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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le lundi 17 décembre 1990 - Vol. 31 N° 96

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Quatorze heures trois minutes)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

L'Assemblée entreprend ses travaux, en ce lundi 17 décembre, aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article b du feuilleton, s'il vous plaît, et le ministre des Finances.

Projet de loi 116

Le Président: Très bien. À l'article b du feuilleton, M. le ministre des Finances présente le projet de loi 116, Loi modifiant de nouveau la Loi sur l'administration financière. M. le ministre des Finances.

M. Gérard D. Levesque

M. Levesque: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur l'administration financière pour confirmer le pouvoir du ministre des Finances d'acquérir des options, des contrats à terme et d'autres instruments financiers déterminés par le gouvernement et pour rendre incontestables devant les tribunaux les transactions ainsi visées. Il autorise le ministre à disposer de ces instruments, permet au gouvernement de désigner les personnes habiles à signer les documents relatifs aux transactions à conclure et assimile les charges et dépenses encourues à celles relatives à la régie du fonds consolidé du revenu. Enfin, il autorise le gouvernement à établir un régime d'emprunts et habilite le ministre des Finances, dans le cadre de ce régime d'emprunts, à conclure les transactions qui y sont prévues.

Le Président: Alors, merci, M. le ministre des Finances. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté? Donc, adopté.

Dépôt de documents. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député de Vanier.

Étude détaillée du projet de loi 2

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé le 15 décembre 1989, les 6 juin, 13 et 14 décembre 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 2, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et d'autres dispositions législatives. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Consultation générale sur l'opportunité

de maintenir en vigueur ou de modifier

la Loi sur la fonction publique

M. le Président, j'ai encore plus d'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a étudié l'opportunité de maintenir en vigueur ou de modifier, le cas échéant, la Loi sur la fonction publique et qui a procédé, à cette fin, à une consultation générale et tenu des auditions publiques les 9, 10, 23, 24 et 25 octobre 1990 ainsi que des séances de travail et une séance publique le 13 mars, le 29 mai, le 16 août, le 26 septembre, les 11, 13 et 17 décembre 1990. Le rapport contient les observations, les conclusions et les recommandations de la commission.

Des voix: Bravo! Bravo! Bravo!

Le Président: Alors, ces rapports sont déposés.

Toujours au niveau du dépôt de rapports de commissions, M. le député de Lévis et président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Étude détaillée du projet de loi 106

M. Garon: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 14 décembre 1990 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 106, Loi modifiant la Loi sur le transport par taxi. Le projet de loi a été adopté avec un amendement.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé.

Maintenant, dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Nous arrivons maintenant à la période régulière des questions et réponses orales des députés. Et je vais reconnaître, en première question principale, M. le député de Lévis.

Transfert du financement du transport en commun aux municipalités

M. Garon: M. le Président, la semaine

dernière le ministre des Affaires municipales a transféré aux municipalités la responsabilité du financement des opérations du transport en commun. Il s'agit d'un montant de 266 000 000 $. Quoi qu'en dise le ministre, c'est ni plus ni moins la diminution substantielle et dans certains cas la disparition totale des services de transport en commun qui est en cause puisque, en effet, les principaux usagers du transport sont les jeunes, les personnes âgées et les gens qui n'ont pas d'automobile qui sont souvent aussi des locataires, qui ne sont pas nécessairement ceux qui contribuent le plus au champ de taxation accordé aux municipalités.

Les pressions des commerçants et des entreprises seront telles que les municipalités devront abolir les services de transport en commun à plusieurs endroits. Le ministre ne considère-t-il pas que la décision du gouvernement va à l'encontre de la tendance des autres gouvernements dans le monde qui investissent dans le transport collectif, même dans les trains rapides, afin d'améliorer la circulation en milieu urbain et la qualité de vie des citadins?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: Merci, M. le Président. Je suis heureux que le député de Lévis fasse allusion à la question des autres gouvernements qui investissent. Il est faux de dire que le gouvernement n'investit pas dans le transport en commun. Justement, cette année, de l'aide financière, on en a donné pour 181 000 000 $ qui s'appliquent au service de la dette, pour l'achat des métros, des autobus, des abribus, dépenses pour les trains de banlieue. Alors, de dire que le gouvernement se retire, c'est totalement faux. On parle de notre avenir. Prolongement du métro - on pourrait peut-être regarder seulement ce volet - on s'engage pour 500 000 000 $; les trains de banlieue, 230 000 000 $; l'estacade, dans la région de Montréal, 90 000 000 $. On dépose de l'argent, des investissements au niveau du renouvellement des autobus. C'est de l'investissement. C'est faux de dire qu'on se retire complètement.

Le Président: En question complémentaire.

M. Garon: Est-ce que le ministre pourrait nous répondre en fonction de l'avenir et non pas en fonction du passé? Est-ce que le ministre et le gouvernement ont examiné sérieusement, en fonction de l'avenir, les conséquences de la diminution de 40 % de la contribution actuelle du gouvernement dans les régions, de la disparition des services de transport en commun sur l'organisation des systèmes de transport et sur la mobilité des personnes en milieu urbain et sur la qualité de vie des citoyens à Montréal et dans les régions? Est-ce que le ministre a évalué cette décision sur la réalisation du plan de transport dans la région de Montréal, qui prévoyait des investissements de 780 000 000 $ dans le transport en commun, en plus du prolongement du métro à Laval, qui a été annoncé après le dépôt de ce plan? Et est-ce que le ministre considère toujours que ces projets vont se réaliser compte tenu de la décision du ministre des Affaires municipales, en fonction de l'avenir...

Le Président: M. le député.

M. Garon: ...pas en fonction d'une situation différente de celle du passé?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: M. le Président, je ne sais pas ce qui se passe. On vient de répondre à la question qu'on vient de me poser. J'aurais peut-être apprécié que la question ne soit pas écrite et qu'on porte attention aux réponses qu'on vient de donner. Je viens tout juste de dire que le prolongement du métro, pour les cinq prochaines années, on en a pour 500 000 000 $; les trains de banlieue, pour 230 000 000 $ et l'estacade, pour 90 000 000 $. Ce ne sont que des exemples de ce qu'on va faire pour l'avenir.

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Garon: Est-ce que le ministre peut nous dire s'il a réactualisé ses études concernant ces investissements-là en fonction de ce que nous a annoncé le ministre des Affaires municipales qu'il n'y aura plus de contribution au fonctionnement du transport en commun ou s'il marche toujours sur les mêmes études et qu'il n'a pas fait ses devoirs? Est-ce qu'il peut nous dire s'il a réactualisé ses études ou non? Et est-ce que le ministre peut nous dire si la décision, selon ses études, de refiler la facture du transport en commun aux municipalités va permettre au gouvernement d'économiser des sommes supérieures à 266 000 000 $ parce qu'il n'aura plus besoin d'investir, justement, dans le réseau du transport en commun parce quel les municipalités n'opéreront plus les services et qu'elles vont se désengager du transport en...

Le Président: M. le député.

M. Garon: ...commun?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: M. le Président, ces demandes de se retirer, cette question de se retirer du champ de taxation et de taxes au niveau de l'exploitation a été étudiée pendant des années. En 1982-1983, dans le temps, la CUM, le comité exécutif de la CUM, avait fait la demande au parti du temps, au gouvernement du temps, d'aller cher-

cher un champ de taxation pour éviter, justement, qu'on ne vienne quêter à tous les ans les montants d'argent qu'on n'était pas sûr d'avoir - d'ailleurs, je parie comme quand j'étais maire - lorsqu'on préparait nos budgets. Il est seulement sain qu'on donne le champ de taxation à un autre niveau de gouvernement et qu'eux puissent planifier selon leurs besoins. On dépose des montants d'argent au niveau de l'exploitation. On n'a même pas de regard de gestion.

Le Président: En question complémentaire.

M. Garon: M. le Président, comme le ministre admet qu'il n'a pas étudié l'impact des mesures annoncées par le ministre des Affaires municipales, est-ce que le ministre peut nous dire maintenant s'il a étudié l'impact de la décision du ministre des Affaires municipales sur le fonctionnement du Conseil métropolitain de transport en commun dans la région de Montréal créé à la suite de l'adoption du projet de loi 67 en octobre dernier? Parce qu'on nous disait que ce qui rendrait ça possible, c'était l'implication du gouvernement dans le financement du transport en commun, aux auditions du mois d'août 1987. Est-ce qu'il a étudié l'impact maintenant de ce Conseil métropolitain de transport en commun?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, je suis heureux d'annoncer au député de Lévis que les 26 000 000 $ ou les 144 000 000 $ qui ont été engagés auprès du CMTC vont être respectés. Alors, rien ne change à ce niveau-là. Quant aux études d'impact, les municipalités, les gouvernements régionaux sont très au courant des impacts que ça peut avoir sur le transport. Ce n'est pas nécessairement le retrait d'un montant d'argent au niveau de l'exploitation et le remplacement par un autre qui vont avoir un impact sur le transport. C'est la qualité du transport qui va nous dire et dicter si les gens vont s'en servir, oui ou non.

Le Président: Une question additionnelle, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: Ma question s'adresse au président du Conseil du trésor, responsable du comité interministériel de Montréal. Elle a deux volets. Le ministre sait-il que l'île de Montréal, avec 28 % de la population, va avoir 50 % des coupures annoncées et a-t-il l'intention de faire quelque chose pour Montréal ou de continuer à se traîner les pieds?

Le Président: M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: La réponse, c'est oui et non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Jonquière.

Impact des hausses de la taxe foncière sur l'accès à la propriété

M. Dufour: Le ministre des Affaires municipales, à l'origine des deux dernières hausses de la taxe foncière à Québec, soit celle de 320 000 000 $ du printemps dernier...

Le Président: M. le député, un instant! Alors, je vais demander l'attention. Allez-y pour votre question.

M. Dufour: Le ministre des Affaires municipales, à l'origine des dernières hausses de la taxe foncière au Québec, soit celle de 320 000 000 $ du printemps dernier et celle qui s'ajoutera, c'est-à-dire les 500 000 000 $ refilés aux municipalités, met un frein désastreux à l'accession à la propriété pour les Québécois et les Québécoises. La première opération aura coûté 140 $ à chaque famille alors que celle qui s'en vient coûtera 300 $ supplémentaires. Pour un gouvernement qui se dit soucieux d'encourager la famille et la propriété, il s'agit là d'un procédé pour le moins douteux. Ma question au ministre des Affaires municipales: Quel impact ces deux hausses de la taxe foncière totalisant 440 $ par famille auront-elles sur l'accès de plus en plus difficile à la propriété pour les contribuables du Québec?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: Si le député de Jonquière examine attentivement les propositions déposées devant les municipalités vendredi dernier, il constatera qu'en ce qui touche les régions, les municipalités urbaines disposant déjà d'un corps de police, l'impact sera plutôt limité. Là où il y a un service de transport en commun, l'impact sera plus sensible, mais devra être compensé, suivant les propositions du gouvernement, par le recours à un supplément sur la taxe foncière concernant les immeubles non résidentiels et aussi une taxe sur le stationnement, mais ça n'a rien à voir avec l'accès à la propriété. Je l'ai dit l'autre jour, et je le répète aujourd'hui, si les autorités municipales prennent les décisions en correspondance avec les orientations proposées par le gouvernement, l'impact sur la taxation foncière résidentielle sera très limité, et je dispose de données pour Québec et Montréal, en particulier, qui contredisent carrément les affirmations erronées qui ont été entendues ces jours derniers et nous ferons la preuve en temps utile.

Le Président: En question complémentaire.

M. Dufour: Est-ce que le ministre des Affaires municipales veut convenir avec moi que les taxes qu'on veut refiler, que ce soit aux petits contribuables ou aux non-résidentiels, vu que ces gens-là sont appelés à vivre ensemble, est-ce que vous ne croyez pas que l'impact va se rajouter immédiatement aux petits contribuables? Que ça provienne de la propriété ou de sa poche par le biais d'un autre, on arrive aux mêmes fins.

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: C'est sûr qu'au bout de la ligne le député de Jonquière a raison, mais, là, je voudrais le référer à un article qui est paru dans Le Devoir ce matin, sous la signature d'Albert Juneau, un article qui replace ce sujet dans son contexte véritable, qui est celui du contexte général des finances publiques au Canada, au Québec et au plan local. Et quand on examine la proposition ou l'ensemble des propositions gouvernementales à la lumière de ce contexte plus large, on comprend beaucoup plus facilement et de quoi il s'agit et l'importance réelle que les changements proposés revêtent par rapport à l'ensemble.

Le Président: En question additionnelle.

M. Dufour: Si le ministre me réfère à un article, je peux peut-être essayer de conclure ou de trouver la prémisse. Le ministre ne croit-il pas que les hausses de la taxe foncière qu'il refile aux municipalités sans aucun service additionnel offert à la population n'ont pour objectif que de répondre à un besoin de fonds effréné de son gouvernement?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: Nous n'avons aucunement cherché à cacher la situation qui existe et qui commande un rééquilibrage des sources de revenus et de dépenses des différents niveaux de gouvernement. Mais c'est évident que c'est une des dimensions dont nous tenons compte. La preuve, c'est que, dans la série de documents que nous avons remis aux municipalités, il y en a un qui traite plus précisément des finances publiques; il n'a pas été inséré là pour rien.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Le ministre estime-t-il qu'en agissant de la sorte, c'est-à-dire en faisant porter par d'autres la tâche ingrate d'augmenter les taxes, il se défile de ses responsabilités et fait preuve d'un manque de rigueur dans la gestion des deniers publics?

Le Président: M. le ministre. (14 h 20)

M. Ryan: Non. Ce que nous faisons, je veux le rappeler clairement. Nous demandons aux municipalités d'assumer certaines responsabilités qui leur reviennent, suivant l'ordre des choses. Par exemple, en matière de service de police, le chef de l'Opposition, dans le rapport dont il a été le signataire, le rapport Parizeau, reconnaissait clairement qu'il fallait demander aux municipalités qui n'ont pas de corps de police de participer au financement des services de protection policière au Québec. Ce n'est pas un refilage de quoi que ce soit, c'est une invitation aux municipalités concernées à assumer leurs responsabilités dans ce secteur. Il écrivait, de même, dans son rapport qu'il est tout à fait illogique que l'entretien des chemins locaux à l'intérieur d'une municipalité soit à la charge du gouvernement du Québec plutôt qu'à la charge de la municipalité; c'était très judicieux. Nous n'avons pas peur de reconnaître que nous sommes d'accord avec lui sur ce point-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: alors, nous ne refilons pas de responsabilités indûment. nous demandons un rééquilibrage suivant lequel chacun va porter ses culottes au complet.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, puis-je demander au ministre des Affaires municipales s'il ne croit pas, puisqu'il cite mon rapport, que porter ses culottes au complet, ça voudrait dire, si mon rapport l'a à ce point impressionné, en appliquer toutes les dispositions, y compris les augmentations importantes de subventions qu'il proposait pour contrebalancer justement certaines des coupures dont il parle?

Des voix: Bravo! Bravo! Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: Justement, le président de la commission Parizeau et ses collègues écrivaient que, s'il devait y avoir un transfert de responsabilités objectives du côté des municipalités, il faudrait qu'il y eût des sources de revenus correspondantes. Mais ici, ce n'est pas un transfert de responsabilités objectives, c'est un transfert de responsabilités qui reviennent déjà aux municipalités. Et lui-même, quand il a proposé les deux mesures que j'ai mentionnées, le transfert de la voirie - ça, c'en est un transfert d'objet - et le transfert de la police, il n'a pas suggéré de sources de revenus nouvelles. On n'est quand même pas pour leur demander de reprendre ça et qu'on les finance en retour; à ce

moment-là, on ne fait rien et ça revient au même. Mais les seules sources de revenus nouvelles qu'a proposées le comité Parizeau, c'a été le changement de la taxe d'affaires pour la taxe non résidentielle supplémentaire que nous instituons avec ces propositions. Ça a été aussi de regarder du côté de la tarification. La tarification, nous le disons dans notre documentation, c'est une voie qu'il convient d'explorer et que nous sommes intéressés d'explorer avec les municipalités et, là-dessus, le rapport Parizeau avait des choses pertinentes que nous sommes en train d'examiner avec intérêt, mais il n'y avait pas autre chose.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le ministre des Affaires municipales ne conviendra pas qu'il se trouve aussi dans ce rapport une proposition que le gouvernement du Québec devienne enfin un contribuable à part entière dans les municipalités, qu'il paie la totalité de ses taxes sur les immeubles gouvernementaux, sur les immeubles de santé et de services sociaux et sur toutes les écoles primaires et secondaires...

Une voix: Bravo!

M. Parizeau: ...et que, dans le transfert comme il dit, que moi j'appelle plutôt des coupures jusqu'à ce que le ministre des Finances nous confirme l'exactitude des titres, est-ce que le ministre des Affaires municipales conviendra qu'il a, dans sa proposition, coupé toutes les taxes payables sur les écoles primaires et secondaires?

Le Président: M. le ministre.

M. Ryan: C'est à peu près la seule planche de salut qu'il reste au chef de l'Opposition dans ce document-là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Ryan: Je vois que le député de Jonquière sourit. C'est à peu près la seule planche de salut qu'il reste au chef de l'Opposition dans son document. Je reconnais que, sur ce point précis, il y a un désaccord entre le gouvernement et la commission Parizeau.

Le gouvernement offre de porter à 100 %, de 80 % qu'il est actuellement, "l'en lieu" de taxes payé sur les hôpitaux, les collèges et les universités. Mais en retour, après avoir examiné la pratique observée dans toutes les autres provinces du Canada, il propose que, comme on le fait ailleurs, sur les écoles, les "en lieu" de taxes soient abolis. C'est ce qui se pratique ailleurs, ce n'est rien de nouveau. Sur ce point, je conviens qu'il y a un désaccord non négligea- ble entre le comité Parizeau et le gouvernement.

Le Président: Alors, une dernière question additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, toujours en complémentaire, puisque le ministre veut parler de ce rapport, le ministre a-t-il l'intention de mettre en vigueur cette proposition du rapport Parizeau, dit-il, à l'effet qu'on ne touche pas aux subventions du transport en commun? Nulle part dans le rapport Parizeau il n'était question de ça. Et deuxièmement, a-t-il l'intention, enfin, après des années, de clarifier la taxation des installations industrielles en faisant ce que le rapport Parizeau lui demande depuis cinq ans, c'est-à-dire de clarifier l'article 65.1? Est-ce qu'il sait de quoi il s'agit?

Le Président: M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: Tout d'abord, sur le transport en commun, je ne pouvais pas m'inspirer du rapport Parizeau parce qu'il a prudemment évité d'en traiter. Êtes-vous d'accord là-dessus?

Des voix: Bravo!

M. Ryan: En ce qui touche l'article 65.1, le chef de l'Opposition soulève une question très pertinente dont nous avons mentionné la possibilité d'initiative à cet égard dans un autre document remis aux municipalités. Nous sommes très intéressés à examiner ce problème sur lequel, nous convenons volontiers, il existe un problème sérieux.

Le Président: M. le chef de l'Opposition on vous accorde une dernière additionnelle.

M. Parizeau: En dernière additionnelle, est-ce que le ministre des Affaires municipales se rend compte que l'intérêt qu'il apporte à l'article 65.1 existe depuis exactement six ans? Ça fait maintenant au-delà de cinq ans que son gouvernement dit que l'article 65.1, c'est important à régler, et là, ce qu'il suggère, c'est d'y apporter de l'intérêt. Bravo, M. le Président!

Le Président: Alors, M. le ministre des Affaires municipales.

M. Ryan: On va accentuer l'intérêt!

Le Président: En question principale maintenant M. le député de Lévis.

Maintien des stations de télévision dans l'Est du Québec

M. Garon: M. le Président, en parlant de

culottes, à ce moment-là, parlons du gouvernement de sans-culottes que nous avons à Ottawa et qui trouve opportun de maintenir au coût de 1 200 000 000 $ à 1 300 000 000 $ par année des soldats en Allemagne alors que la guerre est finie depuis 45 ans, mais qui n'a pas d'argent pour le Bas-Saint-Laurent-Gaspésie - c'est ça, il faut savoir couper aux bonnes places - et qu'il y a eu...

Le Président: Un instant, M. le député de Lévis, s'il vous plaît! S'il vous plaît, s'il vous plaît! Vous savez fort bien qu'un préambule est admissible pour une question principale mais elle ne doit pas susciter... S'il vous plaît! Tout préambule ne doit pas susciter de débat et, actuellement, je pense que vous suscitez des débats. Le préambule doit également être relatif à votre question principale; je ne la connais pas...

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! Évidemment, je ne la connais pas, mais le préambule doit quand même être bref. Alors, allez-y avec un bref préambule et votre question.

M. Garon: M. le Président, essentiellement, comme il s'agit de coupures du gouvernement fédéral qui nous touchent, je n'étais pas surpris que le supposé défenseur des régions, le député de Charlesbourg, s'objecte...

Des voix: Ah! Ah! Ah!

M. Garon: ...alors je me dis, j'indique où prendre l'argent.

Une voix: Pose-la donc, la question.

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix: Poses-en une question.

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Bon, MM. les députés, Mmes les députées, s'il vous plaît! Je demande la collaboration de tout le monde et j'invite...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Oui.

Une voix: M. le Président...

Le Président: Bon. Alors, je vais demander la collaboration de tout le monde et j'invite le député de Lévis...

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît! J'invite le député de Lévis à poser une question dans les normes du règlement, sans susciter de débat directement sur votre question. Allez-y.

M. Garon: M. le Président, je ne pensais pas choquer personne en disant que la guerre de 1939-1945 était finie depuis 45 ans. (14 h 30)

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Je veux dire qu'en fin de semaine j'étais présent...

Des voix:...

Le Président: Bon. Alors, très bien. Vous êtes prêt, M. le député de Lévis, et je vous reconnais pour une dernière tentative. Allez-y.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: M. le Président, j'étais présent, dans un esprit non partisan, en fin de semaine à Rimouski, avec, d'ailleurs, le député de Matapé-dia, le député de Rimouski et d'autres personnes du Conseil régional de développement du Bas-Saint-Laurent, les organismes communautaires, des syndicats, des marchands, des téléspectateurs qui avaient payé 3 $, 5000 personnes qui avaient payé 3 $ pour être présentes pour défendre leur télévision, des gens, dans le fond, qui ont besoin de moyens d'information dans une région qui est immense, qui ont besoin de moyens de production culturelle régionale aussi. Comment voulez-vous que des gens qui veulent faire quelque chose dans le domaine des arts, s'il ne reste que Montréal... Là, on leur dit: Vous allez partager Québec. Il n'y a déjà rien à Québec! Ne nous comptons pas d'histoire.

Le Président: Votre question, M. le député de Lévis, s'il vous plaît!

M. Garon: Le spectacle de... Maritchu d'Abbadie qui peut nous éviter...

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Bon. Un instant! Mmes et MM. les députés! Sur un rappel au règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Lévis, s'il vous plaît, de respecter judicieusement le règlement. Je comprends qu'il doit être satisfait de voir un constat ou une manifestation de satisfaction de la part de son voisin de gauche, M. le chef de l'Opposition, à l'égard de sa question. C'est tout récent, c'est tout nouveau. Venez-en donc au sujet, s'il vous plaît!

Le Président: Alors, votre question directement, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, ma question au ministre des Communications: Puisqu'il nous a dit qu'il avait communiqué avec le ministre fédéral à Ottawa concernant la répartition des budgets du gouvernement fédéral et le maintien des stations de télévision dans l'Est du Québec, quelle réponse a-t-il obtenu du ministre fédéral des Communications?

Le Président: M. le ministre des Communications .

M. Cannon: Je suis très heureux, M. le Président, de m'apercevoir aujourd'hui que j'ai un nouveau critique dans le domaine des communications, en l'occurrence celui qui...

Des voix: Ah! Ah!

M. Cannon: Est-ce qu'il y a un problème de l'autre côté?

Le Président: Un instant, M. le ministre. S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, sur un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, vous avez toujours tenu les députés à l'ordre là-dessus en disant que l'absence d'un député ne doit pas être notée. Et s'il faut que je donne les raisons, M. le Président, je les donnerai, mais je trouve ça tout à fait "cheap".

Le Président: S'il vous plaît! Sur la même question... À l'ordre, s'il vous plaît! écoutez, je demande la collaboration des députés. Ma patience commence à avoir des limites à ce moment-ci.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, je vous demande votre collaboration, s'il vous plaît. Sur la même question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, deux choses. Premièrement, je conviens avec le leader de l'Opposition qu'on s'était entendu pour ne pas souligner les absences de chacun et chacune d'entre nous. Mais, deuxièmement, vous devez comprendre que le ministre des Communications s'ennuie du député de Masson.

Le Président: Alors, effectivement, sur la question de règlement, on sait fort bien que toute absence d'un député ne doit pas être soulevée. C'est conforme à la tradition parlementaire. Je demanderais aux gens de respecter cette tradition. Alors, M. le ministre des Communica- tions.

M. Cannon: Alors, M. le Président, simplement pour rectifier. Je ne voulais pas souligner l'absence de mon collègue, le député de Masson, et je ne l'ai pas fait d'une façon délibérée. Je le dis au leader de l'Opposition. Quant à la question du député de Lévis, M. le Président, celui-ci me demande si, effectivement, j'ai eu une réponse de la part du ministre fédéral. Non, je n'ai pas eu de réponse de la part du ministre fédéral. Toutefois, j'ai indiqué aux gens de la coalition, notamment les gens du syndicat de Radio-Canada, que j'étais disposé à m'asseoir avec eux afin de regarder l'ensemble du dossier et ceux-ci m'ont indiqué que le plus rapidement possible ils viendraient me rencontrer afin de faire des propositions d'analyser avec eux l'ensemble du dossier.

En terminant, M. le Président, je suis très fier aussi d'avoir vu, hier, mon collègue, le député de Matapédia, présent à cette assemblée à Rimouski, pour répondre véritablement...

Des voix: Le député de Rimouski aussi.

M. Cannon: ...le député de Rimouski, également-Dès voix: Ha, ha, ha!

M. Cannon: ...aux gens qui, dans la région du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie, sont touchés par les coupures. Eux s'occupent de leur région et j'en suis fier.

Le Président: En question complémentaire, M. le député de Lévis.

M. Garon: M. le Président, sans agressivité et sans partisanerie, je demanderais tout simplement au ministre des Communications s'il a l'intention de demander à Radio-Québec de prendre la relève de Radio-Canada, d'une façon intérimaire, parce que les postes sont fermés, et s'il a l'intention de proposer quelque solution que ce soit pour faire en sorte que les équipements qui sont en place restent en place et continuent à être utilisés pour les bénéfices de la région, qu'il s'agisse de Rimouski, de Matane ou de Sept-îles?

Le Président: M. le ministre des Communications.

M. Cannon: J'indiquerai, M. le Président, au député de Lévis que je suis prêt à m'asseoir et à regarder avec les gens du syndicat un certain nombre de solutions. Et je vous indiquerai également, M. le député de Lévis, qu'il n'appartient pas au gouvernement du Québec de renflouer les erreurs du gouvernement fédéral. Et celui qui vous parle n'a pas du tout l'intention de faire

ça, ni de recommander une action comme celle-là à l'ensemble des Québécois et Québécoises.

Le Président: En question principale maintenant, Mme la députée de Chicoutimi.

Utilisation de logiciels anglais dans des écoles françaises

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Vendredi, en cette Chambre, j'avais l'occasion d'interroger le ministre responsable de l'application de la loi 101 sur la pertinence ou le bien-fondé de l'achat, par le ministère de l'Éducation, de 250 logiciels anglais destinés à des écoles françaises. Les raisons invoquées par le ministère de l'Éducation reposent sur le fait que 99,9 % des entreprises utilisent des logiciels anglais et qu'il faut donc former les travailleurs en anglais. Alors, ma question s'adresse au ministre de l'Éducation. Compte tenu que cette décision contrevient à l'esprit de la loi, sinon à la loi elle-même, sur l'enseignement du français dans les écoles françaises, compte tenu que, selon son collègue responsable de la loi 101, qui est responsable de l'application des programmes de francisation, cette décision contrevient à ce programme, est-ce que le ministre de l'Éducation a l'intention de retirer les logiciels anglais des écoles françaises?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: M. le Président, je remercie Mme la députée de sa question. Effectivement, le ministre des Affaires municipales et ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française a plutôt vite fait de me sensibiliser à cette question. On a de nombreux sujets qui nous occupent, tous les deux, de ce temps-ci. Effectivement, on se réfère à un logiciel, l'AUTOCAD, qui sert dans la dispensation d'enseignement au niveau du dessin technique et, à la demande du ministère de l'Éducation, les commissions scolaires se sont regroupées pour des appels d'offres pour pouvoir bénéficier de tels équipements, au niveau technique, à meilleur prix. Il ressort de l'analyse du dossier, qui n'est pas complétée, j'en conviens avec Mme la députée, que toutes les entreprises consultées, les entreprises chez qui celles et ceux qui apprennent à travailler avec ces équipements sont susceptibles de se retrouver dans le cadre de leur travail quotidien comme suite de leur diplomation, utilisent cette version et, pour nous, il était important que les diplômés soient en mesure de l'utiliser dès leur entrée sur le marché du travail.

La version française... M. le Président, c'est important et je n'ai pas d'objection, de l'autre côté, à donner une réponse complète, je crois. La version française est une interprétation européenne du logiciel qui ne prend pas en compte les mesures du système SI et les mesures du système impérial. La version française, d'ailleurs, selon les indications qu'on m'a fournies, ne fonctionne pas avec le clavier québécois et elle est disponible... Il faut calculer de six mois à un an avant d'avoir un clavier approprié. Enfin, les manuels d'accompagnement de la version française sont en anglais, à une exception près, effectivement, et la version française a été expérimentée par quelques cégeps et commissions scolaires qui ont exprimé beaucoup de réserve à l'égard de la performance. Ceci étant dit, pour nous... Ce n'est pas le ministère qui a acheté. Ça, je veux être très clair avec vous. Ce n'est pas le ministère et, à cet égard-là, l'affirmation que vous avez faite, Mme la députée, vendredi dernier, m'apparaît non fondée. Ce sont les commissions scolaires, à partir d'une analyse rigoureuse de matériel pédagogique disponible le plus susceptible de correspondre exactement aux besoins des élèves dans une perspective de recherche d'un emploi et de travail de compétence et de qualité avec des équipements déjà présents dans les industries, premièrement. Deuxièmement, j'ai demandé, parce que vous vous êtes interrogée à savoir si cette...

Le Président: En conclusion, M. le ministre, s'il vous plaît!

M. Pagé: Merci, M. le Président.

Le Président: Très bien. Alors, en question complémentaire.

Mme Blackburn: M. le Président, j'ai bien entendu les arguments du ministre. D'abord, les appels d'offres ont été faits par le ministère.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît!

Mme Blackburn: Ma question est claire. Compte tenu de la pénurie ou des carences que nous avons en cette matière, de l'importance de convaincre les jeunes francophones, au Québec, de l'importance de la langue, de développer chez eux la fierté, comment pense-t-il qu'il va développer la fierté chez nos jeunes Québécois si on leur dit qu'ils ne pourront pas travailler en français? Comment développer la fierté de leur langue dans cette situation-là? Est-ce qu'il n'aurait pas cru préférable, M. le Président, d'accorder des subventions à un organisme susceptible de développer un logiciel en français, adapté à la situation des entreprises et des écoles? (14 h 40)

Le Président: M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, je vais être très clair avec Mme la députée. Ces jeunes-là veulent apprendre en français et nous aussi. Ce n'est pas

compliqué, c'est très simple, sauf qu'il y a un équipement qui ne leur est pas accessible actuellement dans cette langue, premièrement. À certains égards, au point de vue technique, les manuels d'accompagnement sont actuellement en traduction. Deuxièmement, comme je vous l'indiquais, je vais voir ce dossier-là personnellement. On va l'analyser et sachez que tout sera humainement fait pour que l'acquisition de connaissances puisse se faire en français, mais en autant, cependant, qu'on ait des équipements disponibles. Vous allez accepter ça avec moi, je présume.

Mme Blackburn: M. le Président. Le Président: En complémentaire.

Mme Blackburn: Ma question s'adressera au ministre responsable de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie. Il y a déjà plus d'un an que le Conseil de la science et de la technologie a déposé un avis lui suggérant d'utiliser les achats publics pour assurer le développement technologique. Et il y a un secteur où c'est particulièrement important: la fabrication de logiciels. Quand le ministre mettra-t-il en place une politique d'achats publics susceptible de soutenir le développement de logiciels en français?

Le Président: M. le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

M. Tremblay (Outremont): Je remercie beaucoup la députée de Jonquière de l'opportunité qu'elle me donne de parler du Conseil de la science et de la technologie.

Des voix: ...Chicoutimi.

M. Tremblay (Outremont): Ce n'est pas loin!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Tremblay (Outremont): Excusez-moi, Mme la députée de Chicoutimi, je suis tellement d'accord avec ce que vous dites. C'est la raison pour laquelle une compagnie internationale, la plus importante compagnie dans le secteur du logiciel au monde, la compagnie Oracle, a établi récemment à Montréal sa première filiale entièrement autonome de logiciels; elle va travailler avec l'Université du Québec pour faciliter le transfert technologique en faveur d'entreprises du Québec et également la traduction en français de tous les logiciels.

Donc, la politique de partenariat économique du présent gouvernement porte fruit et aucun effort ne sera ménagé pour assurer le transfert de connaissances en français à nos élèves.

Des voix: Bravo!

Le Président: Une question additionnelle, M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: Merci, M. le Président. Nous sommes complètement d'accord avec la députée de Chicoutimi. Ma question s'adresse au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. Ne croyez-vous pas que c'est beaucoup plus avantageux pour les Québécois de promouvoir la vitalité de la langue française avec des initiatives positives comme l'achat de logiciels en français au lieu des restrictions linguistiques?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: La réponse, c'est oui.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

Dossier de l'alphabétisation

M. / Gendron: Depuis quelques semaines, M. le Président, on assiste à un concert de voix de la part de certains ministres réclamant le rapatriement de pouvoirs pleinement exercés par Québec. C'est le cas du ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu pour ce qui est de la formation professionnelle. C'est le cas de la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration. C'était le cas du ministre de la Santé et des Services sociaux repris par le ministre des affaires canadiennes. Et, pendant ce temps, lui, le ministre de l'Éducation a démissionné complètement dans le dossier de l'alphabétisation.

En effet, le Québec a décidé au cours de cette Année internationale de l'alphabétisation de rester dans l'ombre, laissant ainsi à Ottawa l'occasion d'exercer une présence beaucoup plus marquée et visible. La plus belle preuve, c'est samedi dernier, samedi qu'on vient de passer. Le Regroupement des groupes populaires en alphabétisation du Québec inaugurait, en grande pompe, la décennie de l'alphabétisation, avec des commandites exclusivement fédérales. Toutes les commandites étaient fédérales. Le ministre n'était même pas là. Ma question: Le ministre de l'Éducation peut-il nous expliquer comment il peut tolérer cette ingérence excessive du fédéral dans le dossier de l'alphabétisation qui, en principe, devrait relever sans conteste de la seule compétence du Québec?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: M. le Président, je pense que le député d'Abitibi-Ouest ne peut pas s'adresser de façon aussi critique à l'égard du gouvernement aujourd'hui. Il doit convenir avec nous que,

globalement, c'est 34 000 000 $ qui sont engagés par notre gouvernement dans cette démarche de support à l'alphabétisation de nos concitoyens et concitoyennes, dont près de 10 000 000 $ via le mécanisme ou avec l'appui des organismes s'occupant de formation populaire. Ce qu'on a dit, c'est ceci, et je m'inscris, évidemment, dans le même sens que l'avis ou l'opinion formulée par mon prédécesseur, le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui, à savoir qu'il revient au Québec d'assurer les coûts, la responsabilité de cette démarche via, entre autres et notamment, notre réseau des commissions scolaires du Québec. Cependant, si le gouvernement canadien décide d'ajouter à cette démarche du Québec, elle doit s'inscrire dans le cadre de nos interventions et elle doit s'incrire en complémentarité. Ce n'est pas parce que le gouvernement canadien a jugé opportun de supporter, de s'inscrire dans cette démarche qu'on doit le rejeter du revers de la main. Pour nous, ce qui est important, c'est que le Québec demeure maître d'oeuvre et que ça s'inscrive en complémentarité. Et c'est ce qui se fait, d'ailleurs, jusqu'à maintenant.

Le Président: En question complémentaire.

M. Gendron: Si c'est ce qui se fait, est-ce que le ministre peut nous expliquer comment il se fait que le plan d'action réclamé en matière d'alphabétisation depuis plusieurs années et l'injection de ressources financières adéquates, spécialement au niveau du programme de soutien à l'alphabétisation populaire autonome, n'a pas encore été connu et les groupes le réclament à cor et à cri? Comment se fait-il?

Le Président: M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, le député a omis d'indiquer dans son préambule à sa question additionnelle, il aurait dû le faire, que le Québec se situe au premier plan, au premier niveau de l'ensemble canadien dans sa démarche d'alphabétisation et de support à celles et ceux à qui cette démarche s'adresse, premièrement. Deuxièmement, concernant le plan d'action, bientôt.

M. Gendron: C'est que l'ex-collègue était d'accord avec moi que je ne parlais pas de l'argent, je parlais du plan d'action.

Le Président: En question complémentaire.

M. Gendron: Alors, en question complémentaire: Est-ce que le ministre de l'Éducation se rappelle l'engagement de son gouvernement en campagne électorale? Est-il au courant que l'engagement électoral du Parti libéral, c'était une action rigoureuse en alphabétisation par un plan? Où en êtes-vous dans l'élaboration de votre plan en alphabétisation?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: Premièrement, vous pouvez compter sur toute ma vigueur. Deuxièmement, je peux vous indiquer que c'est bientôt, comme je vous en ai fait part dans ma réponse précédente.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Johnson.

Programmes de subventions à l'intention des clubs de motoneigistes

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Après avoir respecté tous les critères inhérents au programme de subventions, les clubs de motoneigistes du Québec, encore aujourd'hui, n'ont rien reçu des subventions pour l'entretien des sentiers de motoneige. Deuxièmement, il y a aussi le programme de renouvellement des surfaceuses au Québec. Il y a 10 clubs qui se sont qualifiés pour avoir les subventions et ils n'ont pas reçu un sou, pas plus que les 263 autres clubs, de l'Abitibi-Témiscamingue jusqu'en Estrie. Il n'y a personne qui a reçu un sou et on est rendus au 17 décembre. Quand le ministre du Loisir va-t-il verser les subventions, autant dans un programme que dans l'autre?

Le Président: M. le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Blackburn: M. le Président, j'apprécie beaucoup la question de la députée de Johnson concernant sa préoccupation par rapport aux motoneigistes, compte tenu de l'importance de cette activité économique au plan récréo-touris-tique et au plan touristique, en particulier, pour l'ensemble du Québec. Alors, je tiens à rassurer la députée de Johnson. Cette semaine, les clubs de motoneige, les responsables au niveau des surfaceuses vont recevoir, du gouvernement du Québec, des réponses positives à leurs attentes.

Le Président: En question principale, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition.

Sécurité publique et protection policière sur le territoire de Kahnawake

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Un peu après sa nomination, le ministre de la Sécurité publique avait dit que Kahnawake devait se doter d'une force policière professionnelle, compétente, largement autochtone et agissant en concertation avec l'autorité politique locale et les autorités policières du Québec. Il avait déclaré, et je le cite: Les lois du Québec et du Canada doivent s'appliquer efficacement dans tout le territoire et il ne saurait exister des zones d'exception où les citoyens seraient soustraits à la loi. Ma question est la suivante, M. le Président. Compte tenu que depuis presque le mois d'octobre il y a seulement

quelques routes qui sont patrouillées par la police et qu'à toutes fins pratiques le territoire même de Kahnawake est sans surveillance, est-ce que le ministre peut nous dire, suite à la rencontre qu'il a eue - ça devait être ce matin - si on lui a clairement indiqué que le territoire serait enfin surveillé et que les lois du Québec et du Canada seraient respectées là comme ailleurs? (14 h 50)

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ryan: M. le Président, comme il avait été annoncé, j'ai tenu ce matin une rencontre à Longueuil avec le conseil de bande du Conseil mohawk de Kahnawake. Sur 12 membres, 11 étaient présents et le douzième était absent pour raison de maladie. Au début de la réunion que j'avais demandée moi-même, j'ai rappelé les grandes orientations de la politique gouvernementale en matière de sécurité publique et de protection policière et, ensuite, nous avons engagé la discussion. Il me fait plaisir de vous dire, M. le Président, que la discussion s'est déroulée dans un climat très constructif. J'ai été agréablement impressionné par l'atmosphère qui existait ce matin, qui était influencée, dans une certaine mesure, par l'esprit des fêtes. Et nous sommes convenus, après nous être entendus sur un certain nombre de points, de nous retrouver en janvier pour essayer de poursuivre la besogne. Je dois dire que j'ai trouvé des manifestations de bonne volonté qui m'ont grandement encouragé. Je crois que nous sommes peut-être entrés, à compter de ce matin, sur une piste qui nous amènera à des aménagements stables et acceptables, autant pour les Amérindiens de Kahnawake que pour le gouvernement du Québec, en conformité avec les principes déjà énoncés.

Le Président: En question complémentaire.

M. Chevrette: Est-ce que le ministre peut nous dire si, d'ores et déjà, il peut garantir à cette Chambre que, quel que soit le type de police qui sera instauré pour Kahnawake, elle relèvera de l'autorité du ministre ou pas? Et, dans un deuxième temps, étant donné qu'on parle de justice équitable pour tous, est-ce que le ministre peut me dire - c'est parce que je n'ai pas le temps, M. le ministre, que je vous pose ce deuxième volet-là - si les 12 citoyens de Châ-teauguay qui, vendredi dernier, ont paradé devant la justice pour avoir obstrué le pont et l'intersection de la route 132, si ces gens-là ont l'assurance qu'ils seront traités sur le même pied que l'ont été ceux qui ont bloqué le pont Mercier pendant 78 jours?

Le Président: M. le ministre de la Sécurité publique.

M. Ryan: À la première question, il faudrait répondre en apportant bien des nuances. Je vous donnerai un exemple. Prenez la police de Saint-Jean-sur-Richelieu: elle ne relève pas directement du ministre de la Sécurité publique, elle relève de l'autorité politique de Saint-Jean-sur-Richelieu. Le ministre a une fonction de surveillance générale quant aux normes qui doivent s'appliquer. Il faudra veiller à ne pas exiger, dans un endroit comme Kahnawake, des choses qu'on n'exigerait pas ailleurs. Mais il faudra qu'une période de transition ait lieu, au cours de laquelle il faudra une liaison spéciale; ça a été clairement énoncé et c'est vers ça que nous essayons d'aller. J'espère que nous pourrons mettre au point des arrangements qui respecteront les exigences sainement rappelées par le leader de l'Opposition.

En ce qui touche le deuxième volet, je suis porté à répondre oui, en principe. Mais je vous préviens que je ne suis pas au courant de toutes les modalités des incidents auxquels fait allusion la question. Je devrai d'abord me renseigner sur les circonstances dans lesquelles chaque incident est survenu, m'assurer qu'il y a lieu de porter des plaintes dans chaque cas, qu'on a les données voulues. Et je serai disposé à apporter un complément de réponse dès que j'aurai obtenu ce supplément d'information.

Le Président: C'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de votes reportés. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, j'apprécierais obtenir le consentement du leader de l'Opposition pour le dépôt de deux rapports qui devaient être effectivement déposés en début de séance, mais qui n'ont pu l'être compte tenu de l'arrivée un peu tardive de chacun de nos collègues. Je me réfère au dépôt du rapport de la commission de l'économie et du travail pour le projet de loi 81 et du rapport de la commission de l'éducation pour le projet de loi 102.

Le Président: M. le leader...

M. Chevrette: Est-ce que ça a des incidences...

Le Président: ...de l'Opposition.

M. Chevrette: Non. J'ai une question avant de donner mon consentement. Je voudrais savoir si ça a des incidences directes sur la législation. Je ne suis pas certain que, les déposer demain, ça nuirait à l'adoption, puisque c'est demain mardi.

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Sauf que les déposer aujourd'hui,

ça ne nuirait pas, non plus, à l'adoption.

Le Président: Tout simplement, pour information, je dois dire que le député de Laval-des-Rapides et président de la commission de l'économie et du travail était présent à l'Assemblée. Mais c'est un défaut technique que le document ne lui ait pas été transmis lors de la période propice au dépôt. Alors, simplement, à titre de président, à ce moment-ci, puisque les dépôts sont terminés, je suis obligé de demander s'il y a consentement...

Une voix: Non.

Le Président: II n'y a pas de consentement. Très bien. Alors, les dépôts auront lieu demain. Maintenant, aux motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Pagé: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'après les affaires courantes jusqu'à 18 h 30 et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi 112, Loi modifiant la Loi sur les assurances et d'autres dispositions législatives, le projet de loi 101, Loi modifiant la Loi sur les valeurs mobilières; de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 110, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les organismes intermunicipaux de l'Outaouais. Une fois terminée l'étude détaillée dudit projet de loi et ce, jusqu'à minuit, à la même salle, la commission des institutions procédera à l'étude détaillée du projet de loi 55, Loi modifiant la Loi sur les permis d'alcool et d'autres dispositions législatives.

De plus, j'avise que de 20 heures à minuit et, si nécessaire, demain, le mardi 18 décembre 1990, de 10 heures à 12 h 30, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May, la commission de l'éducation procédera à l'étude détaillée des projets de loi suivants: le projet de loi 100, Loi modifiant le Code des professions et diverses lois constituant une corporation professionnelle concernant la publicité professionnelle et certains registres, le projet de loi 99, Loi modifiant la Loi sur la pharmacie.

J'avise également cette Assemblée que, le mardi 18 décembre 1990, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 108, Loi modifiant le Code de la sécurité routière et d'autres dispositions législatives.

Le Président: Merci, M. le leader du gouvernement.

Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, est-ce qu'il y a des questions? Il n'y a pas de questions. Ceci met fin à la période des affaires courantes. Aux affaires du jour maintenant, M. le leader du gouvernement, si vous voulez m'indiquer l'article du feuilleton que je dois appeler.

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article 6 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de Ioi113 Adoption du principe

Le Président: À l'article 6 du feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi 113, Loi modifiant certains régimes de retraite des secteurs public et parapublic. Avant de donner la parole à M. le président du Conseil du trésor, je dois m'enquérir s'il y a consentement de l'Assemblée pour déroger à l'article 237 du règlement qui prévoit un certain délai avant la présentation de la motion d'adoption du principe. Est-ce qu'il y a consentement? Donc, il y a consentement. Très bien. À ce moment-ci, je vais reconnaître M. le président du Conseil du trésor. Je vais attendre quelques secondes, si vous permettez, pour laisser la chance à nos collègues de bien vouloir quitter l'Assemblée, ceux qui doivent vaquer à d'autres occupations.

Mmes, MM. les députés, à ma droite, je vous inviterais à quitter à l'arrière, s'il vous plaît.

Nous pouvons maintenant procéder à cette motion d'adoption du principe du projet de loi 113, à la discussion sur cette motion, et je vais reconnaître M. le président du Conseil du trésor.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Oui, M. le Président. Si le projet de loi a pour objet principal de donner suite à certaines propositions formulées par le comité... Excusez-moi, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): s'il vous plaît, je vous demande votre collaboration. m. le ministre, je crois que je vais pouvoir vous entendre.

M. Johnson: Merci, M. le Président. Le projet de loi a donc pour objet principal de donner suite à des propositions qui sont formulées par le comité de retraite de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances ou qui sont contenues dans les lettres d'intention du gouvernement, annexées aux conventions collectives dans les secteurs

public et parapublic et qui concernent les principaux régimes de retraite applicables à nos employés visés par ces conventions.

Il faut d'abord se rappeler qu'en décembre l'an dernier et qu'en juin dernier, l'Assemblée adoptait les projets de loi 24 et 78 qui visaient tous les deux à donner suite à une partie des dispositions prévues dans la lettre d'intention sur le RREGOP, c'est-à-dire le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, négociées avec la partie syndicale. Le présent projet vise donc à concrétiser le reste des modifications qui sont prévues dans cette lettre d'intention. (15 heures)

De plus, certaines modifications originent de résolutions du comité de retraite de la CARRA, de demandes du gouvernement ou alors de la lettre d'intention conclue entre le gouvernement et l'Union des agents de la paix en institutions pénales et d'une décision du Conseil du trésor à l'égard d'employés de niveau non syndicable.

M. le Président, je suggère donc et j'ai l'intention de souligner quelques-uns des éléments qui se rattachent à chacune des modifications que j'ai ainsi décrites.

Premièrement, quant à la pension différée dans le régime général, c'est-à-dire dans le RREGOP, les dispositions actuelles du RREGOP prévoient que la pension différée, qui est payable à 65 ans est obligatoire uniquement pour l'employé qui cesse ses fonctions alors qu'il est âgé de 45 ans et plus et s'il a 10 années de service et plus. L'employé peut choisir de recevoir un paiement comptant de 25 % de la valeur actuarielle, et cette pension différée n'est pas indexée au cours de la période d'attente. Les modifications proposées visent donc à prévoir au RREGOP les dispositions suivantes: Une pension différée obligatoire après deux ans et plus de service et payable à 65 ans; deuxièmement, une indexation de cette pension différée selon le taux de l'augmentation de l'indice des pensions pour toute la durée de la période d'attente; troisièmement, une garantie que la valeur présente de la pension différée indexée sera au moins égale à la somme des cotisations accumulées avec intérêt. Le calcul des intérêts, incidemment, devra se faire de la même façon que s'il s'agissait d'un remboursement de cotisations en distinguant les cotisations antérieures ou postérieures au 1er janvier 1991. Quatrièmement, il s'agira d'abolir la possibilité d'obtenir le paiement comptant de 25 % de la valeur présente de la pension différée. Cinquièmement, nous pourvoirons au paiement de la pension différée rétroactivement à 65 ans si l'employé formule sa demande après cette date.

Ces modifications permettront de rencontrer les principes mis de l'avant dans la réforme des régimes complémentaires de rentes et de concrétiser l'entente intervenue entre le gouvernement et les syndicats lors de la dernière ronde de négociations quant à la pension différée, tout en bonifiant le calcul des intérêts pour les périodes postérieures à 1991 sans toutefois augmenter le coût du régime.

Deuxième élément: remboursement des cotisations avec intérêt en cas de cessation de participation ou de décès avec moins de deux années de service créditées.

Les dispositions actuelles, en effet, permettent à toute personne qui cesse ses fonctions avant d'être admissible à une pension ou à une pension différée obligatoire d'obtenir le remboursement de ses cotisations. Ce remboursement inclut des intérêts calculés selon le taux de rendement du régime de retraite. Le pourcentage payable des intérêts est croissant et ne peut excéder 90 %. Les modifications que nous proposons sont à l'effet de donner droit au remboursement uniquement à la personne qui cesse ses fonctions avec moins de deux années de service ou alors à ses ayants droit, d'accorder 100 % des intérêts pour les intérêts payables sur les cotisations relatives au service postérieur au 31 décembre 1990 et de maintenir la règle du 90 % pour les années antérieures.

Troisième élément: les bénéfices payables aux ayants droit de la personne ayant à son décès deux années et plus de service au RREGOP sans être admissible à une pension. Les modifications proposées quant à la pension différée obligatoire après deux années de service créditées et l'indexation de cette pension au cours de la période d'attente obligent à modifier ces dispositions afin d'assurer aux ayants droit des bénéfices qui correspondent à ceux accordés au participant. Ainsi, des modifications sont proposées afin d'assurer aux ayants droit le plus élevé des deux montants suivants: soit la valeur présente de la pension différée indexée qui serait payable à 65 ans ou alors, la somme des cotisations versées avec les intérêts accumulés, cet intérêt étant toujours calculé selon que le service est antérieur ou postérieur au 1er janvier 1991.

Quatrième élément: modifications au montant de la pension de conjoint survivant à la demande du participant, ces règles s'appliquant dans le RREGOP et le Régime de retraite des fonctionnaires.

Des modifications sont proposées en effet au RREGOP afin d'offrir au participant, au moment où il formule sa demande de retraite, la possibilité d'opter en réduisant sa rente de retraite pour une pension garantie au conjoint équivalant à 60 % de la pension qui est payable au participant.

Quant au Régime de retraite des fonctionnaires, la modification proposée est à l'effet que la pension de conjoint correspond automatiquement à 60 % de la pension du participant.

Cinquième élément: De fait - je le dis tout de suite - ajout au RREGOP d'un critère facultatif d'admissibilité à la retraite avec réduction

actuarielle pour l'employé qui est âgé d'au moins 55 ans. Ainsi, une modification est proposée afin de permettre au participant âgé de 55 ans à 60 ans d'opter pour le paiement d'une pension immédiate ou d'une pension différée.

Sixièmement, modifications aux dispositions relatives aux critères d'admissibilité au Régime de retraite des fonctionnaires. Les critères d'admissibilité à la retraite du Régime de retraite des fonctionnaires prévoient actuellement qu'un employé de sexe masculin âgé de 55 ans et qui a au moins 22 années de service peut prendre sa retraite avec réduction actuarielle; une modification est proposée ici afin d'uniformiser au Régime de retraite des fonctionnaires le calcul de la réduction actuarielle avec celui applicable au RREGOP suite à l'introduction d'un nouveau critère d'admissiblité à la retraite, soit le facteur 90, c'est-à-dire qui vise à reconnaître la somme des années de service et de l'âge atteint par le participant.

Septièmement, rachat au RREGOP d'un congé sans traitement suivant un congé de maternité, de paternité ou d'adoption. Une modification est proposée afin de permettre à l'employé qui prend un congé sans traitement, suite à un congé de maternité, de paternité ou d'adoption, de n'avoir à payer que 100 % des cotisations qui auraient été retenues sur son traitement, alors qu'auparavant il devait payer 200 % de telles cotisations.

M. le Président, quelques modifications contenues dans ce projet de loi visent également à donner suite à des résolutions du comité de retraite et à certaines demandes du gouvernement. Ainsi, le projet de loi propose des modifications afin de prévoir que seules les années cotisées ou exonérées après la date d'un transfert doivent être considérées dans le calcul du traitement moyen aux fins du calcul de la pension. Il permet également d'ajuster le texte de ces régimes ainsi que celui du régime de retraite de certains enseignants afin de prévoir de nouvelles modalités concernant le rachat d'années ou de parties d'années de service.

Ces modifications sont également apportées au Régime de retraite des agents de la paix en institutions pénales. De plus, ce projet de loi permet aux employés occupant temporairement une fonction de gérance de participer à ce dernier régime et il substitue le nom de l'Union des agents de la paix en institutions pénales par celui du Syndicat des agents de la paix en services correctionnels du Québec.

Le projet de loi modifie également le Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, le Régime de retraite des enseignants, le Régime de retraite des fonctionnaires et le Régime de retraite des agents de la paix en institutions pénales concernant l'assujettissement à ces régimes des membres du personnel d'un ministre ou d'une personne visée à l'article 124.1 de la Loi sur l'Assemblée nationale qui ne sont pas assurés d'une réintégration dans une fonction visée par ces régimes lorsque leur emploi prend fin. Il s'agit ici, M. le Président, pour ces employés qui, soit dans les cabinets de ministre, soit dans les bureaux de comté de députés ou qui travaillent au service des députés ou de la présidence de l'Assemblée nationale, de pouvoir se prévaloir de l'option de non-contribution et de non-couverture aux régimes de retraite du secteur public, sauf dans les cas de ceux qui sont effectivement assurés d'une intégration éventuelle, en quittant leur emploi dans l'arène politique, dans la fonction publique.

Par ailleurs, et finalement, le projet de loi reconduit, sous réserve de certains ajustements, l'application de la mesure temporaire relative à la retraite anticipée à l'égard des employés de niveau non syndicable qui participent au Régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics.

M. le Président, ce projet de loi, je le répète en terminant, ne fait que donner suite à des conventions qui ont été négociées avec nos employés. Deux fois par année, je le resouligne à l'endroit du porte-parole de l'Opposition et des membres de cette Chambre, j'ai l'honneur, le plaisir ou, à tout le moins, l'occasion d'amener ici, à l'Assemblée nationale - presque régulièrement, deux fois par année - un tel projet de loi. Il faut savoir en effet que nous sommes en négociations avec 400 000 employés, qu'à l'égard de ceux-ci les négociations prises globalement sont quasi permanentes, que nous sommes constamment en discussion à l'égard de ces matières avec l'un ou l'autre des groupes d'employés du secteur public et qu'en conséquence, et afin de donner suite aux ententes qui peuvent toucher aux régimes de retraite de nos employés, nous avons à légiférer.

Je reconnais encore une fois, avant qu'on ne me le souligne de l'autre côté, qu'il est presque inévitable, si nous voulons être le plus à jour possible, que nous déposions et discutions de ces projets de loi vers la fin de chaque session. Il est évidemment difficile de pouvoir, en toute sérénité et de façon complète, discuter de choses extrêmement complexes, qui font appel à des notions d'actuariat extrêmement avancées et extrêmement subtiles, et on pourrait se demander véritablement ce que nous, parlementaires, qui ne sommes pas nécessairement artisans ou experts en semblable matière, avons à discuter de ces choses. (15 h 10)

M. le Président, j'indique tout de suite que, quant à moi, à partir du moment où le comité de retraite de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances du gouvernement du Québec a exprimé certains souhaits, après examen avec leurs experts, après que nos différents interlocuteurs du côté syndical avec leurs experts également ont négocié dans le

cadre des conventions collectives certaines caractéristiques de leur régime de retraite, après que du côté gouvernemental, avec nos experts, notamment ceux du Secrétariat du Conseil du trésor, nous avons pu viser de telles demandes qui émanent soit de la CARRA, soit de nos syndiqués, nous en sommes, quant à nous ici, à l'Assemblée nationale, à juger si les droits que nous conférons sont bien les droits qui étaient envisagés par les parties qui ont négocié, si les droits qu'à la limite nous pourrions enlever, par certaines dispositions, le sont en toute connaissance de cause, si les dispositions rétroactives que l'on pourrait introduire le sont sans battre en brèche certains droits qui auraient été acquis par des individus ou certains groupes d'individus bénéficiaires des dispositions des régimes de retraite.

Nous avons donc à nous satisfaire que l'ensemble des étapes qui doivent être parcourues dans ces matières, soit des étapes de négociation entre nos employés et le gouvernement, ont bien été franchies et que la loi donne à leurs demandes effet aux négociations qui sont intervenues.

C'est ce qui explique, encore une fois, et vous m'en voyez navré, d'amener ce projet de loi à un moment où on pourrait devoir compter, effectivement, sur le consentement de cette Chambre afin de donner pour le 1er janvier 1991 effet complet aux négociations qui sont intervenues. Je viens d'expliquer, M. le Président, pour la troisième fois, j'en ai l'impression depuis un an et demi, la raison pour laquelle c'est à ce moment-ci que nous avons à débattre ce projet de loi. Je veux assurer tout de suite mon vis-à-vis de l'Opposition officielle de toute ma collaboration et de celle de mes collaborateurs même quant aux explications de nature hautement technique que lui et moi, devrais-je dire, pourrions requérir dans le cadre de l'étude de ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre et président du Conseil du trésor. Sur le projet de loi 113, je reconnais maintenant M. le député de Labelle. M. le député.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. J'ai écouté le président du Conseil du trésor nous expliquer son projet de loi, au moins nous donner quelques explications. J'avais l'impression que j'aurais pu ressortir mon discours de l'an passé sur le même sujet et le lire à l'Assemblée nationale, et c'est à peu près le même que je pourrais faire aujourd'hui.

Nous sommes toujours dans la même situation, une année sur l'autre. Je vois qu'il prenait les devants, qu'il disait que oui, nous avons toutes les explications. Mais, c'est malheureusement, encore une fois, comme par les années passées, le cas où on nous présente un projet de loi en toute fin de session et je dirais non seulement en toute fin de session, mais on ne l'a pas présenté le 15 novembre, qui était la date limite. On l'a présenté il y a une semaine et c'est un projet de loi qu'il nous faudra adopter.

Alors, sur son contenu, M. le Président, le projet de loi 113 vise, d'une part, à donner suite à la lettre d'intention du gouvernement qui est annexée aux conventions collectives et, d'autre part, à donner suite à certaines recommandations du comité de retraite. C'est donc dire qu'une bonne partie du projet de loi 113, au fond, est le fruit de négociations entre le gouvernement et ses employés lors de négociations de conventions collectives. Les dispositions du projet de loi quant à cette portion ont, par conséquent, été acceptées par les deux parties et on demande maintenant à l'Assemblée nationale d'autoriser le tout. J'y reviendrai.

Et, par ailleurs, une autre portion des dispositions ont été recommandées par le comité de retraite qui siège pour administrer les différents régimes de retraite du gouvernement, ou des employés du gouvernement. Puisqu'on retrouve dans un projet de loi ces dispositions, on peut aussi croire qu'elles ont été acceptées par toutes les parties et on demande, encore une fois, à l'Assemblée nationale d'autoriser le tout.

M. le Président, comme j'ai dit au début, le projet de loi 113, comme tous les projets de loi de même nature, a été déposé en toute fin de session. On demande alors à l'Opposition de donner son consentement pour qu'il soit possible d'adopter le projet de loi avant l'ajournement de nos travaux dans quelques jours. Il s'ensuit que nous transgressons nos règles de procédure et je pense qu'on doit le déplorer, non seulement on peut, mais on doit le déplorer, dans ce cas-ci, malgré certains griefs que nous pourrions avoir à l'endroit du président du Conseil du trésor. Je crois qu'il a été, par la force des choses, amené à nous bousculer parce qu'il doit, d'abord, respecter des échéances très courtes, M. le Président, et, par ailleurs, la complexité, qui est propre à la rédaction d'un projet de loi de cette nature, l'empêche probablement de respecter les délais prévus par les règlements de l'Assemblée nationale s'il s'y est pris trop tard.

Si nous n'en faisons pas de reproche au président du Conseil du trésor, nous ne pouvons, toutefois, que déplorer que l'Assemblée nationale en soit réduite à un rôle aussi limité. Dans ce cas-ci, son rôle ne consiste qu'à entériner un projet de loi sans avoir, véritablement, d'autre rôle à jouer. La démarche ne se limite pas, d'ailleurs, qu'à ce rôle, mais il faut dire que-Comment voulez-vous que l'on discute de principes sur un tel projet de loi qui touche, dans une bonne partie de ses articles, des cas très particuliers? Donc, c'est gênant de le faire et difficile aussi de le faire correctement parce qu'il ne faut pas brimer des droits d'individus. Je suis très conscient de cela et c'est pour cela

que nous allons concourir à l'adoption de ce projet de loi.

Nous nous retrouvons - c'est paradoxal -dans la situation du lieutenant-gouverneur à qui on ne demande pas s'il est d'accord ou non, mais simplement d'y apposer son sceau. Sans vouloir dénigrer la fonction de lieutenant-gouverneur, le rôle de l'Assemblée nationale ne peut être réduit à cette simple expression. Ce que nous vivons aujourd'hui doit être l'exception et c'est pourquoi aussi, je tiens à le souligner, je déplore au plus haut point le recours de plus en plus fréquent à ces motions dites de clôture, qui sont une atteinte directe à la liberté d'expression et à la démocratie, en quelque sorte, et nous en avons vécu des exemples la semaine dernière et encore cette semaine.

Je pense que nous devrions nous interroger sur la nécessité d'adopter des lois à la vapeur. Au fond, est-ce qu'il n'y a pas d'autres possibilités dans ces cas de réforme des régimes de retraite que d'avoir sans cesse recours à l'adoption d'une loi? Je pense que c'est une question que nous pourrions nous poser, mais, quoi qu'il en soit, je crois que c'est réduire le rôle du Parlement à peu de chose et je le rappelle - et je vais le rappeler ultérieurement encore - lorsque nous avons décidé d'abolir le Conseil législatif, il fallait qu'on ait une obligation de respecter toute la réglementation, toutes les procédures de l'Assemblée nationale parce que, autrement, c'est trop facile de faire des erreurs et qui peuvent comporter aussi des erreurs très graves. Donc, je pense qu'on ne doit pas arriver à des fins de session, comme ça, avec des projets de loi qui peuvent être bons, mais on ne le sait pas et on n'a ni le temps ni les moyens d'en juger.

M. le Président, malgré toutes ces réserves que j'ai présentement sur la façon d'étudier le projet de loi 113, malgré que le rôle de l'Assemblée nationale soit réduit à sa plus simple expression, je veux assurer le président du Conseil du trésor de mon appui et l'assurer que nous ferons tout en notre pouvoir pour que le projet de loi 113 soit adopté avant l'ajournement de la présente session et je compte, effectivement, sur la collaboration des fonctionnaires. Je sais que, l'an dernier, nous l'avons eue, nous l'avons eue au mois de juin. J'espère que nous aurons aussi une planification des travaux, de leur part, qui fasse qu'au moins le 15 novembre on ait déjà des contenus et s'ils ont besoin d'amendements pour les tout derniers articles qu'ils veulent amener ou corriger, que nous les ayons, ces amendements, comme dans d'autres lois, mais qu'on nous les dépose le 15 novembre ou le 15 mai plutôt que d'attendre en toute dernière minute et dire que nous avons un projet de loi de - attendez un peu - quelque 112 articles, dont on en retire une quarantaine. Au fond, on aurait très bien pu nous en amener 60 avec un projet de loi déposé à temps pour respecter nos échéances. Ce n'est pas parce que nous aurions eu l'intention de le bloquer, c'est que nous aurions voulu l'étudier correctement. Maintenant, nous allons passer à l'étude article par article et, encore une fois, je suis sûr que ce projet de loi a été rédigé avec les meilleures intentions du monde, que les fonctionnaires y ont mis tous leurs soins. Encore faudrait-il nous en assurer au plan de la Législature, ici. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Labelle. En fonction de votre droit de réplique, M. le président du Conseil du trésor. (15 h 20)

M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: M. le Président, deux ou trois commentaires: le premier, sur l'ampleur du projet de loi comme tel. J'ai eu l'occasion d'échanger avec le député de Labelle à ce sujet. Il peut effectivement apparaître qu'en toute fin de session quelque chose d'aussi peu comestible soit soumis à notre attention. Je rappelle à l'Assemblée - parce que tout le monde est intéressé - que les dispositions qu'on introduit sur la foi, par exemple, de l'introduction d'un principe nouveau sont répétitives. Il y a plusieurs régimes de retraite dans chacun desquels on retrouve les mêmes dispositions et lorsqu'on procède à des modifications, elles ont un caractère répétitif étant l'une et l'autre toute l'image du miroir de l'ancienne disposition qu'on trouve dans chacun des régimes de retraite. Alors, quant à l'ampleur, elle n'est pas aussi terrible qu'elle ne le laisse paraître.

Je dirais, par ailleurs, que nous introduisons - et je vais qualifier un peu les remarques du député de Labelle - quand même un principe nouveau - ce n'est peut-être pas négligeable, à ce moment-ci, de le resouligner - c'est celui de l'introduction de l'acquisition d'un droit obligatoire à la retraite, à partir du moment où un de nos employés a 2 ans de service crédités, ce qui remplace la notion de 10 ans de service et 45 ans d'âge, qui était la limite ou la combinaison, devrais-je dire, de conditions qui faisaient en sorte que les gens acquéraient, à ce moment-là, de façon obligatoire, le droit à une retraite. L'introduction de cette mesure, c'est-à-dire 2 ans de service crédités, fait en sorte que nous rendons obligatoirement accessible à un plus grand nombre de nos employés cette protection de l'après-carrière que constitue la retraite. Et, c'est à ce titre que plusieurs de nos régimes s'en voient bonifiés.

Troisième commentaire. Quant au rôle de l'Assemblée nationale - je le répète - il m'ap-paraît que nous avons - que ce soit vrai à ce stade-ci pas vraiment autant qu'au niveau de l'étude article par article - mon collègue et moi et les membres de la commission qui aurons à

étudier ce projet de loi éventuellement article par article, aurons à nous poser les questions sur ce qui arrive aux droits des individus ou des groupes d'individus qui sont visés par les différents régimes de retraite.

Je le répète: Est-ce qu'on enlève des droits? Est-ce qu'on en donne des nouveaux? Est-ce qu'on le fait selon les règles? Est-ce que ça coule de source par rapport à ce qui a été négocié avec les représentants syndicaux de nos employés ou alors avec les intervenants quant aux groupes non syndicales? Donc, l'Assemblée a un rôle réel et il ne me paraît pas évident à ce moment-ci qu'on ferait oeuvre utile d'édicter éventuellement une loi-cadre et de laisser à la réglementation ou à la suite des choses la disposition précise des suites à donner aux conventions collectives avec nos employés. Ça m'apparaît essentiel que nous ayons l'occasion, aussi imparfaite soit-elle, de discuter de ces choses entre nous au niveau de l'Assemblée nationale et de véritablement donner un accord de principe à ce que certains des principes sous-jacents à nos régimes de retraite soient adoptés par l'Assemblée nationale indiquant ainsi que, comme gouvernement, comme Assemblée nationale, nous croyons à la dotation à l'endroit de nos employés, si je peux employer le terme, de certaines caractéristiques quant à leur régime de retraite. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Je reconnais maintenant M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, on retient que le principe est adopté?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oh! excusez-moi!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que le principe du projet de loi 113 est adopté?

Des voix: adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Pagé: Merci, M. le Président. Je fais donc motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion du leader du gouvernement est adoptée?

M. Pagé: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article 7 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 120 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 7, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi 120, Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. M. le ministre. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, seulement quelques secondes pour indiquer à mes collègues que nous entendons conduire le débat en deuxième lecture sur ce projet de loi très important, à moins que ce ne soit complété avant, au moins jusqu'à minuit ce soir, si nécessaire. Si, toutefois, l'Opposition officielle décidait de compléter l'étude avant, nous aurons encore, comme vous le savez et comme avis en a été donné au leader de l'Opposition, un autre élément de notre feuilleton qui sera appelé.

M. Trudel: J'aurais une question, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, sur la même question, M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue.

M. Trudel: Oui. L'Opposition est très consciente de l'importance du projet de loi qui est déposé aujourd'hui et va attendre les remarques du ministre et sa description plus précise avant de décider de l'heure à laquelle nous allons fermer ce soir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je voudrais, de plus, m'inscrire encore une fois dans cette délicatesse qui nous caractérise à l'égard de l'Opposition, qui devient plus palpable au fur et à mesure que la session est sur le point de se terminer, vous l'aurez compris, à savoir que le consentement est accordé à l'Opposition pour permettre à M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue d'intervenir pour une durée de 50 minutes.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, voulez-vous poursuivre? M. le ministre de

la Santé et des Services sociaux.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. À n'en point douter, nous entamons, à ce moment-ci, une étape extrêmement importante dans la modification de notre régime de santé et de services sociaux. Je voudrais situer dans sa véritable perspective ce que nous nous apprêtons à faire, de telle sorte que tous et chacun d'entre nous et ceux qui nous écoutent comprennent bien ce que nous faisons à ce moment-ci.

Il y a donc une dizaine de jours, je rendais publique la réforme, ce qu'on appelle maintenant la réforme, qui a été extrêmement importante et, je pense qu'on peut le dire, très bien accueillie un peu partout à travers le Québec, et de tous les intervenants. Nous commençons donc l'adoption du projet de loi 120 qui est la transposition de certaines de ces mesures qui nécessitent des aménagements sur le plan législatif, donc un nouveau cadre législatif. C'est ce que nous nous apprêtons à faire aujourd'hui, demain, et jusqu'à ce que nous ayons disposé du principe de ce projet de loi.

Mais ce n'est pas tout, M. le Président, parce que nous aurons d'autres étapes qui vont venir puisque nous ferons l'analyse du projet de loi article par article à la fin de janvier et au mois de février. À la fin de mars et au début d'avril, nous entamerons la troisième étape extrêmement importante de ce processus, soit de rendre publique la politique de santé et bien-être qui est une pièce extrêmement importante, qui n'accompagnait pas la réforme, et de manière volontaire, et qui, là, va fixer les objectifs à atteindre pour l'ensemble du réseau, que ce soit dans les maladies cardio-vasculaires, que ce soit dans la prévention, que ce soit dans différents domaines qui façonnent la santé et le bien-être à travers le Québec. Donc, par la suite, et peut-être simultanément, nous rendrons public le plan d'implantation de la réforme qui, lui, devient un plan extrêmement important.

Oui, M. le Président, je suis extrêmement fier, comme ministre de la Santé et des Services sociaux, d'entamer aujourd'hui la deuxième lecture de ce projet de loi très important, majeur, et qui est très certainement l'une des pièces les plus importantes de législation qu'aura étudiées le Parlement cet automne. Ça marque donc une étape extrêmement importante dans ce cheminement qui est enclenché maintenant, qui est irrémédiable et, comme je l'ai dit lors de la conférence lançant la réforme, qui est aussi incontournable.

C'est un processus qui a démarré il y a cinq ans puisque mon collègue, le député de Joliette, qui était alors ministre de la Santé et des Services sociaux sous le gouvernement qui nous a précédés, avait créé la commission Rochon. Il avait donc constaté un certain nombre de malaises au niveau de notre système et avait décidé de faire une commission d'importance qui sillonnerait le Québec et qui entendrait les intervenants afin de tenter de proposer des solutions à notre régime, donc aux problèmes que nous connaissions. Ce rapport de plus de 900 pages, de la commission qui a entendu au-delà de 6000 personnes à travers le Québec, est une étape extrêmement importante, même s'il n'a pas tout solutionné, qui a fait l'objet de consensus sur certains points, de discussions sur d'autres, et d'absence de propositions dans certains autres domaines. (15 h 30)

II y a eu, par la suite, la tournée de Mme Thérèse Lavoie-Roux qui m'a précédé au niveau du ministère de la Santé et des Services sociaux, qui a été aussi une tournée importante, qui a fait l'ensemble des régions du Québec, qui a entendu tout près de 2000 personnes et qui avait, en cours de route, des ajustements à faire et à proposer. En avril 1989, Mme Lavoie-Roux déposait devant l'Assemblée nationale et devant le peuple québécois sa proposition d'orientation et de réforme du système de la santé et des services sociaux. Nous avons donc, à la suite de ces documents, décidé de tenir, il y a à peine 10 mois, une commission parlementaire extrêmement importante où on a siégé pendant tout près de 7 semaines, si ma mémoire est fidèle, où nous avons entendu 175 mémoires sur 266 qui ont présenté leur opinion devant cette commission. En collaboration avec les membres de l'Opposition et les collègues de la majorité ministérielle, nous avons questionné, interrogé, sommes allés au-delà même, dans certaines occasions, de ce qu'on pensait pour vérifier là où étaient des choses réalisables et qu'on pourrait retourner à la population en termes de réussite ou de projet de réforme.

C'est donc il y a maintenant une dizaine de jours - 10 jours presque précisément, puisque c'était le 7 décembre et qu'on en est au 17 aujourd'hui - que je rendais publique la réforme du système de santé et des services sociaux. Nous en sommes aujourd'hui à l'adoption du principe du projet de loi 120 qui n'est pas l'ensemble de la réforme, mais une partie de la réforme, qui nécessite donc une intervention législative, puisque nous touchons un certain nombre de lois. Elle va donc modifier de manière substantielle des responsabilités, des fonctions des divers acteurs au sein du réseau et certaines règles, actuellement, qui sont les règles du jeu.

Si vous me permettez, pour la bonne compréhension de nos auditeurs, parce que je sais déjà, M. le Président, que vous en êtes parfaitement informés, permettez-moi d'aborder le pourquoi de la réforme. Parce que certainement, avec tout ce qui a été dit et entendu, malgré de très larges consensus qui se dégagent à travers la population, il y a encore certains individus qui se posent la question: Pourquoi une

réforme de la santé et des services sociaux? D'abord, et je pense qu'il faut le dire et le redire, il ne faut pas attendre de sortir du Québec pour aller à l'extérieur pour être capable de s'en rendre compte, le Québec a un système de santé et de services sociaux qui est enviable, qui fait l'envie des États-Unis. Ne pensons qu'aux sorties des Kennedy qui ont toujours dit que le système canadien et au Québec était un système extraordinaire et que la grande ambition des Kennedy était d'implanter aux États-Unis un système qui ressemblerait à celui qui était en application au Canada et au Québec. Allons dans les pays nordiques et on retrouve certaines similitudes avec le système que nous connaissons aujourd'hui qui est un système assez bien reconnu. Donc, dans ce sens-là, nous avons un bon système, mais il est aussi confronté à un certain nombre de problèmes que nous voulons tenter de régler par la réforme que nous amorçons.

La première sorte de problèmes, c'est des problèmes de développement. Tout le monde le sait, actuellement, nous avons à peu près 10 % de personnes âgées au Québec. Nous en aurons, au tournant de l'an 2000, 14 %, donc, une commande assez importante, et nous devons réagir dès maintenant pour être capable de procurer aux personnes âgées d'aujourd'hui et de demain des services qu'une société civilisée ou dite civilisée se doit d'offrir aux bâtisseurs et aux bâtisseuses de ce pays qu'est le Canada et de cette province qu'est le Québec. Donc, développement au niveau des personnes âgées, au niveau des jeunes, au niveau des nouvelles technologies de santé où, constamment, que ce soient des centres hospitaliers de régions ou des centres hospitaliers universitaires, on met de la pression sur les décideurs pour qu'on soit toujours à la fine pointe de la technologie, et je pense qu'on ne peut pas les en blâmer. Et, finalement, de nouveaux besoins qui arrivent aujourd'hui, de nouveaux besoins demain aussi, puisque nous en aurons demain que nous ne connaissons pas aujourd'hui. Pour ne le citer que pour seul exemple, le sida qui est un problème de jeune génération dans le sens que c'est un problème que nous connaissons depuis quelques années déjà et qui commande des sommes tout à fait exceptionnelles et des efforts tout à fait exceptionnels de la part de nos chercheurs, de la part de nos cliniciens et aussi sur le plan financier.

La deuxième sorte de problème en est un de fonctionnement. Oui, parce que, malgré tout cela, malgré nos 11 000 000 000 $ de budget, malgré un bon système, malgré la bonne volonté des uns et des autres, on se retrouve encore avec des listes d'attente en maladies cardio-vasculaires, on se retrouve encore avec des listes d'attente au niveau des jeunes, on se retrouve encore avec des problèmes d'urgence, malgré le fait que, comme le disait Mme Diane Lavallée, vendredi dernier, pour tenter de démontrer que le ticket orienteur ne s'attaquait pas aux bonnes personnes, il n'y a que 6 % des Québécois qui vont dans les urgences. Imaginez-vous! 6 % et c'est engorgé! S'il y en avait davantage, on serait davantage engorgés. Elle a réussi à faire la démonstration que parmi les gens qui, pour 6 %, vont dans les urgences, un certain nombre n'ont pas d'affaire dans les urgences. Il faut donc trouver les moyens pour qu'ils aillent ailleurs où il y a des ressources disponibles à ce niveau-là.

Nous favorisons de plus en plus, comme société - et c'est clair, des rapports le disent - l'institutionnalisation plutôt que l'ambulatoire et le domicile. Il est plus facile maintenant, pour nous, société québécoise - et ça ne vise personne en particulier - d'institutionnaliser notre personne âgée que de la maintenir à domicile. Il nous faut donc changer les choses. Évidemment, ce virage tant parlé et tant attendu du curatif vers le préventif, aujourd'hui, n'est pas à nos portes et il nous faut faire des choses.

Donc, des problèmes de développement, des problèmes de fonctionnement et, aussi, des problèmes de financement puisque tous les beaux discours que j'ai entendus jusqu'à maintenant, y compris ceux de l'Opposition - je ne les en blâme pas, c'est leur rôle, si j'étais dans leur situation, probablement que je ferais le même discours pour leur faciliter la tâche - le financement est public, il est pris à même le fonds consolidé du Québec et ça, c'est extrêmement important de le rappeler. Mais où prend-on ce système ou cet argent? On le prend dans les poches des contribuables, et il est faux de prétendre que les citoyens du Québec ne paient pas pour leur système, ce sont les citoyens qui paient par leurs taxes et leurs impôts en général. Dans ce sens-là, la capacité des individus ou du gouvernement lui-même, de par la marge de manoeuvre qu'il a, a atteint ses limites. Il y a donc, M. le Président, incompatibilité entre les besoins reliés au développement du réseau, au fonctionnement du réseau et au financement du réseau. Les trois enjeux sont là.

Comment répondre aux besoins de la population? Comment utiliser le mieux possible l'argent actuellement investi? Comment respecter la capacité de payer de l'État et ses individus? C'est clair, les questions sont là, fondamentales, elles se sont posées à nous comme à tous ceux qui sont des observateurs avertis de cette scène et qui, aujourd'hui, doivent prendre des décisions. Donc, le but de la réforme, M. le Président, c'est que tout le monde s'entend sur les problèmes, mais les solutions sont différentes si on les aborde du point de vue du citoyen, du producteur ou des instances gouvernementales. La réforme, quant à elle, prend essentiellement et uniquement le point de vue du citoyen. Pourquoi? C'est simple, parce que les services lui sont destinés, c'est lui qui sera le consommateur des

services dans les différents centres du ministère. Il y en a au-delà de 900. C'est lui qui, de toute façon, que ce soit directement ou indirectement, paie la note de par ses impôts, que ce soit l'impôt général, que ce soit des coûts indirects. Je pense que c'est à lui de décider et c'est vers lui que doivent être orientés les services. En conséquence, il faut que le citoyen soit le centre de nos préoccupations et soit la colonne vertébrale du système que nous voulons bâtir pour demain, pour les deux générations qui viennent. Et pour le replacer au centre, il faut l'aborder sous trois angles: le citoyen consommateur, le citoyen décideur et le citoyen payeur. La raison est simple, très simple, M. le Président. Il suffit de se rappeler, de retourner un peu en arrière, à tous ceux qui ont ausculté ce régime: M. Rochon, Mme Lavoie-Roux, ainsi de suite, et nous-mêmes, l'Opposition, tout le monde, tous ceux qui sont passés dans le même fauteuil ont fait les mêmes constats, à un moment ou l'autre de leur administration. (15 h 40)

Le diagnostic de M. Rochon était simple: Le système est prisonnier de groupes d'intérêts; ça ne plaît pas quand on dit ça, c'est clair. Lorsqu'on dit ça, on dit: Qui sont les groupes d'intérêt? Tout de suite, on tente de mettre la tête d'un individu sur le groupe d'intérêts ou un groupe en particulier, mais les groupes d'intérêts, qu'est-ce que c'est? Qui sont-ils? Tout de suite, on pense médecins; oui, c'est des producteurs, mais il faut aller plus loin que ça, parce qu'il y en a d'autres. Il y a les établissements eux-mêmes, quel que soit l'établissement. Je pourrais vous nommer tantôt des CLSC qui se comportent comme des producteurs, qui défendent aussi et qui sont prisonniers de leur groupe d'intérêt. Je pourrais vous nommer des CSS, des CRSSS, je pourrais vous nommer l'ensemble des établissements dans chacune de leur catégorie qui ont leurs propres intérêts à défendre. C'est au ministère de trancher à l'intérieur de tout ça. Et Rochon, nous disait: À un point tel qu'on est prisonniers des groupes d'intérêt, qu'on a oublié la raison même et la raison fondamentale du système, soit celui de donner des services à un usager qui n'en a pas, n'en rêve pas. L'usager qui se retrouve dans nos établissements ne l'a pas souhaité. Est-ce que vous avez rencontré, vous, parmi tous ceux qui fréquentent les centres hospitaliers, des gens qui ont souhaité être hospitalisés? Est-ce que vous avez rencontré des jeunes qui sont en protection de la jeunesse qui ont souhaité être pris en compte par la protection de la jeunesse? Non, c'est des gens qui, dans toutes les circonstances, ou à peu près, n'ont pas le choix et se retrouvent là aujourd'hui dans ces centres, ayant, de par leur santé ou de par certaines défaillances physiques, l'obligation de s'y retrouver.

Quant à la commission parlementaire que nous avons tenue, c'était intéressant, c'était très intéressant. Ce qui était très intéressant, c'était de voir comment chacun des groupes qui s'est présenté en commission parlementaire réussissait à se définir. Il se définissait toujours comme étant le centre des préoccupations de l'ensemble des consommateurs et vers lui devaient être dirigés les services. Donc, regrouper, lui étant le centre, le reste étant du périphérique ou l'ajout de possibilités de services, puis le citoyen quelque part là-dedans, non pas comme un usager, un citoyen qui était un consommateur mais qui venait consommer des services que, moi, je dispensais, moi, le centre du monde. C'est clair, le citoyen était absent. Le plus bel exemple de tout ça, c'est lorsqu'on regarde les gens qui sont venus en commission parlementaire. Le Comité provincial des malades est venu défendre en commission parlementaire les malades de manière admirable, quelques individus aussi. Mais, de manière majoritaire, il faut bien admettre que le citoyen consommateur a été absent de notre commission parlementaire pour venir nous rappeler à l'ordre, nous remettre à l'ordre et remettre un certain nombre de personnes à l'ordre qui venaient défendre leur point de vue, étant eux-mêmes le centre du système.

Ce virage est un virage majeur et il est fondamental pour l'avenir même du système. Il doit être et il sera la colonne vertébrale de la réforme. Pour concrétiser ce virage extrêmement important, neuf orientations qui se situent à l'intérieur de nos trois citoyens: citoyen décideur, citoyen consommateur et citoyen payeur.

La première, pour le citoyen consommateur, des citoyens avec des droits reconnus et respectés, des citoyens avec des services adaptés.

Pour le citoyen décideur, trois orientations: une prise de décision le plus près possible de l'action, des citoyens au coeur de la prise de décision et des citoyens imputables de leur décision.

Dernièrement, quant au citoyen payeur, deux orientations: Des citoyens qui en ont pour leur argent et des citoyens qui doivent assumer le coût des services.

Ces neuf orientations sont supportées par un ensemble de mesures. Certaines d'entre elles peuvent être implantées sans modification législative. D'autres, par ailleurs - et elles sont nombreuses - commandent des changements législatifs, entre autres à la Loi sur les services de santé et les services sociaux, au Code civil du Bas Canada ainsi qu'à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie.

Le projet de loi 120 répond à ces exigences au niveau des changements que nous devons apporter. Il ne m'est donc pas possible, dans l'heure qui m'est donnée, d'aborder l'ensemble de la réforme qui m'a pris au minimum trois heures à présenter à la population, il y a une dizaine de jours. Je me devrai donc, M. le Président, de tenter de me limiter à un certain nombre de mesures que je voudrais faire partager par

l'ensemble de mes collègues de cette Assemblée et des citoyens qui nous écoutent et nous regardent aujourd'hui. J'ai donc choisi six points qui sont d'ailleurs au coeur même de la réforme: premièrement, les droits des citoyens; deuxièmement, les établissements; troisièmement, les médecins; quatrièmement, les organismes communautaires; cinquièmement, les régies régionales et, sixièmement, l'assemblée régionale.

Les droits. Commençons par le premier parce qu'il est fondamental. Si on a une réforme qui est axée sur l'usager, sur le citoyen, il faut, par conséquent, lui définir des droits, à l'intérieur de cette loi, et c'est ce que nous faisons. Ce projet de loi, donc, vise à réaffirmer les droits des usagers, deuxièmement à renforcer l'aide et l'accompagnement et, troisièmement, à rendre les mécanismes de traitement des plaintes plus crédibles et plus transparents.

Examinons dans le détail ce que cela signifie pour l'usager qui, aujourd'hui, pourrait être dans un centre hospitalier, dans un CLSC ou dans un centre d'accueil et d'hébergement. De réaffirmer les droits des usagers, premièrement, et c'est très important, c'est aussi significatif, le dossier médical devient le dossier de l'usager. C'est un changement de cap assez important puisque le dossier appartient toujours et appartiendra à l'usager. Les éléments que l'on collige à l'intérieur d'un dossier, c'est des renseignements qui concernent ma personne à moi comme citoyen; j'ai donc, et je dois donc avoir, en tout temps, la possibilité de consulter, d'examiner, de lire ce qui est écrit sur mon compte, et ça me paraît extrêmement important, et c'est pour ça que nous voulons donner une nouvelle dimension en signifiant nettement que le dossier médical devient le dossier de l'usager. Par conséquent, nous nous retrouverons dans la situation où, par exemple, si on avait deux ou trois dossiers dans un centre hospitalier, il n'y aurait plus qu'un seul dossier, le dossier de l'usager, de telle sorte que l'ensemble de l'information, qu'elle soit de nature sociale ou de santé, soit à l'intérieur du même dossier, de telle sorte que ceux qui auront à intervenir pour me soigner le fassent en pleine connaissance de cause de l'ensemble du dossier qui me concerne.

Deuxièmement, d'obtenir des services adéquats continus et personnalisés. Ah! bien sûr, pour certains, on pourrait nous dire: C'est l'évidence même. C'est ce qui existe maintenant. Je pense que, dans l'esprit avec lequel nous abordons cette réforme, il est bon de rappeler un certain nombre de choses et de les clarifier autant que possible.

Troisièmement, de choisir l'établissement et le professionnel de son choix, compte tenu de la mission des établissements, des ressources disponibles et de l'organisation régionale des services. Il faut quand même dire à la société et dire aux individus: Oui, vous avez le droit de choisir votre professionnel, oui, vous avez le droit de choisir l'établissement, mais, bien sûr, soumis à un plan régional d'organisation de services, avec tout ce que ça comporte parce que, autrement, ce serait tenter de faire croire à la population de partout à travers le Québec que tous les services et toute la gamme des services doivent être disponibles sur chacun des territoires du Québec, et c'est illusoire de penser une telle chose.

Quatrièmement, de recevoir l'information concernant son état de santé et de bien-être, les soins et les risques qui leur sont associés. Nous sommes dans une société aujourd'hui où les gens sont ouverts à l'information, capables de la recevoir et de la digérer et, dans ce sens-là, les gens exigent d'être informés, parfaitement informés de leur dossier, et c'est un droit qui sera donc très explicite à l'intérieur de la loi.

Cinquièmement, de participer activement aux décisions qui la concerne et, en particulier, le droit de refuser l'administration de soins disproportionnés ou d'être maintenu en vie par des moyens artificiels. C'est clair, c'est très clair et ça ne peut pas être plus clair que cela.

Sixièmement, le droit d'être assisté et d'être accompagné pour faire respecter ses droits et, septièmement, c'est très simple, le droit de mourir dignement.

Le projet de loi, au-delà de tout cela, M. le Président, demande à l'établissement de se doter d'un code d'éthique. C'est beau d'avoir des droits à l'intérieur de la loi, mais il faut que chacun de nos établissements ait un code d'éthique; ça n'entrave d'aucune manière le code d'éthique de chacune des professions qui oeuvrent à l'intérieur des établissements et qui sont la responsabilité des corporations professionnelles et ça demeure leur responsabilité. (15 h 50)

Ce code d'éthique devra énoncer les droits des usagers, donc, ce dont on vient de se parler, précisera les pratiques et les conduites attendues du personnel, précisera aussi des recours dont le citoyen dispose. Il est donc clair qu'ayant un code d'éthique il doit être distribué à l'individu qui se retrouve dans l'établissement au niveau du réseau et ça, c'est l'ensemble des établissements du réseau, soit les 900 et quelques. Donc, ça signifie aussi que les établissements devront former leur personnel en conséquence du code d'éthique et des droits des individus qui ont à séjourner dans les établissements du réseau.

Le dossier, donc, de l'usager, pour bien se comprendre, appartient à l'usager; l'établissement en a la garde. Ce dossier peut être consulté par l'usager et les professionnels qui lui dispensent les services et les soins. Et je dis tout de suite à ceux qui verraient là une ouverture possible, par exemple, dans le domaine de l'assurance, d'avoir accès au dossier de l'individu pour être capable de savoir si on l'assure ou si on ne l'assure pas, tout cela va aussi être régi par la Commission d'accès à l'information puisque le

dossier, s'il appartient à l'usager, il appartient à l'usager et on ne peut pas y avoir accès si on n'est pas un professionnel de la santé, et si on y a accès, ce sera par des normes qu'édictera la Commission d'accès à l'information.

Deuxième point de la réforme: renforcer l'aide et l'accompagnement. Parce que si on a des droits dans la loi, s'ils sont très clairement exprimés et explicités à l'intérieur d'un code d'éthique d'établissement, est-ce que ça veut dire pour autant que quelqu'un qui est seul, dépourvu, malade, secoué par sa maladie, peut revendiquer lui-même tout seul tout ce qu'il faut pour être capable de revendiquer ses droits? Moi, je vous dis que, dans certaines circonstances, non, et c'est pour ça que nous créons au niveau de la longue durée, physique et psychiatrique, des comités de bénéficiaires - il y en a actuellement, mais nous allons les créer de par l'obligation de la loi - que les mandats, donc, seront revus de ces comités, mandats orientés sur la défense des droits et non la promotion des loisirs, donc, la défense des droits des citoyens, et qu'il y aura un appui financier pour chacun de ces comités qui se situera entre 5000 $ et 70 000 $, M. le Président, compte tenu du budget de l'établissement.

Vous me permettrez de vous dire qu'hier c'a été l'étonnement assez exceptionnel que de lire dans un journal de la région de Québec que le comité des bénéficiaires de l'hôpital Robert-Giffard était pénalisé dans la réforme, puisque, actuellement, ils avaient 75 000 $ et qu'ils perdraient donc 5000 $ en se ramenant à 70 000 $. Écoutez, un journaliste a pris le moyen d'écrire un article avec un gros titre en disant que ça allait pénaliser le comité de citoyens de Robert-Giffard. Eh bien, en tout cas, dans ce cas-là, il avait un peu de temps à perdre pour écrire un article comme celui-là. Je désirerais lui renvoyer le message de manière très claire, puisque, évidemment, si c'est le citoyen qui est au centre du système et qu'on doit avoir cette préoccupation, il me semble bien qu'à un moment donné, s'il y a une indexation du budget, on peut peut-être se retrouver avec les 75 000 $.

Deuxièmement, nous allons créer par un organisme communautaire, au niveau de chacune des régions du Québec, un organisme communautaire sans but lucratif, donc un OSBL, chargé d'aider les usagers dans le respect de leurs droits.

Troisièmement, donc... On a dit des droits dans la loi. Deuxièmement, des droits, un code d'éthique, avec des comités de bénéficiaires, avec un organisme sans but lucratif au niveau régional. Et je dois vous dire que dans mon esprit à moi, puisque le ministre s'est réservé le droit de reconnaître lui-même l'organisme sans but lucratif pour l'aide et l'accompagnement au niveau de chacune des régions du Québec, je le ferai en parfaite harmonie avec le Comité provincial des malades qui m'apparaît, dans ce cas-ci, être un organisme très crédible pour nous souligner qui pourrait remplir ces fonctions-là à travers le Québec.

Donc, ça prend un mécanisme de traitement des plaintes plus crédible et plus transparent. Donc, pour le rendre plus crédible, des responsabilités sont confiées au niveau local, puisque c'est d'abord là et avant tout là que doivent se régler les problèmes de plaintes des individus, qui ont à se plaindre, effectivement, du traitement qu'ils ont pu recevoir. C'est donc au niveau de rétablissement que nous situons le premier niveau de plaintes. Jusqu'à maintenant, les établissements, et plusieurs - et je pense qu'il faut les en féliciter - ont nommé des ombuds-mans un peu partout à travers le Québec, dans certains cas, plus précisément dans le domaine psychiatrique, pour permettre de défendre et d'analyser les plaintes qui peuvent être déposées par des individus. Ces ombudsmans ont fait un travail honnête depuis leur nomination, mais, quand même, dépendant du conseil d'administration qui les nomme ou qui les engage. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est de créer l'obligation que le traitement des plaintes repose sur la tête d'un individu et pas n'importe qui, d'un cadre supérieur de l'établissement, que ce soit sa responsabilité sur sa tête à lui, et c'est lui-même qui devra répondre du traitement des plaintes. Nous créons un deuxième mécanisme, celui d'un appel au niveau de la régie régionale, de la même manière que nous le faisons aujourd'hui. Celui qui sera responsable sur le plan régional sera un cadre supérieur qui aura la responsabilité de l'ensemble des établissements à l'intérieur de la région et qui devra, lui, juger en appel si la plainte est fondée ou pas, avec des explications et avec plus de pouvoirs qu'ils n'en ont maintenant.

Et, troisièmement, nous créons, au niveau central, un pouvoir d'appel au ministre alors que le ministre, lui, rendra des décisions qui sont finales et incontournables. Donc, un mécanisme plus crédible, des individus sur la tête des individus au niveau local, au niveau régional et, par la suite, un pouvoir d'enquête au ministre où le ministre prendra des décisions et elles seront finales et sans appel.

Mais est-ce que, pour autant, si c'est plus crédible, c'est plus transparent? Non. Pour rendre ces décisions plus transparentes, ce que nous faisons, M. le Président, nous allons exiger de chaque établissement qu'il publie annuellement un rapport sur le traitement des plaintes. Si vous en avez reçues 24 et qu'il y en a 23 qui sont rejetées, vous allez donc publier que 23 plaintes ont été rejetées sans fondement, qu'il y en a une qui a été acceptée, et vous allez donner le pourquoi de l'acceptation ou du rejet dans un document qui sera transmis à la régie régionale. De la même manière, la régie régionale devra, quant à elle, faire rapport au ministre du traitement de l'ensemble des plaintes sur son

territoire, de l'ensemble de ses établissements et le ministre déposera, à l'Assemblée nationale, annuellement, le rapport de la régie régionale concernant le traitement des plaintes de telle sorte que ce soit très transparent, que des gens de l'Opposition, l'ensemble des parlementaires, puissent s'en saisir, questionner, interroger et voir le pourquoi de telle ou telle situation dans telle ou telle région.

Donc, M. le Président, d'entrée de jeu à l'intérieur du projet de loi, des choses claires, renforcées comme droits. Donc, les droits de l'usager, de notre consommateur... Le citoyen consommateur qui se voit renforcer et clarifier ses droits partout à travers le réseau; c'est donc, la priorité et l'entrée en matière du projet de loi.

Deuxièmement, les établissements. Le projet de loi détermine les services de santé et les services sociaux qui seront offerts pour les différents établissements. Les missions actuelles, il faut bien l'admettre, demandent des ajustements. Des catégories d'établissements doivent traduire la volonté de les définir davantage en fonction des clientèles et des populations à desservir. Oui, si on veut les changer, c'est parce qu'il existe des problèmes actuellement. Dans le but d'assurer la continuité des services à leur clientèle, les établissements ont, au fil des années, graduellement élargi leur champ et vous voyez ça un peu partout. Grandir l'empire et, effectivement, il y en a qui ont suffisamment bien réussi pour être à peu près en possession de tout ce qui peut bouger dans une région. Tous se sont institues comme la porte d'entrée du système et ont augmenté leurs services par le développement de leurs propres services à domicile ou de leurs ressources intermédiaires. (16 heures)

Les missions sont donc revues et ce que nous faisons, nous définissons le noyau dur, ce qui est essentiel à la mission à l'intérieur du projet de loi, essentiel et aussi distinctrf puisqu'il faut, par conséquent, que ce sort essentiel, mais aussi distinctrf. Nous ne défendrons pas aux conseils d'administration ou aux établissements d'ajouter au noyau dur et au noyau distinctif. On permettra de le faire, mais dans la mesure où il y aura acceptation de la régie régionale, donc qu'il y ait complémentarité, complicité à l'intérieur de la région pour que de tels services puissent être ajoutés à tel centre d'accueil d'hébergement, tel centre hospitalier ou tel CLSC. Dans ce sens-là, ça prendra des plans régionaux d'organisation de services. Et c'est à l'intérieur de ces plans que nous réussirons ou que nous pourrons ajouter des services à un établissement déjà reconnu.

Il est clair - et qu'on se le dise partout à travers le Québec - les CLSC deviennent l'établissement par excellence de première ligne, que ce soit en ville, que ce soit dans le milieu rural; nous en sommes rendus là maintenant. Et il n'y a personne qui m'impressionne en me disant qu'aujourd'hui les CLSC ne reçoivent que 4 % de la population. Non, il faut leur donner les moyens de recevoir la population et il faut faire ce travail-là; c'est un travail extrêmement important que nous devrons faire.

Donc, si les CLSC sont l'établissement de première ligne, ça signifie que les autres recevront, sur référence de la première ligne, et ça m'apparaît extrêmement essentiel pour être capable de bien ordonnancer l'ensemble de notre système.

De plus, les catégories doivent refléter le plus possible les clientèles à desservir, non pas maintenant des services en fonction de l'établissement, mais des services donnés par clientèle. Il faut donc éviter d'avoir deux catégories d'établissements qui ont des missions identiques. Je pense aussi aux centres d'accueil et d'hébergement et aux centres hospitaliers de soins de longue durée. Il faut également que la catégorie reflète le champ d'action privilégié de l'établissement par rapport à une clientèle à desservir.

En conséquence, le projet de loi 120 propose de regrouper les catégories centres hospitaliers de soins longue durée et centres d'accueil et d'hébergement en une seule, soit le centre d'hébergement et de soins de longue durée, crée un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse pour chacune des régions du Québec, sauf à Montréal, afin de recentrer la mission des centres de services sociaux sur la protection de l'enfance et de la jeunesse, crée aussi cinq catégories d'établissements: les CLSC, les centres hospitaliers généraux et spécialisés et psychiatriques, les centres de réadaptation, les centres d'hébergement et de soins de longue durée et les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse.

Donc, c'est clair. Des missions beaucoup plus claires, pas de duplication et des champs bien définis, avec un noyau dur et avec la possibilité d'ajouter des services dans le périphérique, mais dans la mesure où ça correspond aux plans régionaux d'organisation de services et non pas décidé par l'établissement lui-même, mais décidé par la planification régionale de telle sorte qu'on fasse les économies de ressources qu'il faut, en ayant toujours à l'esprit que ça doit viser des clientèles et que ce soit, d'abord et avant tout, les clientèles qui soient concernées.

Au niveau de l'organisation des établissements, le projet de loi 120 traite de l'organisation des établissements de la santé et des services sociaux. Il précise leur rôle. Il y en a 4. Pas 21, pas 30, pas 40, mais 4 qui sont très clairs. La qualité de dispensation des soins, deuxièmement, la qualité de la gestion de la ressource humaine, troisièmement, la qualité de la gestion de la ressource financière et, quatrièmement, la qualité des services dispensés aux citoyens consommateurs.

Un nouveau mode d'organisation est donc institué afin de corriger le manque de complémentarité. Pensons au développement parallèle, pour ne citer que quelques exemples. Des hôpitaux de jour dans des centres hospitaliers de longue durée et des centres de jour dans des centres d'accueil. De l'hôpital à domicile et des services intensifs de maintien à domicile. Pensons à la compétition que je qualifie de déloyale entre établissements d'un même réseau. Chacun veut organiser tous les services pour répondre à l'ensemble des besoins de la clientèle.

Le projet de loi introduit donc un nouveau mode d'organisation des conseils d'administration des établissements publics, prévoyant qu'un conseil d'administration pourra administrer plusieurs établissements sur un territoire donné. Des conseils d'administration unifiés s'appliqueront, entre autres, pour les établissements oeuvrant auprès des personnes âgées, des jeunes et des personnes handicapées. Des conseils d'administration spécifiques seront maintenus pour les CLSC, pour les centres hospitaliers, pour les centres d'hébergement et de soins de longue durée ayant plus de 50 lits de soins généraux et spécialisés, les centres hospitaliers universitaires et les instituts universitaires.

Qu'en est-il de la composition des conseils d'administration? Le projet de loi revoit donc la composition des conseils d'administration, le mode de désignation de leurs membres et les règles de fonctionnement qui leur sont applicables. Le projet de loi fera en sorte que les citoyens soient majoritaires au conseil d'administration et, ça, c'est extrêmement important. Si on veut redonner au citoyen le réseau, il faut lui redonner les établissements et il faut qu'il s'implique, décide et administre les établissements. Donc, dans toutes les catégories, les conseils d'administration seront dominés, sur le plan du nombre, par des citoyens qui devront donc être majoritaires. Il permet - et ça c'est différent de ce qu'on avait entendu en commission parlementaire - au personnel d'être présent sur des conseils d'administration. On a eu beaucoup de discussions en commission parlementaire où les gens sont venus nous dire: Nous sommes attachés à notre institution, on peut apporter des choses très importantes au niveau des discussions du conseil d'administration. On nous a dit: Pourquoi priver le conseil d'administration de l'expertise d'un médecin qui aurait des choses à dire pour éclairer les citoyens qui ont à décider au niveau du conseil d'administration? On s'est donc rendus à ces demandes et il y aura un médecin, il y aura une infirmière et il y aura un autre travailleur, donc, trois personnes qui seront membres du conseil d'administration.

Quant aux structures internes, les postes dans les établissements, ça a fait l'objet de plusieurs discussions et, dans la loi actuelle, on se retrouve avec des CMDP, des CCPC, des CCDG, des chefs de département, des directeurs de soins infirmiers, des directeurs de soins médicaux et ils sont tous définis à l'intérieur de la loi. Je pense qu'il nous faut davantage responsabiliser les conseils d'administration sur leurs rôles - les quatre que j'ai évoqués tantôt - et que ça doit devenir leur responsabilité de définir les structures dont ils ont besoin afin d'être capables de remplir les quatre rôles qu'on leur confie.

Je l'ai dit à maintes reprises, je le répète - et ce n'est péjoratif pour personne - il n'y a pas un chat à travers le Québec qui va réussir à me convaincre que nous avons besoin des mêmes structures à l'hôpital de Sainte-Anne-des-Monts en Gaspésie - mon lieu d'origine - où il y a 100 lits par rapport à un autre hôpital, que ce soit Notre-Dame ou d'autres, où il y a 1000 lits. Non, ce n'est pas vrai. Personne ne va me faire la démonstration que ça prend la même structure pour être capable de remplir les mêmes rôles. Et la loi a le défaut, actuellement, d'avoir pris un modèle exemplaire qui s'applique, effectivement, dans certaines institutions, mais qui ne s'applique pas dans la majorité des institutions. Par conséquent, il faut redonner de l'oxygène au niveau des établissements sur le plan local. Quand on prend des pouvoirs à Québec et qu'on les envoie en région, ce n'est pas pour qu'ils étouffent en région. C'est pour qu'on continue le mouvement pour faire en sorte que l'on donne aussi au pouvoir local de l'oxygène pour qu'il puisse s'administrer et remplir les fonctions qui lui sont dévolues.

Dans les échanges que j'ai eus avec mon bon ami Augustin Roy, de la Corporation des médecins, le Dr Saint-Georges, en particulier, m'a fait la démonstration in extremis de certains écueils si nous avions éliminé de la loi le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Il ne m'a pas totalement convaincu, mais il m'a suffisamment ébranlé pour que je ne prenne pas de chance et que je maintienne, dans la loi, pour les centres hospitaliers, le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens. Il est donc maintenu. En contrepartie, nous créons le CM, le Conseil des infirmières et infirmiers qui, lui aussi, a sa place à l'intérieur d'un centre hospitalier, avec des fonctions très spécifiques qui sont définies à l'intérieur de la loi et qui sont décrites dans la réforme. (16 h 10)

Donc, M. le Président, je dis à tous ceux qui, aujourd'hui, s'inquiètent de ne pas se voir mentionnés tels qu'ils sont actuellement, que ce soient les directrices de soins infirmiers ou les autres, DSP, ainsi de suite, à travers le Québec, qui sont inquiets, à l'intérieur de la loi, il y a une clause crépusculaire qui fait en sorte que, pour les trois prochaines années, il y a possibilité de maintenir les structures actuelles, laissant le soin à chacun des établissements, d'ici là, de s'entendre sur une nouvelle structure oganisationnelle qui permet de remplir les quatre

fonctions. Et à partir du moment où on s'est entendus, on le signifiera à la régie régionale et au ministre, et ce sont ces nouvelles structures qui entreront en fonction. Si on ne s'est pas entendus d'ici à trois ans, dans trois ans, excepté le Cl et le CMDP, les structures tombent; c'est ça, le portrait très clair. Vous avez donc trois ans pour faire en sorte de vous adapter aux nouvelles circonstances. Et si vous décidez de maintenir, au niveau de votre établissement, exactement les mêmes organisations que vous avez maintenant, vous pourrez le faire. Mais, au moins, ce que nous faisons: on vous donne la possibilité de vous servir de l'oxygène. Si vous décidez de ne pas vous en servir, c'est que vous aurez jugé ne pas vous en servir. Vous pourrez donc, sans que ce soit campé de manière irrémédiable à l'intérieur de la loi, apporter toute la souplesse qu'il faut sur le plan organisationnel, si vous avez dans l'esprit que votre priorité, c'est le citoyen et que c'est d'abord le citoyen et l'usager qu'il faut privilégier.

Donc, le projet de loi crée le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens et le Conseil des infirmières et infirmiers, avec le mandat suivant et avec le même mandat: apprécier la pertinence, la qualité et l'efficacité des soins infirmiers, évaluer et maintenir la compétence de leurs membres, donner leur avis sur les règles et les soins infirmiers applicables dans le centre. Voilà, pour les structures et l'esprit même dans lequel ça a été fait. Et je suis pleinement convaincu que ceux qui réussiront le mieux sont ceux qui vont accepter de prendre de l'oxygène et de modeler, à leur manière, les structures qui sont les plus à même de faire en sorte qu'on ne les fait pas pour les producteurs, mais on les fait davantage pour donner aussi de l'oxygère à notre usager et à notre citoyen. Et dans ce sens-là, je suis pleinement convaincu que ce sera très bien accepté et très bien connu.

M. le Président, abordons maintenant les médecins. Le projet de loi met en place des dispositions législatives afin d'assurer une meilleure répartition des médecins entre les différentes régions administratives du Québec. Vous savez, de ce temps-là, mes collègues et moi sommes à peu près inondés de téléphones de jeunes étudiants universitaires qui ont appris, par l'entremise de quelqu'un - je ne sais pas qui - qui a probablement d'autres intérêts que de dire la vérité, qu'ils seraient littéralement obligés de se retrouver dans les régions du Québec pour pratiquer la médecine. "C'est-y" pas écoeurant, M. le Président! C'est absolument abominable que d'être obligé - imaginez-vous, là - demain matin, comme médecin, d'aller pratiquer à Rimouski, d'aller pratiquer à Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue. C'est le bout du monde, vous savez. C'est extraordinaire. Il n'y a pas d'êtres humains qui demeurent dans ces régions-là, qui ont besoin de soins. Bien, je leur dis aujourd'hui: Vous avez du chemin à faire avant de me convaincre qu'on ne doit pas, nous, comme législateurs, faire ce que nous devons faire pour faire en sorte que la société, qui vous a très bien organisés, dans le sens que vous êtes acceptés parmi les 575 privilégiés - que ça vous plaise ou pas - qui, chaque année, sont acceptés en faculté de médecine, qui n'avez, à partir de ce moment, aucune espèce de crainte quant au niveau de rémunération, quant aux possibilités d'avoir des clients, en plus des études, en bonne et très large partie, payées par l'État... Vous n'aurez donc jamais de problème de clientèle, si vous voulez travailler. Vous n'aurez aussi jamais de problème de paie parce que la paie est garantie, et pas des petits salaires, s'il vous plaît! On ne parle pas de 5,50 $ l'heure, ce n'est pas de ça qu'on parle. Et qu'il n'y ait pas, en retour de ces avantages et de ces privilèges, des droits que l'on doit respecter vis-à-vis de la population du Québec? Moi, je vous dis tout de suite: Ne partez pas de campagne, vous allez la partir pour rien et vous allez dépenser des énergies pour rien. Et d'aucune manière, il m'apparaît très clair que personne ne me fera changer d'idée sur les responsabilités des individus vis-à-vis des autres individus payeurs de taxes à travers le Québec. Dans ce sens-là, il y a des gens, des malins, qui tentent de faire accroire qu'ils ne pourront plus pratiquer la médecine libre dans les grands centres puisqu'ils seront littéralement obligés d'aller pratiquer, imaginez-vous, dans Bellechasse. Aïe! N'est-ce pas extraordinaire? À 20 minutes et une demi-heure de Québec. C'est épouvantable, vous savez. Et ils vont être obligés demain matin d'aller soigner des gens de Sainte-Thérèse-de-Gaspé, évidemment, comme s'il n'y avait pas d'avion pour y aller et comme s'il n'y avait pas de route qui se rend là non plus. C'est tout à fait exceptionnel. Moi, je vous dis que vous aurez, malgré tout cela, la liberté de pratiquer à Québec, de pratiquer au centre-ville de Montréal, mais à partir des plans d'effectifs médicaux et j'aurai aussi la liberté de décider comme gouvernement combien ça vaut, comment ça se paie. Pour bien nous faire comprendre de la part des individus qui comprennent aujourd'hui, qui nous entendent, des citoyens de ces régions ou sous-régions du Québec, qui sont en attente de services-Vendredi dernier, je faisais une ligne ouverte à CJRP, à Québec, et il y a une dame de Bellechasse qui téléphonait, qui disait: M. le ministre, est-ce que ce serait possible d'avoir des médecins les fins de semaine dans Bellechasse au cas où je serais malade, pour m'éviter d'aller à 40 milles plus loin, à la salle d'urgence de l'hôpital de Montmagny? On en a cinq jours par semaine à notre CLSC, mais on n'en a pas les fins de semaine. Ce n'est pas le voisin là, c'est une citoyenne, payeur de taxes, consommateur qui me disait ça. Si c'est vrai là, c'est vrai aussi ailleurs. Moi, je me dis: Ma responsabilité à moi,

c'est de faire en sorte qu'il y ait des médecins partout. Mais je veux aussi dire aux citoyens du Québec, parce que ça m'apparaît extrêmement important, qu'aujourd'hui nous avons fait des efforts jusqu'à maintenant, nos prédécesseurs qui ont occupé les fonctions que j'occupe et moi et Mme Lavoie-Roux, pour donner de l'intérêt, on appelle ça de ('"incentive" à ces gens pour faire en sorte qu'ils puissent se retrouver en région et qu'ils aient quelques compensations financières pour leur permettre de s'installer.

Je veux juste vous prendre le portrait d'un omnipraticien et d'un spécialiste qui auraient bénéficié de l'ensemble des mesures que nous avons faites jusqu'à maintenant - et c'est possible - pour vous dire que, recevant son salaire à 100 %, s'il gagne 130 000 $, 140 000 $ ou 150 000 $ ou, à l'occasion, 200 000 $ comme spécialiste, on ne parle même pas de ça. On parle du salaire de base, 100 % bien payé. Un omni qui aurait profité de tout pourrait aller dans une sous-région du Québec, pourrait bénéficier de jusqu'à 200 000 $ sur quatre ans, donc 50 000 $ par année au-delà des 100 % du salaire qui lui est dévolu, pour qu'il s'implante dans les régions du Québec et le spécialiste, lui, 288 000 $ sur quatre ans, donc vous faites la division, et ça vous donne ce que ça donne en termes de rémunération additionnelle, que soit des avantages pour l'implantation, pour le ressourcement ainsi de suite. Et, malgré tout cela, on est encore avec des problèmes extrêmement importants à travers le Québec, dans les sous-régions du Québec, pour un certain nombre d'omnis et aussi pour des spécialités de base. Je ne suis pas de ceux, et je ne serai pas de ceux qui vont pleurer sur le sort de ces individus qui, aujourd'hui, se sentent brimés par la société et que c'est une atteinte fondamentale à leur liberté personnelle d'exercice à travers le Québec. Moi, je vous dis qu'il y a aussi la liberté des individus à être soignes à travers le Québec, parce que ces individus paient des taxes, comme tout le monde, qu'ils soient de Sainte-Thérèse-de-Gaspé, qu'ils soient de Senneterre en Abitibi ou qu'ils soient du Saguenay-Lac-Saint-Jean; ils paient les mêmes taxes que les citoyens qu'ils soient de Québec ou de Montréal. Et notre priorité à nous est de faire une loi qui permette a ces individus de recevoir des services non pas ultraspécialisés, mais des services adaptés à leurs besoins. Et je dis à M. Brassard, qui représente les résidents du Québec et qui nous a dit la semaine dernière que ça allait contre sa culture que d'aller pratiquer la médecine au niveau des régions du Québec, que c'est, dans certains cas, l'exemple parfait de ce que donne la cote z - c'est clair - et qu'à l'occasion il faut, bien sûr, faire en sorte que des spécialistes de base puissent se retrouver dans les régions du Québec pour dispenser des services à ces êtres humains qui, eux, ont accepté d'être dans les régions du Québec. (16 h 20)

Je dis, au-delà de tout ça, M. le Président, que nous devons, comme gouvernement, prendre nos responsabilités pour nous assurer que les chirurgiens généraux et les médecins de médecine interne puissent être formés en plus grand nombre parce que ce sont ces spécialités de base qui sont nécessaires à la dispensation des services au niveau des régions. L'âge moyen des chirurgiens généraux aujourd'hui est de 64 ans. Comme il faut 10 ans pour en former un, c'est clair que nous nous retrouvons presque en rupture, avec un manque absolument important.

Est-ce qu'on est mieux comme société ou comme décideurs publics de faire en sorte de forcer la main à ceux qui ont le privilège d'être acceptés en médecine ou en spécialité d'aller en chirurgie générale pour être capables d'opérer une fracture à Sainte-Anne-des-Monts ou de dire au citoyen: cours donc après le médecin, toi, avec ta fracture, on va te monter en ambulance de Sainte-Anne-des-Monts à Québec pour te faire opérer parce qu'ils sont à Québec? Je pense que la capacité des citoyens d'absorber ce genre de choses à travers le Québec a atteint ses limites, c'est à ça qu'on doit s'attaquer et c'est à ça, à cet abus du système que nous devons nous attaquer.

En ce sens-là, les médecins qui sont dans les régions du Québec, au moment où nous nous parlons - je veux m'adresser à eux de manière particulière - ceux qui ont accepté, de bon gré ou de mauvais gré, d'aller travailler un peu partout - je vois le député de Matapédia qui est ici - à Amqui par exemple, pendant cinq ans, pendant sept ans, pendant nuit ans, à Baie-Comeau, un peu partout à travers le Québec, dans les régions éloignées, qui ont accepté d'aller donner du service là-bas, il n'est aucunement question pour nous comme gouvernement de les brimer quant à la possibilité de revenir pratiquer dans les régions des grands centres parce qu'ils ont donné du service à travers les régions et nous allons respecter ça. Nous allons prendre les moyens pour les respecter.

Dans ce sens-là, M. le Président, oui, effectivement, nous devons faire ce que nous faisons aujourd'hui parce que les plans d'effectifs médicaux qui ont été efficaces ont été aussi contournés au fil des années. Je dis aux jeunes médecins, vous qui avez été admis en pratique au fil des dernières années, vous étiez, en 1985, 20 % à vous installer en cabinet privé, sans droit de pratique, sans affiliation de pratique avec un établissement du réseau. En 1988-1989, vous étiez 55 % et, en 1989-1990, avec les tendances que l'on connaît, vous êtes maintenant 65 %. Et c'est totalement inacceptable parce qu'il y a des besoins dans les centres hospitaliers, il y a des besoins dans les cliniques privées et il y a aussi des besoins dans les CLSC et dans les centres d'accueil et d'hébergement et c'est ça que nous devons combler et c'est ça que visent les différentes mesures que nous adoptons. Donc, il

y aura, M. le Président, une enveloppe fermée de la Régie de l'assurance-maladie du Québec.

Je sais que vous me signifiez que mon temps achève, c'est clair que nous aurons et que nous pourrons en discuter encore éventuellement. Je me devais de passer le message que je passe compte tenu des téléphones que nous avons ces jours-ci. M. le Président, je rencontrerai les étudiants de la Faculté de médecine, puisqu'ils me l'ont demandé, au mois de janvier avec beaucoup d'intérêt mais avec un message très clair qui prend sa base dans ce que j'ai dit ici, aujourd'hui, que je leur répéterai au mois de janvier quand je les rencontrerai. Je ne suis pas de ceux qui vont fuir leurs responsabilités, je vais les défendre jusqu'au bout et, s'il le faut, chez vous.

M. le Président, les organismes communautaires ont été extrêmement présents au niveau de la commission parlementaire, défendant leur dossier, faisant l'exemple et démontrant que les organismes communautaires avaient dans notre société été, dans plusieurs des cas, initiateurs de bons projets et que nous nous devions de faire en sorte que le réseau n'accapare pas les bonnes initiatives au niveau des organismes communautaires. Nous les reconnaissons donc dans le projet de loi 120 de manière très claire avec leur autonomie. Ce que nous faisons aussi, nous transférons aux régies régionales la responsabilité de financer les organismes communautaires de niveau local avec un budget de base, donc un plancher protégé. Nous reconnaissons que la responsabilité du financement des regroupements en est une de niveau provincial et nous la gardons comme responsabilité. Ce que nous ferons, au fil des prochaines années, avec les regroupements provinciaux, c'est de définir des moyens adaptés pour la reddition de comptes. Donc en fonction de leur financement, nous ferons, avec eux, les grilles d'évaluation qui doivent être différentes d'un centre hospitalier qui est financé à 100 % par l'État. Nous ferons de même manière avec eux et élaborerons les programmes sur le plan provincial qui doivent servir les fins qu'ils veulent.

En terminant, les régies régionales sont des régies qui seront créées et qui remplaceront les conseils régionaux des services de la santé et des services sociaux que nous connaissons maintenant. Il y en aura donc 17 à travers le Québec qui puiseront leur force et leur base à l'intérieur même de chacune des régions du Québec puisque 40 % des gens qui formeront l'assemblée constituante proviendront des établissements et seront des citoyens qui ne seront pas payés; 20 % proviendront du monde municipal, 20 % des organismes communautaires et 20 % du monde socio-éducatif et culturel. Cette assemblée constituante déléguera la responsabilité de l'administration à 21 personnes qui formeront le conseil d'administration avec le respect des mêmes proportions.

M. le Président, ces régies régionales devront effectivement être imputables au gouvernement et elles auront comme responsabilité de faire des plans régionaux d'organisation de services et de faire des attributions financières en fonction des plans régionaux d'organisation de services. La manière dont ça va se passer n'est pas très compliquée; au début de 1992, on va former les nouveaux conseils d'administration des établissements de telle sorte qu'à la fin mars 1992 on puisse créer les régies régionales, et on transférera, par la suite, aux régies régionales, la responsabilité des programmes un à un. Le premier transféré sera celui des personnes âgées; le deuxième sera donc la jeunesse, ainsi de suite jusqu'à l'horizon 1997-1998, de telle sorte que les régies régionales auront à ce moment-là l'ensemble des responsabilités.

En terminant et en conclusion, ce projet de loi mérite mieux que d'être présenté en une heure, mais les règlements de l'Assemblée doivent être respectés, M. le Président. J'ai tenté de vous en faire un bon résumé. Il touche directement l'ensemble de la population du Québec. Il vise principalement à revoir les responsabilités, les fonctions des acteurs dans le système ainsi que certaines règles du jeu. Ce projet de loi n'est pas toute la réforme puisque, je l'ai dit tantôt, il y aura la politique de santé et de bien-être, mais il constitue une pièce extrêmement importante de cette réforme. Il doit donc recevoir l'accord, le plus rapidement possible, des parlementaires car les citoyens et les citoyennes du Québec attendent ce jour depuis déjà cinq ans. Il est essentiel car il permettra d'avoir de meilleurs services de santé et de services sociaux, du moins je l'espère, et on va travailler avec acharnement pour que ce soit le résultat. Il permettra d'avoir un système qui pourra se comparer encore très avantageusement avec d'autres systèmes à travers le monde. J'y crois profondément puisque, en faisant le pari qu'un système doit être axé, orienté, dédié aux citoyens du Québec, nous avons fait le bon pari et que, par conséquent, les solutions que nous avons choisies sont les solutions les plus adaptées à la situation que nous voulons défendre. Merci, M. le Président,

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Sur ce même projet de loi, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. M. le député.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. Évidemment, nous en sommes donc à la première déclaration officielle de l'Opposition, suite au dépôt de ce projet de loi, le projet de loi 120, sur la réforme de la santé et des services

sociaux au Québec.

Le ministre l'a bien rappelé, et il est important, pour bien situer les gens, de dire dans quel contexte se déroule ou se déroulera cette réforme, en taquinant un peu le ministre dès le départ, en lui disant que son audience n'a pas été comme à Charlesbourg, si bien orchestrée et si largement étendue, puisque, cet après-midi, il a encore le fédéral dans les pattes, bien sûr, puisque, de l'autre côté, dans le salon rouge, le ministre a encore le fédéral dans les pattes, même si, à l'intérieur de son projet de réforme, il nous... (16 h 30)

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, si vous me permettez.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, sur une question de règlement, M. le ministre?

M. Côté (Charlesbourg): Oui, M. le Président. Je veux juste dire au député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue que ce qu'il fait n'est pas chrétien.

Des voix: Ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, votre message est passé. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Trudel: Les gens qui nous regardent, et à tous les gens qui nous regardent, M. le Président, comme le ministre de la Santé et des Services sociaux m'a offert un bon dictionnaire, vendredi dernier, chacun aurait avantage à aller voir la définition de ce qu'est un bon chrétien dans le dictionnaire. Le ministre constatera que sa remarque est très juste, probablement.

Alors, M. le Président, oui, l'Opposition officielle est prête à déclarer et à dire qu'il s'agit ici d'un virage majeur et d'un virage qui s'imposait au niveau de nos services de santé et de nos services sociaux au Québec. Je ne serai pas tellement long là-dessus, bien sûr, puisque le ministre l'a rappelé lui-même, c'est un gouvernement du Parti québécois, c'est mon collègue du comté de Joliette, Guy Chevrette, qui a déclenché cette enquête, cet examen de tout le fonctionnement de notre système de dispensation des services de santé et des services sociaux, et cette commission Rochon nous a donné des recommandations, nous a fait un diagnostic, pardon, au départ, de ce système, un diagnostic assez impressionnant.

Il a regardé sous toutes ses coutures ce système que nous avions institué au tournant des années soixante-dix en nous disant: Oui, il nous faut des ajustements majeurs à ce système et aussi - c'est ce que la commission Rochon nous a rappelé en premier, les conclusions - il nous faut préserver les bases essentielles de ce système puisque nous avons un bon système, que les principes qui sont à la base ne doivent pas être remis en cause et, s'il y a de l'ajustement dans la mécanique, mais de l'ajustement majeur, réalisons, en collaboration avec ceux et celles qui font le système, ces ajustements majeurs, mais préservons les acquis parce que, dans la société québécoise, on s'est donné un bon régime qui est envié par beaucoup de pays.

Le ministre rappelait avec beaucoup de justesse, il y a quelques secondes, que même aux États-Unis on se souvient toujours de ces croisades et de ces déclarations du sénateur Edward Kennedy, à savoir: comme objectif de société de servir les citoyens d'une communauté ou d'un pays, le régime que nous nous étions donné au Québec est un régime qui a peu de comparaisons dans le monde et les acquis de ce système-là peuvent servir à d'autres pays, même aux États-Unis. Ce n'est pas peu dire.

Et on y reviendra, M. le Président, j'y reviendrai personnellement dans cette intervention, à la fin de mon intervention, en se demandant si, précisément, les ajustements mécaniques qui nous sont proposés par le ministre aujourd'hui, qui sont proposés dans ce projet de loi 120, si, à des endroits, nous ne sommes cependant pas en train de glisser vers une certaine américanisation de notre système de santé et des services sociaux, en rappelant, encore une fois, cette démarche qui a été introduite par un gouvernement du Parti québécois, poursuivie à travers une commission qui a fait des audiences et qui a examiné le système sous toutes ses coutures et, également, la publication d'un document d'orientation par l'ex-ministre, Mme Lavoie-Roux, qui avait fait une tournée du Québec et qui avait consulté un bon nombre de personnes pour en arriver à un certain nombre de conclusions et pour déposer, à la fin de la session de 1989, avant le déclenchement des élections générales, un avant-projet de loi et, là-dessus, c'est important de le noter, M. le Président, un avant-projet de loi qui voulait donner suite à ce document d'orientation, suivi, bien sûr, l'hiver dernier, de cette commission parlementaire où beaucoup de groupes ont pu se faire entendre.

Quelques remarques déjà là-dessus, M. le Président. Les acteurs du système, les gens qui ont bâti avec nous ce bon système de dispensation des soins de santé et des services sociaux au Québec, ont été appelés, en dernière instance, à l'hiver 1990, à venir nous dire non pas ce qu'ils pensaient de la réorientation du système de santé et des services sociaux au Québec, mais bien à venir nous dire ce qu'ils pensaient d'un avant-projet de loi ou du contenu d'un avant-projet de loi déposé par Mme Lavoie-Roux, au printemps 1989, et de nous dire, de dire aux législateurs et aux membres de la commission parlementaire quelles étaient les dimensions avec lesquelles ils étaient en accord, les dispositions avec lesquelles ils étaient en désaccord et les

suggestions qu'ils avaient à faire au système.

Et là-dessus, malgré cet effort louable, un effort qui a demandé une somme d'énergie assez impressionnante de la part du gouvernement et de la part des membres de l'Opposition - le ministre en a convenu - je suis obligé de déplorer, dans un premier temps, que les gens qui nous ont rencontrés en commission parlementaire sont venus se prononcer sur un avant-projet de loi. Et j'ai été impressionné et je suis obligé de le constater, j'ai été obligé de le constater au début de la commission parlementaire et pendant toute la durée de la commission, que les gens, par exemple, ont mis une somme d'énergie extraordinaire à venir contester cette notion de conseils d'administration unifiés sous la forme prévue dans le projet de loi de Mme Lavoie-Roux.

C'est comme si la dimension était tellement grosse, tellement démesurée, tellement irréaliste que la presque totalité des groupes ont passé une grande partie de leur temps, une grande partie de leur exposé à nous dire: Ça, ça ne peut pas fonctionner; ça, ça ne marchera pas. Et comme ces gens, évidemment, s'étaient basés sur l'a-vant-projet de loi qui avait été déposé ici, à l'Assemblée nationale, ils en ont pris les dimensions les plus majeures, les dimensions qui leur semblaient les plus irréalistes et, à cet égard, ils ont donc porté l'objet de leur examen, l'objet de leurs critiques, l'objet de leurs suggestions à partir d'un projet de loi que le ministre a remis en cause lui-même, dès le départ de la commission parlementaire, en disant: Bon, c'a été déposé par une de mes collègues qui n'est plus au Conseil des ministres maintenant, je vous dis que j'ai l'intention d'y apporter des modifications majeures. Et on doit dire aujourd'hui, effectivement, qu'il y a des modifications majeures qui ont été apportées à ce projet de loi. Cependant, les gens que nous avons reçus, M. le Président, n'ont pas porté leurs observations sur le véritable projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui et ça, c'est un problème majeur puisqu'on s'est prononcé sur un faux objet. On a donné nos opinions, on a donné nos orientations, on a contesté un certain nombre de mécanismes prévus à ce projet de loi, mais ce n'était pas le bon projet de loi, c'était un autre projet de loi. Voilà qui est bien établi.

Je veux, cependant, prendre les premières minutes de cette intervention, M. le Président, pour souligner, oui, les éléments positifs que nous retrouvons dans cette réforme qui, je le disais au départ, effectivement, va permettre de réaliser un virage important dans la dispensation de nos soins de santé et de nos services sociaux. Dans la deuxième partie de cette présentation, il faut quand même dire aux gens qu'il y a un certain nombre de, ce que nous avons appelé du côté de l'Opposition, vices cachés dans cette réforme et ces vices, ils sont importants.

Mais commençons par les éléments positifs parce que nous reconnaissons, de ce côté-ci de la Chambre, M. le Président, qu'il y a un effort majeur qui a été fait, un effort de réflexion majeur et que le positionnement, la réponse... Un certain nombre de situations dans notre système de santé et de services sociaux trouvent des réponses dans ce projet de loi. D'abord, d'avoir axé cette réforme sur le citoyen, eh bien, ça peut apparaître une vérité de La Palice de dire: Nous allons orienter le système en fonction de ceux et celles qui ont besoin de services de santé et qui ont besoin de services sociaux. Ça peut paraître, effectivement, aller de soi que, dans un projet de loi, on dise: Ce projet de loi est fait pour les citoyens et les citoyennes sauf qu'on a vu suffisamment d'actes législatifs, on a suffisamment vu d'organismes, en particulier, dans le système de santé et des services sociaux, qui se définissaient souvent par rapport, oui, aux producteurs du système et non pas par rapport aux gens que nous devions servir et, là, il y a un effort notable. (16 h 40)

Le deuxième virage, évidemment, M. le Président, c'est le virage de la régionalisation. Là-dessus, c'est une réclamation depuis un grand nombre d'années de la part du Parti québécois. Nous pensons que les gens des régions du Québec sont capables de définir la bonne forme que doit prendre la dispensation des services de santé et des services sociaux à travers le Québec. Il y avait comme un acte de foi à faire dans les régions du Québec. La création de 17 régies régionales apporte réponse à cette dimension longtemps recherchée dans le système. Eh oui, puisque nous voulons que les services de santé et les services sociaux soient d'abord prévus, soient d'abord organisés en fonction des citoyens, la meilleure façon d'y arriver, c'est que l'organisation de ces soins de santé et de ces services sociaux dépendent d'une instance régionale. Et il y a là un virage majeur. Il y a des dangers dans ce virage majeur. Il y aura à se creuser les méninges jusqu'au tréfonds de nous-mêmes pour éviter que ces régies régionales ne constituent de nouvelles technocraties ou de nouvelles bureaucraties qui nous amèneront des effets pervers plus grands que le bien que nous voulons y instaurer ou y réaliser, en termes de dispensation des services, mais reconnaître que l'effort de régionalisation est majeure, reconnaître également que de placer les CLSC, les 158 CLSC du Québec comme véritables établissements de première ligne, la porte d'entrée du système, voilà une très longue réclamation du côté de l'Opposition.

Et, encore là, nous aurons à revenir sur les véritables dimensions de la réalisation de cette mission. Mais déjà de définir au niveau des intentions et de définir au niveau des mécanismes, que ce sera la véritable porte d'entrée du système, le Centre local de services communautaires, le CLSC, c'est véritablement une institu-

tion qui a fait sa marque au Québec, qui a fait ses preuves, malgré des difficultés financières, des difficultés d'effectifs, malgré des difficultés d'organisation assez immenses, malgré des retards à rattraper. C'est une institution qui fait maintenant partie de la fibre intime de toutes les couches de la population au Québec. Et il était temps que nous inversions la pyramide et que nous disions d'abord: C'est par notre organisation communautaire, le CLSC, c'est la forme que ça a pris au Québec... On va entrer dans le système par cette porte-là.

Ça ne veut pas dire qu'il n'y aura pas d'autres éléments par lesquels nous pourrons aborder les services de santé ou les services sociaux mais, d'abord et avant tout, c'est le CLSC comme porte d'entrée, et ça, nous reconnaissons cet élément comme majeur au niveau de la réorganisation du système.

L'intention du législateur également d'examiner toutes les pratiques alternatives ou ce qu'on appelle généralement les thérapies alternatives. Pas grand-chose de concret dans le projet de loi au niveau de la reconnaissance. C'est un problème immense; c'est une situation explosive quelque part, puisqu'il se répand au Québec toutes sortes de pratiques, les unes qui peuvent être considérées - on verra à la commission parlementaire - comme pouvant souscrire à l'amélioration et au mieux-être de la population qui pourrait y avoir recours. Mais il faut, dans ce secteur, procéder avec extrêmement de minutie, une extrême attention, puisqu'il ne s'agit pas non plus, en quelque sorte, de déraper et que tout puisse se faire à tous les coins de rue, de n'importe quelle façon. Mais il y aura là-dessus des éléments étudiés par une commission parlementaire qui va examiner la question des thérapies alternatives au Québec.

Reconnaître également l'intention du législateur et du ministre de la Santé et des Services sociaux de faire un virage au niveau des personnes âgées. Insuffisant, à notre avis... J'y reviendrai, mais je veux d'abord, dans un premier temps, souligner les bons coups. Un des communiqués de presse qu'a émis l'Opposition suite à la publication de la réforme, ça portait pour titre, M. le Président: Du bon, du très bon et de l'inacceptable.

On ne veut pas, ici, jouer le rôle d'étei-gnoir, jouer le rôle de l'Opposition traditionnelle qui va s'opposer à tout, parce qu'elle doit s'opposer. Nous reconnaissons d'emblée un certain nombre de mesures qui sont importantes, qu'il fallait imposer, en quelque sorte, dans le système, mais d'autres - j'y reviendrai à la fin - qui sont inacceptables, puisqu'elles brisent un certain nombre de principes fondamentaux du système.

Donc, au niveau des personnes âgées, on connaît la situation et la proportion des personnes qui font maintenant partie du troisième âge et, surtout, compte tenu de la pyramide d'âge, compte tenu du phénomène de dénatalité au Québec croisé avec le phénomène de ce qu'on appelle généralement le "baby boom" de la Deuxième Guerre mondiale, nous nous retrouvons avec une population vieillissante. Nous nous retrouvons aussi, malheureusement, avec une carence de services assez extraordinaire pour ces personnes, de la négligence, de l'imprévoyance. On fait en sorte qu'en 1990, au tournant de l'année 1991, nos personnes âgées, la proportion de la population qui est dans cette catégorie de personnes, se retrouvent avec un certain nombre de difficultés grandissantes et ce sentiment de manque de services fait en sorte qu'on augmente, chez ces personnes, le niveau d'insécurité. Plus que cela, le plus simplement du monde, à beaucoup d'endroits à travers le Québec, on ne peut pas donner des services adéquats aux personnes âgées qui en ont besoin. Compte tenu de leur condition psychologique, de leur condition sociale ou de leur condition physique, on ne peut pas leur donner ces services qu'elles réclament et auxquels elles ont droit.

Reconnaître également, mais de façon beaucoup trop timide à notre avis, qu'il y a un accent sur la clientèle jeune. Un certain nombre de problèmes sociaux nous ont été révélés au cours des dernières années. Autant nous avons été négligents, je pense qu'on peut l'affirmer, au niveau des personnes âgées, au niveau des clientèles jeunesse, il y a des indications dans le projet de réforme. Nous verrons comment tout cela se retrouvera, article par article, dans le projet de loi 120, mais il y a là, au niveau des jeunes, un effort qui est fait, qui n'est pas suffisamment développé, qui n'est pas assez ferme, qui n'est pas assez précis, qui n'est pas assez chiffré, mais il y a un effort.

Reconnaître également qu'il y a, au niveau de la répartion des effectifs médicaux, des efforts sérieux. Le ministre connaît bien la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie, il en est originaire. Évidemment, votre humble serviteur connaît parfaitement bien l'une des régions périphériques du Québec, qui s'appelle l'Abitibi-Témiscamingue. J'ai moi-même oeuvré dans des organismes communautaires, des organismes sociaux pendant une vingtaine d'années avant de me retrouver ici, à l'Assemblée nationale. J'ai fondé une famille dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue et je dois reconnaître que j'ai été quelquefois, souvent, lorsque l'occasion s'est présentée, quelque peu ou très inquiet pour des membres de ma famille, ou pour mon environnement humain, ou pour des gens que j'ai eu à diriger dans une université, ou pour tous les groupes que j'ai eu à fréquenter dans la société quant à la qualité, mais surtout quant à la quantité et la disponibilité des services médicaux, des services de santé, des services sociaux dans une région périphérique du Québec.

Pour avoir été au coeur de cette région ou de l'action de cette région pendant 20 ans, à

titre d'exemple, je dis: Oui, la préparation d'un plan d'effectifs médicaux dans chacune des régions du Québec depuis un bon nombre d'années n'a pas toujours donné lieu au respect de ces plans d'effectifs médicaux et les gens des régions, de quelque couche de la population qu'ils soient, doivent sentir que les services de santé et les services sociaux sont disponibles pour leurs besoins fondamentaux, pour les soins généraux, pour les services sociaux de base, qu'ils sont aussi disponibles au Saguenay-Lac-Saint-Jean, dans la région de l'Abitibi-Témis-camingue, en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine ou dans l'Outaouais que dans les grands centres urbains du Québec. À cet égard, oui, il y a un effort majeur surtout par le mécanisme de régionalisation de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Nous y trouverons là un mécanisme efficace pour faire en sorte que les plans d'effectifs médicaux, en particulier dans les régions du Québec, puissent être respectés, puissent atteindre les nombres qui sont prévus en termes de services dans ces régions, avec les aménagements qu'il faudra y trouver. (16 h 50)

J'y reviendrai tantôt puisque le ministre en a profité, à juste titre, à certains égards, mais, selon mon point de vue, un peu trop carrément, pour la clientèle jeune en pratique médicale... Est-ce 'que nous ne sommes pas en train, par ailleurs, d'effectuer un virage majeur et de faire en sorte que nos professionnels de la santé, en médecine en particulier, soient moins à l'aise dans ce système, y soient moins heureux et qu'ils ne puissent pas donner leur plein rendement parce que, eux aussi sont des citoyens, eux aussi sont des utilisateurs, eux aussi sont des producteurs. Et à cet égard, si je reconnais que la mécanique de régionalisation des opérations de la RAMQ, la mécanique prévue pour le respect des plans d'effectifs médicaux dans les régions était un virage majeur qu'il fallait effectuer, je dis au ministre de la Santé et des Services sociaux que nos professionnels, qui font le système de santé et le système de services sociaux au Québec, font partie du système et sont des éléments fondamentaux de l'organisation des services et que nous devons composer avec eux. Je dirai au ministre, un peu en se battant la coulpe, que, même de ce côté-ci de la Chambre, lorsque nous avons formé le gouvernement, en 1982 et 1983, nous avons commis une faute et nous l'avons reconnue à l'occasion de la campagne électorale de 1989. Nous avons commis un certain nombre de fautes vis-à-vis des professionnels de l'enseignement, par exemple, des professionnels d'autres secteurs des services publics au Québec. Nous avions - nous l'avons reconnu, je le répète - porté un jugement qui était inexact sur la situation. Et s'il fallait poser des gestes à l'occasion de la crise de 1982, nous avons bien reconnu que ceux et celles qui font le système doivent d'abord être partie avec nous pour modifier ce système-là. Et j'y reviendrai.

M. le Président, d'autres éléments sur lesquels je passerai rapidement: la reconnaissance du mouvement communautaire, pas que je veuille y passer rapidement, en soi, parce que les réclamations que nous avons faites, en particulier en commission parlementaire l'hiver dernier, trouvent un certain écho dans cette réforme. Aborder le financement des organismes communautaires qui contribuent au développement du système, qui contribuent à rafraîchir, je dirais, à beaucoup d'endroits, le système et les services que nous dispensons à la clientèle, aborder, finalement, la reconnaissance de ces services à travers un «mécanisme formel et le financement de ces organismes sur une base triennale, c'est extrêmement important, compte tenu des services qu'ils nous rendent. Nous aurons un bon nombre de questions à poser, cependant, en commission parlementaire, au niveau de l'accréditation de ces groupes. Parce que l'intention peut être très louable, l'intention, nous le reconnaissons, est bonne, dans la présentation de ce projet de loi. Cependant, sur la mécanique, souvent, ce que j'ai appris, c'est que ce n'est pas toujours dans les grandes déclarations de principe des projets de loi qu'il faut voir la réalisation de ces intentions, mais c'est plutôt dans les petites écritures - comme on dit dans les contrats d'assurance - dans les règlements qui accompagnent ou qui accompagneront, dans les régies régionales, la réalisation de cet objectif.

Un mot également, toujours dans la catégorie des bons coups. Le ministre va bien être obligé de reconnaître que j'ai pris beaucoup de temps pour reconnaître ses bons coups - il ne perd rien pour attendre sur les mauvais coups - mais de reconnaître également, parce que nous voulons être honnêtes de ce côté-ci de la Chambre et dire que, dans ce projet de loi, ce virage majeur correspond à certains éléments de l'organisation du système au niveau de l'im-putabilité, que oui, il y aura augmentation nette du niveau d'imputabilité des personnes qui sont chargées de gérer le système, qui sont chargées de faire en sorte que tout cela puisse fonctionner. Et l'ultime mécanisme qui est prévu par la loi permettra dorénavant aux membres de l'Assemblée nationale de faire comparaître devant eux les membres des régies régionales qui seront chargés de dispenser des services. À cette occasion, le ministre lui-même, le ministre responsable pourra questionner, pourra mettre en cause, en quelque sorte, les services ou l'organisation et la dispensation des services dans toutes les régions du Québec.

Comme nous sommes à une époque où nous sommes débordés par l'organisation de l'information, où nous sommes débordés par les présentations télévisuelles, où maintenant le médiatique a pris une telle importance qu'une assemblée des usagers ou une assemblée de la population d'une régie régionale n'a pas souvent autant l'attrait

qu'une déclaration à l'Assemblée nationale ou qu'une comparution devant une commission parlementaire de l'Assemblée nationale, il était important que nous allions jusqu'au bout au niveau de l'imputabilité. Et si nous faisons parader chaque année Hydro-Québec devant une commission parlementaire pour lui autoriser ses tarifs, généralement des augmentations de tarif, pour la population québécoise, quand tout cela concerne le tiers du budget du Québec, quand on parle des services de santé et des services sociaux, il était absolument essentiel que ceux et celles qui seront chargés de gérer l'argent des citoyens à travers le Québec et surtout l'organisation des services, puissent et soient obligés de venir dire à des représentants de l'Assemblée nationale ce qu'ils font avec cet argent, ce qu'ils ont comme organisation de services et qu'on puisse en arriver à questionner et à remettre en cause une certaine forme d'organisation de ces services de santé et de ces services sociaux.

Donc, M. le Président, du bon, du moins bon et de l'inacceptable, parce que cette réforme... Et ça, c'est un peu à la mode de ce gouvernement, c'est-à-dire qu'au moment où nous profitons des occasions qui nous ont été données pour examiner le système et y apporter un certain nombre de remèdes pour le réaligner, le gouvernement en profite pour introduire un certain nombre de dimensions, un certain nombre de mécanismes qui vont, mais complètement, à rencontre de l'esprit dans lequel nous avons développé ce système au Québec.

Les trois piliers du régime de dispensation des services de santé et des services sociaux au Québec, c'est: universalité, accessibilité et gratuité. La commission Rochon, à laquelle le ministre a fait référence et à laquelle j'ai fait référence au début de cette intervention, M. le Président, si elle nous a dit, qu'il y a beaucoup de travers dans le système, qu'il y a énormément de choses à corriger, qu'il y a un réalignement à donner au système, la première chose que cette commission nous a dite: Le régime québécois de santé et des services sociaux et l'organisation de dispensation des services que nous avons au Québec, basée sur l'universalité, la gratuité et l'accessibilité, ne doit être touché pour aucun motif. Il n'y a aucune raison pour laquelle nous devrions toucher à ces piliers de base parce que ce sont des garanties que nous nous sommes données socialement au tournant des années soixante-dix, en disant: Au Québec, en matière de santé en particulier, nous ne voulons plus que se reproduise la situation que nous avons tellement vécue, que nous avons tellement observée dans de nombreuses familles au Québec. Probablement qu'une majorité des membres de cette Assemblée, M. le Président, ont été témoins, au niveau de leur propre famille ou de leur environnement familial immédiat, de ce que nous vivions avant les dispositions prises en matière de santé et de services soiciaux accessibles universelle- ment au Québec, avant les années soixante-dix. Qui n'a pas été témoin d'une maladie subite, d'une intervention chirurgicale à laquelle l'un des membres de la famille a été obligé de se soumettre et qui hypothéquait la santé financière de la famille pour de très nombreuses années. Nous nous sommes dit: Au Québec, nous allons nous donner un régime où, peu importe la condition économique, la condition sociale de la personne, tout le monde va être sur le même pied et nous pourrons y avoir accès. Dans cette mesure, il faut organiser les services aussi pour y avoir accès et nous pensons - et ça, ça fait partie de l'inacceptable - que le projet de réforme qui nous est présenté, le projet de loi qui est déposé devant nous aujourd'hui attaque un certain nombre de ces principes de façon sérieuse et il ne faut pas passer sous silence ces dimensions-là et dire que, par exemple... Et là, le ministre, je le sais, aura une série de répliques là-dessus, bien sûr, c'est son projet de loi, bien sûr, il y a un certain nombre de motivations qui sont à la base de ce projet de loi et c'est tout à fait normal, mais l'introduction d'un ticket orienteur pour faire en sorte que les utilisateurs - et je prends la définition qui nous est présentée dans le projet de réforme et dans les explications que le ministre nous a données là-dessus - que les gens aillent à la bonne porte, même l'ancienne ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec, Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui doit connaître un peu ce qui se passe dans le système, qui doit connaître un peu comment ça fonctionne, qui doit connaître aussi comment les effets du système se dessinent, même l'ex-minis-tre nous dit: Écoutez bien, soyons sérieux, il s'agit là de l'introduction du ticket modérateur. Le ticket modérateur, c'est essentiellement une mesure qui vise à freiner la consommation. Le ticket orienteur, de la façon dont il nous est présenté dans ce projet de réforme, c'est le premier pas vers la réalisation de cette étape-là du ticket modérateur. (17 heures)

Si l'ex-ministre nous dit que c'est une façon déguisée de le présenter et qu'il s'agit de préparer les mentalités, nous pensons vraiment - il nous faudra questionner, bien sûr, comment ce sera applicable, ce ticket orienteur - que c'est très clair qu'il s'agit d'une mesure qui brise l'universalité et la gratuité de l'accessibilité au système. Parce qu'on veut faire en sorte que la clientèle, que la population, que les usagers se présentent à la bonne porte, on pense qu'il va falloir leur mettre un ticket pour leur faire penser. On va mettre un ticket pour les orienter vers telle porte et ce ticket, de toute façon, il ne sera pour l'instant que de 5 $. Donc, il n'y a pas à s'énerver avec ça, il n'y a pas à lancer les hauts cris, c'est tout simplement pour faire penser à la personne d'aller à la bonne porte.

En réalité, M. le Président, il s'agit d'intro-

duire une mesure qui serait, dans un deuxième temps, universellement appliquée et qui permettra au législateur ayant préparé les mentalités soit d'aller du côté de l'imposition d'une nouvelle taxe - et je n'impute pas ce motif immédiatement au législateur, mais je dis que, dorénavant, tout cela va faire en sorte que la mentalité va être préparée à cela. Deuxièmement, qui dit que le niveau de ce ticket orienteur, pour l'instant, rendu au niveau du ticket modérateur, ne changera pas de niveau? Qui dit que demain, par les besoins financiers du système, on ne décidera pas que ce sont les propres personnes qui utilisent le système qui vont devoir y contribuer plus largement? C'est dans ce sens que ça brise l'espèce de contrat social que nous nous étions donné au Québec pour faire en sorte que pour toute personne qui a des besoins en matière de santé, des besoins de base, on s'entend bien, il n'y aura pas de discrimination sur l'accès à ces services. Ce que le ticket orienteur fait, c'est qu'il brise cette dynamique, ce que le ticket orienteur fait, c'est qu'il prépare les mentalités à un ticket modérateur et le niveau de ce ticket pourra varier selon les gouvernements, selon les appétits, selon les crises, selon les difficultés et cela, c'est inacceptable. D'autant plus que ce ticket orienteur, pour l'instant, à l'urgence, il va aborder les personnes, qui vont se présenter à cet endroit qui s'appelle l'urgence de l'hôpital, dans une situation de vulnérabilité la plus grande que l'on puisse trouver. Écoutez, lorsqu'on est dans le système, qu'on sent qu'on a un malaise, qu'on sent qu'on a peut-être besoin de services de santé, eh bien, disons que la phase d'évaluation de ce que nous avons ne passe pas, non plus, par une rationalisation en disant: Bien là, il faudrait que j'aille vers tel ou tel type d'institution et je me présente à l'endroit où je pense que j'aurai les services requis par ma situation. L'on comprendra très facilement qu'un service d'accueil dans l'urgence d'un hôpital qui serait organisé différemment pourra très bien orienter, avec un prédiagnostic, la personne vers le service qu'il faut avoir dans la situation que présente l'usager et qu'on n'a pas besoin d'introduire ici une faille dans le système, une brisure dans le principe de la gratuité du système par un ticket orienteur. On en profite également pour réintroduire officiellement au niveau de la législation une notion un peu vague, mais largement partagée, en quelque sorte, par certaines couches de la population, celle de citoyen abuseur. Le ministre, bien sûr, n'a pas inscrit dans sa loi la notion de citoyen abuseur, mais en réalité l'imposition de ce ticket orienteur nous amène à une autre catégorie de citoyen, à percevoir une autre catégorie de citoyen, c'est le citoyen abuseur.

Eh bien, nous, nous pensons de ce côté-ci que c'est un principe inacceptable que de dire maintenant que, dans l'un des services les plus essentiels auxquels j'aurai accès, je sois soumis à un ticket, sans compter, M. le Président, les mécanismes d'applicabilité de ce ticket orienteur, comme certains citoyens l'ont fait remarquer il y a quelques jours, au moment du dévoilement de la réforme du ministre de la Santé et des Services sociaux. Rendu à l'urgence de l'hôpital, lorsqu'on me dira que je devrais me présenter à mon CLSC, s'il est ouvert, si le cabinet privé est ouvert, si la ressource est disponible, eh bien, si je ne veux pas y aller, j'aurai un ticket de 5 $. Les gens font remarquer, et à juste titre: J'aime mieux payer ces 5 $ que payer 10 $ de taxi pour me rendre au service vers lequel on m'aura orienté suite à une mécanique dont on ne sait trop comment elle s'articulera d'ailleurs. Ticket orienteur, ticket modérateur, bris dans le principe de la gratuité et de l'accessibilité du système.

Deuxième élément fondamental, deuxième principe fondamental qui est brisé dans ce projet de réforme où, encore une fois, on profite d'un réaménagement de la mécanique du système, d'un virement majeur sur certains aspects, mais, par ailleurs, on l'introduit par d'autres biais. Il y a des vices cachés dans cette réforme et c'est l'introduction - et le ministre s'est bien gardé d'en parier dans sa présentation, dans la présentation de son projet de loi - du mécanisme de l'impôt à rebours. Nous avons décidé au Québec, au tournant des années soixante-dix, que notre système de santé et de services sociaux allait être financé, selon les décisions du législateur, à même les impôts, à même les revenus généraux, à même le fonds consolidé de la province.

Le ministre dit: Pour l'instant - puisque c'est bien ça qui est écrit non pas dans le texte de loi, mais dans le projet de réforme qui nous a été déposé et qui a été présenté - sur des régimes complémentaires: soins dentaires, op-tométrie, orthèses, prothèses, médicaments pour personnes âgées, assistés sociaux et d'autres catégories hors des institutions hospitalières, pour ces personnes, quand elles se serviront des régimes complémentaires d'assurance-maladie au Québec, je vais dorénavant leur imposer une nouvelle taxe, un nouvel impôt et je vais aller chercher, pour l'instant, 100 000 000 $ supplémentaires et ces 100 000 000 $, je ne vais pas les chercher de façon universelle, répartis également et progressivement selon notre système d'imposition générale; je vais les chercher chez certaines catégories de citoyens particuliers. Brisure de l'universalité du programme.

Si le législateur pense que nous devons, si les citoyens pensent que nous devons augmenter le niveau de services, que nous devons augmenter les montants d'argent à consacrer pour développer les réponses aux besoins de la population, eh bien! ça s'appelle: Faites ça par le biais des impôts en général, et on connaît le principe de notre système d'imposition au Québec: plus tu gagnes d'argent, plus tu paies d'impôt; moins tu gagnes d'argent, plus tu es démuni dans cette

société, moins tu paies à l'Etat parce que tu reçois moins en termes de rémunération. Là, on dit: On brise ce principe: salaire, proportion à payer à l'État, pour des services au niveau universel. On brise cela. On dit: Nous allons instaurer un impôt-services. Ça aussi, c'est une brisure inacceptable, tellement inacceptable que le ministre mentionne même, dans son document de réforme, que n'eût été la loi fédérale, la loi C-3, qui empêche un gouvernement provincial de faire cela, d'imposer des frais modérateurs, en quelque sorte, à certaines catégories de revenu de ses citoyens, si la loi fédérale n'avait pas existé, nous aurions été sur d'autres régimes, sur d'autres éléments ou d'autres programmes couverts par la Régie de l'assurance-maladie et nous aurions imposé davantage au niveau de certaines catégories de personnes. Ça, c'est non! non! non! Le ministre dit même qu'il va demander la modification de cette loi au gouvernement fédéral et, jamais, mais jamais, nous n'allons accepter, de ce côté-ci, cette brisure dans les principes fondamentaux d'universalité, d'accessibilité et de gratuité, et qu'on commence à différencier au niveau des catégories de personnes qui vont payer pour le système à travers ce nouvel impôt qui ne va ramasser pour l'instant que 100 000 000 $ sur les quelque 11 000 000 000 $. (17 h 10)

Avez-vous déjà vu un niveau de gouvernement se donner la permission d'avoir une clé pour ouvrir la serrure et qui ne s'en sert jamais? La réponse c'est, non. Ça finit toujours par grimper, ça finit toujours par augmenter. Pourquoi catégoriser les revenus des citoyens, pourquoi catégoriser les citoyens suivant leurs capacités, quand nous avons décidé au Québec que c'était un régime social, que nous allions tous partager équitablement la facture pour les services de santé et les services sociaux que nous nous donnerons, que nous nous donnons et que nous voulons nous donner. Et dans ce sens-là, c'est un principe inacceptable, le recours à cet impôt à rebours, ou cet impôt-services.

D'autres éléments, mais extrêmement fondamentaux, que nous ne retrouvons pas dans ce projet de loi. Nous sommes en train de réorganiser la tuyauterie, réorganiser de façon majeure la dispensation de nos services de santé et de nos services sociaux et nous ne savons toujours pas pourquoi nous allons faire cette réorganisation puisque la politique, une politique de santé et de bien-être qui était apparue, en termes d'éléments, dans les orientations de Mme Lavoie-Roux à l'époque et qui lui ont servi dans sa tournée à travers le Québec pour demander aux gens, pour dire aux personnes qu'elle a rencontrées dans toutes les régions du Québec: Est-ce que c'est bien cela, les problèmes que nous vivons, parce qu'on va dessiner l'outil en fonction des problèmes que nous avons à affronter...

Alors, le ministre nous apporte ici une réponse quant à la réorganisation de certaines parties du système, mais nous ne savons pas encore, en vertu de quels objectifs fondamentaux, en vertu d'une politique de santé et de bien-être que nous allons adopter plus tard, nous ne savons pas si l'outil sera adéquat quant aux objectifs que nous avons à poursuivre. Ça, c'est le monde à l'envers. Quand je décide, dans une organisation quelconque, dans un système, si large soit-il, comme un système de santé et de services sociaux, que je veux apporter un certain nombre de correctifs, il faut bien que j'assoie mes correctifs sur quelque chose. Je veux apporter ces corrections au système parce que je veux atteindre tels types d'objectifs. Je veux changer des situations.

Eh bien, le minimum que l'on puisse dire, c'est qu'avant de dessiner l'instrument, avant de dessiner l'outil, il faut que je sois capable de définir ces objectifs-là et que je ne les définisse pas seul. Il faut que je les définisse justement avec les usagers. Pas de politique de santé et de bien-être. Ça viendra après que nous aurons réglé la mécanique. C'est le monde à l'envers.

D'autres éléments extrêmement inquiétants dans ce projet de loi et qui ne trouvent pas réponse. Je disais tantôt: Bravo! CLSC, première ligne. Mesures de financement pour permettre au CLSC d'accomplir ses nouvelles missions. Pour un grand nombre de ces missions, point de réponse au plan financier. Le ministre reconnaît lui-même qu'il y a 42 CLSC sur les 158 au Québec qui sont actuellement sous-financés, qu'il y verra, a-t-il dit, avant de transférer de nouvelles responsabilités. Mention de chiffres, mention de moyens dans le projet de loi qui nous est présenté, rien, sauf, bien sûr, les 40 000 000 $ par année pour le maintien à domicile des personnes âgées, même si le ministre reconnaît lui-même, dans son document de réforme, que ça nous aurait pris 700 000 000 $ pour répondre à ces besoins.

Qu'est-ce que nos CLSC vont pouvoir faire effectivement comme porte d'entrée du système? Ce qu'il faut bien reconnaître, c'est que les moyens risquent d'être bien minces et que tout cela, quant aux CLSC, peut être davantage un virage théorique qu'un virage pratique. Pas de garantie dans ce projet de loi quant à la valorisation du travail des professionnels de notre système. Pas de garantie que pour les infirmiers et les infirmières on retirera effectivement les effets, en quelque sorte, de l'application de la loi 160, à l'occasion des dernières négociations collectives. Avant de donner les instruments pour permettre au personnel infirmier de jouer son rôle véritable dans les institutions et de contribuer davantage au système, il faudra d'abord qu'on garantisse que l'on retire les irritants du système et c'est davantage que des irritants, ça fait partie des conditions fondamentales de travail des infirmiers et des infirmières au Québec. Et tout ce virage-là, au niveau de la

valorisation du personnel, ne sera que théorique si on n'applique pas des mesures visant à retirer les effets de la loi 160.

Absence de financement également ou de garantie de financement pour un grand nombre d'éléments qui sont prévus à cette réforme: population vieillissante, besoin de nouvelles places: 7000 nouvelles places à développer d'ici à l'an 2000; 700 places par année. Ce gouvernement en a développé 325 - 375, pardon... 325, je ne me trompe pas - entre 1986 et 1989. Tout ça nous fait dire, quand on regarde des éléments qui sont vides quant au mécanisme d'application, quant à la réalisation du virage qui est prévu dans cette réforme, que tout cela risque de tourner au théorique, que tout cela ne puisse s'appliquer dans la réalité quant aux 7000 places de longue durée dans les hôpitaux, les 2000 lits pour les soins de courte durée. Pour la rénovation de certaines salles d'urgence, pour la recherche et développement, la formation des professionnels, l'augmentation des travailleurs sociaux dans les écoles, les services de répit, les mesures pour les personnes handicapées, la compensation pour certains budgets insuffisants dans certaines régions, de cela, point de fric, point d'argent dans le système!

M. le Président, il y a, tout comme le ministre l'a dit il y a quelques secondes - le temps est très court - un nombre de carences importantes dans ce projet de loi. Il y a absence de moyens pour un grand nombre de clientèles et s'il est prévu un virage majeur dans certains éléments du système, et nous nous en réjouissons encore une fois, il y a un certain nombre de principes qui sont remis en cause et nous ne pouvons pas cautionner, quant à la bonne partie de la tuyauterie, les principes universels, les principes sociaux, les principes d'universalité, de gratuité et d'accessibilité qui sont à la base de notre système et qui sont remis en cause ici. Si le ministre, au niveau des services de santé, par exemple, prévoit une excellente mécanique au niveau des services médicaux et de la répartition des effectifs médicaux, ce que nous voulons redire d'entrée de jeu au ministre aujourd'hui, c'est: Nous allons procéder, évidemment, avec une très grande minutie, à l'étude article par article de ce projet de loi; nous prendrons les jours, les semaines, les mois qu'il faudra pour en arriver à ce que les intentions et les réclamations des groupes se retrouvent bien dans ce projet de loi. Et je dis au ministre: II nous faudra rencontrer, en commission parlementaire, un certain nombre de groupes. M. le ministre, on ne peut pas dire aux jeunes praticiens, aux jeunes étudiants en médecine: Oui, vous allez faire cela; oui, vous devez faire cela. Et nous convenons au Québec que ces professionnels de la santé doivent d'abord être au service du citoyen, mais nous pouvons nous permettre aussi de les écouter. Nous pouvons nous permettre de dire avec eux: Est-ce que vous pensez que notre mécanique que nous mettons en place va en arriver à une augmentation de la qualité et de la quantité des services que nous avons besoin dans toutes les régions du Québec? Ce serait une erreur, M. le ministre, de se lancer dans cette réforme. Ce serait une erreur, M. le ministre, de dire que nous allons réaliser cette réforme contre nos professionnels de la santé et, s'il y a un certain nombre d'éléments, un bon nombre d'éléments qui reposent sur des principes que nous reconnaissons de ce côté-ci de la Chambre, nous ne voulons pas contribuer à réaliser cette réforme dans la confrontation. Parce que, s'il y a des problèmes de répartition des effectifs médicaux au Québec, nous devons dire aussi que la relation des usagers, du citoyen consommateur, avec nos professionnels de la médecine est d'une très haute qualité au Québec et nous n'avons pas le droit, comme législateurs, par les allusions, par la description de la situation que nous faisons et de la mécanique que nous voulons mettre en branle, nous n'avons pas le droit, non plus, de toucher à cette relation professionnelle, à cette bonne relation professionnelle qui existe entre les citoyens et ce que le ministre appelle les producteurs des actes, ces professionnels de la santé qui sont d'abord attachés au soulagement et à l'amélioration des conditions de vie en matière de santé pour la population du Québec, et nous devons le faire. Nous devons accepter d'écouter et de corriger, s'il y avait lieu de corriger, en gardant cette même détermination que nous avons, d'abord, de servir la population du Québec. (17 h 20)

M. le Président, tous mes collègues auront l'occasion de s'exprimer plus largement sur certaines dimensions que je n'ai pas pu rappeler dans cette intervention. Je dois dire tout de suite au ministre que, malgré des améliorations sensibles qui sont apportées au système, nous ne pourrons pas, au niveau du principe de ce projet de loi, parce qu'il y a des choses fondamentales qui sont remises en cause, à cette étape-ci, à moins que le ministre ne retire un certain nombre de choses ou de mécaniques dans ce projet de loi... Nous prenons l'engagement de supporter ce projet de loi au niveau de son étude article par article. Nous prenons l'engagement également, quant à l'ensemble de la mécanique, quant au virage qui y est prévu sur les éléments sur lesquels nous sommes d'accord, au niveau de la troisième lecture, au niveau de la quatrième lecture, de supporter le gouvernement. Mais il y a une mise en cause de certains principes, ici, que nous ne pouvons pas accepter et nous ne briserons pas ces règles ou ce consensus social que nous avons établi au Québec, même en vertu des améliorations sensibles et extraordinaires, dans certains cas, qui sont apportées et nous allons supporter ces mesures. Alors, tout cela, M. le Président...

M. Bélisle: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: On a été bien patients et bien bons vis-à-vis du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, mais l'entente intervenue avec l'Opposition, c'est de limiter son intervention à 50 minutes.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le leader adjoint du gouvernement, comme vous le savez, les ententes qui n'ont pas fait l'objet d'un ordre de la Chambre ne lient pas... Est-ce qu'il y a un ordre de la Chambre?

Une voix: Oui. M. le Président, avant que...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il y a un ordre de la Chambre, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, je vous rappellerais que vos 50 minutes sont écoulées et je vous donne quelques secondes pour conclure.

M. Trudel: 30 secondes, M. le Président, pour conclure, puisque, malgré un ordre de la Chambre, nous avons accepté que le ministre, dans la présentation de son projet de loi, utilise aussi, pour conclure, le temps qu'il lui fallait. Tout simplement pour dire, M. le Président, que nous allons suivre, nous allons écouter avec une extrême attention les arguments du ministre. Nous allons faire en sorte que l'Opposition puisse être le gardien et que l'Opposition soit le défenseur de certains principes fondamentaux. Et, à cet égard, nous collaborerons avec le gouvernement, mais pas au-delà de certains principes fondamentaux contenus dans le consensus québécois que nous avons établi. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de rouyn-noranda-témiscamingue. je cède maintenant la parole à m. le député de matapédia et adjoint au ministre de la santé, en rappelant que nous sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi 120. m. le député de matapédia.

M. Henri Paradis

M. Paradis (Matapédia): M. le Président, je suis un peu déçu, pour ne pas dire profondément déçu, de l'attitude du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Il nous a dit, dès le début de son intervention, qu'il serait d'accord, qu'il était d'accord avec la réforme et qu'H était là, comme toute bonne Opposition, pour bonifier, essayer d'améliorer le projet de loi lors de la commission parlementaire. Il nous annonce, dès maintenant, qu'il votera contre l'adoption du projet de loi. Alors, c'est à se demander s'il est là pour défendre des intérêts particuliers, pour se faire du capital politique ou s'il est là justement pour essayer de bonifier ou d'améliorer le projet de loi qui - il faut le dire - est audacieux et qui s'attaque à une grosse partie, sinon le tiers des ressources financières du gouvernement et qui s'attaque finalement à essayer de réformer le plus gros système qui correspond aux besoins de toutes les couches de la société. Pensons à nos personnes âgées, aux handicapés, aux jeunes.

À cet égard, M. le Président, je me demande vraiment ce que le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue fait dans cette Chambre, si ce n'est de défendre des intérêts strictement partisans ou, du moins, des intérêts particuliers de certaines gens. Et, enfin, je suis profondément déçu de son attitude, compte tenu qu'il vient d'une région défavorisée, à certains égards, du système de santé et de services sociaux. Dans ce projet de loi, on venait justement donner le pouvoir à des régies régionales, on venait donner des outils tout à fait exceptionnels, réclamés de hauts cris et de haute guerre par les gens, résidents des différentes régions du Québec, et le député nous annonce qu'il vient voter contre ce projet de loi, voter contre ce principe du projet de loi.

Alors, ce n'est pas surprenant de l'avoir entendu nous dire, entre autres, que le projet de loi n'allait pas assez loin, que le projet de loi faisait abstraction des thérapies alternatives. Il faut savoir que le ministre a déjà annoncé une commission parlementaire pour essayer de baliser toutes les thérapies alternatives qui sont sur le marché et pour essayer de tirer l'essentiel et d'en reconnaître quelques-unes pour assurer la sécurité et la santé du public. Je trouve aussi pour le moins particulier qu'il tire à boulet rouge sur un ticket orienteur. Il fait déjà peur au monde. Il joue son rôle d'Opposition partisane, de petit politicien qui veut se faire du capital politique et qui essaie de faire peur au monde. Ça réussit un petit peu parce qu'on a déjà des gens qui se présentent au CLSC de peur de payer les 5 $ dans une salle d'urgence. Mais c'est démagogique et inacceptable de la part d'un législateur, supposément responsable, d'essayer d'inculquer ces craintes à des personnes démunies, a des personnes âgées, entre autres. C'est inacceptable. On s'ennuie déjà de l'ex-député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue qui, lui, défendait véritablement les régions, défendait les plus démunis de la société. Il ne sortait pas des grandes universités pour essayer de venir défendre des fins partisanes.

M. le Président, je trouve ça un petit peu triste de la part du député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, que je pensais quelqu'un de responsable, qui venait ici, en cette Chambre, appuyer des gens comme moi pour la défense des régions. Je m'aperçois qu'il est tristement un petit politicien qui vient défendre des intérêts strictement partisans et je le déplore grande-

ment.

Bref, je m'attaquerai principalement à un aspect tout à fait intéressant et réclamé à hauts cris, comme je le disais précédemment. C'est l'essentiel de la réforme reposant sur le citoyen, soit, un citoyen consommateur, un citoyen décideur, mais aussi un citoyen payeur. Je pense que l'essentiel de tout cela va donner un pouvoir tout à fait exceptionnel aux différentes régions du Québec, et c'est ça qui m'apparaît important là-dedans. On aura de ces 17 régies régionales, enfin, une décentralisation de l'État, une déconcentration de l'État et c'est ce que les régions réclament depuis de nombreuses années, qu'elles aient enfin droit au chapitre, le droit de s'exprimer, le droit de faire un certain nombre de choses avec les budgets qu'on pourrait leur accorder.

À cet égard, M. le Président, on ne peut que saluer la volonté politique du ministre de mettre de l'avant ces régies régionales - je suis fort heureux qu'il vienne d'une région comme l'Est du Québec et qu'il ait passé aussi un certain nombre d'années comme responsable du développement régional, ce qui lui donne cette dimension tout à fait exceptionnelle - que les régions réclament depuis de nombreuses années. Enfin, au-delà de cette décentralisation, nous aurons en région une marge de manoeuvre, un pouvoir de décider des choses pour les gens du milieu. Je dis "nous" parce que je m'inclus parmi les citoyens et citoyennes. Je suis citoyen bien avant d'être législateur.

Enfin, nous pourrons, à partir des outils qui nous sont offerts par le gouvernement, par le ministère de la Santé et des Services sociaux, décider comment on pourra faire les choses chez nous. Depuis le temps qu'on réclame la modulation des programmes gouvernementaux, depuis le temps qu'on réclame cette décentralisation de l'État, je pense que nous avons tout un défi à relever dans chacune des régions du Québec, pour relever ce défi tout à fait exceptionnel d'enfin se concerter. Et j'aimerais apporter une précision. Lorsque l'on parle de se concerter, M. le Président, il faut avoir une notion tout à fait particulière et, moi, ma définition personnelle de la concertation, c'est de savoir ce qu'on peut céder à son voisin. C'est dans cet esprit que les gens seront conviés à prendre des décisions tout à fait importantes pour exercer un suivi, donner le maximum de services, et cela, évidemment, en complémentarité des établissements les uns des autres, que ce soit à partir des cabinets privés de médecins, que ce soit à partir du CLSC, que ce soit à partir des hôpitaux, des centres de réadaptation ou des centres d'accueil. (17 h 30)

Voilà, M. le Président, je pense, en ce qui me concerne et suivant des commentaires que j'ai entendus depuis de nombreuses semaines, le défi auquel les gens ont été conviés et qu'ils sont prêts à accepter. à partir de cette régionalisation, évidemment, on aura, pour appliquer cette concertation ou, du moins, ce large consensus pour donner des services à nos citoyennes et nos citoyens, la formation des régies régionales. et l'on voit, à partir de la formation, de ce que pourront être ces régies régionales, que l'essentiel de cette réforme, c'est-à-dire le citoyen, aura la plus grande part des décisions pour pouvoir se faire entendre haut et fort. alors, 40 % seront composés, évidemment, des bénévoles oeuvrant aux conseils d'administration actuels; 20 % viendront du monde municipal; 20 % des organismes communautaires qui, depuis de nombreuses années, eux aussi, réclament des droits additionnels ou une voix au chapitre sur les décisions à apporter dans le système de santé et de services sociaux, eux qui se disent et qui remplacent - mon dieu! - à certains égards, à plusieurs reprises, des institutions, avec une efficience tout à fait remarquable. alors, 20 % des sièges seront réservés aux organismes communautaires et, enfin, 20 % au socio-culturel et éducation.

Mais, au-delà de la formation de ces régies régionales qui administreront cette décentralisation, cette déconcentration de l'État, avec des pouvoirs qui leur seront conférés, je pense qu'il est essentiel, lorsque l'on parle de système de santé et de services sociaux, de parler des effectifs médicaux. Je suis de ceux qui, dès 1985, demandaient ou avaient un discours politique, à l'époque, pour demander au gouvernement du passé et au gouvernement actuel des mesures plus qu'incitatives pour amener des médecins en région Et là, je ne parle même pas de spécialistes, je parle d'omnipraticiens. On a essayé tous les bonbons de toutes les couleurs, on a même ajouté de la réglisse pour essayer d'inciter les médecins à venir en région. Il y a eu un succès relatif; oui, j'en conviens, sauf que, malgré ce succès relatif, il y a encore de nombreuses lacunes, une pénurie encore inacceptable dans les sous-régions des grandes régions administratives.

Je prends pour exemple la région du Bas-Saint-Laurent-Gaspésie. C'est bien sûr qu'à Rimouski on a augmenté les effectifs médicaux du double depuis 10 ans. Sauf qu'à Mont-Joli, qui est à peine à 30 kilomètres de Rimouski, on est encore en pénurie de médecins et on est obligé de ne pas être malade passé 20 heures, le soir, compte tenu que la clinique externe, la clinique d'urgence, les cabinets privés et le CLSC, tout ce beau monde-là ne travaille pas ou manque carrément d'effectifs médicaux pour tenir la clinique d'urgence ouverte. C'est la même chose à Amqui, c'est la même chose à Causapscal, dans la région de Bonaventure et même dans la région immédiate de Gaspé. Et c'est vrai, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue devrait s'en rendre compte s'il parcourt de temps à autre son comté, que, chez lui aussi, il y a un manque important d'omnipraticiens dans le Témiscamingue.

Tout ça, M. le Président, pour vous dire que, malgré les incitatifs, on note encore cette pénurie et on assiste et on peut voir, on peut faire le constat qu'au Québec, présentement, il y a 700 médecins, 700 omnipraticiens qui exercent leur profession de façon libre, très très très libre, ce qui veut dire qu'ils ne sont rattachés, ni de près, ni de loin, à aucun établissement de santé du Québec, ni à un CLSC, ni à un centre d'accueil, ni à un hôpital quel qu'il soit. Alors, c'est inacceptable, après avoir offert tous les incitatifs, de constater qu'au Québec 700 médecins se préoccupent - j'ose à peine le croire, j'hésite à le dire, mais je vais quand même le penser à haute voix - que 700 médecins puissent penser plus à leur profit personnel qu'aux citoyens et aux citoyennes à qui ils peuvent rendre service dans le grand système de santé que l'on a à gérer au Québec.

M. le Président, compte tenu de cette problématique fort importante des soins à donner à une population, je pense qu'il est essentiel que le gouvernement mette de l'avant des mesures un peu plus coercitives, bien que la liberté d'exercer leur profession sera entière pour les médecins. Ce qu'on va faire finalement, c'est qu'on va régionaliser la Régie de l'assurance-maladie, c'est-à-dire les honoraires qui sont dévolus aux médecins, selon l'état de santé de la population, selon les problèmes qui existent dans une région donnée, ce qui veut donc dire que là où il va manquer de médecins plus la tarte sera grosse, évidemment. Mais si le médecin veut exercer sa profession dans une région où la ressource est beaucoup plus importante, où ils sont plus nombreux, évidemment, la pointe sera plus mince. C'est là, M. le Président, une mesure essentielle pour faire comprendre à certains, si les intérêts pécuniaires sont encore intéressants pour certains, qu'ils pourront avoir une qualité de vie tout à fait exceptionnelle, en venant dans des régions comme les nôtres. Que ce soit dans le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie, la Côte-Nord, le Saguenay-Lac-Saint-Jean ou l'Abitibi-Témiscamin-gue, je pense qu'ils pourront bénéficier non seulement de mesures incitatives pécuniaires de façon très intéressante, mais goûter aussi à une qualité de vie tout à fait exceptionnelle.

Cela, M. le Président, rejoint un petit peu un article que je me plais souvent à citer, mais qui m'apparaît tout à fait fondamental dans le débat auquel on fait face présentement. C'est un article qui a été écrit sous la plume du Dr Augustin Roy, qui est le président et le secrétaire général de la Corporation professionnelle des médecins du Québec, et je ne voudrais surtout pas être accusé de l'avoir cité hors contexte. M. le Président, je vais vous le citer dans le texte, du début à la fin. Alors, ça débute ainsi: "Certaines expressions utilisées frappent l'imagination et sont facilement retenues. C'est à dessein que l'an dernier, lors d'une entrevue sur la pénurie de médecins dans les régions éloi- gnées, malgré les avantages financiers énormes consentis par le gouvernement, j'ai utilisé le terme "enfants gâtés" à l'égard des internes et résidents, même si leur travail est parfois exigeant. C'est évidemment une généralisation et une figure de style qui ont été tellement bien retenues qu'on me les a attribuées de nouveau lors de ma récente comparution en commission parlementaire sur la santé mentale, alors que je ne l'ai pas utilisée. Au cours de cette audition, 80 % du temps, cela a donné lieu à des échanges très intéressants sur l'établissement et l'application d'une véritable politique de santé mentale. Aucun média n'en a fait état, parce qu'il n'y avait rien de sensationnel dans ce débat sérieux. C'est seulement la courte intervention sur la distribution des psychiatres qui a retenu l'attention. Il est vrai que cette répartition est très mauvaise. J'en ai profité pour énumérer brièvement les mesures qui pourraient être prises pour régler le problème de la répartition des médecins en général en commençant par rejeter le statu quo qui a donné des résultats décevants, malgré les bonbons déjà accordés par les gouvernements. Puis j'ai ensuite fait état du moyen retenu par le gouvernement, par le biais de la loi 75 qui oblige chaque hôpital à dresser un plan complet d'effectifs médicaux qui doit être soumis et approuvé en premier lieu par le Conseil régional de la santé et des services sociaux qui, à son tour, doit attendre l'approbation du gouvernement qui a le loisir de l'accepter ou non. Je trouve cette méthode bureaucratique, encombrante, coûteuse et complexe à administrer. Elle va réduire considérablement la mobilité des médecins qui vont devenir prisonniers de leur région. Si on ajoute à cela la possibilité qu'un jour le gouvernement établisse des enveloppes budgétaires régionales, je prédis que les médecins vont regretter amèrement leur attitude actuelle face à l'établissement en dehors des villes universitaires. (17 h 40) "Pourquoi j'ai attiré de nouveau l'attention sur une mesure que je préconise personnellement depuis plus de 10 ans et que j'appelle l'engagement volontaire, pour éviter toute connotation de coercition et de conscription. Personne n'est, en effet - et j'attire votre attention là-dessus, M. le Président, c'est intéressant - forcé d'étudier la médecine ou d'entrer en spécialité. À chaque année, à peu près 3000 étudiants se battent littéralement pour obtenir 1 des 575 postes disponibles en médecine. Chaque étudiant choisi obtient la possibilité à la fin de ses études de faire un revenu assuré de loin supérieur à celui de la majorité des citoyens qui ont payé une très grande partie de ses études". Pour former un médecin, M. le Président, j'aimerais vous souligner que ça coûte, dépendant de sa spécialité, entre 200 000 $ et 300 000 $ à l'État, donc au contribuable québécois.

Je poursuis, M. le Président. M. Roy dit: "En guise de compensation pour l'octroi des

privilèges accordés, le gouvernement est légitimé de demander à tout nouveau médecin de s'engager à exercer sa profession pendant un certain temps dans un endroit où on a besoin de ses services. Une politique semblable existe dans un grand nombre de pays et ne peut que contribuer à rendre le médecin meilleur s'il désire revenir s'installer en ville après avoir servi ses concitoyens des régions moins bien favorisées. Une telle mesure est bien plus souple et facile d'application que celle actuellement mise en vigueur progressivement par le gouvernement. Tout étudiant qui n'est pas disposé à accepter ces conditions devrait laisser la place à un autre ayant une conscience sociale plus développée", incluant sa cote z. "Je n'arrive pas à comprendre la réaction des jeunes médecins qui paniquent dès qu'il est question de l'exercice en dehors des villes universitaires. Il faut pourtant admettre que le régime étatique d'assurance-santé est là pour rester et que le retour à la médecine totalement libre d'autrefois est une illusion. Les règles du jeu sont changées depuis que le gouvernement a garanti à tous les citoyens l'universalité, l'accessibilité, l'égalité aux services de santé. Ces principes ne peuvent être respectés sans une distribution adéquate de la main-d'oeuvre médicale qui doit, par ailleurs, être traitée correctement." L'article se termine ainsi, M. le Président. "Le gouvernement ne peut consentir plus d'avantages aux jeunes médecins qui doivent se rendre compte que la médecine est une profession sociale au service des citoyens qui peuvent être malades à toute heure du jour et de la semaine. Il appartient au gouvernement de s'assurer que tous les citoyens puissent recevoir des services médicaux de qualité, partout au Québec, en tout temps. C'est maintenant le temps d'agir." C'est sous la plume d'Augustin Roy.

Alors, M. le Président, je pense que c'est non équivoque. Nous avions l'appui du Dr Augustin Roy qui, depuis bientôt trois ans, nous implorait d'agir dans le plan d'effectifs médicaux. C'est ce que nous avons fait et j'espère que c'est ce qui pourra être appliqué dans les semaines et les mois qui suivent.

M. le Président, cette réforme ne pourra être appliquée qu'avec l'assemblage de tous les partenaires de la santé, que ce soit le citoyen consommateur qui a besoin de ces services, que ce soit à partir des travailleurs, de ceux et celles qui oeuvrent à l'intérieur du système de santé, évidemment le citoyen payeur et sa capacité de payer. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Matapédia. Sur le même sujet, je reconnais M. le député de La Prairie.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Je voudrais dire d'entrée de jeu qu'il y a plusieurs aspects du projet de loi qui méritent notre appui entier, notre support enthousiaste même. Je note en particulier la délégation en région de pouvoirs qui sont actuellement exercés centralement. Tout ce qui est pouvoir régional - et là dessus, on doit féliciter le ministre qui a toujours eu une pensée régionale, une orientation régionale -tout ce qui est de nature à augmenter le pouvoir régional va rencontrer notre appui.

Le deuxième point important pour lequel je voudrais manifester mon total accord, c'est justement la présence d'effectifs médicaux en région. Je pense que si on me demandait d'identifier les deux aspects les plus importants au plan positif - je garde pour la deuxième partie de mon intervention les côtés plus négatifs, parce qu'il y en a, malheureusement - le pouvoir régional avec budgets régionaux, donc pouvoir de décider en régions, et, deuxièmement, présence surtout de médecins spécialistes en région. Je vais tenter de faire quand même quelques suggestions sur ces aspects positifs.

Pouvoir régional. Je pense qu'il faut éviter la tentation de la bureaucratisation. En créant les régies régionales, M. le Président, il y a un danger et on l'a vu avec les commissions scolaires régionales qui sont devenues trop bureaucratiques. Les conseils régionaux, les CRSSS, les Conseils régionaux de la santé et de services sociaux, sont à la limite, à la frontière. Mais, M. le Président, je me demande pourquoi on n'utiliserait pas des structures qui existent déjà: les conseils municipaux. Je vois, par un article de M. Dufresne, dans La Presse de samedi, que le ministre de la Santé s'intéresse aux expériences que la Norvège a conduites depuis plusieurs années. Et, là-dessus, je suis aussi en harmonie avec le ministre de la Santé. J'admire beaucoup ce que les Norvégiens ont fart, les Suédois et les Danois, en matière de services de santé et de services sociaux.

Je me permets de citer, pour faire comprendre au ministre de la Santé qu'il ne s'agit pas d'un discours péquiste, des extraits de l'article de M. Dufresne. Ça s'intitule "Le moment de vérité pour le pouvoir local". Je cite: "Les Norvégiens n'ont pas créé une structure régionale spéciale pour l'administration de la santé; ils ont simplement confié de nouvelles responsabilités aux deux niveaux inférieurs de gouvernement déjà existants." Par exemple, les services de première ligne, comme ceux des CLSC, seraient administrés par les municipalités, les soins hospitaliers généraux seraient administrés par les municipalités régionales de comté et les hôpitaux spécialisés par le ministère. Je cite encore: "Les questions cruciales se posent d'elles-mêmes: pourquoi créer de nouvelles régies alors que les municipalités et les MRC existent déjà? Mon voisin, qui est aussi mon maire et mon représentant à la MRC, m'apprend que "sa" MRC sert surtout à déléguer des représentants des élus municipaux dans des organismes, de

développement entre autres, qui, eux, détiennent des pouvoirs réels. (...) D'où vient cette méfiance à l'égard des élus qui méritent le plus la confiance du citoyen décideur...?"

M. le Président, le ministre de la Santé, je comprends qu'il est un peu tard, je comprends qu'il est très fier de la réforme telle qu'il la propose, de la structure telle qu'il la propose, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire. Moi, je le mets en garde contre la création, d'emblée, de ces régies régionales en partant pour ainsi dire de zéro. Pourquoi ne pas utiliser, au moins en partie, les structures municipales existantes et les structures municipales de comté? Même en gardant son projet initial d'une régie régionale avec des pourcentages de représentants à l'assemblée constituante de 60 à 150 personnes, qui, elle, cette assemblée, élit ensuite un conseil d'administration de 15 personnes, dans cette assemblée, il me semble, au minimum, qu'on devrait retrouver un plus grand pourcentage d'élus municipaux. Je pense que ce serait de nature à contrecarrer les tentations de bureaucratisation. J'espère que le ministre va regarder attentivement cette suggestion.

Pour ce qui est des effectifs médicaux, je rappellerai au ministre qu'on ne peut pas, de ce côté-ci de la Chambre, s'opposer, puisque nous avons, les premiers, et votre humble serviteur, en 1978, dans le projet de loi 84, proposé la mise sur pied d'un système d'effectifs médicaux à être approuvé par les conseils régionaux et par le ministère. C'a donné ce que c'a donné. C'était un début. Il y a eu donc, depuis une douzaine d'années, plusieurs tentatives de faites par les gouvernements pour inciter les médecins, surtout spécialistes, à aller en région. Je pense que nous avons eu du succès avec les médecins omniprati-ciens. Heureusement, maintenant, la plupart des grandes régions sont bien munies en médecins omnipraticiens, mais le problème reste entier pour les médecins spécialistes. (17 h 50)

Et là, aussi, M. le Président, moi, je voudrais faire une suggestion au ministre. Il me semble que, dès son admission en médecine, un jeune homme ou une jeune fille devrait prendre l'engagement que, si elle ou il accepte d'aller en médecine, de bénéficier largement du support financier de l'État pour devenir un professionnel de la santé... que ce jeune ou cette jeune devrait s'engager à travailler au moins pendant trois ans. Un contrat en bonne et due forme d'au moins trois ans, ça se fait dans beaucoup de pays. Là-dessus, je rejoins le député de Rimouski qui vient de parler, le député de Matapédia plutôt, je rejoins le Dr Augustin Roy, parce que tout ce qui sort du Dr Augustin Roy, ça n'est pas mauvais. Il y a de très bonnes choses qui sortent de la bouche du Dr Augustin Roy.

D'ailleurs, le député de Matapédia se disait d'accord avec le Dr Roy. Mais, il me semble qu'au lieu d'attraper l'étudiant au moment où il finit sa médecine, il faudrait que l'étudiant, en toute connaissance de cause, si, il ou elle, veut devenir médecin, ce soit un contrat social que le jeune passe et qu'il dise: Moi, je vais aller pratiquer au moins trois ans et, avec ça, il y a des conditions monétaires qui sont faites pour avantager ce jeune étudiant, cette jeune étudiante. Deuxièmement, il me semble que ces contrats devraient être réservés en priorité à des jeunes qui, à notes égales, à bulletin de valeur égale, viennent de régions qui sont démunies en médecins spécialistes: Abitibi-Témiscamingue, Bas-du-fleuve, Côte-Nord, etc. Il me semble qu'il devrait y avoir une priorité de donnée à des jeunes filles, à de jeunes garçons qui viennent de ces régions et dont les notes d'admission sont aussi bonnes que celles d'un jeune de Montréal ou de Québec. Il me semble qu'on devrait donner priorité aux jeunes qui viennent des régions. Sinon, si on accroche les jeunes à la sortie de l'université, sans qu'ils aient été prémunis, si j'ose dire, en toute connaissance de cause, il me semble qu'à ce moment-là la réforme se ferait en bonne partie sur le dos des jeunes.

À cet égard, M. le Président... Je regrette que le ministre ait dû s'absenter, parce que j'aurais voulu le voir réagir. À titre de médecin spécialiste, puisque je paie encore ma cotisation, je reçois un bulletin de mon syndicat, la Fédération des médecins spécialistes, et il y a quand même certaines choses dont le Dr Desjardins, le président du syndicat, se vante déjà d'avoir obtenu que le ministre modifie dans son énoncé.

Par exemple, ce qui est énoncé à la page 64 de sa politique, déjà ça va changer, d'après le président du Syndicat des médecins spécialistes. En somme, moi, M. le Président, je voudrais passer le message au ministre, qu'il fasse bien attention de ne pas pactiser, de ne pas faire de marché avec les deux fédérations, spécialistes et omnipraticiens, les médecins déjà établis, et leur donner raison sur à peu près tout ce qu'ils demandent et, ensuite, avoir une approche dure, autoritaire envers les jeunes médecins. Je pense que ça serait une erreur. Il faut absolument que l'ensemble du corps médical assume une partie de la responsabilité de cette réforme.

Troisième remarque. Ouvrir des lits qui sont existants dans les hôpitaux généraux, des lits de courte durée, qui ont été utilisés par des personnes âgées, et les redonner pour les soins de courte durée, d'accord. Mais, encore faut-il que ce gouvernement, M. le Président, commence dès maintenant à construire des centres d'accueil pour personnes âgées. Durant cinq ans, ce gouvernement n'a rien fait, à toutes fins pratiques, dans ce domaine. Et rappelons-nous que, de 1978 à 1983, le gouvernement du Parti québécois avait construit 6500 lits pour personnes âgées dans des centres d'accueil publics. Et là, on dit: Bon, on va transformer les lits, qui sont pour des personnes âgées, dans les hôpitaux, ou pour des patients de longue durée, et on va s'en

servir pour les courtes durées; ensuite on construira 7000 lits sur 10 ans. C'est insuffisant en nombre total et c'est trop long. Ce n'est pas sur une période de dix ans qu'il faut construire 7000 lits. C'est sur une période de 5 ans et au plus tôt. Et c'est maintenant, c'est hier qu'il fallait commencer la construction de centres d'accueil pour personnes âgées.

Et l'utilisation des CLSC comme point d'arrivée, de première ligne, pour le patient, la patiente, le bénéficiaire, d'accord. Mais encore faut-il que les CLSC aient les moyens d'ouvrir le soir, d'ouvrir les fins de semaine et vous le savez, M. le Président, la plupart des CLSC ne sont pas ouverts le soir, ne sont pas ouverts les fins de semaine. Je pense qu'il y a un danger que le ministre vende des illusions et c'est un peu ce qu'il a fait. Il a vendu des illusions par sa performance de trois heures dans son comté de Charlesbourg. Il a vendu des illusions. Il a laissé entendre aux gens que, pratiquement dès maintenant, les CLSC vont être ouverts, que les gens pourront aller au CLSC et, s'ils ne vont pas au CLSC, s'ils vont à l'hôpital et que ce n'était pas vraiment urgent, ils paieront 5 $. Les CLSC, oui, d'accord, les utiliser beaucoup plus, mais, pour ça, il faut leur donner plus d'argent et, deuxièmement, il faudrait que le ministère - suggestion concrète - avec les CLSC entreprenne une campagne de promotion, d'information. Les gens ne connaissent pas les CLSC, malheureusement. Faites un sondage, au hasard, dans vos comtés; demandez où se trouve le CLSC. Très souvent, on ne le sait même pas. On ne le sait même pas! Alors, il faut qu'il y ait, de la part du gouvernement, un effort beaucoup plus sérieux pour faire la promotion des CLSC et les faire connaître à la population.

Les mauvais côtés de ce projet de loi, eh bien, écoutez... Essentiellement, M. le Président, il faut dénoncer ce que Martha Gagnon, dans La Presse du 14 décembre, appelait "la ruse du ministre" et je cite Martha Gagnon. Son article, c'était "Les organismes reliés à la santé s'inquiètent devant la réforme proposée par Québec". Elle dit ceci: "D'après les gens interrogés, si les réactions n'ont pas été vives jusqu'à maintenant, c'est que les mesures - en parlant des 5 $ et de l'impôt-services - sont encore trop vagues et que le ministre a fait preuve de beaucoup de ruse en dévoilant cet impôt en même temps qu'une réforme très prometteuse." Et le Dr Chicoine, de l'Association des dentistes du Québec, dit qu'il est déçu que le gouvernement continue de "charcuter" dans les services dentaires aux enfants.

M. le Président, dans un grand nombre d'éléments positifs qui étaient contenus dans cette réforme, le ministre, en douce, a essayé de faire passer deux éléments qui sont absolument inacceptables. Ce sont deux accrocs majeurs à tout ce qui avait été convenu au Québec. Alors, ce sont les 5 $ à la salle d'urgence et c'est l'impôt-services. Les 5 $, tout le monde convient maintenant et même le cabinet du ministre, par les remarques que son attaché politique a faites, qu'on ne sait même pas si ce sera appliqué à la première visite ou à la deuxième visite ou à la troisième visite. Qui va collecter les 5 $? Qui va décider que la personne aurait dû aller au CLSC ou aurait dû aller au cabinet privé? Est-ce que c'est la préposée à l'admission, à l'urgence? Est-ce que c'est l'infirmière? Est-ce que c'est le médecin? On sait que les médecins ont déjà dit: Non, nous, on ne fera pas ça, on ne fera pas les policiers. Alors, c'est une mesure qui part, peut-être, d'une bonne volonté, d'un objectif louable, à savoir de diriger le plus de patients possible vers les CLSC, mais c'est une mesure qui nous apparaît injuste et inéquitable. Injuste parce que les personnes comme vous et moi, M. le Président, qui avons les moyens de payer les 5 $, nous resterons à la salle d'urgence de l'hôpital. Même si le médecin nous dit: Vous auriez dû aller au CLSC, on va les donner, les 5 $. Donc, ça établit une médecine d'urgence pour les riches, une médecine d'urgence pour les pauvres et, d'autre part, ce n'est pas applicable. Ce n'est pas applicable et il vaudrait beaucoup mieux que le ministre s'emploie à mettre sur pied cette campagne d'information dont je pariais tantôt, pour mieux faire connaître les services offerts par les CLSC, leur donner plus d'argent pour qu'ils ouvrent le soir et les fins de semaine et, à ce moment-là, vous verrez qu'il y aura, naturellement, un mouvement qui se fera vers les CLSC.

Ça, c'est pour les 5 $. Maintenant, l'impôt-services, c'est encore plus rusé, parce que ce n'est pas évident. D'ailleurs, c'a pris une semaine avant que les journalistes se rendent compte des implications de ça. C'a pris une semaine avant que les groupements commencent à en parler. Vous vous rendez compte de ce que ça veut dire. L'impôt-services du ministre de la Santé veut dire ceci. Les médicaments aux personnes âgés, qui étaient gratuits pour toutes les personnes âgées depuis 12 ans, c'est fini, ce n'est plus gratuit. Si vous êtes une personne âgée qui a un rapport d'impôt à faire, vous aurez, maintenant, à payer de l'impôt sur les 1000 $ ou les 2000 $ de médicaments. Bien sûr, le ministre a quand même mis une limite: 3 % du revenu. Mais, 3 % sur un revenu de 30 000 $, disons, c'est quand même 900 $. Et quand on sait que les personnes âgées, pour la plupart, ont de la difficulté à joindre les deux bouts, ça nous paraît absolument inadmissible. (18 heures)

D'ailleurs, La Presse du vendredi 14 décembre. "Médicaments: un retraité sur deux frappé par l'impôt". Alors, nous disons: Ne touchez pas à ce programme qui a été établi en 1978 par le gouvernement du Parti québécois. Nous avons eu des débats non seulement au gouvernement à l'époque, avant de décider que ça allait être gratuit pour tout le monde, mais il y a eu des

débats dans la société québécoise. Il ne faut pas que le ministre de la Santé s'imagine qu'il va refaire les boutons à quatre trous, qu'il va réinventer la roue à chaque projet de loi.

Il y a eu un accord de la société québécoise que les personnes âgées méritaient d'avoir les médicaments gratuits. C'est la moindre des choses quand on sait comment les personnes âgées au Québec ont trimé dur dans des conditions difficiles. Un deuxième groupe: les personnes handicapées. Les orthèses, les prothèses qui sont gratuites depuis plusieurs années pour les personnes handicapées, à partir de l'adoption d'un tel projet de loi, si ce n'est pas modifié, ce n'est plus gratuit.

Le même mécanisme. La personne handicapée aura son orthèse, sa protèse, son fauteuil roulant, peu importe. Sur le coup, elle ne paiera pas, comme la personne âgée ne paiera pas son médicament. Mais, à la fin de l'année, quelle surprise! À la fin de l'année, la personne recevra son TP6 disant: Vous avez eu pour 1500 $ d'orthèses et de prothèses au cours de l'année. Vous avez un revenu - parce que ce n'est pas vrai que toutes les personnes handicapées sont à l'aide sociale, détrompons-nous - de 40 000 $, par exemple; 3 % de 40 000 $, vous allez payer 1200 $ d'impôt. C'est ça que ça veut dire, M. le Président, l'impôt-services.

Le troisième groupe qui est frappé, les enfants et les adolescents qui reçoivent des services dentaires gratuits depuis plusieurs années. La société québécoise a décidé, à un moment donné... J'en parle tout à fait à l'aise, parce que c'est le Parti libéral qui avait commencé en 1974-1975. Nous avons accéléré, lorsque nous sommes arrivés au pouvoir en 1976. C'était seulement pour les enfants de 7 ans et moins, mais nous avons monté jusqu'à 15 ans dans l'espace de quelques années. Mais ça voudra dire que, dorénavant, le couple qui a 2 ou 3 enfants, un couple de classe moyenne, un couple de banlieue, les deux parents travaillent, à ce moment-là, revenu total de 50 000 $, les 3 %, ça voudra dire 1500 $ d'impôt. Et ça veut dire que les soins dentaires ne sont plus gratuits. Et un quatrième groupe, M. le Président, les services optométriques.

Alors, en conclusion, M. le Président, je pense, comme le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue l'a dit tantôt, que notre formation ne peut pas voter pour ce projet de loi en deuxième lecture et ne votera pour ce projet de loi que si ces mesures qui sont complètement inacceptables, les 5 $ à la salle d'urgence et l'impôt-services, que si ces mesures sont enlevées. Ce serait dommage que le ministre s'entête à garder ces mesures, parce qu'il le dit lui-même: Ce n'est pas pour l'argent, c'est pour éduquer le monde. Mais, ça, on ne le croit pas vraiment, parce que l'impôt-services va aller chercher 100 000 000 $ la première année, et, la deuxième année, ça pourrait être élargi à d'au- tres services qui sont actuellement gratuits.

Alors, M. le Président, il faut que cette réforme importante ait lieu. Il faut qu'elle se fasse avec le concours de tous les intervenants, y compris le médecin. Il faut aussi mettre en garde le député de Charlesbourg, ministre de la Santé, qu'il ne doit pas faire cette réforme sur le dos des médecins. Il doit la faire avec la collaboration de tout le monde et l'Opposition lui donnera sa collaboration, s'il retire ces deux aspects odieux du projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de La Prairie. Je reconnais maintenant Mme la députée de Saint-Henri en vous rappelant, Mme la députée, que vous disposez d'un temps maximum de 20 minutes.

Des voix: Bravo!

Mme Nicole Loiselle

Mme Loiselle: Merci, M. le Président. La réforme envisagée par le gouvernement québécois constitue un geste majeur dans l'évolution du dossier de la santé et des services sociaux au Québec. Je vous rappelle, M. le Président, que c'est sous un gouvernement libéral que la population a eu cette chance d'avoir accès à un régime de santé complet, efficace et moderne, lequel a amélioré la qualité de vie de tous les Québécois et de toutes les Québécoises.

C'est en 1970 que le gouvernement libéral a mis en oeuvre l'articulation de la politique de santé au Québec, laquelle politique avait été précédée d'études et d'évaluation en vue de rendre accessibles au public québécois une gamme de services gratuits et spécialisés dans tous les domaines de la santé et des services sociaux. Par la suite, plusieurs modifications ont été apportées à la Loi sur la santé et les services sociaux pour améliorer ça et là certains volets de notre santé publique.

Au début des années quatre-vingt, dans le cadre de la rationalisation des ressources financières, le gouvernement du Parti québécois a définitivement mal géré ce secteur d'activité à un point tel que la population québécoise s'est vue presque privée des services auxquels elle avait droit jusqu'à maintenant. Qui ne se souvient pas du cauchemar des files d'attente dans les salles d'urgence de nos hôpitaux? Qui ne se souvient pas également de l'accumulation des dossiers concernant les jeunes en difficulté, dossiers qui ne trouvaient pas de réponse auprès de l'ex-gouvernement du Parti québécois, à un tel point que les services de protection de la jeunesse ont vite été débordés et n'ont plus été capables de répondre à la demande?

En 1985, le gouvernement libéral s'est mis à la tâche pour effectuer un assainissement de la gestion des fonds publics et a dû réorganiser la planification des travaux reliés au secteur de la

santé et des services sociaux.

Le projet de loi 120 aborde donc un tournant important dans l'histoire de la santé et des services sociaux au Québec. Plus particulièrement, je retiens le chapitre traitant du volet des jeunes en difficulté. À cet égard, la réforme envisagée est plus qu'encourageante et aura comme effet, à moyen et long terme, de résoudre plusieurs problèmes criants dans certains coins du Québec, notamment dans ma région, le sud-ouest de Montréal.

D'ailleurs, j'en faisais état récemment, il y a quelques jours, lors du débat entourant la motion sur la toxicomanie au Québec. Je faisais alors remarquer qu'une table de discussion avait récemment réuni plusieurs intervenants du milieu du sud-ouest de Montréal, tels le CLSC de Saint-Henri, les groupes sociaux, les éducateurs, les citoyens alarmés et les parents désemparés par la situation qui prévaut dans cette région. Vous aurez compris également que je faisais allusion au sentiment de peur, de crainte ressenti par les parents et citoyens de la région du sud-ouest. On sait que le crack constitue le problème majeur et la principale source de la criminalité dans la Petite Bourgogne et dans les alentours du sud-ouest de Montréal.

À son tour, une révélation tout aussi consternante nous indiquait que le crack entraîne la criminalité sous toutes ses formes, la prostitution, le vol, l'extorsion, qui sont là quelques-unes des manifestations observées dans ces quartiers. Ce fléau est malheureusement présent dans tous les secteurs de la ville de Montréal, autant dans les quartiers de Cartierville, de Notre-Dame-de-Grâce et de Côte-des-Neiges.

La réforme envisagée par le ministre de la Santé et des Services sociaux est très encourageante. Elle vise notamment à permettre une meilleure adaptation des services aux personnes en difficulté, notamment au niveau des jeunes. Je signale que les jeunes constituent avec les personnes âgées les deux priorités majeures du ministre. Dans le cadre de cette réforme, j'ai trouvé particulièrement intéressante l'idée de la création d'un comité qui sera mis sur pied en regard des problèmes des jeunes afin de fournir au ministre les recommandations spécifiques.

Il ne faut pas oublier, M. le Président, que révolution de la société québécoise a produit des effets inattendus comme la modification des valeurs, les changements vécus dans la composition des familles et les conditions de vie reliées à la pauvreté. Le ministre signalait, entre autres, et il y a de quoi être surpris, qu'en 1989, près de la moitié des 50 000 signalements reçus à la Direction de la protection de la jeunesse ont été retenus. De ce nombre, plus de 12 000 avaient été victimes d'abus et plus de la moitié des 16 000 cas d'enfants pris en charge vivaient dans un milieu dit substitut.

Ainsi, dans le but de mieux adapter les services aux besoins des jeunes, le gouvernement entend, par sa réforme, intensifier la prévention auprès des jeunes, une priorité qui me semble essentielle au redressement de la situation vécue par ces jeunes du Québec. Cette réforme aura également pour but de rejoindre ces mêmes jeunes dans leur milieu de vie. Le gouvernement désire également assurer de meilleurs services de protection. (18 h 10)

J'aime également l'idée d'amener les Centres locaux de services communautaires à développer et à consolider les services destinés aux enfants de moins de 12 ans. On aura compris qu'il s'agit de prévenir les abus et la négligence, afin d'intervenir dans une optique de support et d'amélioration de la compétence familiale.

Les milieux scolaires n'ont pas été oubliés, puisque l'on intensifiera les services sociaux. Enfin, il s'agira de développer des services de consultation spécialement destinés aux jeunes de 12 à 18 ans, aux prises avec des problèmes liés, soit aux maladies transmises sexuellement, à la drogue ou encore à l'itinérance, la prostitution et la délinquance.

On retiendra, au niveau des organismes communautaires, les projets novateurs ayant pour but de venir en aide aux enfants et à leur famille. Également, on assistera à la mise en place, au niveau de chaque région, des services de médiation familiale pour diminuer les effets négatifs des ruptures d'union sur les adultes et les enfants.

Le ministre entend également assurer de meilleurs services de protection. Ainsi, on continuera de réduire les listes d'attente en protection de la jeunesse.

On accordera également un suivi aux familles et aux jeunes dont le signalement n'a pas été retenu dans le cadre de l'application de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je suis aussi satisfaite de cet objectif fixé par le gouvernement d'améliorer le processus de prise en charge des jeunes par le Directeur de la protection de la jeunesse.

Enfin, il faut se réjouir de la création d'un comité chargé de revoir la Loi sur la protection de la jeunesse qui, rappelons-le, est une pièce législative majeure qui a besoin sûrement de retouches pour améliorer son efficacité.

M. le Président, la situation des personnes athées au Québec préoccupe tout autant que celle des jeunes, dans la mesure où ces personnes aînées sont de véritables bâtisseurs de la société québécoise moderne, telle que nous la connaissons aujourd'hui. Les jeunes ont récolté le fruit du travail effectué avec acharnement par ceux et celles qui les ont précédés.

Trop souvent, on fait preuve d'ingratitude à l'égard des personnes âgées parce qu'on leur témoigne rarement ce respect auquel elles seraient en droit de s'attendre. Nous nous contentons de leur bâtir de beaux programmes sur papier, de leur offrir quelques services

d'animation, dans le but de tempérer quelque peu le sentiment de solitude auquel ces personnes sont exposées dans une période de leur vie importante, autant sur le plan émotif que sur le plan de leur sécurité personnelle.

Le gouvernement libéral a tout de même tenté, et je dirai réussi, à accroître leur qualité de vie en améliorant les services mis à leur disposition, aussi bien dans les centres hospitaliers que dans les centres d'accueil où de véritables situations de cauchemar persistaient.

Dans le cadre de la réforme, le ministre a fixé quatre principaux objectifs visant à adapter les services aux besoins de nos aînés: premièrement, renforcer le maintien à domicile des personnes âgées, améliorer la qualité de vie en établissement, augmenter le nombre de places en institution et, finalement, supporter et contrôler les foyers qui hébergent des personnes âgées, mais qui n'ont pas les ressources humaines pour leur venir en aide lorsque requises.

Je ne doute pas du succès de cette vaste entreprise, qui sera le fruit d'une concertation accrue entre les différents intervenants de ce monde complexe qu'est le secteur de la santé et des services sociaux au Québec.

Je n'ai pas eu le temps ici d'aborder l'importance de la régionalisation des services, mais il n'en reste pas moins que la population québécoise appréciera les effets de ce processus visant à remettre dans les mains des intervenants régionaux des décisions qui les regardent de près.

Les jeunes en difficulté trouveront également leur compte dans cette réforme, puisqu'ils se sentiront mieux encadrés et à l'abri des pièges de la vie qui les attendent, sans que soient mises en place des solutions essentiellement répressives qui, en bout de ligne, n'ont presque pas d'effet du fait qu'elles interviennent toujours trop tard. Les jeunes ont davantage besoin, à mon avis, de compréhension, de dialogue, d'attention et d'affection. Les parents auront un rôle indispensable de leadership à jouer en faisant preuve de responsabilité pour encadrer leurs enfants dans le cas où ils tomberaient dans des pièges auxquels on faisait allusion plus tôt, toujours dans cet objectif de bien maîtriser leur avenir et l'avenir du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Saint-Henri. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. M. le Président, au tout début de mon intervention, je voudrais relever une petite chose que la députée de Saint-Henri, qui m'a précédée, a dite dans son intervention. Elle a dit que c'est grâce au Parti libéral si maintenant les salles d'urgence étaient moins encombrées qu'elles ne l'étaient. Je pense que c'est une collègue en très bonne santé parce qu'elle n'est pas allée dans les salles d'urgence dernièrement. Il y a autant de civières qui longent les corridors et il y autant de besoins, autant de demandes parce que pour juste lui faire remarquer... Les mesures... ou la nouvelle politique de la santé n'est pas là. Et depuis qu'ils sont là, il n'y a pas eu une grosse amélioration parce que je me souviens, lors de l'élection de 1985, on nous disait: C'est une médecine de guerre, on revient aux anciennes méthodes, etc., M. le Président. Et depuis qu'ils sont au pouvoir, je n'ai rien remarqué d'amélioration, à date, en ce qui a trait à la situation que vivent les personnes qui sont obligées d'être alitées. Parce qu'il n'y a pas seulement les personnes qui viennent sur leurs deux pieds, qui ont un petit bobo léger, il y a aussi des personnes qui nécessitent de grands soins. Je vais vous rapporter rien qu'un petit exemple très flagrant.

Il y a une couple d'années, mon mari a eu besoin pour une crise cardiaque, pour un infarctus... J'ai attendu dans le corridor et il y avait des civières tout le long du corridor. On l'a passé vite, vite, vite, mais on en a fait attendre d'autres qui étaient en civière dans le corridor. Et ça ne s'est pas amélioré depuis. C'est simplement, pour rectifier certaines choses parce qu'il y a une limite à tout, là.

M. le Président, pour continuer mon intervention, je dois vous dire que nous, ici, on est privilégiés. Les parlementaires sont privilégiés parce qu'ils ont une tribune pour se faire entendre. Et lorsqu'on parie, on ne parle pas à titre personnel, on parie à titre de personne représentant une certaine population donnée, que ce soient les représentants de notre circonscription électorale ou que ce soit selon la responsabilité qu'on nous a donnée, ici, à l'Assemblée nationale, de par notre formation politique.

Aujourd'hui, M. le Président, vous me permettrez de parier... Je vais prendre seulement un volet. Je vais prendre le volet des aînés, compte tenu que c'est ma responsabilité, à l'Assemblée nationale. Et je vais parier au nom des 780 000 aînés que nous avons au Québec et essayer de poser des bonnes questions, des questions qui, pour le moment, ne font pas la satisfaction des aînés et qui les inquiètent grandement. Je vais prendre seulement cette section-là. Si on considère, M. le Président, qu'en l'an 1901 il y avait 78 000 aînés au Québec, en 1986, leur proportion grimpe à 9,9 %, c'est-à-dire à 650 000 personnes aînées, au Québec, c'est-à-dire qui ont 65 ans et plus. Et puis, ce nombre sera supérieur à 900 000 dès le début du XXIe siècle et à 1 500 000 autour des années 2030, ce qui équivaut à peu près à 25 % de la population québécoise qui seront des personnes âgées de 65 ans et plus.

Alors, je comprends très bien le ministre de la Santé et des Services sociaux de faire en

sorte que les aînés soit l'un des buts majeurs de cette réforme compte tenu de la situation démographique que l'on vit ici au Québec. Je reconnais aussi, M. le Président, les interrogations qu'il se posait lui-même dans son propre discours, dans sa propre intervention lorsqu'il a présenté son projet de loi où il disait: Est-ce que les personnes de Montréal, de Québec sont différentes des personnes habitant dans les régions éloignées? Moi aussi, je me suis posée cette question-là. Je me suis dit: Quelle est la différence entre les aînés de Montréal, les aînés de Québec et les aînés qui peuvent demeurer en Gaspésie, à Rimouski, au Lac-Saint-Jean ou ailleurs? Je pense que la différence n'est pas grande. Les besoins sont sensiblement les mêmes, en termes de besoins de médicaments, en termes de besoins de soins de santé, en termes de besoins de soins hospitaliers, de centres d'accueil, etc. À ce compte-là, je suis tout à fait d'accord avec les sentiments qu'éprouvait le ministre tout à l'heure en disant: Ils méritent tout autant, eux, dans les régions éloignées que ceux qui sont ici, les mêmes soins de services auxquels ils ont droit. Ce sont des payeurs de taxes et ce sont aussi des hommes et des femmes qui ont fait en sorte que le Québec est rendu où il est rendu aujourd'hui et qui nous ont ouvert la voie à bien des égards, M. le Président. Donc, les aînés de Montréal tout autant que les aînés d'ailleurs se doivent d'avoir les mêmes soins et les mêmes attentions qu'une réforme de la santé doit comporter. (18 h 20)

Dans sa politique de réforme de la santé, à la page 24 de son document, le ministre soutenait que les besoins en matière de maintien à domicile étaient de 735 000 000 $, ce n'est pas une mince affaire, 735 000 000 $ qui seraient nécessaires pour simplement donner les soins appropriés pour conserver le plus longtemps possible des personnes à leur domicile, des aînés à leur domicile. L'effort qui sera consenti par le ministre sera de 200 000 000 $, sur cinq ans. Je pense que c'est déjà une mesure intéressante, il faut l'admettre, il ne faut pas être aveugle ou se boucher les yeux pour ne pas voir. Je pense que 200 000 000 $ c'est une mesure intéressante, mais vous comprendrez que ça ne fait pas le montant de 735 000 000 $, qui est le besoin évident et reconnu par l'ensemble de la population québécoise.

M. le Président, est-ce que vous êtes conscient que pour offrir des services à domicile pour personnes âgées, ça coûte 1175 $ par année, pour offrir des services à domicile à une personne aînée qui souhaiterait demeurer dans son domicile? Et on sait que la plupart de ces gens voudraient demeurer le plus longtemps à la maison, dans cette maison où ils ont élevé leur famille, où ils reconnaissent chaque pouce de la maison, chaque coin de la cuisine, chaque coin des chambres et ainsi de suite. Vous ne pensez pas que ces gens-là ne souhaiteraient pas continuer à vivre dans leur domicile, dans leur maison familiale? Bien sûr. C'est les désorienter et, bien des fois, ça cause des troubles psychiques importants quand Us sont obligés d'être hospitalisés dans les soins de longue durée, les services de longue durée, ou en centre d'accueil; loin d'améliorer leur santé, c'est une régression par rapport à ce qu'ils vivaient Donc, si ça coûte 1175 $ pour un an de services à domicile pour une personne âgée et que ça coûte 25 000 $ pour l'héberger en centre d'accueil et 44 600 $ à l'hôpital, M. le Président, je pense que le gouvernement du Québec doit faire un effort important pour mettre l'argent nécessaire dans les soins de santé pour le maintien à domicile.

À cet égard-là, je me pose aussi une question, si dans les 200 000 000 $ que le ministre a présentés dans sa réforme, on inclut les actes médicaux. M. le Président, si les actes médicaux sont inclus dans cette enveloppe budgétaire prévue par le ministre, ça va diminuer d'autant les services qu'on pourra offrir, parce que le ministre a dit qu'il y aura en clinique privée ou que des médecins se rendront à domicile pour des services de santé. Alors, si le ministre a comptabilisé dans cette mesure la rémunération des médecins qui vont aller aux soins à domicile, à ce moment-là, M. le Président, ça va être déduit sur les 200 000 000 $ et on ne pourra pas dire que les personnes âgées ou les aînés vont recevoir la totalité des services dont ils ont besoin et que ça améliorera grandement ce qu'ils reçoivent présentement. Donc, j'aimerais ça, dans son intervention ou dans la réplique que le ministre nous fera lorsque tout le monde sera intervenu, qu'il puisse répondre à cette question-là pour que je puisse informer la population, les aînés de mon comté comme les aînés qui me posent des questions. Compte tenu que c'est ma responsabilité, j'aimerais bien répondre à cette question, si c'est à l'extérieur des 200 000 000 $ prévus ou si c'est à l'intérieur. J'aimerais bien ça que le ministre puisse répondre à cette question-là. M. le Président.

Une autre chose m'inquiète grandement au sujet des aînés. On le sait, tout le monde le sait, très clairement, que, lorsque tu atteins un âge plus avancé, 65 ans et plus, mais je n'ose pas mettre d'âge parce qu'une personne de 65 ans peut être bien en forme et bien vivante, et être aussi quand même sur le marché du travail-Mais je parle d'une personne qui est en perte d'autonomie. On sait que les aînés consomment beaucoup plus de médicaments que d'autres personnes. On sait qu'ils ont des troubles, des problèmes de santé beaucoup plus importants que d'autres personnes qui sont d'un âge plus jeune.

Donc, à ce moment-là, la réforme du ministre m'inquiète au point de vue des médicaments, au point de vue de l'impôt que les personnes, les utilisateurs auront à payer après

avoir consommé, à la fin de l'année, lorsqu'ils feront leur rapport d'impôt, ça sera ajouté, le coût des médicaments qui aura été remboursé sera ajouté au revenu de cette personne-là. Et si on considère que les personnes âgées du Québec pour la plupart, en majeure partie, sont des gens à faible revenu, donc, des gens qui n'ont pas le moyen, finalement, de rembourser des choses, des gens qui doivent payer, qui doivent atteindre un certain point, ils ont de la difficulté parce qu'ils sont obligés d'y penser longtemps d'avance pour mettre une petite partie de leur revenu mensuellement pour en arriver à faire les paiements qu'ils ont à faire sur différentes choses.

Donc, pensez donc, M. le Président, que s'il fallait qu'à la fin, à la toute fin de l'année, sur leur rapport d'impôt, ils soient obligés de comptabiliser les médicaments qu'ils auront reçus, je pense que la difficulté va être énorme pour eux autres. Et j'insiste énormément auprès du ministre afin que cet impôt-là ne soit pas comptabilisé pour les personnes âgées. Je trouve ça regrettable que cette mesure-ià ait été introduite dans la politique. Je pense que tout le monde s'attendait à cette politique-là; on en avait tellement entendu parler l'année dernière lorsqu'il y a eu la commission parlementaire, et le ministre - je me souviens, souvent on posait des questions - disait: Attendez que je présente ma réforme, vous allez avoir des réponses aux questions que vous vous posez. Mais jamais j'aurais pensé que le ministre aurait pu introduire une mesure comme celle-là au niveau de sa politique et j'espère que les interventions que nous aurons à faire de ce côté-ci feront comprendre au ministre que cette mesure-là est inacceptable pour les gens âgés.

M. le Président, je me suis laissé dire qu'il y aurait à peu près la moitié des personnes retraitées qui reçoivent des chèques de pension du gouvernement fédéral qui seront obligées de rembourser les médicaments ou les soins de santé, ou les soins de l'optométriste, à peu près l'ensemble des services. Je me suis laissé dire qu'il y en aurait à peu près la moitié. C'est beaucoup, vous savez. Si on considère qu'il y a 780 000 personnes retraitées, au Québec, qui reçoivent des chèques de pension, si tu dis: La moitié de ça, c'est 340 000 personnes qui devront, lorsqu'elles feront leur rapport d'impôt, l'année prochaine, remettre au gouvernement une certaine somme d'argent pour rembourser les médicaments qu'elles ont reçus. Donc, ça m'inquiète, M. le Président. Et quand on parle aussi, dans la réforme...

Le ministre parle de créer 7000 places en centres d'accueil d'ici à l'an 2000. Vous savez, M. le Président, il y a un vieux dicton qui dit que le passé est garant de l'avenir. Et comme ils ont fait 325 places, en centres d'accueil, de 1986 à 1989, quelle sorte de baguette magique vont-ils utiliser pour faire 7000 places d'ici à l'an 2000? Je vous assure que je suis un peu perplexe.

Je suis un peu perplexe. Il va falloir qu'on mette les boeufs devant la charrue. Pas mettre la charrue devant les boeufs, mais les boeufs devant la charrue pour que ça avance plus rapidement pour faire en sorte que les 7000 places, qui ne sont déjà pas suffisantes, soient mises de l'avant pendant le processus d'établissement de cette nouvelle politique. Mais ce que je souhaite le plus possible, c'est que...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, Mme la députée de Johnson. J'ai besoin d'un consentement pour qu'on puisse continuer nos travaux, en vous rappelant et en rappelant au leader adjoint du gouvernement que vous avez droit encore à cinq minutes, Mme la députée. Est-ce que j'ai un consentement pour qu'on puisse continuer?

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Consentement pour...

Une voix: Très court.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...une minute.

Mme Juneau: Je vous remercie beaucoup. Je remercie mes collègues de me donner la permission de pouvoir terminer mon intervention. C'est toujours un peu difficile, M. le Président, de reprendre à 20 heures quand tu as une erre d'aller. Non, je disais simplement que je voudrais savoir si, éventuellement, le ministre va vraiment mettre sur pied ces 7000 places en centres d'accueil. Et les 400 000 000 $ sur cinq ans, prévus pour la rénovation fonctionnelle des centres d'hébergement, est-ce que ça va vraiment améliorer la qualité de vie des hommes et des femmes qui sont en centres d'accueil? Je me pose de sérieuses questions et je me pose des questions aussi sur les foyers privés, les foyers clandestins. Je voudrais bien que le ministre soit très clair là-dessus et qu'on mette de l'avant des mesures qui vont faire en sorte que la personne âgée, quelle qu'elle soit, si elle est obligée d'aller dans un centre comme ça, soit protégée et soit respectée dans son plus grand besoin fondamental qui est l'humain. Et elle devrait être protégée contre les gens qui en abusent. Donc, M. le Président, je souhaiterais que le ministre puisse répondre, dans sa réplique, aux interrogations que je me pose, bien sûr pour l'ensemble des personnes âgées du Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Johnson. Il est 18 h 30. Je suspends donc les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 32)

(Reprise à 20 h 6)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonsoir. Si vous voulez vous asseoir.

Nous étudions la motion du ministre de la Santé et des Services sociaux, proposant l'adoption du principe du projet de loi 120, Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant, M. le député de Richelieu. M. le député.

M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je suis très heureux et fier d'intervenir dans ce débat, débat pour adopter la loi 120. La loi 120, c'est la réforme axée sur le citoyen, c'est la réforme de la santé et des services sociaux. C'est une réforme majeure après 20 ans d'expérience avec le système de santé que nous connaissons. Dans les années soixante-dix, le Parti libéral a réussi à mettre sur pied une réforme et un système qui a porté fruit à plusieurs citoyens, à des millions de citoyens du Québec et aujourd'hui, pour s'ajuster, le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan Côté, a eu le courage d'aller de l'avant avec cette réforme. C'est une réforme simple; c'est une réforme axée sur le citoyen; c'est une réforme qui est humaniste, réaliste et viable.

M. le Président, dans Le Devoir d'aujourd'hui... Je veux rester seulement sur une partie de la réforme. Comme vous la connaissez, c'est une réforme large. J'ai l'intention d'aborder un des nombreux aspects de cette réforme présentée par le ministre, M. Marc-Yvan Côté. Il s'agit de l'aspect concernant les personnes handicapées. La réforme poursuit un certain nombre d'objectifs intéressants qui méritent une attention bien spéciale, puisqu'ils touchent des citoyens et des citoyennes aux prises avec une déficience physique ou intellectuelle.

M. le Président, la société québécoise, notre société, a fait beaucoup depuis une vingtaine d'années, comme je le disais tout à l'heure, M. le Président, pour limiter les inconvénients vécus par les personnes aux prises avec des déficiences physiques ou mentales. Depuis la fin des années soixante-dix, au Québec, nous avons investi beaucoup d'efforts et beaucoup d'argent dans ce domaine et l'on se retrouve aujourd'hui à l'avant-garde des pays industrialisés. Nous pouvons citer dans le domaine des personnes handicapées la création de l'Office des personnes handicapées du Québec, l'adoption du plan d'action À part... égale. Bien sûr, on peut ajouter à ça diverses mesures à l'emploi et à l'éducation et au soutien de la vie quotidienne. Tout cela a permis des progrès importants, mais certains des objectifs que la société s'était fixés en matière d'intégration n'ont pas encore été atteints. En outre, les services d'adaptation et de réadapta- tion demeurent toujours difficilement accessibles dans les régions éloignées. Les familles des personnes handicapées doivent pouvoir compter sur des ressources équitables. Quant aux personnes handicapées elles-mêmes, les interventions doivent favoriser leur intégration sociale et professionnelle ainsi que le maintien ou le développement de leurs capacités fonctionnelles. En outre, des services doivent être offerts le plus près possible de chez elles. Donc, beaucoup reste à faire pour permettre à ces personnes d'avoir une place dans notre société, une place dans leur société. Certains des objectifs en matière d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées ou encore du maintien ou du retour dans leur milieu de vie naturel doivent être réaffirmés avec plus d'intensité et avec force. Et nous pouvons constater ces objectifs dans la réforme que nous discutons aujourd'hui.

À cet égard, et pour mieux adapter les services de santé et les services sociaux aux besoins des personnes handicapées, la réforme prévoit dans un premier temps favoriser l'intégration sociale et professionnelle, dans un deuxième temps maintenir et développer les capacités fonctionnelles, dans un troisième temps offrir des services le plus près possible du milieu de vie des personnes handicapées. Si nous prenons le premier objectif qui est l'intégration sociale et professionnelle, celui-ci est fondamental pour ces personnes. C'est la façon la plus humaine pour notre société de faire en sorte que ces citoyens, que ces citoyennes soient des membres à part entière de notre population. Afin de favoriser l'intégration sociale et professionnelle, M. le Président, le ministre, M. Marc-Yvan Côté, entend prendre toutes les mesures pour atteindre ces objectifs dans trois domaines particuliers.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la députée de Johnson, sur une question de règlement?

Mme Juneau: Je m'excuse de déranger le collègue qui est en train d'intervenir, mais ça fait trois fois qu'il nomme le député par son nom et vous savez qu'en Chambre il y a un règlement qui fait en sorte qu'il doit nommer le député, soit par son nom de ministre ou par son nom de comté, mais pas par son nom personnel.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous avez absolument raison, Mme la députée de Johnson, et j'attire l'attention du député sur le fait que chaque membre de cette Assemblée doit être appelé par le nom de son comté ou par le nom de son ministère. Alors, veuillez vous conformer, M. le député.

M. Khelfa: Merci, M. le Président, mais de toute façon je ne peux pas nommer la députée de

Johnson par son nom. Elle n'a rien fait dans ce débat. D'ailleurs, le ministre - député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux - entend d'abord relancer et réactiver le programme gouvernemental d'intégration à l'emploi des personnes handicapées dans la fonction publique, avec un objectif de 2 % de la main-d'oeuvre employée.

Ensuite, il se propose d'intensifier les plans d'embauché à l'intention des personnes handicapées dans les entreprises. La contribution des personnes handicapées à notre économie peut être fort appréciable. De fait, on l'a souvent négligée, mais ce qu'on a surtout négligé, c'est la reconquête d'une dignité pour ces personnes lorsqu'elles peuvent, à la mesure de leurs capacités, bien sûr, contribuer à l'activité économique de leur milieu.

C'est dans cette perspective que le ministre - sans mentionner son nom - vous connaissez lequel, bien sûr... Le ministre qui a occupé le siège du ministre actuel, entre 1976 et 1985, n'a rien fait dans ce domaine. C'est pour cela, à ce moment, que je pourrai me permettre de nommer mon collègue ministre responsable de ce dossier aujourd'hui. Mais je ne veux pas m'attarder sur ça, M. le Président, et je veux donner juste un exemple important que nous vivons, nous autres, dans le milieu, chez nous, et j'espère que ça pourra se perpétuer et se retrouver dans d'autres régions du Québec. Nous avons, chez nous, un atelier spécialisé qui donne un service à ces personnes handicapées - et je rends un hommage bien particulier à toutes les personnes qui y travaillent - Les Ateliers Riverain, qui est allé chercher un service externe de main-d'oeuvre spécialisée pour ces personnes handicapées, qui leur a donné le goût de travailler, qui a donné une capacité, une dignité à ces personnes, d'un côté. D'un autre côté, la société, nous autres, on réussit à profiter de ses retombées économiques dans notre milieu. J'inviterai le ministre, mon collègue, le député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux - ses initiales MYC, je ne l'ai pas nommé, M. le Président - à venir visiter notre...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, s'il vous plaît! Je pense que vous devez vous conformer au règlement. S'il vous plaît!

M. Khelta: Par respect pour la présidence, M. le Président, je vais continuer mon discours en disant que l'expérience que nous vivons chez nous, c'est une expérience unique. Et j'espère que le ministre viendra visiter le milieu pour constater par lui-même. D'ailleurs, il est bien au courant de ce qui se passe.

Le troisième objectif prévoit le développement de l'autonomie fonctionnelle chez les personnes handicapées. Au chapitre du maintien et du développement des capacités fonctionnelles des personnes handicapées, le ministre entend faire des choses importantes, et c'est déjà mentionné à l'intérieur de cette réforme.

La première action qu'il entend poser est la consolidation des services externes en matière de stimulation précoce des enfants et de développement des jeunes enfants présentant une déficience intellectuelle dans les centres de réadaptation. On sait que, dans certains cas, plus le repérage de la déficience intellectuelle est fait en bas âge, plus il est possible d'augmenter les capacités fonctionnelles de ces personnes atteintes de déficience intellectuelle.

La seconde action que le ministre entend poser concerne, elle, le développement des capacités fonctionnelles chez les handicapés physiques. Le ministre entend affecter 650 places à la réadaptation fonctionnelle intensive. Cette augmentation sera évidemment fort appréciée par les handicapés désireux de développer leurs capacités fonctionnelles.

J'en arrive maintenant au troisième et dernier objectif poursuivi par la réforme concernant les personnes handicapées. Il vise le rapprochement des services vers le milieu de vie des handicapés.

Afin d'offrir aux personnes handicapées des services le plus près possible de leur milieu naturel, le ministre propose d'agir sur trois plans: premièrement, une équipe multidisciplinaire en adaptation-réadaptation pour les personnes ayant une déficience auditive, motrice ou visuelle, dans les régions où ces services de base ne sont pas disponibles; deuxièmement, augmenter le budget des services de maintien à domicile pour les personnes handicapées et celui des services de répit, dépannage et gardiennage pour leur famille; troisièmement, il se propose de rendre disponible un plus grand nombre de lieux d'hébergement adaptés pour les personnes adultes atteintes de séquelles ou de déficiences. Voilà, M. le Président, ce que contient en grande partie la réforme du réseau de santé et des services sociaux pour les personnes handicapées.

En guise de conclusion, j'aimerais rappeler jusqu'à quel point il est important d'atteindre ces objectifs. Les personnes handicapées demeurent encore, malgré une certaine ouverture d'esprit de notre société, assez marginalisées, malheureusement, par rapport à l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre société. Le progrès que nous avons fait témoigne de la pénétration au coeur de notre société des grandes valeurs humanistes de notre époque. Si nous voulons faire en sorte que la personne handicapée physique ou mentale rencontre de moins en moins d'obstacles, afin de vivre le plus normalement possible en société, nous devons tenter de préserver une sensibilité à l'endroit de ceux et celles que la vie a privés de moyens et de possibilités pour vivre comme l'ensemble des citoyens et des citoyennes de notre société.

En terminant, M. le Président, c'est avec fierté que je suis intervenu sur le projet de loi

120 modifiant notre système de santé et nous donnant une réforme de santé digne, qui donne une dignité à l'ensemble de nos citoyens. J'espère et je souhaite que le message du projet de loi 120 sera un message clair qui viendra de l'Assemblée nationale, que ce sera un vote unanime. D'ailleurs, jusqu'à présent, on ne sait pas si l'Opposition votera contre ou pas, mais ce sera très difficile pour l'Opposition de voter contre. Merci, M. le Président. (20 h 20)

Une voix: Très bien.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Richelieu. Nous poursuivons le débat avec M. le leader adjoint de l'Opposition officielle et député d'Abitibi-Ouest. M. le député.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. J'estime qu'on ne peut pas passer, comme parlementaire, sous silence une réforme aussi importante, au moins par le sujet qu'elle touche. Je pense qu'il n'y a pas personne en cette Chambre qui ne conviendra pas qu'il s'agit là d'une réflexion majeure, importante où les citoyens et les citoyennes du Québec ont été conviés depuis les quatre ou cinq dernières années à toutes sortes de réflexions. Il est certain que la réforme proposée a suscité énormément d'attente. Il est certain également que cette réforme touche plusieurs points importants que les parlementaires devraient prendre le temps d'analyser en profondeur. Je suis convaincu que c'est ce que nous aurons l'occasion de faire tout autant pour l'adoption du principe du projet de loi que pour ses phases subséquentes.

Je ne peux pas toucher les 10, 11, 12 ou 13 points de la réforme, je pense que le critique l'a fait globalement, c'est sa responsabilité; certains de mes collègues vont toucher des aspects plutôt que d'autres. Je vois déjà ma collègue de Marie-Victorin et je suis pas mal sûr de ce qu'elle va toucher avec plus d'insistance, c'est normal; je vois ma collègue de Johnson qui va sûrement toucher avec plus d'insistance ce qui arrive aux personnes âgées dans cette réforme, parce que c'est sa responsabilité.

Puisque 20 minutes c'est rapidement écoulé, je vais venir tout de suite au fond de la réforme. Un point qui m'intéresse, il y en a d'autres, mais celui qui m'intéresse énormément, c'est d'avoir rappelé, je pense, avec raison, à l'article 3, que la raison d'être d'une réforme quelle qu'elle soit, mais en particulier dans le domaine de la santé et des services sociaux, c'est les services qui doivent être dispensés aux usagers, les personnes qui doivent recevoir ou qui requièrent ces services-là. Je pense que c'est fondamental de le rappeler, mais il faut être conscient de ce que ça veut dire. C'est pour ça que ça m'intéresse d'en parler, il faut être conscient, à partir du moment qu'on dit ça et qu'on y croit, qu'il faut, quel que soit l'endroit où quelqu'un requiert des services de santé, des services sociaux, qu'il puisse les avoir autant que possible de même nature, de même qualité et à des coûts comparables. Ça veut dire concrètement, vous vous en doutez, que je vais traiter de l'aspect de la régionalisation et de l'accessibilité dans les régions.

Je ne suis pas sûr que, même si on est en 1990, les régions ont bénéficié jusqu'à date de services équivalents pour le prix que nous payons, parce qu'on peut bien parler de gratuité, mais, moi quand je vois mes impôts, quand je regarde mon chèque de paie et que je vois ce qu'on m'enlève pour que la société me donne des services ou m'offre des services, je ne suis pas mal à l'aise de recevoir certains services, parce que ce n'est pas trop gratuit; quand on regarde le niveau d'impôt que nous avons, quand on regarde le niveau de services que la société québécoise offre, on ne peut pas parler précisément de gratuité. Ce point-là, je veux le développer pendant quelques minutes. Moi, j'estime, vu les mesures dans une réforme majeure de santé, qu'il faut applaudir à la dimension d'une plus grande prise en compte de services dans les régions et, ça, je pense que le ministre de la Santé et des Services sociaux a compris cet aspect-là. C'est présent dans la réforme et ce point de vue, en ce qui me concerne, est très intéressant, parce qu'on sent la préoccupation - et c'était une réalité qui a été discutée lors de la commission Rochon, c'est une réalité qui était présente au Parti québécois puisque lui-même, dans son annonce, l'annonce qu'il a faite à tous ses commettants, indiquait que, sur ces aspects-là, nous étions des alliés naturels.

Donc, M. le Président parce que 20 minutes, c'est vite écoulé, la régionalisation et la décentralisation, en ce qui me concerne, vous avez là une personne qui est intéressée par ces questions-là et c'est évident que je suis heureux de voir la dimension de meilleurs services et l'assurance que les services seront plus facilement dispensés par des régies régionales qui auront à superviser, à voir à ce que les citoyens puissent recevoir une qualité égale de services. Moi, ça me satisfait et je trouve que c'est une bonne disposition, une bonne mesure. L'article 3 me plaît et je suis très heureux de cette disposition-là.

Deuxième commentaire, parce que, encore là, le temps file rapidement, c'est sur les structures. Moi, je ne peux pas faire un long discours sur les structures. C'est plus le contenu qui m'intéresse. Mais il est important de dire ici que le ministre, effectivement, a touché à plusieurs structures. Rapidement, il a rappelé que ça appartient au ministère de la Santé et des Services sociaux de déterminer les grandes priorités et les grands objectifs. D'accord. Ça appartient au ministère d'élaborer des plans pour

les régions, d'approuver les projets d'immobilisations, de négocier les ententes et les conventions collectives. Ça, c'est toutes des imputations - je vais prendre cette expression-là - ministérielles. Moi, j'applaudis, je dis: C'est correct, c'est sur la bonne voie.

Deuxième élément dans les structures, que je veux traiter rapidement, les régies régionales. Je suis pour ça, sincèrement. Je pense que c'est une voie d'avenir, mais attention! Attention! Si c'est pour devenir des bureaucraties aussi hermétiques et aussi encrassées que les CRSSS dans certains cas, bah! on ne sera pas plus avancés, parce que, structure pour structure, il faut faire attention, ce n'est pas l'appellation d'une structure qui nous donne les garanties souhaitées. Mais je pense que, quand le ministre dit ceci: Mettre en oeuvre les programmes élaborés par le ministère, assurer la participation des usagers à la gestion du réseau, ça, c'est important, et j'espère que le ministre va être vigilant là-dessus, pour s'assurer qu'effectivement les régies régionales assurent la participation des usagers et assurent également la bonne gestion du réseau dans un souci d'équité, dans un souci de bonne répartition des ressources, dans moins de "jalouseries", moins d'habitacles protégés, batailles rangées entre les D.G. d'hôpitaux versus les directeurs généraux des CLSC. Il va falloir que ça cesse, ça, M. le Président, parce qu'on ne pourra pas parler de réforme majeure si on n'a pas la garantie que les régies auront un pouvoir très important dans une gestion équilibrée, souple, décentralisée et respectueuse des besoins des citoyens, et ça, c'est fondamental.

Il y a un élément aussi, plan d'organisation et de services sur le territoire. J'en profite pour passer mon message. Le territoire du Québec, M. le Président, il est vaste, il est grand. Et le territoire dans une région, quand on parie d'une régie, ça veut dire également...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, il n'y a personne en avant, sauf la whip adjointe et le whip adjoint. Il y a deux personnes du parti au pouvoir. Ça n'a pas de bon sens. Mon collègue a une bonne intervention à faire. Je veux qu'ils soient là.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si je comprends bien, vous voulez demander le quorum. Alors, qu'on appelle les députés.

Alors, nous poursuivons les travaux et nous sommes toujours sur le projet de loi 120 proposé par le ministre de la Santé et des Services sociaux, projet de loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. J'invite le député d'Abitibi-Ouest à pousuivre son intervention. (20 h 30)

M. Gendron: Alors, je disais, M. le Président, sur cet aspect-là, que le ministre a un bon point à l'effet que les régies régionales puissent avoir la responsabilité de déterminer les priorités régionales d'intervention, évaluer les effectifs, mais j'en arrivais à mon petit point. Quand on a parlé de services sur le territoire, je prétends que ça inclut les petites communautés de base. Ce n'est pas parce qu'on est petit au Québec qu'on n'a pas le droit d'avoir des services de qualité. Et je rappelle toujours - ça n'a pas l'air d'être connu de l'autre côté de cette Chambre -qu'il y a 780 municipalités au Québec de moins de 800 de population. Alors, c'est une réalité du Québec de 1990, tel que nous le connaissons et que nous l'aimons. Dans ce sens-là, ces communautés-là ont le droit, elles aussi, à une dispensation de services de qualité et j'espère que les nouvelles régies auront le souci de cette réalité pour s'assurer que les communautés de base puissent, elles aussi, avoir des services.

Quant au reste, un commentaire sur les CLSC, parce que je ne peux pas vous parier des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse qui vont remplacer les CSS, d'autres le feront, ni des centres de réadaptation, parce qu'il y a d'autres structures qui sont touchées; je dis tout simplement: Pour ce qui est des CLSC, M. le Président, il sera fondamental, si on veut que ces gens-là puissent faire de la première ligne, de les outiller pour qu'ils puissent en faire. Je n'ai pas la conviction objectivement à ce moment-ci que la plupart des CLSC, je pense aux deux miens que je connais bien et à un autre qui est dans le comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, mais que je connais bien également pour avoir travaillé avec ces gens-là pendant plusieurs années... Avant de leur confier des responsabilités additionnelles, ce qu'ils souhaitent, et de pouvoir s'occuper convenablement de services de première ligne et faire des offres de services de santé et de services sociaux de nature préventive, curative, de la réadaptation, de la préinsertion, il va falloir s'assurer que, dans certains cas, au moins les enveloppes d'effectifs prévues soient complétées, car, dans certains cas, il y a des CLSC qui n'ont même pas ce qu'on appelle l'enveloppe de base qu'ils devraient avoir pour opérer convenablement. Écoutez, on ne peut pas parier longuement de réforme certaine avec des effets positifs, si on ne s'assure pas que les CLSC, avec lesquels je suis complètement d'accord d'envisager d'offrir des services additionnels, n'ont pas les éléments requis et, dans certains cas, pour les CLSC, les éléments requis, ça veut dire plus d'effectifs et, dans d'autres cas, des enveloppes complètes.

Le quatrième point que je voudrais toucher, parce qu'on ne peut pas passer ça sous silence... Et, là, j'arrive dans des éléments plus critiquables de la réforme. Parce que tous ses collègues vont dire: Bravo, M. le ministre, vous avez fait quelque chose d'envergure, vous êtes un homme

fort, tous les autres n'ont pas passé au travers, vous, vous allez passer au travers. On ne peut pas passer sous silence des mots parce que, dans le dictionnaire, ça veut dire telle ou telle affaire. Écoutez, quand l'ex-collègue dit elle-même que le ticket orienteur, c'est un ticket modérateur, c'est drôle, mais, objectivement, je suis porté à prendre davantage sa version. Je ne sais pas si vous m'en voulez, mais je suis porté à prendre davantage sa version que celle des collègues qui vont se répéter les uns à la suite des autres en disant: Non, non, il n'y a pas de ticket modérateur, c'est un ticket orienteur. Bon, je n'ai pas 12 ans, je n'ai pas besoin de regarder dans le dictionnaire, c'est un ticket modérateur. est-ce que je fais un drame pour les 5 $? je vais être très clair, je réponds: non, je ne fais pas un drame pour les 5 $; je fais un drame pour la percée qu'il crée dans un principe qui nous était cher, qui est cher à la société québécoise, qui s'appelle l'accessibilité universelle. et le jour où on fait une brèche et que, dans la loi, le ministre se donne la capacité de multiplier les brèches - là on parle d'un ticket orienteur de 5 $ - moi, je dis deux choses: premièrement, c'est un ticket modérateur et, deuxièmement, on ouvre une brèche dangereuse, et on commence à créer des classes de citoyens. on commence à créer des catégories.

On commence à avoir des doutes sur fa capacité que cette mesure puisse donner les effets souhaités et, quand on a la conviction qu'une mesure, M. le Président, ne peut donner les effets souhaités, bien, écoutez, je comprends mal, de l'autre côté, qu'on n'accepte pas qu'on la critique. Quand on a la conviction que quelque chose n'obtiendra pas les fins pour lesquelles on le prévoit, c'est de notre responsabilité d'élaborer davantage et de soulever les questions qu'on soulève. Puis, surtout quand ça pose des doutes sur son application. Qui va gérer la petite caisse à l'urgence? Qui va prendre la décision quant à savoir s'il s'agit d'un cas d'urgence? Est-ce qu'on va tenir compte des distances? Il y a des gens qui sont près d'un hôpital; il y a des gens qui sont très éloignés d'un CLSC. Est-ce que, par réflexe, compte tenu des coûts personnels, parce que c'est ça que ça veut dire quand on entache le principe d'accessibilité... Il y a des gens qui savent gérer leur portefeuille et, compte tenu des coûts personnels que ça va engendrer, ça va modifier des comportements.

Or, au niveau de la santé, M. le Président, le seul comportement qu'on devrait modifier, c'est de travailler davantage sur la prévention, travailler davantage sur toutes sortes de méthodes qui permettraient que de moins en moins de citoyens et citoyennes du Québec aient des besoins en santé et services sociaux parce qu'il y a un coût social, puis il est dispendieux. Alors, toutes ces mesures-là pour éduquer les gens, les habiliter à avoir des mesures préventives plutôt que curatives, nous, on applaudit là, mais on n'acceptera pas facilement que nous entravions le principe de la gratuité. Puis, le ticket orienteur, à un moment donné, peut-être que l'orienteur va grossir. L'orienteur va se mettre à grossir, ça va faire effet de boule de neige. Puis, à un moment donné, il va passer à 10 $, puis à 20 $, puis à 25 $, puis après ça, bien, qu'est-ce que tu veux? les coûts justifieront toutes sortes d'augmentations. Nous, là-dessus, on ne peut pas être d'accord.

L'impôt à rebours, il y a des spécialistes qui pourraient vous expliquer ça. Moi, tout ce que je vous dis, je n'embarque pas dans la mécanique: Mais qu'est-ce que c'est encore, cette afffaire-là? Et vous remarquerez que ceux qui ont eu à apprécier la réforme, la plupart ont eu des commentaires assez acerbes concernant l'impôt à rebours. Parce que, là, ce sont des personnes qui ont moins le moyen qui vont être touchées par ça et c'est souvent des outils ou des éléments essentiels à certains problèmes que des individus éprouvent dans la société, que ce soit les aides visuelles, que ce soit les aides auditives, que ce soit toutes sortes de prothèses, que ce soit les appareils orthopédiques, les dispositifs pour les personnes handicapées, les médicaments pour les personnes âgées.

Moi, je fais juste une réflexion très simple, M. le Président. Pensez-vous que les personnes âgées prennent des médicaments parce qu'elles aiment ça, règle générale? Moi, j'en connais un peu de personnes âgées, puis, règle générale, les personnes âgées ne prennent pas des médicaments parce qu'elles aiment ça. Elles prennent des médicaments parce qu'elles s'en sont fait prescrire, parce qu'il y a des médecins qui les ont rencontrées, puis ils ont dit: Écoute, tu devrais prendre telle médication, puis telle autre médication, puis telle autre médication. Donc, le problème de la surconsommation de médicaments, c'est uniquement les personnes âgées? Non, moi, je ne marche pas là-dedans. Je ne suis pas d'accord. Ce n'est pas uniquement les personnes âgées, M. le Président, c'est également tous les praticiens, puis les cliniciens, puis les gens qui sont dans le système. Quand on fait une réforme, il faut regarder également comment se comportent les gens à l'intérieur d'un système et ce bout-là, je vous dis qu'il n'est pas largement couvert, M. le Président, parce que ce n'est pas pour rien quand on dit: La réforme Côté escamote les services sociaux, déplorent les travailleurs sociaux insastisfaits. Évidemment, je citais un article de journal. Bien, moi, il me semble qu'ils ont un peu raison parce que cette dimension-là dans la réforme n'est pas présente trop, trop.

La réforme de la santé est assez présente et je vous l'ai dit tantôt, globablement, nous, on l'achète. Là où on ne marche pas, je l'ai dit, c'est impôt à rebours, puis ticket modérateur. Puis, je ne prendrai pas trois jours pour répéter les mêmes arguments parce qu'il y a d'autres

choses dans la réforme. Il y a d'autres choses que le ticket, puis l'impôt à rebours. Mais j'ai cherché un peu dans la réforme les éléments plus probants concernant les travailleurs sociaux, puis, eux autres, ils se disent insatisfaits parce qu'ils disent: La santé prend la part du lion, puis les services sociaux reçoivent la part de la souris. La présidente de la Corporation professionnelle, des travailleurs sociaux, Marie Émond, a évoqué cette image. C'est une image, mais ça illustre beaucoup. Ça illustre que les services sociaux avaient été escamotés dans cette réforme. Puis elle le dit, elle dit: Je remercie le ministre au moins d'avoir eu l'honnêteté de dire qu'il n'y avait pas encore de solution à offrir à ces gens-là. Mais ce n'est pas parce qu'on n'a pas de solution à offrir à ces gens-là qu'il n'y a pas de questionnement qu'il nous appartient de faire pour s'assurer que, dans la réforme globale de la santé et des services sociaux... Parce qu'il n'est pas ministre de la Santé uniquement, le ministre actuel, comme tous les autres. Il est ministre de la Santé et des Services sociaux et la dimension services sociaux à une population, c'est une dimension majeure, importante, et il ne m'ap-paraît pas que cet aspect de la réforme est bien couvert. (20 h 40)

Je voudrais maintenant vous parler - toujours pour les mêmes raisons du temps, on ne peut pas tout toucher - du financement de la réforme. Moi, je pense que le ministre avait d'excellentes suggestions quand il disait: Bon, je vais prévoir un certain nombre de mesures pour corriger des inconvénients du système: 7000 places de plus en soins de longue durée, c'est intéressant. Nous, on dit: Ce n'est pas assez, mais c'est intéressant. On ne peut pas nier ça. Et 2000 lits de courte durée: très intéressant. On ne peut pas nier ça. Accélération de la rénovation de certaines salles d'urgence. Oui, ça presse, ça urge.

Je recevais une lettre d'une de mes concitoyennes, pas plus tard que la semaine dernière, qui me racontait comment elle a vécu un transfert de son mari de l'unité d'urgence de l'hôpital d'Amos - où ça s'est très bien passé - à l'hôpital Saint-François d'Assise où, malheureusement, ça s'est moins bien passé. Il y a des raisons pour lesquelles ça s'est moins bien passé. Et là, ce n'est pas le temps de faire l'apologie de ce cas-là, M. le Président, mais c'est le temps de dire que, quand le ministre prétend qu'il y a lieu de procéder avec urgence à des réfections, à de la modernisation, à un accroissement de la recherche et du développement, à du rattrapage en formation professionnelle, à l'accroissement du nombre de travailleurs sociaux dans les écoles, à l'implantation du système de référence téléphonique, à l'augmentation des budgets pour des services de répit, il a raison.

Notre problème, M. le Président, c'est que ça prend du fric, ça prend de l'argent et non pas de l'argent de Monopoly, du vrai argent. Et du vrai argent, de ce temps-ci, vous admettrez qu'avec toutes les coupures, avec la facture qu'on est en train de pelleter dans la cour du contribuable en plus de son niveau de taxation très élevé, on va avoir un problème de crédibilité. À quelle place vont-ils trouver cet argent-là? Le ministre dit: Je vais confier en plus des nouvelles responsabilités aux CLSC. Et, là, nous, on veut bien dire qu'on a confiance au ministre, mais la facture est importante, la somme est majeure. Ce sont des centaines de millions qui sont requis. Nous, on a évalué que c'est 120 000 000 $ par année. Est-ce que 120 000 000 $ par année, M. le Président, c'est suffisant, avec la hausse prévue de la croissance de 3 %, uniquement, de son enveloppe? Nous, on dit: Permettez-nous d'avoir de sérieux doutes, M. le Président. Et, dans ce sens-là, si la réforme n'offre pas plus de garanties quant aux aspects qui sont ultimement requis d'être faits, bien, on a le droit, nous, de se poser des questions.

Sur le financement des mesures, je ne pense pas qu'il faille, à ce moment-ci, dire autre chose que ce que je viens d'indiquer, mais c'est sûr que lors des autres étapes, en commission parlementaire, on va fouiller davantage ces questions-là pour s'assurer, M. le Président, que le financement des mesures proposées soit concret, réel et qu'on ait la garantie, l'assurance qu'il accompagne les éléments de la mesure.

On m'indique qu'il me reste deux minutes. Je voudrais terminer, dans les deux minutes qui me restent, en portant le jugement suivant. Lorsqu'un ministre fait une réforme, quel qu'il soit, je pense, M. le Président, qu'il est très important de nuancer et d'apprécier le jugement qu'on peut porter sur la réforme en ne regardant pas juste un élément, mais en regardant l'ensemble des éléments qui sont couverts par la réforme. Je le dis comme je le pense, globalement, c'est une bonne réforme. Est-ce que la réforme soulève beaucoup d'interrogations? Selon moi, oui. Est-ce qu'il y a des éléments de la réforme qui ne sont absolument pas prenables en ce qui nous concerne? La réponse est encore oui, au niveau du ticket. Et ce n'est pas les 5 $, en ce qui me concerne - parce que ça, c'est plus personnel - moi, c'est la ligne, la tendance, l'espèce d'entrave, d'ouverture, de brèche que ça crée et qui peut être dangereuse pour l'avenir. Et l'impôt à rebours, on y repassera en ce qui me concerne. Et sur les jugements qui sont portés par différents intervenants, il y a certains éditorialistes qui ont dit: Bon, bien, en attendant la réforme, quand la réforme a été déposée. Donc, là, tous les beaux discours qu'on va entendre, l'espèce de béatitude prosternatrice, ça m'ennuie toujours, de l'autre côté. Alors, soyez au moins critiques.

Moi, je pense que oui, il y a de bons éléments, je l'ai dit, mais est-ce que c'est une

réforme qui va faire que ça va être ça, ma joie de Noël, là? Moi, non. Il y a des éléments, là-dedans, qu'on a le droit de questionner. Il manque pas mal de boules dans l'arbre de Noël, en termes de réforme. Il y a des choses qu'il va falloir corriger. Entre autres, sur les personnes âgées, les jeunes et toute la dimension des drogues, il y a un problème. Il y a un problème sérieux parce que cette dimension-là n'est pas assez présente.

Conclusion. Moi, j'estime qu'il s'agit là - en conclusion, M. le Président - d'une excellente réflexion d'envergure, une réforme qui touche passablement de points et qui donne suite au rapport Rochon et à beaucoup de choses sur lesquelles, nous, on avait levé le tapis, la poussière du tapis. Mais il y a certains aspects sur lesquels nous avons, je pense, le droit et le devoir, comme Opposition, d'être vigilants, d'être tenaces et de s'assurer que de bonnes discussions puissent permettre d'améliorer cette réforme-là. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

Mme Juneau: ...avant que ne commence une autre intervention, parce que je déteste déranger un collègue pendant qu'il fait son intervention, ça n'a pas de bon sens, il n'y a personne en avant de nous. Je comprends qu'ils ont toutes sortes de choses, mais dans l'extrait de la loi, à l'article 8 sur le quorum, on dit: Toutefois, lorsqu'une commission de l'Assemblée nationale siège, ce quorum est réduit au dixième des membres, y compris le président." Il y a quatre personnes de l'autre côté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si je comprends bien, vous me demandez...

Mme Juneau: Ça n'a pas de bon sens.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...de vérifier le quorum, ce que je vais faire. alors, qu'on appelle les députés. alors, nous poursuivons les travaux de cette assemblée. je suis prêt à reconnaître le whip adjoint du gouvernement et député de papineau. m. le député.

M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. On me permettra de débuter mes remarques par une citation dans un document intitulé "Une réforme axée sur le citoyen", rendu public par le ministre de la Santé et des Services sociaux. "Les orien- tations et les mesures qui suivent visent le même but: recentrer le système sur des objectifs plutôt que sur les moyens, l'orienter en fonction des besoins de la personne, de ses problèmes et de ses attentes, lui permettre de s'ajuster à ces besoins avec souplesse et rapidité; bref, placer la personne au centre du système." Fin de la citation que l'on retrouve dans le préambule de la réforme annoncée et axée sur le citoyen. Voilà la phrase clé de toute l'articulation des politiques envisagées pour les mois et années à venir dans le secteur de la santé et des services sociaux.

Cette réforme survient après cinq années de travail, de consultations publiques et d'échanges entre les intervenants. Les constats ou l'état de la situation sont tirés, pour la plupart, de la commission Rochon dont les commissaires ont fait le tour de toute la question de la santé au Québec pour transmettre leurs recommandations au gouvernement québécois. Ainsi, cette réforme identifie les acquis du système dont plusieurs éléments ont été protégés, en même temps que les changements qui devaient être introduits.

Bien qu'ayant franchi des pas de géant en matière de santé, le Québec a évolué à un point tel que la situation impose, aujourd'hui, de nouvelles exigences qui ne pourront que favoriser une dynamique meilleure pour le développement, le financement et le fonctionnement du système dans son ensemble. En réalité, dans ce secteur d'activité, nous sentons ce besoin de garantir aux Québécoises et aux Québécois l'utilisation la plus efficace possible des ressources investies. (20 h 50)

Une telle réforme ne pouvait être envisagée sans fixer un certain nombre de défis à relever. Ils sont de trois ordres: assurer un développement qui corrige les lacunes actuelles dans la dispensation des services offerts à la population et qui permette de répondre aux besoins de demain; assurer un fonctionnement qui rende le réseau de la santé et des services sociaux plus efficient dans l'utilisation des ressources, et plus efficace dans la solution des problèmes de santé et de bien-être; troisièmement, assurer un financement qui maintienne un juste équilibre entre les dépenses du réseau et la capacité de payer de la collectivité.

M. le Président, certains défis décrivent, à eux seuls, l'ampleur de ce qui attend le Québec au cours des prochaines années en matière de santé et de services sociaux. On le voit bien, il s'agit bel et bien d'une réforme globale qui touche toutes les institutions, réoriente les structures et alloue les ressources humaines et financières avec parcimonie.

On l'a vu, également, M. le Président, cette réforme a pour but de replacer le citoyen en tant que consommateur, en tant que décideur et en tant que payeur. Le citoyen est tout cela à la fois, d'où la complexité de la réforme envisagée.

En tant que consommateur, le gouvernement estime que le réseau doit s'ajuster à l'évolution des besoins et des problèmes des citoyens. Le réseau doit également faire face aux attentes nouvelles en matière d'humanisation des services. En tant que décideur, le citoyen doit pouvoir influencer les orientations et l'organisation du système de santé et de services sociaux. En tant que payeur, le principe repose sur la capacité de payer des citoyens. La mise en place de notre système a nécessité des investissements majeurs dont les résultats ont, à coup sûr, amélioré la qualité de vie du Québec.

Cependant, si le principe de la gratuité s'applique dans une gamme de services, pour la collectivité québécoise, il en va tout autrement. En effet, la réalité brutale des chiffres révèle que nous possédons un système de santé extrêmement dispendieux dont nous devons assumer les frais un jour ou l'autre. Aussi, la réforme aborde de front le financement du système, en tenant compte de toutes les particularités des clientèles qui utilisent les services de santé et les services sociaux. L'objectif du gouvernement consiste à faire preuve d'équité et de justice à l'égard de toute la population québécoise, quelles que soient sa richesse, sa situation socio-économique et son origine ethnique.

M. le Président, un des volets intéressants de cette réforme repose sur le pouvoir des régions. Ainsi, dans chacune des régions du Québec, modelées selon les territoires des MRC, une régie régionale sera créée et remplacera les actuels conseils régionaux de la santé et des services sociaux. On comptera, en fait, 17 régions puisque, dans le Grand-Nord québécois, seront créées des régies pour les Inuit et les Cris.

Certes, il reviendra au ministre de la Santé et des Services sociaux de définir les grandes orientations et les grands objectifs du secteur. Il élaborera et surveillera la mise en application des politiques et des programmes, et verra à répartir équitablement les ressources humaines, financières et matérielles. Le ministre verra aussi à l'agrément des établissements et à la négociation des conventions collectives. Pour leur part, les régies régionales décideront de l'organisation des services sur leur territoire. Elles alloueront les budgets aux établissements et aux organismes communautaires et coordonneront l'action des cabinets de professionnels. Les régies disposeront de leur portion régionale de l'enveloppe de la Régie de l'assurance-maladie. Les régies devront, en plus, présenter des plans régionaux de soins et de services détaillés, et devront recenser avec précision les établissements et cabinets privés. Le but recherché est de rationaliser les services dans un même région, de s'assurer qu'il n'y ait plus de chevauchements, et de donner au citoyen un droit de regard réel dans les établissements et dans la structure régionale qui chapeaute les établissements.

En quelques minutes, il m'apparaft impossible d'analyser tous les tenants et aboutissants de cette vaste réforme, mon objectif étant plutôt d'en dresser un aperçu général qui repositionne le citoyen dans un système rendu complexe avec le temps. Il est important de souligner que les acquis essentiels du système de santé québécois demeurent et, pas de doute, que la qualité de vie des citoyennes et des citoyens du Québec n'en sera que meilleure.

En somme, le gouvernement libéral entreprend cette réforme dans la perspective d'une gestion meilleure des fonds publics, en tenant compte non seulement des services qui devront être offerts à la population, mais également en fonction de la capacité de payer de la population québécoise. De plus, les régions y trouveront leur compte, comme on l'a décrit précédemment, par le biais de la création des régies régionales dont la tâche principale consistera à évaluer, identifier et recenser les ressources mises à la disposition des citoyens.

Ce volet de la réforme de la santé m'ap-paraît d'autant plus essentiel que depuis longtemps l'on discute de la décentralisation nécessaire vers les différentes localités du Québec. Pour atteindre un succès dans cette opération, on comprendra qu'une nécessaire concertation entre les agents impliqués de près ou de loin dans le secteur de la santé et des services sociaux s'imposera.

Les municipalités, de leur côté, devront également collaborer à la mise en place de cette vaste réforme qui intervient après 20 années de pratique, dont les effets ont été plus que positifs pour l'amélioration de la qualité de vie des Québécoises et des Québécois. C'est à un véritable sens des responsabilités des citoyens que le gouvernement fait appel pour que cette réforme puisse s'articuler de façon cohérente et tienne compte de l'ensemble des objectifs poursuivis dans le cadre de la planification élaborée depuis les cinq dernières années à l'issue des commissions parlementaires tenues sur le sujet, ainsi qu'à l'issue des audiences publiques.

C'est dans un climat de confiance que le gouvernement prévoit le succès de toute cette entreprise, de la même façon qu'il y a 20 ans c'est un gouvernement libéral qui a fait en sorte que la population québécoise ait accès à un réseau de santé et de services sociaux complet et efficace. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet):Merci, M. le député de Papineau.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur le même sujet, je suis prêt à reconnaître la prochaine intervenante, mme la députée de marie-victorin. Mme la députée.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Je vois que l'exubérance de l'autre côté est très particulière à ce moment-ci; j'espère qu'elle se maintiendra tout au long de la soirée.

Quand on parle de la réforme, bien sûr, il y a des bons points. Il y a même des points très forts dans cette réforme, mais, par contre, il y a toujours un mais, il faut parler aussi des points qui sont acceptables et des autres. Entre autres, quand on parle des autres, bien sûr, je fais référence au ticket orienteur. Certains et même pour une ancienne ministre du Parti libéral, qui était l'ancienne ministre de la Santé et des Services sociaux l'appelait plutôt un ticket modérateur qu'un ticket orienteur. Les effets pervers aussi; on pourrait parler de l'impôt à rebours. Bien sûr que ça fart partie des notes discordantes de cette réforme, mais c'est vrai que c'est inacceptable, en tout cas à ce stade-ci de révolution sociale, quand on sait à quel point, de plus en plus, le tissu social de notre société est en train de s'effriter. Je crois qu'au lieu de taxer la maladie on devrait plutôt favoriser la prévention et maintenir les gens dans un état de santé et favoriser l'environnement social.

Et, malheureusement, dans cette réforme, il y a des aspects qui ont été négligés et des aspects qui seront de plus en plus importants dans notre société parce qu'il se passe de nouveaux phénomènes; des phénomènes sociaux pour lesquels nous n'avons pas nécessairement développé une expertise ou des ressources qui pourraient répondre le plus adéquatement à ces nouveaux besoins, à cette nouvelle demande qui est de plus en plus en progression. Notamment, je fais référence à un phénomène qui est de plus en plus important et même très impressionnant dans notre société, c'est le problème de la consommation abusive des drogues; que ce soit l'alcool, que ce soient les médicaments ou que ce soient aussi les drogues dures et même aussi toutes les autres formes de drogue, on s'aperçoit que de plus en plus, dans notre société, il y a une consommation abusive, avec des conséquences dramatiques qui touchent tous les différents groupes d'âge de notre société, mais plus particulièrement et plus durement, en fait, nos jeunes. À ce moment-ci, on se serait attendu que le ministre avec sa réforme apporte une attention particulière à ces nouveaux phénomènes, à cet aspect de notre société qui demande justement qu'on apporte une réflexion en profondeur, une réforme en profondeur et même une politique qui convient à ces phénomènes et qui apporte des solutions. Mais, encore là, nous devons rester sur notre appétit, M. le Président. (21 heures)

J'aurais pensé qu'au niveau de la réforme, au chapitre de la toxicomanie, alors que nous sommes déjà en retard sur ce volet, nous aurions eu beaucoup plus que ce qui a été apporté dans cette réforme. On ne peut que constater, malheureusement, que ce qui avait été proposé par l'Opposition, en ce qui concerne la création d'un conseil québécois en toxicomanie qui aurait favorisé la coordination de l'ensemble des activités sur le territoire québécois, aurait permis un meilleur service à l'ensemble des différentes clientèles dans tout le Québec, M. le Président, en tenant compte des particularités des régions, mais en misant sur l'expertise et la mise en commun de cette expertise des différents intervenants dans les différentes régions du Québec-Peine perdue, M. le Président, nous devrons malheureusement attendre encore je ne sais pas combien de temps, peut-être le temps qu'on prenne le pouvoir, pour mettre en application cette réforme qui s'impose actuellement quand on parle du problème de la toxicomanie. Nous, nous y croyons à cette concertation, à cette coordination qui est si vitale pour l'ensemble des gens qui interviennent dans ce milieu. Encore une fois, nous allons être obligés de vivre de façon éparse. Les différents services qui seront donnés dans ce champ d'activité, en fait, au niveau de la réadaptation ou dans le domaine de la prévention ou encore, M. le Président, en ce qui concerne les données fiables pour avoir une meilleure intervention... Peine perdue, M. le Président. Dans ma région, la Montérégie, j'essayais de savoir les données exactes de jeunes qui ont cogné à la porte de centres de réadaptation pour avoir des services, et personne ne pouvait me donner ce genre d'information parce qu'il n'existe actuellement aucune donnée, aucun centre de données sur les besoins en réadaptation au niveau de la toxicomanie. D'autant plus que vous savez très bien qu'il n'existe pratiquement aucune ressource pour répondre aux besoins des jeunes. Bien sûr qu'il existe des ressources en réadaptation, en toxicomanie, en désintoxication pour les personnes âgées au niveau des problèmes d'alcoolisme, mais encore faut-il en trouver pour les jeunes, M. le Président, et c'est difficile, actuellement, de trouver des ressources dans le secteur public qui permettraient justement de répondre adéquatement aux besoins de ces jeunes qui sont aux prises avec ces phénomènes de plus en plus épouvantables. On en a de plus en plus et ça commence très très tôt.

Quand on parle d'une réforme et de tout le volet de réformer en ce qui concerne la partie des jeunes, les services sociaux et une politique de la jeunesse, c'est des facteurs sur lesquels il faut s'arrêter et vérifier avec d'autres intervenants, que ce soit dans le milieu de l'éducation ou dans le milieu de la justice, que ce soit dans le milieu de la santé. Il faut favoriser en fait un échange entre tous ces intervenants des différents systèmes, qui oeuvrent avec des jeunes et qui sont confrontés à ces problèmes journaliers et qui débutent très rapidement, ce pourquoi il

faut miser sur la prévention. Et, là encore, au chapitre de la réforme, on n'a aucun montant attribué à la prévention. Donc, tout est possible, bien sûr! On pourra dire qu'on pourra faire énormément, mais encore faut-il avoir des sous pour faire des choses. C'est bien beau, des voeux pieux. On sait que c'est l'époque des fêtes et qu'on peut se permettre d'avoir de bons voeux, mais ce n'est pas tout, M. le Président. C'est important d'avoir aussi quelque chose de substantiel, et quelque chose de substantiel, c'est un budget adéquat qui est conforme à la réalité des besoins, et, actuellement, dans cette réforme, eh bien, on peut dire que c'est beaucoup de vent en ce qui concerne tout ce côté qui touche la prévention au niveau de la toxicomanie.

Je trouve ça triste parce que, quand j'ai été en commission parlementaire, de nombreux intervenants sont venus démontrer à quel point il était important, actuellement, de s'arrêter à ces nouveaux phénomènes de notre société, à quel point il était important d'apporter de nouvelles avenues et de nouvelles orientations pour permettre une action concrète, pour répondre à ces besoins, à cette nouvelle problématique qui est la consommation abusive de drogues, tant chez les jeunes que chez les personnes âgées, chez tous les groupes d'âge, y compris aussi nos travailleurs, M. le Président. Et je ne pense pas que ce sort tout simplement avec un ajout de 30 nouveaux points de service en réadaptation que ça va faire toute la différence, alors que nous sommes déjà en retard, qu'il n'en existe actuellement que 83. Vous me direz peut-être, M. le Président: Bien oui, il y a le secteur privé qui existe et, si les gens veulent se faire soigner, ils peuvent toujours avoir recours à toutes les institutions privées qui offrent beaucoup de services dans ce domaine, mais encore faut-il avoir les sous pour pouvoir entreprendre un programme de réadaptation dans les services privés.

Et je crois que c'est de l'intérêt social que de prendre le plus rapidement possible des gens qui ont un problème d'alcoolisme ou de consommation de drogue, le plus tôt possible, pour minimiser les effets négatifs de cette consommation-là qui a un impact, vous le savez fort bien, sur l'ensemble du tissu social. De plus en plus, on voit une augmentation de la violence. Chez les jeunes, qu'est-ce que c'a pour effet? Des problèmes de violence, de prostitution chez les jeunes, de vol, de délinquance. Et, de plus en plus, on n'est plus capable d'y faire face. On en échappe tellement, dans notre réseau, M. le Président, qu'on a une augmentation de sans-abri de plus en plus faramineuse, à l'heure actuelle, au centre-ville de Montréal. À cette époque-ci de l'année, allez vous promener dans le centre-ville de Montréal et même dans le centre-ville de Québec, vous allez voir à l'embouchure des endroits... Chez nous, à Montréal, c'est le métro, mais dans la région de Québec, dans les endroits où on peut entrer pour se réchauffer, vous allez voir bien des jeunes qui sont là et qui sont maintenant rendus des clochards parce que le système n'a pas été capable d'intervenir au moment de leur chute, si vous voulez, et dans leur problème de consommation.

Et c'est pourquoi j'aurais cru, en fait, que la chance était donnée au gouvernement de s'attarder d'une façon vraiment significative à ce nouveau volet que nous avons à confronter de plus en plus et que ça fait partie de la nouvelle dynamique de notre société et qu'il faut en tenir compte. Il faut le regarder, non pas sur la pointe des pieds, en disant: On mettra plus tard certaines ressources. Pour le moment, on va se contenter d'additionner quelques lits et ça va répondre. Quand on parle, M. le Président, d'une augmentation de 40 lits, en fait, pour l'ensemble de la région du Québec, voyez-vous, ça ne fait pas une très grande répartition. Ça ne fait pas vraiment beaucoup de lits pour l'ensemble du Québec, l'ensemble du territoire, quand on compte le nombre de régions qu'on a au Québec.

Je vous le dis, avec 40 lits, il y a encore beaucoup de gens qui risquent d'attendre longtemps en ligne pour pouvoir avoir un traitement. Et on risque, à ce moment-là, d'avoir beaucoup plus de gens, par contre, qui vont allonger la liste des sans-abri, et qui risquent, justement, de détériorer leur santé à un point tel qu'ils ne pourront plus être profitables pour l'ensemble de la société. Je trouve ça un petit peu regrettable, mais ça fait partie des points faibles de la réforme.

On peut aussi parler de 184 places d'hébergement en réadaptation et ici c'est 45 places de moins que ce qui était suggéré par le rapport Bertrand. Alors, vous voyez, M. le Président, que déjà dans le rapport Bertrand - on se souvient -qui était sur la réforme qu'on devait apporter en matière d'intervention en toxicomanie, on considérait que c'était un minimum acceptable, compte tenu des retards que le Québec s'était vu imposer parce qu'ils n'avaient pas nécessairement réagi rapidement devant ces nouveaux phénomènes sociaux. Et là, nous allons tarder encore une fois à pouvoir répondre à ce besoin, et nous allons encore accentuer ce retard de plus en plus.

Il nous sera difficile, à un moment donné, de pouvoir vraiment répondre à ces besoins et c'est une jeunesse qu'on laisse sur le carreau. C'est une bonne partie de notre jeunesse qui a déjà des problèmes parce que, dans notre société, c'est trop rapide. C'est dur, cette société dans laquelle nous vivons, cette société de consommation où de nouvelles orientations de tous ordres, que ce soit la famille, la façon de travailler, la façon de s'organiser sur le plan social... Ils ne sont pas nécessairement préparés pour faire face à toute cette nouvelle responsabilité que demande cette société et parce que, malheureusement, ils ne sont pas capables, ils sont dépassés, eh bien,

ils vont tomber dans une consommation de drogue.

(21 h 10)

Et vous savez qu'à Montréal et dans toutes les régions du Québec, pour avoir fait la tournée du Québec, je me suis aperçue à quel point la situation était dramatique. Il n'y a aucune région du Québec qui, actuellement, peut être épargnée par la consommation de drogues et d'alcool, quand on a des taux de chômage aussi considérables que dans la région de la Gaspésie. Bien sûr, vous pouvez faire un lien direct entre la consommation de drogues et la consommation de médicaments ou la consommation d'alcool et vous pouvez vous apercevoir qu'il aurait été important, surtout dans ces régions éloignées, de faire un effort substantiel pour développer des services pour répondre à ces besoins qui sont cruciaux dans ces endroits. Je pense que la réforme n'a pas atteint son objectif dans le volet de la toxicomanie. Elle ne fait qu'effleurer ce volet-là; elle n'apporte pas les solutions auxquelles on était en droit de s'attendre.

Il y a tout l'aspect de la consommation des médicaments chez les personnes âgées. Je trouve inacceptable, M. le Président, de taxer les personnes âgées parce qu'elles consomment des médicaments, parce qu'il y a quelqu'un quelque part qui, oui, donne des prescriptions et qui fait en sorte que ces personnes âgées ont pris l'habitude de consommer des médicaments, et, rendues à un certain âge, on les retrouve toxicomanes parce que tout simplement ça faisait partie d'un réflexe, d'une pratique qui fait en sorte que ces personnes ont de la difficulté à s'en sortir. Je ne pense pas qu'avec le ticket orlenteur on va empêcher ces personnes âgées d'aller dans les urgences des hôpitaux, parce que ces mêmes personnes âgées, très souvent, font des chutes parce qu'elles ont trop consommé de médicaments. Parce qu'elles ont de la difficulté à lire les étiquettes de leurs médicaments, elles vont faire une surconsommation ou elles vont faire une mauvaise consommation de leurs médicaments. On ne met pas l'accent au bon endroit, tout simplement on essaie de diminuer la consommation, alors que c'est sur la prévention qu'il aurait fallu mettre l'accent. Je ne pense pas qu'on va changer des attitudes de comportement au niveau des personnes âgées en leur faisant payer un impôt à rebours sur la consommation de leurs médicaments. Je ne crois absolument pas.

Il y avait des réformes à faire, tant au niveau de la pratique médicale en ce qui concerne les ordonnances médicales, et on sait très bien que les personnes âgées, c'est le syndrome de la porte tournante, parce qu'on ne sait pas où les mettre, parce qu'il n'y a pas suffisamment de lits dans les hôpitaux, parce qu'on n'a pas suffisamment de ressources pour répondre à leurs besoins. On sait bien que c'est le syndrome, mais on les envoie un peu partout. Ces gens-là sont désemparés, sont désespérés et on les retrouve avec des problèmes d'alcoolisme et c'est dramatique chez les personnes âgées parce qu'elles n'osent pas en parler, elles sont âgées, elles ont honte de leur situation et c'est ces personnes-là, M. le Président, qu'on va pénaliser par la réforme, alors qu'on aurait dû donner...

Quand on parle d'une réforme, il faut peut-être commencer par le commencement et le commencement aujourd'hui, c'est sur la prévention et il n'y a pas vraiment d'argent qui a été mis sur la prévention. Encore une fois, on ne fait tout simplement que déplacer, dans certaines situations, le problème, mais je ne crois pas qu'on va répondre actuellement, à court terme en tout cas, au désengorgement des urgences par de telles pratiques.

M. le Président, la consommation des médicaments, on devra en parler énormément, ça coûte cher, j'en conviens, mais il y a aussi des gens qui ne se sont pas arrêtés sur des questions aussi fondamentales, a savoir pourquoi les gens consomment autant de médicaments à l'heure actuelle, et ça c'est relié directement à des problèmes de notre société, à un réflexe de notre société où on aime mieux endormir les gens, les maintenir un peu dans un état de somnolence, plutôt que de les aider à faire face à leurs responsabilités et à accepter aussi des situations.

Dans ce sens, M. le Président, il est important dans une réforme de regarder les différents aspects de la société et d'apporter aussi des solutions à tous les différents aspects sociaux de notre société. Quand on regarde actuellement la pauvreté qui s'installe de plus en plus dans notre société, je pense que oui, c'est un aspect sur lequel il aurait été important qu'on puisse s'arrêter et discuter largement dans une réforme qui touche aussi l'ensemble de notre population au niveau de son mieux-être et de sa qualité de vie.

Je ne crois pas qu'on puisse parier de qualité de vie quand, en fait, certaines personnes, pour oublier leur sort, doivent consommer des médicaments, de l'alcool ou des drogues, M. le Président. Je pense qu'il y a d'autres effets plus importants et je trouve malheureux qu'actuellement on n'ait trouvé que ce moyen pour dissuader des gens de telles pratiques, le ticket modérateur, orienteur - je m'excuse de me tromper comme ça, mais, c'est tellement facile de cause à effet et de parier d'un impôt à rebours, M. le Président. Je pense qu'on s'attendait, en tout cas les gens qui travaillent dans le milieu de la toxicomanie s'attendaient à une véritable politique en matière de toxicomanie, qui aurait permis justement d'envisager des mesures concrètes avec des résultats plus significatifs que ce que cette réforme nous apporte à l'heure actuelle parce que, M. le Président, nous avons affaire à un problème qui n'ira pas en diminuant mais bien, au contraire, dans la société dans laquelle nous vivons à l'heure actuelle, c'est un problème qui de plus en plus ira en s'accentuant. Il faut

s'équiper tout de suite pendant qu'il est encore temps et ne pas attendre que la situation soit rendue à un point tel qu'on ne pourra plus y faire face, un peu comme avec les personnes âgées. Il y a 20 ans, on pouvait déjà prévoir - j'ai fait mes études en administration hospitalière - on parlait de tous ces différents aspects et il ne s'est passé absolument rien. On a eu de la difficulté à voir que la population vieillissait et à s'ajuster en conséquence. Il y a un nouveau phénomène, il y a une nouvelle problématique actuellement dans notre société et c'est tout le volet de la consommation des drogues. On ne peut même plus parler de toxicomanie, tout le monde s'entend pour parler de polytoxicomanie, M. le Président, et je pense qu'il aurait été souhaitable que ce volet-là fasse l'objet d'un peu plus que ce qui est dans cette réforme-là. En fait, qu'il ait apporté l'ajout de quelques lits... et aussi avec un centre de recherche... Je pense qu'on est rendu à l'heure des choix et ça aurait été un choix important, une orientation importante pour répondre aux véritables besoins de notre population qui est en mouvance, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Je reconnais maintenant la prochaine intervenante, Mme la vice-présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Nous étudions ce soir un projet de loi très important pour notre système de santé. Il s'agit de l'important virage que le Québec entreprend dans le domaine de la santé et des services sociaux. Virage sur lequel il y a beaucoup à dire tellement il sera significatif pour le bien-être et la santé de la population.

Dans le cadre de mon allocution, j'aimerais aborder deux dimensions de la réforme proposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux. La première dimension concerne le contexte entourant cette réforme. La seconde a trait à la nature de la réforme proposée ainsi qu'à son contenu et à son étendue. Enfin, je terminerai en revenant sur les objectifs de cette réforme. Je n'ignore pas, M. le Président, qu'il s'agit là d'une tâche énorme dans le peu de temps qui m'est imparti pour entretenir mes collègues de la Chambre. Mais je crois néanmoins qu'une vue d'ensemble sur la réforme est nécessaire dans la perspective d'une compréhension éclairée de cette réforme de notre système de santé.

M. le Président, la perspective d'une réforme de notre système de santé n'est pas, on le sait, récente. Elle a marqué la décennie quatre-vingt. Elle s'est imposée à la lumière d'une suite de constats sur notre système de santé. D'une part, on a pu constater dans notre société des gains importants sur la maladie et la souffrance depuis la mise en place, par notre formation politique, du rapport de la commission Castonguay-Nepveu. Ces gains appréciables se sont évidemment traduits par l'augmentation de l'espérance de vie, tout comme d'ailleurs par la réduction de la mortalité des nouveaux-nés, des problèmes cardio-vasculaires et accidentels pour ne nommer que ceux-là. D'autre part, on a constaté deux phénomènes importants. Le premier de ces phénomènes est que notre système s'éloignait du citoyen qu'il devait servir. Sa dynamique de développement, de financement et de fonctionnement tendait à négliger le citoyen au profit des tensions internes qui en nourissent et en alimentent le quotidien. (21 h 20)

Le deuxième constat est relatif aux nouvelles pressions qui ont commencé à s'exercer sur notre système de santé et de services sociaux. Il s'agit de pressions liées principalement au vieillissement de la population, à la transformation radicale de la famille et à l'émergence de nouveaux problèmes sociaux et de nouvelles maladies. Le vieillissement de la population commence, on le sait, à exercer des pressions sur notre système de santé et de services sociaux, et on sait que ces pressions se feront de plus en plus fortes au tournant du siècle.

Il en va de même pour les effets de la transformation radicale de la famille. La mise à l'épreuve de ce lien de socialisation traditionnellement établi engendre des pressions sur notre système, puisque les individus se tournent vers le réseau de la santé et des services sociaux pour obtenir le soutien et le support traditionnellement dispensés par le milieu familial.

À cela, il faut ajouter des problèmes sociaux liés à la violence, à l'itinérance ainsi qu'à des maladies telles que le sida. Ces constats, M. le Président, sont, on le sait, le résultat de plusieurs études, notamment celle du rapport Rochon, celle de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui avait rendu public un document d'orientation, et enfin, bien sûr, celle du ministre actuel, M. Marc-Yvan Côté, qui vient d'être rendue publique et dont nous nous apprêtons à mettre en application les recommandations. Tous ces constats conviennent d'une chose: ce n'est pas l'ensemble du système, mais sa capacité d'adaptation au nouvel environnement de ressources publiques qui doit tenir compte de la capacité de payer des contribuables québécois. Cette faible capacité d'adaptation au nouvel environnement fait en sorte que notre réseau de santé et de services sociaux se trouve à la croisée des chemins. Des choix s'imposent donc pour rendre compatibles les dynamiques de développement, de fonctionnement et de financement du réseau. Ces choix incontournables trouvent leur expression dans la

réforme du ministre.

Axée sur le citoyen, la réforme de la santé et des services sociaux doit relever simultanément trois défis qui sont exposés dans le livre blanc. Le premier de ces défis est d'assurer un développement qui corrige les lacunes actuelles des services offerts à la population et qui permette de répondre aux besoins de demain. Le second est d'assurer un fonctionnement qui rende le réseau de la santé et des services sociaux plus efficient dans l'utilisation des ressources et plus efficace dans la solution des problèmes de santé et de bien-être. Le troisième est d'assurer un financement qui maintienne un juste équilibre entre les dépenses du réseau et la capacité de payer de la collectivité.

Si le Québec veut replacer le citoyen au centre de son réseau de santé et de services sociaux, il doit faire en sorte que ce défi de la réforme soit relevé avec succès. À cet égard, il y a chez nous un fort consensus et ce, tant dans la population que chez les intervenants du réseau. Tous conviennent que le citoyen doit être replacé au centre du réseau et ce, à plusieurs titres: soit à titre de consommateur de services, puis à titre de décideur qui influence les orientations et l'organisation et, enfin, à titre de payeur de taxes aux capacités limitées. Si tous conviennent du caractère impérieux de les relever avec succès, tous conviennent également de l'ampleur de la tâche qui est celle de réformer un système de santé et de services sociaux qui nécessite à lui seul près du tiers du budget annuel de l'État.

Avant d'aller plus loin, M. le Président, j'aimerais rappeler l'essentiel de la réforme proposée. La réforme contient plusieurs volets qui mériteraient une attention particulière. Je conviens de me limiter à l'essentiel, soit à trois volets, c'est-à-dire les établissements, la régionalisation et le financement.

La réforme a pour objet de modifier la répartition des rôles entre les établissements. Elle place à l'avant-scène, comme porte d'entrée, le réseau des CLSC. Ils deviendront la première ligne, comme on dit dans le milieu de la Santé; ils deviendront un passage obligatoire pour accéder à un spécialiste, pour obtenir divers types de soins de santé, à l'exception des soins de pédiatrie et de gynécologie.

Pour modifier les habitudes des gens qui ont, comme on le sait, une très forte tendance à se diriger automatiquement vers les urgences de nos hôpitaux quel que soit leur problème de santé, la réforme prévoit d'abord la mise en place d'un service téléphonique 24 heures sur 24 dans toutes les régions, où des infirmières établiront un premier diagnostic et les inviteront à se diriger vers les établissements appropriés pour traiter leur problème de santé, puis la création d'un ticket orienteur de 5 $ payable par ceux qui frappent à la porte des urgences alors que leur cas pourrait se régler en CLSC ou en cabinet privé. Ces deux mesures devraient permettre aux gens de s'adresser d'abord au CLSC pour régler une partie importante de leur problème de santé et surtout diminuer la pression sur les urgences de nos hôpitaux.

Par là, M. le Président, on voit donc que les CLSC se voient attribuer un nouveau rôle dans le réseau. Ils auront à desservir les soins à domicile afin de répondre aux besoins des soins supplémentaires qu'entraîne le vieillissement de notre population. Les CLSC constituent dans l'avenir une sorte de base d'opération pour le développement des services à domicile qui sont l'une des voies privilégiées pour répondre au problème du vieillissement et surtout ramener, comme on le sait, notre taux d'hospitalisation des personnes âgées à un niveau comparable à celui de l'Ontario et du reste du Canada.

Le second élément majeur de la réforme est relatif à ce qu'on a appelé la régionalisation des services de santé. Des régies régionales seront créées et progressivement chargées de l'application des programmes. C'est donc dire qu'il y aura une régionalisation des budgets de la Régie de l'assurance-maladie, qui continuera toutefois d'administrer les fonds. La régionalisation devrait permettre de régler significativement le problème de l'accessibilité des soins pour les gens des régions éloignées. Le système des enveloppes régionales fera en sorte que les médecins seront maintenant beaucoup plus intéressés à venir y oeuvrer et, du même coup, les citoyens et citoyennes des régions auront accès, au même titre que les autres, aux soins de santé.

Le troisième volet concerne les coûts et le financement. À ce chapitre, la principale difficulté des gouvernements est de sensibiliser la population au fait que près du tiers des dépenses publiques est consacré à la santé. La population ne le réalise pas puisque les services de santé sont payés à même les impôts. On a donc l'impression que c'est gratuit. Or, ce problème est à l'origine de ce qu'on appelle la surconsommation des soins et des médicaments. La réforme prévoit à cet égard des moyens pour sensibiliser des clientèles spécifiques au coût de cette surconsommation et, en particulier, les personnes âgées au coût des médicaments qu'elles consomment.

Enfin, en ce qui concerne le financement, le ministre prévoit que les dépenses de santé devraient connaître une croissance d'au plus 3 % par rapport à l'indice des prix à la consommation. Cet objectif apparaît réalisable, mais sera exigeant dans la mesure où son atteinte dépend largement de notre capacité de faire face aux pressions sur les coûts que créera le vieillissement.

M. le Président, le gouvernement libéral entreprend une réforme profonde du système de santé et des services sociaux. Je suis confiante qu'il réussira à réaliser cette réforme qui permettra d'actualiser notre système de santé et

de services sociaux pour lui permettre de relever les défis qui le confrontent au tournant du siècle. Il sera ainsi en mesure de remplir efficacement l'énorme mission qui est celle de faire régresser la maladie et la souffrance de notre société. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Sur ce même sujet, à savoir l'adoption du principe du projet de loi 120, je reconnais maintenant M. le député d'Ungava. (21 h 30)

M. Christian Claveau

M. Claveau: Merci, M. le Président. Lorsque le ministre de la Santé et des Services sociaux annonce quelque chose, il faut toujours se méfier. On ne sait jamais quand ça va venir, entre autres. Dans ce cas-là comme dans d'autres choses qu'il nous a annoncées au moment où il occupait d'autres augustes postes en ce même gouvernement, il y avait anguille sous roche. À la suite d'une magnifique opération publicitaire, le ministre dépose sa réforme devant cette Chambre, un beau boîtier bien carré d'agréable présentation. Mais il s'était gardé pour la conclusion une couple de petits éléments un peu moins agréables: l'impôt à rebours, pour appeler les choses par leur nom. Là, il va falloir payer si on consomme; c'est après avoir consommé des soins de santé que l'on va se voir facturer par le gouvernement, par le biais de l'impôt, pour les services que l'on a utilisés. Si c'est pas payer de l'impôt déguisé, il faudrait qu'on m'explique ce que c'est. Et puis, il s'était gardé aussi son ticket orientateur. Extraordinaire, M. le Président, un principe extraordinaire dont on va avoir l'occasion de discuter dans les minutes qui viennent. Le ticket orienteur, imaginez-vous!

Quand je dis qu'il faut se méfier au moment où le ministre annonce quelque chose, j'ai de bonnes raisons. Au risque d'être un peu hors sujet, je ne peux m'empêcher de penser, lorsque je pense au ministre de la Santé et des Services sociaux, à de belles promesses qu'il est venu faire en région, au cours des dernières années. On se rappellera du milliard qu'il avait annoncé en développement régional, 1 000 000 000 $, entente fédérale-provinciale. Il devait s'en faire du développement régional: depuis ce temps-là qu'on ferme les régions. Tout le monde attend encore pour voir ce qui va se passer.

M. le Président, en juillet 1989, ce même ministre se présentait chez nous à Chibougamau pour nous annoncer une route. Il disait: Ce n'est pas du bluff, ça s'en vient, c'est fait. Ça fait 18 mois et on l'attend encore sa route, la route du nord; on l'attend encore.

Une voix:...

M. Claveau: Ce sont là des exemples... Si le ministre n'est pas d'accord, écoutez, il a toujours beau me demander de revenir à la pertinence.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Mon Dieu, mon Dieu, mon Dieu! À quelques jours de Noël, le député d'Ungava est parti comme le Père Noël avec son traîneau. M. le Président, rappelez-le donc dans le bon chemin, qu'il respecte la pertinence de l'article 211 de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député d'Ungava, vous avez six ans d'expérience à l'Assemblée nationale, vous savez...

Une voix: Ça ne paraît pas.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...que vous pouvez faire un parallèle avec d'autres sujets que ce qui est traité par le projet de loi 120, sauf que je dois vous rappeler que, lorsque vous parlez de développement régional et de construction de routes, c'est un petit peu éloigné de la réforme de la santé. Je vous demanderais d'entrer dans le sujet, M. le député d'Ungava.

M. Claveau: M. le Président, ^ je voudrais juste rappeler au député de Mille-Îles que le ministre de la Santé et des Services sociaux a joué pendant des années au Père Noël et qu'on attend toujours les cadeaux.

M. Bélisle: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: C'est un rappel à votre décision que le député d'Ungava essaie de faire. Je pense qu'il connaît très bien les articles... mais peut-être qu'il ne les connaît pas. M. le Président, votre attention... Merci, bonjour.

M. le Président, le député d'Ungava, je pense, n'a pas lu les dispositions de notre code. Il faudrait peut-être le rappeler à l'ordre encore une fois.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député d'Ungava, si vous voulez continuer, s'il vous plaît.

M. Claveau: Ce n'est toujours pas moi, M. le Président, qui suis responsable des promesses qui n'ont pas été remplies.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): II n'y a pas de question de règlement, continuez, M. le député d'Ungava, ça va très bien là, ni d'un côté ni de l'autre.

M. Claveau: M. le Président, certains citoyens de mon comté ont eu une très désagréable surprise, la semaine dernière, des gens malades, des gens traités pour le cancer. Vous savez que, lorsqu'on est en région éloignée, ce n'est pas drôle d'être malade. Ce n'est pas plus drôle dans les régions centrales, urbaines, c'est clair, mais il y a certains inconvénients supplémentaires lorsque l'on vit en région éloignée. Imaginez-vous que, la semaine dernière, quatre citoyens de mon comté, qui sont traités pour le cancer ont appris à l'hôpital de Chicoutimi que le service d'hôtellerie n'était plus gratuit et qu'à partir de l'immédiat, ils devraient payer 25 $ par jour pour leur logement plus les repas, ce qui représente un montant d'à peu près 250 $ par semaine. C'est ça le service en région, c'est ça l'amélioration, le rapprochement de la médecine des gens des régions. Il faudra qu'on commence par donner l'exemple à partir du présent, M. le Président, avant de venir nous parler de réforme. Ah! nous dit-on, l'hôpital de Chicoutimi est en déficit, et c'est à eux de trouver les moyens de le combler. Moi, je veux bien, mais que ce soit les gens les plus éloignés, les plus mal pris quand ils sont malades qui aient à payer pour, là il commence à y avoir un problème.

Le ministre de la Santé et des Services sociaux se présente en cette Chambre et dit: Nous avons des solutions pour tout le monde, vous allez voir que la médecine en région on va la rapprocher, qu'on va en trouver des médecins, qu'on va faire en sorte que les gens des régions soient soignés au même titre que n'importe qui d'autres au Québec. Eh bien! qu'on commence par ià, M. le Président, qu'on commence par s'assurer que lorsque tu restes à Chibougamau et que tu es pris du cancer, tu n'aies pas à payer 25 $ par jour pour pouvoir te faire traiter dans un hôpital plus tes repas qu'on ne voudra plus te fournir.

Ça, ce sont des cas concrets, c'est la vraie réalité, c'est comme ça qu'on la vit, la médecine sur le terrain. Ce n'est pas en changeant les conditions de travail de quelques médecins pour qu'ils s'en viennent chez nous, certes, c'est un plus, mais le malade, lui, qu'est-ce qu'on en fait? Lorsqu'on dit comme beau principe dans la réforme qu'il faut d'abord s'occuper du client, eh bien, ça commence par là. Moi, je veux que, lorsqu'on arrive à parler de réforme, on s'assure que des choses semblables ne se présentent plus. Je veux avoir la garantie que tous les gens qui sont malades par chez nous aient droit aux mêmes services qu'ailleurs.

Si vous restez à Québec, vous n'avez pas à vous payer d'hôtellerie pour aller vous faire soigner contre le cancer. Si vous restez à Montréal, vous n'avez pas à vous payer d'hôtellerie ni de chambre ni de restaurant pour aller passer un traitement de radiothérapie; vous pouvez y aller et retourner chez vous dans la journée. Mais lorsque vous restez à Chibougamau et que la machine la plus proche est à 350 kilomètres, c'est difficile de revenir dans la journée, surtout quand on en a plusieurs jours de suite. Là, on oblige ces gens-là à payer l'hôtellerie dans les hôpitaux.

J'écoute le député de Matapédia qui dit: Puis! Je comprends qu'il dise: Puis! Il n'a jamais été capable de défendre un TACO pour les gens de son coin, il a aimé mieux qu'ils fassent un golf en Gaspésie, à la place. Je comprends qu'il dise: Puis! Mais il ira dire "puis!" aux gens d'Amqui pour voir ce qu'ils vont lui dire. Allez le dire aux gens d'Amqui: Puis après? Ils vont s'en rappeler. C'est ça, les problèmes de la médecine en région.

Entre autres, j'ai un cas flagrant là d'irresponsabilité de ce gouvernement devant des gens malades. Comment peut-on obliger des gens atteints d'une maladie aussi grave que le cancer à payer de l'hôtellerie dans un hôpital à Chicoutimi, pour être précis, pour pouvoir avoir accès aux services de radiothérapie? Et le ministre va trouver ça normal, je suppose. En tout cas, moi je ne vois rien dans sa réforme qui nous permette d'améliorer ça, sauf qu'il va transférer globalement des fonds en région pour des décisions régionales. Bien oui, il va transférer le problème aux autres. Il va dire: Réglez-les, trouvez des moyens. Mais par contre il ne donnera pas les ressources pour aller avec, parce que ça coûte cher et que ça demande des ressources supplémentaires. M. le Président, comment va-t-on faire, par exemple, pour quelqu'un du secteur du Nouveau-Québec qui veut aller se faire traiter à Québec ou à Montréal? Est-ce que ça va faire partie des enveloppes régionales, ça? Il faudra en discuter très sérieusement. Est-ce que le choix, par exemple, d'aller se faire traiter dans un hôpital à Montréal, quand tu restes à Matagami ou à Radisson, versus un hôpital à Québec ou en Abitibi va être compensé par le ministère? Ce n'est pas évident que c'est toujours aussi facile que ça quand tu es en région, même si le député de Matapédia dit: Puis! C'est le mot le plus intelligent qu'il a dit en cette Chambre, imaginez-vous le reste? C'est ça, les problèmes qu'on vit, M. le Président. Parlons rapidement des tickets orienteurs. Quand on nous dit que des routes, ce n'est pas nécessaire, je vous ferai remarquer, M. le Président, que des routes pour aller à l'hôpital, ça peut être bien intéressant et des routes pour arriver au CLSC, ça peut être intéressant aussi, surtout quand c'est le même ministre qui l'a promis déjà. On se souviendra d'ailleurs qu'il avait promis une route aussi pour la réserve de Mistassini, qu'on attend toujours. J'ai eu les arpenteurs dans les pattes durant tout le temps de la campagne électorale et j'attends encore après la route, imaginez-vous! C'est vrai. Et je vous ferai remarquer qu'il n'y a pas une ambulance qui résiste à transporter des gens de la réserve de Mistassini pour les sortir à l'hôpital, parce que la route n'a pas de bon sens, elle est

complètement finie. Ça fait partie des services de santé aussi, M. le Président. (21 h 40)

M. le Président, lorsque l'on parle de réforme de la santé, il faut d'abord avoir une politique; il faut savoir à quoi s'en tenir, il faut savoir quels sont les objectifs que l'on a. Dans son livre blanc, Mme Thérèse Lavoie-Roux, alors ministre de la Santé et des Services sociaux, avait exposé un certain nombre de politiques, d'objectifs; une vingtaine d'objectifs qu'elle avait fait connaître, qui étaient les orientations principales sur lesquelles devrait se baser la transformation des structures par après. M. le Président, une politique de la santé, c'est d'abord se donner des objectifs en termes de santé et, une fois qu'on s'est donné ces objectifs-là, on peut, après ça, mettre en place de nouvelles structures, au besoin, mais il faut savoir pourquoi. Arrêtons de mettre la charrue en avant des boeufs, M. le Président, ça n'a pas d'allure.

Là, le gouvernement nous propose une réforme des structures de la santé, mais il va nous amener sa politique rien que le printemps prochain. Ça me fait penser, ça, à l'ex-ministre du Revenu et du Travail qui, pas plus tard qu'au printemps dernier, en commission parlementaire, nous présentait un projet de loi pour modifier la façon de cotiser à la CSST. Il disait: II faut changer les moyens de cotiser. Nous, on disait: M. le ministre, vous devriez d'abord vérifier l'état des cotisants et de ceux qui ont les services, combien ça va coûter, a quoi les bénéficiaires vont avoir droit, et puis, après ça, on orientera la cotisation en conséquence. Le ministre a dit: Non, non, on va changer la cotisation et, après ça, on vous promet qu'on va revenir en commission parlementaire pour étudier le droit des bénéficiaires.

Eh bien, croyez-le ou non, M. le Président, ça va faire tout près d'un an qu'on a changé les règles de la cotisation, mais on n'a jamais réentendu parler des droits des bénéficiaires. Alors, on moment où on se parle, on a modifié la cotisation, mais on ne sait pas encore pourquoi, parce que les droits des bénéficiaires ne sont pas encore établis. Presque un an plus tard. Et, là, on s'en vient dans une structure semblable. Il faut croire que c'est la façon de faire de ce gouvernement, M. le Président.

On commence par modifier les structures et, après ça, on déposera une politique pour voir ce qu'on va faire avec ces nouvelles structures-là. C'est exactement ce qu'on a, M. le Président. Comment voulez-vous qu'on puisse adapter des structures de la santé à des objectifs qu'on ne connaît même pas? Il n'aurait pas été plus sage, vous croyez, d'établir des objectifs, de déterminer des ententes ou des façons de faire avec les autres ministères, le ministère des Transports, le ministère de l'Environnement? On sait comment l'environnement est important dans le domaine de la santé, du moins j'espère que vous y croyez. Le ministère de l'habitation; on sait c'est quoi, les problèmes des familles démunies qui vivent dans des taudis par rapport à la santé. Ce serait intéressant d'établir des politiques avec le ministère de l'habitation, le ministère de la famille, responsable de tous ces éléments-là de la société, et, après ça, à partir de là, se donner des objectifs précis et, après, changer les structures, faire en sorte d'adapter les structures aux nouvelles réalités, aux nouveaux objectifs qu'on s'est donnés comme gouvernement.

Bien non, M. le Président. Ce n'est pas ça que ce gouvernement-là fait. Il change les structures et, après ça, il dit: Un an plus tard, je vais revenir vous voir avec mes objectifs. Imaginez-vous la belle démarche! Je comprends qu'il n'y a plus rien qui marche dans notre société québécoise depuis cinq ans, que c'est la catastrophe partout. On comprend qu'à fonctionner comme ça, ça ne pourra pas aller bien loin.

M. le Président, le ticket modérateur, le ticket orienteur, imaginez-vous la belle découverte. Je suis prêt à mettre l'ensemble des députés de l'Assemblée nationale au défi de vérifier dans leur population à savoir qui est capable d'identifier comme ça, du revers de la main, les CLSC qui sont présents dans leur milieu. M. le Président, ce n'est pas évident, les CLSC. Non. J'en discutais justement avec des gens, aujourd'hui, qui me disaient: On sait qu'il y a un CLSC dans le coin, mais on ne sait pas où il est. Un CLSC, ça peut être dans un centre d'achats, ça peut être dans un édifice commercial, ça peut être situé quelque part dans un milieu résidentiel ou dans un milieu beaucoup plus urbain intense. Ce n'est pas identifié sur la route, un CLSC. Est-ce qu'on voit une annonce: CLSC, tu t'en vas par là? Un hôpital, c'est identifié. Tout le monde sait où ils sont, les hôpitaux. Dans votre milieu, il n'y a personne qui doute de l'emplacement d'un hôpital. Mais les CLSC, ce n'est pas évident pantoute; il y a des CLSC dans des bouches de métro, à Montréal. Est-ce que tout le monde le sait?

Une voix: Pas fort!

M. Claveau: non, mais c'est vrai. regardons. vérifiez dans vos milieux au lieu de dire n'importe quoi. allez voir votre monde de temps en temps au lieu de rester sur vos piédestaux...

Une voix: Voyons donc!

M. Claveau: Allez vérifier pour voir si les gens savent où se trouvent les CLSC. Allez vérifier aussi, M. le Président, et, si les gens à l'intérieur de cette Chambre ne savent pas de quoi je parle, ceux qui sont devant la télévision le savent. Ils sont capables de le comprendre. Je suis certain qu'il y en a plusieurs qui vont regarder dans leur annuaire de téléphone im-

médiatement pour savoir l'adresse du CLSC, parce qu'ils ne se sont jamais cassé la tête pour le savoir. Ils n'en ont jamais eu besoin. Ce n'est pas tout le monde qui a besoin du CLSC dans nos milieux.

Moi, je connais, M. le Président, plein de gens qui ne sont pas capables d'identifier où se trouve le CLSC. Mais, par contre, tout le monde sait où est l'hôpital. Ça, c'est clair. Une autre affaire, M. le Président - peut-être que ces gens-là vont pouvoir me répondre - est-ce que vous savez si tous les CLSC sont équipés en services de santé? Les CLSC sont-ils tous équipés en services de santé? Ont-ils tous les salles d'attente nécessaires? Ont-ils tous des services de radiologie? Ont-ils tous des services de plâtre? Ont-ils tous des services d'accueil compétents avec une structure de gestion des dossiers médicaux, par exemple? Non, les CLSC n'en ont pas.

On me dit, M. le Président, de l'autre bord, parce qu'il y a plein de gens qui parlent mais qui n'ont pas droit au micro, qu'on ne veut pas qu'ils fassent des plâtres. Imaginez-vous! J'ai un accident, j'ai mal à une patte. Hein? Là, je ne sais pas si c'est une urgence pour me rendre au CLSC ou à l'hôpital. Plutôt que de risquer de payer 5 $, je vais regarder dans l'annuaire du téléphone et je décide d'aller au CLSC. À la suite d'un examen, le médecin me dit: C'est cassé, tu aurais dû aller à l'hôpital. Je n'ai pas de plâtre ici. J'ai l'air fin. Ce n'est pas toujours évident une cassure au cas où vous ne le sauriez pas.

S'il ne vous est jamais arrivé de vous casser quelque chose sans le savoir, je ne vous souhaite pas que ça vous arrive. Mais c'est des choses qui peuvent arriver. C'est ça, M. le Président, le problème. Est-ce que les CLSC sont équipés de salles d'attente pour ça? Non, me dit-on. Alors, on applaudit. Qui va payer pour? Est-ce que ça va coûter plus cher d'aménager des salles d'attente de premiers soins, finalement, d'accueil de premiers soins avec le minimum d'équipement nécessaire dans tous les CLSC qui n'en ont pas ou bien est-ce que ça ne vaudrait pas plutôt la peine d'améliorer les services dans les salles d'attente des hôpitaux existants, alors que tout le monde sait où sont les hôpitaux et que tout le monde sait que, si tu as une douleur à une épaule et que tu t'en vas au CLSC, tu risques de ne pas avoir le service qu'il faudrait, alors que, si tu t'en vas à l'hôpital, tu vas l'avoir tout de suite?

Parce qu'une douleur sur l'épaule, ça peut être un muscle, ça peut être un nerf, ça peut être aussi une crise de coeur, ça peut être un coup dont on n'a pas eu connaissance, ça peut être plein de choses. Qui va l'identifier? Moi, je me rends à l'hôpital avec une douleur à l'épaule, M. le Président, et on me dit: Eh bien, c'est simplement un nerf qui était coincé, ça ne vaut pas la peine, retourne au CLSC te faire soigner ou bien non tu vas être obligé de payer 5 $. comment ça va marcher? j'aimerais bien le savoir moi. est-ce qu'il va y avoir des facteurs de distance qui vont être pris en considération?

Si je me fais une petite coupure sur un doigt, qui s'infecte, et que je n'ai rien pour me traiter chez nous, que le CLSC est à cinq milles et que l'hôpital est à un mille, est-ce que je devrais aller au CLSC quand même, même si l'hôpital est le plus proche, au risque de payer 5 $ si je me rends à l'hôpital? C'est une des questions qu'il faut se poser. Comment cela va-t-il être géré ce fameux ticket orienteur là? Imaginez-vous les problèmes qui vont se poser dans le milieu. C'est loin d'être évident, M. le Président. Et on aura beau me taxer de n'importe quoi, je sais que, quand je dis ça, je parle au nom de la population qui n'a aucune idée comment ça va fonctionner.

Et je sais que la plupart des gens vont d'abord et de toute façon se présenter à l'hôpital parce qu'au moins, tu es sûr de pouvoir être traité, quitte à payer 5 $. C'est ça qui va se passer, M. le Président. Les gens ne prendront pas de chance, à moins d'avoir un CLSC proche et l'hôpital à 25 milles, mais, de tout façon, dans ces cas-là, ils vont déjà au CLSC avant. Donc, ça ne changera rien, M. le Président. Et on appelle ça une grosse modification, une modification majeure dans la structure.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demanderais de conclure. Je vous demanderais de conclure.

M. Claveau: allez donc! c'est du vent comme tout ce que le ministre a fait auparavant quand il était dans l'autre fonction, m. le président. merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Ungava. Sur le même sujet, je reconnais maintenant M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Bien moi aussi je tiens à intervenir sur cette loi-là parce que, effectivement c'est une loi fondamentale et très importante. Si vous le permettez, très rapidement, je vais diviser mon intervention en deux parties. La première pour parler des grands principes que l'on retrouve dans cette loi, des principes positifs, des principes négatifs, qui font en sorte que cette loi, malheureusement, n'est pas acceptable telle que présentée. Et je vais garder la dernière partie de mon intervention pour aller plus spécifiquement sur le dossier traitant de la jeunesse, le dossier des jeunes au Québec. (21 h 50)

D'abord pour dire qu'effectivement, dans le projet de loi 120 qui découle de la réforme

déposée il y a à peu près une dizaine de jours par le ministre, il y a des points qui sont très positifs - et on le reconnaît de ce côté-ci - il y a des principes qui sont très favorables. Et je vais les nommer, ça vaut la peine, pour vous montrer qu'on a pris la peine d'étudier le projet, qu'on connaît le sujet dont on traite et qu'on est favorables aux choses qui sont positives. Entre autres, la gestion régionale. Je dois vous dire que la décentralisation, on en a parlé ici. À plusieurs occasions, M. Parizeau a dit qu'il fallait maintenant abolir de plus en plus ce qu'on appelle les mesures mur-à-mur au Québec. Donc, une gestion régionale, tout à fait d'accord avec ça.

L'implication des citoyens, ça aussi, et on l'a prouvé à plusieurs occasions dans le passé et surtout les citoyens nous ont prouvé qu'ils sont en mesure de prendre leurs responsabilités. La répartition des effectifs médicaux, eh bien, je dois vous dire qu'il n'y a pas un député de région, et même des régions en banlieue des grandes métropoles et de la capitale, qui ne sera pas d'accord avec une mesure semblable, parce qu'il y a une urgence de réagir au niveau des effectifs médicaux. Les services centrés sur le bénéficiaire, évidemment, c'est le citoyen qui doit être au centre de tous les services, spécialement quand ça concerne la santé. L'équité régionale, il commence à être temps qu'on réponde enfin à l'équité régionale et sous-régionale pour permettre à tous les citoyens qui, eux, doivent payer leurs taxes et leurs impôts sur une base équitable, d'avoir droit aux services sur une base qui soit aussi équitable. Qu'il y ait des budgets régionalisés, bravo! je dis que c'est une mesure très positive à laquelle on est favorable.

Le rôle accru des CLSC, eh bien, j'en suis, on ne peut pas faire autrement, et là-dessus, vous allez en convenir, M. le Président, comment on s'est battu de ce côté-ci pour faire en sorte qu'il y ait la présence des CLSC sur tout le territoire québécois et, de l'autre côté, on s'objectait, le gouvernement actuel n'était pas certain s'il devait y avoir des CLSC sur tout le territoire. Je me rappelle des débats, et c'est sur la volonté de l'ancien gouvernement du Parti québécois qu'on a implanté des CLSC. On a essayé, on n'a pas pu compléter, mais on a essayé d'étendre sur l'ensemble du territoire la présence des CLSC. Je me rappelle aussi d'un autre débat, le débat du partage des responsabilités par rapport aux CLSC et aux CSS. Le débat s'est fait ici à l'Assemblée nationale. J'étais vice-président de la commission de la santé et des services sociaux à ce moment-là. De l'autre côté, on défendait bien plus les CSS que les CLSC, alors que le discours que le CLSC doit être la porte d'entrée du réseau, on le tenait déjà en 1983-1984, alors que le gouvernement actuel, qui était l'Opposition, était contre. Alors, aujourd'hui, qu'on nous ramène que les CLSC doivent être la porte d'entrée de l'ensemble du réseau de la santé et des services sociaux, je dois vous dire, moi pour un, pour être intervenu en 1983-1984 pour défendre ce principe, que je suis encore d'accord. Donc, il n'y a pas de problème de ce côté-là sur ces principes.

Cependant, il y a d'autres principes qui sont aussi fondamentaux et qui sont inacceptables pour nous, entre autres - et mon collègue en a parlé, et ce ne sont pas seulement des mots, c'est la réalité - quand on parie de l'absence d'une politique de la santé et du bien-être. C'est la machine à l'envers. On commence par se donner des orientations avant de décider dans quelle direction on embraye. Il me semble que c'est la normalité des choses. Il faut avoir des objectifs, il faut avoir des points d'arrivée avant de décider dans quel genre de véhicule on va embarquer. Vous savez, si on s'en va dans une promenade le samedi après-midi ou si on s'en va labourer un champ, on ne prendra pas le même véhicule. Ce qu'on est en train de se donner comme politique, c'est des outils pour réaliser une politique, alors qu'on nous dit que la politique va être déposée eu printemps. C'est la machine à l'envers. On ne procède pas de la bonne façon. Et quand on se donne une politique globale - et c'est pour ça que c'est important d'en parler - par un gouvernement, ça veut dire que ça implique les autres ministères concernés, et, dans ce cas-ci, je dois vous dire que ça en concerne plusieurs. Ça concerne tout ce qui a trait à la famille, à la jeunesse, à l'habitation.

Quand on dit qu'il y a de plus en plus de gens malades et que ça coûte de plus en plus cher, c'est souvent le résultat de gestes non posés par d'autres ministères qui font en sorte que la population est de plus en plus pauvre, et c'est prouvé maintenant par toutes les statistiques aussi bien québécoises que canadiennes que plus les gens sont pauvres, plus ils sont malades. Donc, si on se donne une politique, on va lutter contre la pauvreté et on va faire en sorte que ça va coûter moins cher au niveau de la santé et des services sociaux.

Donc, je ne peux pas faire autrement que de dénoncer l'absence d'une politique, alors qu'il faut commencer par le commencement. Avant de fermer une porte, il faut commencer par l'ouvrir et entrer. C'est ce qu'on aurait dû faire et c'est ce qu'on n'a pas fait. Donc, ce n'est pas un principe, c'est une orientation fondamentale pour savoir où on s'en va.

La deuxième chose: la mise en place. C'est beau de nous promettre des choses, mais je fais juste lire les intervenants des journaux. Les gens, après l'euphorie de l'annonce, commencent à réagir. Et je lis dans La Voix de l'Est ce qu'on disait: On s'interroge encore sur la façon dont sera appliquée la réforme de la santé. Donc, sur les principes que j'ai énumérés tantôt, les gens sont satisfaits, mais, sur l'application maintenant, c'est beau de nous promettre 2 000 000 000 $ sur

10 ans. Mon collègue l'a dit tantôt, mon collègue d'Ungava, et il a raison: Le même ministre nous a promis il y a quelques mois une politique extraordinaire du transport. C'était 1 700 000 $ sur cinq ans. La réalité, c'est quoi? Dans le transport, c'est la catastrophe: augmentation des plaques, augmentation des permis, diminution des budgets. Je ne voudrais pas qu'on se leurre encore une fois. C'est pour ça que les gens sont inquiets. On s'interroge et avec raison. Et on s'interroge aussi: Qu'est-ce qui va arriver entretemps, comment on va régler les problèmes actuels? Parce que la situation est grave, elle est même catastrophique à plusieurs points de vue: manque d'argent, manque de ressources, les urgences sont encore embourbées, on ferme des lits, on construit moins de lits en centres d'accueil maintenant que sous l'ancien gouvernement, à peu près cinq fois moins. Eh bien ça, ça amène de la congestion dans les hôpitaux, ça amène les problèmes qu'on connaît présentement. On est en train de récolter de l'autre côté ce qu'on a semé depuis 1985.

Est-ce qu'on nous donne, dans le dépôt de la loi, la situation ou la façon dont on va régler le financement des CLSC actuels, surtout ceux de la deuxième génération, ceux qui ont été implantés depuis 1980? Déjà les gens n'ont pas les moyens de subvenir aux besoins minimums, c'est-à-dire surtout la prévention en milieu scolaire, en milieu de travail, en milieu communautaire. Beaucoup de CLSC n'ont que ce rôle présentement; on ne leur donne même pas les budgets nécessaires et on veut leur en donner encore beaucoup beaucoup davantage. Bien, il va falloir se poser des questions. Est-ce qu'on va commencer par financer correctement les CLSC pour les rôles qu'ils remplissent au moment où on se parle? Est-ce qu'on va trouver l'argent pour aider nos citoyens "pognés" avec des maladies comme le cancer, qui sont obligés de voyager, parce qu'on refuse de les soigner dans les hôpitaux des régions et des sous-régions? Puis, je ne parle pas seulement des régions périphériques et très éloignées. Je parle des régions de ce qu'on appelle les villes satellites de Montréal où les gens doivent voyager pour aller se faire soigner pour le cancer. Non seulement pris avec une maladie qui demande un traitement et qui demande du repos, on leur impose le stress du voyage. Comment se fait-il qu'on ne trouve pas l'argent maintenant pour régler ça, puis qu'on nous amène un beau projet comme ça? Qu'on prouve maintenant qu'on est capable de régler les problèmes humanitaires, les problèmes des citoyens directement concernés, aujourd'hui, si c'est vrai qu'on a l'intention de faire en sorte que le citoyen soit au centre de notre préoccupation.

Un autre point qui est important et qu'il faut absolument traiter, c'est le fameux ticket orienteur. Pour amener un ticket modérateur puis pour le faire passer, on a changé le nom. C'est bien beau ça, mais ça veut dire quoi? Ça veut dire qu'on commence effectivement à toucher à la gratuité. Ce n'est pas moi qui le dis. Les organismes reliés à la santé s'inquiètent devant la réforme proposée par Québec, La Presse de vendredi le 14 décembre. Ça ne fait pas longtemps, ça fait quelques jours à peine. Et ce qu'on dit, c'est qu'un tel procédé est une brèche dans la gratuité des soins. Il s'agit d'un premier test auprès de la population pour gruger dans la gratuité des soins. Ils ne feraient pas autant d'efforts pour récupérer 100 000 000 $ s'il n'y avait pas derrière cela l'idée de couper davantage la gratuité. On parle de 5 $ pour toucher au principe de la gratuité, puis, après ça, on viendra justifier, j'en suis convaincu, c'est pour ça que j'interviens, des 5 $ ça ne paie même pas l'administration du 5 $. Donc, il faudra multiplier par je ne sais pas combien. Donc, ceux qui auront les moyens de payer 5 $, et plus probablement dans cinq, six mois, eux autres pourront se présenter dans les urgences des hôpitaux en disant: Moi, je vous donne les 5 $, les 10 $, les 15 $ ou les 30 $, soignez-moi tout de suite dans l'hôpital qui, lui, est complètement équipé. Et ceux qui n'ont pas les moyens, il y aura deux classes de malades au Québec, lui, il ira dans le CLSC, parce qu'il n'aura pas les moyens de payer directement le montant qui commence par 5 $, mais qui va se ramasser à on ne sait combien. (22 heures)

Un autre principe qu'on dénonce et sur lequel on n'est pas d'accord, il s'agit de l'impôt à rebours. L'impôt à rebours, ça veut dire quoi chers citoyens? Ça veut dire qu'on va comptabiliser dans vos revenus imposables les soins ou le montant équivalent de soins dont vous allez profiter. Et pas n'importe quel soin, toute une panoplie. Je vais vous en nommer quelques-uns: les services optométriques, les services dentaires, les médicaments, les services pharmaceutiques, les prothèses, les appareils orthopédiques, les dispositifs, fauteuils roulants et autres équipements, aides visuelles, aides auditives, prothèses mammaires externes, prothèses oculaires, appareils fournis aux stomisés permanents. Tous les gens pris pour utiliser ces services maintenant, bien, la gratuité, pour eux autres, c'est fini. S'ils vont dans les urgences, ils vont débourser les 5 $ maintenant et pour tout ce que je viens d'énumérer. Ça voudra dire que l'utilisation qu'ils feront de ça, le montant comptabilisé au gouvernement pour rendre ces services, ils devront, eux autres, considérer ça comme des revenus et payer des impôts là-dessus. Donc, c'est le commencement de la fin des grands piliers de notre système qu'on a voulu pour la santé de l'ensemble des Québécois, c'est-à-dire accessibilité, universalité, gratuité. À partir de maintenant, ce n'est plus ça.

Donc, ça fait le tour pour le moment, M. le Président, du premier volet que je voulais traiter, c'est-à-dire les grands principes, ceux

que je trouve très positifs et que j'ai énumérés au début et ceux que je dénonce comme étant inacceptables dans notre système actuel.

La dernière partie de mon intervention, je veux la consacrer aux jeunes. On connaît la situation actuelle de la jeunesse au Québec. Le Conseil permanent de la jeunesse en a fait largement état, le Conseil des affaires sociales, quand on a vu "Deux Québec dans un". Quand on regarde la situation au moment où on se parle, il y a plus de 10 000 itinérants à Montréal dont une grande majorité de jeunes. Au Québec, au moment où on se parle, c'est un record mondial: 150 tentatives de suicide par jour et 3 réussites. Ça, c'est ce qu'on était capables de comptabiliser, sans compter les autres, malheureusement. C'est inacceptable, dans une société qui se dit humaine et riche, développée et moderne, mais c'est la réalité.

Le système, est-ce qu'il va être corrigé par ce projet de loi là? Bien, qu'est-ce qu'ils nous disent, les intervenants? Malheureusement, non. Et je vais vous citer La Presse de Montréal du 15 décembre, encore une fois: ça fait deux jours. Et je vais lire quelques paragraphes, ça vaut la peine, pour vous montrer comment les gens du milieu sont informés et que ces gens-là parlent en toute connaissance de cause. Il est dit: "Malgré des efforts des services sociaux, il y a encore au Québec 1000 enfants en attente d'évaluation de la Protection de la jeunesse et 400 autres qui devraient être pris en charge par un professionnel." Ça, c'est au moment où on se parle. On peut bien parler d'une politique de 10 ans, mais, au moment où on se parle, il y a ça, pour la jeunesse. "Il faut que l'enfant soit battu, maltraité ou agressé pour qu'on intervienne. Les cas moins graves, on ne peut s'en occuper adéquatement. C'est l'urgence la plus urgente!" C'est notre jeunesse, c'est l'avenir. Mais, selon Mme Lise Denis, qui est la directrice de l'Association des centres de services sociaux du Québec, tant que le gouvernement n'adoptera pas une politique sur les jeunes en difficulté comme il l'a fait pour les personnes âgées, on ne réussira pas à régler le problème des listes d'attente. On ne nous propose pas, là-dedans, une politique sur les jeunes. Mme Denis n'a pas trouvé les réponses qu'elle attendait dans la réforme du ministre Côté, la réforme dont je vous parlais, pour être capable de régler le problème de notre jeunesse. On ne retrouve pas ça dans la réforme. "À part de décréter que les jeunes sont une priorité, il n'y a pas de mesures concrètes et encore moins d'argent." Donc, on n'a rien trouvé.

Mais, par contre, on en propose, des choses, là-dedans. Ce qu'on nous propose, le ministre l'a même annoncé lorsqu'il a déposé sa reforme. Il en a parlé aussi en conférence de presse, la même journée où une vingtaine d'organismes venaient dénoncer la situation actuelle. Le ministre a décidé de mettre sur pied un comité de travail. Nous étions intervenus, ici, à l'Assemblée nationale, il y a à peu près un mois, soit exactement le 27 novembre, où nous demandions au ministre s'il avait l'intention de faire une commission d'enquête ou un comité d'enquête pour revoir toute la situation de la jeunesse au Québec. Le ministre nous a dit que la décision n'était pas prise, à ce moment-là. Et, là aussi, on peut se poser des questions et on peut s'interroger sur la volonté... quand on regarde comment ça s'est passé.

Alors que, le 27 novembre, je demandais au ministre s'il avait l'intention de mettre sur pied un comité d'enquête sur la jeunesse et, si oui, s'il avait l'intention de faire ce que le milieu lui proposait, c'est-à-dire de nommer des gens d'à peu près tous les secteurs, des gens informés, mais pas des gens qui étaient directement - comment je dirais ça - impliqués au niveau des pouvoirs qui sont délégués par la loi, le ministre nous répondait, le 27 novembre: Je n'ai pas dit que la décision était prise. À partir du moment où la décision sera prise, là, à ce moment-là, il s'agira de confirmer. Le 27 novembre, le ministre nous disait que la décision n'était pas prise. Et, pourtant, dans un communiqué de presse émis par le ministre, en date du 13 décembre - ça veut dire trois semaines plus tard - le ministre nous annonçait un groupe de travail et, en même temps, il annonçait que c'était pour être présidé par l'honorable Michel Jasmin, juge en chef adjoint de la Cour du Québec, chambre de la jeunesse. Il nous disait que le juge avait accepté de présider ce fameux groupe de travail au début du mois de novembre. Imaginez-vous! Il ne le savait pas, mais, pourtant, au début du mois de novembre, c'est-à-dire trois semaines plus tôt, le président était déjà choisi sur le comité de travail. Donc, ce n'est pas correct. Il faut au moins être honnête avec les gens avec qui on traite.

Et là-dessus - je pense que c'est important de le rappeler - une vingtaine de groupes de gens impliqués disent quoi? Ils disent que l'incidence de la toxicomanie, de la violence, de la prostitution, de l'abandon scolaire, des tensions familiales s'accroit nettement depuis trois ans. Et ils demandent absolument, au plus tôt, qu'il y ait une véritable commission d'enquête. Qu'est-ce que les groupes demandent? Une commission d'enquête indépendante nommée et dotée d'un budget par le gouvernement, en vertu de la Loi sur les commissions d'enquête. Il faut sortir le problème des officines bureaucratiques. Il faut une commission d'enquête indépendante et non pas faire repasser toutes (es cartes par le même appareil. Donc, ce que les gens demandaient, c'était une véritable commission d'enquête, pas le comité de travail nommé par le ministre. Les gens nous disent que ce n'est pas ça qu'ils ont demandé.

Ce qu'on retrouve maintenant, c'est encore la même chose. Ce qu'on retrouve dans le dépôt

de la réforme, c'est un groupe de travail. Le ministre tient parole par rapport à ce qu'il dit dans sa réforme, et il a nommé un groupe de travail, ce qu'il avait décidé au moment où, en Chambre, il nous avait dit que la décision n'était pas prise. Mais ce que demandent les gens, ce n'est pas un groupe de travail ministériel ou interministériel qui touche seulement deux ministères. Ce que les gens demandent, c'est véritablement une commission d'enquête globale qui va pouvoir analyser l'ensemble de la situation et, comme je le disais, aller au-delà du côté seulement juridique des choses. C'est plus large que ça, c'est plus important que ça et ça devrait impliquer les autres ministères, tout ce qui concerne la famille, la jeunesse, l'habitation, ce qui concerne, finalement, le côté social et humain des choses.

Les gens ont demandé ça, et ce qu'ils nous disent, c'est que le projet de réforme ne répond pas à la demande. Ce sont encore les gens du milieu qui disent ça. La CEQ, entre autres, dit que "le projet de réforme Côté des services de la santé n'apporte aucune réponse sur l'étendue des problèmes auxquels le régime de protection de la jeunesse doit répondre et sur les nouveaux moyens à développer pour y faire face." Je me fais le porte-parole d'une vingtaine de groupes pour dire que, malheureusement, la réforme ne répond pas aux besoins de la jeunesse et que, malheureusement, le groupe de travail ne répond pas non plus à ce que le milieu a demandé pour être capable de faire une véritable réforme qui s'assure que la jeunesse va être en moins mauvaise situation qu'elle est là.

Si on apporte toutes ces recommandations-là et si on s'implique et on intervient, c'est qu'on ne voudrait pas que la déception prenne la place de l'illusion qui a été créée par cette grande annonce qu'a faite le ministre dans sa réforme axée sur le citoyen. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Shefford. Je reconnais sur le même sujet M. le député de Beauharnois-Huntingdon.

M. André Chenail

M. Chenail: M. le Président, nous franchissons aujourd'hui une étape importante dans tout le processus de la réforme de notre réseau de santé. Le dépôt du projet de loi 120 marque, en effet, le début d'une ère nouvelle consacrée aux besoins réels des citoyens. Le débat qui a entouré ce projet de loi a tout d'abord été marqué du rapport de la commission Rochon, puis du document d'orientation de Mme Thérèse Lavoie-Roux. À cela est venue s'ajouter, cette année, la commission parlementaire sur la réforme de la santé. (22 h 10)

Nous sommes donc à même de constater que le projet de loi 120 est l'aboutissement d'un long processus de questionnement. Ces dernières années, nous avons cherché à identifier les acquis de notre réseau de santé et à en réaffirmer un certain nombre d'objectifs, tout en essayant d'en cerner de nouveaux. Finalement, la réflexion devait nous permettre d'apporter les changements qui s'imposaient.

C'est donc avec fierté que j'interviens aujourd'hui dans le cadre du débat sur le projet de loi 120 présenté par mon collègue, le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan Côté. Mais, avant de parier plus à fond de la réforme en tant que telle, j'aimerais, si vous me le permettez, M. le Président, faire un petit retour en arrière et rappeler les grandes lignes du système de santé que nous connaissons depuis plus de 20 ans. Ainsi, à la fin des années soixante, la commission Castonguay-Nepveu avait conçu un projet de réforme majeur du domaine des affaires sociales, qui s'est traduit par la mise en application de plusieurs lois au début des années soixante-dix. Mais, depuis cette réforme, le système québécois de santé a connu une croissance extrêmement rapide. Les besoins de la population ont évolué selon les changements de la société. Pensons notamment aux problèmes causés par la population vieillissante et la dénatalité.

Puis, en 1976, le Parti québécois accède au pouvoir. Il qualifie la situation des salles d'urgence de catastrophique. Le gouvernement du temps se met alors à la tâche. Mais, cinq ans plus tard, soit en 1981, il admet que les objectifs ne sont pas atteints. Il se trouve donc dans l'impossibilité de résoudre le problème. En 1985, le dossier des salles d'urgence ressurgit dans le cadre de la campagne électorale, et la population constate, elle aussi, que le travail de son gouvernement est loin d'être satisfaisant. Pour sa part, le Parti libéral du Québec fait connaître des engagements précis en cette matière, soit, entre autres, l'établissement d'un plan d'urgence pour venir à bout du problème. Aussitôt au pouvoir, le gouvernement libéral prépare un plan d'urgence et la ministre de l'époque, Mme Thérèse Lavoie-Roux, annonce que le gouvernement allouera une somme de 150 000 000 $ pour désengorger les salles d'urgence. En réalité, de 1985 à 1989, c'est une somme de 525 000 000 $ que le gouvernement injecte dans les établissements, avec des résultats plus ou moins heureux au chapitre du désengorgement dans les urgences. Qualifiant la situation d'urgente, le ministre, M. Marc-Yvan Côté, a alors créé un groupe d'intervention tactique. Ce groupe a été mis sur pied pour contrer les problèmes d'engorgement dans les urgences des différents hôpitaux du Québec. L'intervention du ministre venait donc répondre à un besoin important.

Aujourd'hui, 20 ans plus tard, un examen de la situation s'impose donc. Qu'il s'agisse de pressions venant de l'intérieur ou de l'extérieur

du réseau, il est devenu nécessaire d'adapter le système de santé aux réalités des années quatre-vingt-dix. Ainsi, M. le Président, c'est le but que vise le projet de loi sur la réforme des services de santé et des services sociaux. Il s'agit de recentrer le système sur des objectifs plutôt que des moyens, de l'orienter en fonction des besoins de la personne, de ses problèmes et de ses attentes et de lui permettre de s'ajuster à ces besoins avec souplesse et rapidité. En d'autres termes, le projet de loi vise à placer la personne au centre du système. Car aujourd'hui, il ne faut pas se le cacher, les citoyens font face à des obstacles importants, étant donné la complexité de notre réseau de santé. Ce dernier est, en effet, composé d'un ensemble très varié d'établissements, de professionnels, d'organismes communautaires ayant chacun sa spécialité quant aux clientèles qu'il dessert, aux problèmes qu'il traite, aux services qu'il offre, à son horaire de travail. Le citoyen a ainsi de la difficulté à s'y retrouver. Il réussit péniblement à pouvoir identifier la bonne ressource qui lui offre les services dont il a besoin, quand il en a besoin.

C'est donc pour pallier tous ces problèmes que notre gouvernement a élaboré une telle réforme. Nous sommes conscients qu'il fallait adapter l'ensemble des services aux besoins de groupes particuliers, puisque l'image sociosanitai-re du Québec s'est grandement modifée au cours des dernières décennies. Effectivement, le réseau québécois de la santé et des services sociaux n'a pas toujours su adapter ses services et ses approches pour répondre soit aux problèmes, soit à la clientèle. C'est pourquoi la réforme devrait permettre d'adapter les services destinés aux jeunes en difficulté, aux personnes handicapées, aux personnes alcooliques et toxicomanes, aux nations autochtones, à la communauté anglophone et aux communautés culturelles.

Mais il existe un autre groupe de personnes que le gouvernement a voulu aider par le biais de sa réforme, un groupe qui ne cesse d'augmenter, en nombre, et qui requiert des services médicaux mieux adaptés; il s'agit des personnes âgées. M. le Président, le nombre de personnes de 65 ans et plus augmentera de 40 % dans les prochains 10 ans. De plus, au début du siècle prochain, ces personnes formeront près de 14 % de la population.

Ce phénomène démographique ne concerne pas uniquement le secteur de la santé et des services sociaux; 83 % des personnes âgées vivant en milieu naturel ne sont pas limitées dans leurs activités quotidiennes ou dans l'accomplissement de leurs rôles sociaux. Et la plupart de ces personnes désirent demeurer actives. Par contre, elles ne le peuvent pas toujours à cause des préjugés et des contraintes qu'on leur impose. M. le Président, le vieillissement de la population aura un impact important sur la demande de services de santé et de services sociaux. Le coût moyen, per capita, des services de santé reçus par les personnes âgées est 6 fois supérieur à celui des services destinés aux moins de 65 ans.

Pour adapter Jes services aux besoins des aînés, plusieurs aOTons ont donc été élaborées. Le gouvernement entend ainsi renforcer le maintien à domicile des personnes âgées, améliorer la qualité de vie en établissement, augmenter le nombre de places en institution et, enfin, supporter et contrôler les foyers qui hébergent des personnes âgées, mais qui n'ont pas toujours les ressources humaines pour leur venir en aide lorsqu'elles sont requises.

En ce qui a trait au maintien des personnes âgées dans leur milieu de vie naturel, le gouvernement du Québec entend tout d'abord inciter les médecins des CLSC et des cabinets privés à offrir des consultations médicales à domicile pour les personnes difficilement capables de se déplacer. Il prévoit confier aux CLSC le mandat d'accueillir les personnes âgées, d'évaluer leurs besoins en matière de services à domicile et de déterminer les services requis, leur fréquence et leur intensité.

Les CLSC devront aussi offrir eux-mêmes les services médicaux et infirmiers requis et les soins d'hygiène personnelle. De plus, ils veilleront à ce que les personnes âgées obtiennent les services d'aide matérielle et ménagère requis en les orientant prioritairement vers les organismes communautaires qui offrent ces services. Enfin, toujours en ce qui concerne les CLSC, ceux-ci devront faire en sorte que les personnes âgées puissent éventuellement recevoir une allocation directe leur permettant d'acheter elles-mêmes les services d'aide à domicile requis.

Comme autres sources concrètes de mon gouvernement pour venir en aide aux personnes âgées, il est prévu de rehausser de 200 000 000 $ le budget de maintien à domicile à raison de 40 000 000 $ par année pendant 5 ans. Ce budget sera utilisé pour les services à domicile, les services de répit, dépannage et soutien aux familles et le parachèvement du réseau de centres de jour. Ces services devront être disponibles dans chacune des municipalités régionales de comté du Québec. (22 h 20)

De plus, les CLSC devront fournir les services à domicile dans les résidences privées pour les personnes âgées et les habitations à loyer modique. Finalement, une grille d'évaluation sera établie pour permettre d'apprécier la capacité et les incapacités des personnes âgées et leurs besoins en matière de services à domicile.

M. le Président, afin d'accroître la qualité de vie en établissement, le ministre de la Santé et des Services sociaux a prévu, toujours dans le cadre de sa réforme, de hausser annuellement le niveau des services offerts dans les établissements en allouant un coût pour répondre à l'alourdissement de la clientèle égal à 0,75 % du

budget de ce secteur d'activité. Puis, afin de répondre aux besoins concernant les places en établissement, le ministre a décidé d'ajouter 7000 places d'hébergement et de soins de longue durée d'ici à l'an 2000. Comme mesure additionnelle, il a prévu de combler en partie le besoin des places additionnelles par l'achat de places ou de services dans les résidences privées et les centres d'accueil autofinancés, ceci afin qu'ils puissent offrir des services appropriés aux personnes qui, autrement, devraient être admises dans des établissements publics.

M. le Président, un autre problème existe en ce qui a trait aux services dispensés aux personnes âgées. Il s'agit de la présence de foyers dits clandestins. Afin de l'éviter, le ministre entend demander aux CLSC de recenser les résidences pour personnes âgées sur leur territoire et de prendre arrangement avec les municipalités pour obtenir l'information sur tout permis de chambre délivré pour l'hébergement des personnes âgées sur leur territoire. Les CLSC devront également visiter régulièrement les résidences hébergeant des personnes âgées pour évaluer le degré d'autonomie de ces personnes, considérer les personnes habitant ces résidences comme admissibles aux programmes de services à domicile. Enfin, ces mêmes CLSC rapporteront au ministre, aux fins de poursuites judiciaires, toute résidence où seront constatées des conditions ou une absence de soins pouvant causer de graves préjudices aux personnes âgées qui y sont hébergées.

Ainsi, M. le Président, la réforme des services de santé et des services sociaux est sans contredit véritablement axée sur le citoyen. Elle vise à permettre, comme je l'ai mentionné plus haut dans mon allocution, de mieux adapter les services aux besoins, aux problèmes et aux attentes des personnes et tout spécialement des personnes âgées qui constituent, avec les jeunes, les deux priorités majeures que s'est données le ministre. Ainsi, cette réforme traduit les préoccupations et l'attente que porte mon gouvernement à l'égard de ceux et celles qui ont bâti le Québec.

M. le Président, le Québec a réalisé des progrès importants sur la maladie et la souffrance au cours des 20 dernières années. Des améliorations ont également été réalisées en ce qui concerne les problèmes sociaux, mais il ne faut pas que le développement s'arrête là, bien au contraire. Nous avons décelé les carences de notre réseau de santé et nous savons trop bien que révolution sociale et économique du Québec impose de nouvelles exigences. De surcroît, le réseau ne pourra guère faire face à ces problèmes avec la dynamique actuelle de développement, de financement et de fonctionnement.

En terminant, nous amorçons donc un nouveau départ empreint de lucidité et d'optimisme. Notre gouvernement a pris ses responsabilités et c'est, une fois de plus, les citoyens et les citoyennes du Québec qui en bénéficieront. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Beauharnois-Huntingdon. Je reconnais maintenant, sur le même sujet, M. le député de Masson. M. le député.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, depuis quelques heures, point n'est besoin de vous cacher que l'Opposition a quelques réticences sur la réforme que nous avons entre les mains. Cependant, il faut reconnaître que l'ensemble de la deputation du côté de l'Opposition a dit que c'était un travail de titan, une réforme qui a demandé au ministre qui détient ce portefeuille énormément d'heures de travail, des contacts avec tous les agents du milieu, des heures et des heures à l'écoute de ceux qui sont impliqués dans le milieu. Ça, de ce côté-ci, je pense qu'on l'a reconnu et ne pas le reconnaître, ce serait presque un outrage au travail qui a été fait. Et, là-dessus, je me dois, comme il se doit, de féliciter le ministre pour sa ténacité et son travail. C'est un homme qui travaille toujours très dur et très fort et, quand il a une idée dans la tête, il y va et il y va à fond de train.

Cependant, je disais, au tout début, que nous avons des réticences. Et, c'est absolument normal que, lorsque nous examinons... D'abord, c'est un brouillon de projet, qui est bien fait, bien sûr, qui a été fait le mieux possible, mais c'est un embryon. C'est la naissance d'un projet en évolution d'ici quelque temps avant qu'il prenne forme. Alors, nous sommes obligés, nous, par devoir, de regarder un peu plus à fond les défaillances du système et d'essayer ensemble, de façon constructive, de colmater les brèches qui s'y sont glissées. Et il y en a plusieurs.

On a des idées un peu différentes, selon les personnes, selon le milieu d'où l'on vient, sur les faiblesses. Le maudit ticket orienteur... Est-ce que c'est permis en Chambre de dire ça, M. le Président? Je prétends que oui. Le ticket orienteur. Tout d'abord, je voudrais faire une petite remarque. M. le ministre actuel a dit, sur le ticket orienteur: La réforme de la santé peut se passer de l'approbation d'Ottawa. Là-dessus, je tiens à vous dire que je suis complètement d'accord. Complètement d'accord, sur le ticket orienteur, lorsque vous avez dit: La réforme de la santé peut se passer de l'approbation d'Ottawa. Sur ça, je trouve ça superbe. Ça, c'est sur la forme. Et ce serait très surprenant, M. le Président, que, nous connaissant... Nous ne sommes pas les plus grands alliés d'Ottawa dans leurs batailles et, si nous endossions, via Ottawa, une bataille sur un point ou une brèche qu'on trouve dans cette brique énorme qu'est cette réforme, eh bien, vous diriez qu'on est tombés

un peu sur la tête.

Ça demeure quand même qu'il y en a même dans mon comté, en fin de semaine, je leur parlais du ticket orienteur... Le ministre disait: On ne veut pas que ça nous rapporte un sou et, si ça nous rapporte un sou, on a manqué notre coup. Il est probablement bien intentionné en disant ça. Il y en a qui en doutent. Et, un type, dans mon comté, qui est dans le système, m'a dit: C'est vrai que les gens savent quand il y a des hôpitaux dans leur région, mais il faut d'abord en avoir pour s'y rendre, ou des CLSC, il faut encore qu'il y en ait pour s'y rendre, ou, des fois, ils sont un peu trop loin. Plutôt que de dépenser une somme peut-être fabuleuse dans une tournée en janvier, au début de l'année, comme vous vous proposez de le faire, pour expliquer aux gens que le ticket orienteur n'est pas un ticket modérateur... Et, pour le prouver, il va falloir absolument qu'il y ait beaucoup de publicité parce que beaucoup de gens de bonne volonté pensent qu'il y a confusion entre le ticket orienteur et le ticket modérateur.

Et il y en a un qui, certainement à la blague, mais peut-être que ce n'est pas si à la blague que ça, disait: Si, dans chaque région, on donnait une boussole, on achetait une petite boussole et qu'on donnait ça à tous les éventuels patients de la région avec CLSC, hôpital, etc., ça coûterait 4,95 $ au lieu de 5 $, par patient et c'est sûr qu'ils s'orienteraient bien. Si c'est le but visé, il s'agirait tout simplement de donner une boussole dans chacune des régions et ça serait vraiment la boussole orientatrice. Ça ne vous coûterait pas un sou et il ne vous rentrerait pas un sou de plus. Ça, votre but serait atteint et les gens se dirigeraient à la bonne place, parce que vous leur auriez fourni l'instrument pour ne pas qu'ils se trompent d'institution. (22 h 30)

C'est bien sûr que la personne responsable, c'est une personne qui travaille dans un CLSC, qui a un assez bon poste qui m'a dit ça. Je lui ai dit: Tu me dis ça à la blague. Il a dit: Je le dis semi à la blague et semi en vérité. D'abord, ça n'en prendrait pas pour tout le monde et le meilleur moyen de publicité, si le but visé par le gouvernement est de dépenser des sous en publicité et si vraiment le fond est un ticket orienteur, pourquoi ne pas dépenser une certaine somme d'argent pour donner des boussoles - ça ne coûte rien, presque rien, une petite boussole - pour vraiment orienter les gens? Autrement, il y en a beaucoup, et des gens de bonne volonté, qui doutent, qui douteront et qui longtemps douteront du 5 $ orienteur, parce que c'est comme la TPS qui est à 7 %, on a toujours peur que l'an prochain on dise qu'elle est à 8 % et que l'autre année elle soit à 9 % et qu'on en vienne à 5 $ d'orientation, 25 $, 50 $ d'orientation.

C'est une des faiblesses, d'après nous. Avant de continuer dans les faiblesses, j'aimerais dire une chose. Il y a eu aussi - j'ai entendu plusieurs parler de ce côté-ci - le rôle accru des CLSC, on est d'accord; la répartition des effectifs médicaux, on est d'accord; la participation directe des citoyens, on est d'accord; la gestion régionale, super d'accord. Mais là, dans la gestion régionale, tout en étant d'accord, la répartition est excessivement difficile à faire. Au nombre de personnes? Les gens des villes aux populations les plus denses vont avoir beaucoup plus d'argent au prorata de leur densité, beaucoup plus de soins tout proches d'eux et, supposons la Gaspésie, ils sont 250 000 dans toute la péninsule, ça, c'est un problème de distribution de la richesse dans les régions.

Une autre chose, M. le Président, c'est que votre réflexion écrite sur la réforme arrive avant d'autres lois qui auraient dû arriver avant. Le chapitre 5 des MRC qui leur donnait des pouvoirs, si ce chapitre-là était sorti, mis sur la table, le fameux livre no 5 qui donne les pouvoirs aux MRC, eh bien! vous pourriez avoir les MRC qui seraient, dans chacune des régions, responsables, avec des gens du CLSC bien sûr, mais une autorité régionale élue, déjà en place et formant déjà une élite qui connaît l'ensemble, et j'ai l'impression que ce ne serait pas une mauvaise idée. On en a parlé en fin de semaine, plusieurs dans mon coin croiraient en une force régionale, surtout que vous vous apprêtez à transférer des sommes énormes au gouvernement municipal, et partant, si les MRC avaient des pouvoirs, elles pourraient comme dans certains pays... Je pense qu'en Norvège on a cette division-là. Je pense que les grands hôpitaux, c'est le national qui s'en occupe et les soins secondaires, les choses de première ligne, ce sont les villes, les municipalités, les MRC de la place.

Et ça, ce serait certainement dans l'attribution des budgets régionaux. C'est là que le bât va blesser le plus, je pense. Parce que la distribution des sommes, j'ai bien hâte de voir ça. J'ai bien hâte de voir ça. Des régions qui augmentent de 100 % tous les cinq ans, comme la région où j'habite. Supposons qu'on arrive et qu'on dise: Cette année, selon les chiffres de l'an passé - on prend les chiffres de l'an passé, mettons dans toutes les. régions du Québec... Il y a seulement deux régions où la population augmente très vite et d'autres se vident; comment allons-nous faire une répartition juste? Chez nous il y a 250 000 habitants et dans cinq ans il y en aura 375 000. Tous les cinq ans, presque, c'est ça. Alors, cette année on a dit: II y a 250 000 habitants sur ce territoire, tant la personne, ça donne tant. Dans l'année où on applique le budget, on va avoir augmenté de 75 000 personnes, donc les endroits comme ma région qui augmentent plus vite de population seront, par le fait même, défavorisés et je tiens à ce que ma région, la région Laurentides-Lanaudière, surtout Lanaudière parce que j'y habite et que je suis député de Lanaudière, ne

soit pas défavorisée, et je vais surveiller de très près en commission parlementaire la façon dont on va diviser le budget régional.

L'autre faiblesse de la loi - d'autres brèches que nous allons surveiller de très près -c'est la brèche qui se fait chez les jeunes. Nous trouvons bien sûr que, pour les jeunes, la réforme - on l'appelle la réforme Côté, mais disons, ici, pour le respect de la Chambre, la réforme du ministre des affaires sociales - veut développer des services de consultation spécialement dédiés aux jeunes de 12 à 18 ans aux prises avec des problèmes fréquents à cet âge. Ça, personne n'est contre un principe comme ça. Ça, c'est sûr. La réforme du ministre veut soutenir en priorité des projets communautaires novateurs ayant pour but de venir en aide aux enfants et à leur famille. Encore là, ce sont deux principes pour la jeunesse qu'on trouve excellents et je pense qu'il faudrait avoir l'âme très noire pour ne pas accepter un principe comme celui-là; et puis des âmes noires, à ce que je sache, M. le Président, il n'y en a pas dans cette Chambre. Mais c'est la façon dont le principe peut être appliqué sur le territoire que nous regardons avec un oeil un peu plus critique, et je pense qu'il est normal que nous le regardions d'un oeil critique. L'Opposition promet de rester excessivement vigilante, M. le Président, excessivement vigilante quant à la façon dont la réforme sera mise en oeuvre pour les jeunes.

La réforme veut s'attaquer à des problèmes urgents et prioritaires et mon confrère de Shefford en parlait tantôt. Le problème des jeunes: 150 tentatives de suicide par année. C'est énorme. C'est énorme! "Dropout" dans les écoles secondaires: 30 %; dans les cégeps et les universités: 35 %. Je sais que le ministre est au courant. Ces jeunes-là ont des problèmes d'alcool, de drogue, ou de famille, ou de pauvreté ou de milieu ambiant. Ça, je n'apprends rien au ministre en lui disant ça. Ça, c'est sûr. Mais la façon de traiter ce problème-là, ça prend énormément d'argent. Dans sa grosse brique, il dit - et j'espère que chaque mot était pesé, je vais essayer de rappeler exactement les mots: Pour faire cette réforme, le ministre demande une augmentation réelle de son budget de 3 % par année pendant 5 ans. C'est ce que j'ai lu. Est-ce que le mot "réelle" veut dire le budget de cette année plus l'inflation plus 3 %? J'ai compris ça comme ça. S'il en est ainsi, et il faudrait qu'il en soit ainsi, s'il en est ainsi, M. le Président, il y a une volonté de rajouter de l'argent, une volonté épistolaire ou verbalisée. C'est une vérité épistolaire ou verbalisée. Mais à le mettre dans les prochains budgets de façon réelle, vive, tangible et palpable, eh bien, là on va surveiller, M. le Président. Parce qu'on en a vu d'autres. On appelle ça des paroles verbales. On en a vu d'autres, paroles verbales. Mais on ne voyait pas de concrétisation quand arrivait le budget.

Nous allons être d'une grande vigilance, M. le Président, parce que cette réforme pour les jeunes, aussi pour les personnes âgées... Je vais prendre les deux extrêmes, je ne vais prendre que ces deux-là: les jeunes et les personnes âgées. Les personnes âgées. J'ai rencontré deux, trois clubs de l'âge d'or, et je ne suis pas un négatif, M. le Président, je vous le confirme, je suis un type qui essaie d'être constructs, même dans l'Opposition, j'ai rencontré des clubs de l'âge d'or, et ça se voit et ça s'entend surtout. Quand on m'écoute parler, on ne me dit pas: D'où sors-je, qu'entends-je, qu"'audiais-je"? Non, non. Je dis ce que je pense et, quand je fais écrire quelque chose par ma secrétaire, elle comprend. Elle ne me dit pas: Que "télétypai-je"? Elle comprend ce qu'elle dactylographie. (22 h 40)

Les jeunes et les personnes âgées. Eh bien, des personnes âgées, j'en ai vu et je leur ai dit... Écoutez, ils sont inquiets. J'ai essayé de les rassurer en leur disant que c'est le premier script, c'est le brouillon d'un immense projet qui doit être étudié en commission parlementaire. Et on se fie à l'Opposition - j'en suis persuadé -pour essayer de trouver toutes les failles afin de les corriger. Ça, j'en suis persuadé. Vous savez que nous avons l'oeil asssez furtif pour déceler toutes les petites fissures qui peuvent se glisser dans ce mur qui doit être le bastion de la santé pour les décennies qui viennent. Ça, soyez assurés que toutes les petites fissures nous allons les voir.

Les personnes âgées. On voit, dans le journal, vendredi, 14 décembre, M. le Président: "Médicaments: un retraité sur deux frappé par l'impôt." Ça, les personnes âgées de mon comté... J'ai vu deux clubs de l'âge d'or en fin de semaine et ces deux clubs de l'âge d'or m'ont parlé de cette nouvelle: Comment se fait-il que nos médicaments, après 65 ans, nous étaient tous payés? Parce que le principe de l'universalité, c'est universel ou ça ne l'est pas. Là, si on gagne un certain salaire, selon notre salaire, nous allons être obligés de débourser une partie. Et ils se sentent brimés. Les personnes âgées disent: Nous avons travaillé toute notre vie, nous avons payé de l'impôt toute notre vie pour que les gens de la génération montante aient des institutions, de meilleures écoles, de meilleurs systèmes. Et nous, quand nous arrivons à notre retraite, nous attendons de vous ce respect que commande le travail que nous avons fait durant toute notre vie. Et vous allez nous charger de l'impôt sur des médicaments, une chose que nous avons gratuitement depuis 1978? Là-dessus, M. le Président, nous allons nous battre, parce que le principe de l'universalité, on n'a pas besoin d'Ottawa pour dire qu'on doit l'appliquer. Qu'ils restent dans leur cour, qu'ils gardent leurs bébelles, ils en ont déjà trop. Mais nous, ici, dans cette Assemblée nationale, nous avons le devoir d'en parler. Les jeunes doivent avoir

beaucoup d'argent de mis sur eux et les personnes âgées ne doivent pas être privées des médicaments qu'elles avaient gratuitement.

Et en terminant, M. le Président, je souhaite beaucoup que les 3 % du budget réel de chaque année, durant les cinq ans, soient vraiment appliqués, mais je doute vraiment que ça le soit. Pour le moment, je suis obligé de faire confiance et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de masson. je cède maintenant la parole, sur ce même sujet, à m. le député d'iberville.

M. Yvon Lafrance

M. Lafrance: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'intervenir dans le débat entourant l'adoption du projet de loi 120, Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Il s'agit, M. le Président, comme on le sait, d'un projet de loi très important comptant 494 articles. Ce projet de loi, M. le Président, découle de cinq années d'étude et de consultation et était attendu avec intérêt de la part des citoyens et citoyennes du Québec.

M. le Président, d'entrée de jeu, j'aimerais, au nom des citoyens et citoyennes du comté d'Iberville, féliciter et remercier l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux pour avoir mené cette loi ou ce projet de loi au résultat que nous connaissons. D'ailleurs, permettez-moi de citer quelques titres de journaux locaux - je dis bien de journaux locaux - du comté d'Iberville et de la région du Haut-Richelieu afin de vous prouver jusqu'à quel point la réforme des services de santé et des services sociaux fut accueillie favorablement. Tout d'abord, dans Le Canada français, journal hebdomadaire du Haut-Richelieu, en date du 12 décembre, on peut lire: "Rôle accru pour les CLSC, nouvelles sources de financement: Le ministre Côté tient promesse, sa réforme est bien axée sur le citoyen". Encore dans Le Canada français, ici, en date du 12 décembre: "200 000 000 $ de plus pour le maintien à domicile, de bonnes nouvelles pour les personnes âgées". Toujours dans Le Canada français, des paroles venant du directeur général du CLSC Vallée des Forts, M. Mario Lafrenière, et je cite: "Cette réforme aura des effets bénéfiques". La Voix de l'Est, ici, M. le Président, en date du 8 décembre: "Une réforme bien accueillie, les régions en profiteront". Toujours dans La Voix de l'Est, et ce ne sont pas des paroles de député, M. le député de Masson, mais des paroles citées des gens de la rue. Il y a même une personne, ici, qui dit: "Je suis sur le BS, je vais les donner, mes 5 $, s'il le faut. Il y a trop de gens qui abusent des services de santé gratuits." Personnes sur la rue. "Je suis d'accord - une autre ici - avec le ministre, il y a beaucoup de gens qui vont à l'urgence pour des riens." Dans Le Courrier de Saint-Hyacinthe, en date du 12 décembre: "L'accent est mis sur l'usager. Le milieu maskoutain se réjouit de la réforme des services de santé."

M. le Président, c'est donc dire que c'est plus que favorablement que la population de ma région a reçu les nouvelles réglementations contenues dans le projet de loi. Les citoyens et citoyennes du comté d'Iberville attendaient donc avec intérêt, et je dois dire peut-être impatience, cette réforme. Faisant partie, en effet, de la Montérégie, et se situant en périphérie du Grand Montréal, notre région a littéralement éclaté en population, ceci depuis une quinzaine d'années. Cet état de choses a amené, il va de soi, de nouveaux besoins qui se faisaient de plus en plus pressants et urgents. Bien sûr, au fil des ans, notre gouvernement avait successivement annoncé plusieurs mesures correctives afin de répondre aux besoins locaux. Mentionnons ainsi la relocalisation du CLSC Vallée des Forts, à Iberville, l'augmentation importante des budgets de fonctionnement de l'hôpital du Haut-Richelieu, les rénovations importantes de plusieurs centres d'accueil du comté d'Iberville et aussi un appui plus grand du côté financier aux centres de bénévolat.

Mais, au-delà de ces mesures, les citoyens et citoyennes étaient en droit, je pense, de s'attendre à plus. On demandait des changements, des ajustements tenant compte de l'évolution sociale et économique du Québec. En effet, des pressions s'exerçaient de plus en plus afin d'ajuster les services de santé et les services sociaux, comme par exemple, au vieillissement de la population et à ses attentes, au développement technologique et à l'émergence aussi des nouvelles problématiques sociomédicales tels le sida, la violence, l'itinérance et les conflits familiaux.

En contrepartie, il nous fallait résister aux pressions de plus en plus fortes afin de ralentir sinon freiner la croissance des coûts encourus pour répondre aux besoins grandissants. C'était donc là une tâche colossale et j'aimerais féliciter encore une fois M. le ministre pour non seulement son travail, mais surtout le résultat de sa réforme.

M. le Président, comme je l'ai dit, le projet de loi est majeur et touche à peu près à toutes les facettes des services de santé et des services sociaux. C'est pourquoi j'aimerais prendre les quelques minutes qui me restent afin de parler de l'attention spéciale donnée aux personnes âgées dans le projet de loi. Je ne comprends pas, d'ailleurs, pourquoi le député de Masson, voilà quelques minutes, se disait préoccupé pour les personnes âgées. Voici pourquoi. M. le Président, les personnes aînées représentent un groupe de plus en plus important de notre société. D'ailleurs, mon collègue de Beauharnois-Huntingdon y a fait allusion tout à l'heure. Dès l'an 2001, elles

formeront près de 14 % de la population. C'est donc dire l'urgence de s'ajuster progressivement à leurs besoins qui vont aller en augmentant au fil des ans. De plus, les études conduites démontrent que plus de 80 % des personnes âgées peuvent et veulent demeurer actives dans leur milieu naturel. Ceci, il va de soi, est facilement compréhensible et, avant tout, revêt un caractère humain. (22 h 50)

Tout d'abord, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui est aussi responsable de la Condition des aînés, proposera sous peu des programmes et des actions afin de favoriser l'autonomie et la participation des aînés à la vie collective. Ces mesures seront accueillies avec enthousiasme et intérêt de la part de nos aînés, j'en suis certain, car ils sont très nombreux ceux et celles qui veulent demeurer actifs dans leur milieu social. Par contre, nous réalisons que plusieurs aînés ont et auront besoin de services de santé et de services sociaux, soit à leur domicile, pour eux-mêmes ou pour leurs proches qui les aident, soit en institution.

En conséquence, afin de mieux adapter les services aux besoins des aînés, la réforme entend prendre quatre grandes mesures. Tout d'abord, le maintien à domicile; nous allons renforcer le maintien à domicile des personnes âgées. Ainsi, afin d'aider nos aînés à demeurer dans leur milieu de vie naturel, le ministère entend rehausser le budget de maintien à domicile de 200 000 000 $, à raison de 40 000 000 $ par année pendant cinq ans. Ceci va nous permettre, tout d'abord, de développer les services à domicile. Aussi, le côté du développement des services de répit, de dépannage et de soutien aux familles sera amélioré. Enfin, l'implantation d'un centre de jour dans chacune des municipalités régionales de comté ou, si vous préférez, MRC; sera ajoutée. De plus, nous allons inciter les médecins des CLSC et des cabinets privés à visiter, à domicile, les personnes qui connaissent des difficultés à se déplacer. Enfin, nous allons demander aux centres locaux de services communautaires d'évaluer les besoins des personnes âgées en matière de services à domicile et de déterminer les services requis, leur fréquence et leur intensité.

Nous allons également demander aux CLSC d'offrir les services médicaux, les services infirmiers et les soins d'hygiène personnelle. Nous allons demander aussi aux CLSC de veiller à ce que les personnes âgées obtiennent les services d'aide matérielle et ménagère requis en les orientant prioritairement vers les organismes communautaires offrant ces services. Nous allons également demander aux CLSC de faire en sorte que les personnes âgées puissent, éventuellement, recevoir une allocation directe leur permettant d'acheter elles-mêmes les services d'aide maternelle et ménagère requis par leur état. Et, enfin, nous allons demander aux CLSC de fournir les services à domicile dans les résidences privées pour personnes âgées et les habitations à loyer modique. Voilà plusieurs mesures concrètes en matière de maintien à domicile, des mesures importantes qui aideront beaucoup nos aînés. J'anticipe déjà le plaisir de suivre, dans le comté d'Iberville, l'implantation de ces mesures au fil des années. de plus, m. le président, le ministre compte agir dans trois autres facettes des soins pour personnes âgées. tout d'abord, la qualité des établissements. afin d'accroître la qualité de vie des personnes âgées vivant en établissement, le ministre entend rehausser le budget des établissements pour personnes âgées pour répondre à l'alourdissement de la clientèle, ceci pour un montant annuel important d'environ 12 000 000 $. il entend aussi mettre en oeuvre un important programme de rénovation fonctionnelle destiné en particulier aux établissements du réseau public qui hébergent des personnes âgées. cet investissement sera de l'ordre de 400 000 000 $ à raison de 80 000 000 $ par année pendant cinq ans.

En troisième lieu, le nombre de places. M. le Président, afin d'accroître le nombre de places en établissements, le ministre propose d'ajouter 7000 places d'hébergement et de soins de longue durée d'ici l'an 2000. Il compte aussi combler en partie le besoin de places additionnelles par l'achat de places ou de services dans les résidences privées et les centres d'accueil autofinancés, pour qu'ils puissent offrir des services appropriés aux personnes qui, autrement, devraient être admises en établissements publics.

Et finalement, pour les CLSC, et ceci afin d'éviter la présence de foyers dits clandestins - et nous savons qu'il y en a au Québec - les CLSC devront recenser les résidences pour personnes âgées sur leur territoire, prendre arrangement avec les municipalités pour obtenir l'information sur tout permis de chambre délivré pour l'hébergement de personnes âgées, visiter régulièrement les résidences hébergeant des personnes âgées pour évaluer le degré d'autonomie de ces personnes, considérer les personnes habitant ces résidences comme admissibles aux programmes de services à domicile, rapporter au ministère, aux fins de poursuites judiciaires, toute résidence dont les conditions ou l'absence de soins peuvent poser de graves préjudices aux personnes âgées qui y sont hébergées.

Voilà donc, M. le Président, les mesures bien concrètes contenues dans la réforme concernant précisément les personnes âgées. Je pense qu'il y a lieu de se réjouir de ces mesures.

En conclusion, je dirai que c'est là la preuve que cette réforme a bel et bien placé le bénéficiaire en premier lieu et qu'elle est, avant tout, une réforme axée sur le citoyen. Je vous remercie.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Iberville. Je reconnais maintenant M. le député de Laviolette. M. le député de Lavio-lette, vous avez la parole.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. J'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue qui vient de me précéder. Je pense qu'il a raison quand il dit que c'est une entreprise colossale que le ministre entreprend avec cette réforme. Je pense que personne, parmi ceux qui ont assisté à l'ensemble des commissions qui ont touché à la fois les soins de santé et les services sociaux, ne dira qu'on n'a pas devant nous une entreprise colossale. Je pense qu'au départ c'est réel.

Deuxièmement, lorsque l'on parle de cette réforme, on peut faire la nomenclature en disant un peu comme deux enfants qui se disputent: Mon père est meilleur que le tien. Il en a fait plus et lui il va en faire plus que toi. Je pense que ce n'est pas de même qu'il faut regarder la réforme qui est proposée.

C'est évident qu'on pourrait dire: L'ancien gouvernement a fait tant de places, le nouveau gouvernement va en faire tant, il n'a pas tenu ses promesses. Moi, devant ces phénomènes-là je suis un peu désabusé. Je faisais mention au ministre des Forêts, à un moment donné dans une discussion, qu'il fallait dépasser le stade de regarder ce que l'autre avait fait, ce qu'il n'avait pas fait et de dire: L'autre ne fera pas ce qu'il a promis de faire. Je pense qu'on est devant une situation où il faut une réforme. Cette réforme, elle peut être plus ou moins facile à faire, mais ce qu'on a devant nous, c'est un changement de mentalité. On n'a pas besoin de se promener longtemps. Moi, ça fait 14 ans que je suis député, mais avant ça j'ai eu l'occasion de participer comme membre de ce qu'on appelle les organismes socio-économiques, même comme président fondateur du CLSC Normandie, qui est considéré comme étant un bon CLSC à travers le Québec, qui donne l'exemple même quant à la façon dont il fonctionne. C'est un CLSC qui, à un certain moment, avait fait dans le milieu ce que le département de santé communautaire devait faire, c'est-à-dire une partie de recherches et en même temps de prévention et qui, à côté de ça; avait essayé de donner les meilleurs services possible à d'autres clientèles. (23 heures)

D'ailleurs, je dois vous rappeler, M. le Président, à moins que je ne me trompe, qu'il y a une chose certaine, le premier CLSC au Québec qui, dans ses murs, contient une partie qui s'appelle une garderie, c'est le CLSC Normandie. Je devrais même dire que c'est un des seuls CLSC qui contienne des services comme ceux-là. Pourquoi? Parce que des gens dans le milieu s'étaient regroupés et s'étaient dits: Dans notre milieu, on a besoin de quels services, et on a essayé de les donner. Allez voir le CLSC à Saint-Tite qui regroupe un secteur rural et regardez les services qu'il a essayé de donner; il a essayé d'avoir des médecins qui étaient à salaire, bien entendu. Il y a des médecins qui ont été attirés par le CLSC, mais, quand leur clientèle a été faite, tout à coup, tu les as vu bifurquer et ils ont ouvert la clinique à côté. Il a fallu recommencer à nouveau, allez chercher des médecins pour les inciter à venir travailler au CLSC, toujours à salaire, bien entendu.

Ces services qu'on a donnés et qu'on continue à donner méritent d'être davantage soutenus. Donc, c'est une bonne nouvelle, quand on nous apprend que certains services qui, normalement, devraient être donnés par les CLSC vont être améliorés. On va même leur donner la capacité d'en faire davantage, ce qu'on appelle faire de la première ligne, dans le langage habituel dans le système. Un exemple que l'on a, dans le coin de Saint-Tite toujours, et là, je fais bien attention parce que, ici, à Québec, on va dire que c'est de Saint-Tite-des-Caps dont je parle; je parte de Saint-Tite, dans le comté de Laviolette, donc de Saint-Tite de Champlain, un secteur où il y a une activité importante tous les ans pendant une dizaine de jours, deux fins de semaine en particulier, une municipalité qui a 5000 habitants, mais qui, lorsque le festival "western" arrive, se retrouve, durant les fins de semaines, à 100 000 personnes. Le ministre du Tourisme le sait très bien. D'ailleurs, je l'avais invité à venir et il m'a dit que, l'année prochaine, il viendrait.

Mais 100 000 personnes, un dimanche, ça demande que le CLSC, s'il arrive une urgence, soit ouvert 24 heures sur 24. Et, dans ce contexte-là, M. le Président, il est important de constater que la réforme donne une place plus importante aux centres locaux de services communautaires. Mais même cela étant dit, ça ne règle pas, M. le Président, toute la question des urgences dans les centres hospitaliers. Ma région a un problème majeur, parce qu'elle se trouve dans un milieu entre les grands centres de Montréal et de Québec, avec, au sud, le centre de Sherbrooke. Donc, c'est un triangle dans lequel on se sent un peu pris par le phénomène des grands centres universitaires qui attirent une clientèle de médecins qui ont la chance, au niveau universitaire en plus, de faire davantage d'expériences que dans le petit centre chez nous. Donc, nous sommes dans un milieu qui est un milieu intermédiaire entre les grands centres urbains, les grands centres au niveau universitaire et ce qu'on appelle les régions éloignées. Alors, quel est le problème que nous avons vécu chez nous? C'est d'attirer du personnel médical, des anesthésistes, des spécialistes, des personnes qui acceptent de venir vivre dans un milieu qui n'a peut-être pas tous les moyens que posséderait un grand centre, mais qui a quand même des besoins. Or, par les phénomènes d'attirance vers

les zones extérieures qu'on a connus dans notre région, donc zones éloignées, et là, je fais mention de Mont-Laurier, de la Côte-Nord, je peux même faire mention d'un autre secteur de mon comté qui est La Tuque, il y a eu une forme d'attirance qui a été acceptée par ce qu'on appelle les hôpitaux désignés. Ces hôpitaux désignés ont fait en sorte, M. le Président, que des phénomènes aussi bêtes que celui-là... Vous avez l'hôpital régional de La Mauricie qui est un hôpital qui est supposé être sous la sous-région Grand-Mère, Shawinigan, Shawinigan-Sud et les environs, il y a un médecin qui travaille là comme spécialiste ou anesthésiste, il demeure en arrière de l'hôpital Laflèche à Grand-Mère, mais il est attitré, son travail, c'est à l'hôpital régional, il a demandé les accréditations nécessaires. Au moment où Laflèche a besoin d'un anesthésites ah là! par exemple, on ne le voit pas. Il aime mieux peut-être, dans certaines circonstances, s'en aller sur la Côte-Nord, aller donner du service dans les zones excentriques.

Alors, on est un peu pénalisé, parce qu'on est dans une zone intermédiaire. Le ministre, à ce niveau-là, dans l'ensemble, dit: II va falloir qu'on trouve une solution. Donc, je suis heureux, M. le Président, qu'on cherche une solution dans ce sens-là et soyez assuré que, moi, je vais faire tout en mon pouvoir pour inviter le ministre à continuer et à ne pas lâcher dans ce sens-là. Un exemple qui a fait l'objet d'une visite du ministre dans mon propre comté, au centre hospitalier Laflèche ainsi qu'à l'hôpital régional de la Mauricie, qui était une rencontre qui a eu lieu vers 10 heures à Grand-Mère et vers midi à Shawinigan-Sud, a amené, quant à moi, une réponse à la question que les gens se posaient dans le milieu et qui, je l'espère, va amener les médecins, parce que j'en faisais mention tout à l'heure, à ce changement de mentalité qui est recherché. Le médecin qui reçoit des services du centre hospitalier parce qu'il est dans sa clinique à lui, il a besoin à un moment donné d'une prise de sang, il a besoin à un moment donné d'une radiographie. Il a besoin que son client, son patient fasse de la physiothérapie. Ce médecin-là, en étant à l'extérieur du centre hospitalier, pénalise tous ceux qui sont à l'intérieur du centre et qui veulent donner des services, M. le Président, et qui se sentent un peu floués, si vous me permettez l'expression, parce qu'eux acceptent de donner les services d'urgence, ils acceptent de faire en sorte que la clientèle qui vient à l'urgence soit soignée.

Mais, malheureusement, ils prennent la clientèle du médecin qui, lui, reste dans la clinique chez lui, qui fait du 9 à 5 et qui ne donne pas le service à l'hôpital et, en conséquence, qui pénalise ses autres confrères qui sont dans l'hôpital. Alors, quand le ministre, dans la réforme, à la question qui a été posée lorsque les gens sont venus en commission parlementaire... Le conseil régional de la santé et des services sociaux de ma région est venu en commission parlementaire et on l'a posée, cette question-là: Est-ce que vous croyez que le médecin qui a sa clinique et qui reçoit des services de l'hôpital, est-ce que vous croyez que ce médecin, en contrepartie, doit donner des services à l'hôpital?

La réponse a été oui. Il faut donc trouver un moyen pour que le médecin revienne à l'hôpital. Nous avons connu à travers le Québec, chez nous en particulier, ce qu'on a appelé l'urgentologue, une personne qui n'avait comme fonction que de faire de l'urgence, qui n'avait pas nécessairement des privilèges du centre hospitalier et qui se retrouvait à ne pas être capable de prendre en charge le patient qui venait le voir. Il était transféré à un médecin qui avait un privilège. Donc, ça lui donnait, à celui qui était le médecin qui s'occupait de la liste d'urgence, à s'occuper en plus de sa liste parallèle qui était les clients du médecin qui restait en clinique privée et, en plus, faire sa propre clinique à lui, chez lui ou ailleurs.

Donc, il y avait des charges énormes. Ces médecins-là, moi, je pense qu'on doit les féliciter d'avoir tenu le coup, mais il va falloir que leurs confrères acceptent de venir les aider et de venir faire en sorte que le centre hospitalier vive différemment de ce qu'il a vécu jusqu'à maintenant. Ce n'est pas facile de changer des mentalités comme ça, M. le Président. Le ministre s'attaque à gros. Il est certain et le ministre le sait très bien, que de ma part il va avoir un entier appui à cette décision qu'il a prise de dire aux médecins: Si tu reçois des services de l'hôpital, tu vas devoir donner des services à l'hôpital en contrepartie.

Est-ce que ce serait le début de ce que certains médecins ont dit, le salariat médical? C'est bien vite possible. Vous savez qu'il y a des jeunes médecins qui disent: Moi, si j'avais un quart de travail de 9 à 5 et de 5 à 4 heures dans la nuit, ce qui permettrait de planifier mon travail, en plus d'avoir à planifier mon travail à ma clinique aussi à l'hôpital, peut-être qu'à ce moment-là, je pourrais organiser ma vie autrement que je l'organise là. Et ça serait peut-être logique. Est-ce qu'on doit en arriver à faire ce que vous avez probablement lu, M. le Président, ce qui s'est passé en Angleterre? Il y a des livres de A. J. Cronin qui a parlé souvent de cette façon de voir les choses en Angleterre où, à un moment donné, il a fallu passer par une formule de salariat médical. On l'a d'ailleurs dans les CLSC. Est-ce qu'on devrait l'instaurer dans les centres hospitaliers? (23 h 10)

Peut-être que ce n'est pas la solution recherchée. Il y a une chose qui est certaine, il va falloir que tout le monde se donne la peine de le regarder à fond et de faire le changement de mentalité que ça implique. C'est pour ça que je vous disais, M. le Président, que ce n'est pas

une question de savoir si je vais construire tant de lits de plus que l'autre gouvernement précédent, si je vais donner tant de personnes de plus à s'occuper des personnes à la maison. Il est évident que la recherche de l'aide à apporter aux personnes âgées est importante. J'avais une personne chez moi qui était venue me voir, qui était une infirmière, et cette personne-là, qui était une femme, avait désiré s'occuper de sa vieille mère qui était en difficulté. Elle disait: Je ne sais pas combien de temps ça va durer mais, Jean-Pierre, j'ai été obligée de démissionner de l'hôpital où j'étais parce que je veux m'en occuper de ma mère. Mais en démissionnant, je n'ai aucune garantie de revenir. J'ai accepté de prendre ma mère en charge parce que je ne veux pas qu'elle soit à la charge de la société. Je suis capable tie m'en occuper. Elle me disait: Je ne suis pas mariée, je vais m'en occuper de ma mère, mais ça m'oblige à des choses qu'on aurait dû prévoir. Donc, il faudrait prévoir que les personnes qui veulent s'occuper de leurs vieux parents ne soient pas pénalisées parce qu'elles le font et permettre la possibilité à ces personnes-là d'avoir un congé, une sorte de congé - on ne peut pas l'appeler parental mais ça pourrait quasiment être comme ça parce que parental, on l'affilié toujours à un père, à une mère versus son enfant, mais ça pourrait être parental en vertu de l'aide à apporter à sa mère ou un congé familial, peu importe comment on le regarde - où la personne pourrait avoir la chance de donner à ses parents ou à son enfant, dans certains cas, qui est malade les soins que demandent l'état de sa santé, qui, dans certains cas, est l'étape finale de sa vie. Qui, parmi nous, n'a pas eu un parent qui a vu son fils ou sa fille ou son cousin, sa cousine, admettons, mourir de leucémie? Qui n'a pas vu quelqu'un, parmi nous autres, dont le père ou la mère est morte du cancer? Qu'est-ce qui empêcherait d'avoir une formule qui permettrait, à ce moment-là, par un crédit d'impôt quelconque, de pouvoir les prendre en charge? Donc, est-ce qu'on peut appeler ça un congé social, familial, cherchons le nom, mais trouvons un moyen de leur venir en aide. À ce moment-là, peut-être que, si on avait la capacité de prendre en charge nos parents, on aurait peut-être pas ce qu'on a appelé le "dumping" de ces personnes-là dans les centres hospitaliers. Peut-être qu'on n'aurait pas, à ce moment-là, des personnes qui prennent la place d'autres. Parce qu'il y a beaucoup de gens qui veulent s'occuper de leurs parents, mais ils n'en ont pas les capacités. Alors, l'État devrait leur venir en aide. On ne retrouve pas encore cette capacité, mais je pense qu'on devrait faire la recherche dans ce sens-là.

Donc, je vous le répète, M. le Président, ce n'est pas une question d'argent, ce n'est pas une question de savoir s'il en a fait plus ou moins, c'est une question de savoir c'est quoi qu'on veut changer. Où est-ce qu'on veut aller dans la réforme? Jusqu'où on veut aller dans la réforme? J'ai eu l'occasion, à un moment donné, à La Tuque, de visiter - ça s'appelait à ce moment-là la bâtisse de Rona - une petite bâtisse qu'on met dans un terrain, qui est de 100 pieds par 60 pieds, des fois 90 par 65, ça dépend des grandeurs de terrains, qu'on met dans le fond de la cour mais qui a trois appartements: le salon-cuisine, la chambre de bain, puis la chambre à coucher, pour que deux adultes puissent vivre avec une connexion qui permet d'avoir un appel immédiat à la maison, si quelque chose se passe dans la maison, même avec, comme on a dans des caisses, ou dans des banques, ou dans les magasins, une sorte de téléviseur où on voit l'ensemble des pièces et qui nous permet d'avoir ça à la maison, de l'autre côté, dans la maison des enfants, et de prendre soin de ses parents de cette façon-là sans que ça ne coûte cher à la société. Et cette bâtisse, qui est démontable avec aucun sous-sol, demande, pour être installée là, des changements des règles au niveau des lois municipales, parce que vous le savez, je n'ai pas le droit d'ajouter un égout de plus, je n'ai pas le droit d'ajouter une prise d'eau de plus, je n'ai pas le droit d'ajouter de l'électricité de plus, si les règlements municipaux ne le permettent pas sur un terrain d'une telle grandeur. Donc, pour en arriver avec des formules comme celle-là, ça demande, dans bien des cas, de l'imagination, et Rona et d'autres l'ont fait, et, tranquillement, on commence à avoir des municipalités qui disent: On devrait faire des expériences dans ce sens-là, on devrait permettre, à ce moment-là, aux enfants de s'occuper de leurs parents et ça coûterait bien moins cher que de construire des places nouvelles en centres d'accueil où les gens s'ennuient. Qui, parmi nous, en fin de semaine, n'a pas eu, à cause des événements qui s'en viennent, qui sont les fêtes de Noël et du Jour de l'an, à aller faire un tour dans un centre d'accueil, en fin de semaine, pour chanter des chansons, s'amuser, donner des cadeaux à des personnes âgées par le comité de bénévoles qui s'y trouve, qui ramasse de l'argent un peu partout et qui leur donne ça, et qui voit la joie de ces personnes-là. Mais, ça dure une fois, deux fois, trois fois par année et après ça, on les oublie. Tandis que, s'ils étaient près de la maison des enfants, les enfants auraient la chance de s'en occuper, donc les petits-enfants auraient la chance de vivre avec leurs grands-parents, comme autrefois mais dans de plus grandes maisons. Ce n'est plus le cas. Le mode de vie a changé. Mais pourquoi ne recréerait-on pas, dans un milieu comme celui-là, une vie familiale qui permettrait au petit-enfant de pouvoir connaître davantage ses grands-parents? Surtout, M. le Président, que dans ce contexte-là, quand on parie des accrocs à l'universalité et à la gratuité des soins, ça m'inquiète. Et cette partie-là m'inquiète beaucoup, M. le Président, parce que c'est peut-être pour ça que je vais être

obligé de faire comme mes collègues, de voter contre, pas parce que je ne retrouve pas dans la réforme des choses que je trouve intéressantes, pas parce que je ne trouve pas dans la réforme des choses qui ressemblent même au programme de notre parti politique. Je ferais mention simplement de la régie régionale. La première fois que c'a été dans les airs, dans mon propre coin - lisez les journaux, Le Nouvelliste, la radio, la TV du temps - je m'étais dit totalement en accord avec cette formule-là. Et même la question que j'ai posée au conseil régional de la santé et des services sociaux de ma région, Mauricie-Bois-Francs-Drummond, quand il est venu en commission parlementaire, c'a été celle-là: Est-ce que vous croyez qu'on devrait décentraliser les budgets de la Régie de l'assurance-maladie du Québec? La réponse a été oui, parce que, moi aussi, j'y crois. Je suis d'accord avec ça. Ça fait partie de ce qu'on croit dans notre parti politique comme étant décentralisé dans notre milieu. M. le Président, je ne peux pas être en désaccord avec tout, mais comme le principe veut que si on est en désaccord avec une bonne partie qui est, quand même, l'universalité, la gratuité des soins - parce que je n'ai pas de garantie que ça va s'arrêter une fois la porte entrouverte, qu'elle n'ouvrira pas complètement - bien, je dois vous dire, M. le Président, que je vais être obligé de voter contre, en espérant que, lors de l'étude article par article de ce projet de loi, le ministre amène des amendements qui nous satisfassent. Je vais vous donner un exemple qu'on a eu l'occasion de vivre vendredi, avec le ministre du Travail. Il y avait un projet de loi qui était en discussion. On était en commission parlementaire. On était . en désaccord parce que le syndicat des professionnels disait: Le ministre, par la loi, contourne un jugement du Tribunal du travail; en conséquence, on va être contre à moins que le ministre accepte des rencontres et qu'on essaie d'en discuter et là, on verra. On a fait notre travail convenablement comme membres de l'Opposition, M. le Président, dans le but d'améliorer et de faire en sorte que le syndicat puisse être entendu. Le ministre a accepté. Donc, quand on est capable de collaborer de part et d'autre pour le bien-être de l'ensemble de la population, M. le Président, nous ne sommes pas contre. Mais dans le contexte actuel, je vais être obligé de parler par un vote, oui ou non, je suis d'accord ou je ne suis pas d'accord, je dois vous dire, parce que le projet de loi ne me donne aucune garantie quant à la gratuité des soins. Quant à la partie qui est l'universalité des soins, je vais me contenter de dire, M. le Président: Je vais voter contre, mais j'espère que le ministre, en commission parlementaire, amènera les amendements qui vont me satisfaire, et, à ce moment-là, peut-être que je réviserai mon vote lors de la prise en considération du rapport et lors de l'adoption finale de ce projet de loi, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laviolette. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. À cette étape de nos travaux, je vais faire mention, en vertu de l'article 100 de notre règlement...

Mme Juneau: Je m'excuse. Je pense qu'il y avait eu une entente auprès de la formation...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Juste une minute! Je vais entendre M. le leader adjoint avant, Mme la députée. M. le leader adjoint, voulez-vous intervenir et je vous reconnaîtrai après, Mme la députée. Je ne peux pas à ce moment-ci.

M. Bélisle: M. le Président, je vais plutôt attendre quelques moments...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors...

M. Bélisle: ...étant donné qu'il reste seulement 10 minutes. On avait convenu de terminer vers 23 h 30 et l'intervention est de 20 minutes. Elle va être plus courte? Bon, on m'indique qu'elle va être plus courte. Alors, M. le Président, je me rassois.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous revenons à la discussion où nous a laissé, M. le député de Laviolette, et je reconnais maintenant la prochaine intervenante, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Mme la députée.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Nous en sommes donc à l'adoption du principe du projet de loi 120. Le projet de loi 120, c'est la loi sur les services de santé et les services sociaux qui vient modifier, en fait, diverses dispositions législatives. C'est un projet de loi qui est le résultat de plusieurs études, d'une longue réflexion sur le sujet au Québec, et ça, depuis quelques années, M. le Président. Ça fait suite en fait, en quelque sorte, au rapport de la commission Rochon, à l'avant-projet de loi de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, Mme Thérèse Lavoie-Roux, et aux commentaires aussi, parce que nous avons eu aussi, sur l'avant-projet de loi en question, les différents commentaires lors de la commission des affaires sociales où nous avons entendu plus de 250 groupes au printemps, M. le Président. (23 h 20)

Alors, voilà que le ministre de la Santé et des Services sociaux arrive avec son propre projet de loi à lui, ce qu'il est convenu d'appeler

la réforme de la santé au Québec. C'est une réforme importante. C'est un projet de loi important qui vient changer les choses en profondeur, la façon de faire au niveau de la santé au Québec. C'est aussi un projet de loi - contrairement à plusieurs autres dont on a fait état durant cette session - qui non seulement est important, mais qui est volumineux, un projet de loi de près de 500 articles qui vient toucher à peu près toutes sortes de pans au niveau de la santé. Donc, c'est une longue réflexion, beaucoup de travail de la part des différents intervenants et de la part du ministre. C'est un fart: on doit admettre que le ministre a quand même eu un travail assez important à faire de ce côté. Il a eu à écouter beaucoup de monde et à vraiment se pencher très sérieusement pour avoir une vision bien juste, bien exacte, de ce qu'on peut faire au niveau de la santé au Québec.

C'est sûr que nous voilà devant un projet de loi de réforme, et l'Opposition ne peut qu'applaudir et féliciter le ministre pour certaines parties de son projet de loi. C'est évident que, par rapport à la régionalisation, par rapport à la décentralisation où on donne vraiment du pouvoir aux régions, M. le Président, l'Opposition officielle ne peut vraiment que féliciter le ministre et l'applaudir. Je pense qu'il y a de bonnes choses dans ce projet de loi. Par rapport aussi à la façon dont le ministre s'y prend pour accroître les effectifs médicaux en région, je pense qu'il y a des mesures intéressantes, et l'Opposition ne peut que suivre le ministre dans ces idées-là.

Par ailleurs, M. le Président, on ne peut pas être d'accord sur tout. Il semble que ce soit presque la coutume et, sur certaines dispositions de la réforme, l'Opposition officielle ne peut qu'être complètement en désaccord avec le ministre, et, là-dessus, je vous parlerai seulement du ticket modérateur - ou du ticket orienteur maintenant, le nouveau nom du ticket - et aussi de l'impôt à rebours. En fait, pour l'Opposition officielle, c'est une façon d'entrer de plain-pied dans la possibilité de rendre les services moins accessibles et pas gratuits pour la population. Pour ces raisons-là, M. le Président, je vais quand même essayer d'expliquer un petit peu plus longuement les différentes dispositions sur lesquelles on s'entend avec le ministre, mais expliquer aussi pourquoi on n'est pas d'accord et pourquoi on va s'opposer à cette dernière partie dont je viens de vous parler.

Le projet de loi 120 vient nous proposer une nouvelle organisation du réseau. On parle ici, bien sûr, de structures, et on vient changer de façon assez importante la structure du réseau des affaires sociales. C'est comme ça que les CRSSS disparaissent. Les CRSSS pour ceux qui ne le savent pas - parce que ce n'est pas toujours facile de comprendre les lettres - les conseils régionaux de la santé et des services sociaux disparaissent au profit de régies régionales. Les régies régionales, c'est une création du nouveau projet de loi qu'on a devant nous et ce sont elles qui auront à assumer plusieurs responsabilités, M. le Président. Entre autres, les régies régionales, ce sont elles qui vont mettre en oeuvre les différents programmes qui sont élaborés par le ministère, qui vont établir les priorités régionales en santé et en bien-être, établir les plans d'organisation de services sur les territoires, et qui viennent allouer les budgets aux établissements et aux organismes communautaires. Donc, on se rend compte qu'il y a quand même beaucoup de pouvoirs au niveau des régies régionales, qui viennent aussi assurer la coordination des cabinets privés et la complémentarité des ressources dont on parlait pour les médecins et les effectifs médicaux en région. Établir un système régional pour l'admission et la sortie des usagers dans les ressources de deuxième ligne, parce qu'on sait que, maintenant, la deuxième ligne, ce sera les centres hospitaliers. Viennent aussi gérer les enveloppes de la régie régionale. Enfin, la régie régionale sera imputable devant une assemblée régionale qui sera composée d'élus régionaux.

Très intéressant, le projet des régies régionales comme tel, la façon de décentraliser les budgets aussi, pour que les régions aient chacune leur part des ressources qui doivent leur être allouées au niveau de la santé. Cependant, de notre côté, on dit: Attention à la bureaucratisation. Je vais vous dire, j'ai été commissaire d'école, M. le Président, et j'ai pu vivre ce que ça donne, à peu près, la bureaucratisation au niveau de certains organismes. Je pense aux commissions scolaires régionales, entre autres.

Bon, d'accord pour les régies régionales. Disons qu'on voit que c'est quand même assez important. Ça donne des pouvoirs et je pense que, comme ça, chacune des régions pourra en avoir un petit peu plus pour son argent, si on veut. Par rapport, ensuite de ça, à l'organisation toujours du réseau, évidemment on fait disparaître les CSS. On ne les fait pas disparaître juste pour les faire disparaître, on les fart disparaître pour qu'ils deviennent les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. En fait, les CSS s'occupaient déjà de la protection de la jeunesse, et on leur donne un rôle, là, qui est vraiment très centré au niveau des jeunes. On dit que c'est eux autres qui vont maintenant assurer les services requis par la Loi sur la protection de la jeunesse et la Loi sur les jeunes contrevenants, vont assurer les services en matière de placement d'enfants, de médiation familiale et d'expertise à la cour, d'adoption et de recherche d'antécédents biologiques, vont assumer la prise en charge de la situation des jeunes. Donc, les CSS deviennent les centres de protection de l'enfance et de la jeunesse et ce sont eux qui devraient, en principe, assumer les responsabilités à ce niveau-là.

On fait aussi autre chose dans cette réorganisation. C'est que les centres d'accueil et les CHSP, ce qui est convenu d'appeler les CHSP ou les centres hospitaliers de soins prolongés, sont intégrés ensemble avec la réforme, et c'est là qu'on va offrir, évidemment, le milieu de vie substitut, des services d'hébergement, d'assistance, de soutien, de réadaptation médicaux et infirmiers pour les personnes en perte d'autonomie fonctionnelle ou psychosociale. En fait, on vient mettre dans la loi ce qui, je pense, en quelque sorte... En tout cas, c'est le cas dans certains centres d'accueil, parce qu'on sait qu'au Québec, avec l'alourdissement des clientèles dans certains centres d'accueil, les centres d'accueil étaient devenus de véritables centres hospitaliers pour soins de longue durée et sans avoir de ressources pour la prise en charge totale des personnes âgées qui, vraiment, avaient besoin de soins de longue durée. Alors, finalement, les centres d'accueil, les centres d'hébergement pour soins de longue durée deviennent un peu dans la même catégorie, et j'espère que les ressources seront vraiment là aussi pour les aider à suffire à la tâche.

Une des choses importantes dont j'aimerais quand même faire état dans mon intervention, c'est le rôle accru qu'on donne aux CLSC, les centres locaux de services communautaires. Dans chacun de nos comtés ou à peu près, en fait, dans chacune des régions du Québec, on compte plusieurs CLSC, on le sait. Les CLSC, avec ce projet de réforme, deviendront, évidemment, des établissements de première ligne. Ça veut dire qu'on donne un rôle vraiment très important aux CLSC avec ce projet de réforme là. Ce sont eux d'ailleurs qui vont avoir à offrir des services de santé et des services sociaux habituels et de nature préventive, de nature curative, des services de réadaption et de réinsertion. Les gens vont aller consulter dans les CLSC, et c'est de là qu'on les référera dans des établissements de deuxième ligne, soit les centres hospitaliers. Ce sont aussi les centres locaux de services communautaires, ou CLSC, qui auront, bien sûr, à assurer le maintien à domicile, des rôles que déjà les CLSC ont à assumer, et un rôle accru par rapport aux soins de première ligne.

Là, disons, M. le Président, que je suis tout à fait d'accord avec le ministre sur cette décision-là. Je pense que là n'est pas le problème, du côté de l'Opposition officielle. D'ailleurs, cet aspect ou ce rôle accru au niveau des CLSC rejoint, évidemment, la pensée, si on veut, ou le programme même du Parti québécois où on voyait vraiment un rôle accru. Par ailleurs, je dois vous avouer, si je regarde ce qui se vit chez nous, ce qui se vit dans certains autres CLSC, que je suis un petit peu sceptique. Je trouve que c'est quasiment trop beau pour être vrai. Est-ce qu'on leur donnera vraiment les ressources nécessaires? Si je regarde ce qui se vit chez nous, et j'espère que le ministre en est toujours conscient, parce qu'à plusieurs reprises, on a eu à communiquer avec le ministre pour parler des problèmes vécus par le CLSC Chutes-de-la-Chaudière-Desjardins, eh bien, disons que le jour où je pourrai être sûre qu'il va se passer quelque chose à ce niveau-là, ça va être assez rapide, parce que, si le ministre ne fait pas ses preuves très rapidement au niveau du CLSC chez nous, j'aurai des doutes, en général, sur l'ensemble de sa réforme. (23 h 30)

Si je regarde ce qui se passe au CLSC chez nous, d'abord, on a un CLSC, un seul CLSC qui a été, en fait, fusionné. Avant, il y avait le CLSC Chutes-de-la-Chaudière et le CLSC Desjardins. Les deux CLSC ont été fusionnés ensemble en 1987. Ils ont dit: Bon, rationalisons, on fusionne les deux CLSC. On se retrouve avec un seul CLSC pour deux MRC. C'est un CLSC qui dessert environ 110 000 personnes, M. le Président. Bien sûr, je sais que vous me direz qu'il y a des CLSC qui en desservent tout autant dans certains coins, je pense au coin de Laval, entre autres, mais il reste que, par rapport au territoire, le territoire desservi par ces CLSC, on a un aspect qui est un peu particulier. Les clientèles sont différentes. Le CLSC dessert vraiment deux formes de clientèles très différentes dans un territoire qui est très étendu. Alors, ce CLSC dessert donc le tiers, si on veut, de la population de Chaudière-Appalaches, de toute la région chez nous. C'est le CLSC de Chaudière-Appalaches qui dessert évidemment la plus grande population. Malgré tout ça, M. le Président, le CLSC Chutes-de-la-Chaudière-Desjardins a un per diem qui est équivalent à 36 $, alors qu'on sait très bien que la moyenne provinciale est de 72 $. Alors là, ça vous donne une idée de l'écart qui subsiste dans le CLSC chez nous.

Je sais, parce que je suis en contact assez régulier avec les gens du CLSC, pour toutes sortes de raisons, et je pense que tous les députés qui sont ici doivent être en contact assez régulièrement avec leur CLSC, que, présentement, les listes d'attente au niveau du CLSC pour les services psychosociaux, entre autres, sont énormes et que les listes d'attente grossissent chaque jour, parce qu'on manque de ressources. Les locaux sont inadéquats, les ressources ne sont pas suffisantes et les listes d'attente s'allongent. Quand je vois le projet de réforme qu'on a en face de nous, je me dis: C'est bien beau, c'est bien gentil tout ça, mais, si le ministre a des preuves à faire, eh bien, j'espère qu'il va les faire assez rapidement pour démontrer qu'il veut vraiment donner un rôle important aux CLSC. Il devrait peut-être commencer par rajuster, dans un premier temps, les per diem et régler les problèmes des CLSC qui sont déjà existants et qui ne suffisent même pas à régler les problèmes auxquels ils ont à faire face pour l'instant.

Alors, disons que, là-dessus, je pourrai constater évidemment, de mon côté, la bonne

volonté du ministre, par rapport au budget qu'il voudra allouer aux régions et aux CLSC, quand je verrai, évidemment, qu'il aura réglé les problèmes chez nous de notre propre CLSC qui déjà souffre vraiment de carences énormes au niveau financement et au niveau régional, M. le Président.

C'est évident aussi... Je pense que j'avais 10 minutes, si je me souviens bien, M. le Président. Écoutez, je voudrais quand même dire quelques mots par rapport au fameux ticket modérateur. Le ticket modérateur, j'ai entendu le ministre nous dire que ce n'est pas une question de 5 $, que ce n'est pas les 5 $ qu'il veut aller chercher chez les gens, qu'il veut juste les éduquer. D'après ce que j'ai entendu du ministre, il veut juste habituer, si on veut, la population à se rendre aux bonnes places pour se faire soigner. Si quelqu'un se rend à l'hôpital, puis que c'est un cas qui n'est pas suffisamment urgent pour l'hôpital, eh bien, c'est bien de valeur, il va être obligé de donner 5 $ s'il veut se faire traiter là quand même. Sinon, normalement, il faut qu'il s'oriente vers le CLSC et c'est pour ça qu'il a appelé son fameux 5 $ 'ticket orienteur". Disons qu'il y a Mme Lavoie-Roux, qui est l'ex-ministre de la Santé, qui voit ça, encore aujourd'hui, un peu comme un ticket modérateur. Enfin, disons que, pour ce qui est du ticket comme tel, c'est évident que, là-dessus, l'Opposition officielle n'a pas eu les réponses qu'elle désirait entendre du ministre. Je sais que mon collègue, le porte-parole et député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue, a essayé d'avoir des réponses du ministre en Chambre. J'espère qu'il en aura plus en commission parlementaire parce qu'à venir jusqu'à maintenant disons que les réponses qu'on a eues sont, à mon sens, insatisfaisantes. Dans ce sens-là, si le ministre continue dans son projet d'aller de l'avant avec son ticket orienteur, c'est sûr que, là-dessus, il va y avoir des problèmes avec l'Opposition officielle et qu'on ne pourra absolument pas aller dans le même sens que le ministre.

Par rapport à l'impôt à rebours, encore là, c'est un problème important, parce qu'on dit: On vient taxer en fait, a fortiori, certains services et on vient, évidemment, à ce moment-là, priver la population de certaines sommes d'argent, puisqu'on va leur charger après. On ne charge pas tout de suite, on charge après. On pense aux services optométriques qui vont avoir un impôt à rebours, les médicaments et les services pharmaceutiques. Les médicaments, je dois vous dire que c'est assez important, si on pense aux personnes âgées, par exemple, parce qu'il y en a qui disent que les personnes âgées consomment trop de médication, mais il reste que c'est évident qu'avec l'âge et avec les problèmes qui s'accroissent on a besoin un peu plus de médicaments et c'est évident que les personnes âgées sont les plus touchées, je pense, par cette mesure-là. On va venir les taxer après coup, au bout de l'année, sur leur revenu. On dit: On va vous taxer, pas beaucoup, pas grand-chose, 3 %, mais il reste que c'est une porte qui s'ouvre vraiment pour aller chercher de l'argent et qui ouvre vraiment sur la non-gratuité, si on veut, des services.

Vous savez, c'est dangereux de créer des - comment dirais-je? - services privés et des services publics au niveau de la santé. On se trouve à créer quasiment deux sortes de médecine et, même aujourd'hui, au moment où on se parle, je sais qu'il y a des établissements qui ont des problèmes à arriver par manque de ressources, comme je vous le disais tout à l'heure. Je vous donnais un éventail des problèmes qu'on vivait dans un CLSC, chez nous, par manque de ressources et par manque de temps et de possibilités, parce qu'on n'a pas assez d'argent, on n'a pas assez de monde pour s'occuper des cas et, déjà, on est obligé de "prioriser" parmi les priorités. Quand on se rend compte, et, ça, je me le suis fait vraiment confirmer, qu'il y a des gens qui sont capables de se payer les services d'un psychologue, par exemple, on va, à ce moment-là, se permettre de dire aux gens: Bon, bien écoutez, nous autres, ça va prendre tant de semaines ou un mois avant qu'on reçoive votre enfant pour du psychosocial. On a un problème de liste d'attente important et il semble que vous, de votre côté... C'est sûr que si, vous, vous pouvez aller prendre vos services chez un psychologue, un travailleur social ou quelqu'un qui est du côté privé, vous aurez à débourser pour le faire, bien sûr, mais vous pourrez, à ce moment-là, avoir les services tout de suite. Déjà, sans ça, on ouvre une porte à deux formes de médecine. On ouvre la porte à des services privés et à des services publics de médecine et, ça, c'est très dangereux. Alors, on revient, ici, à l'impôt à rebours. Là-dessus aussi, M. le Président, nous sommes en désaccord avec le ministre et, tant et aussi longtemps qu'il va continuer dans cette ligne de pensée là, nous devrons nous opposer à son projet de loi.

Alors, étant donné que c'est le temps qui m'était alloué, M. le Président, je vais terminer là-dessus en disant: Bon, O.K., il y a de bonnes choses, il y a de mauvaises choses et, par rapport aux choses sur lesquelles on n'est pas d'accord, on va continuer de faire une opposition qui se tient debout autant que possible et qui essaie de faire changer le ministre et de le faire revenir dans la bonne direction. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Oui, M. le Président. Comme je le disais tantôt, à cette étape-ci de nos travaux, je vais faire motion pour ajourner le débat sur le projet de loi 120, Loi sur les services de

santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion d'ajournement du débat est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Je vous prierais d'appeler, M. le Président, l'article 31 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 109

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 31, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration concernant le projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, ainsi que les amendements transmis par le ministre des Finances en vertu de l'article 252 du règlement.

Avant d'entreprendre le débat, je déclare recevables les amendements présentés par M. le ministre et j'informe l'Assemblée qu'à la fin de ce débat les mises aux voix auront lieu dans l'ordre suivant: premièrement, l'amendement proposé par M. le ministre des Finances à l'article 7 ainsi que la motion de renumérotation; deuxièmement, les autres articles du projet de loi qui n'ont pas été adoptés en commission et le titre du projet de loi; troisièmement, le rapport de la commission ainsi amendé, le cas échéant. Je suis maintenant prêt à entendre le premier intervenant. Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je ne vous cache pas que je suis drôlement surprise. Je ne m'attendais pas à ça du tout. Je pensais que le ministre des Finances, qui est le parrain du projet de loi, serait là pour faire la première intervention, comme il va de soi. À ma grande surprise... Était-ce son âge? Était-ce le fait qu'il n'approuve pas ce que son gouvernement est en train de faire? Était-ce le fait qu'il est occupé dans une autre commission parlementaire? Mais je ne crois pas. Je ne crois pas. J'ai vérifié sur ce qu'on a donné comme information, aujourd'hui, pour les travaux dans les commissions parlementaires et je ne vois nullement le nom du ministre des Finances, dans une commission, en train d'intervenir sur un projet de loi. (23 h 40)

Alors, M. le Président, qu'on m'explique comment il se fait que le ministre des Finances n'est pas là pour faire son intervention sur une prise en considération du rapport sur le projet de loi 109, une loi extrêmement importante, puisqu'elle touche à un des joyaux des Québécois, un des extraordinaires fleurons du Québec. C'est incroyable, ça me dépasse! Ça me dépasse même à cette heure-ci du matin! Ça me dépasse que le ministre des Finances ne soit pas là pour faire la première intervention sur le projet de loi. On ne parle pas d'une espèce de stand à patates frites sur le coin d'une rue, là! On parle de la Caisse de dépôt-Une voix: Stan Savard!

Mme Juneau: ...la Caisse de dépôt et placement du Québec qui représente tout près de 40 000 000 000 $ d'actifs des Québécois. Et le ministre parrain n'est pas là pour faire son intervention! Je suis déçue. Je voulais savoir quels étaient les motifs qu'il aurait pu nous apporter, pour cette dernière étape de la prise en considération du rapport sur le projet de loi 109.

M. le Président, la machine à milliards, dans quelques heures, elle va avoir deux têtes! Est-ce qu'on n'aurait pas pu entendre pourquoi, avec des notes explicatives, pourquoi cette fameuse machine à milliards va avoir deux têtes? Et je relisais pendant d'autres interventions - pour me préparer à cette intervention-là que, je dois dire, je fais un petit peu plus tôt que je pensais - le discours du premier ministre de l'époque qui était Jean Lesage et j'ai trouvé, dans l'intervention de Jean Lesage, des choses qui me disent qu'aujourd'hui on fait une erreur. On fait une erreur dans ce qu'on vient de nous apporter ici, à l'intérieur de la Chambre.

Je vais vous en lire quelques phrases ou quelques petits paragraphes. À la page 293 de ce qu'on a appelé "La machine à milliards: l'histoire de la Caisse de dépôt et placement du Québec", Jean Lesage dit: "Un organisme financier aussi considérable que la Caisse de dépôt ne peut éviter d'attirer des convoitises du secteur politique." Là, je me suis posé de sérieuses questions par rapport au projet de loi qu'on nous amène. Est-ce que je peux déceler, est-ce que je peux comprendre, dans cette phrase-là, qu'il y aurait eu une certaine convoitise du secteur politique pour nommer à la tête de ce fleuron qui nous appartient deux têtes, deux personnages pour en remplacer un qui a fait en sorte que la Caisse de dépôt et placement fait l'orgueil des Québécois et des Québécoises et l'envie des autres personnes à l'extérieur de notre beau pays du Québec?

Alors, si le gouvernement que nous avons en face veut placer une deuxième tête qui - je regardais dans l'organigramme qu'on nous a fourni - va équivaloir, si je ne trompe pas, à la même prestance, à la même autorité que le

premier président qui est M. Jean-Claude Delor-me, président du conseil d'administration et chef de la direction... Tout de suite en dessous, l'homme du gouvernement qui est aussi président et chef de l'exploitation. Voyez-vous, M. le Président, ce qui existait déjà, il y avait un président-directeur général qui était M. Campeau et les cinq vice-présidents qui étaient les vice-présidents des placements à revenus fixes, des placements à revenus variables, de la planification et des' relations avec les déposants, des affaires juridiques et institutionnelles et placements immeubles, administration et contrôle. Ça, ça reste sensiblement le même. Ce groupe de personnes, à cet étage, reste sensiblement le même, comme vous pouvez le voir, sauf qu'il y a deux personnes avec une même autorité. C'est là, M. le Président, que ça m'inquiète, parce que j'ai continué de lire ce que Jean Lesage a dit. Il a dit: "La Caisse de dépôt doit développer, au sein de son personnel, une tradition et une continuité qui, sans exclure l'élaboration de politiques hardies, la garantissent cependant contre celles qui sont trop hasardeuses." De notre côté, on a considéré que mettre une deuxième tête dirigeante au niveau de la Caisse de dépôt et placement, c'était hasardeux. C'était hasardeux parce qu'on s'est dit que si, éventuellement, le diable prend entre les deux présidents, s'ils ne sont pas du tout d'accord, que M. Delorme, lui, veut que telle et telle décision se prenne en un sens et que l'autre président, avec la même autorité, dit: Non, ce n'est pas comme ça que ça fonctionne, c'est moi qui ai raison et c'est comme ça qu'on va le faire, alors, on va être obligés de venir ici, à l'Assemblée nationale, et c'est nous, les parlementaires, qui devront trancher qui a raison, qui a tort et qui doit avoir le dessus sur les deux présidents. Alors, M. le Président: "cependant contre celles qui sont trop hasardeuses". Je trouve que c'est très hasardeux de faire en sorte de nous amener devant une histoire conflictuelle qui ferait qu'on serait obligés de trancher. C'est très difficile, M. le Président. Il y a Salomon qui l'a fait, mais c'est très difficile; il faut être très sage. C'est difficile de dire qu'on prend l'un ou l'autre.

Je continuais ma lecture et M. Jean Lesage disait: "Une grande rigueur de principe et en soumettant son personnel à un entraînement long et laborieux." C'est dire combien est essentielle la stabilité de la direction. Donc, on dit que ce qui est important, c'est d'avoir une direction qui est stable, qui a le temps de s'imprégner et de permettre que, de la façon dont il veut diriger la Caisse de dépôt, on puisse lui donner la chance d'élaborer ses principes de travail, sa façon de faire en sorte que la Caisse continue d'ajouter des signes de piastre à ce qu'elle a déjà. Ça, c'est pour le bien-être de nous tous.

Dans un dernier paragraphe, je lisais aussi, M. le Président: "Dans ce sens, la structure administrative de la Caisse de dépôt exigera de ceux qui l'administreront une envergure et une maturité dont on a pu douter autrefois qu'elles puissent exister dans cette province. Mais tout porte à croire, depuis quelque temps, qu'elles se sont enfin développées. On peut donc maintenant songer à des formules qui, dans tant de pays du monde, ont permis à la fois d'éviter que l'on asservisse les institutions financières à l'État ou bien encore que l'on enlève à l'État toute influence sur les institutions financières qu'il peut créer."

M. le Président, j'ai tenté, dans un pauvre petit 10 minutes, de vous exprimer nos inquiétudes. Je sais que je n'ai peut-être pas réussi parce que j'ai manqué de temps pour vous convaincre de nos inquiétudes, pour vous convaincre que de mettre deux personnes en autorité sur une même tribune et au même titre ferait en sorte que ça ne serait pas bénéfique pour l'ensemble de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Comme ma collègue la députée de Johnson, je me pose de sérieuses questions sur l'intention gouvernementale, d'autant plus que vous avez vu que je ne me suis pas empressé de me lever parce que je croyais que quelqu'un, de l'autre côté, viendrait défendre un tel projet de loi. (23 h 50)

Une prise en considération, ou bien c'est sérieux, ou bien ça ne l'est pas. Une prise en considération, ça nous indique que le gouvernement a changé d'idée ou qu'il n'a pas changé d'idée. Pourquoi pensez-vous qu'il n'y a personne qui ose parler, de l'autre bord, M. le Président, jusqu'à maintenant? Parce qu'ils ne sont pas heureux du tout, vous devriez le savoir, M. le Président, de nous avoir obligés à revenir en Chambre par un deuxième bâillon. Vous savez ce qui s'est passé. Vous êtes présent à nos discussions. Je sais que vous êtes neutre, M. le Président, mais vous n'êtes pas sans savoir que des gens devant nous ont décidé, même pas après deux heures de discussions, de nous ramener ici. Donc, s'ils nous ont ramenés ici, M. le Président, vous vous apercevez bien qu'il n'y avait pas grand-chose à faire en commission parlementaire. Nos collègues, le député de Labelle et les autres qui l'accompagnaient, ont essayé de convaincre le ministre de faire des changements, mais c'était peine perdue. Vous avez entendu les discussions que nous avons eues ici la semaine dernière indiquant que ça n'avait pas de bon sens de faire un deuxième bâillon en trois jours. C'est inédit, M. le Président, dans nos annales. Et si c'était juste ça, ce serait moins pire, mais c'est plu-

sieurs bâillons; je pense que c'est six maintenant, depuis le début.

Alors, vous savez bien, M. le Président, que ça n'a pas de maudit bon sens, excusez-moi l'expression. Alors, ils sont gênés. Ils vont parler de quoi? C'est quoi une prise en considération? On va prendre le règlement: Pour la prise en considération d'un rapport, il faut qu'il y ait eu quelque chose dans le rapport. Le rapport que nous avons eu par le député qui l'a présenté, comme président de la commission, c'est qu'il nous a dit qu'il n'y en avait pas de rapport, parce que la loi n'a pas été adoptée. La loi a été amenée ici à l'Assemblée nationale sans avoir eu la chance de passer l'étape normale d'épuration du projet de loi, de la transformation en mieux du projet de loi, de ce qu'on appelle une commission parlementaire.

C'est évident que les gens d'en face pourront vous dire, M. le Président: Dans la considération, on ne peut pas faire grand-chose, les députés du Parti québécois ont fait des remarques préliminaires, puis ils ont passé des motions. Mais, écoutez, M. le Président, qu'est-ce que vous voulez qu'on fasse quand il nous dit, après une heure et demie de discussions: Rentrez en Chambre, messieurs dames, c'est fini, on n'en parle plus? Il n'y a pas grand-chose à dire sur un rapport autrement que de dire: Le gouvernement voudrait qu'on fasse la sale job à sa place, dans le fond. Il voudrait qu'on fasse du patronage en l'appuyant. Bien, voyons donc! M. le Président, il n'en est pas question. Aucunement. Il n'est pas question qu'on approuve l'acte posé par le gouvernement. Ce n'est pas parce qu'il nous a coupé la tête en bas, en commission parlementaire, qu'en haut on n'a rien à dire. Nous allons utiliser tous les moyens que nous avons, nous l'avons dit, et le gouvernement ne peut pas nous dire que c'est abusif, ce que nous avons fait.

Ce que je vais dire, par exemple, c'est que lui n'abusera pas de nous autres. Lui, le gouvernement, ne se permettra pas de nous passer sur le porps comme ça sans qu'on ne rouspète un peu. Le gouvernement, dans ce contexte-là, M. le Président, est un peu en défaut. En mai dernier, il nous disait: Vous savez, nous avons l'intention de... Puis là, en juin, il aurait pu amener un projet de loi; on aurait pu commencer à en discuter, quitte à repousser à l'automne l'adoption finale, comme le règlement le prévoit: Dépassé le 15 mai, il ne peut plus le faire adopter, ce qui ne les empêche pas d'amener au moins le principe. Un exemple. Tout à l'heure, M. le Président, on en faisait, un exemple: Le ministre de la Santé et des Services sociaux a présenté son projet de loi réformant l'ensemble de la santé et des services sociaux au Québec. Il nous l'a présenté après le 15 novembre. Il n'y a personne parmi nous autres qui s'objecte à discuter du principe. Nous le faisons, mais on sait que le 21 au soir, à minuit, le principe pourrait être adopté, et que nous n'avons pas la capacité d'adopter les autres étapes avant le printemps prochain.

Pourquoi, dans le cas de la Caisse de dépôt et placement, n'a-t-il pas présenté le projet de loi au mois de juin? Parce que, quand il l'a annoncé au mois de mai, ce n'était pas une décision qu'il avait prise la veille en se réveillant le matin, le ministre des Finances, après avoir parlé au ministre de la Justice pour avoir la législation de ce projet de loi. Ce n'est pas en se levant le matin qu'il a dit: Demain matin, ça me prend deux personnes et là, c'est un tel qui va être là, puis allons-y, puis prenons... Non, non, ce n'est pas de même; ça a fait l'objet de plusieurs discussions au Conseil des ministres, j'en suis sûr. Le Conseil des ministres ne prend pas à la légère une telle décision. D'autant plus que la personne qui nous est proposée en "bicéphalité", deuxième tête, même si le principe dit que deux têtes, c'est, des fois mieux qu'une, dans ce cas-là, c'est deux têtes pour diviser parce que vous savez, M. le Président, pour régner il faut diviser. Alors, le gouvernement a-t-il pris ce moyen de division pour en arriver, finalement, à pouvoir contrôler la Caisse de dépôt et placement du Québec? Ce que ma collègue lisait des discours de M. Jean Lesage est tout à fait réel. La crainte que nous avons, c'est que, par le problème qui va résulter de la mésentente entre les deux présidents, on ait l'obligation d'avoir un médiateur entre les deux et ce sera le gouvernement.

Mais c'est toujours dangereux quand le gouvernement devient le médiateur parce que Lesage aussi, M. Lesage avait dit, d'un autre principe, que la reine ne négociait pas avec ses sujets. Et on va le voir. Le gouvernement va être à la fois juge et partie; juge et partie parce qu'il a nommé une personne et cette personne n'a qu'à s'objecter à l'autre pour que, finalement, le gouvernement ait à trancher. D'autant plus, M. le Président, que cette personne-là, collecteur des fonds publics, ce qui est tout à fait normal... Je dis "fonds publics0, je devrais dire "caisse électorale" qui est prévue par la loi. Moi, je n'ai rien contre le fait qu'il le fasse, mais, s'il le fait, ne lui donnons pas une charge, après ça, d'aller voir les entreprises par l'intermédiaire de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Il va être un peu mal à l'aise, un peu mal pris. Alors, il va falloir que quelqu'un tranche. Si l'autre s'aperçoit que ça n'a pas de bon sens, il va falloir que le gouvernement tranche.

Mais le gouvernement va trancher dans quelle direction, vous pensez, M. le Président, dans des circonstances comme celles-là? Il va trancher en faveur de celui qu'il a nommé, de celui qui est son représentant d'une certaine façon. Alors, ça, c'est inquiétant, que les milliards produits par l'argent que les Québécois placent, régime de retraite des enseignants,

régime de retraite des fonctionnaires, Régime de rentes du Québec pour les gens qui ne sont pas soumis au régime des fonctionnaires, des enseignants, des employés gouvernementaux, le nôtre, notre argent, M. le Président, comme députés de l'Assemblée nationale... Tout ça s'en va dans le fonds qui est géré par la Caisse de dépôt et placement du Québec et qui sert à promouvoir des choses.

Un exemple que la Caisse pourrait faire, M. le Président, c'est ce qu'on a discuté cet après-midi, à la période de questions, les logiciels anglais. Pourquoi le gouvernement ne se sert-il pas de ce moyen - et je l'ai dit à plusieurs occasions dans bien des commissions parlementaires; peut-être que cette idée fait son chemin - pourquoi n'utiliserait-il pas ça pour promouvoir la création d'entreprises qui font des logiciels en français? Et je suis sûr que mon collègue de LaFontaine, M. Gobé, serait d'accord avec moi, la même chose pour le député de Vanier ou d'autres qui ont participé à des commissions parlementaires où j'en ai fait mention.

Alors, la Caisse de dépôt a un rôle important, majeur, essentiel à la vie québécoise. J'oserais même ajouter, M. le Président, pour ne plagier personne cependant, fondamental! La Caisse de dépôt ramasse notre argent, le fait fructifier au service de la population du Québec. Donc, il est important, M. le Président, que les gens soient, hors de tout doute raisonnable, sans conflit d'intérêts. Alors, M. le Président, je comprends que le Parti libéral, qui est en face de nous, a honte de son projet de loi et il ne parlera pas; jusqu'à maintenant, il n'en a pas parlé. Et je n'en vois pas encore un qui se lève. J'ai hâte de voir qui va se lever. Qu'il se lève, celui qui est capable de défendre ce projet de loi là, la prise en considération, M. le Président.

Moi, j'ai des craintes immenses, je vous le dis. Vous êtes le défenseur de nos droits, de nos privilèges, mais, malheureusement, vous n'êtes pas le défenseur de tous les Québécois. C'est le gouvernement et l'Opposition qui, ensemble, doivent les défendre. Mais quand le gouvernement assaille l'ensemble de la population, bien, c'est le devoir de l'Opposition de le lui dire, de le lui rappeler et de le combattre. C'est ce que nous avons fait, c'est ce que nous avons l'intention de faire et je vous dis que nous n'arrêterons pas tant que le gouvernement ne comprendra pas le bon sens, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laviolette. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant sur cette motion de prise en considération du rapport, M. le député de Labelle, (minuit)

M. Jacques Léonard

M. Léonard: M. le Président, je veux intervenir sur cette motion de prise en considération du rapport de la commission du budget et de l'administration au sujet du projet de loi 109, qui porte sur une modification de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Avant de parier de la manière, qui est devenue coutumière en cette Chambre, de rapetisser les débats, de les raccourcir à leur plus simple expression, je voudrais revenir sur le fond de la question qui m'apparaît important. D'abord, en ce qui concerne la Caisse de dépôt et placement du Québec, il ne s'agit pas là d'un petit projet de loi privé qui passe inaperçu, quoiqu'il arrive, que ce soit de façon régulière ou non, parce que ce n'est pas très important et que ça vise à régler des cas particuliers. Non, dans le cas qui nous occupe, il s'agit de la deuxième institution financière au Québec, le mouvement des caisses populaires étant la première institution financière avec quelque 45 000 000 000 $. La suivante de nos institutions financières, c'est la Caisse de dépôt et placement du Québec et la troisième plus grande, en ordre de grandeur, des institutions financières de type bancaire, par exemple, c'est la Banque Nationale du Canada.

Donc, nous en sommes à la deuxième plus grande institution qui a été créée pour recueillir les épargnes des Québécois dans leurs fonds de pension, essentiellement; la plus grande partie des investissements qu'il y a dans la Caisse de dépôt et placement du Québec provient des fonds de pension, des caisses de retraite des régimes public et parapublic au Québec. Il y en a d'autres aussi. Il y a, par exemple, les réserves de la Société de l'assurance automobile du Québec, les surplus aussi de la CSST. Mais, essentiellement, il s'agit de fonds de retraite, du plan de pension du Québec où tout le monde, tous les Québécois, des millions de Québécois, en quelque sorte vont déposer leurs épargnes par des cotisations qu'ils paient à chaque mois, à chaque quinze jours sur leur paie. Alors, c'est donc une institution financière majeure, très importante à qui on a confié, en plus, la fonction de jouer un rôle économique au Québec parce que le gouvernement, en la créant, voulait qu'il y ait des placements qui permettent aux Québécois de prendre des retraites à l'abri du besoin, mais, en même temps, pour assurer que les épargnes fructifient, il fallait que ces investissements soient des investissements rentables. Donc, sur le plan économique, la Caisse joue un rôle déterminant de structuration de l'économie, de consolidation de l'économie, donc il faut qu'elle le fasse avec des perspectives aussi dans le temps. C'est ainsi qu'au début la Caisse de dépôt et placement du Québec plaçait beaucoup de son argent dans des bons d'obligations du gouvernement qui rapportaient des intérêts à court terme ou à long terme et que, petit à petit, on lui a demandé ou permis de placer plus de cet argent dans des investissements rentables, dans des actions. Par ailleurs, il y a aussi d'autres fonds,

mais disons que ça constitue, quand même, des sommes importantes.

Cette Caisse, qui avait été créée à l'origine avec un capital ou des fonds de 2 000 000 000 $, à qui on prévoyait, 10 ans plus tard, quelque 4 000 000 000 $ ou 5 000 000 000 $, aujourd'hui, en est venue à avoir des fonds beaucoup plus considérables que ce qu'on avait prévu a l'origine, même si on savait qu'on créait une institution très importante sur le plan du développement économique du Québec; elle en est venue à accumuler, en 1990, 37 000 000 000 $ et je suppose que, l'an prochain, il y en aura encore davantage. Donc, c'est une institution financière qui touche à beaucoup de nos entreprises partout et je crois bien qu'il y a peu de grandes entreprises québécoises, comme de petites, où la Caisse de dépôt et placement du Québec n'a pas des placements importants.

Alors, M. le Président, je disais cela pour rappeler à nos auditeurs, à ceux qui nous regardent qu'il faut bien voir l'importance du dossier pour juger des objections qu'a l'Opposition par rapport à ce projet de loi. l_a Caisse de dépôt et placement du Québec a été fondée, créée avec une loi constitutive qui a permis une certaine latitude à ses présidents. Jusque-là, on peut dire qu'il y avait une combinaison gagnante parce que les rendements de la Caisse de dépôt et placement du Québec se comparent avec ceux des autres grandes entreprises financières. Même si elle a des capitaux énormes, les rendements sont bons, sont excellents. Tout le monde s'est entendu, d'ailleurs, à la commission parlementaire du budget et de l'administration au mois de juin pour féliciter M. Jean Campeau de ses résultats et souhaiter que, par la suite, son successeur art d'aussi bons résultats. Ça a été dit par l'Opposition et ça a été, d'ailleurs, suggéré par l'Opposition. Le gouvernement était d'accord et a concouru aussi à féliciter M. Campeau de ses résultats.

Le gouvernement a désigné un successeur, mais, je dirais, dans des conditions particulières. Nous avons appris tout à coup par un décret du Conseil des ministres et aussi par des nouvelles diffusées que le gouvernement entendait nommer deux personnes à la direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Donc, deux, c'était déjà une nouveauté et, à ce titre, il entendait nommer, pour remplacer M. Campeau, M. Jean-Claude Delorme président du conseil d'administration et chef de la direction, un geste important, donc. Tout le monde voyait dans M. Delorme le successeur de M. Campeau, et je pense que cette nomination a été bien reçue. Mais, par ailleurs, nous avons appris par la même occasion qu'un certain M. Savard serait désigné, lui, président et chef de l'exploitation. Voilà, tout à coup, qu'on apprend que la direction de la Caisse est divisée en deux parties avec chacune des responsabilités majeures. Ce qui est sorti immédiatement, qui a d'ailleurs laissé pantois tout le monde, c'était que ça avait été fait à l'insu du conseil d'administration. Et je crois qu'il faut quand même considérer que l'un des éléments, à mon sens, importants dans ce dossier, c'est qu'il faut voir que, normalement, lorsque l'on fait des grandes nominations comme celles-ci dans des entreprises aussi importantes, le gouvernement prend le temps d'envisager les orientations d'une boite comme celle-là, de les discuter, d'ouvrir un débat public éventuellement, ce qui aurait été excellent, à mon sens, ensuite prend le temps de fixer ses objectifs en termes plus concrets, en termes pratiques, puis va dessiner un organigramme et, par la suite, va désigner une personne ou deux.

Il est de coutume, normalement, quand on fait de telles nominations, qu'on fasse d'abord une première nomination. Après avoir discuté des orientations en quelque sorte, on va nommer Le Président, chef de la direction et on va discuter avec lui des façons pratiques avec lesquelles il veut atteindre ses objectifs. Or, ce n'est pas ce qui a été fait. On a appris, tout le monde en même temps, qu'il y aurait deux têtes à la Caisse de dépôt et placement. Un président désigné, un chef de la direction va discuter, va aussi enclencher une discussion avec le conseil d'administration sur la façon dont il veut atteindre ses objectifs, sur la façon dont il veut s'organiser pour atteindre des objectifs, sur les gens qui vont l'entourer pour atteindre ses objectifs. Ça me paraît une démarche tout à fait raisonnable et tout à fait normale. Or, ce n'est pas ce qui a été fait. Encore une fois, le conseil d'administration n'a pas été mis dans le coup. Il a appris pratiquement par la voie des journaux qu'il avait deux chefs, deux présidents. Et, à mon sens, c'est ça qui piège toute l'affaire parce que, dans la démarche, déjà, il y a des choses inédites qui se sont passées qui sont inadmissibles, inacceptables. (0 h 10)

Alors, M. le Président, on peut aller plus loin maintenant et se poser la question sur la nécessité de modifier les structures de la Caisse de dépôt et placement. Bien sûr, on nous a parié des grandes entreprises, d'Hydro-Québec où, paraît-il, il fallait deux présidents et deux têtes. Je vais être d'accord, M. le Président, qu'à Hydro-Québec il peut y avoir deux têtes. Ça a déjà fonctionné avec un président, ça fonctionnait relativement bien, mais on peut penser qu'il y ait deux têtes à Hydro-Québec, comme dans les grandes entreprises qu'on nous a mentionnées, Labatt, Canadien National, Alcan, etc. Mais je voudrais porter à votre attention que, dans ces cas-là, il s'agit d'entreprises comportant de vastes opérations, qu'il y a dans ces entreprises quelque 20 000, 30 000 employés, des entreprises où il y a plusieurs milliers d'employés, très axées sur des opérations concrètes, techniques, opérationnelles en quelque sorte, ce qui n'est pas le cas de la Caisse de dépôt et placement du

Québec. À la Caisse de dépôt et placement du Québec, nous n'avons même pas 300 employés et la nature des opérations n'est pas de type matériel, physique; c'est vraiment des décisions qui portent sur des orientations, sur des investissements. Vous avez là une équipe d'une centaine de professionnels, de 125 professionnels, qui, elle, travaille sur des dossiers de fond. Faire une distinction entre un président, chef de la direction, et un autre président, chef de l'exploitation, m'apparaît sans aucun sens parce qu'il est très difficile, à la Caisse de dépôt et placement du Québec, de spécifier ce qui est de l'exploitation et ce qui est de la direction. le chef de l'opposition l'a très bien rappelé, lorsqu'il s'est agi, par exemple, d'acquérir un bloc important d'actions chez domtar, est-ce qu'il s'agissait là d'une décision d'investissement de type opérationnel ou d'une direction différente à la caisse de dépôt et placement du québec? je pense que les deux aspects de la question s'envisagent, absolument, parce qu'un investissement important de cette nature commande, en fait, une décision d'orientation de la caisse. dans ces cas-là, faire une distinction entre exploitation et direction n'a aucun sens et nommer deux personnes, en l'occurrence, responsables de la caisse m'apparaît plutôt créer à la caisse une situation conflictuelle que de nature à régler les problèmes qu'il y a là.

M. le Président, qu'est-ce qui arrivera? Supposons qu'on ait des investisseurs qui veuillent être appuyés des fonds de la Caisse et donc qui veuillent avoir une décision de la part de ses présidents; ils vont s'adresser, supposons, au président de l'exploitation. Le président de l'exploitation va faire une analyse du dossier, va peut-être conclure avec ces gens, supposons, qu'il ne doit pas investir dans telle ou telle entreprise, ce qui est une décision qui peut très bien se justifier par elle-même, je n'en disconviens pas, je veux donner un exemple. Mais, s'il s'agit, en l'occurrence, de quelques dizaines de millions dans un investissement, ce qui est quand même, pas courant, mais assez fréquent, et que les investisseurs potentiels ou les gens qui veulent avoir des fonds de la Caisse n'obtiennent pas satisfaction lorsqu'ils vont voir l'un des présidents, par exemple à l'exploitation, ils vont essayer, tout naturellement, de faire appel d'une telle décision chez Le Président, chef de la direction, en lui montrant qu'il s'agit d'un investissement important, que la Caisse doit s'impliquer, etc.

Vous arrivez automatiquement à une situation où les deux présidents ne vont peut-être pas être en conflit tout de suite, mais il va s'exercer des pressions chez l'un, chez l'autre par rapport à un objectif bien précis, que l'on peut considérer normales de la part d'hommes d'affaires parce qu'on est dans le milieu des affaires, mais qui, au fond, vont tendre à diviser les deux têtes une contre l'autre. C'est une situation tout à fait plausible qui se produit souvent, qui risque de se produire à la Caisse de dépôt et placement, avec les conséquences dramatiques qu'on pourrait voir.

Ce qui risque d'arriver, pour éviter qu'il y ait des conflits, peut-être bien que chacun va se déterminer des créneaux différents. On a vu que le conseil d'administration, aux mois de juin, juillet, pour essayer de régler la question, a dessiné un organigramme différent de ce qu'il y avait auparavant, pour éviter que les deux n'entrent en conflit et pour essayer de clarifier les choses par rapport aux gens de l'externe, pour savoir qui était responsable de quoi, pour éviter d'avoir un totem, l'un au-dessus de l'autre, responsable des cinq vice-présidents qu'il y avait alors. Remarquez bien que, auparavant, le deuxième président de la Caisse avait fonctionné, lui, avec un numéro 2 à la Caisse. Ça avait bien fonctionné, à ce qu'on sache. M. Cazavan avait désigné M. Paris comme son numéro 2 et les deux faisaient tandem à la Caisse. Par ailleurs, M. Campeau, lui, s'est entouré d'une équipe de cinq vice-présidents; donc, ils fonctionnaient à six, si l'on veut, mais avec M. Campeau comme étant vraiment le chef incontesté, incontestable, pour quelque raison que ce soit. Là, il y en aura deux, avec des organigrammes qu'on nous a dessinés, qui changent. Dans le temps, c'était ça. Maintenant, on a un totem. Puis, le conseil d'administration avait réparti les fonctions en désignant un vice-président exécutif.

Alors, M. le Président, qu'est-ce qui arrive, en l'occurrence, avec la loi que nous avons devant nous? Qu'est-ce qui arrive? D'abord, il faut voir le statut des deux hommes qui sont désignés. La loi nous amène à dire ou à constater qu'il y a une protection considérable de donnée à ces deux personnes. À l'article 3 qui modifie l'article 8 de la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, il est dit ceci: "Le président du conseil d'administration et chef de la direction et Le Président et chef de l'exploitation sont nommés pour 10 ans par le gouvernement qui fixe leur traitement, lequel ne peut être réduit. Ils ne peuvent être destitués que par résolution de l'Assemblée nationale". Voilà, un article de la loi que nous trouvons inadmissible parce que ces deux personnages auront une garantie pratiquement de ne pouvoir être déplacés, quoi qu'ils fassent.

D'abord, il faut se poser la question du pourquoi de cette protection. À l'origine, le gouvernement avait donné une protection pour éviter que Le Président de la Caisse de dépôt et placement du Québec soit soumis à des pressions, tant du monde politique que du monde des affaires. Il le voulait indépendant, maître de ses décisions, à l'image de ce qu'était ou de ce qu'est encore le gouverneur de la Banque du Canada qui ne peut pas être destitué par le gouvernement sans qu'il y ait un débat à la Chambre des communes. Alors, on a pris ce modèle et on l'a transféré, ici au Québec, pour

protéger le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Mais ici, dans le projet de loi qui nous est déposé, les deux personnalités, les deux personnages ont la même protection qui est déjà une protection exorbitante par rapport à d'autres membres de la fonction publique ou parapublique au Québec. C'est exorbitant d'avoir cette garantie de ne pouvoir être destitué que par un vote à l'Assemblée nationale. Exorbitant!

M. le Président, ça veut dire que les deux hommes ont des garanties majeures, exceptionnelles, qui ne peuvent être levées que par l'Assemblée nationale et, donc, qu'une subordination, par exemple, du président chef de l'exploitation par rapport au président chef de la direction n'est que théorique parce qu'il n'y a pas de prise directe de la part du chef de la direction sur le chef de l'exploitation. Il n'y a pas de sanction majeure. Et qu'est-ce que cela va nous amener, M. le Président? Nous aurons des conflits éventuellement sur 10 ans. Il y aura des conflits. Quelle sera la solution qui sera apportée? Peut-être bien que les deux personnes se répartiront les dossiers, se répartiront les champs d'action pour éviter de se heurter. (0 h 20)

Peut-être que ça va durer un certain temps, mais à la minute où les conflits deviennent importants, il y a un personnage qui va s'écraser par rapport à l'autre. Et est-ce que c'est ce qu'on souhaite, que l'un s'écrase par rapport à l'autre? Je pense que personne ne souhaite ça et le dire, c'est dire aussi, du même coup, que c'est injustifié de lui accorder la protection de l'Assemblée nationale, d'accorder cette protection au deuxième. J'aurais à la limite peut-être admis que cette deuxième personne soit nommée pour une période beaucoup plus courte, mais surtout qu'elle ne soit pas protégée par l'Assemblée nationale. On reviendrait, en pratique, à la situation qu'il y avait avant M. Campeau, avec M. Cazavan et M. Paris, M. Cazavan fonctionnant avec un numéro 2. Très bien, c'est sa façon de fonctionner, moi, je pense que ça va bien, mais il n'y a aucune justification pour donner la garantie de l'Assemblée nationale à ce deuxième personnage. alors, qu'est-ce qui va arriver? le conflit s'envenime entre les deux personnages, ce qui peut arriver, des conflits de personnalités, mais suscités aussi par les pressions du milieu qui vont jouer l'un contre l'autre. les deux vont se retrouver ou il y en a un au moins qui va se retrouver chez m. le ministre des finances, de qui relève la caisse de dépôt et placement. ah! il va aller se plaindre au ministre des finances, c'est très normal, un ou l'autre. le ministre des finances va vouloir entendre les deux. il va essayer de régler son problème, il va essayer, disons, de jouer le bon garçon et puis essayer de faire s'entendre ces deux personnes. vous aviez un cuisinier dans la soupe, on en rajoute un deuxième et, quand les deux vont s'opposer, il va falloir en rajouter un troisième qui va être le ministre des Finances. Mais qu'est-ce qu'on est en train de faire? Le ministre des Finances, devant l'ampleur et l'importance du dossier, va en parier très probablement au Conseil des ministres, parce que si la situation s'envenime vraiment, à mon sens, compte tenu de l'importance de la Caisse de dépôt et placement, ça ira au Conseil des ministres. Qu'est-ce qu'on est en train de faire? On est en train d'introduire les hommes politiques ou le Conseil des ministres, une instance politique dans la gestion de la Caisse de dépôt et placement. Exactement ce que M. Lesage voulait éviter lorsqu'il a prononcé son discours de deuxième lecture créant la Caisse de dépôt et placement du Québec en 1965.

Pensez-vous que le ministre des Finances va amener le conflit sur le parquet de l'Assemblée nationale, ici, pour le régler? À mon sens, c'est impensable. Il va essayer de le régler dans son bureau. Il va essayer de régler ça au Conseil des ministres. Il va essayer d'amener peut-être une démission, qu'il ne pourra pas forcer de toute façon, mais qu'il va essayer de susciter d'une autre façon. Mais on est vraiment en train d'admettre que le politique va s'ingérer dans la Caisse de dépôt et placement en termes d'influence, c'est évident, ça me paraît aller de soi. Quand on me dit que ça n'arrivera pas, dans un an, peut-être pas; dans cinq ans, qui pourra nous le garantir? Et, dans 10 ans, qui pourrait nous le garantir? Et comme on vient de modifier cette loi, qu'on n'a pas modifiée, à mon sens, depuis très longtemps, en tout cas, dans sa structure d'administration comme celle-là, depuis 25 ans, au fond, cette structure est là pour 20 ans encore. Et qu'est-ce qui va nous garantir, M. le Président, qu'il n'y aura pas de chicane entre deux hommes durant 20 ans? Je pense que c'est incroyable, c'est irréaliste et utopique; la nature humaine étant ce qu'elle est, on va avoir ces conflits. Et ce n'est pas vrai que ça va venir se résoudre ici devant l'Assemblée nationale si c'est un conflit entre deux personnes; à mon sens, oui, ça pourrait, mais c'est théorique uniquement. Ce qui va arriver de la façon la plus plausible malheureusement, c'est que ces deux personnages risquent de s'asseoir sur leur chaise, vont s'immobiliser et vont immobiliser la Caisse de dépôt et placement.

Je pense que des décisions d'orientation, où on modifie avec des perspectives pour le futur, vont être très difficiles à prendre dans un contexte où deux hommes vont s'opposer. Et on va assister à la paralysie de la Caisse de dépôt et placement. Je voudrais avoir tort, mais, malheureusement, je crains que mon analyse et que mes perspectives là-dessus ne soient justes. C'est ça qui est malheureux, M. le Président, vraiment malheureux.

En tout cas, on se met dans une situation conflictuelle, vraiment, en donnant ces garanties absolues, parce que je considère que c'est une

garantie absolue. Je ne crois pas qu'un ministre des Finances va s'amener ici devant l'Assemblée nationale pour faire destituer par un vote de l'Assemblée une personne présidente responsable, chef de la direction ou chef de l'exploitation. D'abord, Juste en termes humains, il faut voir comment ça serait pénible de venir ici, comment ça peut être injuste même pour des personnes qui peuvent s'opposer strictement sur des orientations et ça peut dégénérer en considérations personnelles très facilement. M. le Président, je pense que c'est une loi qui n'a pas de sens, bien simplement sur le fond même de la question, et je n'ai pas parlé des gens qui sont là présentement, des gens qui sont pressentis, sur leurs mérites respectifs, absolument pas. Je pense que Le Président et chef de la direction, si jamais il m'écoute, va déplorer cette situation.

M. le Président, ce gouvernement, pour éviter que ce débat ne prenne la place publique parce qu'il ne se sent pas sûr de ses positions, a introduit ce projet de loi à la dernière minute, le 15 novembre, l'a amené devant la Chambre où on a fait un débat de deuxième lecture qu'il n'a pas apprécié - nous sommes dans l'Opposition, nous avons dénoncé ce que je dénonce présentement - et puis nous a amenés en commission parlementaire. En commission parlementaire, les remarques préliminaires n'étaient pas terminées que déjà nous savions qu'il imposait un bâillon. Nous avons demandé à entendre les deux présidents qui avaient précédé, M. Campeau et M. Cazavan. Non. Le gouvernement a dit non. Le ministre des Finances a bloqué et il a appelé ça tout de suite une opposition systématique. Sur ce projet de loi, M. le Président, nous avons siégé tout au plus six heures. Et je pense que ce n'était même pas six heures; cinq heures, quelque chose comme cela, alors que nous aurions pu en discuter... Je pense que le fait qu'il a imposé très rapidement le bâillon, le fait qu'il l'amène ce soir, là, à minuit, indique très bien qu'il veut que ce débat se fasse en cachette, qu'il ne veut pas que le public soit sensibilisé aux enjeux qu'il, y a derrière ça. C'est ça, c'est évident. Faire un débat à minuit le soir sur une loi comme celle-là, alors que, s'il était fier de sa loi, il se pavanerait avec sa loi, il convoquerait des gens, il les aurait amenés en commission parlementaire qui aurait confirmé ses dires. Personne! Et on a vu dans les journaux plein de gens qui s'opposaient et pour cause, en particulier les personnes siégeant sur le conseil d'administration qui n'apprécient ni la manière ni le fond des choses dans cette affaire.

M. le Président, ce que je trouve triste, c'est que, finalement, depuis quelques mois, on entendait dire qu'on voulait diviser la Caisse de dépôt et placement du Québec que certains personnages trouvaient trop grosse, que certains personnages trouvaient trop importante. Il fallait la diviser et ce qu'on a trouvé comme moyen, parce qu'on a pas eu le courage d'aller jusqu'au bout de ses idées, étaient d'ailleurs fofolles, le moyen qu'on a trouvé, ça a été de paralyser la direction. C'est malheureusement ce qui risque d'arriver avec le projet de loi qu'on nous demande de voter. (0 h 30)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Labelle. Oui, Mme la députée de Marie-Victorin sur le même sujet, à savoir la prise en considération du rapport de la commission concernant le projet de loi 109. Mme la députée.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. Nous voilà devant un autre projet de loi où on est obligé de constater d'entrée de jeu que, dès que quelque chose va bien au Québec, dès qu'une institution va bien, fonctionne bien et pourrait apporter des bénéfices à l'ensemble des contribuables québécois, ce gouvernement trouve toujours le moyen d'arriver à trouver des solutions abracadrabantes qui font en sorte que le pouvoir politique s'instaiie partout et devient la règle et, finalement, le recours ultime pour prendre de grandes décisions. C'est malheureux, d'autant plus que la Caisse de dépôt qui représente l'ensemble des épargnes des Québécois et des Québécoises et qui permet à des entreprises de pouvoir prendre de l'expansion dans le milieu économique québécois bien de chez nous, on trouve, une fois de plus, un moyen de ralentir cette activité économique et de faire en sorte qu'on aura à subir lourdement les conséquences d'un tel geste, d'une telle décision.

Oui, au Québec, on est très fiers de la Caisse de dépôt et placement parce que cette Caisse nous permet de contrôler des leviers importants de notre économie et aussi de pouvoir jouer un rôle important dans des leviers économiques de taille qui permettent de jouer un rôle sur la scène tant nationale qu'internationale par les placements qu'on effectue. Bien sûr, on arrive à une nomination où, maintenant, il y aura deux présidents à la tête de la Caisse de dépôt et placement, deux présidents pour un organisme non pas démesuré, parce qu'on sait qu'il y a très peu de personnel, en fait, plutôt des professionnels. Il aurait été souhaitable de maintenir une direction à tête unique plutôt que cette formule qu'on vient de choisir où, finalement, il y aura deux directions, une direction générale et une autre à l'exploitation. Comme si, quand on arrive à faire des placements de cet ordre-là, où il y va de l'orientation, une analyse financière de placements... Pourquoi avoir ces deux têtes à la direction, ce qui risque de devenir très conflictuel? Conflictuel parce que, bien sûr que, dans la loi, tel qu'il est stipulé, ces gens sont nommés pour au moins 10 ans et on n'a aucun recours, il faut les garder en poste pendant 10 ans sans que l'Assemblée nationale en soit pressentie. Et c'est

l'Assemblée nationale qui peut, tout simplement, mettre un terme advenant une situation conflictuelle. C'est dramatique, parce qu'on oblige des gens à vivre des situations conflictuelles, des situations qui peuvent les empêcher même d'être productifs et de se supporter parce que, justement, la loi prévoit qu'il n'y a pas d'autre alternative.

Ce que ça veut dire, c'est que les gens... Déjà, Jean Lesage avait parlé de la convoitise que pourrait avoir le pouvoir politique sur la Caisse de dépôt. Et justement on arrive devant le fait que cette convoitise-là, eh bien, elle était beaucoup plus importante qu'on l'avait estimé et que, dorénavant, quand il y aura conflit, ce sera encore le pouvoir politique qui aura à trancher. Pourtant, on voulait vraiment les mettre en dehors du pouvoir politique au niveau de ces décisions et surtout permettre que ces gens-là puissent faire des choix, une analyse, choisir les entreprises auxquelles on porterait main forte pour leur développement, à cause du rôle économique qu'elles pourraient jouer dans la grande collectivité québécoise, non pas en fonction de choix politiques, parce qu'on est plus favorable à telle entreprise qui pourrait favoriser le parti au niveau de la campagne de financement...

C'est pour ça aussi que, dans le choix de M. Savard, ça reste aussi perplexe parce qu'on sait fort bien que M. Savard est un grand solliciteur de fonds pour le Parti libéral. Et on se dit: Ouf! Attention! Attention! parce qu'il y a peut-être des dettes politiques, à un moment donné, qu'il y aura à rencontrer. Et la Caisse de dépôt n'est pas là pour répondre à des impératifs politiques, mais, bien au contraire, la Caisse de dépôt est là pour permettre, favoriser le développement économique de l'ensemble des entreprises, pour permettre une meilleure activité économique pour l'ensemble de la collectivité québécoise. Parce que, en fin de compte, c'est ça, c'est notre devenir à nous tous ici, la Caisse de dépôt. C'est un peu une police d'assurance pour tous nous autres, Québécois et Québécoises. Et quand ça fonctionne bien, quand ce capital-actions fonctionne très bien, ces placements fonctionnent très bien, eh bien, on peut présumer que l'avenir économique du Québec est florissant. C'est ça qui est important. On a besoin, en tant que pays, de posséder ce levier économique qui fait en sorte qu'on peut travailler à augmenter, si vous voulez, notre rayonnement sur le plan économique et, aussi, à orienter ce devenir aussi, si important, surtout au moment de notre histoire où on parle de plus en plus de la souveraineté et de faire du Québec un pays qui aura à jouer un rôle important sur la scène internationale. Je pense qu'il va de soi qu'on puisse contrôler chez nous, nos instruments, ces leviers économiques, et qu'on mette à la tête de cet instrument économique - la société de placement et de dépôt - des gens crédibles, M. le Président. Là, on arrive, on est en train de mêler les jeux, on est en train de mêler les dés. Ça sera très difficile, en fait, pour les gens, de savoir qui, dans la boite, a vraiment l'autorité finale, l'autorité décisionnelle. Il y aura toujours deux autorités. Laquelle va prévaloir sur l'autre? La question reste entière. Il faudra qu'il y ait des ententes entre les deux présidents. Lequel aura moins de pouvoir par rapport à l'autre? Lequel prendra la décision ultime, celle qui sera irrévocable et qui permettra de mettre un point final dans les discussions, dans les mésententes ou dans les orientations?

Là, la question reste encore entière. Est-ce qu'on aura toujours recours, chaque fois qu'il y aura un différend, au ministre des Finances? Est-ce qu'on devra rapporter ça au Conseil des ministres? Ce sera en fin de compte le Conseil des ministres qui tranchera dans les différends. Ce n'est pas nécessairement ce qui serait le plus souhaitable, bien au contraire. Et il faut le rappeler toujours, M. le Président, c'est tout récent qu'on vient de changer l'organigramme. Ça n'a jamais fonctionné, on a toujours trouvé des modus vivendi. Quand le directeur général était à la tête de la Caisse de dépôt et placement, il s'était mis un vice-président pour le seconder dans ses fonctions, mais, tout de même, les lignes étaient très claires et on savait à qui il fallait se référer au niveau décisionnel. Mais cette fois-ci, il semblerait que la Caisse de dépôt avait un trop grand rayonnement, qu'elle était vouée à une trop belle réputation, et c'est peut-être ce qui fatiguait les gens d'en face, c'est que c'était trop prospère et que son avenir était trop prometteur et que, là, il fallait peut-être trouver un moyen de ralentir cet élan qu'avait la Caisse de dépôt et placement du Québec. Et malheureusement, nous devons maintenant constater qu'on est devant des faits et que, dorénavant, il y aura deux directions générales à la tête de la Caisse de dépôt et placement, et c'est vraiment déplorable, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Sur le même sujet, je reconnais maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. (Oh 40)

M. André Boulerice

M. Boulerice: Oui. M. le Président, il est très exactement une heure moins vingt. Je ne sais ce que ça donne exactement en temps universel, mais je sais que les grandes places boursières européennes vont ouvrir dans pas tellement longtemps. Et on sait fort bien que la Caisse de dépôt et placement du Québec va immédiatement avoir un rôle à jouer.

Ce n'est pas, M. le Président, la Caisse de dépôt et placement, une "binerie", comme on dit en bon québécois. C'est - et mes collègues de l'Opposition l'ont tous rappelé - l'une des

principales institutions que le Québec s'est donnée avec le Mouvement Desjardins, la Commission des valeurs mobilières, et je vais prendre à témoin mon collègue, le député de Bertrand, qui a évolué dans le milieu de la banque, des affaires et de la diplomatie. Donc, M. le Président, ce n'est pas ce qu'on appelle, en bon québécois, une "binerie". Il s'agit de la deuxième institution financière en importance ici au Québec. C'est une institution, M. le Président, qui ne gère pas l'argent de gens qui sont de l'étranger. Elle gère nos deniers collectifs, ce que chacun d'entre nous versons. À venir jusqu'à date, la Caisse de dépôt et placement du Québec est une institution sans reproche, une institution qui fait exemple, une institution dont on est fiers, une institution qui a aidé les Québécois à prendre leur place justement dans ce milieu des affaires où nous avons été tristement et trop longtemps absents. Et voilà, M. le Président, que cette institution que nous avons eue grâce à la prévoyance d'un premier ministre plus qu'honorable, qui a été M. Lesage...

Une voix:...

M. Boulerice: Pardon. Oui, ça a été un premier ministre libéral, je le répète, à l'époque où libéral s'écrivait avec un l_ ce qui n'est plus le cas. Voilà que le Parti libéral est en train littéralement de détruire son propre héritage. Oui, vous tenez ça de votre parti. Vous en êtes fiers? Si vous en êtes fiers, pourquoi y touchez-vous? Moi, je n'ai aucune gêne à dire que ça a été fait par le gouvernement libéral de M. Lesage. Je n'avais pas le droit de vote à cette époque, mais j'aurais bien voté pour lui. D'ailleurs, je faisais campagne, je me suis intéressé tôt a la politique, vous le savez, M. le Président. Mais voilà que le Parti libéral actuel est en train de détruire son propre héritage avec une loi votée en pleine vapeur où il a été absolument impossible d'entendre qui que ce soit. Et Dieu seul sait que ce gouvernement, lorsqu'il était l'Opposition et lorsque nous nous étions au gouvernement, si, par malheur, on n'avait pas une commission parlementaire qui durait - et je vais interroger mon collègue le député de Shefford - des jours, des semaines, des mois même, ça hurlait comme s'il y avait péril en la demeure, que c'était antidémocratique et qu'il fallait écouter tout le monde.

Je me souviens d'ailleurs d'une commission parlementaire où j'étais venu intervenir en tant que président de ma formation pour la région de Montréal, et Dieu seul sait que les heures avaient été nombreuses, mais ce gouvernement qui était celui issu de mon parti, M. le Président, jouait le jeu de la démocratie, ce qui n'est pas le cas avec le gouvernement actuel. On a vu le ministre des Finances se caricaturer lui-même littéralement, M. le Président, en refusant de répondre à une simple question: Avez-vous consulté le conseil d'administration avant? On lui demandait de les entendre. Il n'a pas voulu, il n'a pas voulu répondre. Mais on connaît fort bien la réponse. Le conseil d'administration, jamais, jamais, n'a été consulté sur ce projet de loi, amené d'ailleurs à la toute fin, en plein milieu de la nuit, et à partir d'un bâillon, parce que, en parler les fatigue et les agace. Fiers, fiers, oui, peut-être d'une loi qui a été faite par leur parti politique à l'époque où il avait des lettres de noblesse, mais gênés par contre du "traficotage" qu'ils sont en train de faire à l'intérieur de cette institution financière deuxième, je le répète, en importance au Québec; gênés quand on est obligés de faire ça à une heure moins quart la nuit, gênés, quand on se sert du bâillon qui est coutumier pour ce gouvernement dont je me rappelle d'ailleurs le discours inaugural prononcé par la vice-première ministre puisque le premier ministre avait été défait dans la circonscription où il était candidat, la circonscription de Bertrand. Elle disait: Nous allons légiférer moins et mieux. Eh bien! la moindre chose qu'on puisse dire, c'est que ce gouvernement ne prêche pas par l'exemple pour ce qui est de mieux légiférer, M. le Président.

S'il y avait, comme je l'ai dit tantôt, péril en la demeure, une catastrophe éminente, un danger pour l'unité nationale et que l'Opposition se livrait à une obstruction systématique, je pourrais peut-être comprendre un bâillon, M. le Président, mais quand il s'agit d'une loi qui va modifier profondément les structures de cette institution, une loi qui, loin d'améliorer, va compliquer la prise de décision, qui va être génératrice de conflits, de tensions, une loi qui, en plus - un projet de loi puisqu'elle n'est pas encore votée, c'est une question d'heures - a déjà jeté du discrédit sur une institution financière qui se méritait les éloges, et je vais faire un pléonasme, les éloges les plus élogieux de la part du Wall Street Journal, ce que tout le monde souhaiterait... Je suis persuadé que la députée de Kamouraska-Témiscouata est d'accord avec mon propos; quand on est coté par le Wall Street Journal, elle, qui a d'ailleurs séjourné aux États-Unis quand même longtemps, à Washington, si ma mémoire est fidèle, sait fort bien, M. le Président, que c'est quand même une cotation qui est drôlement importante pour une institution financière.

Voilà qu'avec un projet de loi comme celui-là, on va jeter le discrédit, M. le Président, sur cette institution, et Dieu seul sait qu'en économie le principe de la crédibilité peut être drôlement important. On a vu, cet après-midi, ce que c'était de ne pas avoir de crédibilité politique. En écoutant le chef du Parti libéral canadien, M. Chrétien, on a vu ce que c'était de ne pas avoir de crédibilité politique; on l'a vu dans son mémoire et on l'a vu par les réactions à son mémoire. D'ailleurs, il en avait l'illustration lui-même dans sa figure.

Mais là où vous vous imaginez, M. le Président, le danger que ça représente, c'est quand il s'agit de gérer des dizaines de milliards de dollars. Et pourquoi cette hâte de faire voter une loi qui va être temporaire, M. le Président? Je tiens à répéter les propos du chef de l'Opposition: Lorsque nous reviendrons au gouvernement... Et vous savez comme moi, M. le Président, que, si nous sommes dans l'opposition et le Parti libéral au pouvoir, c'est parce qu'il n'y a pas d'élection. Faites des élections et vous allez voir, on va changer de côté. Remarquez que vous allez être bien moins nombreux qu'on l'est, mais vous allez changer de côté. Eh bien, cette loi, M. le Président... Ah! Je vous mets au défi de faire une élection, mais...

Une voix: Vous aimez ça. M. Boulerice: J'aime ça. Une voix: ...un ministère vous attend...

M. Boulerice: Bien, un ministère qui n'existe pas. J'aurai sans doute un ministère qui n'existe plus depuis cinq ans, qui est les Affaires culturelles, du moins, je le souhaite, mais le premier ministre, M. Parizeau, en décidera.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Boulerice: Mais une loi, M. le Président, que nous déferons la journée où nous reviendrons au gouvernement, parce que nous ne pouvons accepter ce tripotage dans la deuxième institution financière...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Si vous voulez conclure.

M. Boulerice: ...au Québec et une des rares de cette importance. qui nous appartienne. Je vois d'ailleurs le député de Pontiac qui acquiesce à mon propos quant à l'issue du prochain scrutin. Je suis malheureux pour lui; il ne sera pas là pour voter contre le projet de loi, mais le projet de loi du Parti québécois sera adopté et cette Caisse sera ramenée à l'état initial où elle était, l'état dont M. Lesage avait tracé les grandes lignes lorsqu'il a créé la Caisse de dépôt et placement. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: II s'applaudit lui-même.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur le même sujet, M. le député de Bertrand.

M. François Beaulne M. Beaulne: Merci, M. le Président. J'ai le plaisir d'intervenir pour la troisième fois sur ce projet de loi. J'aimerais insister sur deux aspects particuliers. Mes collègues ont abondamment parlé des individus qui sont visés par les nominations à la direction de la Caisse de dépôt. Pour ma part, j'aimerais insister sur deux points particuliers. (Oh 50)

Le premier tient probablement à ma propre formation en tant que gestionnaire. On a cité comme exemple d'inspiration pour cette loi, des organismes tels qu'Hydro-Québec, la Banque Nationale et d'autres organismes d'envergure. Pour avoir été pendant huit ans vice-président à la Banque Nationale, il y a quelque chose qui me semble un peu inusité dans ce projet de loi. C'est le fait de confier à deux personnes l'administration de quelque 300 employés.

Lorsqu'on parle d'Hydro-Québec, lorsqu'on parle de la Banque Nationale ou lorsqu'on parle de Bell Canada, on parle d'organismes qui comprennent plus de plusieurs milliers d'employés. La Caisse de dépôt a à peine 300 employés. C'est une institution de placement. Ce n'est pas une institution de services comme le sont les grandes banques à charte canadiennes. Ce n'est pas une institution qui a des succursales de coins de rue. C'est une institution qui, essentiellement, a des recherchistes, qui a des professionnels, et qui place les fonds de retraite des fonctionnaires et du secteur parapublic du Québec.

Dans ce sens, comme gestionnaire, je trouve tout à fait inexplicable qu'on veuille scinder en deux, qu'on veuille diviser, à toutes fins pratiques, la haute direction de la Caisse de dépôt, parce que, pour ceux qui nous écoutent, au fond, c'est ça le problème. Ce qu'on essaie de faire par ce projet de loi, c'est de diviser la haute direction de la Caisse de dépôt entre un intendant en chef et quelqu'un qui serait responsable des grandes orientations de la Caisse de dépôt.

Lorsqu'il s'agit d'une entreprise d'envergure, ça s'explique. Mais si on divise la rentabilité de la Caisse par raport à son nombre d'employés et par rapport à ses cadres dirigeants, on s'aperçoit qu'il y a quelque chose qui relève un peu de la mauvaise gestion. Et ce qui m'a semblé d'autant plus étrange dans le projet de loi qui nous est présenté, c'est qu'un gouvernement qui se targue d'avoir été un bon gestionnaire, un gouvernement qui se targue d'avoir les préoccupations économiques à coeur, et qui se targue de gérer les avoirs et les actifs des Québécois au meilleur de sa rentabilité, soit rendu à nous proposer de diviser la haute direction de la Caisse de dépôt et de placement en deux.

Ça ne tient pas debout sur le plan administratif. Ça ne tient pas debout sur le plan de la rentabilité. Il faut donc se poser des questions. Pourquoi est-ce que le gouvernement veut procéder de la sorte? L'autre question qui me vient à l'esprit, celle-là, elle est probable-

ment plus importante en ce qui concerne l'avenir de la Caisse de dépôt, et surtout quand on place le fonctionnement de notre Caisse par rapport à ce qui s'est fait sur les marchés financiers. Jusqu'ici, la Caisse de dépôt et placement du Québec était vue par le monde anglo-saxon de la finance d'une façon un peu sceptique et surtout d'une façon menaçante.

Et je n'ai pas besoin de rappeler aux membres de cette Chambre ici le bill C-31 qu'avait voulu introduire le gouvernement de M. Trudeau, auquel d'ailleurs participait activement celui qui est venu témoigner aujourd'hui devant la commission Bélanger-Campeau, le dénommé Jean Chrétien, qui voulait fausser les règles du jeu du capitalisme le plus élémentaire en privant la Caisse de dépôt et de placement du droit élémentaire de chaque actionnaire de nommer des administrateurs au conseil d'administration.

Ce projet de loi n'a finalement pas été voté à la Chambre des communes, mais il a quand même été introduit. Il a été introduit et il reflète bien la crainte qu'ont les milieux anglo-canadiens de la Caisse de dépôt et surtout de l'impact qu'elle peut avoir sur les marchés financiers du Québec. Et c'est là qu'il faut se poser la question sur l'avenir de cette Caisse et qu'il faut surtout se poser la question sur le maintien de son intégrité et de sa force d'impact sur les marchés financiers.

Et lorsqu'on veut diviser la direction de la Caisse de dépôt, finalement, on ouvre la porte au vieux dicton qui veut que pour mieux régner, il vaut mieux diviser. Et c'est dans ce sens où je m'interroge sérieusement sur l'arrière-pensée du gouvernement dans le contexte du projet de loi 109 qui nous est proposé. Certaines personnes ont avancé qu'il vaudrait mieux fractionner la Caisse de dépôt et placement, qu'il vaudrait mieux la diviser entre petites caisses qui auraient des actifs beaucoup plus réduits. Cette proposition va complètement à rencontre d'une autre philosophie du gouvernement reflétée par l'entremise des ministres qui se sont succédé au ministère des institutions financières, voulant flexibiliser les règles de conduite des institutions financières au Québec pour que le Québec puisse se doter de grands ensembles qui puissent justement concurrencer sur le plan international et en fonction de ce qu'on appelle, de plus en plus, à toutes les sauces, la globalisation des marchés.

D'un côté, nous avons un gouvernement qui nous dit: II faut avoir des entreprises de plus en plus puissantes, de plus en plus fortes, pour concurrencer sur les marchés extérieurs, et, d'un autre côté, on prend probablement le plus beau fleuron de nos institutions financières, notre outil d'intervention en matière financière et en matière économique, pour le placer dans une situation de conflit potentiel au niveau de la tête dirigeante de cette entreprise. Il y a là quelque chose d'incohérent dans les politiques de ce gouvernement. D'une part, de consolider les institutions financières du Québec et, d'autre part, d'en fractionner la direction et d'ouvrir ainsi la porte à la "bagouille" et à l'exploitation de dissensions qui pourraient se développer au sein de la haute administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Et c'est la raison fondamentale pour laquelle nous nous opposons à ce projet de loi. Bien sûr, il y a le fait de la nomination d'un certain M. Savard, qui a été colporteur des finances du Parti libéral et pour qui nous avons plus ou moins de respect, non pas en tant que membre d'un parti mais surtout en tant que futur gestionnaire de la principale Caisse de dépôt des fonctionnaires et du secteur parapublic du Québec.

Mais il y a quand même quelque chose de plus profond derrière tout ça. C'est le fait qu'un gouvernement, envers lequel la majorité des Québébois avaient placé leur confiance pour gérer l'économie de ce pays en pleine période de prospérité économique, que ce propre gouvernement, à qui une majorité de Québécois ont fait confiance, tout à coup par la bande, est en train d'arriver avec des propositions qui, somme toute, vont à rencontre des principes les plus élémentaires et les plus fondamentaux de la rentabilité dans une institution financière. Il suffit de faire ce qu'on appelle les ratios ou les rapports financiers pour s'apercevoir que la rentabilité de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui a été une des plus élevées, non seulement en Amérique du Nord mais dans le monde industrialisé, quant à sa rentabilité, il suffit de refaire les calculs pour s'apercevoir qu'avec le type de direction que propose le gouvernement par le projet de loi 109, ça réduira considérablement le rendement sur l'actif et, également, la classification de la performance de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Et c'est dans ce sens que le chef de l'Opposition officielle a déclaré, avec l'appui de nous tous, qu'advenant l'élection du Parti québécois, nous ferions tout en notre possible pour révoquer ce projet de loi 109. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Bertrand. Je reconnais maintenant M. le député de Gouin.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir, M. le Président, à mon tour, d'intervenir pour la deuxième sur le projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. le Président, d'entrée de jeu, il est important de soulever et de dire que c'est un petit projet de loi; c'est un projet de loi de neuf articles, qui, à première vue et à première lecture, pourrait sembler bien innocent

et, dans ses différentes dispositions, soulever peu de débats. Il est important d'expliquer aux gens qui nous écoutent ce soir, M. le Président, la raison pour laquelle l'Opposition manifeste avec autant de vigueur et autant d'énergie son opposition au contenu du projet de loi 109.

M. le Président, la clé du problème se trouve, dans le fond, dans le seul article qui est important dans le projet de loi, les autres articles étant tout aussi importants, mais constituant essentiellement des articles de concordance. L'article 5 du projet de loi stipule que le président... On remplace l'article 14 de l'actuelle loi par les deux articles suivants: "Le président du conseil d'administration et chef de la direction préside les réunions du conseil et voit à son bon fonctionnement." Un premier poste important est créé, et on définit les fonctions et les attributs de la responsabilité du président du conseil d'administration.

Le deuxième élément, M. le Président, à l'article 14.1: "Le président et chef de l'exploitation agit sous la responsabilité du président du conseil d'administration et chef de la direction." Essentiellement, ce qu'il faudra voir maintenant dans l'organigramme de la Caisse de dépôt et placement du Québec c'est que, sous l'autorité du président du conseil d'administration, on retrouvera un deuxième dirigeant, d'où l'appellation de direction bicéphale à la Caisse de dépôt et placement du Québec, le président et chef de l'exploitation. (1 heure)

M. le Président, c'est sûr que si on regarde ça froidement on peut se demander pourquoi tout ce débat sur cette question. Il faut rappeler, M. le Président, l'importance d'une gestion efficace et d'une gestion aussi souple à la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. le Président, si les présidents qui ont précédé M. Delorme à la Caisse de dépôt et placement du Québec - je pense entre autres à M. Campeau, actuel coprésident de la commission Bélanger-Campeau; je pense à M. Cazavan qui a été le second président de la Caisse de dépôt et placement du Québec - s'ils ont réussi à être aussi efficaces, s'ils ont réussi à faire de la Caisse de dépôt un outil de placement dont nous sommes tous si fiers, et que, d'ailleurs, nous utilisons comme exemple du succès québécois, c'est parce qu'ils ont eu une structure qui a permis, justement, d'arriver à ces fins-là.

M. le Président, lorsqu'on parie de l'administration de la Caisse, il y a immédiatement deux principes fondamentaux qu'il faut étudier. À première vue, M. le Président, ces principes peuvent sembler contradictoires mais lorsqu'on les analyse bien à fond on peut comprendre rapidement que ces deux principes sont complémentaires mais nécessitent la présence d'un organigramme, d'une structure d'organisation efficace qui permet une souplesse souhaitée par tous les intervenants. Le premier principe, M. le Président, est celui de l'indépendance de la Caisse de dépôt et placement du Québec. Tout le monde comprendra que, lorsqu'une institution financière aussi importante que la Caisse de dépôt et placement du Québec est appelée de façon quotidienne à transiger à la fois avec des intérêts privés et des intérêts publics, trop souvent elle est soumise à la pression d'un certain nombre d'individus ou d'un certain nombre d'intérêts.

Ça, M. le Président, c'est normal, ça va de soi, comme n'importe qui qui occupe des fonctions importantes est soumis à la représentation de différents intérêts soit privés, soit publics. D'où l'importance, M. le Président, de l'autonomie du poste de président. Ce n'est pas pour rien, M. le Président, que l'Assemblée nationale vote le poste de président, élit celui ou celle qui occupera le poste de président à la Caisse de dépôt et placement du Québec. Ce n'est pas étranger non plus au fait que le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec est nommé pour une période de 10 ans parce qu'il est important de soustraire le président de la Caisse de dépôt et placement du Québec à toutes sortes de représentations qui pourraient être faites particulièrement par les pouvoirs publics. Par exemple, s'il fallait à chaque année revoir la rémunération du président, on pourrait facilement le soumettre à des pressions indues. Si, par exemple, on pouvait dire au président: bien, sais-tu, on n'est pas tellement satisfaits de ta décision, on pourrait peut-être mettre fin à ton mandat et te remplacer par quelqu'un d'autre, on pourrait rapidement comprendre que certains intérêts publics ou privés pourraient céder le pas aux intérêts des nombreux investisseurs qui placent à la Caisse de dépôt et placement du Québec leurs épargnes. La Caisse de dépôt et placement du Québec, on le sait tous, a la responsabilité de gérer les deniers publics. D'où l'importance, M. le Président, de ce premier principe de l'indépendance à l'égard des intérêts du secteur privé et du secteur public. Cependant, il y a aussi un deuxième élément qui est tout à fait fondamental, en ce sens qu'il est important d'établir une coordination des opérations de la Caisse et de la politique économique générale du gouvernement du Québec et de l'État québécois.

M. le Président, ces deux principes, comme je le disais tout à l'heure, peuvent sembler parfois contradictoires et il faut effectivement un gant de velours pour être capable de concilier ces deux principes fondamentaux. Si M. Campeau, si M. Cazavan, les deux anciens présidents de la Caisse de dépôt et placement du Québec ont été capables d'avoir autant de succès, c'est justement grâce à cette structure efficace qui a permis de concilier ces deux éléments. Celui, d'une part, de l'indépendance de la Caisse, M. le Président, et celui de la coordination nécessaire avec les différents objectifs économiques de l'État québécois.

M. le Président, il y a un principe bien fondamental et ce n'est pas la première fois que j'en parle en cette Chambre, en anglais, vous me passerez l'expression, on dit souvent: "When your car is not broken, you do not fix it". Quand votre auto n'est pas brisée, vous n'essayez pas de la réparer. Lorsque nous avons une structure efficace qui a fait ses preuves et qui a porté des fruits aussi, on ne voit pas pourquoi, de façon spontanée, on viendrait imposer une nouvelle structure tombée du ciel. Parce qu'il faut comprendre, M. le Président, que d'aucune façon les membres du conseil d'administration, dans l'élaboration de la nouvelle structure proposée, n'ont été à tout le moins consultés dans l'élaboration de cette nouvelle politique. Plusieurs critiques publiques ont été formulées par d'actuels dirigeants de la Caisse de dépôt et placement du Québec. M. Béland disait, et permettez-moi de le citer, M. le Président: On nous demande à nous d'administrer la Caisse de dépôt et placement du Québec, alors, c'est la moindre des choses que ceux qui administrent proposent au moins un organigramme qui convient à la planification qu'on s'est donnée. Alors, là, dit-il, il va falloir vivre avec des structures qui nous tombent du ciel. Le conseil d'administration qui est, notamment, chargé d'approuver ou pas les plans stratégiques aurait dû être consulté. Voilà donc l'illustration, M. le Président, encore une fois, cette triste illustration du manque de transparence du gouvernement libéral. Parce que toute décision d'affaires pour un organisme aussi important que la Caisse de dépôt et placement... On ne parle pas d'un dépanneur du coin, on ne parle pas d'un hôpital, on ne parle pas d'un CLSC, on ne parie pas d'un centre d'accueil, on parle de la septième institution financière la plus importante au Canada qui gère des actifs d'environ ou d'au moins 37 000 000 $...

Une voix: Milliards.

M. Boisclair: ...37 000 000 000 $, je m'excuse, oui, 37 000 000 000 $. Je m'excuse. Mais vous comprenez, à cette heure tardive, vous me permettrez d'avoir échappé quelques zéros. Effectivement, M. le Président, c'est la septième institution financière la plus importante au Canada, vous comprenez comme moi qu'il s'agit effectivement de 37 000 000 000 $ et aussi c'est, au Canada, la plus importante propriétaire d'actions canadiennes. Donc, on ne parie pas d'une entité qui est négligeable lorsqu'on tient compte de l'ensemble de l'économie québécoise.

Le premier élément que nous tenons à soulever, c'est de dire et c'est d'essayer de démontrer jusqu'à quel point c'est une mauvaise décision d'affaires sans même tenir compte de la planification à long terme, de la planification stratégique qui est faite par les différents intervenants et les différents membres du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et place- ment. Sans consultation, on crée dans une loi - ça, il faut le dire, j'y reviendrai tout à l'heure - un poste tout à fait sur mesure pour, comme le dit Lise Bissonnette dans un de ses articles dans La Presse, un "bagman" du Parti libéral. Donc, première chose, M. le Président, mauvaise décision d'affaires.

Deuxième élément, mon collègue tout à l'heure l'a soulevé, la question de la nomination de M. Savard. Vous comprenez bien qu'il est difficile de ne pas aborder cette question lorsqu'on discute du projet de loi 109. M. le Président, mon objectif ici n'est pas de critiquer M. Savard parce qu'il est membre d'un parti politique. Et je crois que bien des intervenants, surtout du côté ministériel, ont bien fait valoir le point de vue qui est de dire: Ce n'est pas parce que quelqu'un est membre d'un parti politique que pour autant il est disqualifié pour des fonctions publiques. Ça, ce n'est pas la question que nous voulons mettre de l'avant. Mais, cependant, avoir quelqu'un qui était un important collecteur de fonds pour le Parti libéral, ça, c'est une chose différente. Nous comprenons tous que, grâce à la réforme adoptée par le gouvernement du Parti québécois, les entreprises n'ont pas le droit de financer des partis politiques. Cependant, rien n'empêche des dirigeants ou des administrateurs d'entreprises de financer un parti politique. Alors, comment concilier, lorsqu'on a quelqu'un devant nous... On vient de le voir et je parie, en l'occurrence, du cas de M. Savard qui sera le deuxième président de la Caisse de dépôt et placement. Comment concilier les intérêts qu'il a toujours démontrés au cours de sa carrière politique partisane et ceux maintenant qu'il aura a défendre, qui sont des intérêts vraiment publics qui tiennent compte de l'ensemble des investissements qui ont été faits par les Québécois et les Québécoises à la Caisse de dépôt et placement?

Imaginez-vous donc, M. le Président, lorsque quelqu'un qui a financé le Parti libéral pendant plusieurs années, par le biais de M. Savard, viendra le revoir cette fois-ci pour lui demander une participation de la Caisse de dépôt et placement à son entreprise, vous voyez facilement dans quelle situation parfois complexe M. Savard va se retrouver. Ça, je crois que ce n'est pas sain pour l'administration de la Caisse de dépôt et placement. Donc, le deuxième élément, nous créons un poste sur mesure pour M. Savard, ce "bagman", comme dit Lise Bissonnette dans son editorial, du Parti libéral.

Le dernier élément, M. le Président, et je terminerai là-dessus, c'est le manque de transparence. Plusieurs gens l'ont décrié dans les journaux. Je suis convaincu que mon collègue, le député de Shefford, en fera mention tout à l'heure. Mais, à tout le moins, lorsque nous apportons des modifications à une structure aussi importante, à un outil de développement économique aussi important, la moindre des choses

aurait été de consulter les premiers intervenants intéressés, à savoir les membres du conseil d'administration.

Or, pour ces raisons, vous comprenez qu'il me fait plaisir de joindre ma voix à celle de mes collègues et de m'opposer aussi farouchement au projet de loi 109. (1 h 10)

M. Roger Paré

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Gouin. Sur cette même motion, M. le député de Shefford. M. le député, la parole est à vous.

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Les gens se demandent certainement pourquoi on insiste pour intervenir à nouveau sur ce projet de loi à une heure aussi tardive puisqu'il est 1 h 10 du matin. Je dois vous dire que ce n'est pas compliqué, parce que c'est notre rôle comme parlementaires de faire valoir notre point de vue lorsque nous sommes totalement convaincus que le gouvernement est en train de faire une erreur. L'Opposition est là pour essayer de faire bonifier les projets de loi ou les dénoncer, si nous sommes convaincus que le projet de loi ne fait rien avancer dans la société, mais, tout au contraire, fait en sorte de nous faire faire des faux pas, des reculs et des erreurs pour l'avenir. C'est aussi parce que c'est notre rôle comme Opposition d'être les porte-parole de l'ensemble des intervenants du milieu qui se sont exprimés de toutes sortes de façons, mais qui désirent aussi être entendus ici à l'Assemblée nationale.

Donc, moi je le fais à deux niveaux ce soir: d'abord, pour exprimer mon opinion personnelle et dénoncer ce geste qu'est en train de poser le gouvernement et, ensuite, citer des gens qui se sont exprimés publiquement, venant de tous les milieux et vous allez voir, M. le Président, en faisant la lecture tantôt: C'est unanime, tous les journaux du Québec se sont exprimés sur le sujet au mois de juin dernier.

Ce qui est embêtant dans le projet de loi à l'heure actuelle, ça semble tout à fait technique, il s'agit de nommer quelqu'un au conseil d'administration qui fait en sorte qu'il va y avoir maintenant comme deux responsables d'une institution aussi importante et c'est ça qui n'est pas très très logique. Habituellement, en gens responsables, qu'on soit dans le milieu des affaires ou au gouvernement, on va modifier des sociétés, des entreprises, des institutions, des conseils d'administration, lorsqu'il y a des faiblesses, lorsqu'il y a quelque chose qui ne fonctionne pas bien, mais à la Caisse de dépôt et placement du Québec, est-ce que, au moment où on se parle, il y a des faiblesses, des erreurs, des choses à corriger? C'est unanime, la réponse à toutes ces questions, c'est non, c'est une formule gagnante.

La Caisse de dépôt est un pilier fondamental pour le développement économique du Québec. Elle a 25 ans cette année et elle ne cesse de surprendre, non seulement les Québécois, non seulement le gouvernement, mais l'ensemble du milieu nord-américain de par sa compétence et ses performances. Le taux de rendement des investissements de la Caisse bat toutes ses compétitrices et on s'en vient modifier, on s'en vient changer une formule gagnante! Ce n'est pas acceptable, ce n'est pas normal, et c'est bon de le rappeler, la Caisse a 25 ans. Il y a 25 ans, M. Lesage était premier ministre et il déclarait - et c'est bon se le rappeler - le 9 juin 1965: "La Caisse de dépôt et placement est appelée à devenir l'instrument financier le plus important et le plus puissant que l'on ait eu jusqu'ici au Québec." C'était vraiment un regard visionnaire et on est en mesure aujourd'hui de dire: II avait raison. Mais il continuait, dans sa déclaration, ici, à l'Assemblée nationale: "La Caisse de dépôt est la propriété de tous les citoyens du Québec. En raison de l'importance des sommes qu'elle va administrer, de l'autorité morale qu'elle doit acquérir sur les marchés financiers, elle doit se prémunir contre toute transaction qui ne serait pas justifiée par les intérêts économiques et sociaux du Québec." Et M. Lesage continue, écoutez bien, M. le Président, c'est là que c'est le plus important: "Elle doit être placée à l'abri de tout soupçon de favoritisme politique ou de corruption." C'était il y a 25 ans, c'était le premier ministre Jean Lesage, du Parti libéral du Québec. 25 ans plus tard, un autre gouvernement libéral, avec malheureusement à sa tête une autre personne que Jean Lesage, s'en vient passer une loi qui va totalement à rencontre de l'esprit et de la lettre du discours de M. Jean Lesage, il y a 25 ans, à cette Assemblée.

Je vais vous citer des éditoriaux pour vous montrer à quel point cette perception, qui est la réalité, elle est décelée par l'ensemble des intervenants. L'editorial du Soleil du 1er juin 1990: "Les basses oeuvres à la Caisse de dépôt". Ça vient tout à fait contredire le discours de M. Lesage d'il y a 25 ans: Les basses oeuvres à la Caisse: ça, c'est Le Soleil. Le Nouvelliste: "L'assiette au beurre semble sous contrôle". Donc, il y en a qui vont se graisser la patte, comme on dit chez nous. Le Devoir, un autre quotidien important au Québec: "La succession de Campeau, la controverse mine la crédibilité de la Caisse de dépôt". Que disait M. Lesage? "Elle doit être placée à l'abri de tout soupçon de favoritisme politique et de corruption." Que dit Le Devoir? "La controverse mine la crédibilité de la Caisse de dépôt". Le Soleil du 2 juin: "Double nomination à la Caisse de dépôt. Le changement de structures déplaît à M. Claude Béland". M. Claude Béland est membre du conseil d'administration. Ce changement a été fait par le Conseil des ministres, par le gouvernement, sans consulter la Caisse, le conseil d'administration de la

Caisse qui doit être autonome, qui doit travailler en toute liberté. Et ce serait tout à fait normal, si on change le conseil d'administration, qu'on consulte, à tout le moins, les gens du conseil d'administration. Les gens n'ont pas été consultés et les gens ne sont pas d'accord avec la nouvelle structure qu'on impose à la Caisse de dépôt et placement du Québec.

La Presse, l'autre quotidien, du 2 juin, sous la plume de Claude Piché, et je cite: "Une question de confiance. La Caisse de dépôt doit être au-dessus de tout soupçon. Les Québécois lui ont confié près de 40 000 000 000 $ d'épargne. Elle s'en sert non seulement pour financer nos régimes de rentes, mais aussi comme véritable levier économique. La Caisse a joué un rôle actif et capital dans le succès certain des gens d'affaires québécois." On reconnaît ça et il n'y a aucun doute là-dessus. Si on sortait ici ce soir le portefeuille de la Caisse de dépôt et placement du Québec, je dois vous dire qu'il y a bien des gens qui seraient surpris, à savoir ce qu'on possède, collectivement, par l'entremise de la Caisse de dépôt et placement: l'aide aux petites entreprises, aux moyennes entreprises et aux grandes entreprises, le développement de la plupart des régions au Québec.

Vous savez, le visage des propriétaires de Montréal a beaucoup changé par rapport à tous les grands immeubles à Montréal. Si on recule de 25 ans, nous étions locataires, nous sommes maintenant majoritairement propriétaires et, en grande partie, grâce à la Caisse de dépôt. La Voix de l'Est citait: "Ce qu'il faut ici savoir de M. Bourassa, c'est qu'il aime bien, sans pour autant l'avouer, tirer lui-même toutes les importantes ficelles, mais l'objectif premier de la Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est de faire fructifier le plus possible l'avoir des Québécois qu'elle gère et qu'elle doit leur retourner tôt ou tard d'une façon ou d'une autre. Voilà ce dont M. Bourassa doit se souvenir dans ses manoeuvres, ce à propos de quoi il nous inquiète et doit nous rassurer."

M. le Président, ce que je viens de citer, c'est l'ensemble des intervenants informés du milieu québécois qui, de façon unanime, dénoncent le geste posé par ce gouvernement. Probablement que cela va être voté par le poids de la majorité. On n'a pas le choix d'intervenir, même à de petites heures du matin, pour dénoncer ce que, non seulement l'Opposition, mais l'ensemble des intervenants, le monde averti québécois dénonce comme une erreur et un geste inacceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Shefford. Je reconnais le prochain intervenant, M. le député d'Ungava. M. le député.

M. Christian Claveau M. Claveau: Oui, M. le Président, c'est avec plaisir que je prends la relève de mon collègue, le député de Shefford, pour continuer à dénoncer cette ingérence inacceptable du gouvernement du Québec dans les destinées de la Caisse de dépôt et placement du Québec, institution qui a fait ses preuves, qui, depuis 25 ans, a été capable de se gérer toute seule. On ne voit pas pourquoi aujourd'hui, finalement, le gouvernement du Québec serait plus à même que les propres administrateurs de la Caisse de dépôt de déterminer l'organigramme de son conseil d'administration, sa structure même de fonctionnement. (1 h 20)

M. le Président, on nous a servi autant comme autant le dicton ou, enfin, la phrase qui veut que toutes les grandes sociétés modernes se réorganisent. Vous savez, nous disait-on, la Caisse de dépôt, au début, ce n'était que quelques centimes, que quelques sous qui traînaient. Aujourd'hui, c'est 37 000 000 000 $. Alors, il faut que ça se réorganise. Il faut qu'on l'adapte aux temps modernes, il faut qu'on lui donne une structure comparable à celle des autres institutions de son genre. Je veux bien, M. le Président, que, dans l'entreprise privée, on prenne un certain nombre de décisions au niveau des structures, qu'on modifie les rôles de tous et chacun à l'intérieur des conseils d'administration, afin de s'adapter aux temps modernes. Je veux bien aussi que cela puisse se faire à l'intérieur d'une Société d'État, M. le Président, c'est des choses qui sont possibles, des choses qui sont acceptables. Mais comment allez-vous m'expliquer que le conseil d'administration, qui a fait ses preuves, comme je l'ai dit tout à l'heure, qui, depuis 25 ans, gère les destinées de la Caisse de dépôt et placement du Québec avec honneur, n'ait pas été capable par lui-même, de penser à une nouvelle structure? Pourquoi faut-il que ce soit le gouvernement du Québec qui lui impose une nouvelle structure? Il me semble que, dans les circonstances, ces gens, qui gèrent depuis 25 ans une société aussi importante, la septième en ordre d'importance dans le domaine financier, dit-on, à travers le Canada, étaient tout à fait capables de prendre des décisions tout seuls. Alors, pourquoi? Quelle est la vrai raison? C'est là toute la question, c'est la question à laquelle nous devons nous attarder. Pourquoi le gouvernement du Québec trouve-t-il important de modifier la structure de la Caisse de dépôt et placement, alors que le conseil d'administration, qui a fait ses preuves, n'en sentait pas le besoin? Y aurait-il anguille sous roche, M. le Président? Y aurait-il un "chum" à placer? Y aurait-il un contrôle politique que l'on voudrait prendre sur la Caisse, sans trop que ça paraisse?

Ce sont toutes des questions que l'on est en droit de se poser, M. le Président. Et ceci, d'autant plus qu'on nous amène, en toute fin de session, un projet de loi qu'on fait passer à la vapeur en utilisant le bâillon, alors que, depuis le mois de juin dernier, M. le Président, depuis

plus de six mois, on connaissait les intentions de ce gouvernement, qui avait annoncé ses couleurs en déterminant d'avance qu'il y aurait dorénavant deux présidences à la Caisse de dépôt et placement, une direction bicéphale, et qui a obligé, au mois de juillet dernier, le conseil d'administration à se pencher là-dessus, alors qu'on savait très bien que le gouvernement avait déjà pris une décision. Et le conseil d'administration a réussi tant bien que mal à organiser un organigramme, que je dirais de transition, de façon à sauver la face, pour permettre au gouvernement de placer son "chum", tout en ne modifiant pas trop substantiellement, sans avoir au préalable modifié la loi, la structure de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

Et puis là on revient devant cette Chambre, à la toute dernière minute, en nous déposant un projet de loi à la date ultime où on pouvait le faire, c'est-à-dire le 15 novembre, pour nous le faire passer à la vapeur, dans les derniers jours de la session, sans donner la chance à personne d'en parler, sans la moindre consultation, sans le moindre élément, sans la moindre opportunité qui nous aurait permis, par exemple, d'entendre devant la commission parlementaire, les responsables de la Caisse de dépôt et placement, pour qu'ils viennent nous dire, ici, ce qu'ils ont dit aux journalistes. On a cité tout à l'heure des exemples de réactions de dirigeants de la Caisse de dépôt et placement qui n'en croyaient pas leurs yeux, et qui ne pouvaient pas s'imaginer que le gouvernement puisse s'ingérer d'une façon aussi intempestive, aussi peu respectueuse de la tradition dans le fonctionnement de cette institution, qui, comme je l'ai dit, et je le répète, a fait ses preuves toute seule, sans avoir besoin d'un gouvernement ni d'un premier ministre qui vienne la chambarder pour placer des "chums".

Alors, M. le Président, on s'offusque, de l'autre côté, que nous prenions quelques heures, quelques minutes, à une heure tardive, pour essayer de tenter une dernière chance de faire comprendre à ce gouvernement que ce n'est pas en agissant de la sorte qu'il va redorer le blason de la Caisse de dépôt et placement, si tant est que son blason a à être redoré, puisque tout est là pour prouver que le fonctionnement antérieur était excellent. Alors, pourquoi changer ce qui marche bien? Pourquoi jouer dans des structures qui ont fait leurs preuves, et ça, à rencontre des administrateurs mêmes de ces structures-là?

M. le Président, la Caisse de dépôt et placement du Québec, c'est 37 000 000 000 $ au minimum avec un taux de rendement de 10 %, ça monte vite, notre 37 000 000 000 $ vous savez. Ça ne prend pas bien bien des années avant de faire un milliard de plus. Alors, ce n'est pas des "peanuts". Comment ça se fait que le gouvernement risque, prend la chance d'aller jouer là-dedans sous prétexte qu'il faut faire en sorte de l'harmoniser, de lui donner une nouvelle figure moderne en nommant un président président du conseil d'administration, chef de direction, un président chef d'exploitation. Allons donc, M. le Président, à la limite, je peux comprendre qu'on ait fait ça à Hydro-Québec, mais les résultats ne sont pas évidents. Mais je peux comprendre dans la mesure où, en tout cas, il y a une grosse différence entre les opérations de direction et les opérations d'exploitation dans une société comme Hydro-Québec, il y a une différence certaine.

Mais dans une institution financière comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, M. le Président, allez-vous bien me dire quelles sont les raisons qui font que l'on se diversifie tellement que l'on ne peut pas arriver à garder ça sous une seule présidence? La Caisse de dépôt et placement du Québec, ça le dit essentiellement, elle gère des fonds pour faire des placements qui vont rapporter des dividendes qui vont permettre à la limite de payer de meilleurs fonds de pension à l'ensemble des cotisants du Québec. Bon. Il me semble que c'est assez simple comme principe. Difficile à gérer, j'en conviens. Mais le principe est plutôt élémentaire et je ne comprends pas pourquoi on doit mettre deux présidences là-dedans, une présidence à l'exploitation et une présidence à la gestion, à la direction.

Il y a quelque chose qui ne marche pas, M. le Président, il y a quelque chose d'incohérent dans cette démarche-là. Regardons par exemple les caisses populaires Desjardins, qui gèrent un actif qui est encore plus gros que celui de la Caisse de dépôt et placement du Québec, 45 000 000 000 $. Et pourtant, M. le Président, qui est le porte-parole du Mouvement Desjardins? Il n'y en a pas 25, il y en a un. Actuellement, c'est M. Béland, tout le monde le sait. C'est lui, le porte-parole, il n'y en a pas deux, trois, quatre, dix, il y en a un. Ce sont 45 000 000 000 $ mais ça a fait ses preuves. Il n'y a personne qui a intérêt à aller jouer là-dedans. Alors, comme se fait-il que le gouvernement, et je reviens sur la même question toujours, comment se fait-il que le gouvernement ait l'irresponsabilité, le sans-gêne d'aller jouer dans une structure qui fonctionne bien, une structure qui donne un des meilleurs rendements que l'on a pu enregistrer au cours des dernières années dans l'ensemble des institutions financières qui se partageaient le marché avec elle?

Pourquoi allons-nous jouer là-dedans, s'il n'y a pas en dessous de ça quelque raison politique obscure? Et M. le Président, nous sommes obligés de conclure que ce gouvernement est en train de nous faire une "passe", est en train de jouer un jeu dangereux pour la simple raison de se satisfaire lui-même. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Ungava. Sur ce même sujet, je reconnais maintenant Mme la députée des

Chutes-de-la-Chaudière. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. M. le Président, nous en sommes donc à la prise en considération du rapport de la commission sur le projet de loi 109 qui, comme on le sait maintenant - parce que, depuis tout à l'heure, on en entend parler et c'est à mon tour de le faire - est la Loi modifiant la Loi sur la > Caisse de dépôt et placement du Québec. C'est assez curieux, M. le Président, de venir intervenir comme ça sur la prise en considération du rapport de la commission, alors que le projet de loi, finalement, on le sait, n'a même pas été étudié en commission parlementaire.

On s'en rappelle, M. le Président, la semaine dernière, nous sommes intervenus ici de notre côté et j'ai eu le plaisir de le faire à ce moment-là, M. le Président. On a été forcés d'intervenir, finalement, parce que nous avions eu une motion de clôture sur ce projet de loi là. On s'est fait appliquer, de façon assez cavalière d'ailleurs, le bâillon, après une heure trois quarts et les députés n'avaient même pas terminé... Quand on a su qu'on avait le bâillon, les députés n'avaient même pas terminé les motions préliminaires, M. le Président. (1 h 30)

Une autre chose aussi qui est assez intéressante à constater, c'est qu'on sait que le projet de loi a été présenté comme ça par le gouvernement, on s'est fait bâillonner, il y a eu des amendements qui ont été apportés à ce projet de loi de façon unilatérale et personne du côté ministériel, même pas le ministre, M. le Président, c'est assez intéressant de constater que personne du côté ministériel n'est venu expliquer ou justifier la teneur de ces amendements. Enfin, M. le Président, puisque nous n'avons pas eu, n'est-ce pas? le plaisir d'étudier le projet de loi article par article et qu'on nous a mis le frein assez rapidement, je vais donc intervenir sur le projet de loi comme tel, je pense que c'est important d'en parler.

C'est, en fait, un tout petit projet de loi, neuf articles, M. le Président, qui prévoit la nomination d'un président du conseil d'administration et chef de la direction, ainsi que la nomination d'un président et chef de l'exploitation à la Caisse de dépôt et placement du Québec. On vient aussi en même temps, dans le même projet de loi, préciser le rôle de chacun des deux présidents et, en même temps aussi, on vient porter à 11 le nombre total des membres du conseil d'administration de la Caisse de dépôt et placement du Québec qui ont le droit de vote, évidemment. Il est à noter, M. le Président, que les deux présidents sont nommés pour 10 ans par le gouvernement qui fixe leur traitement et ils ne peuvent être destitués que par résolution de l'Assemblée nationale.

On vient donc donner à la Caisse de dépôt et placement du Québec le même genre de structure bicéphale que le gouvernement a donnée à Hyd^-Québec en mai 1988, avec des différences cependant, M. le Président. C'est qu'Hydro-Québec les gens n'ont pas été nommés - en fait, de ce que j'ai pu prendre connaissance dans la loi comme telle pour HydroQuébec - les gens n'avaient pas été nommés nécessairement pour 10 ans et ne sont pas, non plus, soumis a une destitution uniquement par l'Assemblée nationale. Évidemment, M. le Président, je n'étais pas membre de cette Assemblée, de cette noble Assemblée, n'est-ce pas? en 1988, mais j'ai pris connaissance quand même des propos de mon collègue qui vient, justement, d'intervenir sur ce projet de loi et qui est le porte-parole, au niveau de l'Énergie et des Ressources, les propos que mon collègue d'Un-gava tenait au moment où cette loi-là sur la structure bicéphale d'Hydro-Québec a été adoptée ici, en Chambre, et je me permets d'en lire quelques articles parce que, vous allez voir, M. le Président, ces propos-là sont toujours très actuels et on pourrait les reprendre quasi textuellement. À ce moment-là, mon collègue disait: En réalité, ce sont deux petites feuilles avec six articles, tout petit projet de loi, encore une fois, qui fait qu'on va avoir deux chefs au lieu d'un à partir de maintenant. Il continuait, il disait: On se demande toujours pourquoi, d'ailleurs, deux chefs au lieu d'un. Est-ce qu'ils ne nous ont pas démontré qu'une seule tête solide, bien ancrée, était capable de mener la boîte? Je pense que ce sont des propos qu'on entend de façon régulière depuis au moins une heure et demie à peu près, là, M. le Président.

Il nous disait aussi, et ça aussi c'est encore très actuel et c'est très présent dans le projet de loi qui nous concerne: Les nominations sont déjà là, les gens sont connus, même leurs salaires sont connus. Exactement le même scénario: on connaît les gens, on connaît leurs salaires, on sait tout ça présentement et on n'a pas encore voté la loi. Ensuite, il nous expliquait: Le ministre ne nous dit rien sur les raisons ou sur la supposée politique d'ensemble qui aurait amené le gouvernement à prendre deux présidents dont un va être le chef de l'ensemble des activités et l'autre chef de l'exploitation. Exactement la même chose: un chef de la direction, un chef de l'exploitation. Il ne nous dit pas comment ils en sont arrivés là, il n'y a jamais eu de politique là-dessus. On se rend compte que ces propos sont très actuels et que c'est exactement le même scénario.

On pourrait même dire que mon collègue est allé jusqu'à prédire, à ce moment-là - et on recule de deux ans, dans le temps - ce qu'on est en train de discuter ce soir, M. le Président. Il continuait son intervention, il dit: À moins que l'on ne veuille s'aligner ainsi, dans ces deux cas-

là, sur des structures bicéphales qui coûteront sûrement beaucoup plus cher; c'est peut-être la raison, on verra lorsqu'on renouvellera les mandats des présidents-directeurs généraux de la SGF et de la Caisse de dépôt, pour ne citer que ces deux-là. Alors, voilà, nous y sommes, nous sommes à la Caisse de dépôt et je pense que mon collègue a sûrement des qualités de devin parce qu'on est en plein dans le même problème, M. le Président.

M. le Président, c'est qu'on a exactement le même problème, on ne sait pas encore aujourd'hui pourquoi cette modification, sous cette forme-là, est nécessaire, si ce n'est qu'en adoptant ce projet de loi on vient entériner la décision que le gouvernement a prise durant l'été, la nomination de deux personnes à la direction de la Caisse de dépôt et placement.

M. le Président, la Caisse de dépôt et placement est un outil extraordinaire. Je sais que ça a été mentionné à plusieurs reprises, mais je pense qu'il faut le dire et le redire, M. le Président, c'est un véritable levier économique que les Québécois se sont donné en 1965. Jusqu'à ce jour, le gouvernement du Québec s'est toujours préoccupé de lui procurer, à la Caisse, une taille critique, une taille qui lui permettait de jouer son rôle vraiment pleinement, celui de gérer une partie considérable de l'épargne des Québécois, tout en satisfaisant des critères de rentabilité convenables et en rendant disponibles ses fonds pour le développement à long terme du Québec. Ça a tellement bien fonctionné qu'aujourd'hui la Caisse dispose de près de 40 000 000 000 $ d'actif. Elle se classe au septième rang parmi les institutions financières canadiennes. On ne peut donc que féliciter les différents membres des conseils d'administration et les différents présidents-directeurs qui se sont succédé depuis 1965 pour le magnifique travail qu'ils y ont effectué.

Pourquoi, M. le Président, quand ça va aussi bien, venir comme ça changer la formule? Je sais que plusieurs de mes collègues l'ont mentionné. Mon collègue, le député de Shefford, pariait, lui, d'une formule gagnante et je pense que les preuves sont faites que c'est une formule gagnante. Ce qui est inquiétant, M. le Président, c'est que le gouvernement, dans ce cas-ci, n'a pas consulté le conseil d'administration. En fait, personne ne lui a proposé ce changement-là. On est tout simplement venu le lui imposer. J'entendais, lors de l'adoption du principe, la semaine dernière en cette Chambre, le député de Mille-Îles, le leader adjoint du gouvernement, qui est ici - qui est juste là puis qui écoute ce qu'on dit - qui nous disait que l'Opposition était furieuse. Il disait que l'Opposition était soupçonneuse et, à l'entendre, là, on aurait pu croire qu'on était les seuls, nous autres, au Québec, à ne pas être d'accord avec le gouvernement, à ne pas comprendre puis à se demander ce qui se passe.

Pourtant, tous ont pu prendre connaissance des différents commentaires; je sais que vous en avez eu plusieurs qui ont été soumis à votre connaissance, les commentaires de différents éditorialistes et surtout, surtout les commentaires de certains membres du conseil d'administration et, je dirais, des gens qualifiés et très importants. Eh oui! Pour être sûre que je ne fais pas erreur, je regardais dans certains...

Moi aussi, à mon tour, je vais vous en citer quelques-uns, M. le Président: Georges Angers, dans le journal Le Soleil, le 8 juin, nous disait: "C'est à Claude Béland, le président du Mouvement Desjardins et membre du conseil d'administration de la Caisse de dépôt, que l'on doit jusqu'à maintenant la critique la plus pertinente de la décision de Robert Bourassa, en ce qui concerne la nouvelle direction de la Caisse de dépôt et placement du Québec. "Dans ses commentaires, M. Béland soulève en effet des interrogations fort à propos, sans tomber dans la facilité des insinuations malveillantes. Sa critique porte essentiellement sur trois aspects de la décision, que l'on peut résumer de la façon suivante: il n'était pas nécessaire de changer la structure actuelle de direction de la Caisse et de créer une direction bicéphale." Il disait aussi: "La décision risque de provoquer des départs qu'il aurait été souhaitable d'éviter dans la haute direction actuelle de la Caisse, principalement parmi les premiers vice-présidents"; et, en plus, "les membres du conseil d'administration de la Caisse se sont vu relayer à un simple rôle de figurants" puisqu'on a passé outre, on n'a pas du tout consulté les membres du conseil d'administration, on leur a imposé cette décision. Et le même M. Angers poursuivait, il disait: "Si M. Bourassa a concocté un scénario de restructuration de la Caisse plus articulé, il serait drôlement temps qu'il se fasse plus transparent qu'il ne l'a été jusqu'à maintenant dans toute cette affaire."

Et, là, disons qu'on n'a vraiment pas eu encore de réponse et, pour ce qui est de la transparence, bien, écoutez, M. le Président, on sera obligés de repasser. On nous a dit qu'on n'était pas corrects, qu'on s'en prenait à la nomination de M. Savard, et tout ça. Bien, écoutez, peut-être que c'est vrai qu'on est inquiets par rapport à la nomination de M. Savard. Tout à fait d'accord pour dire que M. Savard a le droit, même s'il est membre d'un parti politique, d'occuper certaines fonctions importantes, mais il reste qu'il ne faut quand même pas oublier que M. Savard était un des principaux collecteurs de fonds du Parti libéral et, à ce niveau-là, on n'est pas les seuls non plus, et je n'ai pas le temps de vous les citer, mais il y en a d'autres qui l'ont dit et très clairement, et ce n'étaient pas des membres du Parti québécois.

Alors, M. le Président, pour toutes ces raisons, et je suis persuadée qu'on pourra en

faire état à une autre occasion, pour nous autres, le parti québécois, pour l'opposition officielle, c'est une erreur et nous continuerons de nous opposer à ce projet de loi. merci, m. le président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. N'ayant pas d'autre intervenant, tel qu'annoncé précédemment, je vais maintenant mettre au voix le rapport de la commission du budget et de l'administration concernant le projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, ainsi que les amendements transmis par M. le ministre des Finances. Est-ce que l'amendement proposé par M. le ministre des Finances à l'article 7 ainsi que la motion de renumérotation sont adoptés?

Des voix: Adopté. Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Est-ce que les autres articles du projet de loi qui n'ont pas été adoptés en commission et le titre du projet de loi sont adoptés?

Des voix: Adopté. Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Est-ce que, tel qu'il a été amendé par des votes précédents, le rapport de la commission du budget et de l'administration à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec, est adopté?

Des voix: Adopté sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. Nous allons maintenant procéder au vote sur le rapport de la commission du budget et de l'administration à qui a été confiée l'étude détaillée du projet de loi 109, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement du Québec. Je mets d'abord aux voix l'amendement... Alors, c'est adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: À cette étape de nos travaux, je fais motion pour ajourner nos travaux à mardi, c'est-à-dire aujourd'hui 18 décembre, à 10 heures, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté sur division.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'Assemblée est ajournée au mardi 18 décembre, à 10 heures.

(Fin de la séance à 1 h 42)

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