
donné des recommandations, nous a fait un diagnostic, pardon, au
départ, de ce système, un diagnostic assez impressionnant.
Il a regardé sous toutes ses coutures ce système que nous
avions institué au tournant des années soixante-dix en nous
disant: Oui, il nous faut des ajustements majeurs à ce système et
aussi - c'est ce que la commission Rochon nous a rappelé en premier, les
conclusions - il nous faut préserver les bases essentielles de ce
système puisque nous avons un bon système, que les principes qui
sont à la base ne doivent pas être remis en cause et, s'il y a de
l'ajustement dans la mécanique, mais de l'ajustement majeur,
réalisons, en collaboration avec ceux et celles qui font le
système, ces ajustements majeurs, mais préservons les acquis
parce que, dans la société québécoise, on s'est
donné un bon régime qui est envié par beaucoup de
pays.
Le ministre rappelait avec beaucoup de justesse, il y a quelques
secondes, que même aux États-Unis on se souvient toujours de ces
croisades et de ces déclarations du sénateur Edward Kennedy,
à savoir: comme objectif de société de servir les citoyens
d'une communauté ou d'un pays, le régime que nous nous
étions donné au Québec est un régime qui a peu de
comparaisons dans le monde et les acquis de ce système-là peuvent
servir à d'autres pays, même aux États-Unis. Ce n'est pas
peu dire.
Et on y reviendra, M. le Président, j'y reviendrai
personnellement dans cette intervention, à la fin de mon intervention,
en se demandant si, précisément, les ajustements
mécaniques qui nous sont proposés par le ministre aujourd'hui,
qui sont proposés dans ce projet de loi 120, si, à des endroits,
nous ne sommes cependant pas en train de glisser vers une certaine
américanisation de notre système de santé et des services
sociaux, en rappelant, encore une fois, cette démarche qui a
été introduite par un gouvernement du Parti
québécois, poursuivie à travers une commission qui a fait
des audiences et qui a examiné le système sous toutes ses
coutures et, également, la publication d'un document d'orientation par
l'ex-ministre, Mme Lavoie-Roux, qui avait fait une tournée du
Québec et qui avait consulté un bon nombre de personnes pour en
arriver à un certain nombre de conclusions et pour déposer,
à la fin de la session de 1989, avant le déclenchement des
élections générales, un avant-projet de loi et,
là-dessus, c'est important de le noter, M. le Président, un
avant-projet de loi qui voulait donner suite à ce document
d'orientation, suivi, bien sûr, l'hiver dernier, de cette commission
parlementaire où beaucoup de groupes ont pu se faire entendre.
Quelques remarques déjà là-dessus, M. le
Président. Les acteurs du système, les gens qui ont bâti
avec nous ce bon système de dispensation des soins de santé et
des services sociaux au Québec, ont été appelés, en
dernière instance, à l'hiver 1990, à venir nous dire non
pas ce qu'ils pensaient de la réorientation du système de
santé et des services sociaux au Québec, mais bien à venir
nous dire ce qu'ils pensaient d'un avant-projet de loi ou du contenu d'un
avant-projet de loi déposé par Mme Lavoie-Roux, au printemps
1989, et de nous dire, de dire aux législateurs et aux membres de la
commission parlementaire quelles étaient les dimensions avec lesquelles
ils étaient en accord, les dispositions avec lesquelles ils
étaient en désaccord et les
suggestions qu'ils avaient à faire au système.
Et là-dessus, malgré cet effort louable, un effort qui a
demandé une somme d'énergie assez impressionnante de la part du
gouvernement et de la part des membres de l'Opposition - le ministre en a
convenu - je suis obligé de déplorer, dans un premier temps, que
les gens qui nous ont rencontrés en commission parlementaire sont venus
se prononcer sur un avant-projet de loi. Et j'ai été
impressionné et je suis obligé de le constater, j'ai
été obligé de le constater au début de la
commission parlementaire et pendant toute la durée de la commission, que
les gens, par exemple, ont mis une somme d'énergie extraordinaire
à venir contester cette notion de conseils d'administration
unifiés sous la forme prévue dans le projet de loi de Mme
Lavoie-Roux.
C'est comme si la dimension était tellement grosse, tellement
démesurée, tellement irréaliste que la presque
totalité des groupes ont passé une grande partie de leur temps,
une grande partie de leur exposé à nous dire: Ça,
ça ne peut pas fonctionner; ça, ça ne marchera pas. Et
comme ces gens, évidemment, s'étaient basés sur
l'a-vant-projet de loi qui avait été déposé ici,
à l'Assemblée nationale, ils en ont pris les dimensions les plus
majeures, les dimensions qui leur semblaient les plus irréalistes et,
à cet égard, ils ont donc porté l'objet de leur examen,
l'objet de leurs critiques, l'objet de leurs suggestions à partir d'un
projet de loi que le ministre a remis en cause lui-même, dès le
départ de la commission parlementaire, en disant: Bon, c'a
été déposé par une de mes collègues qui
n'est plus au Conseil des ministres maintenant, je vous dis que j'ai
l'intention d'y apporter des modifications majeures. Et on doit dire
aujourd'hui, effectivement, qu'il y a des modifications majeures qui ont
été apportées à ce projet de loi. Cependant, les
gens que nous avons reçus, M. le Président, n'ont pas
porté leurs observations sur le véritable projet de loi qui nous
est soumis aujourd'hui et ça, c'est un problème majeur puisqu'on
s'est prononcé sur un faux objet. On a donné nos opinions, on a
donné nos orientations, on a contesté un certain nombre de
mécanismes prévus à ce projet de loi, mais ce
n'était pas le bon projet de loi, c'était un autre projet de loi.
Voilà qui est bien établi.
Je veux, cependant, prendre les premières minutes de cette
intervention, M. le Président, pour souligner, oui, les
éléments positifs que nous retrouvons dans cette réforme
qui, je le disais au départ, effectivement, va permettre de
réaliser un virage important dans la dispensation de nos soins de
santé et de nos services sociaux. Dans la deuxième partie de
cette présentation, il faut quand même dire aux gens qu'il y a un
certain nombre de, ce que nous avons appelé du côté de
l'Opposition, vices cachés dans cette réforme et ces vices, ils
sont importants.
Mais commençons par les éléments positifs parce que
nous reconnaissons, de ce côté-ci de la Chambre, M. le
Président, qu'il y a un effort majeur qui a été fait, un
effort de réflexion majeur et que le positionnement, la
réponse... Un certain nombre de situations dans notre système de
santé et de services sociaux trouvent des réponses dans ce projet
de loi. D'abord, d'avoir axé cette réforme sur le citoyen, eh
bien, ça peut apparaître une vérité de La Palice de
dire: Nous allons orienter le système en fonction de ceux et celles qui
ont besoin de services de santé et qui ont besoin de services sociaux.
Ça peut paraître, effectivement, aller de soi que, dans un projet
de loi, on dise: Ce projet de loi est fait pour les citoyens et les citoyennes
sauf qu'on a vu suffisamment d'actes législatifs, on a suffisamment vu
d'organismes, en particulier, dans le système de santé et des
services sociaux, qui se définissaient souvent par rapport, oui, aux
producteurs du système et non pas par rapport aux gens que nous devions
servir et, là, il y a un effort notable. (16 h 40)
Le deuxième virage, évidemment, M. le Président,
c'est le virage de la régionalisation. Là-dessus, c'est une
réclamation depuis un grand nombre d'années de la part du Parti
québécois. Nous pensons que les gens des régions du
Québec sont capables de définir la bonne forme que doit prendre
la dispensation des services de santé et des services sociaux à
travers le Québec. Il y avait comme un acte de foi à faire dans
les régions du Québec. La création de 17 régies
régionales apporte réponse à cette dimension longtemps
recherchée dans le système. Eh oui, puisque nous voulons que les
services de santé et les services sociaux soient d'abord prévus,
soient d'abord organisés en fonction des citoyens, la meilleure
façon d'y arriver, c'est que l'organisation de ces soins de santé
et de ces services sociaux dépendent d'une instance régionale. Et
il y a là un virage majeur. Il y a des dangers dans ce virage majeur. Il
y aura à se creuser les méninges jusqu'au tréfonds de
nous-mêmes pour éviter que ces régies régionales ne
constituent de nouvelles technocraties ou de nouvelles bureaucraties qui nous
amèneront des effets pervers plus grands que le bien que nous voulons y
instaurer ou y réaliser, en termes de dispensation des services, mais
reconnaître que l'effort de régionalisation est majeure,
reconnaître également que de placer les CLSC, les 158 CLSC du
Québec comme véritables établissements de première
ligne, la porte d'entrée du système, voilà une très
longue réclamation du côté de l'Opposition.
Et, encore là, nous aurons à revenir sur les
véritables dimensions de la réalisation de cette mission. Mais
déjà de définir au niveau des intentions et de
définir au niveau des mécanismes, que ce sera la véritable
porte d'entrée du système, le Centre local de services
communautaires, le CLSC, c'est véritablement une institu-
tion qui a fait sa marque au Québec, qui a fait ses preuves,
malgré des difficultés financières, des difficultés
d'effectifs, malgré des difficultés d'organisation assez
immenses, malgré des retards à rattraper. C'est une institution
qui fait maintenant partie de la fibre intime de toutes les couches de la
population au Québec. Et il était temps que nous inversions la
pyramide et que nous disions d'abord: C'est par notre organisation
communautaire, le CLSC, c'est la forme que ça a pris au Québec...
On va entrer dans le système par cette porte-là.
Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres
éléments par lesquels nous pourrons aborder les services de
santé ou les services sociaux mais, d'abord et avant tout, c'est le CLSC
comme porte d'entrée, et ça, nous reconnaissons cet
élément comme majeur au niveau de la réorganisation du
système.
L'intention du législateur également d'examiner toutes les
pratiques alternatives ou ce qu'on appelle généralement les
thérapies alternatives. Pas grand-chose de concret dans le projet de loi
au niveau de la reconnaissance. C'est un problème immense; c'est une
situation explosive quelque part, puisqu'il se répand au Québec
toutes sortes de pratiques, les unes qui peuvent être
considérées - on verra à la commission parlementaire -
comme pouvant souscrire à l'amélioration et au mieux-être
de la population qui pourrait y avoir recours. Mais il faut, dans ce secteur,
procéder avec extrêmement de minutie, une extrême attention,
puisqu'il ne s'agit pas non plus, en quelque sorte, de déraper et que
tout puisse se faire à tous les coins de rue, de n'importe quelle
façon. Mais il y aura là-dessus des éléments
étudiés par une commission parlementaire qui va examiner la
question des thérapies alternatives au Québec.
Reconnaître également l'intention du législateur et
du ministre de la Santé et des Services sociaux de faire un virage au
niveau des personnes âgées. Insuffisant, à notre avis...
J'y reviendrai, mais je veux d'abord, dans un premier temps, souligner les bons
coups. Un des communiqués de presse qu'a émis l'Opposition suite
à la publication de la réforme, ça portait pour titre, M.
le Président: Du bon, du très bon et de l'inacceptable.
On ne veut pas, ici, jouer le rôle d'étei-gnoir, jouer le
rôle de l'Opposition traditionnelle qui va s'opposer à tout, parce
qu'elle doit s'opposer. Nous reconnaissons d'emblée un certain nombre de
mesures qui sont importantes, qu'il fallait imposer, en quelque sorte, dans le
système, mais d'autres - j'y reviendrai à la fin - qui sont
inacceptables, puisqu'elles brisent un certain nombre de principes fondamentaux
du système.
Donc, au niveau des personnes âgées, on connaît la
situation et la proportion des personnes qui font maintenant partie du
troisième âge et, surtout, compte tenu de la pyramide d'âge,
compte tenu du phénomène de dénatalité au
Québec croisé avec le phénomène de ce qu'on appelle
généralement le "baby boom" de la Deuxième Guerre
mondiale, nous nous retrouvons avec une population vieillissante. Nous nous
retrouvons aussi, malheureusement, avec une carence de services assez
extraordinaire pour ces personnes, de la négligence, de
l'imprévoyance. On fait en sorte qu'en 1990, au tournant de
l'année 1991, nos personnes âgées, la proportion de la
population qui est dans cette catégorie de personnes, se retrouvent avec
un certain nombre de difficultés grandissantes et ce sentiment de manque
de services fait en sorte qu'on augmente, chez ces personnes, le niveau
d'insécurité. Plus que cela, le plus simplement du monde,
à beaucoup d'endroits à travers le Québec, on ne peut pas
donner des services adéquats aux personnes âgées qui en ont
besoin. Compte tenu de leur condition psychologique, de leur condition sociale
ou de leur condition physique, on ne peut pas leur donner ces services qu'elles
réclament et auxquels elles ont droit.
Reconnaître également, mais de façon beaucoup trop
timide à notre avis, qu'il y a un accent sur la clientèle jeune.
Un certain nombre de problèmes sociaux nous ont été
révélés au cours des dernières années.
Autant nous avons été négligents, je pense qu'on peut
l'affirmer, au niveau des personnes âgées, au niveau des
clientèles jeunesse, il y a des indications dans le projet de
réforme. Nous verrons comment tout cela se retrouvera, article par
article, dans le projet de loi 120, mais il y a là, au niveau des
jeunes, un effort qui est fait, qui n'est pas suffisamment
développé, qui n'est pas assez ferme, qui n'est pas assez
précis, qui n'est pas assez chiffré, mais il y a un effort.
Reconnaître également qu'il y a, au niveau de la
répartion des effectifs médicaux, des efforts sérieux. Le
ministre connaît bien la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il en est originaire. Évidemment,
votre humble serviteur connaît parfaitement bien l'une des régions
périphériques du Québec, qui s'appelle
l'Abitibi-Témiscamingue. J'ai moi-même oeuvré dans des
organismes communautaires, des organismes sociaux pendant une vingtaine
d'années avant de me retrouver ici, à l'Assemblée
nationale. J'ai fondé une famille dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue et je dois reconnaître que j'ai
été quelquefois, souvent, lorsque l'occasion s'est
présentée, quelque peu ou très inquiet pour des membres de
ma famille, ou pour mon environnement humain, ou pour des gens que j'ai eu
à diriger dans une université, ou pour tous les groupes que j'ai
eu à fréquenter dans la société quant à la
qualité, mais surtout quant à la quantité et la
disponibilité des services médicaux, des services de
santé, des services sociaux dans une région
périphérique du Québec.
Pour avoir été au coeur de cette région ou de
l'action de cette région pendant 20 ans, à
titre d'exemple, je dis: Oui, la préparation d'un plan
d'effectifs médicaux dans chacune des régions du Québec
depuis un bon nombre d'années n'a pas toujours donné lieu au
respect de ces plans d'effectifs médicaux et les gens des
régions, de quelque couche de la population qu'ils soient, doivent
sentir que les services de santé et les services sociaux sont
disponibles pour leurs besoins fondamentaux, pour les soins
généraux, pour les services sociaux de base, qu'ils sont aussi
disponibles au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la région de
l'Abitibi-Témis-camingue, en Gaspésie, aux
Îles-de-la-Madeleine ou dans l'Outaouais que dans les grands centres
urbains du Québec. À cet égard, oui, il y a un effort
majeur surtout par le mécanisme de régionalisation de l'enveloppe
de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous y trouverons
là un mécanisme efficace pour faire en sorte que les plans
d'effectifs médicaux, en particulier dans les régions du
Québec, puissent être respectés, puissent atteindre les
nombres qui sont prévus en termes de services dans ces régions,
avec les aménagements qu'il faudra y trouver. (16 h 50)
J'y reviendrai tantôt puisque le ministre en a profité,
à juste titre, à certains égards, mais, selon mon point de
vue, un peu trop carrément, pour la clientèle jeune en pratique
médicale... Est-ce 'que nous ne sommes pas en train, par ailleurs,
d'effectuer un virage majeur et de faire en sorte que nos professionnels de la
santé, en médecine en particulier, soient moins à l'aise
dans ce système, y soient moins heureux et qu'ils ne puissent pas donner
leur plein rendement parce que, eux aussi sont des citoyens, eux aussi sont des
utilisateurs, eux aussi sont des producteurs. Et à cet égard, si
je reconnais que la mécanique de régionalisation des
opérations de la RAMQ, la mécanique prévue pour le respect
des plans d'effectifs médicaux dans les régions était un
virage majeur qu'il fallait effectuer, je dis au ministre de la Santé et
des Services sociaux que nos professionnels, qui font le système de
santé et le système de services sociaux au Québec, font
partie du système et sont des éléments fondamentaux de
l'organisation des services et que nous devons composer avec eux. Je dirai au
ministre, un peu en se battant la coulpe, que, même de ce
côté-ci de la Chambre, lorsque nous avons formé le
gouvernement, en 1982 et 1983, nous avons commis une faute et nous l'avons
reconnue à l'occasion de la campagne électorale de 1989. Nous
avons commis un certain nombre de fautes vis-à-vis des professionnels de
l'enseignement, par exemple, des professionnels d'autres secteurs des services
publics au Québec. Nous avions - nous l'avons reconnu, je le
répète - porté un jugement qui était inexact sur la
situation. Et s'il fallait poser des gestes à l'occasion de la crise de
1982, nous avons bien reconnu que ceux et celles qui font le système
doivent d'abord être partie avec nous pour modifier ce
système-là. Et j'y reviendrai.
M. le Président, d'autres éléments sur lesquels je
passerai rapidement: la reconnaissance du mouvement communautaire, pas que je
veuille y passer rapidement, en soi, parce que les réclamations que nous
avons faites, en particulier en commission parlementaire l'hiver dernier,
trouvent un certain écho dans cette réforme. Aborder le
financement des organismes communautaires qui contribuent au
développement du système, qui contribuent à
rafraîchir, je dirais, à beaucoup d'endroits, le système et
les services que nous dispensons à la clientèle, aborder,
finalement, la reconnaissance de ces services à travers un
«mécanisme formel et le financement de ces organismes sur une base
triennale, c'est extrêmement important, compte tenu des services qu'ils
nous rendent. Nous aurons un bon nombre de questions à poser, cependant,
en commission parlementaire, au niveau de l'accréditation de ces
groupes. Parce que l'intention peut être très louable,
l'intention, nous le reconnaissons, est bonne, dans la présentation de
ce projet de loi. Cependant, sur la mécanique, souvent, ce que j'ai
appris, c'est que ce n'est pas toujours dans les grandes déclarations de
principe des projets de loi qu'il faut voir la réalisation de ces
intentions, mais c'est plutôt dans les petites écritures - comme
on dit dans les contrats d'assurance - dans les règlements qui
accompagnent ou qui accompagneront, dans les régies régionales,
la réalisation de cet objectif.
Un mot également, toujours dans la catégorie des bons
coups. Le ministre va bien être obligé de reconnaître que
j'ai pris beaucoup de temps pour reconnaître ses bons coups - il ne perd
rien pour attendre sur les mauvais coups - mais de reconnaître
également, parce que nous voulons être honnêtes de ce
côté-ci de la Chambre et dire que, dans ce projet de loi, ce
virage majeur correspond à certains éléments de
l'organisation du système au niveau de l'im-putabilité, que oui,
il y aura augmentation nette du niveau d'imputabilité des personnes qui
sont chargées de gérer le système, qui sont
chargées de faire en sorte que tout cela puisse fonctionner. Et l'ultime
mécanisme qui est prévu par la loi permettra dorénavant
aux membres de l'Assemblée nationale de faire comparaître devant
eux les membres des régies régionales qui seront chargés
de dispenser des services. À cette occasion, le ministre lui-même,
le ministre responsable pourra questionner, pourra mettre en cause, en quelque
sorte, les services ou l'organisation et la dispensation des services dans
toutes les régions du Québec.
Comme nous sommes à une époque où nous sommes
débordés par l'organisation de l'information, où nous
sommes débordés par les présentations
télévisuelles, où maintenant le médiatique a pris
une telle importance qu'une assemblée des usagers ou une
assemblée de la population d'une régie régionale n'a pas
souvent autant l'attrait
qu'une déclaration à l'Assemblée nationale ou
qu'une comparution devant une commission parlementaire de l'Assemblée
nationale, il était important que nous allions jusqu'au bout au niveau
de l'imputabilité. Et si nous faisons parader chaque année
Hydro-Québec devant une commission parlementaire pour lui autoriser ses
tarifs, généralement des augmentations de tarif, pour la
population québécoise, quand tout cela concerne le tiers du
budget du Québec, quand on parle des services de santé et des
services sociaux, il était absolument essentiel que ceux et celles qui
seront chargés de gérer l'argent des citoyens à travers le
Québec et surtout l'organisation des services, puissent et soient
obligés de venir dire à des représentants de
l'Assemblée nationale ce qu'ils font avec cet argent, ce qu'ils ont
comme organisation de services et qu'on puisse en arriver à questionner
et à remettre en cause une certaine forme d'organisation de ces services
de santé et de ces services sociaux.
Donc, M. le Président, du bon, du moins bon et de l'inacceptable,
parce que cette réforme... Et ça, c'est un peu à la mode
de ce gouvernement, c'est-à-dire qu'au moment où nous profitons
des occasions qui nous ont été données pour examiner le
système et y apporter un certain nombre de remèdes pour le
réaligner, le gouvernement en profite pour introduire un certain nombre
de dimensions, un certain nombre de mécanismes qui vont, mais
complètement, à rencontre de l'esprit dans lequel nous avons
développé ce système au Québec.
Les trois piliers du régime de dispensation des services de
santé et des services sociaux au Québec, c'est:
universalité, accessibilité et gratuité. La commission
Rochon, à laquelle le ministre a fait référence et
à laquelle j'ai fait référence au début de cette
intervention, M. le Président, si elle nous a dit, qu'il y a beaucoup de
travers dans le système, qu'il y a énormément de choses
à corriger, qu'il y a un réalignement à donner au
système, la première chose que cette commission nous a dite: Le
régime québécois de santé et des services sociaux
et l'organisation de dispensation des services que nous avons au Québec,
basée sur l'universalité, la gratuité et
l'accessibilité, ne doit être touché pour aucun motif. Il
n'y a aucune raison pour laquelle nous devrions toucher à ces piliers de
base parce que ce sont des garanties que nous nous sommes données
socialement au tournant des années soixante-dix, en disant: Au
Québec, en matière de santé en particulier, nous ne
voulons plus que se reproduise la situation que nous avons tellement
vécue, que nous avons tellement observée dans de nombreuses
familles au Québec. Probablement qu'une majorité des membres de
cette Assemblée, M. le Président, ont été
témoins, au niveau de leur propre famille ou de leur environnement
familial immédiat, de ce que nous vivions avant les dispositions prises
en matière de santé et de services soiciaux accessibles
universelle- ment au Québec, avant les années soixante-dix. Qui
n'a pas été témoin d'une maladie subite, d'une
intervention chirurgicale à laquelle l'un des membres de la famille a
été obligé de se soumettre et qui hypothéquait la
santé financière de la famille pour de très nombreuses
années. Nous nous sommes dit: Au Québec, nous allons nous donner
un régime où, peu importe la condition économique, la
condition sociale de la personne, tout le monde va être sur le même
pied et nous pourrons y avoir accès. Dans cette mesure, il faut
organiser les services aussi pour y avoir accès et nous pensons - et
ça, ça fait partie de l'inacceptable - que le projet de
réforme qui nous est présenté, le projet de loi qui est
déposé devant nous aujourd'hui attaque un certain nombre de ces
principes de façon sérieuse et il ne faut pas passer sous silence
ces dimensions-là et dire que, par exemple... Et là, le ministre,
je le sais, aura une série de répliques là-dessus, bien
sûr, c'est son projet de loi, bien sûr, il y a un certain nombre de
motivations qui sont à la base de ce projet de loi et c'est tout
à fait normal, mais l'introduction d'un ticket orienteur pour faire en
sorte que les utilisateurs - et je prends la définition qui nous est
présentée dans le projet de réforme et dans les
explications que le ministre nous a données là-dessus - que les
gens aillent à la bonne porte, même l'ancienne ministre de la
Santé et des Services sociaux du Québec, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, qui doit connaître un peu ce qui se
passe dans le système, qui doit connaître un peu comment ça
fonctionne, qui doit connaître aussi comment les effets du système
se dessinent, même l'ex-minis-tre nous dit: Écoutez bien, soyons
sérieux, il s'agit là de l'introduction du ticket
modérateur. Le ticket modérateur, c'est essentiellement une
mesure qui vise à freiner la consommation. Le ticket orienteur, de la
façon dont il nous est présenté dans ce projet de
réforme, c'est le premier pas vers la réalisation de cette
étape-là du ticket modérateur. (17 heures)
Si l'ex-ministre nous dit que c'est une façon
déguisée de le présenter et qu'il s'agit de
préparer les mentalités, nous pensons vraiment - il nous faudra
questionner, bien sûr, comment ce sera applicable, ce ticket orienteur -
que c'est très clair qu'il s'agit d'une mesure qui brise
l'universalité et la gratuité de l'accessibilité au
système. Parce qu'on veut faire en sorte que la clientèle, que la
population, que les usagers se présentent à la bonne porte, on
pense qu'il va falloir leur mettre un ticket pour leur faire penser. On va
mettre un ticket pour les orienter vers telle porte et ce ticket, de toute
façon, il ne sera pour l'instant que de 5 $. Donc, il n'y a pas à
s'énerver avec ça, il n'y a pas à lancer les hauts cris,
c'est tout simplement pour faire penser à la personne d'aller à
la bonne porte.
En réalité, M. le Président, il s'agit d'intro-
duire une mesure qui serait, dans un deuxième temps,
universellement appliquée et qui permettra au législateur ayant
préparé les mentalités soit d'aller du côté
de l'imposition d'une nouvelle taxe - et je n'impute pas ce motif
immédiatement au législateur, mais je dis que, dorénavant,
tout cela va faire en sorte que la mentalité va être
préparée à cela. Deuxièmement, qui dit que le
niveau de ce ticket orienteur, pour l'instant, rendu au niveau du ticket
modérateur, ne changera pas de niveau? Qui dit que demain, par les
besoins financiers du système, on ne décidera pas que ce sont les
propres personnes qui utilisent le système qui vont devoir y contribuer
plus largement? C'est dans ce sens que ça brise l'espèce de
contrat social que nous nous étions donné au Québec pour
faire en sorte que pour toute personne qui a des besoins en matière de
santé, des besoins de base, on s'entend bien, il n'y aura pas de
discrimination sur l'accès à ces services. Ce que le ticket
orienteur fait, c'est qu'il brise cette dynamique, ce que le ticket orienteur
fait, c'est qu'il prépare les mentalités à un ticket
modérateur et le niveau de ce ticket pourra varier selon les
gouvernements, selon les appétits, selon les crises, selon les
difficultés et cela, c'est inacceptable. D'autant plus que ce ticket
orienteur, pour l'instant, à l'urgence, il va aborder les personnes, qui
vont se présenter à cet endroit qui s'appelle l'urgence de
l'hôpital, dans une situation de vulnérabilité la plus
grande que l'on puisse trouver. Écoutez, lorsqu'on est dans le
système, qu'on sent qu'on a un malaise, qu'on sent qu'on a
peut-être besoin de services de santé, eh bien, disons que la
phase d'évaluation de ce que nous avons ne passe pas, non plus, par une
rationalisation en disant: Bien là, il faudrait que j'aille vers tel ou
tel type d'institution et je me présente à l'endroit où je
pense que j'aurai les services requis par ma situation. L'on comprendra
très facilement qu'un service d'accueil dans l'urgence d'un
hôpital qui serait organisé différemment pourra très
bien orienter, avec un prédiagnostic, la personne vers le service qu'il
faut avoir dans la situation que présente l'usager et qu'on n'a pas
besoin d'introduire ici une faille dans le système, une brisure dans le
principe de la gratuité du système par un ticket orienteur. On en
profite également pour réintroduire officiellement au niveau de
la législation une notion un peu vague, mais largement partagée,
en quelque sorte, par certaines couches de la population, celle de citoyen
abuseur. Le ministre, bien sûr, n'a pas inscrit dans sa loi la notion de
citoyen abuseur, mais en réalité l'imposition de ce ticket
orienteur nous amène à une autre catégorie de citoyen,
à percevoir une autre catégorie de citoyen, c'est le citoyen
abuseur.
Eh bien, nous, nous pensons de ce côté-ci que c'est un
principe inacceptable que de dire maintenant que, dans l'un des services les
plus essentiels auxquels j'aurai accès, je sois soumis à un
ticket, sans compter, M. le Président, les mécanismes
d'applicabilité de ce ticket orienteur, comme certains citoyens l'ont
fait remarquer il y a quelques jours, au moment du dévoilement de la
réforme du ministre de la Santé et des Services sociaux. Rendu
à l'urgence de l'hôpital, lorsqu'on me dira que je devrais me
présenter à mon CLSC, s'il est ouvert, si le cabinet privé
est ouvert, si la ressource est disponible, eh bien, si je ne veux pas y aller,
j'aurai un ticket de 5 $. Les gens font remarquer, et à juste titre:
J'aime mieux payer ces 5 $ que payer 10 $ de taxi pour me rendre au service
vers lequel on m'aura orienté suite à une mécanique dont
on ne sait trop comment elle s'articulera d'ailleurs. Ticket orienteur, ticket
modérateur, bris dans le principe de la gratuité et de
l'accessibilité du système.
Deuxième élément fondamental, deuxième
principe fondamental qui est brisé dans ce projet de réforme
où, encore une fois, on profite d'un réaménagement de la
mécanique du système, d'un virement majeur sur certains aspects,
mais, par ailleurs, on l'introduit par d'autres biais. Il y a des vices
cachés dans cette réforme et c'est l'introduction - et le
ministre s'est bien gardé d'en parier dans sa présentation, dans
la présentation de son projet de loi - du mécanisme de
l'impôt à rebours. Nous avons décidé au
Québec, au tournant des années soixante-dix, que notre
système de santé et de services sociaux allait être
financé, selon les décisions du législateur, à
même les impôts, à même les revenus
généraux, à même le fonds consolidé de la
province.
Le ministre dit: Pour l'instant - puisque c'est bien ça qui est
écrit non pas dans le texte de loi, mais dans le projet de
réforme qui nous a été déposé et qui a
été présenté - sur des régimes
complémentaires: soins dentaires, op-tométrie, orthèses,
prothèses, médicaments pour personnes âgées,
assistés sociaux et d'autres catégories hors des institutions
hospitalières, pour ces personnes, quand elles se serviront des
régimes complémentaires d'assurance-maladie au Québec, je
vais dorénavant leur imposer une nouvelle taxe, un nouvel impôt et
je vais aller chercher, pour l'instant, 100 000 000 $ supplémentaires et
ces 100 000 000 $, je ne vais pas les chercher de façon universelle,
répartis également et progressivement selon notre système
d'imposition générale; je vais les chercher chez certaines
catégories de citoyens particuliers. Brisure de l'universalité du
programme.
Si le législateur pense que nous devons, si les citoyens pensent
que nous devons augmenter le niveau de services, que nous devons augmenter les
montants d'argent à consacrer pour développer les réponses
aux besoins de la population, eh bien! ça s'appelle: Faites ça
par le biais des impôts en général, et on connaît le
principe de notre système d'imposition au Québec: plus tu gagnes
d'argent, plus tu paies d'impôt; moins tu gagnes d'argent, plus tu es
démuni dans cette
société, moins tu paies à l'Etat parce que tu
reçois moins en termes de rémunération. Là, on dit:
On brise ce principe: salaire, proportion à payer à
l'État, pour des services au niveau universel. On brise cela. On dit:
Nous allons instaurer un impôt-services. Ça aussi, c'est une
brisure inacceptable, tellement inacceptable que le ministre mentionne
même, dans son document de réforme, que n'eût
été la loi fédérale, la loi C-3, qui empêche
un gouvernement provincial de faire cela, d'imposer des frais
modérateurs, en quelque sorte, à certaines catégories de
revenu de ses citoyens, si la loi fédérale n'avait pas
existé, nous aurions été sur d'autres régimes, sur
d'autres éléments ou d'autres programmes couverts par la
Régie de l'assurance-maladie et nous aurions imposé davantage au
niveau de certaines catégories de personnes. Ça, c'est non! non!
non! Le ministre dit même qu'il va demander la modification de cette loi
au gouvernement fédéral et, jamais, mais jamais, nous n'allons
accepter, de ce côté-ci, cette brisure dans les principes
fondamentaux d'universalité, d'accessibilité et de
gratuité, et qu'on commence à différencier au niveau des
catégories de personnes qui vont payer pour le système à
travers ce nouvel impôt qui ne va ramasser pour l'instant que 100 000 000
$ sur les quelque 11 000 000 000 $. (17 h 10)
Avez-vous déjà vu un niveau de gouvernement se donner la
permission d'avoir une clé pour ouvrir la serrure et qui ne s'en sert
jamais? La réponse c'est, non. Ça finit toujours par grimper,
ça finit toujours par augmenter. Pourquoi catégoriser les revenus
des citoyens, pourquoi catégoriser les citoyens suivant leurs
capacités, quand nous avons décidé au Québec que
c'était un régime social, que nous allions tous partager
équitablement la facture pour les services de santé et les
services sociaux que nous nous donnerons, que nous nous donnons et que nous
voulons nous donner. Et dans ce sens-là, c'est un principe inacceptable,
le recours à cet impôt à rebours, ou cet
impôt-services.
D'autres éléments, mais extrêmement fondamentaux,
que nous ne retrouvons pas dans ce projet de loi. Nous sommes en train de
réorganiser la tuyauterie, réorganiser de façon majeure la
dispensation de nos services de santé et de nos services sociaux et nous
ne savons toujours pas pourquoi nous allons faire cette réorganisation
puisque la politique, une politique de santé et de bien-être qui
était apparue, en termes d'éléments, dans les orientations
de Mme Lavoie-Roux à l'époque et qui lui ont servi dans sa
tournée à travers le Québec pour demander aux gens, pour
dire aux personnes qu'elle a rencontrées dans toutes les régions
du Québec: Est-ce que c'est bien cela, les problèmes que nous
vivons, parce qu'on va dessiner l'outil en fonction des problèmes que
nous avons à affronter...
Alors, le ministre nous apporte ici une réponse quant à la
réorganisation de certaines parties du système, mais nous ne
savons pas encore, en vertu de quels objectifs fondamentaux, en vertu d'une
politique de santé et de bien-être que nous allons adopter plus
tard, nous ne savons pas si l'outil sera adéquat quant aux objectifs que
nous avons à poursuivre. Ça, c'est le monde à l'envers.
Quand je décide, dans une organisation quelconque, dans un
système, si large soit-il, comme un système de santé et de
services sociaux, que je veux apporter un certain nombre de correctifs, il faut
bien que j'assoie mes correctifs sur quelque chose. Je veux apporter ces
corrections au système parce que je veux atteindre tels types
d'objectifs. Je veux changer des situations.
Eh bien, le minimum que l'on puisse dire, c'est qu'avant de dessiner
l'instrument, avant de dessiner l'outil, il faut que je sois capable de
définir ces objectifs-là et que je ne les définisse pas
seul. Il faut que je les définisse justement avec les usagers. Pas de
politique de santé et de bien-être. Ça viendra après
que nous aurons réglé la mécanique. C'est le monde
à l'envers.
D'autres éléments extrêmement inquiétants
dans ce projet de loi et qui ne trouvent pas réponse. Je disais
tantôt: Bravo! CLSC, première ligne. Mesures de financement pour
permettre au CLSC d'accomplir ses nouvelles missions. Pour un grand nombre de
ces missions, point de réponse au plan financier. Le ministre
reconnaît lui-même qu'il y a 42 CLSC sur les 158 au Québec
qui sont actuellement sous-financés, qu'il y verra, a-t-il dit, avant de
transférer de nouvelles responsabilités. Mention de chiffres,
mention de moyens dans le projet de loi qui nous est présenté,
rien, sauf, bien sûr, les 40 000 000 $ par année pour le maintien
à domicile des personnes âgées, même si le ministre
reconnaît lui-même, dans son document de réforme, que
ça nous aurait pris 700 000 000 $ pour répondre à ces
besoins.
Qu'est-ce que nos CLSC vont pouvoir faire effectivement comme porte
d'entrée du système? Ce qu'il faut bien reconnaître, c'est
que les moyens risquent d'être bien minces et que tout cela, quant aux
CLSC, peut être davantage un virage théorique qu'un virage
pratique. Pas de garantie dans ce projet de loi quant à la valorisation
du travail des professionnels de notre système. Pas de garantie que pour
les infirmiers et les infirmières on retirera effectivement les effets,
en quelque sorte, de l'application de la loi 160, à l'occasion des
dernières négociations collectives. Avant de donner les
instruments pour permettre au personnel infirmier de jouer son rôle
véritable dans les institutions et de contribuer davantage au
système, il faudra d'abord qu'on garantisse que l'on retire les
irritants du système et c'est davantage que des irritants, ça
fait partie des conditions fondamentales de travail des infirmiers et des
infirmières au Québec. Et tout ce virage-là, au niveau de
la
valorisation du personnel, ne sera que théorique si on n'applique
pas des mesures visant à retirer les effets de la loi 160.
Absence de financement également ou de garantie de financement
pour un grand nombre d'éléments qui sont prévus à
cette réforme: population vieillissante, besoin de nouvelles places:
7000 nouvelles places à développer d'ici à l'an 2000; 700
places par année. Ce gouvernement en a développé 325 -
375, pardon... 325, je ne me trompe pas - entre 1986 et 1989. Tout ça
nous fait dire, quand on regarde des éléments qui sont vides
quant au mécanisme d'application, quant à la réalisation
du virage qui est prévu dans cette réforme, que tout cela risque
de tourner au théorique, que tout cela ne puisse s'appliquer dans la
réalité quant aux 7000 places de longue durée dans les
hôpitaux, les 2000 lits pour les soins de courte durée. Pour la
rénovation de certaines salles d'urgence, pour la recherche et
développement, la formation des professionnels, l'augmentation des
travailleurs sociaux dans les écoles, les services de répit, les
mesures pour les personnes handicapées, la compensation pour certains
budgets insuffisants dans certaines régions, de cela, point de fric,
point d'argent dans le système!
M. le Président, il y a, tout comme le ministre l'a dit il y a
quelques secondes - le temps est très court - un nombre de carences
importantes dans ce projet de loi. Il y a absence de moyens pour un grand
nombre de clientèles et s'il est prévu un virage majeur dans
certains éléments du système, et nous nous en
réjouissons encore une fois, il y a un certain nombre de principes qui
sont remis en cause et nous ne pouvons pas cautionner, quant à la bonne
partie de la tuyauterie, les principes universels, les principes sociaux, les
principes d'universalité, de gratuité et d'accessibilité
qui sont à la base de notre système et qui sont remis en cause
ici. Si le ministre, au niveau des services de santé, par exemple,
prévoit une excellente mécanique au niveau des services
médicaux et de la répartition des effectifs médicaux, ce
que nous voulons redire d'entrée de jeu au ministre aujourd'hui, c'est:
Nous allons procéder, évidemment, avec une très grande
minutie, à l'étude article par article de ce projet de loi; nous
prendrons les jours, les semaines, les mois qu'il faudra pour en arriver
à ce que les intentions et les réclamations des groupes se
retrouvent bien dans ce projet de loi. Et je dis au ministre: II nous faudra
rencontrer, en commission parlementaire, un certain nombre de groupes. M. le
ministre, on ne peut pas dire aux jeunes praticiens, aux jeunes
étudiants en médecine: Oui, vous allez faire cela; oui, vous
devez faire cela. Et nous convenons au Québec que ces professionnels de
la santé doivent d'abord être au service du citoyen, mais nous
pouvons nous permettre aussi de les écouter. Nous pouvons nous permettre
de dire avec eux: Est-ce que vous pensez que notre mécanique que nous
mettons en place va en arriver à une augmentation de la qualité
et de la quantité des services que nous avons besoin dans toutes les
régions du Québec? Ce serait une erreur, M. le ministre, de se
lancer dans cette réforme. Ce serait une erreur, M. le ministre, de dire
que nous allons réaliser cette réforme contre nos professionnels
de la santé et, s'il y a un certain nombre d'éléments, un
bon nombre d'éléments qui reposent sur des principes que nous
reconnaissons de ce côté-ci de la Chambre, nous ne voulons pas
contribuer à réaliser cette réforme dans la confrontation.
Parce que, s'il y a des problèmes de répartition des effectifs
médicaux au Québec, nous devons dire aussi que la relation des
usagers, du citoyen consommateur, avec nos professionnels de la médecine
est d'une très haute qualité au Québec et nous n'avons pas
le droit, comme législateurs, par les allusions, par la description de
la situation que nous faisons et de la mécanique que nous voulons mettre
en branle, nous n'avons pas le droit, non plus, de toucher à cette
relation professionnelle, à cette bonne relation professionnelle qui
existe entre les citoyens et ce que le ministre appelle les producteurs des
actes, ces professionnels de la santé qui sont d'abord attachés
au soulagement et à l'amélioration des conditions de vie en
matière de santé pour la population du Québec, et nous
devons le faire. Nous devons accepter d'écouter et de corriger, s'il y
avait lieu de corriger, en gardant cette même détermination que
nous avons, d'abord, de servir la population du Québec. (17 h 20)
M. le Président, tous mes collègues auront l'occasion de
s'exprimer plus largement sur certaines dimensions que je n'ai pas pu rappeler
dans cette intervention. Je dois dire tout de suite au ministre que,
malgré des améliorations sensibles qui sont apportées au
système, nous ne pourrons pas, au niveau du principe de ce projet de
loi, parce qu'il y a des choses fondamentales qui sont remises en cause,
à cette étape-ci, à moins que le ministre ne retire un
certain nombre de choses ou de mécaniques dans ce projet de loi... Nous
prenons l'engagement de supporter ce projet de loi au niveau de son
étude article par article. Nous prenons l'engagement également,
quant à l'ensemble de la mécanique, quant au virage qui y est
prévu sur les éléments sur lesquels nous sommes d'accord,
au niveau de la troisième lecture, au niveau de la quatrième
lecture, de supporter le gouvernement. Mais il y a une mise en cause de
certains principes, ici, que nous ne pouvons pas accepter et nous ne briserons
pas ces règles ou ce consensus social que nous avons établi au
Québec, même en vertu des améliorations sensibles et
extraordinaires, dans certains cas, qui sont apportées et nous allons
supporter ces mesures. Alors, tout cela, M. le Président...
M. Bélisle: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint
du gouvernement.
M. Bélisle: On a été bien patients et bien
bons vis-à-vis du député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, mais l'entente intervenue avec
l'Opposition, c'est de limiter son intervention à 50 minutes.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le leader
adjoint du gouvernement, comme vous le savez, les ententes qui n'ont pas fait
l'objet d'un ordre de la Chambre ne lient pas... Est-ce qu'il y a un ordre de
la Chambre?
Une voix: Oui. M. le Président, avant que...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il y a un ordre de la
Chambre, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, je
vous rappellerais que vos 50 minutes sont écoulées et je vous
donne quelques secondes pour conclure.
M. Trudel: 30 secondes, M. le Président, pour conclure,
puisque, malgré un ordre de la Chambre, nous avons accepté que le
ministre, dans la présentation de son projet de loi, utilise aussi, pour
conclure, le temps qu'il lui fallait. Tout simplement pour dire, M. le
Président, que nous allons suivre, nous allons écouter avec une
extrême attention les arguments du ministre. Nous allons faire en sorte
que l'Opposition puisse être le gardien et que l'Opposition soit le
défenseur de certains principes fondamentaux. Et, à cet
égard, nous collaborerons avec le gouvernement, mais pas au-delà
de certains principes fondamentaux contenus dans le consensus
québécois que nous avons établi. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de rouyn-noranda-témiscamingue. je cède
maintenant la parole à m. le député de matapédia et
adjoint au ministre de la santé, en rappelant que nous sommes toujours
à l'adoption du principe du projet de loi 120. m. le
député de matapédia.
M. Henri Paradis
M. Paradis (Matapédia): M. le Président, je suis un
peu déçu, pour ne pas dire profondément
déçu, de l'attitude du député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Il nous a dit, dès le début
de son intervention, qu'il serait d'accord, qu'il était d'accord avec la
réforme et qu'H était là, comme toute bonne Opposition,
pour bonifier, essayer d'améliorer le projet de loi lors de la
commission parlementaire. Il nous annonce, dès maintenant, qu'il votera
contre l'adoption du projet de loi. Alors, c'est à se demander s'il est
là pour défendre des intérêts particuliers, pour se
faire du capital politique ou s'il est là justement pour essayer de
bonifier ou d'améliorer le projet de loi qui - il faut le dire - est
audacieux et qui s'attaque à une grosse partie, sinon le tiers des
ressources financières du gouvernement et qui s'attaque finalement
à essayer de réformer le plus gros système qui correspond
aux besoins de toutes les couches de la société. Pensons à
nos personnes âgées, aux handicapés, aux jeunes.
À cet égard, M. le Président, je me demande
vraiment ce que le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue
fait dans cette Chambre, si ce n'est de défendre des
intérêts strictement partisans ou, du moins, des
intérêts particuliers de certaines gens. Et, enfin, je suis
profondément déçu de son attitude, compte tenu qu'il vient
d'une région défavorisée, à certains égards,
du système de santé et de services sociaux. Dans ce projet de
loi, on venait justement donner le pouvoir à des régies
régionales, on venait donner des outils tout à fait
exceptionnels, réclamés de hauts cris et de haute guerre par les
gens, résidents des différentes régions du Québec,
et le député nous annonce qu'il vient voter contre ce projet de
loi, voter contre ce principe du projet de loi.
Alors, ce n'est pas surprenant de l'avoir entendu nous dire, entre
autres, que le projet de loi n'allait pas assez loin, que le projet de loi
faisait abstraction des thérapies alternatives. Il faut savoir que le
ministre a déjà annoncé une commission parlementaire pour
essayer de baliser toutes les thérapies alternatives qui sont sur le
marché et pour essayer de tirer l'essentiel et d'en reconnaître
quelques-unes pour assurer la sécurité et la santé du
public. Je trouve aussi pour le moins particulier qu'il tire à boulet
rouge sur un ticket orienteur. Il fait déjà peur au monde. Il
joue son rôle d'Opposition partisane, de petit politicien qui veut se
faire du capital politique et qui essaie de faire peur au monde. Ça
réussit un petit peu parce qu'on a déjà des gens qui se
présentent au CLSC de peur de payer les 5 $ dans une salle d'urgence.
Mais c'est démagogique et inacceptable de la part d'un
législateur, supposément responsable, d'essayer d'inculquer ces
craintes à des personnes démunies, a des personnes
âgées, entre autres. C'est inacceptable. On s'ennuie
déjà de l'ex-député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui, lui, défendait
véritablement les régions, défendait les plus
démunis de la société. Il ne sortait pas des grandes
universités pour essayer de venir défendre des fins
partisanes.
M. le Président, je trouve ça un petit peu triste de la
part du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, que je
pensais quelqu'un de responsable, qui venait ici, en cette Chambre, appuyer des
gens comme moi pour la défense des régions. Je m'aperçois
qu'il est tristement un petit politicien qui vient défendre des
intérêts strictement partisans et je le déplore grande-
ment.
Bref, je m'attaquerai principalement à un aspect tout à
fait intéressant et réclamé à hauts cris, comme je
le disais précédemment. C'est l'essentiel de la réforme
reposant sur le citoyen, soit, un citoyen consommateur, un citoyen
décideur, mais aussi un citoyen payeur. Je pense que l'essentiel de tout
cela va donner un pouvoir tout à fait exceptionnel aux
différentes régions du Québec, et c'est ça qui
m'apparaît important là-dedans. On aura de ces 17 régies
régionales, enfin, une décentralisation de l'État, une
déconcentration de l'État et c'est ce que les régions
réclament depuis de nombreuses années, qu'elles aient enfin droit
au chapitre, le droit de s'exprimer, le droit de faire un certain nombre de
choses avec les budgets qu'on pourrait leur accorder.
À cet égard, M. le Président, on ne peut que saluer
la volonté politique du ministre de mettre de l'avant ces régies
régionales - je suis fort heureux qu'il vienne d'une région comme
l'Est du Québec et qu'il ait passé aussi un certain nombre
d'années comme responsable du développement régional, ce
qui lui donne cette dimension tout à fait exceptionnelle - que les
régions réclament depuis de nombreuses années. Enfin,
au-delà de cette décentralisation, nous aurons en région
une marge de manoeuvre, un pouvoir de décider des choses pour les gens
du milieu. Je dis "nous" parce que je m'inclus parmi les citoyens et
citoyennes. Je suis citoyen bien avant d'être législateur.
Enfin, nous pourrons, à partir des outils qui nous sont offerts
par le gouvernement, par le ministère de la Santé et des Services
sociaux, décider comment on pourra faire les choses chez nous. Depuis le
temps qu'on réclame la modulation des programmes gouvernementaux, depuis
le temps qu'on réclame cette décentralisation de l'État,
je pense que nous avons tout un défi à relever dans chacune des
régions du Québec, pour relever ce défi tout à fait
exceptionnel d'enfin se concerter. Et j'aimerais apporter une précision.
Lorsque l'on parle de se concerter, M. le Président, il faut avoir une
notion tout à fait particulière et, moi, ma définition
personnelle de la concertation, c'est de savoir ce qu'on peut céder
à son voisin. C'est dans cet esprit que les gens seront conviés
à prendre des décisions tout à fait importantes pour
exercer un suivi, donner le maximum de services, et cela, évidemment, en
complémentarité des établissements les uns des autres, que
ce soit à partir des cabinets privés de médecins, que ce
soit à partir du CLSC, que ce soit à partir des hôpitaux,
des centres de réadaptation ou des centres d'accueil. (17 h 30)
Voilà, M. le Président, je pense, en ce qui me concerne et
suivant des commentaires que j'ai entendus depuis de nombreuses semaines, le
défi auquel les gens ont été conviés et qu'ils sont
prêts à accepter. à partir de cette régionalisation,
évidemment, on aura, pour appliquer cette concertation ou, du moins, ce
large consensus pour donner des services à nos citoyennes et nos
citoyens, la formation des régies régionales. et l'on voit,
à partir de la formation, de ce que pourront être ces
régies régionales, que l'essentiel de cette réforme,
c'est-à-dire le citoyen, aura la plus grande part des décisions
pour pouvoir se faire entendre haut et fort. alors, 40 % seront
composés, évidemment, des bénévoles oeuvrant aux
conseils d'administration actuels; 20 % viendront du monde municipal; 20 % des
organismes communautaires qui, depuis de nombreuses années, eux aussi,
réclament des droits additionnels ou une voix au chapitre sur les
décisions à apporter dans le système de santé et de
services sociaux, eux qui se disent et qui remplacent - mon dieu! - à
certains égards, à plusieurs reprises, des institutions, avec une
efficience tout à fait remarquable. alors, 20 % des sièges seront
réservés aux organismes communautaires et, enfin, 20 % au
socio-culturel et éducation.
Mais, au-delà de la formation de ces régies
régionales qui administreront cette décentralisation, cette
déconcentration de l'État, avec des pouvoirs qui leur seront
conférés, je pense qu'il est essentiel, lorsque l'on parle de
système de santé et de services sociaux, de parler des effectifs
médicaux. Je suis de ceux qui, dès 1985, demandaient ou avaient
un discours politique, à l'époque, pour demander au gouvernement
du passé et au gouvernement actuel des mesures plus qu'incitatives pour
amener des médecins en région Et là, je ne parle
même pas de spécialistes, je parle d'omnipraticiens. On a
essayé tous les bonbons de toutes les couleurs, on a même
ajouté de la réglisse pour essayer d'inciter les médecins
à venir en région. Il y a eu un succès relatif; oui, j'en
conviens, sauf que, malgré ce succès relatif, il y a encore de
nombreuses lacunes, une pénurie encore inacceptable dans les
sous-régions des grandes régions administratives.
Je prends pour exemple la région du
Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. C'est bien sûr qu'à Rimouski on
a augmenté les effectifs médicaux du double depuis 10 ans. Sauf
qu'à Mont-Joli, qui est à peine à 30 kilomètres de
Rimouski, on est encore en pénurie de médecins et on est
obligé de ne pas être malade passé 20 heures, le soir,
compte tenu que la clinique externe, la clinique d'urgence, les cabinets
privés et le CLSC, tout ce beau monde-là ne travaille pas ou
manque carrément d'effectifs médicaux pour tenir la clinique
d'urgence ouverte. C'est la même chose à Amqui, c'est la
même chose à Causapscal, dans la région de Bonaventure et
même dans la région immédiate de Gaspé. Et c'est
vrai, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue devrait
s'en rendre compte s'il parcourt de temps à autre son comté, que,
chez lui aussi, il y a un manque important d'omnipraticiens dans le
Témiscamingue.
Tout ça, M. le Président, pour vous dire que,
malgré les incitatifs, on note encore cette pénurie et on assiste
et on peut voir, on peut faire le constat qu'au Québec,
présentement, il y a 700 médecins, 700 omnipraticiens qui
exercent leur profession de façon libre, très très
très libre, ce qui veut dire qu'ils ne sont rattachés, ni de
près, ni de loin, à aucun établissement de santé du
Québec, ni à un CLSC, ni à un centre d'accueil, ni
à un hôpital quel qu'il soit. Alors, c'est inacceptable,
après avoir offert tous les incitatifs, de constater qu'au Québec
700 médecins se préoccupent - j'ose à peine le croire,
j'hésite à le dire, mais je vais quand même le penser
à haute voix - que 700 médecins puissent penser plus à
leur profit personnel qu'aux citoyens et aux citoyennes à qui ils
peuvent rendre service dans le grand système de santé que l'on a
à gérer au Québec.
M. le Président, compte tenu de cette problématique fort
importante des soins à donner à une population, je pense qu'il
est essentiel que le gouvernement mette de l'avant des mesures un peu plus
coercitives, bien que la liberté d'exercer leur profession sera
entière pour les médecins. Ce qu'on va faire finalement, c'est
qu'on va régionaliser la Régie de l'assurance-maladie,
c'est-à-dire les honoraires qui sont dévolus aux médecins,
selon l'état de santé de la population, selon les
problèmes qui existent dans une région donnée, ce qui veut
donc dire que là où il va manquer de médecins plus la
tarte sera grosse, évidemment. Mais si le médecin veut exercer sa
profession dans une région où la ressource est beaucoup plus
importante, où ils sont plus nombreux, évidemment, la pointe sera
plus mince. C'est là, M. le Président, une mesure essentielle
pour faire comprendre à certains, si les intérêts
pécuniaires sont encore intéressants pour certains, qu'ils
pourront avoir une qualité de vie tout à fait exceptionnelle, en
venant dans des régions comme les nôtres. Que ce soit dans le
Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord, le
Saguenay-Lac-Saint-Jean ou l'Abitibi-Témiscamin-gue, je pense qu'ils
pourront bénéficier non seulement de mesures incitatives
pécuniaires de façon très intéressante, mais
goûter aussi à une qualité de vie tout à fait
exceptionnelle.
Cela, M. le Président, rejoint un petit peu un article que je me
plais souvent à citer, mais qui m'apparaît tout à fait
fondamental dans le débat auquel on fait face présentement. C'est
un article qui a été écrit sous la plume du Dr Augustin
Roy, qui est le président et le secrétaire général
de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et je
ne voudrais surtout pas être accusé de l'avoir cité hors
contexte. M. le Président, je vais vous le citer dans le texte, du
début à la fin. Alors, ça débute ainsi: "Certaines
expressions utilisées frappent l'imagination et sont facilement
retenues. C'est à dessein que l'an dernier, lors d'une entrevue sur la
pénurie de médecins dans les régions éloi-
gnées, malgré les avantages financiers énormes consentis
par le gouvernement, j'ai utilisé le terme "enfants gâtés"
à l'égard des internes et résidents, même si leur
travail est parfois exigeant. C'est évidemment une
généralisation et une figure de style qui ont été
tellement bien retenues qu'on me les a attribuées de nouveau lors de ma
récente comparution en commission parlementaire sur la santé
mentale, alors que je ne l'ai pas utilisée. Au cours de cette audition,
80 % du temps, cela a donné lieu à des échanges
très intéressants sur l'établissement et l'application
d'une véritable politique de santé mentale. Aucun média
n'en a fait état, parce qu'il n'y avait rien de sensationnel dans ce
débat sérieux. C'est seulement la courte intervention sur la
distribution des psychiatres qui a retenu l'attention. Il est vrai que cette
répartition est très mauvaise. J'en ai profité pour
énumérer brièvement les mesures qui pourraient être
prises pour régler le problème de la répartition des
médecins en général en commençant par rejeter le
statu quo qui a donné des résultats décevants,
malgré les bonbons déjà accordés par les
gouvernements. Puis j'ai ensuite fait état du moyen retenu par le
gouvernement, par le biais de la loi 75 qui oblige chaque hôpital
à dresser un plan complet d'effectifs médicaux qui doit
être soumis et approuvé en premier lieu par le Conseil
régional de la santé et des services sociaux qui, à son
tour, doit attendre l'approbation du gouvernement qui a le loisir de l'accepter
ou non. Je trouve cette méthode bureaucratique, encombrante,
coûteuse et complexe à administrer. Elle va réduire
considérablement la mobilité des médecins qui vont devenir
prisonniers de leur région. Si on ajoute à cela la
possibilité qu'un jour le gouvernement établisse des enveloppes
budgétaires régionales, je prédis que les médecins
vont regretter amèrement leur attitude actuelle face à
l'établissement en dehors des villes universitaires. (17 h 40) "Pourquoi
j'ai attiré de nouveau l'attention sur une mesure que je
préconise personnellement depuis plus de 10 ans et que j'appelle
l'engagement volontaire, pour éviter toute connotation de coercition et
de conscription. Personne n'est, en effet - et j'attire votre attention
là-dessus, M. le Président, c'est intéressant -
forcé d'étudier la médecine ou d'entrer en
spécialité. À chaque année, à peu
près 3000 étudiants se battent littéralement pour obtenir
1 des 575 postes disponibles en médecine. Chaque étudiant choisi
obtient la possibilité à la fin de ses études de faire un
revenu assuré de loin supérieur à celui de la
majorité des citoyens qui ont payé une très grande partie
de ses études". Pour former un médecin, M. le Président,
j'aimerais vous souligner que ça coûte, dépendant de sa
spécialité, entre 200 000 $ et 300 000 $ à l'État,
donc au contribuable québécois.
Je poursuis, M. le Président. M. Roy dit: "En guise de
compensation pour l'octroi des
privilèges accordés, le gouvernement est
légitimé de demander à tout nouveau médecin de
s'engager à exercer sa profession pendant un certain temps dans un
endroit où on a besoin de ses services. Une politique semblable existe
dans un grand nombre de pays et ne peut que contribuer à rendre le
médecin meilleur s'il désire revenir s'installer en ville
après avoir servi ses concitoyens des régions moins bien
favorisées. Une telle mesure est bien plus souple et facile
d'application que celle actuellement mise en vigueur progressivement par le
gouvernement. Tout étudiant qui n'est pas disposé à
accepter ces conditions devrait laisser la place à un autre ayant une
conscience sociale plus développée", incluant sa cote z. "Je
n'arrive pas à comprendre la réaction des jeunes médecins
qui paniquent dès qu'il est question de l'exercice en dehors des villes
universitaires. Il faut pourtant admettre que le régime étatique
d'assurance-santé est là pour rester et que le retour à la
médecine totalement libre d'autrefois est une illusion. Les
règles du jeu sont changées depuis que le gouvernement a garanti
à tous les citoyens l'universalité, l'accessibilité,
l'égalité aux services de santé. Ces principes ne peuvent
être respectés sans une distribution adéquate de la
main-d'oeuvre médicale qui doit, par ailleurs, être traitée
correctement." L'article se termine ainsi, M. le Président. "Le
gouvernement ne peut consentir plus d'avantages aux jeunes médecins qui
doivent se rendre compte que la médecine est une profession sociale au
service des citoyens qui peuvent être malades à toute heure du
jour et de la semaine. Il appartient au gouvernement de s'assurer que tous les
citoyens puissent recevoir des services médicaux de qualité,
partout au Québec, en tout temps. C'est maintenant le temps d'agir."
C'est sous la plume d'Augustin Roy.
Alors, M. le Président, je pense que c'est non équivoque.
Nous avions l'appui du Dr Augustin Roy qui, depuis bientôt trois ans,
nous implorait d'agir dans le plan d'effectifs médicaux. C'est ce que
nous avons fait et j'espère que c'est ce qui pourra être
appliqué dans les semaines et les mois qui suivent.
M. le Président, cette réforme ne pourra être
appliquée qu'avec l'assemblage de tous les partenaires de la
santé, que ce soit le citoyen consommateur qui a besoin de ces services,
que ce soit à partir des travailleurs, de ceux et celles qui oeuvrent
à l'intérieur du système de santé,
évidemment le citoyen payeur et sa capacité de payer. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Matapédia. Sur le même sujet, je reconnais
M. le député de La Prairie.
M. Denis Lazure
M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais dire
d'entrée de jeu qu'il y a plusieurs aspects du projet de loi qui
méritent notre appui entier, notre support enthousiaste même. Je
note en particulier la délégation en région de pouvoirs
qui sont actuellement exercés centralement. Tout ce qui est pouvoir
régional - et là dessus, on doit féliciter le ministre qui
a toujours eu une pensée régionale, une orientation
régionale -tout ce qui est de nature à augmenter le pouvoir
régional va rencontrer notre appui.
Le deuxième point important pour lequel je voudrais manifester
mon total accord, c'est justement la présence d'effectifs
médicaux en région. Je pense que si on me demandait d'identifier
les deux aspects les plus importants au plan positif - je garde pour la
deuxième partie de mon intervention les côtés plus
négatifs, parce qu'il y en a, malheureusement - le pouvoir
régional avec budgets régionaux, donc pouvoir de décider
en régions, et, deuxièmement, présence surtout de
médecins spécialistes en région. Je vais tenter de faire
quand même quelques suggestions sur ces aspects positifs.
Pouvoir régional. Je pense qu'il faut éviter la tentation
de la bureaucratisation. En créant les régies régionales,
M. le Président, il y a un danger et on l'a vu avec les commissions
scolaires régionales qui sont devenues trop bureaucratiques. Les
conseils régionaux, les CRSSS, les Conseils régionaux de la
santé et de services sociaux, sont à la limite, à la
frontière. Mais, M. le Président, je me demande pourquoi on
n'utiliserait pas des structures qui existent déjà: les conseils
municipaux. Je vois, par un article de M. Dufresne, dans La Presse de
samedi, que le ministre de la Santé s'intéresse aux
expériences que la Norvège a conduites depuis plusieurs
années. Et, là-dessus, je suis aussi en harmonie avec le ministre
de la Santé. J'admire beaucoup ce que les Norvégiens ont fart,
les Suédois et les Danois, en matière de services de santé
et de services sociaux.
Je me permets de citer, pour faire comprendre au ministre de la
Santé qu'il ne s'agit pas d'un discours péquiste, des extraits de
l'article de M. Dufresne. Ça s'intitule "Le moment de
vérité pour le pouvoir local". Je cite: "Les Norvégiens
n'ont pas créé une structure régionale spéciale
pour l'administration de la santé; ils ont simplement confié de
nouvelles responsabilités aux deux niveaux inférieurs de
gouvernement déjà existants." Par exemple, les services de
première ligne, comme ceux des CLSC, seraient administrés par les
municipalités, les soins hospitaliers généraux seraient
administrés par les municipalités régionales de
comté et les hôpitaux spécialisés par le
ministère. Je cite encore: "Les questions cruciales se posent
d'elles-mêmes: pourquoi créer de nouvelles régies alors que
les municipalités et les MRC existent déjà? Mon voisin,
qui est aussi mon maire et mon représentant à la MRC, m'apprend
que "sa" MRC sert surtout à déléguer des
représentants des élus municipaux dans des organismes, de
développement entre autres, qui, eux, détiennent des
pouvoirs réels. (...) D'où vient cette méfiance à
l'égard des élus qui méritent le plus la confiance du
citoyen décideur...?"
M. le Président, le ministre de la Santé, je comprends
qu'il est un peu tard, je comprends qu'il est très fier de la
réforme telle qu'il la propose, de la structure telle qu'il la propose,
mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Moi, je le mets en garde contre
la création, d'emblée, de ces régies régionales en
partant pour ainsi dire de zéro. Pourquoi ne pas utiliser, au moins en
partie, les structures municipales existantes et les structures municipales de
comté? Même en gardant son projet initial d'une régie
régionale avec des pourcentages de représentants à
l'assemblée constituante de 60 à 150 personnes, qui, elle, cette
assemblée, élit ensuite un conseil d'administration de 15
personnes, dans cette assemblée, il me semble, au minimum, qu'on devrait
retrouver un plus grand pourcentage d'élus municipaux. Je pense que ce
serait de nature à contrecarrer les tentations de bureaucratisation.
J'espère que le ministre va regarder attentivement cette suggestion.
Pour ce qui est des effectifs médicaux, je rappellerai au
ministre qu'on ne peut pas, de ce côté-ci de la Chambre,
s'opposer, puisque nous avons, les premiers, et votre humble serviteur, en
1978, dans le projet de loi 84, proposé la mise sur pied d'un
système d'effectifs médicaux à être approuvé
par les conseils régionaux et par le ministère. C'a donné
ce que c'a donné. C'était un début. Il y a eu donc, depuis
une douzaine d'années, plusieurs tentatives de faites par les
gouvernements pour inciter les médecins, surtout spécialistes,
à aller en région. Je pense que nous avons eu du succès
avec les médecins omniprati-ciens. Heureusement, maintenant, la plupart
des grandes régions sont bien munies en médecins omnipraticiens,
mais le problème reste entier pour les médecins
spécialistes. (17 h 50)
Et là, aussi, M. le Président, moi, je voudrais faire une
suggestion au ministre. Il me semble que, dès son admission en
médecine, un jeune homme ou une jeune fille devrait prendre l'engagement
que, si elle ou il accepte d'aller en médecine, de
bénéficier largement du support financier de l'État pour
devenir un professionnel de la santé... que ce jeune ou cette jeune
devrait s'engager à travailler au moins pendant trois ans. Un contrat en
bonne et due forme d'au moins trois ans, ça se fait dans beaucoup de
pays. Là-dessus, je rejoins le député de Rimouski qui
vient de parler, le député de Matapédia plutôt, je
rejoins le Dr Augustin Roy, parce que tout ce qui sort du Dr Augustin Roy,
ça n'est pas mauvais. Il y a de très bonnes choses qui sortent de
la bouche du Dr Augustin Roy.
D'ailleurs, le député de Matapédia se disait
d'accord avec le Dr Roy. Mais, il me semble qu'au lieu d'attraper
l'étudiant au moment où il finit sa médecine, il faudrait
que l'étudiant, en toute connaissance de cause, si, il ou elle, veut
devenir médecin, ce soit un contrat social que le jeune passe et qu'il
dise: Moi, je vais aller pratiquer au moins trois ans et, avec ça, il y
a des conditions monétaires qui sont faites pour avantager ce jeune
étudiant, cette jeune étudiante. Deuxièmement, il me
semble que ces contrats devraient être réservés en
priorité à des jeunes qui, à notes égales, à
bulletin de valeur égale, viennent de régions qui sont
démunies en médecins spécialistes:
Abitibi-Témiscamingue, Bas-du-fleuve, Côte-Nord, etc. Il me semble
qu'il devrait y avoir une priorité de donnée à des jeunes
filles, à de jeunes garçons qui viennent de ces régions et
dont les notes d'admission sont aussi bonnes que celles d'un jeune de
Montréal ou de Québec. Il me semble qu'on devrait donner
priorité aux jeunes qui viennent des régions. Sinon, si on
accroche les jeunes à la sortie de l'université, sans qu'ils
aient été prémunis, si j'ose dire, en toute connaissance
de cause, il me semble qu'à ce moment-là la réforme se
ferait en bonne partie sur le dos des jeunes.
À cet égard, M. le Président... Je regrette que le
ministre ait dû s'absenter, parce que j'aurais voulu le voir
réagir. À titre de médecin spécialiste, puisque je
paie encore ma cotisation, je reçois un bulletin de mon syndicat, la
Fédération des médecins spécialistes, et il y a
quand même certaines choses dont le Dr Desjardins, le président du
syndicat, se vante déjà d'avoir obtenu que le ministre modifie
dans son énoncé.
Par exemple, ce qui est énoncé à la page 64 de sa
politique, déjà ça va changer, d'après le
président du Syndicat des médecins spécialistes. En somme,
moi, M. le Président, je voudrais passer le message au ministre, qu'il
fasse bien attention de ne pas pactiser, de ne pas faire de marché avec
les deux fédérations, spécialistes et omnipraticiens, les
médecins déjà établis, et leur donner raison sur
à peu près tout ce qu'ils demandent et, ensuite, avoir une
approche dure, autoritaire envers les jeunes médecins. Je pense que
ça serait une erreur. Il faut absolument que l'ensemble du corps
médical assume une partie de la responsabilité de cette
réforme.
Troisième remarque. Ouvrir des lits qui sont existants dans les
hôpitaux généraux, des lits de courte durée, qui ont
été utilisés par des personnes âgées, et les
redonner pour les soins de courte durée, d'accord. Mais, encore faut-il
que ce gouvernement, M. le Président, commence dès maintenant
à construire des centres d'accueil pour personnes âgées.
Durant cinq ans, ce gouvernement n'a rien fait, à toutes fins pratiques,
dans ce domaine. Et rappelons-nous que, de 1978 à 1983, le gouvernement
du Parti québécois avait construit 6500 lits pour personnes
âgées dans des centres d'accueil publics. Et là, on dit:
Bon, on va transformer les lits, qui sont pour des personnes
âgées, dans les hôpitaux, ou pour des patients de longue
durée, et on va s'en
servir pour les courtes durées; ensuite on construira 7000 lits
sur 10 ans. C'est insuffisant en nombre total et c'est trop long. Ce n'est pas
sur une période de dix ans qu'il faut construire 7000 lits. C'est sur
une période de 5 ans et au plus tôt. Et c'est maintenant, c'est
hier qu'il fallait commencer la construction de centres d'accueil pour
personnes âgées.
Et l'utilisation des CLSC comme point d'arrivée, de
première ligne, pour le patient, la patiente, le
bénéficiaire, d'accord. Mais encore faut-il que les CLSC aient
les moyens d'ouvrir le soir, d'ouvrir les fins de semaine et vous le savez, M.
le Président, la plupart des CLSC ne sont pas ouverts le soir, ne sont
pas ouverts les fins de semaine. Je pense qu'il y a un danger que le ministre
vende des illusions et c'est un peu ce qu'il a fait. Il a vendu des illusions
par sa performance de trois heures dans son comté de Charlesbourg. Il a
vendu des illusions. Il a laissé entendre aux gens que, pratiquement
dès maintenant, les CLSC vont être ouverts, que les gens pourront
aller au CLSC et, s'ils ne vont pas au CLSC, s'ils vont à
l'hôpital et que ce n'était pas vraiment urgent, ils paieront 5 $.
Les CLSC, oui, d'accord, les utiliser beaucoup plus, mais, pour ça, il
faut leur donner plus d'argent et, deuxièmement, il faudrait que le
ministère - suggestion concrète - avec les CLSC entreprenne une
campagne de promotion, d'information. Les gens ne connaissent pas les CLSC,
malheureusement. Faites un sondage, au hasard, dans vos comtés; demandez
où se trouve le CLSC. Très souvent, on ne le sait même pas.
On ne le sait même pas! Alors, il faut qu'il y ait, de la part du
gouvernement, un effort beaucoup plus sérieux pour faire la promotion
des CLSC et les faire connaître à la population.
Les mauvais côtés de ce projet de loi, eh bien,
écoutez... Essentiellement, M. le Président, il faut
dénoncer ce que Martha Gagnon, dans La Presse du 14
décembre, appelait "la ruse du ministre" et je cite Martha Gagnon. Son
article, c'était "Les organismes reliés à la santé
s'inquiètent devant la réforme proposée par
Québec". Elle dit ceci: "D'après les gens interrogés, si
les réactions n'ont pas été vives jusqu'à
maintenant, c'est que les mesures - en parlant des 5 $ et de
l'impôt-services - sont encore trop vagues et que le ministre a fait
preuve de beaucoup de ruse en dévoilant cet impôt en même
temps qu'une réforme très prometteuse." Et le Dr Chicoine, de
l'Association des dentistes du Québec, dit qu'il est déçu
que le gouvernement continue de "charcuter" dans les services dentaires aux
enfants.
M. le Président, dans un grand nombre d'éléments
positifs qui étaient contenus dans cette réforme, le ministre, en
douce, a essayé de faire passer deux éléments qui sont
absolument inacceptables. Ce sont deux accrocs majeurs à tout ce qui
avait été convenu au Québec. Alors, ce sont les 5 $
à la salle d'urgence et c'est l'impôt-services. Les 5 $, tout le
monde convient maintenant et même le cabinet du ministre, par les
remarques que son attaché politique a faites, qu'on ne sait même
pas si ce sera appliqué à la première visite ou à
la deuxième visite ou à la troisième visite. Qui va
collecter les 5 $? Qui va décider que la personne aurait dû aller
au CLSC ou aurait dû aller au cabinet privé? Est-ce que c'est la
préposée à l'admission, à l'urgence? Est-ce que
c'est l'infirmière? Est-ce que c'est le médecin? On sait que les
médecins ont déjà dit: Non, nous, on ne fera pas
ça, on ne fera pas les policiers. Alors, c'est une mesure qui part,
peut-être, d'une bonne volonté, d'un objectif louable, à
savoir de diriger le plus de patients possible vers les CLSC, mais c'est une
mesure qui nous apparaît injuste et inéquitable. Injuste parce que
les personnes comme vous et moi, M. le Président, qui avons les moyens
de payer les 5 $, nous resterons à la salle d'urgence de
l'hôpital. Même si le médecin nous dit: Vous auriez dû
aller au CLSC, on va les donner, les 5 $. Donc, ça établit une
médecine d'urgence pour les riches, une médecine d'urgence pour
les pauvres et, d'autre part, ce n'est pas applicable. Ce n'est pas applicable
et il vaudrait beaucoup mieux que le ministre s'emploie à mettre sur
pied cette campagne d'information dont je pariais tantôt, pour mieux
faire connaître les services offerts par les CLSC, leur donner plus
d'argent pour qu'ils ouvrent le soir et les fins de semaine et, à ce
moment-là, vous verrez qu'il y aura, naturellement, un mouvement qui se
fera vers les CLSC.
Ça, c'est pour les 5 $. Maintenant, l'impôt-services, c'est
encore plus rusé, parce que ce n'est pas évident. D'ailleurs, c'a
pris une semaine avant que les journalistes se rendent compte des implications
de ça. C'a pris une semaine avant que les groupements commencent
à en parler. Vous vous rendez compte de ce que ça veut dire.
L'impôt-services du ministre de la Santé veut dire ceci. Les
médicaments aux personnes âgés, qui étaient gratuits
pour toutes les personnes âgées depuis 12 ans, c'est fini, ce
n'est plus gratuit. Si vous êtes une personne âgée qui a un
rapport d'impôt à faire, vous aurez, maintenant, à payer de
l'impôt sur les 1000 $ ou les 2000 $ de médicaments. Bien
sûr, le ministre a quand même mis une limite: 3 % du revenu. Mais,
3 % sur un revenu de 30 000 $, disons, c'est quand même 900 $. Et quand
on sait que les personnes âgées, pour la plupart, ont de la
difficulté à joindre les deux bouts, ça nous paraît
absolument inadmissible. (18 heures)
D'ailleurs, La Presse du vendredi 14 décembre.
"Médicaments: un retraité sur deux frappé par
l'impôt". Alors, nous disons: Ne touchez pas à ce programme qui a
été établi en 1978 par le gouvernement du Parti
québécois. Nous avons eu des débats non seulement au
gouvernement à l'époque, avant de décider que ça
allait être gratuit pour tout le monde, mais il y a eu des
débats dans la société québécoise. Il
ne faut pas que le ministre de la Santé s'imagine qu'il va refaire les
boutons à quatre trous, qu'il va réinventer la roue à
chaque projet de loi.
Il y a eu un accord de la société québécoise
que les personnes âgées méritaient d'avoir les
médicaments gratuits. C'est la moindre des choses quand on sait comment
les personnes âgées au Québec ont trimé dur dans des
conditions difficiles. Un deuxième groupe: les personnes
handicapées. Les orthèses, les prothèses qui sont
gratuites depuis plusieurs années pour les personnes handicapées,
à partir de l'adoption d'un tel projet de loi, si ce n'est pas
modifié, ce n'est plus gratuit.
Le même mécanisme. La personne handicapée aura son
orthèse, sa protèse, son fauteuil roulant, peu importe. Sur le
coup, elle ne paiera pas, comme la personne âgée ne paiera pas son
médicament. Mais, à la fin de l'année, quelle surprise!
À la fin de l'année, la personne recevra son TP6 disant: Vous
avez eu pour 1500 $ d'orthèses et de prothèses au cours de
l'année. Vous avez un revenu - parce que ce n'est pas vrai que toutes
les personnes handicapées sont à l'aide sociale,
détrompons-nous - de 40 000 $, par exemple; 3 % de 40 000 $, vous allez
payer 1200 $ d'impôt. C'est ça que ça veut dire, M. le
Président, l'impôt-services.
Le troisième groupe qui est frappé, les enfants et les
adolescents qui reçoivent des services dentaires gratuits depuis
plusieurs années. La société québécoise a
décidé, à un moment donné... J'en parle tout
à fait à l'aise, parce que c'est le Parti libéral qui
avait commencé en 1974-1975. Nous avons accéléré,
lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976. C'était seulement
pour les enfants de 7 ans et moins, mais nous avons monté jusqu'à
15 ans dans l'espace de quelques années. Mais ça voudra dire que,
dorénavant, le couple qui a 2 ou 3 enfants, un couple de classe moyenne,
un couple de banlieue, les deux parents travaillent, à ce
moment-là, revenu total de 50 000 $, les 3 %, ça voudra dire 1500
$ d'impôt. Et ça veut dire que les soins dentaires ne sont plus
gratuits. Et un quatrième groupe, M. le Président, les services
optométriques.
Alors, en conclusion, M. le Président, je pense, comme le
député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue l'a dit
tantôt, que notre formation ne peut pas voter pour ce projet de loi en
deuxième lecture et ne votera pour ce projet de loi que si ces mesures
qui sont complètement inacceptables, les 5 $ à la salle d'urgence
et l'impôt-services, que si ces mesures sont enlevées. Ce serait
dommage que le ministre s'entête à garder ces mesures, parce qu'il
le dit lui-même: Ce n'est pas pour l'argent, c'est pour éduquer le
monde. Mais, ça, on ne le croit pas vraiment, parce que
l'impôt-services va aller chercher 100 000 000 $ la première
année, et, la deuxième année, ça pourrait
être élargi à d'au- tres services qui sont actuellement
gratuits.
Alors, M. le Président, il faut que cette réforme
importante ait lieu. Il faut qu'elle se fasse avec le concours de tous les
intervenants, y compris le médecin. Il faut aussi mettre en garde le
député de Charlesbourg, ministre de la Santé, qu'il ne
doit pas faire cette réforme sur le dos des médecins. Il doit la
faire avec la collaboration de tout le monde et l'Opposition lui donnera sa
collaboration, s'il retire ces deux aspects odieux du projet de loi. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de La Prairie. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Saint-Henri en vous rappelant, Mme la
députée, que vous disposez d'un temps maximum de 20 minutes.
Des voix: Bravo!
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: Merci, M. le Président. La réforme
envisagée par le gouvernement québécois constitue un geste
majeur dans l'évolution du dossier de la santé et des services
sociaux au Québec. Je vous rappelle, M. le Président, que c'est
sous un gouvernement libéral que la population a eu cette chance d'avoir
accès à un régime de santé complet, efficace et
moderne, lequel a amélioré la qualité de vie de tous les
Québécois et de toutes les Québécoises.
C'est en 1970 que le gouvernement libéral a mis en oeuvre
l'articulation de la politique de santé au Québec, laquelle
politique avait été précédée d'études
et d'évaluation en vue de rendre accessibles au public
québécois une gamme de services gratuits et
spécialisés dans tous les domaines de la santé et des
services sociaux. Par la suite, plusieurs modifications ont été
apportées à la Loi sur la santé et les services sociaux
pour améliorer ça et là certains volets de notre
santé publique.
Au début des années quatre-vingt, dans le cadre de la
rationalisation des ressources financières, le gouvernement du Parti
québécois a définitivement mal géré ce
secteur d'activité à un point tel que la population
québécoise s'est vue presque privée des services auxquels
elle avait droit jusqu'à maintenant. Qui ne se souvient pas du cauchemar
des files d'attente dans les salles d'urgence de nos hôpitaux? Qui ne se
souvient pas également de l'accumulation des dossiers concernant les
jeunes en difficulté, dossiers qui ne trouvaient pas de réponse
auprès de l'ex-gouvernement du Parti québécois, à
un tel point que les services de protection de la jeunesse ont vite
été débordés et n'ont plus été
capables de répondre à la demande?
En 1985, le gouvernement libéral s'est mis à la
tâche pour effectuer un assainissement de la gestion des fonds publics et
a dû réorganiser la planification des travaux reliés au
secteur de la
santé et des services sociaux.
Le projet de loi 120 aborde donc un tournant important dans
l'histoire de la santé et des services sociaux au Québec. Plus
particulièrement, je retiens le chapitre traitant du volet des jeunes en
difficulté. À cet égard, la réforme
envisagée est plus qu'encourageante et aura comme effet, à moyen
et long terme, de résoudre plusieurs problèmes criants dans
certains coins du Québec, notamment dans ma région, le sud-ouest
de Montréal.
D'ailleurs, j'en faisais état récemment, il y
a quelques jours, lors du débat entourant la motion sur la toxicomanie
au Québec. Je faisais alors remarquer qu'une table de discussion avait
récemment réuni plusieurs intervenants du milieu du sud-ouest de
Montréal, tels le CLSC de Saint-Henri, les groupes sociaux, les
éducateurs, les citoyens alarmés et les parents
désemparés par la situation qui prévaut dans cette
région. Vous aurez compris également que je faisais allusion au
sentiment de peur, de crainte ressenti par les parents et citoyens de la
région du sud-ouest. On sait que le crack constitue le problème
majeur et la principale source de la criminalité dans la Petite
Bourgogne et dans les alentours du sud-ouest de Montréal.
À son tour, une révélation tout aussi
consternante nous indiquait que le crack entraîne la criminalité
sous toutes ses formes, la prostitution, le vol, l'extorsion, qui sont
là quelques-unes des manifestations observées dans ces quartiers.
Ce fléau est malheureusement présent dans tous les secteurs de la
ville de Montréal, autant dans les quartiers de Cartierville, de
Notre-Dame-de-Grâce et de Côte-des-Neiges.
La réforme envisagée par le ministre de la
Santé et des Services sociaux est très encourageante. Elle vise
notamment à permettre une meilleure adaptation des services aux
personnes en difficulté, notamment au niveau des jeunes. Je signale que
les jeunes constituent avec les personnes âgées les deux
priorités majeures du ministre. Dans le cadre de cette réforme,
j'ai trouvé particulièrement intéressante l'idée de
la création d'un comité qui sera mis sur pied en regard des
problèmes des jeunes afin de fournir au ministre les recommandations
spécifiques.
Il ne faut pas oublier, M. le Président, que
révolution de la société québécoise a
produit des effets inattendus comme la modification des valeurs, les
changements vécus dans la composition des familles et les conditions de
vie reliées à la pauvreté. Le ministre signalait, entre
autres, et il y a de quoi être surpris, qu'en 1989, près de la
moitié des 50 000 signalements reçus à la Direction de la
protection de la jeunesse ont été retenus. De ce nombre, plus de
12 000 avaient été victimes d'abus et plus de la moitié
des 16 000 cas d'enfants pris en charge vivaient dans un milieu dit
substitut.
Ainsi, dans le but de mieux adapter les services aux
besoins des jeunes, le gouvernement entend, par sa réforme, intensifier
la prévention auprès des jeunes, une priorité qui me
semble essentielle au redressement de la situation vécue par ces jeunes
du Québec. Cette réforme aura également pour but de
rejoindre ces mêmes jeunes dans leur milieu de vie. Le gouvernement
désire également assurer de meilleurs services de protection. (18
h 10)
J'aime également l'idée d'amener les Centres
locaux de services communautaires à développer et à
consolider les services destinés aux enfants de moins de 12 ans. On aura
compris qu'il s'agit de prévenir les abus et la négligence, afin
d'intervenir dans une optique de support et d'amélioration de la
compétence familiale.
Les milieux scolaires n'ont pas été
oubliés, puisque l'on intensifiera les services sociaux. Enfin, il
s'agira de développer des services de consultation spécialement
destinés aux jeunes de 12 à 18 ans, aux prises avec des
problèmes liés, soit aux maladies transmises sexuellement,
à la drogue ou encore à l'itinérance, la prostitution et
la délinquance.
On retiendra, au niveau des organismes communautaires, les
projets novateurs ayant pour but de venir en aide aux enfants et à leur
famille. Également, on assistera à la mise en place, au niveau de
chaque région, des services de médiation familiale pour diminuer
les effets négatifs des ruptures d'union sur les adultes et les
enfants.
Le ministre entend également assurer de meilleurs
services de protection. Ainsi, on continuera de réduire les listes
d'attente en protection de la jeunesse.
On accordera également un suivi aux familles et aux
jeunes dont le signalement n'a pas été retenu dans le cadre de
l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je suis aussi
satisfaite de cet objectif fixé par le gouvernement d'améliorer
le processus de prise en charge des jeunes par le Directeur de la protection de
la jeunesse.
Enfin, il faut se réjouir de la création d'un
comité chargé de revoir la Loi sur la protection de la jeunesse
qui, rappelons-le, est une pièce législative majeure qui a besoin
sûrement de retouches pour améliorer son efficacité.
M. le Président, la situation des personnes
athées au Québec préoccupe tout autant que celle des
jeunes, dans la mesure où ces personnes aînées sont de
véritables bâtisseurs de la société
québécoise moderne, telle que nous la connaissons aujourd'hui.
Les jeunes ont récolté le fruit du travail effectué avec
acharnement par ceux et celles qui les ont précédés.
Trop souvent, on fait preuve d'ingratitude à
l'égard des personnes âgées parce qu'on leur
témoigne rarement ce respect auquel elles seraient en droit de
s'attendre. Nous nous contentons de leur bâtir de beaux programmes sur
papier, de leur offrir quelques services
d'animation, dans le but de tempérer quelque peu le sentiment de
solitude auquel ces personnes sont exposées dans une période de
leur vie importante, autant sur le plan émotif que sur le plan de leur
sécurité personnelle.
Le gouvernement libéral a tout de même tenté, et je
dirai réussi, à accroître leur qualité de vie en
améliorant les services mis à leur disposition, aussi bien dans
les centres hospitaliers que dans les centres d'accueil où de
véritables situations de cauchemar persistaient.
Dans le cadre de la réforme, le ministre a fixé quatre
principaux objectifs visant à adapter les services aux besoins de nos
aînés: premièrement, renforcer le maintien à
domicile des personnes âgées, améliorer la qualité
de vie en établissement, augmenter le nombre de places en institution
et, finalement, supporter et contrôler les foyers qui hébergent
des personnes âgées, mais qui n'ont pas les ressources humaines
pour leur venir en aide lorsque requises.
Je ne doute pas du succès de cette vaste entreprise, qui sera le
fruit d'une concertation accrue entre les différents intervenants de ce
monde complexe qu'est le secteur de la santé et des services sociaux au
Québec.
Je n'ai pas eu le temps ici d'aborder l'importance de la
régionalisation des services, mais il n'en reste pas moins que la
population québécoise appréciera les effets de ce
processus visant à remettre dans les mains des intervenants
régionaux des décisions qui les regardent de près.
Les jeunes en difficulté trouveront également leur compte
dans cette réforme, puisqu'ils se sentiront mieux encadrés et
à l'abri des pièges de la vie qui les attendent, sans que soient
mises en place des solutions essentiellement répressives qui, en bout de
ligne, n'ont presque pas d'effet du fait qu'elles interviennent toujours trop
tard. Les jeunes ont davantage besoin, à mon avis, de
compréhension, de dialogue, d'attention et d'affection. Les parents
auront un rôle indispensable de leadership à jouer en faisant
preuve de responsabilité pour encadrer leurs enfants dans le cas
où ils tomberaient dans des pièges auxquels on faisait allusion
plus tôt, toujours dans cet objectif de bien maîtriser leur avenir
et l'avenir du Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Saint-Henri. Je cède maintenant la parole
à Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. M. le
Président, au tout début de mon intervention, je voudrais relever
une petite chose que la députée de Saint-Henri, qui m'a
précédée, a dite dans son intervention. Elle a dit que
c'est grâce au Parti libéral si maintenant les salles d'urgence
étaient moins encombrées qu'elles ne l'étaient. Je pense
que c'est une collègue en très bonne santé parce qu'elle
n'est pas allée dans les salles d'urgence dernièrement. Il y a
autant de civières qui longent les corridors et il y autant de besoins,
autant de demandes parce que pour juste lui faire remarquer... Les mesures...
ou la nouvelle politique de la santé n'est pas là. Et depuis
qu'ils sont là, il n'y a pas eu une grosse amélioration parce que
je me souviens, lors de l'élection de 1985, on nous disait: C'est une
médecine de guerre, on revient aux anciennes méthodes, etc., M.
le Président. Et depuis qu'ils sont au pouvoir, je n'ai rien
remarqué d'amélioration, à date, en ce qui a trait
à la situation que vivent les personnes qui sont obligées
d'être alitées. Parce qu'il n'y a pas seulement les personnes qui
viennent sur leurs deux pieds, qui ont un petit bobo léger, il y a aussi
des personnes qui nécessitent de grands soins. Je vais vous rapporter
rien qu'un petit exemple très flagrant.
Il y a une couple d'années, mon mari a eu besoin pour une crise
cardiaque, pour un infarctus... J'ai attendu dans le corridor et il y avait des
civières tout le long du corridor. On l'a passé vite, vite, vite,
mais on en a fait attendre d'autres qui étaient en civière dans
le corridor. Et ça ne s'est pas amélioré depuis. C'est
simplement, pour rectifier certaines choses parce qu'il y a une limite à
tout, là.
M. le Président, pour continuer mon intervention, je dois vous
dire que nous, ici, on est privilégiés. Les parlementaires sont
privilégiés parce qu'ils ont une tribune pour se faire entendre.
Et lorsqu'on parie, on ne parle pas à titre personnel, on parie à
titre de personne représentant une certaine population donnée,
que ce soient les représentants de notre circonscription
électorale ou que ce soit selon la responsabilité qu'on nous a
donnée, ici, à l'Assemblée nationale, de par notre
formation politique.
Aujourd'hui, M. le Président, vous me permettrez de parier... Je
vais prendre seulement un volet. Je vais prendre le volet des
aînés, compte tenu que c'est ma responsabilité, à
l'Assemblée nationale. Et je vais parier au nom des 780 000
aînés que nous avons au Québec et essayer de poser des
bonnes questions, des questions qui, pour le moment, ne font pas la
satisfaction des aînés et qui les inquiètent grandement. Je
vais prendre seulement cette section-là. Si on considère, M. le
Président, qu'en l'an 1901 il y avait 78 000 aînés au
Québec, en 1986, leur proportion grimpe à 9,9 %,
c'est-à-dire à 650 000 personnes aînées, au
Québec, c'est-à-dire qui ont 65 ans et plus. Et puis, ce nombre
sera supérieur à 900 000 dès le début du XXIe
siècle et à 1 500 000 autour des années 2030, ce qui
équivaut à peu près à 25 % de la population
québécoise qui seront des personnes âgées de 65 ans
et plus.
Alors, je comprends très bien le ministre de la Santé et
des Services sociaux de faire en
sorte que les aînés soit l'un des buts majeurs
de cette réforme compte tenu de la situation démographique que
l'on vit ici au Québec. Je reconnais aussi, M. le Président, les
interrogations qu'il se posait lui-même dans son propre discours, dans sa
propre intervention lorsqu'il a présenté son projet de loi
où il disait: Est-ce que les personnes de Montréal, de
Québec sont différentes des personnes habitant dans les
régions éloignées? Moi aussi, je me suis posée
cette question-là. Je me suis dit: Quelle est la différence entre
les aînés de Montréal, les aînés de
Québec et les aînés qui peuvent demeurer en
Gaspésie, à Rimouski, au Lac-Saint-Jean ou ailleurs? Je pense que
la différence n'est pas grande. Les besoins sont sensiblement les
mêmes, en termes de besoins de médicaments, en termes de besoins
de soins de santé, en termes de besoins de soins hospitaliers, de
centres d'accueil, etc. À ce compte-là, je suis tout à
fait d'accord avec les sentiments qu'éprouvait le ministre tout à
l'heure en disant: Ils méritent tout autant, eux, dans les
régions éloignées que ceux qui sont ici, les mêmes
soins de services auxquels ils ont droit. Ce sont des payeurs de taxes et ce
sont aussi des hommes et des femmes qui ont fait en sorte que le Québec
est rendu où il est rendu aujourd'hui et qui nous ont ouvert la voie
à bien des égards, M. le Président. Donc, les
aînés de Montréal tout autant que les aînés
d'ailleurs se doivent d'avoir les mêmes soins et les mêmes
attentions qu'une réforme de la santé doit comporter. (18 h
20)
Dans sa politique de réforme de la santé,
à la page 24 de son document, le ministre soutenait que les besoins en
matière de maintien à domicile étaient de 735 000 000 $,
ce n'est pas une mince affaire, 735 000 000 $ qui seraient nécessaires
pour simplement donner les soins appropriés pour conserver le plus
longtemps possible des personnes à leur domicile, des aînés
à leur domicile. L'effort qui sera consenti par le ministre sera de 200
000 000 $, sur cinq ans. Je pense que c'est déjà une mesure
intéressante, il faut l'admettre, il ne faut pas être aveugle ou
se boucher les yeux pour ne pas voir. Je pense que 200 000 000 $ c'est une
mesure intéressante, mais vous comprendrez que ça ne fait pas le
montant de 735 000 000 $, qui est le besoin évident et reconnu par
l'ensemble de la population québécoise.
M. le Président, est-ce que vous êtes
conscient que pour offrir des services à domicile pour personnes
âgées, ça coûte 1175 $ par année, pour offrir
des services à domicile à une personne aînée qui
souhaiterait demeurer dans son domicile? Et on sait que la plupart de ces gens
voudraient demeurer le plus longtemps à la maison, dans cette maison
où ils ont élevé leur famille, où ils reconnaissent
chaque pouce de la maison, chaque coin de la cuisine, chaque coin des chambres
et ainsi de suite. Vous ne pensez pas que ces gens-là ne souhaiteraient
pas continuer à vivre dans leur domicile, dans leur maison familiale?
Bien sûr. C'est les désorienter et, bien des fois, ça cause
des troubles psychiques importants quand Us sont obligés d'être
hospitalisés dans les soins de longue durée, les services de
longue durée, ou en centre d'accueil; loin d'améliorer leur
santé, c'est une régression par rapport à ce qu'ils
vivaient Donc, si ça coûte 1175 $ pour un an de services à
domicile pour une personne âgée et que ça coûte 25
000 $ pour l'héberger en centre d'accueil et 44 600 $ à
l'hôpital, M. le Président, je pense que le gouvernement du
Québec doit faire un effort important pour mettre l'argent
nécessaire dans les soins de santé pour le maintien à
domicile.
À cet égard-là, je me pose aussi une
question, si dans les 200 000 000 $ que le ministre a présentés
dans sa réforme, on inclut les actes médicaux. M. le
Président, si les actes médicaux sont inclus dans cette enveloppe
budgétaire prévue par le ministre, ça va diminuer d'autant
les services qu'on pourra offrir, parce que le ministre a dit qu'il y aura en
clinique privée ou que des médecins se rendront à domicile
pour des services de santé. Alors, si le ministre a comptabilisé
dans cette mesure la rémunération des médecins qui vont
aller aux soins à domicile, à ce moment-là, M. le
Président, ça va être déduit sur les 200 000 000 $
et on ne pourra pas dire que les personnes âgées ou les
aînés vont recevoir la totalité des services dont ils ont
besoin et que ça améliorera grandement ce qu'ils reçoivent
présentement. Donc, j'aimerais ça, dans son intervention ou dans
la réplique que le ministre nous fera lorsque tout le monde sera
intervenu, qu'il puisse répondre à cette question-là pour
que je puisse informer la population, les aînés de mon
comté comme les aînés qui me posent des questions. Compte
tenu que c'est ma responsabilité, j'aimerais bien répondre
à cette question, si c'est à l'extérieur des 200 000 000 $
prévus ou si c'est à l'intérieur. J'aimerais bien
ça que le ministre puisse répondre à cette
question-là. M. le Président.
Une autre chose m'inquiète grandement au sujet des
aînés. On le sait, tout le monde le sait, très clairement,
que, lorsque tu atteins un âge plus avancé, 65 ans et plus, mais
je n'ose pas mettre d'âge parce qu'une personne de 65 ans peut être
bien en forme et bien vivante, et être aussi quand même sur le
marché du travail-Mais je parle d'une personne qui est en perte
d'autonomie. On sait que les aînés consomment beaucoup plus de
médicaments que d'autres personnes. On sait qu'ils ont des troubles, des
problèmes de santé beaucoup plus importants que d'autres
personnes qui sont d'un âge plus jeune.
Donc, à ce moment-là, la réforme du
ministre m'inquiète au point de vue des médicaments, au point de
vue de l'impôt que les personnes, les utilisateurs auront à payer
après
avoir consommé, à la fin de l'année, lorsqu'ils
feront leur rapport d'impôt, ça sera ajouté, le coût
des médicaments qui aura été remboursé sera
ajouté au revenu de cette personne-là. Et si on considère
que les personnes âgées du Québec pour la plupart, en
majeure partie, sont des gens à faible revenu, donc, des gens qui n'ont
pas le moyen, finalement, de rembourser des choses, des gens qui doivent payer,
qui doivent atteindre un certain point, ils ont de la difficulté parce
qu'ils sont obligés d'y penser longtemps d'avance pour mettre une petite
partie de leur revenu mensuellement pour en arriver à faire les
paiements qu'ils ont à faire sur différentes choses.
Donc, pensez donc, M. le Président, que s'il fallait qu'à
la fin, à la toute fin de l'année, sur leur rapport
d'impôt, ils soient obligés de comptabiliser les
médicaments qu'ils auront reçus, je pense que la
difficulté va être énorme pour eux autres. Et j'insiste
énormément auprès du ministre afin que cet
impôt-là ne soit pas comptabilisé pour les personnes
âgées. Je trouve ça regrettable que cette mesure-ià
ait été introduite dans la politique. Je pense que tout le monde
s'attendait à cette politique-là; on en avait tellement entendu
parler l'année dernière lorsqu'il y a eu la commission
parlementaire, et le ministre - je me souviens, souvent on posait des questions
- disait: Attendez que je présente ma réforme, vous allez avoir
des réponses aux questions que vous vous posez. Mais jamais j'aurais
pensé que le ministre aurait pu introduire une mesure comme
celle-là au niveau de sa politique et j'espère que les
interventions que nous aurons à faire de ce côté-ci feront
comprendre au ministre que cette mesure-là est inacceptable pour les
gens âgés.
M. le Président, je me suis laissé dire qu'il y aurait
à peu près la moitié des personnes retraitées qui
reçoivent des chèques de pension du gouvernement
fédéral qui seront obligées de rembourser les
médicaments ou les soins de santé, ou les soins de
l'optométriste, à peu près l'ensemble des services. Je me
suis laissé dire qu'il y en aurait à peu près la
moitié. C'est beaucoup, vous savez. Si on considère qu'il y a 780
000 personnes retraitées, au Québec, qui reçoivent des
chèques de pension, si tu dis: La moitié de ça, c'est 340
000 personnes qui devront, lorsqu'elles feront leur rapport d'impôt,
l'année prochaine, remettre au gouvernement une certaine somme d'argent
pour rembourser les médicaments qu'elles ont reçus. Donc,
ça m'inquiète, M. le Président. Et quand on parle aussi,
dans la réforme...
Le ministre parle de créer 7000 places en centres d'accueil d'ici
à l'an 2000. Vous savez, M. le Président, il y a un vieux dicton
qui dit que le passé est garant de l'avenir. Et comme ils ont fait 325
places, en centres d'accueil, de 1986 à 1989, quelle sorte de baguette
magique vont-ils utiliser pour faire 7000 places d'ici à l'an 2000? Je
vous assure que je suis un peu perplexe.
Je suis un peu perplexe. Il va falloir qu'on mette les boeufs devant la
charrue. Pas mettre la charrue devant les boeufs, mais les boeufs devant la
charrue pour que ça avance plus rapidement pour faire en sorte que les
7000 places, qui ne sont déjà pas suffisantes, soient mises de
l'avant pendant le processus d'établissement de cette nouvelle
politique. Mais ce que je souhaite le plus possible, c'est que...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, Mme la
députée de Johnson. J'ai besoin d'un consentement pour qu'on
puisse continuer nos travaux, en vous rappelant et en rappelant au leader
adjoint du gouvernement que vous avez droit encore à cinq minutes, Mme
la députée. Est-ce que j'ai un consentement pour qu'on puisse
continuer?
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Consentement pour...
Une voix: Très court.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...une minute.
Mme Juneau: Je vous remercie beaucoup. Je remercie mes
collègues de me donner la permission de pouvoir terminer mon
intervention. C'est toujours un peu difficile, M. le Président, de
reprendre à 20 heures quand tu as une erre d'aller. Non, je disais
simplement que je voudrais savoir si, éventuellement, le ministre va
vraiment mettre sur pied ces 7000 places en centres d'accueil. Et les 400 000
000 $ sur cinq ans, prévus pour la rénovation fonctionnelle des
centres d'hébergement, est-ce que ça va vraiment améliorer
la qualité de vie des hommes et des femmes qui sont en centres
d'accueil? Je me pose de sérieuses questions et je me pose des questions
aussi sur les foyers privés, les foyers clandestins. Je voudrais bien
que le ministre soit très clair là-dessus et qu'on mette de
l'avant des mesures qui vont faire en sorte que la personne âgée,
quelle qu'elle soit, si elle est obligée d'aller dans un centre comme
ça, soit protégée et soit respectée dans son plus
grand besoin fondamental qui est l'humain. Et elle devrait être
protégée contre les gens qui en abusent. Donc, M. le
Président, je souhaiterais que le ministre puisse répondre, dans
sa réplique, aux interrogations que je me pose, bien sûr pour
l'ensemble des personnes âgées du Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Johnson. Il est 18 h 30. Je suspends donc les travaux
jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 32)
(Reprise à 20 h 6)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonsoir. Si vous voulez
vous asseoir.
Nous étudions la motion du ministre de la Santé et des
Services sociaux, proposant l'adoption du principe du projet de loi 120, Loi
sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître
le prochain intervenant, M. le député de Richelieu. M. le
député.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je suis très
heureux et fier d'intervenir dans ce débat, débat pour adopter la
loi 120. La loi 120, c'est la réforme axée sur le citoyen, c'est
la réforme de la santé et des services sociaux. C'est une
réforme majeure après 20 ans d'expérience avec le
système de santé que nous connaissons. Dans les années
soixante-dix, le Parti libéral a réussi à mettre sur pied
une réforme et un système qui a porté fruit à
plusieurs citoyens, à des millions de citoyens du Québec et
aujourd'hui, pour s'ajuster, le ministre de la Santé et des Services
sociaux, M. Marc-Yvan Côté, a eu le courage d'aller de l'avant
avec cette réforme. C'est une réforme simple; c'est une
réforme axée sur le citoyen; c'est une réforme qui est
humaniste, réaliste et viable.
M. le Président, dans Le Devoir d'aujourd'hui... Je veux
rester seulement sur une partie de la réforme. Comme vous la connaissez,
c'est une réforme large. J'ai l'intention d'aborder un des nombreux
aspects de cette réforme présentée par le ministre, M.
Marc-Yvan Côté. Il s'agit de l'aspect concernant les personnes
handicapées. La réforme poursuit un certain nombre d'objectifs
intéressants qui méritent une attention bien spéciale,
puisqu'ils touchent des citoyens et des citoyennes aux prises avec une
déficience physique ou intellectuelle.
M. le Président, la société
québécoise, notre société, a fait beaucoup depuis
une vingtaine d'années, comme je le disais tout à l'heure, M. le
Président, pour limiter les inconvénients vécus par les
personnes aux prises avec des déficiences physiques ou mentales. Depuis
la fin des années soixante-dix, au Québec, nous avons investi
beaucoup d'efforts et beaucoup d'argent dans ce domaine et l'on se retrouve
aujourd'hui à l'avant-garde des pays industrialisés. Nous pouvons
citer dans le domaine des personnes handicapées la création de
l'Office des personnes handicapées du Québec, l'adoption du plan
d'action À part... égale. Bien sûr, on peut ajouter
à ça diverses mesures à l'emploi et à
l'éducation et au soutien de la vie quotidienne. Tout cela a permis des
progrès importants, mais certains des objectifs que la
société s'était fixés en matière
d'intégration n'ont pas encore été atteints. En outre, les
services d'adaptation et de réadapta- tion demeurent toujours
difficilement accessibles dans les régions éloignées. Les
familles des personnes handicapées doivent pouvoir compter sur des
ressources équitables. Quant aux personnes handicapées
elles-mêmes, les interventions doivent favoriser leur intégration
sociale et professionnelle ainsi que le maintien ou le développement de
leurs capacités fonctionnelles. En outre, des services doivent
être offerts le plus près possible de chez elles. Donc, beaucoup
reste à faire pour permettre à ces personnes d'avoir une place
dans notre société, une place dans leur société.
Certains des objectifs en matière d'intégration sociale et
professionnelle des personnes handicapées ou encore du maintien ou du
retour dans leur milieu de vie naturel doivent être
réaffirmés avec plus d'intensité et avec force. Et nous
pouvons constater ces objectifs dans la réforme que nous discutons
aujourd'hui.
À cet égard, et pour mieux adapter les services de
santé et les services sociaux aux besoins des personnes
handicapées, la réforme prévoit dans un premier temps
favoriser l'intégration sociale et professionnelle, dans un
deuxième temps maintenir et développer les capacités
fonctionnelles, dans un troisième temps offrir des services le plus
près possible du milieu de vie des personnes handicapées. Si nous
prenons le premier objectif qui est l'intégration sociale et
professionnelle, celui-ci est fondamental pour ces personnes. C'est la
façon la plus humaine pour notre société de faire en sorte
que ces citoyens, que ces citoyennes soient des membres à part
entière de notre population. Afin de favoriser l'intégration
sociale et professionnelle, M. le Président, le ministre, M. Marc-Yvan
Côté, entend prendre toutes les mesures pour atteindre ces
objectifs dans trois domaines particuliers.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la
députée de Johnson, sur une question de règlement?
Mme Juneau: Je m'excuse de déranger le collègue qui
est en train d'intervenir, mais ça fait trois fois qu'il nomme le
député par son nom et vous savez qu'en Chambre il y a un
règlement qui fait en sorte qu'il doit nommer le député,
soit par son nom de ministre ou par son nom de comté, mais pas par son
nom personnel.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous avez absolument
raison, Mme la députée de Johnson, et j'attire l'attention du
député sur le fait que chaque membre de cette Assemblée
doit être appelé par le nom de son comté ou par le nom de
son ministère. Alors, veuillez vous conformer, M. le
député.
M. Khelfa: Merci, M. le Président, mais de toute
façon je ne peux pas nommer la députée de
Johnson par son nom. Elle n'a rien fait dans ce débat.
D'ailleurs, le ministre - député de Charlesbourg et ministre de
la Santé et des Services sociaux - entend d'abord relancer et
réactiver le programme gouvernemental d'intégration à
l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, avec un
objectif de 2 % de la main-d'oeuvre employée.
Ensuite, il se propose d'intensifier les plans d'embauché
à l'intention des personnes handicapées dans les entreprises. La
contribution des personnes handicapées à notre économie
peut être fort appréciable. De fait, on l'a souvent
négligée, mais ce qu'on a surtout négligé, c'est la
reconquête d'une dignité pour ces personnes lorsqu'elles peuvent,
à la mesure de leurs capacités, bien sûr, contribuer
à l'activité économique de leur milieu.
C'est dans cette perspective que le ministre - sans mentionner son nom -
vous connaissez lequel, bien sûr... Le ministre qui a occupé le
siège du ministre actuel, entre 1976 et 1985, n'a rien fait dans ce
domaine. C'est pour cela, à ce moment, que je pourrai me permettre de
nommer mon collègue ministre responsable de ce dossier aujourd'hui. Mais
je ne veux pas m'attarder sur ça, M. le Président, et je veux
donner juste un exemple important que nous vivons, nous autres, dans le milieu,
chez nous, et j'espère que ça pourra se perpétuer et se
retrouver dans d'autres régions du Québec. Nous avons, chez nous,
un atelier spécialisé qui donne un service à ces personnes
handicapées - et je rends un hommage bien particulier à toutes
les personnes qui y travaillent - Les Ateliers Riverain, qui est allé
chercher un service externe de main-d'oeuvre spécialisée pour ces
personnes handicapées, qui leur a donné le goût de
travailler, qui a donné une capacité, une dignité à
ces personnes, d'un côté. D'un autre côté, la
société, nous autres, on réussit à profiter de ses
retombées économiques dans notre milieu. J'inviterai le ministre,
mon collègue, le député de Charlesbourg et ministre de la
Santé et des Services sociaux - ses initiales MYC, je ne l'ai pas
nommé, M. le Président - à venir visiter notre...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, s'il vous plaît! Je pense que vous devez vous
conformer au règlement. S'il vous plaît!
M. Khelta: Par respect pour la présidence, M. le
Président, je vais continuer mon discours en disant que
l'expérience que nous vivons chez nous, c'est une expérience
unique. Et j'espère que le ministre viendra visiter le milieu pour
constater par lui-même. D'ailleurs, il est bien au courant de ce qui se
passe.
Le troisième objectif prévoit le développement de
l'autonomie fonctionnelle chez les personnes handicapées. Au chapitre du
maintien et du développement des capacités fonctionnelles des
personnes handicapées, le ministre entend faire des choses importantes,
et c'est déjà mentionné à l'intérieur de
cette réforme.
La première action qu'il entend poser est la consolidation des
services externes en matière de stimulation précoce des enfants
et de développement des jeunes enfants présentant une
déficience intellectuelle dans les centres de réadaptation. On
sait que, dans certains cas, plus le repérage de la déficience
intellectuelle est fait en bas âge, plus il est possible d'augmenter les
capacités fonctionnelles de ces personnes atteintes de déficience
intellectuelle.
La seconde action que le ministre entend poser concerne, elle, le
développement des capacités fonctionnelles chez les
handicapés physiques. Le ministre entend affecter 650 places à la
réadaptation fonctionnelle intensive. Cette augmentation sera
évidemment fort appréciée par les handicapés
désireux de développer leurs capacités fonctionnelles.
J'en arrive maintenant au troisième et dernier objectif poursuivi
par la réforme concernant les personnes handicapées. Il vise le
rapprochement des services vers le milieu de vie des handicapés.
Afin d'offrir aux personnes handicapées des services le plus
près possible de leur milieu naturel, le ministre propose d'agir sur
trois plans: premièrement, une équipe multidisciplinaire en
adaptation-réadaptation pour les personnes ayant une déficience
auditive, motrice ou visuelle, dans les régions où ces services
de base ne sont pas disponibles; deuxièmement, augmenter le budget des
services de maintien à domicile pour les personnes handicapées et
celui des services de répit, dépannage et gardiennage pour leur
famille; troisièmement, il se propose de rendre disponible un plus grand
nombre de lieux d'hébergement adaptés pour les personnes adultes
atteintes de séquelles ou de déficiences. Voilà, M. le
Président, ce que contient en grande partie la réforme du
réseau de santé et des services sociaux pour les personnes
handicapées.
En guise de conclusion, j'aimerais rappeler jusqu'à quel point il
est important d'atteindre ces objectifs. Les personnes handicapées
demeurent encore, malgré une certaine ouverture d'esprit de notre
société, assez marginalisées, malheureusement, par rapport
à l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre
société. Le progrès que nous avons fait témoigne de
la pénétration au coeur de notre société des
grandes valeurs humanistes de notre époque. Si nous voulons faire en
sorte que la personne handicapée physique ou mentale rencontre de moins
en moins d'obstacles, afin de vivre le plus normalement possible en
société, nous devons tenter de préserver une
sensibilité à l'endroit de ceux et celles que la vie a
privés de moyens et de possibilités pour vivre comme l'ensemble
des citoyens et des citoyennes de notre société.
En terminant, M. le Président, c'est avec fierté que je
suis intervenu sur le projet de loi
120 modifiant notre système de santé et nous donnant une
réforme de santé digne, qui donne une dignité à
l'ensemble de nos citoyens. J'espère et je souhaite que le message du
projet de loi 120 sera un message clair qui viendra de l'Assemblée
nationale, que ce sera un vote unanime. D'ailleurs, jusqu'à
présent, on ne sait pas si l'Opposition votera contre ou pas, mais ce
sera très difficile pour l'Opposition de voter contre. Merci, M. le
Président. (20 h 20)
Une voix: Très bien.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Richelieu. Nous poursuivons le débat avec M. le
leader adjoint de l'Opposition officielle et député
d'Abitibi-Ouest. M. le député.
M. François Gendron
M. Gendron: Oui, M. le Président. J'estime qu'on ne peut
pas passer, comme parlementaire, sous silence une réforme aussi
importante, au moins par le sujet qu'elle touche. Je pense qu'il n'y a pas
personne en cette Chambre qui ne conviendra pas qu'il s'agit là d'une
réflexion majeure, importante où les citoyens et les citoyennes
du Québec ont été conviés depuis les quatre ou cinq
dernières années à toutes sortes de réflexions. Il
est certain que la réforme proposée a suscité
énormément d'attente. Il est certain également que cette
réforme touche plusieurs points importants que les parlementaires
devraient prendre le temps d'analyser en profondeur. Je suis convaincu que
c'est ce que nous aurons l'occasion de faire tout autant pour l'adoption du
principe du projet de loi que pour ses phases subséquentes.
Je ne peux pas toucher les 10, 11, 12 ou 13 points de la réforme,
je pense que le critique l'a fait globalement, c'est sa responsabilité;
certains de mes collègues vont toucher des aspects plutôt que
d'autres. Je vois déjà ma collègue de Marie-Victorin et je
suis pas mal sûr de ce qu'elle va toucher avec plus d'insistance, c'est
normal; je vois ma collègue de Johnson qui va sûrement toucher
avec plus d'insistance ce qui arrive aux personnes âgées dans
cette réforme, parce que c'est sa responsabilité.
Puisque 20 minutes c'est rapidement écoulé, je vais venir
tout de suite au fond de la réforme. Un point qui m'intéresse, il
y en a d'autres, mais celui qui m'intéresse énormément,
c'est d'avoir rappelé, je pense, avec raison, à l'article 3, que
la raison d'être d'une réforme quelle qu'elle soit, mais en
particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux, c'est
les services qui doivent être dispensés aux usagers, les personnes
qui doivent recevoir ou qui requièrent ces services-là. Je pense
que c'est fondamental de le rappeler, mais il faut être conscient de ce
que ça veut dire. C'est pour ça que ça m'intéresse
d'en parler, il faut être conscient, à partir du moment qu'on dit
ça et qu'on y croit, qu'il faut, quel que soit l'endroit où
quelqu'un requiert des services de santé, des services sociaux, qu'il
puisse les avoir autant que possible de même nature, de même
qualité et à des coûts comparables. Ça veut dire
concrètement, vous vous en doutez, que je vais traiter de l'aspect de la
régionalisation et de l'accessibilité dans les
régions.
Je ne suis pas sûr que, même si on est en 1990, les
régions ont bénéficié jusqu'à date de
services équivalents pour le prix que nous payons, parce qu'on peut bien
parler de gratuité, mais, moi quand je vois mes impôts, quand je
regarde mon chèque de paie et que je vois ce qu'on m'enlève pour
que la société me donne des services ou m'offre des services, je
ne suis pas mal à l'aise de recevoir certains services, parce que ce
n'est pas trop gratuit; quand on regarde le niveau d'impôt que nous
avons, quand on regarde le niveau de services que la société
québécoise offre, on ne peut pas parler précisément
de gratuité. Ce point-là, je veux le développer pendant
quelques minutes. Moi, j'estime, vu les mesures dans une réforme majeure
de santé, qu'il faut applaudir à la dimension d'une plus grande
prise en compte de services dans les régions et, ça, je pense que
le ministre de la Santé et des Services sociaux a compris cet
aspect-là. C'est présent dans la réforme et ce point de
vue, en ce qui me concerne, est très intéressant, parce qu'on
sent la préoccupation - et c'était une réalité qui
a été discutée lors de la commission Rochon, c'est une
réalité qui était présente au Parti
québécois puisque lui-même, dans son annonce, l'annonce
qu'il a faite à tous ses commettants, indiquait que, sur ces
aspects-là, nous étions des alliés naturels.
Donc, M. le Président parce que 20 minutes, c'est vite
écoulé, la régionalisation et la décentralisation,
en ce qui me concerne, vous avez là une personne qui est
intéressée par ces questions-là et c'est évident
que je suis heureux de voir la dimension de meilleurs services et l'assurance
que les services seront plus facilement dispensés par des régies
régionales qui auront à superviser, à voir à ce que
les citoyens puissent recevoir une qualité égale de services.
Moi, ça me satisfait et je trouve que c'est une bonne disposition, une
bonne mesure. L'article 3 me plaît et je suis très heureux de
cette disposition-là.
Deuxième commentaire, parce que, encore là, le temps file
rapidement, c'est sur les structures. Moi, je ne peux pas faire un long
discours sur les structures. C'est plus le contenu qui m'intéresse. Mais
il est important de dire ici que le ministre, effectivement, a touché
à plusieurs structures. Rapidement, il a rappelé que ça
appartient au ministère de la Santé et des Services sociaux de
déterminer les grandes priorités et les grands objectifs.
D'accord. Ça appartient au ministère d'élaborer des plans
pour
les régions, d'approuver les projets d'immobilisations, de
négocier les ententes et les conventions collectives. Ça, c'est
toutes des imputations - je vais prendre cette expression-là -
ministérielles. Moi, j'applaudis, je dis: C'est correct, c'est sur la
bonne voie.
Deuxième élément dans les structures, que je veux
traiter rapidement, les régies régionales. Je suis pour
ça, sincèrement. Je pense que c'est une voie d'avenir, mais
attention! Attention! Si c'est pour devenir des bureaucraties aussi
hermétiques et aussi encrassées que les CRSSS dans certains cas,
bah! on ne sera pas plus avancés, parce que, structure pour structure,
il faut faire attention, ce n'est pas l'appellation d'une structure qui nous
donne les garanties souhaitées. Mais je pense que, quand le ministre dit
ceci: Mettre en oeuvre les programmes élaborés par le
ministère, assurer la participation des usagers à la gestion du
réseau, ça, c'est important, et j'espère que le ministre
va être vigilant là-dessus, pour s'assurer qu'effectivement les
régies régionales assurent la participation des usagers et
assurent également la bonne gestion du réseau dans un souci
d'équité, dans un souci de bonne répartition des
ressources, dans moins de "jalouseries", moins d'habitacles
protégés, batailles rangées entre les D.G.
d'hôpitaux versus les directeurs généraux des CLSC. Il va
falloir que ça cesse, ça, M. le Président, parce qu'on ne
pourra pas parler de réforme majeure si on n'a pas la garantie que les
régies auront un pouvoir très important dans une gestion
équilibrée, souple, décentralisée et respectueuse
des besoins des citoyens, et ça, c'est fondamental.
Il y a un élément aussi, plan d'organisation et de
services sur le territoire. J'en profite pour passer mon message. Le territoire
du Québec, M. le Président, il est vaste, il est grand. Et le
territoire dans une région, quand on parie d'une régie, ça
veut dire également...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président, je m'excuse auprès de
mon collègue, il n'y a personne en avant, sauf la whip adjointe et le
whip adjoint. Il y a deux personnes du parti au pouvoir. Ça n'a pas de
bon sens. Mon collègue a une bonne intervention à faire. Je veux
qu'ils soient là.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si je comprends
bien, vous voulez demander le quorum. Alors, qu'on appelle les
députés.
Alors, nous poursuivons les travaux et nous sommes toujours sur le
projet de loi 120 proposé par le ministre de la Santé et des
Services sociaux, projet de loi sur les services de santé et les
services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
J'invite le député d'Abitibi-Ouest à pousuivre son
intervention. (20 h 30)
M. Gendron: Alors, je disais, M. le Président, sur cet
aspect-là, que le ministre a un bon point à l'effet que les
régies régionales puissent avoir la responsabilité de
déterminer les priorités régionales d'intervention,
évaluer les effectifs, mais j'en arrivais à mon petit point.
Quand on a parlé de services sur le territoire, je prétends que
ça inclut les petites communautés de base. Ce n'est pas parce
qu'on est petit au Québec qu'on n'a pas le droit d'avoir des services de
qualité. Et je rappelle toujours - ça n'a pas l'air d'être
connu de l'autre côté de cette Chambre -qu'il y a 780
municipalités au Québec de moins de 800 de population. Alors,
c'est une réalité du Québec de 1990, tel que nous le
connaissons et que nous l'aimons. Dans ce sens-là, ces
communautés-là ont le droit, elles aussi, à une
dispensation de services de qualité et j'espère que les nouvelles
régies auront le souci de cette réalité pour s'assurer que
les communautés de base puissent, elles aussi, avoir des services.
Quant au reste, un commentaire sur les CLSC, parce que je ne peux pas
vous parier des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse qui vont
remplacer les CSS, d'autres le feront, ni des centres de réadaptation,
parce qu'il y a d'autres structures qui sont touchées; je dis tout
simplement: Pour ce qui est des CLSC, M. le Président, il sera
fondamental, si on veut que ces gens-là puissent faire de la
première ligne, de les outiller pour qu'ils puissent en faire. Je n'ai
pas la conviction objectivement à ce moment-ci que la plupart des CLSC,
je pense aux deux miens que je connais bien et à un autre qui est dans
le comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, mais que je connais bien
également pour avoir travaillé avec ces gens-là pendant
plusieurs années... Avant de leur confier des responsabilités
additionnelles, ce qu'ils souhaitent, et de pouvoir s'occuper convenablement de
services de première ligne et faire des offres de services de
santé et de services sociaux de nature préventive, curative, de
la réadaptation, de la préinsertion, il va falloir s'assurer que,
dans certains cas, au moins les enveloppes d'effectifs prévues soient
complétées, car, dans certains cas, il y a des CLSC qui n'ont
même pas ce qu'on appelle l'enveloppe de base qu'ils devraient avoir pour
opérer convenablement. Écoutez, on ne peut pas parier longuement
de réforme certaine avec des effets positifs, si on ne s'assure pas que
les CLSC, avec lesquels je suis complètement d'accord d'envisager
d'offrir des services additionnels, n'ont pas les éléments requis
et, dans certains cas, pour les CLSC, les éléments requis,
ça veut dire plus d'effectifs et, dans d'autres cas, des enveloppes
complètes.
Le quatrième point que je voudrais toucher, parce qu'on ne peut
pas passer ça sous silence... Et, là, j'arrive dans des
éléments plus critiquables de la réforme. Parce que tous
ses collègues vont dire: Bravo, M. le ministre, vous avez fait quelque
chose d'envergure, vous êtes un homme
fort, tous les autres n'ont pas passé au travers, vous, vous
allez passer au travers. On ne peut pas passer sous silence des mots parce que,
dans le dictionnaire, ça veut dire telle ou telle affaire.
Écoutez, quand l'ex-collègue dit elle-même que le ticket
orienteur, c'est un ticket modérateur, c'est drôle, mais,
objectivement, je suis porté à prendre davantage sa version. Je
ne sais pas si vous m'en voulez, mais je suis porté à prendre
davantage sa version que celle des collègues qui vont se
répéter les uns à la suite des autres en disant: Non, non,
il n'y a pas de ticket modérateur, c'est un ticket orienteur. Bon, je
n'ai pas 12 ans, je n'ai pas besoin de regarder dans le dictionnaire, c'est un
ticket modérateur. est-ce que je fais un drame pour les 5 $? je vais
être très clair, je réponds: non, je ne fais pas un drame
pour les 5 $; je fais un drame pour la percée qu'il crée dans un
principe qui nous était cher, qui est cher à la
société québécoise, qui s'appelle
l'accessibilité universelle. et le jour où on fait une
brèche et que, dans la loi, le ministre se donne la capacité de
multiplier les brèches - là on parle d'un ticket orienteur de 5 $
- moi, je dis deux choses: premièrement, c'est un ticket
modérateur et, deuxièmement, on ouvre une brèche
dangereuse, et on commence à créer des classes de citoyens. on
commence à créer des catégories.
On commence à avoir des doutes sur fa capacité que cette
mesure puisse donner les effets souhaités et, quand on a la conviction
qu'une mesure, M. le Président, ne peut donner les effets
souhaités, bien, écoutez, je comprends mal, de l'autre
côté, qu'on n'accepte pas qu'on la critique. Quand on a la
conviction que quelque chose n'obtiendra pas les fins pour lesquelles on le
prévoit, c'est de notre responsabilité d'élaborer
davantage et de soulever les questions qu'on soulève. Puis, surtout
quand ça pose des doutes sur son application. Qui va gérer la
petite caisse à l'urgence? Qui va prendre la décision quant
à savoir s'il s'agit d'un cas d'urgence? Est-ce qu'on va tenir compte
des distances? Il y a des gens qui sont près d'un hôpital; il y a
des gens qui sont très éloignés d'un CLSC. Est-ce que, par
réflexe, compte tenu des coûts personnels, parce que c'est
ça que ça veut dire quand on entache le principe
d'accessibilité... Il y a des gens qui savent gérer leur
portefeuille et, compte tenu des coûts personnels que ça va
engendrer, ça va modifier des comportements.
Or, au niveau de la santé, M. le Président, le seul
comportement qu'on devrait modifier, c'est de travailler davantage sur la
prévention, travailler davantage sur toutes sortes de méthodes
qui permettraient que de moins en moins de citoyens et citoyennes du
Québec aient des besoins en santé et services sociaux parce qu'il
y a un coût social, puis il est dispendieux. Alors, toutes ces
mesures-là pour éduquer les gens, les habiliter à avoir
des mesures préventives plutôt que curatives, nous, on applaudit
là, mais on n'acceptera pas facilement que nous entravions le principe
de la gratuité. Puis, le ticket orienteur, à un moment
donné, peut-être que l'orienteur va grossir. L'orienteur va se
mettre à grossir, ça va faire effet de boule de neige. Puis,
à un moment donné, il va passer à 10 $, puis à 20
$, puis à 25 $, puis après ça, bien, qu'est-ce que tu
veux? les coûts justifieront toutes sortes d'augmentations. Nous,
là-dessus, on ne peut pas être d'accord.
L'impôt à rebours, il y a des spécialistes qui
pourraient vous expliquer ça. Moi, tout ce que je vous dis, je
n'embarque pas dans la mécanique: Mais qu'est-ce que c'est encore, cette
afffaire-là? Et vous remarquerez que ceux qui ont eu à
apprécier la réforme, la plupart ont eu des commentaires assez
acerbes concernant l'impôt à rebours. Parce que, là, ce
sont des personnes qui ont moins le moyen qui vont être touchées
par ça et c'est souvent des outils ou des éléments
essentiels à certains problèmes que des individus
éprouvent dans la société, que ce soit les aides
visuelles, que ce soit les aides auditives, que ce soit toutes sortes de
prothèses, que ce soit les appareils orthopédiques, les
dispositifs pour les personnes handicapées, les médicaments pour
les personnes âgées.
Moi, je fais juste une réflexion très simple, M. le
Président. Pensez-vous que les personnes âgées prennent des
médicaments parce qu'elles aiment ça, règle
générale? Moi, j'en connais un peu de personnes
âgées, puis, règle générale, les personnes
âgées ne prennent pas des médicaments parce qu'elles aiment
ça. Elles prennent des médicaments parce qu'elles s'en sont fait
prescrire, parce qu'il y a des médecins qui les ont rencontrées,
puis ils ont dit: Écoute, tu devrais prendre telle médication,
puis telle autre médication, puis telle autre médication. Donc,
le problème de la surconsommation de médicaments, c'est
uniquement les personnes âgées? Non, moi, je ne marche pas
là-dedans. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas uniquement les
personnes âgées, M. le Président, c'est également
tous les praticiens, puis les cliniciens, puis les gens qui sont dans le
système. Quand on fait une réforme, il faut regarder
également comment se comportent les gens à l'intérieur
d'un système et ce bout-là, je vous dis qu'il n'est pas largement
couvert, M. le Président, parce que ce n'est pas pour rien quand on dit:
La réforme Côté escamote les services sociaux,
déplorent les travailleurs sociaux insastisfaits. Évidemment, je
citais un article de journal. Bien, moi, il me semble qu'ils ont un peu raison
parce que cette dimension-là dans la réforme n'est pas
présente trop, trop.
La réforme de la santé est assez présente et je
vous l'ai dit tantôt, globablement, nous, on l'achète. Là
où on ne marche pas, je l'ai dit, c'est impôt à rebours,
puis ticket modérateur. Puis, je ne prendrai pas trois jours pour
répéter les mêmes arguments parce qu'il y a d'autres
choses dans la réforme. Il y a d'autres choses que le ticket,
puis l'impôt à rebours. Mais j'ai cherché un peu dans la
réforme les éléments plus probants concernant les
travailleurs sociaux, puis, eux autres, ils se disent insatisfaits parce qu'ils
disent: La santé prend la part du lion, puis les services sociaux
reçoivent la part de la souris. La présidente de la Corporation
professionnelle, des travailleurs sociaux, Marie Émond, a
évoqué cette image. C'est une image, mais ça illustre
beaucoup. Ça illustre que les services sociaux avaient été
escamotés dans cette réforme. Puis elle le dit, elle dit: Je
remercie le ministre au moins d'avoir eu l'honnêteté de dire qu'il
n'y avait pas encore de solution à offrir à ces gens-là.
Mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas de solution à offrir à ces
gens-là qu'il n'y a pas de questionnement qu'il nous appartient de faire
pour s'assurer que, dans la réforme globale de la santé et des
services sociaux... Parce qu'il n'est pas ministre de la Santé
uniquement, le ministre actuel, comme tous les autres. Il est ministre de la
Santé et des Services sociaux et la dimension services sociaux à
une population, c'est une dimension majeure, importante, et il ne
m'ap-paraît pas que cet aspect de la réforme est bien couvert. (20
h 40)
Je voudrais maintenant vous parler - toujours pour les mêmes
raisons du temps, on ne peut pas tout toucher - du financement de la
réforme. Moi, je pense que le ministre avait d'excellentes suggestions
quand il disait: Bon, je vais prévoir un certain nombre de mesures pour
corriger des inconvénients du système: 7000 places de plus en
soins de longue durée, c'est intéressant. Nous, on dit: Ce n'est
pas assez, mais c'est intéressant. On ne peut pas nier ça. Et
2000 lits de courte durée: très intéressant. On ne peut
pas nier ça. Accélération de la rénovation de
certaines salles d'urgence. Oui, ça presse, ça urge.
Je recevais une lettre d'une de mes concitoyennes, pas plus tard que la
semaine dernière, qui me racontait comment elle a vécu un
transfert de son mari de l'unité d'urgence de l'hôpital d'Amos -
où ça s'est très bien passé - à
l'hôpital Saint-François d'Assise où, malheureusement,
ça s'est moins bien passé. Il y a des raisons pour lesquelles
ça s'est moins bien passé. Et là, ce n'est pas le temps de
faire l'apologie de ce cas-là, M. le Président, mais c'est le
temps de dire que, quand le ministre prétend qu'il y a lieu de
procéder avec urgence à des réfections, à de la
modernisation, à un accroissement de la recherche et du
développement, à du rattrapage en formation professionnelle,
à l'accroissement du nombre de travailleurs sociaux dans les
écoles, à l'implantation du système de
référence téléphonique, à l'augmentation des
budgets pour des services de répit, il a raison.
Notre problème, M. le Président, c'est que ça prend
du fric, ça prend de l'argent et non pas de l'argent de Monopoly, du
vrai argent. Et du vrai argent, de ce temps-ci, vous admettrez qu'avec toutes
les coupures, avec la facture qu'on est en train de pelleter dans la cour du
contribuable en plus de son niveau de taxation très élevé,
on va avoir un problème de crédibilité. À quelle
place vont-ils trouver cet argent-là? Le ministre dit: Je vais confier
en plus des nouvelles responsabilités aux CLSC. Et, là, nous, on
veut bien dire qu'on a confiance au ministre, mais la facture est importante,
la somme est majeure. Ce sont des centaines de millions qui sont requis. Nous,
on a évalué que c'est 120 000 000 $ par année. Est-ce que
120 000 000 $ par année, M. le Président, c'est suffisant, avec
la hausse prévue de la croissance de 3 %, uniquement, de son enveloppe?
Nous, on dit: Permettez-nous d'avoir de sérieux doutes, M. le
Président. Et, dans ce sens-là, si la réforme n'offre pas
plus de garanties quant aux aspects qui sont ultimement requis d'être
faits, bien, on a le droit, nous, de se poser des questions.
Sur le financement des mesures, je ne pense pas qu'il faille, à
ce moment-ci, dire autre chose que ce que je viens d'indiquer, mais c'est
sûr que lors des autres étapes, en commission parlementaire, on va
fouiller davantage ces questions-là pour s'assurer, M. le
Président, que le financement des mesures proposées soit concret,
réel et qu'on ait la garantie, l'assurance qu'il accompagne les
éléments de la mesure.
On m'indique qu'il me reste deux minutes. Je voudrais terminer, dans les
deux minutes qui me restent, en portant le jugement suivant. Lorsqu'un ministre
fait une réforme, quel qu'il soit, je pense, M. le Président,
qu'il est très important de nuancer et d'apprécier le jugement
qu'on peut porter sur la réforme en ne regardant pas juste un
élément, mais en regardant l'ensemble des éléments
qui sont couverts par la réforme. Je le dis comme je le pense,
globalement, c'est une bonne réforme. Est-ce que la réforme
soulève beaucoup d'interrogations? Selon moi, oui. Est-ce qu'il y a des
éléments de la réforme qui ne sont absolument pas
prenables en ce qui nous concerne? La réponse est encore oui, au niveau
du ticket. Et ce n'est pas les 5 $, en ce qui me concerne - parce que
ça, c'est plus personnel - moi, c'est la ligne, la tendance,
l'espèce d'entrave, d'ouverture, de brèche que ça
crée et qui peut être dangereuse pour l'avenir. Et l'impôt
à rebours, on y repassera en ce qui me concerne. Et sur les jugements
qui sont portés par différents intervenants, il y a certains
éditorialistes qui ont dit: Bon, bien, en attendant la réforme,
quand la réforme a été déposée. Donc,
là, tous les beaux discours qu'on va entendre, l'espèce de
béatitude prosternatrice, ça m'ennuie toujours, de l'autre
côté. Alors, soyez au moins critiques.
Moi, je pense que oui, il y a de bons éléments, je l'ai
dit, mais est-ce que c'est une
réforme qui va faire que ça va être ça, ma
joie de Noël, là? Moi, non. Il y a des éléments,
là-dedans, qu'on a le droit de questionner. Il manque pas mal de boules
dans l'arbre de Noël, en termes de réforme. Il y a des choses qu'il
va falloir corriger. Entre autres, sur les personnes âgées, les
jeunes et toute la dimension des drogues, il y a un problème. Il
y a un problème sérieux parce que cette dimension-là n'est
pas assez présente.
Conclusion. Moi, j'estime qu'il s'agit là - en conclusion, M. le
Président - d'une excellente réflexion d'envergure, une
réforme qui touche passablement de points et qui donne suite au rapport
Rochon et à beaucoup de choses sur lesquelles, nous, on avait
levé le tapis, la poussière du tapis. Mais il y a certains
aspects sur lesquels nous avons, je pense, le droit et le devoir, comme
Opposition, d'être vigilants, d'être tenaces et de s'assurer que de
bonnes discussions puissent permettre d'améliorer cette
réforme-là. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Mme la députée de
Johnson.
Mme Juneau: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.
Mme Juneau: ...avant que ne commence une autre intervention,
parce que je déteste déranger un collègue pendant qu'il
fait son intervention, ça n'a pas de bon sens, il n'y a personne en
avant de nous. Je comprends qu'ils ont toutes sortes de choses, mais dans
l'extrait de la loi, à l'article 8 sur le quorum, on dit: Toutefois,
lorsqu'une commission de l'Assemblée nationale siège, ce quorum
est réduit au dixième des membres, y compris le
président." Il y a quatre personnes de l'autre côté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien,
vous me demandez...
Mme Juneau: Ça n'a pas de bon sens.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...de vérifier le
quorum, ce que je vais faire. alors, qu'on appelle les députés.
alors, nous poursuivons les travaux de cette assemblée. je suis
prêt à reconnaître le whip adjoint du gouvernement et
député de papineau. m. le député.
M. Norman MacMillan
M. MacMillan: Merci, M. le Président. On me permettra de
débuter mes remarques par une citation dans un document intitulé
"Une réforme axée sur le citoyen", rendu public par le ministre
de la Santé et des Services sociaux. "Les orien- tations et les mesures
qui suivent visent le même but: recentrer le système sur des
objectifs plutôt que sur les moyens, l'orienter en fonction des besoins
de la personne, de ses problèmes et de ses attentes, lui permettre de
s'ajuster à ces besoins avec souplesse et rapidité; bref, placer
la personne au centre du système." Fin de la citation que l'on retrouve
dans le préambule de la réforme annoncée et axée
sur le citoyen. Voilà la phrase clé de toute l'articulation des
politiques envisagées pour les mois et années à venir dans
le secteur de la santé et des services sociaux.
Cette réforme survient après cinq années de
travail, de consultations publiques et d'échanges entre les
intervenants. Les constats ou l'état de la situation sont tirés,
pour la plupart, de la commission Rochon dont les commissaires ont fait le tour
de toute la question de la santé au Québec pour transmettre leurs
recommandations au gouvernement québécois. Ainsi, cette
réforme identifie les acquis du système dont plusieurs
éléments ont été protégés, en
même temps que les changements qui devaient être introduits.
Bien qu'ayant franchi des pas de géant en matière de
santé, le Québec a évolué à un point tel que
la situation impose, aujourd'hui, de nouvelles exigences qui ne pourront que
favoriser une dynamique meilleure pour le développement, le financement
et le fonctionnement du système dans son ensemble. En
réalité, dans ce secteur d'activité, nous sentons ce
besoin de garantir aux Québécoises et aux Québécois
l'utilisation la plus efficace possible des ressources investies. (20 h 50)
Une telle réforme ne pouvait être envisagée sans
fixer un certain nombre de défis à relever. Ils sont de trois
ordres: assurer un développement qui corrige les lacunes actuelles dans
la dispensation des services offerts à la population et qui permette de
répondre aux besoins de demain; assurer un fonctionnement qui rende le
réseau de la santé et des services sociaux plus efficient dans
l'utilisation des ressources, et plus efficace dans la solution des
problèmes de santé et de bien-être; troisièmement,
assurer un financement qui maintienne un juste équilibre entre les
dépenses du réseau et la capacité de payer de la
collectivité.
M. le Président, certains défis décrivent, à
eux seuls, l'ampleur de ce qui attend le Québec au cours des prochaines
années en matière de santé et de services sociaux. On le
voit bien, il s'agit bel et bien d'une réforme globale qui touche toutes
les institutions, réoriente les structures et alloue les ressources
humaines et financières avec parcimonie.
On l'a vu, également, M. le Président, cette
réforme a pour but de replacer le citoyen en tant que consommateur, en
tant que décideur et en tant que payeur. Le citoyen est tout cela
à la fois, d'où la complexité de la réforme
envisagée.
En tant que consommateur, le gouvernement estime que le réseau
doit s'ajuster à l'évolution des besoins et des problèmes
des citoyens. Le réseau doit également faire face aux attentes
nouvelles en matière d'humanisation des services. En tant que
décideur, le citoyen doit pouvoir influencer les orientations et
l'organisation du système de santé et de services sociaux. En
tant que payeur, le principe repose sur la capacité de payer des
citoyens. La mise en place de notre système a nécessité
des investissements majeurs dont les résultats ont, à coup
sûr, amélioré la qualité de vie du
Québec.
Cependant, si le principe de la gratuité s'applique dans une
gamme de services, pour la collectivité québécoise, il en
va tout autrement. En effet, la réalité brutale des chiffres
révèle que nous possédons un système de
santé extrêmement dispendieux dont nous devons assumer les frais
un jour ou l'autre. Aussi, la réforme aborde de front le financement du
système, en tenant compte de toutes les particularités des
clientèles qui utilisent les services de santé et les services
sociaux. L'objectif du gouvernement consiste à faire preuve
d'équité et de justice à l'égard de toute la
population québécoise, quelles que soient sa richesse, sa
situation socio-économique et son origine ethnique.
M. le Président, un des volets intéressants de cette
réforme repose sur le pouvoir des régions. Ainsi, dans chacune
des régions du Québec, modelées selon les territoires des
MRC, une régie régionale sera créée et remplacera
les actuels conseils régionaux de la santé et des services
sociaux. On comptera, en fait, 17 régions puisque, dans le Grand-Nord
québécois, seront créées des régies pour les
Inuit et les Cris.
Certes, il reviendra au ministre de la Santé et des Services
sociaux de définir les grandes orientations et les grands objectifs du
secteur. Il élaborera et surveillera la mise en application des
politiques et des programmes, et verra à répartir
équitablement les ressources humaines, financières et
matérielles. Le ministre verra aussi à l'agrément des
établissements et à la négociation des conventions
collectives. Pour leur part, les régies régionales
décideront de l'organisation des services sur leur territoire. Elles
alloueront les budgets aux établissements et aux organismes
communautaires et coordonneront l'action des cabinets de professionnels. Les
régies disposeront de leur portion régionale de l'enveloppe de la
Régie de l'assurance-maladie. Les régies devront, en plus,
présenter des plans régionaux de soins et de services
détaillés, et devront recenser avec précision les
établissements et cabinets privés. Le but recherché est de
rationaliser les services dans un même région, de s'assurer qu'il
n'y ait plus de chevauchements, et de donner au citoyen un droit de regard
réel dans les établissements et dans la structure
régionale qui chapeaute les établissements.
En quelques minutes, il m'apparaft impossible d'analyser tous les
tenants et aboutissants de cette vaste réforme, mon objectif
étant plutôt d'en dresser un aperçu général
qui repositionne le citoyen dans un système rendu complexe avec le
temps. Il est important de souligner que les acquis essentiels du
système de santé québécois demeurent et, pas de
doute, que la qualité de vie des citoyennes et des citoyens du
Québec n'en sera que meilleure.
En somme, le gouvernement libéral entreprend cette réforme
dans la perspective d'une gestion meilleure des fonds publics, en tenant compte
non seulement des services qui devront être offerts à la
population, mais également en fonction de la capacité de payer de
la population québécoise. De plus, les régions y
trouveront leur compte, comme on l'a décrit précédemment,
par le biais de la création des régies régionales dont la
tâche principale consistera à évaluer, identifier et
recenser les ressources mises à la disposition des citoyens.
Ce volet de la réforme de la santé m'ap-paraît
d'autant plus essentiel que depuis longtemps l'on discute de la
décentralisation nécessaire vers les différentes
localités du Québec. Pour atteindre un succès dans cette
opération, on comprendra qu'une nécessaire concertation entre les
agents impliqués de près ou de loin dans le secteur de la
santé et des services sociaux s'imposera.
Les municipalités, de leur côté, devront
également collaborer à la mise en place de cette vaste
réforme qui intervient après 20 années de pratique, dont
les effets ont été plus que positifs pour l'amélioration
de la qualité de vie des Québécoises et des
Québécois. C'est à un véritable sens des
responsabilités des citoyens que le gouvernement fait appel pour que
cette réforme puisse s'articuler de façon cohérente et
tienne compte de l'ensemble des objectifs poursuivis dans le cadre de la
planification élaborée depuis les cinq dernières
années à l'issue des commissions parlementaires tenues sur le
sujet, ainsi qu'à l'issue des audiences publiques.
C'est dans un climat de confiance que le gouvernement prévoit le
succès de toute cette entreprise, de la même façon qu'il y
a 20 ans c'est un gouvernement libéral qui a fait en sorte que la
population québécoise ait accès à un réseau
de santé et de services sociaux complet et efficace. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet):Merci, M. le
député de Papineau.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur le même sujet,
je suis prêt à reconnaître la prochaine intervenante, mme la
députée de marie-victorin. Mme la députée.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Je vois que
l'exubérance de l'autre côté est très
particulière à ce moment-ci; j'espère qu'elle se
maintiendra tout au long de la soirée.
Quand on parle de la réforme, bien sûr, il y a des bons
points. Il y a même des points très forts dans cette
réforme, mais, par contre, il y a toujours un mais, il faut parler aussi
des points qui sont acceptables et des autres. Entre autres, quand on parle des
autres, bien sûr, je fais référence au ticket orienteur.
Certains et même pour une ancienne ministre du Parti libéral, qui
était l'ancienne ministre de la Santé et des Services sociaux
l'appelait plutôt un ticket modérateur qu'un ticket orienteur. Les
effets pervers aussi; on pourrait parler de l'impôt à rebours.
Bien sûr que ça fart partie des notes discordantes de cette
réforme, mais c'est vrai que c'est inacceptable, en tout cas à ce
stade-ci de révolution sociale, quand on sait à quel point, de
plus en plus, le tissu social de notre société est en train de
s'effriter. Je crois qu'au lieu de taxer la maladie on devrait plutôt
favoriser la prévention et maintenir les gens dans un état de
santé et favoriser l'environnement social.
Et, malheureusement, dans cette réforme, il y a des aspects qui
ont été négligés et des aspects qui seront de plus
en plus importants dans notre société parce qu'il se passe de
nouveaux phénomènes; des phénomènes sociaux pour
lesquels nous n'avons pas nécessairement développé une
expertise ou des ressources qui pourraient répondre le plus
adéquatement à ces nouveaux besoins, à cette nouvelle
demande qui est de plus en plus en progression. Notamment, je fais
référence à un phénomène qui est de plus en
plus important et même très impressionnant dans notre
société, c'est le problème de la consommation abusive des
drogues; que ce soit l'alcool, que ce soient les médicaments ou que ce
soient aussi les drogues dures et même aussi toutes les autres formes de
drogue, on s'aperçoit que de plus en plus, dans notre
société, il y a une consommation abusive, avec des
conséquences dramatiques qui touchent tous les différents groupes
d'âge de notre société, mais plus particulièrement
et plus durement, en fait, nos jeunes. À ce moment-ci, on se serait
attendu que le ministre avec sa réforme apporte une attention
particulière à ces nouveaux phénomènes, à
cet aspect de notre société qui demande justement qu'on apporte
une réflexion en profondeur, une réforme en profondeur et
même une politique qui convient à ces phénomènes et
qui apporte des solutions. Mais, encore là, nous devons rester sur notre
appétit, M. le Président. (21 heures)
J'aurais pensé qu'au niveau de la réforme, au chapitre de
la toxicomanie, alors que nous sommes déjà en retard sur ce
volet, nous aurions eu beaucoup plus que ce qui a été
apporté dans cette réforme. On ne peut que constater,
malheureusement, que ce qui avait été proposé par
l'Opposition, en ce qui concerne la création d'un conseil
québécois en toxicomanie qui aurait favorisé la
coordination de l'ensemble des activités sur le territoire
québécois, aurait permis un meilleur service à l'ensemble
des différentes clientèles dans tout le Québec, M. le
Président, en tenant compte des particularités des
régions, mais en misant sur l'expertise et la mise en commun de cette
expertise des différents intervenants dans les différentes
régions du Québec-Peine perdue, M. le Président, nous
devrons malheureusement attendre encore je ne sais pas combien de temps,
peut-être le temps qu'on prenne le pouvoir, pour mettre en application
cette réforme qui s'impose actuellement quand on parle du
problème de la toxicomanie. Nous, nous y croyons à cette
concertation, à cette coordination qui est si vitale pour l'ensemble des
gens qui interviennent dans ce milieu. Encore une fois, nous allons être
obligés de vivre de façon éparse. Les différents
services qui seront donnés dans ce champ d'activité, en fait, au
niveau de la réadaptation ou dans le domaine de la prévention ou
encore, M. le Président, en ce qui concerne les données fiables
pour avoir une meilleure intervention... Peine perdue, M. le Président.
Dans ma région, la Montérégie, j'essayais de savoir les
données exactes de jeunes qui ont cogné à la porte de
centres de réadaptation pour avoir des services, et personne ne pouvait
me donner ce genre d'information parce qu'il n'existe actuellement aucune
donnée, aucun centre de données sur les besoins en
réadaptation au niveau de la toxicomanie. D'autant plus que vous savez
très bien qu'il n'existe pratiquement aucune ressource pour
répondre aux besoins des jeunes. Bien sûr qu'il existe des
ressources en réadaptation, en toxicomanie, en désintoxication
pour les personnes âgées au niveau des problèmes
d'alcoolisme, mais encore faut-il en trouver pour les jeunes, M. le
Président, et c'est difficile, actuellement, de trouver des ressources
dans le secteur public qui permettraient justement de répondre
adéquatement aux besoins de ces jeunes qui sont aux prises avec ces
phénomènes de plus en plus épouvantables. On en a de plus
en plus et ça commence très très tôt.
Quand on parle d'une réforme et de tout le volet de
réformer en ce qui concerne la partie des jeunes, les services sociaux
et une politique de la jeunesse, c'est des facteurs sur lesquels il faut
s'arrêter et vérifier avec d'autres intervenants, que ce soit dans
le milieu de l'éducation ou dans le milieu de la justice, que ce soit
dans le milieu de la santé. Il faut favoriser en fait un échange
entre tous ces intervenants des différents systèmes, qui oeuvrent
avec des jeunes et qui sont confrontés à ces problèmes
journaliers et qui débutent très rapidement, ce pourquoi il
faut miser sur la prévention. Et, là encore, au chapitre
de la réforme, on n'a aucun montant attribué à la
prévention. Donc, tout est possible, bien sûr! On pourra dire
qu'on pourra faire énormément, mais encore faut-il avoir des sous
pour faire des choses. C'est bien beau, des voeux pieux. On sait que c'est
l'époque des fêtes et qu'on peut se permettre d'avoir de bons
voeux, mais ce n'est pas tout, M. le Président. C'est important d'avoir
aussi quelque chose de substantiel, et quelque chose de substantiel, c'est un
budget adéquat qui est conforme à la réalité des
besoins, et, actuellement, dans cette réforme, eh bien, on peut dire que
c'est beaucoup de vent en ce qui concerne tout ce côté qui touche
la prévention au niveau de la toxicomanie.
Je trouve ça triste parce que, quand j'ai été en
commission parlementaire, de nombreux intervenants sont venus démontrer
à quel point il était important, actuellement, de s'arrêter
à ces nouveaux phénomènes de notre société,
à quel point il était important d'apporter de nouvelles avenues
et de nouvelles orientations pour permettre une action concrète, pour
répondre à ces besoins, à cette nouvelle
problématique qui est la consommation abusive de drogues, tant chez les
jeunes que chez les personnes âgées, chez tous les groupes
d'âge, y compris aussi nos travailleurs, M. le Président. Et je ne
pense pas que ce sort tout simplement avec un ajout de 30 nouveaux points de
service en réadaptation que ça va faire toute la
différence, alors que nous sommes déjà en retard, qu'il
n'en existe actuellement que 83. Vous me direz peut-être, M. le
Président: Bien oui, il y a le secteur privé qui existe et, si
les gens veulent se faire soigner, ils peuvent toujours avoir recours à
toutes les institutions privées qui offrent beaucoup de services dans ce
domaine, mais encore faut-il avoir les sous pour pouvoir entreprendre un
programme de réadaptation dans les services privés.
Et je crois que c'est de l'intérêt social que de prendre le
plus rapidement possible des gens qui ont un problème d'alcoolisme ou de
consommation de drogue, le plus tôt possible, pour minimiser les effets
négatifs de cette consommation-là qui a un impact, vous le savez
fort bien, sur l'ensemble du tissu social. De plus en plus, on voit une
augmentation de la violence. Chez les jeunes, qu'est-ce que c'a pour effet? Des
problèmes de violence, de prostitution chez les jeunes, de vol, de
délinquance. Et, de plus en plus, on n'est plus capable d'y faire face.
On en échappe tellement, dans notre réseau, M. le
Président, qu'on a une augmentation de sans-abri de plus en plus
faramineuse, à l'heure actuelle, au centre-ville de Montréal.
À cette époque-ci de l'année, allez vous promener dans le
centre-ville de Montréal et même dans le centre-ville de
Québec, vous allez voir à l'embouchure des endroits... Chez nous,
à Montréal, c'est le métro, mais dans la région de
Québec, dans les endroits où on peut entrer pour se
réchauffer, vous allez voir bien des jeunes qui sont là et qui
sont maintenant rendus des clochards parce que le système n'a pas
été capable d'intervenir au moment de leur chute, si vous voulez,
et dans leur problème de consommation.
Et c'est pourquoi j'aurais cru, en fait, que la chance était
donnée au gouvernement de s'attarder d'une façon vraiment
significative à ce nouveau volet que nous avons à confronter de
plus en plus et que ça fait partie de la nouvelle dynamique de notre
société et qu'il faut en tenir compte. Il faut le regarder, non
pas sur la pointe des pieds, en disant: On mettra plus tard certaines
ressources. Pour le moment, on va se contenter d'additionner quelques lits et
ça va répondre. Quand on parle, M. le Président, d'une
augmentation de 40 lits, en fait, pour l'ensemble de la région du
Québec, voyez-vous, ça ne fait pas une très grande
répartition. Ça ne fait pas vraiment beaucoup de lits pour
l'ensemble du Québec, l'ensemble du territoire, quand on compte le
nombre de régions qu'on a au Québec.
Je vous le dis, avec 40 lits, il y a encore beaucoup de gens qui
risquent d'attendre longtemps en ligne pour pouvoir avoir un traitement. Et on
risque, à ce moment-là, d'avoir beaucoup plus de gens, par
contre, qui vont allonger la liste des sans-abri, et qui risquent, justement,
de détériorer leur santé à un point tel qu'ils ne
pourront plus être profitables pour l'ensemble de la
société. Je trouve ça un petit peu regrettable, mais
ça fait partie des points faibles de la réforme.
On peut aussi parler de 184 places d'hébergement en
réadaptation et ici c'est 45 places de moins que ce qui était
suggéré par le rapport Bertrand. Alors, vous voyez, M. le
Président, que déjà dans le rapport Bertrand - on se
souvient -qui était sur la réforme qu'on devait apporter en
matière d'intervention en toxicomanie, on considérait que
c'était un minimum acceptable, compte tenu des retards que le
Québec s'était vu imposer parce qu'ils n'avaient pas
nécessairement réagi rapidement devant ces nouveaux
phénomènes sociaux. Et là, nous allons tarder encore une
fois à pouvoir répondre à ce besoin, et nous allons encore
accentuer ce retard de plus en plus.
Il nous sera difficile, à un moment donné, de pouvoir
vraiment répondre à ces besoins et c'est une jeunesse qu'on
laisse sur le carreau. C'est une bonne partie de notre jeunesse qui a
déjà des problèmes parce que, dans notre
société, c'est trop rapide. C'est dur, cette
société dans laquelle nous vivons, cette société de
consommation où de nouvelles orientations de tous ordres, que ce soit la
famille, la façon de travailler, la façon de s'organiser sur le
plan social... Ils ne sont pas nécessairement préparés
pour faire face à toute cette nouvelle responsabilité que demande
cette société et parce que, malheureusement, ils ne sont pas
capables, ils sont dépassés, eh bien,
ils vont tomber dans une consommation de drogue.
(21 h 10)
Et vous savez qu'à Montréal et dans toutes les
régions du Québec, pour avoir fait la tournée du
Québec, je me suis aperçue à quel point la situation
était dramatique. Il n'y a aucune région du Québec qui,
actuellement, peut être épargnée par la consommation de
drogues et d'alcool, quand on a des taux de chômage aussi
considérables que dans la région de la Gaspésie. Bien
sûr, vous pouvez faire un lien direct entre la consommation de drogues et
la consommation de médicaments ou la consommation d'alcool et vous
pouvez vous apercevoir qu'il aurait été important, surtout dans
ces régions éloignées, de faire un effort substantiel pour
développer des services pour répondre à ces besoins qui
sont cruciaux dans ces endroits. Je pense que la réforme n'a pas atteint
son objectif dans le volet de la toxicomanie. Elle ne fait qu'effleurer ce
volet-là; elle n'apporte pas les solutions auxquelles on était en
droit de s'attendre.
Il y a tout l'aspect de la consommation des médicaments chez les
personnes âgées. Je trouve inacceptable, M. le Président,
de taxer les personnes âgées parce qu'elles consomment des
médicaments, parce qu'il y a quelqu'un quelque part qui, oui, donne des
prescriptions et qui fait en sorte que ces personnes âgées ont
pris l'habitude de consommer des médicaments, et, rendues à un
certain âge, on les retrouve toxicomanes parce que tout simplement
ça faisait partie d'un réflexe, d'une pratique qui fait en sorte
que ces personnes ont de la difficulté à s'en sortir. Je ne pense
pas qu'avec le ticket orlenteur on va empêcher ces personnes
âgées d'aller dans les urgences des hôpitaux, parce que ces
mêmes personnes âgées, très souvent, font des chutes
parce qu'elles ont trop consommé de médicaments. Parce qu'elles
ont de la difficulté à lire les étiquettes de leurs
médicaments, elles vont faire une surconsommation ou elles vont faire
une mauvaise consommation de leurs médicaments. On ne met pas l'accent
au bon endroit, tout simplement on essaie de diminuer la consommation, alors
que c'est sur la prévention qu'il aurait fallu mettre l'accent. Je ne
pense pas qu'on va changer des attitudes de comportement au niveau des
personnes âgées en leur faisant payer un impôt à
rebours sur la consommation de leurs médicaments. Je ne crois absolument
pas.
Il y avait des réformes à faire, tant au niveau de la
pratique médicale en ce qui concerne les ordonnances médicales,
et on sait très bien que les personnes âgées, c'est le
syndrome de la porte tournante, parce qu'on ne sait pas où les mettre,
parce qu'il n'y a pas suffisamment de lits dans les hôpitaux, parce qu'on
n'a pas suffisamment de ressources pour répondre à leurs besoins.
On sait bien que c'est le syndrome, mais on les envoie un peu partout. Ces
gens-là sont désemparés, sont
désespérés et on les retrouve avec des problèmes
d'alcoolisme et c'est dramatique chez les personnes âgées parce
qu'elles n'osent pas en parler, elles sont âgées, elles ont honte
de leur situation et c'est ces personnes-là, M. le Président,
qu'on va pénaliser par la réforme, alors qu'on aurait dû
donner...
Quand on parle d'une réforme, il faut peut-être commencer
par le commencement et le commencement aujourd'hui, c'est sur la
prévention et il n'y a pas vraiment d'argent qui a été mis
sur la prévention. Encore une fois, on ne fait tout simplement que
déplacer, dans certaines situations, le problème, mais je ne
crois pas qu'on va répondre actuellement, à court terme en tout
cas, au désengorgement des urgences par de telles pratiques.
M. le Président, la consommation des médicaments, on devra
en parler énormément, ça coûte cher, j'en conviens,
mais il y a aussi des gens qui ne se sont pas arrêtés sur des
questions aussi fondamentales, a savoir pourquoi les gens consomment autant de
médicaments à l'heure actuelle, et ça c'est relié
directement à des problèmes de notre société,
à un réflexe de notre société où on aime
mieux endormir les gens, les maintenir un peu dans un état de
somnolence, plutôt que de les aider à faire face à leurs
responsabilités et à accepter aussi des situations.
Dans ce sens, M. le Président, il est important dans une
réforme de regarder les différents aspects de la
société et d'apporter aussi des solutions à tous les
différents aspects sociaux de notre société. Quand on
regarde actuellement la pauvreté qui s'installe de plus en plus dans
notre société, je pense que oui, c'est un aspect sur lequel il
aurait été important qu'on puisse s'arrêter et discuter
largement dans une réforme qui touche aussi l'ensemble de notre
population au niveau de son mieux-être et de sa qualité de
vie.
Je ne crois pas qu'on puisse parier de qualité de vie quand, en
fait, certaines personnes, pour oublier leur sort, doivent consommer des
médicaments, de l'alcool ou des drogues, M. le Président. Je
pense qu'il y a d'autres effets plus importants et je trouve malheureux
qu'actuellement on n'ait trouvé que ce moyen pour dissuader des gens de
telles pratiques, le ticket modérateur, orienteur - je m'excuse de me
tromper comme ça, mais, c'est tellement facile de cause à effet
et de parier d'un impôt à rebours, M. le Président. Je
pense qu'on s'attendait, en tout cas les gens qui travaillent dans le milieu de
la toxicomanie s'attendaient à une véritable politique en
matière de toxicomanie, qui aurait permis justement d'envisager des
mesures concrètes avec des résultats plus significatifs que ce
que cette réforme nous apporte à l'heure actuelle parce que, M.
le Président, nous avons affaire à un problème qui n'ira
pas en diminuant mais bien, au contraire, dans la société dans
laquelle nous vivons à l'heure actuelle, c'est un problème qui de
plus en plus ira en s'accentuant. Il faut
s'équiper tout de suite pendant qu'il est encore temps et ne pas
attendre que la situation soit rendue à un point tel qu'on ne pourra
plus y faire face, un peu comme avec les personnes âgées. Il y a
20 ans, on pouvait déjà prévoir - j'ai fait mes
études en administration hospitalière - on parlait de tous ces
différents aspects et il ne s'est passé absolument rien. On a eu
de la difficulté à voir que la population vieillissait et
à s'ajuster en conséquence. Il y a un nouveau
phénomène, il y a une nouvelle problématique actuellement
dans notre société et c'est tout le volet de la consommation des
drogues. On ne peut même plus parler de toxicomanie, tout le monde
s'entend pour parler de polytoxicomanie, M. le Président, et je pense
qu'il aurait été souhaitable que ce volet-là fasse l'objet
d'un peu plus que ce qui est dans cette réforme-là. En fait,
qu'il ait apporté l'ajout de quelques lits... et aussi avec un centre de
recherche... Je pense qu'on est rendu à l'heure des choix et ça
aurait été un choix important, une orientation importante pour
répondre aux véritables besoins de notre population qui est en
mouvance, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Je reconnais maintenant la prochaine
intervenante, Mme la vice-présidente de la commission de
l'aménagement et des équipements et députée de
Mégantic-Compton.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Nous
étudions ce soir un projet de loi très important pour notre
système de santé. Il s'agit de l'important virage que le
Québec entreprend dans le domaine de la santé et des services
sociaux. Virage sur lequel il y a beaucoup à dire tellement il sera
significatif pour le bien-être et la santé de la population.
Dans le cadre de mon allocution, j'aimerais aborder deux dimensions de
la réforme proposée par le ministre de la Santé et des
Services sociaux. La première dimension concerne le contexte entourant
cette réforme. La seconde a trait à la nature de la
réforme proposée ainsi qu'à son contenu et à son
étendue. Enfin, je terminerai en revenant sur les objectifs de cette
réforme. Je n'ignore pas, M. le Président, qu'il s'agit là
d'une tâche énorme dans le peu de temps qui m'est imparti pour
entretenir mes collègues de la Chambre. Mais je crois néanmoins
qu'une vue d'ensemble sur la réforme est nécessaire dans la
perspective d'une compréhension éclairée de cette
réforme de notre système de santé.
M. le Président, la perspective d'une réforme de notre
système de santé n'est pas, on le sait, récente. Elle a
marqué la décennie quatre-vingt. Elle s'est imposée
à la lumière d'une suite de constats sur notre système de
santé. D'une part, on a pu constater dans notre société
des gains importants sur la maladie et la souffrance depuis la mise en place,
par notre formation politique, du rapport de la commission Castonguay-Nepveu.
Ces gains appréciables se sont évidemment traduits par
l'augmentation de l'espérance de vie, tout comme d'ailleurs par la
réduction de la mortalité des nouveaux-nés, des
problèmes cardio-vasculaires et accidentels pour ne nommer que
ceux-là. D'autre part, on a constaté deux
phénomènes importants. Le premier de ces phénomènes
est que notre système s'éloignait du citoyen qu'il devait servir.
Sa dynamique de développement, de financement et de fonctionnement
tendait à négliger le citoyen au profit des tensions internes qui
en nourissent et en alimentent le quotidien. (21 h 20)
Le deuxième constat est relatif aux nouvelles pressions qui ont
commencé à s'exercer sur notre système de santé et
de services sociaux. Il s'agit de pressions liées principalement au
vieillissement de la population, à la transformation radicale de la
famille et à l'émergence de nouveaux problèmes sociaux et
de nouvelles maladies. Le vieillissement de la population commence, on le sait,
à exercer des pressions sur notre système de santé et de
services sociaux, et on sait que ces pressions se feront de plus en plus fortes
au tournant du siècle.
Il en va de même pour les effets de la transformation radicale de
la famille. La mise à l'épreuve de ce lien de socialisation
traditionnellement établi engendre des pressions sur notre
système, puisque les individus se tournent vers le réseau de la
santé et des services sociaux pour obtenir le soutien et le support
traditionnellement dispensés par le milieu familial.
À cela, il faut ajouter des problèmes sociaux liés
à la violence, à l'itinérance ainsi qu'à des
maladies telles que le sida. Ces constats, M. le Président, sont, on le
sait, le résultat de plusieurs études, notamment celle du rapport
Rochon, celle de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, qui avait rendu public un document
d'orientation, et enfin, bien sûr, celle du ministre actuel, M. Marc-Yvan
Côté, qui vient d'être rendue publique et dont nous nous
apprêtons à mettre en application les recommandations. Tous ces
constats conviennent d'une chose: ce n'est pas l'ensemble du système,
mais sa capacité d'adaptation au nouvel environnement de ressources
publiques qui doit tenir compte de la capacité de payer des
contribuables québécois. Cette faible capacité
d'adaptation au nouvel environnement fait en sorte que notre réseau de
santé et de services sociaux se trouve à la croisée des
chemins. Des choix s'imposent donc pour rendre compatibles les dynamiques de
développement, de fonctionnement et de financement du réseau. Ces
choix incontournables trouvent leur expression dans la
réforme du ministre.
Axée sur le citoyen, la réforme de la santé et des
services sociaux doit relever simultanément trois défis qui sont
exposés dans le livre blanc. Le premier de ces défis est
d'assurer un développement qui corrige les lacunes actuelles des
services offerts à la population et qui permette de répondre aux
besoins de demain. Le second est d'assurer un fonctionnement qui rende le
réseau de la santé et des services sociaux plus efficient dans
l'utilisation des ressources et plus efficace dans la solution des
problèmes de santé et de bien-être. Le troisième est
d'assurer un financement qui maintienne un juste équilibre entre les
dépenses du réseau et la capacité de payer de la
collectivité.
Si le Québec veut replacer le citoyen au centre de son
réseau de santé et de services sociaux, il doit faire en sorte
que ce défi de la réforme soit relevé avec succès.
À cet égard, il y a chez nous un fort consensus et ce, tant dans
la population que chez les intervenants du réseau. Tous conviennent que
le citoyen doit être replacé au centre du réseau et ce,
à plusieurs titres: soit à titre de consommateur de services,
puis à titre de décideur qui influence les orientations et
l'organisation et, enfin, à titre de payeur de taxes aux
capacités limitées. Si tous conviennent du caractère
impérieux de les relever avec succès, tous conviennent
également de l'ampleur de la tâche qui est celle de
réformer un système de santé et de services sociaux qui
nécessite à lui seul près du tiers du budget annuel de
l'État.
Avant d'aller plus loin, M. le Président, j'aimerais rappeler
l'essentiel de la réforme proposée. La réforme contient
plusieurs volets qui mériteraient une attention particulière. Je
conviens de me limiter à l'essentiel, soit à trois volets,
c'est-à-dire les établissements, la régionalisation et le
financement.
La réforme a pour objet de modifier la répartition des
rôles entre les établissements. Elle place à
l'avant-scène, comme porte d'entrée, le réseau des CLSC.
Ils deviendront la première ligne, comme on dit dans le milieu de la
Santé; ils deviendront un passage obligatoire pour accéder
à un spécialiste, pour obtenir divers types de soins de
santé, à l'exception des soins de pédiatrie et de
gynécologie.
Pour modifier les habitudes des gens qui ont, comme on le sait, une
très forte tendance à se diriger automatiquement vers les
urgences de nos hôpitaux quel que soit leur problème de
santé, la réforme prévoit d'abord la mise en place d'un
service téléphonique 24 heures sur 24 dans toutes les
régions, où des infirmières établiront un premier
diagnostic et les inviteront à se diriger vers les établissements
appropriés pour traiter leur problème de santé, puis la
création d'un ticket orienteur de 5 $ payable par ceux qui frappent
à la porte des urgences alors que leur cas pourrait se régler en
CLSC ou en cabinet privé. Ces deux mesures devraient permettre aux gens
de s'adresser d'abord au CLSC pour régler une partie importante de leur
problème de santé et surtout diminuer la pression sur les
urgences de nos hôpitaux.
Par là, M. le Président, on voit donc que les CLSC se
voient attribuer un nouveau rôle dans le réseau. Ils auront
à desservir les soins à domicile afin de répondre aux
besoins des soins supplémentaires qu'entraîne le vieillissement de
notre population. Les CLSC constituent dans l'avenir une sorte de base
d'opération pour le développement des services à domicile
qui sont l'une des voies privilégiées pour répondre au
problème du vieillissement et surtout ramener, comme on le sait, notre
taux d'hospitalisation des personnes âgées à un niveau
comparable à celui de l'Ontario et du reste du Canada.
Le second élément majeur de la réforme est relatif
à ce qu'on a appelé la régionalisation des services de
santé. Des régies régionales seront créées
et progressivement chargées de l'application des programmes. C'est donc
dire qu'il y aura une régionalisation des budgets de la Régie de
l'assurance-maladie, qui continuera toutefois d'administrer les fonds. La
régionalisation devrait permettre de régler significativement le
problème de l'accessibilité des soins pour les gens des
régions éloignées. Le système des enveloppes
régionales fera en sorte que les médecins seront maintenant
beaucoup plus intéressés à venir y oeuvrer et, du
même coup, les citoyens et citoyennes des régions auront
accès, au même titre que les autres, aux soins de
santé.
Le troisième volet concerne les coûts et le financement.
À ce chapitre, la principale difficulté des gouvernements est de
sensibiliser la population au fait que près du tiers des dépenses
publiques est consacré à la santé. La population ne le
réalise pas puisque les services de santé sont payés
à même les impôts. On a donc l'impression que c'est gratuit.
Or, ce problème est à l'origine de ce qu'on appelle la
surconsommation des soins et des médicaments. La réforme
prévoit à cet égard des moyens pour sensibiliser des
clientèles spécifiques au coût de cette surconsommation et,
en particulier, les personnes âgées au coût des
médicaments qu'elles consomment.
Enfin, en ce qui concerne le financement, le ministre prévoit que
les dépenses de santé devraient connaître une croissance
d'au plus 3 % par rapport à l'indice des prix à la consommation.
Cet objectif apparaît réalisable, mais sera exigeant dans la
mesure où son atteinte dépend largement de notre capacité
de faire face aux pressions sur les coûts que créera le
vieillissement.
M. le Président, le gouvernement libéral entreprend une
réforme profonde du système de santé et des services
sociaux. Je suis confiante qu'il réussira à réaliser cette
réforme qui permettra d'actualiser notre système de santé
et
de services sociaux pour lui permettre de relever les défis qui
le confrontent au tournant du siècle. Il sera ainsi en mesure de remplir
efficacement l'énorme mission qui est celle de faire régresser la
maladie et la souffrance de notre société. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Mégantic-Compton. Sur ce même sujet,
à savoir l'adoption du principe du projet de loi 120, je reconnais
maintenant M. le député d'Ungava. (21 h 30)
M. Christian Claveau
M. Claveau: Merci, M. le Président. Lorsque le ministre de
la Santé et des Services sociaux annonce quelque chose, il faut toujours
se méfier. On ne sait jamais quand ça va venir, entre autres.
Dans ce cas-là comme dans d'autres choses qu'il nous a annoncées
au moment où il occupait d'autres augustes postes en ce même
gouvernement, il y avait anguille sous roche. À la suite d'une
magnifique opération publicitaire, le ministre dépose sa
réforme devant cette Chambre, un beau boîtier bien carré
d'agréable présentation. Mais il s'était gardé pour
la conclusion une couple de petits éléments un peu moins
agréables: l'impôt à rebours, pour appeler les choses par
leur nom. Là, il va falloir payer si on consomme; c'est après
avoir consommé des soins de santé que l'on va se voir facturer
par le gouvernement, par le biais de l'impôt, pour les services que l'on
a utilisés. Si c'est pas payer de l'impôt déguisé,
il faudrait qu'on m'explique ce que c'est. Et puis, il s'était
gardé aussi son ticket orientateur. Extraordinaire, M. le
Président, un principe extraordinaire dont on va avoir l'occasion de
discuter dans les minutes qui viennent. Le ticket orienteur, imaginez-vous!
Quand je dis qu'il faut se méfier au moment où le ministre
annonce quelque chose, j'ai de bonnes raisons. Au risque d'être un peu
hors sujet, je ne peux m'empêcher de penser, lorsque je pense au ministre
de la Santé et des Services sociaux, à de belles promesses qu'il
est venu faire en région, au cours des dernières années.
On se rappellera du milliard qu'il avait annoncé en développement
régional, 1 000 000 000 $, entente fédérale-provinciale.
Il devait s'en faire du développement régional: depuis ce
temps-là qu'on ferme les régions. Tout le monde attend encore
pour voir ce qui va se passer.
M. le Président, en juillet 1989, ce même ministre se
présentait chez nous à Chibougamau pour nous annoncer une route.
Il disait: Ce n'est pas du bluff, ça s'en vient, c'est fait. Ça
fait 18 mois et on l'attend encore sa route, la route du nord; on l'attend
encore.
Une voix:...
M. Claveau: Ce sont là des exemples... Si le ministre
n'est pas d'accord, écoutez, il a toujours beau me demander de revenir
à la pertinence.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu! À
quelques jours de Noël, le député d'Ungava est parti comme
le Père Noël avec son traîneau. M. le Président,
rappelez-le donc dans le bon chemin, qu'il respecte la pertinence de l'article
211 de notre règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député d'Ungava, vous avez six ans d'expérience à
l'Assemblée nationale, vous savez...
Une voix: Ça ne paraît pas.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...que vous pouvez faire
un parallèle avec d'autres sujets que ce qui est traité par le
projet de loi 120, sauf que je dois vous rappeler que, lorsque vous parlez de
développement régional et de construction de routes, c'est un
petit peu éloigné de la réforme de la santé. Je
vous demanderais d'entrer dans le sujet, M. le député
d'Ungava.
M. Claveau: M. le Président, ^ je voudrais juste rappeler
au député de Mille-Îles que le ministre de la Santé
et des Services sociaux a joué pendant des années au Père
Noël et qu'on attend toujours les cadeaux.
M. Bélisle: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: C'est un rappel à votre décision
que le député d'Ungava essaie de faire. Je pense qu'il
connaît très bien les articles... mais peut-être qu'il ne
les connaît pas. M. le Président, votre attention... Merci,
bonjour.
M. le Président, le député d'Ungava, je pense, n'a
pas lu les dispositions de notre code. Il faudrait peut-être le rappeler
à l'ordre encore une fois.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député d'Ungava, si vous voulez continuer, s'il vous
plaît.
M. Claveau: Ce n'est toujours pas moi, M. le Président,
qui suis responsable des promesses qui n'ont pas été
remplies.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): II n'y a pas de question
de règlement, continuez, M. le député d'Ungava, ça
va très bien là, ni d'un côté ni de l'autre.
M. Claveau: M. le Président, certains citoyens de mon
comté ont eu une très désagréable surprise, la
semaine dernière, des gens malades, des gens traités pour le
cancer. Vous savez que, lorsqu'on est en région éloignée,
ce n'est pas drôle d'être malade. Ce n'est pas plus drôle
dans les régions centrales, urbaines, c'est clair, mais il y a certains
inconvénients supplémentaires lorsque l'on vit en région
éloignée. Imaginez-vous que, la semaine dernière, quatre
citoyens de mon comté, qui sont traités pour le cancer ont appris
à l'hôpital de Chicoutimi que le service d'hôtellerie
n'était plus gratuit et qu'à partir de l'immédiat, ils
devraient payer 25 $ par jour pour leur logement plus les repas, ce qui
représente un montant d'à peu près 250 $ par semaine.
C'est ça le service en région, c'est ça
l'amélioration, le rapprochement de la médecine des gens des
régions. Il faudra qu'on commence par donner l'exemple à partir
du présent, M. le Président, avant de venir nous parler de
réforme. Ah! nous dit-on, l'hôpital de Chicoutimi est en
déficit, et c'est à eux de trouver les moyens de le combler. Moi,
je veux bien, mais que ce soit les gens les plus éloignés, les
plus mal pris quand ils sont malades qui aient à payer pour, là
il commence à y avoir un problème.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux se
présente en cette Chambre et dit: Nous avons des solutions pour tout le
monde, vous allez voir que la médecine en région on va la
rapprocher, qu'on va en trouver des médecins, qu'on va faire en sorte
que les gens des régions soient soignés au même titre que
n'importe qui d'autres au Québec. Eh bien! qu'on commence par ià,
M. le Président, qu'on commence par s'assurer que lorsque tu restes
à Chibougamau et que tu es pris du cancer, tu n'aies pas à payer
25 $ par jour pour pouvoir te faire traiter dans un hôpital plus tes
repas qu'on ne voudra plus te fournir.
Ça, ce sont des cas concrets, c'est la vraie
réalité, c'est comme ça qu'on la vit, la médecine
sur le terrain. Ce n'est pas en changeant les conditions de travail de quelques
médecins pour qu'ils s'en viennent chez nous, certes, c'est un plus,
mais le malade, lui, qu'est-ce qu'on en fait? Lorsqu'on dit comme beau principe
dans la réforme qu'il faut d'abord s'occuper du client, eh bien,
ça commence par là. Moi, je veux que, lorsqu'on arrive à
parler de réforme, on s'assure que des choses semblables ne se
présentent plus. Je veux avoir la garantie que tous les gens qui sont
malades par chez nous aient droit aux mêmes services qu'ailleurs.
Si vous restez à Québec, vous n'avez pas à vous
payer d'hôtellerie pour aller vous faire soigner contre le cancer. Si
vous restez à Montréal, vous n'avez pas à vous payer
d'hôtellerie ni de chambre ni de restaurant pour aller passer un
traitement de radiothérapie; vous pouvez y aller et retourner chez vous
dans la journée. Mais lorsque vous restez à Chibougamau et que la
machine la plus proche est à 350 kilomètres, c'est difficile de
revenir dans la journée, surtout quand on en a plusieurs jours de suite.
Là, on oblige ces gens-là à payer l'hôtellerie dans
les hôpitaux.
J'écoute le député de Matapédia qui dit:
Puis! Je comprends qu'il dise: Puis! Il n'a jamais été capable de
défendre un TACO pour les gens de son coin, il a aimé mieux
qu'ils fassent un golf en Gaspésie, à la place. Je comprends
qu'il dise: Puis! Mais il ira dire "puis!" aux gens d'Amqui pour voir ce qu'ils
vont lui dire. Allez le dire aux gens d'Amqui: Puis après? Ils vont s'en
rappeler. C'est ça, les problèmes de la médecine en
région.
Entre autres, j'ai un cas flagrant là d'irresponsabilité
de ce gouvernement devant des gens malades. Comment peut-on obliger des gens
atteints d'une maladie aussi grave que le cancer à payer de
l'hôtellerie dans un hôpital à Chicoutimi, pour être
précis, pour pouvoir avoir accès aux services de
radiothérapie? Et le ministre va trouver ça normal, je suppose.
En tout cas, moi je ne vois rien dans sa réforme qui nous permette
d'améliorer ça, sauf qu'il va transférer globalement des
fonds en région pour des décisions régionales. Bien oui,
il va transférer le problème aux autres. Il va dire:
Réglez-les, trouvez des moyens. Mais par contre il ne donnera pas les
ressources pour aller avec, parce que ça coûte cher et que
ça demande des ressources supplémentaires. M. le
Président, comment va-t-on faire, par exemple, pour quelqu'un du secteur
du Nouveau-Québec qui veut aller se faire traiter à Québec
ou à Montréal? Est-ce que ça va faire partie des
enveloppes régionales, ça? Il faudra en discuter très
sérieusement. Est-ce que le choix, par exemple, d'aller se faire traiter
dans un hôpital à Montréal, quand tu restes à
Matagami ou à Radisson, versus un hôpital à Québec
ou en Abitibi va être compensé par le ministère? Ce n'est
pas évident que c'est toujours aussi facile que ça quand tu es en
région, même si le député de Matapédia dit:
Puis! C'est le mot le plus intelligent qu'il a dit en cette Chambre,
imaginez-vous le reste? C'est ça, les problèmes qu'on vit, M. le
Président. Parlons rapidement des tickets orienteurs. Quand on nous dit
que des routes, ce n'est pas nécessaire, je vous ferai remarquer, M. le
Président, que des routes pour aller à l'hôpital, ça
peut être bien intéressant et des routes pour arriver au CLSC,
ça peut être intéressant aussi, surtout quand c'est le
même ministre qui l'a promis déjà. On se souviendra
d'ailleurs qu'il avait promis une route aussi pour la réserve de
Mistassini, qu'on attend toujours. J'ai eu les arpenteurs dans les pattes
durant tout le temps de la campagne électorale et j'attends encore
après la route, imaginez-vous! C'est vrai. Et je vous ferai remarquer
qu'il n'y a pas une ambulance qui résiste à transporter des gens
de la réserve de Mistassini pour les sortir à l'hôpital,
parce que la route n'a pas de bon sens, elle est
complètement finie. Ça fait partie des services de
santé aussi, M. le Président. (21 h 40)
M. le Président, lorsque l'on parle de réforme de la
santé, il faut d'abord avoir une politique; il faut savoir à quoi
s'en tenir, il faut savoir quels sont les objectifs que l'on a. Dans son livre
blanc, Mme Thérèse Lavoie-Roux, alors ministre de la Santé
et des Services sociaux, avait exposé un certain nombre de politiques,
d'objectifs; une vingtaine d'objectifs qu'elle avait fait connaître, qui
étaient les orientations principales sur lesquelles devrait se baser la
transformation des structures par après. M. le Président, une
politique de la santé, c'est d'abord se donner des objectifs en termes
de santé et, une fois qu'on s'est donné ces objectifs-là,
on peut, après ça, mettre en place de nouvelles structures, au
besoin, mais il faut savoir pourquoi. Arrêtons de mettre la charrue en
avant des boeufs, M. le Président, ça n'a pas d'allure.
Là, le gouvernement nous propose une réforme des
structures de la santé, mais il va nous amener sa politique rien que le
printemps prochain. Ça me fait penser, ça, à l'ex-ministre
du Revenu et du Travail qui, pas plus tard qu'au printemps dernier, en
commission parlementaire, nous présentait un projet de loi pour modifier
la façon de cotiser à la CSST. Il disait: II faut changer les
moyens de cotiser. Nous, on disait: M. le ministre, vous devriez d'abord
vérifier l'état des cotisants et de ceux qui ont les services,
combien ça va coûter, a quoi les bénéficiaires vont
avoir droit, et puis, après ça, on orientera la cotisation en
conséquence. Le ministre a dit: Non, non, on va changer la cotisation
et, après ça, on vous promet qu'on va revenir en commission
parlementaire pour étudier le droit des bénéficiaires.
Eh bien, croyez-le ou non, M. le Président, ça va faire
tout près d'un an qu'on a changé les règles de la
cotisation, mais on n'a jamais réentendu parler des droits des
bénéficiaires. Alors, on moment où on se parle, on a
modifié la cotisation, mais on ne sait pas encore pourquoi, parce que
les droits des bénéficiaires ne sont pas encore établis.
Presque un an plus tard. Et, là, on s'en vient dans une structure
semblable. Il faut croire que c'est la façon de faire de ce
gouvernement, M. le Président.
On commence par modifier les structures et, après ça, on
déposera une politique pour voir ce qu'on va faire avec ces nouvelles
structures-là. C'est exactement ce qu'on a, M. le Président.
Comment voulez-vous qu'on puisse adapter des structures de la santé
à des objectifs qu'on ne connaît même pas? Il n'aurait pas
été plus sage, vous croyez, d'établir des objectifs, de
déterminer des ententes ou des façons de faire avec les autres
ministères, le ministère des Transports, le ministère de
l'Environnement? On sait comment l'environnement est important dans le domaine
de la santé, du moins j'espère que vous y croyez. Le
ministère de l'habitation; on sait c'est quoi, les problèmes des
familles démunies qui vivent dans des taudis par rapport à la
santé. Ce serait intéressant d'établir des politiques avec
le ministère de l'habitation, le ministère de la famille,
responsable de tous ces éléments-là de la
société, et, après ça, à partir de
là, se donner des objectifs précis et, après, changer les
structures, faire en sorte d'adapter les structures aux nouvelles
réalités, aux nouveaux objectifs qu'on s'est donnés comme
gouvernement.
Bien non, M. le Président. Ce n'est pas ça que ce
gouvernement-là fait. Il change les structures et, après
ça, il dit: Un an plus tard, je vais revenir vous voir avec mes
objectifs. Imaginez-vous la belle démarche! Je comprends qu'il n'y a
plus rien qui marche dans notre société québécoise
depuis cinq ans, que c'est la catastrophe partout. On comprend qu'à
fonctionner comme ça, ça ne pourra pas aller bien loin.
M. le Président, le ticket modérateur, le ticket
orienteur, imaginez-vous la belle découverte. Je suis prêt
à mettre l'ensemble des députés de l'Assemblée
nationale au défi de vérifier dans leur population à
savoir qui est capable d'identifier comme ça, du revers de la main, les
CLSC qui sont présents dans leur milieu. M. le Président, ce
n'est pas évident, les CLSC. Non. J'en discutais justement avec des
gens, aujourd'hui, qui me disaient: On sait qu'il y a un CLSC dans le coin,
mais on ne sait pas où il est. Un CLSC, ça peut être dans
un centre d'achats, ça peut être dans un édifice
commercial, ça peut être situé quelque part dans un milieu
résidentiel ou dans un milieu beaucoup plus urbain intense. Ce n'est pas
identifié sur la route, un CLSC. Est-ce qu'on voit une annonce: CLSC, tu
t'en vas par là? Un hôpital, c'est identifié. Tout le monde
sait où ils sont, les hôpitaux. Dans votre milieu, il n'y a
personne qui doute de l'emplacement d'un hôpital. Mais les CLSC, ce n'est
pas évident pantoute; il y a des CLSC dans des bouches de métro,
à Montréal. Est-ce que tout le monde le sait?
Une voix: Pas fort!
M. Claveau: non, mais c'est vrai. regardons. vérifiez dans
vos milieux au lieu de dire n'importe quoi. allez voir votre monde de temps en
temps au lieu de rester sur vos piédestaux...
Une voix: Voyons donc!
M. Claveau: Allez vérifier pour voir si les gens savent
où se trouvent les CLSC. Allez vérifier aussi, M. le
Président, et, si les gens à l'intérieur de cette Chambre
ne savent pas de quoi je parle, ceux qui sont devant la
télévision le savent. Ils sont capables de le comprendre. Je suis
certain qu'il y en a plusieurs qui vont regarder dans leur annuaire de
téléphone im-
médiatement pour savoir l'adresse du CLSC, parce qu'ils ne se
sont jamais cassé la tête pour le savoir. Ils n'en ont jamais eu
besoin. Ce n'est pas tout le monde qui a besoin du CLSC dans nos milieux.
Moi, je connais, M. le Président, plein de gens qui ne sont pas
capables d'identifier où se trouve le CLSC. Mais, par contre, tout le
monde sait où est l'hôpital. Ça, c'est clair. Une autre
affaire, M. le Président - peut-être que ces gens-là vont
pouvoir me répondre - est-ce que vous savez si tous les CLSC sont
équipés en services de santé? Les CLSC sont-ils tous
équipés en services de santé? Ont-ils tous les salles
d'attente nécessaires? Ont-ils tous des services de radiologie? Ont-ils
tous des services de plâtre? Ont-ils tous des services d'accueil
compétents avec une structure de gestion des dossiers médicaux,
par exemple? Non, les CLSC n'en ont pas.
On me dit, M. le Président, de l'autre bord, parce qu'il y a
plein de gens qui parlent mais qui n'ont pas droit au micro, qu'on ne veut pas
qu'ils fassent des plâtres. Imaginez-vous! J'ai un accident, j'ai mal
à une patte. Hein? Là, je ne sais pas si c'est une urgence pour
me rendre au CLSC ou à l'hôpital. Plutôt que de risquer de
payer 5 $, je vais regarder dans l'annuaire du téléphone et je
décide d'aller au CLSC. À la suite d'un examen, le médecin
me dit: C'est cassé, tu aurais dû aller à l'hôpital.
Je n'ai pas de plâtre ici. J'ai l'air fin. Ce n'est pas toujours
évident une cassure au cas où vous ne le sauriez pas.
S'il ne vous est jamais arrivé de vous casser quelque chose sans
le savoir, je ne vous souhaite pas que ça vous arrive. Mais c'est des
choses qui peuvent arriver. C'est ça, M. le Président, le
problème. Est-ce que les CLSC sont équipés de salles
d'attente pour ça? Non, me dit-on. Alors, on applaudit. Qui va payer
pour? Est-ce que ça va coûter plus cher d'aménager des
salles d'attente de premiers soins, finalement, d'accueil de premiers soins
avec le minimum d'équipement nécessaire dans tous les CLSC qui
n'en ont pas ou bien est-ce que ça ne vaudrait pas plutôt la peine
d'améliorer les services dans les salles d'attente des hôpitaux
existants, alors que tout le monde sait où sont les hôpitaux et
que tout le monde sait que, si tu as une douleur à une épaule et
que tu t'en vas au CLSC, tu risques de ne pas avoir le service qu'il faudrait,
alors que, si tu t'en vas à l'hôpital, tu vas l'avoir tout de
suite?
Parce qu'une douleur sur l'épaule, ça peut être un
muscle, ça peut être un nerf, ça peut être aussi une
crise de coeur, ça peut être un coup dont on n'a pas eu
connaissance, ça peut être plein de choses. Qui va l'identifier?
Moi, je me rends à l'hôpital avec une douleur à
l'épaule, M. le Président, et on me dit: Eh bien, c'est
simplement un nerf qui était coincé, ça ne vaut pas la
peine, retourne au CLSC te faire soigner ou bien non tu vas être
obligé de payer 5 $. comment ça va marcher? j'aimerais bien le
savoir moi. est-ce qu'il va y avoir des facteurs de distance qui vont
être pris en considération?
Si je me fais une petite coupure sur un doigt, qui s'infecte, et que je
n'ai rien pour me traiter chez nous, que le CLSC est à cinq milles et
que l'hôpital est à un mille, est-ce que je devrais aller au CLSC
quand même, même si l'hôpital est le plus proche, au risque
de payer 5 $ si je me rends à l'hôpital? C'est une des questions
qu'il faut se poser. Comment cela va-t-il être géré ce
fameux ticket orienteur là? Imaginez-vous les problèmes qui vont
se poser dans le milieu. C'est loin d'être évident, M. le
Président. Et on aura beau me taxer de n'importe quoi, je sais que,
quand je dis ça, je parle au nom de la population qui n'a aucune
idée comment ça va fonctionner.
Et je sais que la plupart des gens vont d'abord et de toute façon
se présenter à l'hôpital parce qu'au moins, tu es sûr
de pouvoir être traité, quitte à payer 5 $. C'est ça
qui va se passer, M. le Président. Les gens ne prendront pas de chance,
à moins d'avoir un CLSC proche et l'hôpital à 25 milles,
mais, de tout façon, dans ces cas-là, ils vont déjà
au CLSC avant. Donc, ça ne changera rien, M. le Président. Et on
appelle ça une grosse modification, une modification majeure dans la
structure.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demanderais de
conclure. Je vous demanderais de conclure.
M. Claveau: allez donc! c'est du vent comme tout ce que le
ministre a fait auparavant quand il était dans l'autre fonction, m. le
président. merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député d'Ungava. Sur le même sujet, je reconnais maintenant
M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Bien moi
aussi je tiens à intervenir sur cette loi-là parce que,
effectivement c'est une loi fondamentale et très importante. Si vous le
permettez, très rapidement, je vais diviser mon intervention en deux
parties. La première pour parler des grands principes que l'on retrouve
dans cette loi, des principes positifs, des principes négatifs, qui font
en sorte que cette loi, malheureusement, n'est pas acceptable telle que
présentée. Et je vais garder la dernière partie de mon
intervention pour aller plus spécifiquement sur le dossier traitant de
la jeunesse, le dossier des jeunes au Québec. (21 h 50)
D'abord pour dire qu'effectivement, dans le projet de loi 120 qui
découle de la réforme
déposée il y a à peu près une dizaine de
jours par le ministre, il y a des points qui sont très positifs - et on
le reconnaît de ce côté-ci - il y a des principes qui sont
très favorables. Et je vais les nommer, ça vaut la peine, pour
vous montrer qu'on a pris la peine d'étudier le projet, qu'on
connaît le sujet dont on traite et qu'on est favorables aux choses qui
sont positives. Entre autres, la gestion régionale. Je dois vous dire
que la décentralisation, on en a parlé ici. À plusieurs
occasions, M. Parizeau a dit qu'il fallait maintenant abolir de plus en plus ce
qu'on appelle les mesures mur-à-mur au Québec. Donc, une gestion
régionale, tout à fait d'accord avec ça.
L'implication des citoyens, ça aussi, et on l'a prouvé
à plusieurs occasions dans le passé et surtout les citoyens nous
ont prouvé qu'ils sont en mesure de prendre leurs
responsabilités. La répartition des effectifs médicaux, eh
bien, je dois vous dire qu'il n'y a pas un député de
région, et même des régions en banlieue des grandes
métropoles et de la capitale, qui ne sera pas d'accord avec une mesure
semblable, parce qu'il y a une urgence de réagir au niveau des effectifs
médicaux. Les services centrés sur le bénéficiaire,
évidemment, c'est le citoyen qui doit être au centre de tous les
services, spécialement quand ça concerne la santé.
L'équité régionale, il commence à être temps
qu'on réponde enfin à l'équité régionale et
sous-régionale pour permettre à tous les citoyens qui, eux,
doivent payer leurs taxes et leurs impôts sur une base équitable,
d'avoir droit aux services sur une base qui soit aussi équitable. Qu'il
y ait des budgets régionalisés, bravo! je dis que c'est une
mesure très positive à laquelle on est favorable.
Le rôle accru des CLSC, eh bien, j'en suis, on ne peut pas faire
autrement, et là-dessus, vous allez en convenir, M. le Président,
comment on s'est battu de ce côté-ci pour faire en sorte qu'il y
ait la présence des CLSC sur tout le territoire québécois
et, de l'autre côté, on s'objectait, le gouvernement actuel
n'était pas certain s'il devait y avoir des CLSC sur tout le territoire.
Je me rappelle des débats, et c'est sur la volonté de l'ancien
gouvernement du Parti québécois qu'on a implanté des CLSC.
On a essayé, on n'a pas pu compléter, mais on a essayé
d'étendre sur l'ensemble du territoire la présence des CLSC. Je
me rappelle aussi d'un autre débat, le débat du partage des
responsabilités par rapport aux CLSC et aux CSS. Le débat s'est
fait ici à l'Assemblée nationale. J'étais
vice-président de la commission de la santé et des services
sociaux à ce moment-là. De l'autre côté, on
défendait bien plus les CSS que les CLSC, alors que le discours que le
CLSC doit être la porte d'entrée du réseau, on le tenait
déjà en 1983-1984, alors que le gouvernement actuel, qui
était l'Opposition, était contre. Alors, aujourd'hui, qu'on nous
ramène que les CLSC doivent être la porte d'entrée de
l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, je dois
vous dire, moi pour un, pour être intervenu en 1983-1984 pour
défendre ce principe, que je suis encore d'accord. Donc, il n'y a pas de
problème de ce côté-là sur ces principes.
Cependant, il y a d'autres principes qui sont aussi fondamentaux et qui
sont inacceptables pour nous, entre autres - et mon collègue en a
parlé, et ce ne sont pas seulement des mots, c'est la
réalité - quand on parie de l'absence d'une politique de la
santé et du bien-être. C'est la machine à l'envers. On
commence par se donner des orientations avant de décider dans quelle
direction on embraye. Il me semble que c'est la normalité des choses. Il
faut avoir des objectifs, il faut avoir des points d'arrivée avant de
décider dans quel genre de véhicule on va embarquer. Vous savez,
si on s'en va dans une promenade le samedi après-midi ou si on s'en va
labourer un champ, on ne prendra pas le même véhicule. Ce qu'on
est en train de se donner comme politique, c'est des outils pour
réaliser une politique, alors qu'on nous dit que la politique va
être déposée eu printemps. C'est la machine à
l'envers. On ne procède pas de la bonne façon. Et quand on se
donne une politique globale - et c'est pour ça que c'est important d'en
parler - par un gouvernement, ça veut dire que ça implique les
autres ministères concernés, et, dans ce cas-ci, je dois vous
dire que ça en concerne plusieurs. Ça concerne tout ce qui a
trait à la famille, à la jeunesse, à l'habitation.
Quand on dit qu'il y a de plus en plus de gens malades et que ça
coûte de plus en plus cher, c'est souvent le résultat de gestes
non posés par d'autres ministères qui font en sorte que la
population est de plus en plus pauvre, et c'est prouvé maintenant par
toutes les statistiques aussi bien québécoises que canadiennes
que plus les gens sont pauvres, plus ils sont malades. Donc, si on se donne une
politique, on va lutter contre la pauvreté et on va faire en sorte que
ça va coûter moins cher au niveau de la santé et des
services sociaux.
Donc, je ne peux pas faire autrement que de dénoncer l'absence
d'une politique, alors qu'il faut commencer par le commencement. Avant de
fermer une porte, il faut commencer par l'ouvrir et entrer. C'est ce qu'on
aurait dû faire et c'est ce qu'on n'a pas fait. Donc, ce n'est pas un
principe, c'est une orientation fondamentale pour savoir où on s'en
va.
La deuxième chose: la mise en place. C'est beau de nous promettre
des choses, mais je fais juste lire les intervenants des journaux. Les gens,
après l'euphorie de l'annonce, commencent à réagir. Et je
lis dans La Voix de l'Est ce qu'on disait: On s'interroge encore sur la
façon dont sera appliquée la réforme de la santé.
Donc, sur les principes que j'ai énumérés tantôt,
les gens sont satisfaits, mais, sur l'application maintenant, c'est beau de
nous promettre 2 000 000 000 $ sur
10 ans. Mon collègue l'a dit tantôt, mon collègue
d'Ungava, et il a raison: Le même ministre nous a promis il y a quelques
mois une politique extraordinaire du transport. C'était 1 700 000 $ sur
cinq ans. La réalité, c'est quoi? Dans le transport, c'est la
catastrophe: augmentation des plaques, augmentation des permis, diminution des
budgets. Je ne voudrais pas qu'on se leurre encore une fois. C'est pour
ça que les gens sont inquiets. On s'interroge et avec raison. Et on
s'interroge aussi: Qu'est-ce qui va arriver entretemps, comment on va
régler les problèmes actuels? Parce que la situation est grave,
elle est même catastrophique à plusieurs points de vue: manque
d'argent, manque de ressources, les urgences sont encore embourbées, on
ferme des lits, on construit moins de lits en centres d'accueil maintenant que
sous l'ancien gouvernement, à peu près cinq fois moins. Eh bien
ça, ça amène de la congestion dans les hôpitaux,
ça amène les problèmes qu'on connaît
présentement. On est en train de récolter de l'autre
côté ce qu'on a semé depuis 1985.
Est-ce qu'on nous donne, dans le dépôt de la loi, la
situation ou la façon dont on va régler le financement des CLSC
actuels, surtout ceux de la deuxième génération, ceux qui
ont été implantés depuis 1980? Déjà les gens
n'ont pas les moyens de subvenir aux besoins minimums, c'est-à-dire
surtout la prévention en milieu scolaire, en milieu de travail, en
milieu communautaire. Beaucoup de CLSC n'ont que ce rôle
présentement; on ne leur donne même pas les budgets
nécessaires et on veut leur en donner encore beaucoup beaucoup
davantage. Bien, il va falloir se poser des questions. Est-ce qu'on va
commencer par financer correctement les CLSC pour les rôles qu'ils
remplissent au moment où on se parle? Est-ce qu'on va trouver l'argent
pour aider nos citoyens "pognés" avec des maladies comme le cancer, qui
sont obligés de voyager, parce qu'on refuse de les soigner dans les
hôpitaux des régions et des sous-régions? Puis, je ne parle
pas seulement des régions périphériques et très
éloignées. Je parle des régions de ce qu'on appelle les
villes satellites de Montréal où les gens doivent voyager pour
aller se faire soigner pour le cancer. Non seulement pris avec une maladie qui
demande un traitement et qui demande du repos, on leur impose le stress du
voyage. Comment se fait-il qu'on ne trouve pas l'argent maintenant pour
régler ça, puis qu'on nous amène un beau projet comme
ça? Qu'on prouve maintenant qu'on est capable de régler les
problèmes humanitaires, les problèmes des citoyens directement
concernés, aujourd'hui, si c'est vrai qu'on a l'intention de faire en
sorte que le citoyen soit au centre de notre préoccupation.
Un autre point qui est important et qu'il faut absolument traiter, c'est
le fameux ticket orienteur. Pour amener un ticket modérateur puis pour
le faire passer, on a changé le nom. C'est bien beau ça, mais
ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on commence effectivement
à toucher à la gratuité. Ce n'est pas moi qui le dis. Les
organismes reliés à la santé s'inquiètent devant la
réforme proposée par Québec, La Presse de vendredi
le 14 décembre. Ça ne fait pas longtemps, ça fait quelques
jours à peine. Et ce qu'on dit, c'est qu'un tel procédé
est une brèche dans la gratuité des soins. Il s'agit d'un premier
test auprès de la population pour gruger dans la gratuité des
soins. Ils ne feraient pas autant d'efforts pour récupérer 100
000 000 $ s'il n'y avait pas derrière cela l'idée de couper
davantage la gratuité. On parle de 5 $ pour toucher au principe de la
gratuité, puis, après ça, on viendra justifier, j'en suis
convaincu, c'est pour ça que j'interviens, des 5 $ ça ne paie
même pas l'administration du 5 $. Donc, il faudra multiplier par je ne
sais pas combien. Donc, ceux qui auront les moyens de payer 5 $, et plus
probablement dans cinq, six mois, eux autres pourront se présenter dans
les urgences des hôpitaux en disant: Moi, je vous donne les 5 $, les 10
$, les 15 $ ou les 30 $, soignez-moi tout de suite dans l'hôpital qui,
lui, est complètement équipé. Et ceux qui n'ont pas les
moyens, il y aura deux classes de malades au Québec, lui, il ira dans le
CLSC, parce qu'il n'aura pas les moyens de payer directement le montant qui
commence par 5 $, mais qui va se ramasser à on ne sait combien. (22
heures)
Un autre principe qu'on dénonce et sur lequel on n'est pas
d'accord, il s'agit de l'impôt à rebours. L'impôt à
rebours, ça veut dire quoi chers citoyens? Ça veut dire qu'on va
comptabiliser dans vos revenus imposables les soins ou le montant
équivalent de soins dont vous allez profiter. Et pas n'importe quel
soin, toute une panoplie. Je vais vous en nommer quelques-uns: les services
optométriques, les services dentaires, les médicaments, les
services pharmaceutiques, les prothèses, les appareils
orthopédiques, les dispositifs, fauteuils roulants et autres
équipements, aides visuelles, aides auditives, prothèses
mammaires externes, prothèses oculaires, appareils fournis aux
stomisés permanents. Tous les gens pris pour utiliser ces services
maintenant, bien, la gratuité, pour eux autres, c'est fini. S'ils vont
dans les urgences, ils vont débourser les 5 $ maintenant et pour tout ce
que je viens d'énumérer. Ça voudra dire que l'utilisation
qu'ils feront de ça, le montant comptabilisé au gouvernement pour
rendre ces services, ils devront, eux autres, considérer ça comme
des revenus et payer des impôts là-dessus. Donc, c'est le
commencement de la fin des grands piliers de notre système qu'on a voulu
pour la santé de l'ensemble des Québécois,
c'est-à-dire accessibilité, universalité, gratuité.
À partir de maintenant, ce n'est plus ça.
Donc, ça fait le tour pour le moment, M. le Président, du
premier volet que je voulais traiter, c'est-à-dire les grands principes,
ceux
que je trouve très positifs et que j'ai
énumérés au début et ceux que je dénonce
comme étant inacceptables dans notre système actuel.
La dernière partie de mon intervention, je veux la consacrer aux
jeunes. On connaît la situation actuelle de la jeunesse au Québec.
Le Conseil permanent de la jeunesse en a fait largement état, le Conseil
des affaires sociales, quand on a vu "Deux Québec dans un". Quand on
regarde la situation au moment où on se parle, il y a plus de 10 000
itinérants à Montréal dont une grande majorité de
jeunes. Au Québec, au moment où on se parle, c'est un record
mondial: 150 tentatives de suicide par jour et 3 réussites. Ça,
c'est ce qu'on était capables de comptabiliser, sans compter les autres,
malheureusement. C'est inacceptable, dans une société qui se dit
humaine et riche, développée et moderne, mais c'est la
réalité.
Le système, est-ce qu'il va être corrigé par ce
projet de loi là? Bien, qu'est-ce qu'ils nous disent, les intervenants?
Malheureusement, non. Et je vais vous citer La Presse de Montréal
du 15 décembre, encore une fois: ça fait deux jours. Et je vais
lire quelques paragraphes, ça vaut la peine, pour vous montrer comment
les gens du milieu sont informés et que ces gens-là parlent en
toute connaissance de cause. Il est dit: "Malgré des efforts des
services sociaux, il y a encore au Québec 1000 enfants en attente
d'évaluation de la Protection de la jeunesse et 400 autres qui devraient
être pris en charge par un professionnel." Ça, c'est au moment
où on se parle. On peut bien parler d'une politique de 10 ans, mais, au
moment où on se parle, il y a ça, pour la jeunesse. "Il faut que
l'enfant soit battu, maltraité ou agressé pour qu'on intervienne.
Les cas moins graves, on ne peut s'en occuper adéquatement. C'est
l'urgence la plus urgente!" C'est notre jeunesse, c'est l'avenir. Mais, selon
Mme Lise Denis, qui est la directrice de l'Association des centres de services
sociaux du Québec, tant que le gouvernement n'adoptera pas une politique
sur les jeunes en difficulté comme il l'a fait pour les personnes
âgées, on ne réussira pas à régler le
problème des listes d'attente. On ne nous propose pas, là-dedans,
une politique sur les jeunes. Mme Denis n'a pas trouvé les
réponses qu'elle attendait dans la réforme du ministre
Côté, la réforme dont je vous parlais, pour être
capable de régler le problème de notre jeunesse. On ne retrouve
pas ça dans la réforme. "À part de décréter
que les jeunes sont une priorité, il n'y a pas de mesures
concrètes et encore moins d'argent." Donc, on n'a rien
trouvé.
Mais, par contre, on en propose, des choses, là-dedans. Ce qu'on
nous propose, le ministre l'a même annoncé lorsqu'il a
déposé sa reforme. Il en a parlé aussi en
conférence de presse, la même journée où une
vingtaine d'organismes venaient dénoncer la situation actuelle. Le
ministre a décidé de mettre sur pied un comité de travail.
Nous étions intervenus, ici, à l'Assemblée nationale, il y
a à peu près un mois, soit exactement le 27 novembre, où
nous demandions au ministre s'il avait l'intention de faire une commission
d'enquête ou un comité d'enquête pour revoir toute la
situation de la jeunesse au Québec. Le ministre nous a dit que la
décision n'était pas prise, à ce moment-là. Et,
là aussi, on peut se poser des questions et on peut s'interroger sur la
volonté... quand on regarde comment ça s'est passé.
Alors que, le 27 novembre, je demandais au ministre s'il avait
l'intention de mettre sur pied un comité d'enquête sur la jeunesse
et, si oui, s'il avait l'intention de faire ce que le milieu lui proposait,
c'est-à-dire de nommer des gens d'à peu près tous les
secteurs, des gens informés, mais pas des gens qui étaient
directement - comment je dirais ça - impliqués au niveau des
pouvoirs qui sont délégués par la loi, le ministre nous
répondait, le 27 novembre: Je n'ai pas dit que la décision
était prise. À partir du moment où la décision sera
prise, là, à ce moment-là, il s'agira de confirmer. Le 27
novembre, le ministre nous disait que la décision n'était pas
prise. Et, pourtant, dans un communiqué de presse émis par le
ministre, en date du 13 décembre - ça veut dire trois semaines
plus tard - le ministre nous annonçait un groupe de travail et, en
même temps, il annonçait que c'était pour être
présidé par l'honorable Michel Jasmin, juge en chef adjoint de la
Cour du Québec, chambre de la jeunesse. Il nous disait que le juge avait
accepté de présider ce fameux groupe de travail au début
du mois de novembre. Imaginez-vous! Il ne le savait pas, mais, pourtant, au
début du mois de novembre, c'est-à-dire trois semaines plus
tôt, le président était déjà choisi sur le
comité de travail. Donc, ce n'est pas correct. Il faut au moins
être honnête avec les gens avec qui on traite.
Et là-dessus - je pense que c'est important de le rappeler - une
vingtaine de groupes de gens impliqués disent quoi? Ils disent que
l'incidence de la toxicomanie, de la violence, de la prostitution, de l'abandon
scolaire, des tensions familiales s'accroit nettement depuis trois ans. Et ils
demandent absolument, au plus tôt, qu'il y ait une véritable
commission d'enquête. Qu'est-ce que les groupes demandent? Une commission
d'enquête indépendante nommée et dotée d'un budget
par le gouvernement, en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Il
faut sortir le problème des officines bureaucratiques. Il faut une
commission d'enquête indépendante et non pas faire repasser toutes
(es cartes par le même appareil. Donc, ce que les gens demandaient,
c'était une véritable commission d'enquête, pas le
comité de travail nommé par le ministre. Les gens nous disent que
ce n'est pas ça qu'ils ont demandé.
Ce qu'on retrouve maintenant, c'est encore la même chose. Ce qu'on
retrouve dans le dépôt
de la réforme, c'est un groupe de travail. Le ministre tient
parole par rapport à ce qu'il dit dans sa réforme, et il a
nommé un groupe de travail, ce qu'il avait décidé au
moment où, en Chambre, il nous avait dit que la décision
n'était pas prise. Mais ce que demandent les gens, ce n'est pas un
groupe de travail ministériel ou interministériel qui touche
seulement deux ministères. Ce que les gens demandent, c'est
véritablement une commission d'enquête globale qui va pouvoir
analyser l'ensemble de la situation et, comme je le disais, aller
au-delà du côté seulement juridique des choses. C'est plus
large que ça, c'est plus important que ça et ça devrait
impliquer les autres ministères, tout ce qui concerne la famille, la
jeunesse, l'habitation, ce qui concerne, finalement, le côté
social et humain des choses.
Les gens ont demandé ça, et ce qu'ils nous disent, c'est
que le projet de réforme ne répond pas à la demande. Ce
sont encore les gens du milieu qui disent ça. La CEQ, entre autres, dit
que "le projet de réforme Côté des services de la
santé n'apporte aucune réponse sur l'étendue des
problèmes auxquels le régime de protection de la jeunesse doit
répondre et sur les nouveaux moyens à développer pour y
faire face." Je me fais le porte-parole d'une vingtaine de groupes pour dire
que, malheureusement, la réforme ne répond pas aux besoins de la
jeunesse et que, malheureusement, le groupe de travail ne répond pas non
plus à ce que le milieu a demandé pour être capable de
faire une véritable réforme qui s'assure que la jeunesse va
être en moins mauvaise situation qu'elle est là.
Si on apporte toutes ces recommandations-là et si on s'implique
et on intervient, c'est qu'on ne voudrait pas que la déception prenne la
place de l'illusion qui a été créée par cette
grande annonce qu'a faite le ministre dans sa réforme axée sur le
citoyen. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Shefford. Je reconnais sur le même sujet M. le
député de Beauharnois-Huntingdon.
M. André Chenail
M. Chenail: M. le Président, nous franchissons aujourd'hui
une étape importante dans tout le processus de la réforme de
notre réseau de santé. Le dépôt du projet de loi 120
marque, en effet, le début d'une ère nouvelle consacrée
aux besoins réels des citoyens. Le débat qui a entouré ce
projet de loi a tout d'abord été marqué du rapport de la
commission Rochon, puis du document d'orientation de Mme Thérèse
Lavoie-Roux. À cela est venue s'ajouter, cette année, la
commission parlementaire sur la réforme de la santé. (22 h
10)
Nous sommes donc à même de constater que le projet de loi
120 est l'aboutissement d'un long processus de questionnement. Ces
dernières années, nous avons cherché à identifier
les acquis de notre réseau de santé et à en
réaffirmer un certain nombre d'objectifs, tout en essayant d'en cerner
de nouveaux. Finalement, la réflexion devait nous permettre d'apporter
les changements qui s'imposaient.
C'est donc avec fierté que j'interviens aujourd'hui dans le cadre
du débat sur le projet de loi 120 présenté par mon
collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, M.
Marc-Yvan Côté. Mais, avant de parier plus à fond de la
réforme en tant que telle, j'aimerais, si vous me le permettez, M. le
Président, faire un petit retour en arrière et rappeler les
grandes lignes du système de santé que nous connaissons depuis
plus de 20 ans. Ainsi, à la fin des années soixante, la
commission Castonguay-Nepveu avait conçu un projet de réforme
majeur du domaine des affaires sociales, qui s'est traduit par la mise en
application de plusieurs lois au début des années soixante-dix.
Mais, depuis cette réforme, le système québécois de
santé a connu une croissance extrêmement rapide. Les besoins de la
population ont évolué selon les changements de la
société. Pensons notamment aux problèmes causés par
la population vieillissante et la dénatalité.
Puis, en 1976, le Parti québécois accède au
pouvoir. Il qualifie la situation des salles d'urgence de catastrophique. Le
gouvernement du temps se met alors à la tâche. Mais, cinq ans plus
tard, soit en 1981, il admet que les objectifs ne sont pas atteints. Il se
trouve donc dans l'impossibilité de résoudre le problème.
En 1985, le dossier des salles d'urgence ressurgit dans le cadre de la campagne
électorale, et la population constate, elle aussi, que le travail de son
gouvernement est loin d'être satisfaisant. Pour sa part, le Parti
libéral du Québec fait connaître des engagements
précis en cette matière, soit, entre autres,
l'établissement d'un plan d'urgence pour venir à bout du
problème. Aussitôt au pouvoir, le gouvernement libéral
prépare un plan d'urgence et la ministre de l'époque, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, annonce que le gouvernement allouera une
somme de 150 000 000 $ pour désengorger les salles d'urgence. En
réalité, de 1985 à 1989, c'est une somme de 525 000 000 $
que le gouvernement injecte dans les établissements, avec des
résultats plus ou moins heureux au chapitre du désengorgement
dans les urgences. Qualifiant la situation d'urgente, le ministre, M. Marc-Yvan
Côté, a alors créé un groupe d'intervention
tactique. Ce groupe a été mis sur pied pour contrer les
problèmes d'engorgement dans les urgences des différents
hôpitaux du Québec. L'intervention du ministre venait donc
répondre à un besoin important.
Aujourd'hui, 20 ans plus tard, un examen de la situation s'impose donc.
Qu'il s'agisse de pressions venant de l'intérieur ou de
l'extérieur
du réseau, il est devenu nécessaire d'adapter le
système de santé aux réalités des années
quatre-vingt-dix. Ainsi, M. le Président, c'est le but que vise le
projet de loi sur la réforme des services de santé et des
services sociaux. Il s'agit de recentrer le système sur des objectifs
plutôt que des moyens, de l'orienter en fonction des besoins de la
personne, de ses problèmes et de ses attentes et de lui permettre de
s'ajuster à ces besoins avec souplesse et rapidité. En d'autres
termes, le projet de loi vise à placer la personne au centre du
système. Car aujourd'hui, il ne faut pas se le cacher, les citoyens font
face à des obstacles importants, étant donné la
complexité de notre réseau de santé. Ce dernier est, en
effet, composé d'un ensemble très varié
d'établissements, de professionnels, d'organismes communautaires ayant
chacun sa spécialité quant aux clientèles qu'il dessert,
aux problèmes qu'il traite, aux services qu'il offre, à son
horaire de travail. Le citoyen a ainsi de la difficulté à s'y
retrouver. Il réussit péniblement à pouvoir identifier la
bonne ressource qui lui offre les services dont il a besoin, quand il en a
besoin.
C'est donc pour pallier tous ces problèmes que notre gouvernement
a élaboré une telle réforme. Nous sommes conscients qu'il
fallait adapter l'ensemble des services aux besoins de groupes particuliers,
puisque l'image sociosanitai-re du Québec s'est grandement
modifée au cours des dernières décennies. Effectivement,
le réseau québécois de la santé et des services
sociaux n'a pas toujours su adapter ses services et ses approches pour
répondre soit aux problèmes, soit à la clientèle.
C'est pourquoi la réforme devrait permettre d'adapter les services
destinés aux jeunes en difficulté, aux personnes
handicapées, aux personnes alcooliques et toxicomanes, aux nations
autochtones, à la communauté anglophone et aux communautés
culturelles.
Mais il existe un autre groupe de personnes que le gouvernement a voulu
aider par le biais de sa réforme, un groupe qui ne cesse d'augmenter, en
nombre, et qui requiert des services médicaux mieux adaptés; il
s'agit des personnes âgées. M. le Président, le nombre de
personnes de 65 ans et plus augmentera de 40 % dans les prochains 10 ans. De
plus, au début du siècle prochain, ces personnes formeront
près de 14 % de la population.
Ce phénomène démographique ne concerne pas
uniquement le secteur de la santé et des services sociaux; 83 % des
personnes âgées vivant en milieu naturel ne sont pas
limitées dans leurs activités quotidiennes ou dans
l'accomplissement de leurs rôles sociaux. Et la plupart de ces personnes
désirent demeurer actives. Par contre, elles ne le peuvent pas toujours
à cause des préjugés et des contraintes qu'on leur impose.
M. le Président, le vieillissement de la population aura un impact
important sur la demande de services de santé et de services sociaux. Le
coût moyen, per capita, des services de santé reçus par les
personnes âgées est 6 fois supérieur à celui des
services destinés aux moins de 65 ans.
Pour adapter Jes services aux besoins des aînés, plusieurs
aOTons ont donc été élaborées. Le gouvernement
entend ainsi renforcer le maintien à domicile des personnes
âgées, améliorer la qualité de vie en
établissement, augmenter le nombre de places en institution et, enfin,
supporter et contrôler les foyers qui hébergent des personnes
âgées, mais qui n'ont pas toujours les ressources humaines pour
leur venir en aide lorsqu'elles sont requises.
En ce qui a trait au maintien des personnes âgées dans leur
milieu de vie naturel, le gouvernement du Québec entend tout d'abord
inciter les médecins des CLSC et des cabinets privés à
offrir des consultations médicales à domicile pour les personnes
difficilement capables de se déplacer. Il prévoit confier aux
CLSC le mandat d'accueillir les personnes âgées, d'évaluer
leurs besoins en matière de services à domicile et de
déterminer les services requis, leur fréquence et leur
intensité.
Les CLSC devront aussi offrir eux-mêmes les services
médicaux et infirmiers requis et les soins d'hygiène personnelle.
De plus, ils veilleront à ce que les personnes âgées
obtiennent les services d'aide matérielle et ménagère
requis en les orientant prioritairement vers les organismes communautaires qui
offrent ces services. Enfin, toujours en ce qui concerne les CLSC, ceux-ci
devront faire en sorte que les personnes âgées puissent
éventuellement recevoir une allocation directe leur permettant d'acheter
elles-mêmes les services d'aide à domicile requis.
Comme autres sources concrètes de mon gouvernement pour venir en
aide aux personnes âgées, il est prévu de rehausser de 200
000 000 $ le budget de maintien à domicile à raison de 40 000 000
$ par année pendant 5 ans. Ce budget sera utilisé pour les
services à domicile, les services de répit, dépannage et
soutien aux familles et le parachèvement du réseau de centres de
jour. Ces services devront être disponibles dans chacune des
municipalités régionales de comté du Québec. (22 h
20)
De plus, les CLSC devront fournir les services à domicile dans
les résidences privées pour les personnes âgées et
les habitations à loyer modique. Finalement, une grille
d'évaluation sera établie pour permettre d'apprécier la
capacité et les incapacités des personnes âgées et
leurs besoins en matière de services à domicile.
M. le Président, afin d'accroître la qualité de vie
en établissement, le ministre de la Santé et des Services sociaux
a prévu, toujours dans le cadre de sa réforme, de hausser
annuellement le niveau des services offerts dans les établissements en
allouant un coût pour répondre à l'alourdissement de la
clientèle égal à 0,75 % du
budget de ce secteur d'activité. Puis, afin de répondre
aux besoins concernant les places en établissement, le ministre a
décidé d'ajouter 7000 places d'hébergement et de soins de
longue durée d'ici à l'an 2000. Comme mesure additionnelle, il a
prévu de combler en partie le besoin des places additionnelles par
l'achat de places ou de services dans les résidences privées et
les centres d'accueil autofinancés, ceci afin qu'ils puissent offrir des
services appropriés aux personnes qui, autrement, devraient être
admises dans des établissements publics.
M. le Président, un autre problème existe en ce qui a
trait aux services dispensés aux personnes âgées. Il s'agit
de la présence de foyers dits clandestins. Afin de l'éviter, le
ministre entend demander aux CLSC de recenser les résidences pour
personnes âgées sur leur territoire et de prendre arrangement avec
les municipalités pour obtenir l'information sur tout permis de chambre
délivré pour l'hébergement des personnes
âgées sur leur territoire. Les CLSC devront également
visiter régulièrement les résidences hébergeant des
personnes âgées pour évaluer le degré d'autonomie de
ces personnes, considérer les personnes habitant ces résidences
comme admissibles aux programmes de services à domicile. Enfin, ces
mêmes CLSC rapporteront au ministre, aux fins de poursuites judiciaires,
toute résidence où seront constatées des conditions ou une
absence de soins pouvant causer de graves préjudices aux personnes
âgées qui y sont hébergées.
Ainsi, M. le Président, la réforme des services de
santé et des services sociaux est sans contredit véritablement
axée sur le citoyen. Elle vise à permettre, comme je l'ai
mentionné plus haut dans mon allocution, de mieux adapter les services
aux besoins, aux problèmes et aux attentes des personnes et tout
spécialement des personnes âgées qui constituent, avec les
jeunes, les deux priorités majeures que s'est données le
ministre. Ainsi, cette réforme traduit les préoccupations et
l'attente que porte mon gouvernement à l'égard de ceux et celles
qui ont bâti le Québec.
M. le Président, le Québec a réalisé des
progrès importants sur la maladie et la souffrance au cours des 20
dernières années. Des améliorations ont également
été réalisées en ce qui concerne les
problèmes sociaux, mais il ne faut pas que le développement
s'arrête là, bien au contraire. Nous avons décelé
les carences de notre réseau de santé et nous savons trop bien
que révolution sociale et économique du Québec impose de
nouvelles exigences. De surcroît, le réseau ne pourra guère
faire face à ces problèmes avec la dynamique actuelle de
développement, de financement et de fonctionnement.
En terminant, nous amorçons donc un nouveau départ
empreint de lucidité et d'optimisme. Notre gouvernement a pris ses
responsabilités et c'est, une fois de plus, les citoyens et les
citoyennes du Québec qui en bénéficieront. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Beauharnois-Huntingdon. Je reconnais maintenant, sur le
même sujet, M. le député de Masson. M. le
député.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. M. le
Président, depuis quelques heures, point n'est besoin de vous cacher que
l'Opposition a quelques réticences sur la réforme que nous avons
entre les mains. Cependant, il faut reconnaître que l'ensemble de la
deputation du côté de l'Opposition a dit que c'était un
travail de titan, une réforme qui a demandé au ministre qui
détient ce portefeuille énormément d'heures de travail,
des contacts avec tous les agents du milieu, des heures et des heures à
l'écoute de ceux qui sont impliqués dans le milieu. Ça, de
ce côté-ci, je pense qu'on l'a reconnu et ne pas le
reconnaître, ce serait presque un outrage au travail qui a
été fait. Et, là-dessus, je me dois, comme il se doit, de
féliciter le ministre pour sa ténacité et son travail.
C'est un homme qui travaille toujours très dur et très fort et,
quand il a une idée dans la tête, il y va et il y va à fond
de train.
Cependant, je disais, au tout début, que nous avons des
réticences. Et, c'est absolument normal que, lorsque nous examinons...
D'abord, c'est un brouillon de projet, qui est bien fait, bien sûr, qui a
été fait le mieux possible, mais c'est un embryon. C'est la
naissance d'un projet en évolution d'ici quelque temps avant qu'il
prenne forme. Alors, nous sommes obligés, nous, par devoir, de regarder
un peu plus à fond les défaillances du système et
d'essayer ensemble, de façon constructive, de colmater les
brèches qui s'y sont glissées. Et il y en a plusieurs.
On a des idées un peu différentes, selon les personnes,
selon le milieu d'où l'on vient, sur les faiblesses. Le maudit ticket
orienteur... Est-ce que c'est permis en Chambre de dire ça, M. le
Président? Je prétends que oui. Le ticket orienteur. Tout
d'abord, je voudrais faire une petite remarque. M. le ministre actuel a dit,
sur le ticket orienteur: La réforme de la santé peut se passer de
l'approbation d'Ottawa. Là-dessus, je tiens à vous dire que je
suis complètement d'accord. Complètement d'accord, sur le ticket
orienteur, lorsque vous avez dit: La réforme de la santé peut se
passer de l'approbation d'Ottawa. Sur ça, je trouve ça superbe.
Ça, c'est sur la forme. Et ce serait très surprenant, M. le
Président, que, nous connaissant... Nous ne sommes pas les plus grands
alliés d'Ottawa dans leurs batailles et, si nous endossions, via Ottawa,
une bataille sur un point ou une brèche qu'on trouve dans cette brique
énorme qu'est cette réforme, eh bien, vous diriez qu'on est
tombés
un peu sur la tête.
Ça demeure quand même qu'il y en a même dans mon
comté, en fin de semaine, je leur parlais du ticket orienteur... Le
ministre disait: On ne veut pas que ça nous rapporte un sou et, si
ça nous rapporte un sou, on a manqué notre coup. Il est
probablement bien intentionné en disant ça. Il y en a qui en
doutent. Et, un type, dans mon comté, qui est dans le système,
m'a dit: C'est vrai que les gens savent quand il y a des hôpitaux dans
leur région, mais il faut d'abord en avoir pour s'y rendre, ou des CLSC,
il faut encore qu'il y en ait pour s'y rendre, ou, des fois, ils sont un peu
trop loin. Plutôt que de dépenser une somme peut-être
fabuleuse dans une tournée en janvier, au début de
l'année, comme vous vous proposez de le faire, pour expliquer aux gens
que le ticket orienteur n'est pas un ticket modérateur... Et, pour le
prouver, il va falloir absolument qu'il y ait beaucoup de publicité
parce que beaucoup de gens de bonne volonté pensent qu'il y a confusion
entre le ticket orienteur et le ticket modérateur.
Et il y en a un qui, certainement à la blague, mais
peut-être que ce n'est pas si à la blague que ça, disait:
Si, dans chaque région, on donnait une boussole, on achetait une petite
boussole et qu'on donnait ça à tous les éventuels patients
de la région avec CLSC, hôpital, etc., ça coûterait
4,95 $ au lieu de 5 $, par patient et c'est sûr qu'ils s'orienteraient
bien. Si c'est le but visé, il s'agirait tout simplement de donner une
boussole dans chacune des régions et ça serait vraiment la
boussole orientatrice. Ça ne vous coûterait pas un sou et il ne
vous rentrerait pas un sou de plus. Ça, votre but serait atteint et les
gens se dirigeraient à la bonne place, parce que vous leur auriez fourni
l'instrument pour ne pas qu'ils se trompent d'institution. (22 h 30)
C'est bien sûr que la personne responsable, c'est une personne qui
travaille dans un CLSC, qui a un assez bon poste qui m'a dit ça. Je lui
ai dit: Tu me dis ça à la blague. Il a dit: Je le dis semi
à la blague et semi en vérité. D'abord, ça n'en
prendrait pas pour tout le monde et le meilleur moyen de publicité, si
le but visé par le gouvernement est de dépenser des sous en
publicité et si vraiment le fond est un ticket orienteur, pourquoi ne
pas dépenser une certaine somme d'argent pour donner des boussoles -
ça ne coûte rien, presque rien, une petite boussole - pour
vraiment orienter les gens? Autrement, il y en a beaucoup, et des gens de bonne
volonté, qui doutent, qui douteront et qui longtemps douteront du 5 $
orienteur, parce que c'est comme la TPS qui est à 7 %, on a toujours
peur que l'an prochain on dise qu'elle est à 8 % et que l'autre
année elle soit à 9 % et qu'on en vienne à 5 $
d'orientation, 25 $, 50 $ d'orientation.
C'est une des faiblesses, d'après nous. Avant de continuer dans
les faiblesses, j'aimerais dire une chose. Il y a eu aussi - j'ai entendu
plusieurs parler de ce côté-ci - le rôle accru des CLSC, on
est d'accord; la répartition des effectifs médicaux, on est
d'accord; la participation directe des citoyens, on est d'accord; la gestion
régionale, super d'accord. Mais là, dans la gestion
régionale, tout en étant d'accord, la répartition est
excessivement difficile à faire. Au nombre de personnes? Les gens des
villes aux populations les plus denses vont avoir beaucoup plus d'argent au
prorata de leur densité, beaucoup plus de soins tout proches d'eux et,
supposons la Gaspésie, ils sont 250 000 dans toute la péninsule,
ça, c'est un problème de distribution de la richesse dans les
régions.
Une autre chose, M. le Président, c'est que votre
réflexion écrite sur la réforme arrive avant d'autres lois
qui auraient dû arriver avant. Le chapitre 5 des MRC qui leur donnait des
pouvoirs, si ce chapitre-là était sorti, mis sur la table, le
fameux livre no 5 qui donne les pouvoirs aux MRC, eh bien! vous pourriez avoir
les MRC qui seraient, dans chacune des régions, responsables, avec des
gens du CLSC bien sûr, mais une autorité régionale
élue, déjà en place et formant déjà une
élite qui connaît l'ensemble, et j'ai l'impression que ce ne
serait pas une mauvaise idée. On en a parlé en fin de semaine,
plusieurs dans mon coin croiraient en une force régionale, surtout que
vous vous apprêtez à transférer des sommes énormes
au gouvernement municipal, et partant, si les MRC avaient des pouvoirs, elles
pourraient comme dans certains pays... Je pense qu'en Norvège on a cette
division-là. Je pense que les grands hôpitaux, c'est le national
qui s'en occupe et les soins secondaires, les choses de première ligne,
ce sont les villes, les municipalités, les MRC de la place.
Et ça, ce serait certainement dans l'attribution des budgets
régionaux. C'est là que le bât va blesser le plus, je
pense. Parce que la distribution des sommes, j'ai bien hâte de voir
ça. J'ai bien hâte de voir ça. Des régions qui
augmentent de 100 % tous les cinq ans, comme la région où
j'habite. Supposons qu'on arrive et qu'on dise: Cette année, selon les
chiffres de l'an passé - on prend les chiffres de l'an passé,
mettons dans toutes les. régions du Québec... Il y a seulement
deux régions où la population augmente très vite et
d'autres se vident; comment allons-nous faire une répartition juste?
Chez nous il y a 250 000 habitants et dans cinq ans il y en aura 375 000. Tous
les cinq ans, presque, c'est ça. Alors, cette année on a dit: II
y a 250 000 habitants sur ce territoire, tant la personne, ça donne
tant. Dans l'année où on applique le budget, on va avoir
augmenté de 75 000 personnes, donc les endroits comme ma région
qui augmentent plus vite de population seront, par le fait même,
défavorisés et je tiens à ce que ma région, la
région Laurentides-Lanaudière, surtout Lanaudière parce
que j'y habite et que je suis député de Lanaudière, ne
soit pas défavorisée, et je vais surveiller de très
près en commission parlementaire la façon dont on va diviser le
budget régional.
L'autre faiblesse de la loi - d'autres brèches que nous allons
surveiller de très près -c'est la brèche qui se fait chez
les jeunes. Nous trouvons bien sûr que, pour les jeunes, la
réforme - on l'appelle la réforme Côté, mais disons,
ici, pour le respect de la Chambre, la réforme du ministre des affaires
sociales - veut développer des services de consultation
spécialement dédiés aux jeunes de 12 à 18 ans aux
prises avec des problèmes fréquents à cet âge.
Ça, personne n'est contre un principe comme ça. Ça, c'est
sûr. La réforme du ministre veut soutenir en priorité des
projets communautaires novateurs ayant pour but de venir en aide aux enfants et
à leur famille. Encore là, ce sont deux principes pour la
jeunesse qu'on trouve excellents et je pense qu'il faudrait avoir l'âme
très noire pour ne pas accepter un principe comme celui-là; et
puis des âmes noires, à ce que je sache, M. le Président,
il n'y en a pas dans cette Chambre. Mais c'est la façon dont le principe
peut être appliqué sur le territoire que nous regardons avec un
oeil un peu plus critique, et je pense qu'il est normal que nous le regardions
d'un oeil critique. L'Opposition promet de rester excessivement vigilante, M.
le Président, excessivement vigilante quant à la façon
dont la réforme sera mise en oeuvre pour les jeunes.
La réforme veut s'attaquer à des problèmes urgents
et prioritaires et mon confrère de Shefford en parlait tantôt. Le
problème des jeunes: 150 tentatives de suicide par année. C'est
énorme. C'est énorme! "Dropout" dans les écoles
secondaires: 30 %; dans les cégeps et les universités: 35 %. Je
sais que le ministre est au courant. Ces jeunes-là ont des
problèmes d'alcool, de drogue, ou de famille, ou de pauvreté ou
de milieu ambiant. Ça, je n'apprends rien au ministre en lui disant
ça. Ça, c'est sûr. Mais la façon de traiter ce
problème-là, ça prend énormément d'argent.
Dans sa grosse brique, il dit - et j'espère que chaque mot était
pesé, je vais essayer de rappeler exactement les mots: Pour faire cette
réforme, le ministre demande une augmentation réelle de son
budget de 3 % par année pendant 5 ans. C'est ce que j'ai lu. Est-ce que
le mot "réelle" veut dire le budget de cette année plus
l'inflation plus 3 %? J'ai compris ça comme ça. S'il en est
ainsi, et il faudrait qu'il en soit ainsi, s'il en est ainsi, M. le
Président, il y a une volonté de rajouter de l'argent, une
volonté épistolaire ou verbalisée. C'est une
vérité épistolaire ou verbalisée. Mais à le
mettre dans les prochains budgets de façon réelle, vive, tangible
et palpable, eh bien, là on va surveiller, M. le Président. Parce
qu'on en a vu d'autres. On appelle ça des paroles verbales. On en a vu
d'autres, paroles verbales. Mais on ne voyait pas de concrétisation
quand arrivait le budget.
Nous allons être d'une grande vigilance, M. le Président,
parce que cette réforme pour les jeunes, aussi pour les personnes
âgées... Je vais prendre les deux extrêmes, je ne vais
prendre que ces deux-là: les jeunes et les personnes âgées.
Les personnes âgées. J'ai rencontré deux, trois clubs de
l'âge d'or, et je ne suis pas un négatif, M. le Président,
je vous le confirme, je suis un type qui essaie d'être constructs,
même dans l'Opposition, j'ai rencontré des clubs de l'âge
d'or, et ça se voit et ça s'entend surtout. Quand on
m'écoute parler, on ne me dit pas: D'où sors-je, qu'entends-je,
qu"'audiais-je"? Non, non. Je dis ce que je pense et, quand je fais
écrire quelque chose par ma secrétaire, elle comprend. Elle ne me
dit pas: Que "télétypai-je"? Elle comprend ce qu'elle
dactylographie. (22 h 40)
Les jeunes et les personnes âgées. Eh bien, des personnes
âgées, j'en ai vu et je leur ai dit... Écoutez, ils sont
inquiets. J'ai essayé de les rassurer en leur disant que c'est le
premier script, c'est le brouillon d'un immense projet qui doit être
étudié en commission parlementaire. Et on se fie à
l'Opposition - j'en suis persuadé -pour essayer de trouver toutes les
failles afin de les corriger. Ça, j'en suis persuadé. Vous savez
que nous avons l'oeil asssez furtif pour déceler toutes les petites
fissures qui peuvent se glisser dans ce mur qui doit être le bastion de
la santé pour les décennies qui viennent. Ça, soyez
assurés que toutes les petites fissures nous allons les voir.
Les personnes âgées. On voit, dans le journal, vendredi, 14
décembre, M. le Président: "Médicaments: un
retraité sur deux frappé par l'impôt." Ça, les
personnes âgées de mon comté... J'ai vu deux clubs de
l'âge d'or en fin de semaine et ces deux clubs de l'âge d'or m'ont
parlé de cette nouvelle: Comment se fait-il que nos médicaments,
après 65 ans, nous étaient tous payés? Parce que le
principe de l'universalité, c'est universel ou ça ne l'est pas.
Là, si on gagne un certain salaire, selon notre salaire, nous allons
être obligés de débourser une partie. Et ils se sentent
brimés. Les personnes âgées disent: Nous avons
travaillé toute notre vie, nous avons payé de l'impôt toute
notre vie pour que les gens de la génération montante aient des
institutions, de meilleures écoles, de meilleurs systèmes. Et
nous, quand nous arrivons à notre retraite, nous attendons de vous ce
respect que commande le travail que nous avons fait durant toute notre vie. Et
vous allez nous charger de l'impôt sur des médicaments, une chose
que nous avons gratuitement depuis 1978? Là-dessus, M. le
Président, nous allons nous battre, parce que le principe de
l'universalité, on n'a pas besoin d'Ottawa pour dire qu'on doit
l'appliquer. Qu'ils restent dans leur cour, qu'ils gardent leurs
bébelles, ils en ont déjà trop. Mais nous, ici, dans cette
Assemblée nationale, nous avons le devoir d'en parler. Les jeunes
doivent avoir
beaucoup d'argent de mis sur eux et les personnes âgées ne
doivent pas être privées des médicaments qu'elles avaient
gratuitement.
Et en terminant, M. le Président, je souhaite beaucoup que les 3
% du budget réel de chaque année, durant les cinq ans, soient
vraiment appliqués, mais je doute vraiment que ça le soit. Pour
le moment, je suis obligé de faire confiance et je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président
(M. Lefebvre): merci, m. le
député de masson. je cède maintenant la parole, sur ce
même sujet, à m. le député d'iberville.
M. Yvon Lafrance
M. Lafrance: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'intervenir dans le débat entourant l'adoption du projet de loi 120,
Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant
diverses dispositions législatives. Il s'agit, M. le Président,
comme on le sait, d'un projet de loi très important comptant 494
articles. Ce projet de loi, M. le Président, découle de cinq
années d'étude et de consultation et était attendu avec
intérêt de la part des citoyens et citoyennes du
Québec.
M. le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais, au nom des
citoyens et citoyennes du comté d'Iberville, féliciter et
remercier l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux pour
avoir mené cette loi ou ce projet de loi au résultat que nous
connaissons. D'ailleurs, permettez-moi de citer quelques titres de journaux
locaux - je dis bien de journaux locaux - du comté d'Iberville et de la
région du Haut-Richelieu afin de vous prouver jusqu'à quel point
la réforme des services de santé et des services sociaux fut
accueillie favorablement. Tout d'abord, dans Le Canada français,
journal hebdomadaire du Haut-Richelieu, en date du 12 décembre, on
peut lire: "Rôle accru pour les CLSC, nouvelles sources de financement:
Le ministre Côté tient promesse, sa réforme est bien
axée sur le citoyen". Encore dans Le Canada français, ici,
en date du 12 décembre: "200 000 000 $ de plus pour le maintien à
domicile, de bonnes nouvelles pour les personnes âgées". Toujours
dans Le Canada français, des paroles venant du directeur
général du CLSC Vallée des Forts, M. Mario
Lafrenière, et je cite: "Cette réforme aura des effets
bénéfiques". La Voix de l'Est, ici, M. le
Président, en date du 8 décembre: "Une réforme bien
accueillie, les régions en profiteront". Toujours dans La Voix de
l'Est, et ce ne sont pas des paroles de député, M. le
député de Masson, mais des paroles citées des gens de la
rue. Il y a même une personne, ici, qui dit: "Je suis sur le BS, je vais
les donner, mes 5 $, s'il le faut. Il y a trop de gens qui abusent des services
de santé gratuits." Personnes sur la rue. "Je suis d'accord - une autre
ici - avec le ministre, il y a beaucoup de gens qui vont à l'urgence
pour des riens." Dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe, en date du 12
décembre: "L'accent est mis sur l'usager. Le milieu maskoutain se
réjouit de la réforme des services de santé."
M. le Président, c'est donc dire que c'est plus que favorablement
que la population de ma région a reçu les nouvelles
réglementations contenues dans le projet de loi. Les citoyens et
citoyennes du comté d'Iberville attendaient donc avec
intérêt, et je dois dire peut-être impatience, cette
réforme. Faisant partie, en effet, de la Montérégie, et se
situant en périphérie du Grand Montréal, notre
région a littéralement éclaté en population, ceci
depuis une quinzaine d'années. Cet état de choses a amené,
il va de soi, de nouveaux besoins qui se faisaient de plus en plus pressants et
urgents. Bien sûr, au fil des ans, notre gouvernement avait
successivement annoncé plusieurs mesures correctives afin de
répondre aux besoins locaux. Mentionnons ainsi la relocalisation du CLSC
Vallée des Forts, à Iberville, l'augmentation importante des
budgets de fonctionnement de l'hôpital du Haut-Richelieu, les
rénovations importantes de plusieurs centres d'accueil du comté
d'Iberville et aussi un appui plus grand du côté financier aux
centres de bénévolat.
Mais, au-delà de ces mesures, les citoyens et citoyennes
étaient en droit, je pense, de s'attendre à plus. On demandait
des changements, des ajustements tenant compte de l'évolution sociale et
économique du Québec. En effet, des pressions s'exerçaient
de plus en plus afin d'ajuster les services de santé et les services
sociaux, comme par exemple, au vieillissement de la population et à ses
attentes, au développement technologique et à l'émergence
aussi des nouvelles problématiques sociomédicales tels le sida,
la violence, l'itinérance et les conflits familiaux.
En contrepartie, il nous fallait résister aux pressions de plus
en plus fortes afin de ralentir sinon freiner la croissance des coûts
encourus pour répondre aux besoins grandissants. C'était donc
là une tâche colossale et j'aimerais féliciter encore une
fois M. le ministre pour non seulement son travail, mais surtout le
résultat de sa réforme.
M. le Président, comme je l'ai dit, le projet de loi est majeur
et touche à peu près à toutes les facettes des services de
santé et des services sociaux. C'est pourquoi j'aimerais prendre les
quelques minutes qui me restent afin de parler de l'attention spéciale
donnée aux personnes âgées dans le projet de loi. Je ne
comprends pas, d'ailleurs, pourquoi le député de Masson,
voilà quelques minutes, se disait préoccupé pour les
personnes âgées. Voici pourquoi. M. le Président, les
personnes aînées représentent un groupe de plus en plus
important de notre société. D'ailleurs, mon collègue de
Beauharnois-Huntingdon y a fait allusion tout à l'heure. Dès l'an
2001, elles
formeront près de 14 % de la population. C'est donc dire
l'urgence de s'ajuster progressivement à leurs besoins qui vont aller en
augmentant au fil des ans. De plus, les études conduites
démontrent que plus de 80 % des personnes âgées peuvent et
veulent demeurer actives dans leur milieu naturel. Ceci, il va de soi, est
facilement compréhensible et, avant tout, revêt un
caractère humain. (22 h 50)
Tout d'abord, M. le Président, le ministre de la Santé et
des Services sociaux, qui est aussi responsable de la Condition des
aînés, proposera sous peu des programmes et des actions afin de
favoriser l'autonomie et la participation des aînés à la
vie collective. Ces mesures seront accueillies avec enthousiasme et
intérêt de la part de nos aînés, j'en suis certain,
car ils sont très nombreux ceux et celles qui veulent demeurer actifs
dans leur milieu social. Par contre, nous réalisons que plusieurs
aînés ont et auront besoin de services de santé et de
services sociaux, soit à leur domicile, pour eux-mêmes ou pour
leurs proches qui les aident, soit en institution.
En conséquence, afin de mieux adapter les services aux besoins
des aînés, la réforme entend prendre quatre grandes
mesures. Tout d'abord, le maintien à domicile; nous allons renforcer le
maintien à domicile des personnes âgées. Ainsi, afin
d'aider nos aînés à demeurer dans leur milieu de vie
naturel, le ministère entend rehausser le budget de maintien à
domicile de 200 000 000 $, à raison de 40 000 000 $ par année
pendant cinq ans. Ceci va nous permettre, tout d'abord, de développer
les services à domicile. Aussi, le côté du
développement des services de répit, de dépannage et de
soutien aux familles sera amélioré. Enfin, l'implantation d'un
centre de jour dans chacune des municipalités régionales de
comté ou, si vous préférez, MRC; sera ajoutée. De
plus, nous allons inciter les médecins des CLSC et des cabinets
privés à visiter, à domicile, les personnes qui
connaissent des difficultés à se déplacer. Enfin, nous
allons demander aux centres locaux de services communautaires d'évaluer
les besoins des personnes âgées en matière de services
à domicile et de déterminer les services requis, leur
fréquence et leur intensité.
Nous allons également demander aux CLSC d'offrir les services
médicaux, les services infirmiers et les soins d'hygiène
personnelle. Nous allons demander aussi aux CLSC de veiller à ce que les
personnes âgées obtiennent les services d'aide matérielle
et ménagère requis en les orientant prioritairement vers les
organismes communautaires offrant ces services. Nous allons également
demander aux CLSC de faire en sorte que les personnes âgées
puissent, éventuellement, recevoir une allocation directe leur
permettant d'acheter elles-mêmes les services d'aide maternelle et
ménagère requis par leur état. Et, enfin, nous allons
demander aux CLSC de fournir les services à domicile dans les
résidences privées pour personnes âgées et les
habitations à loyer modique. Voilà plusieurs mesures
concrètes en matière de maintien à domicile, des mesures
importantes qui aideront beaucoup nos aînés. J'anticipe
déjà le plaisir de suivre, dans le comté d'Iberville,
l'implantation de ces mesures au fil des années. de plus, m. le
président, le ministre compte agir dans trois autres facettes des soins
pour personnes âgées. tout d'abord, la qualité des
établissements. afin d'accroître la qualité de vie des
personnes âgées vivant en établissement, le ministre entend
rehausser le budget des établissements pour personnes âgées
pour répondre à l'alourdissement de la clientèle, ceci
pour un montant annuel important d'environ 12 000 000 $. il entend aussi mettre
en oeuvre un important programme de rénovation fonctionnelle
destiné en particulier aux établissements du réseau public
qui hébergent des personnes âgées. cet investissement sera
de l'ordre de 400 000 000 $ à raison de 80 000 000 $ par année
pendant cinq ans.
En troisième lieu, le nombre de places. M. le Président,
afin d'accroître le nombre de places en établissements, le
ministre propose d'ajouter 7000 places d'hébergement et de soins de
longue durée d'ici l'an 2000. Il compte aussi combler en partie le
besoin de places additionnelles par l'achat de places ou de services dans les
résidences privées et les centres d'accueil autofinancés,
pour qu'ils puissent offrir des services appropriés aux personnes qui,
autrement, devraient être admises en établissements publics.
Et finalement, pour les CLSC, et ceci afin d'éviter la
présence de foyers dits clandestins - et nous savons qu'il y en a au
Québec - les CLSC devront recenser les résidences pour personnes
âgées sur leur territoire, prendre arrangement avec les
municipalités pour obtenir l'information sur tout permis de chambre
délivré pour l'hébergement de personnes
âgées, visiter régulièrement les résidences
hébergeant des personnes âgées pour évaluer le
degré d'autonomie de ces personnes, considérer les personnes
habitant ces résidences comme admissibles aux programmes de services
à domicile, rapporter au ministère, aux fins de poursuites
judiciaires, toute résidence dont les conditions ou l'absence de soins
peuvent poser de graves préjudices aux personnes âgées qui
y sont hébergées.
Voilà donc, M. le Président, les mesures bien
concrètes contenues dans la réforme concernant
précisément les personnes âgées. Je pense qu'il y a
lieu de se réjouir de ces mesures.
En conclusion, je dirai que c'est là la preuve que cette
réforme a bel et bien placé le bénéficiaire en
premier lieu et qu'elle est, avant tout, une réforme axée sur le
citoyen. Je vous remercie.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Iberville. Je reconnais maintenant M. le
député de Laviolette. M. le député de Lavio-lette,
vous avez la parole.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai
écouté avec beaucoup d'attention mon collègue qui vient de
me précéder. Je pense qu'il a raison quand il dit que c'est une
entreprise colossale que le ministre entreprend avec cette réforme. Je
pense que personne, parmi ceux qui ont assisté à l'ensemble des
commissions qui ont touché à la fois les soins de santé et
les services sociaux, ne dira qu'on n'a pas devant nous une entreprise
colossale. Je pense qu'au départ c'est réel.
Deuxièmement, lorsque l'on parle de cette réforme, on peut
faire la nomenclature en disant un peu comme deux enfants qui se disputent: Mon
père est meilleur que le tien. Il en a fait plus et lui il va en faire
plus que toi. Je pense que ce n'est pas de même qu'il faut regarder la
réforme qui est proposée.
C'est évident qu'on pourrait dire: L'ancien gouvernement a fait
tant de places, le nouveau gouvernement va en faire tant, il n'a pas tenu ses
promesses. Moi, devant ces phénomènes-là je suis un peu
désabusé. Je faisais mention au ministre des Forêts,
à un moment donné dans une discussion, qu'il fallait
dépasser le stade de regarder ce que l'autre avait fait, ce qu'il
n'avait pas fait et de dire: L'autre ne fera pas ce qu'il a promis de faire. Je
pense qu'on est devant une situation où il faut une réforme.
Cette réforme, elle peut être plus ou moins facile à faire,
mais ce qu'on a devant nous, c'est un changement de mentalité. On n'a
pas besoin de se promener longtemps. Moi, ça fait 14 ans que je suis
député, mais avant ça j'ai eu l'occasion de participer
comme membre de ce qu'on appelle les organismes socio-économiques,
même comme président fondateur du CLSC Normandie, qui est
considéré comme étant un bon CLSC à travers le
Québec, qui donne l'exemple même quant à la façon
dont il fonctionne. C'est un CLSC qui, à un certain moment, avait fait
dans le milieu ce que le département de santé communautaire
devait faire, c'est-à-dire une partie de recherches et en même
temps de prévention et qui, à côté de ça;
avait essayé de donner les meilleurs services possible à d'autres
clientèles. (23 heures)
D'ailleurs, je dois vous rappeler, M. le Président, à
moins que je ne me trompe, qu'il y a une chose certaine, le premier CLSC au
Québec qui, dans ses murs, contient une partie qui s'appelle une
garderie, c'est le CLSC Normandie. Je devrais même dire que c'est un des
seuls CLSC qui contienne des services comme ceux-là. Pourquoi? Parce que
des gens dans le milieu s'étaient regroupés et s'étaient
dits: Dans notre milieu, on a besoin de quels services, et on a essayé
de les donner. Allez voir le CLSC à Saint-Tite qui regroupe un secteur
rural et regardez les services qu'il a essayé de donner; il a
essayé d'avoir des médecins qui étaient à salaire,
bien entendu. Il y a des médecins qui ont été
attirés par le CLSC, mais, quand leur clientèle a
été faite, tout à coup, tu les as vu bifurquer et ils ont
ouvert la clinique à côté. Il a fallu recommencer à
nouveau, allez chercher des médecins pour les inciter à venir
travailler au CLSC, toujours à salaire, bien entendu.
Ces services qu'on a donnés et qu'on continue à donner
méritent d'être davantage soutenus. Donc, c'est une bonne
nouvelle, quand on nous apprend que certains services qui, normalement,
devraient être donnés par les CLSC vont être
améliorés. On va même leur donner la capacité d'en
faire davantage, ce qu'on appelle faire de la première ligne, dans le
langage habituel dans le système. Un exemple que l'on a, dans le coin de
Saint-Tite toujours, et là, je fais bien attention parce que, ici,
à Québec, on va dire que c'est de Saint-Tite-des-Caps dont je
parle; je parte de Saint-Tite, dans le comté de Laviolette, donc de
Saint-Tite de Champlain, un secteur où il y a une activité
importante tous les ans pendant une dizaine de jours, deux fins de semaine en
particulier, une municipalité qui a 5000 habitants, mais qui, lorsque le
festival "western" arrive, se retrouve, durant les fins de semaines, à
100 000 personnes. Le ministre du Tourisme le sait très bien.
D'ailleurs, je l'avais invité à venir et il m'a dit que,
l'année prochaine, il viendrait.
Mais 100 000 personnes, un dimanche, ça demande que le CLSC, s'il
arrive une urgence, soit ouvert 24 heures sur 24. Et, dans ce
contexte-là, M. le Président, il est important de constater que
la réforme donne une place plus importante aux centres locaux de
services communautaires. Mais même cela étant dit, ça ne
règle pas, M. le Président, toute la question des urgences dans
les centres hospitaliers. Ma région a un problème majeur, parce
qu'elle se trouve dans un milieu entre les grands centres de Montréal et
de Québec, avec, au sud, le centre de Sherbrooke. Donc, c'est un
triangle dans lequel on se sent un peu pris par le phénomène des
grands centres universitaires qui attirent une clientèle de
médecins qui ont la chance, au niveau universitaire en plus, de faire
davantage d'expériences que dans le petit centre chez nous. Donc, nous
sommes dans un milieu qui est un milieu intermédiaire entre les grands
centres urbains, les grands centres au niveau universitaire et ce qu'on appelle
les régions éloignées. Alors, quel est le problème
que nous avons vécu chez nous? C'est d'attirer du personnel
médical, des anesthésistes, des spécialistes, des
personnes qui acceptent de venir vivre dans un milieu qui n'a peut-être
pas tous les moyens que posséderait un grand centre, mais qui a quand
même des besoins. Or, par les phénomènes d'attirance
vers
les zones extérieures qu'on a connus dans notre
région, donc zones éloignées, et là, je fais
mention de Mont-Laurier, de la Côte-Nord, je peux même faire
mention d'un autre secteur de mon comté qui est La Tuque, il y a eu une
forme d'attirance qui a été acceptée par ce qu'on appelle
les hôpitaux désignés. Ces hôpitaux
désignés ont fait en sorte, M. le Président, que des
phénomènes aussi bêtes que celui-là... Vous avez
l'hôpital régional de La Mauricie qui est un hôpital qui est
supposé être sous la sous-région Grand-Mère,
Shawinigan, Shawinigan-Sud et les environs, il y a un médecin qui
travaille là comme spécialiste ou anesthésiste, il demeure
en arrière de l'hôpital Laflèche à
Grand-Mère, mais il est attitré, son travail, c'est à
l'hôpital régional, il a demandé les accréditations
nécessaires. Au moment où Laflèche a besoin d'un
anesthésites ah là! par exemple, on ne le voit pas. Il aime mieux
peut-être, dans certaines circonstances, s'en aller sur la
Côte-Nord, aller donner du service dans les zones excentriques.
Alors, on est un peu pénalisé, parce qu'on
est dans une zone intermédiaire. Le ministre, à ce
niveau-là, dans l'ensemble, dit: II va falloir qu'on trouve une
solution. Donc, je suis heureux, M. le Président, qu'on cherche une
solution dans ce sens-là et soyez assuré que, moi, je vais faire
tout en mon pouvoir pour inviter le ministre à continuer et à ne
pas lâcher dans ce sens-là. Un exemple qui a fait l'objet d'une
visite du ministre dans mon propre comté, au centre hospitalier
Laflèche ainsi qu'à l'hôpital régional de la
Mauricie, qui était une rencontre qui a eu lieu vers 10 heures à
Grand-Mère et vers midi à Shawinigan-Sud, a amené, quant
à moi, une réponse à la question que les gens se posaient
dans le milieu et qui, je l'espère, va amener les médecins, parce
que j'en faisais mention tout à l'heure, à ce changement de
mentalité qui est recherché. Le médecin qui reçoit
des services du centre hospitalier parce qu'il est dans sa clinique à
lui, il a besoin à un moment donné d'une prise de sang, il a
besoin à un moment donné d'une radiographie. Il a besoin que son
client, son patient fasse de la physiothérapie. Ce
médecin-là, en étant à l'extérieur du centre
hospitalier, pénalise tous ceux qui sont à l'intérieur du
centre et qui veulent donner des services, M. le Président, et qui se
sentent un peu floués, si vous me permettez l'expression, parce qu'eux
acceptent de donner les services d'urgence, ils acceptent de faire en sorte que
la clientèle qui vient à l'urgence soit soignée.
Mais, malheureusement, ils prennent la clientèle du
médecin qui, lui, reste dans la clinique chez lui, qui fait du 9
à 5 et qui ne donne pas le service à l'hôpital et, en
conséquence, qui pénalise ses autres confrères qui sont
dans l'hôpital. Alors, quand le ministre, dans la réforme,
à la question qui a été posée lorsque les gens sont
venus en commission parlementaire... Le conseil régional de la
santé et des services sociaux de ma région est venu en commission
parlementaire et on l'a posée, cette question-là: Est-ce que vous
croyez que le médecin qui a sa clinique et qui reçoit des
services de l'hôpital, est-ce que vous croyez que ce médecin, en
contrepartie, doit donner des services à l'hôpital?
La réponse a été oui. Il faut donc
trouver un moyen pour que le médecin revienne à l'hôpital.
Nous avons connu à travers le Québec, chez nous en particulier,
ce qu'on a appelé l'urgentologue, une personne qui n'avait comme
fonction que de faire de l'urgence, qui n'avait pas nécessairement des
privilèges du centre hospitalier et qui se retrouvait à ne pas
être capable de prendre en charge le patient qui venait le voir. Il
était transféré à un médecin qui avait un
privilège. Donc, ça lui donnait, à celui qui était
le médecin qui s'occupait de la liste d'urgence, à s'occuper en
plus de sa liste parallèle qui était les clients du
médecin qui restait en clinique privée et, en plus, faire sa
propre clinique à lui, chez lui ou ailleurs.
Donc, il y avait des charges énormes. Ces
médecins-là, moi, je pense qu'on doit les féliciter
d'avoir tenu le coup, mais il va falloir que leurs confrères acceptent
de venir les aider et de venir faire en sorte que le centre hospitalier vive
différemment de ce qu'il a vécu jusqu'à maintenant. Ce
n'est pas facile de changer des mentalités comme ça, M. le
Président. Le ministre s'attaque à gros. Il est certain et le
ministre le sait très bien, que de ma part il va avoir un entier appui
à cette décision qu'il a prise de dire aux médecins: Si tu
reçois des services de l'hôpital, tu vas devoir donner des
services à l'hôpital en contrepartie.
Est-ce que ce serait le début de ce que certains
médecins ont dit, le salariat médical? C'est bien vite possible.
Vous savez qu'il y a des jeunes médecins qui disent: Moi, si j'avais un
quart de travail de 9 à 5 et de 5 à 4 heures dans la nuit, ce qui
permettrait de planifier mon travail, en plus d'avoir à planifier mon
travail à ma clinique aussi à l'hôpital, peut-être
qu'à ce moment-là, je pourrais organiser ma vie autrement que je
l'organise là. Et ça serait peut-être logique. Est-ce qu'on
doit en arriver à faire ce que vous avez probablement lu, M. le
Président, ce qui s'est passé en Angleterre? Il y a des livres de
A. J. Cronin qui a parlé souvent de cette façon de voir les
choses en Angleterre où, à un moment donné, il a fallu
passer par une formule de salariat médical. On l'a d'ailleurs dans les
CLSC. Est-ce qu'on devrait l'instaurer dans les centres hospitaliers? (23 h
10)
Peut-être que ce n'est pas la solution
recherchée. Il y a une chose qui est certaine, il va falloir que tout le
monde se donne la peine de le regarder à fond et de faire le changement
de mentalité que ça implique. C'est pour ça que je vous
disais, M. le Président, que ce n'est pas
une question de savoir si je vais construire tant de lits de plus que
l'autre gouvernement précédent, si je vais donner tant de
personnes de plus à s'occuper des personnes à la maison. Il est
évident que la recherche de l'aide à apporter aux personnes
âgées est importante. J'avais une personne chez moi qui
était venue me voir, qui était une infirmière, et cette
personne-là, qui était une femme, avait désiré
s'occuper de sa vieille mère qui était en difficulté. Elle
disait: Je ne sais pas combien de temps ça va durer mais, Jean-Pierre,
j'ai été obligée de démissionner de l'hôpital
où j'étais parce que je veux m'en occuper de ma mère. Mais
en démissionnant, je n'ai aucune garantie de revenir. J'ai
accepté de prendre ma mère en charge parce que je ne veux pas
qu'elle soit à la charge de la société. Je suis capable
tie m'en occuper. Elle me disait: Je ne suis pas mariée, je vais m'en
occuper de ma mère, mais ça m'oblige à des choses qu'on
aurait dû prévoir. Donc, il faudrait prévoir que les
personnes qui veulent s'occuper de leurs vieux parents ne soient pas
pénalisées parce qu'elles le font et permettre la
possibilité à ces personnes-là d'avoir un congé,
une sorte de congé - on ne peut pas l'appeler parental mais ça
pourrait quasiment être comme ça parce que parental, on
l'affilié toujours à un père, à une mère
versus son enfant, mais ça pourrait être parental en vertu de
l'aide à apporter à sa mère ou un congé familial,
peu importe comment on le regarde - où la personne pourrait avoir la
chance de donner à ses parents ou à son enfant, dans certains
cas, qui est malade les soins que demandent l'état de sa santé,
qui, dans certains cas, est l'étape finale de sa vie. Qui, parmi nous,
n'a pas eu un parent qui a vu son fils ou sa fille ou son cousin, sa cousine,
admettons, mourir de leucémie? Qui n'a pas vu quelqu'un, parmi nous
autres, dont le père ou la mère est morte du cancer? Qu'est-ce
qui empêcherait d'avoir une formule qui permettrait, à ce
moment-là, par un crédit d'impôt quelconque, de pouvoir les
prendre en charge? Donc, est-ce qu'on peut appeler ça un congé
social, familial, cherchons le nom, mais trouvons un moyen de leur venir en
aide. À ce moment-là, peut-être que, si on avait la
capacité de prendre en charge nos parents, on aurait peut-être pas
ce qu'on a appelé le "dumping" de ces personnes-là dans les
centres hospitaliers. Peut-être qu'on n'aurait pas, à ce
moment-là, des personnes qui prennent la place d'autres. Parce qu'il y a
beaucoup de gens qui veulent s'occuper de leurs parents, mais ils n'en ont pas
les capacités. Alors, l'État devrait leur venir en aide. On ne
retrouve pas encore cette capacité, mais je pense qu'on devrait faire la
recherche dans ce sens-là.
Donc, je vous le répète, M. le Président, ce n'est
pas une question d'argent, ce n'est pas une question de savoir s'il en a fait
plus ou moins, c'est une question de savoir c'est quoi qu'on veut changer.
Où est-ce qu'on veut aller dans la réforme? Jusqu'où on
veut aller dans la réforme? J'ai eu l'occasion, à un moment
donné, à La Tuque, de visiter - ça s'appelait à ce
moment-là la bâtisse de Rona - une petite bâtisse qu'on met
dans un terrain, qui est de 100 pieds par 60 pieds, des fois 90 par 65,
ça dépend des grandeurs de terrains, qu'on met dans le fond de la
cour mais qui a trois appartements: le salon-cuisine, la chambre de bain, puis
la chambre à coucher, pour que deux adultes puissent vivre avec une
connexion qui permet d'avoir un appel immédiat à la maison, si
quelque chose se passe dans la maison, même avec, comme on a dans des
caisses, ou dans des banques, ou dans les magasins, une sorte de
téléviseur où on voit l'ensemble des pièces et qui
nous permet d'avoir ça à la maison, de l'autre côté,
dans la maison des enfants, et de prendre soin de ses parents de cette
façon-là sans que ça ne coûte cher à la
société. Et cette bâtisse, qui est démontable avec
aucun sous-sol, demande, pour être installée là, des
changements des règles au niveau des lois municipales, parce que vous le
savez, je n'ai pas le droit d'ajouter un égout de plus, je n'ai pas le
droit d'ajouter une prise d'eau de plus, je n'ai pas le droit d'ajouter de
l'électricité de plus, si les règlements municipaux ne le
permettent pas sur un terrain d'une telle grandeur. Donc, pour en arriver avec
des formules comme celle-là, ça demande, dans bien des cas, de
l'imagination, et Rona et d'autres l'ont fait, et, tranquillement, on commence
à avoir des municipalités qui disent: On devrait faire des
expériences dans ce sens-là, on devrait permettre, à ce
moment-là, aux enfants de s'occuper de leurs parents et ça
coûterait bien moins cher que de construire des places nouvelles en
centres d'accueil où les gens s'ennuient. Qui, parmi nous, en fin de
semaine, n'a pas eu, à cause des événements qui s'en
viennent, qui sont les fêtes de Noël et du Jour de l'an, à
aller faire un tour dans un centre d'accueil, en fin de semaine, pour chanter
des chansons, s'amuser, donner des cadeaux à des personnes
âgées par le comité de bénévoles qui s'y
trouve, qui ramasse de l'argent un peu partout et qui leur donne ça, et
qui voit la joie de ces personnes-là. Mais, ça dure une fois,
deux fois, trois fois par année et après ça, on les
oublie. Tandis que, s'ils étaient près de la maison des enfants,
les enfants auraient la chance de s'en occuper, donc les petits-enfants
auraient la chance de vivre avec leurs grands-parents, comme autrefois mais
dans de plus grandes maisons. Ce n'est plus le cas. Le mode de vie a
changé. Mais pourquoi ne recréerait-on pas, dans un milieu comme
celui-là, une vie familiale qui permettrait au petit-enfant de pouvoir
connaître davantage ses grands-parents? Surtout, M. le Président,
que dans ce contexte-là, quand on parie des accrocs à
l'universalité et à la gratuité des soins, ça
m'inquiète. Et cette partie-là m'inquiète beaucoup, M. le
Président, parce que c'est peut-être pour ça que je vais
être
obligé de faire comme mes collègues, de voter contre, pas
parce que je ne retrouve pas dans la réforme des choses que je trouve
intéressantes, pas parce que je ne trouve pas dans la réforme des
choses qui ressemblent même au programme de notre parti politique. Je
ferais mention simplement de la régie régionale. La
première fois que c'a été dans les airs, dans mon propre
coin - lisez les journaux, Le Nouvelliste, la radio, la TV du temps - je
m'étais dit totalement en accord avec cette formule-là. Et
même la question que j'ai posée au conseil régional de la
santé et des services sociaux de ma région,
Mauricie-Bois-Francs-Drummond, quand il est venu en commission parlementaire,
c'a été celle-là: Est-ce que vous croyez qu'on devrait
décentraliser les budgets de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec? La réponse a été oui, parce que, moi aussi,
j'y crois. Je suis d'accord avec ça. Ça fait partie de ce qu'on
croit dans notre parti politique comme étant décentralisé
dans notre milieu. M. le Président, je ne peux pas être en
désaccord avec tout, mais comme le principe veut que si on est en
désaccord avec une bonne partie qui est, quand même,
l'universalité, la gratuité des soins - parce que je n'ai pas de
garantie que ça va s'arrêter une fois la porte entrouverte,
qu'elle n'ouvrira pas complètement - bien, je dois vous dire, M. le
Président, que je vais être obligé de voter contre, en
espérant que, lors de l'étude article par article de ce projet de
loi, le ministre amène des amendements qui nous satisfassent. Je vais
vous donner un exemple qu'on a eu l'occasion de vivre vendredi, avec le
ministre du Travail. Il y avait un projet de loi qui était en
discussion. On était en commission parlementaire. On était . en
désaccord parce que le syndicat des professionnels disait: Le ministre,
par la loi, contourne un jugement du Tribunal du travail; en
conséquence, on va être contre à moins que le ministre
accepte des rencontres et qu'on essaie d'en discuter et là, on verra. On
a fait notre travail convenablement comme membres de l'Opposition, M. le
Président, dans le but d'améliorer et de faire en sorte que le
syndicat puisse être entendu. Le ministre a accepté. Donc, quand
on est capable de collaborer de part et d'autre pour le bien-être de
l'ensemble de la population, M. le Président, nous ne sommes pas contre.
Mais dans le contexte actuel, je vais être obligé de parler par un
vote, oui ou non, je suis d'accord ou je ne suis pas d'accord, je dois vous
dire, parce que le projet de loi ne me donne aucune garantie quant à la
gratuité des soins. Quant à la partie qui est
l'universalité des soins, je vais me contenter de dire, M. le
Président: Je vais voter contre, mais j'espère que le ministre,
en commission parlementaire, amènera les amendements qui vont me
satisfaire, et, à ce moment-là, peut-être que je
réviserai mon vote lors de la prise en considération du rapport
et lors de l'adoption finale de ce projet de loi, M. le Président. Je
vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Laviolette. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. À cette
étape de nos travaux, je vais faire mention, en vertu de l'article 100
de notre règlement...
Mme Juneau: Je m'excuse. Je pense qu'il y avait eu une entente
auprès de la formation...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Juste une minute! Je
vais entendre M. le leader adjoint avant, Mme la députée. M. le
leader adjoint, voulez-vous intervenir et je vous reconnaîtrai
après, Mme la députée. Je ne peux pas à ce
moment-ci.
M. Bélisle: M. le Président, je vais plutôt
attendre quelques moments...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors...
M. Bélisle: ...étant donné qu'il reste
seulement 10 minutes. On avait convenu de terminer vers 23 h 30 et
l'intervention est de 20 minutes. Elle va être plus courte? Bon, on
m'indique qu'elle va être plus courte. Alors, M. le Président, je
me rassois.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous revenons
à la discussion où nous a laissé, M. le
député de Laviolette, et je reconnais maintenant la prochaine
intervenante, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme la députée.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Nous en
sommes donc à l'adoption du principe du projet de loi 120. Le projet de
loi 120, c'est la loi sur les services de santé et les services sociaux
qui vient modifier, en fait, diverses dispositions législatives. C'est
un projet de loi qui est le résultat de plusieurs études, d'une
longue réflexion sur le sujet au Québec, et ça, depuis
quelques années, M. le Président. Ça fait suite en fait,
en quelque sorte, au rapport de la commission Rochon, à l'avant-projet
de loi de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, et aux commentaires aussi, parce que nous
avons eu aussi, sur l'avant-projet de loi en question, les différents
commentaires lors de la commission des affaires sociales où nous avons
entendu plus de 250 groupes au printemps, M. le Président. (23 h 20)
Alors, voilà que le ministre de la Santé et des Services
sociaux arrive avec son propre projet de loi à lui, ce qu'il est convenu
d'appeler
la réforme de la santé au Québec. C'est une
réforme importante. C'est un projet de loi important qui vient changer
les choses en profondeur, la façon de faire au niveau de la santé
au Québec. C'est aussi un projet de loi - contrairement à
plusieurs autres dont on a fait état durant cette session - qui non
seulement est important, mais qui est volumineux, un projet de loi de
près de 500 articles qui vient toucher à peu près toutes
sortes de pans au niveau de la santé. Donc, c'est une longue
réflexion, beaucoup de travail de la part des différents
intervenants et de la part du ministre. C'est un fart: on doit admettre que le
ministre a quand même eu un travail assez important à faire de ce
côté. Il a eu à écouter beaucoup de monde et
à vraiment se pencher très sérieusement pour avoir une
vision bien juste, bien exacte, de ce qu'on peut faire au niveau de la
santé au Québec.
C'est sûr que nous voilà devant un projet de loi de
réforme, et l'Opposition ne peut qu'applaudir et féliciter le
ministre pour certaines parties de son projet de loi. C'est évident que,
par rapport à la régionalisation, par rapport à la
décentralisation où on donne vraiment du pouvoir aux
régions, M. le Président, l'Opposition officielle ne peut
vraiment que féliciter le ministre et l'applaudir. Je pense qu'il y a de
bonnes choses dans ce projet de loi. Par rapport aussi à la façon
dont le ministre s'y prend pour accroître les effectifs médicaux
en région, je pense qu'il y a des mesures intéressantes, et
l'Opposition ne peut que suivre le ministre dans ces
idées-là.
Par ailleurs, M. le Président, on ne peut pas être d'accord
sur tout. Il semble que ce soit presque la coutume et, sur certaines
dispositions de la réforme, l'Opposition officielle ne peut
qu'être complètement en désaccord avec le ministre, et,
là-dessus, je vous parlerai seulement du ticket modérateur - ou
du ticket orienteur maintenant, le nouveau nom du ticket - et aussi de
l'impôt à rebours. En fait, pour l'Opposition officielle, c'est
une façon d'entrer de plain-pied dans la possibilité de rendre
les services moins accessibles et pas gratuits pour la population. Pour ces
raisons-là, M. le Président, je vais quand même essayer
d'expliquer un petit peu plus longuement les différentes dispositions
sur lesquelles on s'entend avec le ministre, mais expliquer aussi pourquoi on
n'est pas d'accord et pourquoi on va s'opposer à cette dernière
partie dont je viens de vous parler.
Le projet de loi 120 vient nous proposer une nouvelle organisation du
réseau. On parle ici, bien sûr, de structures, et on vient changer
de façon assez importante la structure du réseau des affaires
sociales. C'est comme ça que les CRSSS disparaissent. Les CRSSS pour
ceux qui ne le savent pas - parce que ce n'est pas toujours facile de
comprendre les lettres - les conseils régionaux de la santé et
des services sociaux disparaissent au profit de régies
régionales. Les régies régionales, c'est une
création du nouveau projet de loi qu'on a devant nous et ce sont elles
qui auront à assumer plusieurs responsabilités, M. le
Président. Entre autres, les régies régionales, ce sont
elles qui vont mettre en oeuvre les différents programmes qui sont
élaborés par le ministère, qui vont établir les
priorités régionales en santé et en bien-être,
établir les plans d'organisation de services sur les territoires, et qui
viennent allouer les budgets aux établissements et aux organismes
communautaires. Donc, on se rend compte qu'il y a quand même beaucoup de
pouvoirs au niveau des régies régionales, qui viennent aussi
assurer la coordination des cabinets privés et la
complémentarité des ressources dont on parlait pour les
médecins et les effectifs médicaux en région.
Établir un système régional pour l'admission et la sortie
des usagers dans les ressources de deuxième ligne, parce qu'on sait que,
maintenant, la deuxième ligne, ce sera les centres hospitaliers.
Viennent aussi gérer les enveloppes de la régie régionale.
Enfin, la régie régionale sera imputable devant une
assemblée régionale qui sera composée d'élus
régionaux.
Très intéressant, le projet des régies
régionales comme tel, la façon de décentraliser les
budgets aussi, pour que les régions aient chacune leur part des
ressources qui doivent leur être allouées au niveau de la
santé. Cependant, de notre côté, on dit: Attention à
la bureaucratisation. Je vais vous dire, j'ai été commissaire
d'école, M. le Président, et j'ai pu vivre ce que ça
donne, à peu près, la bureaucratisation au niveau de certains
organismes. Je pense aux commissions scolaires régionales, entre
autres.
Bon, d'accord pour les régies régionales. Disons qu'on
voit que c'est quand même assez important. Ça donne des pouvoirs
et je pense que, comme ça, chacune des régions pourra en avoir un
petit peu plus pour son argent, si on veut. Par rapport, ensuite de ça,
à l'organisation toujours du réseau, évidemment on fait
disparaître les CSS. On ne les fait pas disparaître juste pour les
faire disparaître, on les fart disparaître pour qu'ils deviennent
les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. En fait, les CSS
s'occupaient déjà de la protection de la jeunesse, et on leur
donne un rôle, là, qui est vraiment très centré au
niveau des jeunes. On dit que c'est eux autres qui vont maintenant assurer les
services requis par la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les
jeunes contrevenants, vont assurer les services en matière de placement
d'enfants, de médiation familiale et d'expertise à la cour,
d'adoption et de recherche d'antécédents biologiques, vont
assumer la prise en charge de la situation des jeunes. Donc, les CSS deviennent
les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse et ce sont eux qui
devraient, en principe, assumer les responsabilités à ce
niveau-là.
On fait aussi autre chose dans cette réorganisation. C'est que
les centres d'accueil et les CHSP, ce qui est convenu d'appeler les CHSP ou les
centres hospitaliers de soins prolongés, sont intégrés
ensemble avec la réforme, et c'est là qu'on va offrir,
évidemment, le milieu de vie substitut, des services
d'hébergement, d'assistance, de soutien, de réadaptation
médicaux et infirmiers pour les personnes en perte d'autonomie
fonctionnelle ou psychosociale. En fait, on vient mettre dans la loi ce qui, je
pense, en quelque sorte... En tout cas, c'est le cas dans certains centres
d'accueil, parce qu'on sait qu'au Québec, avec l'alourdissement des
clientèles dans certains centres d'accueil, les centres d'accueil
étaient devenus de véritables centres hospitaliers pour soins de
longue durée et sans avoir de ressources pour la prise en charge totale
des personnes âgées qui, vraiment, avaient besoin de soins de
longue durée. Alors, finalement, les centres d'accueil, les centres
d'hébergement pour soins de longue durée deviennent un peu dans
la même catégorie, et j'espère que les ressources seront
vraiment là aussi pour les aider à suffire à la
tâche.
Une des choses importantes dont j'aimerais quand même faire
état dans mon intervention, c'est le rôle accru qu'on donne aux
CLSC, les centres locaux de services communautaires. Dans chacun de nos
comtés ou à peu près, en fait, dans chacune des
régions du Québec, on compte plusieurs CLSC, on le sait. Les
CLSC, avec ce projet de réforme, deviendront, évidemment, des
établissements de première ligne. Ça veut dire qu'on donne
un rôle vraiment très important aux CLSC avec ce projet de
réforme là. Ce sont eux d'ailleurs qui vont avoir à offrir
des services de santé et des services sociaux habituels et de nature
préventive, de nature curative, des services de réadaption et de
réinsertion. Les gens vont aller consulter dans les CLSC, et c'est de
là qu'on les référera dans des établissements de
deuxième ligne, soit les centres hospitaliers. Ce sont aussi les centres
locaux de services communautaires, ou CLSC, qui auront, bien sûr,
à assurer le maintien à domicile, des rôles que
déjà les CLSC ont à assumer, et un rôle accru par
rapport aux soins de première ligne.
Là, disons, M. le Président, que je suis tout à
fait d'accord avec le ministre sur cette décision-là. Je pense
que là n'est pas le problème, du côté de
l'Opposition officielle. D'ailleurs, cet aspect ou ce rôle accru au
niveau des CLSC rejoint, évidemment, la pensée, si on veut, ou le
programme même du Parti québécois où on voyait
vraiment un rôle accru. Par ailleurs, je dois vous avouer, si je regarde
ce qui se vit chez nous, ce qui se vit dans certains autres CLSC, que je suis
un petit peu sceptique. Je trouve que c'est quasiment trop beau pour être
vrai. Est-ce qu'on leur donnera vraiment les ressources nécessaires? Si
je regarde ce qui se vit chez nous, et j'espère que le ministre en est
toujours conscient, parce qu'à plusieurs reprises, on a eu à
communiquer avec le ministre pour parler des problèmes vécus par
le CLSC Chutes-de-la-Chaudière-Desjardins, eh bien, disons que le jour
où je pourrai être sûre qu'il va se passer quelque chose
à ce niveau-là, ça va être assez rapide, parce que,
si le ministre ne fait pas ses preuves très rapidement au niveau du CLSC
chez nous, j'aurai des doutes, en général, sur l'ensemble de sa
réforme. (23 h 30)
Si je regarde ce qui se passe au CLSC chez nous, d'abord, on a un CLSC,
un seul CLSC qui a été, en fait, fusionné. Avant, il y
avait le CLSC Chutes-de-la-Chaudière et le CLSC Desjardins. Les deux
CLSC ont été fusionnés ensemble en 1987. Ils ont dit: Bon,
rationalisons, on fusionne les deux CLSC. On se retrouve avec un seul CLSC pour
deux MRC. C'est un CLSC qui dessert environ 110 000 personnes, M. le
Président. Bien sûr, je sais que vous me direz qu'il y a des CLSC
qui en desservent tout autant dans certains coins, je pense au coin de Laval,
entre autres, mais il reste que, par rapport au territoire, le territoire
desservi par ces CLSC, on a un aspect qui est un peu particulier. Les
clientèles sont différentes. Le CLSC dessert vraiment deux formes
de clientèles très différentes dans un territoire qui est
très étendu. Alors, ce CLSC dessert donc le tiers, si on veut, de
la population de Chaudière-Appalaches, de toute la région chez
nous. C'est le CLSC de Chaudière-Appalaches qui dessert
évidemment la plus grande population. Malgré tout ça, M.
le Président, le CLSC Chutes-de-la-Chaudière-Desjardins a un per
diem qui est équivalent à 36 $, alors qu'on sait très bien
que la moyenne provinciale est de 72 $. Alors là, ça vous donne
une idée de l'écart qui subsiste dans le CLSC chez nous.
Je sais, parce que je suis en contact assez régulier avec les
gens du CLSC, pour toutes sortes de raisons, et je pense que tous les
députés qui sont ici doivent être en contact assez
régulièrement avec leur CLSC, que, présentement, les
listes d'attente au niveau du CLSC pour les services psychosociaux, entre
autres, sont énormes et que les listes d'attente grossissent chaque
jour, parce qu'on manque de ressources. Les locaux sont inadéquats, les
ressources ne sont pas suffisantes et les listes d'attente s'allongent. Quand
je vois le projet de réforme qu'on a en face de nous, je me dis: C'est
bien beau, c'est bien gentil tout ça, mais, si le ministre a des preuves
à faire, eh bien, j'espère qu'il va les faire assez rapidement
pour démontrer qu'il veut vraiment donner un rôle important aux
CLSC. Il devrait peut-être commencer par rajuster, dans un premier temps,
les per diem et régler les problèmes des CLSC qui sont
déjà existants et qui ne suffisent même pas à
régler les problèmes auxquels ils ont à faire face pour
l'instant.
Alors, disons que, là-dessus, je pourrai constater
évidemment, de mon côté, la bonne
volonté du ministre, par rapport au budget qu'il voudra allouer
aux régions et aux CLSC, quand je verrai, évidemment, qu'il aura
réglé les problèmes chez nous de notre propre CLSC qui
déjà souffre vraiment de carences énormes au niveau
financement et au niveau régional, M. le Président.
C'est évident aussi... Je pense que j'avais 10 minutes, si je me
souviens bien, M. le Président. Écoutez, je voudrais quand
même dire quelques mots par rapport au fameux ticket modérateur.
Le ticket modérateur, j'ai entendu le ministre nous dire que ce n'est
pas une question de 5 $, que ce n'est pas les 5 $ qu'il veut aller chercher
chez les gens, qu'il veut juste les éduquer. D'après ce que j'ai
entendu du ministre, il veut juste habituer, si on veut, la population à
se rendre aux bonnes places pour se faire soigner. Si quelqu'un se rend
à l'hôpital, puis que c'est un cas qui n'est pas suffisamment
urgent pour l'hôpital, eh bien, c'est bien de valeur, il va être
obligé de donner 5 $ s'il veut se faire traiter là quand
même. Sinon, normalement, il faut qu'il s'oriente vers le CLSC et c'est
pour ça qu'il a appelé son fameux 5 $ 'ticket orienteur". Disons
qu'il y a Mme Lavoie-Roux, qui est l'ex-ministre de la Santé, qui voit
ça, encore aujourd'hui, un peu comme un ticket modérateur. Enfin,
disons que, pour ce qui est du ticket comme tel, c'est évident que,
là-dessus, l'Opposition officielle n'a pas eu les réponses
qu'elle désirait entendre du ministre. Je sais que mon collègue,
le porte-parole et député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue,
a essayé d'avoir des réponses du ministre en Chambre.
J'espère qu'il en aura plus en commission parlementaire parce
qu'à venir jusqu'à maintenant disons que les réponses
qu'on a eues sont, à mon sens, insatisfaisantes. Dans ce sens-là,
si le ministre continue dans son projet d'aller de l'avant avec son ticket
orienteur, c'est sûr que, là-dessus, il va y avoir des
problèmes avec l'Opposition officielle et qu'on ne pourra absolument pas
aller dans le même sens que le ministre.
Par rapport à l'impôt à rebours, encore là,
c'est un problème important, parce qu'on dit: On vient taxer en fait, a
fortiori, certains services et on vient, évidemment, à ce
moment-là, priver la population de certaines sommes d'argent, puisqu'on
va leur charger après. On ne charge pas tout de suite, on charge
après. On pense aux services optométriques qui vont avoir un
impôt à rebours, les médicaments et les services
pharmaceutiques. Les médicaments, je dois vous dire que c'est assez
important, si on pense aux personnes âgées, par exemple, parce
qu'il y en a qui disent que les personnes âgées consomment trop de
médication, mais il reste que c'est évident qu'avec l'âge
et avec les problèmes qui s'accroissent on a besoin un peu plus de
médicaments et c'est évident que les personnes âgées
sont les plus touchées, je pense, par cette mesure-là. On va
venir les taxer après coup, au bout de l'année, sur leur revenu.
On dit: On va vous taxer, pas beaucoup, pas grand-chose, 3 %, mais il reste que
c'est une porte qui s'ouvre vraiment pour aller chercher de l'argent et qui
ouvre vraiment sur la non-gratuité, si on veut, des services.
Vous savez, c'est dangereux de créer des - comment dirais-je? -
services privés et des services publics au niveau de la santé. On
se trouve à créer quasiment deux sortes de médecine et,
même aujourd'hui, au moment où on se parle, je sais qu'il y a des
établissements qui ont des problèmes à arriver par manque
de ressources, comme je vous le disais tout à l'heure. Je vous donnais
un éventail des problèmes qu'on vivait dans un CLSC, chez nous,
par manque de ressources et par manque de temps et de possibilités,
parce qu'on n'a pas assez d'argent, on n'a pas assez de monde pour s'occuper
des cas et, déjà, on est obligé de "prioriser" parmi les
priorités. Quand on se rend compte, et, ça, je me le suis fait
vraiment confirmer, qu'il y a des gens qui sont capables de se payer les
services d'un psychologue, par exemple, on va, à ce moment-là, se
permettre de dire aux gens: Bon, bien écoutez, nous autres, ça va
prendre tant de semaines ou un mois avant qu'on reçoive votre enfant
pour du psychosocial. On a un problème de liste d'attente important et
il semble que vous, de votre côté... C'est sûr que si, vous,
vous pouvez aller prendre vos services chez un psychologue, un travailleur
social ou quelqu'un qui est du côté privé, vous aurez
à débourser pour le faire, bien sûr, mais vous pourrez,
à ce moment-là, avoir les services tout de suite.
Déjà, sans ça, on ouvre une porte à deux formes de
médecine. On ouvre la porte à des services privés et
à des services publics de médecine et, ça, c'est
très dangereux. Alors, on revient, ici, à l'impôt à
rebours. Là-dessus aussi, M. le Président, nous sommes en
désaccord avec le ministre et, tant et aussi longtemps qu'il va
continuer dans cette ligne de pensée là, nous devrons nous
opposer à son projet de loi.
Alors, étant donné que c'est le temps qui m'était
alloué, M. le Président, je vais terminer là-dessus en
disant: Bon, O.K., il y a de bonnes choses, il y a de mauvaises choses et, par
rapport aux choses sur lesquelles on n'est pas d'accord, on va continuer de
faire une opposition qui se tient debout autant que possible et qui essaie de
faire changer le ministre et de le faire revenir dans la bonne direction.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. M. le leader adjoint
du gouvernement.
M. Bélisle: Oui, M. le Président. Comme je le
disais tantôt, à cette étape-ci de nos travaux, je vais
faire motion pour ajourner le débat sur le projet de loi 120, Loi sur
les services de
santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions
législatives.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
d'ajournement du débat est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: Je vous prierais d'appeler, M. le
Président, l'article 31 de notre feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 109
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 31,
l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du
budget et de l'administration concernant le projet de loi 109, Loi modifiant la
Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, ainsi
que les amendements transmis par le ministre des Finances en vertu de l'article
252 du règlement.
Avant d'entreprendre le débat, je déclare recevables les
amendements présentés par M. le ministre et j'informe
l'Assemblée qu'à la fin de ce débat les mises aux voix
auront lieu dans l'ordre suivant: premièrement, l'amendement
proposé par M. le ministre des Finances à l'article 7 ainsi que
la motion de renumérotation; deuxièmement, les autres articles du
projet de loi qui n'ont pas été adoptés en commission et
le titre du projet de loi; troisièmement, le rapport de la commission
ainsi amendé, le cas échéant. Je suis maintenant
prêt à entendre le premier intervenant. Mme la
députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je ne vous
cache pas que je suis drôlement surprise. Je ne m'attendais pas à
ça du tout. Je pensais que le ministre des Finances, qui est le parrain
du projet de loi, serait là pour faire la première intervention,
comme il va de soi. À ma grande surprise... Était-ce son
âge? Était-ce le fait qu'il n'approuve pas ce que son gouvernement
est en train de faire? Était-ce le fait qu'il est occupé dans une
autre commission parlementaire? Mais je ne crois pas. Je ne crois pas. J'ai
vérifié sur ce qu'on a donné comme information,
aujourd'hui, pour les travaux dans les commissions parlementaires et je ne vois
nullement le nom du ministre des Finances, dans une commission, en train
d'intervenir sur un projet de loi. (23 h 40)
Alors, M. le Président, qu'on m'explique comment il se fait que
le ministre des Finances n'est pas là pour faire son intervention sur
une prise en considération du rapport sur le projet de loi 109, une loi
extrêmement importante, puisqu'elle touche à un des joyaux des
Québécois, un des extraordinaires fleurons du Québec.
C'est incroyable, ça me dépasse! Ça me dépasse
même à cette heure-ci du matin! Ça me dépasse que le
ministre des Finances ne soit pas là pour faire la première
intervention sur le projet de loi. On ne parle pas d'une espèce de stand
à patates frites sur le coin d'une rue, là! On parle de la Caisse
de dépôt-Une voix: Stan Savard!
Mme Juneau: ...la Caisse de dépôt et placement du
Québec qui représente tout près de 40 000 000 000 $
d'actifs des Québécois. Et le ministre parrain n'est pas
là pour faire son intervention! Je suis déçue. Je voulais
savoir quels étaient les motifs qu'il aurait pu nous apporter, pour
cette dernière étape de la prise en considération du
rapport sur le projet de loi 109.
M. le Président, la machine à milliards, dans quelques
heures, elle va avoir deux têtes! Est-ce qu'on n'aurait pas pu entendre
pourquoi, avec des notes explicatives, pourquoi cette fameuse machine à
milliards va avoir deux têtes? Et je relisais pendant d'autres
interventions - pour me préparer à cette intervention-là
que, je dois dire, je fais un petit peu plus tôt que je pensais - le
discours du premier ministre de l'époque qui était Jean Lesage et
j'ai trouvé, dans l'intervention de Jean Lesage, des choses qui me
disent qu'aujourd'hui on fait une erreur. On fait une erreur dans ce qu'on
vient de nous apporter ici, à l'intérieur de la Chambre.
Je vais vous en lire quelques phrases ou quelques petits paragraphes.
À la page 293 de ce qu'on a appelé "La machine à
milliards: l'histoire de la Caisse de dépôt et placement du
Québec", Jean Lesage dit: "Un organisme financier aussi
considérable que la Caisse de dépôt ne peut éviter
d'attirer des convoitises du secteur politique." Là, je me suis
posé de sérieuses questions par rapport au projet de loi qu'on
nous amène. Est-ce que je peux déceler, est-ce que je peux
comprendre, dans cette phrase-là, qu'il y aurait eu une certaine
convoitise du secteur politique pour nommer à la tête de ce
fleuron qui nous appartient deux têtes, deux personnages pour en
remplacer un qui a fait en sorte que la Caisse de dépôt et
placement fait l'orgueil des Québécois et des
Québécoises et l'envie des autres personnes à
l'extérieur de notre beau pays du Québec?
Alors, si le gouvernement que nous avons en face veut placer une
deuxième tête qui - je regardais dans l'organigramme qu'on nous a
fourni - va équivaloir, si je ne trompe pas, à la même
prestance, à la même autorité que le
premier président qui est M. Jean-Claude Delor-me,
président du conseil d'administration et chef de la direction... Tout de
suite en dessous, l'homme du gouvernement qui est aussi président et
chef de l'exploitation. Voyez-vous, M. le Président, ce qui existait
déjà, il y avait un président-directeur
général qui était M. Campeau et les cinq
vice-présidents qui étaient les vice-présidents des
placements à revenus fixes, des placements à revenus variables,
de la planification et des' relations avec les déposants, des affaires
juridiques et institutionnelles et placements immeubles, administration et
contrôle. Ça, ça reste sensiblement le même. Ce
groupe de personnes, à cet étage, reste sensiblement le
même, comme vous pouvez le voir, sauf qu'il y a deux personnes avec une
même autorité. C'est là, M. le Président, que
ça m'inquiète, parce que j'ai continué de lire ce que Jean
Lesage a dit. Il a dit: "La Caisse de dépôt doit
développer, au sein de son personnel, une tradition et une
continuité qui, sans exclure l'élaboration de politiques hardies,
la garantissent cependant contre celles qui sont trop hasardeuses." De notre
côté, on a considéré que mettre une deuxième
tête dirigeante au niveau de la Caisse de dépôt et
placement, c'était hasardeux. C'était hasardeux parce qu'on s'est
dit que si, éventuellement, le diable prend entre les deux
présidents, s'ils ne sont pas du tout d'accord, que M. Delorme, lui,
veut que telle et telle décision se prenne en un sens et que l'autre
président, avec la même autorité, dit: Non, ce n'est pas
comme ça que ça fonctionne, c'est moi qui ai raison et c'est
comme ça qu'on va le faire, alors, on va être obligés de
venir ici, à l'Assemblée nationale, et c'est nous, les
parlementaires, qui devront trancher qui a raison, qui a tort et qui doit avoir
le dessus sur les deux présidents. Alors, M. le Président:
"cependant contre celles qui sont trop hasardeuses". Je trouve que c'est
très hasardeux de faire en sorte de nous amener devant une histoire
conflictuelle qui ferait qu'on serait obligés de trancher. C'est
très difficile, M. le Président. Il y a Salomon qui l'a fait,
mais c'est très difficile; il faut être très sage. C'est
difficile de dire qu'on prend l'un ou l'autre.
Je continuais ma lecture et M. Jean Lesage disait: "Une grande rigueur
de principe et en soumettant son personnel à un entraînement long
et laborieux." C'est dire combien est essentielle la stabilité de la
direction. Donc, on dit que ce qui est important, c'est d'avoir une direction
qui est stable, qui a le temps de s'imprégner et de permettre que, de la
façon dont il veut diriger la Caisse de dépôt, on puisse
lui donner la chance d'élaborer ses principes de travail, sa
façon de faire en sorte que la Caisse continue d'ajouter des signes de
piastre à ce qu'elle a déjà. Ça, c'est pour le
bien-être de nous tous.
Dans un dernier paragraphe, je lisais aussi, M. le Président:
"Dans ce sens, la structure administrative de la Caisse de dépôt
exigera de ceux qui l'administreront une envergure et une maturité dont
on a pu douter autrefois qu'elles puissent exister dans cette province. Mais
tout porte à croire, depuis quelque temps, qu'elles se sont enfin
développées. On peut donc maintenant songer à des formules
qui, dans tant de pays du monde, ont permis à la fois d'éviter
que l'on asservisse les institutions financières à l'État
ou bien encore que l'on enlève à l'État toute influence
sur les institutions financières qu'il peut créer."
M. le Président, j'ai tenté, dans un pauvre petit 10
minutes, de vous exprimer nos inquiétudes. Je sais que je n'ai
peut-être pas réussi parce que j'ai manqué de temps pour
vous convaincre de nos inquiétudes, pour vous convaincre que de mettre
deux personnes en autorité sur une même tribune et au même
titre ferait en sorte que ça ne serait pas bénéfique pour
l'ensemble de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. Je suis prêt à reconnaître un
prochain intervenant, M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Comme ma
collègue la députée de Johnson, je me pose de
sérieuses questions sur l'intention gouvernementale, d'autant plus que
vous avez vu que je ne me suis pas empressé de me lever parce que je
croyais que quelqu'un, de l'autre côté, viendrait défendre
un tel projet de loi. (23 h 50)
Une prise en considération, ou bien c'est sérieux, ou bien
ça ne l'est pas. Une prise en considération, ça nous
indique que le gouvernement a changé d'idée ou qu'il n'a pas
changé d'idée. Pourquoi pensez-vous qu'il n'y a personne qui ose
parler, de l'autre bord, M. le Président, jusqu'à maintenant?
Parce qu'ils ne sont pas heureux du tout, vous devriez le savoir, M. le
Président, de nous avoir obligés à revenir en Chambre par
un deuxième bâillon. Vous savez ce qui s'est passé. Vous
êtes présent à nos discussions. Je sais que vous êtes
neutre, M. le Président, mais vous n'êtes pas sans savoir que des
gens devant nous ont décidé, même pas après deux
heures de discussions, de nous ramener ici. Donc, s'ils nous ont ramenés
ici, M. le Président, vous vous apercevez bien qu'il n'y avait pas
grand-chose à faire en commission parlementaire. Nos collègues,
le député de Labelle et les autres qui l'accompagnaient, ont
essayé de convaincre le ministre de faire des changements, mais
c'était peine perdue. Vous avez entendu les discussions que nous avons
eues ici la semaine dernière indiquant que ça n'avait pas de bon
sens de faire un deuxième bâillon en trois jours. C'est
inédit, M. le Président, dans nos annales. Et si c'était
juste ça, ce serait moins pire, mais c'est plu-
sieurs bâillons; je pense que c'est six maintenant, depuis le
début.
Alors, vous savez bien, M. le Président, que ça n'a pas de
maudit bon sens, excusez-moi l'expression. Alors, ils sont gênés.
Ils vont parler de quoi? C'est quoi une prise en considération? On va
prendre le règlement: Pour la prise en considération d'un
rapport, il faut qu'il y ait eu quelque chose dans le rapport. Le rapport que
nous avons eu par le député qui l'a présenté, comme
président de la commission, c'est qu'il nous a dit qu'il n'y en avait
pas de rapport, parce que la loi n'a pas été adoptée. La
loi a été amenée ici à l'Assemblée nationale
sans avoir eu la chance de passer l'étape normale d'épuration du
projet de loi, de la transformation en mieux du projet de loi, de ce qu'on
appelle une commission parlementaire.
C'est évident que les gens d'en face pourront vous dire, M. le
Président: Dans la considération, on ne peut pas faire
grand-chose, les députés du Parti québécois ont
fait des remarques préliminaires, puis ils ont passé des motions.
Mais, écoutez, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez qu'on
fasse quand il nous dit, après une heure et demie de discussions:
Rentrez en Chambre, messieurs dames, c'est fini, on n'en parle plus? Il n'y a
pas grand-chose à dire sur un rapport autrement que de dire: Le
gouvernement voudrait qu'on fasse la sale job à sa place, dans le fond.
Il voudrait qu'on fasse du patronage en l'appuyant. Bien, voyons donc! M. le
Président, il n'en est pas question. Aucunement. Il n'est pas question
qu'on approuve l'acte posé par le gouvernement. Ce n'est pas parce qu'il
nous a coupé la tête en bas, en commission parlementaire, qu'en
haut on n'a rien à dire. Nous allons utiliser tous les moyens que nous
avons, nous l'avons dit, et le gouvernement ne peut pas nous dire que c'est
abusif, ce que nous avons fait.
Ce que je vais dire, par exemple, c'est que lui n'abusera pas de nous
autres. Lui, le gouvernement, ne se permettra pas de nous passer sur le porps
comme ça sans qu'on ne rouspète un peu. Le gouvernement, dans ce
contexte-là, M. le Président, est un peu en défaut. En mai
dernier, il nous disait: Vous savez, nous avons l'intention de... Puis
là, en juin, il aurait pu amener un projet de loi; on aurait pu
commencer à en discuter, quitte à repousser à l'automne
l'adoption finale, comme le règlement le prévoit:
Dépassé le 15 mai, il ne peut plus le faire adopter, ce qui ne
les empêche pas d'amener au moins le principe. Un exemple. Tout à
l'heure, M. le Président, on en faisait, un exemple: Le ministre de la
Santé et des Services sociaux a présenté son projet de loi
réformant l'ensemble de la santé et des services sociaux au
Québec. Il nous l'a présenté après le 15 novembre.
Il n'y a personne parmi nous autres qui s'objecte à discuter du
principe. Nous le faisons, mais on sait que le 21 au soir, à minuit, le
principe pourrait être adopté, et que nous n'avons pas la
capacité d'adopter les autres étapes avant le printemps
prochain.
Pourquoi, dans le cas de la Caisse de dépôt et placement,
n'a-t-il pas présenté le projet de loi au mois de juin? Parce
que, quand il l'a annoncé au mois de mai, ce n'était pas une
décision qu'il avait prise la veille en se réveillant le matin,
le ministre des Finances, après avoir parlé au ministre de la
Justice pour avoir la législation de ce projet de loi. Ce n'est pas en
se levant le matin qu'il a dit: Demain matin, ça me prend deux personnes
et là, c'est un tel qui va être là, puis allons-y, puis
prenons... Non, non, ce n'est pas de même; ça a fait l'objet de
plusieurs discussions au Conseil des ministres, j'en suis sûr. Le Conseil
des ministres ne prend pas à la légère une telle
décision. D'autant plus que la personne qui nous est proposée en
"bicéphalité", deuxième tête, même si le
principe dit que deux têtes, c'est, des fois mieux qu'une, dans ce
cas-là, c'est deux têtes pour diviser parce que vous savez, M. le
Président, pour régner il faut diviser. Alors, le gouvernement
a-t-il pris ce moyen de division pour en arriver, finalement, à pouvoir
contrôler la Caisse de dépôt et placement du Québec?
Ce que ma collègue lisait des discours de M. Jean Lesage est tout
à fait réel. La crainte que nous avons, c'est que, par le
problème qui va résulter de la mésentente entre les deux
présidents, on ait l'obligation d'avoir un médiateur entre les
deux et ce sera le gouvernement.
Mais c'est toujours dangereux quand le gouvernement devient le
médiateur parce que Lesage aussi, M. Lesage avait dit, d'un autre
principe, que la reine ne négociait pas avec ses sujets. Et on va le
voir. Le gouvernement va être à la fois juge et partie; juge et
partie parce qu'il a nommé une personne et cette personne n'a
qu'à s'objecter à l'autre pour que, finalement, le gouvernement
ait à trancher. D'autant plus, M. le Président, que cette
personne-là, collecteur des fonds publics, ce qui est tout à fait
normal... Je dis "fonds publics0, je devrais dire "caisse
électorale" qui est prévue par la loi. Moi, je n'ai rien contre
le fait qu'il le fasse, mais, s'il le fait, ne lui donnons pas une charge,
après ça, d'aller voir les entreprises par l'intermédiaire
de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il va
être un peu mal à l'aise, un peu mal pris. Alors, il va falloir
que quelqu'un tranche. Si l'autre s'aperçoit que ça n'a pas de
bon sens, il va falloir que le gouvernement tranche.
Mais le gouvernement va trancher dans quelle direction, vous pensez, M.
le Président, dans des circonstances comme celles-là? Il va
trancher en faveur de celui qu'il a nommé, de celui qui est son
représentant d'une certaine façon. Alors, ça, c'est
inquiétant, que les milliards produits par l'argent que les
Québécois placent, régime de retraite des enseignants,
régime de retraite des fonctionnaires, Régime de rentes du
Québec pour les gens qui ne sont pas soumis au régime des
fonctionnaires, des enseignants, des employés gouvernementaux, le
nôtre, notre argent, M. le Président, comme députés
de l'Assemblée nationale... Tout ça s'en va dans le fonds qui est
géré par la Caisse de dépôt et placement du
Québec et qui sert à promouvoir des choses.
Un exemple que la Caisse pourrait faire, M. le Président, c'est
ce qu'on a discuté cet après-midi, à la période de
questions, les logiciels anglais. Pourquoi le gouvernement ne se sert-il pas de
ce moyen - et je l'ai dit à plusieurs occasions dans bien des
commissions parlementaires; peut-être que cette idée fait son
chemin - pourquoi n'utiliserait-il pas ça pour promouvoir la
création d'entreprises qui font des logiciels en français? Et je
suis sûr que mon collègue de LaFontaine, M. Gobé, serait
d'accord avec moi, la même chose pour le député de Vanier
ou d'autres qui ont participé à des commissions parlementaires
où j'en ai fait mention.
Alors, la Caisse de dépôt a un rôle important,
majeur, essentiel à la vie québécoise. J'oserais
même ajouter, M. le Président, pour ne plagier personne cependant,
fondamental! La Caisse de dépôt ramasse notre argent, le fait
fructifier au service de la population du Québec. Donc, il est
important, M. le Président, que les gens soient, hors de tout doute
raisonnable, sans conflit d'intérêts. Alors, M. le
Président, je comprends que le Parti libéral, qui est en face de
nous, a honte de son projet de loi et il ne parlera pas; jusqu'à
maintenant, il n'en a pas parlé. Et je n'en vois pas encore un qui se
lève. J'ai hâte de voir qui va se lever. Qu'il se lève,
celui qui est capable de défendre ce projet de loi là, la prise
en considération, M. le Président.
Moi, j'ai des craintes immenses, je vous le dis. Vous êtes le
défenseur de nos droits, de nos privilèges, mais,
malheureusement, vous n'êtes pas le défenseur de tous les
Québécois. C'est le gouvernement et l'Opposition qui, ensemble,
doivent les défendre. Mais quand le gouvernement assaille l'ensemble de
la population, bien, c'est le devoir de l'Opposition de le lui dire, de le lui
rappeler et de le combattre. C'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous
avons l'intention de faire et je vous dis que nous n'arrêterons pas tant
que le gouvernement ne comprendra pas le bon sens, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Laviolette. Je suis prêt à
reconnaître le prochain intervenant sur cette motion de prise en
considération du rapport, M. le député de Labelle,
(minuit)
M. Jacques Léonard
M. Léonard: M. le Président, je veux intervenir sur
cette motion de prise en considération du rapport de la commission du
budget et de l'administration au sujet du projet de loi 109, qui porte sur une
modification de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Avant de parier de la manière, qui est devenue coutumière en
cette Chambre, de rapetisser les débats, de les raccourcir à leur
plus simple expression, je voudrais revenir sur le fond de la question qui
m'apparaît important. D'abord, en ce qui concerne la Caisse de
dépôt et placement du Québec, il ne s'agit pas là
d'un petit projet de loi privé qui passe inaperçu, quoiqu'il
arrive, que ce soit de façon régulière ou non, parce que
ce n'est pas très important et que ça vise à régler
des cas particuliers. Non, dans le cas qui nous occupe, il s'agit de la
deuxième institution financière au Québec, le mouvement
des caisses populaires étant la première institution
financière avec quelque 45 000 000 000 $. La suivante de nos
institutions financières, c'est la Caisse de dépôt et
placement du Québec et la troisième plus grande, en ordre de
grandeur, des institutions financières de type bancaire, par exemple,
c'est la Banque Nationale du Canada.
Donc, nous en sommes à la deuxième plus grande institution
qui a été créée pour recueillir les épargnes
des Québécois dans leurs fonds de pension, essentiellement; la
plus grande partie des investissements qu'il y a dans la Caisse de
dépôt et placement du Québec provient des fonds de pension,
des caisses de retraite des régimes public et parapublic au
Québec. Il y en a d'autres aussi. Il y a, par exemple, les
réserves de la Société de l'assurance automobile du
Québec, les surplus aussi de la CSST. Mais, essentiellement, il s'agit
de fonds de retraite, du plan de pension du Québec où tout le
monde, tous les Québécois, des millions de
Québécois, en quelque sorte vont déposer leurs
épargnes par des cotisations qu'ils paient à chaque mois,
à chaque quinze jours sur leur paie. Alors, c'est donc une institution
financière majeure, très importante à qui on a
confié, en plus, la fonction de jouer un rôle économique au
Québec parce que le gouvernement, en la créant, voulait qu'il y
ait des placements qui permettent aux Québécois de prendre des
retraites à l'abri du besoin, mais, en même temps, pour assurer
que les épargnes fructifient, il fallait que ces investissements soient
des investissements rentables. Donc, sur le plan économique, la Caisse
joue un rôle déterminant de structuration de l'économie, de
consolidation de l'économie, donc il faut qu'elle le fasse avec des
perspectives aussi dans le temps. C'est ainsi qu'au début la Caisse de
dépôt et placement du Québec plaçait beaucoup de son
argent dans des bons d'obligations du gouvernement qui rapportaient des
intérêts à court terme ou à long terme et que, petit
à petit, on lui a demandé ou permis de placer plus de cet argent
dans des investissements rentables, dans des actions. Par ailleurs, il y a
aussi d'autres fonds,
mais disons que ça constitue, quand même, des
sommes importantes.
Cette Caisse, qui avait été
créée à l'origine avec un capital ou des fonds de 2 000
000 000 $, à qui on prévoyait, 10 ans plus tard, quelque 4 000
000 000 $ ou 5 000 000 000 $, aujourd'hui, en est venue à avoir des
fonds beaucoup plus considérables que ce qu'on avait prévu a
l'origine, même si on savait qu'on créait une institution
très importante sur le plan du développement économique du
Québec; elle en est venue à accumuler, en 1990, 37 000 000 000 $
et je suppose que, l'an prochain, il y en aura encore davantage. Donc, c'est
une institution financière qui touche à beaucoup de nos
entreprises partout et je crois bien qu'il y a peu de grandes entreprises
québécoises, comme de petites, où la Caisse de
dépôt et placement du Québec n'a pas des placements
importants.
Alors, M. le Président, je disais cela pour rappeler
à nos auditeurs, à ceux qui nous regardent qu'il faut bien voir
l'importance du dossier pour juger des objections qu'a l'Opposition par rapport
à ce projet de loi. l_a Caisse de dépôt et placement du
Québec a été fondée, créée avec une
loi constitutive qui a permis une certaine latitude à ses
présidents. Jusque-là, on peut dire qu'il y avait une combinaison
gagnante parce que les rendements de la Caisse de dépôt et
placement du Québec se comparent avec ceux des autres grandes
entreprises financières. Même si elle a des capitaux
énormes, les rendements sont bons, sont excellents. Tout le monde s'est
entendu, d'ailleurs, à la commission parlementaire du budget et de
l'administration au mois de juin pour féliciter M. Jean Campeau de ses
résultats et souhaiter que, par la suite, son successeur art d'aussi
bons résultats. Ça a été dit par l'Opposition et
ça a été, d'ailleurs, suggéré par
l'Opposition. Le gouvernement était d'accord et a concouru aussi
à féliciter M. Campeau de ses résultats.
Le gouvernement a désigné un successeur,
mais, je dirais, dans des conditions particulières. Nous avons appris
tout à coup par un décret du Conseil des ministres et aussi par
des nouvelles diffusées que le gouvernement entendait nommer deux
personnes à la direction de la Caisse de dépôt et placement
du Québec. Donc, deux, c'était déjà une
nouveauté et, à ce titre, il entendait nommer, pour remplacer M.
Campeau, M. Jean-Claude Delorme président du conseil d'administration et
chef de la direction, un geste important, donc. Tout le monde voyait dans M.
Delorme le successeur de M. Campeau, et je pense que cette nomination a
été bien reçue. Mais, par ailleurs, nous avons appris par
la même occasion qu'un certain M. Savard serait désigné,
lui, président et chef de l'exploitation. Voilà, tout à
coup, qu'on apprend que la direction de la Caisse est divisée en deux
parties avec chacune des responsabilités majeures. Ce qui est sorti
immédiatement, qui a d'ailleurs laissé pantois tout le monde,
c'était que ça avait été fait à l'insu du
conseil d'administration. Et je crois qu'il faut quand même
considérer que l'un des éléments, à mon sens,
importants dans ce dossier, c'est qu'il faut voir que, normalement, lorsque
l'on fait des grandes nominations comme celles-ci dans des entreprises aussi
importantes, le gouvernement prend le temps d'envisager les orientations d'une
boite comme celle-là, de les discuter, d'ouvrir un débat public
éventuellement, ce qui aurait été excellent, à mon
sens, ensuite prend le temps de fixer ses objectifs en termes plus concrets, en
termes pratiques, puis va dessiner un organigramme et, par la suite, va
désigner une personne ou deux.
Il est de coutume, normalement, quand on fait de telles
nominations, qu'on fasse d'abord une première nomination. Après
avoir discuté des orientations en quelque sorte, on va nommer Le
Président, chef de la direction et on va discuter avec lui des
façons pratiques avec lesquelles il veut atteindre ses objectifs. Or, ce
n'est pas ce qui a été fait. On a appris, tout le monde en
même temps, qu'il y aurait deux têtes à la Caisse de
dépôt et placement. Un président désigné, un
chef de la direction va discuter, va aussi enclencher une discussion avec le
conseil d'administration sur la façon dont il veut atteindre ses
objectifs, sur la façon dont il veut s'organiser pour atteindre des
objectifs, sur les gens qui vont l'entourer pour atteindre ses objectifs.
Ça me paraît une démarche tout à fait raisonnable et
tout à fait normale. Or, ce n'est pas ce qui a été fait.
Encore une fois, le conseil d'administration n'a pas été mis dans
le coup. Il a appris pratiquement par la voie des journaux qu'il avait deux
chefs, deux présidents. Et, à mon sens, c'est ça qui
piège toute l'affaire parce que, dans la démarche,
déjà, il y a des choses inédites qui se sont
passées qui sont inadmissibles, inacceptables. (0 h 10)
Alors, M. le Président, on peut aller plus loin
maintenant et se poser la question sur la nécessité de modifier
les structures de la Caisse de dépôt et placement. Bien sûr,
on nous a parié des grandes entreprises, d'Hydro-Québec
où, paraît-il, il fallait deux présidents et deux
têtes. Je vais être d'accord, M. le Président, qu'à
Hydro-Québec il peut y avoir deux têtes. Ça a
déjà fonctionné avec un président, ça
fonctionnait relativement bien, mais on peut penser qu'il y ait deux
têtes à Hydro-Québec, comme dans les grandes entreprises
qu'on nous a mentionnées, Labatt, Canadien National, Alcan, etc. Mais je
voudrais porter à votre attention que, dans ces cas-là, il s'agit
d'entreprises comportant de vastes opérations, qu'il y a dans ces
entreprises quelque 20 000, 30 000 employés, des entreprises où
il y a plusieurs milliers d'employés, très axées sur des
opérations concrètes, techniques, opérationnelles en
quelque sorte, ce qui n'est pas le cas de la Caisse de dépôt et
placement du
Québec. À la Caisse de dépôt et
placement du Québec, nous n'avons même pas 300 employés et
la nature des opérations n'est pas de type matériel, physique;
c'est vraiment des décisions qui portent sur des orientations, sur des
investissements. Vous avez là une équipe d'une centaine de
professionnels, de 125 professionnels, qui, elle, travaille sur des dossiers de
fond. Faire une distinction entre un président, chef de la direction, et
un autre président, chef de l'exploitation, m'apparaît sans aucun
sens parce qu'il est très difficile, à la Caisse de
dépôt et placement du Québec, de spécifier ce qui
est de l'exploitation et ce qui est de la direction. le chef de l'opposition
l'a très bien rappelé, lorsqu'il s'est agi, par exemple,
d'acquérir un bloc important d'actions chez domtar, est-ce qu'il
s'agissait là d'une décision d'investissement de type
opérationnel ou d'une direction différente à la caisse de
dépôt et placement du québec? je pense que les deux aspects
de la question s'envisagent, absolument, parce qu'un investissement important
de cette nature commande, en fait, une décision d'orientation de la
caisse. dans ces cas-là, faire une distinction entre exploitation et
direction n'a aucun sens et nommer deux personnes, en l'occurrence,
responsables de la caisse m'apparaît plutôt créer à
la caisse une situation conflictuelle que de nature à régler les
problèmes qu'il y a là.
M. le Président, qu'est-ce qui arrivera? Supposons
qu'on ait des investisseurs qui veuillent être appuyés des fonds
de la Caisse et donc qui veuillent avoir une décision de la part de ses
présidents; ils vont s'adresser, supposons, au président de
l'exploitation. Le président de l'exploitation va faire une analyse du
dossier, va peut-être conclure avec ces gens, supposons, qu'il ne doit
pas investir dans telle ou telle entreprise, ce qui est une décision qui
peut très bien se justifier par elle-même, je n'en disconviens
pas, je veux donner un exemple. Mais, s'il s'agit, en l'occurrence, de quelques
dizaines de millions dans un investissement, ce qui est quand même, pas
courant, mais assez fréquent, et que les investisseurs potentiels ou les
gens qui veulent avoir des fonds de la Caisse n'obtiennent pas satisfaction
lorsqu'ils vont voir l'un des présidents, par exemple à
l'exploitation, ils vont essayer, tout naturellement, de faire appel d'une
telle décision chez Le Président, chef de la direction, en lui
montrant qu'il s'agit d'un investissement important, que la Caisse doit
s'impliquer, etc.
Vous arrivez automatiquement à une situation
où les deux présidents ne vont peut-être pas être en
conflit tout de suite, mais il va s'exercer des pressions chez l'un, chez
l'autre par rapport à un objectif bien précis, que l'on peut
considérer normales de la part d'hommes d'affaires parce qu'on est dans
le milieu des affaires, mais qui, au fond, vont tendre à diviser les
deux têtes une contre l'autre. C'est une situation tout à fait
plausible qui se produit souvent, qui risque de se produire à la Caisse
de dépôt et placement, avec les conséquences dramatiques
qu'on pourrait voir.
Ce qui risque d'arriver, pour éviter qu'il y ait des
conflits, peut-être bien que chacun va se déterminer des
créneaux différents. On a vu que le conseil d'administration, aux
mois de juin, juillet, pour essayer de régler la question, a
dessiné un organigramme différent de ce qu'il y avait auparavant,
pour éviter que les deux n'entrent en conflit et pour essayer de
clarifier les choses par rapport aux gens de l'externe, pour savoir qui
était responsable de quoi, pour éviter d'avoir un totem, l'un
au-dessus de l'autre, responsable des cinq vice-présidents qu'il y avait
alors. Remarquez bien que, auparavant, le deuxième président de
la Caisse avait fonctionné, lui, avec un numéro 2 à la
Caisse. Ça avait bien fonctionné, à ce qu'on sache. M.
Cazavan avait désigné M. Paris comme son numéro 2 et les
deux faisaient tandem à la Caisse. Par ailleurs, M. Campeau, lui, s'est
entouré d'une équipe de cinq vice-présidents; donc, ils
fonctionnaient à six, si l'on veut, mais avec M. Campeau comme
étant vraiment le chef incontesté, incontestable, pour quelque
raison que ce soit. Là, il y en aura deux, avec des organigrammes qu'on
nous a dessinés, qui changent. Dans le temps, c'était ça.
Maintenant, on a un totem. Puis, le conseil d'administration avait
réparti les fonctions en désignant un vice-président
exécutif.
Alors, M. le Président, qu'est-ce qui arrive, en
l'occurrence, avec la loi que nous avons devant nous? Qu'est-ce qui arrive?
D'abord, il faut voir le statut des deux hommes qui sont
désignés. La loi nous amène à dire ou à
constater qu'il y a une protection considérable de donnée
à ces deux personnes. À l'article 3 qui modifie l'article 8 de la
Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, il est
dit ceci: "Le président du conseil d'administration et chef de la
direction et Le Président et chef de l'exploitation sont nommés
pour 10 ans par le gouvernement qui fixe leur traitement, lequel ne peut
être réduit. Ils ne peuvent être destitués que par
résolution de l'Assemblée nationale". Voilà, un article de
la loi que nous trouvons inadmissible parce que ces deux personnages auront une
garantie pratiquement de ne pouvoir être déplacés, quoi
qu'ils fassent.
D'abord, il faut se poser la question du pourquoi de cette
protection. À l'origine, le gouvernement avait donné une
protection pour éviter que Le Président de la Caisse de
dépôt et placement du Québec soit soumis à des
pressions, tant du monde politique que du monde des affaires. Il le voulait
indépendant, maître de ses décisions, à l'image de
ce qu'était ou de ce qu'est encore le gouverneur de la Banque du Canada
qui ne peut pas être destitué par le gouvernement sans qu'il y ait
un débat à la Chambre des communes. Alors, on a pris ce
modèle et on l'a transféré, ici au Québec, pour
protéger le président de la Caisse de dépôt
et placement du Québec. Mais ici, dans le projet de loi qui nous est
déposé, les deux personnalités, les deux personnages ont
la même protection qui est déjà une protection exorbitante
par rapport à d'autres membres de la fonction publique ou parapublique
au Québec. C'est exorbitant d'avoir cette garantie de ne pouvoir
être destitué que par un vote à l'Assemblée
nationale. Exorbitant!
M. le Président, ça veut dire que les deux hommes ont des
garanties majeures, exceptionnelles, qui ne peuvent être levées
que par l'Assemblée nationale et, donc, qu'une subordination, par
exemple, du président chef de l'exploitation par rapport au
président chef de la direction n'est que théorique parce qu'il
n'y a pas de prise directe de la part du chef de la direction sur le chef de
l'exploitation. Il n'y a pas de sanction majeure. Et qu'est-ce que cela va nous
amener, M. le Président? Nous aurons des conflits éventuellement
sur 10 ans. Il y aura des conflits. Quelle sera la solution qui sera
apportée? Peut-être bien que les deux personnes se
répartiront les dossiers, se répartiront les champs d'action pour
éviter de se heurter. (0 h 20)
Peut-être que ça va durer un certain temps, mais à
la minute où les conflits deviennent importants, il y a un personnage
qui va s'écraser par rapport à l'autre. Et est-ce que c'est ce
qu'on souhaite, que l'un s'écrase par rapport à l'autre? Je pense
que personne ne souhaite ça et le dire, c'est dire aussi, du même
coup, que c'est injustifié de lui accorder la protection de
l'Assemblée nationale, d'accorder cette protection au deuxième.
J'aurais à la limite peut-être admis que cette deuxième
personne soit nommée pour une période beaucoup plus courte, mais
surtout qu'elle ne soit pas protégée par l'Assemblée
nationale. On reviendrait, en pratique, à la situation qu'il y avait
avant M. Campeau, avec M. Cazavan et M. Paris, M. Cazavan fonctionnant avec un
numéro 2. Très bien, c'est sa façon de fonctionner, moi,
je pense que ça va bien, mais il n'y a aucune justification pour donner
la garantie de l'Assemblée nationale à ce deuxième
personnage. alors, qu'est-ce qui va arriver? le conflit s'envenime entre les
deux personnages, ce qui peut arriver, des conflits de personnalités,
mais suscités aussi par les pressions du milieu qui vont jouer l'un
contre l'autre. les deux vont se retrouver ou il y en a un au moins qui va se
retrouver chez m. le ministre des finances, de qui relève la caisse de
dépôt et placement. ah! il va aller se plaindre au ministre des
finances, c'est très normal, un ou l'autre. le ministre des finances va
vouloir entendre les deux. il va essayer de régler son problème,
il va essayer, disons, de jouer le bon garçon et puis essayer de faire
s'entendre ces deux personnes. vous aviez un cuisinier dans la soupe, on en
rajoute un deuxième et, quand les deux vont s'opposer, il va falloir en
rajouter un troisième qui va être le ministre des Finances. Mais
qu'est-ce qu'on est en train de faire? Le ministre des Finances, devant
l'ampleur et l'importance du dossier, va en parier très probablement au
Conseil des ministres, parce que si la situation s'envenime vraiment, à
mon sens, compte tenu de l'importance de la Caisse de dépôt et
placement, ça ira au Conseil des ministres. Qu'est-ce qu'on est en train
de faire? On est en train d'introduire les hommes politiques ou le Conseil des
ministres, une instance politique dans la gestion de la Caisse de
dépôt et placement. Exactement ce que M. Lesage voulait
éviter lorsqu'il a prononcé son discours de deuxième
lecture créant la Caisse de dépôt et placement du
Québec en 1965.
Pensez-vous que le ministre des Finances va amener le conflit sur le
parquet de l'Assemblée nationale, ici, pour le régler? À
mon sens, c'est impensable. Il va essayer de le régler dans son bureau.
Il va essayer de régler ça au Conseil des ministres. Il va
essayer d'amener peut-être une démission, qu'il ne pourra pas
forcer de toute façon, mais qu'il va essayer de susciter d'une autre
façon. Mais on est vraiment en train d'admettre que le politique va
s'ingérer dans la Caisse de dépôt et placement en termes
d'influence, c'est évident, ça me paraît aller de soi.
Quand on me dit que ça n'arrivera pas, dans un an, peut-être pas;
dans cinq ans, qui pourra nous le garantir? Et, dans 10 ans, qui pourrait nous
le garantir? Et comme on vient de modifier cette loi, qu'on n'a pas
modifiée, à mon sens, depuis très longtemps, en tout cas,
dans sa structure d'administration comme celle-là, depuis 25 ans, au
fond, cette structure est là pour 20 ans encore. Et qu'est-ce qui va
nous garantir, M. le Président, qu'il n'y aura pas de chicane entre deux
hommes durant 20 ans? Je pense que c'est incroyable, c'est irréaliste et
utopique; la nature humaine étant ce qu'elle est, on va avoir ces
conflits. Et ce n'est pas vrai que ça va venir se résoudre ici
devant l'Assemblée nationale si c'est un conflit entre deux personnes;
à mon sens, oui, ça pourrait, mais c'est théorique
uniquement. Ce qui va arriver de la façon la plus plausible
malheureusement, c'est que ces deux personnages risquent de s'asseoir sur leur
chaise, vont s'immobiliser et vont immobiliser la Caisse de dépôt
et placement.
Je pense que des décisions d'orientation, où on modifie
avec des perspectives pour le futur, vont être très difficiles
à prendre dans un contexte où deux hommes vont s'opposer. Et on
va assister à la paralysie de la Caisse de dépôt et
placement. Je voudrais avoir tort, mais, malheureusement, je crains que mon
analyse et que mes perspectives là-dessus ne soient justes. C'est
ça qui est malheureux, M. le Président, vraiment malheureux.
En tout cas, on se met dans une situation conflictuelle, vraiment, en
donnant ces garanties absolues, parce que je considère que c'est une
garantie absolue. Je ne crois pas qu'un ministre des
Finances va s'amener ici devant l'Assemblée nationale pour faire
destituer par un vote de l'Assemblée une personne présidente
responsable, chef de la direction ou chef de l'exploitation. D'abord, Juste en
termes humains, il faut voir comment ça serait pénible de venir
ici, comment ça peut être injuste même pour des personnes
qui peuvent s'opposer strictement sur des orientations et ça peut
dégénérer en considérations personnelles
très facilement. M. le Président, je pense que c'est une loi qui
n'a pas de sens, bien simplement sur le fond même de la question, et je
n'ai pas parlé des gens qui sont là présentement, des gens
qui sont pressentis, sur leurs mérites respectifs, absolument pas. Je
pense que Le Président et chef de la direction, si jamais il
m'écoute, va déplorer cette situation.
M. le Président, ce gouvernement, pour éviter
que ce débat ne prenne la place publique parce qu'il ne se sent pas
sûr de ses positions, a introduit ce projet de loi à la
dernière minute, le 15 novembre, l'a amené devant la Chambre
où on a fait un débat de deuxième lecture qu'il n'a pas
apprécié - nous sommes dans l'Opposition, nous avons
dénoncé ce que je dénonce présentement - et puis
nous a amenés en commission parlementaire. En commission parlementaire,
les remarques préliminaires n'étaient pas terminées que
déjà nous savions qu'il imposait un bâillon. Nous avons
demandé à entendre les deux présidents qui avaient
précédé, M. Campeau et M. Cazavan. Non. Le gouvernement a
dit non. Le ministre des Finances a bloqué et il a appelé
ça tout de suite une opposition systématique. Sur ce projet de
loi, M. le Président, nous avons siégé tout au plus six
heures. Et je pense que ce n'était même pas six heures; cinq
heures, quelque chose comme cela, alors que nous aurions pu en discuter... Je
pense que le fait qu'il a imposé très rapidement le
bâillon, le fait qu'il l'amène ce soir, là, à
minuit, indique très bien qu'il veut que ce débat se fasse en
cachette, qu'il ne veut pas que le public soit sensibilisé aux enjeux
qu'il, y a derrière ça. C'est ça, c'est évident.
Faire un débat à minuit le soir sur une loi comme
celle-là, alors que, s'il était fier de sa loi, il se pavanerait
avec sa loi, il convoquerait des gens, il les aurait amenés en
commission parlementaire qui aurait confirmé ses dires. Personne! Et on
a vu dans les journaux plein de gens qui s'opposaient et pour cause, en
particulier les personnes siégeant sur le conseil d'administration qui
n'apprécient ni la manière ni le fond des choses dans cette
affaire.
M. le Président, ce que je trouve triste, c'est que,
finalement, depuis quelques mois, on entendait dire qu'on voulait diviser la
Caisse de dépôt et placement du Québec que certains
personnages trouvaient trop grosse, que certains personnages trouvaient trop
importante. Il fallait la diviser et ce qu'on a trouvé comme moyen,
parce qu'on a pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de ses idées,
étaient d'ailleurs fofolles, le moyen qu'on a trouvé, ça a
été de paralyser la direction. C'est malheureusement ce qui
risque d'arriver avec le projet de loi qu'on nous demande de voter. (0 h
30)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Labelle. Oui, Mme la députée de
Marie-Victorin sur le même sujet, à savoir la prise en
considération du rapport de la commission concernant le projet de loi
109. Mme la députée.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. Nous voilà
devant un autre projet de loi où on est obligé de constater
d'entrée de jeu que, dès que quelque chose va bien au
Québec, dès qu'une institution va bien, fonctionne bien et
pourrait apporter des bénéfices à l'ensemble des
contribuables québécois, ce gouvernement trouve toujours le moyen
d'arriver à trouver des solutions abracadrabantes qui font en sorte que
le pouvoir politique s'instaiie partout et devient la règle et,
finalement, le recours ultime pour prendre de grandes décisions. C'est
malheureux, d'autant plus que la Caisse de dépôt qui
représente l'ensemble des épargnes des Québécois et
des Québécoises et qui permet à des entreprises de pouvoir
prendre de l'expansion dans le milieu économique québécois
bien de chez nous, on trouve, une fois de plus, un moyen de ralentir cette
activité économique et de faire en sorte qu'on aura à
subir lourdement les conséquences d'un tel geste, d'une telle
décision.
Oui, au Québec, on est très fiers de la
Caisse de dépôt et placement parce que cette Caisse nous permet de
contrôler des leviers importants de notre économie et aussi de
pouvoir jouer un rôle important dans des leviers économiques de
taille qui permettent de jouer un rôle sur la scène tant nationale
qu'internationale par les placements qu'on effectue. Bien sûr, on arrive
à une nomination où, maintenant, il y aura deux présidents
à la tête de la Caisse de dépôt et placement, deux
présidents pour un organisme non pas démesuré, parce qu'on
sait qu'il y a très peu de personnel, en fait, plutôt des
professionnels. Il aurait été souhaitable de maintenir une
direction à tête unique plutôt que cette formule qu'on vient
de choisir où, finalement, il y aura deux directions, une direction
générale et une autre à l'exploitation. Comme si, quand on
arrive à faire des placements de cet ordre-là, où il y va
de l'orientation, une analyse financière de placements... Pourquoi avoir
ces deux têtes à la direction, ce qui risque de devenir
très conflictuel? Conflictuel parce que, bien sûr que, dans la
loi, tel qu'il est stipulé, ces gens sont nommés pour au moins 10
ans et on n'a aucun recours, il faut les garder en poste pendant 10 ans sans
que l'Assemblée nationale en soit pressentie. Et c'est
l'Assemblée nationale qui peut, tout simplement, mettre un terme
advenant une situation conflictuelle. C'est dramatique, parce qu'on oblige des
gens à vivre des situations conflictuelles, des situations qui peuvent
les empêcher même d'être productifs et de se supporter parce
que, justement, la loi prévoit qu'il n'y a pas d'autre alternative.
Ce que ça veut dire, c'est que les gens... Déjà,
Jean Lesage avait parlé de la convoitise que pourrait avoir le pouvoir
politique sur la Caisse de dépôt. Et justement on arrive devant le
fait que cette convoitise-là, eh bien, elle était beaucoup plus
importante qu'on l'avait estimé et que, dorénavant, quand il y
aura conflit, ce sera encore le pouvoir politique qui aura à trancher.
Pourtant, on voulait vraiment les mettre en dehors du pouvoir politique au
niveau de ces décisions et surtout permettre que ces gens-là
puissent faire des choix, une analyse, choisir les entreprises auxquelles on
porterait main forte pour leur développement, à cause du
rôle économique qu'elles pourraient jouer dans la grande
collectivité québécoise, non pas en fonction de choix
politiques, parce qu'on est plus favorable à telle entreprise qui
pourrait favoriser le parti au niveau de la campagne de financement...
C'est pour ça aussi que, dans le choix de M. Savard, ça
reste aussi perplexe parce qu'on sait fort bien que M. Savard est un grand
solliciteur de fonds pour le Parti libéral. Et on se dit: Ouf!
Attention! Attention! parce qu'il y a peut-être des dettes politiques,
à un moment donné, qu'il y aura à rencontrer. Et la Caisse
de dépôt n'est pas là pour répondre à des
impératifs politiques, mais, bien au contraire, la Caisse de
dépôt est là pour permettre, favoriser le
développement économique de l'ensemble des entreprises, pour
permettre une meilleure activité économique pour l'ensemble de la
collectivité québécoise. Parce que, en fin de compte,
c'est ça, c'est notre devenir à nous tous ici, la Caisse de
dépôt. C'est un peu une police d'assurance pour tous nous autres,
Québécois et Québécoises. Et quand ça
fonctionne bien, quand ce capital-actions fonctionne très bien, ces
placements fonctionnent très bien, eh bien, on peut présumer que
l'avenir économique du Québec est florissant. C'est ça qui
est important. On a besoin, en tant que pays, de posséder ce levier
économique qui fait en sorte qu'on peut travailler à augmenter,
si vous voulez, notre rayonnement sur le plan économique et, aussi,
à orienter ce devenir aussi, si important, surtout au moment de notre
histoire où on parle de plus en plus de la souveraineté et de
faire du Québec un pays qui aura à jouer un rôle important
sur la scène internationale. Je pense qu'il va de soi qu'on puisse
contrôler chez nous, nos instruments, ces leviers économiques, et
qu'on mette à la tête de cet instrument économique - la
société de placement et de dépôt - des gens
crédibles, M. le Président. Là, on arrive, on est en train
de mêler les jeux, on est en train de mêler les dés.
Ça sera très difficile, en fait, pour les gens, de savoir qui,
dans la boite, a vraiment l'autorité finale, l'autorité
décisionnelle. Il y aura toujours deux autorités. Laquelle va
prévaloir sur l'autre? La question reste entière. Il faudra qu'il
y ait des ententes entre les deux présidents. Lequel aura moins de
pouvoir par rapport à l'autre? Lequel prendra la décision ultime,
celle qui sera irrévocable et qui permettra de mettre un point final
dans les discussions, dans les mésententes ou dans les orientations?
Là, la question reste encore entière. Est-ce qu'on aura
toujours recours, chaque fois qu'il y aura un différend, au ministre des
Finances? Est-ce qu'on devra rapporter ça au Conseil des ministres? Ce
sera en fin de compte le Conseil des ministres qui tranchera dans les
différends. Ce n'est pas nécessairement ce qui serait le plus
souhaitable, bien au contraire. Et il faut le rappeler toujours, M. le
Président, c'est tout récent qu'on vient de changer
l'organigramme. Ça n'a jamais fonctionné, on a toujours
trouvé des modus vivendi. Quand le directeur général
était à la tête de la Caisse de dépôt et
placement, il s'était mis un vice-président pour le seconder dans
ses fonctions, mais, tout de même, les lignes étaient très
claires et on savait à qui il fallait se référer au niveau
décisionnel. Mais cette fois-ci, il semblerait que la Caisse de
dépôt avait un trop grand rayonnement, qu'elle était
vouée à une trop belle réputation, et c'est
peut-être ce qui fatiguait les gens d'en face, c'est que c'était
trop prospère et que son avenir était trop prometteur et que,
là, il fallait peut-être trouver un moyen de ralentir cet
élan qu'avait la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Et malheureusement, nous devons maintenant constater qu'on est
devant des faits et que, dorénavant, il y aura deux directions
générales à la tête de la Caisse de
dépôt et placement, et c'est vraiment déplorable, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Sur le même sujet, je reconnais
maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. (Oh
40)
M. André Boulerice
M. Boulerice: Oui. M. le Président, il est très
exactement une heure moins vingt. Je ne sais ce que ça donne exactement
en temps universel, mais je sais que les grandes places boursières
européennes vont ouvrir dans pas tellement longtemps. Et on sait fort
bien que la Caisse de dépôt et placement du Québec va
immédiatement avoir un rôle à jouer.
Ce n'est pas, M. le Président, la Caisse de dépôt et
placement, une "binerie", comme on dit en bon québécois. C'est -
et mes collègues de l'Opposition l'ont tous rappelé - l'une
des
principales institutions que le Québec s'est donnée avec
le Mouvement Desjardins, la Commission des valeurs mobilières, et je
vais prendre à témoin mon collègue, le
député de Bertrand, qui a évolué dans le milieu de
la banque, des affaires et de la diplomatie. Donc, M. le Président, ce
n'est pas ce qu'on appelle, en bon québécois, une "binerie". Il
s'agit de la deuxième institution financière en importance ici au
Québec. C'est une institution, M. le Président, qui ne
gère pas l'argent de gens qui sont de l'étranger. Elle
gère nos deniers collectifs, ce que chacun d'entre nous versons.
À venir jusqu'à date, la Caisse de dépôt et
placement du Québec est une institution sans reproche, une institution
qui fait exemple, une institution dont on est fiers, une institution qui a
aidé les Québécois à prendre leur place justement
dans ce milieu des affaires où nous avons été tristement
et trop longtemps absents. Et voilà, M. le Président, que cette
institution que nous avons eue grâce à la prévoyance d'un
premier ministre plus qu'honorable, qui a été M. Lesage...
Une voix:...
M. Boulerice: Pardon. Oui, ça a été un
premier ministre libéral, je le répète, à
l'époque où libéral s'écrivait avec un l_ ce qui
n'est plus le cas. Voilà que le Parti libéral est en train
littéralement de détruire son propre héritage. Oui, vous
tenez ça de votre parti. Vous en êtes fiers? Si vous en êtes
fiers, pourquoi y touchez-vous? Moi, je n'ai aucune gêne à dire
que ça a été fait par le gouvernement libéral de M.
Lesage. Je n'avais pas le droit de vote à cette époque, mais
j'aurais bien voté pour lui. D'ailleurs, je faisais campagne, je me suis
intéressé tôt a la politique, vous le savez, M. le
Président. Mais voilà que le Parti libéral actuel est en
train de détruire son propre héritage avec une loi votée
en pleine vapeur où il a été absolument impossible
d'entendre qui que ce soit. Et Dieu seul sait que ce gouvernement, lorsqu'il
était l'Opposition et lorsque nous nous étions au gouvernement,
si, par malheur, on n'avait pas une commission parlementaire qui durait - et je
vais interroger mon collègue le député de Shefford - des
jours, des semaines, des mois même, ça hurlait comme s'il y avait
péril en la demeure, que c'était antidémocratique et qu'il
fallait écouter tout le monde.
Je me souviens d'ailleurs d'une commission parlementaire où
j'étais venu intervenir en tant que président de ma formation
pour la région de Montréal, et Dieu seul sait que les heures
avaient été nombreuses, mais ce gouvernement qui était
celui issu de mon parti, M. le Président, jouait le jeu de la
démocratie, ce qui n'est pas le cas avec le gouvernement actuel. On a vu
le ministre des Finances se caricaturer lui-même littéralement, M.
le Président, en refusant de répondre à une simple
question: Avez-vous consulté le conseil d'administration avant? On lui
demandait de les entendre. Il n'a pas voulu, il n'a pas voulu répondre.
Mais on connaît fort bien la réponse. Le conseil d'administration,
jamais, jamais, n'a été consulté sur ce projet de loi,
amené d'ailleurs à la toute fin, en plein milieu de la nuit, et
à partir d'un bâillon, parce que, en parler les fatigue et les
agace. Fiers, fiers, oui, peut-être d'une loi qui a été
faite par leur parti politique à l'époque où il avait des
lettres de noblesse, mais gênés par contre du "traficotage" qu'ils
sont en train de faire à l'intérieur de cette institution
financière deuxième, je le répète, en importance au
Québec; gênés quand on est obligés de faire
ça à une heure moins quart la nuit, gênés, quand on
se sert du bâillon qui est coutumier pour ce gouvernement dont je me
rappelle d'ailleurs le discours inaugural prononcé par la
vice-première ministre puisque le premier ministre avait
été défait dans la circonscription où il
était candidat, la circonscription de Bertrand. Elle disait: Nous allons
légiférer moins et mieux. Eh bien! la moindre chose qu'on puisse
dire, c'est que ce gouvernement ne prêche pas par l'exemple pour ce qui
est de mieux légiférer, M. le Président.
S'il y avait, comme je l'ai dit tantôt, péril en la
demeure, une catastrophe éminente, un danger pour l'unité
nationale et que l'Opposition se livrait à une obstruction
systématique, je pourrais peut-être comprendre un bâillon,
M. le Président, mais quand il s'agit d'une loi qui va modifier
profondément les structures de cette institution, une loi qui, loin
d'améliorer, va compliquer la prise de décision, qui va
être génératrice de conflits, de tensions, une loi qui, en
plus - un projet de loi puisqu'elle n'est pas encore votée, c'est une
question d'heures - a déjà jeté du discrédit sur
une institution financière qui se méritait les éloges, et
je vais faire un pléonasme, les éloges les plus élogieux
de la part du Wall Street Journal, ce que tout le monde souhaiterait...
Je suis persuadé que la députée de
Kamouraska-Témiscouata est d'accord avec mon propos; quand on est
coté par le Wall Street Journal, elle, qui a d'ailleurs
séjourné aux États-Unis quand même longtemps,
à Washington, si ma mémoire est fidèle, sait fort bien, M.
le Président, que c'est quand même une cotation qui est
drôlement importante pour une institution financière.
Voilà qu'avec un projet de loi comme celui-là, on va jeter
le discrédit, M. le Président, sur cette institution, et Dieu
seul sait qu'en économie le principe de la crédibilité
peut être drôlement important. On a vu, cet après-midi, ce
que c'était de ne pas avoir de crédibilité politique. En
écoutant le chef du Parti libéral canadien, M. Chrétien,
on a vu ce que c'était de ne pas avoir de crédibilité
politique; on l'a vu dans son mémoire et on l'a vu par les
réactions à son mémoire. D'ailleurs, il en avait
l'illustration lui-même dans sa figure.
Mais là où vous vous imaginez, M. le Président, le
danger que ça représente, c'est quand il s'agit de gérer
des dizaines de milliards de dollars. Et pourquoi cette hâte de faire
voter une loi qui va être temporaire, M. le Président? Je tiens
à répéter les propos du chef de l'Opposition: Lorsque nous
reviendrons au gouvernement... Et vous savez comme moi, M. le Président,
que, si nous sommes dans l'opposition et le Parti libéral au pouvoir,
c'est parce qu'il n'y a pas d'élection. Faites des élections et
vous allez voir, on va changer de côté. Remarquez que vous allez
être bien moins nombreux qu'on l'est, mais vous allez changer de
côté. Eh bien, cette loi, M. le Président... Ah! Je vous
mets au défi de faire une élection, mais...
Une voix: Vous aimez ça. M. Boulerice: J'aime
ça. Une voix: ...un ministère vous attend...
M. Boulerice: Bien, un ministère qui n'existe pas. J'aurai
sans doute un ministère qui n'existe plus depuis cinq ans, qui est les
Affaires culturelles, du moins, je le souhaite, mais le premier ministre, M.
Parizeau, en décidera.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Boulerice: Mais une loi, M. le Président, que nous
déferons la journée où nous reviendrons au gouvernement,
parce que nous ne pouvons accepter ce tripotage dans la deuxième
institution financière...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Si vous voulez
conclure.
M. Boulerice: ...au Québec et une des rares de cette
importance. qui nous appartienne. Je vois d'ailleurs le député de
Pontiac qui acquiesce à mon propos quant à l'issue du prochain
scrutin. Je suis malheureux pour lui; il ne sera pas là pour voter
contre le projet de loi, mais le projet de loi du Parti québécois
sera adopté et cette Caisse sera ramenée à l'état
initial où elle était, l'état dont M. Lesage avait
tracé les grandes lignes lorsqu'il a créé la Caisse de
dépôt et placement. Je vous remercie, M. le Président.
Une voix: II s'applaudit lui-même.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur le même sujet,
M. le député de Bertrand.
M. François Beaulne M. Beaulne: Merci, M. le
Président. J'ai le plaisir d'intervenir pour la troisième fois
sur ce projet de loi. J'aimerais insister sur deux aspects particuliers. Mes
collègues ont abondamment parlé des individus qui sont
visés par les nominations à la direction de la Caisse de
dépôt. Pour ma part, j'aimerais insister sur deux points
particuliers. (Oh 50)
Le premier tient probablement à ma propre formation en tant que
gestionnaire. On a cité comme exemple d'inspiration pour cette loi, des
organismes tels qu'Hydro-Québec, la Banque Nationale et d'autres
organismes d'envergure. Pour avoir été pendant huit ans
vice-président à la Banque Nationale, il y a quelque chose qui me
semble un peu inusité dans ce projet de loi. C'est le fait de confier
à deux personnes l'administration de quelque 300 employés.
Lorsqu'on parle d'Hydro-Québec, lorsqu'on parle de la Banque
Nationale ou lorsqu'on parle de Bell Canada, on parle d'organismes qui
comprennent plus de plusieurs milliers d'employés. La Caisse de
dépôt a à peine 300 employés. C'est une institution
de placement. Ce n'est pas une institution de services comme le sont les
grandes banques à charte canadiennes. Ce n'est pas une institution qui a
des succursales de coins de rue. C'est une institution qui, essentiellement, a
des recherchistes, qui a des professionnels, et qui place les fonds de retraite
des fonctionnaires et du secteur parapublic du Québec.
Dans ce sens, comme gestionnaire, je trouve tout à fait
inexplicable qu'on veuille scinder en deux, qu'on veuille diviser, à
toutes fins pratiques, la haute direction de la Caisse de dépôt,
parce que, pour ceux qui nous écoutent, au fond, c'est ça le
problème. Ce qu'on essaie de faire par ce projet de loi, c'est de
diviser la haute direction de la Caisse de dépôt entre un
intendant en chef et quelqu'un qui serait responsable des grandes orientations
de la Caisse de dépôt.
Lorsqu'il s'agit d'une entreprise d'envergure, ça s'explique.
Mais si on divise la rentabilité de la Caisse par raport à son
nombre d'employés et par rapport à ses cadres dirigeants, on
s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui relève un peu de la
mauvaise gestion. Et ce qui m'a semblé d'autant plus étrange dans
le projet de loi qui nous est présenté, c'est qu'un gouvernement
qui se targue d'avoir été un bon gestionnaire, un gouvernement
qui se targue d'avoir les préoccupations économiques à
coeur, et qui se targue de gérer les avoirs et les actifs des
Québécois au meilleur de sa rentabilité, soit rendu
à nous proposer de diviser la haute direction de la Caisse de
dépôt et de placement en deux.
Ça ne tient pas debout sur le plan administratif. Ça ne
tient pas debout sur le plan de la rentabilité. Il faut donc se poser
des questions. Pourquoi est-ce que le gouvernement veut procéder de la
sorte? L'autre question qui me vient à l'esprit, celle-là, elle
est probable-
ment plus importante en ce qui concerne l'avenir de la Caisse de
dépôt, et surtout quand on place le fonctionnement de notre Caisse
par rapport à ce qui s'est fait sur les marchés financiers.
Jusqu'ici, la Caisse de dépôt et placement du Québec
était vue par le monde anglo-saxon de la finance d'une façon un
peu sceptique et surtout d'une façon menaçante.
Et je n'ai pas besoin de rappeler aux membres de cette Chambre ici le
bill C-31 qu'avait voulu introduire le gouvernement de M. Trudeau, auquel
d'ailleurs participait activement celui qui est venu témoigner
aujourd'hui devant la commission Bélanger-Campeau, le
dénommé Jean Chrétien, qui voulait fausser les
règles du jeu du capitalisme le plus élémentaire en
privant la Caisse de dépôt et de placement du droit
élémentaire de chaque actionnaire de nommer des administrateurs
au conseil d'administration.
Ce projet de loi n'a finalement pas été voté
à la Chambre des communes, mais il a quand même été
introduit. Il a été introduit et il reflète bien la
crainte qu'ont les milieux anglo-canadiens de la Caisse de dépôt
et surtout de l'impact qu'elle peut avoir sur les marchés financiers du
Québec. Et c'est là qu'il faut se poser la question sur l'avenir
de cette Caisse et qu'il faut surtout se poser la question sur le maintien de
son intégrité et de sa force d'impact sur les marchés
financiers.
Et lorsqu'on veut diviser la direction de la Caisse de
dépôt, finalement, on ouvre la porte au vieux dicton qui veut que
pour mieux régner, il vaut mieux diviser. Et c'est dans ce sens
où je m'interroge sérieusement sur l'arrière-pensée
du gouvernement dans le contexte du projet de loi 109 qui nous est
proposé. Certaines personnes ont avancé qu'il vaudrait mieux
fractionner la Caisse de dépôt et placement, qu'il vaudrait mieux
la diviser entre petites caisses qui auraient des actifs beaucoup plus
réduits. Cette proposition va complètement à rencontre
d'une autre philosophie du gouvernement reflétée par l'entremise
des ministres qui se sont succédé au ministère des
institutions financières, voulant flexibiliser les règles de
conduite des institutions financières au Québec pour que le
Québec puisse se doter de grands ensembles qui puissent justement
concurrencer sur le plan international et en fonction de ce qu'on appelle, de
plus en plus, à toutes les sauces, la globalisation des
marchés.
D'un côté, nous avons un gouvernement qui nous dit: II faut
avoir des entreprises de plus en plus puissantes, de plus en plus fortes, pour
concurrencer sur les marchés extérieurs, et, d'un autre
côté, on prend probablement le plus beau fleuron de nos
institutions financières, notre outil d'intervention en matière
financière et en matière économique, pour le placer dans
une situation de conflit potentiel au niveau de la tête dirigeante de
cette entreprise. Il y a là quelque chose d'incohérent dans les
politiques de ce gouvernement. D'une part, de consolider les institutions
financières du Québec et, d'autre part, d'en fractionner la
direction et d'ouvrir ainsi la porte à la "bagouille" et à
l'exploitation de dissensions qui pourraient se développer au sein de la
haute administration de la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Et c'est la raison fondamentale pour laquelle nous nous opposons
à ce projet de loi. Bien sûr, il y a le fait de la nomination d'un
certain M. Savard, qui a été colporteur des finances du Parti
libéral et pour qui nous avons plus ou moins de respect, non pas en tant
que membre d'un parti mais surtout en tant que futur gestionnaire de la
principale Caisse de dépôt des fonctionnaires et du secteur
parapublic du Québec.
Mais il y a quand même quelque chose de plus profond
derrière tout ça. C'est le fait qu'un gouvernement, envers lequel
la majorité des Québébois avaient placé leur
confiance pour gérer l'économie de ce pays en pleine
période de prospérité économique, que ce propre
gouvernement, à qui une majorité de Québécois ont
fait confiance, tout à coup par la bande, est en train d'arriver avec
des propositions qui, somme toute, vont à rencontre des principes les
plus élémentaires et les plus fondamentaux de la
rentabilité dans une institution financière. Il suffit de faire
ce qu'on appelle les ratios ou les rapports financiers pour s'apercevoir que la
rentabilité de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, qui a été une des plus élevées, non
seulement en Amérique du Nord mais dans le monde industrialisé,
quant à sa rentabilité, il suffit de refaire les calculs pour
s'apercevoir qu'avec le type de direction que propose le gouvernement par le
projet de loi 109, ça réduira considérablement le
rendement sur l'actif et, également, la classification de la performance
de la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Et c'est dans ce sens que le chef de l'Opposition officielle a
déclaré, avec l'appui de nous tous, qu'advenant l'élection
du Parti québécois, nous ferions tout en notre possible pour
révoquer ce projet de loi 109. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Bertrand. Je reconnais maintenant M. le
député de Gouin.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir,
M. le Président, à mon tour, d'intervenir pour la deuxième
sur le projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de
dépôt et placement du Québec. M. le Président,
d'entrée de jeu, il est important de soulever et de dire que c'est un
petit projet de loi; c'est un projet de loi de neuf articles, qui, à
première vue et à première lecture, pourrait sembler bien
innocent
et, dans ses différentes dispositions, soulever peu de
débats. Il est important d'expliquer aux gens qui nous écoutent
ce soir, M. le Président, la raison pour laquelle l'Opposition manifeste
avec autant de vigueur et autant d'énergie son opposition au contenu du
projet de loi 109.
M. le Président, la clé du problème se trouve, dans
le fond, dans le seul article qui est important dans le projet de loi, les
autres articles étant tout aussi importants, mais constituant
essentiellement des articles de concordance. L'article 5 du projet de loi
stipule que le président... On remplace l'article 14 de l'actuelle loi
par les deux articles suivants: "Le président du conseil
d'administration et chef de la direction préside les réunions du
conseil et voit à son bon fonctionnement." Un premier poste important
est créé, et on définit les fonctions et les attributs de
la responsabilité du président du conseil d'administration.
Le deuxième élément, M. le Président,
à l'article 14.1: "Le président et chef de l'exploitation agit
sous la responsabilité du président du conseil d'administration
et chef de la direction." Essentiellement, ce qu'il faudra voir maintenant dans
l'organigramme de la Caisse de dépôt et placement du Québec
c'est que, sous l'autorité du président du conseil
d'administration, on retrouvera un deuxième dirigeant, d'où
l'appellation de direction bicéphale à la Caisse de
dépôt et placement du Québec, le président et chef
de l'exploitation. (1 heure)
M. le Président, c'est sûr que si on regarde ça
froidement on peut se demander pourquoi tout ce débat sur cette
question. Il faut rappeler, M. le Président, l'importance d'une gestion
efficace et d'une gestion aussi souple à la Caisse de dépôt
et placement du Québec. M. le Président, si les présidents
qui ont précédé M. Delorme à la Caisse de
dépôt et placement du Québec - je pense entre autres
à M. Campeau, actuel coprésident de la commission
Bélanger-Campeau; je pense à M. Cazavan qui a été
le second président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec - s'ils ont réussi à être aussi efficaces,
s'ils ont réussi à faire de la Caisse de dépôt un
outil de placement dont nous sommes tous si fiers, et que, d'ailleurs, nous
utilisons comme exemple du succès québécois, c'est parce
qu'ils ont eu une structure qui a permis, justement, d'arriver à ces
fins-là.
M. le Président, lorsqu'on parie de l'administration de la
Caisse, il y a immédiatement deux principes fondamentaux qu'il faut
étudier. À première vue, M. le Président, ces
principes peuvent sembler contradictoires mais lorsqu'on les analyse bien
à fond on peut comprendre rapidement que ces deux principes sont
complémentaires mais nécessitent la présence d'un
organigramme, d'une structure d'organisation efficace qui permet une souplesse
souhaitée par tous les intervenants. Le premier principe, M. le
Président, est celui de l'indépendance de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. Tout le monde comprendra que,
lorsqu'une institution financière aussi importante que la Caisse de
dépôt et placement du Québec est appelée de
façon quotidienne à transiger à la fois avec des
intérêts privés et des intérêts publics, trop
souvent elle est soumise à la pression d'un certain nombre d'individus
ou d'un certain nombre d'intérêts.
Ça, M. le Président, c'est normal, ça va de soi,
comme n'importe qui qui occupe des fonctions importantes est soumis à la
représentation de différents intérêts soit
privés, soit publics. D'où l'importance, M. le Président,
de l'autonomie du poste de président. Ce n'est pas pour rien, M. le
Président, que l'Assemblée nationale vote le poste de
président, élit celui ou celle qui occupera le poste de
président à la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Ce n'est pas étranger non plus au fait que le
président de la Caisse de dépôt et placement du
Québec est nommé pour une période de 10 ans parce qu'il
est important de soustraire le président de la Caisse de
dépôt et placement du Québec à toutes sortes de
représentations qui pourraient être faites particulièrement
par les pouvoirs publics. Par exemple, s'il fallait à chaque
année revoir la rémunération du président, on
pourrait facilement le soumettre à des pressions indues. Si, par
exemple, on pouvait dire au président: bien, sais-tu, on n'est pas
tellement satisfaits de ta décision, on pourrait peut-être mettre
fin à ton mandat et te remplacer par quelqu'un d'autre, on pourrait
rapidement comprendre que certains intérêts publics ou
privés pourraient céder le pas aux intérêts des
nombreux investisseurs qui placent à la Caisse de dépôt et
placement du Québec leurs épargnes. La Caisse de
dépôt et placement du Québec, on le sait tous, a la
responsabilité de gérer les deniers publics. D'où
l'importance, M. le Président, de ce premier principe de
l'indépendance à l'égard des intérêts du
secteur privé et du secteur public. Cependant, il y a aussi un
deuxième élément qui est tout à fait fondamental,
en ce sens qu'il est important d'établir une coordination des
opérations de la Caisse et de la politique économique
générale du gouvernement du Québec et de l'État
québécois.
M. le Président, ces deux principes, comme je le disais tout
à l'heure, peuvent sembler parfois contradictoires et il faut
effectivement un gant de velours pour être capable de concilier ces deux
principes fondamentaux. Si M. Campeau, si M. Cazavan, les deux anciens
présidents de la Caisse de dépôt et placement du
Québec ont été capables d'avoir autant de succès,
c'est justement grâce à cette structure efficace qui a permis de
concilier ces deux éléments. Celui, d'une part, de
l'indépendance de la Caisse, M. le Président, et celui de la
coordination nécessaire avec les différents objectifs
économiques de l'État québécois.
M. le Président, il y a un principe bien fondamental et ce n'est
pas la première fois que j'en parle en cette Chambre, en anglais, vous
me passerez l'expression, on dit souvent: "When your car is not broken, you do
not fix it". Quand votre auto n'est pas brisée, vous n'essayez pas de la
réparer. Lorsque nous avons une structure efficace qui a fait ses
preuves et qui a porté des fruits aussi, on ne voit pas pourquoi, de
façon spontanée, on viendrait imposer une nouvelle structure
tombée du ciel. Parce qu'il faut comprendre, M. le Président, que
d'aucune façon les membres du conseil d'administration, dans
l'élaboration de la nouvelle structure proposée, n'ont
été à tout le moins consultés dans
l'élaboration de cette nouvelle politique. Plusieurs critiques publiques
ont été formulées par d'actuels dirigeants de la Caisse de
dépôt et placement du Québec. M. Béland disait, et
permettez-moi de le citer, M. le Président: On nous demande à
nous d'administrer la Caisse de dépôt et placement du
Québec, alors, c'est la moindre des choses que ceux qui administrent
proposent au moins un organigramme qui convient à la planification qu'on
s'est donnée. Alors, là, dit-il, il va falloir vivre avec des
structures qui nous tombent du ciel. Le conseil d'administration qui est,
notamment, chargé d'approuver ou pas les plans stratégiques
aurait dû être consulté. Voilà donc l'illustration,
M. le Président, encore une fois, cette triste illustration du manque de
transparence du gouvernement libéral. Parce que toute décision
d'affaires pour un organisme aussi important que la Caisse de
dépôt et placement... On ne parle pas d'un dépanneur du
coin, on ne parle pas d'un hôpital, on ne parle pas d'un CLSC, on ne
parie pas d'un centre d'accueil, on parle de la septième institution
financière la plus importante au Canada qui gère des actifs
d'environ ou d'au moins 37 000 000 $...
Une voix: Milliards.
M. Boisclair: ...37 000 000 000 $, je m'excuse, oui, 37 000 000
000 $. Je m'excuse. Mais vous comprenez, à cette heure tardive, vous me
permettrez d'avoir échappé quelques zéros. Effectivement,
M. le Président, c'est la septième institution financière
la plus importante au Canada, vous comprenez comme moi qu'il s'agit
effectivement de 37 000 000 000 $ et aussi c'est, au Canada, la plus importante
propriétaire d'actions canadiennes. Donc, on ne parie pas d'une
entité qui est négligeable lorsqu'on tient compte de l'ensemble
de l'économie québécoise.
Le premier élément que nous tenons à soulever,
c'est de dire et c'est d'essayer de démontrer jusqu'à quel point
c'est une mauvaise décision d'affaires sans même tenir compte de
la planification à long terme, de la planification stratégique
qui est faite par les différents intervenants et les différents
membres du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et
place- ment. Sans consultation, on crée dans une loi - ça, il
faut le dire, j'y reviendrai tout à l'heure - un poste tout à
fait sur mesure pour, comme le dit Lise Bissonnette dans un de ses articles
dans La Presse, un "bagman" du Parti libéral. Donc,
première chose, M. le Président, mauvaise décision
d'affaires.
Deuxième élément, mon collègue tout à
l'heure l'a soulevé, la question de la nomination de M. Savard. Vous
comprenez bien qu'il est difficile de ne pas aborder cette question lorsqu'on
discute du projet de loi 109. M. le Président, mon objectif ici n'est
pas de critiquer M. Savard parce qu'il est membre d'un parti politique. Et je
crois que bien des intervenants, surtout du côté
ministériel, ont bien fait valoir le point de vue qui est de dire: Ce
n'est pas parce que quelqu'un est membre d'un parti politique que pour autant
il est disqualifié pour des fonctions publiques. Ça, ce n'est pas
la question que nous voulons mettre de l'avant. Mais, cependant, avoir
quelqu'un qui était un important collecteur de fonds pour le Parti
libéral, ça, c'est une chose différente. Nous comprenons
tous que, grâce à la réforme adoptée par le
gouvernement du Parti québécois, les entreprises n'ont pas le
droit de financer des partis politiques. Cependant, rien n'empêche des
dirigeants ou des administrateurs d'entreprises de financer un parti politique.
Alors, comment concilier, lorsqu'on a quelqu'un devant nous... On vient de le
voir et je parie, en l'occurrence, du cas de M. Savard qui sera le
deuxième président de la Caisse de dépôt et
placement. Comment concilier les intérêts qu'il a toujours
démontrés au cours de sa carrière politique partisane et
ceux maintenant qu'il aura a défendre, qui sont des
intérêts vraiment publics qui tiennent compte de l'ensemble des
investissements qui ont été faits par les Québécois
et les Québécoises à la Caisse de dépôt et
placement?
Imaginez-vous donc, M. le Président, lorsque quelqu'un qui a
financé le Parti libéral pendant plusieurs années, par le
biais de M. Savard, viendra le revoir cette fois-ci pour lui demander une
participation de la Caisse de dépôt et placement à son
entreprise, vous voyez facilement dans quelle situation parfois complexe M.
Savard va se retrouver. Ça, je crois que ce n'est pas sain pour
l'administration de la Caisse de dépôt et placement. Donc, le
deuxième élément, nous créons un poste sur mesure
pour M. Savard, ce "bagman", comme dit Lise Bissonnette dans son editorial, du
Parti libéral.
Le dernier élément, M. le Président, et je
terminerai là-dessus, c'est le manque de transparence. Plusieurs gens
l'ont décrié dans les journaux. Je suis convaincu que mon
collègue, le député de Shefford, en fera mention tout
à l'heure. Mais, à tout le moins, lorsque nous apportons des
modifications à une structure aussi importante, à un outil de
développement économique aussi important, la moindre des
choses
aurait été de consulter les premiers intervenants
intéressés, à savoir les membres du conseil
d'administration.
Or, pour ces raisons, vous comprenez qu'il me fait plaisir de joindre ma
voix à celle de mes collègues et de m'opposer aussi farouchement
au projet de loi 109. (1 h 10)
M. Roger Paré
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Gouin. Sur cette même motion, M. le
député de Shefford. M. le député, la parole est
à vous.
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Les gens se
demandent certainement pourquoi on insiste pour intervenir à nouveau sur
ce projet de loi à une heure aussi tardive puisqu'il est 1 h 10 du
matin. Je dois vous dire que ce n'est pas compliqué, parce que c'est
notre rôle comme parlementaires de faire valoir notre point de vue
lorsque nous sommes totalement convaincus que le gouvernement est en train de
faire une erreur. L'Opposition est là pour essayer de faire bonifier les
projets de loi ou les dénoncer, si nous sommes convaincus que le projet
de loi ne fait rien avancer dans la société, mais, tout au
contraire, fait en sorte de nous faire faire des faux pas, des reculs et des
erreurs pour l'avenir. C'est aussi parce que c'est notre rôle comme
Opposition d'être les porte-parole de l'ensemble des intervenants du
milieu qui se sont exprimés de toutes sortes de façons, mais qui
désirent aussi être entendus ici à l'Assemblée
nationale.
Donc, moi je le fais à deux niveaux ce soir: d'abord, pour
exprimer mon opinion personnelle et dénoncer ce geste qu'est en train de
poser le gouvernement et, ensuite, citer des gens qui se sont exprimés
publiquement, venant de tous les milieux et vous allez voir, M. le
Président, en faisant la lecture tantôt: C'est unanime, tous les
journaux du Québec se sont exprimés sur le sujet au mois de juin
dernier.
Ce qui est embêtant dans le projet de loi à l'heure
actuelle, ça semble tout à fait technique, il s'agit de nommer
quelqu'un au conseil d'administration qui fait en sorte qu'il va y avoir
maintenant comme deux responsables d'une institution aussi importante et c'est
ça qui n'est pas très très logique. Habituellement, en
gens responsables, qu'on soit dans le milieu des affaires ou au gouvernement,
on va modifier des sociétés, des entreprises, des institutions,
des conseils d'administration, lorsqu'il y a des faiblesses, lorsqu'il y a
quelque chose qui ne fonctionne pas bien, mais à la Caisse de
dépôt et placement du Québec, est-ce que, au moment
où on se parle, il y a des faiblesses, des erreurs, des choses à
corriger? C'est unanime, la réponse à toutes ces questions, c'est
non, c'est une formule gagnante.
La Caisse de dépôt est un pilier fondamental pour le
développement économique du Québec. Elle a 25 ans cette
année et elle ne cesse de surprendre, non seulement les
Québécois, non seulement le gouvernement, mais l'ensemble du
milieu nord-américain de par sa compétence et ses performances.
Le taux de rendement des investissements de la Caisse bat toutes ses
compétitrices et on s'en vient modifier, on s'en vient changer une
formule gagnante! Ce n'est pas acceptable, ce n'est pas normal, et c'est bon de
le rappeler, la Caisse a 25 ans. Il y a 25 ans, M. Lesage était premier
ministre et il déclarait - et c'est bon se le rappeler - le 9 juin 1965:
"La Caisse de dépôt et placement est appelée à
devenir l'instrument financier le plus important et le plus puissant que l'on
ait eu jusqu'ici au Québec." C'était vraiment un regard
visionnaire et on est en mesure aujourd'hui de dire: II avait raison. Mais il
continuait, dans sa déclaration, ici, à l'Assemblée
nationale: "La Caisse de dépôt est la propriété de
tous les citoyens du Québec. En raison de l'importance des sommes
qu'elle va administrer, de l'autorité morale qu'elle doit
acquérir sur les marchés financiers, elle doit se prémunir
contre toute transaction qui ne serait pas justifiée par les
intérêts économiques et sociaux du Québec." Et M.
Lesage continue, écoutez bien, M. le Président, c'est là
que c'est le plus important: "Elle doit être placée à
l'abri de tout soupçon de favoritisme politique ou de corruption."
C'était il y a 25 ans, c'était le premier ministre Jean Lesage,
du Parti libéral du Québec. 25 ans plus tard, un autre
gouvernement libéral, avec malheureusement à sa tête une
autre personne que Jean Lesage, s'en vient passer une loi qui va totalement
à rencontre de l'esprit et de la lettre du discours de M. Jean Lesage,
il y a 25 ans, à cette Assemblée.
Je vais vous citer des éditoriaux pour vous montrer à quel
point cette perception, qui est la réalité, elle est
décelée par l'ensemble des intervenants. L'editorial du Soleil
du 1er juin 1990: "Les basses oeuvres à la Caisse de
dépôt". Ça vient tout à fait contredire le discours
de M. Lesage d'il y a 25 ans: Les basses oeuvres à la Caisse: ça,
c'est Le Soleil. Le Nouvelliste: "L'assiette au beurre semble sous
contrôle". Donc, il y en a qui vont se graisser la patte, comme on dit
chez nous. Le Devoir, un autre quotidien important au Québec: "La
succession de Campeau, la controverse mine la crédibilité de la
Caisse de dépôt". Que disait M. Lesage? "Elle doit être
placée à l'abri de tout soupçon de favoritisme politique
et de corruption." Que dit Le Devoir? "La controverse mine la
crédibilité de la Caisse de dépôt". Le Soleil
du 2 juin: "Double nomination à la Caisse de dépôt. Le
changement de structures déplaît à M. Claude
Béland". M. Claude Béland est membre du conseil d'administration.
Ce changement a été fait par le Conseil des ministres, par le
gouvernement, sans consulter la Caisse, le conseil d'administration de la
Caisse qui doit être autonome, qui doit travailler en toute
liberté. Et ce serait tout à fait normal, si on change le conseil
d'administration, qu'on consulte, à tout le moins, les gens du conseil
d'administration. Les gens n'ont pas été consultés et les
gens ne sont pas d'accord avec la nouvelle structure qu'on impose à la
Caisse de dépôt et placement du Québec.
La Presse, l'autre quotidien, du 2 juin, sous la plume de Claude
Piché, et je cite: "Une question de confiance. La Caisse de
dépôt doit être au-dessus de tout soupçon. Les
Québécois lui ont confié près de 40 000 000 000 $
d'épargne. Elle s'en sert non seulement pour financer nos régimes
de rentes, mais aussi comme véritable levier économique. La
Caisse a joué un rôle actif et capital dans le succès
certain des gens d'affaires québécois." On reconnaît
ça et il n'y a aucun doute là-dessus. Si on sortait ici ce soir
le portefeuille de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, je dois vous dire qu'il y a bien des gens qui seraient surpris,
à savoir ce qu'on possède, collectivement, par l'entremise de la
Caisse de dépôt et placement: l'aide aux petites entreprises, aux
moyennes entreprises et aux grandes entreprises, le développement de la
plupart des régions au Québec.
Vous savez, le visage des propriétaires de Montréal a
beaucoup changé par rapport à tous les grands immeubles à
Montréal. Si on recule de 25 ans, nous étions locataires, nous
sommes maintenant majoritairement propriétaires et, en grande partie,
grâce à la Caisse de dépôt. La Voix de l'Est
citait: "Ce qu'il faut ici savoir de M. Bourassa, c'est qu'il aime bien,
sans pour autant l'avouer, tirer lui-même toutes les importantes
ficelles, mais l'objectif premier de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, c'est de faire fructifier le plus possible l'avoir
des Québécois qu'elle gère et qu'elle doit leur retourner
tôt ou tard d'une façon ou d'une autre. Voilà ce dont M.
Bourassa doit se souvenir dans ses manoeuvres, ce à propos de quoi il
nous inquiète et doit nous rassurer."
M. le Président, ce que je viens de citer, c'est l'ensemble des
intervenants informés du milieu québécois qui, de
façon unanime, dénoncent le geste posé par ce
gouvernement. Probablement que cela va être voté par le poids de
la majorité. On n'a pas le choix d'intervenir, même à de
petites heures du matin, pour dénoncer ce que, non seulement
l'Opposition, mais l'ensemble des intervenants, le monde averti
québécois dénonce comme une erreur et un geste
inacceptable. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Shefford. Je reconnais le prochain intervenant, M. le
député d'Ungava. M. le député.
M. Christian Claveau M. Claveau: Oui, M. le Président,
c'est avec plaisir que je prends la relève de mon collègue, le
député de Shefford, pour continuer à dénoncer cette
ingérence inacceptable du gouvernement du Québec dans les
destinées de la Caisse de dépôt et placement du
Québec, institution qui a fait ses preuves, qui, depuis 25 ans, a
été capable de se gérer toute seule. On ne voit pas
pourquoi aujourd'hui, finalement, le gouvernement du Québec serait plus
à même que les propres administrateurs de la Caisse de
dépôt de déterminer l'organigramme de son conseil
d'administration, sa structure même de fonctionnement. (1 h 20)
M. le Président, on nous a servi autant comme autant le dicton
ou, enfin, la phrase qui veut que toutes les grandes sociétés
modernes se réorganisent. Vous savez, nous disait-on, la Caisse de
dépôt, au début, ce n'était que quelques centimes,
que quelques sous qui traînaient. Aujourd'hui, c'est 37 000 000 000 $.
Alors, il faut que ça se réorganise. Il faut qu'on l'adapte aux
temps modernes, il faut qu'on lui donne une structure comparable à celle
des autres institutions de son genre. Je veux bien, M. le Président,
que, dans l'entreprise privée, on prenne un certain nombre de
décisions au niveau des structures, qu'on modifie les rôles de
tous et chacun à l'intérieur des conseils d'administration, afin
de s'adapter aux temps modernes. Je veux bien aussi que cela puisse se faire
à l'intérieur d'une Société d'État, M. le
Président, c'est des choses qui sont possibles, des choses qui sont
acceptables. Mais comment allez-vous m'expliquer que le conseil
d'administration, qui a fait ses preuves, comme je l'ai dit tout à
l'heure, qui, depuis 25 ans, gère les destinées de la Caisse de
dépôt et placement du Québec avec honneur, n'ait pas
été capable par lui-même, de penser à une nouvelle
structure? Pourquoi faut-il que ce soit le gouvernement du Québec qui
lui impose une nouvelle structure? Il me semble que, dans les circonstances,
ces gens, qui gèrent depuis 25 ans une société aussi
importante, la septième en ordre d'importance dans le domaine financier,
dit-on, à travers le Canada, étaient tout à fait capables
de prendre des décisions tout seuls. Alors, pourquoi? Quelle est la vrai
raison? C'est là toute la question, c'est la question à laquelle
nous devons nous attarder. Pourquoi le gouvernement du Québec
trouve-t-il important de modifier la structure de la Caisse de
dépôt et placement, alors que le conseil d'administration, qui a
fait ses preuves, n'en sentait pas le besoin? Y aurait-il anguille sous roche,
M. le Président? Y aurait-il un "chum" à placer? Y aurait-il un
contrôle politique que l'on voudrait prendre sur la Caisse, sans trop que
ça paraisse?
Ce sont toutes des questions que l'on est en droit de se poser, M. le
Président. Et ceci, d'autant plus qu'on nous amène, en toute fin
de session, un projet de loi qu'on fait passer à la vapeur en utilisant
le bâillon, alors que, depuis le mois de juin dernier, M. le
Président, depuis
plus de six mois, on connaissait les intentions de ce gouvernement, qui
avait annoncé ses couleurs en déterminant d'avance qu'il y aurait
dorénavant deux présidences à la Caisse de
dépôt et placement, une direction bicéphale, et qui a
obligé, au mois de juillet dernier, le conseil d'administration à
se pencher là-dessus, alors qu'on savait très bien que le
gouvernement avait déjà pris une décision. Et le conseil
d'administration a réussi tant bien que mal à organiser un
organigramme, que je dirais de transition, de façon à sauver la
face, pour permettre au gouvernement de placer son "chum", tout en ne modifiant
pas trop substantiellement, sans avoir au préalable modifié la
loi, la structure de la Caisse de dépôt et placement du
Québec.
Et puis là on revient devant cette Chambre, à la toute
dernière minute, en nous déposant un projet de loi à la
date ultime où on pouvait le faire, c'est-à-dire le 15 novembre,
pour nous le faire passer à la vapeur, dans les derniers jours de la
session, sans donner la chance à personne d'en parler, sans la moindre
consultation, sans le moindre élément, sans la moindre
opportunité qui nous aurait permis, par exemple, d'entendre devant la
commission parlementaire, les responsables de la Caisse de dépôt
et placement, pour qu'ils viennent nous dire, ici, ce qu'ils ont dit aux
journalistes. On a cité tout à l'heure des exemples de
réactions de dirigeants de la Caisse de dépôt et placement
qui n'en croyaient pas leurs yeux, et qui ne pouvaient pas s'imaginer que le
gouvernement puisse s'ingérer d'une façon aussi intempestive,
aussi peu respectueuse de la tradition dans le fonctionnement de cette
institution, qui, comme je l'ai dit, et je le répète, a fait ses
preuves toute seule, sans avoir besoin d'un gouvernement ni d'un premier
ministre qui vienne la chambarder pour placer des "chums".
Alors, M. le Président, on s'offusque, de l'autre
côté, que nous prenions quelques heures, quelques minutes,
à une heure tardive, pour essayer de tenter une dernière chance
de faire comprendre à ce gouvernement que ce n'est pas en agissant de la
sorte qu'il va redorer le blason de la Caisse de dépôt et
placement, si tant est que son blason a à être redoré,
puisque tout est là pour prouver que le fonctionnement antérieur
était excellent. Alors, pourquoi changer ce qui marche bien? Pourquoi
jouer dans des structures qui ont fait leurs preuves, et ça, à
rencontre des administrateurs mêmes de ces structures-là?
M. le Président, la Caisse de dépôt et placement du
Québec, c'est 37 000 000 000 $ au minimum avec un taux de rendement de
10 %, ça monte vite, notre 37 000 000 000 $ vous savez. Ça ne
prend pas bien bien des années avant de faire un milliard de plus.
Alors, ce n'est pas des "peanuts". Comment ça se fait que le
gouvernement risque, prend la chance d'aller jouer là-dedans sous
prétexte qu'il faut faire en sorte de l'harmoniser, de lui donner une
nouvelle figure moderne en nommant un président président du
conseil d'administration, chef de direction, un président chef
d'exploitation. Allons donc, M. le Président, à la limite, je
peux comprendre qu'on ait fait ça à Hydro-Québec, mais les
résultats ne sont pas évidents. Mais je peux comprendre dans la
mesure où, en tout cas, il y a une grosse différence entre les
opérations de direction et les opérations d'exploitation dans une
société comme Hydro-Québec, il y a une différence
certaine.
Mais dans une institution financière comme la Caisse de
dépôt et placement du Québec, M. le Président,
allez-vous bien me dire quelles sont les raisons qui font que l'on se
diversifie tellement que l'on ne peut pas arriver à garder ça
sous une seule présidence? La Caisse de dépôt et placement
du Québec, ça le dit essentiellement, elle gère des fonds
pour faire des placements qui vont rapporter des dividendes qui vont permettre
à la limite de payer de meilleurs fonds de pension à l'ensemble
des cotisants du Québec. Bon. Il me semble que c'est assez simple comme
principe. Difficile à gérer, j'en conviens. Mais le principe est
plutôt élémentaire et je ne comprends pas pourquoi on doit
mettre deux présidences là-dedans, une présidence à
l'exploitation et une présidence à la gestion, à la
direction.
Il y a quelque chose qui ne marche pas, M. le Président, il y a
quelque chose d'incohérent dans cette démarche-là.
Regardons par exemple les caisses populaires Desjardins, qui gèrent un
actif qui est encore plus gros que celui de la Caisse de dépôt et
placement du Québec, 45 000 000 000 $. Et pourtant, M. le
Président, qui est le porte-parole du Mouvement Desjardins? Il n'y en a
pas 25, il y en a un. Actuellement, c'est M. Béland, tout le monde le
sait. C'est lui, le porte-parole, il n'y en a pas deux, trois, quatre, dix, il
y en a un. Ce sont 45 000 000 000 $ mais ça a fait ses preuves. Il n'y a
personne qui a intérêt à aller jouer là-dedans.
Alors, comme se fait-il que le gouvernement, et je reviens sur la même
question toujours, comment se fait-il que le gouvernement ait
l'irresponsabilité, le sans-gêne d'aller jouer dans une structure
qui fonctionne bien, une structure qui donne un des meilleurs rendements que
l'on a pu enregistrer au cours des dernières années dans
l'ensemble des institutions financières qui se partageaient le
marché avec elle?
Pourquoi allons-nous jouer là-dedans, s'il n'y a pas en dessous
de ça quelque raison politique obscure? Et M. le Président, nous
sommes obligés de conclure que ce gouvernement est en train de nous
faire une "passe", est en train de jouer un jeu dangereux pour la simple raison
de se satisfaire lui-même. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Ungava. Sur ce même sujet, je reconnais maintenant
Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière. Mme la députée, la parole
est à vous.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. M. le
Président, nous en sommes donc à la prise en considération
du rapport de la commission sur le projet de loi 109 qui, comme on le sait
maintenant - parce que, depuis tout à l'heure, on en entend parler et
c'est à mon tour de le faire - est la Loi modifiant la Loi sur la >
Caisse de dépôt et placement du Québec. C'est assez
curieux, M. le Président, de venir intervenir comme ça sur la
prise en considération du rapport de la commission, alors que le projet
de loi, finalement, on le sait, n'a même pas été
étudié en commission parlementaire.
On s'en rappelle, M. le Président, la semaine dernière,
nous sommes intervenus ici de notre côté et j'ai eu le plaisir de
le faire à ce moment-là, M. le Président. On a
été forcés d'intervenir, finalement, parce que nous avions
eu une motion de clôture sur ce projet de loi là. On s'est fait
appliquer, de façon assez cavalière d'ailleurs, le bâillon,
après une heure trois quarts et les députés n'avaient
même pas terminé... Quand on a su qu'on avait le bâillon,
les députés n'avaient même pas terminé les motions
préliminaires, M. le Président. (1 h 30)
Une autre chose aussi qui est assez intéressante à
constater, c'est qu'on sait que le projet de loi a été
présenté comme ça par le gouvernement, on s'est fait
bâillonner, il y a eu des amendements qui ont été
apportés à ce projet de loi de façon unilatérale et
personne du côté ministériel, même pas le ministre,
M. le Président, c'est assez intéressant de constater que
personne du côté ministériel n'est venu expliquer ou
justifier la teneur de ces amendements. Enfin, M. le Président, puisque
nous n'avons pas eu, n'est-ce pas? le plaisir d'étudier le projet de loi
article par article et qu'on nous a mis le frein assez rapidement, je vais donc
intervenir sur le projet de loi comme tel, je pense que c'est important d'en
parler.
C'est, en fait, un tout petit projet de loi, neuf articles, M. le
Président, qui prévoit la nomination d'un président du
conseil d'administration et chef de la direction, ainsi que la nomination d'un
président et chef de l'exploitation à la Caisse de
dépôt et placement du Québec. On vient aussi en même
temps, dans le même projet de loi, préciser le rôle de
chacun des deux présidents et, en même temps aussi, on vient
porter à 11 le nombre total des membres du conseil d'administration de
la Caisse de dépôt et placement du Québec qui ont le droit
de vote, évidemment. Il est à noter, M. le Président, que
les deux présidents sont nommés pour 10 ans par le gouvernement
qui fixe leur traitement et ils ne peuvent être destitués que par
résolution de l'Assemblée nationale.
On vient donc donner à la Caisse de dépôt et
placement du Québec le même genre de structure bicéphale
que le gouvernement a donnée à Hyd^-Québec en mai 1988,
avec des différences cependant, M. le Président. C'est
qu'Hydro-Québec les gens n'ont pas été nommés - en
fait, de ce que j'ai pu prendre connaissance dans la loi comme telle pour
HydroQuébec - les gens n'avaient pas été nommés
nécessairement pour 10 ans et ne sont pas, non plus, soumis a une
destitution uniquement par l'Assemblée nationale. Évidemment, M.
le Président, je n'étais pas membre de cette Assemblée, de
cette noble Assemblée, n'est-ce pas? en 1988, mais j'ai pris
connaissance quand même des propos de mon collègue qui vient,
justement, d'intervenir sur ce projet de loi et qui est le porte-parole, au
niveau de l'Énergie et des Ressources, les propos que mon
collègue d'Un-gava tenait au moment où cette loi-là sur la
structure bicéphale d'Hydro-Québec a été
adoptée ici, en Chambre, et je me permets d'en lire quelques articles
parce que, vous allez voir, M. le Président, ces propos-là sont
toujours très actuels et on pourrait les reprendre quasi textuellement.
À ce moment-là, mon collègue disait: En
réalité, ce sont deux petites feuilles avec six articles, tout
petit projet de loi, encore une fois, qui fait qu'on va avoir deux chefs au
lieu d'un à partir de maintenant. Il continuait, il disait: On se
demande toujours pourquoi, d'ailleurs, deux chefs au lieu d'un. Est-ce qu'ils
ne nous ont pas démontré qu'une seule tête solide, bien
ancrée, était capable de mener la boîte? Je pense que ce
sont des propos qu'on entend de façon régulière depuis au
moins une heure et demie à peu près, là, M. le
Président.
Il nous disait aussi, et ça aussi c'est encore très actuel
et c'est très présent dans le projet de loi qui nous concerne:
Les nominations sont déjà là, les gens sont connus,
même leurs salaires sont connus. Exactement le même
scénario: on connaît les gens, on connaît leurs salaires, on
sait tout ça présentement et on n'a pas encore voté la
loi. Ensuite, il nous expliquait: Le ministre ne nous dit rien sur les raisons
ou sur la supposée politique d'ensemble qui aurait amené le
gouvernement à prendre deux présidents dont un va être le
chef de l'ensemble des activités et l'autre chef de l'exploitation.
Exactement la même chose: un chef de la direction, un chef de
l'exploitation. Il ne nous dit pas comment ils en sont arrivés
là, il n'y a jamais eu de politique là-dessus. On se rend compte
que ces propos sont très actuels et que c'est exactement le même
scénario.
On pourrait même dire que mon collègue est allé
jusqu'à prédire, à ce moment-là - et on recule de
deux ans, dans le temps - ce qu'on est en train de discuter ce soir, M. le
Président. Il continuait son intervention, il dit: À moins que
l'on ne veuille s'aligner ainsi, dans ces deux cas-
là, sur des structures bicéphales qui coûteront
sûrement beaucoup plus cher; c'est peut-être la raison, on verra
lorsqu'on renouvellera les mandats des présidents-directeurs
généraux de la SGF et de la Caisse de dépôt, pour ne
citer que ces deux-là. Alors, voilà, nous y sommes, nous sommes
à la Caisse de dépôt et je pense que mon collègue a
sûrement des qualités de devin parce qu'on est en plein dans le
même problème, M. le Président.
M. le Président, c'est qu'on a exactement le même
problème, on ne sait pas encore aujourd'hui pourquoi cette modification,
sous cette forme-là, est nécessaire, si ce n'est qu'en adoptant
ce projet de loi on vient entériner la décision que le
gouvernement a prise durant l'été, la nomination de deux
personnes à la direction de la Caisse de dépôt et
placement.
M. le Président, la Caisse de dépôt et placement est
un outil extraordinaire. Je sais que ça a été
mentionné à plusieurs reprises, mais je pense qu'il faut le dire
et le redire, M. le Président, c'est un véritable levier
économique que les Québécois se sont donné en 1965.
Jusqu'à ce jour, le gouvernement du Québec s'est toujours
préoccupé de lui procurer, à la Caisse, une taille
critique, une taille qui lui permettait de jouer son rôle vraiment
pleinement, celui de gérer une partie considérable de
l'épargne des Québécois, tout en satisfaisant des
critères de rentabilité convenables et en rendant disponibles ses
fonds pour le développement à long terme du Québec.
Ça a tellement bien fonctionné qu'aujourd'hui la Caisse dispose
de près de 40 000 000 000 $ d'actif. Elle se classe au septième
rang parmi les institutions financières canadiennes. On ne peut donc que
féliciter les différents membres des conseils d'administration et
les différents présidents-directeurs qui se sont
succédé depuis 1965 pour le magnifique travail qu'ils y ont
effectué.
Pourquoi, M. le Président, quand ça va aussi bien, venir
comme ça changer la formule? Je sais que plusieurs de mes
collègues l'ont mentionné. Mon collègue, le
député de Shefford, pariait, lui, d'une formule gagnante et je
pense que les preuves sont faites que c'est une formule gagnante. Ce qui est
inquiétant, M. le Président, c'est que le gouvernement, dans ce
cas-ci, n'a pas consulté le conseil d'administration. En fait, personne
ne lui a proposé ce changement-là. On est tout simplement venu le
lui imposer. J'entendais, lors de l'adoption du principe, la semaine
dernière en cette Chambre, le député de Mille-Îles,
le leader adjoint du gouvernement, qui est ici - qui est juste là puis
qui écoute ce qu'on dit - qui nous disait que l'Opposition était
furieuse. Il disait que l'Opposition était soupçonneuse et,
à l'entendre, là, on aurait pu croire qu'on était les
seuls, nous autres, au Québec, à ne pas être d'accord avec
le gouvernement, à ne pas comprendre puis à se demander ce qui se
passe.
Pourtant, tous ont pu prendre connaissance des différents
commentaires; je sais que vous en avez eu plusieurs qui ont été
soumis à votre connaissance, les commentaires de différents
éditorialistes et surtout, surtout les commentaires de certains membres
du conseil d'administration et, je dirais, des gens qualifiés et
très importants. Eh oui! Pour être sûre que je ne fais pas
erreur, je regardais dans certains...
Moi aussi, à mon tour, je vais vous en citer quelques-uns, M. le
Président: Georges Angers, dans le journal Le Soleil, le 8 juin,
nous disait: "C'est à Claude Béland, le président du
Mouvement Desjardins et membre du conseil d'administration de la Caisse de
dépôt, que l'on doit jusqu'à maintenant la critique la plus
pertinente de la décision de Robert Bourassa, en ce qui concerne la
nouvelle direction de la Caisse de dépôt et placement du
Québec. "Dans ses commentaires, M. Béland soulève en effet
des interrogations fort à propos, sans tomber dans la facilité
des insinuations malveillantes. Sa critique porte essentiellement sur trois
aspects de la décision, que l'on peut résumer de la façon
suivante: il n'était pas nécessaire de changer la structure
actuelle de direction de la Caisse et de créer une direction
bicéphale." Il disait aussi: "La décision risque de provoquer des
départs qu'il aurait été souhaitable d'éviter dans
la haute direction actuelle de la Caisse, principalement parmi les premiers
vice-présidents"; et, en plus, "les membres du conseil d'administration
de la Caisse se sont vu relayer à un simple rôle de figurants"
puisqu'on a passé outre, on n'a pas du tout consulté les membres
du conseil d'administration, on leur a imposé cette décision. Et
le même M. Angers poursuivait, il disait: "Si M. Bourassa a
concocté un scénario de restructuration de la Caisse plus
articulé, il serait drôlement temps qu'il se fasse plus
transparent qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant dans toute
cette affaire."
Et, là, disons qu'on n'a vraiment pas eu encore de réponse
et, pour ce qui est de la transparence, bien, écoutez, M. le
Président, on sera obligés de repasser. On nous a dit qu'on
n'était pas corrects, qu'on s'en prenait à la nomination de M.
Savard, et tout ça. Bien, écoutez, peut-être que c'est vrai
qu'on est inquiets par rapport à la nomination de M. Savard. Tout
à fait d'accord pour dire que M. Savard a le droit, même s'il est
membre d'un parti politique, d'occuper certaines fonctions importantes, mais il
reste qu'il ne faut quand même pas oublier que M. Savard était un
des principaux collecteurs de fonds du Parti libéral et, à ce
niveau-là, on n'est pas les seuls non plus, et je n'ai pas le temps de
vous les citer, mais il y en a d'autres qui l'ont dit et très
clairement, et ce n'étaient pas des membres du Parti
québécois.
Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, et je suis
persuadée qu'on pourra en
faire état à une autre occasion, pour nous autres, le
parti québécois, pour l'opposition officielle, c'est une erreur
et nous continuerons de nous opposer à ce projet de loi. merci, m. le
président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. N'ayant pas d'autre intervenant, tel qu'annoncé
précédemment, je vais maintenant mettre au voix le rapport de la
commission du budget et de l'administration concernant le projet de loi 109,
Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec, ainsi que les amendements transmis par M. le ministre des
Finances. Est-ce que l'amendement proposé par M. le ministre des
Finances à l'article 7 ainsi que la motion de renumérotation sont
adoptés?
Des voix: Adopté. Des voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division. Est-ce que les autres articles du projet de loi qui n'ont pas
été adoptés en commission et le titre du projet de loi
sont adoptés?
Des voix: Adopté. Des voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division. Est-ce que, tel qu'il a été amendé par des votes
précédents, le rapport de la commission du budget et de
l'administration à qui a été confiée l'étude
détaillée du projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la
Caisse de dépôt et placement du Québec, est
adopté?
Des voix: Adopté sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division. Nous allons maintenant procéder au vote sur le rapport de la
commission du budget et de l'administration à qui a été
confiée l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi
modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du
Québec. Je mets d'abord aux voix l'amendement... Alors, c'est
adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: À cette étape de nos travaux, je
fais motion pour ajourner nos travaux à mardi, c'est-à-dire
aujourd'hui 18 décembre, à 10 heures, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
Des voix: Adopté sur division.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors,
l'Assemblée est ajournée au mardi 18 décembre, à 10
heures.
(Fin de la séance à 1 h 42)