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(Dix heures trois minutes)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez
vous asseoir. Merci.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: Oui, M. le Président. Ce matin, j'ai
l'insigne honneur et le privilège de vous demander d'appeler l'article 6
de notre feuilleton.
Projet de loi 150 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, M.
le ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires
intergouvernementales canadiennes propose l'adoption du principe du projet de
loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et
constitutionnel du Québec. M. le ministre de la Justice et ministre
délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes.
M. Gil Rémillard
M. Rémillard: Merci, M. le Président. Son
Excellence le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et
il en recommande l'étude à l'Assemblée.
Nous étudions aujourd'hui le principe de l'un des projets de loi
les plus significatifs pour l'avenir du Québec que cette
Assemblée ait jamais eu à discuter. Ce projet de loi reprend
essentiellement les conclusions et recommandations de la Commission
Bélanger-Campeau créée par cette Assemblée le 4
septembre dernier, ainsi que certains principes fondamentaux qui
régissent le fonctionnement de nos institutions politiques
démocratiques.
Après plus de six mois de consultations, d'auditions, de
délibérations, les commissaires, très majoritairement, en
arrivaient à une même recommandation: "Que l'Assemblée
nationale adopte au printemps 1991 une loi établissant le processus de
détermination de l'avenir politique et constitutionnel du
Québec." C'est exactement ce que nous faisons aujourd'hui et ferons dans
les prochains jours: traduire en termes législatifs le consensus de la
Commission Bélanger-Campeau.
Ce consensus est clairement exprimé au dernier paragraphe de la
conclusion de la Commission. Je le cite: "Un constat clair, deux voies de
solution tout aussi claires, dont l'une ne peut être adoptée que
si les partenaires du Québec le veulent aussi, et dont l'autre requiert
d'être préparée quel que soit le choix posé:
voilà les éléments soumis à la considération
des Québécoises et des Québécois. Avec ses forces
et faiblesses, sur le plan de la géographie et de ses ressources
physiques et humaines, le Québec doit désormais poser son choix
et procéder à sa mise en oeuvre dans les meilleurs
délais."
C'est ainsi, M. le Président, que le coeur de ce projet de loi
est la création de deux commissions parlementaires, l'une pour
étudier les questions afférentes à la souveraineté,
et l'autre pour analyser les offres qui pourraient nous parvenir du
gouvernement fédéral et des autres provinces. Ces deux
commissions parlementaires n'ont qu'un seul but, celui d'informer le plus
complètement possible les Québécois et les
Québécoises des différents enjeux pour qu'ils puissent
faire un choix éclairé. En effet, ce projet de loi signifie avant
tout une obligation de résultat qui devrait se traduire soit par un
fédéralisme profondément renouvelé, soit par la
souveraineté. Cette obligation de résultat, nous la retrouvons
dans un échéancier qui traduit clairement la volonté des
Québécois de mettre un terme à plus de 30 ans de
négociations constitutionnelles profondément
insatisfaisantes.
L'article 1 de la loi établit qu'il y aura un
référendum sur la souveraineté du Québec, soit
entre le 8 juin et le 22 juin 1992, soit entre le 12 et le 26 octobre 1992. Mon
objectif dans cette intervention est de présenter les différents
éléments de la loi, d'abord en les situant dans le contexte des
revendications historiques du Québec, ensuite en leur attribuant le sens
et la portée découlant des mots et de l'esprit de cette loi.
M. le Président, lorsque nous revoyons les revendications
constitutionnelles du Québec depuis les 30 dernières
années, on constate que tant le rapport Allaire du Parti libéral
du Québec que celui de la Commission Bélanger-Campeau en rendent
bien compte. Depuis 30 ans, le Québec, peu importent les partis
politiques qui l'ont gouverné, n'a jamais cessé de
réclamer des changements profonds au fédéralisme canadien
pour exprimer pleinement ce qu'il est et partager ce qu'il a en commun avec les
autres provinces canadiennes. De 1960 à aujourd'hui, du "Martres chez
nous" de Jean Lesage à un "Québec libre de ses choix" de Robert
Bourassa, les gouvernements qui se sont succédé au Québec
ont historiquement, avec constance et détermination, exposé et
réitéré les mêmes revendications:
premièrement, la reconnaissance du Québec comme
société distincte; deuxièmement, la
nécessité d'une révision d'ensemble du partage des
pouvoirs devant conduire à une réforme profonde du
fédéralisme canadien; troisièmement, l'obligation de
trouver une solution aux problèmes inacceptables résultant des
divers dédoublements entre les deux niveaux de gouvernement;
quatrièmement, la dénonciation de l'utilisation abusive et
incontrôlée du pouvoir fédéral de dépenser
dans les domaines de compétence provinciale; cinquièmement, la
ga-
rantie d'un droit de veto au Québec, à l'égard de
tout amendement constitutionnel le concernant; sixièmement, la
révision des structures de certaines institutions
fédérales, notamment la Cour suprême du Canada.
De plus, M. le Président, d'importantes commissions
fédérales ont affirmé que le Québec constituait une
société distincte et qu'il devait posséder les pouvoirs
nécessaires afin que sa spécificité puisse librement
s'épanouir à l'intérieur de la Fédération
canadienne. En 1967, la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le
biculturalisme, la commission Laurendeau-Dunton, mise sur pied par le
gouvernement Pearson, écrivait dans son rapport, et je cite: "Le mot
"société", disions-nous, désigne ici les formes
d'organisation et les institutions qu'une population assez nombreuse,
animée par la même culture, s'est données et a
reçues, dont elle dispose librement, sur un territoire assez vaste, et
où elle vit de façon homogène, selon des normes et des
règles de conduite qui lui sont communes. Et nous avons reconnu, dans le
Québec, les principaux éléments d'une
société francophone distincte." Fin de la citation. (10 h 10)
Douze ans plus tard, en 1979, la Commission fédérale sur
l'unité canadienne, la commission Pépin-Robarts,
créée par le gouvernement Trudeau pour étudier les
problèmes constitutionnels canadiens, affirmait, et je cite: "Le
Québec est différent et devrait détenir les pouvoirs
nécessaires à la préservation et au développement
de son caractère distinct au sein d'un Canada viable. Toute solution
politique qui ne répondrait pas à cette attente signifierait
l'éclatement du pays." Fin de la citation.
En 1984, la Commission fédérale sur l'union
économique et les perspectives de développement au Canada, la
commission MacDonald, reconnaissait que, dans une perspective plus globale, le
Québec devait disposer des moyens susceptibles de lui permettre
d'exprimer davantage son caractère distinct. La commission faisait
remarquer, notamment à l'égard des relations internationales et
des communications, et je cite: "II est à prévoir
également que, dans des domaines comme ceux des relations
internationales et des communications, le Québec va continuer à
faire valoir ses positions traditionnelles pour qu'une plus grande marge de
manoeuvre lui soit accordée. Isolé sur un continent
essentiellement anglophone, le Québec n'a pas d'autre choix que de
chercher à s'ouvrir sur le monde extérieur et, en particulier,
sur la francophonie internationale." Fin de la citation.
Le Québec, M. le Président, a toujours revendiqué
un fédéralisme asymétrique qui reconnaîtrait son
caractère distinct, un fédéralisme
décentralisé qui serait plus efficace et un
fédéralisme plus intégré qui permettrait le
fonctionnement d'un espace économique plus solide, plus dynamique. Les
commissions fédérales chargées d'étudier les
questions constitutionnelles ont toujours conclu que le Québec devrait
avoir tous les pouvoirs nécessaires pour exprimer sa
spécificité et que cela était parfaitement compatible avec
le fédéralisme.
Le Québec forme une société distincte tant par son
histoire que par sa réalité contemporaine. Cette distinction est
même la raison d'être du fédéralisme canadien.
Tupper, l'un des Pères de la Confédération disait que si
ce n'avait été du Bas-Canada, nous aurions eu un État
unitaire, comme le voulait d'ailleurs John A. Macdonald. On ne pourra donc
jamais oublier dans toute réforme constitutionnelle que le Québec
a été et demeure une société distincte. Le
Parlement britannique l'a clairement reconnu en 1774 dans l'Acte de
Québec et par l'Acte constitutionnel de 1791, et c'est la
spécificité du Québec qui a été l'un des
fondements principaux de la Fédération de 1867. Toute
réforme constitutionnelle qui négligerait de confirmer d'une
façon claire et explicite, le caractère distinct du
Québec, est inacceptable.
Certains intervenants seraient, semble-t-il, d'accord pour nous
reconnaître comme un bibelot ou une coquetterie dans une clause Canada
inscrite dans le préambule de la Constitution. C'est nettement
inacceptable. Un préambule n'a pas la même valeur que le texte de
la Constitution. Le Québec n'acceptera pas de faire en sorte que son
statut soit dilué de façon insignifiante dans un
préambule.
Pendant plus d'un siècle, le Québec s'est
développé à l'intérieur de la
Fédération canadienne en exprimant de plus en plus son
caractère distinct, avec fermeté et constance. À partir
des années soixante et de la Révolution tranquille, ses
revendications se sont faites plus pressantes. Le Québec
réalisait alors qu'il se devait d'obtenir certaines garanties et
certains outils pour lui permettre d'exprimer pleinement sa
spécificité aux plans social, culturel et économique et
des gains importants furent ainsi réalisés. Mentionnons le droit
à Popting out" avec compensation financière d'un programme
fédéral, droit que le Québec a utilisé à
quelques reprises, notamment pour le Régime de rentes et pour d'autres
programmes fédéraux en 1966. Mentionnons une plus grande
reconnaissance internationale du Québec par des
délégations à travers le monde dont certaines ont, dans
les faits, le statut de consulat. Mentionnons une relation bilatérale
directe avec la France, la participation de plein droit, depuis 1970, à
titre de gouvernement participant, à une organisation internationale,
l'Agence de coopération culturelle et technique, permettant au
Québec de jouer un rôle de premier plan dans l'organisation des
sommets de la francophonie, une entente en matière d'immigration,
l'entente Cullen-Couture signée en 1978, permettant au Québec de
choisir à l'étranger les immigrants désireux de
s'établir au Québec.
Malheureusement, M. le Président, après plus d'un
siècle de développement au sein de la Fédération
canadienne, le Québec s'est retrouvé, à l'occasion du
rapatriement de 1982, exclu, isolé de la réforme
constitutionnelle la plus significative qu'ait connue le Canada depuis la
création de la Fédération en 1867. Refusant de donner
suite à ses engagements formels de renouvellement en profondeur du
fédéralisme canadien, contractés durant la campagne
référendaire de 1980, le gouvernement fédéral
entreprit des négociations qui aboutirent à la proclamation de la
Loi constitutionnelle de 1982, malgré l'opposition de l'Assemblée
nationale du Québec.
Cette Loi constitutionnelle de 1982 est toujours, aux yeux du
Québec, incomplète, illégitime et, par conséquent,
fondamentalement inacceptable. Non seulement cette loi constitutionnelle ne
respectait pas les positions traditionnellement exprimées par le
Québec, mais elle a réduit ses droits et privilèges
historiques, notamment par la perte de son droit de veto. On ne peut oublier
l'histoire, M. le Président. On ne peut se comporter comme si rien ne
s'était produit, il y a 10 ans. L'injustice de 1982 doit être
réparée. Par une étrange ironie, on peut dire que
certaines dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissent
à leur manière le caractère spécifique du
Québec. Ainsi, tout d'abord, la formule d'amendement par l'article 40 de
la loi de 1982, qui donne exceptionnellement une compensation financière
à tout gouvernement d'une province qui se retire d'un amendement
constitutionnel en matière de culture et d'éducation. On sait que
cette exception a été consentie pour le Québec afin qu'il
puisse protéger sa langue et sa culture.
Ensuite, il y a l'article 59 qui rend inapplicable au Québec le
critère de la langue maternelle à moins d'une autorisation de
l'Assemblée nationale ou du gouvernement du Québec. Aucune autre
province ne jouit de cette clause. C'est un article qui signifie que si un
Parisien immigrant à Winnipeg peut inscrire ses enfants à
l'école française, dans la mesure où le nombre le
justifie, un Londonien immigrant au Québec doit obligatoirement inscrire
ses enfants à l'école française. Pourquoi, alors, M. le
Président, pourquoi, cette opposition si forte à la
reconnaissance formelle du Québec comme société
distincte?
En 1982, on avait reconnu que la charte devait s'interpréter
à la lumière des droits des autochtones par l'article 25, que la
charte devait s'interpréter à la lumière du patrimoine
multicul-turel, par l'article 27. Les autochtones, les communautés
culturelles, la dualité canadienne et le régionalisme sont
reconnus par la loi constitutionnelle de 1982 qui a réalisé le
rapatriement de la Constitution, mais le Québec, lui, est ignoré.
C'est dans ce contexte, M. le Président, qu'il faut considérer la
réelle signification de l'échec de l'entente du lac Meech.
Comme on le sait, l'entente du lac Meech du 30 avril 1987 acceptait les
cinq conditions posées par le Québec pour sa
réintégration dans la famille canadienne comme partenaire
à part entière et son acceptation de la loi constitutionnelle de
1982, la reconnaissance du Québec comme société distincte,
des pouvoirs accrus en matière d'immigration, une délimitation du
pouvoir fédéral de dépenser, la récupération
par le Québec de son droit de veto, la reconnaissance constitutionnelle
des trois juges du Québec à la Cour suprême et le droit du
Québec de participer à leur sélection. (10 h 20)
Comme le mentionnait le premier ministre, M. Bourassa, dans son discours
du 23 juin 1990 au salon rouge, le Québec, en posant des conditions
aussi raisonnables, se trouvait à prendre un risque avec l'histoire. M.
Bourassa ajoutait que si nous avons été modérés,
c'est que nous voulions réussir, mais, en même temps, cette
modération se trouvait à être un test, pour la
volonté du Canada anglais, de comprendre le Québec.
Pendant trois ans, nous avons, comme gouvernement, fait montre de
patience et d'ouverture. Nous n'avons pas manqué une occasion
d'expliquer l'importance de l'entente du lac Meech pour le Québec et
pour le Canada. Malheureusement, nos partenaires canadiens n'ont pas tous
apprécié les mérites de l'entente du lac Meech pendant
qu'une majorité de la population canadienne, mal renseignée sur
la réelle portée de cette entente du lac Meech, la rejetait.
L'échec de Meech a donc conduit le Québec à
entreprendre une réflexion fondamentale et déterminante quant
à son avenir politique et constitutionnel, réflexion qui se
concrétise dans ce projet de loi 150. S'il y a une chose qu'on peut
conclure de ces négociations infructueuses des trois dernières
années, c'est que le processus de révision constitutionnelle
existant au Canada a été discrédité par le refus de
certains premiers ministres d'honorer leur signature donnée à
trois reprises, une première fois le 30 avril 1987 au lac Meech, une
deuxième fois le 3 juin 1987 à Ottawa et une troisième
fois le 9 juin 1990 à Ottawa. Pour les Québécois,
l'échec de Meech est difficile à accepter.
Le Québec avait dit oui au Canada lors du
référendum de mai 1980 et le Québec a
réitéré ce oui avec l'accord du lac Meech. Par deux fois,
le Québec avait démontré son attachement au Canada. Le
reste du Canada a dit non au Québec en 1982 et non, une fois encore, en
1990. Il ne faut donc pas s'étonner que les Québécois
veuillent maintenant, et plus que jamais, décider seuls de leur avenir
politique et constitutionnel.
Suite à l'échec de Meech, le gouvernement du Québec
a adopté une politique ferme qu'il continuera d'appliquer tant que le
Québec n'aura pas obtenu réparation de l'injustice commise
à son endroit en 1982. Le Québec ne retourne plus
à la table des négociations constitutionnelles. Le
Québec ne négocie plus à onze, mais seulement avec le
gouvernement fédéral d'une façon bilatérale. Des
discussions peuvent avoir lieu avec d'autres provinces, mais sur une base
bilatérale. Le Québec ne participe à aucune
conférence ou rencontre fédérale-provinciale ou
interprovinciale, à moins que les intérêts
supérieurs du Québec ne l'exigent.
Difficile à accepter, l'échec de l'accord du lac Meech
paraît cependant avoir contribué à sensibiliser plusieurs
gouvernements au Canada sur un fait: le fédéralisme canadien
n'est plus adapté aux réalités présentes du Canada
et aux défis nouveaux posés par la concurrence internationale
d'un nouvel ordre mondial.
Tous les gouvernements du Canada veulent une réforme de la
Constitution, mais pour le Québec, cette réforme passe par sa
réintégration dans la Fédération canadienne comme
partenaire à part entière. Cela demeure un prérequis
essentiel. Il ne peut y avoir de réforme constitutionnelle au Canada
sans qu'elle ne comprenne les cinq conditions incontournables pour rendre
acceptable au Québec la loi constitutionnelle de 1982. Cela inclut la
reconnaissance explicite du Québec comme société
distincte. Le Québec au sein d'un fédéralisme
profondément renouvelé représente l'option que le
gouvernement du Québec privilégie.
Mais entendons-nous, M. le Président. Pas de
fédéralisme à n'importe quel prix ou à n'importe
quelles conditions. Nous vouions un fédéralisme respectueux des
attributions des provinces. Nous voulons un fédéralisme
profondément décentralisé à la fois souple,
efficace et intégré. Un fédéralisme
décentralisé, ne signifie pas un lien fédératrt
faible. Il représente plutôt une forme de
fédéralisme qui, par sa souplesse et son dynamisme, vise à
permettre une meilleure coordination, une répartition plus efficace des
pouvoirs entre les deux niveaux de gouvernement pour respecter les
particularités des communautés fédérées. Il
vise un fédéralisme de concertation, qui nous permettra
d'éviter le déficit énorme que connaît
présentement le gouvernement fédéral.
C'est précisément, M. le Président, cette forme de
décentralisation qui tend à une plus grande flexibilité et
efficacité dans le partage des compétences que l'on retrouve dans
le rapport Allaire et dans le rapport Bélanger-Campeau,
rédigé à une période décisive de l'histoire
du Québec. Ces deux rapports, en plus de tenir compte des récents
événements constitutionnels et d'en tirer des conclusions
nécessaires, s'inscrivent dans la continuité historique du
Québec, respectent la tradition d'affirmation du Québec, qui
existe dans sa forme moderne depuis au moins 30 ans.
En somme, les rapports Allaire et Bélanger-Campeau s'imbriquent
en quelque sorte l'un dans l'autre. Ils se répondent et se
complémentent pour exprimer les éléments principaux de la
pensée politique et constitutionnelle du Québec d'aujourd'hui.
Par conséquent, ils comportent nombre d'éléments
convergents. Je ne citerai que ceux qui m'apparaissent les plus significatifs
dans la mesure où ceux-ci expriment certains aspects importants du
Québec d'aujourd'hui. Ces deux rapports Allaire et
Bélanger-Campeau expriment clairement que les Québécois
sont libres de décider seuls de leur avenir politique et
constitutionnel.
Dans cette optique, chacun de ces rapports propose la tenue d'un
référendum avec un échéancier précis,
rigoureux. Chacun de ces rapports souligne que le statu quo est inacceptable
pour le Québec. Chacun de ces rapports croit, d'une part, que le
Québec doit posséder tous les pouvoirs nécessaires
à son épanouissement comme société distincte et,
d'autre part, qu'il faut chercher à maintenir, voire renforcer l'union
économique canadienne, surtout dans le contexte présent de la
mondialisation des économies et de la concurrence féroce qu'elle
entraîne.
Sur ce dernier point, j'aimerais souligner certains passages du rapport
Bélanger-Campeau qui rappellent les changements constitutionnels qui
paraissent requis aux yeux des groupes et des personnes qui ont traité
de l'option fédérale devant cette commission. Aux pages 54, 55 et
56 du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, nous pouvons lire ce
qui suit - et je cite: "Les groupes et personnes qui ont traité de cette
voie de solution ont fait part à la Commission de changements
constitutionnels qui leur paraissent requis pour redéfinir le statut
politique et les compétences du Québec. "Ces changements, de
divers ordres, ont en commun certains éléments particuliers,
entre autres: la nécessité d'instaurer entre le Québec et
les autres parties du Canada une nouvelle relation fondée sur la
reconnaissance et le respect de l'identité des Québécoises
et des Québécois et de leur droit à la différence;
un partage des compétences et des responsabilités qui garantisse
au Québec une autorité exclusive à l'égard des
matières et secteurs qui font déjà partie de ses champs de
compétence exclusive, ce qui implique, entre autres, l'abolition dans
ces secteurs du pouvoir fédéral de dépenser et
l'élimination des chevauchements d'interventions; l'attribution au
Québec, à titre exclusif, de compétences et
responsabilités liées à son développement social,
économique et culturel ainsi qu'au domaine de la langue; le transfert
des ressources fiscales et financières afférentes aux
compétences et responsabilités exercées par le
Québec; la préservation d'une représentation du
Québec au sein d'institutions communes qui reflète pleinement sa
situation particulière au Canada; la garantie que le consentement du
Québec soit requis à l'égard de toute modification
constitutionnelle.
"Certains ont toujours proposé que, dans tous les cas
applicables, le Québec dispose du droit de se soustraire à un
transfert de compétence vers le palier fédéral, avec juste
compensation (financière). Un tel droit de retrait avec compensation se
substituerait dans ces cas au droit de veto." Fin de la citation. (10 h 30)
M. le Président, ces paramètres devraient servir, avec
d'autres, aux travaux de la commission qui étudiera les offres de
renouvellement du fédéralisme canadien. Si la réaction
initiale à la publication des rapports Bélanger-Campeau et
Allaire a été réservée, voire négative, dans
le reste du Canada, certaines choses commencent à changer. Des
commissions, des groupes de travail et des comités ont été
mis en place par le gouvernement fédéral et par les provinces
pour étudier la question constitutionnelle. L'entreprise de
révision du fédéralisme canadien ne se limite donc pas au
Québec. De plus en plus de Canadiens admettent que le Canada doit faire
des modifications profondes à sa structure constitutionnelle pour
s'adapter aux différents défis d'une fin de siècle
difficile, tant sur le plan économique que social et culturel.
Voilà, M. le Président, le contexte dans lequel
s'insère le projet de loi sur le processus de détermination de
l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Nous avons toujours
été fidèles à nos revendications historiques, et
inébranlables dans notre volonté de préserver notre
spécificité. Nous ne saurions oublier les
événements de 1982 qui ont conduit à notre exclusion de la
table constitutionnelle. Nous disons oui à une réforme globale et
profonde de la Constitution canadienne à la condition qu'elle comprenne
la réparation à l'injustice de 1982. Il m'appartient maintenant,
M. le Président, d'examiner le projet de loi 150 et d'en faire ressortir
le sens et la portée.
Le projet de loi 150 repose sur des principes fondamentaux
incontournables pour le Québec. Ces principes balisent la
démarche proposée et permettent de cerner le sens et la
portée de la loi. Lorsque l'Assemblée nationale a
créé, le 4 septembre 1990, le 4 septembre dernier, la Commission
sur l'avenir politique et constitutionnel, la Commission
Bélanger-Campeau, elle a formulé un certain nombre de principes
ou de considérants qui mettaient en lumière le contexte et le
fondement du mandat de cette Commission.
Dans son rapport du 27 mars 1991, la Commission Bélanger-Campeau
recommande que cinq de ses principes ou considérants soient inclus dans
le préambule d'une loi dont elle propose l'adoption. Ces principes sont
les suivants: premièrement, les Québécoises et les
Québécois sont libres d'assumer leur propre destin et de
déterminer leur avenir politique et constitutionnel;
deuxièmement, les Québécoises et les
Québécois veulent être associés à la
défini- tion de leur avenir; troisièmement, la loi
constitutionnelle a été proclamée malgré
l'opposition de l'Assemblée nationale; quatrièmement, il y a eu
échec de l'entente du lac Meech qui visait à permettre au
Québec d'adhérer à la loi constitutionnelle de 1982;
cinquièmement, il est nécessaire de redéfinir le statut
politique et constitutionnel du Québec.
M. le Président, maintenant qu'il faut passer à l'action,
le gouvernement croit opportun d'ajouter au préambule de la loi les
autres considérants déjà contenus dans la loi du 4
septembre 1990 qui a créé la Commission Bélanger-Campeau
et quatre principes, quatre considérants qui sont essentiels au
fonctionnement harmonieux de nos institutions démocratiques.
Quels sont ces quatre principes? Tout d'abord, le premier principe est
à l'effet que deux voies parallèles s'offrent désormais au
Québec, soit la souveraineté du Québec, soit un
réaménagement en profondeur du fédéralisme
canadien. Ce principe est le coeur du projet de loi. Cela implique qu'il y aura
deux commissions parlementaires, l'une pour étudier les questions
afférentes à la souveraineté et l'autre pour analyser les
offres qui pourraient nous parvenir du gouvernement fédéral et
des autres provinces.
Le deuxième principe: ces deux voies parallèles doivent
être traitées avec une égale attention et une même
rigueur. Voilà la conclusion principale des travaux de la Commission
Bélanger-Campeau. On ne saurait être contre ce principe de rigueur
dans le traitement des deux options. Il s'agit ici de la volonté du
Québec d'assurer une égale compréhension chez nos
concitoyens, d'abord, des changements nécessaires au système
fédéral canadien, ensuite des implications véritables de
l'accès à la souveraineté.
Troisième principe: dans notre régime démocratique,
M. le Président, le gouvernement doit conserver sa faculté
d'initiative et d'appréciation des mesures favorisant le meilleur
intérêt du Québec. C'est l'application de notre principe
démocratique lui-même. Il s'agit là des prérogatives
inhérentes au pouvoir exécutif, plus précisément de
l'affirmation du droit du gouvernement de prendre les mesures les plus
appropriées au bien-être du Québec.
Un quatrième principe: l'Assemblée nationale dort demeurer
souveraine pour décider de toute question référendaire et,
éventuellement, adopter les mesures législatives
appropriées. Il s'agit ici de préciser, M. le Président,
comme c'est le cas dans la loi référendaire, d'ailleurs, que
c'est l'Assemblée nationale qui décidera des questions soumises
au peuple par référendum. Un référendum est une des
mesures les plus démocratiques qui puisse exister dans un système
comme le nôtre, mais il est important que l'on prévoie un
processus capable d'établir une question claire, et
ce processus existe déjà dans la loi
référendaire. Nous faisons ici référence à
la souveraineté de l'Assemblée nationale pour régler toute
question référendaire. M. le Président, l'Assemblée
nationale est le siège de la souveraineté du peuple, et il me
paraît essentiel de nous y référer pour traiter des
questions référendaires. Voilà, M. le Président,
les principes fondamentaux que sous-tend le projet de loi 150 et qui
apparaissent dans les considérants de la loi.
Le projet de loi 150 exprime la position constitutionnelle du
gouvernement. Il présente la consécration légale du
rapport Bélanger-Campeau. Le gouvernement a ainsi respecté le
sens et les termes de l'important consensus qui s'est forgé, non sans
difficultés, il faut le dire, à la Commission
Bélanger-Campeau. L'article 1 du projet de loi 150 prévoit que le
gouvernement du Québec tiendra un référendum sur la
souveraineté entre le 8 et le 22 juin 1992 ou entre le 12 et le 26
octobre 1992, ce qui s'avère entièrement conforme à la
recommandation de Bélanger-Campeau à ce sujet. Quant à
l'interprétation qui est donnée par le gouvernement à ce
référendum, j'ai déjà été très
clair à ce sujet, M. le Président, en cette Chambre. L'article 1
du projet de loi parte d'un référendum sur la
souveraineté, telle que celle-ci est déterminée à
l'article 3 de la loi.
M. le Président, le gouvernement s'engage, par cette loi,
à tenir ce référendum sur la souveraineté. Seule
l'Assemblée nationale peut délier le gouvernement de son
obligation de tenir ce référendum. Dans les premières
délibérations de la Commission Bélanger-Campeau, les
commissaires avaient considéré l'idée d'une
déclaration solennelle de l'Assemblée nationale aux fins de la
tenue d'un référendum sur la souveraineté, mais pour
donner encore plus de force à cet engagement, la Commission a conclu
qu'il était préférable de garantir la tenue de ce
référendum par une loi. (10 h 40)
Pour être démocratique, un référendum doit
poser, donc, une ou des questions claires et informer adéquatement la
population. Le projet de loi 150 crée deux commissions parlementaires
spéciales: l'une aura pour mandat d'étudier les questions
afférentes à l'accession du Québec à la
souveraineté, alors que l'autre aura pour mandat d'apprécier
toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le
gouvernement du Canada et des autres provinces. Aux yeux du gouvernement,
chacune de ces commissions aura une importance égale. Cet
équilibre entre elles permettra d'informer adéquatement et
pleinement la population sur chacune des voies qui s'offrent au
Québec.
La commission d'étude des questions afférentes à
l'accession du Québec à la souveraineté étudiera,
en toute objectivité et de la façon la plus complète qui
soit, toute les questions relatives à l'accession du Québec
à la souverai- neté.
Il est de notre intention, M. le Président, de traiter avec
objectivité une option que plusieurs Québécois partagent
et qui mérite d'être étudiée sous tous ses aspects
et en fonction de toutes ses implications. L'important, c'est d'arriver
à bien cerner les enjeux véritables afin d'informer le mieux
possible la population du Québec qui sera appelée, en bout de
piste, à faire un choix.
Si la souveraineté devait être l'option retenue en bout de
piste, nous devons dès maintenant en étudier toutes les
implications. Les études qui ont été faites lors de la
Commission Bélanger-Campeau sont intéressantes, mais elles ne
sont pas concluantes.
Si, pour l'Opposition, les jeux sont faits, tel n'est pas le cas pour
les Québécois. Devant l'absence de tout sens critique quant
à son option, l'Opposition perd ainsi le sens de la
réalité et peut-être même de la perspective dont on
doit faire preuve à ce moment vital de l'histoire du Québec. Nous
devons au peuple québécois d'être clairs.
L'autre commission parlementaire portera sur l'étude des offres
d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Les offres qui seront
étudiées par cette commission devront lier formellement le
gouvernement, le gouvernement fédéral et le gouvernement des
autres provinces. Nous voulons insister sur la nécessité pour que
ces offres ne soient pas simplement, par exemple, le fruit de certaines
déclarations politiques. Ce sera là un des aspects les plus
importants du travail de cette commission d'évaluer à quel point
ces offres représentent une volonté ferme de nos partenaires
canadiens.
Contrairement au processus de négociation de l'entente du lac
Meech, la loi 150 prévoit la tenue d'un référendum sur la
souveraineté. Nous avons ainsi la seule assurance que les offres lieront
le gouvernement fédéral et les provinces. L'expérience des
négociations des trois dernières années a
démontré que les signatures des premiers ministres pas plus
d'ailleurs que les résolutions votées par les Assemblées
législatives des autres provinces étaient des engagements
indéfectibles.
Le rapport Allaire, dis-je, ainsi que le rapport Bélanger-Campeau
fournissent un cadre de première référence pour
l'établissement des paramètres des offres.
En somme, ces offres devront nous permettre de réaliser trois
objectifs: assurer au Québec une pleine compétence dans les
domaines nécessaires à son développement et à son
épanouissement comme société distincte au sein du Canada,
lui permettre de retirer de l'interdépendance tous les avantages qu'elle
est susceptible d'offrir et, enfin, d'assurer la pérennité et la
crédibilité de l'option fédéraliste.
M. le Président, cette crédibilité essentielle de
l'option fédéraliste est incompatible avec la
volonté récemment affirmée par Ottawa de s'immiscer
dans les domaines exclusifs des provinces en matière d'éducation
ou de développement économique régional. C'est là
des gestes inacceptables que cette Assemblée nationale a
dénoncés.
M. le Président, en conclusion, avec le projet de loi 150, le
Québec franchit une étape déterminante qui le conduira
à réviser profondément son statut politique et
constitutionnel. Il est du devoir du gouvernement de veiller à ce que
tout se déroule de la manière la plus sereine, la plus
éclairée, la plus raisonnable et responsable et la plus
démocratique possible. Dans son livre, La Prochaine Révolution
publié en 1973, Léon Dion écrit, et je le cite: "En
prolongeant indéfiniment le débat - se référant
à la question nationale - on risque cependant de perdre de vue les
autres enjeux de l'heure et de se retrouver demain parmi les laissés
pour compte de l'histoire."
M. le Président, les Québécois n'ont nullement
l'intention de voir se prolonger ce débat. Le gouvernement a très
bien compris ce message. L'échéancier qui est fixé par la
loi est réaliste, si l'on a la volonté politique de
réussir. Après 30 ans de rendez-vous manques, celui-ci sera
déterminant. C'est pourquoi il faudra étudier, évaluer
d'une façon précise et complète chacune des deux voies
d'avenir qui s'offrent au Québec. Une fois cette étape franchie,
les Québécois devront prendre une décision qui engagera
leur avenir. Et je crois en cet avenir, M. le Président. J'ai confiance
en la sagesse et en la lucidité du peuple québécois.
Les négocations constitutionnelles des cinq dernières
années n'ont pas été vaines pour les
Québécois. Nous avons beaucoup appris de l'échec de
l'entente du lac Meech. Le Québec n'acceptera plus d'être un parmi
onze dans le forum constitutionnel. Nous disons donc non à une
constituante ou à toute autre forme de négociation qui
amènera le Québec à se retrouver un parmi onze. On
n'acceptera pas, M. le Président. On n'acceptera pas de passer d'un
régime d'assemblées de cuisine, utilisé en 1982 pour
exclure le Québec, à un régime d'assemblées
constituantes pour minoriser le Québec.
Qu'on ne se méprenne pas, M. le Président, sur la
volonté ferme des Québécois et des
Québécoises de déterminer eux-mêmes, une fois pour
toutes, leur avenir politique et constitutionnel. Le gouvernement a compris ce
message et l'endosse pleinement. M. le Président, ce projet de loi 150
le confirme. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je rappelle que nous
sommes à l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le
processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Je suis prêt à reconnaître le whip en chef de
l'Opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean. M. le
député.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: M. le Président, d'entrée de jeu, je
voudrais dire que le Parti québécois souhaite et veut que se
tienne, et cela le plus tôt possible, dans les plus brefs délais,
un référendum portant sur la souveraineté. Je pense qu'il
est important qu'il n'y ait pas d'équivoque à ce sujet, qu'il n'y
ait pas de malentendu chez nos concitoyens. Pour nous, le peuple
québécois doit être convié, invité à
se brancher et à décider démocratiquement du statut futur
du Québec. Et s'il y a un consensus qui se dégage des travaux de
la Commission Bélanger-Campeau, à l'occasion
particulièrement des audiences publiques, c'est bien
celui-là.
Le peuple québécois doit-il être consulté? La
réponse unanime, c'est oui. Comment doit-il être consulté?
Là aussi il y a quasi-unanimité, par la voie d'un
référendum. Et ce référendum doit porter sur quel
objet? Sur la souveraineté, consensus également là-dessus.
Et quand doit-il se tenir? Le plus tôt possible, nous ont dit ceux qui
sont venus témoigner devant la Commission et il y avait même un
consensus très large pour que ça se déroule au cours de
l'année 1991. La recommandation dit 1992. Nous avons fait un compromis
pour donner satisfaction à certains commissaires dont, en particulier,
les commissaires ministériels. Nous sommes donc d'accord, quant à
nous, sans le moindre doute, sur la tenue d'un référendum portant
sur la souveraineté. C'est notre voeu le plus cher, je pense, que
ça soit clair. (10 h 50)
Mais la question qui surgit, M. le Président,
immédiatement, et elle n'est pas insignifiante, elle est même
essentielle, c'est la suivante: Doit-on faire confiance au premier ministre du
Québec pour, à la fois, tenir ce référendum et
enclencher le processus nous conduisant à la souveraineté? Je me
souviens, M. le Président, il y a six mois, huit mois, dix mois, au
lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech, plusieurs de mes
concitoyens - et je suis sûr que c'a été votre cas aussi,
vous avez vécu la même expérience - plusieurs de nos
concitoyens du Québec nous ont dit et nous disaient: Écoutez,
vous avez entendu le premier ministre, eh bien, savez-vous que c'est fort
possible et même fort probable qu'il fasse la souveraineté, que ce
soit lui qui fasse la souveraineté et non pas le Parti
québécois? Combien de mes concitoyens m'ont dit cela, m'ont
exprimé ce témoignage, il y a six mois, huit mois, un an?
Beaucoup. Beaucoup de monde, et je suis sûr que vous avez vécu la
même expérience.
Mais aujourd'hui, M. le Président, plus personne dans la
société québécoise ne prétend une telle
chose. Il n'y a plus de doute maintenant. Le premier ministre ne fera ni
référendum sur la souveraineté ni ne présidera au
processus nous conduisant à la souveraineté. Ça,
ça ne fait maintenant plus l'ombre d'un doute chez les
Québécois, et un sondage récent est là pour nous le
démontrer de façon éloquente. Il y a seulement 20 % des
Québécois maintenant qui pensent que le premier ministre du
Québec va tenir un référendum sur la souveraineté.
Le reste à qui on pose la question, la réponse est claire, elle
vient très vite, c'est: Non. Non, non. Non, non, le premier ministre ne
tiendra pas de référendum sur la souveraineté.
Pourquoi cette absence de confiance? me suis-je demandé, M. le
Président. Pourquoi cette disparition de la confiance à
l'égard du premier ministre portant sur un référendum sur
la souveraineté? Oh! Pour une raison bien simple, je dirais presque
simpliste. C'est que le premier ministre du Québec est un
fédéraliste convaincu et que, depuis 30 ans, pendant 30 ans, il a
fait preuve d'une hostilité sans égale à l'égard de
la souveraineté. Ses 30 ans de vie politique en témoignent. C'est
un fédéraliste convaincu. C'est maintenant une chose très
claire. Il l'a proclamé à l'occasion du congrès de son
parti, un certain dimanche du mois de mars, quand il a lancé son cri du
coeur. Pour lui, le Canada, c'est son premier choix, et il est de nouveau
prêt à donner une dernière chance, encore une fois, au
régime fédéral et, par conséquent, il souhaite, il
souhaite et il attend des offres en provenance du gouvernement
fédéral et du Canada anglais. Non seulement il en souhaite, il en
réclame. Il en réclame. Il l'est donc, il demeure
fédéraliste. Son gouvernement aussi. Sur ce point au moins, il y
a de la clarté et de la limpidité. Sur le reste, c'est moins
sûr. C'est, comme toujours, très nébuleux avec cet
homme-là.
Remarquez que c'est son droit, d'être fédéraliste.
C'est son droit le plus légitime. Mais, partant de là, je pense
que les Québécois l'ont compris, ça apparaît dans
les sondages, il faut renoncer à l'investir de la mission de faire la
souveraineté. On ne demandera pas à un fédéraliste
de faire la souveraineté. On n'investira pas un premier ministre
fédéraliste de la mission de faire la souveraineté. Ce
serait contradictoire et incompatible et, admettons-le, passablement naïf
et même imprudent. On ne lui demandera même pas, non plus,
d'enclencher le processus qui va nous conduire à la souveraineté.
Non seulement il est fédéraliste, mais, en plus, c'est ça,
c'est regrettable et même dangereux, c'est un fédéraliste
mou, flexible, souple, pliable, complaisant, capitulard, pas fiable pour deux
cents. On s'en est rendu compte encore tout récemment, à la suite
des ingérences brutales, grossières du gouvernement
fédéral dans trois secteurs pourtant vitaux pour le
Québec: la formation professionnelle, le développement
régional, l'éducation.
On a eu droit à quoi de la part du chef du gouvernement du
Québec? À une protestation mollasse, pour la forme, timidement,
parce qu'il fallait le faire. Et puis, ce fut la reddition, la capitulation
avant même de faire la guerre. On a protesté et on s'est
dépêché d'agiter le drapeau blanc. Alors, il n'est
même pas capable, on s'en rend compte, de défendre avec vigueur et
avec force et efficacité les pouvoirs actuels du Québec. Je ne
pense pas qu'on puisse s'attendre à ce qu'il fasse la
souveraineté.
Abordons maintenant, M. le Président, les travaux et le rapport
de la Commission Bélanger-Campeau avant de parler du projet de loi. Je
pense qu'il est important de rappeler la distinction essentielle entre les
conclusions du rapport Bélanger-Campeau et la recommandation. La
conclusion, on le sait, place sur le même pied, en parallèle, deux
voies de solution, celle du renouvellement du fédéralisme et
celle de la souveraineté. Nous, nous n'étions pas d'accord avec
cette conclusion, les commissaires du Parti québécois. Nous
souhaitions, au contraire, que la Commission fasse un choix de statut. Nous
prétendions, je pense, avec raison, que le mandat de la Commission
était d'arriver à faire un choix de statut. Et, forcément,
après avoir entendu bien des intervenants, majoritairement
souverainistes, nous pensions que le choix que la Commission devait faire, il
faut dire que ça répondait à nos convictions,
c'était le choix de la souveraineté comme statut futur du
Québec.
C'est à cette fin, d'ailleurs, que nous avons
présenté des amendements aux conclusions proposées par les
présidents qui faisaient un choix, le choix de la souveraineté.
Vous savez quel fut le résultat du vote sur les amendements: 15
commissaires ont voté en faveur de la souveraineté et 17 autres
commissaires ont voté contre la souveraineté, dont tous les
commissaires libéraux. Ce qui fait que nous avons inscrit notre
dissidence en addendum au rapport parce que nous n'étions pas d'accord
avec les conclusions et nous avons voté contre les conclusions puisque
notre amendement portant sur la souveraineté n'avait pas
été accepté par une majorité de commissaires.
Alors, je pense que c'est important de le signaler et de le rappeler
parce que le premier ministre laisse entendre à tout venant que le Parti
québécois a accepté les conclusions du rapport
Bélanger-Campeau qui placent en parallèle et sur le même
pied les deux voies de solution, le renouvellement du fédéralisme
et la souveraineté. Ce n'est pas vrai. C'est faux. C'est faux. C'est une
fausseté. On n'a pas accepté ça et on a voté
contre.
Puis, il y a la recommandation. La recommandation est aussi très
claire. On recommandait un référendum, un seul, pas deux, pas
trois référendums, un seul référendum. Portant sur
quoi? Sur la souveraineté. Pas sur des offres fédérales,
pas sur un projet de révision du fédéralisme. Sur la
souveraineté. Et la création de deux commissions dont l'une
regarderait les aspects de l'accession à la souveraineté et
l'autre attendrait des offres, mais des offres devant lier formellement le
gouvernement fédéral et les
provinces.
Le gouvernement du Québec a dit oui à cette
recommandation, mais, en même temps et du même souffle, il a
annoncé et insisté beaucoup sur sa liberté d'action et sa
liberté de manoeuvre - le ministre vient de le faire encore une fois -
ce qui pourrait d'ailleurs, disait-il, se traduire avant la tenue d'un
référendum sur la souveraineté par la tenue d'un autre
référendum portant cette fois-ci sur des offres
fédérales. Il l'a dit très clairement à plusieurs
reprises. En d'autres termes, il s'engageait, mais en même temps, et du
même souffle, il se désengageait. (11 heures)
Alors, voilà, on est maintenant placés devant le projet de
loi 150. Je vous répète, M. le Président, je vous dirai et
je vous répète, parce qu'on l'a déjà
annoncé, le chef de l'Opposition également, que tel qu'il se
présente devant nous, ce projet de loi n'est pas acceptable. Il
faudrait, pour qu'il le devienne, des changements substantiels, des amendements
majeurs. Mais tel qu'il est, pour nous, il n'est pas acceptable. Ce projet de
loi n'est qu'un faux-semblant, un simulacre, je dirais même une imposture
et une tartufferie imprégnée d'hypocrisie.
On tente de tromper par de fausses apparences et on s'efforce de feindre
des opinions, des sentiments et des vertus qu'on n'a pas. Pourquoi? Parce que,
en apparence, à première vue, après une lecture rapide du
projet de loi, il semble respecter et refléter et traduire l'esprit et
la lettre de la recommandation de la Commission Bélanger-Campeau. Mais
en réalité, après analyse, quand on l'a lu attentivement,
le gouvernement y ajoute tellement de dispositions de son cru que c'a pour
effet de dénaturer, de pervertir, de défigurer le sens et la
portée de la recommandation de Bélanger-Campeau.
Et cette métamorphose, ce travestissement vient non pas de ce
qu'il retranche de la recommandation - il n'en retranche pas, elle se retrouve
là, telle quelle la recommandation. Le travestissement ne vient pas du
fait qu'il retranche des choses de la recommandation, le travestissement vient
du fait qu'il ajoute des choses. C'est parce qu'il ajoute qu'il travestit et
qu'il dénature le sens et la portée de la recommandation. Et ce
qu'il ajoute n'est pas anodin. Ce n'est pas insignifiant. D'abord, cette
disposition qui indique qu'il y a deux voies de solutions en parallèle,
le renouvellement du fédéralisme et la souveraineté. Et le
ministre vient d'admettre tantôt dans son intervention que c'est
là le coeur du projet de loi.
Or, le choix du gouvernement est connu. Il est affiché. Il est
public. Pour lui, le Québec doit demeurer dans le régime
fédéral. C'est ça son choix. D'ailleurs, vous avez
remarqué que dans toute son intervention, le ministre n'a pas
parlé du tout de la souveraineté. Toute son intervention a
porté sur la révision du régime fédéral.
Ça nous indique très clairement, s'il y en a qui avaient besoin
de preuves encore, que le choix du gouvernement, c'est la révision du
régime fédéral. C'est le renouvellement du
fédéralisme et le projet de loi 150, M. le Président, met
donc en branle ce processus de révision du régime
fédéral. C'est ça le principe du projet de loi 150. C'est
ça son objectif, à cause des éléments qu'on y a
ajoutés et à cause aussi des intentions clairement
exprimées par le gouvernement.
M. le Président, quel genre de renouvellement, quel genre de
révision souhaite et poursuit le gouvernement? Le discours officiel, on
l'a entendu encore tantôt, c'est: Nous voulons un renouvellement en
profondeur, substantiel. C'est ça le discours officiel. C'est ça
l'objectif officiellement poursuivi. Or, M. le Président, je pense qu'il
est important que les Québécois sachent que cet
objectif-là est inatteignable, que le renouvellement en profondeur du
régime fédéral n'est pas possible, n'est pas faisable
à cause de ce que le rapport de la Commission Bélanger-Campeau
signale avec justesse, à cause du choc des visions, des aspirations et
des identités nationales.
Si on ne tient pas compte de ça, on ne tient pas compte de la
réalité. Et là-dessus, M. le Président, les
sondages sont éloquents. La vision du Canada anglais, elle est on ne
peut plus limpide et il y a de l'aveuglement dans le gouvernement, dans ce
refus de ne pas voir cette vision, de ne pas la percevoir. Encore aujourd'hui,
M. le Président, M. Manning, le chef du Reform Party était
à Ottawa. Un oui au Québec est un non au Canada. Ça, c'est
clair. C'est ça, la vision du Canada anglais, il faut la prendre en
compte. les sondages sont on ne peut plus éloquents. je vous rappelle
celui de l'actualité - j'aurais pu en prendre un autre, ils
disent tous la même chose. celui de l'actualité est
très clair. au canada anglais, là, on pose la question aux
canadiens anglais: "plusieurs propositions de nouvelles structures
fédérales sont proposées. laquelle
préférez-vous?" c'est ça, la question. "un canada plus
centralisé?" 17 %: oui, c'est ça qu'on veut. "un canada plus
centralisé, mais avec un sénat élu par les
régions?" - c'est la marotte de l'ouest. oui, 43 %. "le statu quo?" 11
%. 60 % des répondants, au canada anglais, veulent un gouvernement plus
centralisé; 11 %, le statu-quo; ce qui fait 71 % contre toute forme de
décentralisation. écoutez, si on ne tient pas compte de
ça, où est-ce qu'on s'en va? c'est ça, la
réalité. quand la commission bélanger-campeau parle du
choc des visions, des aspirations et des identités nationales, c'est de
ça qu'elle parle. "Une majorité de Québécois pense
que des pouvoirs additionnels devraient être accordés au
gouvernement de leur province. Pensez-vous que le Canada pourrait s'adapter
à cette situation?" 19 %, oui. "Des pouvoirs additionnels pour le
Québec sont contraires à la nature même du Canada?" 75 %,
oui, c'est contraire à la nature
même du Canada. C'est ça, la vision, la volonté et
les aspirations du Canada anglais, pourquoi les ignorer?
M. Rae, le premier ministre de l'Ontario, qu'est-ce qu'il est
allé dire au congrès de son parti, le NPD, à Halifax? Il
est allé dire la même chose: Nous voulons un gouvernement central
fort. Et ça, c'est incompatible et contradictoire avec la vision
traditionnelle du Québec et des Québécois parce que, pour
les uns et les autres, leur gouvernement national n'est pas le même. Pour
le Canada anglais, leur gouvernement national, c'est le gouvernement d'Ottawa.
Pour les Québécois, leur gouvernement national, c'est le
gouvernement de Québec. C'est ça, la réalité.
Alors, M. le Président, la conclusion s'impose, nous n'aurons pas
de projet de révision en profondeur du régime
fédéral, ça n'arrivera pas. Et le premier ministre, qui
vient de nous dire, encore hier, qu'il s'attend à des offres
raisonnables et acceptables du gouvernement fédéral qui iraient
dans le sens d'une révision en profondeur du régime
fédéral, induit les Québécois en erreur. C'est
irresponsable de la part d'un premier ministre de faire croire aux
Québécois que des changements profonds du régime sont
possibles. Il nous prépare encore une fois des désillusions et
des lendemains amers.
Ça ne peut donc être, comme projet de révision du
régime fédéral, qu'un projet mineur, modeste, superficiel,
du bricolage, pas tellement plus que Meech. D'ailleurs, c'est toujours le
souhait du ministre, vous l'avez entendu tout à l'heure. Il a
échoué avec Meech, il y revient. Retour à la case
départ! Cinq pauvres petites, modestes et insignifiantes conditions, on
y revient. On n'aura pas plus, comme projet, sur la table, en termes d'offres.
On n'aura pas plus. Et tout tourne autour de la société
distincte. Un gros progrès, hein! Un gros progrès!
M. Clark, il se promène d'un océan à l'autre pour
essayer de faire comprendre un peu à tout le monde que ce serait
important que, dans le projet de révision, l'on reconnaisse le
Québec comme société distincte. On est rendu loin!
Là, on n'a pas abordé toute la question du partage des
compétences; ce n'est même pas encore abordé, ce n'est
même pas touché, effleuré. Alors, on n'ira pas loin. (11 h
10)
Mais il y a un danger dans tout ça, cependant. C'est que, devant
des offres modestes et même insignifiantes, du genre Meech, avec quelques
babioles, quelques colifichets pour l'enjoliver, le danger, c'est que le
gouvernement saute de joie, s'extasie, tombe en pâmoison et nous dise: Ah
mon Dieu! Quelles belles offres! Regardez! Formidable! Enfin, on va changer le
régime en profondeur et on peut compter sur les talents de metteur en
scène du ministre et de scénariste... Il a déjà
voulu faire du cinéma, là il va en faire. C'est ça, le
danger, c'est qu'on nous présente une insignifiance comme un virage
historique, parce que ça va être insignifiant, ce qui va nous
arriver. Regardez ce que les 22 croisés du fédéralisme
nous proposent: pas grand-chose, c'est très peu de choses. Ça va
à rencontre de toutes les aspirations traditionnelles du
Québec.
La preuve de la modestie des exigences du gouvernement, la preuve que le
gouvernement va être très tenté de sauter sur des offres
minuscules, c'est qu'il a jeté le rapport Allaire à la poubelle.
Les militants libéraux commencent à s'en rendre compte, parce
que, au cas où vous ne le sauriez pas... Je parle à mes
collègues libéraux, le rapport Allaire, qui est un projet de
décentralisation très avancé - ça, vraiment, ce
serait des changements en profondeur, pour reprendre l'expression du
gouvernement - au cas où vous ne le sauriez pas, ce n'est pas la
position du gouvernement du Québec, ça ne l'a jamais
été, et, dans un avenir prévisible, je ne vois pas du tout
l'intention, du côté du gouvernement, de prendre le rapport
Allaire et d'en faire la position constitutionnelle du gouvernement. Non, non,
non! C'est une position de parti, ça demeure une position de parti et ce
n'est pas une position du gouvernement. Donc, par conséquent, le
gouvernement n'a même pas de grille d'évaluation pour juger du
caractère acceptable des offres qui pourraient survenir. On se serait
attendu à ce qu'il utilise le rapport Allaire, à ce qu'il assume
le rapport Allaire pour dire: Voilà ma grille d'évaluation, si
j'ai des offres, c'est en me référant au rapport Allaire que je
vais en juger, juger du caractère...
Une voix:...
M. Brassard: Non, non! Non, non, non! Le rapport Allaire, c'est
la position du Parti libéral, ce n'est pas la position du gouvernement.
Alors, avis à mes collègues libéraux, si vous pensiez que
c'était la position du gouvernement, vous avez quelques démarches
à faire et quelques pressions à faire aussi. Le rapport Allaire,
il est à la poubelle.
Donc, M. le Président, le gouvernement veut garder le
Québec dans le système fédéral, c'est son choix. Je
le soupçonne même d'être enclin à accepter bien peu
de choses et, avec quelque talent de metteur en scène, on pourrait faire
passer ce bien peu de choses pour un accord historique. On l'a fait,
d'ailleurs, à l'occasion de l'Accord du lac Meech. Ce n'était pas
grand-chose, l'Accord du lac Meech. Pendant des mois, à cause des
discours du ministre responsable du dossier, c'est apparu comme quelque chose
de tout à fait historique.
Dans ce contexte, dans cette perspective et dans ce processus, quel
rôle joue le référendum sur la souveraineté? Bonne
question. Le référendum sur la souveraineté dans tout
ça, plutôt que d'être le déclencheur d'un cheminement
vers la souveraineté, plutôt que d'être un
événement qui
nous conduise à la souveraineté, qui nous mène
à la souveraineté, dans ce processus enclenché par le
gouvernement, le référendum sur la souveraineté, ce n'est
qu'un moyen de pression, une menace qu'on fait peser sur le Canada anglais, un
moyen de chantage pour tenter d'obliger, de contraindre le Canada anglais
à faire des offres. C'est donc un élément de
stratégie. Le référendum sur la souveraineté, ce
n'est pas un événement qui nous fait cheminer vers la
souveraineté, c'est un élément de stratégie dans un
processus de révision du régime fédéral. Mais, en
plus, il faut signaler que ce n'est même pas un moyen de pression
efficace. Il l'utilise mal.
Le gouvernement même l'utilise mal comme moyen de pression, comme
moyen de chantage. Il en a fait un moyen de chantage ou de pression peu
efficace et peu crédible. Pourquoi? Parce qu'il prend soin d'annoncer,
dans le projet de loi lui-même, que sa marge de manoeuvre est intacte,
que sa liberté d'action est intacte. Il insiste lourdement sur le fait
que la majorité libérale de l'Assemblée nationale peut,
à tout moment, s'orienter d'une autre façon. C'est donc un
"bluff", mais un mauvais "bluff1, parce que le joueur adverse sait
qu'il "bluffe". M, Lévesque, qui connaissait bien le poker, était
un meilleur "bluffeur" que ça, pas mal mieux que ça. Il "bluffe",
mais il annonce à son joueur adverse qu'il "bluffe", alors le moyen de
chantage est totalement inefficace.
Autrement dit, il applique le principe propre à la race canine:
Je jappe mais je ne mords pas, ou, si vous préférez: Je vous
plaque un revolver sur la tempe mais, en même temps, je vous chuchote
à l'oreille: Faites-vous-en pas, c'est un revolver jouet. Il n'y a pas
de balle dedans, ça ne tire que de l'eau, alors n'ayez pas peur. Donc,
il prévient tout le monde à l'avance: Écoutez, là,
je fais adopter un projet de loi qui prévoit un référendum
sur la souveraineté, mais je vous le dis tout net, je n'ai ni le
goût, ni la motivation, ni l'intention et encore moins la conviction pour
tenir ce référendum. Alors, c'est prévu dans la loi, mais
je vous le dis tout net, je ne le tiendrai pas, je n'ai pas envie de le tenir.
Je n'ai pas le goût de le tenir, puis je n'ai pas les convictions pour le
tenir. Alors, il en fait un moyen de pression, mais un moyen de pression
faible. Il en fait une arme de négociation, mais il prend soin de
l'émousser, et c'est ce que j'appelais récemment une
épée de Damoclès, mais une épée de
Damoclès en caoutchouc mousse. Ça ne fera pas beaucoup de
dégâts.
On va même plus loin, M. le Président. Non seulement le
moyen de pression qu'on compte utiliser, on en détruit toute
l'efficacité avant même de l'utiliser, mais on s'apprête
à mettre sur pied un tribunal qui va instruire le procès de la
souveraineté dans le but de la discréditer et de la
dévaloriser. Ce sera l'objet des fameuses commissions parlementaires qui
sont de simples créatures de l'Exécutif aux ordres du premier
ministre et du "bunker". Et c'est de cette façon-là, d'ailleurs,
qu'on a rallié l'aile fédéraliste orthodoxe du caucus
libéral, en lui disant: II y aura des offres; on attend des offres; on
va s'arranger pour avoir des offres. Ces offres-là seront bien
considérées et, en même temps, on va faire le procès
de la souveraineté, on va dévaloriser la souveraineté. Le
député de Papi-neau a au moins été très
clair, avec un peu de candeur probablement, en disant qu'on allait faire la job
à la souveraineté. Mais d'autres députés, celui
d'Argenteuil, la députée de Vachon, ont dit: On attend des
offres, on souhaite des offres et notre option à nous c'est de faire un
référendum sur ces offres. m. clark, nouveau ministre responsable
du dossier constitutionnel au fédéral, quand il a
été nommé - c'en est une preuve tout à fait
évidente - a dit: écoutez, j'ai un problème de temps. il y
a l'échéance référendaire prévue dans la loi
150. un référendum sur la souveraineté, c'est une
échéance, sur le plan temporel, qui m'embarrasse, et je ne suis
pas sûr qu'avec le peu de temps dont je dispose je vais être
capable de présenter des offres acceptables, première
déclaration de m. clark. et puis, il vient rencontrer le premier
ministre, il en ressort et on lui pose la question: et le projet de loi 150, m.
clark? bof! ça ne complique rien. ça ne complique rien. le
premier ministre est très flexible. bien, ça veut dire quoi,
ça? ça veut dire que le premier ministre, derrière les
portes closes, lui a dit: écoutez, ne vous en faites pas avec
l'échéance référendaire, là. ne commencez
pas à vous énerver avec ça. j'ai vu ça dans les
journaux que ça vous énervait beaucoup, que ça vous
embarrassait beaucoup. ne vous énervez pas avec ça. c'est de la
frime, ça. c'est du "bluff". alors non, ça ne complique rien. (11
h 20)
Quant à l'autre commission, M. le Président, là, on
apprend que ça va devenir un outil de négociation. Dans l'esprit
des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau, l'autre
commission se mettait en attente d'offres qui pouvaient venir et ne les
examinait que si ces offres liaient formellement le Parlement
fédéral et les provinces. Ça, ça veut dire des
résolutions des Législatures et du gouvernement
fédéral. Mais là, ce n'est plus ça, l'autre
commission va devenir un outil de négociation. Quand M. Rae est venu
rencontrer M. Bourassa, le premier ministre, il lui a proposé une
assemblée constituante. Le premier ministre a dit: Non, non, non. Nous,
l'assemblée constituante, on ne marche pas là-dedans. Le ministre
d'ailleurs l'avait dit: On ne marche pas là-dedans, pas
d'assemblée constituante. Ah bon, mais y aurait-il moyen que les
commissions parlementaires qui sont mises sur pied pour regarder la question
constitutionnelle puissent se parler? Et le premier ministre du Québec
de dire: Oui, bien sûr, il n'y a pas de problème. Alors là,
ça
outrepasse le mandat confié par la Commission
Bélanger-Campeau, ça devient des outils de négociation,
les commissions parlementaires. Et je n'ai pas besoin de vous dire où
ça va nous conduire: tout droit à la tour de Babel.
Là, il y a des commissions comme ça qui naissent un peu
partout dans toutes les provinces, et il y en a une au fédéral
qui va voir le jour bientôt. Là, on va se retrouver avec 11
commissions parlementaires pour sauver le Canada, 11 commissions
parlementaires. Et ces commissions parlementaires vont se parler, vont avoir
des relations bilatérales, peut-être aussi multilatérales
et peut-être qu'à un moment donné, elles vont se retrouver
toutes les 11 ensemble, ça va faire une jolie assemblée
constituante. Mais avez-vous une idée dans - excusez l'expression - quel
bordel on va se retrouver?
M. Blais: ...cloaque.
M. Brassard: Dans quel cloaque, me suggère mon
collègue de Masson. Ça va être épouvantable. C'est
du "babélisme" à l'état pur. 11 commissions parlementaires
qui vont s'agiter, qui vont se rencontrer et qui vont discuter et
négocier, c'est ça que le premier ministre a accepté. Il
n'accepte pas le mode de négociation à 11, il n'accepte pas
d'assemblée constituante, mais il accepte que les 11 commissions
parlementaires se rencontrent et discutent le renouvellement du
fédéralisme, ça va être beau tout à
l'heure.
Concernant le projet de loi, avant d'aborder un autre question, M. le
Président, je voudrais faire le point. Premièrement, le
gouvernement, par le projet de loi 150, met en branle un processus de
révision du régime fédéral et non pas un processus
nous menant à la souveraineté. Ça m'apparaît
important, c'est ça le principe du projet de loi. Deuxièmement,
le gouvernement souhaite et il attend des offres de révision du
régime fédéral. Il est peu exigeant malgré son
discours officiel puisqu'il a jeté par-dessus bord la seule grille
d'évaluation un peu rigoureuse: le rapport Allaire.
Troisièmement, il essaie de faire peur au monde avec un
référendum sur la souveraineté, mais il annonce en
même temps son intention de ne pas recourir à cette arme de
chantage, ça ne fait pas peur au monde beaucoup. Quatrièmement,
il met sur pied deux commissions en se moquant des us et coutumes du
parlementarisme. Alors, je dis, M. le Président: Nous, de l'Opposition
officielle et du Parti québécois, ne sommes pas dupes de ce
scénario et nous n'embarquerons pas dans cette galère. Nous
refusons de cautionner la démarche fédéraliste du
gouvernement. S'il veut notre appui sur ce projet de loi, il devra revenir
à l'esprit de la recommandation Bélanger-Campeau et respecter
scrupuleusement les traditions parlementaires.
M. le Président, le gouvernement a choisi encore une fois de
s'embourber dans la mélasse constitutionnelle et d'enclencher un
processus de révision du régime fédéral avec, au
bout, inéluctablement, l'échec et l'humiliation et en adoptant,
en plus, une position on ne peut plus inconfortable. Parce que je vous signale,
M. le Président, qu'on ne peut pas pendant des mois et des mois, en
même temps, adhérer au régime de tout coeur et en refuser
les règles du jeu. C'est ça que le gouvernement fait
présentement. C'est ça sa position. C'est très
inconfortable, ça va devenir intenable tout à l'heure. Il
adhère au régime, il adhère au système
fédéral et il en refuse les règles du jeu - ça ne
peut pas continuer longtemps comme ça, là - et, entre autres, le
refus du mode de négociation à 11, il a été
répété de nouveau. On prend acte de cette position, mais
on vous dit que ce n'est pas très, très rationnel. Enfin, c'est
le choix du gouvernement.
Nous, nous proposons clairement, M. le Président, la solution de
la souveraineté, réalisée de façon
démocratique, dans l'harmonie avec nos voisins et avec nos partenaires.
Et quand on parle de souveraineté, je pense qu'il est bon de le
rappeler, cela signifie trois choses bien simples, mais qui doivent se
retrouver toutes les trois ensemble. D'abord, tous les impôts et les
taxes perçus au Québec le seront par l'État
québécois et seulement par l'État québécois.
Deuxièmement, toutes les lois qui s'appliquent au Québec seront
adoptées par l'Assemblée nationale et seulement par
l'Assemblée nationale. Troisièmement, tous les traités et
les accords internationaux seront négociés par les
représentants de l'État du Québec et seront
ratifiés par l'Assemblée nationale.
Que l'on considère la question sous tous ses angles ou toutes ses
dimensions, on se rend compte que le choix de la souveraineté, M. le
Président, repose constamment sur l'expérience concrète de
ce qui ne fonctionne pas et aussi sur la certitude acquise de pouvoir
régler nous-mêmes nos problèmes et gérer
nous-mêmes nos propres affaires. On pourrait multiplier les exemples.
Veut-on une société qui fonctionne en français? On en est
empêchés par une loi fédérale, la Loi sur les
langues officielles, qui fait la promotion du bilinguisme jusque dans les
entreprises et les municipalités, donc, qui contredit totalement
l'esprit et les objectifs de la loi 101. On en est empêchés aussi
par une Constitution qui fait officiellement du Québec un État
bilingue et qui ne nous permet même pas de créer des commissions
scolaires linguistiques, ce qui réglerait des problèmes criants,
majeurs, dans le domaine de l'éducation, particulièrement
à Montréal.
Veut-on consolider, renforcer ou développer notre
économie? On en est empêchés parce que nous n'avons pas la
pleine maîtrise de leviers aussi essentiels que la recherche
scientifique, le développement technologique, la formation
professionnelle, la gestion de la main-d'oeuvre, la responsabilité
exclusive en matière de développe-
ment régional. Est-ce qu'on veut apporter un soutien réel
et efficace à la famille québécoise? On n'en est pas
capables parce qu'on ne contrôle même pas tout le régime des
allocations familiales. Toujours, il nous faut constater la
nécessité de mettre fin au dédoublement des initiatives,
à la confusion des rôles, à la confusion des
responsabilités, aux ingérences, aux intrusions du gouvernement
fédéral, aux chevauchements multiples qui n'engendrent que
fouillis et gaspillage de ressources.
Un Québec souverain pour nous, ce ne serait pas seulement
souhaitable, mais en plus ce serait faisable et ce serait viable. Et ça,
les experts qui sont venus témoigner devant la Commission
Bélanger-Campeau l'ont clairement reconnu. Et un Québec souverain
proposerait une association économique avec le Canada anglais en vue de
maintenir la triple liberté dont on parle souvent, la libre circulation
des biens, des personnes et des capitaux.
Il est vrai, M. le Président, que nous faisons face maintenant
déjà à une véritable campagne de terrorisme
économique qui s'est amorcée avec en tête le gouvernement
fédéral, comme ce fut le cas en 1980. Les mêmes arguments
qui reviennent, entre autres, que le Canada anglais va refuser de s'associer
sur le plan économique avec un Québec souverain.
Là-dessus, M. le Président, moi je dis que quand on se sera
prononcés, nous les Québécois, démocratiquement,
les intérêts réels des deux peuples, des deux
communautés vont prévaloir. Le bon sens économique
élémentaire va primer, chez les Canadiens autant que chez les
Québécois. Et on va se rendre compte très vite qu'il
serait suicidaire de se livrer une guerre économique qui ferait des
dégâts dans les deux camps, dans les deux communautés. (11
h 30)
Pense-t-on sérieusement... Et là-dessus, M. le
Président, il y a une thèse de plus en plus courante qui circule,
qui veut que le Canada anglais soit terriblement émotif. C'est curieux,
on ne savait pas ça. On vient de le découvrir. Il y a une
réserve d'émotion et d'affectivité incommensurable au
Canada anglais. Et là, la thèse qui circule, c'est que le Canada
anglais, si on prend la décision de devenir souverain, va être
tellement choqué, vexé, frustré, ému, qu'il va
tomber dans l'irrationnel. Il va devenir irrationnel, il va perdre la raison et
il va adopter des comportements nuisibles, suicidaires. C'est ça, la
thèse qui circule présentement par rapport au refus du Canada
anglais de s'associer économiquement avec un Québec
souverain.
Écoutez, pense-t-on sérieusement que l'Ontario, le
gouvernement de l'Ontario ou le gouvernement de l'Alberta va empêcher les
entreprises de l'Ontario et de l'Alberta - je donne ça comme exemple -
de vendre et d'acheter au Québec? Quand on sait que, pour l'Ontario, le
marché québécois, c'est un marché de 20 000 000 000
$; quand on sait que, pour l'Alberta, le marché québécois,
c'est un marché de 5 000 000 000 $. Puis la balance commerciale leur est
favorable, on leur vend moins qu'on ne leur achète, aussi bien en
Ontario qu'en Alberta. Ils vont briser ça, rompre tout ça,
arrêter tout ça, ces échanges-là parce qu'ils sont
vexés, parce qu'ils sont émus? Allons donc! Ils vont refuser de
nous vendre parce qu'on a touché leur affectivité? Ils vont
arrêter de nous vendre leurs fruits et légumes, leurs autos, leur
blé, leur boeuf parce que le Québec est devenu souverain? Moi, je
dis que le réalisme économique va prévaloir, et le premier
ministre du Nouveau-Bruns-wick l'a clairement indiqué. Je pense qu'il a,
à tout le moins, le mérite, M. McKenna, de ne pas s'associer au
terrorisme économique en cours.
Dans le journal Les Affaires du 11 mai 1991, les journalistes du
journal Les Affaires se sont rendus au Nouveau-Brunswick et ils ont
interrogé M. McKenna. M. McKenna a lancé le message suivant aux
Québécois: Nous serons toujours très proches.
Qu'adviendra-t-il de l'accueil des gens d'affaires du Québec au
Nouveau-Brunswick advenant la souveraineté du Québec? Le premier
ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, a répondu à cela au
journal Les Affaires: "Nous avons de très étroites
relations avec la communauté des affaires du Québec. Il s'agit
peut-être des relations les plus étroites au Canada. Nous serons
toujours très proches."
M. McKenna ne croit pas que les Québécois devraient subir
de la part de son gouvernement quelque antagonisme que ce soit advenant qu'ils
choisissent de quitter le Canada. Il est favorable à la
libéralisation des échanges, même avec un Québec
indépendant. "Le Nouveau-Brunswick est diposé à abolir les
barrières et non à en rajouter - a-t-il dit en substance - quel
que soit le chemin emprunté par le Québec. Ce que nous offrons au
Québec - poursuit-il - à l'intérieur du Canada ou dans le
cadre d'un nouvel arrangement, c'est un voisin qui veut faire des affaires.
Nous n'érigerons pas de barrière artificielle. Tel est l'ordre
naturel des choses." Ça, c'est la sagesse. Ça, c'est le bon sens
économique le plus élémentaire qui parle, et c'est
ça qui va primer, quand le Québec décidera de devenir un
État souverain, au Canada anglais. M. McKenna, donc, je pense, parle
avec bon sens.
Et pour gérer une association économique souhaitée,
nul besoin, M. le Président, de Parlement supranational, comme le
préconisent le premier ministre et le Parti libéral, qui
ajouterait un troisième étage au fédéralisme
actuel. C'est déjà une maison de fous; on ajoute un autre
étage. Là, vraiment, ça va devenir un asile
d'aliénés. On n'a pas besoin d'un Parlement supranational pour
gérer une association économique pas plus qu'on n'a besoin d'un
Parlement supranational pour gérer une union monétaire. Ça
aussi, c'est une marotte du premier ministre.
Une voix: Oui.
M. Brassard: Une marotte du premier ministre: Ah! S'il y a une
union monétaire, il va falloir un Parlement. Non, non. Non, non.
D'ailleurs, dans aucun pays au monde le Parlement n'a quelque chose à
voir dans la gestion du système monéraire. Dans aucun pays au
monde. C'est le pouvoir exécutif qui a quelques recours et c'est
toujours très bien encadré, parce que, dans tous les pays du
monde, les instances monétaires sont toujours très autonomes.
Elles fonctionnent de façon très autonome et il y a quelques
recours du pouvoir exécutif, mais c'est toujours très
réglementé et très restrictif. Mais du Parlement, jamais.
Aucun Parlement n'a à voir là-dedans. Rien! Alors, qu'est-ce que
c'est que cette marotte de dire que, si on maintient l'union monétaire,
il va falloir un Parlement pour gérer ça? Allons donc!
À ce sujet-là d'ailleurs, moi, je dis que la
communauté économique européenne est un bel exemple
d'association économique entre États souverains. M. le premier
ministre du Québec aussi bien que le premier ministre
fédéral induisent tout le monde en erreur en faisant croire au
monde que le fédéralisme canadien tel qu'il est et la
communauté économique européenne telle qu'on la
connaît c'est du pareil au même. Il y a des limites à
propager des faussetés et des erreurs aussi grossières. Les
différences entre les deux sont nombreuses et substantielles.
Premièrement, je rappelle que les États regroupés dans la
communauté économique européenne sont des États
souverains, pas des provinces. Deuxièmement, il y a un État
canadien, il n'y a pas d'État européen. Troisièmement, le
texte qui régit les rapports entre les pays de la communauté
économique européenne, ce n'est pas une constitution comme c'est
le cas des provinces du Canada, c'est un traité international.
Le premier ministre du Québec trouve que notre hypothèse
d'une association économique entre le Québec et le Canada anglais
sur la base d'un traité, c'est archaïque, c'est tout à fait
préhistorique. C'est ça qu'il a dit en commission parlementaire,
l'autre jour, à l'étude de ses crédits. C'est
préhistorique ça, c'est archaïque, une association
économique régie par un traité, alors que le modèle
qu'il propose et dont il parle constamment, la communauté
économique européenne est elle-même régie par un
traité. Il n'y a rien à y comprendre, hein? Et puis, s'il y a du
nouveau qui s'en vient en Europe concernant l'union monétaire,
l'élargissement de l'union économique, ça va se faire par
traité. Ce qu'on est en train de préparer pour mettre en place
une monnaie unique en Europe, ça va se faire par traité ou par
modification des traités existants. Alors, comment se fait-il qu'en
Amérique du Nord c'est archaïque et qu'en Europe c'est tout
à fait moderne, contemporain et un instrument d'avenir, le
traité? Il n'y a rien à com- prendre dans les propos du premier
ministre.
Quatrièmement, le Parlement européen ne
légifère pas, il n'a pas de pouvoir législatif.
D'ailleurs, dans les traités, ça ne s'appelle pas le Parlement.
C'est une assemblée parlementaire. C'est le Parlement lui-même qui
s'est donné le titre de Parlement, mais ce n'est pas un vrai Parlement.
Il n'a pas de pouvoir législatif. Il émet des voeux, il vote des
motions, des fois sans savoir de quoi il retourne, comme ça a
été le cas l'été dernier avec la motion sur la
crise mohawk. Vraiment! une ignorance crasse du dossier de la part du Parlement
européen. C'est tout ce qu'il fait. C'est un parloir. C'est un parloir,
le Parlement européen.
Alors, écoutez, il y a des différences énormes.
Autre différence, l'instance dirigeante de la communauté, ce
n'est pas un gouvernement, contrairement à une fédération
comme le Canada. L'instance dirigeante, ce n'est pas un gouvernement, c'est un
forum intergouvernemental, c'est, soit le Conseil des ministres regroupant des
ministres des douze États membres, soit ce qu'on appelle le Conseil
européen qui réunit les chefs d'État ou les chefs de
gouvernement, trois ou quatre, parfois cinq fois par année. C'est
ça, l'instance dirigeante de la communauté. Ce n'est pas un
gouvernement. C'est un forum intergouvernemental. (11 h 40)
Sixièmement, si on en veut encore, des différences, dans
l'union monétaire prévue qui est en voie d'élaboration en
Europe, le Parlement européen n'aura aucun rôle à jouer.
Dans tous les projets d'union monétaire qui circulent
présentement, qui sont à l'étude en Europe, le Parlement
européen n'a aucun rôle à jouer. Il va continuer
d'émettre des voeux et voter des motions sans savoir souvent sur quoi
ça porte. Il n'aura aucun rôle à jouer dans l'union
monétaire. Encore là, c'est une prétention du premier
ministre de s'imaginer que le Parlement européen va jouer un rôle
dans l'union monétaire. Pas du tout. Pas du tout.
En d'autres termes, il y a tellement de différences entre la
Communauté économique européenne et le
fédéralisme canadien que j'utilise l'image suivante: Est-ce que
vous pensez sérieusement que le statut de la France dans la
Communauté économique, ça ressemble un peu au statut de
l'île-du-Prince-Édouard dans la Fédération
canadienne ou du Manitoba? Pas de commune mesure entre les deux là.
C'est complètement différent. Dans un cas, c'est un État
souverain, dans l'autre cas, c'est une province subordonnée et aux
pouvoirs très limités dans un régime
fédéral.
Alors, le Québec souverain, M. le Président, est tout
à fait disposé à participer à de grands ensembles
économiques, sans subordination politique parce que ce n'est pas vrai
ça. C'est faux, ce que prétend le premier ministre et le
gouvernement, qu'une union économique doit
nécessairement s'accompagner d'une union politique, que
l'intégration économique doit être accompagnée
essentiellement d'une intégration politique. Ce n'est pas vrai. La
réalité économique internationale est là pour
démontrer le contraire. Et la meilleure preuve, c'est le traité
de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Il n'y a pas
d'intégration politique, mais il y a une intégration
économique. On pourrait pousser plus loin l'intégration
économique entre le Canada et les États-Unis, et possiblement le
Mexique, sans que ça s'accompagne, encore une fois, d'intégration
politique. Ce n'est pas inéluctable. Il n'y a pas de corrélation
essentielle entre les deux. Alors, un Québec souverain, oui, est ouvert
à des regroupements, à participer à des regroupements dans
la recherche de rapports harmonieux et mutuellement profitables.
M. le Président, il ne me reste que quelques minutes pour
conclure. Je reviens quelque peu sur le projet de loi 150 pour dire que nous
refusons, quant à nous, la voie tracée par le projet de loi 150
parce qu'elle propose - encore une fois, je le répète, c'est
important qu'on soit bien clair là-dessus - une démarche de
renouvellement du fédéralisme qui conduira le Québec dans
un autre cul-de-sac, une autre humiliation, comme ce fut le cas avec
l'échec de Meech. Le projet de loi réduit le
référendum sur la souveraineté en un simple instrument
stratégique, un moyen de pression destiné à inciter le
Canada anglais à faire des offres au Québec.
Le projet de loi 150, en quelque sorte, banalise ce
référendum sur la souveraineté et le réduit, comme
je le disais tout à l'heure, en une espèce d'épée
de Damoclès en caoutchouc, puisqu'il aménage tellement de sorties
de secours et de voies de contournement pour permettre au gouvernement de se
soustraire à l'obligation de tenir ce référendum sur la
souveraineté.
Le projet de loi 150, dans sa forme actuelle, est inacceptable pour
l'Opposition officielle et le Parti québécois. Nous n'avons pas
été associés à sa rédaction, comme ce fut le
cas de la loi 90 créant la Commission Bélanger-Campeau, où
on a été étroitement associé à ce projet de
loi. Nous étions partie prenante. Ce n'est pas le cas du projet de loi
150. C'est le projet de loi du gouvernement qui nous appelle aujourd'hui
maintenant au consensus après avoir ajouté, de sa propre
initiative, des dispositions de son cru qui n'étaient pas dans les
recommandations du rapport Bélanger-Campeau et qui en dénaturent
le sens, la portée et la signification. Eh bien, son appel au consensus
sonne faux. Les dispositions relatives au fonctionnement des commissions
parlementaires spéciales sur les modalités d'accession à
la souveraineté et sur les offres de renouvellement du
fédéralisme sont contraires aux règles normales de
fonctionnement et aux coutumes établies de l'Assemblée nationale
et ça, mon collègue et leader de l'Opposition va en parler plus
en détail et va en faire la dé- monstration
irréfutable.
Le gouvernement confond commission parlementaire et comité du
Parti libéral. Ce sont des créatures
téléguidées du "bunker" que l'on veut mettre en place.
Nous ne craignons aucunement de discuter, quant à nous, des enjeux de la
souveraineté en commission parlementaire, mais les dés ne doivent
pas être pipés dès le départ.
Donc, sans amendements substantiels aux dispositions ajoutées par
le gouvernement, entre autres: biffer tous les considérants de son cru,
tel qu'exposé par le ministre tout à l'heure, - mais il semble
bien qu'il y tient drôlement - si on ne biffe pas ces considérants
et si on ne met pas en place des commissions qui fonctionnent selon les us et
coutumes du parlementarisme - on l'a dit, je le répète - nous
voterons contre ce projet de loi 150, sans remords, sans angoisse et sans
regret. Nous ne voulons pas être les complices d'un détournement
de consensus. Nous ne voulons pas être la caution d'une démarche
proposant une autre dernière chance, la quinzième, la
seizième du fédéralisme, qui débouchera
inéluctablement sur un autre échec et qui finira dans les sables
mouvants de la parlote constitutionnelle - nous n'en voulons pas - ou qui
pourrait encore aboutir à une entente à rabais contraire aux
intérêts du Québec. Alors, notre position, si je peux la
résumer très brièvement, M. le Président, c'est:
Non, merci! "No, thanks."
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Sur le même sujet, à
savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur
le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel
du Québec, je cède maintenant la parole à M. le
député de Marquette et adjoint au ministre de la Justice, lois
parlementaires. Allez-y, M. le député.
M. Claude Dauphin
M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec
joie et honneur que j'interviens à ce stade-ci sur le projet de loi 150,
Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et
constitutionnel du Québec. Mais juste avant d'aborder les
différents articles du projet de loi 150, évidemment, je suis un
peu peiné de voir que nos collègues de l'Opposition officielle se
prononcent, à ce stade-ci de nos travaux, comme étant contre le
projet de loi 150.
J'étais un de ceux qui ont siégé comme commissaires
pendant plus de cinq mois au sein de la Commission Bélanger-Campeau et
j'étais un de ceux, avec le député de Lac-Saint-Jean, qui
ont siégé également sur le comité directeur de la
Commission Bélanger-Campeau. J'étais également un des
partisans de l'atteinte d'un consensus au
sein de cette dite commission, consensus au moins sur une
démarche constitutionnelle et politique. Alors, comme je l'ai
mentionné tantôt, je suis un peu peiné de voir que
l'Opposition officielle du Parti québécois se dissocie de ce
consensus qui avait été atteint - et certains
députés sont ici présents - après plusieurs heures
de délibérations au manoir Maizerets, lors de nos travaux.
M. le Président, je lisais hier un des commissaires à
Bélanger-Campeau, M. Claude Béland, qui se demandait pourquoi le
Parti québécois faisait volte-face à ce stade-ci. Il nous
mentionnait - on connaît tous M. Béland qui s'avoue
également souverainiste et qui représente une des institutions
économiques les plus importantes au Québec, avec un actif de 45
000 000 000 $, qui a siégé lui aussi, comme nous, de bonne foi,
à Bélanger-Campeau - il se posait la question: Pourquoi, encore
une fois, le Parti québécois fait-il volte-face? Il avait
d'ailleurs déjà mentionné, il y a quelques mois, que ce
qui l'avait le plus peiné, lui aussi, lors de ces travaux,
c'était de voir que le Parti québécois faisait souvent,
pour des considérations électoralistes, effectivement, faux bond
dans certains cas.
Alors, également, un autre commissaire, M. Lucien Bouchard, nous
disait: II faut absolument adopter la loi 150 au plus vite. Pourquoi ces
commissaires non alignés font-ils des déclarations comme
ça? C'est qu'ils réalisent, après lecture du projet de loi
150, qu'effectivement la loi 150 représente clairement la lettre, le
coeur et l'esprit des conclusions de la Commission Bélanger-Campeau. (11
h 50)
Comme conclusion, la Commission Bélanger-Campeau proposait
notamment qu'il y ait un référendum, un seul
référendum sur la souveraineté du Québec, au plus
tard le 26 octobre 1992. J'ai lu le projet de loi 150. J'ai
écouté le discours du ministre responsable du dossier, le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales
canadiennes. On note très clairement, sans ambiguïté, qu'il
y a un seul référendum de prévu et que ça respecte
intégralement la conclusion de Bélanger-Campeau: un seul
référendum de prévu. Je comprends le député
de Lac-Saint-Jean qui, lui, préfère peut-être, pour des
raisons que j'ignore, se fier plutôt à certains articles de
journaux, se fier à certains commentaires qu'il entend dans les
corridors du parlement, se fier peut-être à des suppositions, des
hallucinations, que le gouvernement n'entend pas respecter le projet de loi
qu'il a lui-même déposé en cette Chambre.
Je note également dans le projet de loi 150 qu'il y aura
création de deux commissions parlementaires spéciales, tout comme
il avait été prévu dans les recommandations et conclusions
de Bélanger-Campeau: une pour étudier les questions
afférentes à l'accession du Québec à la
souveraineté et une deuxième pour apprécier toute offre
nous provenant du gouvernement fédéral. Ces offres, je le
répète, devront lier formellement le fédéral et les
Législatures provinciales.
Le Parti québécois, M. le Président, et nos
collègues et amis, avec qui on s'entend très bien, des deux
côtés, je me souviens, dès le début de nos travaux
sur Bélanger-Campeau, ils avaient, évidemment, une politique qui
était claire, il faut le dire très clairement, c'était la
souveraineté du Québec. Peu importent les intervenants ou les
groupes qui venaient nous faire part de leurs commentaires, revendications ou
propositions, c'était, évidemment, une série de questions
en règle qui suivaient avec un objectif, une obsession, claire je
l'admets, la souveraineté du Québec.
Nous, nous avons entamé ces travaux-là avec une ouverture
d'esprit. Je vois et je constate que la majorité des commissaires sont
ici présents ce matin. Nous avons, évidemment,
écouté les groupes qui sont venus nous présenter des
mémoires. La Commission a reçu plus de 600 mémoires. Nous
avons entendu plus de 267 groupes, organismes, individus et experts. Nous avons
entrepris ces travaux-là, comme je le mentionnais, avec une ouverture.
Nous avons posé des questions. Nous n'allions pas là pour
défendre le fédéralisme canadien à tout crin. Nous
n'allions pas là non plus pour défendre l'indépendance du
Québec à tout crin, nous allions là, respectueux des
dispositions de la loi 90 qui a institué la Commission
Bélanger-Campeau, pour écouter la population, groupes, experts et
organismes et leur poser des questions dans l'objectif et l'intention,
évidemment, de prévoir des recommandations pour l'avenir
politique et constitutionnel du Québec.
Alors, nous avons été signataires de ce rapport
Bélanger-Campeau et nous sommes, évidemment, contents de voir que
le projet de loi 150 respecte intégralement les conclusions de
Bélanger-Campeau. Un peu pour répondre au député de
Lac-Saint-Jean, on a tous une fierté, non seulement comme individus,
mais également comme parlementaires, que ce soit du côté
ministériel ou de l'Opposition. Si, effectivement, selon le
député de Lac-Saint-Jean, l'intention gouvernementale n'est pas
sincère, alors je serais l'un des premiers à décrier ce
jeu-là, si, effectivement, il y a un jeu comme le prétend le
député de Lac-Saint-Jean. Pensez-vous, M. le Président,
que si nous faisons volte-face à l'automne 1992, que si nous disons
à la population du Québec: Le projet de loi que nous avons
adopté à l'Assemblée nationale, les conclusions de
Bélanger-Campeau, on ne les respectera pas, on ne tiendra pas un
référendum, on n'en paiera pas le prix politique? Pensez-vous que
la population va nous pardonner aisément de faire volte-face et de faire
le contraire de ce que nous avons promis de faire? Alors, comme garantie
à
l'Opposition officielle et à d'autres qui s'interrogent et qui se
fient à des suspicions, hallucinations ou présuppositions, c'est
que nous allons payer le prix politique si, effectivement, il y a un danger de
faire volte-face. Et je le répète, je serais le premier à
décrier cette situation de fait, si elle se produisait.
Évidemment, en acceptant les conclusions de
Bélanger-Campeau sur un seul référendum à l'automne
1992, on a également accepté la création de deux
commissions, comme je le mentionnais tantôt: une sur la
souveraineté, une sur les offres, et nos collègues de
l'Opposition officielle ont accepté la création de ces deux
commissions-là. En acceptant qu'il y ait une commission parlementaire
sur les offres, implicitement, ce n'était sûrement pas pour le
plaisir de la chose. Ils ont été cosignataires de ce document, de
ces conclusions de Bélanger-Campeau. Alors, une commission,
évidemment, pourra travailler sur les offres nous provenant d'Ottawa,
les analyser, les apprécier et faire des recommandations à
l'Assemblée nationale du Québec.
Un autre point, M. le Président, que je trouve déplorable
- et j'y ai fait allusion un peu au début de mon intervention - pour le
Québec - je ne parle pas, M. le Président, pour le Parti
libéral du Québec, pour le Parti Égalité ou pour le
Parti québécois - il est important, après 30 ans de
négociations infructueuses, que nous ayons un minimum d'unité -
M. le Président, la démographie est importante au Québec
et je suis fier qu'il y ait des jeunes qui viennent nous entendre à
l'Assemblée nationale - et cette unité-là,
malheureusement, sur un plan stratégique, strictement sur un plan
stratégique, est en train d'achopper, de par l'attitude de nos
collègues de l'Opposition officielle.
M. le Président, nous nous sommes entendus sur une
démarche. Il y a eu presque unanimité sur cette
démarche-là, et je peux vous dire que, dans
l'intérêt du Québec, il est important que nous puissions
rester forts face aux négociations ou face à un meilleur devenir
pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Parlant des considérants, M. le Président, la loi 150
reprend tous les considérants de la loi 90 qui créait, comme je
le mentionnais tantôt, fa Commission Bélanger-Campeau. Il y a,
évidemment, quelques ajouts d'autres considérants. J'en prends un
au hasard, un qui mentionne qu'il devrait y avoir une égale
compréhension des deux options. Je pense qu'on se doit, comme
parlementaires, peu importe de quel côté de la Chambre,
d'éclairer la population du Québec avant qu'elle ait à
faire un choix sur son avenir politique et constitutionnel. On s'entend tous
là-dessus, M. le Président, c'est la population du Québec
qui va choisir, en dernier ressort, son avenir politique et constitutionnel.
L'Assemblée nationale est souveraine, mais le peuple, M. le
Président, pour moi, c'est encore plus fort: c'est le peuple qui est
souverain et c'est le peuple qui va décider, en dernier ressort, de son
avenir politique et constitutionnel.
Un autre considérant mentionne que, vu le rapport
Bélanger-Campeau... Ça, évidemment, ça va de soi.
Il fallait que ce considérant-là soit ajouté. On parle
aussi de deux voies parallèles, une sur la souveraineté et
l'autre sur un fédéralisme profondément renouvelé.
Un autre considérant, M. le Président, mentionne que le
gouvernement conserve sa faculté d'initiative dans
l'intérêt du Québec. Je crois, M. le Président, que,
quand bien même nous avons siégé sur une commission
parlementaire élargie, itinérante, historique et non partisane,
il faut quand même laisser au gouvernement du Québec, élu
par le peuple, le pouvoir de décider, dans le meilleur
intérêt du Québec. l'autre considérant parle que
l'assemblée nationale demeure souveraine. alors, ça va
évidemment de soi, et je pense qu'on n'a pas beaucoup de choses à
dire là-dessus. mais tout ça, m. le président, fait suite
à plusieurs injustices dont le québec a été victime
ces dernières années. j'entendais notre collègue, ministre
de la justice et responsable du dossier, parler de l'acte constitutionnel de
1982, alors que l'ensemble des provinces canadiennes et le
fédéral de l'époque s'étaient entendus pour
modifier la constitution canadienne sans l'accord du québec. il nous
faut, évidemment, m. le président, et je pense que nous sommes
tous d'accord là-dessus, réparer cette injustice qui a
été faite au québec à ce moment-là. (12
heures)
D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, j'étais
député de l'Opposition en 1982. C'est presque à
l'unanimité que tous les parlementaires, des deux côtés de
la Chambre, avaient adopté une résolution condamnant ce geste
unilatéral de l'époque. Nous avons eu ensuite l'accord du lac
Meech, accord auquel le Québec posait cinq conditions raisonnables pour
réintégrer ou pour devenir partie prenante à l'Acte
constitutionnel de 1982.
Alors, M. le Président, ce n'est pas le fait du hasard si,
aujourd'hui, nous avons cette importance par rapport à l'aspect
constitutionnel au Québec actuellement. C'est pour cela qu'il y a un
échéancier serré prévu pour l'automne 1992 afin de
dire à nos partenaires canadiens que nous sommes sérieux, que,
cette fois-là, nous voulons véritablement qu'il se produise des
changements et c'est toute la question de notre démarche qui nous permet
de nous retrouver ce matin avec ce projet de loi 150.
Question des offres nous provenant du fédéral et des
autres provinces. Comme vous savez, M. le Président, notre formation,
politique, le Parti libéral du Québec, a adopté un
programme constitutionnel lors de son dernier congrès plénier.
Évidemment, M. le Président, je pourrais vous dire que nous avons
déjà là un excellent instrument qui va servir à la
commission parlementaire qui aura pour mandat d'apprécier les
offres provenant d'Ottawa. Alors, le rapport Allaire existe, le rapport
Allaire a été adopté à la majorité des
membres de notre formation politique et nous aurons évidemment comme
point de référence ce rapport adopté par le Parti
libéral du Québec, pas comme seul point de
référence, mais l'un des points de référence
importants pour apprécier les offres qui nous proviendraient d'Ottawa et
des autres provinces.
M. le Président, je m'étais engagé avec d'autres
collègues que je limiterais mon intervention à 15 minutes. Mes 15
minutes étant écoulées, tout ce que j'ai à
souhaiter, c'est, d'ici quelques jours, de convaincre les autres membres de
l'Assemblée nationale, plus spécialement les membres de
l'Opposition officielle, de changer l'attitude, changer le comportement, de
voter avec le gouvernement sur le projet de loi 150 afin que le Québec
demeure fort et ait une forme d'unité dans tout ce qui va se produire
dans les prochains mois et les prochaines années dans notre
intérêt. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Marquette. Sur le même sujet, je cède la
parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le
député.
M. Robert Libman
M. Libman: Merci, M. le Président. M. le Président,
pour commencer, en essayant de comprendre le jeu politique du Parti
québécois, je dois souligner le fait que ce projet de loi suit
l'esprit et la lettre du rapport final de la Commission
Bélanger-Campeau. J'étais membre de la Commission et, comme M.
Claude Béland, comme lui, je suis étonné de voir le
changement soudain du Parti québécois, de faire semblant que le
projet de loi 150 mine le rapport final de la Commission
Bélanger-Campeau. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Comme le
député de Marquette l'a bien souligné, ce n'est pas vrai
et je pense qu'il faut reconnaître ce jeu que l'Opposition officielle
essaie de faire.
Mais si, M. le Président, le mandat de la Commission
Bélanger-Campeau établi par le loi 90, adoptée à
l'unanimité le 4 septembre 1990, était de faire des
recommandations à l'Assemblée nationale, faire une recommandation
à l'Assemblée nationale, c'est quoi, M. le Président? Cela
veut dire que cette recommandation peut porter un niveau d'influence mais ne
force pas le gouvernement à agir d'une certaine façon. Notre
système donne toujours au gouvernement le pouvoir de contrôler
l'Assemblée nationale et ça a toujours été clair.
Ça a toujours été clair pendant les
délibérations de la Commission Bélanger-Campeau et pendant
l'adoption de la loi 90, que l'Assemblée nationale pouvait faire ce
qu'elle voulait avec le rapport de cette Commission créée le 4
septembre.
Il faut reconnaître - on ne peut pas le mentionner assez souvent,
M. le Président - qu'il n'y a aucune différence entre le rapport
final de la Commission Bélanger-Campeau et le projet de loi 150. Dire
cela est malhonnête, c'est induire la population en erreur. Si le Parti
québécois croit ou prétend qu'il existe dans le projet de
loi des portes de secours, ces portes de secours ont toujours existé
dans la simple réalité que le gouvernement contrôle
l'Assemblée nationale par sa majorité qui a été
créée dans l'élection de 1989. C'est un fait, M. le
Président, et il ne faut pas oublier cette simple
réalité.
Mais il faut reconnaître - et je pense que c'est trop clair et
ça m'étonne que la population entière ne l'ait pas reconnu
clairement - que le Parti québécois est en train de paniquer. Il
veut jouer à la politique en essayant, par la confrontation et
l'indignation, de réveiller la vague souverainiste dormante au
Québec, même si la population veut que nous nous occupions
d'autres priorités. J'espère que tous les Québécois
réalisent que l'Opposition officielle fait le jeu de la politique et
fait le jeu de la politique sur le dos de la population.
Comme je l'ai dit, M. le Président, le mandat de la Commission
Bélanger-Campeau était d'examiner et d'analyser le statut
politique et constitutionnel du Québec et de faire des recommandations
à l'Assemblée nationale. J'ai eu la chance de participer aux
délibérations de cette Commission qui ont duré six mois.
Et les premiers trois mois, la Commission a entendu un échantillonnage
d'opinions à travers la province de Québec, un exercice qui
était, à mon avis, très éducatif et très
important.
Ce que je crois avoir été extrêmement malheureux et
une expérience négative et non fructueuse, a été la
seconde partie des délibérations de la Commission
Bélanger-Campeau, les réunions à huis clos.
Malheureusement, plutôt que de donner suite au mandat de la Commission,
de recommander un statut politique constitutionnel pour le Québec,
d'analyser, d'examiner le partage des pouvoirs, par exemple, la question de la
Charte des droits ou les vrais besoins constitutionnels du Québec, la
Commission est devenue obsédée par le mot "consensus", par
l'importance d'un consensus qui n'existe même pas dans la population du
Québec, mais d'un consensus pour en venir à une entente de tous
les commissaires sur un plan d'action spécifique pour montrer au reste
du Canada que nous étions unis et, par conséquent, pour
être dans la meilleure position possible pour négocier avec le
reste du Canada. Et cette question de négociation, cette question de
processus, au lieu de la question de fond, est devenue la seule priorité
de la Commission Bélanger-Campeau et une des raisons pour lesquelles
notre caucus a été une des deux seules voix à voter contre
les recommandations de cette Commission.
This exercise, this obsession with reaching a consensus by the
Commission was a travesty,
M. le Président. Instead of recommending a specific
constitutional proposal based on an analysis or on a majority vote of the
Commission, because of the importance of speaking with this one artificial
voice, we ended up with a bastardized final report saying that there seems to
be two tendencies in the population. So, in fact, there is one voice actually
saying to the rest of Canada that there are two options that still exist in the
population.
So, what was the point of the exercise if we worked so hard to have one
voice, but this one voice said that these two tendencies exist, that we all
knew about anyways? We did not even work on recommending a detailed
constitutional status for Québec, only a mechanism and a time frame to
choose an option. And this, in fact, should have been only one of the details
of the final report of that Commission.
But even more infuriating was what was written and what was proposed in
that report, in its vicious attack on the existing federal system and even that
so much was implied that a sovereign State of Québec is viable. But
again, no constitutional proposal was worked on.
This is not what Quebeckers want. This is not what Quebeckers need. This
does not serve us well. The last, last thing that the population of
Québec needs is to be dragged through another 18 months of
constitutional debate. Our economic climate is miserable, our energies have
been exhausted, this uncertainty, this spectre about separation has and will
cost us millions and millions of dollars. And Bill 150, which is the
translation of this ambiguity, will definitely not help the situation. (12 h
10)
M. le Président, il y a deux aspects à ce projet de loi.
Il y a un élément de choc et, en même temps, un
élément sobre. D'un côté, le projet de loi
établit une date pour un référendum sur la
souveraineté, sur l'indépendance du Québec, à
l'article 1. Mais, d'un autre côté, il essaie de stabiliser ce
premier article trop émotif, téméraire, par un
mécanisme plus modéré, plus responsable, en créant
deux commissions parlementaires, une pour étudier et analyser toute
question relative à l'accession du Québec à la pleine
souveraineté et l'autre pour étudier toute offre de nouveau
partenariat de nature constitutionnelle.
Même si le membre du Parti Égalité à la
Commission Bélanger-Campeau a été un des deux seuls
membres à voter contre le rapport final, nous reconnaissons qu'il est
nécessaire que ces commissions soient formées et nous
participerons aux travaux des deux commissions. Nous espérons qu'elles
vont remplir le travail ou la tâche de la Commission
Bélanger-Campeau qui a été ignorée à cause
de cette obsession d'un consensus. Il faut terminer le travail de la Commission
Bélanger-Campeau et j'espère que ces deux commissions vont
remplir cet objectif. Mais nous ne pouvons accepter ou appuyer, même de
la façon la plus réservée, un référendum sur
la souveraineté dans un délai de 17 mois seulement.
M. le Président, ce premier article du projet de loi 150 dit que
le gouvernement du Québec tiendra un référendum sur la
souveraineté du Québec avant le 26 octobre de l'année
prochaine. Le résultat du référendum a pour effet, s'il
est favorable à la souveraineté, de proposer que le Québec
acquière le statut d'État souverain un an, jour pour jour,
à compter de la date de sa tenue. C'est très émotif, c'est
très puissant, cet article, et je suis sûr que, quand l'Opposition
officielle lit cet article, ça lui donne un certain sentiment d'urgence,
un certain sentiment de satisfaction.
Mais, pour le gouvernement, l'article 1 sert à faire deux choses:
les souverainistes se sentent plus confortables avec le projet de loi. Apaisant
les souverainistes du Parti libéral, il sert aussi à mettre un
couteau sur la gorge du reste du Canada, parce qu'il est cru que la seule
façon d'avoir une entente est par la force, par cette confrontation avec
la Fédération canadienne. Nous venons d'entendre le ministre des
Affaires intergouvernementales qui reprend ce discours, ce langage très
"tough" pour montrer au reste du Canada: Soyez prudents. Nous avons ce couteau
dans nos mains et nous allons être forts dans ces négociations. Il
croit que c'est la seule façon d'arriver à une entente
raisonnable.
Mais, M. le Président, le gouvernement, le Parti libéral
qui propose cette législation compte parmi ses députés des
ministres comme Daniel Johnson, Claude Ryan, Pierre Paradis, Sam Elkas, Louise
Robic, Gérald Tremblay, John Ciaccia, Gérard D. Levesque, des
députés comme M. Gobé, le député de
LaFontaine, qui savent fort bien que, juridiquement, ce projet de loi ne lie
aucunement les mains du premier ministre. Mais, eux, ils devront
reconnaître le fort symbolisme inhérent à un tel projet de
loi qui inscrit formellement, pour un parti plutôt
fédéraliste, le Parti libéral, pour la première
fois, leur engagement envers un référendum sur la
souveraineté du Québec.
Cela me dérange, M. le Président. Cela m'inquiète,
M. le Président. Il faut admettre que le fardeau est lourd pour notre
parti. Un caucus de quatre députés à l'Assemblée
nationale est la seule voie qui ne se soit pas gênée de
défendre la Fédération canadienne. Alors, il faut dire
que, pour le Parti libéral, il est temps de faire un choix. Les derniers
sondages sont très favorables; ils indiquent très clairement que
la majorité des Québécois veulent rester Canadiens.
Une voix: C'est faux.
M. Libman: Et ça, sans aucun leadership du gouvernement
dans la question constitutionnelle. Le gouvernement doit préciser aux
Québécois que la meilleure assurance pour la
prospérité du
Québec, pour la stabilité économique du
Québec demeure l'option fédéraliste. Le gouvernement doit
jouer un rôle important dans ce débat, celui de convaincre les
Québécois qui sont indécis, qui sont aptes à croire
les assurances fausses et inexactes de l'Opposition officielle, que leur
meilleur avenir demeure dans la Fédération canadienne. Il faut
oublier, il faut lâcher ceux de votre parti qui poussent pour la
souveraineté et commencer à penser aux meilleurs
intérêts des Québécois et des
Québécoises. Au lieu de suivre les vagues, il faut, comme
gouvernement, propager les vagues. La population attend d'être
convaincue; convainquez-là! Et convainquez-la comme vous savez et dans
son meilleur intérêt, comme Québécois à
l'intérieur du Canada, et le gouvernement ne doit pas hésiter
à affirmer cela. Il compte parmi vous assez de députés qui
croient fermement à cette voie, à cette option.
Il faut amender le premier article "detrimental" du projet de loi 150.
Gardez le reste du projet de loi 150 intact, mais n'imposez pas une camisole de
force, une échéance trop courte, un mécanisme qui soit
trop explosif. Il faut s'asseoir avec le gouvernement fédéral, il
faut s'asseoir avec les autres premiers ministres et trouver une formule. Il
faut oublier la pression de l'Opposition officielle qui ne veut rien de moins
que le démembrement du pays, oublier les nationalistes dans votre caucus
même, oublier ce couteau sur la gorge du reste du Canada et travailler
dans le meilleur intérêt de la population du Québec. C'est
dans cette optique que nous devons concentrer nos efforts et nos
énergies.
For our caucus, whether some aspects of this law can be changed or not,
we cannot support any legislation that has as its first article a call for
sovereignty, for a referendum on sovereignty. We cannot accept the fact that
our Government, elected on a federalist platform, tables a bill calling for a
referendum on sovereignty, a mandate that they never received from the
population of Québec.
The only reason Article 1 is in the Bill is for symbolic purposes and,
legally speaking, we all realize that its presence is not necessary at all and
this is confirmed when we read the sixteenth "whereas" in the Preamble. It
says: "Whereas the National Assembly continues to hold the sovereign power to
decide any matter pertaining to a referendum and to pass appropriate
legislation where necessary."
Of course, this National Assembly continues to hold the sovereign power
to decide any matter pertaining to a referendum and to pass appropriate
legislation where necessary. We all know that. And this is exactly why Article
1 is a complete absurdity. On the one hand, Article 1 tells us the details of
where a referendum will be held. And, it even goes so far as to say, in the
second paragraph of Article 1, that Québec will acceed to sovereignty a
year, to the day, after a yes vote. But then we have the famous "whereas" in
the Preamble, that the National Assembly of Québec, of course controlled
by 91 Liberal seats, has full sovereignty to decide any matter pertaining to a
referendum and to pass appropriate legislation where necessary. If the power is
there to pass legislation where necessary, why do we not wait until it is
necessary before we decide to have a referendum?
Le gouvernement veut jouer à la politique. Ils savent que, s'ils
apaisent le sentiment nationaliste dans cette province, ils peuvent être
de gros types, des types durs qui ont la perception de dire: Regardez-nous,
nous sommes prêts à opter pour la souveraineté. Votez pour
nous et non pour le Parti québécois, puisque nous pouvons
être aussi nationalistes qu'eux.
Mais j'ai un avertissement pour le premier ministre: II joue avec le
feu! Non seulement une telle attitude est-elle mauvaise pour notre
stabilité économique, parce que cela crée une
espèce d'incertitude au sujet de l'avenir du Québec que les
investisseurs ont en horreur, mais elle est malhonnête. Autant, M. le
Président, je n'aime pas l'option souverainiste, autant je reconnais
quand même les droits démocratiques des partis, tel le Parti
québécois, d'aspirer à de tels objectifs et, au moins, de
les représenter. Et pour certains au Québec, cette aspiration
pour la souveraineté est un rêve, est un but de la vie.
Mais, M. le premier ministre, ne jouez pas avec les rêves de la
population. La politique de bâtir une nation est complètement
différente de celle, en comparaison, pour les affaires plus mondaines.
Il y a de graves conséquences à se servir de la
souveraineté comme d'un outil manipulateur pour obtenir ce que vous
voulez. Cette tactique, je vous avertis, ne peut se bien présenter aux
Québécois pour qui la souveraineté est une vision
sacrée. Le premier ministre tend aux nationalistes une carotte au bout
d'un bâton dans l'article 1, puis, sournoisement, dans le seizième
"attendu", il confirme qu'il est tout à fait préparé
à le retirer si le moment et les circonstances lui conviennent et
servent ses buts politiques. (12 h 20)
Another strange aspect of the Bill is Article 6, M. le Président,
which does not allow any offer from either the Federal Government or the other
Governments of Canada to be submitted to the committee that will study offers
unless it is formally binding on the Government making the offers. Mr. Speaker,
even assuming that a government can submit to the committee a binding offer,
the committee has to study that offer. Will the offer be forthcoming in month
1? Hardly likely. Month 10? Perhaps, but not likely. And remember, we only have
17 months at the most. Even if a few provinces were to get offers to us, say by
month 12, we would still have to study it and assess it properly. And will 5
months be enough to call witnesses, read briefs, discuss and debate the
offers?
Then, the Assembly has to debate the offers, vote on them, and, if not
acceptable, hold the referendum, hold the referendum debate, all by October 26,
1992 by the latest. It is virtually an impossible time frame. The provisions of
the Referendum Act state that once the National Assembly adopts the text of the
referendum question, there will be debate, with all the amendments and
subamendments, this will take at least 3 weeks and maybe even as much as 8
weeks. And once the wording of the referendum question is adopted by the
National Assembly, the actual vote, according to law, cannot be held for at
least 20 days. This would leave us with almost no time, according to this most
conservative estimate.
We must therefore amend this Bill this week to at least allow, without
having to reopen the debate later on, when the political climate may be more
emotional, the Government to delay the referendum date if an agreement is being
formulated by the rest of Canada.
Mais au-delà de toutes ces conditions presque impossibles avec
cette échéance trop courte, ce qui est encore plus
irréaliste cependant, ce sont les mots "lier formellement" comme
condition aux offres qui doivent être faites par les gouvernements
fédéral ou provinciaux. Selon l'article 46(2) de l'Acte
constitutionnel de 1982, qui fait partie de la formule d'amendement, il est
dit: "Une résolution d'agrément adoptée dans le cadre de
la présente partie peut être révoquée à tout
moment avant la date de la proclamation qu'elle autorise." Cette Chambre ne se
rappelle-t-elle pas ce que le gouvernement de Terre-Neuve a fait avant la date
de ratification de l'accord du lac Meech? Terre-Neuve a révoqué
le consentement donné par le gouvernement précédent.
Alors, il apparaît être techniquement impossible pour un
gouvernement de faire quelque offre pour "lier formellement" cette commission
parce qu'il est impossible d'être formellement lié.
M. le Président, quand nous avons à faire face à
des circonstances non souhaitées dans la vie, notre liberté de
choix naturelle nous permet de faire un choix, soit de regarder les aspects
positifs des circonstances qui se présentent ou de se résigner
à l'inévitable et d'abandonner. M. le Président, notre
caucus, nous préférons la première solution.
If the discussion about sovereignty and référendums and
whether Québec should leave the Federation is thrust upon us, then let
us exploit this opportunity as an opportunity to examine if, in fact, Canada
has or has not served us well and has served the interests of Québec
well. Many are claiming that Canada does not work, that it does not serve their
special and distinct interests, that splintering into a smaller country will be
the way to face the challenges that lie ahead. But if that is the case, then we
must let this crisis serve as an opportunity to examine whether, indeed, Canada
does not work. And I am confident of the results. Over the next 18 months, I
look forward to each and every Québec nationalist and separatist to take
a look at these results, along with the rest of us, and look at the
alternative. It will not be scare tactics that make the sovereignist side
diminish in the polls, it will be the cold, hard facts of a proven, prosperous
and envied arrangement, an arrangement called Canada.
En conclusion, M. le Président, when one travels across the
world, there is something very special, there is something very significant
about saying that you are from Canada. When one leaves Canada and visits any
other country in the world, instantly one can feel a strong sense of pride.
Canadians have reason to be proud and even to boast to the rest of Canada about
what a great country we live in.
Nous sommes fiers d'être Canadiens, nous sommes fiers d'être
Québécois. Le Québec est non seulement une partie
intégrale du Canada, mais constitue aussi une partie essentielle de la
tapisserie canadienne.
We must celebrate our differences and not hide them. We must all share
in the greatness of our diversity. What we have as Canadians is precious and
rare in the world. So, we must be proud to be Quebeckers, we must be proud to
be citizens of Canada and anyone who wants to damage this reality must be able
to prove that we would otherwise be better off. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de D'Arcy-McGee. Mme la députée de
Johnson.
Mme Juneau: m. le président, en vertu de l'article 213 de
notre règlement, est-ce que le député me permettrait de
poser une question, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le
député de D'Arcy-McGee, vous avez le choix d'accepter ou de
refuser de répondre à une question de Mme la
députée de Johnson. Vous acceptez?
M. Libman: Oui.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Une courte question et
une courte réponse.
Mme Juneau: Certainement. Au début de son intervention, le
député a dit qu'il y avait une majorité de
Québécois qui veulent demeurer dans le Canada. Comme cette
affirmation est contraire
à tous les sondages connus, est-ce qu'il peut me dire où
il a pris ces chiffres pour affirmer aujourd'hui qu'il y avait une
majorité de Québécois qui voulaient demeurer dans le
Canada?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de D'Arcy-McGee.
M. Libman: M. le Président, les trois derniers sondages
qui ont été faits au Québec indiquent très
clairement que la majorité des Québécois n'appuient plus
la souveraineté. Ils ont d'autres priorités...
Une voix: C'est vrai.
M. Libman: ...et peut-être qu'ils commencent à
réaliser que le meilleur avenir pour le Québec reste à
l'intérieur de la Fédération canadienne.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. M. Johnson:
M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): non, je m'excuse. cette
dernière intervention met fin à nos travaux pour ce matin,
travaux que je suspends jusqu'à 14 heures.
(Suspension de la séance à 12 h 26)
(Reprise à 14 h 5)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mesdames, messieurs les députés, nous allons nous
recueillir quelques instants. Je vous remercie.
Veuillez vous asseoir.
Nous allons procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je vous inviterais
à appeler l'article h, s'il vous plaît, de notre feuilleton.
Projet de loi 287
Le Président: À l'article h, j'ai reçu le
rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 287, Loi
concernant Les Coopérants, société mutuelle
d'assurance-vie. Le directeur de la législation a constaté que
les avis ont été faits et publiés conformément aux
règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt
privé. Je dépose ce rapport.
En conséquence, M. le whip en chef du gouvernement et
député de Viau, au nom de M. le député de
Saint-Louis, présente le projet de loi d'intérêt
privé 287, Loi concernant Les Coopérants, société
mutuelle d'assurance-vie. Est- ce que l'Assemblée accepte d'être
saisie de ce projet de loi?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
Renvoi à la commission du budget et de
l'administration
M. Pagé: Alors, M. le Président, je fais motion
pour que ce projet de loi soit déféré à la
commission du budget et de l'administration et pour que Mme la ministre
déléguée aux Finances en soit membre.
Le Président: Est-ce que cette motion est
adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Maintenant, dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions. Mme la
vice-présidente de la commission de l'éducation et
députée de Matane.
Étude détaillée du projet de loi
139
Mme Hovington: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a
siégé le 11 juin 1991 afin de procéder à
l'étude détaillée du projet de loi 139, Loi modifiant la
Loi sur l'instruction publique. Le projet de loi a été
adopté avec des amendements, dont un au titre.
Le Président: Alors, ce rapport est déposé.
Maintenant, dépôt de pétitions. Mme la
députée de Terrebonne.
Retirer la proposition de coupure dans les subventions
publiques au transport en commun
Mme Caron: Merci, M. le Président. Je dépose
l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée
nationale par 1370 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du
Québec.
Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant que la
politique de coupure de subventions publiques du gouvernement à
l'égard du transport en commun constitue une véritable atteinte
à la survie même de ce service public auquel la population a
droit; "Considérant que les victimes d'une détérioration
du transport en commun seraient les personnes âgées, les jeunes,
les plus démunis et la population en général, sans compter
l'impact d'une telle mesure sur l'emploi, l'environnement et l'achalandage du
réseau routier."
L'intervention réclamée se résume ainsi: "Nous,
soussignés, demandons à l'Assemblée
nationale d'intervenir auprès du ministre responsable et du
gouvernement afin de retirer sa proposition de coupure dans les subventions
publiques accordées au transport en commun."
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: Votre pétition est
déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons donc procéder à la période des
questions et réponses orales des députés.
M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: 30 secondes, M. le Président. Avant que...
D'accord, c'était pour m'enquérir de la présence de celui
qui arrive. Donc, nous pourrons correctement commencer la période de
questions.
Le Président: Très bien. Nous allons donc
procéder à la période de questions et réponses
orales.
Je vais reconnaître en première question principale, M. le
chef de l'Opposition.
QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES
Demander aux médecins de renoncer à
toute forme de grève
M. Parizeau: m. le président, le premier ministre ayant
accepté de rencontrer les représentants du corps médical
du québec, il aura à prendre un certain nombre de dispositions,
mais il comprendra aussi que, dans ces conditions, j'intervienne dans la
discussion au point où nous en sommes. le projet de loi destiné
à réorganiser le système de santé au québec
a fait en commission des progrès, je pense, importants. le ministre
disait il y a quelques jours en cette chambre que, si tous les groupes avaient
collaboré autant que l'opposition à ce projet, on serait
passablement plus avancés et, effectivement, nous nous targuons d'avoir
travaillé à bonifier ce projet au fur et à mesure que nous
avancions, grâce en particulier aux efforts du député de
rouyn-noranda-témiscamingue.
Il est clair cependant que nous ne pourrons pas terminer pour le 21
décembre... le 21 juin. Il ne reste que quelques jours de session et
certains éléments majeurs n'ont pas été
abordés, en particulier le fonctionnement des régies
régionales et, d'autre part, il faut probablement s'assurer de la
cohérence de ce qui reste sur la table ou de ce qui a été
amendé. Ce débat qui avance, M. le Président, à
l'heure actuelle est empoisonné par le conflit avec les médecins,
les médecins qui ont obtenu, d'engagement du ministre, la majeure partie
de ce qu'ils demandaient, à l'origine. Mais on me permettra - la chose
est tellement grave, M. le Président, j'es- saie de le faire en dehors
complètement de tout esprit partisan, ici - nous avons... Je sais ce que
c'est une grève de médecins, d'autres dans cette Chambre, de
l'autre côté, le savent aussi et on sait très bien que si
on peut se sortir d'une crise comme celle-là, il vaut mieux faire tous
les efforts nécessaires. Il me semble...
Une voix: Bravo!
M. Parizeau: ...qu'au point où nous en sommes, M. le
Président, on devrait demander aux médecins d'indiquer, pour
clarifier l'atmosphère, clairement et publiquement qu'ils n'iront pas en
grève sous quelque forme que ce soit et que le gouvernement, du
même souffle, dirait, que dans ces conditions, il n'est pas
nécessaire de passer une loi spéciale. Puis-je demander au
premier ministre, puisqu'il va rencontrer les médecins, s'il a
l'intention de leur demander très formellement qu'ils renoncent, et
publiquement, à se servir de la grève, sous quelque forme que ce
soit, de façon à ce qu'on puisse continuer a faire avancer les
choses?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, d'abord, je suis heureux de
voir l'attitude responsable du chef de l'Opposition. Il a signalé le
travail de son critique, le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, et vous me permettrez de signaler
également le travail exceptionnel du ministre de la Santé et des
Services sociaux...
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Bourassa: Comme je le disais hier au chef de l'Opposition,
nous allons, dans quelques heures, à la réunion du Conseil des
ministres, écouter les représentations du ministre responsable
qui a fait des déclarations publiques ce matin qui vont un peu dans le
même sens que les propos du chef de l'Opposition ou c'est les propos du
chef de l'Opposition qui vont dans le même sens que les
déclarations du ministre de la Santé et des Services sociaux.
C'est évident que le gouvernement, d'aucune façon, ne peut
cautionner un droit de grève dans les services essentiels. Il ne l'a
jamais fait. Comme le disait le chef de l'Opposition, nous avons connu aussi
une grève en 1970 alors que nous avions à faire face en
même temps, comme il le sait, à la crise d'Octobre. Nous avons
cette expérience et il n'y a pas le moindre désaccord entre
l'Opposition et le gouvernement sur la nécessité d'éviter
une grève des médecins. Alors, je dis au. chef de l'Opposition
que nous nous rencontrons à 16 heures pour en discuter et que, par la
suite, des décisions seront prises ou des propositions seront
faites.
Le Président: En question principale, M. le
député de Lévis.
Déménagement de Montréal à
Toronto de 12 postes de direction d'Air Canada
M. Garon: M. le Président, hier, le ministre des Finances
et le premier ministre ne semblaient pas au courant et semblaient plutôt
indifférents au déménagement du service du change
étranger de la Banque du Canada de Montréal à Toronto.
Aujourd'hui, on apprend que les transferts des activités des organismes
fédéraux du Québec vers les autres provinces se
poursuivent. Air Canada, après avoir déplacé toutes les
opérations de formation des pilotes à Toronto, à
l'exception de ceux des DC-9, déménagera de Montréal
à Toronto une vingtaine d'employés, dont 12 postes de direction
reliés aux opérations de cette société
aérienne.
Ma question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre peut
nous dire si lui ou les membres de son gouvernement ont été
informés de cette décision et comment l'ont-ils
été?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Sur le premier point, M. le Président, le
ministre des Finances a fait parvenir une lettre aujourd'hui au gouverneur de
la Banque du Canada pour lui signaler l'opposition du Québec à la
décision ou à la présumée décision qui
aurait été prise à cet égard-là,
étant donné son impact sur le pouvoir d'attraction de
Montréal comme centre international sur le plan financier.
Pour ce qui a trait à Air Canada, je m'informerai au ministre
responsable, et le ministre délégué aux Transports pourra
compléter ma réponse à cet égard.
Le Président: Alors, M. le ministre
délégué aux Transports.
M. Middlemiss: M. le Président, au ministère des
Transports, nous n'avons pas été avisés, de la part du
gouvernement canadien, de ce geste. Nous déplorons ce geste. Toutefois,
je dois vous indiquer que mon collègue, le ministre des Transports, doit
rencontrer M. Corbeil vendredi prochain, et je suis convaincu que ce sujet fera
partie des discussions.
Une voix: II n'est pas tellement au courant. Le
Président: En question complémentaire. M. Garon: M. le
Président-Une voix: II n'est pas tellement informé, ha!
ha! ha!
M. Garon: ...à part des rencontres peut-être un peu
inutiles...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: ...est-ce que le premier ministre, lui, va faire
quelque chose suite à cette annonce? Est-ce qu'il entend intervenir avec
fermeté ou, au moins, avec toute la fermeté dont il est capable,
auprès des autorités fédérales afin que le
siège social d'Air Canada à Montréal ne devienne pas une
coquille vide, ou va-t-il agir mollement ou avec indifférence et
encaisser le coup comme il l'a fait pour l'éducation, le
développement régional et le déménagement du
service de change de la Banque du Canada?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: On pourrait donner toute une liste des
échecs, et elle serait très longue, du gouvernement qui nous a
précédés dans ses relations
fédérales-provinciales. Le plus spectaculaire est
évidemment l'abandon du droit de veto. Je n'ai pas besoin de le
répéter.
Tout simplement pour dire au député de Lévis que
son parti est mal placé pour nous faire des remontrances dans la
défense des intérêts du Québec. Alors, nous... Oui,
et comment! Et comment, M. le Président. Pour hurler, ils sont
là, mais pour agir, c'est une autre chose.
Ce que je dis au député de Lévis, c'est que nous
allons faire les représentations, comme on l'a fait dans le cas de la
Banque du Canada. Dès aujourd'hui, une lettre a été
envoyée. Les hauts fonctionnaires avaient été
prévenus en fin de semaine, en fin de journée et nous allons
poursuivre les représentations, comme nous l'avons fait dans plusieurs
dossiers, de manière à assurer la sécurité des
intérêts du Québec.
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Garon: Est-ce que le premier ministre est conscient que la
machine bureaucratique fédérale essaie de transférer en
douce le siège social d'Air Canada de Montréal à Toronto,
que ce transfert des activités d'Air Canada de Montréal vers
Toronto, qui deviendra peut-être Air Toronto, s'est manifesté en
1988 avec la formation des pilotes et que la machine fédérale
tente, par tous les moyens, de contourner la loi qui prévoit que le
siège social d'Air Canada doit être situé dans le
territoire de la Communauté urbaine de Montréal, même si le
ministre des Transports à Ottawa ne le sait pas?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit tantôt au
député de Lévis que nous allons faire toutes les
représentations nécessaires pour défendre les
intérêts du Québec dans ce dossier-là. On a
annoncé qu'il y aurait une rencontre dans les prochains jours à
cet égard-là. Alors, je demande au député de
Lévis de faire confiance au gouver-
nement sur une question. On sait comment c'est important pour la ville
de Montréal sur le plan économique. Alors, je l'assure que nous
allons faire les représentations les plus appropriées à
cet égard.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Lévis.
Maître d'oeuvre gouvernemental de
l'aménagement du centre de ski du Pin rouge
M. Garon: M. le Président, hier, le ministre du Loisir, de
la Chasse et de la Pêche a refusé de déposer en cette
Chambre l'avis technique sectoriel de son ministère sur
l'aménagement d'un centre de ski à New Richmond. Il a
déposé une lettre d'un sous-ministre adjoint qui, curieusement,
ne porte même pas l'en-tête de son ministère, comme une
lettre blanche entre amis, qui révèle au fond que les
fonctionnaires sentaient dès le début que quelque chose d'anormal
se passait dans ce dossier. (14 h 20)
Le ministre a aussi déposé des fiches techniques
préparées en vue du Sommet socio-économique de Carleton
avant même les engagements du ministre responsable du
Développement régional - "Les documents déposés par
le ministre ne constituent pas un avis technique sectoriel permettant à
un autre ministère d'engager des fonds publics dans un projet."
Ma question au ministre responsable du Développement
régional. Le ministre...
Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le
député de Lévis. J'ai une question de règlement par
le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je dois indiquer,
à ce moment-ci, que le député de Lévis
allègue que le ministre aurait refusé de déposer une
étude. Il n'a jamais refusé. Il ne l'avait pas et il n'y en a
jamais eu selon ce qu'il nous a dit hier.
Le Président: Alors, c'est une question qui pourrait
être clarifiée par le ministre dans sa réponse. Donc,
allez-y avec votre question, M. le député de Lévis.
M. Garon: Alors, le ministre responsable de l'OPDQ peut-il
confirmer qu'après la signature de l'entente-cadre de
développement régional de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche a été désigné maître d'oeuvre
gouvernemental dans l'aménagement d'un centre de ski au Pin rouge?
Le Président: M. le ministre responsable du
Développement régional.
M. Picotte: M. le Président, j'ai eu l'oc- casion de dire
au député de Lévis, hier, qu'il y avait une fiche
technique provenant du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche démontrant la faisabilité du dossier. Il y avait
aussi une étude qui nous permettait de nous engager dans le dossier. Il
y avait un promoteur qui acceptait de défrayer et de faire, justement,
ce dossier-là comme il a été fait. Oui, effectivement,
c'est ça. Et vous en avez fait. Dans tous les sommets
économiques, ça a été pareil, quand vous aviez un
promoteur... La plus belle preuve, chacun d'entre vous, partout où il y
a eu des sommets économiques, vous nous avez même
recommandé d'accepter des dossiers de promoteurs sans qu'on aille plus
loin dans chacun des dossiers. Vous avez tous été des gens qui
avez supporté des promoteurs. Donc, faites signe que oui que non, c'est
comme ça, y compris le député de L'Assomption, M. le
Président. Dans les sommets économiques, il est d'accord avec les
promoteurs et il fait toujours en sorte... Hein! Hein! Hein! C'est
ça.
Le Président: Alors, M. le ministre! M. le ministre, s'il
vous plaît! Alors, je vous invite à répondre à la
question en vous adressant, non pas aux députés de l'Opposition,
mais à la présidence, s'il vous plaît. S'il vous
plaît!
M. Picotte: M. le Président...
Le Président: Alors, allez-y en conclusion, M. le
ministre.
M. Picotte: m. le président, il serait difficile de me
tourner de côté pour vous parler et parler aux gens d'en face.
comme eux autres font des mimiques...
Des voix: Ha!
Le Président: Non, non.
M. Picotte: ...ils font des remarques, je réponds.
Le Président: Allez-y avec la réponse, s'il vous
plaît.
M. Picotte: M. le Président, je dis ceci. Il y avait un
avis technique du ministère du Loisir, de la Chasse et de la
Pêche, il y avait un avis favorable du ministère du Tourisme et
nous avons procédé comme nous procédons dans tous les cas,
avec un promoteur dans le dossier. Je présume aussi, et j'en suis
convaincu, que la SDI, qui devait verser les montants, a payé selon les
us et coutumes et les règles établies au niveau de la SDI. Alors,
voilà, tout a été conforme. Il n'y a rien de
spécial dans ce dossier-là, pas plus que dans d'autres.
Le Président: En question complémentaire.
M. Garon: M. le Président, ma question au ministre
était - je voudrais la répéter - Le ministre responsable
de l'OPDQ peut-il confirmer qu'après la signature de l'entente cadre de
développement régional de la Gaspésie et des
Îles-de-la-Madeleine, le ministère du Loisir, de la Chasse et de
la Pêche a été désigné maître d'oeuvre
gouvernemental dans l'aménagement d'un centre de ski au Pin rouge? C'est
ça, ma question.
Le Président: M. le ministre.
M. Picotte: M. le Président, il n'y a rien
d'étrange là-dedans, c'est marqué dans la signature de
l'entente. Je ne sais pas pourquoi le député me pose cette
question-là. À moins que vous ne sachiez pas lire ou que d'autres
de vos conseillers vous aient dit que ce n'était pas tout à fait
ça que vous devriez comprendre.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Garon: Est-ce que la réponse, M. le Président,
c'est oui ou c'est non?
Le Président: M. le ministre.
M. Picotte: C'est inscrit même dans le libellé que
c'est le ministère du Loisir qui est maître d'oeuvre. Ou le
député de Lévis ne sait pas lire ou ses conseillers lui
disent qu'il ne sait pas lire comme il faut non plus. C'est inscrit dedans.
Le Président: Alors, en question complémentaire,
à nouveau.
M. Garon: Question additionnelle au ministre du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche: Pourquoi le ministre persiste-t-il à nier
l'existence d'un avis technique sectoriel de son ministère dans le
dossier du Pin rouge, avis que son ministère a refusé de remettre
à la ville de Carieton le 19 mars 1990, en invoquant la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels?
Des voix: Ah! Ah!
M. Garon: Qu'est-ce que cet avis contient de si honteux pour que
le ministre refuse de le déposer? Je dépose copie de cette
réponse de la responsable ministérielle de la Loi sur
l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des
renseignements personnels, Francine Émond, du ministère du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche.
Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au
dépôt de cette lettre?
Une voix:
Consentement.
Le Président: le document est déposé. alors,
à la question maintenant, m. le ministre du loisir, de la chasse et de
la pêche.
M. Blackburn: C'est important de préciser, M. le
Président, qu'hier, j'ai déposé un avis technique
sectoriel donnant effet que le centre de ski Pin rouge était
développable au niveau du domaine skiable, et c'est un avis sectoriel du
ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Quant à
être maître d'oeuvre, bien sûr que c'est une
responsabilité qui incombe au ministère du Loisir, de la Chasse
et de la Pêche. Pour ce qui est de l'autre partie, quant aux subventions,
comme c'est un organisme à but lucratif qui faisait la demande d'une
subvention, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche
n'était pas capable de répondre. C'est la raison pour laquelle la
SDI a reçu, bien sûr, ce projet. C'est clair, il me semble que
c'est facile à comprendre.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Garon: M. le Président, une question au ministre du
Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Comment le ministre explique-t-il
que c'est son ministère qui est intervenu financièrement et qui a
versé les subventions après le sommet
Chaudiè-re-Appalaches pour l'aménagement des centres de ski du
mont Orignal, du Massif-du-Sud, de Grande-Coulée, du mont Adstock,
même du centre de plein air Saint-Mathieu, etc., et qu'au Pin rouge,
c'est la Société de développement industriel qui est
intervenue? Comment explique-t-il ça?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Blackburn: M. le Président, vous me permettrez de me
poser des questions sur la démarche du député de
Lévis. Pourquoi son argumentation? Pourquoi essayer de trouver des
problèmes alors qu'il n'y en a pas? Il a fait une intervention dans un
poste de radio de la Gaspésie le 19 mars 1990, disant que le projet ne
se réaliserait pas. Maintenant que le projet s'est
réalisé, il cherche des bebites. Ce que je veux juste dire au
député de Lévis, tous les centres de ski qu'il vient de
mentionner étaient des organismes à but non lucratif. On avait le
droit de les subventionner.
Une voix: Bravo!
Le Président: Alors, en question principale, maintenant,
M. le député d'Ungava.
Difficulté éprouvée par
Hydro-Québec à la ligne sous-fluviale
Grondines-Lotbinière
M. Claveau: Oui, M. le Président. La semaine
dernière, j'interrogeais la ministre de l'Énergie et des
Ressources sur les échéanciers, les coûts, les
possibilités de réussite de la ligne sous-fluviale entre
Grondines et Lotbinière, un projet qui coûtera, au bas mot, 150
000 000 $, faut-il le répéter, M. le Président?
Après les tergiversations de la ministre quant aux
difficultés techniques éprouvées dans la
réalisation de câbles de transport d'électricité,
nous avons dû attendre la réponse d'HydroQuébec via les
médias afin de savoir où nous en sommes dans l'état
d'avancement de ce projet. Or, suite aux déclarations de M.
Jacques-André Couture, porte-parole d'Hydro-Québec, à
l'effet qu'il était optimiste quant aux chances de succès de
cette première mondiale, nous disait-il, les Québécois
sont en droit de se demander ce qu'Hydro-Québec entend par "chances de
succès".
Est-ce que la ministre de l'Énergie et des Ressources du
Québec peut nous expliquer, dans le contexte, comment
Hydro-Québec en arrive à affirmer que les
échéanciers seront respectés, alors qu'ils n'ont, au
moment où on se parle, aucune garantie sur la faisabilité
technique des câbles nécessaires au transport de
l'électricité dans le tunnel qui a déjà
été creusé pour un coût supérieur à
100 000 000 $?
Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des
Ressources.
Mme Bacon: Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais dire
au député d'Ungava qu'immédiatement après la
période de questions, je me suis enquise auprès de mes
fonctionnaires. J'ai eu l'information que j'ai mise tout de suite sur le fil
pour que les gens n'impriment pas dans leurs journaux des faussetés
comme on a lues le lendemain. Donc, la presse a eu l'information tout de suite
après de mon bureau.
Je dois dire que le député d'Ungava lui aussi se
promène avec toutes sortes d'informations et il fait
nécessairement une désinformation à la population, en ce
moment. Ce n'est pas 150 000 000 $, c'est 128 000 000 $qui...
Des voix: Ah!
Mme Bacon: Non, non, ce n'est pas 150 000 000 $, c'est quelques
millions de moins. C'est une affaire de rien pour vous autres, quelques
millions, on a vu ça. On a vu ça en 1985.
Le Président: Alors, s'il vous plaît! À
l'ordre! Alors, Mme la ministre, si vous voulez poursuivre. (14 h 30)
Mme Bacon: So what is 22 000 000 $, hein, c'est un peu ça?
M. le Président, la ligne qui doit traverser le fleuve entre Grondines
et Lotbinière, c'est une première mondiale, donc c'est important.
Il n'existe nulle part ailleurs au monde, M. le Président, une ligne
à courant continue, et c'est une innovation qui mérite qu'on s'y
attarde et qu'on prenne le temps de faire passer... Voulez-vous avoir une
réponse?
M. Pagé: M. le Président.
Mme Bacon: C'est une innovation - je répète pour
qu'on comprenne bien - qui mérite qu'on s'y attarde, qu'on prenne le
temps, M. le Président, de faire passer tous les tests
nécessaires. Mais, malgré ça, l'échéance qui
avait été prévue pour cette ligne demeure
inchangée, et la ligne sous-fluviale sera mise en service en octobre
1992.
Le Président: En question complémentaire.
M. Claveau: Lorsque la ministre nous affirme que la ligne sera
mise en service en octobre 1992, est-ce qu'elle dispose d'informations que les
propres concepteurs du câble eux-mêmes n'ont pas? Et est-ce qu'elle
peut nous garantir que la faisabilité technologique des câbles va
faire en sorte que la ligne sera effectivement en place dans les délais
qu'elle vient de nous mentionner, ou s'il s'agit encore là
d'énoncés de principes qui risquent de faire en sorte que les 128
000 000 $ dont elle vient de parler se retrouveront carrément à
l'eau?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Bacon: M. le Président, je voudrais quand même
rappeler que c'est suite à une décision du BAPE que la ligne
sous-fluviale existe, et j'espère que le député d'Ungava
va respecter ça, suivant les discussions que nous avons souvent en
commission parlementaire.
Deuxièmement, le BAPE, en faisant cette recommandation, insistait
pour dire que cette possibilité existait. Donc, nous avons dû
faire des tests. Il y a eu quelques compagnies qui ont été
appelées pour offrir leurs services, et ceux qui sont maintenant... Il y
aura des tests qui seront faits pendant une année, jusqu'à la
possibilité d'installer cette ligne sous-fluviale, en octobre 1992. Et
même avec ça, M. le Président, on gardera les fils d'une
façon aérienne, en attendant que les câbles sous-fluviaux
nous donnent vraiment la possibilité d'être certains que c'est un
bon service qu'on rendra à la population. On aura toujours les
câbles aériens pendant une année encore de plus que les
câbles sous-fluviaux existeront, M. le Président.
Le Président: En question principale, M. le
député de Laviolette.
Utilisation de la "grosse abatteuse" dans les
forêts de la Matapédia
M. Jolivet: Merci, M. le Président. La nouvelle politique
forestière a un des buts qui est de restreindre, voire même, dans
certains cas, éliminer la coupe à blanc. Malgré ce que le
ministre en dit, il y a de plus en plus de coupe à blanc à
travers le Québec, mettant en péril la survie de nombreuses
collectivités locales. Alors que le ministre du Développement
régional demande aux citoyens du Québec et, en particulier,
à ceux de la Gaspésie-Bas-Saint-Laurent de se prendre en main, le
ministre des Forêts, en permettant aux compagnies forestières
d'utiliser de la grosse machinerie, vient contraindre l'ensemble de ses
citoyens soit au chômage, soit au bien-être social, et en
particulier dans la vallée de la Matapédia.
J'aimerais poser la question suivante au ministère des
Forêts: A-t-il donné aux scieries de la région de la
vallée de la Matapédia la permission d'utiliser ce qu'on appelle
dans le langage "la grosse abatteuse" appelée Khoring au
détriment de la petite machinerie traditionnelle appelée
débusqueuse?
Le Président: M. le ministre des Forêts.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, le député de Laviolette devrait savoir par
expérience que le ministre des Forêts n'intervient pas dans le
choix de la machinerie pour l'exploitation forestière. Dans le cas de la
Matapédia, évidemment, toute l'industrie se doit de demeurer
concurrentielle si on veut sauver nos emplois, sinon on perdra tout. Dans ce
cas-là, je n'ai pas de permission à donner et je n'ai pas de
défense à donner non plus.
Le Président: En question complémentaire.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre, par l'autorisation qu'il
donne annuellement par les employés de son ministère, ne l'a pas
donnée, cette permission-là? Et deuxièmement, est-ce que
le ministre ne croit pas que l'utilisation de ces abatteuses se fait au
détriment, dans le cas de la vallée de la Matapédia, de
l'environnement et des travailleurs en emploi forestier?
Le Président: M. le ministre.
M. Pagé: ...sciotte?
Une voix: Au godendart.
M. Pagé: Au godendart? Tendez la main.
Le Président: S'il vous plaît! Je vais demander la
collaboration des gens des deux côtés de l'Assemblée. S'il
vous plaît, Mmes et MM. les députés! Je demande votre
attention, s'il vous plaît. Alors, M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, le député de Laviolette devrait bien savoir
également, encore une fois, qu'on ne peut pas reculer le
développement technologique. Tout ce qui est à notre disposition
aujourd'hui, si on s'en sert correctement, ne fera qu'améliorer notre
position concurrentielle et c'est ce que je demande à l'industrie de
faire.
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Jolivet: Est-ce que le ministre maintient toujours sa
réponse, même au détriment de l'environnement? Est-ce que
le ministre peut nous dire que le choix qu'il vient de faire est à
l'effet de faire en sorte que les besoins des industries sont, pour la
forêt, le service qu'on doit lui rendre? Est-ce que le ministre, dans le
contexte actuel, le choix qu'il fait, c'est que la forêt doit être
au service des industriels et non pas, comme la loi le prévoit, adapter
la forêt aux besoins des industriels et non pas l'inverse? Est-ce que le
ministre peut me dire aujourd'hui qu'il fait ce choix-là, et ce, au
détriment des centaines d'employés qu'il met en cause avec
l'arrivée de ces grosses abatteuses en forêt dans la vallée
de la Matapédia pour la première fois?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je suis allé à Amqui il y a deux semaines et
j'ai rencontré les gens qui, probablement, alimentent le
député de Laviolette sur cette question. Évidemment, le
développement technologique et l'avancement des moyens de la machinerie
font en sorte qu'il y a une diminution de la main-d'oeuvre en forêt -
c'est évident - mais par contre, notre industrie doit demeurer
concurrentielle si elle veut rester en vie. La Loi sur les forêts oblige
les industriels à remettre la forêt en production et nous faisons
en sorte de surveiller cette obligation et par contrat et par la loi.
Actuellement, je vous dirai, M. le Président, que la forêt est en
meilleure condition, en meilleure santé qu'elle ne l'a été
il y a une dizaine d'années.
Le Président: Un instant. M. le leader du gouvernement,
sur une question de règlement?
M. Pagé: M. le Président, pour le
bénéfice de l'échange entre le député de
Laviolette et le ministre des Forêts, pour le bénéfice du
député, je crois qu'il a inversé une phrase et je crains
qu'il ne soit mal cité au Journal des débats, lorsqu'il a
dit que la forêt devait être au service de l'industrie et non pas
l'inverse. Je vous offre la possibilité pour corriger le Journal des
débats. Je suis convaincu que ce n'est pas ça...
Le Président: M. le député de Laviolette
pour une question complémentaire.
M. Jolivet: Merci beaucoup, M. le leader. La question...
Une voix: Hé! Qu'il est bon.
M. Jolivet: ...la question au ministre: Qu'est-ce qu'il donne
comme garantie aux travailleurs forestiers qui vont perdre des emplois
actuellement dans la vallée de la Mata-pédia? Le choix qu'il a
fait, c'est de répondre au lobby des industries au détriment des
emplois en forêt des travailleurs actuels.
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le
Président, je pense bien qu'il faut faire un choix. Est-ce qu'on
retourne vivre dans le passé ou est-ce qu'on vit avec les moyens qu'on
connaît aujourd'hui? Est-ce qu'on préfère que l'industrie
ferme complètement ses portes ou qu'elle survive? C'est le choix qu'on a
à faire. Évidemment, si une industrie se modernise, ça
provoque une activité économique alentour de l'industrie
plutôt qu'à l'intérieur de l'industrie comme ça se
faisait dans le passé, et ce n'est pas créateur d'emplois comme
ça l'a déjà été, M. le Président.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de La Prairie.
Mesures à prendre pour assurer un service
scolaire aux jeunes handicapés
M. Lazure: Merci, M. le Président. Il y a quelques mois,
plusieurs dizaines de jeunes adultes handicapés, de 21 à 25 ans,
qui fréquentent trois écoles spéciales de la CECM à
Montréal ont appris que leur classe serait fermée en septembre et
la même chose se passe dans d'autres régions, notamment en
Mauricie. Ils iront rejoindre la liste de 815 personnes handicapées qui
attendent, parfois depuis sept ans, une place dans un centre de
réadaptation offrant des services d'apprentissage aux habitudes de
travail. Ces jeunes et leurs parents qui sont ici aujourd'hui, qui sont venus
sur la colline parlementaire, sont venus lancer un cri d'alarme à ce
gouvernement, donner la chance à ce gouvernement de démontrer par
des actions qu'il croit vraiment à l'intégration des jeunes
handicapés dans le monde du travail.
La question au ministre de la Santé et des Services sociaux et de
l'Office des personnes handicapées est la suivante: Quelles mesures
va-t-il prendre à court terme pour que ces jeunes soient accueillis en
septembre dans un service approprié ou est-ce qu'ils devront se trouver
devant rien et perdre les acquis durement acquis depuis quelques années?
En d'autres termes, qu'est-ce qu'il a à offrir d'ici à septembre
à ces jeunes-là?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux. (14 h 40)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Je joins ma voix à celle du député de La
Prairie pour saluer les gens qui sont dans les tribunes. C'est une
problématique sur laquelle j'ai eu l'occasion, il y a à peu
près huit semaines, d'échanger de manière plus intensive
avec mon collègue, le ministre de l'Éducation, puisque, comme
vous le savez, je suis un assidu de la commission parlementaire sur le projet
de loi 120 depuis déjà huit semaines et que nous y passons de 9
heures, 9 h 30 jusqu'à minuit tous les soirs et que, malgré ma
bonne volonté, mes déjeuners, mes dîners et mes soupers ne
suffisent pas pour être capable de régler un certain nombre de
dossiers qui devraient normalement requérir mon attention.
J'espère que, dès le début de la semaine prochaine,
j'aurai du temps. Je prendrai donc du temps pour, à nouveau, rencontrer
mon collègue, le ministre de l'Éducation, quant à ce
dossier sur lequel nous avons déjà échangé,
où il faut que, de son côté, il y ait du travail qui soit
fait. Déjà, on a échangé des propositions et nous
aurons donc des solutions qui s'adapteront pour le mois de septembre,
dès le moment où j'aurai pu finaliser le dossier avec lui.
Le Président: En question complémentaire.
M. Lazure: M. le Président, puisque le ministre nous dit
qu'il est trop occupé pour prendre le temps de trouver une solution pour
ces dizaines de jeunes là... Oui, c'est ce qu'il dit. C'est ce qu'il
dit.
Le Président: S'il vous plaît! Un instant, s'il vous
plaît! Alors, M. le député, je vous demanderais, sans
commentaire, de poser votre question. Vous le savez, de tels propos sont
inadmissibles au sens du règlement. Posez votre question.
M. Lazure: M. le Président, je repose la question au
ministre responsable de l'Office des personnes handicapées, non
seulement responsable de la Santé et des Services sociaux mais aussi de
l'Office des personnes handicapées: Est-ce qu'il prendra des mesures
d'ici quelques semaines pour que ces jeunes et leurs parents sachent à
quoi s'en tenir pour septembre prochain?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): m. le président, pour
quelqu'un qui veut comprendre et entendre... si c'était un jeune
parlementaire qui arrivait et qui en était à sa première
semaine au niveau de l'assemblée nationale, je comprendrais qu'il ne
comprenne pas, mais de quelqu'un qui a été ministre, qui a
eu à occuper des responsabilités et qui est dans cette Chambre
depuis déjà un certain nombre d'années, de vouloir
insinuer ce qu'il a insinué c'est fondamentalement plus des raisons
politiques que des raisons de bien servir les citoyens qu'il veut
représenter, qui lui permettent de faire ce genre d'interventions
là, parce que, dans ma première réponse, j'avais dit que,
la semaine prochaine, avec mon collègue, nous serions dans une situation
pour donner des réponses. Alors, c'est bien avant vos deux semaines que
vous me demandez.
Une voix: Bravo!
Le Président: En question complémentaire, M. le
député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint.
M. Gendron: En additionnelle au ministre de l'Éducation,
puisque le ministre de l'Éducation est concerné et qu'il a
accepté de scolariser ces jeunes-là. Récemment, dans une
instruction qu'il a envoyée, entre autres, aux diverses commissions
scolaires, il disait qu'il ne financerait plus les services éducatifs
des plus de 21 ans. Est-ce que le ministre de l'Éducation a fait des
représentations auprès du ministre de la Santé et des
Services sociaux pour s'assurer que l'effort de support éducatif qui
leur a été donné ne tombe pas à vide s'il n'y a pas
une relève qui est assumée par le ministre de la Santé et
des Services sociaux? Parce qu'il y a des coûts sociaux là-dedans
et, pour un gouvernement de comptables, vous devriez regarder ça.
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: M. le Président, on se
réfère à plusieurs centaines de jeunes citoyens
québécois souffrant d'un handicap, qui sont dans nos
écoles malgré qu'ils soient sur le point d'attendre 21 ans ou
encore malgré qu'ils aient atteint l'âge de 21 ans. Écoutez
là, vous avez pris du temps, laissez-moi répondre.
Premièrement, je peux confirmer devant cette Chambre que le
gouvernement du Québec est bien conscient que la démarche
à laquelle ces jeunes ont été conviés les a mis en
contact avec d'autres jeunes. C'est très profitable au niveau de
l'acquisition de connaissances et surtout de la valorisation pour ces jeunes
qui souffrent d'un handicap. Ce qui arrive c'est ceci. La loi stipule...
Pourriez-vous écouter, M. le député de La Prairie, vous
seriez peut-être mieux informé? La loi 107 stipule qu'une personne
qui a atteint l'âge de 21 ans ne peut plus demeurer dans le réseau
secondaire... M. le Président, ils savent tout, apparemment!
Le Président: Un instant, un instant, s'il vous
plaît. Sur une question de règlement, M. le leader adjoint.
M. Gendron: Ça ne se peut pas, M. le Président, de
nous faire à chaque fois l'historique. L'historique on le sait parce que
ma question c'était justement ça. L'instruction du
ministère vient de vous. Justement parce que je sais qu'après 21
ans vous ne vous en occupez plus. Là, vous êtes en train de
prendre trois minutes pour me faire l'historique qu'on est allé
rencontrer les gens. Parlez-nous donc de ce que vous allez faire. C'est quoi
vos représentations que vous avez faites au ministre de la Santé
et des Services sociaux pour assumer la relève en septembre prochain?
Pas votre beau discours. Écoutez!
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, à la question, M. le leader du
gouvernement et ministre de l'Éducation.
M. Pagé: Certainement. Ce n'est pas parce que l'Opposition
revendique qu'elle se doit d'être insultante et de faire fi du
règlement.
Une voix: Voyons donc! Des voix: Oh!
M. Pagé: Ceci étant dit, la première
possibilité - et c'a été évoqué lors d'une
rencontre avec mon collègue, le ministre de la Santé - que ces
jeunes puissent être maintenus en institution scolaire et que,
graduellement... On a invoqué même la possibilité que
ça puisse se faire sur trois ans. C'est clair, ça? Trois ans et
que, graduellement, le ministère de la Santé pourrait prendre le
relais. C'est l'élément auquel nous sommes prêts à
nous asseoir. Premièrement.
Deuxièmement, je peux vous assurer que la volonté du
gouvernement, ce n'est pas de laisser ces jeunes à eux-mêmes,
c'est clair? Troisièmement, ça va nous prendre cependant, si on
en arrive là, un consentement pour modifier la loi 107 de façon
à le permettre. J'espère que vous ne serez pas là pour
causer, pour pérorer et pour placoter comme d'habitude.
Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: ...à l'invitation du ministre, on ne fera
pas comme lui.
Une voix: C'est ça.
Le Président: Bon. Très bien. Alors, maintenant, en
question principale? Alors, en question principale, M. le député
de Westmount.
Lauralco et Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement
M. Holden: Merci, M. le Président. C'est une question que
j'adresse au ministre de l'Environnement. Le 18 avril dernier, cette
Assemblée adoptait une loi urgente qui exemptait la compagnie Lauralco
d'avoir à passer par les audiences publiques sur l'environnement. En
prenant la défense de la décision du gouvernement, le premier
ministre déclarait que les audiences publiques auraient retardé
l'ouverture de l'usine et, par là, auraient fait perdre plusieurs
millions de dollars.
M. le Président, récemment, nous avons contacté les
propriétaires de Lauralco et ils ont dit que l'action du gouvernement a
été rendue nécessaire seulement et uniquement parce qu'il
n'y avait pas de responsable en place au Bureau d'audiences publiques sur
l'environnement. Alors, ma question, M. le Président, c'est: Est-ce
qu'il est vrai que, si le gouvernement n'avait pas tardé à
remplacer le responsable de la commission, on n'aurait pas eu à passer
une loi spéciale et Lauralco aurait été soumise aux
audiences publiques, comme il le faut dans la loi.
Le Président: M. le ministre de l'Environnement.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous me permettrez, M. le
Président, dans un premier temps, pour répondre à la
question du député de Westmount, de préciser son
préambule. La compagnie Lauralco comme telle, la construction de
l'aluminerie au coût d'à peu près 1 000 000 000 $
n'était pas soumise, en vertu de la Loi sur la qualité de
l'environnement et des règlements qui en découlent, à des
audiences publiques. C'était l'installation de deux transformateurs, un
par Hydro-Québec et l'autre par la compagnie Lauralco, quant à
l'installation d'une ligne électrique sur trois quarts de
kilomètre qui était soumise à des audiences publiques. Je
pense que, ceci étant dit, on ne parle pas de soumettre une industrie,
on parle de soumettre une ligne électrique de trois quarts de
kilomètre.
Quant à la deuxième partie de la question du
député, en ce qui concerne la nomination d'un commissaire, la
réponse est négative.
Le Président: En question additionnelle.
M. Holden: M. le Président, la compagnie qui nous informe
que c'est à cause du non-remplacement par le gouvernement, est-ce
qu'elle dit le contraire de la vérité?
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, avant de...
M. Pagé: M. le Président, question de
règlement.
Le Président: Sur une question de règlement, M. le
leader du gouvernement.
M. Pagé: oui, m. le président. c'est une
démonstration comme quoi la question n'est pas admissible. c'est une
question d'opinion purement et simplement.
Le Président: Écoutez, ce n'est pas une
question...
M. Pagé: Ah oui! 77.
Le Président: On demande: Est-ce que, oui ou non, c'est la
situation exacte? Je laisse au ministre le choix de répondre.
M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, j'ai
eu des rencontres avec à peu près tous les intervenants et tous
les intéressés au dossier, et jamais les intervenants ne m'ont
posé la question de la façon que vous me la posez.
Peut-être y aurait-il avantage à ce que vous rencontriez de
nouveau vos informateurs ou qu'on les rencontre ensemble.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Duplessis.
Pêcheurs de la Basse-Côte-Nord
menacés sur deux fronts
M. Perron: Oui, M. le Président. Les petites
communautés de la Basse-Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent, entre
Kegaska et Blanc-Sablon, vivant presque exclusivement des produits de la
pêche, voient leur existence menacée sur deux fronts.
Premièrement, il est question... (14 h 50)
Le Président: Attendez un petit peu, M. le
député de Duplessis. Je vais demander simplement la collaboration
des collègues. Si certains veulent tenir des caucus, je vous invite
à aller à l'extérieur de l'Assemblée. Votre
question, M. le député.
M. Perron: M. le Président, premièrement, il est
question de la création d'une zone réservée aux bateaux
terre-neuviens de moins de 32 pieds dans la région de Black-Tickle,
privant ainsi les usines de fa Basse-Côte-Nord de plus de 30 % des
débarquements. Deuxièmement, il est question que l'Office
canadien du poisson salé disparaisse au cours des prochaines
années, ce qui remet en question beaucoup d'emplois en
Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent.
Lors de sa rencontre avec le ministre fédéral des
Pêcheries, M. Crosbie, en date de lundi dernier, est-ce que le ministre
délégué peut nous indiquer la position qu'il a prise face
à ces deux dossiers et quelles sont les demandes expresses qu'il a
faites au ministre fédéral se rapportant à d'autres
dossiers dans l'est du
Québec au niveau des pêcheries?
Le Président: M. le ministre responsable des
Pêcheries.
M. Vallières: M. le Président, je sais que le
député de Duplessis est très préoccupé par
toutes ces questions. Je veux l'assurer que nous nous en préoccupons
également. Je répondrai en partie à sa question, parce
que, si on faisait le tour de tous les dossiers abordés avec M. Crosbie
lundi dernier, il faudrait amplement plus qu'une période de
questions.
J'irai peut-être à ce qui est considéré comme
étant très urgent. Au moment où on se parle, je sais que
l'ensemble des pêcheurs de la Basse-Côte-Nord vit un
problème particulier en ce qui a trait à la zone de Black-Tickle.
Je vais indiquer au député de Duplessis, et il le sait sans
doute, qu'actuellement il y a une consultation qui est en cours auprès
des pêcheurs de cette zone, mais que cette consultation est menée,
comme on le sait, par une association de pêcheurs de Terre-Neuve. Alors,
on ne se fait pas trop d'illusions sur les résultats de cette
consultation.
Je veux également indiquer au député de Duplessis
toute l'acuité que prend ce problème, plus
particulièrement avec la baisse du niveau de capture qui est
passé de quelque 7000 tonnes en 1984 à moins de 2000 tonnes au
cours de 1990. Alors, j'ai eu l'occasion de rencontrer, dans un premier temps,
M. Valcourt, qui était mon vis-à-vis jusqu'au mois de
décembre. J'ai eu l'occasion de souligner ce problème plus
récemment à M. Crosbie, soit lundi dernier, et plusieurs
discussions ont eu cours. J'ai eu l'occasion de lui faire part d'une
proposition qui semble regrouper l'ensemble des intérêts des
pêcheurs, qu'ils soient de Terre-Neuve ou du Labrador ou, encore, du
Québec et qui viserait à intervenir plutôt sur une zone
beaucoup plus petite que celle qui est proposée, et où on
interviendrait au niveau du nombre de filets maillants plutôt que sur la
longueur des bateaux.
Je pense que ceci permettrait d'en arriver à de
l'équité, à permettre à l'ensemble des
pêcheurs de quelque région qu'ils soient d'être
traités avec impartialité.
Le Président: En question complémentaire.
M. Perron: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre
délégué aux Pêcheries peut prendre l'engagement de
tenir l'Association des pêcheurs de la Basse-Côte-Nord
informée de façon quotidienne ou presque quotidienne en rapport
avec ces deux dossiers? J'aimerais qu'il me donne une réponse aussi sur
la question de l'Office canadien du poisson salé et sur sa disparition
éventuelle.
Le Président: M. le ministre.
M. Vallières: Oui. M. le Président, j'ai
également eu l'occasion, au cours de cette rencontre avec M. Crosbie, de
lui faire part de notre désaccord face à la disparition de
l'office de commercialisation du poisson salé, qui revêt une
importance capitale pour les gens de la Basse-Côte-Nord. Je lui ai
indiqué que ça ne pouvait se faire sans une longue période
de transition et que le niveau de dépendance qui a été
créé dans ce secteur ne pouvait, du jour au lendemain, être
remplacé par le secteur privé.
Je veux assurer le député de Duplessis et l'ensemble des
pêcheurs de cette région que nous continuerons nos interventions
auprès du gouvernement fédéral afin de trouver une
solution qui ne vienne pas mettre en péril ce secteur d'activité
chèrement développé sur la Basse-Côte-Nord.
Je veux également indiquer au député de Duplessis
que pas plus tard qu'aujourd'hui même je parlais avec M. Randy Jones,
qu'il connaît bien, de la Basse-Côte-Nord, afin de le tenir
informé de l'évolution de ces deux dossiers. Je ferai de
même au cours des jours et semaines qui viennent et j'ajouterai à
ces communications celles que j'aurai avec le député de
Duplessis.
Le Président: Une toute dernière question
additionnelle, M. le député de Duplessis.
M. Perron: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre
délégué aux Pêcheries peut nous informer à
savoir s'il est actuellement en train de préparer un programme
spécifique s'adressant aux salaisons de la Basse-Côte-Nord en
remplacement du départ du fédéral par le biais de l'Office
canadien du poisson salé?
Le Président: M. le ministre.
M. Vallières: M. le Président, comme vous le savez,
nous avons chez nous le programme de coopération pour l'avenir des
pêches qui va être mis à jour, dont les données
seront annoncées dans un plus proche avenir possible, qui vise à
bonifier le programme qui avait déjà été mis de
l'avant, qui couvre quelque 50 000 000 $ d'investissements du gouvernement du
Québec dans ce secteur sur une base de cinq ans. Je veux assurer le
député de Duplessis qu'il n'est pas de mon intention de remplacer
l'intervention du gouvernement fédéral en ce qui a trait à
l'Office canadien du poisson salé. Nous avons une entente dûment
signée avec le gouvernement fédéral que nous voulons
respecter, mais il est hors de question que le Québec occupe ce champ de
juridiction qui est actuellement utilisé, occupé par le
fédéral et qui, comme on le sait, comporte des déficits
importants, année après année.
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de
questions.
Il n'y,a pas de votes reportés.
Motions sans préavis. M. le ministre délégué
aux Affaires autochtones.
Motion proposant que l'Assemblée
félicite
M. Ovide Mercredi pour son élection à
titre
de chef de l'Assemblée des premières
nations
M. Sirros: Merci, M. le Président. Je sollicite le
consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion sans
préavis suivante: "Que l'Assemblée nationale du Québec
félicite M. Ovide Mercredi pour son élection à titre de
chef de l'Assemblée des premières nations."
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais juste demander
une suspension de 10 secondes ou 15 secondes, le temps de rencontrer le leader
du gouvernement, parce qu'il était coutume, dans une fin de session,
qu'il n'y ait pas de motions sans préavis. Je n'ai pas été
sollicité personnellement pour la motion sans préavis et je
voudrais savoir.
Le Président: D'accord. Nous allons suspendre quelques
secondes pour permettre aux leaders de convenir entre eux d'une
disposition.
(Suspension de la séance à 14 h 57)
(Reprise à 14 h 59)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Veuillez prendre vos
places, s'il vous plaît. Merci. Alors, nous en sommes à la motion
présentée par M. le ministre délégué aux
Affaires autochtones, motion qui se lit comme suit: "Que l'Assemblée
nationale du Québec félicite M. Ovide Mercredi pour son
élection à titre de chef de l'Assemblée des
premières nations." Est-ce qu'il y a consentement pour débattre
cette motion?
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: ...m'exprimer 30 secondes et dire que j'accorde mon
consentement dans la mesure où les droits de parole seront
limités à cinq minutes pour le parti ministériel, cinq
minutes pour l'Opposition et cinq minutes pour le Parti Equality.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que j'ai un ordre
de la Chambre?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): J'ai un ordre de la
Chambre pour cinq minutes pour un membre du gouvernement, cinq minutes pour
l'Opposition et cinq minutes pour un député indépendant.
Est-ce qu'il y a consentement? Il y a un ordre de la Chambre?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre
délégué aux Affaires autochtones.
M. Christos Sirros
M. Sirros: Merci, M. le Président. Tout en remerciant le
leader de l'Opposition pour son consentement, je tiens à
féliciter, comme je le disais, le nouveau chef de l'Assemblée des
premières nations du Canada, M. Ovide Mercredi. M. Mercredi n'aura pas
la tâche facile - je suis tenté de dire lui non plus - dans les
mois qui viennent, plusieurs sujets d'importance capitale tant pour les peuples
aborigènes que pour le reste du pays tout entier seront sur la place
publique, et M. Mercredi aura certainement un rôle important à
jouer.
Dans les quelques minutes qui me sont allouées, je pourrais
simplement faire mention de quelques-uns de ces débats cruciaux et de la
façon dont je crois que nous devrons les aborder. Effectivement, des
débats...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il
vous plaît! J'ai de la difficulté à entendre M. le ministre
délégué aux Affaires autochtones. Si vous voulez
poursuivre.
M. Sirros: Merci, M. le Président, j'apprécie
énormément. Alors, comme je le disais, des débats cruciaux
devront être abordés: le processus constitutionnel, les droits des
autochtones, l'autonomie gouvernementale, les revendications territoriales, le
développement économique, pour n'en nommer que quelques-uns.
Chacun de ces sujets devra être abordé avec clarté et
être examiné attentivement sous tous les aspects. Nous devrons, je
crois, de part et d'autre, faire montre d'imagination tout en demeurant
réalistes. Nous devrons être généreux tout en
évitant le gaspillage. Et plus que tout, nous devrons nous sentir,
autochtones et non autochtones, conjointement responsables du succès de
cette entreprise. Parce que le succès ou l'échec d'une relation
ne dépend jamais entièrement d'une seule partie.
Je suis de ceux qui croient que le peuple québécois et les
peuples autochtones ont beaucoup en commun. Le Québec et les autochtones
ressentent une même frustration, je dirais, fruit de longues
années de relations infructueuses et d'insécurité quant
à leur survie culturelle. Tous les deux partagent un même
désir profond de se tourner vers l'avenir et d'envisager une nouvelle
relation, que ce soit avec les non autochtones,
que ce soit avec le reste du pays. Tous les deux recherchent une
relation qui serait basée sur la reconnaissance et l'acceptation de leur
spécificité, sur la protection de leurs droits, sur la
reconnaissance de leurs capacités et sur l'acquisition des outils qui
permettraient à chacun d'entre eux de gérer et d'orienter son
avenir.
C'est la raison pour laquelle j'étais particulièrement
heureux d'entendre M. Georges Erasmus, le prédécesseur de M.
Mercredi, reconnaître la solidarité traditionnelle du
Québec pour la cause des autochtones dans la question constitutionnelle.
Je ne peux donc que souhaiter que le nouveau chef de l'Assemblée des
premières nations poursuive dans cette voie de réconciliation
entre le Québec et les autochtones que lui a ouverte son
prédécesseur. Je peux l'assurer que je ferai tout en mon possible
et en mon pouvoir pour faciliter et encourager cette réconciliation.
M. le Président, dans chacun des débats autour des
questions que j'ai mentionnées tout à l'heure, la
résolution satisfaisante, tant pour le Québec que pour les
peuples aborigènes, dépendra de notre capacité de
négocier des arrangements qui rencontreront les aspirations
légitimes des différentes parties. Ces aspirations doivent
être mises de l'avant par tous avec clarté et réalisme.
Elles doivent être discutées en ayant à l'esprit la justice
et l'équité et elles doivent trouver leur expression dans des
arrangements pragmatiques. Dans ce sens, M. le Président, M. Mercredi,
qui se définit comme un personnage, une personne, un leader autochtone
pragmatique, laisse présager une ère de progrès de ce
côté-là.
Un mot, M. le Président, sur ce qui est central dans les
revendications qu'aura à traiter M. Mercredi. L'autonomie
gouvernementale est, de façon claire, une des aspirations majeures des
autochtones. Il s'agira, je crois, de l'une des caractéristiques de
notre nouvelle relation. Notre habileté à trouver le terrain sur
lequel nous pourrons l'exercer, où ça pourra être
exercé d'une façon qui soit compatible avec les aspirations et
les valeurs des autochtones et des non-autochtones, ainsi qu'avec un pays qui
pourra fonctionner de façon efficace, déterminera, en grande
partie, la sécurité et la confiance que nous éprouverons
face à notre relation future. Nos meilleures chances de succès se
trouvent dans nos compétences respectives d'aborder le sujet dans une
perspective pragmatique.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure,
M. le ministre.
M. Sirros: Un dernier mot, M. le Président. Nous avons
choisi ici, au Québec, d'amorcer une réflexion publique par le
biais de l'élaboration d'une politique gouvernementale en matière
autochtone. J'espère avoir prochainement l'occasion d'informer M.
Mercredi, plus en détail, de cette approche et de cette démarche
et, dans l'avenir, d'entretenir avec lui des échanges continus sur des
points d'intérêt commun.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, m. le ministre
délégué aux affaires autochtones. je m'empresse de
reconnaître m. le député de duplessis. m. le
député.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Nul doute que vous
comprendrez mon intérêt pour la cause autochtone et, en
particulier, pour cette motion qui est présentée par le ministre
délégué aux Affaires autochtones, motion que nous
endossons entièrement de ce côté-ci, puisque M. Ovide
Mercredi, le nouveau chef de l'Assemblée des premières nations du
Canada, va dorénavant et pour les prochaines années être le
grand chef, en fait, de toute cette Assemblée et qu'il a sûrement
obtenu beaucoup de support de certains autochtones du Québec qui se sont
présentés à cette assemblée à Winnipeg.
Donc, j'endosse, au nom de l'Opposition, cette motion de
félicitations envers M. Ovide Mercredi. Je tiens, d'ailleurs, à
souligner que l'ancien chef, M. Georges Erasmus, je crois qu'il a vraiment fait
amende honorable au cours des derniers mois face aux paroles qu'il avait
prononcées à l'endroit du Québec et à l'endroit de
la population blanche du Québec, en particulier l'an dernier, lors de la
crise autochtone. Je ne voudrais pas et je souhaite aussi fermement que le
nouveau chef, M. Ovide Mercredi, ne se dirige pas dans le même sens que
l'avait fait, l'an dernier, M. Georges Erasmus, en rapport avec la question du
Québec.
M. le Président, il est clair, net et précis dans notre
esprit, je pense que c'est aussi endossé par le ministre
délégué aux Affaires autochtones, qu'il faudra, dans les
mois qui viennent et même dans les années qui viennent, faire le
maximum pour s'asseoir avec les autochtones, négocier des ententes
concrètes et signer ces ententes-là, afin de régler le
problème une fois pour toutes entre la population blanche du
Québec, la population allophone du Québec et les
représentants et les représentantes des nations autochtones.
Ces ententes à être signées en cours de route
devront effectivement donner lieu à des négociations
extrêmement importantes. Et sur cette question-là, vous
comprendrez, M. le Président, qu'en tant que porte-parole de
l'Opposition officielle en matière autochtone, il me fera toujours
plaisir de parler avec le ministre et même de collaborer avec lui, dans
le sens où ce seront des ententes qui seront négociées et
non pas imposées. D'un autre côté, je pense que le ministre
et le gouvernement, ainsi que les membres de l'Opposition officielle à
l'Assemblée nationale, sont aussi très conscients, en particulier
depuis l'an dernier, où nous avons vécu une crise
blancs-autochtones au Québec, que ce
type de crise là ne doit pas revenir dans le futur et, pour ce
faire, il faut que, des deux côtés, c'est-à-dire du
côté des nations autochtones ainsi que du côté des
gouvernements, en particulier du gouvernement du Québec et aussi de la
population blanche du Québec, l'on comprenne très bien la
situation actuelle et l'on fasse, en quelque sorte, une éducation de
toutes les parties sur les orientations qu'on doit prendre ici, au
Québec, face à la question autochtone.
Maintenant, M. le Président, vous me permettrez de conclure en
disant ceci: Moi, en ce qui me concerne et en ce qui concerne l'Opposition
officielle, il est clair dans notre esprit que, dans le cadre des
négociations avec les représentants et les représentantes
des nations autochtones sur le territoire du Québec, qui demeurent sur
le territoire québécois, ces négociations-là
seraient beaucoup plus faciles, je dis bien beaucoup plus facile, si elles
étaient faites par le gouvernement du Québec, un gouvernement du
Québec responsable et même souverain, face à l'ensemble des
nations autochtones du Québec, les 11 que nous avons reconnues en tant
qu'Assemblée nationale, plutôt que de voir un troisième
gouvernement s'impliquer dans ce dossier qui est extrêmement
complexe.
En conclusion, M. le Président, c'est sûr que j'endosse
entièrement la motion et que je souhaite toutes les chances du monde
à M. Mercredi dans le travail qu'il aura à faire au cours des
prochaines années, parce que je crois que cette personne a
démontré dans le passé qu'elle était vraiment
attachée à cette démocratie, à ces discussions
ainsi qu'à la signature d'ententes, potentielles, entre les nations
autochtones et la nation blanche. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Duplessis. Je reconnais immédiatement M. le
député de Jacques-Cartier. (15 h 10)
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. Nous voudrions aussi
féliciter M. Ovide Mercredi pour son élection.
I would like to say a little about some of the remarks from my colleague
for Duplessis at the moment as well, but let me begin by saying something about
the significance of this election. It appears to all of us that the
Autochthonous people, the Native people of Canada, have developed a much more
intense sense of political organization and of political involvement, and
sometimes, we know, a political confrontation both with Canada as a whole and
its various component parts, in the last few years.
I think a development like this was probably bound to come, precisely
because the Native peoples of Canada, while they have suffered many problems
and many injustices, have also scored their outstanding successes. Today, they
are not an uneducated people. In fact, their leadership is a highly
sophisticated one, frequently with a background either in academia or in law.
This has given them a better and better sense of exactly how they can deal with
Government and exactly the kind of problems that they are likely to face with
Government.
At the same time, from about the 1960s, there has been a degree of
self-assertion in almost all of the peoples who found themselves submerged by,
if you like, the high tide of European power about a century ago. That includes
the Native peoples of Canada who, in a way, were submerged from the period well
before Confederation up until recent times. They did not accept that process
enthusiastically; they sometimes engaged in open rebellion, they always found
ways to indicate their discontent but now, they know how to make their
arguments explicit and they have shown their capacity, in the Québec
case, of using the media with at least as much a sophistication as anyone in
this Assembly.
There is, however, some cause to emphasize the bridges and connexions
between the Native people of Canada and Quebeckers and Canadians as well. For
all of the kind of things we hear about in politics, it should be remembered
that the people we are talking about are Canadians; they are part of a common
culture and civilization as well as having one of their own. It is perhaps
worth noting that the last leader of the First Nations was called Erasmus and
the new one is called Ovide, that we are not talking about a world of people
outside our experience and they know that we are not entirely outside their
experience either.
When it comes to the question of how to deal with them in the matters of
simplicity of Government or a single Government of Québec, I am not so
sure that I would agree with my colleague for Duplessis. The crisis that took
place last summer, while it was messy, was in some respects characteristically
Canadian. The tangle of authorities at all levels of Government on both the
Native side and the Canadian and Québec side, while it produced elements
of both tragedy and comedy as far as media representation was concerned after
all, at least, did not get anybody killed and did not produce a
catas-trophy.
In many respects, if we look at that crisis and we consider the way it
might have turned out in many places in the world, it could have been an awful
mess. So, despite the fact that at times it embarrassed all of us, I am sure, I
think that we and the Native peoples have certain things to be thankful for,
even our messy system of Government. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M.
le député de Jacques-Cartier. Est-ce que la motion
présentée par M. le ministre délégué aux
Affaires autochtones qui se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale
du Québec félicite M. Ovide Mercredi pour son élection
à titre de chef de l'Assemblée des premières nations", est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Pas
d'autres motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Bélisle: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui de 20 heures à 24 heures, ainsi que
demain le jeudi 13 juin 1991, de 10 heures à 12 h 30 à la salle
Louis-Joseph-Papi-neau, la commission des affaires sociales poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi 120, Loi sur les
services de santé et les services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives.
De plus, M. le Président, après les affaires courantes
jusqu'à 18 h 30 et de 20 heures à 24 heures ainsi que demain le
jeudi 13 juin 1991, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil
législatif, la commission de l'aménagement et des
équipements poursuivra l'étude détaillée du projet
de loi 145, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant
les finances municipales.
Enfin, M. le Président, de 20 heures à 24 heures, à
la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May ainsi que demain le jeudi 13
mai 1991, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La
Fontaine, la commission du budget et de l'administration poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi 136, Loi modifiant de
nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions
législatives d'ordre fiscal.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vos avis sont
déposés, M. le leader adjoint du gouvernement. Est-ce qu'il y a
des renseignements sur les travaux de l'Assemblée?
Une voix: Non, monsieur.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ceci termine les
affaires courantes.
Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: L'article 24, M. le Président.
Projet de loi 149
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude détaillée
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 24,
l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du
budget et de l'administration sur le projet de loi 149, Loi sur le plafonnement
provisoire de la rémunération dans le secteur public, ainsi que
les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M.
le ministre délégué à l'Administration et à
la Fonction publique et président du Conseil du trésor.
Décision du vice-président sur la
recevabilité des amendements proposés
En ce qui a trait aux amendements qui ont été
présentés, la présidence a autorisé hier et ce, de
façon exceptionnelle, les leaders des groupes parlementaires à
formuler quelques remarques quant à la recevabilité des
amendements déposés par le président du Conseil du
trésor au rapport de la commission du budget et de l'administration sur
le projet de loi 149, Loi sur le plafonnement provisoire de la
rémunération dans le secteur public. Après avoir entendu
l'argumentation des deux leaders des groupes parlementaires et pris cette
question en délibéré, j'en viens aux conclusions
suivantes, quant à la recevabilité des amendements aux articles
29 et 30 proposés au rapport du projet de loi 149.
Premièrement, en ce qui concerne l'amendement à l'article
29, je le déclare irrecevable, puisque cet amendement va à
l'encontre du principe de la motion principale. Ainsi, l'article 29 du projet
de loi vise à modifier la Loi assurant la continuité des services
d'électricité d'Hydro-Québec par le remplacement de
certains mots à l'annexe I de cette dernière loi, alors que
l'amendement vise l'abrogation pure et simple de cette loi, le tout
contrairement à l'article 197 du règlement. L'amendement
proposé à l'article 29 du projet de loi ne fait pas que
supprimer, dans sa forme actuelle, l'article 29 du texte de loi, on supprime la
loi entière qu'on devait initialement simplement modifier.
Quant à l'amendement à l'article 30 du projet de loi 149,
je me dois de le déclarer tout aussi irrecevable, puisqu'il est
directement lié à l'amendement proposé à l'article
29. En effet, un amendement doit être rejeté s'il dépend
d'un amendement qui fut jugé irrecevable.
Pour ces motifs, je déclare les amendements proposés aux
articles 29 et 30, à l'étape du rapport, irrecevables. En
conséquence, ces amendements ne peuvent être joints au
rapport.
Adoption du rapport
Est-ce qu'il y a des députés qui veulent intervenir sur le
rapport? Est-ce que le rapport sur le projet de loi 149 est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Des
voix: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division.
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: Oui, M. le Président. Alors, je vous
demanderais d'appeler l'article 6 de notre feuilleton, s'il vous
plaît.
Projet de loi 150 Reprise du débat sur
l'adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6,
l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet
de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique
et constitutionnel du Québec. Et je reconnais Mme la présidente
de la commission de l'éducation et députée de
Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée.
Mme Louise Harel
Mme Harel: Merci, M. le Président. Ce matin, le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes
concluait solennellement le discours qu'il prononçait sur le projet de
loi 150 par le plaidoyer suivant: "Après 30 ans de rendez-vous manques,
disait-il, celui-ci - en parlant du prochain - sera déterminant." Et le
ministre donnait par ce discours le coup d'envoi de la dernière,
dernière chance de renouvellement du fédéralisme. Pas un
mot durant tout ce discours pourtant sur la première chance que le
gouvernement libéral prétend donner à la
souveraineté avec le projet de loi 150, même pas un mot pour
sauver les apparences.
L'inquiétude du ministre, et on le comprend avec les revers qu'il
a subis, est que son message de dernière chance ne soit même pas
suffisamment pris au sérieux et, comme on dirait en
québécois, vire à rien, comme des dizaines et des dizaines
de tentatives de renouvellement qui ont déjà eu lieu.
M. le Président, pourquoi est-ce que cette fois-ci ça
serait la bonne, comme le prétend le ministre
délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes?
Pourquoi ce rendez-vous serait-il plus déterminant que les autres
rendez-vous manques d'avant? Et des rendez-vous manques, il y en a eu et de
très nombreux, si l'on pense que les premières rencontres pour
amener des changements constitutionnels ont eu lieu en 1897 et que depuis 1927,
pas moins de 35 conférences constitutionnelles ont été
convoquées et ont constitué des rendez-vous manques. (15 h
20)
M. le Président, on n'a évidemment qu'à se rappeler
comment cette crise canadienne s'est succédé au fil des
décennies et des commissions royales d'enquête, de Rowell-Sirois,
en passant par Laurendeau-Dunton, par Pépin-Robarts, par Macdonald et
par l'actuelle commission Spicer, pour enfin constater que Meech a
été, pour les Québécois, le dernier épisode
des tentatives ratées pour donner au Québec un prétendu
statut distinct dans la Constitution canadienne. M. le Président, cette
fois-ci, le rendez-vous serait plus déterminant, nous dit le ministre.
Certainement pas à cause de la nature, de l'importance, du contenu, du
volume des revendications que le gouvernement a mis de l'avant ce matin. Rien
de plus que Meech qui était pourtant insuffisant aux yeux de la
très grande majorité de tous les Québécois et
Québécoises qui sont venus de toutes les régions du
Québec devant la Commission Bélanger-Campeau.
M. le Président, cette Commission Bélanger-Campeau, sur
laquelle j'ai eu la fierté de siéger, disait pourtant qu'un
référendum, en 1992, devait se tenir quelles que soient les
offres du fédéral sur la souveraineté. Malheureusement, le
gouvernement a détourné cette vision qu'en avait la Commission
Bélanger-Campeau pour en faire un référendum en 1992 pour
avoir des offres fédérales et non pas, M. le Président,
indépendamment des offres fédérales. je dois vous dire que
le principe sur lequel nous intervenons à ce moment-ci de nos travaux,
le principe en cause avec le projet de loi 150, m. le président, ce
principe, c'est celui de renouveler le fédéralisme comme le
prétend le gouvernement, et le moyen pour y arriver, c'est la menace
d'un référendum sur la souveraineté. alors, vous
comprendrez pourquoi nous avons décidé, nous de l'opposition, de
nous opposer en votant non en deuxième lecture, contre ce que l'on veut
nous faire évidemment avaler, m. le président, puisque la
souveraineté n'est présentée que par défaut, par
dépit, par omission, par intimidation, pour menacer, comme police
d'assurance si tant est que le minimum que le gouvernement veut négocier
n'était pas à nouveau octroyé. ces rendez-vous sont
manques, m. le président, depuis si longtemps qu'on oublie de tirer les
leçons qui s'imposent de toutes ces tentatives ratées, de tous
ces rendez-vous manques et de tous ces échecs constitutionnels, et la
question qui est incontournable et qu'il faut maintenant se poser, c'est:
est-ce que le rendez-vous qui serait réussi et celui auquel les
québécois souhaitent être conviés, n'est pas
justement celui de la souveraineté?
M. le Président, j'entendais ce matin le cri du coeur
lancé par le ministre des Affaires intergouvernementales qui, à
un moment donné, est sorti de son texte pour poser la question suivante:
Pourquoi cette résistance - et je cite - si forte à
l'égard de la société distincte? Mais est-ce que ce n'est
pas justement là la
question centrale, !e coeur, l'enjeu principal du débat qui est
devant nous présentement? Pourtant, il y a longtemps qu'on décrit
le Québec comme une société distincte.
Depuis le rapport de la Commission royale d'enquête sur le
bilinguisme et le biculturalisme, la commission Laurendeau-Dunton en 1965, dont
le paragraphe 104 justement était intitulé "La
société distincte", il y a 26 ans pourtant, jusqu'au texte, l'an
passé, de l'accord du lac Meech. M. le Président, est-ce que,
finalement, le noeud du problème, ce n'est pas fondamentalement ce que
mon collègue de Lac-Saint-Jean décrivait ce matin comme
étant le choc des visions, le choc des identités, le choc des
perceptions, ce qui fait que les Canadiens perçoivent les francophones
comme une minorité et que les Québécois, eux, se
perçoivent comme une majorité, cet antagonisme qui fait que les
Canadiens perçoivent la langue française comme la langue ethnique
des seuls Canadiens français, à protéger pour des raisons
historiques, tandis que, pour les Québécois, la langue
française, c'est le moyen privilégié permettant
l'appartenance à la société québécoise de
personnes de toute origine?
Profondément, M. le Président, est-ce que ce n'est pas sur
la conception même que nous nous faisons de cette société
originale et spécifique qui s'est développée au
Québec et qui a développé ses institutions politiques,
scolaires, sociales, culturelles, économiques, qui a
développé ses organisations, sa culture, son genre de vie, ses
objectifs politiques, des objectifs nationaux différents de ceux
définis par le Canada?
M. le Président, j'ai eu la curiosité, comme le fait
souvent le député de Lac-Saint-Jean, d'aller chercher dans la
définition qu'en donnent nos dictionnaires le mot "distinct" pour me
rendre compte qu'il y avait peut-être là matière à
trouver explication dans ce qui va sans doute à nouveau, compte tenu de
l'annonce faite du désir du gouvernement de renclencher les
négociations qui sera sans doute à nouveau un rendez-vous
manqué et, dans cette conception même de ce qu'est une
société distincte. "Distinct", nous dit le dictionnaire, c'est ce
qui ne se confond pas avec quelque chose d'analogue et de voisin. "Distinct",
c'est autre, c'est différent, c'est indépendant, c'est
séparé.
M. le Président, dans cette définition même qui
constitue le coeur de ce qui nous divise, on voit bien que dans cette
affirmation il y a là matière évidemment à
poursuivre ces rendez-vous manques. C'en sera sans doute un autre de plus qui
s'ajoutera à la panoplie de toutes ces tentatives qui ont
échoué jusqu'à maintenant.
C'est d'autant plus grave que, pourtant, l'heure exigerait que l'on ait
en main tous les instruments pour remédier aux problèmes auxquels
est confrontée la société québécoise. Et, au
fur et à mesure des besoins nouveaux, des changements sociaux qui ont
bouleversé notre société, il y a deux niveaux de
gouvernement qui sont intervenus en créant une sorte de désordre
pour dédoubler le plus souvent les programmes et l'administration de ces
programmes. On l'a dit souvent, ce sont des mots qui sont
répétés où que nous soyons dans la
société, ces mots qui reviennent, de confusion, de duplication,
de dédoublement, d'absence de concertation, d'enchevêtrement,
d'incohérence, d'inefficacité.
M. le Président, ces mots-là me font mal parce que j'ai
l'impression que c'est une litanie qui, d'une certaine façon, accentue
notre impuissance. Les exemples sont nombreux évidemment. Je n'aurais
pas assez de toute la fin de cette session pour les multiplier, mais qu'il me
soit permis simplement d'en donner quelques exemples où Québec et
Ottawa se concurrencent et où, finalement, les Québécois
sont en difficulté, compte tenu de la paralysie que créent ces
collisions entre les gouvernements.
Quelques exemples. Prenons ce changement percutant qui est intervenu
dans l'organisation de notre société et qui fait que les
mères de jeunes enfants travaillent en proportion croissante. En 10 ans,
c'est une progression vertigineuse de 90 % d'augmentation des mères de
jeunes enfants sur le marché du travail. Et on se rend compte qu'avec
ces changements, il y a là des questions importantes qui se posent,
à savoir: Comment financer et organiser la garde des jeunes enfants?
Comment maintenir le revenu des femmes enceintes ou en congé de
maternité? Comment régir les congés parentaux en regard
des normes du travail? Comment garantir le recyclage des femmes moins
qualifiées pour les nouveaux emplois payants?
Et là, ce dont on se rend compte, c'est que, d'une part,
l'assurance-chômage, administrée par le fédéral
seulement, même s'il s'est totalement retiré de son financement,
offre, de son côté, un semblant de congé de
maternité pendant que Québec, inquiet de son taux de
natalité, jongle toujours avec l'idée d'une caisse de
congés de maternité. D'un autre côté, Québec
subventionne les garderies et offre une déduction d'impôt aux
parents pendant qu'Ottawa examine la possibilité d'une politique
nationale de garde d'enfants et offre ici sa propre déduction.
En matière d'aide aux familles, les politiques se paralysent, M.
le Président. Le fédéral rend imposables ses allocations
qui augmentent jusqu'à 18 ans, selon l'âge des enfants au
fédéral, pendant que Québec offre, au contraire, une
allocation non imposable, plus généreuse au moment de la
naissance des enfants de bas âge jusqu'à six ans. (15 h 30)
La liste des contradictions pourrait s'allonger à l'infini en
matière d'habitation, de logement, de main-d'oeuvre, de formation
profession-
nelle, de communication, d'immigration malgré cette entente qui
n'accorde dans les faits, au Québec, qu'un pouvoir de sélection
sur la moitié du mouvement d'immigration et, encore là, si c'est
l'exemple qu'on veut nous donner, un pouvoir à l'intérieur des
paramètres définis par le gouvernement fédéral.
M. le Président, j'aimerais vous citer ce qu'un
vétéran des conférences constitutionnelles, l'ex-plus haut
fonctionnaire du gouvernement du Québec reconnu notoirement pour sa
probité et sa loyauté à l'égard du Québec et
des gouvernements, de tous les gouvernement qui s'y sont succédé,
est venu déclarer devant la Commission Bélanger-Campeau. Ce
vérétan des conférences constitutionnelles qui
participait, d'ailleurs, à titre d'expert, à la dernière
qui eut lieu l'an passé, disait, et je le cite: "II est dans
l'intérêt du Québec de devenir une nation pleinement
souveraine, c'est-à-dire jouissant du pouvoir exclusif de faire ses
lois, de percevoir ses impôts et de conduire ses relations
internationales."
Pour employer les termes de la question référendaire de
1980, la raison de cette conviction est simple: c'est que cela est dans la
nature des choses et conforme aux lois de la vie. Que nous le voulions ou non,
affirmait M. Louis Bernard devant la Commission Bélanger-Campeau, nous
sommes une nation, nous devons avoir la lucidité de l'admettre et le
courage d'en tirer les conséquences. Si nous voulons apporter notre
contribution au progrès de l'humanité et garantir le
développement de notre société unique et
singulière, nous devons assumer nous-mêmes la
responsabilité de notre propre destin. Être maître chez soi,
ce n'est pas seulement un droit, mais également un devoir. M. le
Président, c'est de ça qu'il s'agit: assumer la
responsabilité de son propre destin comme peuple, être responsable
de ses bons comme de ses mauvais coups. Et M. Bernard ajoutait: "Je crois que
si des gestes décisifs ne sont pas posés pour vraiment faire
avancer les choses, nous nous condamnons à tourner en rond, que la
situation risque de se dégrader et que la solution du problème
n'en sera que plus difficile. Il y a des moments de grâce où il
faut saisir l'occasion."
M. le Président, oui, il y a un désenchantement,
présentement, dans la population. Les projets
référendaires du gouvernement ne sont plus pris au sérieux
par personne, l'insatisfaction des Québécois atteint des sommets
à l'égard du gouvernement et le désenchantement
également. M. le Président, il y a des urgences à agir et
nous sommes dans cette période où il y a urgence d'agir,
notamment à l'égard d'une préoccupation à laquelle
est confrontée toute la société et qui est celle de la
pauvreté et du chômage. La question de l'emploi est au coeur des
préoccupations de tous les Québécois qui se sont
présentés devant la Commission Bélanger-Campeau, qu'ils
soient des représentants d'entreprises, des travailleurs, des
représentants d'as- sociations étudiantes, de familles,
d'organismes régionaux et particulièrement les jeunes. Ils sont
venus nous dire que la souveraineté n'était pas un idéal
vague et lointain, mais un moyen efficace d'agir sur les vrais problèmes
comme celui du chômage.
M. le Président, comment, d'ailleurs, imaginer qu'un gouvernement
provincial pourrait véritablement mettre en oeuvre une politique de
l'emploi, quand il ne contrôle même pas les prérequis
essentiels comme la formation professionnelle, l'assurance-chômage, le
placement de la main-d'oeuvre, l'immigration, le développement
régional, la sécurité du revenu, la recherche et le
développement? En matière d'emploi, un des vices majeurs du
système fédéral canadien est de paralyser tout effort
financier additionnel consenti par le gouvernement du Québec et qui
veut, sur son territoire, augmenter le nombre d'emplois puisque, M. le
Président, ces efforts additionnels financiers qui sont consentis sont
réduits d'autant des dépenses fédérales en
matière de prestations d'assurance-chômage, de
péréquation, de programmes de transfert ou par l'augmentation des
recettes fiscales du fédéral. C'est là un des vices
majeurs du système qui nous étrangle présentement.
À ce moment-ci de notre histoire, où nous sommes
confrontés au plus formidable enjeu qui consiste à concurrencer
des sociétés qui, sur le plan des marchés, sont devenues
des concurrents très proches, il nous faut massivement mobiliser toutes
nos énergies, au moment même où nous sommes
complètement démunis, puisque tous les efforts que nous pourrions
faire comme société et que nous devrions faire comme
société, tous ces efforts que nous devrions consentir pour nous
donner une véritable politique de l'emploi... Toutes les personnes qui,
de près ou de loin, ont travaillé sur le dossier de l'emploi et
particulièrement, évidemment, l'ensemble des organismes qui
composent le Forum pour l'emploi et qui représentent tous les secteurs
de la société québécoise sont conscients que, dans
le système fédéral actuel, une politique de l'emploi est
complètement paralysée par l'incapacité dans laquelle nous
sommes de l'articuler, de la financer sans que ça vienne, par un effet
pervers, se retrouver dans les coffres, comme recettes du gouvernement
fédéral.
Le plus bel exemple, le plus récent, c'est le crédit
d'impôt à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre
institué par Québec pour fournir une aide de 100 000 000 $ par
année aux entreprises. C'est un malheureux exemple puisque,
considéré comme un profit pour l'entreprise qui
bénéficie du crédit d'impôt par le gouvernement
fédéral, ce crédit d'impôt, entièrement
financé par Québec, est imposé par Ottawa, et l'effort
financier de Québec se retrouve en grande partie dans les coffres du
fédéral. Plaider en faveur d'une autre dernière chance au
fédéralisme, comme le fait le gouvernement libéral, c'est
se
résigner au régime actuel, avec l'insoutenable
réalité du chômage pour 825 000 de nos concitoyens sans
emploi.
La souveraineté offre la vraie première chance de
réussir une politique de l'emploi indispensable à la
dignité, à la prospérité et à la
sécurité culturelle du peuple québécois. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, mme la
députée de hochelaga-maisonneuve. je reconnais maintenant m. le
député de laval-des-rapides.
M. Guy Bélanger
M. Bélanger: M. le Président, il me fait plaisir
d'intervenir sur ce projet de loi qui, pour moi, s'inscrit en directe
continuité avec les efforts que nous avions produits à la
Commission Bélanger-Campeau. J'ai été membre de la
Commission Bélanger-Campeau et même de l'exécutif de cette
commission, donc j'ai pu suivre ses travaux dans tous ses détails, dans
tous ses méandres et, croyez-moi, avec un intérêt sans
cesse renouvelé.
Donc, si on veut faire un petit peu l'historique de ce qui nous
amène à parler du projet de loi 150 aujourd'hui, on devrait
remonter à il y a à peu près un an, jour pour jour. Il y a
un an, exactement à cette période-ci ou à ces heures-ci,
on attendait les résultats de Meech. On sait que c'étaient les
dernières tractations et que l'échéancier approchait. On
en connaît aussi les résultats, Meéch a été
rejeté. C'est alors que le premier ministre, M. Bourassa, avait fait une
déclaration solennelle à l'Assemblée nationale, dans
laquelle déclaration il laissait voir qu'il formerait une commission qui
aurait comme mandat d'analyser ou de regarder l'avenir politique et
constitutionnel du Québec qui rendait nécessaire, finalement, la
redéfinition de notre statut au niveau constitutionnel. Donc, c'est dans
ce sens-là et c'est à ce moment-là que
Bélanger-Campeau a été créée.
Par la suite, évidemment, il y a eu les tractations avec le chef
de l'Opposition et je pense que les deux parties s'étaient
unanimement... et, dans un geste sans précédent à cette
Assemblée, elles ont travaillé conjointement à former
cette commission-là et avaient défini, entre autres, à
l'article 2 de la loi qui la formait: "La Commission a pour mandat
d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du
Québec et de formuler à ces égards des recommandations."
On se rappellera que cette Commission était formée de membres
représentant les milieux municipaux, les milieux scolaires, les milieux
artistiques, les milieux de la culture, les milieux de la coopération le
milieu des affaires, le fédéral, les différents partis du
gouvernement fédéral et le Parti québécois et le
Parti libéral dont je suis membre.
Alors, cette commission, pendant cinq à six mois, avec une ardeur
jamais démentie, a vraiment fait un travail colossal de déblayage
et d'information au niveau du public, qui a permis, je pense, d'élever
le niveau du débat et d'élever la problématique qui se
pose à nous. Donc, c'était une initiative non seulement
intéressante, mais très riche. (15 h 40)
Les conclusions de Bélanger-Campeau ont été aussi
très intéressantes. La Commission, à ce moment-là,
avait identifié deux voies de solution et un échéancier.
Elle disait, entre autres, que le gouvernement devrait mettre en place une
commission pour analyser les éventuelles offres ou les offres du
fédéral pour un fédéralisme renouvelé et
qu'une deuxième commission devrait analyser l'impact de la
souveraineté, et qu'un référendum devrait être tenu
à la fin de cela. Là-dessus, je voudrais amener une
précision encore plus - c'est redondant là - mais je dirais plus
précise pour remettre cela frais à la mémoire de mon
collègue le député de Lac-Saint-Jean qui, ce matin, nous a
affirmé des choses qui sont vraies, qui sont même dans le texte,
mais il s'est livré à un exercice de découpage. Je pense
que mon collègue de Lac-Saint-Jean a sûrement gagné le
ciseau d'or en maternelle en découpage. Il sait où
découper et comment découper, enlever ce qui fait son affaire, ce
qui ne fait pas son affaire, le rajouter. Il devait être très bon
aussi, il doit être aussi excellent en recomposition, à remonter
les choses de telle façon que-Moi, je ne ferai aucun découpage.
Je vais lire in extenso le texte des conclusions, pages 82 et 81, du rapport de
la Commission Bélanger-Campeau. Alors, on disait ceci: Le plan...
Une voix:...
M. Bélanger: Ah, attention, on va y revenir!
Une voix:...
M. Bélanger: Oui? Ah, il pariait d'unanimité, tout
à l'heure, vous allez voir. "Sur le plan des relations politiques et
constitutionnelles, le consensus exprimé dans le cadre des travaux de la
Commission est clair - là, on s'entend bien, c'est la Commission
Bélanger-Campeau - : des changements profonds au statut politique et
constitutionnel du Québec s'imposent." Jusque là, ça va
bien. "Quelles que soient les solutions retenues, il faut qu'elles mettent fin
sans tarder et de façon durable aux incertitudes et à
l'instabilité qui résultent de l'impasse actuelle." Alors, dans
la redéfinition de son statut, deux voies seulement s'offrent au
Québec... Pas une, pas la séparation, il dit: II y a deux voies.
Deux voies.
Une voix:...
M. Bélanger: Oui, deux voies plus complètes que
celle que vous me montrez. Alors, "...d'une part, une nouvelle et ultime
tentative de redéfinir son statut au sein du régime
fédéral - donc ça, c'est la première voie - et,
d'autre part, l'accession à la souveraineté". Donc deux voies:
une redéfinition de notre statut au sein du fédéral et
l'accession à la souveraineté, d'autre part. "Les uns sont d'avis
- écoutez bien, c'est là qu'on retrouve vos addenda - que la
première voie doit être empruntée d'abord et que, en cas
d'échec, le Québec devrait s'engager dans la seconde pour
accéder à la souveraineté. Les autres - j'inviterais mon
collègue de Lac-Saint-Jean à bien écouter - qui
étaient plus pressés préfèrent mettre en oeuvre la
seconde voie dès à présent." Eux, ils voulaient tout de
suite un référendum sur la souveraineté. "Ainsi - disait
la Commission Bélanger-Campeau - en cas d'échec d'une
dernière tentative de renouvellement du fédéralisme -
c'est Bélanger-Campeau qui dit ça -, il ne reste plus qu'une
seule voie, celle de la souveraineté. Il importe donc d'en examiner
dès maintenant toutes les implications et de préciser
systématiquement les mesures à prendre pour sa mise en oeuvre
efficace, surtout si l'on estime que cette voie est la seule possible, mais
aussi si on la considère comme une alternative prochaine."
Alors, dans ce sens-là, donc, Bélanger-Campeau
était clair, il y avait deux avenues de solution, une où on
étudiait les offres du fédéral et la deuxième,
où on analysait les impacts de la souveraineté. Or, que dit le
projet de loi 150? Exactement ça, pas un mot qui va en dehors de ces
deux recommandations-là. Il va même plus loin, il dit qu'il va y
avoir un référendum et il en fixe même les dates possibles,
les échéanciers à l'intérieur desquels il doit
être tenu. Donc, je ne comprends plus l'opposition du Parti
québécois.
Je la comprends, si je me rappelle qu'à Bélanger-Campeau,
ils avaient dit: On est d'accord avec le rapport, on va le signer, mais on va
mettre des addenda. Alors moi, je n'en ai pas mis d'addenda. Moi, je me suis
fié que, comme membre de la commission, nous arrivions à des
conclusions qui m'apparaissaient claires et évidentes, qui
reflétaient parfaitement les 500 mémoires que nous avions
analysés et auditionnés et les 125 experts que nous avions
entendus, donc je me disais: Ce mémoire-là, il est absolument
conforme à ce qu'on a entendu, à ce qu'on a vu, donc je me dois
de le signer ou bien donc d'inscrire une dissidence puis d'écrire un
grand livre.
Or, les gens du Parti québécois ont dit: On est d'accord
avec le rapport, mais on va mettre des nuances, et ils ont mis leurs nuances.
Moi, je n'ai jamais signé leurs nuances, j'ai signé le rapport et
sans addenda. Aujourd'hui, c'est le même problème qu'on retrouve,
non pas de se comprendre sur les conclusions de Bélanger-
Campeau, c'est sur leurs addenda qu'on ne s'entend pas. On ne s'est
jamais entendus et on ne s'entendra jamais. Il est clair, et c'était
clair dans l'esprit des commissaires de Bélanger-Campeau et de tous ceux
qui s'étaient exprimés là - je viens de vous lire in
extenso, ça ne peut pas être plus authentique que ça - que
nous devions d'abord, en toute logique, étudier les offres
fédérales ou le fédéralisme renouvelé. Et M.
le premier ministre est allé plus loin, il a dit: On ne va pas aller
demander des offres pour un fédéralisme renouvelé, on va
attendre qu'eux viennent nous en faire et on évaluera, sur les offres
qu'ils nous auront faites, si c'est valable ou pas. Pouvait-il aller plus loin?
Je pense que non. On se doit quand même d'être respectueux d'un
certain nombre de choses et il y a une logique à suivre, au niveau
constitutionnel comme dans tout autre débat.
Alors, c'est dans cette logique-là, c'est à
l'intérieur de cette logique-là que s'inscrit le projet de loi
150, projet de loi qui nous dit qu'il y aura deux commissions, une qui va
étudier les éventuelles offres du fédéral, une
autre qui va se pencher sur les impacts de la souveraineté. Dans ce
sens-là, c'est extrêmement important parce qu'on nous dit: La
souveraineté? Ça va se faire comme du beurre dans la poêle,
ça va passer, il n'y a rien là. On ne s'en rendra même pas
compte, on va être séparé comme ça. Oh!
J'espère que ce sera aussi facile que ça si on en vient à
ça.
D'autres nous disent: Ah! C'est effrayant, ça va coûter 15
000 000 000 $ de plus. Ça va être ci, ça va être
ça. Mais qui dit vrai? La vérité est sûrement
quelque part entre les deux. Ça m'étonnerait qu'il n'y ait aucune
conséquence, qu'il n'y ait aucun inconvénient à une
séparation éventuellement du Québec et ça
m'étonnerait aussi que ça ne nous coûte rien, que ça
nous rapporte, puis que ce soit le bonheur puis le paradis total. Je pense que
quelque part entre les deux il y a une vérité. Et le travail de
ces deux commissions-là, dans les prochains mois, ça va
être justement un travail que je qualifierais de pédagogique,
c'est-à-dire un travail où nous devrons tout mettre en oeuvre
pour fournir à la population les données les plus rigoureuses,
les plus précises, les plus exactes sur ce que seront les impacts de la
souveraineté.
En même temps, une autre commission se penchera, elle, sur
l'analyse des offres du fédéral. Advenant le cas où ces
offres seraient suffisamment substantielles pour que le Québec puisse,
avec les moyens nouveaux qu'il aurait, accomplir sa destinée à sa
manière, à son modèle, faire ça "his own way", le
faire comme il désire le faire, je pense, à ce moment-là,
que nous avons la responsabilité de bien en informer la population et
justement d'amener la population à se prononcer sur laquelle des deux
alternatives sera la plus intéressante pour le futur du Québec,
parce que le futur du Québec n'appar-
tient pas aux politiciens. Le futur du Québec, il appartient au
peuple du Québec.
C'est pourquoi, dans ces deux commissions-là, nous devrons
travailler dans l'esprit d'intégrité le plus grand possible et
d'intégrité morale aussi envers la population, au sens où
nous devrons aller chercher, dans les deux commissions, les
éléments les meilleurs de ce que nous pourrons ressortir des deux
systèmes et les éléments, aussi, les plus inacceptables
des deux systèmes, de telle sorte que la population puisse faire un
choix éclairé, un choix rationnel et intelligent, de telle sorte
que, deux ou trois ans après, on n'assiste pas à la renaissance
d'un autre Parti québécois ou d'un parti canadien, advenant que
ce soit la souveraineté qui serait retenue, et qu'on n'ait pas un
embryon de parti canadien qui nous recommence le bordel, puis on serait reparti
encore pour un autre 30 ans dans l'autre sens. Il va falloir, à un
moment donné, que ça finisse. J'ai beaucoup d'espoir dans ces
deux commissions où je souhaite que nous irons vraiment à fond et
que nous permettrons à la population de se faire l'opinion la plus
éclairée possible pour que la décision que nous prendrons
sort vraie puis que ça mette fin une fois pour toutes à ce
débat qui dure déjà trop longtemps. (15 h 50)
Ça fait 30 ans que je suis la chose politique et que j'ai droit
de vote, et ça fait 30 ans que j'entends parler des problèmes
constitutionnels et tout ça. Je souhaite que ma fille, qui commence
à voter - elle a maintenant 19 ans - n'ait plus à revivre
ça, mais qu'elle ait à se pencher sur comment bâtir sa
province, comment la développer économiquement, comment la rendre
la plus intéressante possible. Je le souhaite à nos enfants. Dans
ce sens-là, je pense que notre responsabilité sera très
grande. Nous avons deux commissions et un rendez-vous éventuel pour un
référendum. Je dis éventuel mais un rendez-vous certain
pour un référendum - parce qu'il y aura un
référendum, c'est l'article premier de cette loi-là qui le
dit et de façon très claire, il y aura un
référendum - et nous aurons tout à l'heure à nous
prononcer sur ce référendum-là. J'espère que nous
le ferons dans un esprit le plus objectif pour les Québécois,
pour le bien du Québec et non pas pour notre bien politique à
nous autres, parce que le bien des Québécois, je crois qu'il se
situe loin au-dessus de la politique.
M. le Président, c'étaient là mes propos pour
aujourd'hui. Le temps nous presse, malheureusement; je me dois donc de
conclure. Dans mes conclusions, je souhaite simplement que le Parti
québécois se joigne à nous et qu'ensemble nous fassions
cette démarche dans les prochains mois, dans l'esprit de concertation et
de collaboration le plus complet, non pas pour le meilleur intérêt
de nos partis politiques, mais pour le meilleur intérêt de la
population que nous voulons servir, c'est-à-dire les
Québécois. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Laval-des-Rapides. Je reconnais le prochain intervenant
sur l'adoption du principe du projet de loi 150 en deuxième lecture, Mme
la députée de Chicoutimi.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, pour
dissiper la confusion qu'auraient pu laisser les propos du député
de Laval-des-Rapides, je voudrais lui dire que ce n'est pas parce qu'il lit les
conclusions du rapport de la Commission Bélanger-Campeau que, pour
autant, il peut affirmer que les députés de l'Opposition
étaient en faveur des recommandations. Nous avons - et il le sait
très bien puisqu'il était membre de la Commission - signé
un rapport dissident, un addendum qui signifie notre dissidence quant aux
conclusions, M. le Président.
M. le Président, l'essentiel de mes commentaires portera sur la
science et la technologie dans un Québec souverain. Je vais d'abord -
vous allez comprendre - commenter brièvement le projet de loi 150.
Levons d'abord toute ambiguïté. L'Opposition veut un vrai
référendum sur la souveraineté. L'Opposition veut un
référendum sur la souveraineté tout comme la très
grande majorité des personnes et organismes entendus à la
Commission Bélanger-Campeau. Les unions municipales, les conseils
régionaux, l'UPA, la CEQ, la CSN, la FTQ, la Fédération
des femmes du Québec, M. le Président, le Bloc
québécois, la Chambre de commerce, les organismes communautaires,
bref comme la très grande majorité des Québécois et
des Québécoises, l'Opposition veut et réclame la tenue
d'un vrai référendum sur la souveraineté dans les
meilleurs délais pour mettre fin à l'insécurité qui
mine le développement économique du Québec.
L'Opposition ne peut cautionner ce projet de loi qui, dans sa forme
actuelle, constitue une triste mascarade qui permet au gouvernement
d'entretenir l'ambiguïté et de créer la confusion, de gagner
du temps, d'entretenir les parlementaires, de distraire l'attention face au
marasme économique dans lequel s'enfonce le Québec et où
le chômage et la pauvreté constituent le lot d'une personne sur
quatre. Ce projet de loi, M. le Président, trahit l'esprit et la lettre
des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. Ce n'est qu'une
étape dans une stratégie fédéraliste qui nous
mène tout doit à la signature d'une entente à rabais ou
d'un nouvel affront. Résumer le projet de loi. comme on vient de le
faire, à la tenue d'un référendum sur la
souveraineté relève de la simplification abusive, pour ne pas
dire de la pure mystification. Tout le projet de loi nous le dit: Le
gouvernement fera tout en son pouvoir pour qu'il n'y ait pas de
référendum sur la souveraineté. Cette loi, par ces
"considérant", la composition et le mandat de ses commissions,
entièrement, totalement dominées par le gouvernement, les
marges de manoeuvre qu'il se réserve, il est clair que cette loi servira
d'abord de tribune aux fédéralistes bon teint pour faire le
procès de la souveraineté et l'apologie du
fédéralisme.
Soyons clairs, le gouvernement ne veut pas d'un référendum
sur la souveraineté et reconnaissons que même s'il en voulait un,
il est fort mal placé pour en tenir un. D'abord, soyons
réalistes: Le premier ministre est un fédéraliste
convaincu, c'est son droit. Il est Canadien d'abord et avant tout et il voue un
attachement indéfectible à la Fédération
canadienne. Aucun affront, aucune insulte, aucune humiliation ne le rebute ou
ne l'en détourne. Rappelons juin 1990 à Ottawa, M. le
Président, au terme de cette semaine de maquignonnage autour de
l'entente du lac Meech. Ce cri du coeur du premier ministre
québécois qui a dit: "Les Québécois et les
Québécoises ont enfin un pays, le Canada!" Le premier ministre
est fédéraliste. L'illusion qu'il pourrait être
souverainiste ne tient plus. Après Bélanger-Campeau, le rapport
Allaire qu'il a déjà oublié, plus personne ne doute de sa
foi fédéraliste.
Par ailleurs, M. le Président, le premier ministre voudrait tenir
un référendum sur la souveraineté et, logiquement, il ne
le peut pas. Imaginez le scénario suivant: II déclenche la tenue
d'un référendum et il se place dans le camp du non.
Vous-même vous savez que ce n'est pas très logique et peu
probable. Par ailleurs, le premier ministre qui dirige le Parti libéral
ne voudrait pas passer à l'histoire comme étant responsable de
l'éclatement de son parti. Il a la responsabilité d'en maintenir
l'unité. Deuxièmement, le premier ministre ne voudrait pas passer
à l'histoire comme celui qui a fait éclater la
Fédération canadienne. Et le premier ministre ne voudrait pas
porter l'odieux d'une césure définitive entre la
communauté anglophone et francophone du Québec.
Ajoutons à cela que 35 ans de fidélité au Parti
libéral du Québec et au fédéralisme canadien,
ça crée des liens, ça laisse des marques et ça
engendre des obligations. Le gouvernement ne veut pas d'un
référendum et peu de personnes demeurent dupes. Un sondage nous
apprend que seulement 20 % des répondants conservent cette illusion.
Nous voulons d'un vrai référendum sur la souveraineté et,
comme la majorité des Québécoises et des
Québécois, et comme la majorité des personnes entendues
à la Commission Bélanger-Campeau, nous voulons faire du
Québec un pays souverain.
Pourquoi, M. le Président? Pourquoi un pays souverain? Pour
assurer la survie du peuple québécois, de sa langue et de sa
culture. 6 000 000 de francophones entourés de 240 000 000
d'anglophones, assaillis de toutes parts, assaillis par les attaques
répétées faites à la loi 101 par les tribunaux
canadiens, considérés comme une minorité parmi d'autres,
il ne faut pas être devin pour réaliser que notre culture ne
pourra résister longtemps à l'envahissement. Seul un
Québec souverain sera en mesure d'adopter les politiques et les lois
susceptibles et, selon les circonstances, de protéger notre
identité.
Pourquoi la souveraineté? Pour mettre fin aux injustices qui
affectent lourdement le développement économique et social du
Québec. Le Québec ne reçoit du fédéral que
10 % du budget en agriculture, 18 % en logement social, 18 % en environnement,
12,6 % en énergie et ressources, 23,8 % en santé et
bien-être et, enfin, un peu plus de 19 % en sciences et technologie. Et
enfin, pour mettre fin au chevauchement des 460 programmes
répertoriés en 1986. Et ils en ajoutent, comme on peut le
constater, vous et moi, tous les jours.
Pourquoi la souveraineté? Pour mettre fin à l'endettement
du Québec par le fédéral. La seule année
budgétaire de 1991-1992 a endetté le Québec de 7 000 000
000 $; c'est un minimum. Pour mettre fin à un débat qui sert de
paravent, qui gaspille temps et énergie et qui masque les vrais
problèmes, c'est-à-dire l'incapacité du gouvernement
d'assurer le développement économique et social du Québec.
Pour mettre fin au gouffre économique dans lequel s'enfonce le
Québec où Montréal, la métropole, détient le
triste record canadien de la pauvreté et du chômage,
héritage du fédéralisme.
Enfin, M. le Président, pour n'avoir qu'un gouvernement à
interpeller, un gouvernement responsable de ses succès comme de ses
échecs et qui ne peut, en aucun moment, renvoyer la balle à
l'autre.
M. le Président, pourquoi la souveraineté en sciences et
technologie? Le système fédéral pénalise lourdement
le Québec et seule la souveraineté nous donnerait tous les outils
pour assurer et accorder à la science et à la technologie toute
la place qui lui revient et qui doit lui revenir, si nous voulons demeurer dans
le peloton de tête des nations développées, une politique
qui intègre tant la formation des chercheurs que le financement de la
recherche, qu'elle se fasse dans les universités, dans les entreprises,
dans les laboratoires gouvernementaux. Notre politique scientifique pourrait
enfin être orientée selon nos besoins, nos priorités et
recevoir l'appui financier qu'elle mérite.
Pour bien saisir pourquoi la souveraineté est nécessaire
pour implanter une telle politique, on doit d'abord comprendre comment
fonctionne le système actuel et quelle place le fédéral
accorde au Québec dans le secteur de la recherche. Tout d'abord, il faut
savoir que le gouvernement fédéral est un intervenant majeur en
matière de sciences et de technologie. En 1990-1991, on estime qu'il
dépensera environ 5,5 milliards de dollars et, en fait, ça
représente environ 30 % de toute la recherche qui se fait au Canada.
Actuellement, le gouvernement est perdant et nous finançons en
quelque sorte la recherche qui s'effectue en Ontario. Voyons les chiffres. En
effet, malgré que nous représentions près de 26 % de la
population canadienne, nous ne recevons qu'un peu plus de 19 % des
dépenses fédérales. On devrait, en fait, recevoir 1 200
000 000 $, alors qu'on n'en reçoit que 300 000 000 $. Cet écart
représente des milliers d'emplois scientifiques en moins et, compte tenu
de la valeur structurante des activités de recherche sur
l'économie et du retard du Québec, c'est majeur, M. le
Président. (16 heures)
Par ailleurs, pendant ce temps, dans le domaine de l'enseignement
supérieur et de la science, le gouvernement fédéral
multiplie ses interventions. En effet, en dépit de la compétence,
en principe exclusive, des provinces en matière d'éducation, le
gouvernement fédéral a multiplié depuis plusieurs
années les interventions au chapitre de l'enseignement postsecondaire et
s'est donné les moyens d'influencer profondément
l'évolution de ce secteur selon ses propres priorités. Le
rôle crucial joué par les institutions d'enseignement
collégial et universitaire sur le plan du développement
économique, le pouvoir de dépenser du fédéral et le
flou constitutionnel prévalant au chapitre de la recherche ont
justifié, ont permis, ont favorisé au fédéral de
s'y impliquer activement.
D'autre part, le gouvernement fédéral se retire de plus en
plus du financement des programmes établis sur lesquels nous avions
pleine initiative. La dernière coupure annoncée dans le discours
sur le budget du ministre fédéral, M. Wilson, frappe encore
durement les transferts aux provinces. Pour 1990-1991, M. le Président,
il s'agit d'une réduction de 200 000 000 $ de la contribution du
fédéral, dont environ 60 000 000 $ exclusivement pour le secteur
de l'enseignement supérieur. Pour ce seul domaine, M. le
Président, le Québec se verra privé de près de 250
000 000 $ en cinq ans et l'effet conjugué de cette dernière
mesure et de la coupure de 1986 représentera, selon l'Association
canadienne des professeurs d'université - ce n'est pas
nécessairement tous nos amis - une perte de 7 000 000 000 $ pour le
Québec.
M. le Président, citons le ministre des Finances, un ardent
fédéraliste. Dans son discours sur le budget, il nous dit:
"Depuis déjà quelques années, les transferts aux provinces
ont fait l'objet de coupures répétées de la part du
gouvernement fédéral. Au seul chapitre du financement de la
santé et de l'enseignement postsecondaire, l'impact total des coupures
effectuées depuis 1982-1983 représente un manque à gagner
de 1 700 000 000 $." M. le Président, un autre
fédéraliste, l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur et
de la Science, député d'Argenteuil, déclarait à
l'occasion de l'étude des crédits budgétaires de
1988-1989, après avoir souligné l'effet du désengagement
financier du fédéral: "Pendant ce temps, dit-il, le
fédéral multiplie les initiatives ponctuelles de façon
unilatérale, telle la création des centres d'excellence et
l'annonce des bourses d'excellence pour les étudiants de premier cycle
en sciences et en génie. Cette façon de faire est contraire
à l'esprit de collaboration."
Rappelons, M. le Président, que c'est dans ce secteur de la
science et de la technologie que les décisions politiques jouent un
rôle important. Décision politique que la localisation des
laboratoires fédéraux de recherche où, évidemment,
nous sommes perdants, et ça ne cesse d'empirer. En 1985, le
fédérai faisait un peu plus de 15 % de sa recherche dans ses
laboratoires situés au Québec. Trois ans plus tard, c'est moins
de 12 %. Pour la région de la capitale nationale, où il se fait
45 % de la recherche et développement du gouvernement
fédéral, dans ses laboratoires et ministères, ce
déséquilibre se traduit, M. le Président, de la
façon suivante: 6387 personnes travaillent dans le domaine de la R-D du
côté ontarien contre, tenez-vous bien, 130 au Québec.
Résumons. Des 1 500 000 000 $ de dépenses de recherche
intra-muros, il y en a 12,6 % qui viennent au Québec et ça
représente un manque à gagner de plusieurs centaines de
millions.
Ajoutons que la localisation des laboratoires fédéraux, ce
n'est pas sans importance, car c'est là que se tissent les liens, que se
créent les réseaux entre les chercheurs des laboratoires, les
fonctionnaires des ministères concernés et les entrepreneurs du
secteur. Le personnel passe d'une organisation à l'autre; les
fournisseurs ont tendance à s'installer à proximité et les
entreprises construisent leurs propres laboratoires dans les environs. Tous les
remous suscités par la venue de l'Agence spatiale montrent bien qu'il
n'est pas facile de transférer d'autres laboratoires
fédéraux et de rétablir l'équilibre. L'accès
à la souveraineté ne pose pas de grandes difficultés. Pour
ce qui a trait aux laboratoires fédéraux au Québec, ils
seront simplement transférés au gouvernement du Québec,
comme tous les autres actifs en sol québécois, et leur
financement sera entièrement pris en charge par le gouvernement du
Québec ou cofinancé avec des partenaires, qu'ils soient du Canada
ou de l'étranger, comme cela se fait de toute façon et continuera
de se faire même si on peut penser qu'il y aura un temps de
flottement.
Autre incohérence du système, M. le Président,
l'absence de vision d'ensemble pour les crédits d'impôt à
la recherche et au développement du gouvernement du Québec. Cet
élément représente un volet majeur de l'intervention de ce
gouvernement à la R-D, puisqu'il a décidé d'y investir
plus de 700 000 000 $ sur cinq ans. Qu'est-ce que le gouvernement
fédéral fait avec les crédits d'impôt
accordés aux entreprises? Il les taxe. Pour chaque 100 $ de
crédit d'impôt à la recherche accordé, au
Québec, à une de nos
entreprises, le fédéral baisse de 39 $ le montant d'aide
qu'il accordera à l'entreprise.
Donc, le fédéral taxe de 39 % le crédit
d'impôt du Québec. C'est plus de 50 000 000 $ par année que
nos entreprises perdent et cela vient s'ajouter aux 300 000 000 $ que nous
perdons déjà par le manque à gagner. Comment peut-on
espérer inciter nos entreprises à prendre des risques et à
investir davantage dans la recherche si le fédéral reprend d'une
main ce que le Québec donne de l'autre? Ceci faisait dire à la
porte-parole de Pratt et Whitney qui avait un budget de recherche de 250 000
000 $ en 1989 - ce qui veut dire à peu près le quart de toute la
recherche industrielle faite au Québec - que l'impact des mesures du
Québec est pratiquement nul puisque Ottawa diminue son aide lorsque le
Québec accorde la sienne. Ça ne nous avance en rien, dit-elle.
Le Soleil, 24 octobre 1989.
Il va sans dire que la souveraineté du Québec permettrait,
par l'intégration complète des mesures fiscales,
d'éliminer cette aberration en permettant la mise en place de mesures
cohérentes, donc certainement plus efficaces.
L'influence du fédéral sur les priorités de
recherche effectuée au Québec. Comme l'a fait remarquer
l'Université du Québec dans son mémoire à la
Commission Bélanger-Campeau, l'intervention massive du
fédéral, et je cite, "a des effets néfastes sur le
développement des universités. Les priorités canadiennes
ne font pas l'objet de négociations avec les provinces et les
préoccupations de développement régional sont souvent
absentes. En outre, la création d'équipes de recherche à
l'échelle canadienne disperse les meilleurs chercheurs sans compensation
de retour puisque le point central de ces réseaux n'est pas souvent le
Québec."
Autre dossier. Même discours dans le dossier culturel. M. Arpin,
le directeur du Musée de la civilisation du Québec dit à
la Commission Bélanger-Campeau, et je cite: "Les politiques, les
objectifs culturels, les priorités des uns et des autres coïncident
parfois, mais divergent souvent." M. Arpin se demandait alors comment jouxter
des objectifs liés à la mosaïque canadienne et ceux d'une
province francophone puisant largement dans ses origines françaises.
Même constat pour la science et la technologie, la santé, les
communications ou le développement régional.
En conclusion, M. le Président, les besoins de la
société québécoise, les priorités de
recherche, tant aux niveaux industriel, culturel que social, ne sont pas les
mêmes que ceux et celles du Canada anglais. Ce n'est pas mieux ou moins
bon. C'est différent. Alors, puisque nous ne contrôlons pas une
large partie des budgets de recherche qui sont dépensés en notre
nom et qu'en plus nous ne recevons pas la part qui nous revient, il
apparraïï, à l'évidence, que le sort des sciences ne
pourrait que s'améliorer dans un
Québec souverain. La souveraineté assurerait aussi que le
Québec retire un maximum d'avantages et de retombées de sa
participation à des ententes de recherche internationale comme, par
exemple, les projets comme celui de la maintenant défunte station
orbitale américaine. Le choix et l'identité de notre
participation se feront alors en fonction de nos intérêts.
Par ailleurs, le Québec possède l'essentiel de la
structure de recherche pour intégrer les programmes qui sont
actuellement gérés par le gouvernement fédéral.
Nous sommes la seule province à avoir établi une telle structure.
Nous pourrions, par simple rapatriement du Québec, reprendre toutes les
activités qui sont financées par les centres de recherche
canadiens. Les crédits pour la formation des chercheurs, le FCAR - la
formation des chercheurs et l'aide à la recherche - le Fonds de
recherche en santé du Québec, le Conseil québécois
de recherche sociale seront augmentés pour prendre la relève des
subventions accordées par les organismes subventionnaires canadiens.
Par ailleurs, un effort pour constituer des comités d'attribution
avec des chercheurs provenant de l'extérieur pourrait être fait
afin de s'assurer de maintenir la qualité des projets
subventionnés à un très haut niveau d'exigences. (16 h
10)
M. le Président, gérer toutes les activités de
recherche à partir du Québec devrait entraîner certaines
économies par l'élimination des doubles structures
administratives, mais aussi par le temps qui est perdu par les chercheurs et
étudiants qui doivent doubler leurs demandes à remplir. De toute
façon, dans un très grand nombre de cas, les organismes ne se
font pas concurrence, puisque le financement de la recherche d'un organisme
dépend de l'obtention du financement de l'autre.
Bref, M. le Président, le Québec a intérêt et
doit récupérer tous les pouvoirs en matière de sciences et
technologie. Et comme le soulignait récemment le Conseil de la science
et de la technologie, l'avenir socio-économique du Québec repose
fondamentalement sur son développement économique qui exige un
plus grand usage de la science et de la technologie, mais pour augmenter
l'usage de la science et de la technologie il faut, de toute urgence, mettre
sur pied une politique scientifique intégrée, cohérente,
efficace, qui va de la formation des chercheurs jusqu'à la diffusion des
connaissances et des innovations, qui correspond à nos besoins et
à notre structure économique.
Je crois, M. le Président, avoir fait la démonstration
qu'une telle politique n'est réalisable que si nous détenons tous
les leviers nécessaires à son implantation, c'est-à-dire
si nous sommes souverains. M. le Président, pour revenir à la loi
150, dans sa forme actuelle, elle est inacceptable et à moins de
modifications majeures qui respectent l'esprit et la lettre des
recommandations du rapport de la Commission Bélanger-Campeau,
l'Opposition ne saurait cautionner un tel projet de loi. Je vous remercie, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant M. le whip du
gouvernement et député de Papineau. M. le
député.
M. Norman MacMillan
M. MacMillan: Merci, M. le Président. Avec la
présentation du projet de loi 150, nous en sommes rendus à un
autre moment historique pour le Québec. Lors du référendum
de 1980, les Québécois avaient répondu oui au Canada et
oui au fédéralisme. Depuis lors, plusieurs
événements majeurs se sont déroulés sur le plan
constitutionnel. En outre, il y a eu l'échec de l'accord du lac Meech.
À la suite de cet échec, le premier ministre du Québec, de
nouveau, s'est attelé à la tâche pour faire valoir les
intérêts supérieurs de la collectivité
québécoise.
Parlant d'intérêts supérieurs du Québec,
j'aimerais insister sur le fait que le projet de loi 150 sur l'avenir politique
et constitutionnel du Québec respecte en tout point l'esprit et la
lettre du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. En deux mots, voici
de quoi il s'agit. Il s'agit de déterminer une période pour la
tenue d'un référendum qui ne peut porter sur autre chose que la
souveraineté du Québec. Auparavant, c'est-à-dire avant la
tenue de ce référendum qui aura lieu au plus tard en octobre
1992, deux commissions parlementaires seront constituées. La
première portera sur l'étude des questions afférentes
à l'accession du Québec à la pleine souveraineté;
la seconde portera sur des offres de partenariat formulées par le
gouvernement fédéral, lesquelles offres doivent
nécessairement rallier l'ensemble des provinces canadiennes.
En ce sens, j'affirme de nouveau que le projet de loi 150 respecte en
tout point le rapport Bélanger-Campeau, mais il y a quelque chose de
plus fondamental que j'aimerais démontrer au cours des prochaines
minutes. Les gouvernements libéraux qui se sont succédé
depuis les 25 ou 30 dernières années se sont toujours battus en
faveur de ces intérêts supérieurs. J'en prends à
témoin, M. le Président, l'ensemble des réalisations qui
sont survenues au cours des années 1960 et 1970.
C'est, en effet, un gouvernement libéral qui a
érigé un système économique, social et culturel qui
a su faire du Québec l'une des sociétés les plus modernes.
C'est également le gouvernement libéral qui a mis l'accent sur
les grandes réformes sociales. Parmi celles-ci, je ne mentionnerai que
l'implantation du système d'assurance-maladie. Grâce à ce
système, toutes les Québécoises et tous les
Québécois de toutes les régions du Québec ont
accès à un service de soins de santé de qualité.
C'est également un gouvernement libérai qui a modernisé
notre système d'éducation, un système qui a permis
l'accessibilité des Québécoises et des
Québécois à un réseau d'enseignement moderne.
Parmi les grandes réformes économiques, les gouvernements
libéraux ont mis en place des sociétés d'État qui
ont constitué de véritables leviers pour le développement
du Québec. La Caisse de dépôt et placement, la
Société générale de financement, la
Société de développement industriel et autres
sociétés du même genre ont permis de faire valoir le
génie québécois dans autant de domaines.
Je vous souligne, M. le Président, que toutes ces grandes
réalisations québécoises se sont déroulées
dans un contexte politique et constitutionnel qui est loin d'avoir brimé
le Québec. D'ailleurs, peu importe l'option qui sera retenue pour notre
avenir, la population québécoise tiendra d'abord et avant tout,
comme l'a dit le premier ministre du Québec, à ce que soit
assurée la sécurité économique des
Québécoises et des Québécois.
Pour ma part, j'ai déjà mentionné qu'il
était essentiel que le Québec cherche à maintenir l'espace
canadien. Il serait d'ailleurs illogique d'aller à rencontre de ce qui
se fait présentement dans le monde, à l'heure de la
mondialisation des marchés. Quant aux liens qui doivent unir le
Québec et le reste du Canada, je souscris à l'option
première du gouvernement libéral, celle d'un
fédéralisme profondément transformé. Cela
reflète la continuité au sein de notre formation politique. Je ne
crois pas que quiconque ici en cette Chambre soit prêt à isoler le
Québec du reste du pays sans autre verdict détaillé.
Je crois, par ailleurs, que nous sommes rendus à nous poser les
vraies questions. Nous demandons également de vraies réponses de
l'ensemble du Canada, de manière à ce que nos aspirations
légitimes soient satisfaites. À l'égard du projet de loi
150, I would like to mention, at this time, that it is very important that, in
automn 1982, we have a referendum. We have been talking about this for the last
20 to 30 years and I think it is time that we go to the people and finish it
once and for all. I think it is very important for all our people in the
Province of Québec.
J'aimerais maintenant faire référence à la
constitution des deux commissions parlementaires. Pour l'une, il s'agira
d'analyser de long en large l'impact de la souveraineté du Québec
- pas une job de bras, M. le Président - de calculer et de compter
vraiment le coût que la souveraineté du Québec pourra
encourir pour les gens du Québec, les Québécois et les
Québécoises. Il m'apparart essentiel, non pas de dénigrer
quelque option que ce soit, mais d'en connaître les tenants et les
aboutissants. La population québécoise refusera de s'embarquer
dans une avenue qui risque d'altérer ou d'amoindrir sa
sécurité
économique. C'est à la fois réaliste et plein de
bon sens.
M. le Président, j'ai l'espoir que tout ce débat entourant
aussi bien l'option souverainiste que l'option fédéraliste
renouvelée se déroulera dans la sérénité. Il
s'agit d'enjeux importants pour la société
québécoise. Mais je mets en garde du même coup la
population à l'égard des jugements formulés par
l'Opposition officielle. En effet, le Parti québécois a tendance
à radicaliser les choses dans tout débat politique. Il l'a fait
également dans le passé, lorsqu'il formait le gouvernement. Des
exemples précis me viennent à l'esprit, des exemples qui
finissent par démontrer que l'ancien gouvernement du Parti
québécois avait miné complètement sa
crédibilité. C'est pourquoi le débat sur l'impact de la
souveraineté m'apparaît essentiel. Il faut vider cette question
non pas pour la repousser juste pour le plaisir de le faire, mais pour
confirmer à tout le monde que le gouvernement libéral n'a rien
à cacher. Nous n'avons d'ailleurs rien à cacher, autant sur la
souveraineté que sur le fédéralisme renouvelé.
Le Parti québécois ne doit pas non plus chercher à
cacher quoi que ce soit, il doit pouvoir nous dire en toute franchise les
impacts véritables de la souveraineté. Et, s'il vous plaît,
j'espère qu'il nous épargnera les formules creuses que l'on
retrouvait dans ses programmes électoraux. Ce n'est pas vrai qu'il faut
chercher à faire l'indépendance du Québec à
n'importe quel prix. L'ancien gouvernement du Parti québécois a
fait preuve d'intolérance. Encore récemment, le Parti
québécois a cherché vainement à discréditer
la nomination de M. Charles Taylor au sein du Conseil de la langue
française. C'est précisément de cette intolérance
dont je me méfierai tout au long de ce débat.
C'est également un Pierre Bourgault renouvelé,
peut-être, qui, en 1990, dans un scénario élaborant sur
l'indépendance du Québec, se demande - et je cite le livre
intitulé Maintenant ou jamais, à la page 111 - "Comment
faire en sorte que la population soit informée en tout temps des
décisions de son gouvernement et de l'attitude en telle ou telle
inconstance? L'État devrait-il conscrire pour un temps les médias
d'information en certaines circonstances?" (16 h 20)
M. le Président, Pierre Bourgault suggère une
réponse dans le titre même de son volume. Espérons qu'une
telle situation ne surviendra jamais. C'est également à
l'Opposition officielle à qui l'on doit un appui tacite au Bloc
québécois qui, comme on le sait, est voué à la
cause de l'indépendance du Québec. Mais un des ténors de
l'Opposition officielle allait jusqu'à douter de cet appui parce que
tous les membres du Bloc québécois n'étaient pas
nécessairement des purs et durs de l'indépendance du
Québec, et il y en a chez nous dans l'Outaouais.
C'est un peu cette intolérance qui me fait dire que le Parti
québécois ne constitue pas une formation politique parfaitement
transparente. On cherche parfois, dépendant des débats, à
cacher ses véritables intentions. C'est l'ancien premier ministre du
Québec, M. René Lévesque, qui s'offrait le beau risque
avec le gouvernement fédéral. Or, ce beau risque a fini par
presque désintégrer le gouvernement péquiste, lorsque
l'ancien ministre québécois des Finances a
démissionné en compagnie de quelques purs et durs de
l'indépendance du Québec. Aujourd'hui, il voudrait s'associer
avec ce qu'il a combattu depuis 20 ans.
La tournée du chef de l'Opposition officielle m'apparaît
opportuniste. En effet, n'est-ce pas le chef du Parti québécois
qui a déjà déclaré qu'il ne croyait plus aux
échanges économiques Est-Ouest, mais plutôt au
déploiement de relations Nord-Sud? Or, le voilà aujourd'hui en
train d'essayer de rebâtir des liens entre l'est et l'ouest du pays,
avant même que les Québécoises et les
Québécois aient pu effectuer leur choix. De plus, M. Parizeau
fait-il preuve de tolérance quand il annonce au reste du Canada que peu
importe si cela leur plaît ou non, un Québec indépendant
pourra seul décider de conserver la monnaie canadienne. C'est comme si
le chef de l'Opposition officielle avait commencé sa campagne
référendaire partout, sauf au Québec. Voilà le
ridicule de la démarche entreprise par cette formation politique. On
essaie de convaincre tout le monde, sauf ceux et celles qui sont directement
impliqués dans ce débat. Peut-être le Parti
québécois pense-t-il que les Québécois et
Québécoises ont déjà arrêté leur choix
sur une option précise.
Alors, il faut se méfier également des résultats
que formaient cette formation politique. Les résultats de son travail
accompli se sont traduits par des faillites successives: faillite
économique, sociale, culturelle et politique aussi, M. le
Président. Sur le plan économique, le gouvernement du Parti
québécois a mal géré les fonds publics. Il n'a pas
su défendre les intérêts des Québécois. Il
n'a pas su créer une marge de manoeuvre financière suffisante
pour venir en aide à ceux et celles qui en avaient besoin, lorsque la
conjoncture économique est devenue plus difficile. Il a fait pousser un
peu partout des sociétés d'État sans trop savoir ou du
moins, effectuer des études coûts-bénéfices, avec le
résultat que plusieurs d'entre elles se sont avérées
inutiles à court terme: Québecair, Tricofil, raffinerie de
sucre.
L'ancien gouvernement du Parti québécois a voulu faire
rêver le Québec. Il a voulu illusionner la population en lui
disant que tout serait beau dans un Québec coupé du reste du
pays. Mais quand je dis coupé, c'est coupé politiquement et
économiquement. Nul n'a jamais su si la fameuse formule de la
souveraineté-association aurait des chances de survivre. On refusait,
à l'époque, de nous dire les véritables impacts de la
souveraineté du Québec.
En vertu du projet de loi 150, le gouvernement libéral aura la
franchise d'établir au grand jour les réponses à toutes
les questions que les Québécoises et les Québécois
peuvent se poser. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il existe un
système parfait, mais dans le système actuel, le Québec a
su franchir des pas de géant en maximisant le potentiel de ses
ressources et en érigeant un Québec moderne capable d'affronter
des défis sur les plans national et international.
Aujourd'hui, nous nous rendons compte qu'il faut changer ce
système. Je veux bien le modifier en profondeur, changer les
règles du jeu, établir des relations différentes par
rapport au passé, mais pas jusqu'au point d'effectuer une rupture
complète avec le reste du pays. Je désire, d'abord et avant tout,
dans un système que nous croirons idéal, que le gouvernement
puisse continuer à assumer sainement la gestion des finances publiques.
Je désire également de ce nouveau système que nous soyons
en mesure de continuer à développer l'ensemble des régions
du Québec, dont celle de l'Outaouais, ce qui cause chez nous, à
nos citoyens et citoyennes de l'Outaouais québécois, une profonde
inquiétude à cause de sa proximité avec l'Ontario. En
regard de la présence du gouvernement fédéral, de son
rôle d'employeur très important et en raison des nombreux
échanges économiques interrives, notre région se trouve
dans une situation très particulière dans le débat
actuel.
Pour nos gens de l'Outaouais, la question constitutionnelle est d'abord
reliée à la survie économique. Avec l'application du
projet de loi 150, nous entamerons une démarche importante pour notre
avenir. Nous ferons jouer au maximum les règles de notre
démocratie. Nous le faisons parce que nous croyons que la population
québécoise a parfaitement le droit de choisir l'avenir qui lui
convient. Nous le ferons donc dans un contexte de liberté d'expression,
de respect des règles démocratiques et d'une meilleure
maîtrise de notre avenir. Pour ma part, je m'estime fier d'appartenir
à une formation politique dirigée par un chef qui est tout aussi
soucieux du respect des règles démocratiques.
Le premier ministre du Québec a maintes fois mis l'accent sur ce
devoir d'informer adéquatement le public afin de prendre des
décisions éclairées sur l'avenir constitutionnel et
politique du Québec. C'est donc au nom d'une meilleure maîtrise de
notre avenir que j'appuierai l'adoption du projet de loi 150, tel qu'il nous
est présenté aujourd'hui, M. le Président. Merci
beaucoup.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je remercie M. le
député de Papineau. Je reconnais maintenant M. le
président de la commission de l'aménagement et des
équipements et député de Lévis. M. le
député.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, je viens d'écouter le
discours du député de Papineau et ceux qui cherchaient des
raisons de ne pas appuyer ce projet de loi, je pense, n'en ont pas besoin
d'autres. Le député de Papineau dit: Je vais voter en faveur
d'une loi pour faire un référendum sur la souveraineté,
mais je vous dis d'avance que je suis contre à tour de bras, puis il
faut en faire le procès. C'est un peu comme si quelqu'un disait: Tu veux
acheter une Toyota? Va voir un vendeur de Ford; lui, va te dire les raisons
pourquoi tu dois acheter une Toyota, il va même parler contre. Je n'ai
jamais vu, M. le Président, autant d'incohérence. Au moins, le
gouvernement aurait pu envoyer en voyage le député de Papineau.
Le député de Papineau, son discours est un exemple parfait des
raisons pourquoi le gouvernement ne peut pas faire ce qu'il essaie de faire
croire qu'il veut faire avec le projet de loi. M. le Président, un
gouvernement qui veut faire un projet de souveraineté ne peut pas dire:
Je vais faire voter les gens pour, puis après ça je vais mettre
toute la machine contre. Ça n'a pas de bon sens, M. le
Président.
Mais qu'est-ce qui s'est passé? Regardons un peu l'histoire. Je
n'ai jamais eu la naïveté de croire que le gouvernement souhaitait
ça. Mais après l'échec du lac Meech, tous ceux qui ont
suivi la scène politique ont compris simplement que le premier ministre
était mal pris, que le Parti libéral était mal pris, parce
qu'en ne demandant rien, il s'était fait dire non. Et le chef du Parti
libéral du Canada, M. Turner, après avoir annoncé qu'il
quittait la chefferie du Parti libéral du Canada, je l'écoutais
dans une entrevue, il disait: J'ai appuyé le lac Meech parce que jamais
le gouvernement du Québec, dans toute son histoire, n'avait
demandé si peu pour le Québec. À toutes fins pratiques, il
disait qu'il ne demandait rien. Il consentait à abandonner des
juridictions et des pouvoirs qu'il n'avait jamais voulu abandonner dans le
passé. J'ai entendu moi-même M. Turner le dire à la
télévision. Mais malgré ça, ça a
été non. Malgré ça, en ne demandant rien, en
laissant tomber des revendications permanentes du Québec, en
reconnaissant ce qu'on avait toujours refusé dans la
Confédération canadienne, le Canada anglais a dit: Non.
Alors, après ça, le premier ministre était mal
pris. Mais moi, j'avais dit, à ce moment-là: Je me doute de ce
qu'il va essayer de faire. Il va essayer, parce qu'il est
fédéraliste, parce qu'il est en charge d'un parti
fédéraliste, parce qu'il y a des gens qui, dans le Parti
libéral, ne seront jamais autre chose que fédéralistes...
Ils ont le droit. Ils ne seront jamais autre chose que des
fédéralistes. Ils seront aussi fédéralistes que
certains sont musulmans. Et puis, d'autres commencent à se convertir,
d'autres commencent à changer d'opinion, et le chef du Parti
libéral a
réalisé qu'en embarquant dans la voie de la
souveraineté, la seule chose qu'il pouvait réaliser, c'est faire
diviser son parti en deux: ceux qui sont fédéralistes et ceux qui
pourraient être pour la souveraineté. Alors, il s'est dit:
Qu'est-ce qu'il faut que je fasse? Il faut que je sois les deux en même
temps. Et c'est ça qu'il essaie, actuellement, d'être les deux en
même temps, d'utiliser la menace de la souveraineté pour essayer
d'obtenir un autre genre de lac Meech, essayer de faire peur aux anglophones
pour essayer de revenir avec autre chose. On se retrouve encore une fois, M. le
Président, dans le même dilemme dans lequel on s'est
trouvé, on passe de Charybde en Scylla comme on s'est toujours
trouvé dans le passé. (16 h 30)
Moi, je dis, M. le Président, simplement comme quelqu'un qui a
connu un peu l'histoire du Québec: Est-ce que le premier ministre actuel
du Québec pense réussir où Maurice Duplessis a
échoué? Il disait lui-même que les conférences
fédérales-provinciales étaient à toutes fins
pratiques des circonférences où on tournait en rond plutôt
que des conférences, où le premier ministre Lesage a
échoué, où Daniel Johnson a échoué,
où même René Lévesque, qui représentait la
menace de la souveraineté bien plus que le chef du Parti libéral,
n'a pas réussi à voir se réaliser le renouvellement du
fédéralisme. La seule chose qu'on a connue, ça a
été le rapatriement unilatéral de la Constitution par M.
Trudeau, en trompant systématiquement la population, en leur faisant
croire, lors du référendum de 1980, qu'un non voulait dire un
oui. Est-ce que la vocation du peuple québécois aux mains des
fédéralistes, sa seule vocation, c'est d'être
trompé, de se faire mentir effrontément ou s'il a le droit
d'avoir une fois dans sa vie des gens qui veulent lui dire la
vérité.
M. le Président, quand j'entends le député de
Papineau dire: II faudrait faire le procès du coût de la
souveraineté. Moi, ce que j'ai le goût de faire, c'est le
coût du fédéralisme. La souveraineté, c'est ce qui
va nous permettre d'exister et de diriger nous-mêmes nos politiques. Dans
quel secteur est-ce que ça va le mieux au Québec actuellement?
C'est dans les secteurs qu'on dirige nous autres mêmes, dans le secteur
de nos caisses populaires où on dirige nous autres mêmes, dans le
secteur de la Caisse de dépôt où on dirige nous autres
mêmes, dans des secteurs où on dirige nous autres mêmes.
Où est-ce que ça ne marche pas? Dans les secteurs qu'on ne dirige
pas: le développement régional, le transport maritime, le
transport aérien, le transport ferroviaire, le transport terrestre et je
vais me concentrer sur ces sujets-là dont je suis le porte-parole de
l'Opposition officielle.
Dans tous ces secteurs-là, qu'est-ce qu'on constate? Ça ne
fonctionne pas, le développement régional. On se rend compte
qu'on nous considère comme une société
Saint-Vincent-de-Paul au fond, avec l'obligation éternelle de faire la
charité à l'Ouest et aux Maritimes. On voit que le
fédéral vient de consentir à une entente de 1 200 000 000
$ avec l'Ouest pour la diversification de l'économie de l'Ouest du
Canada, 1 000 000 000 $ dans les Maritimes, 515 000 000 $ au Québec.
Mais on paie 25 % des taxes à Ottawa, donc on aura payé les 25 %
de 1 200 000 000 $ dans l'Ouest, donc 300 000 000 $; on aura payé 25 %
des taxes sur 1 000 000 000 $ dans les Maritimes, donc 250 000 000 $. 300 000
000 $ plus 250 000 000 $, ça fait 550 000 000 $. On aura payé le
quart des 515 000 000 $ qui viendraient au Québec, ça veut dire
130 000 000 $. 550 000 000 $ plus 130 000 000 $, ça fait 680 000 000 $.
On aura payé 680 000 000 $ de taxes pour le développement
régional et, dans notre entente à nous, ça sera 515 000
000 $, donc un écart de 165 000 000 $ directement là, qu'on aura
payé en trop pour le développement d'ailleurs plutôt que le
développement de notre région, de nos régions.
À toutes fins pratiques, on aura quoi? Un succès
mirobolant de compter au Québec les régions qui ont le plus haut
taux de chômage au Canada. En Gaspésie, par exemple, le plus haut
taux de chômage au Canada. C'était ça l'objectif du
fédéralisme, c'est réussi. Vous pouvez l'inscrire dans le
rapport Guinness, on a le plus haut taux de chômage au Canada. Ce n'est
pas Terre-Neuve, ce n'est pas l'île-du-Prince-Édouard, ce n'est
pas la Nouvelle-Ecosse, ce n'est pas le Nouveau-Brunswick, c'est le
Québec. Ce sont les régions du Québec qui sont les plus
pauvres au Canada avec des politiques de développement régional
comme on connaît.
Dans le domaine du transport, qu'est-ce qu'il y a? On n'a pas de
politique maritime au Canada, pourquoi? Parce que ce serait le Québec
qui serait susceptible d'en profiter, parce que c'est le Québec qui a le
fleuve Saint-Laurent, parce que s'il y avait une politique maritime au Canada,
c'est le Québec qui aurait des milliers d'emplois à cause de
cette politique maritime. Il y a même des revues de Londres, comme la
revue Fairplay, qui disait au mois d'avril de l'an dernier que si le
Québec devenait indépendant, sûrement que le Québec
aurait une politique maritime, même si le Canada n'en a jamais eu, parce
que c'est tellement évident, les avantages qu'aurait le Québec
à avoir une politique maritime. La revue Fairplay, revue
britannique publiée à Londres en Angleterre, indique même
les compagnies qui viendraient s'installer au Québec tellement ça
serait avantageux d'avoir une politique maritime pour les
Québécois. Qu'est-ce qu'on a? On n'en a pas. quand arrivent des
frais pour la garde côtière, comme veut imposer le gouvernement
fédéral, qu'est-ce qu'il fait? il veut nous faire payer plus de
50 % des coûts de la garde côtière alors qu'on
représente seulement 20 % des coûts
et alors que les Maritimes, les quatre provinces maritimes, qui en
représentent 36 %, elles paieront seulement 2 %. Encore là, on
s'organisera pour subventionner les services qu'on rend dans les Maritimes
à même nos taxes. Et après ça, non content de faire
ça, on subventionnera le transport vers les Maritimes par chemin de fer,
avec le Maritime Freight Act, en payant 75 % du transport par les subventions
fédérales, par chemin de fer ou par camion, des marchandises
transportées des Maritimes vers le Québec. Pour nous, il n'y a
pas une tôle de subvention dans aucun domaine pour sortir des produits du
Québec. Il y a des politiques, par exemple, avantageuses pour l'Ouest,
avec le Nid-de-Corbeau, avantageuses pour les Maritimes avec le Maritime
Freight Act. Pourquoi? Pour aider au développement de l'Ouest et des
Maritimes. Pendant ce temps-là, nous autres, on paie pour ce
développement-ià et on n'en profite pas. Au contraire, ça
contribue à nous nuire. Bien, au moins, dans un Québec
indépendant et dans un Canada indépendant, ils paieront pour
leurs politiques et on paiera pour les nôtres. Ça sera un avantage
considérable de ne pas avoir à payer pour des politiques
fédérales discriminatoires, en faveur de l'Ouest et des Maritimes
et contre nous. Rien que ça, ça sera un avantage inouï,
incroyable. Et demandez à tous ceux qui connaissent ça un
peu.
Dans le domaine agricole, demandez-vous? Vous voyez, actuellement, des
subventions par milliards, dans l'Ouest, pas par millions, pas par centaines de
millions, par milliards par année, M. le Président, à tel
point qu'on dit qu'actuellement, en Saskatchewan, 50 % des revenus de la
Saskatchewan, ce sont des subventions fédérales et que 50 % des
revenus de Terre-Neuve, ce sont des subventions fédérales.
Pendant ce temps-là, nous, on n'en a pas des subventions comme
ça. Nous, pendant ce temps-là, on n'a pas le moyen et on n'a pas
les revenus pour développer les régions du Québec.
C'est pour la politique maritime. Mais pour la politique
aérienne, c'est la même chose. Le fédéral a pris
tous les moyens pour faire en sorte que le centre aérien soit
situé en Ontario. Même actuellement, avec une politique de radar,
où il doit y avoir un radar par province, par région, on s'est
organisé pour qu'il y en ait rien qu'un au Québec. À
Montréal, quand il manquera, ça sera Toronto. Imaginez-vous ceux
qui parlent rien que français et qui sont dans les avions dans la
région de Québec, comment ils vont s'organiser avec des radars
qui ne parleront plus qu'en anglais, quand il leur arrivera une panne? Alors
qu'actuellement, si on était indépendant, si on était
souverain, on aurait le moyen d'avoir nos propres systèmes à
nous, d'avoir notre propre politique internationale.
Qu'on regarde, par exemple, la piste de Québec, qu'on garde
inutilement comme la plus petite piste possible, pour empêcher
Québec de jouer son rôle. Je me rappelle, quand ma femme est venue
pour la première fois au Québec, elle me disait: Je vais te dire
le numéro du vol et l'heure d'arrivée pour que tu saches quelle
porte. Je lui ai dit: Tu n'as pas besoin de me le dire, il y a juste deux
portes, une pour partir et une pour arriver. Tu n'as pas besoin de me dire le
vol, rien que l'heure, c'est assez. Je n'ai pas besoin de savoir le vol. Je ne
me tromperai pas de porte. Je ne peux pas me mettre devant deux portes, il y en
a rien qu'une. Elle trouvait ça incroyable! Parce que, dans une
région comme Seattle, il y avait, je ne me rappelle pas si
c'était 40, dans le temps, 40 ou 50 portes différentes pour le
trafic. À Québec, on en avait une. Comme si on était le
fond de la campagne, qu'on était l'endroit le plus
éloigné. Et on dit après ça: On profite du
fédéralisme. Arrêtez donc! Ça prend rien que des
niaiseux pour dire qu'on profite du fédéralisme. C'est à
peu près le système le plus pourri pour le Québec qu'on
puisse imaginer. Ceux qui ne le croient pas, qu'ils prennent leur retraite.
Nous autres, on est capables de le diriger, le Québec
indépendant.
Je vais vous dire, je n'aurais aucune anxiété, aucune
frousse de participer à un gouvernement qui assumerait les
premières années d'un Québec souverain pour mettre en
place des politiques de transport, des politiques agricoles, des politiques de
développement des pêches, des politiques de développement
en fonction de nos intérêts où, pour la première
fois de notre vie, on serait en charge de nos politiques à nous. On ne
l'était pas dans le temps des Français, parce que c'était
le roi de France qui décidait, et on ne l'était pas dans le temps
des Anglais, quand on était colonie d'Angleterre, et, depuis que le
rapatriement du pacte de Westminster, on ne l'est pas plus, parce que c'est
Ottawa qui décide en fonction des intérêts des autres
plutôt qu'en fonction de nos intérêts à nous. Pour la
première fois de notre vie, on déciderait en fonction de nos
intérêts, avec notre argent, avec nos lois et on pourrait faire
des traités avec tous les pays du monde.
Ceux qui nous disent que ce n'est pas possible, qu'ils regardent ce qui
s'est passé, qu'est-ce qui s'est passé avec la Suède, la
Norvège et le Danemark, au début du siècle, quand ils ont
décidé de faire trois pays indépendants de pays qui
formaient un pays ensemble. Ils ont décidé, parce que les
Norvégiens étaient Norvégiens, les Suédois
étaient Suédois et les gens du Danemark étaient Danois, de
faire trois pays différents. Aujourd'hui, résultat, ce n'est pas
qu'ils crèvent de faim, c'est que les trois sont dans les plus hauts
niveaux de vie au monde. Le danger qui nous menace, avec la souveraineté
du Québec, c'est de devenir un des pays les plus prospères au
monde. (16 h 40)
Une voix: Oui.
M. Garon: C'est ça, le danger qui nous menace. C'est
ça. C'est de devenir des numéros un. Le Danemark, 4 500 000 de
population, meilleure qualité de vie au monde, et on aurait peur
d'être capables de faire moins que les Danois.
J'entendais tantôt le député de Papineau qui disait
que la Confédération nous permet de maximiser le potentiel de nos
ressources. Est-ce qu'il y a plus de fer dans le sol parce qu'on est dans la
Confédération qu'il n'y en aurait si on était
indépendants? Est-ce qu'il y a plus de gaz dans le sol
québécois dans la Confédération que dans un
Québec indépendant? Voyons donc! Arrêtons de dire des
niaiseries. M. le Président, arrêtons.
Au fond, la souveraineté du Québec, ça veut dire
qu'on va diriger nos affaires. Dans le domaine des chemins de fer, je vois M.
Benoît Bouchard; il dit qu'il veut nous aider. Il veut nous aider, mais
qu'est-ce qu'il a fait quand il était aux Transports? Il a garanti 25
000 kilomètres de chemins de fer non rentables dans l'Ouest, qui nous
coûtent 1 000 000 000 $ par année minimum, sans compter le
Nid-du-Corbeau, 653 000 000 $ depuis 1983 indexés, ce qui va faire
autour de 800 000 000 $ cette année. On va en payer le quart. Pourquoi?
Pour se faire faire concurrence. C'est quelque chose!
Quand il faut qu'on perce un trou de plus dans les Rocheuses pour que
les trains passent plus vite, que le trou coûte 600 000 000 $ et qu'on en
paie 150 000 000 $, qu'est-ce que ça nous donne?
Une voix: Rien.
M. Garon: Rien. Puis on paie. La Confédération,
ça veut dire payer pour rien. C'est ça que ça veut dire.
On paie pour des politiques. Pendant ce temps-là, on subventionne - ah
non! - on coupe Montréal-Sherbrooke; ça coûte trop cher. On
coupe Québec-Mont-Joli. Je vois le député de Matane. Ah!
c'est trop cher, Québec-Mont-Joli! On coupe
Québec-Trois-Rivières-Montréal: trop cher. Dans un cas,
100 $ de subvention; dans l'autre cas, 75 $; dans l'autre cas, 49 $.
Mais, en même temps, Benoît Bouchard, député
de Roberval, illustre nationaliste, vigoureux défenseur du
Québec, maintient la ligne Prince Rupert-Jasper qui, elle, coûte
484 $ de subvention par passager. Il maintient également le Montagnard
des Rocheuses parce que, une fois rendu là, il faut bien se promener:
330 $ de subvention par passager. Puis si un touriste prend les deux... Le
touriste vient d'Asie et il veut prendre les deux, le train de Prince
Rupert-Jasper et le Montagnard des Rocheuses: 484 $ plus 330 $, 814 $ de
subvention par passager. Puis, s'il vient avec son épouse,
multiplié par deux. Ça fait... Combien ça fait?
Une voix: 1300 $ et quelque.
M. Garon: Ça fait 1628 $ de subvention par passager pour
avoir l'insigne honneur de ne pas voir les montagnes Rocheuses sur carte
postale, mais les voir en personne.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: Mais pendant ce temps-là, si vous voulez allez
voir le rocher Percé, vous irez à vos frais parce qu'il n'y a pas
une cenne de subvention pour le rocher Percé. Il n'y a pas un cent de
subvention pour voir Montréal. Il n'y a pas un cent de subvention pour
voir Québec. Puis, quand il arrive des chemins de fer pour aller vers
nos endroits comme la Gaspésie, où les moyens de communication
sont difficiles parce que c'est éloigné, parce qu'ils ont besoin
de ces moyens de communication, là, il n'y a plus d'argent. Là,
Benoît Bouchard n'a plus d'argent. Brian Mulroney n'a plus d'argent. nos
70 représentants du québec à ottawa, ou bien ils sont
bons, c'est incroyable, ou bien ils ne sont pas bons. moi, je pense
plutôt un peu, comme m. mulroney, que le chef boyardee a changé de
tablier. eh bien, on a trouvé un chef boyardee à ottawa, avec des
nouilles différentes: il y a des spaghettis et des spaghettinis, il y a
des macaronis, il y a des nouilles; en tout cas, peu importe. le
résultat est le même. ça ne marche pas. on paie pourquoi?
pour pouvoir voir le développement ailleurs.
La souveraineté du Québec, la seule chose que ça
veut dire, ça veut dire qu'on prend notre argent pour faire notre
développement a nous. Ça veut dire que nos taxes, on les paie
à Québec, on n'en envoie pas la moitié à Ottawa et
on passe le reste de l'année à essayer de les ravoir. On ne
l'envoie pas pantoute.
Une voix: C'est ça.
M. Garon: Pensez-vous que ce ne serait pas beau? Je regarde tous
les débats qu'on fait actuellement. Qu'est-ce qu'on fait comme
débat dans le Parlement? On envoie la moitié de nos taxes
à Ottawa. J'ai mal au coeur de les envoyer là, puis après
ça, on passe le reste de l'année à trouver toutes sortes
de moyens d'en recevoir la plus grosse partie possible. La souveraineté,
ça veut dire qu'on n'en envoie plus à Ottawa. On paie toutes nos
taxes à Québec; on est certains qu'elles n'iront pas ailleurs.
Puis, si on veut en donner après ça, on le fait.
Ça veut dire qu'on fait toutes nos lois. Au lieu d'en faire rien
que la moitié, on les fait toutes, nos lois. Là, au lieu de
réglementer le mariage à Québec puis le divorce à
Ottawa, on réglemente les deux à Québec. Pensez-vous qu'on
n'est pas capables de faire les lois sur le divorce autant qu'on fait celles
sur le mariage? Ce serait peut-être bien mieux coordonné si on
faisait les
deux. Ça veut dire qu'on fait toutes nos lois au lieu d'en faire
la moitié, puis ça veut dire qu'on fait les ententes
nous-mêmes.
Dans le libre-échange actuellement, pensez-vous que l'avenir,
c'est d'envoyer le train à Toronto. Moi, j'ai le sentiment que l'avenir,
c'est d'envoyer le train vers la ligne, un point autour de Boston-New York ou
New York ou, à ce moment-là, la ligne qui va se faire Boston, New
York, Philadelphie, Washington, qui va couvrir près de 100 000 000 de
population, c'est d'être, nous autres, connectés dessus
plutôt que d'être l'embranchement qu'il faudra passer par Toronto
pour aller là. Parce que c'est ça, notre avenir. Avec le Mexique
qui s'en vient avec une politique de développement, mais directement
dans des relations; je les ai connues, les relations. J'avais signé une
entente avec le ministre de l'Agriculture du Mexique et c'est le Canada qui ne
voulait pas parce que j'avais une entente préférentielle pour le
Québec pour vendre des animaux qui faisaient leur affaire alors que le
fédéral essayait de vendre des vaches de l'Ontario, des pur-sang
alors qu'ils avaient besoin de nippes. Ça coûtait moitié
moins cher et ça faisait notre affaire, c'est nous autres qui les
vendions, ces vaches-là.
Mais pourquoi? Parce que le fédéral, c'était une
nuisance. On payait une ambassade du Canada pour nous nuire et, en plus, on se
payait une ambassade, une maison du Québec pour aider à notre
développement. On serait bien mieux de payer rien que pour une maison du
Québec, avoir tous les moyens pour faire notre développement dans
des pays étrangers. C'est ça que ça veut dire,
essentiellement, la souveraineté du Québec. Ça veut dire
qu'on s'occupe de nos affaires, qu'on est à notre compte. Ça veut
dire qu'au lieu d'être un locataire, on est un propriétaire.
Évidemment qu'on a plus de responsabilités comme
propriétaire. Ceux qui ont peur de ça, ne vous présentez
pas. Ceux qui ont peur d'administrer un pays comme il y en a 200 dans le monde,
dans lequel le Québec serait un des plus grands, un des plus populeux;
on serait dans le premier quart, à la fin du premier quart de tous les
pays du monde. Sur 200 pays, on serait autour du 55e au point de vue de la
population. Au point de vue du territoire, on serait autour du 10e. Alors,
arrêtons d'avoir peur et, pour ça, M. le Président, je
termine là-dessus, ça ne donne rien de faire croire aux
Québécois qu'on va acheter une Honda chez un marchand de Toyota
ou qu'on va aller se faire vanter les mérites d'une Ford par un
compétiteur.
C'est pourquoi, M. le Président, je pense que ce projet de loi
là est mauvais et qu'il faut voter contre. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Lévis. M. le député de
Mille-Îles.
M. Bélisle: M. le Président, est-ce que le
député de Lévis me permettrait une courte question en
vertu de l'article 213 de notre règlement?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que le
député de Lévis permet au député de
Laval-des-Rapides et leader adjoint du gouvernement...
M. Bélisle: Non. Mille-Îles.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): De Mille-Îles. Je
m'excuse.
M. Bélisle: Non. Pas de problème.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Permettez-vous une
question qui serait brève et la réponse devrait être
également brève? C'est à votre loisir. Je m'excuse. Je
m'excuse. Est-ce que vous permettez une question brève, M. le
député, en vertu du règlement? Oui ou non?
M. Garon: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, allez-y
brièvement.
M. Bélisle: Une courte question, M. le Président.
Dans le cadre d'un Québec souverain, vous avez évoqué la
possibilité d'une politique maritime. Est-ce que, dans le cadre de votre
politique maritime d'un Québec souverain, vous imposeriez un tarif ou
des douanes ou des droits de transit sur chaque bateau qui traverserait le
fleuve Saint-Laurent?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Lévis, si vous voulez répondre.
M. Garon: M. le Président, c'est facile de
répondre. C'est qu'il y aurait sûrement, comme il y a pour les
Grands-Lacs, une commission tripartite avec le gouvernement américain,
le gouvernement canadien et le gouvernement québécois; il y
aurait des frais de services, j'imagine, comme on a dans tous les pays
où on doit participer aux dépenses et comme il y en a aussi sans
doute pour traverser le canal de Suez. Mais c'est une question de
négociation et de discussion avec nos voisins.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Lévis. Je suis prêt à
reconnaître un prochain intervenant. M. le député
d'Orford.
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, j'ai eu l'occasion et le
privilège de siéger à Bélanger-Campeau, un des plus
importants exercices démocratiques que l'Amérique du Nord ait
connu dans les dernières décennies. Plus de 600 mémoi-
res ont été amenés à
Bélanger-Campeau. Quelque 200 ont été
écoutés entre octobre 1990 et mars 1991. Les jeunes sont venus
nous dire pendant deux jours, ici même à l'Assemblée
nationale, ce qu'étaient cette province et ce pays pour eux. Les
experts, quantité de grands experts impressionnants, autant du
Québec, du Canada, que des États-Unis, sont venus nous parler de
certaines ententes et de certains aspects spécifiques de ce
qu'étaient ce Québec et ce pays.
On est ressortis de là certainement mieux informés et plus
compétents sur ce que devait être le devenir collectif du peuple
québécois. On a imprimé à la fin un rapport qu'on a
appelé Bélanger-Campeau, un rapport de 180 pages. Chez nous, au
Parti libéral, on en a gardé les recommandations, l'esprit et les
conclusions. (16 h 50)
Comparons un peu ce que disait Bélanger-Campeau et ce que dit
maintenant le projet de loi 150. Je vous cite les recommandations à la
page 89 de Bélanger-Campeau, qui disaient: La Commission recommande
à l'Assemblée nationale l'adoption au printemps 1991 - c'est
là que nous sommes - d'une loi établissant - alors, la loi, c'est
la loi 150 - le processus de détermination de l'avenir politique et
constitutionnel du Québec. Jusque-là, ça va bien. Cette
loi renfermerait trois sections: un préambule. Alors, la loi 150,
à la page première, nous parlons d'un préambule. J'y
reviendrai dans un instant. Un peu plus loin, on dit: La tenue d'un
référendum. La première partie de cette loi 150, qu'est-ce
qu'elle dit? Chapitre I, un référendum. On dit finalement,
toujours dans Bélanger-Campeau, on termine en disant: Seconde partie
portant sur l'offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle.
Ça aussi, vous le retrouvez. J'y reviens dans un instant.
M. le Président, les gens qui nous disent que les gens de
Bélanger-Campeau n'ont pas été constants ou que le
gouvernement n'a pas été constant suite à la
recommandation de Bélanger-Campeau, eh bien, je vois ici le
préambule et je vous le cite textuellement. L'article 2 du
préambule: "Considérant que les Québécois et les
Québécoises sont libres d'assumer leur propre destin, de
déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement
économique, social et culturel." Qu'est-ce que ça dit, le projet
de loi? Je peux vous le lire, c'est textuellement la même chose,
l'article 3, l'article 4, l'article 5. Donc, le préambule, c'est ce que
Bélanger-Campeau nous a demandé de faire.
Le référendum maintenant. Bélanger-Campeau dit: On
aimerait ça, un référendum avant le 26 octobre. Vous irez
à la page 5 et vous allez voir. Référendum sur la
souveraineté et on dit: Pas plus tard que le 26 octobre, le
référendum sur la souveraineté du Québec. C'est
textuellement ce que dit Bélanger-Campeau. Un peu plus loin, on dit: II
y aura deux commissions, lesquelles nous sommes après mettre en place
ici. La première, commission d'étude sur des questions
afférentes à l'accession du Québec à la
souveraineté. C'est ça que Bélanger-Campeau dit. Un peu
plus loin, on dit: Une deuxième commission, commission d'étude
sur toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Ça
aussi, c'est ça que Bélanger-Campeau dit.
Je ne vois pas où est le problème. Je ne comprends pas,
depuis une semaine, les gens de l'Opposition. Je pourrais vous lire, là,
ce qu'on va faire à l'intérieur de ces commissions-là,
c'est textuellement ce que Bélanger-Campeau nous a recommandé.
D'ailleurs, M. Béland, pas plus tard qu'il y a quelques jours, qui
était un membre de Bélanger-Campeau, qui a été un
personnage important de cette commission-là, disait: Je suis absolument
d'accord avec le projet de loi 150. Je ne comprends pas que l'Opposition,
soudainement, s'oppose d'une façon si véhémente à
ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi 150.
M. le Président, ce dont je me souviens, d'autre part, c'est que
ce n'est pas nouveau. C'est Harry Truman qui disait: C'est toujours la
même pièce de théâtre, mais ce n'est pas toujours les
mêmes acteurs. Dans ce cas-ci, non seulement c'est la même
pièce de théâtre, mais c'est les mêmes acteurs. On
essaie de diviser le Québec: les bons d'un côté, les
mauvais de l'autre; les employeurs d'un bord, les employés de l'autre;
les Français sur un bord et tous les autres sur l'autre bord. Ce n'est
pas nouveau, j'ai entendu ça avant aujourd'hui.
Je vous rappellerai, quand M. Bourassa a voulu former
Bélanger-Campeau, de notre côté, on était
plutôt d'accord. Il y a des gens qui n'étaient pas de notre
allégeance, il y a des gens qui ne faisaient pas partie de votre
chapelle; on était d'accord avec ça. On a été
capable de vivre avec toutes les nominations. Je vais vous en citer une
nomination. Vous avez carrément, mais carrément, à la
grandeur du Québec, décrié quand M. Bourassa a
nommé un individu qui venait de l'Outaouais pour représenter les
intérêts d'une section spéciale du Québec, advenant
la souveraineté. On a dit à peu près n'importe quoi de cet
individu-là, sauf qu'il avait la gale. Moi, je ne le connaissais pas. Je
suis arrivé là et j'ai dit: Ça ne se peut pas d'être
aussi terrible que ça. Cet individu-là, on a dû admettre,
tous et chacun, qu'il a fait un ouvrage extraordinaire, qu'il a très
bien représenté les gens de l'Outaouais. Non seulement il l'a
bien fait, mais les gens de sa région, il y a quelques semaines,
reconnaissaient l'ouvrage absolument extraordinaire qu'il avait fait en lui
organisant une réception où plus de 500 personnes de tous les
partis politiques, de toutes les allégeances, de toutes les
régions de l'Outaouais étaient présentes pour dire: Oui,
ce gars-là, il a fait une bonne job. C'est ce même bonhomme
là qu'on décriait. Il ne faisait pas partie de la chapelle de
pensée exacte de l'autre équipe.
M. le Président, oui, le Québec est en mutation, une
mutation accélérée comme d'autres peuples à travers
le monde, mais à travers cette mutation, le Québécois et
la Québécoise, je pense, veulent garder une ouverture très
grande. Je finirai en disant que cette ouverture-là, c'est ce qui nous a
été dit tout au long de Bélanger-Campeau. Les gens du
Québec voudront certainement une plus grande autonomie. Non seulement
Bélanger-Campeau l'a dit, mais mon propre parti, avec le rapport Jean
Allaire, qui a été une autre grande expérience
démocratique à travers notre formation politique, une recherche
en profondeur, dit à peu près la même chose: II nous faut
garder un lien économique très fort avec nos partenaires
nord-américains. Mais, un lien économique très fort, un
lien économique intégré veut aussi dire, pour nous, un
lien politique. D'autres l'ont compris avant nous. Je pense, entre autres, aux
gens d'Europe qui sont en mutation incroyablement
accélérée. Eux, ils ont compris qu'un lien
économique veut aussi dire un lien politique.
Je finirai en disant que j'ai écouté avec beaucoup de
plaisir le député de Lévis. C'est incroyable comment
ça va mal, à écouter le député de
Lévis, à cause de la Fédération. Je lui rappellerai
que, si ça allait si mal que ça, nous ne serions pas le
septième pays économiquement le plus fort au monde.
Septième pays à travers combien? Quelque 200 pays à
travers le monde. Économiquement, nous sommes le septième pays le
plus fort. Ça va peut-être mal, mais ça ne va pas si mal
que ça. D'autre part, si nous avons fait tout ce chemin comme peuple,
autant francophone qu'anglophone, comme nation canadienne, je pense que
l'économie nous a aidé, avec le fait que nous étions dans
un grand contexte économique qu'était le Canada.
M. le Président, je finirai en vous disant qu'autant à
Bélanger-Campeau que maintenant, dans ce débat qui s'amorce, ce
qui va me guider, ça va être le bien de tous les
Québécois. Il n'y aura pas des bons et des mauvais. Il n'y aura
pas des employeurs et des employés. Il n'y aura pas des francophones et
une autre équipe. Il y aura des Québécois, des gens qui
veulent le bien commun. Je vous dis que l'avenir du peuple, l'avenir de notre
peuple, qui est un peuple fier, un peuple honnête, un peuple travaillant,
eh bien! on va y arriver en étant unis dans les prochains mois et dans
les prochaines années. Le peuple québécois a
été fort à travers le Canada, à travers
l'Amérique, quand il a été uni. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Orford. Je vous rappelle que nous sommes à
l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de
détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec.
Je reconnais M. le député de Masson. M. le
député.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux tout
d'abord dire que ma formation politique est en faveur d'un
référendum sur la souveraineté du Québec. Et non
seulement le Parti québécois est en faveur d'un
référendum sur la souveraineté du Québec, mais ce
qu'on pourrait qualifier comme la ligue souverainiste du Québec est en
faveur d'un référendum. On le voulait en 1991 - mais là,
le compromis - et, au plus tard, en octobre 1992. Je veux tout d'abord que nous
disions ça.
Deuxièmement, nous ne sommes pas en faveur de cette loi qui vient
d'être déposée parce qu'elle prépare un
référendum vicié au départ. M. le Président,
comment ce Parlement en est-il arrivé à débattre une loi
comme celle qui nous est présentée, la loi 150? Comment en est-on
arrivé à cette loi? Depuis une trentaine d'années, il y a
eu de multiples rencontres fédérales-provinciales. Partout
où le Québec se présentait, il était
considéré, quel que soit le gouvernement au pouvoir devant
Ottawa, comme persona non grata, c'est-à-dire que le gouvernement du
Québec était toujours mal reçu et recevait toujours une
rebuffade et un non. Directement, à la longue ou finalement,
c'était toujours: Non.
Quand nous étions au pouvoir, nous aussi, nous avons reçu
un non. Mais Daniel Johnson, avant, avait reçu un non. Même
Godbout, en 1944, disait: Le peuple québécois devrait se
prononcer par référendum sur sa souveraineté. 1944, Parti
libéral! "Maîtres chez nous", Jean Lesage. Daniel Johnson:
"Égalité ou indépendance." Mais quand nous étions
au pouvoir, il y a eu un rapatriement unilatéral de la Constitution et,
de l'autre côté, on nous dit: Voyons donc! vous êtes un
parti souverainiste, comment voulez-vous qu'Ottawa vous dise "oui"? Ils savent
que vous voulez détruire le Canada. (17 heures)
Écoutez, depuis 1944 à aujourd'hui, des "non", il y en a
eu des tonnes; que ce soit des gouvernements rouges, des gouvernements bleus ou
des gouvernements québécois, nous avons eu des "non". Même
là, il y a une liste assez longue de revendications normales du peuple
québécois qui est toujours là dans le décor depuis
que le Québec est Québec et depuis que ce Parlement est
Parlement. Toujours, nous nous faisions dire "non". Mais là est
arrivé un gouvernement un peu plus roseau, un peu plus tendre, un peu
plus flexible, il est arrivé avec cinq petites demandes anodines.
Là, on disait: On va l'avoir. La réponse, c'a été
encore "non". Ce "non" avait été, la dernière fois, le lac
Meech, servi à un parti servile du fédéralisme. Alors,
comment voulez-vous qu'encore une fois, nous arrivions en Chambre et qu'on nous
présente une loi où on nous dit "c'est un
référendum sur la souveraineté avec deux commissions
truquées où il y aura
une étude sur la rentabilité de la souveraineté et
une autre étude sur les propositions que nous ferait,
éventuellement, par condescendance, ce gouvernement supérieur
prénommé Ottawa?
M. le Président, là on vient nous dire, un après
l'autre, de l'autre côté: Comment se fait-il que le Parti
québécois, qui, en soi, est souverainiste et n'a pour but ultime
que de donner un pays aux Québécois, comment se fait-il que cette
Opposition-là dit "non" au projet 150? C'est excessivement facile
à comprendre. Nous avons été... Vous avez une question
à poser, M. le député de Verdun? Si vous n'en avez pas,
écoutez, sinon il y a des places pour discuter.
Une voix: II n'est même pas à son siège.
M. Blais: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Verdun, s'il vous plaît!
Une voix: Le député de Masson.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Le député de Masson a la parole, je pense qu'il a le droit
d'avoir la parole, vous avez le droit de l'écouter. M. le
député, si vous voulez poursuivre.
M. Blais: Je m'excuse, c'était une "éruc-tion", il
a fallu que je la fasse sentir. Il est arrivé ceci. Le Québec est
dans la mouvance vers la souveraineté. Nous avons eu un appel du parti
au pouvoir pour nous dire: Nous demandons un consensus de l'ensemble des
parlementaires, si possible, pour que nous réussissions à donner
un minimum au peuple québécois pour qu'il vive plus pleinement.
La Ligue souverainiste du Québec, dont fait partie le Parti
québécois, a dit: Nous, nous aimerions avoir des états
généraux, mais nous ne sommes pas au pouvoir. Le chef du
gouvernement dit: Des états généraux, je n'en veux pas. Je
préfère une commission spéciale, une commission
parlementaire spéciale.
Gentilshommes que nous sommes et pour le besoin d'un consensus de
l'ensemble du Parlement, nous avons renoncé à notre
première vision des états généraux. Nous avons dit:
Oui, M. le premier ministre, nous acceptons cette commission parlementaire,
à certaines conditions. Il y aura un nombre désigné de
personnes et il y aura entente entre les deux partis pour leur nomination. On a
dit oui, gentilhommerie. Là, arrive la nomination. Quand arrivent, vers
la fin des nominations, les trois ou quatre derniers, eh bien là, on
commence déjà, de l'autre côté, à manquer
à la parole donnée, à vouloir effriter ce consensus de
nomination approuvé des deux côtés et on nomme qui l'on
veut en dernier lieu. Premier accroc à ce consensus, pas de notre
côté, de l'autre côté.
Maintenant, on forme, le 4 septembre, la
Commission Bélanger-Campeau. Voilà! Trente-six personnes
qui sont là, qui viennent écouter, en fait, les gens, tous ceux
qui veulent y participer. C'est, en fait, des États
généraux, morceau par morceau qui viennent. Ils viennent parler
à leur pairs. Ils sont 36. Et la grande majorité de ceux qui sont
venus comparaître à cette commission, presque tous, 82 % - on en a
fait le décompte - demandaient la souveraineté ou un rapatriement
de tellement de pouvoirs que ça valait l'équivalence de la
souveraineté.
Alors, les personnes nommées là, après avoir
entendu tout ce monde-là, décident de mettre au vote: Est-ce
qu'on prend une position vers la souveraineté ou une position vers le
fédéralisme? Eh bien, M. le Président, contrairement
à ce qu'on pouvait s'attendre, parce que les gens qui sont là
sont là pour écouter, morceau par morceau, des états
généraux, tous les gens de toutes les sphères, les jeunes,
les personnes âgées, les gens de l'industrie et du commerce, les
gens des arts, des gens de tous les milieux, on prend le vote. Le fanatisme
l'emporte, à cause des dernières nominations: on vote contre la
souveraineté, 17 à 15. Et ce n'est pas du fanatisme de le dire;
c'est du fanatisme de ne pas avoir écouté les gens qui venaient
nous dire ce qu'on attendait d'eux, à 82 %.
Là, la ligue souverainiste discute: Qu'est-ce que c'est? On
écoute des gens qui viennent nous dire, à 82 %, qu'est-ce qu'on
veut pour le Québec. On veut la souveraineté et les 36 personnes
qui sont là votent et votent contre. Ce n'est plus représentatif.
C'est qu'on porte un mauvais jugement. Un autre accroc. On aurait pu se
retirer, à ce moment-là. Tous les souverainistes, les 15,
auraient pu se retirer de la Commission Bélanger-Campeau. Mais non, par
gentilhommerie, une autre fois, de notre côté, on est
restés là, malgré ça. On aurait pu s'en retirer et
vous le savez très bien qu'on aurait pu se retirer de cette commission.
Pour montrer qu'on était capable quand même de faire un consensus
- on sentait venir la loi 150 tranquillement - on ne s'est pas retirés,
M. le Président. Deuxième geste très éloquent de
gentilhommerie de l'Opposition devant le parti en place.
Et là, la Commission Bélanger-Campeau dit: Deux
commissions, une pour étudier le processus d'accession à la
souveraineté, processus, la deuxième pour étudier les
offres venant d'Ottawa. M. le Président, on s'attendait à ce que
cette loi soit écrite de cette façon. Ce n'est pas ça qui
est indiqué et ce n'est pas l'esprit qui anime le parti qui est au
pouvoir, pas du tout. C'est un leurre. Encore là, on met les deux
options sur la table. Ne croyant pas du tout, majoritairement, de l'autre
côté, à la souveraineté, mais se gardant une porte
de sortie, par soif du pouvoir, au cas où madame la
Fédération canadienne ne viendrait pas offrir une petite ration
à son petit Québec. Soif du pouvoir, cette loi 150, et non pas un
véritable référendum sur
ce qu'un homme d'État devrait faire quand le peuple veut parler.
Donc, on est contre.
Là, c'était suffisant. Trop de gestes de gentilhommerie
nous auraient conduits dans une stratégie où nous aurions
été nous-mêmes victimes de notre bonté. Nous disons:
non. Si nous avions eu affaire, M. le Président, à ce qu'on
appelle un homme d'État qui regarde l'État dans lequel le peuple
québécois se trouve et prendre une position non partisane.
Même la commission parlementaire de cette loi 150 n'est pas selon les
règles du Parlement. Il y a un président seulement, nommé
par le premier ministre. Dans toutes les autres commissions, c'est
majorité des deux côtés pour nommer un président.
Deuxièmement, le vice-président n'est pas là. Il y a des
vice-présidents dans toutes les commissions. Et selon le consensus de la
majorité des deux côtés, il n'est pas là non plus,
dans aucune de ces commissions. Donc, c'est atrophié à la base,
c'est antidémocratique et antiparlementaire, M. le Président.
C'est antiparlementaire hi! hi! hi! Oui hi! hi! hi!
Des voix: Ha, ha, ha!
(17 h 10)
M. Blais: Le député de Mille-Îles, parce que
je dis que c'est antiparlementaire, il rit. C'est vrai que c'est
antiparlementaire. On aurait pu faire un loi spéciale... C'est
marqué une commission spéciale: elle est très
spéciale, elle est antiparlementaire, mais du côté de la
partisanerie libérale. Si on avait voulu, M. le Président, si le
gouvernement en place avait voulu, à son tour, faire un geste de
gentilhommerie comme nous en avons fait plusieurs avant, il aurait dû
dire: Nous allons nommer une commission paritaire. On aurait pu, parce que si
on ne regarde pas la partisanerie, ça aurait pu être paritaire.
Mais au lieu de la faire paritaire, on la fait contraire aux règles et
on met une plus grande force partisane que les commissions normales; on
l'accepte quand on n'est pas au pouvoir, on est minoritaires dans les
commissions. Mais on n'est pas obligé d'ambitionner et de nommer juste
un président, sans vice-président.
Voilà pourquoi, M. le Président, en fait, nous allons
voter contre cette loi s'il n'y a pas de changements majeurs. Notre
gentilhommerie est terminée. Cette souveraineté qui nous est si
chère et qui devrait l'être à tous ceux qui ont les pieds
sur ce sol, chacun chez nous, dans nos dossiers... C'est-à-dire quand on
est enraciné au Québec, qu'on n'est pas juste de passage, quand
on est enraciné, on a cette fierté du sol sur lequel nous vivons,
on a cette fierté-là.
M. le Président, dans le domaine des communications, nous sommes
victimes, encore là, du fédéralisme qui existe et qu'on
appelle rentable. Mais est-ce que c'est bien un fédéralisme
rentable, comme dit le député de Mille-Îles, qui est
l'orientation? J'ai écouté le ministre responsable du dossier
constitutionnel de votre côté ce matin pendant une heure. Il a
parlé pendant au moins 30 minutes des bienfaits du
fédéralisme, de Jésus-Christ à nos jours, et
là, il a commencé à faire verdoyer, comme si au
Québec, avec le fédéralisme, il pousserait des
pamplemousses, M. le Président. J'ai écouté ça. Et
là, c'est une chose que je n'avais pas gobée quand il l'a dite,
s'il l'a dite. M. le Président, il dit: Nous allons voir, premier voeu,
celui qui est le voeu du fédéralisme, le
fédéralisme intégré et asymétrique; c'est ce
qu'il a dit ce matin. Vous avez certainement écouté, M. le
Président, un fédéralisme intégré et
asymétrique, premier voeu. Et si, par défaillance, il n'obtient
pas ça, il se contenterait du lac Meech; même pas le lac Meech
plus "beach", là, le lac Meech tout court. L'ancien lac Meech semblerait
le satisfaire.
Un fédéralisme intégré et
asymétrique, ça veut dire quoi? Intégré,
asymétrique, c'est simple. Il l'a expliqué un petit peu, mais
pour le rendre très concret, les provinces deviendraient comme des
villes. Les villes, devant le gouvernement du Québec ont une certaine
autonomie mais nous tenons les ficelles et nous leur déléguons
les pouvoirs que nous voulons. Dans le fédéralisme
intégré et asymétrique qu'on voit venir, c'est que les
provinces pourraient recevoir certains pouvoirs et, si les provinces anglaises
ne veulent pas de certains pouvoirs, il n'y a aucun problème, toutes les
provinces sont égales pour les choisir et si Québec en veut un
peu plus, on lui en laisse, mais on garde, par normes, par rationalisation,
l'autorité complète. Donc, c'est une autorité
déléguée et non pas une autorité
cédée. On appellerait ça le fédéralisme
intégré, apparemment, et asymétrique.
M. le Président, s'il y en a qui comprennent très bien ce
que ça veut dire, je leur souhaite bonne chance, parce que ça va
être excessivement difficile. Dans les communications, c'est la
même chose. M. le Président... Combien reste-t-il de temps, s'il
vous plaît?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Trois minutes.
M. Blais: Ouf! Dans les communications, il y a deux choses: Nous
allons rapatrier - bien sûr, nous sommes souverainistes - nous allons
rapatrier tout ce qui regarde les communications, nous allons servir les
communications dans le vrai sens du mot. Il y a deux sortes de communications.
Je trouve ça très curieux que les communications fonctionnent...
de la façon dont ça fonctionne ici. Les communications
sélectives ou de personne à personne sont vraiment du domaine des
communications pures; on entend par ça la téléphonie,
disons. On appelle ça les communications sélectives, que ce soit
deux francophones qui parlent ensemble, un anglophone, un francophone, un Arabe
avec un Grec, c'est personnel, ça, c'est de la communication
pure. Dès qu'on tombe dans la communication collective ou
communautaire, c'est-à-dire la radio, la télévision, eh
bien là, M. le Président, ça ne demeure pas de la
communication, c'est de la culture. Et la radio, la télévision,
à cause de la portée que ça donne à la
collectivité, devraient appartenir au ministère des Affaires
culturelles, tout simplement. Et si nous faisions ça, nous rapatrierons
le droit de donner des permis.
J'espère que nous allons mieux contrôler l'émission
de permis pour les postes de télévision, enfin. Actuellement,
tous les réseaux sont presque en faillite au Québec parce qu'on a
distribué à qui mieux mieux le droit de faire de la
réclame. Et nous allons avoir notre CRTC à nous. Nous allons
ôter la plaque de Radio-Canada. Nous allons l'appeler
radiotélévision québécoise, RTQ - ce n'est pas
important le nom. Et Radio-Québec pourrait devenir une
télévision éducative, tout simplement. Et dans cette
société Radio-Canada là, il faudrait respecter les
minorités et il y aurait la chaîne anglaise de la même
façon parce que nous, nous avons été les premiers, avec la
loi 101, à reconnaître les droits des anglophones, une des seules
provinces qui a fait ça, le droit des anglophones dans la loi 101.
Alors, nous respectons leur culture. Nous allons donc respecter leurs moyens de
communication, leurs moyens d'exprimer leur culture.
Je tiens à vous dire une chose, M. le Président, dans le
domaine des communications comme dans d'autres, autant à la
télévision qu'à la radio, s'il y a un peuple qui
connaît ce que c'est que d'être dans un état minoritaire et
qui en a souffert par l'abus de la majorité - je parle d'Ottawa - c'est
nous. Sachez que nous avons notre leçon et que nous avons toujours
été excessivement généreux pour les
minorités. Et si le Parti québécois n'avait pas autant de
convictions et ne manifestait pas autant de foi dans le respect des droits de
la minorité, je ne serais pas de ce parti, M. le Président. Et
autant dans le domaine de la radio, de la télévision que dans
d'autres, il faut absolument que nous respections ça.
Nous allons rapatrier toutes les juridictions mais, en attendant, cette
zone tampon, qui est la loi 150, vous n'aurez pas notre blanc-seing sur
ça, vous ne l'aurez pas. Nihil obstat, nous ne vous le donnerons pas.
Nous allons voter contre parce qu'elle est viciée au départ et
quelqu'un qui regarde la loi telle qu'elle est, qui regarde les recommandations
de Bélanger-Campeau, s'aperçoit que tout est atrophié.
C'est une espèce de brume autour d'un projet. Comment voulez-vous qu'une
seule personne soit maître et du fédéralisme et de la
souveraineté? Il a certainement une des deux tendances et, quel que soit
le référendum qui arrive, s'il est fédéraliste, il
sera contre le référendum sur la souveraineté, ce qui est
absurde en soi, et, si ce n'était pas absurde, une fausse fuite en avant
pour garder un tantinet de chances de prendre le pouvoir, cette loi-là
ne serait pas là. Et, M. le Président, je vous remercie.
M. Richard: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, le
député de Nicolet-Yamaska.
M. Richard: ...maintenant j'aimerais utiliser l'article 213, si
M. le député de Masson me donne la permission,
évidemment.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de
l'article 213, vous pouvez poser une question si M. le député de
Masson y consent. Il y a refus. Il n'y a pas de consentement.
Une voix: II n'est pas capable de répondre.
M. Blais: Je suis capable de répondre. M. le
Président, question de règlement...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non.
M. Blais: ...question de règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Question de
règlement, oui.
M. Blais: M. le Président, je suis capable de
répondre, mais nous avons décidé de ne répondre
à aucune question, comme formation politique, parce que la
première qui a été posée était tellement
plate qu'on pensait que les autres seraient toutes pareilles.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors...
M. Bélisle: M. le Président, sur la question de
règlement...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint
du gouvernement.
M. Bélisle: ...justement tout le débat du projet de
loi 150, c'est à l'effet de pouvoir poser des questions et de pouvoir
les poser à tous les Québécois qui nous regardent. Et
l'attitude du député de Masson, c'est justement l'attitude de
tous ses collègues, de refuser de dire la vérité aux
Québécois.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ça va.
Vous aurez tous compris que, d'un côté comme de l'autre,
les questions de règlement étaient plus ou moins
justifiées. Toujours sur le même débat, à savoir
l'adoption du principe du projet de loi 150, je reconnais maintenant Mme la
députée de Matane.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: M. le Président, j'ai été
fière de ma nomination comme commissaire à la Commission
Bélanger-Campeau. J'ai été fière aussi d'apposer ma
signature sur le rapport de la Commission Bélanger-Campeau et c'est
aussi avec fierté que j'interviens sur le projet de loi 150 parce que ce
projet de loi respecte en tout point l'esprit, la lettre et le contenu du
rapport de la Commission Bélanger-Campeau. (17 h 20)
D'ailleurs, M. le Président, le premier paragraphe du
préambule du projet de loi mentionne - et je vais vous le lire, le
préambule du projet de loi 150 - "Considérant le rapport, les
conclusions et les recommandations de la Commission sur l'avenir politique et
constitutionnel du Québec", donc un respect des recommandations et des
considérants. La plupart, d'ailleurs, des considérants que l'on
retrouve dans le projet de loi 150 étaient déjà dans la
loi 90 qui a mis sur pied la Commission Bélanger-Campeau.
Permettez-moi de vous lire quelques considérants qui
apparaissaient dans les deux lois: "Considérant que les
Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer
leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer
leur développement économique, social et culturel;
"Considérant la volonté des Québécoises et des
Québécois d'être partie prenante à la
définition de l'avenir politique et constitutionnel du Québec;
"Considérant que la Loi constitutionnelle de 1982 a été
proclamée malgré l'Opposition de l'Assemblée nationale;
"Considérant l'échec de l'Accord constitutionnel de 1987 visant
à permettre au Québec d'adhérer à la Loi
constitutionnelle de 1982; "Considérant la nécessité de
redéfinir le statut politique et constitutionnel du Québec".
Voilà, M. le Président, cinq considérants qui se
retrouvent dans le projet de loi 150 et qui étaient déjà
dans le projet de loi 90 qui avait mis sur pied la Commission
Bélanger-Campeau.
Le projet de loi 150 est fidèle aussi aux recommandations du
rapport de la Commission Bélanger-Campeau, recommandations, d'ailleurs,
qui ont fait un large consensus. Il y a eu 30 commissaires qui ont voté
pour, 2 contre et 1 abstention. M. le Président, je trouve ça
incroyable que les commissaires péquistes qui siégeaient sur la
Commission Bélanger-Campeau et qui ont signé, d'ailleurs, le
rapport de la Commission Bélanger-Campeau... Et je vais montrer ici les
noms de ceux qui ont signé. D'ailleurs, vous avez M. Jacques Parizeau,
leur chef...
Une voix:...
Mme Hovington: ...le chef de l'Opposition; il y a Mme Jeanne
Blackburn qui a signé, M.
Jacques Brassard, M. Guy Chevrette, Mme Louise Harel, M. Jacques
Léonard, Mme Pauline Marois. Ce sont des élus péquistes
qui ont signé le rapport Bélanger-Campeau et qui, maintenant,
disent qu'ils vont voter contre le projet de loi 150, un projet de loi qui
respecte en tout point le rapport de la Commission Bélanger-Campeau.
Et même, M. le Président, M. Béland, qui est un
signataire du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, qui est du
Mouvement Desjardins, tout le monde le sait, qui a toujours affiché
qu'il était un souverainiste accompli - et d'ailleurs, le mémoire
qu'il a présenté à la Commission Bélanger-Campeau
affichait un sou-verainisme sans cachette - était hier dans Le
Devoir: "Béland comprend mal la guerre du PQ contre le projet de loi
150". Comment se fait-il qu'une formation politique qui a toujours
prôné la souveraineté vote contre un projet de loi dans
lequel il est dit qu'il y aura un référendum portant sur la
souveraineté du Québec? C'est à n'y rien comprendre, M. le
Président.
M. le Président, toute forme de statu quo constitutionnel a
été rejetée, étant ainsi fidèle au voeu de
la population entendue en consultation publique. Deux voies s'offraient
désormais au Québec, après l'échec de Meech: une
réforme en profondeur du fédéralisme actuel ou la
souveraineté. Le projet de loi 150 permettra aux Québécois
et aux Québécoises de s'informer adéquatement de ces deux
voies politiques qui sont offertes pour un meilleur avenir politique et
constitutionnel du Québec.
En effet, M. le Président, la formation de deux commissions
parlementaires permettra d'en arriver à cette fin, l'une ayant pour
mandat d'étudier les questions et les impacts afférents à
l'accession du Québec à la souveraineté. À la page
62 du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. il est dit: "Certaines
questions soulevées par l'accession à la souveraineté sont
complexes. On aurait tort de les sous-estimer ou de les négliger: les
choix collectifs à poser doivent être éclairés."
Donc, étudier les impacts sociaux et économiques de la
souveraineté, de même que la signification du concept de
souveraineté dans un monde de plus en plus interdépendant. Et
à cela aussi s'ajoute le volet de partenariat économique. Donc,
le premier mandat de la commission: étudier les questions et les impacts
afférents à l'accession du Québec à la
souveraineté.
L'autre commission aura pour mandat d'apprécier les offres
éventuelles d'un nouveau partenariat constitutionnel provenant du
gouvernement du Canada, offres, d'ailleurs, qui devront formellement lier
l'ensemble des provinces canadiennes. Et on lit à la page 57 du rapport
de la Commission Bélanger-Campeau: "Un grand nombre de
Québécoises et Québécois considèrent cette
voie - la voie d'un fédéralisme renouvelé en profondeur -
comme la tentative de la dernière chance." Page 57 du rapport. Il
faut
donc exercer toutes nos options et ne point faire d'aveuglement
volontaire comme le fait le Parti québécois.
À cet égard, M. le Président, le projet de loi 150
est donc fidèle au rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Il
y a plus. Il y a un échéancier. Le projet de loi 150
prévoit la tenue d'un référendum qui portera sur la
souveraineté du Québec au plus tard en octobre 1992. Ainsi, par
le biais de ce projet de loi, le processus de consultation auprès de la
population québécoise se fera conformément aux
règles de notre démocratie. Cela m'apparaît une condition
essentielle pour que les Québécoises et les
Québécois puissent librement choisir leur avenir politique et
constitutionnel.
Plus spécifiquement sur l'avenir politique et constitutionnel du
Québec, le premier ministre du Québec, M. Bourassa, l'a
réitéré à maintes reprises: Nous devons nous battre
d'abord et avant tout au nom des intérêts supérieurs du
Québec. C'est précisément l'engagement de notre chef,
l'engagement politique de ceux et celles qui appartiennent à notre
formation politique et l'engagement politique du gouvernement libéral.
Le Parti libéral du Québec a su prouver, à cet
égard, qu'il se conformait à cette règle des
intérêts supérieurs du Québec. On n'a qu'à
regarder de près les grandes réalisations des années
soixante, soixante-dix et quatre-vingt pour s'en apercevoir.
Le Québec fait aujourd'hui partie des sociétés
modernes. Mais tout ne s'est pas bâti en un jour. Les gouvernements
libéraux qui se sont succédé y ont vu de près en
établissant un réseau économique, social et culturel qui a
hissé le Québec au rang des champions.
Si le Québec s'est doté d'un réseau routier moderne
et efficace, c'est en partie grâce aux efforts d'un gouvernement
libéral. Si les Québécoises et les Québécois
ont aujourd'hui accès à un réseau d'éducation
complet, c'est en partie grâce aux efforts d'un gouvernement
libéral. Si les Québécoises et les Québécois
ont aujourd'hui accès à un système de santé et de
services sociaux complet, moderne et de qualité, c'est en partie
grâce à un gouvernement libéral qui en a conçu
l'idée et la mise en application.
Parallèlement à cette affirmation sur les plans social,
culturel et économique, le Québec a toujours remis en cause sa
place dans la Fédération canadienne, surtout depuis les 30
dernières années, et a toujours aussi travaillé pour
réformer ses institutions. Qu'il me suffise de rappeler les slogans
"Maîtres chez nous" de M. Jean Lesage, "Égalité ou
indépendance" de Daniel Johnson, "Souveraineté-association" de
René Lévesque et la "Société distincte" de M.
Robert Bourassa. Pour toutes ces options politiques, il y avait un
dénominateur commun: la recherche pour le Québec de son autonomie
pour exprimer pleinement sa spécificité culturelle, sociale,
politique et économique.
M. le Président, l'avenir politique et constitutionnel du
Québec tient à coeur à chacun d'entre nous, à
chacune des Québécoises et à chacun des
Québécois. Le projet de loi 150 offrira donc cette
opportunité d'effectuer un choix éclairé et dans un
contexte de liberté d'expression et de liberté de choix.
Le chef du gouvernement libéral, M. Bourassa, détient les
qualités pour assumer ce leadership au nom des intérêts
supérieurs du Québec. Il tient mordicus à ce que les
règles de la démocratie se déroulent d'une saine
façon. Il a également réitéré sa
priorité d'assurer la sécurité économique des
Québécoises et des Québécois.
De son côté, la population sera à même de
juger du travail accompli par le gouvernement libéral. La population
pourra effectuer un choix judicieux en ce qui a trait à un
réaménagement en profondeur des structures politiques
constitutionnelles.
M. le Président, c'est là l'essentiel de mon message
aujourd'hui, à savoir que les Québécoises et les
Québécois doivent pouvoir choisir dans un contexte de libre
expression pour une amélioration de leur qualité de vie. Or,
notre qualité de vie économique, sociale et culturelle
dépend, bien sûr, des acquis du passé. Comme
collectivité, nous devrions donc en renforcer les fondements. Comme
individus, nous apprenons, au fur et à mesure qu'évolue
l'histoire du Québec, que nous devons faire preuve de
responsabilité en ce sens qu'il importe d'assumer nos choix. (17 h
30)
Le projet de loi 150 nous prépare donc à ce choix
important, comme société et comme individus, dans un contexte de
liberté d'expression et de respect des règles
démocratiques inhérentes à une société
moderne comme la nôtre.
Pour le gouvernement libéral, la sécurité
économique des Québécoises et des Québécois
importe avant toute chose. M. le premier ministre du Québec et chef du
Parti libéral du Québec, M. Bourassa, l'a
répété à maintes reprises, mais pour l'instant,
qu'il suffise de se rappeler que les revendications traditionnelles du
Québec reposent essentiellement sur la défense de nos droits
collectifs et de nos droits individuels et, contrairement à ce que
d'aucuns pourraient penser, les droits collectifs n'excluent aucunement les
droits individuels. Pour le Parti libéral du Québec, les droits
individuels constituent le fondement même de notre démocratie,
mais en bout de piste, si chacun des droits individuels est défendu de
manière adéquate, inévitablement, les droits collectifs
s'en trouvent sauvegardés.
Il ne s'agit pas, ici, de valeurs uniquement juridiques, mais de
constantes politiques, c'est-à-dire que l'histoire d'un peuple doit
évoluer dans le sens d'améliorer la qualité de vie de ceux
et celles qui le composent. C'est donc, M. le Président, pour une
meilleure maîtrise de notre
avenir que le gouvernement libéral présente le projet de
loi 150 prévoyant, notamment, la constitution de deux commissions
parlementaires et précisant qu'un référendum sur la
souveraineté du Québec doit être tenu au plus tard en
octobre 1992.
M. le Président, je voterai pour la loi 150, car elle exprime la
volonté du gouvernement et celle de la population et elle est le reflet
de cette phrase que le premier ministre du Québec a
énoncée le 22 juin 1990: Le Québec est, aujourd'hui et
pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer
son destin et son développement. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Matane. Sur le même sujet, Mme la
députée de Verchères.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Après
l'échec du lac Meech, il y a eu la Commission Bélanger-Campeau,
qui a reçu 600 mémoires d'experts et de différents
groupes, une commission qui se voulait représentative de l'ensemble des
Québécois et des Québécoises et qui a su traduire,
je pense, les sentiments, les désirs et les voeux de ces
Québécois et de ces Québécoises.
De cette agitation intellectuelle, huit consensus sont ressortis, M. le
Président, dont le plus fort était celui de la tenue d'un
référendum qui aurait permis au peuple québécois de
se prononcer sur le statut politique et constitutionnel du Québec et
cela, avant toute initiative de négociation prise au nom du peuple
québécois par le gouvernement ou par l'Assemblée
nationale.
M. le Président, ce moyen recommandé par la Commission
Bélanger-Campeau, ce moyen identifié par la Commission
Bélanger-Campeau, qui est la tenue d'un référendum,
était l'outil privilégié par l'ensemble des
Québécois pour permettre à chacun d'avoir la
possibilité de s'exprimer et ce, d'une façon individuelle, sur la
souveraineté du Québec.
M. le Président, le véritable problème que l'on
rencontre maintenant au sujet de ce référendum, c'est que nous
avons un premier ministre et un gouvernement fédéraliste - ils
l'ont avoué - qui ne veulent pas, n'ont pas la volonté politique
de respecter ce référendum sur la souveraineté du
Québec. Le problème majeur aussi, c'est que ce même
gouvernement, fidèle à lui-même, ne respecte pas la
volonté des Québécois, ne consulte pas, ne respecte pas,
même après consultation, la volonté des
Québécois. S'il consulte, c'est pour avoir des approbations et
non pour une véritable consultation et ensuite appliquer ce qui est
ressorti de ces consultations.
Sous l'apparence d'un véritable référendum sur la
souveraineté du Québec, M. le Président, le premier
ministre se garde la possibilité, se garde toutes les portes ouvertes
pour être capable de faire un référendum sur ce que lui a
décidé qu'il ferait, non pas sur la souveraineté, mais sur
des offres renouvelées de fédéralisme. Pour moi, c'est
tout à fait inacceptable. Lorsqu'on a cultivé pendant des
années l'élément fierté, notre personnalité,
le fait de cultiver nos différences et qu'on voit que ces valeurs sont
tout à fait bafouées, comment peut-on, lorsqu'on est le
moindrement fiers de ce nous sommes, qu'on a le moindrement de fierté
pour notre peuple, mettre tout en oeuvre pour retourner une fois de plus vers
le fédéralisme, pour retourner encore se faire dire non, se faire
dire: Les offres que nous vous proposons, on les trouve inacceptables encore?
Se faire dire: Nous n'avons pas plus que ce que nous vous avons offert lors du
lac Meech.
Après avoir vécu tout l'événement de la
Commission Bélanger-Campeau, c'est pratiquement incroyable de voir que
ce gouvernement, une fois de plus, est fidèle a ses
intérêts de parti, à ses intérêts personnels,
en tant que premier ministre, et ignore complètement les
intérêts des Québécois et la fierté et les
besoins des Québécois dans leurs demandes. C'est leur droit, au
premier ministre et à ce gouvernement, de défendre les couleurs
du fédéralisme, mais il ne faudrait surtout pas que ce droit, que
je lui reconnais, l'empêche de respecter les droits de l'ensemble du
peuple québécois qui, lui, majoritairement, a déjà
exprimé sa volonté de se prononcer, par référendum,
sur l'avenir politique du Québec, sur la souveraineté du
Québec.
Le projet de loi, tel que formulé, est rempli
d'échappatoires qui permettent au gouvernement de se soustraire à
cette obligation de tenir ce référendum. Il y a une chose qui est
claire, cependant, dans ce dossier, c'est que le premier ministre est
cohérent et qu'il mettra tout en oeuvre pour contourner la
souveraineté, même au prix de manigances tout à fait
inacceptables. Sous le couvert et sous le titre, comme je le disais
tantôt, d'un projet de loi qui permet de consulter les
Québécois par référendum se cachent tous les moyens
de consulter sur les offres d'un fédéralisme
renouvelé.
M. le Président, accorder un vote de principe à ce projet
de loi, dans les faits, serait trahir la confiance que les électeurs ont
mise en nous.
Mme Juneau: M. le Président, je m'excuse auprès de
ma collègue.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: Je pense que ça n'a pas de bon sens, on n'a
même pas quorum ici et c'est une loi importante.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors,
qu'on appelle les députés. Qu'on appelle les
députés. Vous avez raison, il n'y a pas quorum. Qu'on appelle les
députés. (17 h 40)
Alors, on a maintenant quorum; Mme la députée de
Verchères, si vous voulez bien continuer votre intervention.
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Dans son projet de
loi, comme je vous le disais tantôt, le premier ministre
réitère avec insistance, conformément à son
addenda, au rapport de la Commission Bélanger-Campeau, que le
gouvernement conserve toute sa marge de manoeuvre pour déterminer
comment la population sera consultée et sur quoi elle le sera.
Le projet de loi comporte deux éléments tout à fait
inacceptables: d'abord, l'ajout de considérants qui placent sur le
même pied, sur un pied d'égalité la souveraineté et
le renouvellement du fédéralisme. Un autre élément,
c'est que les deux commissions parlementaires spéciales
créées par le projet de loi n'obéissent d'aucune
façon aux règles de fonctionnement normal et à la
tradition parlementaire. Ce sont des créatures issues d'un gouvernement
aux croyances fédéralistes.
Je voudrais vous entretenir un peu sur la démarche d'un peuple
vers sa souveraineté qui, en tout point, est identique et aussi
légitime que la démarche d'un individu vers son autonomie. Tous,
en tant qu'êtres humains, nous avons vécu les étapes qui
nous ont amenés à une forme d'autonomie. C'est avec
fierté, je pense, que nous y sommes parvenus en tant qu'individus. C'est
aussi en tant que parents que nous avons travaillé - et ça,
plusieurs d'entre nous l'ont vécu aussi - auprès de nos enfants
à les rendre plus autonomes, et le plus rapidement possible. Il y a une
comparaison à faire entre la démarche d'un individu l'amenant
vers son autonomie, vers sa souveraineté, et la fierté qu'il en
ressent et la démarche d'un peuple vers sa souveraineté et la
fierté qui en dépend aussi. Mais pour y parvenir, à cette
indépendance, à cette forme d'autonomie en tant qu'individu, nous
avons dû utiliser naturellement, sans le savoir, bien sûr, mais
nous avons tous utilisé une démarche qui se veut
créatrice, qui nous a commandé d'utiliser notre intelligence de
façon globale, c'est-à-dire de développer notre
sensibilité, notre jugement, notre raison et notre volonté.
Cette démarche d'un individu vers le plein développement
de sa personne, si elle se fait correctement, amène un être
à jouir d'une personnalité qui lui est propre et qui en fait un
être unique, différent et fier de ce qu'il est, qui amène
une personne à, toute sa vie, défendre ce qu'elle est,
défendre justement cette personnalité propre et à
défendre sa culture. Il en est de même pour une nation à
qui seule une culture vivante et fière est en mesure d'assurer un visage
et un esprit suffisamment fort et distinct pour soutenir un avenir
prometteur.
C'est dans le même sens que, là, j'aborde l'industrie
touristique. S'il y a un exemple parfait d'une industrie qui doit être
axée sur la personnalité propre d'un environnement, sur la
personnalité propre d'un pays, sur la personnalité propre d'un
lieu, c'est bien l'industrie touristique, M. le Président. Qu'est-ce qui
peut améliorer l'industrie touristique qui file allègrement vers
le 1 000 000 000 $ de déficit? Depuis 1989, d'année en
année, le déficit augmente de i 000 000 $, ce qui fait que, pour
1991, m. le président, nous filons vers le 1 000 000 000 $ de
déficit. comment redresser cette industrie et comment, dans un
québec souverain, de par le fait même qu'il est souverain,
pourrait-on améliorer sa situation?
M. le Président, il faudrait d'abord qu'on ait un gouvernement
qui y croit, à cette personnalité propre, qui y croit, à
cette capacité de défendre la différence, qui croit que
l'image du Québec n'est pas... que le Québec n'est pas un pays
comme les autres, n'est pas comme le reste du Canada. Ça nous prend un
gouvernement qui est capable de voir ces différences et de comprendre ce
qu'est le Québec dans ses racines les plus profondes. Nous avons tout,
au Québec, pour miser justement sur cette différence. Nous avons
le facteur régional, où chacune de nos régions est
différente, où le Lac-Saint-Jean n'a pas la même image que
Montréal; Montréal n'a pas la même image que la
Montérégie; la Montérégie n'a pas la même
image que l'Estrie. En mettant en valeur ces facteurs de différence, on
pourrait peut-être, M. le Président, arriver à garder nos
Québécois chez nous, ceux qui désertent le Québec.
On pourrait peut-être revenir aussi au Québec en se disant: J'ai
visité telle région, mais telle autre est différente.
Pour ça, ça prend une promotion adéquate. ii faut
que nos concepteurs, au niveau de la promotion, pensent à les mettre en
valeur et n'essaient pas de copier l'image des autres provinces. il faudrait
reprendre en main cette capacité de promotion, et non pas la laisser au
gouvernement fédéral qui, d'ailleurs, a coupé de 6 000 000
$, l'an passé, ses budgets en ce qui concerne les fonds attribués
aux québécois. en mettant en valeur cette personnalité,
cette différence, je pense qu'il y aurait lieu, et de façon
réaliste, de combler notre différence touristique. un
québec souverain susciterait par le fait même la curiosité;
un québec souverain inciterait les gens à venir voir comment un
peuple a pu conserver sa culture, comment un peuple est arrivé à
conserver sa langue, comment un peuple est arrivé à se
différencier d'une mer anglophone. il faut de la ténacité.
il faut de la conviction.
Ça permettrait aussi, M. le Président, de constater, en
venant vérifier ce que nous sommes, l'accueil des
Québécois, qui est typique des Québécois. Comme
disait un collègue der-
nièrement: Un Québécois, lorsqu'on lui demande un
renseignement, il ne dit pas où, il dit: Embarque, je vais te conduire.
Ça, c'est typique des Québécois. Ça permettrait aux
étrangers qui viennent nous visiter de constater toute la
différence au niveau de la nourriture. On pourrait peut-être
vendre, parlant de diversité, M. le Président, nos saisons,
aussi. Ce qui est dommage, quand je vois les produits que notre ministre vend
maintenant, c'est l'image qu'on essaie de projeter du Québec au niveau
touristique. Les grandes villes, M. le Président, est-ce qu'il y a moyen
de dépersonnaliser plus, que ce soit Montréal ou Québec,
qu'en disant "une grande ville"? Mais encore faut-il savoir ce qu'il faut
vendre de différent dans ces grandes villes, vendre la différence
entre Québec et Montréal, mettre en valeur ce que nous avons de
particulier dans nos grandes villes. (17 h 50)
Nous avons, comme produit touristique à vendre, des circuits, M.
le Président. Est-ce qu'il y a, encore là, un mot ou un produit
qui peut être plus mal identifié que nos circuits? Nos circuits,
où? Dans quoi? Dans quelle région? Et lorsqu'on effectue un
circuit en matière touristique, M. le Président, qu'est-ce qu'on
voit? Qu'est-ce qu'on rencontre? Est-ce qu'on parle de notre histoire? Est-ce
qu'on parle de notre nature? Séjour de villégiature, mais
où? Mais dans quel décor? Avec quelle nourriture? Dans quel type
d'hôtel? Tout ce qui pourrait faire ressortir notre personnalité
propre est complètement absent de nos campagnes de promotion, M. le
Président.
Aventure et grande nature. Là, peut-être que... Mais
encore, aventure et grande nature, il faudrait peut-être leur dire quelle
sorte d'aventure. Une aventure dans le Grand-Nord, ce n'est peut-être pas
la même aventure que dans une forêt de la Gaspésie. M. le
Président, c'est cet élément que je voulais faire
ressortir et qui pourrait aider; mais, pour ça, il faut avoir le courage
et il faut avoir cette philosophie de vouloir vraiment mettre en valeur ce que
nous sommes et la reconnaissance de ce que nous sommes.
M. le Président, je voterai donc contre ce projet de loi pour les
bonnes raisons que ce projet de loi est non représentatif de la
volonté des Québécois; parce que ce projet de loi ne porte
pas sur un projet de souveraineté, mais sur un projet de
fédéralisme renouvelé. Ce projet de loi est la
créature d'un gouvernement non respectueux de la volonté des
Québécois, M. le Président, parce que ce projet de loi,
piloté par un fédéraliste, dirige en droite ligne les
Québécois vers une autre humiliation. Ce projet de loi refuse
tout simplement...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de
conclure, Mme la députée, s'il vous plaît.
Mme Dupuis: ...aux Québécois et aux
Québécoises le droit de se prononcer sur la souveraineté
du Québec, et ce, malgré qu'à ce sujet le rapport de la
Commission Bélanger-Campeau ait été on ne peut plus clair.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Verchères. Oui, Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme Dionne: À Mme la députée de
Ver-chères, si je peux lui poser une question...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mme la
députée de Verchères.
Mme Dionne: ...en matière de ...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): En venu de l'article
213.
Mme Dionne: Oui, j'y arrive, M. le Président. En
matière de tourisme dans un Québec souverain, selon l'article,
bien sûr, 213 de notre règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que vous voulez
répondre à la question de Mme la députée, Mme la
députée de Verchères?
Mme Dupuis: M. le Président, le petit jeu...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, un instant. Non,
non, je m'excuse. Alors, il n'y a pas de consentement pour répondre
à la question. Sur le même sujet, M. le député de
Jacques-Cartier.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci, M. le Président. Après un tel
exercice élaboré comme la Commission Bélanger-Campeau et
son rapport final, il était inévitable qu'une sorte de
promulgation législative suivrait. Tous les membres de cette Chambre
doivent reconnaître cependant que le projet de loi 150 est l'une des lois
les plus dangereuses à être considérées par une
Législature élue "pro-vincialement". Il est dangereux pour le
bien-être social et économique du Québec, dangereux pour le
suivi du Canada, dangereux pour les relations entre les communautés
linguistiques et ethniques du Québec et dangereux pour les
prérogatives de cette Assemblée et pour toutes nos institutions
politiques.
On peut argumenter que ceci peut sembler être une note
extrêmement alarmiste et, à un moment, bizarre, alors qu'il semble
y avoir presque équilibre entre les forces du fédéralisme
et celles du nationalisme. Plusieurs sondages d'opinion publique ont
récemment été publiés, lesquels, en somme,
indiquent que l'appui à la
souveraineté a chuté sous le niveau des 50 % et que, s'il
n'y a pas tant de membres de la population francophone qui sont
profondément attachés au Canada, ils ne sont pas très
attirés non plus par la perspective d'un bouleversement et d'une
infortune économique qui doivent accompagner le saut vers la
souveraineté.
Nous avons vu plusieurs signes d'une nouvelle ouverture envers la
population anglophone et même quelques indications que la loi 178 et les
aspects les plus restrictifs de la loi 101 sur l'éducation seraient
peut-être abandonnés ou modifiés si des arrangements
satisfaisants pouvaient être faits dans d'autres secteurs.
Nous, du Parti Égalité, saluons toute nouvelle de cette
sorte avec beaucoup d'enthousiasme. Il n'est certainement pas de notre
intention de maintenir une détermination - my apologies - maussade et
d'attendre le pire ou de le faire arriver. Cependant, il y a encore une
probabilité considérable que ce qui avait été
prévu comme un coup de théâtre serait accidentellement
converti en coup de grâce. Pour expliquer pourquoi, il n'est pas
nécessaire de passer à travers une autre exhumation du lac Meech
ou des discussions au sujet de la signification d'une société
distincte. Il serait plus instructif de commencer une sérieuse
considération des implications d'un référendum en 1992,
d'examiner la signification et les perspectives d'un fédéralisme
renouvelé, d'analyser les calculs stratégiques des
libéraux et des péquistes et de considérer ce qui peut
raisonnablement se produire si les choses vont mal.
On peut regarder le référendum comme prise de vue. Les
démocraties parlementaires opérant à l'intérieur du
cadre de la tradition constitutionnelle et des règles de loi travaillent
dans la forme actuelle depuis presque un siècle. Une des choses les plus
surprenantes au sujet des démocraties les plus stables et les plus
fructueuses est que peu d'entre elles essaient d'enseigner à leurs
jeunes ou même à leurs citoyens adultes la définition de
termes aussi cruciaux que la démocratie même. Actuellement,
plusieurs citoyens d'ici et d'ailleurs semblent imaginer que toute pratique
politique peut être strictement définie comme démocratique
ou non démocratique. Mais la réalité politique de ces
siècles a été que les plus importantes différences
d'opinions et quelquefois les conflits les plus violents ont été
au-dessus de ce que veut dire la démocratie même.
Comme bien des gens dans plusieurs pays, par exemple, je suis
personnellement un conservateur philosophique et je dirais qu'une façon
de définir quelqu'un qui est conservateur par principe est de dire qu'il
croit qu'en faisant n'importe quel choix politique fondamental on doit
considérer que les générations du passé et les
générations de l'avenir ont un vote, pas seulement celles du
présent. Dans le cas du passé, nous pouvons souvent
déterminer, d'après l'histoire, au moins une bonne idée
des intentions passées, tout autant que pour les votes présents.
Dans le cas du futur, nous, tout comme ceux qui sont en désaccord avec
nous, ne pouvons que spéculer, mais nous pouvons au moins parfois
reconnaître quand nous faisons des choix qui vont priver des futures
générations de choix.
Ceux qui ont un tempérament plus libéral ou radical
peuvent ne pas aimer cette idée puisqu'ils préfèrent
habituellement influencer le plus possible l'opinion publique de cette
époque, de cette année, quelquefois même de ce mois, tout
en planifiant gaiement l'avenir des générations qui n'ont pas
même encore vu le jour. Mais il est difficile de voir pourquoi leur
façon de raisonner devrait être qualifiée de plus
démocratique que celle des conservateurs. (18 heures)
De plus, il a été possible pour les conservateurs et les
libéraux, et même pour les radicaux modérés, de
travailler ensemble de façon fructueuse dans les Parlements et
même de coopérer joyeusement et paisiblement dans la
société civile ordinaire, jusqu'à aller même
à des amitiés personnelles avec ceux qui ont des idées
différentes. Il est important de se rappeler que ce miracle, car ce
n'est rien de moins que cela, de civilité et d'amabilité n'a pu
se produire que dans les démocraties parlementaires. Ces
démocraties parlementaires ont maintenu cette réussite non
seulement par le respect de la propriété privée, par la
loi et par les droits reconnus, mais aussi par leur indisposition à
utiliser les référendums ou tout mécanisme de
plébiscite en général, pour régler les questions de
l'État.
Les grandes démocraties ont généralement
accepté les référendums comme les mécanismes les
plus utiles et les plus équitables pour régler assez
fréquemment les problèmes des gouvernements municipaux, mais ils
s'en sont servi uniquement comme consultation de dernier recours, autrement
dit, par exemple, en établissant des frontières nationales pour
les gens profondément divisés d'États héritiers
d'empires déchus.
Tel qu'il est bien connu au Québec, le Canada n'a eu que deux
référendums nationaux dans toute son histoire, un sur la
prohibition au début du siècle, et l'autre sur la conscription
lors de la Deuxième Guerre mondiale. En dépit du fait qu'ils ont
eu des résultats décisifs, aucun des deux n'a vraiment bien
fonctionné et aucun des deux ne fut un événement heureux
pour le Québec.
Un troisième référendum peut maintenant être
nécessaire pour s'occuper des problèmes de la formule
d'amendement de la Constitution de 1982, mais même dans cette
éventualité, des garanties élaborées seront
probablement nécessaires; sinon, le référendum devient un
moyen d'ébranler le concept entier d'une constitution.
Au niveau du Québec, la question référendaire de
1980 sur la négociation de la souverai-
neté-association a exposé la population à cette
prescription qui peut devenir une habitude potentielle et, puisque le
résultat a été décisif et négatif, aucun de
nous n'eut à se soucier des conséquences possibles. Mais
même là, ce fut pour la population en général -
particulièrement pour les francophones - un exercice qui a servi
à diviser de façon horrible. Dieu seul sait comment le
Québec ou le Canada, comme un tout, aurait pu s'y prendre avec un
résultat de 45 % à 55 % dans l'une ou l'autre direction. Un tel
résultat peut être concevable pour n'importe quel
référendum qui serait tenu en 1992.
Dans les deux cas du passé et du futur, comme quelques
fédéralistes auraient été assez audacieux pour le
souligner, même une victoire décisive pour la
souveraineté-association, ou la souveraineté... peut-être
qu'une association n'a pas de conséquences constitutionnelles
légales spécifiques, alors que cela produirait certainement une
réaction autant au niveau officiel que populaire dans le reste du
Canada, cette réaction peut être entièrement
différente de celle actuellement recherchée. De plus, ce qui est
bon pour l'un est bon pour l'autre.
Si un référendum du Québec sur la
souveraineté est fait sur la base sérieuse d'une
réorganisation fondamentale, quelles objections le Québec peut-il
avoir à un référendum à la grandeur du Canada ou
à un référendum ayant des buts similaires lancé
dans les parties du Québec à prédominance anglophone? De
telles possibilités ne peuvent être écartées
simplement parce qu'on ne les aime pas. En fait, cette espèce de suite
de conséquences est non seulement inconcevable, ça a
été l'actuel résultat dans plusieurs cas similaires. La
majorité de la population d'Espagne peut préférer voir
Gibraltar comme une partie de son pays, mais cette De est restée une
possession britannique comme conséquence du résultat d'un
référendum majoritaire qui a favorisé de garder le lien
britannique.
Cette année, alors que la Yougoslavie vit un processus de
redéfinition beaucoup plus pénible que le nôtre, la Croatie
s'est déclarée république. Lorsque cela s'est produit, le
13 mai de cette année, la minorité serbe de la nouvelle
république a voté majoritairement, dans la région de
Krajina, pour s'unir avec la Serbie et rester en Yougoslavie. 73 % de
l'électorat a voté et 98 % a fait son choix.
Le nouveau monde du fédéralisme change. Je n'ai pas
décrit le projet de loi sur le référendum comme un coup de
théâtre voulu dans un esprit de dérision ou de
mépris. Pour plusieurs raisons, et la plupart du temps, la politique est
toujours une sorte de performance théâtrale. Ce n'est
habituellement pas une question de plainte qui est portée ici avec
beaucoup d'élan et de panache.
En effet, beaucoup parmi nous sont tentés de conclure que les
chefs politiques québécois tirent leurs répliques de
Molière ou de Shakes- peare, pendant que la plupart des opposés
de langue anglaise dans le reste du Canada tirent la plus humble inspiration de
la télévision commerciale. Même les aphorismes et les
tournures de discours sont différents ici. Rappelons-nous les
affirmations telles que: Le Québec ne négociera pas sur les
genoux, et celle-ci: Le Canada négociera seulement avec un couteau sur
la gorge. Ces deux figures de rhétorique sont de personnages publics
québécois. La première est du premier ministre
lui-même et la seconde de Léon Dion. Je doute que le public en
général ou les représentants politiques du reste du Canada
interpréteraient, même privément, les discussions
constitutionnelles avec des métaphores si violentes et si frappantes,
peu importe.
Mais ce contraste, habituellement une question d'observation
amusée parmi les deux groupes, peut être sérieusement
dangereux dans ce cas parce qu'il peut amener les Québécois et
les non-Québécois à sous-estimer et à
déformer les intérêts de la population avec laquelle ils
ont à négocier.
En ce qui nous concerne, ici à l'Assemblée, il est
important pour nous de nous rappeler que, pendant que les chefs politiques dans
le reste du Canada adoptent régulièrement des positions quelque
peu différentes de l'opinion publique majoritaire et impartialement
consistante à travers le pays, il y a une limite à filtrer les
vues du public sur une grande échelle ou à recouvrir les
énormes différences sociales et économiques à
travers le Canada anglophone.
Pour être plus précis, il existe peut-être une
variété de pouvoirs et de prérogatives que les chefs
politiques québécois aimeraient réclamer maintenant et
qu'Ottawa ne tient pas si jalousement à garder, ou même les autres
gouvernements provinciaux, ou même la plupart des Canadiens. Mais on doit
reconnaître qu'une entente existante peut simplement être la seule
sur laquelle un compromis peut être fait sur un mélange de
plaintes opposées. Pour prendre un exemple évident, en pratique,
tous les arguments contre l'actuel Sénat canadien sont connus depuis un
siècle et il existe un texte sur la réforme sénatoriale
encore à peine démodé, un livre publié en 1927.
Quelques pouvoirs ont du sens pour les grandes provinces seulement,
d'autres pour toutes, et ainsi de suite. Un couteau sur la gorge ou même
une chirurgie complète ne rend pas nécessairement possible le
réarrangement des organes d'un corps, spécialement selon un
échéancier établi.
De plus, le tempo accéléré exigé pour cet
échéancier est par lui-même, très difficile à
comprendre même pour plusieurs Québécois, peu importe le
reste du Canada. Présentement, nous arrangeons les adaptations
constitutionnelles, "minute" et modérées, non écrites sur
l'histoire entière de ce pays, mais les grands changements dans les
documents fondamentaux pour les deux
siècles précédents peuvent se compter sur les
doigts de nos mains. (18 h 10)
Depuis les années soixante-dix, par contre, nous n'avons pas eu
tellement de batailles perdues pour arriver à un
fédéralisme renouvelé, comme la réalité d'un
fédéralisme changeant, se transformant radicalement au bout de
quelques années, sans bénéficier de rencontres entre les
premiers ministres. Tout ce qui s'est dit concernant la loi 22 et la loi 101,
par exemple, n'a pas vraiment amené de changement dans la façon
de gérer la province. Ces lois ont apporté un grand changement
dans la nature et la signification du Canada, beaucoup plus grand en
possibilités que la plupart des changements ou des changements
proposés qui ont été discutés dans les
négociations officielles.
Les chefs politiques du Québec devraient se rappeler que les
changements fédéraux formels au Canada et les changements au
Québec, qui ont eu des répercussions sur tout le Canada, ont pris
leur origine presque entièrement ici et ont été
acceptés, quelquefois à contrecoeur, par le pays entier. Le
"flanchement" de la patience canadienne n'est pas venu avec l'élection
du parti manifestement sécessionniste ou même avec la formulation
initiale du concept de la société distincte. Cela ne s'est pas
plus fait par les dispositions techniques de l'accord du lac Meech; même
si celles-ci comportaient des imperfections, ces imperfections n'étaient
pas largement comprises. Le "flanchement" de la patience, comme je ne peux le
faire comprendre à cette Chambre trop fortement, est venu quand le
gouvernement québécois a utilisé une disposition d'une
constitution écrite toujours non familière afin de renforcer une
loi discriminatoire.
Tous ceux parmi nous qui vivent au Québec sont familiers avec les
arguments qui sont utilisés pour justifier cette loi discriminatoire, et
même ceux d'entre nous qui s'objectent à ces arguments leur
accordent quelque force. Mais je ne pense pas que le public en
général ou les dirigeants de cette province réalisent
pleinement qu'une telle action n'est pas juste un autre round de discussions
interminables: elle touche quelque chose auquel la plupart des gens de ce pays
croient, qu'ils soient conservateurs ou libéraux, de l'Ouest ou de
l'Est, provinciaux ou cosmopolites.
L'opposition populaire à l'accord du lac Meech à
l'extérieur du Québec n'a pas pris sa force d'une bigoterie
étroite ou d'une mauvaise volonté globale d'accommoder le
Québec. Elle a surgi d'une perception, mauvaise ou non, qu'un
accommodement encourageait par lui-même un sentier plus divergent pour le
Québec. Le projet de loi 150 et ses conséquences ne fournissent
pas le moyen de guérir la plaie.
On veut "stratéger" contre la raison. Cependant, même si le
premier ministre et le chef de l'Opposition peuvent être en
désaccord sur les fins ultimes, ils conviennent probablement, ainsi que
leurs disciples, pour dire que la combinaison du bâton et de la carotte,
d'une ouverture apparente à de nouvelles propositions
fédérales et l'apparente détermination à utiliser
le plébiscite instantané d'un référendum, ne peut
que servir les buts d'ensemble de l'État du Québec. Là, je
crois qu'ils se trompent. Nous pouvons raisonnablement assumer qu'une sorte de
proposition fédérale sera rafistolée, mais on peut se
demander si le gouvernement Mulroney, même par l'entremise du plus
populaire...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): En conclusion.
M. Cameron: ...M. Clark, peut livrer les documents sans mandat du
pays.
En conséquence, même l'acceptation du Québec ne fera
pas disparaître notre anxiété, et le refus du Québec
soulève tous les énormes problèmes dont j'ai
déjà parlé. Un référendum
québécois qui ne donnerait rien de moins qu'une victoire
fulgurante pour le choix d'une souveraineté clairement définie,
de préférence avec l'appui au moins de gros morceaux de ses
minorités, ne sera pas le point de départ d'une nouvelle
entité politique. Ce sera simplement un horrible souffle à la
coopération et aux bons rapports qui font que ce pays est un des
meilleurs au monde où il fait bon vivre. Si le projet de loi 150
passe...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député.
M. Cameron: ...j'espère que tous les membres garderont en
mémoire la responsabilité que nous aurons, nous tous, alors
à porter. merci, m. le président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier. Nous continuons le débat sur la
motion suggérant l'adoption du principe du projet de loi 150. Je
reconnais maintenant M. le député de Viger. M. le
député.
M. Cosmo Maciocia
M. Maciocia: Merci, M. le Président. Puisque la
députée de Verchères a refusé de répondre
à la question de ma collègue de Kamouraska-Témiscouata en
matière de tourisme dans un Québec souverain, je crois important,
pour les citoyens qui nous écoutent, de connaître cette question
à laquelle le Parti québécois se refuse de
répondre: Quels projets structurants pouvant attirer de nombreux
touristes pour les hôtels et les restaurants de Montréal un
Québec souverain mettra-t-il de l'avant? Combien d'investissements,
combien d'emplois seront créés, et par qui? M. le
Président, étant donné que le Parti
québécois se refuse de répondre à nos questions,
j'y vais
avec mon discours sur la loi 150 parce que je crois que c'est plus
important que d'écouter ces gens d'en face.
Des voix: Bravo!
M. Maciocia: Avant d'aborder le contenu de ce projet de loi,
j'aimerais prendre quelques instants pour partager, avec mes concitoyens du
Québec et mes confrères d'ici en Chambre, mes vues sur la
situation actuelle et les raisons qui nous amènent aujourd'hui à
débattre ce projet de loi.
Il y a près de cinq ans et demi, comme on se le rappelle tous, le
2 décembre 1985, le gouvernement libéral s'est mis à la
tâche de convenir, avec les gouvernements fédéral et
provinciaux, des termes de son adhésion à la Loi
constitutionnelle de 1982. Pour ce faire, le gouvernement du Québec a
fait connaître des conditions, cinq conditions. Un accord
constitutionnel, en juin 1987, traduisait les termes d'une entente intervenue
au lac Meech entre le Québec, Ottawa et les neuf autres provinces, en
regard des cinq conditions posées par le Québec.
L'accord du lac Meech, conclu en 1987 avec l'assentiment de tous les
premiers ministres, comportait des conditions minimales qu'exigeait le
Québec pour réintégrer le pacte confédéral
de 1982. Malheureusement, cette entente unanime entre les onze gouvernements
n'a pas recueilli le consentement de toutes les Législatures
provinciales qui aurait permis sa proclamation et son entrée en vigueur.
Le tout s'est malheureusement terminé le 22 juin 1990 par l'échec
de l'accord. La rigidité de la procédure de modification
constitutionnelle et la conjoncture politique canadienne, de 1987 à
1990, ont fait que nous sommes arrivés à un échec.
Je pense, M. le Président, et c'est ma conviction profonde, que
nous allons continuer de défendre ce régime fédéral
dans lequel nous évoluons depuis 1867, même si cela devait
comporter des changements profonds dans sa structure. Mais la défense du
fédéralisme doit se limiter dans le temps, c'est pourquoi il y a
une obligation de résultat.
Le 4 septembre 1990, le gouvernement libéral créait la
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, la
Commission Bélanger-Campeau qui concluait, après plusieurs mois
de travail, à la nécessité des changements de nos
institutions politiques et à la volonté très profonde du
peuple québécois d'une plus grande autonomie. En discutant de
l'adoption du principe du projet de loi 150 aujourd'hui, le gouvernement
libéral respecte en tout point l'esprit et le contenu du rapport
Bélanger-Campeau, c'est-à-dire la constitution de deux
commissions parlementaires spéciales, l'une ayant pour mandat
d'étudier la question afférente à l'accession du
Québec à la souveraineté, l'autre d'analyser toute offre
d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement
du Canada, et la tenue d'un référendum sur la souveraineté
du Québec au plus tard le 26 octobre 1992. Notre gouvernement respecte
en tout point l'important consensus qui s'est développé à
la Commission Bélanger-Campeau.
Le député de Lac-Saint-Jean nous a dit ce matin qu'il
appuyait les recommandations de Bélanger-Campeau, mais pas les
conclusions. Qu'on ne nous accuse pas de ne pas respecter le rapport
Bélanger-Campeau. Les recommandations du rapport doivent se lire avec
les conclusions. La voie de la souveraineté doit être
parallèle à celle du fédéralisme
profondément renouvelé. Dans le même sens, le chapitre
1.1.2 du projet de loi 150 doit se lire avec le chapitre III. Faire autrement,
cela contredirait notre engagement à laisser les Québécois
et les Québécoises prendre part au choix concernant l'avenir
constitutionnel du Québec et ce choix, il doit se faire selon ce que le
rapport Bélanger-Campeau nous disait, et je cite: "Dans la
redéfinition de son statut, deux voies seulement s'offrent au
Québec: d'une part, une nouvelle et ultime tentative de redéfinir
son statut au sein du régime fédéral et, d'autre part,
l'accession à la souveraineté." Page 80 du rapport
Bélanger-Campeau.
Pour nous, il n'est pas question de retirer des options ou
d'empêcher qu'un choix soit fait par les Québécois. Il
n'est pas question de faire de l'aveuglement volontaire et de ne voir qu'une
seule option. M. le Président, nous respectons notre signature. Ces gens
d'en face, ils se sont spécialisés à ne pas respecter les
signatures. Qu'on se rappelle en 1982, vis-à-vis des fonctionnaires des
secteurs public et parapublic, quand ils ont renié leur signature. Ils
sont en train de faire la même chose avec le rapport
Bélanger-Campeau, un rapport très vital pour le peuple
québécois. (18 h 20)
L'étude de ce projet de loi, dont nous amorçons
aujourd'hui l'étape de l'adoption du principe, est certainement un
moment privilégié pour moi et tous mes confrères ici,
à l'Assemblée nationale. On se questionne, on s'interroge et on
est conscients que notre statut politique est à définir.
Cependant, l'expérience et la force de notre chef seront une
contribution déterminante quant à l'avenir. On doit se rappeler
le Québec d'hier pour bien saisir et comprendre le Québec
d'aujourd'hui. Quoi de mieux qu'un survol des grandes réalisations
libérales de 1960 jusqu'à nos jours pour réaliser
jusqu'à quel point il y a eu explosion d'idées et d'aspirations
pendant cette période. Pour ce projet de loi 150, le gouvernement prend
les moyens pour exprimer ce qu'il considère comme essentiel pour le
Québec.
M. le Président, à partir de 1960, les
Québécois se sont donné des outils de
développement; qu'il suffise de se référer à la
Caisse de dépôt et de placement, à la Régie des
rentes et à la Société générale de
financement qui jouent
des rôles de premier plan pour le développement et le
renforcement de l'économie du Québec. Après la Loi sur la
Régie des rentes, la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur l'aide
sociale et l'instauration du régime québécois
d'allocations familiales, nous voyons également apparaître la
création du ministère des Affaires sociales en 1970. Sur la base
du rapport Parent, le système d'éducation subit une
transformation basée sur un concept d'accès à
l'éducation: la démocratisation de l'enseignement au
Québec. Pendant cette période également, nous verrons se
développer des liens avec la francophonie internationale. Le
Québec déploie et met en place un réseau de
délégations à l'étranger.
Le Québec, au cours de ces années, a vécu des
mutations importantes. Ces acquis, M. le Président, ne sauraient
disparaître du jour au lendemain. Quelle que sort la voie qu'empruntera
le Québec dans l'avenir, celui-ci devra continuer à assurer son
développement, sa croissance.
M. le Président, l'objectif du gouvernement libéral du
Québec, c'est d'avoir un statut politique qui donnera au Québec
les pouvoirs pour promouvoir, épanouir son identité et, en
même temps, favoriser l'essor de son développement
économique. Ce sont là les objectifs fondamentaux que nous
retrouverons à l'intérieur des deux commissions
parlementaires.
Le projet de loi 150 établit un équilibre entre les deux
commissions parlementaires, il importe de le mentionner. Aucune de ces deux
commissions n'est supérieure ou plus importante que l'autre. Chacune a
une valeur égale, et cet équilibre permettra d'informer
adéquatement et pleinement la population sur chacune des deux voies qui
s'offrent au Québec. Informés de cette façon, les
Québécois pourront faire un choix lucide et éclairé
quant à leur avenir. D'ailleurs, l'un des considérants du projet
de loi 150 témoigne de la volonté du Québec d'assurer
l'égale compréhension de ces deux voies pour tous les
Québécois.
M. le Président, dans la redéfinition de son statut, deux
voies seulement s'offrent donc au Québec: d'une part, une nouvelle et
ultime tentative de redéfinir son statut dans le régime
fédéral et, d'autre part, l'accession à la
souveraineté. Je reste persuadé que notre gouvernement ne
ménagera aucun effort pour impliquer la population dans ce processus
déterminant et fondamental pour l'avenir politique et constitutionnel du
Québec. Il existe présentement au Québec un désir
ressenti de rechercher un terrain d'entente entre toutes les tendances, qui
serait le point d'ancrage de notre vouloir vivre collectif.
M. le Président, suite au dernier discours du trône du
gouvernement fédéral, nous sommes confiants que le gouvernement
fédéral fera au Québec des offres de partenariat
constitutionnel raisonnables et à l'intérieur de
l'échéancier que le Québec a fixé. Comme le disait
notre premier ministre, M. Robert Bourassa, le 10 mars 1991, lors du
congrès du Parti libéral, et je le cite: "Nous avons des valeurs
communes, deux siècles d'histoire commune. Le Canada est l'un des pays
les plus enviés du monde. Les Québécois veulent pouvoir
développer leur identité et assurer leur sécurité
économique, mais ils préfèrent que cela se fasse à
l'intérieur de la structure canadienne." Fin de la citation.
M. le Président, comme gouvernement, ce dont nous voulons, c'est
d'un système fédéral profondément transformé
qui serait plus efficace tout en permettant au Québec de posséder
les pouvoirs nécessaires à son épanouissement comme
société, de s'entendre avec ses partenaires du reste du Canada
pour préserver et renforcer l'espace économique canadien.
D'ailleurs, depuis quelques semaines, nous avons pu remarquer que le
gouvernement fédéral reconnaft l'urgence et la
nécessité de changements profonds à la structure du
fédéralisme canadien.
Voilà donc les quelques idées que je voulais soumettre
à votre réflexion. J'ai voulu cependant me restreindre à
ce qui me semblait l'essentiel. "L'objectif recherché devra
inévitablement être une répartition fonctionnelle des
pouvoirs entre les gouvernements, dont le fondement sera la liberté et
le mieux-être des citoyens", disait-on dans le rapport
Bélanger-Campeau. Sur ce, merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Viger. Oui, M. le député de
Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, en vertu de l'article 213 du
règlement, je sollicite la permission du député de Viger
pour...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a
consentement?
M. Bourdon: ...lui poser une question, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Viger, voulez-vous répondre à la
question?
M. Maciocia: Pourquoi pas?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pourquoi pas? Alors,
allez-y, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Courte question,
courte réponse.
M. Bourdon: Oui, M. le Président. Le député
de Viger est-il d'accord avec le rapport Allaire, adopté par le
congrès de son parti, qui préconise qu'il y ait 14 secteurs
d'activité qui soient entièrement rapatriés au
Québec? Est-il d'accord avec le rapport Allaire pour que ces 14 secteurs
d'activité là ne soient pas négociables?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Réponse. M. le
député de Viger, votre réponse, s'il vous plaît.
M. Maciocia: M. le Président, je l'ai toujours dit et je
continue à prétendre que le rapport Allaire, c'est une base de
négociation pour le gouvernement. C'est justement ça que je
disais tantôt: le système fédéral doit être
profondément réformé, il doit y avoir un partage des
pouvoirs, il doit y avoir des pouvoirs différenciés entre les
différents gouvernements, que ce soit le fédéral ou le
provincial. Nous le préconisons, et c'est ça que nous allons
chercher, M. le député de Pointe-aux-Trembles.
Une voix: C'est beau! Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): II est 18 h 30 et je
suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.
(Suspension de la séance à 18 h 28)
(Reprise à 20 h 7)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il
vous plaît! Mmes et MM. les députés, si vous voulez bien
vous asseoir. Nous reprenons les travaux de l'Assemblée à
l'étape des affaires du jour. Nous avions suspendu nos travaux à
18 h 30, alors que nous débattions le principe du projet de loi 150, Loi
sur le processus de détermination de l'avenir politique et
constitutionnel du Québec. Nous continuons sur le même sujet et je
suis prêt à reconnaître le premier intervenant, Mme la
députée de Taillon.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président, de me
permettre d'intervenir à ce moment-ci de nos travaux. D'abord, en ce qui
concerne la loi 150, je dirai à tous les membres de cette
Assemblée, bien sûr, oui à un référendum sur
la souveraineté et le plus rapidement possible, M. le Président.
À peu près tout le monde a identifié, a dit que
l'insécurité et l'incertitude présentaient des risques,
faisaient en sorte que certaines décisions ne se prenaient pas. Bien,
prenons-la, la décision, le plus rapidement possible, M. le
Président. Donc, oui, oui à un référendum sur la
souveraineté, mais non, M. le Président, non à un
processus de renouvellement du fédéralisme. Il n'est absolument
pas question que, d'aucune façon, je sois d'accord avec cette
orientation qui, d'ailleurs, n'est pas contenue au libellé des
recommandations de la Commission Bélanger-Campeau.
On ne peut pas être, M. le Président, pour la
souveraineté et pour le fédéralisme renouvelé. On
ne peut pas être pour les deux à la fois et on ne peut pas parler,
M. le Président, des deux côtés de la bouche. Je pense
qu'on a assez reproché aux personnes politiques de ne pas être
fidèles à leurs convictions que, lorsqu'on est fidèles
à nos convictions, on ne doit pas, maintenant, nous le reprocher. Au
contraire, on devrait être fiers du fait que nos élus, que les
personnes que nous avons choisies démocratiquement se tiennent debout,
soient capables de défendre leur point de vue et de le soutenir, M. le
Président. Alors, voilà pourquoi je me prononcerai contre le
projet de loi que nous étudions actuellement, M. le
Président.
Je voudrais maintenant m'adresser au fond de la question. En fait,
vouloir décider de devenir souverain, c'est vouloir décider du
pays et on nous dit souvent, M. le Président: Oui, mais cela doit
être un choix raisonnable. Ce soir, je vais en parler, de ce choix
raisonnable, M. le Président, de ce choix de raison. Je vais essayer de
démontrer, de dire, de parler du Québec souverain, du
Québec viable, faisable économiquement et je vous dirais
même nécessaire à notre progrès et à notre
développement. Mais je m'en voudrais, cependant, de ne pas dire, du
même souffle, qu'un choix de pays, c'est aussi un choix du coeur, c'est
aussi un choix qui est porteur d'émotions, qui est porteur de symboles.
Si un pays, c'est une économie, ce sont des ressources, ce sont des
institutions, un pays, c'est aussi une langue, une culture, une façon
d'être, de dire, de penser, de s'exprimer, c'est un peuple avec ses
minorités. En fait, c'est une portion de l'humanité, riche de sa
différence, de sa contribution à l'univers. Un choix de pays,
c'est, bien sûr, un choix de raison, mais c'est aussi un choix du coeur,
un choix de passion, et je ne crois pas que nous ayons, M. le Président,
à nous en excuser, à nous sentir mal à l'aise devant cette
réalité. Je vais donc m'adresser à la raison puisque je
sais que, de toute façon, le coeur y est, M. le Président.
Qu'est-ce que c'est que ce pays du Québec que nous voulons nous
donner, que nous voulons bâtir à notre mesure, avec toute
l'imagination, avec toute l'énergie dont on est capables? D'abord, le
Québec moderne, le Québec d'aujourd'hui est un Québec
ouvert sur le monde, même si certains voulaient essayer de nous faire
croire qu'un Québec souverain veut se replier, se ratatiner, alors qu'au
contraire, dans le monde entier, on tend vers les grands ensembles. On regarde
l'Amérique du Nord qui veut ouvrir ses frontières. On parle du
libre-échange. On regarde la Communauté économique
européenne, l'Europe de 1992, et on dit: Mais est-ce que le
Québec n'est pas, à toutes fins pratiques, à
contre-courant? Non.
Non, le Québec n'est pas à contre-courant. Il veut
participer, au contraire, de plain-pied, à ces grands mouvements
d'internationalisation, de
mondialisation des marchés. D'ailleurs, c'est assez
intéressant de voir que, dans tout le débat sur le
libre-échange, celui qui a été le plus porteur d'une
volonté d'ouverture, ça a été le Québec et
le Québec a été de ces leaders. Il y a eu des objections,
bien sûr, de saines objections, d'ailleurs, parce que ça nous rend
un petit peu plus prudent, mais c'est le Québec de maintenant qui a
voulu s'ouvrir sur le monde. Ce n'est pas vrai, M. le Président, que
c'est ces grandes communautés - et prenons la Communauté
européenne - ce n'est pas vrai que dans ces grandes communautés
chacun des pays, chacune des unités renonce à sa
souveraineté. D'abord, ils sont souverains au départ. Ensuite,
ils décident de s'associer à d'autres pays qui les entourent pour
des fins qui, collectivement, leur apparaissent bonnes, valables, souhaitables,
intéressantes, selon des modèles et des formules que chacun est
libre de choisir selon son histoire et selon sa culture. Et ce n'est pas vrai
que, sur cette planète, être un petit pays nous
désavantage, est un risque.
Au contraire, M. le Président, quand on regarde là
où se situent les pays de l'OCDE, les pays qui, dans le monde, ont le
produit intérieur brut par habitant le plus intéressant, le plus
significatif, le plus élevé, ce sont des petits pays. C'est le
Danemark, c'est la Norvège, c'est l'Autriche, c'est la Belgique, c'est
la Hollande. Et où serait-il, le pays du Québec, à travers
toutes ces réalités? Je m'inspire de l'étude faite par le
Mouvement Desjardins. En 1989, pour le niveau de vie, si on prenait le
Québec comme pays, comme entité, nous étions au 11e rang,
M. le Président. Ce n'est quand même pas trop mal, hein? Des
quelque 250 pays indépendants à travers le monde, c'est
drôlement intéressant. On serait comparables à ce qui se
passe en Autriche, en Belgique, en Hollande. À peine un peu moins que
les Danois, que les Norvégiens qui ont des populations comparables
à la nôtre: 5 000 000 au Danemark, 8 500 000 en Suède, 7
600 000 en Autriche. L'économiste Pierre Fortin est venu devant la
Commission Bélanger-Campeau nous dire d'une façon claire, nette,
précise: Intéressant pour les pays de participer à des
grands ensembles, mais pas de relation entre la richesse d'un pays et sa
grandeur, sa grandeur en termes de territoire et en termes de population. Alors
à cet égard-là, je pense que nous faisons tomber un mythe.
Nous souhaitons participer à des grands ensembles, mais sur la base
d'une volonté exprimée comme pays souverain.
Qu'est-ce que c'est, maintenant, le modèle et la
réalité québécoise? Je faisais
référence, au début de mon intervention, au fait qu'un
pays, c'est une langue, un peuple, une culture, ses minorités, une
façon d'être, de dire, de penser, de faire, mais c'est aussi une
organisation économique. Et, dans ce sens-là, le Québec se
démarque du Canada, se démarque de notre grand voisin
américain et se démarque probablement de ce qui se passe dans le
monde entier. Alors, c'est quoi, l'économie du Québec? Je dirais
que c'est un heureux amalgame. C'est une heureuse combinaison entre un secteur
privé et un secteur public, qui a donné naissance - parce que
ça, ce n'est pas théorique, M. le Président - à une
grande entreprise comme Hydro-Québec, reconnue à travers le
monde. Hydro-Québec qui, elle-même, a donné naissance
à des firmes de génie-conseil, à des firmes
d'ingénierie qui sont parmi les plus importantes au monde, M. le
Président. Ce sont des Lavalin, ce sont des SNC, ce sont des Roche,
c'est un ensemble d'entreprises, un nombre important d'entreprises
québécoises qui, grâce à cette heureuse combinaison,
sont venues au monde, ont fait leurs preuves et, maintenant, nous
représentent internationalement.
Ce n'est pas le signe trop trop, M. le Président, d'un pays
frileux, d'un pays replié sur lui-même. C'est quoi, le
Québec d'aujourd'hui, le Québec original, le modèle
québécois? C'est la Caisse de dépôt et de placement.
C'est la Société générale de financement. C'est la
Société de développement industriel. C'est un ensemble
d'entreprises dans le secteur de l'énergie. C'est SOQUIP. C'est SOQUIA.
C'est un ensemble. C'est le Mouvement Desjardins, qui est une
réalité qui est à peu près incomparable si on se
compare à ce qui se passe dans le monde entier. C'est ça, le
modèle québécois, cet heureux mélange de
l'initiative privée et de l'initiative publique.
On va me répondre et on va me dire, M. le Président,
sûrement: Oui, mais ce n'est pas si mal; vous avez pu réussir tout
ça dans le modèle fédéral, en faisant partie du
grand ensemble canadien. Est-ce qu'on va se souvenir - j'en suis
persuadée - des difficultés qu'il y a eu à mettre en place
la Caisse de dépôt et de placement du Québec, dont on est
maintenant si fier, qui nous permet de mieux contrôler notre
économie? Est-ce qu'on va se souvenir de la bataille absolument
épouvantable qu'on a vécue avec le bill S-31 d'Ottawa, qui
voulait empêcher que la Caisse de dépôt n'intervienne d'une
façon significative dans une société de transport
pancanadienne, le Canadien Pacifique? C'est envers et contre les interventions
d'Ottawa que l'ensemble des décideurs économiques
québécois se sont levés et ont empêché
qu'Ottawa passe une loi qui visait essentiellement la Caisse de
dépôt et de placement du Québec. C'est parce que nous avons
été capables de nous tenir debout et que nous avons
été solidaires que nous avons préservé cet outil
essentiel et que nous ne l'avons pas fait dévier de ses objectifs.
Qu'est-ce que fait le gouvernement d'Ottawa à l'égard des
sociétés de placement dans l'entreprise québécoise?
Qu'est-ce que fait Ottawa à l'égard des REA? Qu'est-ce que fait
Ottawa à l'égard des parts permanentes du Mouvement Desjardins?
C'est ça, la réalité du modèle
québécois. C'est aussi une lutte constante, parce que les
décisions se prennent pour
le coeur du Canada, pour Toronto. Et c'est à cause de ces
décisions qui sont prises pour le coeur du Canada que nous avons connu
plus rapidement ici la récession, que nous avons un taux de
chômage structurel élevé, toujours plus significatif et
plus important que ce qui se vit à Toronto. C'est aussi ce modèle
québécois, cette volonté qu'ont eue les gens de se prendre
en main, d'une économie qui ne nous appartenait pas, au début des
années soixante, qui était propriété
d'investisseurs étrangers... L'économie du Québec
appartient en propre, pour 60 %, aux Québécoises et aux
Québécois. C'est ça, la réalité que nous
avons développée sur notre territoire. (20 h 20)
Un certain nombre sont venus nous dire: Oui, nous sommes capables de
nous prendre en main, de nous fixer des objectifs, de les atteindre, de les
réaliser. Nous avons une preuve derrière nous, devant nous,
présente maintenant. Et nous avons connu des entraves à cause du
fédéralisme. J'en mentionnais quelques-unes. Je vais citer un
certain nombre d'organismes économiques qui sont venus témoigner
devant la Commission Bélanger-Campeau pour nous dire et pour nous
décrire l'échec du fédéralisme, et ce
n'étaient pas les moindres.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain porte un
jugement absolument sévère sur le système
fédéral. Elle dit: Le Canada ne fonctionne plus. Il se gaspille
une énergie incroyable dans ce pays à décider qui doit
donner quel service. Le Canada est le théâtre de rapports de force
d'une rigidité sans précédent qui le paralysent et
l'empêchent d'agir efficacement sur les véritables
problèmes. En fait, on prend des heures à questionner le projet
de souveraineté, à vouloir qu'il soit viable, que le
Québec soit viable, rentable, que ça puisse être possible
sans que ça ne coûte rien à personne, mais on ne fait pas
le procès du fédéralisme et de son coût, de ce qu'il
nous coûte à nous, sur notre territoire, en termes
économiques, en termes humains.
C'est la Chambre de commerce de Montréal qui nous le dit. C'est
la Chambre de commerce du Québec qui nous le dit. Qu'est-ce qu'elle nous
dit? Elle nous dit: dédoublement. Elle nous dit: On se pile sur les
pieds les uns les autres. Dans quels secteurs? Au chapitre de la recherche et
du développement. Ma collègue de Chicoutimi en a sûrement
longuement parié, du fait que ce n'était pas au Québec que
se faisaient les dépenses, les investissements intéressants en
matière de recherche et de développement. On se pile sur les
pieds en matière de formation professionnelle, en matière de
main-d'oeuvre. Je cite la Chambre de commerce du Québec: "On assiste
à un chevauchement généralisé des efforts, à
un dédoublement invraisemblable des programmes et des coûts
découlant d'une concurrence effrénée entre les deux
niveaux d'administration. On ne peut en dégager aucune politique
globalement cohérente, mais on peut aisément diagnostiquer un
extraordinaire gaspillage de ressources humaines et financières."
M. le Président, je le répète à peu
près dans tous mes discours, les pays qui seront gagnants, les pays qui
sont déjà dans le peloton de tête sont les pays qui
investissent, d'abord et avant tout, dans leurs ressources humaines. On aura
beau avoir le savoir-faire, on aura beau avoir les techniques, on aura beau
avoir les ressources financières, les ressources naturelles - ce dont
nous sommes bourrés au Québec - mais la première
ressource, celle qui permettra de mettre ensemble toutes les autres et de faire
du Québec un pays gagnant, ce sont les ressources humaines, ce sont les
hommes et les femmes qui peuplent ce pays.
Ce temps fou que l'on perd à débattre, à discuter
sur le fait de qui va être responsable de quoi, que moi, je m'occupe des
grandes entreprises, moi, je m'occupe des petites, moi, je donne un
crédit d'impôt, moi, je donne une subvention et je vais taxer ta
subvention, cette bataille doit se terminer. Nous devons, au Québec, et
nous sommes capables - je parlerai plus tard des grands
phénomènes que l'on peut constater actuellement au Québec
- de décider pour nous-mêmes de ce qui est important. Nous sommes
capables de rapprocher nos lieux d'éducation des entreprises. Nous
sommes capables des concertations nécessaires pour faire de notre
main-d'oeuvre une main-d'oeuvre enviée du monde entier, M. le
Président. Mais pour cela, il faut que nous soyons maîtres
d'oeuvre sur notre territoire de toute les politiques, en matière de
main-d'oeuvre, de formation professionnelle, de placement, de
sécurité du revenu aussi. On va cesser de se renvoyer la balle
les uns les autres, de les faire passer de l'assurance-chômage à
l'aide sociale et de nouveau à l'assurance-chôma-ge, en passant
par une petite "jobine". C'est un vice du système dans lequel nous
vivons actuellement et qui dessert le Québec, qui dessert les personnes
au Québec mais qui dessert l'économie du Québec, parce que
c'est autant d'énergie que nous ne mettons pas à former ces
personnes-là, à leur redonner le goût du travail, à
leur redonner le goût de s'impliquer dans leur économie et de
s'impliquer à l'égard de leur propre développement. C'est
ça, la réalité à laquelle on est
confrontés.
Je pourrais vous citer comme ça l'Association des manufacturiers.
Je pourrais vous citer le Mouvement Desjardins. À tour de rôle,
ils sont venus devant la commission dénoncer ces intrusions, ces
dédoublements. En fait, M. le Président, il s'est construit ici
un modèle qui nous est propre, un modèle qui nous ressemble.
Actuellement, il se dégage un ensemble de phénomènes
absolument, je dirais, extraordinaires de mobilisation. On a vu se
réunir autour d'une même table, pour le forum sur l'emploi, des
gens venant des entreprises, des gens venant du
monde du travail, du monde de l'éducation, de la formation, du
monde institutionnel, du monde financier, M. le Président. On voit de
partout à travers le Québec, de la Gaspésie à Hull,
des gens qui nous disent: Donnez-nous plus de pouvoirs dans les régions.
Nous sommes capables de nous prendre en main, nous sommes capables de nous
concerter. Nous sommes capables de décider là où nous
investirons. Nous sommes capables de développer chez nous des
expertises. Nous sommes capables de participer au progrès et au
développement du Québec. C'est ça, le modèle que
nous avons développé chez nous, sur lequel nous pouvons miser et
qui s'appuie sur la concertation, sur la solidarité, sur la force et sur
la volonté d'un peuple, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Taillon. M. le député de
Pointe-aux-Trembles, sur le même sujet.
M. Michel Bourdon
M. Bourdon: M. le Président, "les gens de mon pays, ce
sont gens de parole et gens de causerie qui parlent pour s'entendre. Ils
parlent pour parler, il faut les écouter". Quand Gilles Vigneault
chantait et chante encore cette si belle chanson, les auditeurs ne sont ni
péquistes ni libéraux, ils sont Québécois. Nous
avons, M. le Président, une immense fierté d'être des
Québécois et c'est quand on voyage, quand on se compare qu'on
trouve qu'on n'est pas un peuple en dessous des standards de l'humanité,
bien au contraire, comme l'exposait brillamment la députée de
Taillon.
À cet égard, M. le Président, on est un peuple qui
a rendez-vous avec son histoire et on a manqué un premier rendez-vous en
mai 1980, quand le non l'a emporté au référendum. Je
pense, M. le Président, que les peuples sont comme les individus, ils
peuvent manquer leur vie. Les peuples peuvent échouer leur vie comme les
individus. Là, la prochaine occasion ne sera peut-être pas la
dernière, mais elle risque d'être la dernière si on manque
notre coup. m. le président, je voudrais dire qu'une des façons
de régler la question de l'avenir du québec, c'est d'être
clair, d'être honnête et d'être transparent, il n'y a pas de
vice, il n'y a pas de défaut à être inconditionnellement
pour le canada - c'est une option que je ne partage pas - et il n'y a pas de
mal à être pour la souveraineté du québec. autrement
dit, m. le président, on peut être avec les 60 % de souverainistes
qu'il y a au québec - c'est, par moments, dans les sondages, jusqu'aux
trois quarts des francophones - ou on peut, dignement, dans le respect de
soi-même et des autres, être dans la minorité qui veut
rester dans le canada. (20 h 30)
À cet égard, M. le Président, notre parti va voter
contre la loi 150 par une exigence de clarté. Je dis d'entrée de
jeu, M. le Président, que, si le gouvernement nous avait soumis ou nous
soumettait intégralement la recommandation du rapport de la Commission
Bélanger-Campeau, nous l'avons signée et nous la voterions.
À cet égard, M. le Président, nos amis ministériels
me permettront de leur poser une question à tous et à toutes. Si
la loi 150 reproduit intégralement et va dans le même sens que le
rapport de la Commission Bélanger-Campeau, pourquoi avez-vous
ajouté des considérants et pourquoi avez-vous modifié des
termes de la recommandation?
M. le Président, je voudrais donner un exemple: l'une des deux
commissions prévues par le rapport Bélanger-Campeau disait
d'étudier les modalités d'accession à la
souveraineté. Qu'est-ce que c'est devenu dans la loi, M. le
Président? D'étudier l'impact de la souveraineté. Et le
député de Papineau, qui est gardien de la Chambre par moments, a
dit carrément publiquement que la commission qui va se pencher sur la
souveraineté sera l'occasion pour les ministériels d'attaquer et
de faire le procès de la souveraineté.
Il y avait de prévu, dans la Commission Bélanger-Campeau,
M. le Président, une autre commission pour recevoir et discuter toute
offre formelle que le Canada anglais, c'est-à-dire la Chambre des
communes et les neuf législatures, pourrait faire en vue de renouveler
le fédéralisme. Pourquoi l'avons-nous signée? Je voudrais
souligner qu'avant cette version-là on nous proposait, à nous du
Parti québécois, de faire partie d'une commission parlementaire
qui ferait un appel d'offres pour un renouvellement du
fédéralisme et ça, on n'aurait jamais signé
ça. donc, m. le président, on est contre la loi 150 parce que
c'est une véritable fraude intellectuelle d'essayer de faire croire
qu'il y a consensus quand il n'y en a pas. m. le président, à cet
égard, je dois dire que le premier ministre a commencé dès
le lendemain de l'élection de septembre 1989. rappelez-vous un peu, m.
le président, le premier ministre disait: que le canada anglais prenne
bien pour acquis que le parti québécois a eu 40 % des voix sur la
souveraineté du québec et que si le lac meech ne passe pas, eh
bien, il y a 40 % de souverainistes au québec et leur nombre va
grandir.
Déjà, M. le Président, le premier ministre
assignait au Parti québécois le rôle du doberman qui
accompagne le riche quand il va dans un quartier réputé
dangereux. On n'a pas envie de faire peur au Canada anglais. On n'a pas
envie... Ce n'est pas notre tradition. Ce n'est pas ça qui est
écrit dans les statuts de notre parti. Et comme le disait le
député de Lac-Saint-Jean, on n'a pas envie d'être rameurs
dans la galère de la trentième dernière chance au
fédéralisme canadien. Et pourquoi on n'a pas envie de donner une
dernière chance au fédéralisme canadien, M. le
Président? C'est parce que ça fait 30 ans qu'on
discute et qu'on n'a jamais rien eu, et le gouvernement qui en a
demandé le moins, le gouvernement actuel... Il y a eu l'accord du lac
Meech qui nous apprenait avec tambour et trompette qu'on est une
société distincte.
M. le Président, il faut le faire. C'est encore ça, le
sujet. Le premier ministre de l'Ontario vient et il dit: Je suis un anglophone
"blood"; je reconnais que vous n'êtes pas comme nous autres. Mais y en
a-t-il dans cette salle, M. le Président, qui ne l'ont pas
découvert à huit ou neuf ans, dès l'âge de raison,
qu'on ne parle pas la même langue, qu'on ne chante pas les mêmes
chansons, qu'on n'a pas la même culture, qu'on n'a pas le même sens
de l'hospitalité? On est différents. Pas supérieurs,
différents, M. le Président. Et à cet égard, je
trouve que mon parti remplit une exigence de clarté en disant: Si vous
êtes fidèles au rapport Bélanger-Campeau, enlevez tous les
flignes-flagnes, enlevez les "flâsages", enlevez les portes de sortie et
faites ce que le Québec profond réclame: un
référendum avec une question claire sur la souveraineté du
Québec.
Ma conviction intime, M. le Président, c'est que le premier
ministre du Québec actuel a connu, après l'échec du lac
Meech, un moment où il aurait pu passer à l'histoire comme un
homme d'État. Il aurait suffi, M. le Président, qu'il aille dans
le sens du congrès de son parti, plutôt que d'aller dans le sens
de sauver un pays impossible et sans bon sens où on est traités
comme des inférieurs. Il aurait suffi qu'il dise oui, M. le
Président, ici même dans cette salle, dans ce salon bleu. Quand le
chef de l'Opposition a tendu la main à son premier ministre, ce
n'était pas une tactique, c'était réel. Il offrait
à l'autre parti politique de faire ensemble la souveraineté du
Québec, et l'offre tient encore. Mais il n'y a pas grand monde qui tend
la main de l'autre côté. Quand, dans mon parti, on a dit: La
patrie avant les partis, on le pensait et on le pense encore. Et ce n'est pas
une attaque personnelle que de constater que le premier ministre, jusqu'ici, ne
saisit pas l'opportunité sans précédent que la situation
présente.
M. le Président, regardons un peu les chiffres; on est des femmes
et des hommes politiques qui trouvent de l'importance dans certains chiffres
comme ceux des sondages. Les deux partis ensemble iraient chercher
au-delà des deux tiers des voix pour un oui dans un
référendum. Ça nous mettrait dans une situation
privilégiée pour négocier l'association avec le Canada
anglais et réaliser la souveraineté. Je ne sais pas, M. le
Président, si toutes celles et tous ceux qui, au congrès du Parti
libéral, ont milité pour la souveraineté ont changé
d'idée. J'ai tendance à croire que non parce que j'ai connu peu
de personnes au Québec qui, après être devenues
souverainistes, ont changé d'idée; et j'en connais qui ont
toujours été et qui seront toujours fédéralistes.
Je respecte ça et, si le député de Verdun veut dire, comme
son idole, l'ancien premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau que,
quand on sera souverain, il n'ira pas se pendre au grenier, je lui dirai: Eh
bien non, on est tous compatriotes dans un pays et on respecte la
démocratie.
La vérité, M. le Président, l'évidence,
c'est que le gouvernement actuel veut défendre le Canada à tout
prix, je dirais même au prix du Québec parce que ce qu'on nous
prépare, c'est une offre acceptable pour le Canada anglais. M. le
Président, il faut voir les choses en face. Qu'est-ce qui nous est dit?
La prochaine ronde, c'est la ronde du Canada. On a des gens qui disent: On est
né pour un petit pain. Il faut se contenter de ça. Reprenons les
palabres pendant 30 ans encore. Moi, je pense, M. le Président, que je
suis revenu en politique essentiellement pour deux raisons: la
souveraineté nationale et la justice sociale. Je veux laisser à
ma fille, à notre fille, un pays, c'est-à-dire un endroit dans le
monde où on se sent chez soi dans l'ouverture sur le monde.
À cet égard, M. le Président, s'il y a une chose
qui m'indigne, c'est bien d'entendre des gens comme Adélard Godbout,
à l'époque, nous dire qu'on a besoin du Canada pour garder la
démocratie parce que, tout seuls, on n'est pas démocratiques,
tous ceux qui, comme Pierre Elliott Trudeau, nient qu'on soit une nation et
disent qu'on est une tribu. Tous les nationalistes canadiens sont assez
exceptionnels à cet égard parce qu'ils disent: Le nationalisme
est essentiellement mauvais pour les Québécois, mais bon pour les
Canadiens. Or, le nationalisme est une valeur en soi, de soi, et le
Québec est un peuple, une nation dont même les dirigeants
politiques américains reconnaissent qu'on a un territoire commun, des
frontières clairement définies et, depuis deux siècles,
une habitude de gouvernement démocratique. N'oublions jamais que nous
sommes dans l'un des plus vieux Parlements du monde. Il y a eu des
tribulations, mais la démocratie parlementaire britannique dont on a
hérité est un atout. C'est un plus. On la gardera et on s'en
servira dans un Québec souverain. (20 h 40)
M. le Président, parmi les peurs qui sont diffusées,
particulièrement dans l'Outaouais, il y a le chantage à la job
sur les gens qui travaillent pour le gouvernement fédéral. Et
ça, on l'a vu à maintes reprises, des gens qui promènent
des épouvantails en disant à nos compatriotes de l'Outaouais et
aux fonctionnaires fédéraux de Montréal où il y en
a une grosse concentration aussi: La souveraineté, ça veut dire
perdre votre emploi.
M. le Président, je pense que c'est absolument sans fondement. Ce
qui est évident, c'est que ce que la souveraineté implique, c'est
que tous les impôts s'en viendront à Québec et que toutes
les lois seront adoptées à Québec. Mais tous les pouvoirs
s'en viennent au Québec,
qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, quand les
chèques de pension de vieillesse vont être faits par le
Québec, ça va être le même personnel qui les faisait
avant et, quand le ministère des Transports va être unifié,
la garde côtière va continuer d'être faite par ceux qui font
la garde côtière. La poste, on ne déménagera pas les
bureaux de poste parce qu'on est devenus souverains.
Et, à cet égard, je voudrais mentionner que c'est une
chance qu'on soit sous-représentés, nous,
Québécois, dans la fonction publique fédérale.
Quelques chiffres, M. le Président, mais je n'inonderai pas le salon
bleu de chiffres. Il y a au Canada quelque chose comme 315 000, 320 000
employés du gouvernement fédéral, fonctionnaires ou
travaillant à Postes Canada et dans d'autres sociétés
d'État. Le Québec en représente à peu près
60 000: 25 000 fonctionnaires dans la région d'Ottawa-Hull plus Postes
Canada. M. le Président, quand bien même le député
de Papineau me dirait 26 000, je veux bien l'entendre, mais il devra attendre
son tour pour parler. Là, pour tout de suite, c'est moi qui parle au nom
des gens de Pointe-aux-Trembles. Je donnerai donc mes chiffres et le "buller"
de Papineau donnera les siens un peu plus tard.
À cet égard, il y a une concentration d'à peu
près 25 000 fonctionnaires fédéraux dans l'Outaouais,
environ 20 000 à Montréal et, quand on ajoute Postes Canada et
d'autres, ça fait à peu près 60 000. Ça veut dire
que 17 % de la fonction publique du Canada est au Québec. Ce sont des
syndiqués de la FTQ, leur centrale est pour la souveraineté et
ils croient, comme nous, que ce n'est pas du tout quelque chose de farfelu de
dire que le Québec souverain garantit la sécurité d'emploi
à chacun et chacune d'entre eux, d'entre elles.
M. le Président, c'est parce qu'en même temps que les
pouvoirs on va recevoir les impôts et, en même temps que les
pouvoirs et les impôts, on va avoir les obligations et, pour remplir les
obligations, bien, on va prendre la fonction publique fédérale
qui est au Québec et on va l'intégrer dans le respect des
conventions collectives qu'ils ont et en garantissant à chacun et
chacune sa sécurité d'emploi.
Je voudrais souligner ceci, pour les fédéralistes
inconditionnels: nous n'avons que 17 % de la fonction publique
fédérale puis, pourtant, au Canada, on représente 23 % de
la population. Là, je ne partirai pas sur une longue
jérémiade en braillant parce qu'on est
sous-représentés parce que, pour une fois, le handicap va devenir
un avantage. Et pourquoi, M. le Président? Si on avait, dans la fonction
publique fédérale, un nombre de fonctionnaires égal
à notre population, soit 23 %, ça en ferait 20 000 de plus et il
y aurait peut-être un problème parce qu'un des motifs pour faire
la souveraineté, c'est d'arrêter les dédoublements
coûteux qu'il y a entre les deux ordres de gouvernement.
Sait-on, M. le Président, qu'en formation de la main-d'oeuvre
Québec et Ottawa ont ensemble 12 000 fonctionnaires, dont une partie de
l'activité consiste à se faire des farces et attrapes et à
faire des guerres de tranchées pour s'affirmer chacun au
détriment de l'autre? Donc, M. le Président, premier avantage.
Comme il nous manque 20 000 fonctionnaires fédéraux, si on avait
la proportion qu'on a de la population comme fonctionnaires, ça veut
dire qu'il y a 20 000 emplois de déficit, à peu près, et
que les économies qu'on va faire vont nous permettre de garantir
l'emploi de chacun, de chacune et de faire ça dans la paix et dans le
respect des droits des fonctionnaires.
M. le Président, quand j'entends des gens ricaner, c'est que
c'est des gens qui sont incapables d'imaginer le fait que le budget du
gouvernement du Québec passerait de 35 000 000 000 $ à 60 000 000
000 $. On est capable de le gérer des deux bords de la Chambre. À
cet égard, M. le Président, les fonctionnaires
fédéraux n'ont rien à craindre de la souveraineté
du Québec puisqu'on va prendre à la fois tous nos impôts
qu'on donnait à Ottawa, tout notre pouvoir législatif et toutes
les obligations. Ceux qui s'occupaient de la poste pour le
fédéral vont s'en occuper pour le Québec. Ceux qui
s'occupaient des chèques de pension de vieillesse de nos
aînés vont le faire pour le Québec.
M. le Président, en terminant, je voudrais dire que le premier
ministre et le ministre des affaires canadiennes ont tort de penser qu'ils vont
nous passer un projet de loi qui dit autre chose que ce que recommandait la
Commission Bélanger-Campeau. Ce qu'on a signé comme rapport
à la Commission, faites-en une loi intégralement et on signera.
Sinon, on croit que vous ne ferez jamais de référendum sur la
souveraineté. On pense que c'est du trompe-l'oeil, que ce que vous
voulez, c'est d'avoir un lac Meech plus la "beach", c'est-à-dire des
grenailles. Ça, on ne marche pas là-dedans. Ce qu'on veut, c'est
un référendum au plus tôt pour faire la souveraineté
du Québec.
S'il n'y a pas de référendum, on vous battra à
l'élection et on le fera nous-mêmes, le
référendum.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député à ma gauche. M. le député de
Papineau.
M. MacMillan: Au sujet de l'intégration des fonctionnaires
fédéraux...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant.
Est-ce que vous avez une question à poser à M. le
député de Pointe-aux-Trembles? Article 213, vous êtes
prêt à répondre, oui ou non? Alors, allez-y, M. le
député de
Papineau. Courte question. Courte réponse.
M. MacMillan: Malgré le fait d'être accusé de
"buller", on peut quand même poser des questions pour avoir des bonnes
réponses. Dans un Québec souverain, quelles garanties M. le
député de Pointe-aux-Trembles peut-il donner aux employés
de l'Outaouais que suite à votre fameuse souveraineté, vous allez
créer 26 000 jobs le lendemain matin? Donnez-moi des garanties. Quel
impact économique ça va avoir pour ces gens-là?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Réponse, M. le
député de Pointe-aux-Trembles, une courte réponse.
M. Bourbeau: M. le Président, c'est assez simple. On va
aller chercher des impôts du fédéral, des obligations. Les
personnes qui travaillaient pour remplir les obligations vont changer
d'employeur et on s'engage formellement à garantir l'emploi de chacun et
chacune. C'est ce que j'avais dit dans mon discours, mais je suis prêt
à le répéter jusqu'à ce que le député
de Papineau comprenne.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Pointe-aux-Trembles. Alors, nous continuons le
débat sur la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi
150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et
constitutionnel du Québec. Je reconnais M. le député de
l'Acadie. M. le député.
M. Yvan Bordeleau
M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je suis
extrêmement heureux d'intervenir aujourd'hui dans le cadre de l'adoption
du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination
de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Il s'agit là,
M. le Président, d'un projet de loi fort important pour l'avenir
politique du Québec et du Canada. Avant d'aborder de façon plus
précise l'essentiel du projet de loi 150, permettez-moi, M. le
Président, de vous faire part de ma perception en regard de
l'expérience canadienne que nous vivons depuis près de 125
ans.
Personnellement, M. le Président, je suis loin de
considérer que l'expérience canadienne est un échec. Le
Canada est un pays qui fait l'envie de tous les citoyens du monde. Le Canada
est un des membres importants du groupe des sept pays les plus
industrialisés. En termes de superficie, le Canada est un des plus
grands pays au monde. La renommée internationale du Canada permet
à notre pays d'exercer un pouvoir d'attraction énorme. Par ses
institutions démocratiques, le Canada a pu jouer un rôle de
premier plan dans le maintien de la paix et dans l'aide aux pays
sous-développés. Le Canada est également un pays reconnu
pour le respect des droits et des libertés individuelles qui valorisent
la richesse des diverses communautés culturelles venues se joindre
à nous pour développer ce pays. Tous ensemble, nous avons
réussi, au cours des 125 dernières années, à
bâtir le pays que nous avons présentement. (20 h 50)
À l'intérieur de ce contexte canadien, le Québec a
évolué de façon remarquable, et ce, en particulier depuis
le début de la Révolution tranquille. Le Québec est
perçu à travers toute la francophonie comme une
société extrêmement dynamique. Ce dynamisme est
associé à une maîtrise de plus en plus grande de notre
économie, au développement d'une vie culturelle intense, au fait
que notre société est plus française qu'elle ne l'a jamais
été, au respect que nous avons toujours manifesté à
l'égard de nos compatriotes anglophones et des diverses
communautés culturelles qui ont choisi de s'établir au
Québec.
Je pourrais certainement continuer à énu-mérer les
qualités nombreuses du Canada et du Québec, qualités qui,
nous devons bien le réaliser, font l'envie des citoyens du monde. Le
Canada n'est pas, à mon avis, une expérience négative. Au
contraire, il faut reconnaître que ce que nous sommes présentement
a pu se réaliser à l'intérieur du cadre constitutionnel
canadien. Si, au cours des 10 dernières années, les limites du
système fédéral canadien sont devenues plus apparentes,
rien ne permet de conclure qu'il faille rejeter globalement ce contexte qui a
fort bien encadré notre évolution. Présentement, une telle
conclusion est simpliste, irréaliste et irresponsable.
Au fil des ans, la réalité sociopolitique canadienne a
évidemment évolué, et le pays a dû faire face
à des réalités nouvelles: développement culturel,
environnement, communications, formation de la main-d'oeuvre, éducation,
etc. Un certain nombre de décisions administratives ou politiques plus
ou moins improvisées ont été prises dans un contexte trop
souvent tributaire des jeux de pouvoir. Je pense ici en particulier au partage
des juridictions. Il est évident et normal que les documents
constitutionnels fondamentaux de notre pays n'aient plus la capacité
d'encadrer de façon adéquate la réalité
vécue présentement au sein de l'ensemble canadien où
existe une grande diversité de besoins et d'aspirations.
Le statu quo constitutionnel est pratiquement rejeté de
façon unanime par les autorités des gouvernements provinciaux et
du gouvernement fédéral. Tous sont parfaitement conscients que
nous devons adapter le cadre constitutionnel canadien aux
réalités nouvelles qui se sont développées de
façon accélérée, au cours des 30 dernières
années. Les tensions vécues au cours
de la dernière décennie sont en bonne partie
générées par cette incapacité du cadre
constitutionnel actuel de prendre en compte les aspirations profondes des
divers segments de la société canadienne, et plus
particulièrement la reconnaissance de la spécificité du
Québec.
Ceci étant dit, passons maintenant au contenu même du
projet de loi 150. Il est d'abord important de situer le cadre
général dans lequel se présente la démarche de
consultation prévue au projet de loi 150. Le préambule fait
référence, de façon explicite, à l'attachement de
notre société aux valeurs démocratiques et au respect des
droits et libertés de la personne. De plus, le préambule
reconnaît l'esprit de justice, d'ouverture et de respect des droits et
des institutions de la communauté québécoise d'expression
anglaise, de même que l'apport important des communautés
culturelles au développement du Québec. Enfin, le Québec
reconnaît explicitement aux Amérindiens et aux Inuit du
Québec le droit de maintenir et de développer leur
identité et leur culture propre et d'assurer le progrès de leur
communauté.
Voilà, M. le Président, certains considérants fort
importants qui doivent encadrer toute démarche de réflexion et de
consultation quant au choix constitutionnel que nous aurons à faire.
Dans ces considérants, nous reconnaissons la
générosité et l'ouverture de notre société,
et nous nous engageons à poursuivre dans le même sens.
Si le préambule reconnaît la nécessité de
redéfinir le statut du Québec, il reconnaît l'existence de
deux voies possibles quant à l'avenir politique et constitutionnel du
Québec: le renouvellement en profondeur du fédéralisme
rendant possible l'établissement d'un nouveau partenariat de nature
constitutionnelle et la voie de la souveraineté politique du
Québec.
À l'égard de ce choix important, le projet de loi
reconnaît explicitement la volonté du Québec d'assurer
l'égale compréhension de tous à l'égard des
changements nécessaires pour rendre plus acceptable au Québec le
système fédéral canadien, de même qu'à
l'égard d'une juste définition de la souveraineté et de
ses implications positives et négatives aux plans politique,
économique, social et culturel. Essentiellement, la population devra
être informée, de façon claire et complète, quant
aux avantages et aux inconvénients de chacun de ces choix. C'est elle
qui, démocratiquement, devra, en dernier ressort, choisir la voie de son
avenir.
Pour réaliser ce cheminement dans la transparence, le projet de
loi 150 prévoit la création de deux commissions. Une
première commission, soit la commission d'étude de toute offre
d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle, aura pour mandat
d'apprécier toute offre faite au gouvernement du Québec par le
gouvernement du Canada et de formuler, à cet égard, ses
recommandations à l'Assemblée nationale. Quant à la
seconde commission, celle de l'étude des questions afférentes
à l'accession du Québec à la souveraineté, son
mandat consistera à étudier et à analyser toute question
relative à l'accession du Québec à la pleine
souveraineté. Cette dernière commission devra également
formuler ses recommandations à l'Assemblée nationale. Par le
biais de ces deux commissions dont le travail sera public, les
Québécois ainsi informés pourront faire un choix lucide et
éclairé quant à leur avenir. Le gouvernement actuel
considère comme essentiel d'assurer à tous les
Québécois la plus grande compréhension possible de ces
deux voies placées sur un pied d'égalité dans le projet de
loi 150.
En fixant un délai dans la loi, soit 1992, le gouvernement veut
s'assurer une obligation de résultat. Depuis de nombreuses
années, les discussions d'ordre constitutionnel ont été
nombreuses et ardues. La situation actuelle crée une incertitude
néfaste aux plans politique, social et économique. En fixant ce
délai, le gouvernement souhaite, tout comme le souhaite l'ensemble de la
population du Québec, que cette réflexion et ces discussions
aboutissent enfin à une solution satisfaisante. Le gouvernement actuel
espère et est confiant qu'il y aura une entente sur un nouveau
partenariat de nature constitutionnelle, permettant au Québec de
poursuivre la réalisation de ses aspirations et de ses besoins à
l'intérieur d'une structure constitutionnelle canadienne
renouvelée. Si ce n'est le cas, le projet de loi prévoit la
possibilité d'une consultation de la population quant à la
question de la souveraineté. Compte tenu du déroulement des
discussions entre le Québec et le Canada, il s'agit là d'un
recours ultime prévu dans la loi pour sortir de l'impasse
constitutionnelle présente.
Il est évident que l'Opposition actuelle et le gouvernement ont
des visions fort différentes sur la question constitutionnelle. Avant
même la consultation de la population du Québec par le biais de la
Commission Bélanger-Campeau, le Parti québécois avait
déjà établi sa position constitutionnelle et le travail
effectué en commission constituait probablement plus pour l'Opposition
un moyen de promotion de leur position souverainiste qu'une démarche
visant à être à l'écoute des diverses alternatives
proposées par la population québécoise.
Dans tout cet exercice de réflexion, l'attitude du Parti
québécois ressemble beaucoup plus à une approche
dogmatique qu'à une approche d'ouverture et d'analyse objective de la
réalité constitutionnelle actuelle. Le Parti
québécois, suivant un cheminement parsemé de
méandres, allant de la souveraineté-association, avec ou sans
trait d'union, en passant par le beau risque et l'affirmation nationale, en
arrive maintenant à la promotion de l'indépendance pure et dure
du Québec. Toute association ultérieure avec le reste du Canada
est, dans ce contexte, purement
hypothétique, puisqu'il faudra que le reste du Canada y consente.
Comme nous ne savons d'aucune façon quelle serait l'attitude du Canada,
nous ne pouvons présumer qu'il y aurait ou non association et sur quels
aspects en particulier. En somme, pour le Parti québécois, la
solution aux difficultés constitutionnelles actuelles passe par
l'indépendance complète du Québec, sans aucune garantie
quant à d'éventuelles associations. Si la population est
actuellement si ambivalente face à la question constitutionnelle, c'est
que la notion de souveraineté, à laquelle certains se
réfèrent comme une bouée de sauvetage, est fort
ambiguë.
Évidemment, cette position constitutionnelle comporte des risques
que le Parti québécois ne semble pas être tellement
intéressé à discuter et à mettre sur la table. En
effet, pourquoi l'Opposition du Parti québécois demandait-elle,
il y a à peine quelques mois, qu'un référendum soit tenu
immédiatement sur la souveraineté du Québec? On semblait
vouloir forcer la population à prendre une décision des plus
importantes en évitant une discussion ouverte et éclairée,
basée sur l'analyse des avantages et des inconvénients de la
souveraineté. On voulait, semble-t-il, bousculer les
événements plutôt que de provoquer une réflexion
profonde et complète sur la question constitutionnelle. Ce n'est pas de
façon émotive et impulsive que la population choisira la voie de
son avenir, surtout pas dans l'obscurité qu'aurait voulu entretenir le
Parti québécois en voulant précipiter les
événements. (21 heures)
Face à la position dogmatique du Parti québécois,
le Parti libéral propose une approche plus réaliste, pragmatique
et surtout ouverte à une analyse systématique des diverses
alternatives possibles au niveau des choix constitutionnels. Je voudrais ici,
M. le Président, citer un extrait du discours prononcé par le
premier ministre du Québec, lors de la séance extraordinaire de
l'Assemblée nationale tenue au moment de la création de la
Commission Bélanger-Cam-peau, et je cite: "Ce qui va guider le
gouvernement, ce n'est pas une formule politique plutôt qu'une autre,
c'est l'intérêt supérieur des Québécois. Pour
nous, la valeur suprême, c'est le progrès du Québec. Les
formules politiques doivent être subordonnées, à notre
point de vue, à cet intérêt au progrès du
Québec."
Le gouvernement libéral a toujours pensé qu'un cadre
constitutionnel canadien constitue une alternative privilégiée de
développement pour la société québécoise,
à la condition qu'il soit adapté à notre
réalité contemporaine. Actuellement, le besoin d'amendement de
notre cadre constitutionnel fait l'objet de la quasi-unanimité de toutes
les autorités politiques, fédérales et provinciales. Le
premier ministre du Québec et l'ensemble du gouvernement actuel n'ont
jamais caché leur préférence pour le maintien d'un lien
politique avec le Canada. D'ailleurs, le premier ministre a clairement
indiqué la position du Parti libéral lors du dernier
congrès plénier des membres tenu en mars dernier, et je cite: "On
voit bien qu'il y a des possibilités d'arriver à un consensus sur
cette question au sein du Parti libéral, mais également sur le
fait qu'il nous faut développer le Québec à
l'intérieur du Canada dans une structure fédérale. C'est
le premier choix de l'ensemble du Parti libéral." Il mentionnait
également, M. le Président: "Les Québécois veulent
être reconnus, ils veulent pouvoir développer leur
identité, assurer leur sécurité économique, et ils
préfèrent que cela se fasse à l'intérieur de la
structure canadienne."
Notre premier choix, comme gouvernement, c'est un système
fédéral profondément transformé qui, tout en
étant plus efficace, permettrait au Québec une plus grande
maîtrise des pouvoirs nécessaires à son
épanouissement comme société et une entente avec ses
partenaires pour préserver et renforcer l'espace économique
canadien.
Tel que précisé dans le projet de loi 150, le gouvernement
actuel, élu démocratiquement par la population du Québec
lors des dernières élections - ce que le Parti
québécois se refuse d'admettre, semble-t-il - conserve sa pleine
faculté d'initiative et d'appréciation des mesures favorisant le
meilleur intérêt du Québec. C'est dans ce contexte que le
gouvernement actuel assumera ses responsabilités, de concert avec
l'Assemblée nationale.
M. le Président, j'appuie la position officielle de notre parti
et du gouvernement actuel quant à la préférence du
maintien d'un cadre constitutionnel canadien adapté aux
réalités présentes et futures. À l'heure où
les sociétés s'ouvrent sur la mondialisation des marchés,
où les frontières tombent, où les divers pays s'unissent
pour faire face aux nouvelles réalités sociopolitiques, il
m'apparaît personnellement aberrant que nous pensions à un repli
sur soi sans aucune garantie de ce que seront les règles
d'interdépendance pourtant essentielles au développement de la
société québécoise. Par exemple, lors de la
présentation du dernier budget de l'Ontario, les réactions ont
été vives dans l'ensemble des provinces canadiennes. À
partir de cette illustration, le journaliste Jean-V. Dufresne mentionnait qu'il
ne s'est trouvé personne pour prévenir les Canadiens que les
rapports qui régiraient nos deux États devenus souverains
seraient cent fois plus astreignants de part et d'autre que ceux qui nous
régissent aujourd'hui à l'intérieur de la
Confédération. Ceci démontre fort bien le caractère
vital des liens économiques et politiques. Nous savons, M. le
Président, ce que le fédéralisme nous a apporté
comme société au cours des 125 dernières années,
mais nous ignorons totalement ce que pourraient être les
conséquences de l'indépendance. Le bon sens et la prudence nous
commandent actuellement de s'en tenir à une expérience canadienne
qui a déjà fait ses preuves et qui est loin d'être un
échec, comme beaucoup de ténors souverainistes le laissent
entendre.
Je voudrais citer ici le journaliste Jean Pellerin qui, dans un article
du 9 avril dernier dans le journal La Presse, faisait une lecture
pragmatique de la réalité constitutionnelle actuelle, et je cite:
"Des réformistes s'ingénient à semer la panique. Ils vont
en répétant que le Canada est un pays qui ne fonctionne plus, que
la langue et la culture françaises sont en péril, que les Anglais
ne veulent plus du Québec, que le bilinguisme est une
hérésie, que le Québec peut fort bien se
débrouiller seul, bref que le Canada n'est plus notre pays et que seule
la séparation réglerait nos problèmes. Le Canada
mérite-t-il vraiment...
Une voix: Bravo!
M. Bordeleau: Si l'Opposition veut me permettre de finir la
citation, vous pourrez ensuite... "Le Canada mérite-t-il vraiment toutes
les accusations qu'on porte contre lui? Peut-on vraiment croire que rien ne va
plus? Que le statu quo dont on s'est accommodé durant 123 ans serait
à ce point devenu intolérable? Personne n'en est absolument
sûr, on se complaît dans des généralités et
dans l'a peu près. On n'arrive pas vraiment à démontrer en
quoi le système cloche. Les diagnostics manquent de rigueur et on ignore
si les remèdes qu'on prescrit sont curatifs ou mortels. Nous flottons
dans le vague."
Une voix: Bravo!
Une voix: On ne sait pas où on s'en va.
M. Bordeleau: Présentement, M. le Président, je
demeure convaincu que l'avenir du Québec serait mieux servi dans un
cadre canadien profondément transformé, et en ce sens, j'appuie
sans réserve la conclusion du journaliste Pellerin, qui terminait son
article comme suit: "Vaut mieux un Québec jouissant d'une
personnalité forte et influente dans un Canada en progrès, qu'un
Québec isolé face au processus irréversible de la
mondialisation de l'économie."
En appuyant le projet de loi 150, M. le Président, je souhaite
vivement que le Québec reçoive des propositions
intéressantes du reste du Canada. Ce faisant, il faut être bien
clair et comprendre que notre gouvernement et notre parti ne deviennent pas
aujourd'hui des défenseurs de la souveraineté. En appuyant le
projet de loi 150, nous appuyons le principe d'une consultation sur l'avenir
constitutionnel, advenant qu'il ne soit pas possible de renouveler à la
satisfaction du Québec et des partenaires canadiens le cadre
constitutionnel qui nous régit actuellement.
En manifestant son obstruction à l'adoption du projet de loi 150,
l'Opposition du Parti québécois fait preuve
d'irresponsabilité en affaiblissant la position du Québec et,
surtout, en refusant à la population le droit d'être bien
informée sur son avenir, par la création des deux commissions
parlementaires prévues. Même M. Claude Béland reconnaissait
récemment, devant l'Ordre des comptables agréés, que ce
projet de loi reflète bien le consensus établi à la
Commission Bélanger-Campeau, contrairement à ce que mentionnait
tout à l'heure le député de Pointe-aux-Trembles. Plusieurs
concitoyens avouent ne pas comprendre l'Opposition et comment celle-ci peut
arriver à voter contre ce qu'elle réclame depuis longtemps, soit
un référendum sur la souveraineté. On doit alors conclure,
M. le Président, que l'Opposition du Parti québécois veut
faire de la politique partisane en évitant que toute la lumière
soit faite pour éclairer nos concitoyens, avant que ces derniers aient
à faire un choix important. Ayez au moins la décence d'attendre
de voir les offres avant de porter un jugement négatif et fantaisiste,
comme l'a fait ce matin, de façon théâtrale, le whip de
l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean.
Quant à moi, M. le Président, je souhaite vivement que,
faisant preuve d'ouverture et de flexibilité, nous pourrons tous
ensemble arriver à transformer le cadre constitutionnel canadien, de
sorte que nous pourrons continuer à assurer le développement de
la société québécoise et favoriser son
épanouissement en tant que société distincte. M. le
Président, nous réussirons parce qu'il y va de
l'intérêt du Québec et du Canada.
Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
M. Boulerice: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Est-ce qu'en vertu de notre règlement mon
honorable collègue, député de l'Acadie, accepterait une
question?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de l'Acadie, est-ce que vous acceptez de répondre
à une question?
M. Bordeleau: Oui.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, question
brève, réponse brève.
M. Boulerice: M. le Président, compte tenu de
l'éloge qu'il a fait de la Charte canadienne des droits et
libertés, est-il toujours en accord avec le député
libéral de Jean-Talon, ministre des Affaires intergouvernementales
canadiennes, que la Charte québécoise des droits et
libertés
est supérieure à la Charte fédérale?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de l'Acadie, une courte réponse.
M. Bordeleau: La position actuelle du gouvernement libéral
est la même qui avait été défendue au moment de
l'accord du lac Meech.
Une voix: Bravo! Bien répondu!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de de l'Acadie. Mme la députée de Johnson,
je vous rappelle que vous intervenez sur la motion proposant l'adoption du
principe du projet de loi 150. Vous disposez d'un temps maximum de 20 minutes.
Allez-y, Mme la députée.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. M. le
Président, je pourrais relever plusieurs choses que le
député de l'Acadie a dites dans son intervention, entre autres
que le premier ministre avait une idée claire que lors de leur conseil
général, au mois de mars, il a exprimé clairement... Je ne
sais où il a vu la clarté. Le samedi, il était
nationaliste et souverainiste, et le dimanche, il était
fédéraliste. Je ne sais si c'est ça qu'il appelle quelque
chose de clair.
Il dit: II ne faut pas aller dans le sens de la souveraineté
parce qu'on ne sait pas ce qui va nous arriver. On sait ce qui se passe
à l'intérieur du Canada, mais on ne veut pas savoir ce qui va se
passer à l'extérieur. On aime mieux marcher à genoux, on
aime mieux être les valets de porte et les valets de chambre, et on aime
mieux être les subalternes du Canada anglais. Si c'est ça qu'il
veut, il a bien beau vouloir ça, mais nous, ce n'est pas ça qu'on
veut. (21 h 10)
Après une semaine de valse-hésitation, M. le
Président - parce que rappelez-vous: c'était le 5 juin que la loi
150 devait être appelée ici à l'Assemblée nationale.
Le mercredi 5 juin, le leader du gouvernement est arrivé en Chambre. Il
a dit: Nous n'appellerons pas le projet de loi 150. Là, il a fait un
petit show en disant: L'Opposition officielle ne veut pas voter pour et on ne
comprend rien là-dedans. Le projet de loi 150 transmet exactement ce que
la Commission Bélanger-Campeau voulait faire et vous ne voulez pas voter
pour. Il faisait semblant de ne pas comprendre. Il faisait semblant de ne pas
comprendre ce qu'il y avait dans le projet de loi 150. Sauf que ça n'a
même pas fait une journée. Le soir, c'était la convention
dans Montmorency. Le premier ministre était là avec un paquet de
députés pour montrer que c'était toute une équipe.
Le premier ministre a dit: On va le rappeler, le projet de loi. Ça fait
une semaine. C'était une belle claque dans la face pour son leader. Mais
il l'a rappelé et, aujourd'hui, on en discute. Il a été
appelé ce matin, le projet de loi 150.
Le projet de loi 150, si ça avait traduit exactement ce que la
Commission Bélanger-Campeau avait dit, et juste ça, pas toutes
sortes d'autres choses, pas tout le rapport Allaire et ainsi de suite,
l'Opposition officielle aurait voté pour, M. le Président.
Souvenez-vous qu'en juin, en juin l'année dernière, lorsque Meech
est mort, souvenez-vous que M. Parizeau, notre chef, a dit au premier ministre:
Je vous tends la main. Si vous voulez faire la souveraineté, des
démarches en vue de la souveraineté du Québec, je vous
tends la main. Vous aurez l'appui de l'Opposition officielle. Si le premier
ministre n'avait pas été aussi flexible qu'il est, qu'il a
été et qu'il sera toujours, l'Opposition officielle aurait
secondé, aurait aidé le gouvernement à faire la
souveraineté du Québec. Mais ce n'est pas ça, M. le
Président. On nous a amené un projet de loi avec un long
corridor. Il y avait une porte pour la souveraineté, une porte pour le
fédéralisme renouvelé, une porte pour le
fédéralisme flexible, une porte pour le fédéralisme
variable, une porte pour le fédéralisme viable et une porte pour
le fédéralisme intégré.
M. le Président, c'est un projet de loi comme une passoire.
C'était plein d'échappatoires pour le gouvernement. Comment
pensez-vous que l'Opposition officielle puisse donner son aval, son accord
à un projet de loi comme ça quand ça traduit exactement le
contraire de ce que l'on souhaite depuis que le Parti québécois
est venu au monde, c'est-à-dire faire la souveraineté du
Québec? On ne peut décemment pas voter pour un projet de loi
comme celui-là et on ne le fera pas.
M. le Président, notre formation politique n'est pas à se
demander si on devrait faire la souveraineté ou si on ne devrait pas
faire la souveraineté. On a dépassé ce stade-là
ça fait fort longtemps. On est rendu à se demander comment on va
la faire. Qu'est-ce qu'il adviendra des gens, des Québécois, des
hommes et des femmes? Quelle sorte de vie ils auront à
l'intérieur de ce pays en devenir? On est rendu là, M. le
Président. On a dépassé le stade que le projet de loi 150,
loin d'être le projet de loi qu'on souhaitait... On a
dépassé ce stade-là. On va passer par les étapes,
bien sûr. On ne se battra pas à travers la réglementation.
La loi, on ne l'approuvera pas non plus parce que ça n'a pas de bon
sens. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. On ne peut pas
tomber dans un piège aussi grand que celui qu'on vient de nous
tendre.
Comme vous le savez, M. le Président, comme je vous l'ai dit tout
à l'heure, on est à se demander comment on va le faire. Et vous
savez que mes responsabilités ici, à l'Assemblée
nationale, ce sont nos aînés. Donc, j'ai, par le fait même,
à cause de cette responsabilité, rencontré des centaines
et des centaines de
personnes âgées au Québec, les dirigeants
d'associations comme la Fédération de l'âge d'or,
l'Association québécoise pour la défense des droits des
retraités, le Forum des citoyens âgés, les personnes qui
sont à l'intérieur du CLSC et du CRSSS qui ont les dossiers des
personnes âgées. J'ai rencontré tout ce monde là et
ils m'ont exprimé clairement comment ils souhaiteraient être
acceptés dans un Québec souverain.
Ces rencontres m'ont permis de dégager les principales mesures
que l'on retrouve présentement, M. le Président, dans la
proposition de politique des aînés du Parti
québécois qui a été adoptée en janvier
dernier lors de notre congrès. Ces propositions-là, ce
programme-là du Parti québécois, c'est fait pour comment
nos aînés seront traités à l'intérieur d'un
Québec souverain. Vous voyez, M. le Président, qu'on n'est plus
à se demander si on devrait ou si on ne devrait pas faire la
souveraineté. Nous, on dit comment on va la faire et comment vivront les
gens à l'intérieur de ce Québec souverain. Seulement pour
vous indiquer qu'on est tout fin prêt si, demain, on avait l'avantage de
changer de côté à cause d'une élection, vous savez
très bien qu'on va enclencher le processus de la souveraineté et
vous savez très bien qu'à l'intérieur de notre programme
nous sommes prêts à envisager ce que sera la vie des
Québécois à l'intérieur d'un Québec
souverain.
Vous savez, depuis le décès de l'accord du lac Meech, il y
a bien des choses qui se sont passées au Québec. C'a
été beaucoup plus rapidement que ça ne l'avait
été depuis mai 1980, depuis le référendum de mai
1980. Les gens ont été blessés, blessés dans leur
plus profond intérieur, blessés de voir des Canadiens anglais
marcher et brûler notre drapeau, blessés de voir qu'on n'acceptait
pas les cinq conditions minimales du gouvernement que nous avons
présentement, blessés de voir qu'on ne voulait pas
reconnaître qu'on était différents, qu'on avait une culture
différente. Donc, les choses sont allées beaucoup plus vite, les
choses se sont accélérées.
Il y a eu la Commission Bélanger-Cam-peau - tous mes
collègues en ont parlé et tous les collègues de l'autre
côté aussi - où il y a eu plus de 600 mémoires.
Presque la totalité revendiquait un vrai référendum sur la
souveraineté du Québec et, M. le Président, la
Fédération de l'âge d'or du Québec était
présente. La Fédération de l'âge d'or du
Québec était présente et a présenté un
mémoire le 18 décembre. Quand la Fédération de
l'âge d'or est venue à la Commission Bélanger-Campeau, on
avait un mandat en poche, un sondage. Comme tout le monde, je pense, comme les
associations respectueuses de leurs membres, ils ont fait un sondage. La
Fédération de l'âge d'or représente, M. le
Président, 170 000 membres, dont 1000 clubs répartis à
travers le Québec. Ce n'est pas une petite cabane à patates
frites sur le coin de la rue. C'est une association où il y a beaucoup
de membres, beaucoup d'aînés qui font confiance à cette
association-là qui est venue présenter un mémoire à
la Commission Bélanger-Campeau.
Aux commissaires, la FADOQ a dit qu'il y avait eu ce sondage où
1380 membres avaient été rejoints. 93 % des répondants
jugeaient indispensable la protection des services de santé pour assurer
l'avenir dans un Québec souverain. Je pense que c'est tout à fait
juste que, lorsqu'on songe à faire un pays du Québec, il faut
absolument songer à la qualité de vie des gens qui vont y vivre.
Quand on pense à la qualité de vie de nos aînés,
c'est eux qui nous ont aidés à bâtir le Québec, donc
il faut penser comment ils vivront à l'intérieur de ce
Québec souverain.
Pour améliorer la qualité de vie de nos
aînés, il faut faire la promotion du vieillissement, d'une image
positive du vieillissement et, deuxièmement, réduire les
inégalités sociales et économiques qui existent entre les
personnes âgées. Pour obtenir une image positive, il faut
arrêter de percevoir nos aînés comme s'ils étaient un
fardeau pour la société, alors qu'environ 70 % n'utilisent
même pas les soins de santé et de services sociaux. Ils sont
relativement autonomes, ils demeurent chez eux et ils ont soin d'eux par
eux-mêmes; ils n'ont pas besoin. (21 h 20)
II n'est plus vrai non plus, M. le Président, qu'on est vieux
parce qu'on a 65 ans, qu'on est vieux parce qu'on a été
obligé de prendre notre retraite ou qu'on y a été
contraint. Ce n'est plus vrai, ça, M. le Président. C'est de la
fausse représentation que des gens malveillants font. Un Québec
souverain, ça se construit avec tout le monde, des jeunes, des moins
jeunes, des aînés, des autochtones. Ça se construit aussi
avec nos minorités culturelles. Bref, ça se construit avec tous
les hommes et les femmes qui croient qu'en donnant le meilleur
d'eux-mêmes ils auront, par le fait même, un pays qui leur
ressemble.
Deuxièmement, pourquoi vouloir réduire les
inégalités sociales et économiques qui existent entre les
personnes âgées? Parce qu'il est injuste de vivre moins longtemps
et avec une qualité de vie diminuée parce que l'on vient d'un
milieu défavorisé économiquement ou socialement; parce
qu'on ne doit pas tolérer qu'une personne aînée ne soit pas
protégée face à la violence familiale, à la
violence, aussi, physique et psychologique qu'ils peuvent recevoir dans les
institutions; parce que l'accès aux services gouvernementaux auxquels on
a pourtant tous droit nous est rendu difficile en raison des barrières
géographiques, linguistiques ou culturelles ou, pire encore, parce qu'on
est vieux.
Je pense ici aux personnes âgées qui passent plus de temps
dans les couloirs de salles d'urgence tout simplement parce qu'elles sont plus
âgées. Ça, c'en est une belle inégalité
sociale. Comment peut-on espérer réduire ces
inégalités si l'on continue de s'en remettre à deux
paliers de gouvernement? Vous comprenez pourquoi nous sommes en faveur d'un
Québec souverain pour que nos aînés puissent avoir
l'ensemble de leurs services à l'intérieur du pays du
Québec.
Dans ce même questionnaire - sondage sur l'option
constitutionnelle, 16 % des répondants ont dit qu'ils voteraient pour un
Québec indépendant pur et dur et 53 % sur la souveraineté
du Québec avec une association économique. Ça
équivaut à 69 % d'aînés qui ont voté en
faveur de la souveraineté du Québec, comme citoyens et citoyennes
à part entière à l'édification du Québec de
demain. Pour ce faire, les aînés revendiquent une voix qui soit
entendue là où se prennent les décisions, revendication
fort légitime, je crois, que notre formation politique a très
bien comprise puisque, dans notre programme toujours, la création d'un
conseil des aînés a été adoptée à
notre dernier congrès et que nos aînés auront ce Conseil
des aînés, un conseil non seulement consultatif, mais
décisionnel, relevant du premier ministre et de l'Exécutif du
gouvernement.
Voilà, M. le Président. Nous avons déjà une
mesure qui sera en force dès qu'on sera de l'autre côté de
la Chambre et dans un Québec souverain.
Et, enfin, la question posée le plus souvent, donc la question la
plus insécurisante pour les personnes âgées: Dans un
Québec souverain, allons-nous perdre nos pensions? Vous savez, si les
aînés ont toujours, aujourd'hui, certains d'entre eux, peur de
perdre leur pension du gouvernement du Canada, c'est qu'il y a des gens sans
coeur, qui ont des déviations importantes, je pense, qui font peur
à nos aînés en leur disant qu'ils vont perdre leur pension
s'ils votent pour un député du Parti québécois.
M. le Président, ma réponse, aux 672 000 pensionnés
du gouvernement du Canada et à tous ceux et celles qui s'ajouteront
à ces 672 000 pensionnés, est non, non et non. Vous ne perdrez
pas vos chèques de pension. La seule différence, c'est que, dans
le coin gauche de votre chèque, au lieu d'avoir une feuille
d'érable, il va y avoir une fleur de lys puis vos chèques vont
venir du Québec et non du gouvernement du Canada. C'est la seule
différence. Comment on va faire ça? L'année passée,
on a donné 25 000 000 000 $ en taxes et en impôt au
fédéral. Les pensions des aînés ont
coûté un petit peu plus de 3 000 000 000 $. 3 000 000 000 $, M. le
Président. Quand on va arrêter d'en donner 25 000 000 000 $, la
Régie des rentes du Québec, qui a déjà un actif de
10 000 000 000 $, sera bel et bien placée pour administrer les pensions
de nos personnes de 65 ans et plus. 3 000 000 000 $ qui reviennent du
fédéral; nous pourrons, après ça, verser la pension
aux gens qui ont atteint l'âge de 65 ans. Alors, aucune espèce
d'inquiétude, les chèques de pensions vont entrer à temps
à tous ceux qui y ont droit et il n'y aura aucune espèce de
différence. J'espère avoir été en mesure de faire
comprendre à nos aînés que les inquiétudes, c'est
fini. Ce n'est pas le Québec souverain qui est une menace, M. le
Président. C'est le gouvernement fédéral.
Rappelez-vous que, dans le premier mandat de Brian Mulroney, il a
essayé de désindexer les pensions de nos aînés.
Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils sont montés à Ottawa et ils ont
dit: Assez, c'est assez! On ne se laissera pas faire. Les aînés ne
savent pas à quel point leur pouvoir est important. Ils ont fait reculer
Brian Mulroney. Qu'ils ne viennent pas nous dire que c'est le Québec qui
est une menace pour nos personnes âgées. C'est le
fédéral qui est une menace pour nos personnes âgées,
et il va aller gruger ça dans les taxes et les impôts, et la TPS
en plus deçà.
M. le Président, une belle affaire. Ce n'est pas le gouvernement
du Québec dans un Québec souverain qui est une menace. Loin de
là. C'est clair comme l'eau qui coule dans le ruisseau, M. le
Président. Il n'y aura aucune espèce d'inquiétude dans un
Québec souverain. Les aînés seront traités avec tous
les égards qu'un gouvernement dans un Québec souverain pourra
leur donner.
Vous savez, M. le Président, dans la vie, lorsqu'il y a une
décision importante à prendre, on se retourne vers nos
aînés et on leur demande leur avis. Je pense qu'il n'y a rien de
plus précieux que l'expérience de la vie lorsque vient le temps
d'engager l'avenir de tout un peuple. Ils ont donné, lors des assises de
Bélanger-Campeau, un bel exemple de la confiance qu'ils accordent
à ceux qui veulent se tenir debout et exiger du fédéral
qu'on nous respecte, nous, les Québécois, qu'on les respecte,
eux, les aînés. Qu'on arrête de leur faire peur avec toutes
sortes de Bonhomme Sept Heures. Ils sont assez intelligents pour comprendre que
ça n'a pas de bon sens de leur faire des peurs comme ça, M. le
Président.
Ça n'a pas de bon sens de leur dire, en 1991, que ceux qui n'ont
que leur pension du gouvernement fédéral ne la recevront pas
s'ils votent pour un des députés du Parti
québécois. C'est une honte et les personnes qui font encore
ça aujourd'hui devraient être pénalisées. Elles
devraient être pénalisées pour avoir fait peur à une
personne âgée, M. le Président. C'est inacceptable et
jamais, de notre côté, on n'acceptera une chose semblable.
Si nous ne voulons pas voter pour ce projet de loi, c'est qu'il n'est
pas conforme. Qu'on le rende conforme à ce que Bélanger-Campeau a
demandé, à ce que les nôtres ont signé,
c'est-à-dire un référendum, un vrai
référendum sur la souveraineté, vous ne verrez aucune
obstruction de notre côté, M. le Président. Ça sera
fait et bien fait, et ça va se faire, un, deux, trois. Mais de la
façon dont le premier ministre se comporte avec ses amis du
fédéral, sa flexibilité nous
inquiète drôlement, M. le Président. Et c'est pour
ça que la confiance, de notre côté, elle n'existe pas.
C'est pour ça que nous ne pourrons pas, mais absolument pas, s'il n'y a
pas un changement radical dans la loi 150 en ce qui a trait au
référendum sur la souveraineté, jamais on ne pourra voter
pour cette loi-là, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Johnson. Sur le même sujet, Mme la
députée de Mégantic-Compton, je vous cède la
parole. Vous avez droit à une période maximale de 20 minutes. (21
h 30)
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. C'est avec
beaucoup de fierté que je participe à ce débat historique
qui sera sûrement déterminant pour l'avenir du Québec. Les
événements que nous avons connus le 23 juin dernier, alors que
l'accord constitutionnel du lac Meech était rejeté par deux
provinces récalcitrantes, venaient ainsi remettre en cause notre avenir
politique et constitutionnel. M. le Président, cet échec de
l'accord de juin 1987 a permis de démontrer que la formule d'amendement
constitutionnel, telle qu'elle existe actuellement depuis 1982, n'était
plus fonctionnelle. Ces événements ont également permis de
renforcer l'idée, chez tous les Québécois, que l'heure
était maintenant venue de s'unir, au-delà de toute partisanerie
politique, afin de travailler ensemble à redéfinir le statut
constitutionnel qui devait désormais appartenir au Québec.
Afin d'atteindre cet objectif, notre gouvernement instituait, le 4
septembre dernier, conformément aux dispositions de la loi 90, la
Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, mieux
connue sous l'appellation de Commission Bélanger-Campeau. Au terme
d'audiences publiques qui se sont échelonnées sur un peu plus de
deux mois, les membres de la Commission déposaient, le 27 mars dernier,
un rapport qui, on se souviendra, avait fait l'objet d'un important
consensus.
Le projet de loi 150, qui est aujourd'hui devant cette Chambre, donne
suite à la première recommandation de ce rapport qui, d'ailleurs,
se lisait comme suit: "La Commission recommande à l'Assemblée
nationale l'adoption, au printemps 1991, d'une loi établissant le
processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du
québec." le rapport bélanger-campeau recommandait
également la tenue d'un référendum sur la
souveraineté du québec, soit entre le 8 et le 22 juin 1992, soit
entre le 12 et le 26 octobre 1992, de même que l'institution de deux
commissions parlementaires spéciales, l'une ayant pour mandat
d'étudier toute question relative à l'accession du québec
à la souveraineté, l'autre ayant pour mandat d'apprécier
toute offre de nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le
gouvernement du Canada au gouvernement du Québec.
À la lumière de ces affirmations, nous sommes ainsi en
mesure de constater que le projet de loi 150 correspond en tout point aux
recommandations du rapport Bélanger-Campeau, tant dans son esprit que
dans son contenu. Cependant, avant d'élaborer davantage sur les
principes qui sous-tendent le projet de loi 150, j'aimerais ouvrir une
brève parenthèse afin de démontrer comment l'histoire
récente des 30 dernières années s'apparente à la
situation que nous connaissons présentement. En effet, de "Maîtres
chez nous" de Jean Lesage à "Un Québec libre de ses choix" de
Robert Bourassa, le gouvernement libéral du Québec a
accompagné, depuis plus de 30 ans, la longue marche des
Québécois vers une autonomie politique de plus en plus grande.
Ainsi, chaque fois qu'il en a eu l'occasion au cours de l'histoire, le
Québec a affirmé son caractère distinct. Aucune autre
province n'a adopté une approche aussi autonomiste dans ses relations
avec Ottawa ou n'a réclamé des modifications aussi substantielles
à la Constitution.
Les revendications du Québec depuis les 30 dernières
années allaient toutes dans le même sens, soit la recherche d'un
nouvel ordre constitutionnel entre Québec et Ottawa. Dès l'aube
de la Révolution tranquille, le nationalisme traditionnel s'est fait
plus revendicateur. Par exemple, le Québec a été le seul
à profiter, en 1964, de la formule d'"opting out" qui permettait
à une province de se retirer de certains programmes sans
pénalité financière. Ainsi, sous la gouverne de M. Jean
Lesage, le Québec se retirait de 28 programmes à frais
partagés. De plus, il décidait de ne pas participer au
Régime de pensions du Canada et mettait sur pied son propre
régime de pensions. Afin d'administrer ce dernier, il créait la
Caisse de dépôt et placement du Québec.
En juin 1965, M. Lesage publiait un opuscule intitulé "Un
Québec fort dans une nouvelle Confédération",
réclamant ainsi une réorientation radicale, un statut particulier
pour le Québec au sein de la Fédération canadienne. En
1967, René Lévesque présentait aux libéraux son
projet "Pour un Québec souverain dans une nouvelle union canadienne".
Cependant, ce projet fut rejeté au profit du statut particulier
préconisé par Paul Gérin-Lajoie dans un document
intitulé "Le Québec, une société distincte". Ce
document préconisait, en outre, un nouveau partage des pouvoirs, une
constitution québécoise et la préparation de propositions
sur la nouvelle Constitution du Canada.
Inévitablement, l'arrivée au pouvoir du premier ministre
Trudeau à Ottawa et sa vision très centralisatrice du Canada
s'inscrivaient à l'encontre des revendications québécoises
qui luttaient contre l'uniformité des politiques
fédérales. En avril 1978, M. Claude Ryan devenait chef du
Parti libéral du Québec et réaffirmait ses convictions
fédéralistes. La publication, en janvier 1980, du livre beige
intitulé "Une nouvelle Fédération canadienne" reprenait,
en grande partie, les vues de M. Ryan en faveur d'un fédéralisme
renouvelé fortement décentralisé.
De retour au pouvoir en décembre 1985, M. Robert Bourassa
proposait, dans le cadre de son programme "Maîtriser l'avenir" les
conditions d'acceptation de la nouvelle Constitution. L'accord constitutionnel
du lac Meech, conclu en juin 1987 avec l'assentiment de tous les premiers
ministres provinciaux, comportait les cinq conditions minimales qu'exigeait le
Québec afin de réintégrer le pacte
confédéral de 1982 et de redevenir un partenaire à part
entière dans la Fédération canadienne. Cependant, trois
ans plus tard, le grand rêve de la réconciliation nationale de
Brian Mulroney s'évanouissait devant l'obstination du Manitoba et de
Terre-Neuve. L'échec de l'accord du lac Meech, survenu le 23 juin 1990,
venait ainsi confirmer, par le fait même, l'échec du
système fédéral actuel, l'échec de la formule
d'amendement contenue dans la Loi constitutionnelle de 1982.
Ce bref aperçu historique nous permet de constater que ce n'est
pas d'hier qu'on parle de réformer nos institutions, qu'on remet en
cause la place du Québec dans la Fédération canadienne.
Chacune des diverses options politiques qui s'offraient au Québec depuis
1960 avait pour dénominateur commun la recherche, pour le Québec,
de son autonomie pour exprimer pleinement sa spécificité
culturelle, sociale, politique et économique. C'est pourquoi, dans la
continuité historique de tout ce qu'elle a décidé depuis
les trois dernières décennies, notre formation politique veut un
changement en profondeur dans les relations entre les gouvernements du
Québec et du Canada. C'est dans ce contexte qu'a été
préparé le projet de loi 150 qui fait l'objet du présent
débat. Ce projet de loi constitue une étape fondamentale dans la
démarche constitutionnelle amorcée en juin 1990 par le
gouvernement libéral du Québec, au lendemain de l'échec de
l'accord du lac Meech.
M. le Président, au cours des quelques minutes qui me sont encore
disponibles, j'aimerais procéder à un examen plus approfondi des
principales dispositions prévues dans ce projet de loi. D'abord, je
considère important de souligner la rigueur et la fidélité
avec lesquelles le projet de loi 150 répond aux recommandations du
rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Comme je l'ai
déjà mentionné au début de mon intervention, ce
projet de loi respecte en tout point l'esprit, la lettre et le contenu du
rapport Bélanger-Campeau. D'ailleurs, le tout premier considérant
du préambule du projet de loi mentionne expressément "le rapport,
les conclusions et les recommandations de la Commission sur l'avenir politique
et constitutionnel du
Québec".
L'objectif premier du projet de loi 150 porte sur la création de
deux commissions parlementaires spéciales, soit la commission
d'étude des questions afférentes à l'accession du
Québec à la souveraineté - j'y crois tellement peu que
j'ai de la misère à prononcer le mot, M. le Président!
Une voix: Bravo! (21 h 40)
Mme Bélanger: ...et la commission d'étude sur toute
offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. L'institution de
ces deux commissions répond principalement à la volonté du
gouvernement libéral du Québec d'assurer l'égale
compréhension de tous les Québécois, tant à
l'égard des changements nécessaires pour rendre acceptable au
Québec le système fédéral canadien qu'à
l'égard d'une juste définition de la souveraineté et de
ses implications politiques, économiques, sociales et culturelles.
Ainsi, M. le Président, en plaçant les voies d'un nouveau
fédéralisme et de la souveraineté sur un pied
d'égalité, en établissant un juste équilibre entre
les commissions parlementaires chargées d'étudier chacune de ces
deux voies, le projet le loi 150 apparaît non seulement fidèle
à la démarche exposée dans le rapport
Bélanger-Campeau, mais il permettra également une étude
réfléchie et détaillée de chacune de ces options.
Par conséquent, la population du Québec sera mieux
informée sur chacune des voies qui s'offrent à elle, ce qui lui
permettra de faire un choix lucide et éclairé lors du prochain
référendum de 1992.
M. le Président, outre la commission chargée
d'étudier les coûts et les impacts de la souveraineté, le
projet de loi propose également l'institution d'une commission
chargée d'apprécier toute offre d'un nouveau partenariat
constitutionnel avec le gouvernement fédéral. Suite au
récent discours du trône prononcé à Ottawa, nous
avons bon espoir que le fédéral fera des offres raisonnables au
Québec et ce, dans les délais convenus et fixés par le
Québec. Nous sommes ainsi confiants de recevoir des offres acceptables
en vue d'un fédéralisme renouvelé puisque notre formation
politique a toujours démontré clairement, au cours des trois
dernières décennies, cette ferme volonté de pouvoir
s'entendre avec ses partenaires canadiens.
M. le Président, le gouvernement libéral du Québec
reconnaît que les Québécois veulent pouvoir
développer leur identité et assurer leur sécurité
économique, mais ils préfèrent que cela se fasse à
l'intérieur de la structure canadienne. C'est pourquoi le premier choix
de notre formation politique repose sur le fait que nous pouvons
développer le Québec à l'intérieur du Canada. Notre
premier choix repose donc sur un fédéralisme profondément
transformé, qui permettra au Québec de posséder tous les
pouvoirs
nécessaires pour promouvoir, épanouir son identité,
tout en favorisant l'essor de son développement économique.
Voilà, M. le Président, les objectifs fondamentaux du
présent gouvernement libéral.
Enfin, en ce qui concerne les dispositions touchant la tenue d'un
référendum sur la souveraineté du Québec, le
ministre délégué aux Affaires intergouvernementales a
maintes fois précisé que cet exercice démocratique
impliquant la population du Québec ne saurait porter sur autre chose que
la pleine souveraineté. À cet égard, M. Rémillard a
clairement expliqué qu'il faut d'abord considérer la
souveraineté dans un concept seul et comme un tout. Il faut d'abord voir
la souveraineté en fonction de son impact, de sa réelle
signification économique. Ensuite, on pourra discuter d'association si
d'autres partenaires canadiens veulent bien s'associer, mais une chose doit
être claire, c'est qu'on ne peut présumer au départ, si on
devient souverain, que les autres partenaires vont vouloir s'associer. Par
conséquent, un référendum sur la souveraineté ne
peut porter que sur cette seule option et non sur une association
hypothétique.
En conclusion, M. le Président, au cours des mois qui viennent,
les réflexions comme les étapes que franchira le Québec
détermineront notre avenir. Fort du travail accompli par la Commission
Bélanger-Campeau, le gouvernement libéral reconnaît
l'urgence de mettre fin à l'incertitude en proposant,
conformément aux dispositions du projet de loi 150, une démarche
claire qui devra remédier à l'impasse constitutionnelle actuelle
et mener à des résultats concrets et hâtifs. m. le
président, la voie qui sera proposée aux québécois,
que ce soit un fédéralisme profondément transformé
ou la souveraineté, devra assurer le développement de la
société québécoise en conformité avec ses
besoins et ses aspirations. cette voie devra également satisfaire
à certains principes, à savoir préserver l'espace
économique canadien, respecter et protéger les droits et
libertés de la personne ainsi que ceux des communautés
anglophones, allophones et autochtones. enfin, elle devra s'avérer une
solution efficace pour la stabilité économique et politique du
québec.
En somme, M. le Président, le maintien de la qualité de
vie et de la sécurité économique des
Québécois constituera le principe fondamental qui guidera la
démarche de notre gouvernement au cours des prochains mois. Merci, M. le
Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée. Oui, M. le député de Shefford.
M. Paré: Est-ce que ma collègue,
députée de Mégantic-Compton, accepterait de
répondre à une question?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la
députée, est-ce que vous acceptez de répondre à une
question?
M. Boulerice: La transparence du fédéralisme.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, Mme la
députée accepte. Une courte question, une courte
réponse.
M. Paré: Oui, une très courte question, M. le
Président. Est-ce que Mme Madeleine Bélanger choisit toujours la
souveraineté-association comme elle l'a dit dans La Tribune de
Sherbrooke, le 27 juin dernier?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la
députée de Mégantic-Compton.
Mme Bélanger: M. le député de Shefford, vous
avez eu la réponse dans mon discours. Nous attendons les propositions
claires et nettes du fédéral, les propositions exigées par
le Québec. Si nous avons ces propositions dans.... Si vous voulez lire
l'article au complet, vous allez avoir les réponses. Si on n'a pas les
propositions demandées, on verra.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Mégantic-Compton. Sur le même sujet, M.
le député de Jonquière, vous disposez de 20 minutes.
M. Dufour: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député.
M. Francis Dufour
M. Dufour: le débat sur le projet de loi 150 créant
des commissions pour nous amener vers un référendum me semble un
débat qui porte à faux. d'abord, ceux qui prônent la
souveraineté sont contre; ceux qui sont vraiment des souverainistes,
ceux qui propagent ou maintiennent l'idée depuis de nombreuses
années sont contre ce projet de loi; et ceux qui ont toujours eu des
positions ambiguës, plutôt couchés que debout, sont pour.
Cette attitude que nous avons a été bien comprise de la
population, puisque, dans le dernier sondage, 20 % seulement de la population
du Québec croit qu'il y aura un référendum. Donc, je
pense, et on peut l'affirmer à partir de ce sondage, que la population
n'est pas dupe des entourloupettes et de la façon de fonctionner de ce
gouvernement pour qui, tantôt, c'est un oui qui veut dire non, et un non
qui veut dire oui, et un peut-être qui veut dire jamais. C'est ce qu'on
rencontre et ce qu'on voit dans ce projet de loi. Ça nous permet de dire
que la façon dont
il est écrit... Lorsqu'on écoute ma collègue qui
vient de parler avant moi, ma collègue de Mégantic-Compton, qui
nous dit qu'elle a de la difficulté à prononcer l'accession
à la souveraineté parce qu'elle n'y croit pas, comment vous
voulez que ces gens-là soient quelque peu crédibles? Donc, s'il
n'y a pas de changements fondamentaux, faudra bien qu'on se dise et qu'on
constate une fois pour toutes que le fédéralisme, c'est fini. Il
ne faut pas être naïf non plus à un point tel qu'on ne
reconnaisse pas, sur le plancher... parce que je voudrais parler avec le monde,
le vrai monde, pas avec des gens dont l'idée est toute faite, qu'il n'y
a pas moyen de convaincre, je veux parler avec le vrai monde. Je veux profiter
de cette occasion pour leur dire et leur faire constater avec moi le
cheminement du fédéral dans les dernières
années.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on dénonce les actions du
fédéral à travers le Québec. La double juridiction
du fédéral dans les provinces a causé des torts
considérables. Je veux juste prendre pour acquis la façon dont ce
gouvernement-là, le gouvernement fédéral, est cassé
et la façon dont il se comporte sur le territoire du Québec. Ils
nous font accroire qu'ils se promènent les poches bourrées
d'argent et ils viennent nous dire, à des municipalités, à
des groupes: Nous autres, on a la réponse à tous vos
problèmes. Venez nous voir, on a de l'argent en masse. On est prêt
à vous en donner. Depuis 40 ans, ce gouvernement-là, en passant
par les travaux de chômage, les projets de développement à
l'emploi, avec la formation professionnelle et dans toutes les actions, a
réussi à gaspiller les fonds publics, depuis 40 ans, sans
créer le moindre emploi. C'est ça, les problèmes
fondamentaux. C'est ça, les problèmes de juridiction que le
fédéral a faits. Il ne faut pas se conter des histoires. (21 h
50)
Comment le gouvernement fédéral intervient-il? Il y a des
députés au fédéral qui n'ont rien à foutre
et qui viennent se promener sur le territoire du Québec. Et quelle est
la façon de se donner de la visibilité? C'est d'approcher des
groupes communautaires et de leur dire: On aurait peut-être une petite
subvention à vous donner si vous voulez aller dans ça. Je ne dis
pas que les subventions ont été complètement perdues, mais
ça n'a pas créé de l'emploi. Ce n'est pas une question de
favoriser l'économie. C'est une question de se gagner des votes. Quand
on va rencontrer des groupes et qu'on leur donne des petits guidis et des
petits montants pour toutes sortes de choses, bien, c'est ça qu'on fait,
c'est essayer de se gagner des votes. Et le fédéral en a
abusé fortement.
Je connais des actions dans mon propre comté où le
député fédéral a donné des subventions qui
touchent carrément le domaine de la santé, qui créent des
besoins ou qui répondent à des besoins que le Québec n'est
pas capable de remplir, ce qui fait qu'à la fin de l'opération
ces gens-là sont déçus parce que le Québec ne
pourra pas prendre la relève. On a fait une opération de trois
ans, gaspillage de fonds publics qui, au bout de trois ans, ne rapportera
absolument rien. C'est ça que le fédéral fait depuis 40
ans. C'est ça qu'on a fait.
Qu'on regarde dans le domaine des loisirs, la même chose. J'ai
vécu une expérience comme maire de ma municipalité. Le
député fédéral voulait donner des montants d'argent
faramineux pour aider des groupes, pour aider la municipalité à
améliorer ses équipements de loisir. Ils ont donné 400 000
$. Savez-vous comment ça a coûté à la
municipalité, ce cadeau-là? Ça m'a coûté 900
000 $. Et, si je ne m'en étais pas mêlé, ça aurait
coûté plus que 1 000 000 $. C'est ça que ça fait,
les cadeaux du fédéral. Quand l'argent vient du
fédéral - et on en a eu la preuve encore dernièrement - il
y a des gens qui ont dit: Que ça vienne de n'importe où,
ça ne nous dérange pas. Mais attention, ça ne vient pas de
n'importe où, ça vient de nos poches. Ça vient d'un pays
cassé. C'est ça, le drame. Ils viennent nous offrir de l'argent
et il y a des gens qui ont le front de dire: Ça ne nous dérange
pas que ça vienne de n'importe où. Mais les priorités du
Québec sont où, dans tout ça? C'est quoi, les
priorités du Québec? De quelle façon est-on
favorisé? Il y a des gens qui sont contents de vivre dans ce
régime-là, avec des 15 % et des 20 % de chômage quand
ça va mal; quand ça va bien, c'est 10 % quand ça va mal,
15 % à 20 %. Il y a des gens qui sont bien repus, qui sont bien
traités au Québec, actuellement, dans le pays. Eux autres, ils
n'ont pas de problèmes. Mais ça ne vous interroge pas, comme
individus, de savoir qu'il y a du monde qui crève? Vous ne recevez pas
de monde dans vos comtés qui viennent vous dire qu'il n'y a plus rien
à faire?
La preuve que le fédéralisme est fini, c'est ça. On
n'est pas capables de répondre à des besoins de population, et
qui en souffre? C'est nos gens. Il y a des gens qui ont le front de venir nous
dire: Ça va bien. Il faut laisser ça comme ça. Ou: Faisons
des petits accommodements. Faisons de la petite dentelle puis on va arranger
nos problèmes. Moi, je vous dis que c'est pas mal triste que des gens se
laissent interpeller puis qu'ils n'aient pas plus le coeur de répondre
à leur conscience; parce que c'est un cas de conscience, ça,
faire voir qu'il y a autant de misère là aussi. Et l'autre drame
que le Canada peut vivre, c'est qu'il ne peut plus galvaniser ni amener des
gens à penser pays. C'est un pays qui est fini, à mon point de
vue, et c'est un pays qui ne peut pas galvaniser les gens les plus... les
faiseurs d'opinion, comme les leaders dans la société. C'est
ça, son drame et son drame, il se termine; c'est une agonie. Il faudrait
avoir le courage de le dire. Et ça fait quoi dans nos
municipalités?
Je pense bien qu'il faut bien constater que la réaction du
fédéral a des répercussions dans
nos municipalités. On impose des actions, on impose des
événements à nos municipalités qui, elles, ont
à les vivre, ces événements-là. La politique
monétaire du fédéral, qui est en fait une politique pour
favoriser l'Ontario, cause des dommages considérables à nos
municipalités parce que, quand les taux d'intérêt sont
à la hausse, les municipalités les paient, ces taux
d'intérêt. Les manques d'investissement que nos
municipalités ne font pas, ne peuvent faire, c'est encore des
coûts néfastes du fédéral dans nos milieux et c'est
comme ça que nos gens sont...
Prenez, quand on fait de la promotion industrielle et que le
gouvernement fédéral a d'autres préoccupations, le
fédéral et le Québec, dans ces domaines-là, dans
les municipalités, jouent contre les citoyens. Dans le fond, les
gouvernements fédéral et provincial sont en compétition.
Est-ce qu'on a besoin de deux gouvernements pour se compétitionner parce
que, quand on se bat pour la même chose, les deux, à savoir lequel
est le plus populaire, lequel est le plus puissant, lequel est le plus fort et
lequel est le plus beau, c'est les autres qui paient la note. C'est nous
autres, les citoyens du Québec, qui paient cette note-là de cette
dualité.
On ne dit pas au Canada comment il doit fonctionner avec les autres
provinces. On lui dit que, pour le Québec, c'est néfaste. Si les
autres provinces sont contentes et s'en accommodent, qu'on les laisse aller.
Bonjour la visite. Bonjour, merci. C'est ça qu'on doit dire. Il faut
avoir le courage au moins de nos opinions.
Toute cette dualité de juridiction a été
néfaste et ça a joué contre les municipalités.
Qu'est-ce qui se passe à cause de ça? L'appauvrissement de nos
régions. Il ne faut pas se le cacher. Nos municipalités rurales
se vident, la "ruralité" de nos municipalités. Ce n'est pas pour
rien qu'on a des groupements qui, actuellement, essaient de se prendre en main,
que ce soit en Gaspésie ou dans d'autres régions du
Québec. Même Montréal subit ces problèmes-là.
Mais pourquoi il n'y a rien pour les aider? Pourquoi on n'est pas capables de
faire de développement économique? Pourquoi les
municipalités crient et demandent plus de pouvoirs? Elles demandent
à Québec, mais Québec ne peut pas donner ce qu'il n'a pas.
C'est ça, notre empêchement, c'est ça l'empêchement
de se prendre en main et de se développer. Parce qu'on ne peut pas vivre
avec deux pères. C'est ça qu'on a. C'est ça la situation
de nos municipalités. Quand ça ne va à une place, on va
ailleurs; quand ça ne va pas ailleurs, on va à la première
place. Et on se promène de l'un à l'autre. Je ne pense pas que
ça fasse une société saine parce qu'il y a trop
d'ambiguïtés. Il faut que ça arrête.
Il y a des gens qui disent: Si on n'est pas contents, on va aller de
l'autre bord. Bien oui, mais ça ne change pas le problème. On va
se punir l'un et l'autre. Il va falloir qu'on se dise, comme en toute
démocratie qui se respecte, quand on n'est pas contents du gouvernement
qui nous gouverne, on le sacre dehors et on le remplace par un autre.
Ça, c'est la vraie démocratie. Ce n'est pas en sautant d'un
gouvernement à l'autre et en se promenant... Ça a donné
des résultats négatifs. Ça a donné des
résultats coûteux. Il ne faut pas se le cacher. On aura beau
parler de la situation économique du Canada, il faut parler de la
nôtre, notre situation. C'est pas mal mieux que celle d'Ottawa.
En 1980, il y avait encore des gens qui faisaient de
l'épouvantail à moineaux en disant: Ne faites pas
l'indépendance, votez non au référendum, vous savez bien
que ça va bien au Canada. Il n'était pas endetté dans ce
temps-là. Peut-être qu'il y avait des gens qui avaient raison de
dire que ça allait bien, mais à 400 000 000 000 $ de
déficit, 400 000 000 000 $ de dettes, de quelle façon vous allez
me dire que ça va bien? Qui va nous faire accroire ça quand ils
nous coupent les péréquations, les paiements de transfert ici au
Québec? Qui paie pour ça? Ils sont en frais de nous
étouffer. C'est les seuls gens qui disent: On veut votre bien et on le
prend. C'est ça qu'on est en frais de faire. Et qu'est-ce que ferait un
Québec souverain et indépendant? Parce que, quand on s'oppose au
projet de loi 150, M. le Président, c'est vraiment parce qu'on veut un
vrai référendum qui parie des vrais problèmes du monde
puis qui trouve des vraies solutions. Comment pourrait se comporter le
Québec par rapport à des municipalités qui, depuis de
nombreuses années, demandent de nouveaux pouvoirs pour répondre
mieux aux problèmes d'aujourd'hui? Le Québec, en étant
souverain, récupère du fédéral, en taxes, 25 000
000 000 $. J'avais le goût de dire que les 25 000 000 000 $ sont à
la disposition des municipalités. Ce n'est pas tout à fait comme
ça que ça se présenterait, vous comprenez bien. Il y a des
engagements, ma collègue de Johnson l'a dit. Il y a 3 000 000 000 $
qu'on réserve pour les personnes âgées. Il y a certainement
des montants qui sont réservés pour la culture. Il y a
certainement des montants qui sont réservés pour la santé.
Mais il y a sûrement des montants qui pourraient être disponibles
pour nos municipalités.
Que pourraient faire les municipalités avec les montants qui sont
disponibles? Il serait temps, immédiatement, que des gens, des leaders
d'opinion dans nos régions commencent à réfléchir,
à savoir ce qu'ils veulent comme développement, ce qu'ils veulent
faire avec les moyens qu'ils ont. Et ce, en concertation avec le milieu. Il
serait possible actuellement d'organiser, de demander a des gens de
réfléchir sur cette question. Les questions qu'on doit se poser.
De quelle façon se comporteraient nos régions dans un
Québec indépendant? Dans la façon de se comporter, est-ce
qu'on a les moyens de se payer autant d'organismes sur le territoire du
Québec? Est-ce qu'on a les moyens de se payer autant de
groupes de décideurs dans notre société? C'est une
question fondamentale.
Ça serait important qu'on commence à
réfléchir pour savoir à qui on va donner ces pouvoirs. Que
chacun ait son pouvoir, ça devient dérangeant parce qu'il n'y a
pas de coordination et c'est difficile d'amener des gens vers quelque chose,
vers des actions concrètes. Donc, moi, je pense que les
municipalités sont bien placées parce qu'elles ont
déjà des personnes élues, ce sont des gens qui sont
déjà représentants de leur milieu, représentantes
de leur milieu. À ce moment-ci, ils pourraient commencer à
réfléchir sur ce qu'ils pourraient faire en commun. (22
heures)
Est-ce que les municipalités, actuellement, peuvent faire
suffisamment d'actions dans leur milieu? Est-ce qu'elles doivent s'occuper de
la santé? Est-ce qu'elles doivent s'occuper du monde scolaire? Est-ce
qu'elles doivent s'occuper du développement économique? Elles le
font déjà. Est-ce qu'elles doivent s'occuper du
développement touristique? Est-ce qu'elles doivent s'occuper du domaine
culturel? Est-ce qu'elles doivent s'occuper des mouvements ou des groupes, des
actions d'ensemble qui intéressent la région? C'est tout
ça qu'elles doivent se demander. Est-ce qu'elles doivent répondre
du vieillissement de la population? Comment on fait pour garder nos gens?
Est-ce qu'elles peuvent s'occuper de la formation? Tout ça, ce sont des
questions de fond.
On doit réfléchir là-dessus. Si la conclusion vient
et si les gens décident qu'elles peuvent en faire plus, il ne faut pas
se le cacher, je pense qu'au Québec, on a réussi, au contraire de
ceux qui pensent de nous repetisser, moi, j'ai la certitude que les
Québécois et les Québécoises ont réussi des
actions extraordinaires. Ils l'ont démontré dans des domaines; la
caisse populaire Desjardins, la fédération des caisses, je pense,
est un élément important qu'on peut souligner. La Caisse de
dépôt, ce n'est pas dans nos plus mauvaises réalisations.
La Régie de l'assurance automobile, qui a fait l'objet de quolibets et
aussi d'opposition innommables de la part du Parti libéral, lorsque le
Parti québécois l'a mise sur pied, ça me semble être
des réalisations sur lesquelles ont a le droit de se reposer et
d'être fiers.
Les coopératives qui existent dans nos milieux sont aussi le fait
de gens qui ont bien voulu se prendre en main et qui font l'objet de notre
fierté. Il y a encore de la place pour d'autres succès. Je pense
qu'il ne faut pas avoir honte, il ne faut pas avoir peur du succès. Il
ne faut pas avoir peur de croire que nos gens sont capables d'en faire plus. Et
c'est cette union-là des gens chez nous qui décidera, par
exemple, de travailler plus fort pour développer l'emploi. Ça
sera une de leurs responsabilités. Le Québec et le
fédéral n'ont pas réussi à développer
d'emplois. Pourquoi? Ils sont trop loin des problèmes.
On est trop loin des problèmes. Est-ce qu'on ne devrait pas avoir
un fonds disponible pour la création d'emplois, pour aider les
entreprises? Au lieu de ratatiner et de rapetisser, il ne serait pas le temps
de donner un essor à ces gens qui pensent et qui croient que le
développement économique repose sur leurs épaules à
eux? Qu'on arrête de penser que ça dépend toujours des
autres. Il serait peut-être le temps de s'essayer. Le gouvernement, le
Canada s'est bien essayé avec le BAEQ - toute l'opération qui
s'est passée en Gaspésie - mais il n'a pas réussi
grand-chose parce que les villages se sont vidés. Les villages sont dans
la pire déprime qu'on peut penser, et la seule consolation qu'on peut
dire à ces gens-là: Ça pourrait être pire.
Consolez-vous, ça pourrait être pire. Vous êtes
habitués à la misère.
C'est ça qu'on nous offre actuellement. C'est ça qu'on
offre à nos régions. C'est ça qu'on leur offre, d'aller
priver ou de les vider de leur substance parce qu'actuellement, ce qu'on fait,
c'est qu'on enlève la moelle, l'important de nos municipalités;
on leur enlève des montants d'argent. On prend nos personnes les plus
pauvres et on leur en enlève plus en pensant que ça va aller
mieux. Plus avec moins, comme si c'était possible. Il s'agit de regarder
la façon dont le gouvernement actuel se comporte avec nos
régions, avec l'ensemble de nos municipalités pour se rendre
compte que le gouvernement fédéral a fait tellement mal que les
municipalités sont poignées dans le jeu. C'est ça, le prix
du fédéralisme et c'est ça, le prix d'un gouvernement qui
n'a pas suffisamment de pouvoirs parce que, même si on a le pouvoir, il
faut avoir au moins la possibilité d'exercer ce pouvoir-là. Dans
un Québec souverain, c'est évident que le gouvernement du
Québec aurait des comptes à rendre à sa population, qu'il
aurait aussi des responsabilités à exercer envers son milieu.
Moi, je crois qu'on a actuellement un certain nombre de structures qui
sont en place. On les appelle les municipalités, on les appelle les
municipalités régionales de comté. Ces groupes-là
peuvent facilement, parce qu'elles l'exercent en partie, se mettre à la
tâche de développer l'emploi dans leur milieu. Elles peuvent
essayer de récupérer et de développer le Québec
à leur manière. Le Québec, c'est l'ensemble de ces
régions et, actuellement, on n'a pas cette impression-là parce
qu'on a réussi à démantibuler ou à
débâtir nos régions. Nos régions crient vers
Québec, crient vers Ottawa et elles crient tout court, à tel
point que, encore une fois, il y a des gens qui disent ouvertement: Que
l'argent vienne de n'importe où, ça ne nous dérange pas,
on le veut cet argent-là. Mais encore faudrait-il que ça
s'inscrive dans une démarche qui permette à une
société de mieux se développer. Moi, je ne pense pas qu'on
doive subir indéfiniment les problèmes causés par les
autres.
II y a des gens qui ont encore peur. J'en vois qui ne sont pas assis
à leur siège, M. le Président, puis ils sont là,
ils n'écoutent pas, ça ne les dérange pas. Ils sont ici
pour s'amuser.
M. Boulerice: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le
député de Jonquière. Je m'excuse. J'ai une question de
règlement. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Mais, M. le Président, n'y a-t-il pas dans
notre règlement un qui indique que les députés occupant le
fauteuil qui leur a été assigné par vous, M. le
Président, gardent le silence?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article
32.
M. Boulerice: Je vous demanderais de rappeler à l'ordre le
député de Verdun, le député de Jean-Talon et
autres.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, effectivement, en
vertu de l'article 32, les députés doivent occuper les banquettes
qui leur sont assignées. M. le député de Jonquière,
en vous rappelant que vous disposez de deux minutes pour terminer votre
intervention.
M. Dufour: Oui, M. le Président. Je veux juste rappeler
que j'avais dit au départ que je voulais parler avec le vrai monde et le
vrai monde n'était pas en face de moi. Ça me dérangeait...
Il est peut-être dans ce coin-là. Et je pense que vous auriez
intérêt non seulement à m'entendre, mais à
m'écouter, M. le député.
M. le Président, en concluant, je voudrais dire qu'il y a des
programmes actuellement qui sont administrés par le gouvernement du
Québec qui pourraient être renforcés, parce que le
gouvernement fédérai est à enlever du paysage. Ça
pourrait permettre de mieux centrer nos efforts et mieux nous
développer. Il n'y a personne ici qui peut soutenir que deux
gouvernements, ça fait mieux qu'un gouvernement quand on a... À
moins que ce ne soit une concertation sans égard, mais ça
n'existe pas. Même avec un gouvernement profédéraliste et
fédéraliste à tout crin, ça ne marche pas. C'est
tellement vrai que c'est peut-être là, les plus grandes intrusions
du fédéral au Québec, vers le Québec, c'est quand
il y a deux gouvernements qui pensent qu'ils couchent ensemble. Il y a
peut-être d'autre chose qui se passe et on n'est pas trop, trop au
courant.
M. le Président, je veux juste conclure en disant que, si le
gouvernement n'apporte pas de changements ou de modifications importantes
à la loi, nous serons obligés malheureusement de voter contre.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jonquière. M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: Oui, M. le Président. Le
député de Jonquière, me permettrait-il de lui poser une
question sur la taxation municipale...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant.
Est-ce que vous consentez, M. le député de Jonquière?
M. Dufour: II peut bien y aller.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a consentement.
Allez-y.
M. Bélisle: La taxation municipale et le fardeau total de
toutes les municipalités d'un Québec souverain. Un Québec
souverain maintiendrait-il le fardeau fiscal de toutes les municipalités
du Québec au niveau actuel de 6 112 000 000 $, sinon, s'il était
diminué, combien le gouvernement d'un Québec souverain
transférerait-il en subventions ou en dollars aux municipalités
et où prendrait-il l'argent?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): La question est
posée. Réponse, monsieur...
M. Dufour: M. le Président, vous comprendrez que je ne
peux pas répondre en deux mots à une question aussi large et
aussi complexe. Je peux dire une chose, par exemple. Dans l'état actuel,
à cause des intrusions du fédéral et le manque à
gagner, parce qu'il ne transfère pas l'argent actuellement, ça
cause tellement de problèmes au gouvernement actuel qu'il est
obligé de taxer plus. Ce que j'ai dit, et je l'invite à relire ce
que j'ai dit tout à l'heure sur les 22 000 000 000 $, parce que j'en
laisse aux organismes qui en ont besoin et il faut donner à ceux qui
n'en ont pas ou à ceux qui ont des pensions garanties, la
différence pourrait servir sûrement à créer des
fonds de développement régional et autres.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jonquière. Alors, sur le même sujet,
à savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi
150, je reconnais maintenant Mme la députée de Groulx.
Mme Bleau: M. le Président...
M. Boulerice: ...collègue parle et tout le monde sait le
respect que j'ai pour elle...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant.
Alors, si vous avez une question de règlement, M. le
député de Sainte-
Marie-Saint-Jacques, attendez que je vous reconnaisse. Est-ce que vous
avez une question de règlement?
M. Boulerice: Article 32, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Quelle partie de
l'article 32?
M. Boulerice: M. le Président, l'article 32 n'est-il pas
que les députés doivent occuper le fauteuil que vous leur avez
assigné et écouter attentivement le discours de l'intervenant? Je
vous demanderais de rappeler à l'ordre M. le député de
l'Acadie...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre!
M. Boulerice: M. le député de Berthier qui vient de
se calmer, M. le député de LaFontaine qui n'est pas
branché et M. le député de Hull qui, lui...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non. Un instant.
M. Boulerice: ...est ambigu... (22 h 10)
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Oui, allez-y,
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: M. le Président, le
député n'a pas le droit de passer des commentaires semblables.
C'est à vous de faire appliquer le règlement, c'est votre
devoir.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): C'est ce que j'ai fait,
M. le leader adjoint du gouvernement. La question de règlement a
été soulevée. Entre temps, les députés ont
regagné leurs banquettes. Mme la députée de Groulx, on
vous écoute.
Mme Madeleine Bleau
Mme Bleau: M. le Président, c'est pour moi un immense
honneur de prendre la parole dans le cadre d'un débat aussi important
pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Le projet de loi
150 a principalement ceci comme avantage, c'est qu'il respecte en tout point
l'esprit et la lettre du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. De
plus, la mise en place de ce projet de loi permettra tout au long de son
processus que la démocratie soit vécue de façon rigoureuse
et complète.
Les choix qui seront offerts aux Québécoises et aux
Québécois seront présentés dans un contexte de
liberté d'expression, de respect des règles démocratiques
et politiques de notre cadre de vie de société. Chacun de nous
sera informé adéquatement des implications qu'entraînera
tel ou tel choix. Cela m'apparaît particulièrement important,
à un moment que je qualifierais d'historique. Le Québec a
parfaitement le droit de choisir son avenir politique et constitutionnel. Le
gouvernement libéral veut s'assurer que ce choix soit
réalisé dans un cadre de parfaite connaissance de l'une ou
l'autre des options.
À cet égard, le projet de loi 150 est
élaboré de façon à respecter ces règles
élémentaires, des règles de respect de la
démocratie auxquelles tient mordicus le chef du gouvernement
libéral, M. Robert Bourassa. Pour lui, il est clair que la population
québécoise ne doit en aucun temps être bousculée
dans un sens ou dans l'autre par l'option qui est offerte pour
déterminer notre avenir.
Dans le projet de loi 150, j'attire votre attention sur la constitution
de deux commissions parlementaires qui auront un mandat précis en
rapport avec l'une ou l'autre des options. D'abord, celle relative à
l'étude des impacts de la souveraineté. À cet
égard, le chapitre II du projet de loi prévoit que cette
commission aura pour mandat d'étudier et d'analyser toute question
relative à l'accession du Québec à la pleine
souveraineté. Les Québécoises et les
Québécois ont le droit légitime de savoir l'impact
véritable des coûts qu'engendrerait une telle
éventualité pour le Québec. Il n'est pas question pour le
gouvernement libéral que ce choix s'effectue, comme le voudrait
l'Opposition officielle, dans le vide. En parlant de souveraineté,
l'article 3 du projet de loi précise qu'elle signifie - et je cite - "la
capacité exclusive du Québec, par ses institutions
démocratiques, de faire ses lois, de prélever ses impôts et
d'agir sur la scène internationale pour conclure toute forme d'accord ou
de traité avec d'autres États indépendants et participer
à plusieurs organisations internationales."
Cette même commission aura pour mandat, dans l'hypothèse
où le gouvernement du Canada ferait une offre formelle d'un partenariat
économique, d'étudier et d'analyser une telle option. Par la
suite, elle acheminera ses recommandations à l'Assemblée
nationale. Comme on le voit, il n'est pas question de bousculer qui que ce soit
dans le sens d'une option bien précise. Il faut laisser aux
Québécoises et aux Québécois le loisir de choisir
l'option pour l'avenir constitutionnel et politique du Québec.
Une autre commission parlementaire sera mise sur pied en vue
d'étudier une offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle
qui pourrait être présentée par le gouvernement du Canada.
Sur ce point, le gouvernement libéral a affiché clairement ses
couleurs. Son premier choix, comme gouvernement, c'est un système
fédéral profondément transformé. Il n'est pas
question pour le Québec d'accepter, de la part du gouvernement canadien,
une offre qui serait
insatisfaisante, compte tenu de nos besoins et de nos aspirations. Ce
système fédéral profondément transformé
devrait, à tout le moins pour le Québec, être plus
efficace. Il devrait nous permettre de parvenir à une situation
où l'on posséderait les pouvoirs nécessaires à
l'épanouissement du Québec comme société. Ce
système fédéral profondément transformé
devra également faire en sorte que le Québec s'entende avec ses
partenaires du reste du Canada pour préserver et renforcer l'espace
économique canadien. C'est là un point essentiel. Le premier
ministre du Québec l'a déjà mentionné: Toute option
retenue par les Québécois devra tenir compte de notre
sécurité économique.
Dans le passé, j'ai souvent entendu dire, par des personnes qui
ne partagent qu'une vision du Québec de demain, que
l'indépendance devait être réalisée, et ce, à
n'importe quel prix. Je ne crois pas que la majorité des
Québécoises et des Québécois soit de cet avis. La
population veut, à tout le moins, être informée de
façon complète et rigoureuse sur les impacts des options
envisagées pour notre avenir politique et économique. Dans le cas
d'un système fédéral profondément
transformé, la population québécoise tiendra à
savoir en quoi celui-ci améliorerait notre qualité de vie.
Le même raisonnement vaut pour une option axée autour de la
souveraineté. Le Québec devra trouver son compte, si tel
était le voeu de la majorité de la population, pour
également assurer sa sécurité économique.
Personnellement, j'estime que le Québec ne peut effectuer une sorte de
rupture avec son passé. Il doit, au contraire, s'inscrire dans une ligne
de continuité, d'une part, mais également d'épanouissement
maximal de la société québécoise, d'autre part.
L'histoire du Québec ne s'est pas fondée sur un seul
référendum ou sur une seule option politique. Différents
gouvernements se sont succédé depuis les 25 dernières
années et ont permis au Québec de compter parmi l'une des
sociétés les plus modernes au monde. Qu'il s'agisse de la
période de 1960 à 1966, où le Québec s'est
érigé un système économique, social et culturel qui
a fait l'envie de bien d'autres provinces du Canada, qu'il s'agisse
également d'une période aussi prospère que les
années 1970 ou 1973, où de grandes réformes ont pu voir le
jour grâce aux initiatives du gouvernement libéral, qu'il s'agisse
de la période qui suivit 1976, où d'autres réformes sont
venues compléter l'état du développement économique
et social du Québec.
Certes, depuis 1985, un virage important s'est effectué. Nous
avons dû assumer une meilleure gestion des fonds publics, dans le cadre
de rationalisation, et parfois, il ne faut pas se le cacher, dans le cadre de
choix difficiles à effectuer. Il fallait, en tout premier lieu, tenir
compte de la capacité de payer des Québécois, afin de
doter le Québec de services suffisamment acceptables pour en assurer la
qualité et la quantité.
Je reviens sur le projet le loi 150, plus précisément sur
les offres de partenariat qui pourraient venir du gouvernement canadien.
À ce sujet, comme je l'ai mentionné plus tôt, une
commission d'étude sera instituée, dont le mandat consistera
à regarder de près, à apprécier toute offre d'un
nouveau partenariat de nature constitutionnelle qui pourrait être soumise
au Québec par le gouvernement fédéral et de formuler
à cet égard des recommandations à l'Assemblée
nationale. De plus, le projet le loi 150 précise que toute offre d'un
nouveau partenariat de cette nature devra lier formellement le gouvernement du
Canada et les autres provinces. (22 h 20)
Voilà en quoi consistent les éléments essentiels de
l'autre option qui sera offerte aux Québécoises et aux
Québécois. Car, je le répète, notre premier choix
comme gouvernement, c'est un système fédéral
profondément transformé qui serait plus efficace tout en
permettant au Québec de s'épanouir pleinement.
À ceux qui voudraient avancer que le Parti libéral du
Québec préconise une sorte de statu quo constitutionnel, je dis
qu'ils sont dans l'erreur. Il est désormais clair pour le gouvernement
libéral, si l'on se fie aux différentes commissions
d'étude qui ont été mises sur pied, y compris la
Commission Bélanger-Campeau, que deux voies s'offrent désormais
au Québec. Une première consiste en cette réforme en
profondeur de la structure actuelle du fédéralisme canadien. Une
seconde fait référence directement à la
souveraineté. En tout état de cause, il est également
établi dès maintenant que seuls les Québécois sont
habilités à déterminer librement leur avenir politique et
constitutionnel.
Ainsi, quoi qu'il décide, le Québec sera appelé
à relever des défis importants à l'aube des années
2000. Sur cela, j'aimerais faire une parenthèse, M. le Président.
Plus exactement, je tiens à rendre hommage au chef du Parti
libéral du Québec et du gouvernement québécois, M.
Robert Bourassa, lequel a toujours insisté pour se battre au nom des
intérêts supérieurs du Québec. De plus, sa
perspective moderne du développement du Québec a fait en sorte
que, depuis le début des années soixante-dix, le Québec a
su prendre la place qui lui revient et se comparer avantageusement aux autres
sociétés modernes.
En faisant référence à quelques grandes
réalisations du Québec depuis les 20 dernières
années, je ne saurais oublier que c'est le chef actuel du gouvernement
québécois qui a inspiré, dans une large mesure, les
paramètres de ces grandes réalisations. C'est bien un
gouvernement libéral qui a fait du français la langue officielle
du Québec, le français dans les communications, le
français au travail. C'est bien un gouvernement libéral qui a
créé des leviers économiques importants comme la Caisse de
dépôt et placement du Québec, la Société de
développement
industriel, l'implantation de l'assurance-maladie, l'implantation de
l'assurance juridique, etc. C'est enfin un gouvernement libéral qui a
imprégné le sens d'un développement économique
moderne, lequel tient compte des ressources de l'ensemble des régions.
À ces dernières, j'ajouterai que le premier ministre du
Québec a su inspirer les jeunes en proposant des plans globaux
d'intervention, notamment sur le plan économique et, en cela, ils
peuvent être fiers également de le prendre comme modèle.
Enfin, le premier ministre du Québec est doté d'un
réalisme absolu, en ce sens que jamais il n'accepterait d'engager le
Québec sur une voie dangereuse si la sécurité
économique des Québécoises et des Québécois
était remise en question.
Par rapport à notre formation politique, les gouvernements
libéraux qui se sont succédé ont également
inspiré de grandes réalisations. Au début des
années soixante-dix, cette période est caractérisée
par la mise en place de vastes réformes dans les domaines
économique, social et culturel. Donc, le système
québécois actuel n'est pas à rejeter totalement, en ce
sens que le régime canadien nous a permis jusqu'à maintenant de
franchir des pas de géant afin que le Québec prenne le rang des
sociétés modernes.
Cependant, le moment historique auquel nous sommes confrontés
fait suite à l'échec de l'accord du lac Meech. Il est
évident pour le gouvernement libéral que l'heure des compromis
est maintenant passée et que tout le processus du projet de loi 150,
ainsi que la tenue éventuelle d'un référendum, ont tous
comme point de départ et point d'arrivée une seule idée,
l'obligation du résultat. C'est donc au nom d'une meilleure
maîtrise de notre avenir que le Québec sera appelé à
se prononcer sur la voie qu'il désire emprunter à une
époque particulièrement importante dans son histoire.
Le projet de loi 150 concourt de façon non équivoque
à permettre de créer un climat favorable afin que les
Québécoises et les Québécois choisissent librement
leur destin. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Groulx. Alors, sur le même sujet, je reconnais
maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. André Boulerice
M. Boulerice: M. le Président, à travers vous,
c'est aux Québécoises et aux Québécois que je
m'adresse et très assurément aux femmes et aux hommes du
centre-sud et du Plateau-Mont-Royal, qui ont toujours été
fidèles à leur patrie; au Québec.
M. le Président, la souveraineté va permettre
concrètement le rétablissement de la loi 101 - je vois en Chambre
le ministre qui l'a tellement mal défendue à l'époque
où il s'en occupait, le député de Rosemont - le
rétablissement de la loi 101, M. le Président, par un plein
contrôle sur notre avenir linguistique. Et je peux assurer
immédiatement les minorités au Québec que ce Québec
souverain, ce Québec français n'aura pas, comme il y a eu en
Ontario, de Sault-Sainte-Marie, M. le Président. Nous sommes beaucoup
plus démocrates. Les Québécois ont fait la preuve de leur
grande tolérance et de leur grande générosité. Nous
n'allons pas, comme à Sault-Sainte-Marie, piétiner le drapeau
ontarien, pays voisin mais néanmoins ami.
Ça sera également, M. le Président, la fin du
message ambigu qui est envoyé actuellement aux immigrants: "Welcome in
Canada. Bienvenue au Québec." Parce que nous aurons les pleins pouvoirs
en matière d'immigration au profit d'une politique qui, elle, sera
claire, en termes d'intégration en français. Puisque ce que nous
avons devant nous, au niveau de l'immigration, ce n'est, M. le
Président, qu'une entente administrative conclue entre Ottawa et
Québec, et cette entente sur l'immigration offre non seulement aucune
garantie constitutionnelle, mais maintient, M. le Président, le partage
des compétences entre les deux gouvernements, puisque 45 % des dossiers
continuent d'échapper à la juridiction du Québec dans un
secteur qui est aussi vital pour l'identité culturelle du Québec.
Comment, M. le Président, intégrer à la majorité
francophone ces milliers d'immigrants qui sont à la veille d'arriver,
alors qu'ils prêtent serment d'allégeance, M. le Président,
devant le drapeau du Canada et prêtent serment d'allégeance
à la reine d'Angleterre? Double message envoyé aux immigrants.
"Welcome in Canada. Bienvenue au Québec."
La question de la souveraineté face à la culture est
très importante. Il ne saurait y avoir, M. le Président, de
projet souverainiste sans y associer la culture. La question de la
consolidation et du développement de l'identité culturelle
québécoise est au coeur du débat constitutionnel depuis 30
ans. Comme le disait Vigneault: "S'il y a eu du temps perdu, il n'y a plus de
temps a perdre." Pour le Québec, c'est une question de survie comme
peuple francophone. La langue française ne peut pas s'épanouir.
Elle ne peut pas s'épanouir qu'en misant sur la vitalité des
canaux d'expression de sa culture, c'est-à-dire ses artistes et ses
industries culturelles, elle ne peut s'épanouir que par ceci,
dis-je.
Utilisant son pouvoir de dépenser, le gouvernement
fédéral s'est progressivement immiscé en donnant des
moyens d'agir en matière de support culturel. Ils ont mis sur pied de
nombreuses institutions subventionnaires. Téléfilms Canada,
l'Office national du film, le Conseil des arts, les musées nationaux.
Parallèlement à ceci, le Québec s'est créé,
en 1961, son propre organisme, c'est-à-dire le ministère des
Affaires culturelles, pour se donner également des outils d'intervention
pour soutenir les milieux culturels québécois. Mais cette
situation, M. le Président,
d'ingérence continuelle et perpétuelle du gouvernement
fédéral s'est traduite dans les farts par une
prolifération désordonnée de programmes d'aide de toutes
sortes, une dispersion des efforts et un manque de cohérence flagrant
des objectifs et des moyens d'intervention des deux paliers de gouvernement.
(22 h 30)
La députée de Chambly, ancienne ministre des Affaires
culturelles, pourrait en parler alors que, l'an dernier, au festival Juste pour
rire, elle s'est vu imposer des dépenses qu'elle ne souhaitait pas par
une intervention du gouvernement fédéral irrespectueux des
objectifs et des priorités du gouvernement québécois.
J'espère que, quand elle va intervenir, elle va en parler. On va voir
où est son honnêteté intellectuelle.
À travers ce dédale de dédoublements et de
chevauchements, les organismes culturels et les artistes perdent du temps, de
l'énergie à défendre leurs projets d'un organisme à
l'autre. Le gouvernement fédéral continue de multiplier les
interventions au Québec sans tenir compte, comme je vous le disais
précédemment, des priorités et des objectifs du
gouvernement québécois, de la population québécoise
et, surtout, des milieux culturels québécois.
L'annonce d'ailleurs - je vais vous donner un exemple - impromptue du
projet de construction d'un Institut fédéral de recherche sur les
industries culturelles à Montréal, qui a été faite
au mois de mars par l'ancien ministre, M. Masse, maintenant ministre de la
Défense, constitue un exemple flagrant de l'incohérence des
interventions des deux paliers de gouvernement. Même si ce projet a
été reporté pour le moment, c'est un exemple
d'incohérence.
Je pourrais apporter un autre triste, malheureux exemple, qui est ce
pouvoir fédéral de venir taxer nos produits culturels, donc la
TPS sur l'édition québécoise. Cette TPS est en train
d'assassiner littéralement l'édition québécoise.
Voilà une ingérence pernicieuse, vicieuse du gouvernement
fédéral. Et nous sommes obligés de subir ceci parce qu'on
écoute le "mon oncle" d'Ottawa, M. le Président.
Le rapatriement des responsabilités et des fonds
fédéraux associés à la culture fait l'objet d'un
large consensus, si ce n'est pas l'unanimité au Québec. En
janvier dernier, d'ailleurs, en créant le comité Arpin
chargé d'élaborer une politique de la culture qui sera sans doute
déposée en Chambre vendredi, quoique les journalistes l'aient
déjà et que les parlementaires ne l'aient pas, la ministre Liza
Frulla-Hébert le reconnaissait et je vais citer la successeure de la
prédécesseure: Nous voulons être le maître d'oeuvre
de la culture, c'est le minimum, disait-elle. Il faudra avoir l'ensemble des
pouvoirs sur notre territoire, rajoutait-elle. Et ceci, c'est extrait du
journal Le Devoir, du 25 janvier 1991. La ministre des Affaires
culturelles libérale du Québec fait-elle partie, au sein du Parti
libéral, du groupe du samedi ou du dimanche? Nous avons bien hâte
de l'entendre.
Seule la souveraineté peut permettre au Québec d'obtenir
la maîtrise d'oeuvre de sa politique culturelle ainsi que le rapatriement
des fonds fédéraux consacrés à ce secteur. Il est
illusoire de prétendre qu'un tel rapatriement peut être
concrétisé à l'intérieur du régime
fédéral. Le régime fédéral ne renoncera
jamais à ses responsabilités de gouvernement national. Comment
pourrait-il accepter que les activités de Radio-Canada, instrument
d'édification de l'unité nationale, presque de propagande
fédéraliste, soient intégrées au sein de
Radio-Québec? D'ailleurs, le nouveau ministre fédéral des
Communications, Perrin Beatty, est très clair: La culture et les
communications sont d'intérêt national, donc
fédéral. Il préfère s'en remettre plutôt
à une souhaitable et pieuse collaboration et à l'harmonisation
des interventions qu'à un véritable transfert de ces
responsabilités au Québec.
Cela signifiera le rétablissement de la loi 101, la
souveraineté, comme je le disais tantôt, par le plein
contrôle de notre avenir linguistique. Et ça, c'est un message
important parce que ce rapatriement aussi des pouvoirs sur la langue implique
le rapatriement des responsabilités du Conseil de la
radiotélévision canadienne. Le Québec sera doté de
pouvoirs essentiels sur le contrôle des ondes, domaine relié
à son identité culturelle, à savoir une radiodiffusion et
des télécommunications en français, M. le
Président.
Le rapatriement des fonds et des organismes culturels
fédéraux permettra au Québec de se doter d'une
véritable politique culturelle tout en mettant fin au gaspillage de
fonds et d'énergie découlant du dédoublement et des
chevauchements administratifs. C'est près de 800 000 000 $, M. le
Président, qui pourraient être mis au service des arts et de la
culture au Québec si nous rapatrions les sommes d'argent qui sont
actuellement au Secrétariat d'État et au ministère des
Communications fédéral.
Les activités de Radio-Canada sur le territoire
québécois seront, dans un Québec souverain,
intégrées à l'intérieur de Radio-Québec. Le
mandat d'informer et de divertir sera désormais assuré par
Radio-Québec. La présence des régions au sein du
réseau et de la programmation devra être débattue et non
pas abattue, comme ça a été le cas par le gouvernement
fédéral pour ce qui est de Radio-Canada et par le gouvernement
libéral pour ce qui est de Radio-Québec.
Les activités de Téléfilm seront assumées
par la Société générale des industries culturelles
ou par la résurrection de la Société
générale du cinéma abolie en 1987 par le gouvernement
libéral, ce qui a été décrié par les milieux
du cinéma qui sont venus, d'ailleurs, récemment, en ce Parlement.
De son côté, le mandat et les activités de l'Office
national du film pourraient
être préservés de façon autonome en devenant
l'office national de la cinématographie québécoise. Les
fonds du Conseil des arts du Canada seraient intégrés au budget
régulier, comme je le disais tantôt, du ministère des
Affaires culturelles qui, au Québec, serait un ministère des
arts, de la culture et de la communication.
M. le Président, les libéraux nous invitent en cette
Chambre à voter un référendum sur la souveraineté,
mais tous les Québécois et les Québécoises n'auront
pas été dupes. S'ils nous invitent à voter sur un
référendum sur la souveraineté, ils ont tous parlé
contre la souveraineté et pour le fédéralisme. Quelle
crédibilité ont ces gens? Souverainistes du samedi,
fédéralistes du dimanche. La souveraineté, "Never on
Sunday" pour eux, comme disait ce film célèbre avec Melina
Mercouri. Où est leur crédibilité, M. le Président?
Où est leur crédibilité avec, d'ailleurs, le projet de loi
où les commissions ne seront que des objets de magouille de la part de
notre gélatineux premier ministre, M. le Président?
J'écoutais attentivement les discours des représentants du Parti
libéral.
M. le Président, avant, je lisais la liste des films actuellement
à Québec. Et mon Dieu qu'on parle du projet le loi 150. Oui. Vous
savez, il y a actuellement à Place Charest un film qui parle du discours
des députés libéraux, ça s'appelle "Le Silence des
agneaux". Pour ce qui est des négociations qu'ils veulent entreprendre
pour renouveler le fédéralisme, il y a un autre film à
Place Charest, "II danse avec les loups", M. le Président. Et le
ministre des Affaires intergouvernementales, lui, est sans doute au
cinéma de Paris pour voir "Les nuits avec mon ennemi". Et, quant au
rapport Allaire qu'on a mis de côté très rapidement, eh
bien, ça se retrouve à Place Charest, ils faudraient qu'ils
aillent voir "Fais de l'air Fred". Oui, oui. C'est ça. C'est risible ce
qu'on entend de la part des députés libéraux. Et pour ce
qui est des bonnes relations entre le premier ministre du Québec et le
premier ministre fédéral, au cinéma Lido, à
Lévis-Lauzon, eh bien, il y a le film "Comment ça va, Bob?" et
c'est pour tous, sauf que je dois vous avertir que coupons et laissez-passer
sont refusés.
Une voix: Ne présente pas ta carte du PQ.
M. Boulerice: Et ça parle, M. le Président, avec un
discours mais vicieux, ça parle du coût de la souveraineté,
comme si le fédéralisme, c'était gratis. Le
fédéralisme est gratis...
Une voix: Gratuit. (22 h 40)
M. Boulerice: Non, gratis pour vous parce que vous n'avez aucune
culture, d'ailleurs vous êtes restée si peu longtemps à ce
ministère-là. On va vous parler de l'Agence spatiale. Qu'est-ce
que vous en avez fait de l'Agence spatiale, Mme la députée de
Chambly? Ce n'est qu'une mince petite boîte avec aucun contrat, et c'est
pourtant votre territoire, pour le temps qu'il vous reste à être
députée de Chambly.
Le centre bancaire international qui n'est qu'un simple guichet
automatique, qu'est-ce que vous avez fait? Regardez le silence des agneaux de
votre ministre des Finances quand on a parlé du centre de change - on
parle des cambistes - à Montréal, qui vient d'être perdu au
profit de Toronto. Le fédéralisme, c'est gratuit? C'est rentable,
le fédéralisme? La souveraineté, elle, elle aurait un
coût? Voyons donc! Voyons donc!
Quelle crédibilité vous avez! Vous êtes de
véritables girouettes qu'on voyait en haut des granges. Les sondages
vous indiquent où aller. Et le premier ministre parle de
sécurité économique. Quelle sécurité
économique avons-nous, alors que 65 % de la population le rejette, n'en
a plus confiance? 65 % du Québec est insécurisé par la
présence au fauteuil du premier ministre, de Robert Bourassa.
Sécurité économique! Le coût de la
souveraineté, M. le Président, c'est cette espèce de
discours épouvantable qu'on entend de l'autre bord.
Et on voudrait qu'on vote, et j'espère que vous me poserez des
questions. Je vois le leader adjoint sortir s'en préparer une, alors
j'espère...
Une voix: Les questions sont déjà prêtes.
M. Boulerice: Mais quand on entend... Oui, les questions sont
déjà prêtes, vos lecteurs, vos écriveurs de textes,
d'ailleurs, entre parenthèses, ne sont pas ce qu'il y a de mieux.
Une voix: ...stupidité.
M. Boulerice: M. le Président, Mme la
députée de Chambly vient de parler de stupidité...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député, si
vous voulez poursuivre. Je m'excuse.
M. Boulerice: Je ne répondrai pas à la ministre,
puisque la merde n'a jamais demandé à ce qu'on lui passe
dessus.
Je dirai, M. le Président, quelle crédibilité
peuvent avoir les députés libéraux actuellement à
nous faire voter le projet de loi 150, quand on sait fort bien, quand on sait
fort bien comment est-ce qu'elle est manigancée au niveau des
commissions? Faites une vraie commission. Donnez-nous la place que l'Opposition
normalement devrait avoir dans une véritable commission, et on sera
intéressés de la voter. Demandez un référendum sur
la souveraineté, oui, mais parlez de la souveraineté. Tous vos
discours sont sur le fédéralisme renouvelé. C'est
là-dessus que vous parlez. Vos professions de foi souverainis-
tes, on en a vu des exemples. Chacun avait des transes
métaphysiques le lendemain de la mort du lac Meech. Ils étaient
des nationalistes: la souveraineté du Québec, à
l'exception du transfuge du NPD là qui est actuellement
député de Verdun.
Mais là, mais là, là, l'attitude du Parti
libéral, c'est: en avant les braves, mais sauvons-nous, les
voilà! Là, il n'est pas question, le fédéralisme
c'est beau, ça peut être renouvelé, "Canada, we love you".
Mais soyez cohérents. Pourquoi pousser des hauts cris en disant:
L'Opposition ne veut pas voter notre loi? Votre loi, elle est
traficotée. Et relisez chacun de vos discours; vous ne faites, depuis le
début que, dénigrer la souveraineté.
Nous croyez-vous assez naïfs pour tomber dans votre piège?
Croyez-vous les Québécois assez naïfs? Déjà,
les réponses vous sont données, vous êtes en retard sur le
peuple québécois. Il veut la souveraineté et ne veut plus
de vous comme gouvernement. Le chemin de la porte vous est indiqué
depuis fort longtemps, à au-delà de 50 %. Quittez! Vous
n'êtes ni crédibles au niveau économique, ni
crédibles au niveau culturel, ni crédibles au niveau social.
Jamais je n'aurai vu autant de manifestations devant ce Parlement que depuis
que j'y siège et que vous êtes au gouvernement. Vous n'avez aucune
crédibilité. Vous êtes nationalistes le samedi et
fédéralistes tous azimuts le dimanche parce que votre premier
ministre vous dit: Le rapport Allaire, hein, vous savez ce qu'on en fait? Comme
disait justement le premier ministre de France, Mme Cresson: Je n'en ai rien
à cirer de la souveraineté. Eh bien, votre loi, vous savez ce que
je vous réponds: La réponse que vous avez donnée en 1980
et on voit qu'à ce niveau-là, vous êtes logique. Pour
être des tordus fédéralistes, ça, vous l'êtes.
Eh bien, moi, je vous sers la même réponse au niveau de votre loi
150. Non, merci, votre loi 150! Non, merci, à vos manigances! Non,
merci, à vos magouilles! Et je vous donne rendez-vous sur la rue
Sherbrooke, le 24 juin. Venez donc essayer de jouer les nationalistes à
la petite semaine, comme vous vous présentez, et vous verrez quel est
l'accueil que vous feront le peuple québécois et la population
montréalaise. Allez vous cacher derrière votre unifolié.
D'ailleurs, la feuille d'érable ne vous cache plus grand-chose. C'est
comme ce vieux conte anglais "Le roi est nu". On a vu vos couleurs. Merci, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Nous sommes à
l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le
processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du
Québec, et je reconnais M. le député d'Iberville.
Des voix: Bravo!
M. Yvon Lafrance
M. Lafrance: Merci, M. le Président. M. le
Président, comme mes collègues qui m'ont
précédé, c'est sûrement avec beaucoup
d'émotion, avec une grande fierté et beaucoup
d'intérêt que je participe également à ce projet de
loi. Je vais, M. le Président, tenter de mettre un peu plus de
sérieux dans mes propos...
Une voix: Bravo!
M. Lafrance: ...que ceux que je viens d'entendre du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En fait, M. le
Président, je n'ai jamais entendu autant de contradictions dans un cours
de temps aussi bref. On nous reproche de gouverner selon les sondages et,
quelques minutes plus tard, on se réfère à ces mêmes
sondages pour dire qu'ils ont le vent dans les voiles présentement.
M. le Président, comme vous le savez, nous
célébrons cette année le bicentenaire du parlementarisme
québécois et nous avons, dans le cadre de ces
célébrités, des activités à caractère
historique. Et justement, voilà quelques jours, j'avais l'occasion de
participer à une de ces activités-là et je ne pouvais pas
m'empêcher, durant que j'écoutais la présentation
historique qu'on me faisait, de faire un certain parallèle avec les
moments tout à fait historiques que nous vivons présentement ici,
à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi j'ai pensé prendre
quelques minutes pour, justement, regarder révolution de notre
société québécoise. 1791, donc, l'Acte
constitutionnel qui essaie de remédier aux problèmes dans le Bas
et dans le Haut-Canada. Cet Acte constitutionnel s'est avéré
imparfait puisque quelques années plus tard, en 1837, il y eut, comme on
le sait, des troubles dans une région que je connais bien, région
que j'ai l'honneur de représenter ici, à l'Assemblée
nationale, c'est-à-dire la vallée du Richelieu principalement.
Quelques années plus tard, donc, les événements et
d'autres facteurs nous amenèrent vers l'Acte de l'Amérique du
Nord britannique, en 1867, d'où découla la Constitution
canadienne et le pays que nous connaissons présentement. Puis, par
après, des conflits mondiaux, 1914-1918, 1939-1945, amenèrent des
crises mondiales majeures qui, il va de soi, affectèrent aussi le
Canada, la population, le tissu social de notre population canadienne et
québécoise.
En même temps, durant ces années, on assista à des
transferts de pouvoirs alors que le fédéral s'appropria des
pouvoirs nouveaux, soi-disant nécessaires à cause des conditions
de crise que nous connaissions à l'époque. Puis, on a connu au
Québec la Révolution tranquille, la prise de conscience, donc, de
notre société. Je me réfère ici aux années
cinquante avec M. Duplessis qui disait: Allons à Ottawa chercher le
butin qui nous revient. Ensuite, dans les années soixante, M.
Lesage et M. Johnson, dont les slogans étaient: Soyons maîtres
chez nous et Égalité ou indépendance. Puis, au
début des années soixante-dix, M. Bourassa, avec la
société distincte. Puis, dans les années quatre-vingt, M.
Lévesque, avec, comme on le sait, le concept de la
souveraineté-association et le référendum de 1980,
où les Québécois ont dit oui à un Canada, mais
à un Canada renouvelé. (22 h 50)
Par la suite, durant les mois qui ont suivi, au Canada, nous avons
assisté à de nouveaux arrangements constitutionnels. On se le
rappelle. Et d'ailleurs, M. le ministre de la Justice et des Affaires
intergouvernementales y a fait allusion ce matin dans ses propos
d'entrée. Le fédéral, donc, procéda, en 1982,
à une injustice, puisqu'il alla à l'encontre du désir de
l'Assemblée nationale.
M. le Président, qu'est-ce qu'on peut déduire de cette
évolution historique au Québec? C'est que je pense qu'il est
très important d'être à l'écoute et de bien
percevoir les besoins de notre population versus leurs aspirations. Il est
très facile pour nous, politiciens, de perdre cette perception. Et
ça, l'histoire, je pense - comme l'histoire du Québec nous l'a
démontré - ne pardonne pas ce genre de manque de perception.
Voila dix ans donc, nous avons assisté à une injustice.
Guidés par un gouvernement fédéral aux idées que je
qualifierais d'utopiques ou, du moins, d'avant-gardistes, on essaya de forcer
les choses, de créer un État selon un moule spécifique, de
créer, donc, un État qui résultait de sentiments mal
perçus des aspirations et des besoins du peuple, de la population.
M. le Président, et c'est là le premier message que
j'aimerais laisser à tous mes collègues qui, comme moi, ont la
confiance de leur population, c'est celui-ci: Méfions-nous des
idéologies. Méfions-nous, M. le Président, des hommes et
des partis dogmatiques. Méfions-nous des personnages qui cherchent
à forcer les choses selon leur philosophie. Prenons garde que ces
personnages-là ne fassent reculer notre société au lieu de
la faire évoluer. Méfions-nous, M. le Président, de ceux
qui prônent des changements drastiques, comme je viens d'entendre
voilà quelques instants et comme j'ai entendu ce matin, alors que le
député de Lac-Saint-Jean était tout de go. Il disait que
ça pressait, que ça pressait; qu'il fallait un
référendum tout de suite.
M. le Président, vous comprendrez que je ne partage pas cette
idée. Pour moi, quelques mois supplémentaires, c'est bien court
dans l'histoire d'une société. Et je dis ce soir: Pensons bien
à nos décisions avant de trancher dans ce dilemme fondamental et
assurons-nous, surtout, de bien informer notre population.
M. le Président, j'en arrive au deuxième
élément de mes propos, de mon intervention qui, je pense,
justifie amplement le projet de loi 150.
C'est l'ampleur, je dis bien, de l'échec de l'accord du lac Meech
pour la population. L'échec du lac Meech fut très difficile
à accepter pour nous, en tant que parlementaires. Cet échec fut
frustrant, mais il nous confirma surtout que le fédéralisme, dans
sa forme actuelle, ne fonctionne pas. Le fédéralisme actuel ne
répond pas aux aspirations des Québécois et des
Québécoises, je dirais même des Canadiens et des
Canadiennes. Et je vais revenir sur cet élément.
Cette frustration, M. le Président, fut encore pire parmi la
population. Du moins, je l'ai perçue dans le comté d'Iberville
que j'ai l'honneur de représenter ici. Le débat de l'an
passé, à pareille époque, le débat sur la place
publique fut cruel, difficile et déchirant parmi la population.
Animé par des propos racistes et partisans, le débat
déchira les sentiments nationaux de notre population. Ce débat
cristallisa grandement les émotions dans la population, tant
québécoise que canadienne.
Et un an après, nous pouvons encore sentir ces blessures ouvertes
et les séquelles de l'échec de l'accord du lac Meech. M. le
Président, c'est pourquoi j'ai toujours préconisé un
certain recul, afin de nous ressaisir, afin d'évaluer correctement les
répercussions et les conséquences des lourdes décisions
historiques que nous aurons tous à prendre ensemble dans quelques mois.
C'est pourquoi, M. le Président, l'an passé, en septembre 1990,
j'ai souscrit entièrement et j'ai voté pour le projet de loi 90,
projet de loi qui créait, comme on le sait, la Commission
Bélan-ger-Campeau. Je pense que cette Commission s'imposait. Nous
devions revenir vers la population et être à l'écoute de
cette population, entendre et bien saisir ses frustrations.
Le rapport de la Commission Bélanger-Campeau a été,
par la suite, publié, nous le savons tous, avec un certain consensus.
Les interprétations sont maintenant différentes. On peut saisir
ces perceptions différentes dans le cadre du débat
présent, mais je pense que fondamentalement, M. le Président, la
décision que nous avons prise de créer la Commission
Bélanger-Campeau et de prendre un certain recul, je pense que cette
décision était valable et nécessaire dans le contexte
historique que nous vivons. La preuve, c'est que ça commence à
bouger ailleurs au Canada, tant au fédéral que dans les autres
provinces. On assiste à la formation de commissions, de groupes de
travail, de groupes d'étude. J'interceptais justement, en fin de
semaine, dans un journal anglophone, la Gazette, un tout petit bout
d'article nous venant de Nouvelle-Ecosse, de Halifax, et je cite le premier
ministre, M. Cameron, qui disait: "I applaud Québec for very clearly
saying they are not satisfied." Et M. Cameron conclut: "Confederation has not
worked for us." Je pense, M. le Président, que c'est là la preuve
que l'idée de revoir la Fédération actuelle progresse
ailleurs au Canada, et je m'en réjouis grandement.
M. le Président, le projet de loi 150 que nous débattons
depuis 10 heures ce matin reprend rigoureusement les recommandations de la
Commission Bélanger-Campeau et, fait exceptionnel dans ce projet de loi,
c'est qu'on y retrouve 17 considérations. Les 12 premières sont
les considérations identiques au projet de loi 90, qui a institué
la Commission Bélanger-Campeau; 5 considérations additionnelles
s'y retrouvent, ceci dans le but évident de mieux préciser les
objectifs du projet de loi tout à fait spécial. Le projet de loi,
M. le Président, est donc très précis, et ceux qui nous
accusent, comme l'a fait voilà quelques instants M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, d'ambiguïté, je
pense, ne l'ont pas lu correctement. Le projet de loi fixe un
référendum au plus tard le 26 octobre 1992, de façon
très précise.
Le projet de loi, M. le Président, crée deux commissions
parlementaires: une qui va regarder les questions afférentes à
l'accession à la souveraineté, si on en vient là, et une
autre qui va regarder et étudier les offres du fédéral
qui, je l'espère, devraient venir. Donc, M. le Président,
ça se veut un outil pour encore mieux évaluer et encore mieux
apprécier la situation que je qualifie, encore une fois,
d'historique.
En conclusion, M. le Président, j'aimerais réitérer
à tous mes collègues l'importance de resituer le débat
dans le contexte historique de l'évolution du Québec. "Je me
souviens" est la devise de notre province, alors souvenons-nous de l'histoire
et des efforts de nos prédécesseurs. Souvenons-nous surtout de
rester à l'écoute de la population afin de bien percevoir, nous,
politiciens, le bien-être de la population avec ses aspirations. Prenons
donc le temps nécessaire, en toute lucidité, pour étudier
la situation encore pour quelques mois. (23 heures)
Donnons-nous, après la Commission Bélanger-Campeau, les
outils nécessaires que sont les deux commissions que crée le
projet de loi 150. Voilà les deux raisons majeures, M. le
Président, pour lesquelles je voterai pour le projet de loi 150 et pour
lesquelles j'incite tous mes collègues de l'Assemblée nationale,
tant du côté ministériel que du côté de
l'Opposition, à voter pour le principe de ce projet de loi. Je vous
remercie.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Iberville. Je reconnais maintenant M. le
député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Moi, je veux
intervenir sur le projet de loi 150 pour exprimer ma déception, ma
déception à quelques niveaux. Premièrement, ma
déception du chef du gouvernement actuel. M. Bourassa avait une chance
historique de faire de la province de Québec un pays. S'il avait saisi
l'occasion où, très majoritairement, les Québécois
ont exprimé depuis l'échec du lac Meech la volonté de
faire du Québec un pays, les jalons exprimés d'une façon
claire et nette. La population et tous les intervenants à la Commission
l'autre côté sont venus faire la preuve de la faisabilité
de la souveraineté et même de la rentabilité de faire du
Québec un pays, et non pas de demeurer tel qu'on est: une province
minoritaire.
Le premier ministre avait une occasion unique, une occasion historique.
Malheureusement, il n'en a pas profité. À la place, et c'est
probablement la deuxième raison de ma déception, il nous
amène le projet de loi 150. Évidemment, dans le projet de loi
150, on retrouve un référendum sur la souveraineté. C'est
un peu embêtant, je dois dire comme vous. Nous qui sommes souverainistes,
on va voter contre le projet de loi 150. Ça semble incroyable. Il s'agit
tout simplement de regarder la réalité telle qu'elle est pour
comprendre, et je vais dire comme mon collègue avant moi: Notre devise
au Québec, c'est "Je me souviens" et c'est drôle, ou ce n'est pas
drôle, c'est peut-être même lamentable de regarder à
quel point l'histoire se répète.
Il s'agit de reculer de 11 ans. Le même parti politique de l'autre
côté, il y a 11 ans, avec à sa tête nul autre que
Claude Ryan, qui est ministre aujourd'hui, influent, qui a réussi
à faire tourner même tout le congrès libéral, ces
gens-là ont réussi au référendum de 1980 à
nous faire accroire qu'un non voulait dire un oui et, maintenant, ils tentent
de nous faire accroire que le projet de loi 150, c'est pour nous amener
à un référendum sur la souveraineté, alors que la
réalité, c'est une démarche hypocrite vers, finalement,
une nouvelle fédération canadienne, comme on l'appelle de l'autre
côté, du fédéralisme même plus
renouvelé, on l'appelle maintenant du fédéralisme
intégré.
Donc, sous l'image, le beau prétexte d'un
référendum sur la souveraineté, on veut nous embarquer
dans une démarche nous amenant à du fédéralisme
renouvelé. Eh bien, M. le Président, qu'on ne vienne pas nous
accuser, nous, d'avoir brisé un consensus, parce que s'il doit y avoir
consensus, c'est qu'il doit y avoir une volonté commune vers un objectif
commun. Nous, c'est la souveraineté; eux, c'est le
fédéralisme. Il ne peut pas y avoir consensus sur deux projets
totalement opposés, totalement différents.
La faiblesse du Québec à l'heure actuelle, elle repose sur
les épaules du gouvernement de l'autre côté. C'est d'abord
ce double langage, c'est cette confusion, c'est ce discours hypocrite où
on laisse entendre qu'on s'en va vers un référendum vers la
souveraineté, mais en même temps où tous ces gens se
lèvent de l'autre côté pour dire: Vive le Canada! Vive
Ottawa! Vive le fédéralisme renouvelé! Eh bien,
écoutez, M. le
Président, on ne peut pas embarquer dans une démarche
semblable. Ça n'a pas de bon sens. On se fout du monde. Il va falloir
que ça arrête. Et c'est pour ça que, oui, moi, je me
souviens, moi, je me rappelle ce qui s'est passé. Et on se rend compte,
11 ans après, qu'un non ne voulait pas dire un oui, que le projet de loi
ne veut pas dire une démarche souverainiste, mais une démarche
fédéraliste et la faiblesse de ce gouvernement, c'est d'abord par
cette confusion et c'est aussi par les discours qu'on tient de l'autre
côté.
Comment pensez-vous que, dans la négociation, le premier ministre
actuel va donner l'impression d'être fort, quand il va arriver à
Ottawa, quand les gens vont avoir écouté tout ça, vont
être conscients des discours qu'on a tenus de l'autre côté
en disant: On veut rester avec vous autres et que le premier ministre
lui-même nous a annoncé que, cet été, il va faire la
tournée de ses grands amis premiers ministres des provinces canadiennes?
Voyons donc! C'est comme ça qu'on se pense fort? Il dit: On ne
négociera pas à 11. Bien non, on va négocier un à
un, 11 fois. On va aller offrir ou demander aux 11; ce qu'on veut, de l'autre
côté, c'est du fédéralisme rafistolé,
rapiécé, qu'on appelle maintenant intégré. On ne
peut pas être d'accord avec ça.
Oui, je suis pour la souveraineté et je ne suis pas pour la
souveraineté pour un dogme, comme on dit de l'autre côté,
parce que c'est un principe qui, finalement, saisit tout notre esprit et on ne
pense plus à autre chose. Je suis souverainiste pour le bien de la
population, parce que la situation actuelle est devenue catastrophique au
Québec. Il faut regarder ce qui se passe, effectivement. Comment se
fait-il qu'on est en crise économique si forte, ici, au Québec et
au Canada, alors que ce n'est pas une crise économique mondiale, comme
ce l'était en 1981 ou 1982? C'est à cause de mauvaises
décisions politiques des deux gouvernements, parce que c'est un
système à deux têtes, parce que c'est un système
où les gens passent leur temps à se contredire et, finalement,
à annuler les gestes que l'un pose parce que l'autre pose un geste
contradictoire, qui va totalement dans l'autre sens.
Pourtant, au moment où on se parle, il y a, à Ottawa et
à Québec, deux gouvernements fédéralistes, des gens
qui sont censés marcher la main dans la main. Regardez les nouvelles!
À chaque jour, le Québec est victime d'une décision
fédérale. À chaque jour, le fédéral vient
à nouveau empiéter dans les juridictions
québécoises. Et de l'autre côté, on encense ce
système qui fait des victimes au Québec. Vous avez certainement
vu les chiffres. Moi, si je veux la souveraineté, c'est pour l'avenir de
nos jeunes. La jeunesse québécoise mérite mieux que ce
qu'on est en train de lui offrir. On mérite mieux qu'une province
où on est minoritaire. On mérite un pays reconnu, ouvert sur le
monde, qui a sa place dans les grands organismes internationaux, aux Nations
Unies. On a le droit d'être un peuple fort. On a le droit d'être
ouvert sur le monde. On a le droit de faire les échanges avec qui on
veut, sans demander la permission à Ottawa, et surtout sans se la faire
refuser. On a le droit d'être un pays: c'est ça que je vais offrir
à notre jeunesse, notre jeunesse qui est
désespérée.
Regardons-la, la situation actuelle, avec deux gouvernements
fédéralistes: 40 % de nos jeunes ne finissent pas le secondaire.
Vous savez ce que ça veut dire? Ces gens-là s'en vont directement
sur l'aide sociale, dans 12 ou 15 ans, 40 % de la population, parce que ces
gens-là sont désespérés, dans un système
lamentable comme le système actuel. C'est ça, la
réalité. Un jeune sur cinq, au Québec, est à la
recherche d'un emploi; 20 % de chômeurs chez nos jeunes. Voyons donc! On
"va-tu" faire quelque chose ou on va continuer à laisser Ottawa
défaire notre économie, comme il est en train de le faire? On a
le championnat mondial du suicide chez les jeunes. On va laisser faire
ça encore longtemps, je suppose? C'est parce qu'ils sont bien contents
d'être Canadiens, parce que le système leur donne plein d'espoir
que c'est comme ça?
Tout ce qu'on trouve, de l'autre côté, à faire pour
défendre le système fédéraliste actuel... Le
ministre de l'Éducation, au lieu d'améliorer le système
d'éducation, au lieu de répondre à ce que demandent les
commissions scolaires, à ce que demande la CEQ et donner plus de support
pour avoir un enseignement de qualité, on va donner des déjeuners
dans les écoles parce qu'on a tellement coupé chez les pauvres,
on a tellement taxé les plus pauvres de la société, y
compris les travailleurs au salaire minimum, qu'on n'a plus les moyens de
nourrir nos enfants, au Québec. Il faut qu'il y ait des déjeuners
dans les écoles. Et pendant ce temps-là, c'est Ottawa qui
s'occupe d'alphabétisation. Il rentre dans nos juridictions. C'est
catastrophique, la situation de nos jeunes. C'est inquiétant.
Il reste une solution pour s'en sortir: il faut donner l'espoir à
nos jeunes et il faut leur donner ce qui est un droit, un droit
légitime, reconnu à travers le monde, c'est le droit à
l'emploi. Et qu'est-ce que les jeunes ont demandé, dans une consultation
qu'a faite le Conseil permanent de la jeunesse, en 1989? La première
demande, par rapport à cette situation catastrophique, une chose: le
droit au travail, l'emploi. Est-ce qu'on est capable, au Québec, de se
donner une politique du plein emploi? Oui, on est capable, si on va chercher
tous les moyens, tous les leviers. Si on conserve chez nous tous nos
impôts et toutes nos taxes, on sera parmi les 15 pays les plus riches au
monde. Une politique de plein emploi, ce n'est pas la fin du monde, c'est
possible, à condition d'avoir les moyens et à condition d'avoir
la volonté. C'est deux choses qui manquent, de l'autre
côté, présentement. Il y
en a à travers le monde des peuples qui ont une politique de
plein emploi. Ce sont des petits pays de la grandeur du Québec: la
Norvège, la Suisse, la Suède, le Danemark. Pourquoi? Parce qu'ils
sont capables de se donner des solidarités et, au Québec, on l'a
prouvé qu'on était capable. (23 h 10)
Je pourrais vous donner quelques exemples: les caisses populaires
Desjardins. Y a-t-il un plus beau symbole de solidarité
québécoise? Les coopératives agricoles aussi. Donc, dans
les villes et dans les campagnes. Les Québécois ont fait la
preuve qu'on est capable d'être solidaire, qu'on est capable de se donner
des institutions et qu'ensemble, on est capable de s'en sortir.
Corvée-habitation, ça ne fait pas longtemps, ça fait 10
ans. Corvée-habitation est un modèle universel, unique au monde;
on a fait ça. Mais pour se donner une politique de plein emploi, vous
allez me dire: Le gouvernement peut bien vouloir se donner une politique de
plein emploi, ça va être possible si les autres intervenants se
donnent la main. M. le Président, tous les intervenants au Québec
se sont donné la main depuis deux ans pour exiger une politique du plein
emploi.
À l'automne de 1989 a eu lieu le Forum sur l'emploi où les
gens de tous les secteurs, coopératif, syndical, les gens d'affaires,
les gens des organismes communautaires, les agriculteurs, les milieux des
finances aussi... De tous les coins du Québec, de toute provenance, les
gens se sont réunis à Montréal. Après avoir eu des
forums régionaux, il y a eu le forum national de l'emploi. Ces
gens-là ont exigé une politique de l'emploi. Dernièrement,
ce sont les états généraux du monde rural qui ont fait la
même chose, le même exercice, avec des milliers de gens de tout le
Québec, comment on peut développer le monde rural. Et, tout
dernièrement, c'est le Conseil du patronat du Québec, M. le
Président, qui, lui, veut avoir un sommet sur l'emploi en septembre qui
vient.
Il y a toujours le même qui manque, le gouvernement. Le
gouvernement n'y est pas. Comment se fait-il que le gouvernement n'y est pas
alors que tous les intervenants exigent une politique de l'emploi, une
politique du plein emploi? C'est bien simple, c'est que si ie gouvernement
actuel se présentait à un forum sur l'emploi, avec tous les
intervenants de l'ensemble du territoire québécois, il aurait
l'air fou parce qu'une politique de l'emploi, ça se résume
à quatre choses simples, pas difficiles à comprendre et
réalisables en plus. La preuve a été faite dans d'autres
pays.
Pour avoir une politique du plein emploi, il faut avoir une
véritable politique de formation professionnelle. On ne peut pas s'en
donner au Québec, même si tout le monde l'a exigé,
même si à la Commission Bélanger-Campeau, c'est unanime: Le
Québec doit rapatrier tous les pouvoirs et toute la finance
nécessaire pour se donner une politique de formation professionnelle.
Bien, Ottawa et Québec, tout ce qu'ils font depuis des années en
formation professionnelle, c'est se chicaner, mêler les gens et ne pas
dépenser l'argent. Pendant ce temps-là, vous regardez les
journaux en fin de semaine, des pleines pages d'offres d'emploi. Pourtant, nos
jeunes sont en chômage à 20 %. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont pas
formés et nous autres, on se chicane au lieu de se donner une politique
de formation professionnelle. Une politique de plein emploi, M. le
Président, c'est une véritable politique de formation
professionnelle.
Deuxième chose: une politique de développement
régional. Qu'est-ce qui arrive avec nos régions
présentement au Québec? Bien, nos régions se vident parce
que le gouvernement ne s'en occupe pas. Encore une fois, les deux gouvernements
sont en chicane. Imaginez-vous, ce gouvernement à Ottawa, qui semble si
ouvert à vouloir refaire le fédéralisme, vient de
décider de créer un ministère québécois du
développement régional fédéral. Il va venir
décider de notre développement. La chicane est encore
poignée. Donc, au lieu de développer nos régions, au lieu
d'aider nos gens, on se chicane encore une fois. Il va falloir que ça
arrête, il va falloir arrêter d'attaquer les autres, d'accuser les
autres, prendre nos responsabilités avec nos moyens et nos
capacités.
C'est quoi le troisième volet d'une véritable politique du
plein emploi? C'est tout simplement recherche et développement, mais
recherche et développement, M. le Président, on a juste à
regarder la réalité. Les dépenses d'Ottawa en recherche et
développement effectuées au Québec ont diminué en
moyenne de 10,6 % par année de 1985 à 1988. Ces dépenses,
qui étaient de 196 000 000 $ en 1985, n'étaient plus que de 154
000 000 $ en 1988, et ça baisse. Ce sont des dizaines de millions qui ne
sont pas injectés au Québec en recherche et développement.
Quelles sociétés peuvent espérer un avenir prometteur? Les
sociétés qui consacrent une somme énorme en recherche et
développement, sinon on ne sera pas compétitifs.
De l'autre côté, qu'on nous parle d'ouverture de
marché, qu'on nous parle de libre-échange, de mondialisation,
j'en suis, mais à la condition qu'on soit capable d'être
compétitif, non seulement sur les marchés extérieurs mais
sur notre propre marché. Il faut d'abord le garder, notre marché,
et non pas le laisser envahir par les sociétés
étrangères. On ne forme pas notre main-d'oeuvre et on n'aide pas
nos entreprises. On ne fait pas de recherche et de développement.
Et la quatrième facette d'une politique du plein emploi, c'est la
volonté et la participation de l'État. C'est essentiel. Il faut
que l'État soit catalysateur, soit mobilisateur, soit un acteur majeur
dans une politique de plein emploi. Qu'est-ce que fait l'État l'autre
côté? Qu'est-ce
que fait le système fédéral à l'heure
actuelle? Regardez la réalité. Comment va-t-on pouvoir offrir
à notre jeunesse une politique de plein emploi avec un gouvernement
fédéral qui ne cesse finalement de détruire
l'économie québécoise? Et regardons seulement depuis
quelques années. C'est le retrait de l'État fédéral
du développement économique au Québec. Les frégates
qui ont fait en sorte que nos chantiers maritimes deviennent des garages de
réparation. Alors que c'était chez nous qu'il y avait les grands
chantiers maritimes, il y a quelques années, maintenant, les
frégates sont faites dans les autres provinces.
Les chemins de fer, on est en train d'en faire au Québec des
pistes cyclables. Bravo! pour les cyclistes. Mais bon Dieu! Est-ce que c'est
comme ça qu'on va développer l'économie de nos
régions quand Ottawa est en train de faire en sorte qu'il n'y ait plus
de chemin de fer au Québec? Le reste du monde a compris quelque chose:
le transport en commun, c'est essentiel pour le développement
économique. Qu'est-ce qu'on fait? Bien, nous, on l'abolit ici. Ottawa a
décidé ça, puis, de l'autre côté, on dit:
C'est de valeur que ce soit comme ça. On réagit juste comme
ça. On n'a pas le droit aux 200 milles de côte pour aller
pêcher; pourtant, on nous dit des citoyens canadiens. c'est comme
ça qu'on va créer des emplois pour nos jeunes? c'est comme
ça qu'on va faire une politique de plein emploi? et quand je regardais,
mardi 11 juin - c'est hier ça - gérard d. levesque, ministre des
finances, qui lui-même déclarait ceci: ottawa n'assume plus que 40
% des coûts de la santé alors que jusqu'en 1977, il en assumait 50
% et qu'en 1994, ça ne sera plus seulement que 32 %, ça veut dire
que d'année en année, ottawa coupe, nous en donne de moins en
moins. ça nous coûte de plus en plus cher d'être dans ce
système qui nous détruit. le même ministre des finances, le
nôtre qui est ici, dit même: on a perdu 1 700 000 000 $ cette
année. imaginez-vous. est-ce que nos taxes et nos impôts à
ottawa ont diminué? non, ils ont augmenté. en plus, la tps. on
paie plus cher à ottawa, puis il nous en donne de moins en moins. il
développe les autres provinces, puis, nous autres, il nous en donne
moins.
Ça nous coûte les yeux de la tête, ce système
fédéral. Et nous, on veut donner à nos jeunes de l'espoir.
On veut leur donner des jobs parce que c'est ça qui est essentiel. Ce
n'est pas en donnant de l'aide sociale, ce n'est pas en donnant des
déjeuners dans les écoles qu'on va régler la situation
pour les générations futures. C'est en leur donnant des emplois.
Le système actuel est en train de détruire notre économie
dans tous les secteurs. Deux annonces en deux jours encore: La Banque du Canada
fout le camp de Montréal, on s'en va à Toronto. Le vrai
siège social, la véritable métropole maintenant, la
véritable métropole financière, c'est Toronto. Air
Canada nous annonce qu'elle part. C'est encore des jobs qu'on va perdre
pour nos jeunes. Puis, de l'autre côté, on dit: Vive Ottawa! Vive
le Canada!
Je dois vous dire: C'est indécent. C'est inacceptable. Nos jeunes
veulent des jobs. La seule façon de leur donner des jobs, la seule
façon de leur garantir un avenir prometteur, c'est de garder chez nous
les 35 000 000 000 $ que Ottawa vient nous chercher puis qu'il va investir dans
les autres provinces. Ce n'est pas de savoir si on l'a, l'argent. On l'a,
l'argent, parce qu'on le paie à Québec ou à Ottawa. C'est
de savoir qui va l'administrer et où on va le dépenser. Moi, je
veux qu'on le dépense au Québec. Je la veux, la
souveraineté, parce que je veux qu'on garde notre argent. Je veux qu'on
prenne nos responsabilités. Je veux qu'on ait le plein emploi pour nos
jeunes. Je veux qu'on ait de l'avenir, les Québécois. On va
être dans les pays les plus riches au monde, le jour où on va
décider d'arrêter de payer pour les autres puis de faire souffrir
les nôtres ici au Québec. On a les moyens. Tout ce qu'il nous
manque, c'est la volonté et le projet de loi 150, M. le
Président, malheureusement ne nous amène pas vers ça.
Écoutez le discours l'autre côté. C'est pour sauver
le Canada. Vous êtes en train de sauver le Canada en faisant souffrir le
Québec. Je ne suis pas d'accord avec ça. Ce que je demande, c'est
un véritable référendum sur la souveraineté du
Québec le plus rapidement possible parce que l'économie du
Québec de jour en jour rempire, et on ne peut pas endurer ça
quand on est responsable. Donc, pour l'avenir du Québec, pour l'avenir
des Québécois, pour une politique de plein emploi, oui, je suis
pour la souveraineté le plus vite possible. Et c'est pour ça que
je ne peux pas accepter d'embarquer dans quelque chose d'aussi tordu, d'aussi
confondant que le projet de loi 150. Merci, M. le Président. (23 h
20)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Shefford. Nous sommes à l'adoption du principe
du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir
politique et constitutionnel du Québec et je reconnais M. le
député de Verdun.
M. Henri-François Gautrin
M. Gautrin: M. le Président, enfin j'ai la parole. Moi, je
vais vous dire, la quantité d'insanités que j'ai entendues depuis
ce matin, c'est assez difficile. La dernière, qui était
donnée par le député de Shefford, nous faire croire et
oser prétendre que la souveraineté pourrait régler les
questions de plein emploi, avoir le culot de dire ça en pleine Chambre,
alors que réellement, est-ce qu'il peut... est-ce qu'il va
régler... parce qu'il y a réellement un problème de
chômage actuellement? Ce qu'il faut faire, c'est une stabilité
économique et une
volonté de développement économique. Et c'est
ça que le Parti libéral essaie de faire depuis qu'il est au
pouvoir.
Des voix: Bravo!
M. Gautrin: C'est ça qui règle le vrai
problème, le plein emploi, non pas réellement
l'instabilité qui est liée complètement aux questions
constitutionnelles. Bon Dieu, revenez sur terre, s'il vous plaît! M. le
Président, j'aimerais vous rappeler, à l'heure actuelle, qu'on
débat de la loi 150. On débat de la loi 150 qui est une loi qui
essaie justement d'aborder les questions constitutionnelles pour y mettre un
terme. La loi 150 a trois variables, une date d'échéance, 1992,
où il y aura un référendum, un référendum
sur la souveraineté si nous n'avons pas d'offres acceptables, un
référendum sur la souveraineté. 1992, parce que, depuis
plus de 10 ans, le Québec et le reste du Canada évoluent vers
cette forme de fédéralisme décentralisé, cette
forme de fédéralisme décentralisé que, nous, du
Parti libéral, nous n'avons pas prônée depuis quelques
jours, mais prônée depuis tout le temps.
Que ce soit dans le livre beige de 1980, que ce soit dans les
différents documents constitutionnels que notre parti a émis,
nous avons toujours eu cette même vision, cette même vision du
partage réel des pouvoirs entre le gouvernement provincial et le
gouvernement fédéral, une meilleure répartition des
pouvoirs. Mais, ça, ça ne veut pas dire briser le Canada,
ça ne veut pas dire couper le Canada. Ça veut dire simplement
partager d'une manière plus efficace les pouvoirs entre le gouvernement
fédéral et les gouvernements provinciaux, pas seulement à
l'intérêt du Québec, mais à l'intérêt
de chacun des gouvernements de nos provinces.
À l'heure actuelle, M. le Président, dans l'ensemble des
systèmes fédéraux, on assiste à cette tendance
à la décentralisation. On le remarque aux États-Unis
où, actuellement, de plus en plus de pouvoirs s'en vont du gouvernement
central vers le gouvernement des États; de la même manière,
cette même tendance, ici, pour la meilleure efficacité du
gouvernement canadien, de nous amener à redéfinir les pouvoirs
entre les gouvernements des provinces et le gouvernement central.
C'est ce qu'on a toujours dit dans le Parti libéral. C'est ce
qu'on a toujours prôné dans le Parti libéral. C'est ce
qu'on a dit dans le livre beige. C'est ce qui a été voté
par notre dernier congrès, ce qu'on a appelé le rapport Allaire.
Ce n'est pas un rapport souverainiste. C'est une volonté réelle -
avec des bornes, des échéances - de renouveler le
fédéralisme canadien, d'avoir un fédéralisme
décentralisé, d'avoir un fédéralisme où les
conflits de juridiction n'existent plus, où la répartition des
pouvoirs est adaptée à la réalité de 1990 et non
pas la réalité de 1867, un fédéralisme efficace, un
fédéralisme qui fonctionne, un Canada qui marche, un Canada qui
sera justement capable de promouvoir le développement économique,
un Canada qui sera en mesure d'assurer, pour l'ensemble de notre population,
les jobs dont elle a besoin.
M. le Président, l'échéance est claire. Et c'est
ça actuellement, la loi 150, une échéance claire, une
échéance qui dit: En 1992, en septembre 1992, la question doit
être réglée. C'est ça qu'on est en train de dire. Je
comprends bien que l'Opposition ne veuille pas écouter, ne veuille pas
entendre raison. C'est plus facile de crier, de faire de l'autosatisfaction
mutuelle à l'intérieur de son propre groupe, mais la
réalité, c'est quoi? C'est qu'on dit à l'heure actuelle:
Nous voulons terminer, régler cette question. Elle le sera en 1992.
Qu'est-ce qu'il y a d'autre à l'intérieur du projet de
loi? Deux commissions: une pour étudier les offres de renouvellement du
fédéralisme parce que notre position, à nous du
Québec, est claire. Notre vision du fédéralisme
décentralisé a été clairement établie. Nous
voyons, que ce soit dans les autres provinces, que ce soit au niveau
fédéral, ce bouillonnement. Nous voyons la volonté de
réformer aussi le pays, de réformer le Canada et nous allons
avoir une commission pour étudier sérieusement les offres qui
vont nous être faites, pour les analyser, pour voir si ça
correspond réellement aux objectifs que nous avons, une commission qui
va travailler sérieusement pendant trois, quatre, cinq, six mois. Pas
question d'aller à la va-vite, parce qu'on parle actuellement de
l'avenir d'une province. Il n'est pas question de balancer, de bousculer en
criant des slogans. Il est question d'étudier, d'étudier
sérieusement l'avenir, à l'heure actuelle, de la province,
l'avenir du Canada.
Mais parallèlement à ça, M. le Président, je
pense qu'on a créé et qu'on constitue une commission sûre
pour évaluer l'impact de la souveraineté et je n'ai aucune
difficulté à comprendre pourquoi nos amis de l'Opposition
refusent la loi 150. La réalité est simple, ils ont peur. Ils ont
peur de confronter leurs idées, non pas les clamer sur tous les toits,
mais de les confronter réellement à l'intérieur d'une
commission où on va débattre et où on va analyser les
effets et les impacts de la souveraineté. C'est ça qu'on est en
train de proposer, non pas de s'aventurer en disant: Oui, on est capables, on
est forts, on peut le faire, mais de réellement évaluer, mesurer
toutes ces questions. Et je vais soulever un certain nombre de questions.
Qu'arrive-t-il, dans la souveraineté, de la libre circulation des
biens? Nous avons, à l'heure actuelle, à l'intérieur du
Canada, une libre circulation des biens entre les différentes provinces.
Il n'y a pas de barrière douanière. Qu'arrivera-t-il de la libre
circulation des biens? Où en serons-nous? Quels seront les types
d'accords économiques qu'il faudra créer? Se-
rons-nous capables de créer ces accords économiques? C'est
une question importante, parce qu'il y va de l'avenir économique de nos
jeunes, pas seulement en se gargarisant et en disant: Oui,
l'indépendance va tout régler. Ce qui va être
réellement réglé, c'est lorsqu'on aura réellement
un développement économique.
Deuxième question, la libre circulation des personnes, la
possibilité, pour un Québécois, d'aller travailler en
Ontario ou d'aller travailler en Alberta, la libre circulation, parce que les
gens sont du même pays, ce sont des citoyens canadiens. Comment on va
maintenir à l'intérieur d'un Québec indépendant
cette libre circulation des personnes? La libre circulation des services. La
libre circulation des services, c'est une question importante. Le service
ferroviaire, le service des télécommunications, le service
routier, comment on va faire ça? Est-ce qu'on va mettre des
barrières? Comment on va faire ça? C'est une question
fondamentale aussi, parce qu'il y va du développement économique
et de l'avenir, l'avenir de notre population. On ne veut pas s'embarquer
là-dedans au hasard avec quelques slogans.
La libre circulation des capitaux, la monnaie, à l'heure
actuelle, il n'y a aucun problème. Les capitaux fluctuent, passent
facilement d'une province à l'autre. Nous avons la même monnaie.
Quelle sera la monnaie? Quelle sera la monnaie d'un Québec
indépendant? Pourrons-nous avoir une politique monétaire? Je vous
mets au défi, je vous mets aujourd'hui au défi de le
démontrer, pas seulement de le clamer, mais de le démontrer, de
venir dans une commission vous asseoir avec nous et de le démontrer
chiffres en main.
Des voix: Bravo!
Une voix: Un féfi! (23 h 30)
M. Gautrin: Quelle sera la participation du Québec
indépendant dans les accords du GATT si le pays signataire ne permet pas
au Québec indépendant d'avoir ce droit de succession qui lui
permettrait de signer, d'hériter des accords du GATT? Quelle serait,
à l'heure actuelle, la possibilité du Québec d'exporter
ses biens alors que nous avons une économie extrêmement ouverte?
Question fondamentale si on parle du développement économique. Ce
n'est pas une question simplement de se gargariser en disant: On est capable.
On parle réellement d'accords commerciaux internationaux.
La question, à l'heure actuelle, elle est fondamentale. Elle est
absolument fondamentale. À l'heure actuelle, le Canada a une dette de
l'ordre de 357 000 000 000 $ que nous devons financer, que nous, Canadiens,
nous finançons en partie sur les marchés internationaux, qui est
financée sur la crédibilité économique du Canada.
Lorsque vous avez une dette, quelle qu'elle soit, la manière dont on
vous prête, on vous prête sur votre crédibilité.
normalement, une partie de cette dette - on pourra discuter si c'est le quart
ou 20 % - doit revenir à un québec indépendant. j'aimerais
savoir quelle sera la crédibilité du québec
indépendant pour pouvoir financer 20 % de cette dette. quelle sera sa
crédibilité? rappelez-vous, ceux d'entre vous qui avez dû
vivre des situations de divorce. est-ce que, réellement, la base
financière de chacun des éléments du couple est aussi
valable pour pouvoir aller sur les marchés d'emprunt, lorsqu'il faut
emprunter dans une banque, qu'un couple stable? demandez à n'importe
quel gérant de banque. il vous répondra. la question de la dette
est fondamentale lorsqu'on parle de la séparation actuellement, de la
séparation du québec.
Chers amis, à l'heure actuelle, ces questions, il faudra les
analyser sérieusement et nous voulons non pas simplement passer par
quelques slogans, nous voulons les analyser sérieusement à
l'intérieur d'une commission parlementaire et c'est ça que nous
proposons à l'intérieur de la loi 150. Je comprends que
l'Opposition soit contre. Ça va être difficile de défendre
leur position, ça va être difficile de le prouver lorsqu'ils
seront soumis à certaines questions. C'est ça qui sera à
l'intérieur de la loi 150 et c'est actuellement ce qu'on propose.
Chers amis, à l'heure actuelle, le choix... Il y a l'espoir.
L'espoir de ce côté-ci, c'est que ce grand pays qu'est le Canada
va être en mesure de renouveler son fédéralisme. Nous
croyons réellement que des offres sérieuses vont nous venir. Nous
pensons et nous avons confiance, ce n'est pas simplement une question de se
mettre à genoux, nous avons confiance que cette vision du
fédéralisme décentralisé, nous allons être en
mesure de l'obtenir et de la mettre en pratique ici, au Québec.
C'est avec grand espoir pour le futur du Québec à
l'intérieur du Canada que moi, je vais voter en faveur de la loi 150
parce qu'elle nous permet, à l'heure actuelle, d'avoir une
échéance, parce qu'elle nous permet d'étudier
sérieusement les offres qui vont nous venir du reste du Canada et parce
qu'elle va nous permettre aussi de creuser jusqu'au bout la question de la
souveraineté. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, m. le
député de verdun. sur l'adoption du principe du projet de loi
150, mme la députée de marie-victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. La démarche
du gouvernement dans ce cas-ci, en ce qui concerne la loi 150, n'est
sûrement pas inusitée. On voit bien, en fin de compte, la
flexibilité du gouvernement à l'instar même de
son chef, c'est-à-dire qu'il n'y a pas si longtemps le premier
ministre disait qu'il ne pouvait passer en deuxième lecture le projet de
loi 150, parce qu'il devait y avoir un consensus à l'intérieur de
l'Assemblée nationale, parce qu'il était impensable pour nous, du
Parti québécois, d'accepter le traquenard dans lequel ce
gouvernement voulait impliquer la société dans son ensemble avec
ce projet de loi 150. Mine de rien, M. le Président, ce gouvernement
voulait davantage faire le référendum du
fédéralisme beaucoup plus que faire le référendum,
le vrai référendum, c'est-à-dire la souveraineté du
Québec.
Eh oui! la supercherie n'a pas tenu cette fois-ci, M. le
Président, parce que nous étions assez aguerris avec tout ce que
nous avions vécu antérieurement, notamment lors de la Commission
Bélanger-Campeau et lors des aboutissements de la Commission
Bélanger-Campeau. Bien sûr que le premier ministre, actuellement,
avec son projet de loi 150, avec la façon de vouloir faire ces deux
comités, M. le Président, se donne en fait des moyens pour
pouvoir, à un moment donné, prendre un corridor quelconque pour
que, finalement, on arrive à une conclusion qui soit souhaitable pour
renouveler le fédéralisme. Et c'est ça la vraie nature, en
fait, de la loi 150 et de la composition des deux commissions que veut former
le premier ministre, à la suite de la loi 150, M. le
Président.
Et pourquoi, M. le Président, je peux affirmer cet
énoncé? Bien, tout simplement parce qu'il n'y a pas si longtemps,
il y a quelques jours, dans l'entourage de M. Bourassa, il y avait des gens qui
alimentaient des rumeurs à l'effet que le premier ministre n'avait plus
du tout l'intention de passer un référendum, mais bien plus avait
beaucoup plus l'intention de s'en aller vers une élection
référendum que de vraiment proposer à l'ensemble des
Québécois, pour octobre 1992, un référendum sur la
souveraineté. Et ça, M. le Président, nous ne l'avons
point inventé de ce côté-ci de la Chambre. Ce sont
même les proches de M. le premier ministre qui affirmaient dans les
corridors que ce qui était important, actuellement, était non
plus le référendum, mais une élection
référendaire. Et le premier ministre de nous dire en Chambre que
c'était un peu de la rigolade, que certains de ses proches
collaborateurs avaient un sens de l'humour plus développé que
d'autres et, bien sûr.
M. le Président, il aurait fallu que nous aussi nous continuions
à la rigolade. Sauf que, M. le Président nous avons nous aussi
une responsabilité en tant qu'Opposition. Nous devons, lorsque justement
un gouvernement n'est pas capable de se tenir debout et de dire vraiment les
choses telles qu'elles sont et l'orientation dans laquelle ils veulent vraiment
engager l'ensemble de la population, nous avons le devoir comme Opposition de
soulever et d'apporter à la population cet état de cause, M. le
Président. C'est pourquoi nous avons dit que non, dans les conditions
dans lesquelles le premier ministre voulait passer cette loi 150, il
était insoutenable pour nous, ici, de ce côté de la
Chambre, d'entériner une telle démarche, M. le Président,
parce que le premier ministre lui-même renonçait à sa
signature qu'il avait mise dans le rapport Bélanger-Campeau.
Je pense que la population nous en aurait voulu énormément
de ne pas nous être tenus debout. Et si on est rendus à faire des
sortes de caricatures sur la flexibilité du premier ministre en ce qui
concerne son attitude face au Canada, je ne pense pas que de notre
côté, nous ayons déjà montré cette
flexibilité. Lorsque nous parlons, en fin de compte, d'ouverture
d'esprit, c'est que nous sommes prêts à regarder, M. le
Président, des avenues qui favorisent les engagements pris par un groupe
d'hommes et de femmes, au moment où ils ont siégé à
la Commission Bélanger-Campeau, mais non pas faire toutes sortes de
formes de culbutes qui feraient en sorte qu'on voudrait diluer la
portée, en fait, du contenu et du consensus qui a été
établi, lors du rapport de la Commission Bélanger-Campeau.
Donc, M. le Président je vous disais même que ça a
débuté il n'y a pas si lontemps. Ça a débuté
la semaine dernière, il y a quelques jours, dans l'entourage de M.
Bourassa qui, lui, alimentait les rumeurs à l'effet qu'il y aurait une
élection précipitée et que ce serait une élection
référendaire, pour éviter, en fait, ce qui était
dans la loi 150. (23 h 40)
Cette rumeur, comme vous le savez, M. le Président, a
été reprise par plusieurs médias d'information aussi. On
en a donc parlé pour un bon bout de temps. L'hypothèse a
été avancée que M. Brian Mulroney avait aussi des
propositions à faire, à l'automne, au gouvernement de M.
Bourassa. M. Clark est venu ici en éclaireur pour voir exactement
comment se situait le premier ministre, M. Bourassa, face aux propositions que
s'apprête à nous livrer M. Mulroney. Et M. Clark est parti
enchanté, en disant: J'ai vu un premier ministre qui était
excessivement flexible. Comme nous ne voulons pas faire de fausse
interprétation en ce qui concerne certains concepts de la langue
française, eh bien, nous sommes allés consulter le Petit
Robert - et le Petit Robert ne dit que la vérité -
Alors le Petit Robert, ce qu'il nous a apporté comme
définition en ce qui concerne le mot "flexible", c'était un
nombre de synonymes qui voulaient dire tout simplement qu'on pouvait être
très élastique, qu'on pouvait être molasse, qu'on pouvait
avoir de la difficulté à prendre une orientation. Et vraiment,
c'est ce qui se passe actuellement.
Ce que nous aimerions, en fait, une fois pour toutes, c'est que le
premier ministre nous donne vraiment ses couleurs. Est-il, oui ou non, pour un
référendum sur la souverainté, M. le
Président? Et comme nous connaissons déjà les
orientations du premier ministre, parce qu'il en fait souvent des
déclarations solennelles, en ce qui concerne son penchant pour le
fédéralisme, nous avons, en fin de compte, peine à croire,
après l'ensemble des discours qui nous ont été faits ici,
en cette Chambre, que les véritables intentions du premier ministre,
c'est de faire un référendum sur la souveraineté. Ce n'est
pas vraiment les intentions. C'est beaucoup plus d'attendre les propositions
qu'aura à nous offrir le Canada anglais et encore faut-il être
aussi naïf que le député de Verdun lorsqu'il disait: Je fais
confiance au Canada anglais. J'ai l'espoir d'un nouveau
fédéralisme renoulevé où le Québec aura sa
place de plein droit. Eh bien, M. le Président, j'aurais une question
à poser à ce député, à savoir: Combien de
coups de pied au derrière faut-il recevoir pour comprendre que le Canada
anglais, c'est une fin de non-recevoir que, chaque fois qu'on leur pose la
même question, il nous donne. Et dans le quotidien, dans la gestion
courante des affaires publiques et politiques entre Ottawa et le gouvernement
québécois, l'adhésion du partage réel que nous
apportait tantôt le député de Verdun, cette personne qui
croit au renouvellement fédéraliste et qui donne une part
équitable au Québec, j'ai peine à croire qu'il ne voit pas
les choses de la même façon que la majorité des gens du
Québec, lorsqu'on voit tous les jours des inégalités en ce
qui concerne le Québec, dans les rapports
fédéral-provincial.
Air Canada ferme ses portes et l'école, la formation de pilotes,
dorénavant se fera à Toronto. Ça, ça fait partie de
la confiance envers le fédéralisme, M. le Président. Le
bureau de change international de la Banque du Canada, ça va à
Toronto. Ça, ça fait partie de l'espoir du gouvernement face
à la place économique qu'occupera le Québec dans un
fédéralisme renouvelé.
On voyait dernièrement, dans le développement
technologique, qu'on a de la difficulté à recevoir la part qui
revient au Québec, toujours en favorisant Toronto. Eh bien ça, M.
le Président, c'est ce que j'appelle un mélange de confiance et
d'espoir face au fédéralisme, espoir qu'un jour il comprendra que
ce que nous voulons, c'est vraiment d'avoir de l'emploi au Québec et non
pas tout simplement des beaux discours. Nous voulons de la
réalité et que cette réalité passe d'abord et avant
tout chez nous, par nous et avec nous. Et ces gens-là ont de la
difficulté à comprendre à l'heure actuelle que, pour que
le Québec puisse se prendre en main, il faut qu'il ait tous les leviers
économiques mis à sa disposition de même que l'ensemble, M.
le Président, de ses impôts et qu'il puisse signer ses propres
traités. C'est clair, c'est très simple. Ce n'est pas si complexe
et si compliqué et nous n'en sortirions pas perdants, M. le
Président, comme ces gens-là n'arrêtent pas d'essayer de
nous le démontrer.
Je me pose encore toujours cette même question, combien de fois
faudra-t-il recevoir des fins de non-recevoir pour que, enfin ils
s'aperçoivent qu'en plus d'avoir une fin de non-recevoir du Canada
anglais, on nous maintient dans la pauvreté, dans l'ignorance crasse, et
on nous empêche de nous développer selon notre rythme et on nous
empêche d'occuper une place de choix dans la société
moderne et dans la nouvelle orientation du Canada... Je vois que le
député de Mille-Îles considère que j'ai un discours
misérabiliste. Regardez, M. le Président, uniquement notre taux
de chômage à l'heure actuelle et regardez là où le
fédéralisme a toujours été le plus
généreux, les prestations d'assurance-chômage. C'est une
belle jambe ça, c'est comme ça qu'on va se maintenir riches en
nous maintenant toujours comme des assistés sociaux.
Pourtant, M. le Président, c'est une réalité qui se
passe chez nous ici au Québec et, si le député de
Mille-Îles trouve ça drôle qu'au Québec actuellement
on ait 15 % de chômage, 20 % de chômage chez les jeunes dans
certaines régions, que ce soit la Gaspésie, où on n'est
pas loin du 30 %. Et dans certaines autres régions, c'est catastrophique
à l'heure actuelle, ce qui se passe. Qu'on ait tout simplement à
dire que nous avons une vision misérabiliste, je pense que nous avons
une vision réaliste de la situation du Québec, mais nous, nous ne
privilégions pas au détriment, en fait, des intérêts
des Québécois un fédéralisme qui est
dépassé et qui n'a rien à apporter à l'ensemble des
Québécois pour leur avenir, leur développement et leur
rayonnement, M. le Président.
J'entendais tantôt le député de Verdun, M. le
Président - et je pense qu'il y a encore beaucoup de temps à
faire dans cette Chambre avant qu'il soit nommé ministre, cet homme -
mais j'entendais le député de Verdun qui nous disait que
c'était important, maintenant, la libre circulation et que
c'était important aussi, nos chemins de fer et aussi toutes nos voies
d'accès pour la libre circulation et qu'il nous fallait rester dans un
Canada pour pouvoir avoir la maîtrise, si vous voulez, de cette
circulation des biens et des services. Je lui dirai, M. le Président,
qu'actuellement, la préoccupation du gouvernement fédéral
n'est pas de développer le système ferroviaire du Québec.
Au contraire, on l'a presque tout enlevé; il ne reste plus grand-chose.
Comme disait un de mes collègues, il n'y a pas si longtemps, on en fait
des pistes cyclables, M. le Président. C'est l'Ouest, c'est le
système ferroviaire de l'Ouest canadien qu'on est en train de
développer et vous savez que c'est beaucoup plus rentable pour l'Ouest
canadien et, nous, nous devons tout simplement voir des lignes qui sont en
train de fermer, ce qui isole nos régions du reste de la capitale
régionale, Québec ou Montréal; c'est ce qui se passe, M.
le Président.
On parlera à un moment donné plutôt que de nous
donner les instruments et les moyens de nous développer, eh bien, on
parle qu'il faut, nous, prendre les intérêts des Canadiens-anglais
et défendre les intérêts des Canadiens-anglais. Et
ça, ça m'a toujours fait tellement peine à entendre, de
voir de nombreux Québécois défendre les
intérêts des Canadiens-anglais avant de défendre les
intérêts des gens d'ici, M. le Président. Ça,
ça m'a toujours chagriné. Charité bien ordonnée, M.
le Président, commence par soi-même. Il faut commencer à se
responsabiliser soi, avant de vouloir aller responsabiliser les autres. C'est
ici que ça commence et c'est ici et c'est avec les gens d'ici qu'il faut
que ça commence, M. le Président. (23 h 50)
Alors, je n'ai pas vraiment, non, et je ne me sens pas
nécessairement aussi acariâtre et encore moins raciste où
tout ce qu'on voudrait me donner comme épithète, parce que je
défends et j'ai à coeur mes intérêts, les
intérêts du Québec avant les intérêts des
provinces anglo-canadiennes, M. le Président. Non, je pense
qu'effectivement, l'art de gouverner, c'est de prendre des décisions, de
prendre des décisions pour l'ensemble des intérêts de sa
population et c'est pour ça que nous avons été élus
membres de l'Assemblée nationale, pour prendre les intérêts
de notre population avant même de vouloir défendre des
idéologies qui font l'affaire des gens qui nous exploitent. Il y a
toujours une forme de sympathie qui s'exerce entre son bourreau et la victime.
Mais, M. le Président, les Québécois sont tannés
d'être des victimes. Et nous ne savons plus quoi faire de notre bourreau
qui est Ottawa à l'heure actuelle et nous sommes maintenant devenus des
êtres responsables, capables de se prendre en main, dont la
"victimisation" n'est plus un mot de notre vocabulaire, bien au contraire.
Et, M. le Président, j'aimerais aussi parler d'un aspect qui
m'est tout à fait particulier, parce que j'habite pas loin du fleuve
Saint-Laurent, et c'est tous les différents aspects de la voie maritime
du Saint-Laurent. Je pense que ça vaut la peine qu'on s'y attarde et
aussi pour remettre les choses dans leur contexte et résister, M. le
Président, à certaines images que voudraient bien faire passer,
véhiculer dans la population certaines personnes, à l'effet que
vous savez: si on devient souverainiste, eh bien, évidemment, la voie
maritime du Saint-Laurent, ça deviendra quelque chose de difficile
à gérer et même qu'on ne pourra même plus
gérer et peut-être qu'on ne pourra même plus passer quand on
voudra aller aux États-Unis parce qu'il y a une partie qui sera sur le
territoire de l'Ontario et ça va empêcher la libre circulation,
probablement, des bateaux. Alors, M. le Président, moi, je me suis
posé des questions à savoir, effectivement, dans un pays
souverain, qu'est-ce qui va arriver avec la voie maritime,
M. le Président.
Je peux vous dire que ça ne sera pas si compliqué que
ça parce que, actuellement, il a 15 écluses dont 2 écluses
sont aux États-Unis, 2 écluses à Montréal et les
autres, les 11 écluses sont près du lac Érié.
Alors, tout simplement, ce que ça veut dire, c'est que dans un
Québec souverain, on fera comme avec les États-Unis. Les
États-Unis gèrent leurs 2 écluses, le Québec
gérera ses 2 écluses et actuellement, il y a des ententes entre
les États-Unis et le Canada pour un prix unitaire et nous aurons la
même chose avec le Québec. Pourquoi pas? S'il y en a 2, on pourra
en mettre 3. Pourquoi pas? Il n'y a aucune complication à ce
niveau-là, M. le Président. À ce moment-ci, vous me
diriez: Comment va-t-on pouvoir prendre, revenir posséder ces
écluses? Eh bien, M. le Président, ce n'est pas compliqué,
pas compliqué. On paie. Ça fait partie des actifs. Actuellement,
c'est nous qui payons par nos impôts, en fait, pour l'entretien de toutes
ces écluses et c'est aussi parce que nous aurons, nous aussi, à
voir à la garde côtière du Québec. Et actuellement,
M. le Président, nous sommes perdants parce que nous représentons
le quart de la population et nous sommes obligés de payer plus de 25 %,
en fait, des frais de la garde côtière alors que nous payons
actuellement pour l'ensemble des provinces de l'Est et les provinces de l'Ouest
de la côte Atlantique, M. le Président. Donc, je pense que pas de
fausses rumeurs; il faut voir les choses dans leur contexte. Il y a toujours
des solutions, M. le Président. J'ai été
élevée de cette façon qu'à tout problème, il
y a une solution et que de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes
plus prêts à voir les solutions que de s'arrêter aux
problèmes, M. le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Je reconnais maintenant M. le leader
adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: Oui, M. le Président, est-ce que
la députée de Marie-Victorin me permettrait une question dans le
cadre d'un Québec souverain sur la politique sur la voie...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse. Vous n'avez
pas à poser votre question. Est-ce que vous autorisez une question au
député de Mille-Îles? La question devra être
brève et la réponse également. Est-ce que vous permettez
au député de... Oui, la permission vous est accordée, M.
le député.
M. Bélisle: Je vous remercie beaucoup, M. le
Président.
Mme la députée, est-ce que vous êtes en accord ou en
désaccord avec votre collègue de Québec, le
député de Lévis, qui soulignait cet après-midi,
à 16 h 45, en cette Chambre, concer-
nant la politique d'un Québec souverain, la politique maritime
d'un Québec souverain relativement à la voie maritime du
Saint-Laurent, et je cite au texte: que c'est une question de
négociation et de discussion avec nos voisins. Est-ce que vous pourriez
nous dire combien de temps et d'efforts, combien d'années ça va
prendre avant d'en arriver à des...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député. M. le député, vous savez très bien
en tant que leader adjoint du gouvernement que la question doit être
très brève. Alors, M. le député de Richelieu.
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Est-ce que la
députée de Marie-Victorin ne répond pas? Elle n'a pas de
réponse.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Richelieu.
Mme Vermette: M. le Président, je pourrais dire une chose,
par exemple, au député de Mille-Îles.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la
députée, je vous permets une réponse brève.
Mme Vermette: Ce qui se comprend facilement s'énonce
clairement, M. le Président, et dans ce cas-ci, je pense qu'il n'a pas
encore compris tout à fait.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée. Alors, nous poursuivons le débat sur le projet de
loi 150... M. le député de Mille-Îles, s'il vous
plaît. Le projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination
de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et je reconnais M.
le député de Richelieu.
M. Albert Khelfa
M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je ne commenterai pas
le bouilli mal assaisonné de la députée de Marie-Victorin.
Comme vous l'avez constaté, il n'a pas de goût. Je veux me limiter
au fait, au projet de loi 150. Nous sommes appelés une fois de plus
à discuter d'un sujet capital pour l'avenir du Québec. D'aucuns
croyaient qu'après l'échec de l'accord du lac Meech, le
Québec se replierait sur lui-même en proposant une alternative
sans prendre le temps de réfléchir, Madame. Pour le gouvernement
libéral, il n'était pas question de menaces
proférées à l'endroit d'un autre niveau du gouvernement.
Il s'agissait plutôt de reprendre le travail là où il avait
été abandonné pour préparer la voie à un
avenir politique stable, tout en assurant la sécurité
économique du Québec. Car, M. le Président, vous savez
pour nous, pour moi, pour le premier ministre, pour M. Bourassa, pour le
gouvernement libéral, la sécurité économique du
Québec est la priorité.
Maintenant, quant au projet de loi 150, qu'est-ce qu'il dit exactement?
Ce projet de loi oblige à la tenue d'un référendum sur la
souveraineté entre le 8 et le 22 juin 1992 ou entre le 12 et le 26
octobre 1992. Ce premier élément est parfaitement conforme aux
propositions du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Le
gouvernement libéral présente donc aujourd'hui une loi qui
respecte en tout point les propos du rapport de cette commission - en passant,
il a été signé par ceux qui refusent de voter pour. De
plus, le projet de loi 150 prévoit la constitution de deux commissions
parlementaires spéciales soumises à l'autorité de
l'Assemblée nationale. C'est normal, M. le Président. Si
l'Assemblée nationale crée deux commissions, donc elles doivent
être sous son autorité. L'une d'entre elles aura pour mandat
d'étudier toute question afférente à l'accession du
Québec à sa pleine souveraineté. Cette commission sera
d'autant plus importante qu'elle fera preuve d'une transparence absolue pour
que les Québécoises et les Québécois comptent leur
option future. L'autre commission parlementaire qui sera constituée en
vertu de ce projet de loi aura pour mandat d'apprécier toute offre d'un
nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du
Canada. Cette offre devra lier formellement le gouvernement canadien et les
autres provinces.
Il s'agit essentiellement, par la création de ces commissions,
d'éclairer la population du Québec afin qu'un choix judicieux et
rigoureux puisse être fait le moment venu. Nous devons permettre au
Québec de prendre sa décision de la façon la plus
éclairée: d'une part, de posséder les pouvoirs
nécessaires à son épanouissement comme
société; d'autre part, de s'entendre avec ses partenaires
canadiens pour préserver et renforcer l'espace économique
canadien, (minuit)
Sur ce dernier point, M. le Président, le gouvernement
libéral désire insister sur la nécessité d'assurer
la sécurité économique des Québécoises et
des Québécois. Mais ne l'oublions pas, le Québec parie
maintenant d'un réaménagement majeur des relations entre le
Québec et le reste du Canada. Pour revenir à la constitution de
ces deux commissions parlementaires, le gouvernement s'assure, dans le
libellé du même projet de loi 150, qu'un équilibre sera
établi entre les deux commissions parlementaires. Plus exactement, cela
signifie qu'aucune de ces deux commissions parlementaires n'est
supérieure ou plus importante que l'autre. Chacune de ces deux
commissions aura une valeur égale.
Il nous apparaît important et essentiel, pour le respect de ces
règles de la démocratie, que cet équilibre soit
présent entre les deux commissions, équilibre qui permettra
d'informer adéquatement et pleinement la population du Québec
sur chacune des deux voies qui pourront s'offrir au Québec.
On parle de l'obligation de résultats. Avant d'effectuer un choix
aussi important pour notre qualité de vie, la population
québécoise doit être informée de façon la
plus complète possible. La tendance de l'une ou l'autre des options sera
connue lorsque sera venu le moment le plus opportun pour que la population du
Québec fasse son choix librement et en toute confiance, un avenir qui
puisse assurer la sécurité économique du Québec
tout en renforçant sa stabilité politique.
Un mot maintenant, M. le Président, sur la tenue du
référendum. L'article 1, le premier article du projet de loi 150
est clair à ce sujet. Il prévoit que le gouvernement du
Québec tiendra un référendum sur la souveraineté.
La période retenue se situe entre le 8 et le 22 juin 1992, ou entre le
12 et le 26 octobre 1992. Ce mécanisme de consultation est
entièrement conforme à la recommandation de la Commission
Bélanger-Campeau.
De son côté, le gouvernement du Québec, par la voix
de son ministre des Affaires intergouvernementales, a déjà
mentionné que cet exercice démocratique ne saurait porter sur
autre chose que l'accession du Québec à la pleine
souveraineté. Cette accession du Québec à la pleine
souveraineté est définie à l'article 3 de la même
loi. J'aimerais citer quelques lignes de cet article pour s'assurer de bien
comprendre le sujet, M. le Président.
Je cite: "La Commission - dit-on à l'article 3 - a pour mandat
d'étudier et d'analyser toute question relative à l'accession du
Québec à la pleine souveraineté, cette dernière
signifiant la capacité exclusive du Québec, par ses institutions
démocratiques, de faire ses lois, de prélever ses impôts
sur son territoire et d'agir sur la scène internationale pour conclure
toute forme d'accords ou de traités avec d'autres États
indépendants et participer à diverses organisations
internationales." Cette Commission devra par la suite formuler les
recommandations à l'Assemblée nationale. "Elle a également
pour mandat, dans l'hypothèse où le gouvernement du Canada ferait
l'offre formelle d'un partenariat économique, d'étudier et
d'analyser telle offre et de formuler, à cet égard, des
recommandations à l'Assemblée nationale" ici.
Cette dernière remarque fait toujours partie de l'article 3 du
projet de loi 150. D'autre part, pour se conformer à l'équilibre
auquel je faisais allusion tout à l'heure, l'autre Commission
d'étude s'intéressera aux offres constitutionnelles.
Quant aux articles 4 et 5 du même projet de loi, M. le
Président, ils sont très clairs. À l'article 5, il est
précisé que: "La Commission a pour mandat d'apprécier
toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite au
gouvernement du Québec par le gouvernement du Canada et de formuler,
à cet égard, des recommandations à l'Assemblée
nationale."
Quant à l'article 6, il vient compléter les deux autres:
"...d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite au gouvernement
du Québec doit lier formellement le gouvernement du Canada et les autres
provinces." (0 h 10)
Donc, l'équilibre également assuré au niveau de la
composition de chaque Commission qui comptera 16 membres, y compris le
président. Nous parlerons ici d'équilibre. Les deux formations
politiques sont représentées de façon proportionnelle au
sein de ces Commissions. Ainsi, neuf députés du parti
gouvernemental nommés par le premier ministre y seront présents,
trois députés du parti de l'Opposition officielle nommés
par le chef de l'Opposition y seront présents également, ainsi
qu'un député indépendant. Comme on le voit, M. le
Président, le gouvernement a pris soin de ne pas bousculer les choses,
dans un dossier aussi important que l'avenir constitutionnel du Québec.
Notre avenir, l'avenir de nos jeunes, l'avenir du Québec dans son
entier, il dépend de ce que nous allons faire les prochains mois.
Le gouvernement du Québec veut prendre le temps d'informer
adéquatement et complètement la population
québécoise. À cet égard, je suis fier d'appartenir
à une formation politique dirigée par un homme de vision, un
homme d'avenir, comme M. Robert Bourassa, le chef du Parti libéral, et
le premier ministre du Québec, qui tient à ce que l'exercice
démocratique soit fait sans entraves, de façon libre et que
chacun des intervenants, en respecte les règles du jeu. C'est pour une
meilleure maîtrise de notre avenir que le projet de loi 150 a
été élaboré, de manière à ce que
toutes les options puissent être étudiées,
considérées de façon aussi complète que possible,
non pas à la légère, non pas au bouillon non
assaisonné comme la députée de Marie-Victorin
tantôt.
M. le Président, en terminant, je vous dis avec fierté que
je voterai pour la loi 150. Et j'espère que nous serons tous unanimes
pour voter cette loi pour donner une force au Québec, lors de ses
négociations futures. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Richelieu. Sur ce même projet de loi, projet de
loi 150, à l'adoption du principe, M. le député de
Bertrand. M. le député.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. C'est avec
empressement que j'attendais d'intervenir sur le projet de loi 150 puisque,
à titre de porte-parole de l'Opposition officielle en matière de
relations internationales, il m'apparaît inad-
missible de traiter de la souveraineté du Québec sans en
faire ressortir les impacts sur nos relations avec les autres peuples et les
autres États. L'ouverture du Québec sur le monde s'est faite
progressivement au début des années soixante, dans le cadre de la
Révolution tranquille. En dépit de son statut d'État non
souverain, le Québec a acquis avec persistance une personnalité
internationale sur la base du principe de prolongement à
l'extérieur de ses compétences constitutionnelles internes, tout
en devant composer avec les susceptibilités du moment du gouvernement
fédéral.
L'ouverture d'une délégation du Québec à
Paris, en 1961, a marqué le début de l'instauration d'un
réseau de représentations du Québec à
l'étranger qui compte aujourd'hui 27 délégations ou
bureaux répartis à travers le monde. La capacité d'action
du Québec ne repose sur aucune assise constitutionnelle au-delà
de ses champs de compétence. Toute extension du réseau, toute
ouverture d'une nouvelle délégation repose sur l'assentiment
préalable du gouvernement fédéral. En dépit de son
intention d'ouvrir des délégations, entre autres à
Séoul et à Dakar, le Québec n'a pu réaliser ce
projet en raison du refus d'Ottawa d'y consentir.
L'organisation du monde s'agence autour de trois courants fondamentaux
et complémentaires: premièrement, la souveraineté
constitue la base du système; deuxièmement,
l'interdépendance économique continentale et internationale
régit les échanges entre les pays; troisièmement, des
solidarités diversifiées entre pays, ponctuelles ou
prolongées, amènent le développement de plusieurs
modèles de coopération bilatérale et multilatérale.
Pour accéder à la scène internationale, s'y faire
reconnaître comme partenaire, le Québec devra se conformer aux
exigences du système tel qu'il est.
D'abord, il faut être un État souverain. Accéder
à ce statut implique que nous exercions notre droit à
l'autodétermination. Pour faciliter la reconnaissance de notre
souveraineté par les autres pays, nous disposons d'un atout
indéniable. Détenteur d'une solide tradition démocratique,
un tel choix implique chez nous une décision prise librement par
l'électorat. Lorsqu'elle s'affirme ainsi dans notre monde, la
souveraineté d'un peuple n'est pas contestée à
l'échelle internationale. La reconnaissance du Québec par
d'autres États souverains repose sur la légitimité du
processus d'accession à la souveraineté découlant de
l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple
québécois dont il s'est prévalu en mai 1980. La tenue d'un
référendum permettant l'expression d'un choix dans des conditions
démocratiques et tout à fait respectueuses du droit international
facilitera la reconnaissance du Québec comme État souverain par
d'autres États souverains.
Le projet de souveraineté du Québec s'inscrit tout
à fait dans le contexte d'inter- dépendance des États. En
effet, à l'heure de la mondialisation des marchés, de petits
États peuvent en même temps conserver leur identité
nationale, préserver leur souveraineté tout en s'inscrivant dans
de grands marchés économiques dépassant leurs
frontières. La souveraineté offre au Québec, sur le plan
international, un avantage incontestable. La souveraineté, c'est, en
fait, la capacité pleine et entière de conclure des
traités avec d'autres États souverains en nous assurant
nous-mêmes directement de la défense de nos intérêts
propres plutôt que de continuer de nous en remettre à un autre
gouvernement dont le mandat couvre des intérêts plus vastes et
parfois en contradiction avec ceux du Québec. Les négociations du
GATT de l'an dernier, au plan agricole, ont démontré que le
gouvernement fédéral a avancé des propositions qui ne
répondaient pas aux intérêts des producteurs de lait du
Québec et sont un exemple récent que plusieurs d'entre nous garde
encore frais en mémoire.
La souveraineté, c'est également la capacité et le
droit de participer pleinement, comme État membre, aux divers organismes
internationaux qui peuvent desservir les intérêts collectifs des
Québécois et des Québécoises. En faisant son
apparition en tant qu'acteurs à part entière sur la scène
internationale, le Québec y occuperait une place de choix et,
d'ailleurs, fort enviable par les quelque 170 États souverains de la
planète. Situons les choses: Selon les données relatives au
produit intérieur brut par habitant de 1988, le Québec souverain
aurait occupé le troisième rang parmi les pays de l'OCDE,
après les États-Unis mais devant le Japon, et, en 1989, le
quatorzième rang sur 24 quant aux valeurs de la production
intérieure brute, en bonne place parmi des pays de dimensions
comparables tels la Suède, la Suisse, l'Autriche, la Finlande, le
Danemark et la Norvège.
Permettez-moi, M. le Président, d'ouvrir ici une
parenthèse pour rejeter une fois pour toutes certaines insinuations
malveillantes qu'avancent nos adversaires, comme en 1980, à savoir que
le projet de souveraineté s'inspire d'un repliement sur soi d'une
fermeture au monde. Rien, dans l'évolution de la présence
internationale du Québec des 30 dernières années, ne
justifie de tels propos calomniateurs. Le Québec a donné au moins
autant que toute autre province, et que le gouvernement fédéral
lui-même, la preuve de son ouverture au monde par ses actions de
coopération internationale, comme par ses initiatives économiques
hors frontières. Au contraire, il y a même été un
aiguillon pour le Canada dans son ensemble, entre autres, en ce qui concerne
nos relations avec l'Afrique francophone. "Pour les peuples comme pour les
individus - écrivait Fernand Dumont dans La Vigile du Québec
-accéder à l'universel, c'est d'abord choisir soi-même
la porte d'entrée." Je voudrais bien que nos détracteurs me
disent ce qu'il y a de
recroquevillé ou d'étriqué à vouloir
s'ouvrir sur le monde, mais en étant maître de la porte
d'entrée. De plus, personne ne niera que le Québec a
été le fer de lance de la lutte pour la conclusion de l'Accord de
libre-échange entre le Canada et les États-Unis et qu'il est
présentement, encore une fois, l'un des principaux promoteurs de
l'extension de ce traité au Mexique.
Accéder à la souveraineté, c'est, aujourd'hui plus
que jamais, un défi passionnant et inéluctable pour le
Québec. En accédant à la souveraineté, le
Québec pourra se doter enfin d'une véritable politique de
relations internationales selon ses propres priorités et couvrant tous
les secteurs d'activité d'une société
industrialisée parmi lesquelles nous sommes. Cette politique
internationale du Québec sera articulée par un véritable
ministère des Affaires étrangères dont les principaux axes
d'intervention seront les relations publiques, la promotion commerciale, les
relations universitaires, les relations culturelles, la coopération
internationale, l'immigration et le soutien aux francophones hors
Québec.
Au chapitre des relations politiques, un Québec souverain ne
déploiera pas ses activités tous azimuts. Le Québec
souverain devra se donner une politique internationale à sa mesure
impliquant un choix de priorités et de stratégies qui viseront
avant tout à promouvoir les intérêts économiques et
culturels de la société québécoise. La politique de
ce nouveau Québec souverain s'appuiera sur deux axes principaux
d'intervention: les relations multilatérales, les relations
bilatérales.
Au niveau multilatéral, le Québec sollicitera une
participation active à l'Organisation des Nations Unies et à ses
institutions spécialisées dont l'UNESCO, l'Organisation mondiale
de la santé, l'OACI, la Commission internationale des droits humains,
pour n'en nommer que quelques-unes. Le Québec insistera également
pour assumer pleinement ses responsabilités au sein du NORAD et de
l'OTAN. En matière de francophonie, le Québec deviendra
participant de plain-pied à l'Agence de coopération culturelle et
technique. Il demandera également son intégration comme membre de
plein droit à l'OCDE et au GATT.
Au niveau des relations bilatérales, le Québec attachera
une importance toute naturelle et particulière à ses
échanges avec le Canada, particulièrement dans le cadre d'une
association économique ou, tout au moins, d'ententes reconnaissant par
traité la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux.
Viendront ensuite, dans l'ordre des priorités, sur un pied
d'égalité en quelque sorte, mais à des titres divers, les
États-Unis et la France.
Il va de soi que les liens politiques et commerciaux étroits
s'imposent avec notre voisin américain. C'est l'évidence
même puisque déjà les États-Unis sont de loin notre
principal partenaire économique. Et, dans ce sens, notre priorité
sera d'assurer le maintien de la participation du Québec au
traité de libre-échange existant entre le Canada et les
États-Unis. Je vois mal quelles difficultés pourraient surgir
à cet égard, puisque les intérêts qui motivaient le
gouvernement américain à conclure un traité de
libre-échange avec le Canada demeureront les mêmes à
l'endroit d'un Québec souverain, qu'il s'agisse d'accès aux
ressources hydroélectriques, de commerce, de services ou
d'investissements.
Quant aux liens privilégiés que le Québec
entretient avec la France depuis maintenant 30 ans, ils seront renforcés
et élargis en raison des coudées franches qu'auront nos deux
gouvernements. Il ne faut pas oublier que c'est en grande partie grâce
à la France que le Québec a pu acquérir la
personnalité internationale dont il jouit déjà. Nos
relations avec les pays francophones continueront de prendre appui sur la
France, d'autant plus que cet appui deviendra déterminant pour
promouvoir le développement de liens économiques avec la
Communauté européenne et son Marché commun de plus de 320
000 000 de consommateurs. C'est également dans une perspective semblable
qu'il faut envisager d'attacher une importance particulière à nos
rapports avec la Belgique et sa communauté de langue française.
Il faudra également, parmi les priorités, retenir les rapports du
Québec avec la Grande-Bretagne pour des raisons historiques et
culturelles, compte tenu tout spécialement de notre importante
communauté anglophone, mais aussi parce que la Grande-Bretagne a
été jusqu'ici notre principal partenaire économique
européen.
Finalement, un Québec souverain pourra intégrer
l'Organisation des États américains, ouvrant ainsi la porte
à de nouvelles relations avec quelques pays d'Amérique latine
avec lesquels nous avons amorcé des échanges et avec lesquels
nous partageons certaines complémentarités.
Au chapitre de la promotion commerciale, l'importance des
échanges internationaux pour le Québec n'a plus à
être démontrée, puisque 40 % de notre production est
exportée à part quasiment égaie vers le reste du Canada et
l'extérieur du pays. Il faut cependant préciser qu'une tendance,
indiquant que le Québec exporte maintenant davantage vers
l'international que vers les autres provinces canadiennes, est nettement
amorcée. On peut donc prévoir que notre dépendance vers le
marché canadien s'estompe graduellement.
En 1989, les vraies exportations du Québec sont passées de
23 300 000 000 $, représentant plus de 15 % du produit intérieur
brut et générant près de 300 000 emplois. Ces chiffres
cachent cependant une réalité contrastée, puisque notre
balance commerciale affiche toujours un déficit global important, 3 400
000 000 $ en 1989, et ce, malgré un excédent de 4 600 000 000 $
constaté dans le commerce avec
les États-Unis. De plus, les soldes commerciaux les plus
récents, ceux de 1990, montrent une tendance inquiétante. Pour le
Québec, ils se détériorent avec les principales zones
géographiques du monde, sauf avec l'Amérique du Sud, l'Afrique et
le Moyen-Orient.
Globalement, le déficit se creuse de 1 230 000 000 $ pour
atteindre 2 800 000 000 $ pour le premier semestre de 1990. Le ministère
des Affaires internationales constate à cet égard que la
diminution du surplus avec les États-Unis s'est accompagnée d'un
accroissement sérieux du déficit avec l'Europe, avec l'Asie et
avec l'Océa-nie. Il devient donc impérieux, devant une telle
situation, de renforcer et de muscler nos efforts de promotion commerciale
à l'extérieur. (0 h 20)
Pour appuyer ces efforts de promotion dans un Québec souverain,
les activités de la Société fédérale pour
l'expansion des exportations, la SEE, seront prises à charge soit par la
Société de développement industriel, la SDI, ou par une
société d'État autonome du ministère des Affaires
étrangères, afin de maintenir les niveaux d'aide aux exportations
dont bénéficient les entreprises québécoises. Le
Québec, en siégeant au tribunal d'arbitrage prévu par
l'accord de libre-échange pourra lui-même assumer directement la
défense de ses intérêts au chapitre des mesures
américaines défavorisant, par exemple, l'exportation de porc ou,
encore, participer directement aux négociations en cours sur la
définition de la notion de subvention aux exportations prévue par
l'Accord de libre-échange.
Parallèlement aux efforts de promotion commerciale, un
Québec souverain aura les coudées franches pour attirer chez nous
les capitaux étrangers en vue de favoriser, entre autres, les secteurs
de haute technologie, l'industrie québécoise de matériel
aéronautique et aérospatial, la biotechnologie, son utilisation
dans l'industrie des pâtes et papiers ou l'agro-alimen-taire, la
transformation des plastiques et des nouveaux matériaux, l'apport
étranger, déjà fortement concentré dans les
industries qualifiées d'énergivores, alumineries,
pétrochimie pourraient être davantage orientés vers la
seconde transformation de produits de base.
Déjà, le Québec possède des atouts
indéniables pour attirer de nouveaux investisseurs étrangers. Il
nous faut maintenant les pleins pouvoirs que seule la souveraineté peut
nous fournir pour attirer et encadrer ces investissements. En raison du peu de
temps qui m'est alloué, je regrette, M. le Président, de ne
pouvoir m'étendre sur les autres grands axes autour desquels
s'articulerait notre politique étrangère, soit les relations
universitaires, les relations culturelles et la coopération
internationale, champs d'activité qui, par le passé, ont bien
servi le Québec dans ses efforts d'établir des contacts
internationaux.
Je tiens, cependant, à apporter les préci- sions qui
suivent sur deux aspects importants d'une politique extérieure d'un
Québec indépendant: l'immigration et la citoyenneté, d'une
part, les relations avec les francophones hors Québec, d'autre part. Le
Québec souverain aura pleine juridiction sur son immigration, tant au
niveau de la sélection que de l'intégration. Nous n'aurons plus
à accueillir des immigrants dans un Québec, province canadienne
à majorité française, avec toutes les
ambiguïtés et les messages contradictoires que cela véhicule
pour les non francophones qui s'installent chez nous. Nous accueillerons
dorénavant les nouveaux venus dans un pays français où il
n'y aura plus d'ambiguïté quant à la langue d'usage,
à la langue de travail et à la langue d'enseignement. Le fait
d'être seul maître de notre politique d'immigration dissipera les
fausses images ou les images tronquées de la réalité
québécoise que présentent, malheureusement, trop souvent
à l'étranger les représentants du gouvernement
fédéral.
Étant donné qu'immigration, citoyenneté et
passeports sont interreliés, je tiens à préciser que la
citoyenneté québécoise sera accordée
automatiquement à tout citoyen canadien qui, au moment de l'accession
à la souveraineté, et résidant au Québec, ainsi
qu'à toute personne qui sera née... L'immigrant reçu
pourra obtenir sa citoyenneté selon les délais prévus
actuellement pour la citoyenneté canadienne.
Toute personne naissant dans un Québec souverain deviendra
automatiquement citoyenne québécoise, de même que toute
personne née à l'étranger d'un père ou d'une
mère de citoyenneté québécoise. La
citoyenneté sera reconnue par un passeport québécois. De
la même manière que la France qui, comme mère patrie
conserve une affection particulière pour ceux et celles que jadis elle
envoyait s'établir en Nouvelle-France, de la même manière,
il est inacceptable que le Québec définisse son avenir en
ignorant les francophones des autres provinces envers lesquels son devoir de
solidarité reste tout entier.
Dans sa démarche, le Québec n'a jamais mis en cause les
droits, le statut et la protection de sa minorité linguistique. Il est
en droit d'attendre le même traitement de la part du Canada anglais.
Comme de nombreux pays dans le monde qui apportent aide et soutien à des
communautés nationales qui leur sont proches, le Québec souverain
prendra des engagements fermes à l'égard des minorités
francophones hors Québec. Ces engagements pourront contenir, entre
autres, les éléments suivants: un code qui garantisse les droits
des minorités linguistiques francophones et anglophones respectives. Ce
code pourrait faire l'objet d'un traité entre le Canada et le
Québec. Des propositions concernant les relations culturelles,
économiques et politiques entre le Québec et les
communautés francophones du Canada, y compris le peuple acadien,
basées sur la non-ingérence et le respect des
particularités; des propositions d'appui du Québec au
réseau
institutionnel des francophones hors Québec dans les domaines de
l'éducation, de la culture, des communications, des affaires sociales,
de la santé et de l'économie; l'engagement d'aider techniquement
et financièrement les groupes et associations qui se dévouent
à la défense et à la promotion des droits des
communautés francophones.
Pour articuler les diverses composantes d'une véritable politique
étrangère d'un État souverain, un réseau
d'ambassades à l'étranger sera progressivement bâti en
fonction des intérêts bilatéraux et multilatéraux
identifiés par le gouvernement du Québec. Ce réseau nous
permettra de mieux assurer la défense de l'ensemble de nos
intérêts, y compris en matière de commerce
extérieur, puisque nous communiquerons directement, désormais,
auprès des autorités gouvernementales étrangères
plutôt que par personnes interposées.
Les incartades du premier ministre fédéral, M. Mulroney,
en regard des chefs de gouvernement qui ont visité le Canada
dernièrement ainsi que ses attaques déplacées et
outrancières contre le gouvernement ontarien devant des auditoires
japonais perplexes, confirment le vieux dicton selon lequel on n'est jamais
aussi bien servi que par soi-même. Pour faire fonctionner ce
réseau de représentation à l'étranger, pour
articuler nos objectifs et nos priorités, nous établirons une
véritable diplomatie québécoise de carrière
à laquelle seront intégrés, s'ils le veulent bien, les
fonctionnaires québécois oeuvrant présentement au
ministère fédéral des Affaires extérieures.
En terminant, M. le Président, je demande que la succession des
traités internationaux conclus par le Canada au nom des
Québécois fasse l'objet d'une attention spécifique, lors
des travaux de la commission parlementaire spéciale créée
par ce projet de loi 150, aux fins d'étudier les modalités
d'accession à la souveraineté. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de Bertrand. M. le député d'Iberville.
M. Lafrance: Oui, M. le Président, avec le consentement,
j'aimerais, s'il le permet, adresser une question au député de
Bertrand.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Bertrand, est-ce que vous permettez au
député d'Iberville de vous poser une brève question et d'y
apporter une brève réponse?
M. Beaulne: Bien, avec grand plaisir, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le
député d'Iberville, si vous voulez poser votre question.
M. Lafrance: Je vous remercie. Alors, si j'ai bien suivi ses
propos, le député et son parti préconisent qu'un
Québec souverain demanderait un siège, il va de soi, à
l'Organisation des Nations Unies. Or, j'ai en main, ici, la charte de
l'Organisation des Nations Unies...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre question.
M. Lafrance: ...l'article 43, qui demande à ce que tout
pays souverain ait des forces armées. J'aimerais savoir ses vues sur les
forces armées québécoises, sur le partage de la
sécurité avec le Canada et le continent nord-américain, et
les coûts que ça impliquerait.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: Oui, je remercie le député de sa
question. C'est une excellente question et d'ailleurs d'actualité.
Effectivement, le Québec souverain va avoir une force armée tout
comme il va avoir un service extérieur et, de la même façon
que nous avons déjà procédé dans certains secteurs,
par exemple, en matière de revenu, où nous avons
déjà commencé à intégrer des fonctionnaires
fédéraux dans notre propre ministère du Revenu pour, entre
autres, percevoir la TPS. De la même façon que nous invitons les
fonctionnaires québécois du ministère des Affaires
extérieures, qui le veulent bien, à s'intégrer à
notre fonction publique professionnelle, à notre diplomatie de
carrière, de la même façon, les militaires
québécois qui sont présentement membres de
régiments québécois, seront invités à
constituer les éléments de base d'une force
québécoise. D'autre part...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Monsieur, si...
M. Beaulne: ...le rôle de ces forces armées sera
semblable à celui qui est présentement dévolu aux forces
canadiennes, entre autres, le maintien de la paix, la participation aux
opérations...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez
conclure.
M. Beaulne: ...de paix des nations unies, la surveillance de nos
gardes côtières et l'intervention en cas d'incidents majeurs.
d'autre part, en ce qui concerne les coûts...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, si vous voulez conclure rapidement.
M. Beaulne: Je vois que le député me demande, en
matière de coûts, et je tiens à lui répondre parce
que c'est important.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, mais vous comprenez
que la réponse doit être brève également.
M. Beaulne: Oui, mais la question était longue.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La question était
brève...
M. Beaulne: La question était peut-être...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...mais la
réponse est plus longue.
M. Beaulne: ...brève mais elle impliquait, enfin, des
éléments assez importants. Au niveau des coûts, je
rappellerai au député que si on prend comme base de discussion du
partage et des actifs et de la dette fédérale à laquelle
le Québec contribue, pour 25 %, à l'ensemble des dépenses
du gouvernement fédéral, bien, je ne vois pas de quelle
façon nous n'accepterions pas d'absorber, pour notre part, les frais
afférents à nos petites forces armées. Il faut bien
l'avouer. Et le ministère...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. Je vous remercie. Alors, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: M. le Président, étant
donné l'heure tardive, nous allons ajourner nos travaux. Je fais une
motion pour ajourner nos travaux au jeudi 13 juin 1991,10 heures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que cette
motion d'ajournement est adoptée?
Une voix: Oui.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les
travaux de cette Assemblée sont ajournés à ce matin, le
jeudi 13 juin, à 10 heures.
(Fin de la séance à 0 h 30)