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Version finale

34e législature, 1re session
(28 novembre 1989 au 18 mars 1992)

Le mercredi 12 juin 1991 - Vol. 31 N° 139

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

 

(Dix heures trois minutes)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez vous asseoir. Merci.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Oui, M. le Président. Ce matin, j'ai l'insigne honneur et le privilège de vous demander d'appeler l'article 6 de notre feuilleton.

Projet de loi 150 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, M. le ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes propose l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. M. le ministre de la Justice et ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes.

M. Gil Rémillard

M. Rémillard: Merci, M. le Président. Son Excellence le lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée.

Nous étudions aujourd'hui le principe de l'un des projets de loi les plus significatifs pour l'avenir du Québec que cette Assemblée ait jamais eu à discuter. Ce projet de loi reprend essentiellement les conclusions et recommandations de la Commission Bélanger-Campeau créée par cette Assemblée le 4 septembre dernier, ainsi que certains principes fondamentaux qui régissent le fonctionnement de nos institutions politiques démocratiques.

Après plus de six mois de consultations, d'auditions, de délibérations, les commissaires, très majoritairement, en arrivaient à une même recommandation: "Que l'Assemblée nationale adopte au printemps 1991 une loi établissant le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec." C'est exactement ce que nous faisons aujourd'hui et ferons dans les prochains jours: traduire en termes législatifs le consensus de la Commission Bélanger-Campeau.

Ce consensus est clairement exprimé au dernier paragraphe de la conclusion de la Commission. Je le cite: "Un constat clair, deux voies de solution tout aussi claires, dont l'une ne peut être adoptée que si les partenaires du Québec le veulent aussi, et dont l'autre requiert d'être préparée quel que soit le choix posé: voilà les éléments soumis à la considération des Québécoises et des Québécois. Avec ses forces et faiblesses, sur le plan de la géographie et de ses ressources physiques et humaines, le Québec doit désormais poser son choix et procéder à sa mise en oeuvre dans les meilleurs délais."

C'est ainsi, M. le Président, que le coeur de ce projet de loi est la création de deux commissions parlementaires, l'une pour étudier les questions afférentes à la souveraineté, et l'autre pour analyser les offres qui pourraient nous parvenir du gouvernement fédéral et des autres provinces. Ces deux commissions parlementaires n'ont qu'un seul but, celui d'informer le plus complètement possible les Québécois et les Québécoises des différents enjeux pour qu'ils puissent faire un choix éclairé. En effet, ce projet de loi signifie avant tout une obligation de résultat qui devrait se traduire soit par un fédéralisme profondément renouvelé, soit par la souveraineté. Cette obligation de résultat, nous la retrouvons dans un échéancier qui traduit clairement la volonté des Québécois de mettre un terme à plus de 30 ans de négociations constitutionnelles profondément insatisfaisantes.

L'article 1 de la loi établit qu'il y aura un référendum sur la souveraineté du Québec, soit entre le 8 juin et le 22 juin 1992, soit entre le 12 et le 26 octobre 1992. Mon objectif dans cette intervention est de présenter les différents éléments de la loi, d'abord en les situant dans le contexte des revendications historiques du Québec, ensuite en leur attribuant le sens et la portée découlant des mots et de l'esprit de cette loi.

M. le Président, lorsque nous revoyons les revendications constitutionnelles du Québec depuis les 30 dernières années, on constate que tant le rapport Allaire du Parti libéral du Québec que celui de la Commission Bélanger-Campeau en rendent bien compte. Depuis 30 ans, le Québec, peu importent les partis politiques qui l'ont gouverné, n'a jamais cessé de réclamer des changements profonds au fédéralisme canadien pour exprimer pleinement ce qu'il est et partager ce qu'il a en commun avec les autres provinces canadiennes. De 1960 à aujourd'hui, du "Martres chez nous" de Jean Lesage à un "Québec libre de ses choix" de Robert Bourassa, les gouvernements qui se sont succédé au Québec ont historiquement, avec constance et détermination, exposé et réitéré les mêmes revendications: premièrement, la reconnaissance du Québec comme société distincte; deuxièmement, la nécessité d'une révision d'ensemble du partage des pouvoirs devant conduire à une réforme profonde du fédéralisme canadien; troisièmement, l'obligation de trouver une solution aux problèmes inacceptables résultant des divers dédoublements entre les deux niveaux de gouvernement; quatrièmement, la dénonciation de l'utilisation abusive et incontrôlée du pouvoir fédéral de dépenser dans les domaines de compétence provinciale; cinquièmement, la ga-

rantie d'un droit de veto au Québec, à l'égard de tout amendement constitutionnel le concernant; sixièmement, la révision des structures de certaines institutions fédérales, notamment la Cour suprême du Canada.

De plus, M. le Président, d'importantes commissions fédérales ont affirmé que le Québec constituait une société distincte et qu'il devait posséder les pouvoirs nécessaires afin que sa spécificité puisse librement s'épanouir à l'intérieur de la Fédération canadienne. En 1967, la Commission d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, la commission Laurendeau-Dunton, mise sur pied par le gouvernement Pearson, écrivait dans son rapport, et je cite: "Le mot "société", disions-nous, désigne ici les formes d'organisation et les institutions qu'une population assez nombreuse, animée par la même culture, s'est données et a reçues, dont elle dispose librement, sur un territoire assez vaste, et où elle vit de façon homogène, selon des normes et des règles de conduite qui lui sont communes. Et nous avons reconnu, dans le Québec, les principaux éléments d'une société francophone distincte." Fin de la citation. (10 h 10)

Douze ans plus tard, en 1979, la Commission fédérale sur l'unité canadienne, la commission Pépin-Robarts, créée par le gouvernement Trudeau pour étudier les problèmes constitutionnels canadiens, affirmait, et je cite: "Le Québec est différent et devrait détenir les pouvoirs nécessaires à la préservation et au développement de son caractère distinct au sein d'un Canada viable. Toute solution politique qui ne répondrait pas à cette attente signifierait l'éclatement du pays." Fin de la citation.

En 1984, la Commission fédérale sur l'union économique et les perspectives de développement au Canada, la commission MacDonald, reconnaissait que, dans une perspective plus globale, le Québec devait disposer des moyens susceptibles de lui permettre d'exprimer davantage son caractère distinct. La commission faisait remarquer, notamment à l'égard des relations internationales et des communications, et je cite: "II est à prévoir également que, dans des domaines comme ceux des relations internationales et des communications, le Québec va continuer à faire valoir ses positions traditionnelles pour qu'une plus grande marge de manoeuvre lui soit accordée. Isolé sur un continent essentiellement anglophone, le Québec n'a pas d'autre choix que de chercher à s'ouvrir sur le monde extérieur et, en particulier, sur la francophonie internationale." Fin de la citation.

Le Québec, M. le Président, a toujours revendiqué un fédéralisme asymétrique qui reconnaîtrait son caractère distinct, un fédéralisme décentralisé qui serait plus efficace et un fédéralisme plus intégré qui permettrait le fonctionnement d'un espace économique plus solide, plus dynamique. Les commissions fédérales chargées d'étudier les questions constitutionnelles ont toujours conclu que le Québec devrait avoir tous les pouvoirs nécessaires pour exprimer sa spécificité et que cela était parfaitement compatible avec le fédéralisme.

Le Québec forme une société distincte tant par son histoire que par sa réalité contemporaine. Cette distinction est même la raison d'être du fédéralisme canadien. Tupper, l'un des Pères de la Confédération disait que si ce n'avait été du Bas-Canada, nous aurions eu un État unitaire, comme le voulait d'ailleurs John A. Macdonald. On ne pourra donc jamais oublier dans toute réforme constitutionnelle que le Québec a été et demeure une société distincte. Le Parlement britannique l'a clairement reconnu en 1774 dans l'Acte de Québec et par l'Acte constitutionnel de 1791, et c'est la spécificité du Québec qui a été l'un des fondements principaux de la Fédération de 1867. Toute réforme constitutionnelle qui négligerait de confirmer d'une façon claire et explicite, le caractère distinct du Québec, est inacceptable.

Certains intervenants seraient, semble-t-il, d'accord pour nous reconnaître comme un bibelot ou une coquetterie dans une clause Canada inscrite dans le préambule de la Constitution. C'est nettement inacceptable. Un préambule n'a pas la même valeur que le texte de la Constitution. Le Québec n'acceptera pas de faire en sorte que son statut soit dilué de façon insignifiante dans un préambule.

Pendant plus d'un siècle, le Québec s'est développé à l'intérieur de la Fédération canadienne en exprimant de plus en plus son caractère distinct, avec fermeté et constance. À partir des années soixante et de la Révolution tranquille, ses revendications se sont faites plus pressantes. Le Québec réalisait alors qu'il se devait d'obtenir certaines garanties et certains outils pour lui permettre d'exprimer pleinement sa spécificité aux plans social, culturel et économique et des gains importants furent ainsi réalisés. Mentionnons le droit à Popting out" avec compensation financière d'un programme fédéral, droit que le Québec a utilisé à quelques reprises, notamment pour le Régime de rentes et pour d'autres programmes fédéraux en 1966. Mentionnons une plus grande reconnaissance internationale du Québec par des délégations à travers le monde dont certaines ont, dans les faits, le statut de consulat. Mentionnons une relation bilatérale directe avec la France, la participation de plein droit, depuis 1970, à titre de gouvernement participant, à une organisation internationale, l'Agence de coopération culturelle et technique, permettant au Québec de jouer un rôle de premier plan dans l'organisation des sommets de la francophonie, une entente en matière d'immigration, l'entente Cullen-Couture signée en 1978, permettant au Québec de choisir à l'étranger les immigrants désireux de s'établir au Québec.

Malheureusement, M. le Président, après plus d'un siècle de développement au sein de la Fédération canadienne, le Québec s'est retrouvé, à l'occasion du rapatriement de 1982, exclu, isolé de la réforme constitutionnelle la plus significative qu'ait connue le Canada depuis la création de la Fédération en 1867. Refusant de donner suite à ses engagements formels de renouvellement en profondeur du fédéralisme canadien, contractés durant la campagne référendaire de 1980, le gouvernement fédéral entreprit des négociations qui aboutirent à la proclamation de la Loi constitutionnelle de 1982, malgré l'opposition de l'Assemblée nationale du Québec.

Cette Loi constitutionnelle de 1982 est toujours, aux yeux du Québec, incomplète, illégitime et, par conséquent, fondamentalement inacceptable. Non seulement cette loi constitutionnelle ne respectait pas les positions traditionnellement exprimées par le Québec, mais elle a réduit ses droits et privilèges historiques, notamment par la perte de son droit de veto. On ne peut oublier l'histoire, M. le Président. On ne peut se comporter comme si rien ne s'était produit, il y a 10 ans. L'injustice de 1982 doit être réparée. Par une étrange ironie, on peut dire que certaines dispositions de la Loi constitutionnelle de 1982 reconnaissent à leur manière le caractère spécifique du Québec. Ainsi, tout d'abord, la formule d'amendement par l'article 40 de la loi de 1982, qui donne exceptionnellement une compensation financière à tout gouvernement d'une province qui se retire d'un amendement constitutionnel en matière de culture et d'éducation. On sait que cette exception a été consentie pour le Québec afin qu'il puisse protéger sa langue et sa culture.

Ensuite, il y a l'article 59 qui rend inapplicable au Québec le critère de la langue maternelle à moins d'une autorisation de l'Assemblée nationale ou du gouvernement du Québec. Aucune autre province ne jouit de cette clause. C'est un article qui signifie que si un Parisien immigrant à Winnipeg peut inscrire ses enfants à l'école française, dans la mesure où le nombre le justifie, un Londonien immigrant au Québec doit obligatoirement inscrire ses enfants à l'école française. Pourquoi, alors, M. le Président, pourquoi, cette opposition si forte à la reconnaissance formelle du Québec comme société distincte?

En 1982, on avait reconnu que la charte devait s'interpréter à la lumière des droits des autochtones par l'article 25, que la charte devait s'interpréter à la lumière du patrimoine multicul-turel, par l'article 27. Les autochtones, les communautés culturelles, la dualité canadienne et le régionalisme sont reconnus par la loi constitutionnelle de 1982 qui a réalisé le rapatriement de la Constitution, mais le Québec, lui, est ignoré. C'est dans ce contexte, M. le Président, qu'il faut considérer la réelle signification de l'échec de l'entente du lac Meech.

Comme on le sait, l'entente du lac Meech du 30 avril 1987 acceptait les cinq conditions posées par le Québec pour sa réintégration dans la famille canadienne comme partenaire à part entière et son acceptation de la loi constitutionnelle de 1982, la reconnaissance du Québec comme société distincte, des pouvoirs accrus en matière d'immigration, une délimitation du pouvoir fédéral de dépenser, la récupération par le Québec de son droit de veto, la reconnaissance constitutionnelle des trois juges du Québec à la Cour suprême et le droit du Québec de participer à leur sélection. (10 h 20)

Comme le mentionnait le premier ministre, M. Bourassa, dans son discours du 23 juin 1990 au salon rouge, le Québec, en posant des conditions aussi raisonnables, se trouvait à prendre un risque avec l'histoire. M. Bourassa ajoutait que si nous avons été modérés, c'est que nous voulions réussir, mais, en même temps, cette modération se trouvait à être un test, pour la volonté du Canada anglais, de comprendre le Québec.

Pendant trois ans, nous avons, comme gouvernement, fait montre de patience et d'ouverture. Nous n'avons pas manqué une occasion d'expliquer l'importance de l'entente du lac Meech pour le Québec et pour le Canada. Malheureusement, nos partenaires canadiens n'ont pas tous apprécié les mérites de l'entente du lac Meech pendant qu'une majorité de la population canadienne, mal renseignée sur la réelle portée de cette entente du lac Meech, la rejetait.

L'échec de Meech a donc conduit le Québec à entreprendre une réflexion fondamentale et déterminante quant à son avenir politique et constitutionnel, réflexion qui se concrétise dans ce projet de loi 150. S'il y a une chose qu'on peut conclure de ces négociations infructueuses des trois dernières années, c'est que le processus de révision constitutionnelle existant au Canada a été discrédité par le refus de certains premiers ministres d'honorer leur signature donnée à trois reprises, une première fois le 30 avril 1987 au lac Meech, une deuxième fois le 3 juin 1987 à Ottawa et une troisième fois le 9 juin 1990 à Ottawa. Pour les Québécois, l'échec de Meech est difficile à accepter.

Le Québec avait dit oui au Canada lors du référendum de mai 1980 et le Québec a réitéré ce oui avec l'accord du lac Meech. Par deux fois, le Québec avait démontré son attachement au Canada. Le reste du Canada a dit non au Québec en 1982 et non, une fois encore, en 1990. Il ne faut donc pas s'étonner que les Québécois veuillent maintenant, et plus que jamais, décider seuls de leur avenir politique et constitutionnel.

Suite à l'échec de Meech, le gouvernement du Québec a adopté une politique ferme qu'il continuera d'appliquer tant que le Québec n'aura pas obtenu réparation de l'injustice commise à son endroit en 1982. Le Québec ne retourne plus

à la table des négociations constitutionnelles. Le Québec ne négocie plus à onze, mais seulement avec le gouvernement fédéral d'une façon bilatérale. Des discussions peuvent avoir lieu avec d'autres provinces, mais sur une base bilatérale. Le Québec ne participe à aucune conférence ou rencontre fédérale-provinciale ou interprovinciale, à moins que les intérêts supérieurs du Québec ne l'exigent.

Difficile à accepter, l'échec de l'accord du lac Meech paraît cependant avoir contribué à sensibiliser plusieurs gouvernements au Canada sur un fait: le fédéralisme canadien n'est plus adapté aux réalités présentes du Canada et aux défis nouveaux posés par la concurrence internationale d'un nouvel ordre mondial.

Tous les gouvernements du Canada veulent une réforme de la Constitution, mais pour le Québec, cette réforme passe par sa réintégration dans la Fédération canadienne comme partenaire à part entière. Cela demeure un prérequis essentiel. Il ne peut y avoir de réforme constitutionnelle au Canada sans qu'elle ne comprenne les cinq conditions incontournables pour rendre acceptable au Québec la loi constitutionnelle de 1982. Cela inclut la reconnaissance explicite du Québec comme société distincte. Le Québec au sein d'un fédéralisme profondément renouvelé représente l'option que le gouvernement du Québec privilégie.

Mais entendons-nous, M. le Président. Pas de fédéralisme à n'importe quel prix ou à n'importe quelles conditions. Nous vouions un fédéralisme respectueux des attributions des provinces. Nous voulons un fédéralisme profondément décentralisé à la fois souple, efficace et intégré. Un fédéralisme décentralisé, ne signifie pas un lien fédératrt faible. Il représente plutôt une forme de fédéralisme qui, par sa souplesse et son dynamisme, vise à permettre une meilleure coordination, une répartition plus efficace des pouvoirs entre les deux niveaux de gouvernement pour respecter les particularités des communautés fédérées. Il vise un fédéralisme de concertation, qui nous permettra d'éviter le déficit énorme que connaît présentement le gouvernement fédéral.

C'est précisément, M. le Président, cette forme de décentralisation qui tend à une plus grande flexibilité et efficacité dans le partage des compétences que l'on retrouve dans le rapport Allaire et dans le rapport Bélanger-Campeau, rédigé à une période décisive de l'histoire du Québec. Ces deux rapports, en plus de tenir compte des récents événements constitutionnels et d'en tirer des conclusions nécessaires, s'inscrivent dans la continuité historique du Québec, respectent la tradition d'affirmation du Québec, qui existe dans sa forme moderne depuis au moins 30 ans.

En somme, les rapports Allaire et Bélanger-Campeau s'imbriquent en quelque sorte l'un dans l'autre. Ils se répondent et se complémentent pour exprimer les éléments principaux de la pensée politique et constitutionnelle du Québec d'aujourd'hui. Par conséquent, ils comportent nombre d'éléments convergents. Je ne citerai que ceux qui m'apparaissent les plus significatifs dans la mesure où ceux-ci expriment certains aspects importants du Québec d'aujourd'hui. Ces deux rapports Allaire et Bélanger-Campeau expriment clairement que les Québécois sont libres de décider seuls de leur avenir politique et constitutionnel.

Dans cette optique, chacun de ces rapports propose la tenue d'un référendum avec un échéancier précis, rigoureux. Chacun de ces rapports souligne que le statu quo est inacceptable pour le Québec. Chacun de ces rapports croit, d'une part, que le Québec doit posséder tous les pouvoirs nécessaires à son épanouissement comme société distincte et, d'autre part, qu'il faut chercher à maintenir, voire renforcer l'union économique canadienne, surtout dans le contexte présent de la mondialisation des économies et de la concurrence féroce qu'elle entraîne.

Sur ce dernier point, j'aimerais souligner certains passages du rapport Bélanger-Campeau qui rappellent les changements constitutionnels qui paraissent requis aux yeux des groupes et des personnes qui ont traité de l'option fédérale devant cette commission. Aux pages 54, 55 et 56 du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, nous pouvons lire ce qui suit - et je cite: "Les groupes et personnes qui ont traité de cette voie de solution ont fait part à la Commission de changements constitutionnels qui leur paraissent requis pour redéfinir le statut politique et les compétences du Québec. "Ces changements, de divers ordres, ont en commun certains éléments particuliers, entre autres: la nécessité d'instaurer entre le Québec et les autres parties du Canada une nouvelle relation fondée sur la reconnaissance et le respect de l'identité des Québécoises et des Québécois et de leur droit à la différence; un partage des compétences et des responsabilités qui garantisse au Québec une autorité exclusive à l'égard des matières et secteurs qui font déjà partie de ses champs de compétence exclusive, ce qui implique, entre autres, l'abolition dans ces secteurs du pouvoir fédéral de dépenser et l'élimination des chevauchements d'interventions; l'attribution au Québec, à titre exclusif, de compétences et responsabilités liées à son développement social, économique et culturel ainsi qu'au domaine de la langue; le transfert des ressources fiscales et financières afférentes aux compétences et responsabilités exercées par le Québec; la préservation d'une représentation du Québec au sein d'institutions communes qui reflète pleinement sa situation particulière au Canada; la garantie que le consentement du Québec soit requis à l'égard de toute modification constitutionnelle.

"Certains ont toujours proposé que, dans tous les cas applicables, le Québec dispose du droit de se soustraire à un transfert de compétence vers le palier fédéral, avec juste compensation (financière). Un tel droit de retrait avec compensation se substituerait dans ces cas au droit de veto." Fin de la citation. (10 h 30)

M. le Président, ces paramètres devraient servir, avec d'autres, aux travaux de la commission qui étudiera les offres de renouvellement du fédéralisme canadien. Si la réaction initiale à la publication des rapports Bélanger-Campeau et Allaire a été réservée, voire négative, dans le reste du Canada, certaines choses commencent à changer. Des commissions, des groupes de travail et des comités ont été mis en place par le gouvernement fédéral et par les provinces pour étudier la question constitutionnelle. L'entreprise de révision du fédéralisme canadien ne se limite donc pas au Québec. De plus en plus de Canadiens admettent que le Canada doit faire des modifications profondes à sa structure constitutionnelle pour s'adapter aux différents défis d'une fin de siècle difficile, tant sur le plan économique que social et culturel.

Voilà, M. le Président, le contexte dans lequel s'insère le projet de loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Nous avons toujours été fidèles à nos revendications historiques, et inébranlables dans notre volonté de préserver notre spécificité. Nous ne saurions oublier les événements de 1982 qui ont conduit à notre exclusion de la table constitutionnelle. Nous disons oui à une réforme globale et profonde de la Constitution canadienne à la condition qu'elle comprenne la réparation à l'injustice de 1982. Il m'appartient maintenant, M. le Président, d'examiner le projet de loi 150 et d'en faire ressortir le sens et la portée.

Le projet de loi 150 repose sur des principes fondamentaux incontournables pour le Québec. Ces principes balisent la démarche proposée et permettent de cerner le sens et la portée de la loi. Lorsque l'Assemblée nationale a créé, le 4 septembre 1990, le 4 septembre dernier, la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel, la Commission Bélanger-Campeau, elle a formulé un certain nombre de principes ou de considérants qui mettaient en lumière le contexte et le fondement du mandat de cette Commission.

Dans son rapport du 27 mars 1991, la Commission Bélanger-Campeau recommande que cinq de ses principes ou considérants soient inclus dans le préambule d'une loi dont elle propose l'adoption. Ces principes sont les suivants: premièrement, les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin et de déterminer leur avenir politique et constitutionnel; deuxièmement, les Québécoises et les Québécois veulent être associés à la défini- tion de leur avenir; troisièmement, la loi constitutionnelle a été proclamée malgré l'opposition de l'Assemblée nationale; quatrièmement, il y a eu échec de l'entente du lac Meech qui visait à permettre au Québec d'adhérer à la loi constitutionnelle de 1982; cinquièmement, il est nécessaire de redéfinir le statut politique et constitutionnel du Québec.

M. le Président, maintenant qu'il faut passer à l'action, le gouvernement croit opportun d'ajouter au préambule de la loi les autres considérants déjà contenus dans la loi du 4 septembre 1990 qui a créé la Commission Bélanger-Campeau et quatre principes, quatre considérants qui sont essentiels au fonctionnement harmonieux de nos institutions démocratiques.

Quels sont ces quatre principes? Tout d'abord, le premier principe est à l'effet que deux voies parallèles s'offrent désormais au Québec, soit la souveraineté du Québec, soit un réaménagement en profondeur du fédéralisme canadien. Ce principe est le coeur du projet de loi. Cela implique qu'il y aura deux commissions parlementaires, l'une pour étudier les questions afférentes à la souveraineté et l'autre pour analyser les offres qui pourraient nous parvenir du gouvernement fédéral et des autres provinces.

Le deuxième principe: ces deux voies parallèles doivent être traitées avec une égale attention et une même rigueur. Voilà la conclusion principale des travaux de la Commission Bélanger-Campeau. On ne saurait être contre ce principe de rigueur dans le traitement des deux options. Il s'agit ici de la volonté du Québec d'assurer une égale compréhension chez nos concitoyens, d'abord, des changements nécessaires au système fédéral canadien, ensuite des implications véritables de l'accès à la souveraineté.

Troisième principe: dans notre régime démocratique, M. le Président, le gouvernement doit conserver sa faculté d'initiative et d'appréciation des mesures favorisant le meilleur intérêt du Québec. C'est l'application de notre principe démocratique lui-même. Il s'agit là des prérogatives inhérentes au pouvoir exécutif, plus précisément de l'affirmation du droit du gouvernement de prendre les mesures les plus appropriées au bien-être du Québec.

Un quatrième principe: l'Assemblée nationale dort demeurer souveraine pour décider de toute question référendaire et, éventuellement, adopter les mesures législatives appropriées. Il s'agit ici de préciser, M. le Président, comme c'est le cas dans la loi référendaire, d'ailleurs, que c'est l'Assemblée nationale qui décidera des questions soumises au peuple par référendum. Un référendum est une des mesures les plus démocratiques qui puisse exister dans un système comme le nôtre, mais il est important que l'on prévoie un processus capable d'établir une question claire, et

ce processus existe déjà dans la loi référendaire. Nous faisons ici référence à la souveraineté de l'Assemblée nationale pour régler toute question référendaire. M. le Président, l'Assemblée nationale est le siège de la souveraineté du peuple, et il me paraît essentiel de nous y référer pour traiter des questions référendaires. Voilà, M. le Président, les principes fondamentaux que sous-tend le projet de loi 150 et qui apparaissent dans les considérants de la loi.

Le projet de loi 150 exprime la position constitutionnelle du gouvernement. Il présente la consécration légale du rapport Bélanger-Campeau. Le gouvernement a ainsi respecté le sens et les termes de l'important consensus qui s'est forgé, non sans difficultés, il faut le dire, à la Commission Bélanger-Campeau. L'article 1 du projet de loi 150 prévoit que le gouvernement du Québec tiendra un référendum sur la souveraineté entre le 8 et le 22 juin 1992 ou entre le 12 et le 26 octobre 1992, ce qui s'avère entièrement conforme à la recommandation de Bélanger-Campeau à ce sujet. Quant à l'interprétation qui est donnée par le gouvernement à ce référendum, j'ai déjà été très clair à ce sujet, M. le Président, en cette Chambre. L'article 1 du projet de loi parte d'un référendum sur la souveraineté, telle que celle-ci est déterminée à l'article 3 de la loi.

M. le Président, le gouvernement s'engage, par cette loi, à tenir ce référendum sur la souveraineté. Seule l'Assemblée nationale peut délier le gouvernement de son obligation de tenir ce référendum. Dans les premières délibérations de la Commission Bélanger-Campeau, les commissaires avaient considéré l'idée d'une déclaration solennelle de l'Assemblée nationale aux fins de la tenue d'un référendum sur la souveraineté, mais pour donner encore plus de force à cet engagement, la Commission a conclu qu'il était préférable de garantir la tenue de ce référendum par une loi. (10 h 40)

Pour être démocratique, un référendum doit poser, donc, une ou des questions claires et informer adéquatement la population. Le projet de loi 150 crée deux commissions parlementaires spéciales: l'une aura pour mandat d'étudier les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, alors que l'autre aura pour mandat d'apprécier toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du Canada et des autres provinces. Aux yeux du gouvernement, chacune de ces commissions aura une importance égale. Cet équilibre entre elles permettra d'informer adéquatement et pleinement la population sur chacune des voies qui s'offrent au Québec.

La commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté étudiera, en toute objectivité et de la façon la plus complète qui soit, toute les questions relatives à l'accession du Québec à la souverai- neté.

Il est de notre intention, M. le Président, de traiter avec objectivité une option que plusieurs Québécois partagent et qui mérite d'être étudiée sous tous ses aspects et en fonction de toutes ses implications. L'important, c'est d'arriver à bien cerner les enjeux véritables afin d'informer le mieux possible la population du Québec qui sera appelée, en bout de piste, à faire un choix.

Si la souveraineté devait être l'option retenue en bout de piste, nous devons dès maintenant en étudier toutes les implications. Les études qui ont été faites lors de la Commission Bélanger-Campeau sont intéressantes, mais elles ne sont pas concluantes.

Si, pour l'Opposition, les jeux sont faits, tel n'est pas le cas pour les Québécois. Devant l'absence de tout sens critique quant à son option, l'Opposition perd ainsi le sens de la réalité et peut-être même de la perspective dont on doit faire preuve à ce moment vital de l'histoire du Québec. Nous devons au peuple québécois d'être clairs.

L'autre commission parlementaire portera sur l'étude des offres d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Les offres qui seront étudiées par cette commission devront lier formellement le gouvernement, le gouvernement fédéral et le gouvernement des autres provinces. Nous voulons insister sur la nécessité pour que ces offres ne soient pas simplement, par exemple, le fruit de certaines déclarations politiques. Ce sera là un des aspects les plus importants du travail de cette commission d'évaluer à quel point ces offres représentent une volonté ferme de nos partenaires canadiens.

Contrairement au processus de négociation de l'entente du lac Meech, la loi 150 prévoit la tenue d'un référendum sur la souveraineté. Nous avons ainsi la seule assurance que les offres lieront le gouvernement fédéral et les provinces. L'expérience des négociations des trois dernières années a démontré que les signatures des premiers ministres pas plus d'ailleurs que les résolutions votées par les Assemblées législatives des autres provinces étaient des engagements indéfectibles.

Le rapport Allaire, dis-je, ainsi que le rapport Bélanger-Campeau fournissent un cadre de première référence pour l'établissement des paramètres des offres.

En somme, ces offres devront nous permettre de réaliser trois objectifs: assurer au Québec une pleine compétence dans les domaines nécessaires à son développement et à son épanouissement comme société distincte au sein du Canada, lui permettre de retirer de l'interdépendance tous les avantages qu'elle est susceptible d'offrir et, enfin, d'assurer la pérennité et la crédibilité de l'option fédéraliste.

M. le Président, cette crédibilité essentielle de l'option fédéraliste est incompatible avec la

volonté récemment affirmée par Ottawa de s'immiscer dans les domaines exclusifs des provinces en matière d'éducation ou de développement économique régional. C'est là des gestes inacceptables que cette Assemblée nationale a dénoncés.

M. le Président, en conclusion, avec le projet de loi 150, le Québec franchit une étape déterminante qui le conduira à réviser profondément son statut politique et constitutionnel. Il est du devoir du gouvernement de veiller à ce que tout se déroule de la manière la plus sereine, la plus éclairée, la plus raisonnable et responsable et la plus démocratique possible. Dans son livre, La Prochaine Révolution publié en 1973, Léon Dion écrit, et je le cite: "En prolongeant indéfiniment le débat - se référant à la question nationale - on risque cependant de perdre de vue les autres enjeux de l'heure et de se retrouver demain parmi les laissés pour compte de l'histoire."

M. le Président, les Québécois n'ont nullement l'intention de voir se prolonger ce débat. Le gouvernement a très bien compris ce message. L'échéancier qui est fixé par la loi est réaliste, si l'on a la volonté politique de réussir. Après 30 ans de rendez-vous manques, celui-ci sera déterminant. C'est pourquoi il faudra étudier, évaluer d'une façon précise et complète chacune des deux voies d'avenir qui s'offrent au Québec. Une fois cette étape franchie, les Québécois devront prendre une décision qui engagera leur avenir. Et je crois en cet avenir, M. le Président. J'ai confiance en la sagesse et en la lucidité du peuple québécois.

Les négocations constitutionnelles des cinq dernières années n'ont pas été vaines pour les Québécois. Nous avons beaucoup appris de l'échec de l'entente du lac Meech. Le Québec n'acceptera plus d'être un parmi onze dans le forum constitutionnel. Nous disons donc non à une constituante ou à toute autre forme de négociation qui amènera le Québec à se retrouver un parmi onze. On n'acceptera pas, M. le Président. On n'acceptera pas de passer d'un régime d'assemblées de cuisine, utilisé en 1982 pour exclure le Québec, à un régime d'assemblées constituantes pour minoriser le Québec.

Qu'on ne se méprenne pas, M. le Président, sur la volonté ferme des Québécois et des Québécoises de déterminer eux-mêmes, une fois pour toutes, leur avenir politique et constitutionnel. Le gouvernement a compris ce message et l'endosse pleinement. M. le Président, ce projet de loi 150 le confirme. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je rappelle que nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je suis prêt à reconnaître le whip en chef de l'Opposition officielle et député de Lac-Saint-Jean. M. le député.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: M. le Président, d'entrée de jeu, je voudrais dire que le Parti québécois souhaite et veut que se tienne, et cela le plus tôt possible, dans les plus brefs délais, un référendum portant sur la souveraineté. Je pense qu'il est important qu'il n'y ait pas d'équivoque à ce sujet, qu'il n'y ait pas de malentendu chez nos concitoyens. Pour nous, le peuple québécois doit être convié, invité à se brancher et à décider démocratiquement du statut futur du Québec. Et s'il y a un consensus qui se dégage des travaux de la Commission Bélanger-Campeau, à l'occasion particulièrement des audiences publiques, c'est bien celui-là.

Le peuple québécois doit-il être consulté? La réponse unanime, c'est oui. Comment doit-il être consulté? Là aussi il y a quasi-unanimité, par la voie d'un référendum. Et ce référendum doit porter sur quel objet? Sur la souveraineté, consensus également là-dessus. Et quand doit-il se tenir? Le plus tôt possible, nous ont dit ceux qui sont venus témoigner devant la Commission et il y avait même un consensus très large pour que ça se déroule au cours de l'année 1991. La recommandation dit 1992. Nous avons fait un compromis pour donner satisfaction à certains commissaires dont, en particulier, les commissaires ministériels. Nous sommes donc d'accord, quant à nous, sans le moindre doute, sur la tenue d'un référendum portant sur la souveraineté. C'est notre voeu le plus cher, je pense, que ça soit clair. (10 h 50)

Mais la question qui surgit, M. le Président, immédiatement, et elle n'est pas insignifiante, elle est même essentielle, c'est la suivante: Doit-on faire confiance au premier ministre du Québec pour, à la fois, tenir ce référendum et enclencher le processus nous conduisant à la souveraineté? Je me souviens, M. le Président, il y a six mois, huit mois, dix mois, au lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech, plusieurs de mes concitoyens - et je suis sûr que c'a été votre cas aussi, vous avez vécu la même expérience - plusieurs de nos concitoyens du Québec nous ont dit et nous disaient: Écoutez, vous avez entendu le premier ministre, eh bien, savez-vous que c'est fort possible et même fort probable qu'il fasse la souveraineté, que ce soit lui qui fasse la souveraineté et non pas le Parti québécois? Combien de mes concitoyens m'ont dit cela, m'ont exprimé ce témoignage, il y a six mois, huit mois, un an? Beaucoup. Beaucoup de monde, et je suis sûr que vous avez vécu la même expérience.

Mais aujourd'hui, M. le Président, plus personne dans la société québécoise ne prétend une telle chose. Il n'y a plus de doute maintenant. Le premier ministre ne fera ni référendum sur la souveraineté ni ne présidera au processus nous conduisant à la souveraineté. Ça,

ça ne fait maintenant plus l'ombre d'un doute chez les Québécois, et un sondage récent est là pour nous le démontrer de façon éloquente. Il y a seulement 20 % des Québécois maintenant qui pensent que le premier ministre du Québec va tenir un référendum sur la souveraineté. Le reste à qui on pose la question, la réponse est claire, elle vient très vite, c'est: Non. Non, non. Non, non, le premier ministre ne tiendra pas de référendum sur la souveraineté.

Pourquoi cette absence de confiance? me suis-je demandé, M. le Président. Pourquoi cette disparition de la confiance à l'égard du premier ministre portant sur un référendum sur la souveraineté? Oh! Pour une raison bien simple, je dirais presque simpliste. C'est que le premier ministre du Québec est un fédéraliste convaincu et que, depuis 30 ans, pendant 30 ans, il a fait preuve d'une hostilité sans égale à l'égard de la souveraineté. Ses 30 ans de vie politique en témoignent. C'est un fédéraliste convaincu. C'est maintenant une chose très claire. Il l'a proclamé à l'occasion du congrès de son parti, un certain dimanche du mois de mars, quand il a lancé son cri du coeur. Pour lui, le Canada, c'est son premier choix, et il est de nouveau prêt à donner une dernière chance, encore une fois, au régime fédéral et, par conséquent, il souhaite, il souhaite et il attend des offres en provenance du gouvernement fédéral et du Canada anglais. Non seulement il en souhaite, il en réclame. Il en réclame. Il l'est donc, il demeure fédéraliste. Son gouvernement aussi. Sur ce point au moins, il y a de la clarté et de la limpidité. Sur le reste, c'est moins sûr. C'est, comme toujours, très nébuleux avec cet homme-là.

Remarquez que c'est son droit, d'être fédéraliste. C'est son droit le plus légitime. Mais, partant de là, je pense que les Québécois l'ont compris, ça apparaît dans les sondages, il faut renoncer à l'investir de la mission de faire la souveraineté. On ne demandera pas à un fédéraliste de faire la souveraineté. On n'investira pas un premier ministre fédéraliste de la mission de faire la souveraineté. Ce serait contradictoire et incompatible et, admettons-le, passablement naïf et même imprudent. On ne lui demandera même pas, non plus, d'enclencher le processus qui va nous conduire à la souveraineté. Non seulement il est fédéraliste, mais, en plus, c'est ça, c'est regrettable et même dangereux, c'est un fédéraliste mou, flexible, souple, pliable, complaisant, capitulard, pas fiable pour deux cents. On s'en est rendu compte encore tout récemment, à la suite des ingérences brutales, grossières du gouvernement fédéral dans trois secteurs pourtant vitaux pour le Québec: la formation professionnelle, le développement régional, l'éducation.

On a eu droit à quoi de la part du chef du gouvernement du Québec? À une protestation mollasse, pour la forme, timidement, parce qu'il fallait le faire. Et puis, ce fut la reddition, la capitulation avant même de faire la guerre. On a protesté et on s'est dépêché d'agiter le drapeau blanc. Alors, il n'est même pas capable, on s'en rend compte, de défendre avec vigueur et avec force et efficacité les pouvoirs actuels du Québec. Je ne pense pas qu'on puisse s'attendre à ce qu'il fasse la souveraineté.

Abordons maintenant, M. le Président, les travaux et le rapport de la Commission Bélanger-Campeau avant de parler du projet de loi. Je pense qu'il est important de rappeler la distinction essentielle entre les conclusions du rapport Bélanger-Campeau et la recommandation. La conclusion, on le sait, place sur le même pied, en parallèle, deux voies de solution, celle du renouvellement du fédéralisme et celle de la souveraineté. Nous, nous n'étions pas d'accord avec cette conclusion, les commissaires du Parti québécois. Nous souhaitions, au contraire, que la Commission fasse un choix de statut. Nous prétendions, je pense, avec raison, que le mandat de la Commission était d'arriver à faire un choix de statut. Et, forcément, après avoir entendu bien des intervenants, majoritairement souverainistes, nous pensions que le choix que la Commission devait faire, il faut dire que ça répondait à nos convictions, c'était le choix de la souveraineté comme statut futur du Québec.

C'est à cette fin, d'ailleurs, que nous avons présenté des amendements aux conclusions proposées par les présidents qui faisaient un choix, le choix de la souveraineté. Vous savez quel fut le résultat du vote sur les amendements: 15 commissaires ont voté en faveur de la souveraineté et 17 autres commissaires ont voté contre la souveraineté, dont tous les commissaires libéraux. Ce qui fait que nous avons inscrit notre dissidence en addendum au rapport parce que nous n'étions pas d'accord avec les conclusions et nous avons voté contre les conclusions puisque notre amendement portant sur la souveraineté n'avait pas été accepté par une majorité de commissaires.

Alors, je pense que c'est important de le signaler et de le rappeler parce que le premier ministre laisse entendre à tout venant que le Parti québécois a accepté les conclusions du rapport Bélanger-Campeau qui placent en parallèle et sur le même pied les deux voies de solution, le renouvellement du fédéralisme et la souveraineté. Ce n'est pas vrai. C'est faux. C'est faux. C'est une fausseté. On n'a pas accepté ça et on a voté contre.

Puis, il y a la recommandation. La recommandation est aussi très claire. On recommandait un référendum, un seul, pas deux, pas trois référendums, un seul référendum. Portant sur quoi? Sur la souveraineté. Pas sur des offres fédérales, pas sur un projet de révision du fédéralisme. Sur la souveraineté. Et la création de deux commissions dont l'une regarderait les aspects de l'accession à la souveraineté et l'autre attendrait des offres, mais des offres devant lier formellement le gouvernement fédéral et les

provinces.

Le gouvernement du Québec a dit oui à cette recommandation, mais, en même temps et du même souffle, il a annoncé et insisté beaucoup sur sa liberté d'action et sa liberté de manoeuvre - le ministre vient de le faire encore une fois - ce qui pourrait d'ailleurs, disait-il, se traduire avant la tenue d'un référendum sur la souveraineté par la tenue d'un autre référendum portant cette fois-ci sur des offres fédérales. Il l'a dit très clairement à plusieurs reprises. En d'autres termes, il s'engageait, mais en même temps, et du même souffle, il se désengageait. (11 heures)

Alors, voilà, on est maintenant placés devant le projet de loi 150. Je vous répète, M. le Président, je vous dirai et je vous répète, parce qu'on l'a déjà annoncé, le chef de l'Opposition également, que tel qu'il se présente devant nous, ce projet de loi n'est pas acceptable. Il faudrait, pour qu'il le devienne, des changements substantiels, des amendements majeurs. Mais tel qu'il est, pour nous, il n'est pas acceptable. Ce projet de loi n'est qu'un faux-semblant, un simulacre, je dirais même une imposture et une tartufferie imprégnée d'hypocrisie.

On tente de tromper par de fausses apparences et on s'efforce de feindre des opinions, des sentiments et des vertus qu'on n'a pas. Pourquoi? Parce que, en apparence, à première vue, après une lecture rapide du projet de loi, il semble respecter et refléter et traduire l'esprit et la lettre de la recommandation de la Commission Bélanger-Campeau. Mais en réalité, après analyse, quand on l'a lu attentivement, le gouvernement y ajoute tellement de dispositions de son cru que c'a pour effet de dénaturer, de pervertir, de défigurer le sens et la portée de la recommandation de Bélanger-Campeau.

Et cette métamorphose, ce travestissement vient non pas de ce qu'il retranche de la recommandation - il n'en retranche pas, elle se retrouve là, telle quelle la recommandation. Le travestissement ne vient pas du fait qu'il retranche des choses de la recommandation, le travestissement vient du fait qu'il ajoute des choses. C'est parce qu'il ajoute qu'il travestit et qu'il dénature le sens et la portée de la recommandation. Et ce qu'il ajoute n'est pas anodin. Ce n'est pas insignifiant. D'abord, cette disposition qui indique qu'il y a deux voies de solutions en parallèle, le renouvellement du fédéralisme et la souveraineté. Et le ministre vient d'admettre tantôt dans son intervention que c'est là le coeur du projet de loi.

Or, le choix du gouvernement est connu. Il est affiché. Il est public. Pour lui, le Québec doit demeurer dans le régime fédéral. C'est ça son choix. D'ailleurs, vous avez remarqué que dans toute son intervention, le ministre n'a pas parlé du tout de la souveraineté. Toute son intervention a porté sur la révision du régime fédéral. Ça nous indique très clairement, s'il y en a qui avaient besoin de preuves encore, que le choix du gouvernement, c'est la révision du régime fédéral. C'est le renouvellement du fédéralisme et le projet de loi 150, M. le Président, met donc en branle ce processus de révision du régime fédéral. C'est ça le principe du projet de loi 150. C'est ça son objectif, à cause des éléments qu'on y a ajoutés et à cause aussi des intentions clairement exprimées par le gouvernement.

M. le Président, quel genre de renouvellement, quel genre de révision souhaite et poursuit le gouvernement? Le discours officiel, on l'a entendu encore tantôt, c'est: Nous voulons un renouvellement en profondeur, substantiel. C'est ça le discours officiel. C'est ça l'objectif officiellement poursuivi. Or, M. le Président, je pense qu'il est important que les Québécois sachent que cet objectif-là est inatteignable, que le renouvellement en profondeur du régime fédéral n'est pas possible, n'est pas faisable à cause de ce que le rapport de la Commission Bélanger-Campeau signale avec justesse, à cause du choc des visions, des aspirations et des identités nationales.

Si on ne tient pas compte de ça, on ne tient pas compte de la réalité. Et là-dessus, M. le Président, les sondages sont éloquents. La vision du Canada anglais, elle est on ne peut plus limpide et il y a de l'aveuglement dans le gouvernement, dans ce refus de ne pas voir cette vision, de ne pas la percevoir. Encore aujourd'hui, M. le Président, M. Manning, le chef du Reform Party était à Ottawa. Un oui au Québec est un non au Canada. Ça, c'est clair. C'est ça, la vision du Canada anglais, il faut la prendre en compte. les sondages sont on ne peut plus éloquents. je vous rappelle celui de l'actualité - j'aurais pu en prendre un autre, ils disent tous la même chose. celui de l'actualité est très clair. au canada anglais, là, on pose la question aux canadiens anglais: "plusieurs propositions de nouvelles structures fédérales sont proposées. laquelle préférez-vous?" c'est ça, la question. "un canada plus centralisé?" 17 %: oui, c'est ça qu'on veut. "un canada plus centralisé, mais avec un sénat élu par les régions?" - c'est la marotte de l'ouest. oui, 43 %. "le statu quo?" 11 %. 60 % des répondants, au canada anglais, veulent un gouvernement plus centralisé; 11 %, le statu-quo; ce qui fait 71 % contre toute forme de décentralisation. écoutez, si on ne tient pas compte de ça, où est-ce qu'on s'en va? c'est ça, la réalité. quand la commission bélanger-campeau parle du choc des visions, des aspirations et des identités nationales, c'est de ça qu'elle parle. "Une majorité de Québécois pense que des pouvoirs additionnels devraient être accordés au gouvernement de leur province. Pensez-vous que le Canada pourrait s'adapter à cette situation?" 19 %, oui. "Des pouvoirs additionnels pour le Québec sont contraires à la nature même du Canada?" 75 %, oui, c'est contraire à la nature

même du Canada. C'est ça, la vision, la volonté et les aspirations du Canada anglais, pourquoi les ignorer?

M. Rae, le premier ministre de l'Ontario, qu'est-ce qu'il est allé dire au congrès de son parti, le NPD, à Halifax? Il est allé dire la même chose: Nous voulons un gouvernement central fort. Et ça, c'est incompatible et contradictoire avec la vision traditionnelle du Québec et des Québécois parce que, pour les uns et les autres, leur gouvernement national n'est pas le même. Pour le Canada anglais, leur gouvernement national, c'est le gouvernement d'Ottawa. Pour les Québécois, leur gouvernement national, c'est le gouvernement de Québec. C'est ça, la réalité.

Alors, M. le Président, la conclusion s'impose, nous n'aurons pas de projet de révision en profondeur du régime fédéral, ça n'arrivera pas. Et le premier ministre, qui vient de nous dire, encore hier, qu'il s'attend à des offres raisonnables et acceptables du gouvernement fédéral qui iraient dans le sens d'une révision en profondeur du régime fédéral, induit les Québécois en erreur. C'est irresponsable de la part d'un premier ministre de faire croire aux Québécois que des changements profonds du régime sont possibles. Il nous prépare encore une fois des désillusions et des lendemains amers.

Ça ne peut donc être, comme projet de révision du régime fédéral, qu'un projet mineur, modeste, superficiel, du bricolage, pas tellement plus que Meech. D'ailleurs, c'est toujours le souhait du ministre, vous l'avez entendu tout à l'heure. Il a échoué avec Meech, il y revient. Retour à la case départ! Cinq pauvres petites, modestes et insignifiantes conditions, on y revient. On n'aura pas plus, comme projet, sur la table, en termes d'offres. On n'aura pas plus. Et tout tourne autour de la société distincte. Un gros progrès, hein! Un gros progrès!

M. Clark, il se promène d'un océan à l'autre pour essayer de faire comprendre un peu à tout le monde que ce serait important que, dans le projet de révision, l'on reconnaisse le Québec comme société distincte. On est rendu loin! Là, on n'a pas abordé toute la question du partage des compétences; ce n'est même pas encore abordé, ce n'est même pas touché, effleuré. Alors, on n'ira pas loin. (11 h 10)

Mais il y a un danger dans tout ça, cependant. C'est que, devant des offres modestes et même insignifiantes, du genre Meech, avec quelques babioles, quelques colifichets pour l'enjoliver, le danger, c'est que le gouvernement saute de joie, s'extasie, tombe en pâmoison et nous dise: Ah mon Dieu! Quelles belles offres! Regardez! Formidable! Enfin, on va changer le régime en profondeur et on peut compter sur les talents de metteur en scène du ministre et de scénariste... Il a déjà voulu faire du cinéma, là il va en faire. C'est ça, le danger, c'est qu'on nous présente une insignifiance comme un virage historique, parce que ça va être insignifiant, ce qui va nous arriver. Regardez ce que les 22 croisés du fédéralisme nous proposent: pas grand-chose, c'est très peu de choses. Ça va à rencontre de toutes les aspirations traditionnelles du Québec.

La preuve de la modestie des exigences du gouvernement, la preuve que le gouvernement va être très tenté de sauter sur des offres minuscules, c'est qu'il a jeté le rapport Allaire à la poubelle. Les militants libéraux commencent à s'en rendre compte, parce que, au cas où vous ne le sauriez pas... Je parle à mes collègues libéraux, le rapport Allaire, qui est un projet de décentralisation très avancé - ça, vraiment, ce serait des changements en profondeur, pour reprendre l'expression du gouvernement - au cas où vous ne le sauriez pas, ce n'est pas la position du gouvernement du Québec, ça ne l'a jamais été, et, dans un avenir prévisible, je ne vois pas du tout l'intention, du côté du gouvernement, de prendre le rapport Allaire et d'en faire la position constitutionnelle du gouvernement. Non, non, non! C'est une position de parti, ça demeure une position de parti et ce n'est pas une position du gouvernement. Donc, par conséquent, le gouvernement n'a même pas de grille d'évaluation pour juger du caractère acceptable des offres qui pourraient survenir. On se serait attendu à ce qu'il utilise le rapport Allaire, à ce qu'il assume le rapport Allaire pour dire: Voilà ma grille d'évaluation, si j'ai des offres, c'est en me référant au rapport Allaire que je vais en juger, juger du caractère...

Une voix:...

M. Brassard: Non, non! Non, non, non! Le rapport Allaire, c'est la position du Parti libéral, ce n'est pas la position du gouvernement. Alors, avis à mes collègues libéraux, si vous pensiez que c'était la position du gouvernement, vous avez quelques démarches à faire et quelques pressions à faire aussi. Le rapport Allaire, il est à la poubelle.

Donc, M. le Président, le gouvernement veut garder le Québec dans le système fédéral, c'est son choix. Je le soupçonne même d'être enclin à accepter bien peu de choses et, avec quelque talent de metteur en scène, on pourrait faire passer ce bien peu de choses pour un accord historique. On l'a fait, d'ailleurs, à l'occasion de l'Accord du lac Meech. Ce n'était pas grand-chose, l'Accord du lac Meech. Pendant des mois, à cause des discours du ministre responsable du dossier, c'est apparu comme quelque chose de tout à fait historique.

Dans ce contexte, dans cette perspective et dans ce processus, quel rôle joue le référendum sur la souveraineté? Bonne question. Le référendum sur la souveraineté dans tout ça, plutôt que d'être le déclencheur d'un cheminement vers la souveraineté, plutôt que d'être un événement qui

nous conduise à la souveraineté, qui nous mène à la souveraineté, dans ce processus enclenché par le gouvernement, le référendum sur la souveraineté, ce n'est qu'un moyen de pression, une menace qu'on fait peser sur le Canada anglais, un moyen de chantage pour tenter d'obliger, de contraindre le Canada anglais à faire des offres. C'est donc un élément de stratégie. Le référendum sur la souveraineté, ce n'est pas un événement qui nous fait cheminer vers la souveraineté, c'est un élément de stratégie dans un processus de révision du régime fédéral. Mais, en plus, il faut signaler que ce n'est même pas un moyen de pression efficace. Il l'utilise mal.

Le gouvernement même l'utilise mal comme moyen de pression, comme moyen de chantage. Il en a fait un moyen de chantage ou de pression peu efficace et peu crédible. Pourquoi? Parce qu'il prend soin d'annoncer, dans le projet de loi lui-même, que sa marge de manoeuvre est intacte, que sa liberté d'action est intacte. Il insiste lourdement sur le fait que la majorité libérale de l'Assemblée nationale peut, à tout moment, s'orienter d'une autre façon. C'est donc un "bluff", mais un mauvais "bluff1, parce que le joueur adverse sait qu'il "bluffe". M, Lévesque, qui connaissait bien le poker, était un meilleur "bluffeur" que ça, pas mal mieux que ça. Il "bluffe", mais il annonce à son joueur adverse qu'il "bluffe", alors le moyen de chantage est totalement inefficace.

Autrement dit, il applique le principe propre à la race canine: Je jappe mais je ne mords pas, ou, si vous préférez: Je vous plaque un revolver sur la tempe mais, en même temps, je vous chuchote à l'oreille: Faites-vous-en pas, c'est un revolver jouet. Il n'y a pas de balle dedans, ça ne tire que de l'eau, alors n'ayez pas peur. Donc, il prévient tout le monde à l'avance: Écoutez, là, je fais adopter un projet de loi qui prévoit un référendum sur la souveraineté, mais je vous le dis tout net, je n'ai ni le goût, ni la motivation, ni l'intention et encore moins la conviction pour tenir ce référendum. Alors, c'est prévu dans la loi, mais je vous le dis tout net, je ne le tiendrai pas, je n'ai pas envie de le tenir. Je n'ai pas le goût de le tenir, puis je n'ai pas les convictions pour le tenir. Alors, il en fait un moyen de pression, mais un moyen de pression faible. Il en fait une arme de négociation, mais il prend soin de l'émousser, et c'est ce que j'appelais récemment une épée de Damoclès, mais une épée de Damoclès en caoutchouc mousse. Ça ne fera pas beaucoup de dégâts.

On va même plus loin, M. le Président. Non seulement le moyen de pression qu'on compte utiliser, on en détruit toute l'efficacité avant même de l'utiliser, mais on s'apprête à mettre sur pied un tribunal qui va instruire le procès de la souveraineté dans le but de la discréditer et de la dévaloriser. Ce sera l'objet des fameuses commissions parlementaires qui sont de simples créatures de l'Exécutif aux ordres du premier ministre et du "bunker". Et c'est de cette façon-là, d'ailleurs, qu'on a rallié l'aile fédéraliste orthodoxe du caucus libéral, en lui disant: II y aura des offres; on attend des offres; on va s'arranger pour avoir des offres. Ces offres-là seront bien considérées et, en même temps, on va faire le procès de la souveraineté, on va dévaloriser la souveraineté. Le député de Papi-neau a au moins été très clair, avec un peu de candeur probablement, en disant qu'on allait faire la job à la souveraineté. Mais d'autres députés, celui d'Argenteuil, la députée de Vachon, ont dit: On attend des offres, on souhaite des offres et notre option à nous c'est de faire un référendum sur ces offres. m. clark, nouveau ministre responsable du dossier constitutionnel au fédéral, quand il a été nommé - c'en est une preuve tout à fait évidente - a dit: écoutez, j'ai un problème de temps. il y a l'échéance référendaire prévue dans la loi 150. un référendum sur la souveraineté, c'est une échéance, sur le plan temporel, qui m'embarrasse, et je ne suis pas sûr qu'avec le peu de temps dont je dispose je vais être capable de présenter des offres acceptables, première déclaration de m. clark. et puis, il vient rencontrer le premier ministre, il en ressort et on lui pose la question: et le projet de loi 150, m. clark? bof! ça ne complique rien. ça ne complique rien. le premier ministre est très flexible. bien, ça veut dire quoi, ça? ça veut dire que le premier ministre, derrière les portes closes, lui a dit: écoutez, ne vous en faites pas avec l'échéance référendaire, là. ne commencez pas à vous énerver avec ça. j'ai vu ça dans les journaux que ça vous énervait beaucoup, que ça vous embarrassait beaucoup. ne vous énervez pas avec ça. c'est de la frime, ça. c'est du "bluff". alors non, ça ne complique rien. (11 h 20)

Quant à l'autre commission, M. le Président, là, on apprend que ça va devenir un outil de négociation. Dans l'esprit des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau, l'autre commission se mettait en attente d'offres qui pouvaient venir et ne les examinait que si ces offres liaient formellement le Parlement fédéral et les provinces. Ça, ça veut dire des résolutions des Législatures et du gouvernement fédéral. Mais là, ce n'est plus ça, l'autre commission va devenir un outil de négociation. Quand M. Rae est venu rencontrer M. Bourassa, le premier ministre, il lui a proposé une assemblée constituante. Le premier ministre a dit: Non, non, non. Nous, l'assemblée constituante, on ne marche pas là-dedans. Le ministre d'ailleurs l'avait dit: On ne marche pas là-dedans, pas d'assemblée constituante. Ah bon, mais y aurait-il moyen que les commissions parlementaires qui sont mises sur pied pour regarder la question constitutionnelle puissent se parler? Et le premier ministre du Québec de dire: Oui, bien sûr, il n'y a pas de problème. Alors là, ça

outrepasse le mandat confié par la Commission Bélanger-Campeau, ça devient des outils de négociation, les commissions parlementaires. Et je n'ai pas besoin de vous dire où ça va nous conduire: tout droit à la tour de Babel.

Là, il y a des commissions comme ça qui naissent un peu partout dans toutes les provinces, et il y en a une au fédéral qui va voir le jour bientôt. Là, on va se retrouver avec 11 commissions parlementaires pour sauver le Canada, 11 commissions parlementaires. Et ces commissions parlementaires vont se parler, vont avoir des relations bilatérales, peut-être aussi multilatérales et peut-être qu'à un moment donné, elles vont se retrouver toutes les 11 ensemble, ça va faire une jolie assemblée constituante. Mais avez-vous une idée dans - excusez l'expression - quel bordel on va se retrouver?

M. Blais: ...cloaque.

M. Brassard: Dans quel cloaque, me suggère mon collègue de Masson. Ça va être épouvantable. C'est du "babélisme" à l'état pur. 11 commissions parlementaires qui vont s'agiter, qui vont se rencontrer et qui vont discuter et négocier, c'est ça que le premier ministre a accepté. Il n'accepte pas le mode de négociation à 11, il n'accepte pas d'assemblée constituante, mais il accepte que les 11 commissions parlementaires se rencontrent et discutent le renouvellement du fédéralisme, ça va être beau tout à l'heure.

Concernant le projet de loi, avant d'aborder un autre question, M. le Président, je voudrais faire le point. Premièrement, le gouvernement, par le projet de loi 150, met en branle un processus de révision du régime fédéral et non pas un processus nous menant à la souveraineté. Ça m'apparaît important, c'est ça le principe du projet de loi. Deuxièmement, le gouvernement souhaite et il attend des offres de révision du régime fédéral. Il est peu exigeant malgré son discours officiel puisqu'il a jeté par-dessus bord la seule grille d'évaluation un peu rigoureuse: le rapport Allaire. Troisièmement, il essaie de faire peur au monde avec un référendum sur la souveraineté, mais il annonce en même temps son intention de ne pas recourir à cette arme de chantage, ça ne fait pas peur au monde beaucoup. Quatrièmement, il met sur pied deux commissions en se moquant des us et coutumes du parlementarisme. Alors, je dis, M. le Président: Nous, de l'Opposition officielle et du Parti québécois, ne sommes pas dupes de ce scénario et nous n'embarquerons pas dans cette galère. Nous refusons de cautionner la démarche fédéraliste du gouvernement. S'il veut notre appui sur ce projet de loi, il devra revenir à l'esprit de la recommandation Bélanger-Campeau et respecter scrupuleusement les traditions parlementaires.

M. le Président, le gouvernement a choisi encore une fois de s'embourber dans la mélasse constitutionnelle et d'enclencher un processus de révision du régime fédéral avec, au bout, inéluctablement, l'échec et l'humiliation et en adoptant, en plus, une position on ne peut plus inconfortable. Parce que je vous signale, M. le Président, qu'on ne peut pas pendant des mois et des mois, en même temps, adhérer au régime de tout coeur et en refuser les règles du jeu. C'est ça que le gouvernement fait présentement. C'est ça sa position. C'est très inconfortable, ça va devenir intenable tout à l'heure. Il adhère au régime, il adhère au système fédéral et il en refuse les règles du jeu - ça ne peut pas continuer longtemps comme ça, là - et, entre autres, le refus du mode de négociation à 11, il a été répété de nouveau. On prend acte de cette position, mais on vous dit que ce n'est pas très, très rationnel. Enfin, c'est le choix du gouvernement.

Nous, nous proposons clairement, M. le Président, la solution de la souveraineté, réalisée de façon démocratique, dans l'harmonie avec nos voisins et avec nos partenaires. Et quand on parle de souveraineté, je pense qu'il est bon de le rappeler, cela signifie trois choses bien simples, mais qui doivent se retrouver toutes les trois ensemble. D'abord, tous les impôts et les taxes perçus au Québec le seront par l'État québécois et seulement par l'État québécois. Deuxièmement, toutes les lois qui s'appliquent au Québec seront adoptées par l'Assemblée nationale et seulement par l'Assemblée nationale. Troisièmement, tous les traités et les accords internationaux seront négociés par les représentants de l'État du Québec et seront ratifiés par l'Assemblée nationale.

Que l'on considère la question sous tous ses angles ou toutes ses dimensions, on se rend compte que le choix de la souveraineté, M. le Président, repose constamment sur l'expérience concrète de ce qui ne fonctionne pas et aussi sur la certitude acquise de pouvoir régler nous-mêmes nos problèmes et gérer nous-mêmes nos propres affaires. On pourrait multiplier les exemples. Veut-on une société qui fonctionne en français? On en est empêchés par une loi fédérale, la Loi sur les langues officielles, qui fait la promotion du bilinguisme jusque dans les entreprises et les municipalités, donc, qui contredit totalement l'esprit et les objectifs de la loi 101. On en est empêchés aussi par une Constitution qui fait officiellement du Québec un État bilingue et qui ne nous permet même pas de créer des commissions scolaires linguistiques, ce qui réglerait des problèmes criants, majeurs, dans le domaine de l'éducation, particulièrement à Montréal.

Veut-on consolider, renforcer ou développer notre économie? On en est empêchés parce que nous n'avons pas la pleine maîtrise de leviers aussi essentiels que la recherche scientifique, le développement technologique, la formation professionnelle, la gestion de la main-d'oeuvre, la responsabilité exclusive en matière de développe-

ment régional. Est-ce qu'on veut apporter un soutien réel et efficace à la famille québécoise? On n'en est pas capables parce qu'on ne contrôle même pas tout le régime des allocations familiales. Toujours, il nous faut constater la nécessité de mettre fin au dédoublement des initiatives, à la confusion des rôles, à la confusion des responsabilités, aux ingérences, aux intrusions du gouvernement fédéral, aux chevauchements multiples qui n'engendrent que fouillis et gaspillage de ressources.

Un Québec souverain pour nous, ce ne serait pas seulement souhaitable, mais en plus ce serait faisable et ce serait viable. Et ça, les experts qui sont venus témoigner devant la Commission Bélanger-Campeau l'ont clairement reconnu. Et un Québec souverain proposerait une association économique avec le Canada anglais en vue de maintenir la triple liberté dont on parle souvent, la libre circulation des biens, des personnes et des capitaux.

Il est vrai, M. le Président, que nous faisons face maintenant déjà à une véritable campagne de terrorisme économique qui s'est amorcée avec en tête le gouvernement fédéral, comme ce fut le cas en 1980. Les mêmes arguments qui reviennent, entre autres, que le Canada anglais va refuser de s'associer sur le plan économique avec un Québec souverain. Là-dessus, M. le Président, moi je dis que quand on se sera prononcés, nous les Québécois, démocratiquement, les intérêts réels des deux peuples, des deux communautés vont prévaloir. Le bon sens économique élémentaire va primer, chez les Canadiens autant que chez les Québécois. Et on va se rendre compte très vite qu'il serait suicidaire de se livrer une guerre économique qui ferait des dégâts dans les deux camps, dans les deux communautés. (11 h 30)

Pense-t-on sérieusement... Et là-dessus, M. le Président, il y a une thèse de plus en plus courante qui circule, qui veut que le Canada anglais soit terriblement émotif. C'est curieux, on ne savait pas ça. On vient de le découvrir. Il y a une réserve d'émotion et d'affectivité incommensurable au Canada anglais. Et là, la thèse qui circule, c'est que le Canada anglais, si on prend la décision de devenir souverain, va être tellement choqué, vexé, frustré, ému, qu'il va tomber dans l'irrationnel. Il va devenir irrationnel, il va perdre la raison et il va adopter des comportements nuisibles, suicidaires. C'est ça, la thèse qui circule présentement par rapport au refus du Canada anglais de s'associer économiquement avec un Québec souverain.

Écoutez, pense-t-on sérieusement que l'Ontario, le gouvernement de l'Ontario ou le gouvernement de l'Alberta va empêcher les entreprises de l'Ontario et de l'Alberta - je donne ça comme exemple - de vendre et d'acheter au Québec? Quand on sait que, pour l'Ontario, le marché québécois, c'est un marché de 20 000 000 000 $; quand on sait que, pour l'Alberta, le marché québécois, c'est un marché de 5 000 000 000 $. Puis la balance commerciale leur est favorable, on leur vend moins qu'on ne leur achète, aussi bien en Ontario qu'en Alberta. Ils vont briser ça, rompre tout ça, arrêter tout ça, ces échanges-là parce qu'ils sont vexés, parce qu'ils sont émus? Allons donc! Ils vont refuser de nous vendre parce qu'on a touché leur affectivité? Ils vont arrêter de nous vendre leurs fruits et légumes, leurs autos, leur blé, leur boeuf parce que le Québec est devenu souverain? Moi, je dis que le réalisme économique va prévaloir, et le premier ministre du Nouveau-Bruns-wick l'a clairement indiqué. Je pense qu'il a, à tout le moins, le mérite, M. McKenna, de ne pas s'associer au terrorisme économique en cours.

Dans le journal Les Affaires du 11 mai 1991, les journalistes du journal Les Affaires se sont rendus au Nouveau-Brunswick et ils ont interrogé M. McKenna. M. McKenna a lancé le message suivant aux Québécois: Nous serons toujours très proches. Qu'adviendra-t-il de l'accueil des gens d'affaires du Québec au Nouveau-Brunswick advenant la souveraineté du Québec? Le premier ministre du Nouveau-Brunswick, Frank McKenna, a répondu à cela au journal Les Affaires: "Nous avons de très étroites relations avec la communauté des affaires du Québec. Il s'agit peut-être des relations les plus étroites au Canada. Nous serons toujours très proches."

M. McKenna ne croit pas que les Québécois devraient subir de la part de son gouvernement quelque antagonisme que ce soit advenant qu'ils choisissent de quitter le Canada. Il est favorable à la libéralisation des échanges, même avec un Québec indépendant. "Le Nouveau-Brunswick est diposé à abolir les barrières et non à en rajouter - a-t-il dit en substance - quel que soit le chemin emprunté par le Québec. Ce que nous offrons au Québec - poursuit-il - à l'intérieur du Canada ou dans le cadre d'un nouvel arrangement, c'est un voisin qui veut faire des affaires. Nous n'érigerons pas de barrière artificielle. Tel est l'ordre naturel des choses." Ça, c'est la sagesse. Ça, c'est le bon sens économique le plus élémentaire qui parle, et c'est ça qui va primer, quand le Québec décidera de devenir un État souverain, au Canada anglais. M. McKenna, donc, je pense, parle avec bon sens.

Et pour gérer une association économique souhaitée, nul besoin, M. le Président, de Parlement supranational, comme le préconisent le premier ministre et le Parti libéral, qui ajouterait un troisième étage au fédéralisme actuel. C'est déjà une maison de fous; on ajoute un autre étage. Là, vraiment, ça va devenir un asile d'aliénés. On n'a pas besoin d'un Parlement supranational pour gérer une association économique pas plus qu'on n'a besoin d'un Parlement supranational pour gérer une union monétaire. Ça aussi, c'est une marotte du premier ministre.

Une voix: Oui.

M. Brassard: Une marotte du premier ministre: Ah! S'il y a une union monétaire, il va falloir un Parlement. Non, non. Non, non. D'ailleurs, dans aucun pays au monde le Parlement n'a quelque chose à voir dans la gestion du système monéraire. Dans aucun pays au monde. C'est le pouvoir exécutif qui a quelques recours et c'est toujours très bien encadré, parce que, dans tous les pays du monde, les instances monétaires sont toujours très autonomes. Elles fonctionnent de façon très autonome et il y a quelques recours du pouvoir exécutif, mais c'est toujours très réglementé et très restrictif. Mais du Parlement, jamais. Aucun Parlement n'a à voir là-dedans. Rien! Alors, qu'est-ce que c'est que cette marotte de dire que, si on maintient l'union monétaire, il va falloir un Parlement pour gérer ça? Allons donc!

À ce sujet-là d'ailleurs, moi, je dis que la communauté économique européenne est un bel exemple d'association économique entre États souverains. M. le premier ministre du Québec aussi bien que le premier ministre fédéral induisent tout le monde en erreur en faisant croire au monde que le fédéralisme canadien tel qu'il est et la communauté économique européenne telle qu'on la connaît c'est du pareil au même. Il y a des limites à propager des faussetés et des erreurs aussi grossières. Les différences entre les deux sont nombreuses et substantielles. Premièrement, je rappelle que les États regroupés dans la communauté économique européenne sont des États souverains, pas des provinces. Deuxièmement, il y a un État canadien, il n'y a pas d'État européen. Troisièmement, le texte qui régit les rapports entre les pays de la communauté économique européenne, ce n'est pas une constitution comme c'est le cas des provinces du Canada, c'est un traité international.

Le premier ministre du Québec trouve que notre hypothèse d'une association économique entre le Québec et le Canada anglais sur la base d'un traité, c'est archaïque, c'est tout à fait préhistorique. C'est ça qu'il a dit en commission parlementaire, l'autre jour, à l'étude de ses crédits. C'est préhistorique ça, c'est archaïque, une association économique régie par un traité, alors que le modèle qu'il propose et dont il parle constamment, la communauté économique européenne est elle-même régie par un traité. Il n'y a rien à y comprendre, hein? Et puis, s'il y a du nouveau qui s'en vient en Europe concernant l'union monétaire, l'élargissement de l'union économique, ça va se faire par traité. Ce qu'on est en train de préparer pour mettre en place une monnaie unique en Europe, ça va se faire par traité ou par modification des traités existants. Alors, comment se fait-il qu'en Amérique du Nord c'est archaïque et qu'en Europe c'est tout à fait moderne, contemporain et un instrument d'avenir, le traité? Il n'y a rien à com- prendre dans les propos du premier ministre.

Quatrièmement, le Parlement européen ne légifère pas, il n'a pas de pouvoir législatif. D'ailleurs, dans les traités, ça ne s'appelle pas le Parlement. C'est une assemblée parlementaire. C'est le Parlement lui-même qui s'est donné le titre de Parlement, mais ce n'est pas un vrai Parlement. Il n'a pas de pouvoir législatif. Il émet des voeux, il vote des motions, des fois sans savoir de quoi il retourne, comme ça a été le cas l'été dernier avec la motion sur la crise mohawk. Vraiment! une ignorance crasse du dossier de la part du Parlement européen. C'est tout ce qu'il fait. C'est un parloir. C'est un parloir, le Parlement européen.

Alors, écoutez, il y a des différences énormes. Autre différence, l'instance dirigeante de la communauté, ce n'est pas un gouvernement, contrairement à une fédération comme le Canada. L'instance dirigeante, ce n'est pas un gouvernement, c'est un forum intergouvernemental, c'est, soit le Conseil des ministres regroupant des ministres des douze États membres, soit ce qu'on appelle le Conseil européen qui réunit les chefs d'État ou les chefs de gouvernement, trois ou quatre, parfois cinq fois par année. C'est ça, l'instance dirigeante de la communauté. Ce n'est pas un gouvernement. C'est un forum intergouvernemental. (11 h 40)

Sixièmement, si on en veut encore, des différences, dans l'union monétaire prévue qui est en voie d'élaboration en Europe, le Parlement européen n'aura aucun rôle à jouer. Dans tous les projets d'union monétaire qui circulent présentement, qui sont à l'étude en Europe, le Parlement européen n'a aucun rôle à jouer. Il va continuer d'émettre des voeux et voter des motions sans savoir souvent sur quoi ça porte. Il n'aura aucun rôle à jouer dans l'union monétaire. Encore là, c'est une prétention du premier ministre de s'imaginer que le Parlement européen va jouer un rôle dans l'union monétaire. Pas du tout. Pas du tout.

En d'autres termes, il y a tellement de différences entre la Communauté économique européenne et le fédéralisme canadien que j'utilise l'image suivante: Est-ce que vous pensez sérieusement que le statut de la France dans la Communauté économique, ça ressemble un peu au statut de l'île-du-Prince-Édouard dans la Fédération canadienne ou du Manitoba? Pas de commune mesure entre les deux là. C'est complètement différent. Dans un cas, c'est un État souverain, dans l'autre cas, c'est une province subordonnée et aux pouvoirs très limités dans un régime fédéral.

Alors, le Québec souverain, M. le Président, est tout à fait disposé à participer à de grands ensembles économiques, sans subordination politique parce que ce n'est pas vrai ça. C'est faux, ce que prétend le premier ministre et le gouvernement, qu'une union économique doit

nécessairement s'accompagner d'une union politique, que l'intégration économique doit être accompagnée essentiellement d'une intégration politique. Ce n'est pas vrai. La réalité économique internationale est là pour démontrer le contraire. Et la meilleure preuve, c'est le traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis. Il n'y a pas d'intégration politique, mais il y a une intégration économique. On pourrait pousser plus loin l'intégration économique entre le Canada et les États-Unis, et possiblement le Mexique, sans que ça s'accompagne, encore une fois, d'intégration politique. Ce n'est pas inéluctable. Il n'y a pas de corrélation essentielle entre les deux. Alors, un Québec souverain, oui, est ouvert à des regroupements, à participer à des regroupements dans la recherche de rapports harmonieux et mutuellement profitables.

M. le Président, il ne me reste que quelques minutes pour conclure. Je reviens quelque peu sur le projet de loi 150 pour dire que nous refusons, quant à nous, la voie tracée par le projet de loi 150 parce qu'elle propose - encore une fois, je le répète, c'est important qu'on soit bien clair là-dessus - une démarche de renouvellement du fédéralisme qui conduira le Québec dans un autre cul-de-sac, une autre humiliation, comme ce fut le cas avec l'échec de Meech. Le projet de loi réduit le référendum sur la souveraineté en un simple instrument stratégique, un moyen de pression destiné à inciter le Canada anglais à faire des offres au Québec.

Le projet de loi 150, en quelque sorte, banalise ce référendum sur la souveraineté et le réduit, comme je le disais tout à l'heure, en une espèce d'épée de Damoclès en caoutchouc, puisqu'il aménage tellement de sorties de secours et de voies de contournement pour permettre au gouvernement de se soustraire à l'obligation de tenir ce référendum sur la souveraineté.

Le projet de loi 150, dans sa forme actuelle, est inacceptable pour l'Opposition officielle et le Parti québécois. Nous n'avons pas été associés à sa rédaction, comme ce fut le cas de la loi 90 créant la Commission Bélanger-Campeau, où on a été étroitement associé à ce projet de loi. Nous étions partie prenante. Ce n'est pas le cas du projet de loi 150. C'est le projet de loi du gouvernement qui nous appelle aujourd'hui maintenant au consensus après avoir ajouté, de sa propre initiative, des dispositions de son cru qui n'étaient pas dans les recommandations du rapport Bélanger-Campeau et qui en dénaturent le sens, la portée et la signification. Eh bien, son appel au consensus sonne faux. Les dispositions relatives au fonctionnement des commissions parlementaires spéciales sur les modalités d'accession à la souveraineté et sur les offres de renouvellement du fédéralisme sont contraires aux règles normales de fonctionnement et aux coutumes établies de l'Assemblée nationale et ça, mon collègue et leader de l'Opposition va en parler plus en détail et va en faire la dé- monstration irréfutable.

Le gouvernement confond commission parlementaire et comité du Parti libéral. Ce sont des créatures téléguidées du "bunker" que l'on veut mettre en place. Nous ne craignons aucunement de discuter, quant à nous, des enjeux de la souveraineté en commission parlementaire, mais les dés ne doivent pas être pipés dès le départ.

Donc, sans amendements substantiels aux dispositions ajoutées par le gouvernement, entre autres: biffer tous les considérants de son cru, tel qu'exposé par le ministre tout à l'heure, - mais il semble bien qu'il y tient drôlement - si on ne biffe pas ces considérants et si on ne met pas en place des commissions qui fonctionnent selon les us et coutumes du parlementarisme - on l'a dit, je le répète - nous voterons contre ce projet de loi 150, sans remords, sans angoisse et sans regret. Nous ne voulons pas être les complices d'un détournement de consensus. Nous ne voulons pas être la caution d'une démarche proposant une autre dernière chance, la quinzième, la seizième du fédéralisme, qui débouchera inéluctablement sur un autre échec et qui finira dans les sables mouvants de la parlote constitutionnelle - nous n'en voulons pas - ou qui pourrait encore aboutir à une entente à rabais contraire aux intérêts du Québec. Alors, notre position, si je peux la résumer très brièvement, M. le Président, c'est: Non, merci! "No, thanks."

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Sur le même sujet, à savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je cède maintenant la parole à M. le député de Marquette et adjoint au ministre de la Justice, lois parlementaires. Allez-y, M. le député.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. C'est avec joie et honneur que j'interviens à ce stade-ci sur le projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Mais juste avant d'aborder les différents articles du projet de loi 150, évidemment, je suis un peu peiné de voir que nos collègues de l'Opposition officielle se prononcent, à ce stade-ci de nos travaux, comme étant contre le projet de loi 150.

J'étais un de ceux qui ont siégé comme commissaires pendant plus de cinq mois au sein de la Commission Bélanger-Campeau et j'étais un de ceux, avec le député de Lac-Saint-Jean, qui ont siégé également sur le comité directeur de la Commission Bélanger-Campeau. J'étais également un des partisans de l'atteinte d'un consensus au

sein de cette dite commission, consensus au moins sur une démarche constitutionnelle et politique. Alors, comme je l'ai mentionné tantôt, je suis un peu peiné de voir que l'Opposition officielle du Parti québécois se dissocie de ce consensus qui avait été atteint - et certains députés sont ici présents - après plusieurs heures de délibérations au manoir Maizerets, lors de nos travaux.

M. le Président, je lisais hier un des commissaires à Bélanger-Campeau, M. Claude Béland, qui se demandait pourquoi le Parti québécois faisait volte-face à ce stade-ci. Il nous mentionnait - on connaît tous M. Béland qui s'avoue également souverainiste et qui représente une des institutions économiques les plus importantes au Québec, avec un actif de 45 000 000 000 $, qui a siégé lui aussi, comme nous, de bonne foi, à Bélanger-Campeau - il se posait la question: Pourquoi, encore une fois, le Parti québécois fait-il volte-face? Il avait d'ailleurs déjà mentionné, il y a quelques mois, que ce qui l'avait le plus peiné, lui aussi, lors de ces travaux, c'était de voir que le Parti québécois faisait souvent, pour des considérations électoralistes, effectivement, faux bond dans certains cas.

Alors, également, un autre commissaire, M. Lucien Bouchard, nous disait: II faut absolument adopter la loi 150 au plus vite. Pourquoi ces commissaires non alignés font-ils des déclarations comme ça? C'est qu'ils réalisent, après lecture du projet de loi 150, qu'effectivement la loi 150 représente clairement la lettre, le coeur et l'esprit des conclusions de la Commission Bélanger-Campeau. (11 h 50)

Comme conclusion, la Commission Bélanger-Campeau proposait notamment qu'il y ait un référendum, un seul référendum sur la souveraineté du Québec, au plus tard le 26 octobre 1992. J'ai lu le projet de loi 150. J'ai écouté le discours du ministre responsable du dossier, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes. On note très clairement, sans ambiguïté, qu'il y a un seul référendum de prévu et que ça respecte intégralement la conclusion de Bélanger-Campeau: un seul référendum de prévu. Je comprends le député de Lac-Saint-Jean qui, lui, préfère peut-être, pour des raisons que j'ignore, se fier plutôt à certains articles de journaux, se fier à certains commentaires qu'il entend dans les corridors du parlement, se fier peut-être à des suppositions, des hallucinations, que le gouvernement n'entend pas respecter le projet de loi qu'il a lui-même déposé en cette Chambre.

Je note également dans le projet de loi 150 qu'il y aura création de deux commissions parlementaires spéciales, tout comme il avait été prévu dans les recommandations et conclusions de Bélanger-Campeau: une pour étudier les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté et une deuxième pour apprécier toute offre nous provenant du gouvernement fédéral. Ces offres, je le répète, devront lier formellement le fédéral et les Législatures provinciales.

Le Parti québécois, M. le Président, et nos collègues et amis, avec qui on s'entend très bien, des deux côtés, je me souviens, dès le début de nos travaux sur Bélanger-Campeau, ils avaient, évidemment, une politique qui était claire, il faut le dire très clairement, c'était la souveraineté du Québec. Peu importent les intervenants ou les groupes qui venaient nous faire part de leurs commentaires, revendications ou propositions, c'était, évidemment, une série de questions en règle qui suivaient avec un objectif, une obsession, claire je l'admets, la souveraineté du Québec.

Nous, nous avons entamé ces travaux-là avec une ouverture d'esprit. Je vois et je constate que la majorité des commissaires sont ici présents ce matin. Nous avons, évidemment, écouté les groupes qui sont venus nous présenter des mémoires. La Commission a reçu plus de 600 mémoires. Nous avons entendu plus de 267 groupes, organismes, individus et experts. Nous avons entrepris ces travaux-là, comme je le mentionnais, avec une ouverture. Nous avons posé des questions. Nous n'allions pas là pour défendre le fédéralisme canadien à tout crin. Nous n'allions pas là non plus pour défendre l'indépendance du Québec à tout crin, nous allions là, respectueux des dispositions de la loi 90 qui a institué la Commission Bélanger-Campeau, pour écouter la population, groupes, experts et organismes et leur poser des questions dans l'objectif et l'intention, évidemment, de prévoir des recommandations pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Alors, nous avons été signataires de ce rapport Bélanger-Campeau et nous sommes, évidemment, contents de voir que le projet de loi 150 respecte intégralement les conclusions de Bélanger-Campeau. Un peu pour répondre au député de Lac-Saint-Jean, on a tous une fierté, non seulement comme individus, mais également comme parlementaires, que ce soit du côté ministériel ou de l'Opposition. Si, effectivement, selon le député de Lac-Saint-Jean, l'intention gouvernementale n'est pas sincère, alors je serais l'un des premiers à décrier ce jeu-là, si, effectivement, il y a un jeu comme le prétend le député de Lac-Saint-Jean. Pensez-vous, M. le Président, que si nous faisons volte-face à l'automne 1992, que si nous disons à la population du Québec: Le projet de loi que nous avons adopté à l'Assemblée nationale, les conclusions de Bélanger-Campeau, on ne les respectera pas, on ne tiendra pas un référendum, on n'en paiera pas le prix politique? Pensez-vous que la population va nous pardonner aisément de faire volte-face et de faire le contraire de ce que nous avons promis de faire? Alors, comme garantie à

l'Opposition officielle et à d'autres qui s'interrogent et qui se fient à des suspicions, hallucinations ou présuppositions, c'est que nous allons payer le prix politique si, effectivement, il y a un danger de faire volte-face. Et je le répète, je serais le premier à décrier cette situation de fait, si elle se produisait.

Évidemment, en acceptant les conclusions de Bélanger-Campeau sur un seul référendum à l'automne 1992, on a également accepté la création de deux commissions, comme je le mentionnais tantôt: une sur la souveraineté, une sur les offres, et nos collègues de l'Opposition officielle ont accepté la création de ces deux commissions-là. En acceptant qu'il y ait une commission parlementaire sur les offres, implicitement, ce n'était sûrement pas pour le plaisir de la chose. Ils ont été cosignataires de ce document, de ces conclusions de Bélanger-Campeau. Alors, une commission, évidemment, pourra travailler sur les offres nous provenant d'Ottawa, les analyser, les apprécier et faire des recommandations à l'Assemblée nationale du Québec.

Un autre point, M. le Président, que je trouve déplorable - et j'y ai fait allusion un peu au début de mon intervention - pour le Québec - je ne parle pas, M. le Président, pour le Parti libéral du Québec, pour le Parti Égalité ou pour le Parti québécois - il est important, après 30 ans de négociations infructueuses, que nous ayons un minimum d'unité - M. le Président, la démographie est importante au Québec et je suis fier qu'il y ait des jeunes qui viennent nous entendre à l'Assemblée nationale - et cette unité-là, malheureusement, sur un plan stratégique, strictement sur un plan stratégique, est en train d'achopper, de par l'attitude de nos collègues de l'Opposition officielle.

M. le Président, nous nous sommes entendus sur une démarche. Il y a eu presque unanimité sur cette démarche-là, et je peux vous dire que, dans l'intérêt du Québec, il est important que nous puissions rester forts face aux négociations ou face à un meilleur devenir pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec.

Parlant des considérants, M. le Président, la loi 150 reprend tous les considérants de la loi 90 qui créait, comme je le mentionnais tantôt, fa Commission Bélanger-Campeau. Il y a, évidemment, quelques ajouts d'autres considérants. J'en prends un au hasard, un qui mentionne qu'il devrait y avoir une égale compréhension des deux options. Je pense qu'on se doit, comme parlementaires, peu importe de quel côté de la Chambre, d'éclairer la population du Québec avant qu'elle ait à faire un choix sur son avenir politique et constitutionnel. On s'entend tous là-dessus, M. le Président, c'est la population du Québec qui va choisir, en dernier ressort, son avenir politique et constitutionnel. L'Assemblée nationale est souveraine, mais le peuple, M. le Président, pour moi, c'est encore plus fort: c'est le peuple qui est souverain et c'est le peuple qui va décider, en dernier ressort, de son avenir politique et constitutionnel.

Un autre considérant mentionne que, vu le rapport Bélanger-Campeau... Ça, évidemment, ça va de soi. Il fallait que ce considérant-là soit ajouté. On parle aussi de deux voies parallèles, une sur la souveraineté et l'autre sur un fédéralisme profondément renouvelé. Un autre considérant, M. le Président, mentionne que le gouvernement conserve sa faculté d'initiative dans l'intérêt du Québec. Je crois, M. le Président, que, quand bien même nous avons siégé sur une commission parlementaire élargie, itinérante, historique et non partisane, il faut quand même laisser au gouvernement du Québec, élu par le peuple, le pouvoir de décider, dans le meilleur intérêt du Québec. l'autre considérant parle que l'assemblée nationale demeure souveraine. alors, ça va évidemment de soi, et je pense qu'on n'a pas beaucoup de choses à dire là-dessus. mais tout ça, m. le président, fait suite à plusieurs injustices dont le québec a été victime ces dernières années. j'entendais notre collègue, ministre de la justice et responsable du dossier, parler de l'acte constitutionnel de 1982, alors que l'ensemble des provinces canadiennes et le fédéral de l'époque s'étaient entendus pour modifier la constitution canadienne sans l'accord du québec. il nous faut, évidemment, m. le président, et je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus, réparer cette injustice qui a été faite au québec à ce moment-là. (12 heures)

D'ailleurs, à l'Assemblée nationale, j'étais député de l'Opposition en 1982. C'est presque à l'unanimité que tous les parlementaires, des deux côtés de la Chambre, avaient adopté une résolution condamnant ce geste unilatéral de l'époque. Nous avons eu ensuite l'accord du lac Meech, accord auquel le Québec posait cinq conditions raisonnables pour réintégrer ou pour devenir partie prenante à l'Acte constitutionnel de 1982.

Alors, M. le Président, ce n'est pas le fait du hasard si, aujourd'hui, nous avons cette importance par rapport à l'aspect constitutionnel au Québec actuellement. C'est pour cela qu'il y a un échéancier serré prévu pour l'automne 1992 afin de dire à nos partenaires canadiens que nous sommes sérieux, que, cette fois-là, nous voulons véritablement qu'il se produise des changements et c'est toute la question de notre démarche qui nous permet de nous retrouver ce matin avec ce projet de loi 150.

Question des offres nous provenant du fédéral et des autres provinces. Comme vous savez, M. le Président, notre formation, politique, le Parti libéral du Québec, a adopté un programme constitutionnel lors de son dernier congrès plénier. Évidemment, M. le Président, je pourrais vous dire que nous avons déjà là un excellent instrument qui va servir à la commission parlementaire qui aura pour mandat d'apprécier les

offres provenant d'Ottawa. Alors, le rapport Allaire existe, le rapport Allaire a été adopté à la majorité des membres de notre formation politique et nous aurons évidemment comme point de référence ce rapport adopté par le Parti libéral du Québec, pas comme seul point de référence, mais l'un des points de référence importants pour apprécier les offres qui nous proviendraient d'Ottawa et des autres provinces.

M. le Président, je m'étais engagé avec d'autres collègues que je limiterais mon intervention à 15 minutes. Mes 15 minutes étant écoulées, tout ce que j'ai à souhaiter, c'est, d'ici quelques jours, de convaincre les autres membres de l'Assemblée nationale, plus spécialement les membres de l'Opposition officielle, de changer l'attitude, changer le comportement, de voter avec le gouvernement sur le projet de loi 150 afin que le Québec demeure fort et ait une forme d'unité dans tout ce qui va se produire dans les prochains mois et les prochaines années dans notre intérêt. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Marquette. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de D'Arcy-McGee. M. le député.

M. Robert Libman

M. Libman: Merci, M. le Président. M. le Président, pour commencer, en essayant de comprendre le jeu politique du Parti québécois, je dois souligner le fait que ce projet de loi suit l'esprit et la lettre du rapport final de la Commission Bélanger-Campeau. J'étais membre de la Commission et, comme M. Claude Béland, comme lui, je suis étonné de voir le changement soudain du Parti québécois, de faire semblant que le projet de loi 150 mine le rapport final de la Commission Bélanger-Campeau. Ce n'est pas vrai, M. le Président. Comme le député de Marquette l'a bien souligné, ce n'est pas vrai et je pense qu'il faut reconnaître ce jeu que l'Opposition officielle essaie de faire.

Mais si, M. le Président, le mandat de la Commission Bélanger-Campeau établi par le loi 90, adoptée à l'unanimité le 4 septembre 1990, était de faire des recommandations à l'Assemblée nationale, faire une recommandation à l'Assemblée nationale, c'est quoi, M. le Président? Cela veut dire que cette recommandation peut porter un niveau d'influence mais ne force pas le gouvernement à agir d'une certaine façon. Notre système donne toujours au gouvernement le pouvoir de contrôler l'Assemblée nationale et ça a toujours été clair. Ça a toujours été clair pendant les délibérations de la Commission Bélanger-Campeau et pendant l'adoption de la loi 90, que l'Assemblée nationale pouvait faire ce qu'elle voulait avec le rapport de cette Commission créée le 4 septembre.

Il faut reconnaître - on ne peut pas le mentionner assez souvent, M. le Président - qu'il n'y a aucune différence entre le rapport final de la Commission Bélanger-Campeau et le projet de loi 150. Dire cela est malhonnête, c'est induire la population en erreur. Si le Parti québécois croit ou prétend qu'il existe dans le projet de loi des portes de secours, ces portes de secours ont toujours existé dans la simple réalité que le gouvernement contrôle l'Assemblée nationale par sa majorité qui a été créée dans l'élection de 1989. C'est un fait, M. le Président, et il ne faut pas oublier cette simple réalité.

Mais il faut reconnaître - et je pense que c'est trop clair et ça m'étonne que la population entière ne l'ait pas reconnu clairement - que le Parti québécois est en train de paniquer. Il veut jouer à la politique en essayant, par la confrontation et l'indignation, de réveiller la vague souverainiste dormante au Québec, même si la population veut que nous nous occupions d'autres priorités. J'espère que tous les Québécois réalisent que l'Opposition officielle fait le jeu de la politique et fait le jeu de la politique sur le dos de la population.

Comme je l'ai dit, M. le Président, le mandat de la Commission Bélanger-Campeau était d'examiner et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de faire des recommandations à l'Assemblée nationale. J'ai eu la chance de participer aux délibérations de cette Commission qui ont duré six mois. Et les premiers trois mois, la Commission a entendu un échantillonnage d'opinions à travers la province de Québec, un exercice qui était, à mon avis, très éducatif et très important.

Ce que je crois avoir été extrêmement malheureux et une expérience négative et non fructueuse, a été la seconde partie des délibérations de la Commission Bélanger-Campeau, les réunions à huis clos. Malheureusement, plutôt que de donner suite au mandat de la Commission, de recommander un statut politique constitutionnel pour le Québec, d'analyser, d'examiner le partage des pouvoirs, par exemple, la question de la Charte des droits ou les vrais besoins constitutionnels du Québec, la Commission est devenue obsédée par le mot "consensus", par l'importance d'un consensus qui n'existe même pas dans la population du Québec, mais d'un consensus pour en venir à une entente de tous les commissaires sur un plan d'action spécifique pour montrer au reste du Canada que nous étions unis et, par conséquent, pour être dans la meilleure position possible pour négocier avec le reste du Canada. Et cette question de négociation, cette question de processus, au lieu de la question de fond, est devenue la seule priorité de la Commission Bélanger-Campeau et une des raisons pour lesquelles notre caucus a été une des deux seules voix à voter contre les recommandations de cette Commission.

This exercise, this obsession with reaching a consensus by the Commission was a travesty,

M. le Président. Instead of recommending a specific constitutional proposal based on an analysis or on a majority vote of the Commission, because of the importance of speaking with this one artificial voice, we ended up with a bastardized final report saying that there seems to be two tendencies in the population. So, in fact, there is one voice actually saying to the rest of Canada that there are two options that still exist in the population.

So, what was the point of the exercise if we worked so hard to have one voice, but this one voice said that these two tendencies exist, that we all knew about anyways? We did not even work on recommending a detailed constitutional status for Québec, only a mechanism and a time frame to choose an option. And this, in fact, should have been only one of the details of the final report of that Commission.

But even more infuriating was what was written and what was proposed in that report, in its vicious attack on the existing federal system and even that so much was implied that a sovereign State of Québec is viable. But again, no constitutional proposal was worked on.

This is not what Quebeckers want. This is not what Quebeckers need. This does not serve us well. The last, last thing that the population of Québec needs is to be dragged through another 18 months of constitutional debate. Our economic climate is miserable, our energies have been exhausted, this uncertainty, this spectre about separation has and will cost us millions and millions of dollars. And Bill 150, which is the translation of this ambiguity, will definitely not help the situation. (12 h 10)

M. le Président, il y a deux aspects à ce projet de loi. Il y a un élément de choc et, en même temps, un élément sobre. D'un côté, le projet de loi établit une date pour un référendum sur la souveraineté, sur l'indépendance du Québec, à l'article 1. Mais, d'un autre côté, il essaie de stabiliser ce premier article trop émotif, téméraire, par un mécanisme plus modéré, plus responsable, en créant deux commissions parlementaires, une pour étudier et analyser toute question relative à l'accession du Québec à la pleine souveraineté et l'autre pour étudier toute offre de nouveau partenariat de nature constitutionnelle.

Même si le membre du Parti Égalité à la Commission Bélanger-Campeau a été un des deux seuls membres à voter contre le rapport final, nous reconnaissons qu'il est nécessaire que ces commissions soient formées et nous participerons aux travaux des deux commissions. Nous espérons qu'elles vont remplir le travail ou la tâche de la Commission Bélanger-Campeau qui a été ignorée à cause de cette obsession d'un consensus. Il faut terminer le travail de la Commission Bélanger-Campeau et j'espère que ces deux commissions vont remplir cet objectif. Mais nous ne pouvons accepter ou appuyer, même de la façon la plus réservée, un référendum sur la souveraineté dans un délai de 17 mois seulement.

M. le Président, ce premier article du projet de loi 150 dit que le gouvernement du Québec tiendra un référendum sur la souveraineté du Québec avant le 26 octobre de l'année prochaine. Le résultat du référendum a pour effet, s'il est favorable à la souveraineté, de proposer que le Québec acquière le statut d'État souverain un an, jour pour jour, à compter de la date de sa tenue. C'est très émotif, c'est très puissant, cet article, et je suis sûr que, quand l'Opposition officielle lit cet article, ça lui donne un certain sentiment d'urgence, un certain sentiment de satisfaction.

Mais, pour le gouvernement, l'article 1 sert à faire deux choses: les souverainistes se sentent plus confortables avec le projet de loi. Apaisant les souverainistes du Parti libéral, il sert aussi à mettre un couteau sur la gorge du reste du Canada, parce qu'il est cru que la seule façon d'avoir une entente est par la force, par cette confrontation avec la Fédération canadienne. Nous venons d'entendre le ministre des Affaires intergouvernementales qui reprend ce discours, ce langage très "tough" pour montrer au reste du Canada: Soyez prudents. Nous avons ce couteau dans nos mains et nous allons être forts dans ces négociations. Il croit que c'est la seule façon d'arriver à une entente raisonnable.

Mais, M. le Président, le gouvernement, le Parti libéral qui propose cette législation compte parmi ses députés des ministres comme Daniel Johnson, Claude Ryan, Pierre Paradis, Sam Elkas, Louise Robic, Gérald Tremblay, John Ciaccia, Gérard D. Levesque, des députés comme M. Gobé, le député de LaFontaine, qui savent fort bien que, juridiquement, ce projet de loi ne lie aucunement les mains du premier ministre. Mais, eux, ils devront reconnaître le fort symbolisme inhérent à un tel projet de loi qui inscrit formellement, pour un parti plutôt fédéraliste, le Parti libéral, pour la première fois, leur engagement envers un référendum sur la souveraineté du Québec.

Cela me dérange, M. le Président. Cela m'inquiète, M. le Président. Il faut admettre que le fardeau est lourd pour notre parti. Un caucus de quatre députés à l'Assemblée nationale est la seule voie qui ne se soit pas gênée de défendre la Fédération canadienne. Alors, il faut dire que, pour le Parti libéral, il est temps de faire un choix. Les derniers sondages sont très favorables; ils indiquent très clairement que la majorité des Québécois veulent rester Canadiens.

Une voix: C'est faux.

M. Libman: Et ça, sans aucun leadership du gouvernement dans la question constitutionnelle. Le gouvernement doit préciser aux Québécois que la meilleure assurance pour la prospérité du

Québec, pour la stabilité économique du Québec demeure l'option fédéraliste. Le gouvernement doit jouer un rôle important dans ce débat, celui de convaincre les Québécois qui sont indécis, qui sont aptes à croire les assurances fausses et inexactes de l'Opposition officielle, que leur meilleur avenir demeure dans la Fédération canadienne. Il faut oublier, il faut lâcher ceux de votre parti qui poussent pour la souveraineté et commencer à penser aux meilleurs intérêts des Québécois et des Québécoises. Au lieu de suivre les vagues, il faut, comme gouvernement, propager les vagues. La population attend d'être convaincue; convainquez-là! Et convainquez-la comme vous savez et dans son meilleur intérêt, comme Québécois à l'intérieur du Canada, et le gouvernement ne doit pas hésiter à affirmer cela. Il compte parmi vous assez de députés qui croient fermement à cette voie, à cette option.

Il faut amender le premier article "detrimental" du projet de loi 150. Gardez le reste du projet de loi 150 intact, mais n'imposez pas une camisole de force, une échéance trop courte, un mécanisme qui soit trop explosif. Il faut s'asseoir avec le gouvernement fédéral, il faut s'asseoir avec les autres premiers ministres et trouver une formule. Il faut oublier la pression de l'Opposition officielle qui ne veut rien de moins que le démembrement du pays, oublier les nationalistes dans votre caucus même, oublier ce couteau sur la gorge du reste du Canada et travailler dans le meilleur intérêt de la population du Québec. C'est dans cette optique que nous devons concentrer nos efforts et nos énergies.

For our caucus, whether some aspects of this law can be changed or not, we cannot support any legislation that has as its first article a call for sovereignty, for a referendum on sovereignty. We cannot accept the fact that our Government, elected on a federalist platform, tables a bill calling for a referendum on sovereignty, a mandate that they never received from the population of Québec.

The only reason Article 1 is in the Bill is for symbolic purposes and, legally speaking, we all realize that its presence is not necessary at all and this is confirmed when we read the sixteenth "whereas" in the Preamble. It says: "Whereas the National Assembly continues to hold the sovereign power to decide any matter pertaining to a referendum and to pass appropriate legislation where necessary."

Of course, this National Assembly continues to hold the sovereign power to decide any matter pertaining to a referendum and to pass appropriate legislation where necessary. We all know that. And this is exactly why Article 1 is a complete absurdity. On the one hand, Article 1 tells us the details of where a referendum will be held. And, it even goes so far as to say, in the second paragraph of Article 1, that Québec will acceed to sovereignty a year, to the day, after a yes vote. But then we have the famous "whereas" in the Preamble, that the National Assembly of Québec, of course controlled by 91 Liberal seats, has full sovereignty to decide any matter pertaining to a referendum and to pass appropriate legislation where necessary. If the power is there to pass legislation where necessary, why do we not wait until it is necessary before we decide to have a referendum?

Le gouvernement veut jouer à la politique. Ils savent que, s'ils apaisent le sentiment nationaliste dans cette province, ils peuvent être de gros types, des types durs qui ont la perception de dire: Regardez-nous, nous sommes prêts à opter pour la souveraineté. Votez pour nous et non pour le Parti québécois, puisque nous pouvons être aussi nationalistes qu'eux.

Mais j'ai un avertissement pour le premier ministre: II joue avec le feu! Non seulement une telle attitude est-elle mauvaise pour notre stabilité économique, parce que cela crée une espèce d'incertitude au sujet de l'avenir du Québec que les investisseurs ont en horreur, mais elle est malhonnête. Autant, M. le Président, je n'aime pas l'option souverainiste, autant je reconnais quand même les droits démocratiques des partis, tel le Parti québécois, d'aspirer à de tels objectifs et, au moins, de les représenter. Et pour certains au Québec, cette aspiration pour la souveraineté est un rêve, est un but de la vie.

Mais, M. le premier ministre, ne jouez pas avec les rêves de la population. La politique de bâtir une nation est complètement différente de celle, en comparaison, pour les affaires plus mondaines. Il y a de graves conséquences à se servir de la souveraineté comme d'un outil manipulateur pour obtenir ce que vous voulez. Cette tactique, je vous avertis, ne peut se bien présenter aux Québécois pour qui la souveraineté est une vision sacrée. Le premier ministre tend aux nationalistes une carotte au bout d'un bâton dans l'article 1, puis, sournoisement, dans le seizième "attendu", il confirme qu'il est tout à fait préparé à le retirer si le moment et les circonstances lui conviennent et servent ses buts politiques. (12 h 20)

Another strange aspect of the Bill is Article 6, M. le Président, which does not allow any offer from either the Federal Government or the other Governments of Canada to be submitted to the committee that will study offers unless it is formally binding on the Government making the offers. Mr. Speaker, even assuming that a government can submit to the committee a binding offer, the committee has to study that offer. Will the offer be forthcoming in month 1? Hardly likely. Month 10? Perhaps, but not likely. And remember, we only have 17 months at the most. Even if a few provinces were to get offers to us, say by month 12, we would still have to study it and assess it properly. And will 5 months be enough to call witnesses, read briefs, discuss and debate the offers?

Then, the Assembly has to debate the offers, vote on them, and, if not acceptable, hold the referendum, hold the referendum debate, all by October 26, 1992 by the latest. It is virtually an impossible time frame. The provisions of the Referendum Act state that once the National Assembly adopts the text of the referendum question, there will be debate, with all the amendments and subamendments, this will take at least 3 weeks and maybe even as much as 8 weeks. And once the wording of the referendum question is adopted by the National Assembly, the actual vote, according to law, cannot be held for at least 20 days. This would leave us with almost no time, according to this most conservative estimate.

We must therefore amend this Bill this week to at least allow, without having to reopen the debate later on, when the political climate may be more emotional, the Government to delay the referendum date if an agreement is being formulated by the rest of Canada.

Mais au-delà de toutes ces conditions presque impossibles avec cette échéance trop courte, ce qui est encore plus irréaliste cependant, ce sont les mots "lier formellement" comme condition aux offres qui doivent être faites par les gouvernements fédéral ou provinciaux. Selon l'article 46(2) de l'Acte constitutionnel de 1982, qui fait partie de la formule d'amendement, il est dit: "Une résolution d'agrément adoptée dans le cadre de la présente partie peut être révoquée à tout moment avant la date de la proclamation qu'elle autorise." Cette Chambre ne se rappelle-t-elle pas ce que le gouvernement de Terre-Neuve a fait avant la date de ratification de l'accord du lac Meech? Terre-Neuve a révoqué le consentement donné par le gouvernement précédent. Alors, il apparaît être techniquement impossible pour un gouvernement de faire quelque offre pour "lier formellement" cette commission parce qu'il est impossible d'être formellement lié.

M. le Président, quand nous avons à faire face à des circonstances non souhaitées dans la vie, notre liberté de choix naturelle nous permet de faire un choix, soit de regarder les aspects positifs des circonstances qui se présentent ou de se résigner à l'inévitable et d'abandonner. M. le Président, notre caucus, nous préférons la première solution.

If the discussion about sovereignty and référendums and whether Québec should leave the Federation is thrust upon us, then let us exploit this opportunity as an opportunity to examine if, in fact, Canada has or has not served us well and has served the interests of Québec well. Many are claiming that Canada does not work, that it does not serve their special and distinct interests, that splintering into a smaller country will be the way to face the challenges that lie ahead. But if that is the case, then we must let this crisis serve as an opportunity to examine whether, indeed, Canada does not work. And I am confident of the results. Over the next 18 months, I look forward to each and every Québec nationalist and separatist to take a look at these results, along with the rest of us, and look at the alternative. It will not be scare tactics that make the sovereignist side diminish in the polls, it will be the cold, hard facts of a proven, prosperous and envied arrangement, an arrangement called Canada.

En conclusion, M. le Président, when one travels across the world, there is something very special, there is something very significant about saying that you are from Canada. When one leaves Canada and visits any other country in the world, instantly one can feel a strong sense of pride. Canadians have reason to be proud and even to boast to the rest of Canada about what a great country we live in.

Nous sommes fiers d'être Canadiens, nous sommes fiers d'être Québécois. Le Québec est non seulement une partie intégrale du Canada, mais constitue aussi une partie essentielle de la tapisserie canadienne.

We must celebrate our differences and not hide them. We must all share in the greatness of our diversity. What we have as Canadians is precious and rare in the world. So, we must be proud to be Quebeckers, we must be proud to be citizens of Canada and anyone who wants to damage this reality must be able to prove that we would otherwise be better off. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de D'Arcy-McGee. Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: m. le président, en vertu de l'article 213 de notre règlement, est-ce que le député me permettrait de poser une question, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, M. le député de D'Arcy-McGee, vous avez le choix d'accepter ou de refuser de répondre à une question de Mme la députée de Johnson. Vous acceptez?

M. Libman: Oui.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Une courte question et une courte réponse.

Mme Juneau: Certainement. Au début de son intervention, le député a dit qu'il y avait une majorité de Québécois qui veulent demeurer dans le Canada. Comme cette affirmation est contraire

à tous les sondages connus, est-ce qu'il peut me dire où il a pris ces chiffres pour affirmer aujourd'hui qu'il y avait une majorité de Québécois qui voulaient demeurer dans le Canada?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de D'Arcy-McGee.

M. Libman: M. le Président, les trois derniers sondages qui ont été faits au Québec indiquent très clairement que la majorité des Québécois n'appuient plus la souveraineté. Ils ont d'autres priorités...

Une voix: C'est vrai.

M. Libman: ...et peut-être qu'ils commencent à réaliser que le meilleur avenir pour le Québec reste à l'intérieur de la Fédération canadienne.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. M. Johnson: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): non, je m'excuse. cette dernière intervention met fin à nos travaux pour ce matin, travaux que je suspends jusqu'à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 26)

(Reprise à 14 h 5)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Mesdames, messieurs les députés, nous allons nous recueillir quelques instants. Je vous remercie.

Veuillez vous asseoir.

Nous allons procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je vous inviterais à appeler l'article h, s'il vous plaît, de notre feuilleton.

Projet de loi 287

Le Président: À l'article h, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 287, Loi concernant Les Coopérants, société mutuelle d'assurance-vie. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport.

En conséquence, M. le whip en chef du gouvernement et député de Viau, au nom de M. le député de Saint-Louis, présente le projet de loi d'intérêt privé 287, Loi concernant Les Coopérants, société mutuelle d'assurance-vie. Est- ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Pagé: Alors, M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration et pour que Mme la ministre déléguée aux Finances en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Maintenant, dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions. Mme la vice-présidente de la commission de l'éducation et députée de Matane.

Étude détaillée du projet de loi 139

Mme Hovington: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission de l'éducation qui a siégé le 11 juin 1991 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 139, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Le projet de loi a été adopté avec des amendements, dont un au titre.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Maintenant, dépôt de pétitions. Mme la députée de Terrebonne.

Retirer la proposition de coupure dans les subventions publiques au transport en commun

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1370 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Québec.

Les faits invoqués sont les suivants: "Considérant que la politique de coupure de subventions publiques du gouvernement à l'égard du transport en commun constitue une véritable atteinte à la survie même de ce service public auquel la population a droit; "Considérant que les victimes d'une détérioration du transport en commun seraient les personnes âgées, les jeunes, les plus démunis et la population en général, sans compter l'impact d'une telle mesure sur l'emploi, l'environnement et l'achalandage du réseau routier."

L'intervention réclamée se résume ainsi: "Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée

nationale d'intervenir auprès du ministre responsable et du gouvernement afin de retirer sa proposition de coupure dans les subventions publiques accordées au transport en commun."

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Votre pétition est déposée.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous allons donc procéder à la période des questions et réponses orales des députés.

M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: 30 secondes, M. le Président. Avant que... D'accord, c'était pour m'enquérir de la présence de celui qui arrive. Donc, nous pourrons correctement commencer la période de questions.

Le Président: Très bien. Nous allons donc procéder à la période de questions et réponses orales.

Je vais reconnaître en première question principale, M. le chef de l'Opposition.

QUESTIONS ET RÉPONSES ORALES

Demander aux médecins de renoncer à toute forme de grève

M. Parizeau: m. le président, le premier ministre ayant accepté de rencontrer les représentants du corps médical du québec, il aura à prendre un certain nombre de dispositions, mais il comprendra aussi que, dans ces conditions, j'intervienne dans la discussion au point où nous en sommes. le projet de loi destiné à réorganiser le système de santé au québec a fait en commission des progrès, je pense, importants. le ministre disait il y a quelques jours en cette chambre que, si tous les groupes avaient collaboré autant que l'opposition à ce projet, on serait passablement plus avancés et, effectivement, nous nous targuons d'avoir travaillé à bonifier ce projet au fur et à mesure que nous avancions, grâce en particulier aux efforts du député de rouyn-noranda-témiscamingue.

Il est clair cependant que nous ne pourrons pas terminer pour le 21 décembre... le 21 juin. Il ne reste que quelques jours de session et certains éléments majeurs n'ont pas été abordés, en particulier le fonctionnement des régies régionales et, d'autre part, il faut probablement s'assurer de la cohérence de ce qui reste sur la table ou de ce qui a été amendé. Ce débat qui avance, M. le Président, à l'heure actuelle est empoisonné par le conflit avec les médecins, les médecins qui ont obtenu, d'engagement du ministre, la majeure partie de ce qu'ils demandaient, à l'origine. Mais on me permettra - la chose est tellement grave, M. le Président, j'es- saie de le faire en dehors complètement de tout esprit partisan, ici - nous avons... Je sais ce que c'est une grève de médecins, d'autres dans cette Chambre, de l'autre côté, le savent aussi et on sait très bien que si on peut se sortir d'une crise comme celle-là, il vaut mieux faire tous les efforts nécessaires. Il me semble...

Une voix: Bravo!

M. Parizeau: ...qu'au point où nous en sommes, M. le Président, on devrait demander aux médecins d'indiquer, pour clarifier l'atmosphère, clairement et publiquement qu'ils n'iront pas en grève sous quelque forme que ce soit et que le gouvernement, du même souffle, dirait, que dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de passer une loi spéciale. Puis-je demander au premier ministre, puisqu'il va rencontrer les médecins, s'il a l'intention de leur demander très formellement qu'ils renoncent, et publiquement, à se servir de la grève, sous quelque forme que ce soit, de façon à ce qu'on puisse continuer a faire avancer les choses?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, d'abord, je suis heureux de voir l'attitude responsable du chef de l'Opposition. Il a signalé le travail de son critique, le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, et vous me permettrez de signaler également le travail exceptionnel du ministre de la Santé et des Services sociaux...

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Bourassa: Comme je le disais hier au chef de l'Opposition, nous allons, dans quelques heures, à la réunion du Conseil des ministres, écouter les représentations du ministre responsable qui a fait des déclarations publiques ce matin qui vont un peu dans le même sens que les propos du chef de l'Opposition ou c'est les propos du chef de l'Opposition qui vont dans le même sens que les déclarations du ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est évident que le gouvernement, d'aucune façon, ne peut cautionner un droit de grève dans les services essentiels. Il ne l'a jamais fait. Comme le disait le chef de l'Opposition, nous avons connu aussi une grève en 1970 alors que nous avions à faire face en même temps, comme il le sait, à la crise d'Octobre. Nous avons cette expérience et il n'y a pas le moindre désaccord entre l'Opposition et le gouvernement sur la nécessité d'éviter une grève des médecins. Alors, je dis au. chef de l'Opposition que nous nous rencontrons à 16 heures pour en discuter et que, par la suite, des décisions seront prises ou des propositions seront faites.

Le Président: En question principale, M. le

député de Lévis.

Déménagement de Montréal à Toronto de 12 postes de direction d'Air Canada

M. Garon: M. le Président, hier, le ministre des Finances et le premier ministre ne semblaient pas au courant et semblaient plutôt indifférents au déménagement du service du change étranger de la Banque du Canada de Montréal à Toronto. Aujourd'hui, on apprend que les transferts des activités des organismes fédéraux du Québec vers les autres provinces se poursuivent. Air Canada, après avoir déplacé toutes les opérations de formation des pilotes à Toronto, à l'exception de ceux des DC-9, déménagera de Montréal à Toronto une vingtaine d'employés, dont 12 postes de direction reliés aux opérations de cette société aérienne.

Ma question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre peut nous dire si lui ou les membres de son gouvernement ont été informés de cette décision et comment l'ont-ils été?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Sur le premier point, M. le Président, le ministre des Finances a fait parvenir une lettre aujourd'hui au gouverneur de la Banque du Canada pour lui signaler l'opposition du Québec à la décision ou à la présumée décision qui aurait été prise à cet égard-là, étant donné son impact sur le pouvoir d'attraction de Montréal comme centre international sur le plan financier.

Pour ce qui a trait à Air Canada, je m'informerai au ministre responsable, et le ministre délégué aux Transports pourra compléter ma réponse à cet égard.

Le Président: Alors, M. le ministre délégué aux Transports.

M. Middlemiss: M. le Président, au ministère des Transports, nous n'avons pas été avisés, de la part du gouvernement canadien, de ce geste. Nous déplorons ce geste. Toutefois, je dois vous indiquer que mon collègue, le ministre des Transports, doit rencontrer M. Corbeil vendredi prochain, et je suis convaincu que ce sujet fera partie des discussions.

Une voix: II n'est pas tellement au courant. Le Président: En question complémentaire. M. Garon: M. le Président-Une voix: II n'est pas tellement informé, ha! ha! ha!

M. Garon: ...à part des rencontres peut-être un peu inutiles...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: ...est-ce que le premier ministre, lui, va faire quelque chose suite à cette annonce? Est-ce qu'il entend intervenir avec fermeté ou, au moins, avec toute la fermeté dont il est capable, auprès des autorités fédérales afin que le siège social d'Air Canada à Montréal ne devienne pas une coquille vide, ou va-t-il agir mollement ou avec indifférence et encaisser le coup comme il l'a fait pour l'éducation, le développement régional et le déménagement du service de change de la Banque du Canada?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: On pourrait donner toute une liste des échecs, et elle serait très longue, du gouvernement qui nous a précédés dans ses relations fédérales-provinciales. Le plus spectaculaire est évidemment l'abandon du droit de veto. Je n'ai pas besoin de le répéter.

Tout simplement pour dire au député de Lévis que son parti est mal placé pour nous faire des remontrances dans la défense des intérêts du Québec. Alors, nous... Oui, et comment! Et comment, M. le Président. Pour hurler, ils sont là, mais pour agir, c'est une autre chose.

Ce que je dis au député de Lévis, c'est que nous allons faire les représentations, comme on l'a fait dans le cas de la Banque du Canada. Dès aujourd'hui, une lettre a été envoyée. Les hauts fonctionnaires avaient été prévenus en fin de semaine, en fin de journée et nous allons poursuivre les représentations, comme nous l'avons fait dans plusieurs dossiers, de manière à assurer la sécurité des intérêts du Québec.

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Garon: Est-ce que le premier ministre est conscient que la machine bureaucratique fédérale essaie de transférer en douce le siège social d'Air Canada de Montréal à Toronto, que ce transfert des activités d'Air Canada de Montréal vers Toronto, qui deviendra peut-être Air Toronto, s'est manifesté en 1988 avec la formation des pilotes et que la machine fédérale tente, par tous les moyens, de contourner la loi qui prévoit que le siège social d'Air Canada doit être situé dans le territoire de la Communauté urbaine de Montréal, même si le ministre des Transports à Ottawa ne le sait pas?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit tantôt au député de Lévis que nous allons faire toutes les représentations nécessaires pour défendre les intérêts du Québec dans ce dossier-là. On a annoncé qu'il y aurait une rencontre dans les prochains jours à cet égard-là. Alors, je demande au député de Lévis de faire confiance au gouver-

nement sur une question. On sait comment c'est important pour la ville de Montréal sur le plan économique. Alors, je l'assure que nous allons faire les représentations les plus appropriées à cet égard.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Lévis.

Maître d'oeuvre gouvernemental de l'aménagement du centre de ski du Pin rouge

M. Garon: M. le Président, hier, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a refusé de déposer en cette Chambre l'avis technique sectoriel de son ministère sur l'aménagement d'un centre de ski à New Richmond. Il a déposé une lettre d'un sous-ministre adjoint qui, curieusement, ne porte même pas l'en-tête de son ministère, comme une lettre blanche entre amis, qui révèle au fond que les fonctionnaires sentaient dès le début que quelque chose d'anormal se passait dans ce dossier. (14 h 20)

Le ministre a aussi déposé des fiches techniques préparées en vue du Sommet socio-économique de Carleton avant même les engagements du ministre responsable du Développement régional - "Les documents déposés par le ministre ne constituent pas un avis technique sectoriel permettant à un autre ministère d'engager des fonds publics dans un projet."

Ma question au ministre responsable du Développement régional. Le ministre...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le député de Lévis. J'ai une question de règlement par le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je dois indiquer, à ce moment-ci, que le député de Lévis allègue que le ministre aurait refusé de déposer une étude. Il n'a jamais refusé. Il ne l'avait pas et il n'y en a jamais eu selon ce qu'il nous a dit hier.

Le Président: Alors, c'est une question qui pourrait être clarifiée par le ministre dans sa réponse. Donc, allez-y avec votre question, M. le député de Lévis.

M. Garon: Alors, le ministre responsable de l'OPDQ peut-il confirmer qu'après la signature de l'entente-cadre de développement régional de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, le ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a été désigné maître d'oeuvre gouvernemental dans l'aménagement d'un centre de ski au Pin rouge?

Le Président: M. le ministre responsable du Développement régional.

M. Picotte: M. le Président, j'ai eu l'oc- casion de dire au député de Lévis, hier, qu'il y avait une fiche technique provenant du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche démontrant la faisabilité du dossier. Il y avait aussi une étude qui nous permettait de nous engager dans le dossier. Il y avait un promoteur qui acceptait de défrayer et de faire, justement, ce dossier-là comme il a été fait. Oui, effectivement, c'est ça. Et vous en avez fait. Dans tous les sommets économiques, ça a été pareil, quand vous aviez un promoteur... La plus belle preuve, chacun d'entre vous, partout où il y a eu des sommets économiques, vous nous avez même recommandé d'accepter des dossiers de promoteurs sans qu'on aille plus loin dans chacun des dossiers. Vous avez tous été des gens qui avez supporté des promoteurs. Donc, faites signe que oui que non, c'est comme ça, y compris le député de L'Assomption, M. le Président. Dans les sommets économiques, il est d'accord avec les promoteurs et il fait toujours en sorte... Hein! Hein! Hein! C'est ça.

Le Président: Alors, M. le ministre! M. le ministre, s'il vous plaît! Alors, je vous invite à répondre à la question en vous adressant, non pas aux députés de l'Opposition, mais à la présidence, s'il vous plaît. S'il vous plaît!

M. Picotte: M. le Président...

Le Président: Alors, allez-y en conclusion, M. le ministre.

M. Picotte: m. le président, il serait difficile de me tourner de côté pour vous parler et parler aux gens d'en face. comme eux autres font des mimiques...

Des voix: Ha!

Le Président: Non, non.

M. Picotte: ...ils font des remarques, je réponds.

Le Président: Allez-y avec la réponse, s'il vous plaît.

M. Picotte: M. le Président, je dis ceci. Il y avait un avis technique du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche, il y avait un avis favorable du ministère du Tourisme et nous avons procédé comme nous procédons dans tous les cas, avec un promoteur dans le dossier. Je présume aussi, et j'en suis convaincu, que la SDI, qui devait verser les montants, a payé selon les us et coutumes et les règles établies au niveau de la SDI. Alors, voilà, tout a été conforme. Il n'y a rien de spécial dans ce dossier-là, pas plus que dans d'autres.

Le Président: En question complémentaire.

M. Garon: M. le Président, ma question au ministre était - je voudrais la répéter - Le ministre responsable de l'OPDQ peut-il confirmer qu'après la signature de l'entente cadre de développement régional de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche a été désigné maître d'oeuvre gouvernemental dans l'aménagement d'un centre de ski au Pin rouge? C'est ça, ma question.

Le Président: M. le ministre.

M. Picotte: M. le Président, il n'y a rien d'étrange là-dedans, c'est marqué dans la signature de l'entente. Je ne sais pas pourquoi le député me pose cette question-là. À moins que vous ne sachiez pas lire ou que d'autres de vos conseillers vous aient dit que ce n'était pas tout à fait ça que vous devriez comprendre.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Garon: Est-ce que la réponse, M. le Président, c'est oui ou c'est non?

Le Président: M. le ministre.

M. Picotte: C'est inscrit même dans le libellé que c'est le ministère du Loisir qui est maître d'oeuvre. Ou le député de Lévis ne sait pas lire ou ses conseillers lui disent qu'il ne sait pas lire comme il faut non plus. C'est inscrit dedans.

Le Président: Alors, en question complémentaire, à nouveau.

M. Garon: Question additionnelle au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche: Pourquoi le ministre persiste-t-il à nier l'existence d'un avis technique sectoriel de son ministère dans le dossier du Pin rouge, avis que son ministère a refusé de remettre à la ville de Carieton le 19 mars 1990, en invoquant la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels?

Des voix: Ah! Ah!

M. Garon: Qu'est-ce que cet avis contient de si honteux pour que le ministre refuse de le déposer? Je dépose copie de cette réponse de la responsable ministérielle de la Loi sur l'accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, Francine Émond, du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

Le Président: Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt de cette lettre?

Une voix: Consentement.

Le Président: le document est déposé. alors, à la question maintenant, m. le ministre du loisir, de la chasse et de la pêche.

M. Blackburn: C'est important de préciser, M. le Président, qu'hier, j'ai déposé un avis technique sectoriel donnant effet que le centre de ski Pin rouge était développable au niveau du domaine skiable, et c'est un avis sectoriel du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Quant à être maître d'oeuvre, bien sûr que c'est une responsabilité qui incombe au ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Pour ce qui est de l'autre partie, quant aux subventions, comme c'est un organisme à but lucratif qui faisait la demande d'une subvention, le ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche n'était pas capable de répondre. C'est la raison pour laquelle la SDI a reçu, bien sûr, ce projet. C'est clair, il me semble que c'est facile à comprendre.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Garon: M. le Président, une question au ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Comment le ministre explique-t-il que c'est son ministère qui est intervenu financièrement et qui a versé les subventions après le sommet Chaudiè-re-Appalaches pour l'aménagement des centres de ski du mont Orignal, du Massif-du-Sud, de Grande-Coulée, du mont Adstock, même du centre de plein air Saint-Mathieu, etc., et qu'au Pin rouge, c'est la Société de développement industriel qui est intervenue? Comment explique-t-il ça?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Blackburn: M. le Président, vous me permettrez de me poser des questions sur la démarche du député de Lévis. Pourquoi son argumentation? Pourquoi essayer de trouver des problèmes alors qu'il n'y en a pas? Il a fait une intervention dans un poste de radio de la Gaspésie le 19 mars 1990, disant que le projet ne se réaliserait pas. Maintenant que le projet s'est réalisé, il cherche des bebites. Ce que je veux juste dire au député de Lévis, tous les centres de ski qu'il vient de mentionner étaient des organismes à but non lucratif. On avait le droit de les subventionner.

Une voix: Bravo!

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, M. le député d'Ungava.

Difficulté éprouvée par Hydro-Québec à la ligne sous-fluviale Grondines-Lotbinière

M. Claveau: Oui, M. le Président. La semaine dernière, j'interrogeais la ministre de l'Énergie et des Ressources sur les échéanciers, les coûts, les possibilités de réussite de la ligne sous-fluviale entre Grondines et Lotbinière, un projet qui coûtera, au bas mot, 150 000 000 $, faut-il le répéter, M. le Président?

Après les tergiversations de la ministre quant aux difficultés techniques éprouvées dans la réalisation de câbles de transport d'électricité, nous avons dû attendre la réponse d'HydroQuébec via les médias afin de savoir où nous en sommes dans l'état d'avancement de ce projet. Or, suite aux déclarations de M. Jacques-André Couture, porte-parole d'Hydro-Québec, à l'effet qu'il était optimiste quant aux chances de succès de cette première mondiale, nous disait-il, les Québécois sont en droit de se demander ce qu'Hydro-Québec entend par "chances de succès".

Est-ce que la ministre de l'Énergie et des Ressources du Québec peut nous expliquer, dans le contexte, comment Hydro-Québec en arrive à affirmer que les échéanciers seront respectés, alors qu'ils n'ont, au moment où on se parle, aucune garantie sur la faisabilité technique des câbles nécessaires au transport de l'électricité dans le tunnel qui a déjà été creusé pour un coût supérieur à 100 000 000 $?

Le Président: Mme la ministre de l'Énergie et des Ressources.

Mme Bacon: Tout d'abord, M. le Président, j'aimerais dire au député d'Ungava qu'immédiatement après la période de questions, je me suis enquise auprès de mes fonctionnaires. J'ai eu l'information que j'ai mise tout de suite sur le fil pour que les gens n'impriment pas dans leurs journaux des faussetés comme on a lues le lendemain. Donc, la presse a eu l'information tout de suite après de mon bureau.

Je dois dire que le député d'Ungava lui aussi se promène avec toutes sortes d'informations et il fait nécessairement une désinformation à la population, en ce moment. Ce n'est pas 150 000 000 $, c'est 128 000 000 $qui...

Des voix: Ah!

Mme Bacon: Non, non, ce n'est pas 150 000 000 $, c'est quelques millions de moins. C'est une affaire de rien pour vous autres, quelques millions, on a vu ça. On a vu ça en 1985.

Le Président: Alors, s'il vous plaît! À l'ordre! Alors, Mme la ministre, si vous voulez poursuivre. (14 h 30)

Mme Bacon: So what is 22 000 000 $, hein, c'est un peu ça? M. le Président, la ligne qui doit traverser le fleuve entre Grondines et Lotbinière, c'est une première mondiale, donc c'est important. Il n'existe nulle part ailleurs au monde, M. le Président, une ligne à courant continue, et c'est une innovation qui mérite qu'on s'y attarde et qu'on prenne le temps de faire passer... Voulez-vous avoir une réponse?

M. Pagé: M. le Président.

Mme Bacon: C'est une innovation - je répète pour qu'on comprenne bien - qui mérite qu'on s'y attarde, qu'on prenne le temps, M. le Président, de faire passer tous les tests nécessaires. Mais, malgré ça, l'échéance qui avait été prévue pour cette ligne demeure inchangée, et la ligne sous-fluviale sera mise en service en octobre 1992.

Le Président: En question complémentaire.

M. Claveau: Lorsque la ministre nous affirme que la ligne sera mise en service en octobre 1992, est-ce qu'elle dispose d'informations que les propres concepteurs du câble eux-mêmes n'ont pas? Et est-ce qu'elle peut nous garantir que la faisabilité technologique des câbles va faire en sorte que la ligne sera effectivement en place dans les délais qu'elle vient de nous mentionner, ou s'il s'agit encore là d'énoncés de principes qui risquent de faire en sorte que les 128 000 000 $ dont elle vient de parler se retrouveront carrément à l'eau?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Bacon: M. le Président, je voudrais quand même rappeler que c'est suite à une décision du BAPE que la ligne sous-fluviale existe, et j'espère que le député d'Ungava va respecter ça, suivant les discussions que nous avons souvent en commission parlementaire.

Deuxièmement, le BAPE, en faisant cette recommandation, insistait pour dire que cette possibilité existait. Donc, nous avons dû faire des tests. Il y a eu quelques compagnies qui ont été appelées pour offrir leurs services, et ceux qui sont maintenant... Il y aura des tests qui seront faits pendant une année, jusqu'à la possibilité d'installer cette ligne sous-fluviale, en octobre 1992. Et même avec ça, M. le Président, on gardera les fils d'une façon aérienne, en attendant que les câbles sous-fluviaux nous donnent vraiment la possibilité d'être certains que c'est un bon service qu'on rendra à la population. On aura toujours les câbles aériens pendant une année encore de plus que les câbles sous-fluviaux existeront, M. le Président.

Le Président: En question principale, M. le député de Laviolette.

Utilisation de la "grosse abatteuse" dans les forêts de la Matapédia

M. Jolivet: Merci, M. le Président. La nouvelle politique forestière a un des buts qui est de restreindre, voire même, dans certains cas, éliminer la coupe à blanc. Malgré ce que le ministre en dit, il y a de plus en plus de coupe à blanc à travers le Québec, mettant en péril la survie de nombreuses collectivités locales. Alors que le ministre du Développement régional demande aux citoyens du Québec et, en particulier, à ceux de la Gaspésie-Bas-Saint-Laurent de se prendre en main, le ministre des Forêts, en permettant aux compagnies forestières d'utiliser de la grosse machinerie, vient contraindre l'ensemble de ses citoyens soit au chômage, soit au bien-être social, et en particulier dans la vallée de la Matapédia.

J'aimerais poser la question suivante au ministère des Forêts: A-t-il donné aux scieries de la région de la vallée de la Matapédia la permission d'utiliser ce qu'on appelle dans le langage "la grosse abatteuse" appelée Khoring au détriment de la petite machinerie traditionnelle appelée débusqueuse?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, le député de Laviolette devrait savoir par expérience que le ministre des Forêts n'intervient pas dans le choix de la machinerie pour l'exploitation forestière. Dans le cas de la Matapédia, évidemment, toute l'industrie se doit de demeurer concurrentielle si on veut sauver nos emplois, sinon on perdra tout. Dans ce cas-là, je n'ai pas de permission à donner et je n'ai pas de défense à donner non plus.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre, par l'autorisation qu'il donne annuellement par les employés de son ministère, ne l'a pas donnée, cette permission-là? Et deuxièmement, est-ce que le ministre ne croit pas que l'utilisation de ces abatteuses se fait au détriment, dans le cas de la vallée de la Matapédia, de l'environnement et des travailleurs en emploi forestier?

Le Président: M. le ministre.

M. Pagé: ...sciotte?

Une voix: Au godendart.

M. Pagé: Au godendart? Tendez la main.

Le Président: S'il vous plaît! Je vais demander la collaboration des gens des deux côtés de l'Assemblée. S'il vous plaît, Mmes et MM. les députés! Je demande votre attention, s'il vous plaît. Alors, M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, le député de Laviolette devrait bien savoir également, encore une fois, qu'on ne peut pas reculer le développement technologique. Tout ce qui est à notre disposition aujourd'hui, si on s'en sert correctement, ne fera qu'améliorer notre position concurrentielle et c'est ce que je demande à l'industrie de faire.

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre maintient toujours sa réponse, même au détriment de l'environnement? Est-ce que le ministre peut nous dire que le choix qu'il vient de faire est à l'effet de faire en sorte que les besoins des industries sont, pour la forêt, le service qu'on doit lui rendre? Est-ce que le ministre, dans le contexte actuel, le choix qu'il fait, c'est que la forêt doit être au service des industriels et non pas, comme la loi le prévoit, adapter la forêt aux besoins des industriels et non pas l'inverse? Est-ce que le ministre peut me dire aujourd'hui qu'il fait ce choix-là, et ce, au détriment des centaines d'employés qu'il met en cause avec l'arrivée de ces grosses abatteuses en forêt dans la vallée de la Matapédia pour la première fois?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je suis allé à Amqui il y a deux semaines et j'ai rencontré les gens qui, probablement, alimentent le député de Laviolette sur cette question. Évidemment, le développement technologique et l'avancement des moyens de la machinerie font en sorte qu'il y a une diminution de la main-d'oeuvre en forêt - c'est évident - mais par contre, notre industrie doit demeurer concurrentielle si elle veut rester en vie. La Loi sur les forêts oblige les industriels à remettre la forêt en production et nous faisons en sorte de surveiller cette obligation et par contrat et par la loi. Actuellement, je vous dirai, M. le Président, que la forêt est en meilleure condition, en meilleure santé qu'elle ne l'a été il y a une dizaine d'années.

Le Président: Un instant. M. le leader du gouvernement, sur une question de règlement?

M. Pagé: M. le Président, pour le bénéfice de l'échange entre le député de Laviolette et le ministre des Forêts, pour le bénéfice du député, je crois qu'il a inversé une phrase et je crains qu'il ne soit mal cité au Journal des débats, lorsqu'il a dit que la forêt devait être au service de l'industrie et non pas l'inverse. Je vous offre la possibilité pour corriger le Journal des débats. Je suis convaincu que ce n'est pas ça...

Le Président: M. le député de Laviolette pour une question complémentaire.

M. Jolivet: Merci beaucoup, M. le leader. La question...

Une voix: Hé! Qu'il est bon.

M. Jolivet: ...la question au ministre: Qu'est-ce qu'il donne comme garantie aux travailleurs forestiers qui vont perdre des emplois actuellement dans la vallée de la Mata-pédia? Le choix qu'il a fait, c'est de répondre au lobby des industries au détriment des emplois en forêt des travailleurs actuels.

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je pense bien qu'il faut faire un choix. Est-ce qu'on retourne vivre dans le passé ou est-ce qu'on vit avec les moyens qu'on connaît aujourd'hui? Est-ce qu'on préfère que l'industrie ferme complètement ses portes ou qu'elle survive? C'est le choix qu'on a à faire. Évidemment, si une industrie se modernise, ça provoque une activité économique alentour de l'industrie plutôt qu'à l'intérieur de l'industrie comme ça se faisait dans le passé, et ce n'est pas créateur d'emplois comme ça l'a déjà été, M. le Président.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de La Prairie.

Mesures à prendre pour assurer un service scolaire aux jeunes handicapés

M. Lazure: Merci, M. le Président. Il y a quelques mois, plusieurs dizaines de jeunes adultes handicapés, de 21 à 25 ans, qui fréquentent trois écoles spéciales de la CECM à Montréal ont appris que leur classe serait fermée en septembre et la même chose se passe dans d'autres régions, notamment en Mauricie. Ils iront rejoindre la liste de 815 personnes handicapées qui attendent, parfois depuis sept ans, une place dans un centre de réadaptation offrant des services d'apprentissage aux habitudes de travail. Ces jeunes et leurs parents qui sont ici aujourd'hui, qui sont venus sur la colline parlementaire, sont venus lancer un cri d'alarme à ce gouvernement, donner la chance à ce gouvernement de démontrer par des actions qu'il croit vraiment à l'intégration des jeunes handicapés dans le monde du travail.

La question au ministre de la Santé et des Services sociaux et de l'Office des personnes handicapées est la suivante: Quelles mesures va-t-il prendre à court terme pour que ces jeunes soient accueillis en septembre dans un service approprié ou est-ce qu'ils devront se trouver devant rien et perdre les acquis durement acquis depuis quelques années? En d'autres termes, qu'est-ce qu'il a à offrir d'ici à septembre à ces jeunes-là?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. (14 h 40)

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Je joins ma voix à celle du député de La Prairie pour saluer les gens qui sont dans les tribunes. C'est une problématique sur laquelle j'ai eu l'occasion, il y a à peu près huit semaines, d'échanger de manière plus intensive avec mon collègue, le ministre de l'Éducation, puisque, comme vous le savez, je suis un assidu de la commission parlementaire sur le projet de loi 120 depuis déjà huit semaines et que nous y passons de 9 heures, 9 h 30 jusqu'à minuit tous les soirs et que, malgré ma bonne volonté, mes déjeuners, mes dîners et mes soupers ne suffisent pas pour être capable de régler un certain nombre de dossiers qui devraient normalement requérir mon attention. J'espère que, dès le début de la semaine prochaine, j'aurai du temps. Je prendrai donc du temps pour, à nouveau, rencontrer mon collègue, le ministre de l'Éducation, quant à ce dossier sur lequel nous avons déjà échangé, où il faut que, de son côté, il y ait du travail qui soit fait. Déjà, on a échangé des propositions et nous aurons donc des solutions qui s'adapteront pour le mois de septembre, dès le moment où j'aurai pu finaliser le dossier avec lui.

Le Président: En question complémentaire.

M. Lazure: M. le Président, puisque le ministre nous dit qu'il est trop occupé pour prendre le temps de trouver une solution pour ces dizaines de jeunes là... Oui, c'est ce qu'il dit. C'est ce qu'il dit.

Le Président: S'il vous plaît! Un instant, s'il vous plaît! Alors, M. le député, je vous demanderais, sans commentaire, de poser votre question. Vous le savez, de tels propos sont inadmissibles au sens du règlement. Posez votre question.

M. Lazure: M. le Président, je repose la question au ministre responsable de l'Office des personnes handicapées, non seulement responsable de la Santé et des Services sociaux mais aussi de l'Office des personnes handicapées: Est-ce qu'il prendra des mesures d'ici quelques semaines pour que ces jeunes et leurs parents sachent à quoi s'en tenir pour septembre prochain?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): m. le président, pour quelqu'un qui veut comprendre et entendre... si c'était un jeune parlementaire qui arrivait et qui en était à sa première semaine au niveau de l'assemblée nationale, je comprendrais qu'il ne

comprenne pas, mais de quelqu'un qui a été ministre, qui a eu à occuper des responsabilités et qui est dans cette Chambre depuis déjà un certain nombre d'années, de vouloir insinuer ce qu'il a insinué c'est fondamentalement plus des raisons politiques que des raisons de bien servir les citoyens qu'il veut représenter, qui lui permettent de faire ce genre d'interventions là, parce que, dans ma première réponse, j'avais dit que, la semaine prochaine, avec mon collègue, nous serions dans une situation pour donner des réponses. Alors, c'est bien avant vos deux semaines que vous me demandez.

Une voix: Bravo!

Le Président: En question complémentaire, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint.

M. Gendron: En additionnelle au ministre de l'Éducation, puisque le ministre de l'Éducation est concerné et qu'il a accepté de scolariser ces jeunes-là. Récemment, dans une instruction qu'il a envoyée, entre autres, aux diverses commissions scolaires, il disait qu'il ne financerait plus les services éducatifs des plus de 21 ans. Est-ce que le ministre de l'Éducation a fait des représentations auprès du ministre de la Santé et des Services sociaux pour s'assurer que l'effort de support éducatif qui leur a été donné ne tombe pas à vide s'il n'y a pas une relève qui est assumée par le ministre de la Santé et des Services sociaux? Parce qu'il y a des coûts sociaux là-dedans et, pour un gouvernement de comptables, vous devriez regarder ça.

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: M. le Président, on se réfère à plusieurs centaines de jeunes citoyens québécois souffrant d'un handicap, qui sont dans nos écoles malgré qu'ils soient sur le point d'attendre 21 ans ou encore malgré qu'ils aient atteint l'âge de 21 ans. Écoutez là, vous avez pris du temps, laissez-moi répondre.

Premièrement, je peux confirmer devant cette Chambre que le gouvernement du Québec est bien conscient que la démarche à laquelle ces jeunes ont été conviés les a mis en contact avec d'autres jeunes. C'est très profitable au niveau de l'acquisition de connaissances et surtout de la valorisation pour ces jeunes qui souffrent d'un handicap. Ce qui arrive c'est ceci. La loi stipule... Pourriez-vous écouter, M. le député de La Prairie, vous seriez peut-être mieux informé? La loi 107 stipule qu'une personne qui a atteint l'âge de 21 ans ne peut plus demeurer dans le réseau secondaire... M. le Président, ils savent tout, apparemment!

Le Président: Un instant, un instant, s'il vous plaît. Sur une question de règlement, M. le leader adjoint.

M. Gendron: Ça ne se peut pas, M. le Président, de nous faire à chaque fois l'historique. L'historique on le sait parce que ma question c'était justement ça. L'instruction du ministère vient de vous. Justement parce que je sais qu'après 21 ans vous ne vous en occupez plus. Là, vous êtes en train de prendre trois minutes pour me faire l'historique qu'on est allé rencontrer les gens. Parlez-nous donc de ce que vous allez faire. C'est quoi vos représentations que vous avez faites au ministre de la Santé et des Services sociaux pour assumer la relève en septembre prochain? Pas votre beau discours. Écoutez!

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, à la question, M. le leader du gouvernement et ministre de l'Éducation.

M. Pagé: Certainement. Ce n'est pas parce que l'Opposition revendique qu'elle se doit d'être insultante et de faire fi du règlement.

Une voix: Voyons donc! Des voix: Oh!

M. Pagé: Ceci étant dit, la première possibilité - et c'a été évoqué lors d'une rencontre avec mon collègue, le ministre de la Santé - que ces jeunes puissent être maintenus en institution scolaire et que, graduellement... On a invoqué même la possibilité que ça puisse se faire sur trois ans. C'est clair, ça? Trois ans et que, graduellement, le ministère de la Santé pourrait prendre le relais. C'est l'élément auquel nous sommes prêts à nous asseoir. Premièrement.

Deuxièmement, je peux vous assurer que la volonté du gouvernement, ce n'est pas de laisser ces jeunes à eux-mêmes, c'est clair? Troisièmement, ça va nous prendre cependant, si on en arrive là, un consentement pour modifier la loi 107 de façon à le permettre. J'espère que vous ne serez pas là pour causer, pour pérorer et pour placoter comme d'habitude.

Le Président: Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...à l'invitation du ministre, on ne fera pas comme lui.

Une voix: C'est ça.

Le Président: Bon. Très bien. Alors, maintenant, en question principale? Alors, en question principale, M. le député de Westmount.

Lauralco et Bureau d'audiences publiques sur l'environnement

M. Holden: Merci, M. le Président. C'est une question que j'adresse au ministre de l'Environnement. Le 18 avril dernier, cette Assemblée adoptait une loi urgente qui exemptait la compagnie Lauralco d'avoir à passer par les audiences publiques sur l'environnement. En prenant la défense de la décision du gouvernement, le premier ministre déclarait que les audiences publiques auraient retardé l'ouverture de l'usine et, par là, auraient fait perdre plusieurs millions de dollars.

M. le Président, récemment, nous avons contacté les propriétaires de Lauralco et ils ont dit que l'action du gouvernement a été rendue nécessaire seulement et uniquement parce qu'il n'y avait pas de responsable en place au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement. Alors, ma question, M. le Président, c'est: Est-ce qu'il est vrai que, si le gouvernement n'avait pas tardé à remplacer le responsable de la commission, on n'aurait pas eu à passer une loi spéciale et Lauralco aurait été soumise aux audiences publiques, comme il le faut dans la loi.

Le Président: M. le ministre de l'Environnement.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui. Vous me permettrez, M. le Président, dans un premier temps, pour répondre à la question du député de Westmount, de préciser son préambule. La compagnie Lauralco comme telle, la construction de l'aluminerie au coût d'à peu près 1 000 000 000 $ n'était pas soumise, en vertu de la Loi sur la qualité de l'environnement et des règlements qui en découlent, à des audiences publiques. C'était l'installation de deux transformateurs, un par Hydro-Québec et l'autre par la compagnie Lauralco, quant à l'installation d'une ligne électrique sur trois quarts de kilomètre qui était soumise à des audiences publiques. Je pense que, ceci étant dit, on ne parle pas de soumettre une industrie, on parle de soumettre une ligne électrique de trois quarts de kilomètre.

Quant à la deuxième partie de la question du député, en ce qui concerne la nomination d'un commissaire, la réponse est négative.

Le Président: En question additionnelle.

M. Holden: M. le Président, la compagnie qui nous informe que c'est à cause du non-remplacement par le gouvernement, est-ce qu'elle dit le contraire de la vérité?

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Moi, avant de...

M. Pagé: M. le Président, question de règlement.

Le Président: Sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: oui, m. le président. c'est une démonstration comme quoi la question n'est pas admissible. c'est une question d'opinion purement et simplement.

Le Président: Écoutez, ce n'est pas une question...

M. Pagé: Ah oui! 77.

Le Président: On demande: Est-ce que, oui ou non, c'est la situation exacte? Je laisse au ministre le choix de répondre.

M. Paradis (Brome-Missisquoi): Oui, M. le Président, j'ai eu des rencontres avec à peu près tous les intervenants et tous les intéressés au dossier, et jamais les intervenants ne m'ont posé la question de la façon que vous me la posez. Peut-être y aurait-il avantage à ce que vous rencontriez de nouveau vos informateurs ou qu'on les rencontre ensemble.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Duplessis.

Pêcheurs de la Basse-Côte-Nord menacés sur deux fronts

M. Perron: Oui, M. le Président. Les petites communautés de la Basse-Côte-Nord-du-Golfe-du-Saint-Laurent, entre Kegaska et Blanc-Sablon, vivant presque exclusivement des produits de la pêche, voient leur existence menacée sur deux fronts. Premièrement, il est question... (14 h 50)

Le Président: Attendez un petit peu, M. le député de Duplessis. Je vais demander simplement la collaboration des collègues. Si certains veulent tenir des caucus, je vous invite à aller à l'extérieur de l'Assemblée. Votre question, M. le député.

M. Perron: M. le Président, premièrement, il est question de la création d'une zone réservée aux bateaux terre-neuviens de moins de 32 pieds dans la région de Black-Tickle, privant ainsi les usines de fa Basse-Côte-Nord de plus de 30 % des débarquements. Deuxièmement, il est question que l'Office canadien du poisson salé disparaisse au cours des prochaines années, ce qui remet en question beaucoup d'emplois en Basse-Côte-Nord du golfe Saint-Laurent.

Lors de sa rencontre avec le ministre fédéral des Pêcheries, M. Crosbie, en date de lundi dernier, est-ce que le ministre délégué peut nous indiquer la position qu'il a prise face à ces deux dossiers et quelles sont les demandes expresses qu'il a faites au ministre fédéral se rapportant à d'autres dossiers dans l'est du

Québec au niveau des pêcheries?

Le Président: M. le ministre responsable des Pêcheries.

M. Vallières: M. le Président, je sais que le député de Duplessis est très préoccupé par toutes ces questions. Je veux l'assurer que nous nous en préoccupons également. Je répondrai en partie à sa question, parce que, si on faisait le tour de tous les dossiers abordés avec M. Crosbie lundi dernier, il faudrait amplement plus qu'une période de questions.

J'irai peut-être à ce qui est considéré comme étant très urgent. Au moment où on se parle, je sais que l'ensemble des pêcheurs de la Basse-Côte-Nord vit un problème particulier en ce qui a trait à la zone de Black-Tickle. Je vais indiquer au député de Duplessis, et il le sait sans doute, qu'actuellement il y a une consultation qui est en cours auprès des pêcheurs de cette zone, mais que cette consultation est menée, comme on le sait, par une association de pêcheurs de Terre-Neuve. Alors, on ne se fait pas trop d'illusions sur les résultats de cette consultation.

Je veux également indiquer au député de Duplessis toute l'acuité que prend ce problème, plus particulièrement avec la baisse du niveau de capture qui est passé de quelque 7000 tonnes en 1984 à moins de 2000 tonnes au cours de 1990. Alors, j'ai eu l'occasion de rencontrer, dans un premier temps, M. Valcourt, qui était mon vis-à-vis jusqu'au mois de décembre. J'ai eu l'occasion de souligner ce problème plus récemment à M. Crosbie, soit lundi dernier, et plusieurs discussions ont eu cours. J'ai eu l'occasion de lui faire part d'une proposition qui semble regrouper l'ensemble des intérêts des pêcheurs, qu'ils soient de Terre-Neuve ou du Labrador ou, encore, du Québec et qui viserait à intervenir plutôt sur une zone beaucoup plus petite que celle qui est proposée, et où on interviendrait au niveau du nombre de filets maillants plutôt que sur la longueur des bateaux.

Je pense que ceci permettrait d'en arriver à de l'équité, à permettre à l'ensemble des pêcheurs de quelque région qu'ils soient d'être traités avec impartialité.

Le Président: En question complémentaire.

M. Perron: Oui, M. le Président. Est-ce que le ministre délégué aux Pêcheries peut prendre l'engagement de tenir l'Association des pêcheurs de la Basse-Côte-Nord informée de façon quotidienne ou presque quotidienne en rapport avec ces deux dossiers? J'aimerais qu'il me donne une réponse aussi sur la question de l'Office canadien du poisson salé et sur sa disparition éventuelle.

Le Président: M. le ministre.

M. Vallières: Oui. M. le Président, j'ai également eu l'occasion, au cours de cette rencontre avec M. Crosbie, de lui faire part de notre désaccord face à la disparition de l'office de commercialisation du poisson salé, qui revêt une importance capitale pour les gens de la Basse-Côte-Nord. Je lui ai indiqué que ça ne pouvait se faire sans une longue période de transition et que le niveau de dépendance qui a été créé dans ce secteur ne pouvait, du jour au lendemain, être remplacé par le secteur privé.

Je veux assurer le député de Duplessis et l'ensemble des pêcheurs de cette région que nous continuerons nos interventions auprès du gouvernement fédéral afin de trouver une solution qui ne vienne pas mettre en péril ce secteur d'activité chèrement développé sur la Basse-Côte-Nord.

Je veux également indiquer au député de Duplessis que pas plus tard qu'aujourd'hui même je parlais avec M. Randy Jones, qu'il connaît bien, de la Basse-Côte-Nord, afin de le tenir informé de l'évolution de ces deux dossiers. Je ferai de même au cours des jours et semaines qui viennent et j'ajouterai à ces communications celles que j'aurai avec le député de Duplessis.

Le Président: Une toute dernière question additionnelle, M. le député de Duplessis.

M. Perron: Oui. M. le Président, est-ce que le ministre délégué aux Pêcheries peut nous informer à savoir s'il est actuellement en train de préparer un programme spécifique s'adressant aux salaisons de la Basse-Côte-Nord en remplacement du départ du fédéral par le biais de l'Office canadien du poisson salé?

Le Président: M. le ministre.

M. Vallières: M. le Président, comme vous le savez, nous avons chez nous le programme de coopération pour l'avenir des pêches qui va être mis à jour, dont les données seront annoncées dans un plus proche avenir possible, qui vise à bonifier le programme qui avait déjà été mis de l'avant, qui couvre quelque 50 000 000 $ d'investissements du gouvernement du Québec dans ce secteur sur une base de cinq ans. Je veux assurer le député de Duplessis qu'il n'est pas de mon intention de remplacer l'intervention du gouvernement fédéral en ce qui a trait à l'Office canadien du poisson salé. Nous avons une entente dûment signée avec le gouvernement fédéral que nous voulons respecter, mais il est hors de question que le Québec occupe ce champ de juridiction qui est actuellement utilisé, occupé par le fédéral et qui, comme on le sait, comporte des déficits importants, année après année.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Il n'y,a pas de votes reportés.

Motions sans préavis. M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.

Motion proposant que l'Assemblée félicite

M. Ovide Mercredi pour son élection à titre

de chef de l'Assemblée des premières nations

M. Sirros: Merci, M. le Président. Je sollicite le consentement de cette Assemblée afin de présenter la motion sans préavis suivante: "Que l'Assemblée nationale du Québec félicite M. Ovide Mercredi pour son élection à titre de chef de l'Assemblée des premières nations."

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais juste demander une suspension de 10 secondes ou 15 secondes, le temps de rencontrer le leader du gouvernement, parce qu'il était coutume, dans une fin de session, qu'il n'y ait pas de motions sans préavis. Je n'ai pas été sollicité personnellement pour la motion sans préavis et je voudrais savoir.

Le Président: D'accord. Nous allons suspendre quelques secondes pour permettre aux leaders de convenir entre eux d'une disposition.

(Suspension de la séance à 14 h 57)

(Reprise à 14 h 59)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Veuillez prendre vos places, s'il vous plaît. Merci. Alors, nous en sommes à la motion présentée par M. le ministre délégué aux Affaires autochtones, motion qui se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec félicite M. Ovide Mercredi pour son élection à titre de chef de l'Assemblée des premières nations." Est-ce qu'il y a consentement pour débattre cette motion?

M. Chevrette: M. le Président, je voudrais...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: ...m'exprimer 30 secondes et dire que j'accorde mon consentement dans la mesure où les droits de parole seront limités à cinq minutes pour le parti ministériel, cinq minutes pour l'Opposition et cinq minutes pour le Parti Equality.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que j'ai un ordre de la Chambre?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): J'ai un ordre de la Chambre pour cinq minutes pour un membre du gouvernement, cinq minutes pour l'Opposition et cinq minutes pour un député indépendant. Est-ce qu'il y a consentement? Il y a un ordre de la Chambre?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre délégué aux Affaires autochtones.

M. Christos Sirros

M. Sirros: Merci, M. le Président. Tout en remerciant le leader de l'Opposition pour son consentement, je tiens à féliciter, comme je le disais, le nouveau chef de l'Assemblée des premières nations du Canada, M. Ovide Mercredi. M. Mercredi n'aura pas la tâche facile - je suis tenté de dire lui non plus - dans les mois qui viennent, plusieurs sujets d'importance capitale tant pour les peuples aborigènes que pour le reste du pays tout entier seront sur la place publique, et M. Mercredi aura certainement un rôle important à jouer.

Dans les quelques minutes qui me sont allouées, je pourrais simplement faire mention de quelques-uns de ces débats cruciaux et de la façon dont je crois que nous devrons les aborder. Effectivement, des débats...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! J'ai de la difficulté à entendre M. le ministre délégué aux Affaires autochtones. Si vous voulez poursuivre.

M. Sirros: Merci, M. le Président, j'apprécie énormément. Alors, comme je le disais, des débats cruciaux devront être abordés: le processus constitutionnel, les droits des autochtones, l'autonomie gouvernementale, les revendications territoriales, le développement économique, pour n'en nommer que quelques-uns. Chacun de ces sujets devra être abordé avec clarté et être examiné attentivement sous tous les aspects. Nous devrons, je crois, de part et d'autre, faire montre d'imagination tout en demeurant réalistes. Nous devrons être généreux tout en évitant le gaspillage. Et plus que tout, nous devrons nous sentir, autochtones et non autochtones, conjointement responsables du succès de cette entreprise. Parce que le succès ou l'échec d'une relation ne dépend jamais entièrement d'une seule partie.

Je suis de ceux qui croient que le peuple québécois et les peuples autochtones ont beaucoup en commun. Le Québec et les autochtones ressentent une même frustration, je dirais, fruit de longues années de relations infructueuses et d'insécurité quant à leur survie culturelle. Tous les deux partagent un même désir profond de se tourner vers l'avenir et d'envisager une nouvelle relation, que ce soit avec les non autochtones,

que ce soit avec le reste du pays. Tous les deux recherchent une relation qui serait basée sur la reconnaissance et l'acceptation de leur spécificité, sur la protection de leurs droits, sur la reconnaissance de leurs capacités et sur l'acquisition des outils qui permettraient à chacun d'entre eux de gérer et d'orienter son avenir.

C'est la raison pour laquelle j'étais particulièrement heureux d'entendre M. Georges Erasmus, le prédécesseur de M. Mercredi, reconnaître la solidarité traditionnelle du Québec pour la cause des autochtones dans la question constitutionnelle. Je ne peux donc que souhaiter que le nouveau chef de l'Assemblée des premières nations poursuive dans cette voie de réconciliation entre le Québec et les autochtones que lui a ouverte son prédécesseur. Je peux l'assurer que je ferai tout en mon possible et en mon pouvoir pour faciliter et encourager cette réconciliation.

M. le Président, dans chacun des débats autour des questions que j'ai mentionnées tout à l'heure, la résolution satisfaisante, tant pour le Québec que pour les peuples aborigènes, dépendra de notre capacité de négocier des arrangements qui rencontreront les aspirations légitimes des différentes parties. Ces aspirations doivent être mises de l'avant par tous avec clarté et réalisme. Elles doivent être discutées en ayant à l'esprit la justice et l'équité et elles doivent trouver leur expression dans des arrangements pragmatiques. Dans ce sens, M. le Président, M. Mercredi, qui se définit comme un personnage, une personne, un leader autochtone pragmatique, laisse présager une ère de progrès de ce côté-là.

Un mot, M. le Président, sur ce qui est central dans les revendications qu'aura à traiter M. Mercredi. L'autonomie gouvernementale est, de façon claire, une des aspirations majeures des autochtones. Il s'agira, je crois, de l'une des caractéristiques de notre nouvelle relation. Notre habileté à trouver le terrain sur lequel nous pourrons l'exercer, où ça pourra être exercé d'une façon qui soit compatible avec les aspirations et les valeurs des autochtones et des non-autochtones, ainsi qu'avec un pays qui pourra fonctionner de façon efficace, déterminera, en grande partie, la sécurité et la confiance que nous éprouverons face à notre relation future. Nos meilleures chances de succès se trouvent dans nos compétences respectives d'aborder le sujet dans une perspective pragmatique.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure, M. le ministre.

M. Sirros: Un dernier mot, M. le Président. Nous avons choisi ici, au Québec, d'amorcer une réflexion publique par le biais de l'élaboration d'une politique gouvernementale en matière autochtone. J'espère avoir prochainement l'occasion d'informer M. Mercredi, plus en détail, de cette approche et de cette démarche et, dans l'avenir, d'entretenir avec lui des échanges continus sur des points d'intérêt commun.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, m. le ministre délégué aux affaires autochtones. je m'empresse de reconnaître m. le député de duplessis. m. le député.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. Nul doute que vous comprendrez mon intérêt pour la cause autochtone et, en particulier, pour cette motion qui est présentée par le ministre délégué aux Affaires autochtones, motion que nous endossons entièrement de ce côté-ci, puisque M. Ovide Mercredi, le nouveau chef de l'Assemblée des premières nations du Canada, va dorénavant et pour les prochaines années être le grand chef, en fait, de toute cette Assemblée et qu'il a sûrement obtenu beaucoup de support de certains autochtones du Québec qui se sont présentés à cette assemblée à Winnipeg.

Donc, j'endosse, au nom de l'Opposition, cette motion de félicitations envers M. Ovide Mercredi. Je tiens, d'ailleurs, à souligner que l'ancien chef, M. Georges Erasmus, je crois qu'il a vraiment fait amende honorable au cours des derniers mois face aux paroles qu'il avait prononcées à l'endroit du Québec et à l'endroit de la population blanche du Québec, en particulier l'an dernier, lors de la crise autochtone. Je ne voudrais pas et je souhaite aussi fermement que le nouveau chef, M. Ovide Mercredi, ne se dirige pas dans le même sens que l'avait fait, l'an dernier, M. Georges Erasmus, en rapport avec la question du Québec.

M. le Président, il est clair, net et précis dans notre esprit, je pense que c'est aussi endossé par le ministre délégué aux Affaires autochtones, qu'il faudra, dans les mois qui viennent et même dans les années qui viennent, faire le maximum pour s'asseoir avec les autochtones, négocier des ententes concrètes et signer ces ententes-là, afin de régler le problème une fois pour toutes entre la population blanche du Québec, la population allophone du Québec et les représentants et les représentantes des nations autochtones.

Ces ententes à être signées en cours de route devront effectivement donner lieu à des négociations extrêmement importantes. Et sur cette question-là, vous comprendrez, M. le Président, qu'en tant que porte-parole de l'Opposition officielle en matière autochtone, il me fera toujours plaisir de parler avec le ministre et même de collaborer avec lui, dans le sens où ce seront des ententes qui seront négociées et non pas imposées. D'un autre côté, je pense que le ministre et le gouvernement, ainsi que les membres de l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale, sont aussi très conscients, en particulier depuis l'an dernier, où nous avons vécu une crise blancs-autochtones au Québec, que ce

type de crise là ne doit pas revenir dans le futur et, pour ce faire, il faut que, des deux côtés, c'est-à-dire du côté des nations autochtones ainsi que du côté des gouvernements, en particulier du gouvernement du Québec et aussi de la population blanche du Québec, l'on comprenne très bien la situation actuelle et l'on fasse, en quelque sorte, une éducation de toutes les parties sur les orientations qu'on doit prendre ici, au Québec, face à la question autochtone.

Maintenant, M. le Président, vous me permettrez de conclure en disant ceci: Moi, en ce qui me concerne et en ce qui concerne l'Opposition officielle, il est clair dans notre esprit que, dans le cadre des négociations avec les représentants et les représentantes des nations autochtones sur le territoire du Québec, qui demeurent sur le territoire québécois, ces négociations-là seraient beaucoup plus faciles, je dis bien beaucoup plus facile, si elles étaient faites par le gouvernement du Québec, un gouvernement du Québec responsable et même souverain, face à l'ensemble des nations autochtones du Québec, les 11 que nous avons reconnues en tant qu'Assemblée nationale, plutôt que de voir un troisième gouvernement s'impliquer dans ce dossier qui est extrêmement complexe.

En conclusion, M. le Président, c'est sûr que j'endosse entièrement la motion et que je souhaite toutes les chances du monde à M. Mercredi dans le travail qu'il aura à faire au cours des prochaines années, parce que je crois que cette personne a démontré dans le passé qu'elle était vraiment attachée à cette démocratie, à ces discussions ainsi qu'à la signature d'ententes, potentielles, entre les nations autochtones et la nation blanche. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Duplessis. Je reconnais immédiatement M. le député de Jacques-Cartier. (15 h 10)

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. Nous voudrions aussi féliciter M. Ovide Mercredi pour son élection.

I would like to say a little about some of the remarks from my colleague for Duplessis at the moment as well, but let me begin by saying something about the significance of this election. It appears to all of us that the Autochthonous people, the Native people of Canada, have developed a much more intense sense of political organization and of political involvement, and sometimes, we know, a political confrontation both with Canada as a whole and its various component parts, in the last few years.

I think a development like this was probably bound to come, precisely because the Native peoples of Canada, while they have suffered many problems and many injustices, have also scored their outstanding successes. Today, they are not an uneducated people. In fact, their leadership is a highly sophisticated one, frequently with a background either in academia or in law. This has given them a better and better sense of exactly how they can deal with Government and exactly the kind of problems that they are likely to face with Government.

At the same time, from about the 1960s, there has been a degree of self-assertion in almost all of the peoples who found themselves submerged by, if you like, the high tide of European power about a century ago. That includes the Native peoples of Canada who, in a way, were submerged from the period well before Confederation up until recent times. They did not accept that process enthusiastically; they sometimes engaged in open rebellion, they always found ways to indicate their discontent but now, they know how to make their arguments explicit and they have shown their capacity, in the Québec case, of using the media with at least as much a sophistication as anyone in this Assembly.

There is, however, some cause to emphasize the bridges and connexions between the Native people of Canada and Quebeckers and Canadians as well. For all of the kind of things we hear about in politics, it should be remembered that the people we are talking about are Canadians; they are part of a common culture and civilization as well as having one of their own. It is perhaps worth noting that the last leader of the First Nations was called Erasmus and the new one is called Ovide, that we are not talking about a world of people outside our experience and they know that we are not entirely outside their experience either.

When it comes to the question of how to deal with them in the matters of simplicity of Government or a single Government of Québec, I am not so sure that I would agree with my colleague for Duplessis. The crisis that took place last summer, while it was messy, was in some respects characteristically Canadian. The tangle of authorities at all levels of Government on both the Native side and the Canadian and Québec side, while it produced elements of both tragedy and comedy as far as media representation was concerned after all, at least, did not get anybody killed and did not produce a catas-trophy.

In many respects, if we look at that crisis and we consider the way it might have turned out in many places in the world, it could have been an awful mess. So, despite the fact that at times it embarrassed all of us, I am sure, I think that we and the Native peoples have certain things to be thankful for, even our messy system of Government. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M.

le député de Jacques-Cartier. Est-ce que la motion présentée par M. le ministre délégué aux Affaires autochtones qui se lit comme suit: "Que l'Assemblée nationale du Québec félicite M. Ovide Mercredi pour son élection à titre de chef de l'Assemblée des premières nations", est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Pas d'autres motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions, M. le leader adjoint du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Bélisle: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui de 20 heures à 24 heures, ainsi que demain le jeudi 13 juin 1991, de 10 heures à 12 h 30 à la salle Louis-Joseph-Papi-neau, la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 120, Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.

De plus, M. le Président, après les affaires courantes jusqu'à 18 h 30 et de 20 heures à 24 heures ainsi que demain le jeudi 13 juin 1991, de 10 heures à 12 h 30, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 145, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les finances municipales.

Enfin, M. le Président, de 20 heures à 24 heures, à la salle 1.38 de l'édifice Pamphile-Le May ainsi que demain le jeudi 13 mai 1991, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Hippolyte-La Fontaine, la commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 136, Loi modifiant de nouveau la Loi sur les impôts et d'autres dispositions législatives d'ordre fiscal.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, vos avis sont déposés, M. le leader adjoint du gouvernement. Est-ce qu'il y a des renseignements sur les travaux de l'Assemblée?

Une voix: Non, monsieur.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, ceci termine les affaires courantes.

Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: L'article 24, M. le Président.

Projet de loi 149

Prise en considération du rapport de la commission qui en a fait l'étude détaillée

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 24, l'Assemblée prend en considération le rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi 149, Loi sur le plafonnement provisoire de la rémunération dans le secteur public, ainsi que les amendements transmis en vertu de l'article 252 du règlement par M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor.

Décision du vice-président sur la recevabilité des amendements proposés

En ce qui a trait aux amendements qui ont été présentés, la présidence a autorisé hier et ce, de façon exceptionnelle, les leaders des groupes parlementaires à formuler quelques remarques quant à la recevabilité des amendements déposés par le président du Conseil du trésor au rapport de la commission du budget et de l'administration sur le projet de loi 149, Loi sur le plafonnement provisoire de la rémunération dans le secteur public. Après avoir entendu l'argumentation des deux leaders des groupes parlementaires et pris cette question en délibéré, j'en viens aux conclusions suivantes, quant à la recevabilité des amendements aux articles 29 et 30 proposés au rapport du projet de loi 149.

Premièrement, en ce qui concerne l'amendement à l'article 29, je le déclare irrecevable, puisque cet amendement va à l'encontre du principe de la motion principale. Ainsi, l'article 29 du projet de loi vise à modifier la Loi assurant la continuité des services d'électricité d'Hydro-Québec par le remplacement de certains mots à l'annexe I de cette dernière loi, alors que l'amendement vise l'abrogation pure et simple de cette loi, le tout contrairement à l'article 197 du règlement. L'amendement proposé à l'article 29 du projet de loi ne fait pas que supprimer, dans sa forme actuelle, l'article 29 du texte de loi, on supprime la loi entière qu'on devait initialement simplement modifier.

Quant à l'amendement à l'article 30 du projet de loi 149, je me dois de le déclarer tout aussi irrecevable, puisqu'il est directement lié à l'amendement proposé à l'article 29. En effet, un amendement doit être rejeté s'il dépend d'un amendement qui fut jugé irrecevable.

Pour ces motifs, je déclare les amendements proposés aux articles 29 et 30, à l'étape du rapport, irrecevables. En conséquence, ces amendements ne peuvent être joints au rapport.

Adoption du rapport

Est-ce qu'il y a des députés qui veulent intervenir sur le rapport? Est-ce que le rapport sur le projet de loi 149 est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Oui, M. le Président. Alors, je vous demanderais d'appeler l'article 6 de notre feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 150 Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 6, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Et je reconnais Mme la présidente de la commission de l'éducation et députée de Hochelaga-Maisonneuve. Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Merci, M. le Président. Ce matin, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes concluait solennellement le discours qu'il prononçait sur le projet de loi 150 par le plaidoyer suivant: "Après 30 ans de rendez-vous manques, disait-il, celui-ci - en parlant du prochain - sera déterminant." Et le ministre donnait par ce discours le coup d'envoi de la dernière, dernière chance de renouvellement du fédéralisme. Pas un mot durant tout ce discours pourtant sur la première chance que le gouvernement libéral prétend donner à la souveraineté avec le projet de loi 150, même pas un mot pour sauver les apparences.

L'inquiétude du ministre, et on le comprend avec les revers qu'il a subis, est que son message de dernière chance ne soit même pas suffisamment pris au sérieux et, comme on dirait en québécois, vire à rien, comme des dizaines et des dizaines de tentatives de renouvellement qui ont déjà eu lieu.

M. le Président, pourquoi est-ce que cette fois-ci ça serait la bonne, comme le prétend le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes? Pourquoi ce rendez-vous serait-il plus déterminant que les autres rendez-vous manques d'avant? Et des rendez-vous manques, il y en a eu et de très nombreux, si l'on pense que les premières rencontres pour amener des changements constitutionnels ont eu lieu en 1897 et que depuis 1927, pas moins de 35 conférences constitutionnelles ont été convoquées et ont constitué des rendez-vous manques. (15 h 20)

M. le Président, on n'a évidemment qu'à se rappeler comment cette crise canadienne s'est succédé au fil des décennies et des commissions royales d'enquête, de Rowell-Sirois, en passant par Laurendeau-Dunton, par Pépin-Robarts, par Macdonald et par l'actuelle commission Spicer, pour enfin constater que Meech a été, pour les Québécois, le dernier épisode des tentatives ratées pour donner au Québec un prétendu statut distinct dans la Constitution canadienne. M. le Président, cette fois-ci, le rendez-vous serait plus déterminant, nous dit le ministre. Certainement pas à cause de la nature, de l'importance, du contenu, du volume des revendications que le gouvernement a mis de l'avant ce matin. Rien de plus que Meech qui était pourtant insuffisant aux yeux de la très grande majorité de tous les Québécois et Québécoises qui sont venus de toutes les régions du Québec devant la Commission Bélanger-Campeau.

M. le Président, cette Commission Bélanger-Campeau, sur laquelle j'ai eu la fierté de siéger, disait pourtant qu'un référendum, en 1992, devait se tenir quelles que soient les offres du fédéral sur la souveraineté. Malheureusement, le gouvernement a détourné cette vision qu'en avait la Commission Bélanger-Campeau pour en faire un référendum en 1992 pour avoir des offres fédérales et non pas, M. le Président, indépendamment des offres fédérales. je dois vous dire que le principe sur lequel nous intervenons à ce moment-ci de nos travaux, le principe en cause avec le projet de loi 150, m. le président, ce principe, c'est celui de renouveler le fédéralisme comme le prétend le gouvernement, et le moyen pour y arriver, c'est la menace d'un référendum sur la souveraineté. alors, vous comprendrez pourquoi nous avons décidé, nous de l'opposition, de nous opposer en votant non en deuxième lecture, contre ce que l'on veut nous faire évidemment avaler, m. le président, puisque la souveraineté n'est présentée que par défaut, par dépit, par omission, par intimidation, pour menacer, comme police d'assurance si tant est que le minimum que le gouvernement veut négocier n'était pas à nouveau octroyé. ces rendez-vous sont manques, m. le président, depuis si longtemps qu'on oublie de tirer les leçons qui s'imposent de toutes ces tentatives ratées, de tous ces rendez-vous manques et de tous ces échecs constitutionnels, et la question qui est incontournable et qu'il faut maintenant se poser, c'est: est-ce que le rendez-vous qui serait réussi et celui auquel les québécois souhaitent être conviés, n'est pas justement celui de la souveraineté?

M. le Président, j'entendais ce matin le cri du coeur lancé par le ministre des Affaires intergouvernementales qui, à un moment donné, est sorti de son texte pour poser la question suivante: Pourquoi cette résistance - et je cite - si forte à l'égard de la société distincte? Mais est-ce que ce n'est pas justement là la

question centrale, !e coeur, l'enjeu principal du débat qui est devant nous présentement? Pourtant, il y a longtemps qu'on décrit le Québec comme une société distincte.

Depuis le rapport de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, la commission Laurendeau-Dunton en 1965, dont le paragraphe 104 justement était intitulé "La société distincte", il y a 26 ans pourtant, jusqu'au texte, l'an passé, de l'accord du lac Meech. M. le Président, est-ce que, finalement, le noeud du problème, ce n'est pas fondamentalement ce que mon collègue de Lac-Saint-Jean décrivait ce matin comme étant le choc des visions, le choc des identités, le choc des perceptions, ce qui fait que les Canadiens perçoivent les francophones comme une minorité et que les Québécois, eux, se perçoivent comme une majorité, cet antagonisme qui fait que les Canadiens perçoivent la langue française comme la langue ethnique des seuls Canadiens français, à protéger pour des raisons historiques, tandis que, pour les Québécois, la langue française, c'est le moyen privilégié permettant l'appartenance à la société québécoise de personnes de toute origine?

Profondément, M. le Président, est-ce que ce n'est pas sur la conception même que nous nous faisons de cette société originale et spécifique qui s'est développée au Québec et qui a développé ses institutions politiques, scolaires, sociales, culturelles, économiques, qui a développé ses organisations, sa culture, son genre de vie, ses objectifs politiques, des objectifs nationaux différents de ceux définis par le Canada?

M. le Président, j'ai eu la curiosité, comme le fait souvent le député de Lac-Saint-Jean, d'aller chercher dans la définition qu'en donnent nos dictionnaires le mot "distinct" pour me rendre compte qu'il y avait peut-être là matière à trouver explication dans ce qui va sans doute à nouveau, compte tenu de l'annonce faite du désir du gouvernement de renclencher les négociations qui sera sans doute à nouveau un rendez-vous manqué et, dans cette conception même de ce qu'est une société distincte. "Distinct", nous dit le dictionnaire, c'est ce qui ne se confond pas avec quelque chose d'analogue et de voisin. "Distinct", c'est autre, c'est différent, c'est indépendant, c'est séparé.

M. le Président, dans cette définition même qui constitue le coeur de ce qui nous divise, on voit bien que dans cette affirmation il y a là matière évidemment à poursuivre ces rendez-vous manques. C'en sera sans doute un autre de plus qui s'ajoutera à la panoplie de toutes ces tentatives qui ont échoué jusqu'à maintenant.

C'est d'autant plus grave que, pourtant, l'heure exigerait que l'on ait en main tous les instruments pour remédier aux problèmes auxquels est confrontée la société québécoise. Et, au fur et à mesure des besoins nouveaux, des changements sociaux qui ont bouleversé notre société, il y a deux niveaux de gouvernement qui sont intervenus en créant une sorte de désordre pour dédoubler le plus souvent les programmes et l'administration de ces programmes. On l'a dit souvent, ce sont des mots qui sont répétés où que nous soyons dans la société, ces mots qui reviennent, de confusion, de duplication, de dédoublement, d'absence de concertation, d'enchevêtrement, d'incohérence, d'inefficacité.

M. le Président, ces mots-là me font mal parce que j'ai l'impression que c'est une litanie qui, d'une certaine façon, accentue notre impuissance. Les exemples sont nombreux évidemment. Je n'aurais pas assez de toute la fin de cette session pour les multiplier, mais qu'il me soit permis simplement d'en donner quelques exemples où Québec et Ottawa se concurrencent et où, finalement, les Québécois sont en difficulté, compte tenu de la paralysie que créent ces collisions entre les gouvernements.

Quelques exemples. Prenons ce changement percutant qui est intervenu dans l'organisation de notre société et qui fait que les mères de jeunes enfants travaillent en proportion croissante. En 10 ans, c'est une progression vertigineuse de 90 % d'augmentation des mères de jeunes enfants sur le marché du travail. Et on se rend compte qu'avec ces changements, il y a là des questions importantes qui se posent, à savoir: Comment financer et organiser la garde des jeunes enfants? Comment maintenir le revenu des femmes enceintes ou en congé de maternité? Comment régir les congés parentaux en regard des normes du travail? Comment garantir le recyclage des femmes moins qualifiées pour les nouveaux emplois payants?

Et là, ce dont on se rend compte, c'est que, d'une part, l'assurance-chômage, administrée par le fédéral seulement, même s'il s'est totalement retiré de son financement, offre, de son côté, un semblant de congé de maternité pendant que Québec, inquiet de son taux de natalité, jongle toujours avec l'idée d'une caisse de congés de maternité. D'un autre côté, Québec subventionne les garderies et offre une déduction d'impôt aux parents pendant qu'Ottawa examine la possibilité d'une politique nationale de garde d'enfants et offre ici sa propre déduction.

En matière d'aide aux familles, les politiques se paralysent, M. le Président. Le fédéral rend imposables ses allocations qui augmentent jusqu'à 18 ans, selon l'âge des enfants au fédéral, pendant que Québec offre, au contraire, une allocation non imposable, plus généreuse au moment de la naissance des enfants de bas âge jusqu'à six ans. (15 h 30)

La liste des contradictions pourrait s'allonger à l'infini en matière d'habitation, de logement, de main-d'oeuvre, de formation profession-

nelle, de communication, d'immigration malgré cette entente qui n'accorde dans les faits, au Québec, qu'un pouvoir de sélection sur la moitié du mouvement d'immigration et, encore là, si c'est l'exemple qu'on veut nous donner, un pouvoir à l'intérieur des paramètres définis par le gouvernement fédéral.

M. le Président, j'aimerais vous citer ce qu'un vétéran des conférences constitutionnelles, l'ex-plus haut fonctionnaire du gouvernement du Québec reconnu notoirement pour sa probité et sa loyauté à l'égard du Québec et des gouvernements, de tous les gouvernement qui s'y sont succédé, est venu déclarer devant la Commission Bélanger-Campeau. Ce vérétan des conférences constitutionnelles qui participait, d'ailleurs, à titre d'expert, à la dernière qui eut lieu l'an passé, disait, et je le cite: "II est dans l'intérêt du Québec de devenir une nation pleinement souveraine, c'est-à-dire jouissant du pouvoir exclusif de faire ses lois, de percevoir ses impôts et de conduire ses relations internationales."

Pour employer les termes de la question référendaire de 1980, la raison de cette conviction est simple: c'est que cela est dans la nature des choses et conforme aux lois de la vie. Que nous le voulions ou non, affirmait M. Louis Bernard devant la Commission Bélanger-Campeau, nous sommes une nation, nous devons avoir la lucidité de l'admettre et le courage d'en tirer les conséquences. Si nous voulons apporter notre contribution au progrès de l'humanité et garantir le développement de notre société unique et singulière, nous devons assumer nous-mêmes la responsabilité de notre propre destin. Être maître chez soi, ce n'est pas seulement un droit, mais également un devoir. M. le Président, c'est de ça qu'il s'agit: assumer la responsabilité de son propre destin comme peuple, être responsable de ses bons comme de ses mauvais coups. Et M. Bernard ajoutait: "Je crois que si des gestes décisifs ne sont pas posés pour vraiment faire avancer les choses, nous nous condamnons à tourner en rond, que la situation risque de se dégrader et que la solution du problème n'en sera que plus difficile. Il y a des moments de grâce où il faut saisir l'occasion."

M. le Président, oui, il y a un désenchantement, présentement, dans la population. Les projets référendaires du gouvernement ne sont plus pris au sérieux par personne, l'insatisfaction des Québécois atteint des sommets à l'égard du gouvernement et le désenchantement également. M. le Président, il y a des urgences à agir et nous sommes dans cette période où il y a urgence d'agir, notamment à l'égard d'une préoccupation à laquelle est confrontée toute la société et qui est celle de la pauvreté et du chômage. La question de l'emploi est au coeur des préoccupations de tous les Québécois qui se sont présentés devant la Commission Bélanger-Campeau, qu'ils soient des représentants d'entreprises, des travailleurs, des représentants d'as- sociations étudiantes, de familles, d'organismes régionaux et particulièrement les jeunes. Ils sont venus nous dire que la souveraineté n'était pas un idéal vague et lointain, mais un moyen efficace d'agir sur les vrais problèmes comme celui du chômage.

M. le Président, comment, d'ailleurs, imaginer qu'un gouvernement provincial pourrait véritablement mettre en oeuvre une politique de l'emploi, quand il ne contrôle même pas les prérequis essentiels comme la formation professionnelle, l'assurance-chômage, le placement de la main-d'oeuvre, l'immigration, le développement régional, la sécurité du revenu, la recherche et le développement? En matière d'emploi, un des vices majeurs du système fédéral canadien est de paralyser tout effort financier additionnel consenti par le gouvernement du Québec et qui veut, sur son territoire, augmenter le nombre d'emplois puisque, M. le Président, ces efforts additionnels financiers qui sont consentis sont réduits d'autant des dépenses fédérales en matière de prestations d'assurance-chômage, de péréquation, de programmes de transfert ou par l'augmentation des recettes fiscales du fédéral. C'est là un des vices majeurs du système qui nous étrangle présentement.

À ce moment-ci de notre histoire, où nous sommes confrontés au plus formidable enjeu qui consiste à concurrencer des sociétés qui, sur le plan des marchés, sont devenues des concurrents très proches, il nous faut massivement mobiliser toutes nos énergies, au moment même où nous sommes complètement démunis, puisque tous les efforts que nous pourrions faire comme société et que nous devrions faire comme société, tous ces efforts que nous devrions consentir pour nous donner une véritable politique de l'emploi... Toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont travaillé sur le dossier de l'emploi et particulièrement, évidemment, l'ensemble des organismes qui composent le Forum pour l'emploi et qui représentent tous les secteurs de la société québécoise sont conscients que, dans le système fédéral actuel, une politique de l'emploi est complètement paralysée par l'incapacité dans laquelle nous sommes de l'articuler, de la financer sans que ça vienne, par un effet pervers, se retrouver dans les coffres, comme recettes du gouvernement fédéral.

Le plus bel exemple, le plus récent, c'est le crédit d'impôt à la formation professionnelle de la main-d'oeuvre institué par Québec pour fournir une aide de 100 000 000 $ par année aux entreprises. C'est un malheureux exemple puisque, considéré comme un profit pour l'entreprise qui bénéficie du crédit d'impôt par le gouvernement fédéral, ce crédit d'impôt, entièrement financé par Québec, est imposé par Ottawa, et l'effort financier de Québec se retrouve en grande partie dans les coffres du fédéral. Plaider en faveur d'une autre dernière chance au fédéralisme, comme le fait le gouvernement libéral, c'est se

résigner au régime actuel, avec l'insoutenable réalité du chômage pour 825 000 de nos concitoyens sans emploi.

La souveraineté offre la vraie première chance de réussir une politique de l'emploi indispensable à la dignité, à la prospérité et à la sécurité culturelle du peuple québécois. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, mme la députée de hochelaga-maisonneuve. je reconnais maintenant m. le député de laval-des-rapides.

M. Guy Bélanger

M. Bélanger: M. le Président, il me fait plaisir d'intervenir sur ce projet de loi qui, pour moi, s'inscrit en directe continuité avec les efforts que nous avions produits à la Commission Bélanger-Campeau. J'ai été membre de la Commission Bélanger-Campeau et même de l'exécutif de cette commission, donc j'ai pu suivre ses travaux dans tous ses détails, dans tous ses méandres et, croyez-moi, avec un intérêt sans cesse renouvelé.

Donc, si on veut faire un petit peu l'historique de ce qui nous amène à parler du projet de loi 150 aujourd'hui, on devrait remonter à il y a à peu près un an, jour pour jour. Il y a un an, exactement à cette période-ci ou à ces heures-ci, on attendait les résultats de Meech. On sait que c'étaient les dernières tractations et que l'échéancier approchait. On en connaît aussi les résultats, Meéch a été rejeté. C'est alors que le premier ministre, M. Bourassa, avait fait une déclaration solennelle à l'Assemblée nationale, dans laquelle déclaration il laissait voir qu'il formerait une commission qui aurait comme mandat d'analyser ou de regarder l'avenir politique et constitutionnel du Québec qui rendait nécessaire, finalement, la redéfinition de notre statut au niveau constitutionnel. Donc, c'est dans ce sens-là et c'est à ce moment-là que Bélanger-Campeau a été créée.

Par la suite, évidemment, il y a eu les tractations avec le chef de l'Opposition et je pense que les deux parties s'étaient unanimement... et, dans un geste sans précédent à cette Assemblée, elles ont travaillé conjointement à former cette commission-là et avaient défini, entre autres, à l'article 2 de la loi qui la formait: "La Commission a pour mandat d'étudier et d'analyser le statut politique et constitutionnel du Québec et de formuler à ces égards des recommandations." On se rappellera que cette Commission était formée de membres représentant les milieux municipaux, les milieux scolaires, les milieux artistiques, les milieux de la culture, les milieux de la coopération le milieu des affaires, le fédéral, les différents partis du gouvernement fédéral et le Parti québécois et le Parti libéral dont je suis membre.

Alors, cette commission, pendant cinq à six mois, avec une ardeur jamais démentie, a vraiment fait un travail colossal de déblayage et d'information au niveau du public, qui a permis, je pense, d'élever le niveau du débat et d'élever la problématique qui se pose à nous. Donc, c'était une initiative non seulement intéressante, mais très riche. (15 h 40)

Les conclusions de Bélanger-Campeau ont été aussi très intéressantes. La Commission, à ce moment-là, avait identifié deux voies de solution et un échéancier. Elle disait, entre autres, que le gouvernement devrait mettre en place une commission pour analyser les éventuelles offres ou les offres du fédéral pour un fédéralisme renouvelé et qu'une deuxième commission devrait analyser l'impact de la souveraineté, et qu'un référendum devrait être tenu à la fin de cela. Là-dessus, je voudrais amener une précision encore plus - c'est redondant là - mais je dirais plus précise pour remettre cela frais à la mémoire de mon collègue le député de Lac-Saint-Jean qui, ce matin, nous a affirmé des choses qui sont vraies, qui sont même dans le texte, mais il s'est livré à un exercice de découpage. Je pense que mon collègue de Lac-Saint-Jean a sûrement gagné le ciseau d'or en maternelle en découpage. Il sait où découper et comment découper, enlever ce qui fait son affaire, ce qui ne fait pas son affaire, le rajouter. Il devait être très bon aussi, il doit être aussi excellent en recomposition, à remonter les choses de telle façon que-Moi, je ne ferai aucun découpage. Je vais lire in extenso le texte des conclusions, pages 82 et 81, du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Alors, on disait ceci: Le plan...

Une voix:...

M. Bélanger: Ah, attention, on va y revenir!

Une voix:...

M. Bélanger: Oui? Ah, il pariait d'unanimité, tout à l'heure, vous allez voir. "Sur le plan des relations politiques et constitutionnelles, le consensus exprimé dans le cadre des travaux de la Commission est clair - là, on s'entend bien, c'est la Commission Bélanger-Campeau - : des changements profonds au statut politique et constitutionnel du Québec s'imposent." Jusque là, ça va bien. "Quelles que soient les solutions retenues, il faut qu'elles mettent fin sans tarder et de façon durable aux incertitudes et à l'instabilité qui résultent de l'impasse actuelle." Alors, dans la redéfinition de son statut, deux voies seulement s'offrent au Québec... Pas une, pas la séparation, il dit: II y a deux voies. Deux voies.

Une voix:...

M. Bélanger: Oui, deux voies plus complètes que celle que vous me montrez. Alors, "...d'une part, une nouvelle et ultime tentative de redéfinir son statut au sein du régime fédéral - donc ça, c'est la première voie - et, d'autre part, l'accession à la souveraineté". Donc deux voies: une redéfinition de notre statut au sein du fédéral et l'accession à la souveraineté, d'autre part. "Les uns sont d'avis - écoutez bien, c'est là qu'on retrouve vos addenda - que la première voie doit être empruntée d'abord et que, en cas d'échec, le Québec devrait s'engager dans la seconde pour accéder à la souveraineté. Les autres - j'inviterais mon collègue de Lac-Saint-Jean à bien écouter - qui étaient plus pressés préfèrent mettre en oeuvre la seconde voie dès à présent." Eux, ils voulaient tout de suite un référendum sur la souveraineté. "Ainsi - disait la Commission Bélanger-Campeau - en cas d'échec d'une dernière tentative de renouvellement du fédéralisme - c'est Bélanger-Campeau qui dit ça -, il ne reste plus qu'une seule voie, celle de la souveraineté. Il importe donc d'en examiner dès maintenant toutes les implications et de préciser systématiquement les mesures à prendre pour sa mise en oeuvre efficace, surtout si l'on estime que cette voie est la seule possible, mais aussi si on la considère comme une alternative prochaine."

Alors, dans ce sens-là, donc, Bélanger-Campeau était clair, il y avait deux avenues de solution, une où on étudiait les offres du fédéral et la deuxième, où on analysait les impacts de la souveraineté. Or, que dit le projet de loi 150? Exactement ça, pas un mot qui va en dehors de ces deux recommandations-là. Il va même plus loin, il dit qu'il va y avoir un référendum et il en fixe même les dates possibles, les échéanciers à l'intérieur desquels il doit être tenu. Donc, je ne comprends plus l'opposition du Parti québécois.

Je la comprends, si je me rappelle qu'à Bélanger-Campeau, ils avaient dit: On est d'accord avec le rapport, on va le signer, mais on va mettre des addenda. Alors moi, je n'en ai pas mis d'addenda. Moi, je me suis fié que, comme membre de la commission, nous arrivions à des conclusions qui m'apparaissaient claires et évidentes, qui reflétaient parfaitement les 500 mémoires que nous avions analysés et auditionnés et les 125 experts que nous avions entendus, donc je me disais: Ce mémoire-là, il est absolument conforme à ce qu'on a entendu, à ce qu'on a vu, donc je me dois de le signer ou bien donc d'inscrire une dissidence puis d'écrire un grand livre.

Or, les gens du Parti québécois ont dit: On est d'accord avec le rapport, mais on va mettre des nuances, et ils ont mis leurs nuances. Moi, je n'ai jamais signé leurs nuances, j'ai signé le rapport et sans addenda. Aujourd'hui, c'est le même problème qu'on retrouve, non pas de se comprendre sur les conclusions de Bélanger-

Campeau, c'est sur leurs addenda qu'on ne s'entend pas. On ne s'est jamais entendus et on ne s'entendra jamais. Il est clair, et c'était clair dans l'esprit des commissaires de Bélanger-Campeau et de tous ceux qui s'étaient exprimés là - je viens de vous lire in extenso, ça ne peut pas être plus authentique que ça - que nous devions d'abord, en toute logique, étudier les offres fédérales ou le fédéralisme renouvelé. Et M. le premier ministre est allé plus loin, il a dit: On ne va pas aller demander des offres pour un fédéralisme renouvelé, on va attendre qu'eux viennent nous en faire et on évaluera, sur les offres qu'ils nous auront faites, si c'est valable ou pas. Pouvait-il aller plus loin? Je pense que non. On se doit quand même d'être respectueux d'un certain nombre de choses et il y a une logique à suivre, au niveau constitutionnel comme dans tout autre débat.

Alors, c'est dans cette logique-là, c'est à l'intérieur de cette logique-là que s'inscrit le projet de loi 150, projet de loi qui nous dit qu'il y aura deux commissions, une qui va étudier les éventuelles offres du fédéral, une autre qui va se pencher sur les impacts de la souveraineté. Dans ce sens-là, c'est extrêmement important parce qu'on nous dit: La souveraineté? Ça va se faire comme du beurre dans la poêle, ça va passer, il n'y a rien là. On ne s'en rendra même pas compte, on va être séparé comme ça. Oh! J'espère que ce sera aussi facile que ça si on en vient à ça.

D'autres nous disent: Ah! C'est effrayant, ça va coûter 15 000 000 000 $ de plus. Ça va être ci, ça va être ça. Mais qui dit vrai? La vérité est sûrement quelque part entre les deux. Ça m'étonnerait qu'il n'y ait aucune conséquence, qu'il n'y ait aucun inconvénient à une séparation éventuellement du Québec et ça m'étonnerait aussi que ça ne nous coûte rien, que ça nous rapporte, puis que ce soit le bonheur puis le paradis total. Je pense que quelque part entre les deux il y a une vérité. Et le travail de ces deux commissions-là, dans les prochains mois, ça va être justement un travail que je qualifierais de pédagogique, c'est-à-dire un travail où nous devrons tout mettre en oeuvre pour fournir à la population les données les plus rigoureuses, les plus précises, les plus exactes sur ce que seront les impacts de la souveraineté.

En même temps, une autre commission se penchera, elle, sur l'analyse des offres du fédéral. Advenant le cas où ces offres seraient suffisamment substantielles pour que le Québec puisse, avec les moyens nouveaux qu'il aurait, accomplir sa destinée à sa manière, à son modèle, faire ça "his own way", le faire comme il désire le faire, je pense, à ce moment-là, que nous avons la responsabilité de bien en informer la population et justement d'amener la population à se prononcer sur laquelle des deux alternatives sera la plus intéressante pour le futur du Québec, parce que le futur du Québec n'appar-

tient pas aux politiciens. Le futur du Québec, il appartient au peuple du Québec.

C'est pourquoi, dans ces deux commissions-là, nous devrons travailler dans l'esprit d'intégrité le plus grand possible et d'intégrité morale aussi envers la population, au sens où nous devrons aller chercher, dans les deux commissions, les éléments les meilleurs de ce que nous pourrons ressortir des deux systèmes et les éléments, aussi, les plus inacceptables des deux systèmes, de telle sorte que la population puisse faire un choix éclairé, un choix rationnel et intelligent, de telle sorte que, deux ou trois ans après, on n'assiste pas à la renaissance d'un autre Parti québécois ou d'un parti canadien, advenant que ce soit la souveraineté qui serait retenue, et qu'on n'ait pas un embryon de parti canadien qui nous recommence le bordel, puis on serait reparti encore pour un autre 30 ans dans l'autre sens. Il va falloir, à un moment donné, que ça finisse. J'ai beaucoup d'espoir dans ces deux commissions où je souhaite que nous irons vraiment à fond et que nous permettrons à la population de se faire l'opinion la plus éclairée possible pour que la décision que nous prendrons sort vraie puis que ça mette fin une fois pour toutes à ce débat qui dure déjà trop longtemps. (15 h 50)

Ça fait 30 ans que je suis la chose politique et que j'ai droit de vote, et ça fait 30 ans que j'entends parler des problèmes constitutionnels et tout ça. Je souhaite que ma fille, qui commence à voter - elle a maintenant 19 ans - n'ait plus à revivre ça, mais qu'elle ait à se pencher sur comment bâtir sa province, comment la développer économiquement, comment la rendre la plus intéressante possible. Je le souhaite à nos enfants. Dans ce sens-là, je pense que notre responsabilité sera très grande. Nous avons deux commissions et un rendez-vous éventuel pour un référendum. Je dis éventuel mais un rendez-vous certain pour un référendum - parce qu'il y aura un référendum, c'est l'article premier de cette loi-là qui le dit et de façon très claire, il y aura un référendum - et nous aurons tout à l'heure à nous prononcer sur ce référendum-là. J'espère que nous le ferons dans un esprit le plus objectif pour les Québécois, pour le bien du Québec et non pas pour notre bien politique à nous autres, parce que le bien des Québécois, je crois qu'il se situe loin au-dessus de la politique.

M. le Président, c'étaient là mes propos pour aujourd'hui. Le temps nous presse, malheureusement; je me dois donc de conclure. Dans mes conclusions, je souhaite simplement que le Parti québécois se joigne à nous et qu'ensemble nous fassions cette démarche dans les prochains mois, dans l'esprit de concertation et de collaboration le plus complet, non pas pour le meilleur intérêt de nos partis politiques, mais pour le meilleur intérêt de la population que nous voulons servir, c'est-à-dire les Québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laval-des-Rapides. Je reconnais le prochain intervenant sur l'adoption du principe du projet de loi 150 en deuxième lecture, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Jeanne L. Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. D'abord, pour dissiper la confusion qu'auraient pu laisser les propos du député de Laval-des-Rapides, je voudrais lui dire que ce n'est pas parce qu'il lit les conclusions du rapport de la Commission Bélanger-Campeau que, pour autant, il peut affirmer que les députés de l'Opposition étaient en faveur des recommandations. Nous avons - et il le sait très bien puisqu'il était membre de la Commission - signé un rapport dissident, un addendum qui signifie notre dissidence quant aux conclusions, M. le Président.

M. le Président, l'essentiel de mes commentaires portera sur la science et la technologie dans un Québec souverain. Je vais d'abord - vous allez comprendre - commenter brièvement le projet de loi 150. Levons d'abord toute ambiguïté. L'Opposition veut un vrai référendum sur la souveraineté. L'Opposition veut un référendum sur la souveraineté tout comme la très grande majorité des personnes et organismes entendus à la Commission Bélanger-Campeau. Les unions municipales, les conseils régionaux, l'UPA, la CEQ, la CSN, la FTQ, la Fédération des femmes du Québec, M. le Président, le Bloc québécois, la Chambre de commerce, les organismes communautaires, bref comme la très grande majorité des Québécois et des Québécoises, l'Opposition veut et réclame la tenue d'un vrai référendum sur la souveraineté dans les meilleurs délais pour mettre fin à l'insécurité qui mine le développement économique du Québec.

L'Opposition ne peut cautionner ce projet de loi qui, dans sa forme actuelle, constitue une triste mascarade qui permet au gouvernement d'entretenir l'ambiguïté et de créer la confusion, de gagner du temps, d'entretenir les parlementaires, de distraire l'attention face au marasme économique dans lequel s'enfonce le Québec et où le chômage et la pauvreté constituent le lot d'une personne sur quatre. Ce projet de loi, M. le Président, trahit l'esprit et la lettre des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau. Ce n'est qu'une étape dans une stratégie fédéraliste qui nous mène tout doit à la signature d'une entente à rabais ou d'un nouvel affront. Résumer le projet de loi. comme on vient de le faire, à la tenue d'un référendum sur la souveraineté relève de la simplification abusive, pour ne pas dire de la pure mystification. Tout le projet de loi nous le dit: Le gouvernement fera tout en son pouvoir pour qu'il n'y ait pas de référendum sur la souveraineté. Cette loi, par ces "considérant", la composition et le mandat de ses commissions,

entièrement, totalement dominées par le gouvernement, les marges de manoeuvre qu'il se réserve, il est clair que cette loi servira d'abord de tribune aux fédéralistes bon teint pour faire le procès de la souveraineté et l'apologie du fédéralisme.

Soyons clairs, le gouvernement ne veut pas d'un référendum sur la souveraineté et reconnaissons que même s'il en voulait un, il est fort mal placé pour en tenir un. D'abord, soyons réalistes: Le premier ministre est un fédéraliste convaincu, c'est son droit. Il est Canadien d'abord et avant tout et il voue un attachement indéfectible à la Fédération canadienne. Aucun affront, aucune insulte, aucune humiliation ne le rebute ou ne l'en détourne. Rappelons juin 1990 à Ottawa, M. le Président, au terme de cette semaine de maquignonnage autour de l'entente du lac Meech. Ce cri du coeur du premier ministre québécois qui a dit: "Les Québécois et les Québécoises ont enfin un pays, le Canada!" Le premier ministre est fédéraliste. L'illusion qu'il pourrait être souverainiste ne tient plus. Après Bélanger-Campeau, le rapport Allaire qu'il a déjà oublié, plus personne ne doute de sa foi fédéraliste.

Par ailleurs, M. le Président, le premier ministre voudrait tenir un référendum sur la souveraineté et, logiquement, il ne le peut pas. Imaginez le scénario suivant: II déclenche la tenue d'un référendum et il se place dans le camp du non. Vous-même vous savez que ce n'est pas très logique et peu probable. Par ailleurs, le premier ministre qui dirige le Parti libéral ne voudrait pas passer à l'histoire comme étant responsable de l'éclatement de son parti. Il a la responsabilité d'en maintenir l'unité. Deuxièmement, le premier ministre ne voudrait pas passer à l'histoire comme celui qui a fait éclater la Fédération canadienne. Et le premier ministre ne voudrait pas porter l'odieux d'une césure définitive entre la communauté anglophone et francophone du Québec.

Ajoutons à cela que 35 ans de fidélité au Parti libéral du Québec et au fédéralisme canadien, ça crée des liens, ça laisse des marques et ça engendre des obligations. Le gouvernement ne veut pas d'un référendum et peu de personnes demeurent dupes. Un sondage nous apprend que seulement 20 % des répondants conservent cette illusion. Nous voulons d'un vrai référendum sur la souveraineté et, comme la majorité des Québécoises et des Québécois, et comme la majorité des personnes entendues à la Commission Bélanger-Campeau, nous voulons faire du Québec un pays souverain.

Pourquoi, M. le Président? Pourquoi un pays souverain? Pour assurer la survie du peuple québécois, de sa langue et de sa culture. 6 000 000 de francophones entourés de 240 000 000 d'anglophones, assaillis de toutes parts, assaillis par les attaques répétées faites à la loi 101 par les tribunaux canadiens, considérés comme une minorité parmi d'autres, il ne faut pas être devin pour réaliser que notre culture ne pourra résister longtemps à l'envahissement. Seul un Québec souverain sera en mesure d'adopter les politiques et les lois susceptibles et, selon les circonstances, de protéger notre identité.

Pourquoi la souveraineté? Pour mettre fin aux injustices qui affectent lourdement le développement économique et social du Québec. Le Québec ne reçoit du fédéral que 10 % du budget en agriculture, 18 % en logement social, 18 % en environnement, 12,6 % en énergie et ressources, 23,8 % en santé et bien-être et, enfin, un peu plus de 19 % en sciences et technologie. Et enfin, pour mettre fin au chevauchement des 460 programmes répertoriés en 1986. Et ils en ajoutent, comme on peut le constater, vous et moi, tous les jours.

Pourquoi la souveraineté? Pour mettre fin à l'endettement du Québec par le fédéral. La seule année budgétaire de 1991-1992 a endetté le Québec de 7 000 000 000 $; c'est un minimum. Pour mettre fin à un débat qui sert de paravent, qui gaspille temps et énergie et qui masque les vrais problèmes, c'est-à-dire l'incapacité du gouvernement d'assurer le développement économique et social du Québec. Pour mettre fin au gouffre économique dans lequel s'enfonce le Québec où Montréal, la métropole, détient le triste record canadien de la pauvreté et du chômage, héritage du fédéralisme.

Enfin, M. le Président, pour n'avoir qu'un gouvernement à interpeller, un gouvernement responsable de ses succès comme de ses échecs et qui ne peut, en aucun moment, renvoyer la balle à l'autre.

M. le Président, pourquoi la souveraineté en sciences et technologie? Le système fédéral pénalise lourdement le Québec et seule la souveraineté nous donnerait tous les outils pour assurer et accorder à la science et à la technologie toute la place qui lui revient et qui doit lui revenir, si nous voulons demeurer dans le peloton de tête des nations développées, une politique qui intègre tant la formation des chercheurs que le financement de la recherche, qu'elle se fasse dans les universités, dans les entreprises, dans les laboratoires gouvernementaux. Notre politique scientifique pourrait enfin être orientée selon nos besoins, nos priorités et recevoir l'appui financier qu'elle mérite.

Pour bien saisir pourquoi la souveraineté est nécessaire pour implanter une telle politique, on doit d'abord comprendre comment fonctionne le système actuel et quelle place le fédéral accorde au Québec dans le secteur de la recherche. Tout d'abord, il faut savoir que le gouvernement fédéral est un intervenant majeur en matière de sciences et de technologie. En 1990-1991, on estime qu'il dépensera environ 5,5 milliards de dollars et, en fait, ça représente environ 30 % de toute la recherche qui se fait au Canada.

Actuellement, le gouvernement est perdant et nous finançons en quelque sorte la recherche qui s'effectue en Ontario. Voyons les chiffres. En effet, malgré que nous représentions près de 26 % de la population canadienne, nous ne recevons qu'un peu plus de 19 % des dépenses fédérales. On devrait, en fait, recevoir 1 200 000 000 $, alors qu'on n'en reçoit que 300 000 000 $. Cet écart représente des milliers d'emplois scientifiques en moins et, compte tenu de la valeur structurante des activités de recherche sur l'économie et du retard du Québec, c'est majeur, M. le Président. (16 heures)

Par ailleurs, pendant ce temps, dans le domaine de l'enseignement supérieur et de la science, le gouvernement fédéral multiplie ses interventions. En effet, en dépit de la compétence, en principe exclusive, des provinces en matière d'éducation, le gouvernement fédéral a multiplié depuis plusieurs années les interventions au chapitre de l'enseignement postsecondaire et s'est donné les moyens d'influencer profondément l'évolution de ce secteur selon ses propres priorités. Le rôle crucial joué par les institutions d'enseignement collégial et universitaire sur le plan du développement économique, le pouvoir de dépenser du fédéral et le flou constitutionnel prévalant au chapitre de la recherche ont justifié, ont permis, ont favorisé au fédéral de s'y impliquer activement.

D'autre part, le gouvernement fédéral se retire de plus en plus du financement des programmes établis sur lesquels nous avions pleine initiative. La dernière coupure annoncée dans le discours sur le budget du ministre fédéral, M. Wilson, frappe encore durement les transferts aux provinces. Pour 1990-1991, M. le Président, il s'agit d'une réduction de 200 000 000 $ de la contribution du fédéral, dont environ 60 000 000 $ exclusivement pour le secteur de l'enseignement supérieur. Pour ce seul domaine, M. le Président, le Québec se verra privé de près de 250 000 000 $ en cinq ans et l'effet conjugué de cette dernière mesure et de la coupure de 1986 représentera, selon l'Association canadienne des professeurs d'université - ce n'est pas nécessairement tous nos amis - une perte de 7 000 000 000 $ pour le Québec.

M. le Président, citons le ministre des Finances, un ardent fédéraliste. Dans son discours sur le budget, il nous dit: "Depuis déjà quelques années, les transferts aux provinces ont fait l'objet de coupures répétées de la part du gouvernement fédéral. Au seul chapitre du financement de la santé et de l'enseignement postsecondaire, l'impact total des coupures effectuées depuis 1982-1983 représente un manque à gagner de 1 700 000 000 $." M. le Président, un autre fédéraliste, l'ex-ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, député d'Argenteuil, déclarait à l'occasion de l'étude des crédits budgétaires de 1988-1989, après avoir souligné l'effet du désengagement financier du fédéral: "Pendant ce temps, dit-il, le fédéral multiplie les initiatives ponctuelles de façon unilatérale, telle la création des centres d'excellence et l'annonce des bourses d'excellence pour les étudiants de premier cycle en sciences et en génie. Cette façon de faire est contraire à l'esprit de collaboration."

Rappelons, M. le Président, que c'est dans ce secteur de la science et de la technologie que les décisions politiques jouent un rôle important. Décision politique que la localisation des laboratoires fédéraux de recherche où, évidemment, nous sommes perdants, et ça ne cesse d'empirer. En 1985, le fédérai faisait un peu plus de 15 % de sa recherche dans ses laboratoires situés au Québec. Trois ans plus tard, c'est moins de 12 %. Pour la région de la capitale nationale, où il se fait 45 % de la recherche et développement du gouvernement fédéral, dans ses laboratoires et ministères, ce déséquilibre se traduit, M. le Président, de la façon suivante: 6387 personnes travaillent dans le domaine de la R-D du côté ontarien contre, tenez-vous bien, 130 au Québec. Résumons. Des 1 500 000 000 $ de dépenses de recherche intra-muros, il y en a 12,6 % qui viennent au Québec et ça représente un manque à gagner de plusieurs centaines de millions.

Ajoutons que la localisation des laboratoires fédéraux, ce n'est pas sans importance, car c'est là que se tissent les liens, que se créent les réseaux entre les chercheurs des laboratoires, les fonctionnaires des ministères concernés et les entrepreneurs du secteur. Le personnel passe d'une organisation à l'autre; les fournisseurs ont tendance à s'installer à proximité et les entreprises construisent leurs propres laboratoires dans les environs. Tous les remous suscités par la venue de l'Agence spatiale montrent bien qu'il n'est pas facile de transférer d'autres laboratoires fédéraux et de rétablir l'équilibre. L'accès à la souveraineté ne pose pas de grandes difficultés. Pour ce qui a trait aux laboratoires fédéraux au Québec, ils seront simplement transférés au gouvernement du Québec, comme tous les autres actifs en sol québécois, et leur financement sera entièrement pris en charge par le gouvernement du Québec ou cofinancé avec des partenaires, qu'ils soient du Canada ou de l'étranger, comme cela se fait de toute façon et continuera de se faire même si on peut penser qu'il y aura un temps de flottement.

Autre incohérence du système, M. le Président, l'absence de vision d'ensemble pour les crédits d'impôt à la recherche et au développement du gouvernement du Québec. Cet élément représente un volet majeur de l'intervention de ce gouvernement à la R-D, puisqu'il a décidé d'y investir plus de 700 000 000 $ sur cinq ans. Qu'est-ce que le gouvernement fédéral fait avec les crédits d'impôt accordés aux entreprises? Il les taxe. Pour chaque 100 $ de crédit d'impôt à la recherche accordé, au Québec, à une de nos

entreprises, le fédéral baisse de 39 $ le montant d'aide qu'il accordera à l'entreprise.

Donc, le fédéral taxe de 39 % le crédit d'impôt du Québec. C'est plus de 50 000 000 $ par année que nos entreprises perdent et cela vient s'ajouter aux 300 000 000 $ que nous perdons déjà par le manque à gagner. Comment peut-on espérer inciter nos entreprises à prendre des risques et à investir davantage dans la recherche si le fédéral reprend d'une main ce que le Québec donne de l'autre? Ceci faisait dire à la porte-parole de Pratt et Whitney qui avait un budget de recherche de 250 000 000 $ en 1989 - ce qui veut dire à peu près le quart de toute la recherche industrielle faite au Québec - que l'impact des mesures du Québec est pratiquement nul puisque Ottawa diminue son aide lorsque le Québec accorde la sienne. Ça ne nous avance en rien, dit-elle. Le Soleil, 24 octobre 1989.

Il va sans dire que la souveraineté du Québec permettrait, par l'intégration complète des mesures fiscales, d'éliminer cette aberration en permettant la mise en place de mesures cohérentes, donc certainement plus efficaces.

L'influence du fédéral sur les priorités de recherche effectuée au Québec. Comme l'a fait remarquer l'Université du Québec dans son mémoire à la Commission Bélanger-Campeau, l'intervention massive du fédéral, et je cite, "a des effets néfastes sur le développement des universités. Les priorités canadiennes ne font pas l'objet de négociations avec les provinces et les préoccupations de développement régional sont souvent absentes. En outre, la création d'équipes de recherche à l'échelle canadienne disperse les meilleurs chercheurs sans compensation de retour puisque le point central de ces réseaux n'est pas souvent le Québec."

Autre dossier. Même discours dans le dossier culturel. M. Arpin, le directeur du Musée de la civilisation du Québec dit à la Commission Bélanger-Campeau, et je cite: "Les politiques, les objectifs culturels, les priorités des uns et des autres coïncident parfois, mais divergent souvent." M. Arpin se demandait alors comment jouxter des objectifs liés à la mosaïque canadienne et ceux d'une province francophone puisant largement dans ses origines françaises. Même constat pour la science et la technologie, la santé, les communications ou le développement régional.

En conclusion, M. le Président, les besoins de la société québécoise, les priorités de recherche, tant aux niveaux industriel, culturel que social, ne sont pas les mêmes que ceux et celles du Canada anglais. Ce n'est pas mieux ou moins bon. C'est différent. Alors, puisque nous ne contrôlons pas une large partie des budgets de recherche qui sont dépensés en notre nom et qu'en plus nous ne recevons pas la part qui nous revient, il apparraïï, à l'évidence, que le sort des sciences ne pourrait que s'améliorer dans un

Québec souverain. La souveraineté assurerait aussi que le Québec retire un maximum d'avantages et de retombées de sa participation à des ententes de recherche internationale comme, par exemple, les projets comme celui de la maintenant défunte station orbitale américaine. Le choix et l'identité de notre participation se feront alors en fonction de nos intérêts.

Par ailleurs, le Québec possède l'essentiel de la structure de recherche pour intégrer les programmes qui sont actuellement gérés par le gouvernement fédéral. Nous sommes la seule province à avoir établi une telle structure. Nous pourrions, par simple rapatriement du Québec, reprendre toutes les activités qui sont financées par les centres de recherche canadiens. Les crédits pour la formation des chercheurs, le FCAR - la formation des chercheurs et l'aide à la recherche - le Fonds de recherche en santé du Québec, le Conseil québécois de recherche sociale seront augmentés pour prendre la relève des subventions accordées par les organismes subventionnaires canadiens.

Par ailleurs, un effort pour constituer des comités d'attribution avec des chercheurs provenant de l'extérieur pourrait être fait afin de s'assurer de maintenir la qualité des projets subventionnés à un très haut niveau d'exigences. (16 h 10)

M. le Président, gérer toutes les activités de recherche à partir du Québec devrait entraîner certaines économies par l'élimination des doubles structures administratives, mais aussi par le temps qui est perdu par les chercheurs et étudiants qui doivent doubler leurs demandes à remplir. De toute façon, dans un très grand nombre de cas, les organismes ne se font pas concurrence, puisque le financement de la recherche d'un organisme dépend de l'obtention du financement de l'autre.

Bref, M. le Président, le Québec a intérêt et doit récupérer tous les pouvoirs en matière de sciences et technologie. Et comme le soulignait récemment le Conseil de la science et de la technologie, l'avenir socio-économique du Québec repose fondamentalement sur son développement économique qui exige un plus grand usage de la science et de la technologie, mais pour augmenter l'usage de la science et de la technologie il faut, de toute urgence, mettre sur pied une politique scientifique intégrée, cohérente, efficace, qui va de la formation des chercheurs jusqu'à la diffusion des connaissances et des innovations, qui correspond à nos besoins et à notre structure économique.

Je crois, M. le Président, avoir fait la démonstration qu'une telle politique n'est réalisable que si nous détenons tous les leviers nécessaires à son implantation, c'est-à-dire si nous sommes souverains. M. le Président, pour revenir à la loi 150, dans sa forme actuelle, elle est inacceptable et à moins de modifications majeures qui respectent l'esprit et la lettre des

recommandations du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, l'Opposition ne saurait cautionner un tel projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je reconnais maintenant M. le whip du gouvernement et député de Papineau. M. le député.

M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Avec la présentation du projet de loi 150, nous en sommes rendus à un autre moment historique pour le Québec. Lors du référendum de 1980, les Québécois avaient répondu oui au Canada et oui au fédéralisme. Depuis lors, plusieurs événements majeurs se sont déroulés sur le plan constitutionnel. En outre, il y a eu l'échec de l'accord du lac Meech. À la suite de cet échec, le premier ministre du Québec, de nouveau, s'est attelé à la tâche pour faire valoir les intérêts supérieurs de la collectivité québécoise.

Parlant d'intérêts supérieurs du Québec, j'aimerais insister sur le fait que le projet de loi 150 sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec respecte en tout point l'esprit et la lettre du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. En deux mots, voici de quoi il s'agit. Il s'agit de déterminer une période pour la tenue d'un référendum qui ne peut porter sur autre chose que la souveraineté du Québec. Auparavant, c'est-à-dire avant la tenue de ce référendum qui aura lieu au plus tard en octobre 1992, deux commissions parlementaires seront constituées. La première portera sur l'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la pleine souveraineté; la seconde portera sur des offres de partenariat formulées par le gouvernement fédéral, lesquelles offres doivent nécessairement rallier l'ensemble des provinces canadiennes.

En ce sens, j'affirme de nouveau que le projet de loi 150 respecte en tout point le rapport Bélanger-Campeau, mais il y a quelque chose de plus fondamental que j'aimerais démontrer au cours des prochaines minutes. Les gouvernements libéraux qui se sont succédé depuis les 25 ou 30 dernières années se sont toujours battus en faveur de ces intérêts supérieurs. J'en prends à témoin, M. le Président, l'ensemble des réalisations qui sont survenues au cours des années 1960 et 1970.

C'est, en effet, un gouvernement libéral qui a érigé un système économique, social et culturel qui a su faire du Québec l'une des sociétés les plus modernes. C'est également le gouvernement libéral qui a mis l'accent sur les grandes réformes sociales. Parmi celles-ci, je ne mentionnerai que l'implantation du système d'assurance-maladie. Grâce à ce système, toutes les Québécoises et tous les Québécois de toutes les régions du Québec ont accès à un service de soins de santé de qualité. C'est également un gouvernement libérai qui a modernisé notre système d'éducation, un système qui a permis l'accessibilité des Québécoises et des Québécois à un réseau d'enseignement moderne.

Parmi les grandes réformes économiques, les gouvernements libéraux ont mis en place des sociétés d'État qui ont constitué de véritables leviers pour le développement du Québec. La Caisse de dépôt et placement, la Société générale de financement, la Société de développement industriel et autres sociétés du même genre ont permis de faire valoir le génie québécois dans autant de domaines.

Je vous souligne, M. le Président, que toutes ces grandes réalisations québécoises se sont déroulées dans un contexte politique et constitutionnel qui est loin d'avoir brimé le Québec. D'ailleurs, peu importe l'option qui sera retenue pour notre avenir, la population québécoise tiendra d'abord et avant tout, comme l'a dit le premier ministre du Québec, à ce que soit assurée la sécurité économique des Québécoises et des Québécois.

Pour ma part, j'ai déjà mentionné qu'il était essentiel que le Québec cherche à maintenir l'espace canadien. Il serait d'ailleurs illogique d'aller à rencontre de ce qui se fait présentement dans le monde, à l'heure de la mondialisation des marchés. Quant aux liens qui doivent unir le Québec et le reste du Canada, je souscris à l'option première du gouvernement libéral, celle d'un fédéralisme profondément transformé. Cela reflète la continuité au sein de notre formation politique. Je ne crois pas que quiconque ici en cette Chambre soit prêt à isoler le Québec du reste du pays sans autre verdict détaillé.

Je crois, par ailleurs, que nous sommes rendus à nous poser les vraies questions. Nous demandons également de vraies réponses de l'ensemble du Canada, de manière à ce que nos aspirations légitimes soient satisfaites. À l'égard du projet de loi 150, I would like to mention, at this time, that it is very important that, in automn 1982, we have a referendum. We have been talking about this for the last 20 to 30 years and I think it is time that we go to the people and finish it once and for all. I think it is very important for all our people in the Province of Québec.

J'aimerais maintenant faire référence à la constitution des deux commissions parlementaires. Pour l'une, il s'agira d'analyser de long en large l'impact de la souveraineté du Québec - pas une job de bras, M. le Président - de calculer et de compter vraiment le coût que la souveraineté du Québec pourra encourir pour les gens du Québec, les Québécois et les Québécoises. Il m'apparart essentiel, non pas de dénigrer quelque option que ce soit, mais d'en connaître les tenants et les aboutissants. La population québécoise refusera de s'embarquer dans une avenue qui risque d'altérer ou d'amoindrir sa sécurité

économique. C'est à la fois réaliste et plein de bon sens.

M. le Président, j'ai l'espoir que tout ce débat entourant aussi bien l'option souverainiste que l'option fédéraliste renouvelée se déroulera dans la sérénité. Il s'agit d'enjeux importants pour la société québécoise. Mais je mets en garde du même coup la population à l'égard des jugements formulés par l'Opposition officielle. En effet, le Parti québécois a tendance à radicaliser les choses dans tout débat politique. Il l'a fait également dans le passé, lorsqu'il formait le gouvernement. Des exemples précis me viennent à l'esprit, des exemples qui finissent par démontrer que l'ancien gouvernement du Parti québécois avait miné complètement sa crédibilité. C'est pourquoi le débat sur l'impact de la souveraineté m'apparaît essentiel. Il faut vider cette question non pas pour la repousser juste pour le plaisir de le faire, mais pour confirmer à tout le monde que le gouvernement libéral n'a rien à cacher. Nous n'avons d'ailleurs rien à cacher, autant sur la souveraineté que sur le fédéralisme renouvelé.

Le Parti québécois ne doit pas non plus chercher à cacher quoi que ce soit, il doit pouvoir nous dire en toute franchise les impacts véritables de la souveraineté. Et, s'il vous plaît, j'espère qu'il nous épargnera les formules creuses que l'on retrouvait dans ses programmes électoraux. Ce n'est pas vrai qu'il faut chercher à faire l'indépendance du Québec à n'importe quel prix. L'ancien gouvernement du Parti québécois a fait preuve d'intolérance. Encore récemment, le Parti québécois a cherché vainement à discréditer la nomination de M. Charles Taylor au sein du Conseil de la langue française. C'est précisément de cette intolérance dont je me méfierai tout au long de ce débat.

C'est également un Pierre Bourgault renouvelé, peut-être, qui, en 1990, dans un scénario élaborant sur l'indépendance du Québec, se demande - et je cite le livre intitulé Maintenant ou jamais, à la page 111 - "Comment faire en sorte que la population soit informée en tout temps des décisions de son gouvernement et de l'attitude en telle ou telle inconstance? L'État devrait-il conscrire pour un temps les médias d'information en certaines circonstances?" (16 h 20)

M. le Président, Pierre Bourgault suggère une réponse dans le titre même de son volume. Espérons qu'une telle situation ne surviendra jamais. C'est également à l'Opposition officielle à qui l'on doit un appui tacite au Bloc québécois qui, comme on le sait, est voué à la cause de l'indépendance du Québec. Mais un des ténors de l'Opposition officielle allait jusqu'à douter de cet appui parce que tous les membres du Bloc québécois n'étaient pas nécessairement des purs et durs de l'indépendance du Québec, et il y en a chez nous dans l'Outaouais.

C'est un peu cette intolérance qui me fait dire que le Parti québécois ne constitue pas une formation politique parfaitement transparente. On cherche parfois, dépendant des débats, à cacher ses véritables intentions. C'est l'ancien premier ministre du Québec, M. René Lévesque, qui s'offrait le beau risque avec le gouvernement fédéral. Or, ce beau risque a fini par presque désintégrer le gouvernement péquiste, lorsque l'ancien ministre québécois des Finances a démissionné en compagnie de quelques purs et durs de l'indépendance du Québec. Aujourd'hui, il voudrait s'associer avec ce qu'il a combattu depuis 20 ans.

La tournée du chef de l'Opposition officielle m'apparaît opportuniste. En effet, n'est-ce pas le chef du Parti québécois qui a déjà déclaré qu'il ne croyait plus aux échanges économiques Est-Ouest, mais plutôt au déploiement de relations Nord-Sud? Or, le voilà aujourd'hui en train d'essayer de rebâtir des liens entre l'est et l'ouest du pays, avant même que les Québécoises et les Québécois aient pu effectuer leur choix. De plus, M. Parizeau fait-il preuve de tolérance quand il annonce au reste du Canada que peu importe si cela leur plaît ou non, un Québec indépendant pourra seul décider de conserver la monnaie canadienne. C'est comme si le chef de l'Opposition officielle avait commencé sa campagne référendaire partout, sauf au Québec. Voilà le ridicule de la démarche entreprise par cette formation politique. On essaie de convaincre tout le monde, sauf ceux et celles qui sont directement impliqués dans ce débat. Peut-être le Parti québécois pense-t-il que les Québécois et Québécoises ont déjà arrêté leur choix sur une option précise.

Alors, il faut se méfier également des résultats que formaient cette formation politique. Les résultats de son travail accompli se sont traduits par des faillites successives: faillite économique, sociale, culturelle et politique aussi, M. le Président. Sur le plan économique, le gouvernement du Parti québécois a mal géré les fonds publics. Il n'a pas su défendre les intérêts des Québécois. Il n'a pas su créer une marge de manoeuvre financière suffisante pour venir en aide à ceux et celles qui en avaient besoin, lorsque la conjoncture économique est devenue plus difficile. Il a fait pousser un peu partout des sociétés d'État sans trop savoir ou du moins, effectuer des études coûts-bénéfices, avec le résultat que plusieurs d'entre elles se sont avérées inutiles à court terme: Québecair, Tricofil, raffinerie de sucre.

L'ancien gouvernement du Parti québécois a voulu faire rêver le Québec. Il a voulu illusionner la population en lui disant que tout serait beau dans un Québec coupé du reste du pays. Mais quand je dis coupé, c'est coupé politiquement et économiquement. Nul n'a jamais su si la fameuse formule de la souveraineté-association aurait des chances de survivre. On refusait, à l'époque, de nous dire les véritables impacts de la souveraineté du Québec.

En vertu du projet de loi 150, le gouvernement libéral aura la franchise d'établir au grand jour les réponses à toutes les questions que les Québécoises et les Québécois peuvent se poser. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il existe un système parfait, mais dans le système actuel, le Québec a su franchir des pas de géant en maximisant le potentiel de ses ressources et en érigeant un Québec moderne capable d'affronter des défis sur les plans national et international.

Aujourd'hui, nous nous rendons compte qu'il faut changer ce système. Je veux bien le modifier en profondeur, changer les règles du jeu, établir des relations différentes par rapport au passé, mais pas jusqu'au point d'effectuer une rupture complète avec le reste du pays. Je désire, d'abord et avant tout, dans un système que nous croirons idéal, que le gouvernement puisse continuer à assumer sainement la gestion des finances publiques. Je désire également de ce nouveau système que nous soyons en mesure de continuer à développer l'ensemble des régions du Québec, dont celle de l'Outaouais, ce qui cause chez nous, à nos citoyens et citoyennes de l'Outaouais québécois, une profonde inquiétude à cause de sa proximité avec l'Ontario. En regard de la présence du gouvernement fédéral, de son rôle d'employeur très important et en raison des nombreux échanges économiques interrives, notre région se trouve dans une situation très particulière dans le débat actuel.

Pour nos gens de l'Outaouais, la question constitutionnelle est d'abord reliée à la survie économique. Avec l'application du projet de loi 150, nous entamerons une démarche importante pour notre avenir. Nous ferons jouer au maximum les règles de notre démocratie. Nous le faisons parce que nous croyons que la population québécoise a parfaitement le droit de choisir l'avenir qui lui convient. Nous le ferons donc dans un contexte de liberté d'expression, de respect des règles démocratiques et d'une meilleure maîtrise de notre avenir. Pour ma part, je m'estime fier d'appartenir à une formation politique dirigée par un chef qui est tout aussi soucieux du respect des règles démocratiques.

Le premier ministre du Québec a maintes fois mis l'accent sur ce devoir d'informer adéquatement le public afin de prendre des décisions éclairées sur l'avenir constitutionnel et politique du Québec. C'est donc au nom d'une meilleure maîtrise de notre avenir que j'appuierai l'adoption du projet de loi 150, tel qu'il nous est présenté aujourd'hui, M. le Président. Merci beaucoup.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je remercie M. le député de Papineau. Je reconnais maintenant M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Lévis. M. le député.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, je viens d'écouter le discours du député de Papineau et ceux qui cherchaient des raisons de ne pas appuyer ce projet de loi, je pense, n'en ont pas besoin d'autres. Le député de Papineau dit: Je vais voter en faveur d'une loi pour faire un référendum sur la souveraineté, mais je vous dis d'avance que je suis contre à tour de bras, puis il faut en faire le procès. C'est un peu comme si quelqu'un disait: Tu veux acheter une Toyota? Va voir un vendeur de Ford; lui, va te dire les raisons pourquoi tu dois acheter une Toyota, il va même parler contre. Je n'ai jamais vu, M. le Président, autant d'incohérence. Au moins, le gouvernement aurait pu envoyer en voyage le député de Papineau. Le député de Papineau, son discours est un exemple parfait des raisons pourquoi le gouvernement ne peut pas faire ce qu'il essaie de faire croire qu'il veut faire avec le projet de loi. M. le Président, un gouvernement qui veut faire un projet de souveraineté ne peut pas dire: Je vais faire voter les gens pour, puis après ça je vais mettre toute la machine contre. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président.

Mais qu'est-ce qui s'est passé? Regardons un peu l'histoire. Je n'ai jamais eu la naïveté de croire que le gouvernement souhaitait ça. Mais après l'échec du lac Meech, tous ceux qui ont suivi la scène politique ont compris simplement que le premier ministre était mal pris, que le Parti libéral était mal pris, parce qu'en ne demandant rien, il s'était fait dire non. Et le chef du Parti libéral du Canada, M. Turner, après avoir annoncé qu'il quittait la chefferie du Parti libéral du Canada, je l'écoutais dans une entrevue, il disait: J'ai appuyé le lac Meech parce que jamais le gouvernement du Québec, dans toute son histoire, n'avait demandé si peu pour le Québec. À toutes fins pratiques, il disait qu'il ne demandait rien. Il consentait à abandonner des juridictions et des pouvoirs qu'il n'avait jamais voulu abandonner dans le passé. J'ai entendu moi-même M. Turner le dire à la télévision. Mais malgré ça, ça a été non. Malgré ça, en ne demandant rien, en laissant tomber des revendications permanentes du Québec, en reconnaissant ce qu'on avait toujours refusé dans la Confédération canadienne, le Canada anglais a dit: Non.

Alors, après ça, le premier ministre était mal pris. Mais moi, j'avais dit, à ce moment-là: Je me doute de ce qu'il va essayer de faire. Il va essayer, parce qu'il est fédéraliste, parce qu'il est en charge d'un parti fédéraliste, parce qu'il y a des gens qui, dans le Parti libéral, ne seront jamais autre chose que fédéralistes... Ils ont le droit. Ils ne seront jamais autre chose que des fédéralistes. Ils seront aussi fédéralistes que certains sont musulmans. Et puis, d'autres commencent à se convertir, d'autres commencent à changer d'opinion, et le chef du Parti libéral a

réalisé qu'en embarquant dans la voie de la souveraineté, la seule chose qu'il pouvait réaliser, c'est faire diviser son parti en deux: ceux qui sont fédéralistes et ceux qui pourraient être pour la souveraineté. Alors, il s'est dit: Qu'est-ce qu'il faut que je fasse? Il faut que je sois les deux en même temps. Et c'est ça qu'il essaie, actuellement, d'être les deux en même temps, d'utiliser la menace de la souveraineté pour essayer d'obtenir un autre genre de lac Meech, essayer de faire peur aux anglophones pour essayer de revenir avec autre chose. On se retrouve encore une fois, M. le Président, dans le même dilemme dans lequel on s'est trouvé, on passe de Charybde en Scylla comme on s'est toujours trouvé dans le passé. (16 h 30)

Moi, je dis, M. le Président, simplement comme quelqu'un qui a connu un peu l'histoire du Québec: Est-ce que le premier ministre actuel du Québec pense réussir où Maurice Duplessis a échoué? Il disait lui-même que les conférences fédérales-provinciales étaient à toutes fins pratiques des circonférences où on tournait en rond plutôt que des conférences, où le premier ministre Lesage a échoué, où Daniel Johnson a échoué, où même René Lévesque, qui représentait la menace de la souveraineté bien plus que le chef du Parti libéral, n'a pas réussi à voir se réaliser le renouvellement du fédéralisme. La seule chose qu'on a connue, ça a été le rapatriement unilatéral de la Constitution par M. Trudeau, en trompant systématiquement la population, en leur faisant croire, lors du référendum de 1980, qu'un non voulait dire un oui. Est-ce que la vocation du peuple québécois aux mains des fédéralistes, sa seule vocation, c'est d'être trompé, de se faire mentir effrontément ou s'il a le droit d'avoir une fois dans sa vie des gens qui veulent lui dire la vérité.

M. le Président, quand j'entends le député de Papineau dire: II faudrait faire le procès du coût de la souveraineté. Moi, ce que j'ai le goût de faire, c'est le coût du fédéralisme. La souveraineté, c'est ce qui va nous permettre d'exister et de diriger nous-mêmes nos politiques. Dans quel secteur est-ce que ça va le mieux au Québec actuellement? C'est dans les secteurs qu'on dirige nous autres mêmes, dans le secteur de nos caisses populaires où on dirige nous autres mêmes, dans le secteur de la Caisse de dépôt où on dirige nous autres mêmes, dans des secteurs où on dirige nous autres mêmes. Où est-ce que ça ne marche pas? Dans les secteurs qu'on ne dirige pas: le développement régional, le transport maritime, le transport aérien, le transport ferroviaire, le transport terrestre et je vais me concentrer sur ces sujets-là dont je suis le porte-parole de l'Opposition officielle.

Dans tous ces secteurs-là, qu'est-ce qu'on constate? Ça ne fonctionne pas, le développement régional. On se rend compte qu'on nous considère comme une société Saint-Vincent-de-Paul au fond, avec l'obligation éternelle de faire la charité à l'Ouest et aux Maritimes. On voit que le fédéral vient de consentir à une entente de 1 200 000 000 $ avec l'Ouest pour la diversification de l'économie de l'Ouest du Canada, 1 000 000 000 $ dans les Maritimes, 515 000 000 $ au Québec. Mais on paie 25 % des taxes à Ottawa, donc on aura payé les 25 % de 1 200 000 000 $ dans l'Ouest, donc 300 000 000 $; on aura payé 25 % des taxes sur 1 000 000 000 $ dans les Maritimes, donc 250 000 000 $. 300 000 000 $ plus 250 000 000 $, ça fait 550 000 000 $. On aura payé le quart des 515 000 000 $ qui viendraient au Québec, ça veut dire 130 000 000 $. 550 000 000 $ plus 130 000 000 $, ça fait 680 000 000 $. On aura payé 680 000 000 $ de taxes pour le développement régional et, dans notre entente à nous, ça sera 515 000 000 $, donc un écart de 165 000 000 $ directement là, qu'on aura payé en trop pour le développement d'ailleurs plutôt que le développement de notre région, de nos régions.

À toutes fins pratiques, on aura quoi? Un succès mirobolant de compter au Québec les régions qui ont le plus haut taux de chômage au Canada. En Gaspésie, par exemple, le plus haut taux de chômage au Canada. C'était ça l'objectif du fédéralisme, c'est réussi. Vous pouvez l'inscrire dans le rapport Guinness, on a le plus haut taux de chômage au Canada. Ce n'est pas Terre-Neuve, ce n'est pas l'île-du-Prince-Édouard, ce n'est pas la Nouvelle-Ecosse, ce n'est pas le Nouveau-Brunswick, c'est le Québec. Ce sont les régions du Québec qui sont les plus pauvres au Canada avec des politiques de développement régional comme on connaît.

Dans le domaine du transport, qu'est-ce qu'il y a? On n'a pas de politique maritime au Canada, pourquoi? Parce que ce serait le Québec qui serait susceptible d'en profiter, parce que c'est le Québec qui a le fleuve Saint-Laurent, parce que s'il y avait une politique maritime au Canada, c'est le Québec qui aurait des milliers d'emplois à cause de cette politique maritime. Il y a même des revues de Londres, comme la revue Fairplay, qui disait au mois d'avril de l'an dernier que si le Québec devenait indépendant, sûrement que le Québec aurait une politique maritime, même si le Canada n'en a jamais eu, parce que c'est tellement évident, les avantages qu'aurait le Québec à avoir une politique maritime. La revue Fairplay, revue britannique publiée à Londres en Angleterre, indique même les compagnies qui viendraient s'installer au Québec tellement ça serait avantageux d'avoir une politique maritime pour les Québécois. Qu'est-ce qu'on a? On n'en a pas. quand arrivent des frais pour la garde côtière, comme veut imposer le gouvernement fédéral, qu'est-ce qu'il fait? il veut nous faire payer plus de 50 % des coûts de la garde côtière alors qu'on représente seulement 20 % des coûts

et alors que les Maritimes, les quatre provinces maritimes, qui en représentent 36 %, elles paieront seulement 2 %. Encore là, on s'organisera pour subventionner les services qu'on rend dans les Maritimes à même nos taxes. Et après ça, non content de faire ça, on subventionnera le transport vers les Maritimes par chemin de fer, avec le Maritime Freight Act, en payant 75 % du transport par les subventions fédérales, par chemin de fer ou par camion, des marchandises transportées des Maritimes vers le Québec. Pour nous, il n'y a pas une tôle de subvention dans aucun domaine pour sortir des produits du Québec. Il y a des politiques, par exemple, avantageuses pour l'Ouest, avec le Nid-de-Corbeau, avantageuses pour les Maritimes avec le Maritime Freight Act. Pourquoi? Pour aider au développement de l'Ouest et des Maritimes. Pendant ce temps-là, nous autres, on paie pour ce développement-ià et on n'en profite pas. Au contraire, ça contribue à nous nuire. Bien, au moins, dans un Québec indépendant et dans un Canada indépendant, ils paieront pour leurs politiques et on paiera pour les nôtres. Ça sera un avantage considérable de ne pas avoir à payer pour des politiques fédérales discriminatoires, en faveur de l'Ouest et des Maritimes et contre nous. Rien que ça, ça sera un avantage inouï, incroyable. Et demandez à tous ceux qui connaissent ça un peu.

Dans le domaine agricole, demandez-vous? Vous voyez, actuellement, des subventions par milliards, dans l'Ouest, pas par millions, pas par centaines de millions, par milliards par année, M. le Président, à tel point qu'on dit qu'actuellement, en Saskatchewan, 50 % des revenus de la Saskatchewan, ce sont des subventions fédérales et que 50 % des revenus de Terre-Neuve, ce sont des subventions fédérales. Pendant ce temps-là, nous, on n'en a pas des subventions comme ça. Nous, pendant ce temps-là, on n'a pas le moyen et on n'a pas les revenus pour développer les régions du Québec.

C'est pour la politique maritime. Mais pour la politique aérienne, c'est la même chose. Le fédéral a pris tous les moyens pour faire en sorte que le centre aérien soit situé en Ontario. Même actuellement, avec une politique de radar, où il doit y avoir un radar par province, par région, on s'est organisé pour qu'il y en ait rien qu'un au Québec. À Montréal, quand il manquera, ça sera Toronto. Imaginez-vous ceux qui parlent rien que français et qui sont dans les avions dans la région de Québec, comment ils vont s'organiser avec des radars qui ne parleront plus qu'en anglais, quand il leur arrivera une panne? Alors qu'actuellement, si on était indépendant, si on était souverain, on aurait le moyen d'avoir nos propres systèmes à nous, d'avoir notre propre politique internationale.

Qu'on regarde, par exemple, la piste de Québec, qu'on garde inutilement comme la plus petite piste possible, pour empêcher Québec de jouer son rôle. Je me rappelle, quand ma femme est venue pour la première fois au Québec, elle me disait: Je vais te dire le numéro du vol et l'heure d'arrivée pour que tu saches quelle porte. Je lui ai dit: Tu n'as pas besoin de me le dire, il y a juste deux portes, une pour partir et une pour arriver. Tu n'as pas besoin de me dire le vol, rien que l'heure, c'est assez. Je n'ai pas besoin de savoir le vol. Je ne me tromperai pas de porte. Je ne peux pas me mettre devant deux portes, il y en a rien qu'une. Elle trouvait ça incroyable! Parce que, dans une région comme Seattle, il y avait, je ne me rappelle pas si c'était 40, dans le temps, 40 ou 50 portes différentes pour le trafic. À Québec, on en avait une. Comme si on était le fond de la campagne, qu'on était l'endroit le plus éloigné. Et on dit après ça: On profite du fédéralisme. Arrêtez donc! Ça prend rien que des niaiseux pour dire qu'on profite du fédéralisme. C'est à peu près le système le plus pourri pour le Québec qu'on puisse imaginer. Ceux qui ne le croient pas, qu'ils prennent leur retraite. Nous autres, on est capables de le diriger, le Québec indépendant.

Je vais vous dire, je n'aurais aucune anxiété, aucune frousse de participer à un gouvernement qui assumerait les premières années d'un Québec souverain pour mettre en place des politiques de transport, des politiques agricoles, des politiques de développement des pêches, des politiques de développement en fonction de nos intérêts où, pour la première fois de notre vie, on serait en charge de nos politiques à nous. On ne l'était pas dans le temps des Français, parce que c'était le roi de France qui décidait, et on ne l'était pas dans le temps des Anglais, quand on était colonie d'Angleterre, et, depuis que le rapatriement du pacte de Westminster, on ne l'est pas plus, parce que c'est Ottawa qui décide en fonction des intérêts des autres plutôt qu'en fonction de nos intérêts à nous. Pour la première fois de notre vie, on déciderait en fonction de nos intérêts, avec notre argent, avec nos lois et on pourrait faire des traités avec tous les pays du monde.

Ceux qui nous disent que ce n'est pas possible, qu'ils regardent ce qui s'est passé, qu'est-ce qui s'est passé avec la Suède, la Norvège et le Danemark, au début du siècle, quand ils ont décidé de faire trois pays indépendants de pays qui formaient un pays ensemble. Ils ont décidé, parce que les Norvégiens étaient Norvégiens, les Suédois étaient Suédois et les gens du Danemark étaient Danois, de faire trois pays différents. Aujourd'hui, résultat, ce n'est pas qu'ils crèvent de faim, c'est que les trois sont dans les plus hauts niveaux de vie au monde. Le danger qui nous menace, avec la souveraineté du Québec, c'est de devenir un des pays les plus prospères au monde. (16 h 40)

Une voix: Oui.

M. Garon: C'est ça, le danger qui nous menace. C'est ça. C'est de devenir des numéros un. Le Danemark, 4 500 000 de population, meilleure qualité de vie au monde, et on aurait peur d'être capables de faire moins que les Danois.

J'entendais tantôt le député de Papineau qui disait que la Confédération nous permet de maximiser le potentiel de nos ressources. Est-ce qu'il y a plus de fer dans le sol parce qu'on est dans la Confédération qu'il n'y en aurait si on était indépendants? Est-ce qu'il y a plus de gaz dans le sol québécois dans la Confédération que dans un Québec indépendant? Voyons donc! Arrêtons de dire des niaiseries. M. le Président, arrêtons.

Au fond, la souveraineté du Québec, ça veut dire qu'on va diriger nos affaires. Dans le domaine des chemins de fer, je vois M. Benoît Bouchard; il dit qu'il veut nous aider. Il veut nous aider, mais qu'est-ce qu'il a fait quand il était aux Transports? Il a garanti 25 000 kilomètres de chemins de fer non rentables dans l'Ouest, qui nous coûtent 1 000 000 000 $ par année minimum, sans compter le Nid-du-Corbeau, 653 000 000 $ depuis 1983 indexés, ce qui va faire autour de 800 000 000 $ cette année. On va en payer le quart. Pourquoi? Pour se faire faire concurrence. C'est quelque chose!

Quand il faut qu'on perce un trou de plus dans les Rocheuses pour que les trains passent plus vite, que le trou coûte 600 000 000 $ et qu'on en paie 150 000 000 $, qu'est-ce que ça nous donne?

Une voix: Rien.

M. Garon: Rien. Puis on paie. La Confédération, ça veut dire payer pour rien. C'est ça que ça veut dire. On paie pour des politiques. Pendant ce temps-là, on subventionne - ah non! - on coupe Montréal-Sherbrooke; ça coûte trop cher. On coupe Québec-Mont-Joli. Je vois le député de Matane. Ah! c'est trop cher, Québec-Mont-Joli! On coupe Québec-Trois-Rivières-Montréal: trop cher. Dans un cas, 100 $ de subvention; dans l'autre cas, 75 $; dans l'autre cas, 49 $.

Mais, en même temps, Benoît Bouchard, député de Roberval, illustre nationaliste, vigoureux défenseur du Québec, maintient la ligne Prince Rupert-Jasper qui, elle, coûte 484 $ de subvention par passager. Il maintient également le Montagnard des Rocheuses parce que, une fois rendu là, il faut bien se promener: 330 $ de subvention par passager. Puis si un touriste prend les deux... Le touriste vient d'Asie et il veut prendre les deux, le train de Prince Rupert-Jasper et le Montagnard des Rocheuses: 484 $ plus 330 $, 814 $ de subvention par passager. Puis, s'il vient avec son épouse, multiplié par deux. Ça fait... Combien ça fait?

Une voix: 1300 $ et quelque.

M. Garon: Ça fait 1628 $ de subvention par passager pour avoir l'insigne honneur de ne pas voir les montagnes Rocheuses sur carte postale, mais les voir en personne.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Garon: Mais pendant ce temps-là, si vous voulez allez voir le rocher Percé, vous irez à vos frais parce qu'il n'y a pas une cenne de subvention pour le rocher Percé. Il n'y a pas un cent de subvention pour voir Montréal. Il n'y a pas un cent de subvention pour voir Québec. Puis, quand il arrive des chemins de fer pour aller vers nos endroits comme la Gaspésie, où les moyens de communication sont difficiles parce que c'est éloigné, parce qu'ils ont besoin de ces moyens de communication, là, il n'y a plus d'argent. Là, Benoît Bouchard n'a plus d'argent. Brian Mulroney n'a plus d'argent. nos 70 représentants du québec à ottawa, ou bien ils sont bons, c'est incroyable, ou bien ils ne sont pas bons. moi, je pense plutôt un peu, comme m. mulroney, que le chef boyardee a changé de tablier. eh bien, on a trouvé un chef boyardee à ottawa, avec des nouilles différentes: il y a des spaghettis et des spaghettinis, il y a des macaronis, il y a des nouilles; en tout cas, peu importe. le résultat est le même. ça ne marche pas. on paie pourquoi? pour pouvoir voir le développement ailleurs.

La souveraineté du Québec, la seule chose que ça veut dire, ça veut dire qu'on prend notre argent pour faire notre développement a nous. Ça veut dire que nos taxes, on les paie à Québec, on n'en envoie pas la moitié à Ottawa et on passe le reste de l'année à essayer de les ravoir. On ne l'envoie pas pantoute.

Une voix: C'est ça.

M. Garon: Pensez-vous que ce ne serait pas beau? Je regarde tous les débats qu'on fait actuellement. Qu'est-ce qu'on fait comme débat dans le Parlement? On envoie la moitié de nos taxes à Ottawa. J'ai mal au coeur de les envoyer là, puis après ça, on passe le reste de l'année à trouver toutes sortes de moyens d'en recevoir la plus grosse partie possible. La souveraineté, ça veut dire qu'on n'en envoie plus à Ottawa. On paie toutes nos taxes à Québec; on est certains qu'elles n'iront pas ailleurs. Puis, si on veut en donner après ça, on le fait.

Ça veut dire qu'on fait toutes nos lois. Au lieu d'en faire rien que la moitié, on les fait toutes, nos lois. Là, au lieu de réglementer le mariage à Québec puis le divorce à Ottawa, on réglemente les deux à Québec. Pensez-vous qu'on n'est pas capables de faire les lois sur le divorce autant qu'on fait celles sur le mariage? Ce serait peut-être bien mieux coordonné si on faisait les

deux. Ça veut dire qu'on fait toutes nos lois au lieu d'en faire la moitié, puis ça veut dire qu'on fait les ententes nous-mêmes.

Dans le libre-échange actuellement, pensez-vous que l'avenir, c'est d'envoyer le train à Toronto. Moi, j'ai le sentiment que l'avenir, c'est d'envoyer le train vers la ligne, un point autour de Boston-New York ou New York ou, à ce moment-là, la ligne qui va se faire Boston, New York, Philadelphie, Washington, qui va couvrir près de 100 000 000 de population, c'est d'être, nous autres, connectés dessus plutôt que d'être l'embranchement qu'il faudra passer par Toronto pour aller là. Parce que c'est ça, notre avenir. Avec le Mexique qui s'en vient avec une politique de développement, mais directement dans des relations; je les ai connues, les relations. J'avais signé une entente avec le ministre de l'Agriculture du Mexique et c'est le Canada qui ne voulait pas parce que j'avais une entente préférentielle pour le Québec pour vendre des animaux qui faisaient leur affaire alors que le fédéral essayait de vendre des vaches de l'Ontario, des pur-sang alors qu'ils avaient besoin de nippes. Ça coûtait moitié moins cher et ça faisait notre affaire, c'est nous autres qui les vendions, ces vaches-là.

Mais pourquoi? Parce que le fédéral, c'était une nuisance. On payait une ambassade du Canada pour nous nuire et, en plus, on se payait une ambassade, une maison du Québec pour aider à notre développement. On serait bien mieux de payer rien que pour une maison du Québec, avoir tous les moyens pour faire notre développement dans des pays étrangers. C'est ça que ça veut dire, essentiellement, la souveraineté du Québec. Ça veut dire qu'on s'occupe de nos affaires, qu'on est à notre compte. Ça veut dire qu'au lieu d'être un locataire, on est un propriétaire. Évidemment qu'on a plus de responsabilités comme propriétaire. Ceux qui ont peur de ça, ne vous présentez pas. Ceux qui ont peur d'administrer un pays comme il y en a 200 dans le monde, dans lequel le Québec serait un des plus grands, un des plus populeux; on serait dans le premier quart, à la fin du premier quart de tous les pays du monde. Sur 200 pays, on serait autour du 55e au point de vue de la population. Au point de vue du territoire, on serait autour du 10e. Alors, arrêtons d'avoir peur et, pour ça, M. le Président, je termine là-dessus, ça ne donne rien de faire croire aux Québécois qu'on va acheter une Honda chez un marchand de Toyota ou qu'on va aller se faire vanter les mérites d'une Ford par un compétiteur.

C'est pourquoi, M. le Président, je pense que ce projet de loi là est mauvais et qu'il faut voter contre. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Lévis. M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. le Président, est-ce que le député de Lévis me permettrait une courte question en vertu de l'article 213 de notre règlement?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que le député de Lévis permet au député de Laval-des-Rapides et leader adjoint du gouvernement...

M. Bélisle: Non. Mille-Îles.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): De Mille-Îles. Je m'excuse.

M. Bélisle: Non. Pas de problème.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Permettez-vous une question qui serait brève et la réponse devrait être également brève? C'est à votre loisir. Je m'excuse. Je m'excuse. Est-ce que vous permettez une question brève, M. le député, en vertu du règlement? Oui ou non?

M. Garon: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, allez-y brièvement.

M. Bélisle: Une courte question, M. le Président. Dans le cadre d'un Québec souverain, vous avez évoqué la possibilité d'une politique maritime. Est-ce que, dans le cadre de votre politique maritime d'un Québec souverain, vous imposeriez un tarif ou des douanes ou des droits de transit sur chaque bateau qui traverserait le fleuve Saint-Laurent?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Lévis, si vous voulez répondre.

M. Garon: M. le Président, c'est facile de répondre. C'est qu'il y aurait sûrement, comme il y a pour les Grands-Lacs, une commission tripartite avec le gouvernement américain, le gouvernement canadien et le gouvernement québécois; il y aurait des frais de services, j'imagine, comme on a dans tous les pays où on doit participer aux dépenses et comme il y en a aussi sans doute pour traverser le canal de Suez. Mais c'est une question de négociation et de discussion avec nos voisins.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Lévis. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député d'Orford.

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, j'ai eu l'occasion et le privilège de siéger à Bélanger-Campeau, un des plus importants exercices démocratiques que l'Amérique du Nord ait connu dans les dernières décennies. Plus de 600 mémoi-

res ont été amenés à Bélanger-Campeau. Quelque 200 ont été écoutés entre octobre 1990 et mars 1991. Les jeunes sont venus nous dire pendant deux jours, ici même à l'Assemblée nationale, ce qu'étaient cette province et ce pays pour eux. Les experts, quantité de grands experts impressionnants, autant du Québec, du Canada, que des États-Unis, sont venus nous parler de certaines ententes et de certains aspects spécifiques de ce qu'étaient ce Québec et ce pays.

On est ressortis de là certainement mieux informés et plus compétents sur ce que devait être le devenir collectif du peuple québécois. On a imprimé à la fin un rapport qu'on a appelé Bélanger-Campeau, un rapport de 180 pages. Chez nous, au Parti libéral, on en a gardé les recommandations, l'esprit et les conclusions. (16 h 50)

Comparons un peu ce que disait Bélanger-Campeau et ce que dit maintenant le projet de loi 150. Je vous cite les recommandations à la page 89 de Bélanger-Campeau, qui disaient: La Commission recommande à l'Assemblée nationale l'adoption au printemps 1991 - c'est là que nous sommes - d'une loi établissant - alors, la loi, c'est la loi 150 - le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Jusque-là, ça va bien. Cette loi renfermerait trois sections: un préambule. Alors, la loi 150, à la page première, nous parlons d'un préambule. J'y reviendrai dans un instant. Un peu plus loin, on dit: La tenue d'un référendum. La première partie de cette loi 150, qu'est-ce qu'elle dit? Chapitre I, un référendum. On dit finalement, toujours dans Bélanger-Campeau, on termine en disant: Seconde partie portant sur l'offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Ça aussi, vous le retrouvez. J'y reviens dans un instant.

M. le Président, les gens qui nous disent que les gens de Bélanger-Campeau n'ont pas été constants ou que le gouvernement n'a pas été constant suite à la recommandation de Bélanger-Campeau, eh bien, je vois ici le préambule et je vous le cite textuellement. L'article 2 du préambule: "Considérant que les Québécois et les Québécoises sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel." Qu'est-ce que ça dit, le projet de loi? Je peux vous le lire, c'est textuellement la même chose, l'article 3, l'article 4, l'article 5. Donc, le préambule, c'est ce que Bélanger-Campeau nous a demandé de faire.

Le référendum maintenant. Bélanger-Campeau dit: On aimerait ça, un référendum avant le 26 octobre. Vous irez à la page 5 et vous allez voir. Référendum sur la souveraineté et on dit: Pas plus tard que le 26 octobre, le référendum sur la souveraineté du Québec. C'est textuellement ce que dit Bélanger-Campeau. Un peu plus loin, on dit: II y aura deux commissions, lesquelles nous sommes après mettre en place ici. La première, commission d'étude sur des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté. C'est ça que Bélanger-Campeau dit. Un peu plus loin, on dit: Une deuxième commission, commission d'étude sur toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. Ça aussi, c'est ça que Bélanger-Campeau dit.

Je ne vois pas où est le problème. Je ne comprends pas, depuis une semaine, les gens de l'Opposition. Je pourrais vous lire, là, ce qu'on va faire à l'intérieur de ces commissions-là, c'est textuellement ce que Bélanger-Campeau nous a recommandé. D'ailleurs, M. Béland, pas plus tard qu'il y a quelques jours, qui était un membre de Bélanger-Campeau, qui a été un personnage important de cette commission-là, disait: Je suis absolument d'accord avec le projet de loi 150. Je ne comprends pas que l'Opposition, soudainement, s'oppose d'une façon si véhémente à ce qu'on essaie de faire avec le projet de loi 150.

M. le Président, ce dont je me souviens, d'autre part, c'est que ce n'est pas nouveau. C'est Harry Truman qui disait: C'est toujours la même pièce de théâtre, mais ce n'est pas toujours les mêmes acteurs. Dans ce cas-ci, non seulement c'est la même pièce de théâtre, mais c'est les mêmes acteurs. On essaie de diviser le Québec: les bons d'un côté, les mauvais de l'autre; les employeurs d'un bord, les employés de l'autre; les Français sur un bord et tous les autres sur l'autre bord. Ce n'est pas nouveau, j'ai entendu ça avant aujourd'hui.

Je vous rappellerai, quand M. Bourassa a voulu former Bélanger-Campeau, de notre côté, on était plutôt d'accord. Il y a des gens qui n'étaient pas de notre allégeance, il y a des gens qui ne faisaient pas partie de votre chapelle; on était d'accord avec ça. On a été capable de vivre avec toutes les nominations. Je vais vous en citer une nomination. Vous avez carrément, mais carrément, à la grandeur du Québec, décrié quand M. Bourassa a nommé un individu qui venait de l'Outaouais pour représenter les intérêts d'une section spéciale du Québec, advenant la souveraineté. On a dit à peu près n'importe quoi de cet individu-là, sauf qu'il avait la gale. Moi, je ne le connaissais pas. Je suis arrivé là et j'ai dit: Ça ne se peut pas d'être aussi terrible que ça. Cet individu-là, on a dû admettre, tous et chacun, qu'il a fait un ouvrage extraordinaire, qu'il a très bien représenté les gens de l'Outaouais. Non seulement il l'a bien fait, mais les gens de sa région, il y a quelques semaines, reconnaissaient l'ouvrage absolument extraordinaire qu'il avait fait en lui organisant une réception où plus de 500 personnes de tous les partis politiques, de toutes les allégeances, de toutes les régions de l'Outaouais étaient présentes pour dire: Oui, ce gars-là, il a fait une bonne job. C'est ce même bonhomme là qu'on décriait. Il ne faisait pas partie de la chapelle de pensée exacte de l'autre équipe.

M. le Président, oui, le Québec est en mutation, une mutation accélérée comme d'autres peuples à travers le monde, mais à travers cette mutation, le Québécois et la Québécoise, je pense, veulent garder une ouverture très grande. Je finirai en disant que cette ouverture-là, c'est ce qui nous a été dit tout au long de Bélanger-Campeau. Les gens du Québec voudront certainement une plus grande autonomie. Non seulement Bélanger-Campeau l'a dit, mais mon propre parti, avec le rapport Jean Allaire, qui a été une autre grande expérience démocratique à travers notre formation politique, une recherche en profondeur, dit à peu près la même chose: II nous faut garder un lien économique très fort avec nos partenaires nord-américains. Mais, un lien économique très fort, un lien économique intégré veut aussi dire, pour nous, un lien politique. D'autres l'ont compris avant nous. Je pense, entre autres, aux gens d'Europe qui sont en mutation incroyablement accélérée. Eux, ils ont compris qu'un lien économique veut aussi dire un lien politique.

Je finirai en disant que j'ai écouté avec beaucoup de plaisir le député de Lévis. C'est incroyable comment ça va mal, à écouter le député de Lévis, à cause de la Fédération. Je lui rappellerai que, si ça allait si mal que ça, nous ne serions pas le septième pays économiquement le plus fort au monde. Septième pays à travers combien? Quelque 200 pays à travers le monde. Économiquement, nous sommes le septième pays le plus fort. Ça va peut-être mal, mais ça ne va pas si mal que ça. D'autre part, si nous avons fait tout ce chemin comme peuple, autant francophone qu'anglophone, comme nation canadienne, je pense que l'économie nous a aidé, avec le fait que nous étions dans un grand contexte économique qu'était le Canada.

M. le Président, je finirai en vous disant qu'autant à Bélanger-Campeau que maintenant, dans ce débat qui s'amorce, ce qui va me guider, ça va être le bien de tous les Québécois. Il n'y aura pas des bons et des mauvais. Il n'y aura pas des employeurs et des employés. Il n'y aura pas des francophones et une autre équipe. Il y aura des Québécois, des gens qui veulent le bien commun. Je vous dis que l'avenir du peuple, l'avenir de notre peuple, qui est un peuple fier, un peuple honnête, un peuple travaillant, eh bien! on va y arriver en étant unis dans les prochains mois et dans les prochaines années. Le peuple québécois a été fort à travers le Canada, à travers l'Amérique, quand il a été uni. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Je vous rappelle que nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je reconnais M. le député de Masson. M. le député.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je veux tout d'abord dire que ma formation politique est en faveur d'un référendum sur la souveraineté du Québec. Et non seulement le Parti québécois est en faveur d'un référendum sur la souveraineté du Québec, mais ce qu'on pourrait qualifier comme la ligue souverainiste du Québec est en faveur d'un référendum. On le voulait en 1991 - mais là, le compromis - et, au plus tard, en octobre 1992. Je veux tout d'abord que nous disions ça.

Deuxièmement, nous ne sommes pas en faveur de cette loi qui vient d'être déposée parce qu'elle prépare un référendum vicié au départ. M. le Président, comment ce Parlement en est-il arrivé à débattre une loi comme celle qui nous est présentée, la loi 150? Comment en est-on arrivé à cette loi? Depuis une trentaine d'années, il y a eu de multiples rencontres fédérales-provinciales. Partout où le Québec se présentait, il était considéré, quel que soit le gouvernement au pouvoir devant Ottawa, comme persona non grata, c'est-à-dire que le gouvernement du Québec était toujours mal reçu et recevait toujours une rebuffade et un non. Directement, à la longue ou finalement, c'était toujours: Non.

Quand nous étions au pouvoir, nous aussi, nous avons reçu un non. Mais Daniel Johnson, avant, avait reçu un non. Même Godbout, en 1944, disait: Le peuple québécois devrait se prononcer par référendum sur sa souveraineté. 1944, Parti libéral! "Maîtres chez nous", Jean Lesage. Daniel Johnson: "Égalité ou indépendance." Mais quand nous étions au pouvoir, il y a eu un rapatriement unilatéral de la Constitution et, de l'autre côté, on nous dit: Voyons donc! vous êtes un parti souverainiste, comment voulez-vous qu'Ottawa vous dise "oui"? Ils savent que vous voulez détruire le Canada. (17 heures)

Écoutez, depuis 1944 à aujourd'hui, des "non", il y en a eu des tonnes; que ce soit des gouvernements rouges, des gouvernements bleus ou des gouvernements québécois, nous avons eu des "non". Même là, il y a une liste assez longue de revendications normales du peuple québécois qui est toujours là dans le décor depuis que le Québec est Québec et depuis que ce Parlement est Parlement. Toujours, nous nous faisions dire "non". Mais là est arrivé un gouvernement un peu plus roseau, un peu plus tendre, un peu plus flexible, il est arrivé avec cinq petites demandes anodines. Là, on disait: On va l'avoir. La réponse, c'a été encore "non". Ce "non" avait été, la dernière fois, le lac Meech, servi à un parti servile du fédéralisme. Alors, comment voulez-vous qu'encore une fois, nous arrivions en Chambre et qu'on nous présente une loi où on nous dit "c'est un référendum sur la souveraineté avec deux commissions truquées où il y aura

une étude sur la rentabilité de la souveraineté et une autre étude sur les propositions que nous ferait, éventuellement, par condescendance, ce gouvernement supérieur prénommé Ottawa?

M. le Président, là on vient nous dire, un après l'autre, de l'autre côté: Comment se fait-il que le Parti québécois, qui, en soi, est souverainiste et n'a pour but ultime que de donner un pays aux Québécois, comment se fait-il que cette Opposition-là dit "non" au projet 150? C'est excessivement facile à comprendre. Nous avons été... Vous avez une question à poser, M. le député de Verdun? Si vous n'en avez pas, écoutez, sinon il y a des places pour discuter.

Une voix: II n'est même pas à son siège. M. Blais: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, s'il vous plaît!

Une voix: Le député de Masson.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Le député de Masson a la parole, je pense qu'il a le droit d'avoir la parole, vous avez le droit de l'écouter. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Blais: Je m'excuse, c'était une "éruc-tion", il a fallu que je la fasse sentir. Il est arrivé ceci. Le Québec est dans la mouvance vers la souveraineté. Nous avons eu un appel du parti au pouvoir pour nous dire: Nous demandons un consensus de l'ensemble des parlementaires, si possible, pour que nous réussissions à donner un minimum au peuple québécois pour qu'il vive plus pleinement. La Ligue souverainiste du Québec, dont fait partie le Parti québécois, a dit: Nous, nous aimerions avoir des états généraux, mais nous ne sommes pas au pouvoir. Le chef du gouvernement dit: Des états généraux, je n'en veux pas. Je préfère une commission spéciale, une commission parlementaire spéciale.

Gentilshommes que nous sommes et pour le besoin d'un consensus de l'ensemble du Parlement, nous avons renoncé à notre première vision des états généraux. Nous avons dit: Oui, M. le premier ministre, nous acceptons cette commission parlementaire, à certaines conditions. Il y aura un nombre désigné de personnes et il y aura entente entre les deux partis pour leur nomination. On a dit oui, gentilhommerie. Là, arrive la nomination. Quand arrivent, vers la fin des nominations, les trois ou quatre derniers, eh bien là, on commence déjà, de l'autre côté, à manquer à la parole donnée, à vouloir effriter ce consensus de nomination approuvé des deux côtés et on nomme qui l'on veut en dernier lieu. Premier accroc à ce consensus, pas de notre côté, de l'autre côté.

Maintenant, on forme, le 4 septembre, la

Commission Bélanger-Campeau. Voilà! Trente-six personnes qui sont là, qui viennent écouter, en fait, les gens, tous ceux qui veulent y participer. C'est, en fait, des États généraux, morceau par morceau qui viennent. Ils viennent parler à leur pairs. Ils sont 36. Et la grande majorité de ceux qui sont venus comparaître à cette commission, presque tous, 82 % - on en a fait le décompte - demandaient la souveraineté ou un rapatriement de tellement de pouvoirs que ça valait l'équivalence de la souveraineté.

Alors, les personnes nommées là, après avoir entendu tout ce monde-là, décident de mettre au vote: Est-ce qu'on prend une position vers la souveraineté ou une position vers le fédéralisme? Eh bien, M. le Président, contrairement à ce qu'on pouvait s'attendre, parce que les gens qui sont là sont là pour écouter, morceau par morceau, des états généraux, tous les gens de toutes les sphères, les jeunes, les personnes âgées, les gens de l'industrie et du commerce, les gens des arts, des gens de tous les milieux, on prend le vote. Le fanatisme l'emporte, à cause des dernières nominations: on vote contre la souveraineté, 17 à 15. Et ce n'est pas du fanatisme de le dire; c'est du fanatisme de ne pas avoir écouté les gens qui venaient nous dire ce qu'on attendait d'eux, à 82 %.

Là, la ligue souverainiste discute: Qu'est-ce que c'est? On écoute des gens qui viennent nous dire, à 82 %, qu'est-ce qu'on veut pour le Québec. On veut la souveraineté et les 36 personnes qui sont là votent et votent contre. Ce n'est plus représentatif. C'est qu'on porte un mauvais jugement. Un autre accroc. On aurait pu se retirer, à ce moment-là. Tous les souverainistes, les 15, auraient pu se retirer de la Commission Bélanger-Campeau. Mais non, par gentilhommerie, une autre fois, de notre côté, on est restés là, malgré ça. On aurait pu s'en retirer et vous le savez très bien qu'on aurait pu se retirer de cette commission. Pour montrer qu'on était capable quand même de faire un consensus - on sentait venir la loi 150 tranquillement - on ne s'est pas retirés, M. le Président. Deuxième geste très éloquent de gentilhommerie de l'Opposition devant le parti en place.

Et là, la Commission Bélanger-Campeau dit: Deux commissions, une pour étudier le processus d'accession à la souveraineté, processus, la deuxième pour étudier les offres venant d'Ottawa. M. le Président, on s'attendait à ce que cette loi soit écrite de cette façon. Ce n'est pas ça qui est indiqué et ce n'est pas l'esprit qui anime le parti qui est au pouvoir, pas du tout. C'est un leurre. Encore là, on met les deux options sur la table. Ne croyant pas du tout, majoritairement, de l'autre côté, à la souveraineté, mais se gardant une porte de sortie, par soif du pouvoir, au cas où madame la Fédération canadienne ne viendrait pas offrir une petite ration à son petit Québec. Soif du pouvoir, cette loi 150, et non pas un véritable référendum sur

ce qu'un homme d'État devrait faire quand le peuple veut parler. Donc, on est contre.

Là, c'était suffisant. Trop de gestes de gentilhommerie nous auraient conduits dans une stratégie où nous aurions été nous-mêmes victimes de notre bonté. Nous disons: non. Si nous avions eu affaire, M. le Président, à ce qu'on appelle un homme d'État qui regarde l'État dans lequel le peuple québécois se trouve et prendre une position non partisane. Même la commission parlementaire de cette loi 150 n'est pas selon les règles du Parlement. Il y a un président seulement, nommé par le premier ministre. Dans toutes les autres commissions, c'est majorité des deux côtés pour nommer un président. Deuxièmement, le vice-président n'est pas là. Il y a des vice-présidents dans toutes les commissions. Et selon le consensus de la majorité des deux côtés, il n'est pas là non plus, dans aucune de ces commissions. Donc, c'est atrophié à la base, c'est antidémocratique et antiparlementaire, M. le Président. C'est antiparlementaire hi! hi! hi! Oui hi! hi! hi!

Des voix: Ha, ha, ha!

(17 h 10)

M. Blais: Le député de Mille-Îles, parce que je dis que c'est antiparlementaire, il rit. C'est vrai que c'est antiparlementaire. On aurait pu faire un loi spéciale... C'est marqué une commission spéciale: elle est très spéciale, elle est antiparlementaire, mais du côté de la partisanerie libérale. Si on avait voulu, M. le Président, si le gouvernement en place avait voulu, à son tour, faire un geste de gentilhommerie comme nous en avons fait plusieurs avant, il aurait dû dire: Nous allons nommer une commission paritaire. On aurait pu, parce que si on ne regarde pas la partisanerie, ça aurait pu être paritaire. Mais au lieu de la faire paritaire, on la fait contraire aux règles et on met une plus grande force partisane que les commissions normales; on l'accepte quand on n'est pas au pouvoir, on est minoritaires dans les commissions. Mais on n'est pas obligé d'ambitionner et de nommer juste un président, sans vice-président.

Voilà pourquoi, M. le Président, en fait, nous allons voter contre cette loi s'il n'y a pas de changements majeurs. Notre gentilhommerie est terminée. Cette souveraineté qui nous est si chère et qui devrait l'être à tous ceux qui ont les pieds sur ce sol, chacun chez nous, dans nos dossiers... C'est-à-dire quand on est enraciné au Québec, qu'on n'est pas juste de passage, quand on est enraciné, on a cette fierté du sol sur lequel nous vivons, on a cette fierté-là.

M. le Président, dans le domaine des communications, nous sommes victimes, encore là, du fédéralisme qui existe et qu'on appelle rentable. Mais est-ce que c'est bien un fédéralisme rentable, comme dit le député de Mille-Îles, qui est l'orientation? J'ai écouté le ministre responsable du dossier constitutionnel de votre côté ce matin pendant une heure. Il a parlé pendant au moins 30 minutes des bienfaits du fédéralisme, de Jésus-Christ à nos jours, et là, il a commencé à faire verdoyer, comme si au Québec, avec le fédéralisme, il pousserait des pamplemousses, M. le Président. J'ai écouté ça. Et là, c'est une chose que je n'avais pas gobée quand il l'a dite, s'il l'a dite. M. le Président, il dit: Nous allons voir, premier voeu, celui qui est le voeu du fédéralisme, le fédéralisme intégré et asymétrique; c'est ce qu'il a dit ce matin. Vous avez certainement écouté, M. le Président, un fédéralisme intégré et asymétrique, premier voeu. Et si, par défaillance, il n'obtient pas ça, il se contenterait du lac Meech; même pas le lac Meech plus "beach", là, le lac Meech tout court. L'ancien lac Meech semblerait le satisfaire.

Un fédéralisme intégré et asymétrique, ça veut dire quoi? Intégré, asymétrique, c'est simple. Il l'a expliqué un petit peu, mais pour le rendre très concret, les provinces deviendraient comme des villes. Les villes, devant le gouvernement du Québec ont une certaine autonomie mais nous tenons les ficelles et nous leur déléguons les pouvoirs que nous voulons. Dans le fédéralisme intégré et asymétrique qu'on voit venir, c'est que les provinces pourraient recevoir certains pouvoirs et, si les provinces anglaises ne veulent pas de certains pouvoirs, il n'y a aucun problème, toutes les provinces sont égales pour les choisir et si Québec en veut un peu plus, on lui en laisse, mais on garde, par normes, par rationalisation, l'autorité complète. Donc, c'est une autorité déléguée et non pas une autorité cédée. On appellerait ça le fédéralisme intégré, apparemment, et asymétrique.

M. le Président, s'il y en a qui comprennent très bien ce que ça veut dire, je leur souhaite bonne chance, parce que ça va être excessivement difficile. Dans les communications, c'est la même chose. M. le Président... Combien reste-t-il de temps, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Trois minutes.

M. Blais: Ouf! Dans les communications, il y a deux choses: Nous allons rapatrier - bien sûr, nous sommes souverainistes - nous allons rapatrier tout ce qui regarde les communications, nous allons servir les communications dans le vrai sens du mot. Il y a deux sortes de communications. Je trouve ça très curieux que les communications fonctionnent... de la façon dont ça fonctionne ici. Les communications sélectives ou de personne à personne sont vraiment du domaine des communications pures; on entend par ça la téléphonie, disons. On appelle ça les communications sélectives, que ce soit deux francophones qui parlent ensemble, un anglophone, un francophone, un Arabe avec un Grec, c'est personnel, ça, c'est de la communication

pure. Dès qu'on tombe dans la communication collective ou communautaire, c'est-à-dire la radio, la télévision, eh bien là, M. le Président, ça ne demeure pas de la communication, c'est de la culture. Et la radio, la télévision, à cause de la portée que ça donne à la collectivité, devraient appartenir au ministère des Affaires culturelles, tout simplement. Et si nous faisions ça, nous rapatrierons le droit de donner des permis.

J'espère que nous allons mieux contrôler l'émission de permis pour les postes de télévision, enfin. Actuellement, tous les réseaux sont presque en faillite au Québec parce qu'on a distribué à qui mieux mieux le droit de faire de la réclame. Et nous allons avoir notre CRTC à nous. Nous allons ôter la plaque de Radio-Canada. Nous allons l'appeler radiotélévision québécoise, RTQ - ce n'est pas important le nom. Et Radio-Québec pourrait devenir une télévision éducative, tout simplement. Et dans cette société Radio-Canada là, il faudrait respecter les minorités et il y aurait la chaîne anglaise de la même façon parce que nous, nous avons été les premiers, avec la loi 101, à reconnaître les droits des anglophones, une des seules provinces qui a fait ça, le droit des anglophones dans la loi 101. Alors, nous respectons leur culture. Nous allons donc respecter leurs moyens de communication, leurs moyens d'exprimer leur culture.

Je tiens à vous dire une chose, M. le Président, dans le domaine des communications comme dans d'autres, autant à la télévision qu'à la radio, s'il y a un peuple qui connaît ce que c'est que d'être dans un état minoritaire et qui en a souffert par l'abus de la majorité - je parle d'Ottawa - c'est nous. Sachez que nous avons notre leçon et que nous avons toujours été excessivement généreux pour les minorités. Et si le Parti québécois n'avait pas autant de convictions et ne manifestait pas autant de foi dans le respect des droits de la minorité, je ne serais pas de ce parti, M. le Président. Et autant dans le domaine de la radio, de la télévision que dans d'autres, il faut absolument que nous respections ça.

Nous allons rapatrier toutes les juridictions mais, en attendant, cette zone tampon, qui est la loi 150, vous n'aurez pas notre blanc-seing sur ça, vous ne l'aurez pas. Nihil obstat, nous ne vous le donnerons pas. Nous allons voter contre parce qu'elle est viciée au départ et quelqu'un qui regarde la loi telle qu'elle est, qui regarde les recommandations de Bélanger-Campeau, s'aperçoit que tout est atrophié. C'est une espèce de brume autour d'un projet. Comment voulez-vous qu'une seule personne soit maître et du fédéralisme et de la souveraineté? Il a certainement une des deux tendances et, quel que soit le référendum qui arrive, s'il est fédéraliste, il sera contre le référendum sur la souveraineté, ce qui est absurde en soi, et, si ce n'était pas absurde, une fausse fuite en avant pour garder un tantinet de chances de prendre le pouvoir, cette loi-là ne serait pas là. Et, M. le Président, je vous remercie.

M. Richard: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, le député de Nicolet-Yamaska.

M. Richard: ...maintenant j'aimerais utiliser l'article 213, si M. le député de Masson me donne la permission, évidemment.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de l'article 213, vous pouvez poser une question si M. le député de Masson y consent. Il y a refus. Il n'y a pas de consentement.

Une voix: II n'est pas capable de répondre.

M. Blais: Je suis capable de répondre. M. le Président, question de règlement...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non.

M. Blais: ...question de règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Question de règlement, oui.

M. Blais: M. le Président, je suis capable de répondre, mais nous avons décidé de ne répondre à aucune question, comme formation politique, parce que la première qui a été posée était tellement plate qu'on pensait que les autres seraient toutes pareilles.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors...

M. Bélisle: M. le Président, sur la question de règlement...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: ...justement tout le débat du projet de loi 150, c'est à l'effet de pouvoir poser des questions et de pouvoir les poser à tous les Québécois qui nous regardent. Et l'attitude du député de Masson, c'est justement l'attitude de tous ses collègues, de refuser de dire la vérité aux Québécois.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Ça va.

Vous aurez tous compris que, d'un côté comme de l'autre, les questions de règlement étaient plus ou moins justifiées. Toujours sur le même débat, à savoir l'adoption du principe du projet de loi 150, je reconnais maintenant Mme la députée de Matane.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: M. le Président, j'ai été fière de ma nomination comme commissaire à la Commission Bélanger-Campeau. J'ai été fière aussi d'apposer ma signature sur le rapport de la Commission Bélanger-Campeau et c'est aussi avec fierté que j'interviens sur le projet de loi 150 parce que ce projet de loi respecte en tout point l'esprit, la lettre et le contenu du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. (17 h 20)

D'ailleurs, M. le Président, le premier paragraphe du préambule du projet de loi mentionne - et je vais vous le lire, le préambule du projet de loi 150 - "Considérant le rapport, les conclusions et les recommandations de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec", donc un respect des recommandations et des considérants. La plupart, d'ailleurs, des considérants que l'on retrouve dans le projet de loi 150 étaient déjà dans la loi 90 qui a mis sur pied la Commission Bélanger-Campeau.

Permettez-moi de vous lire quelques considérants qui apparaissaient dans les deux lois: "Considérant que les Québécoises et les Québécois sont libres d'assumer leur propre destin, de déterminer leur statut politique et d'assurer leur développement économique, social et culturel; "Considérant la volonté des Québécoises et des Québécois d'être partie prenante à la définition de l'avenir politique et constitutionnel du Québec; "Considérant que la Loi constitutionnelle de 1982 a été proclamée malgré l'Opposition de l'Assemblée nationale; "Considérant l'échec de l'Accord constitutionnel de 1987 visant à permettre au Québec d'adhérer à la Loi constitutionnelle de 1982; "Considérant la nécessité de redéfinir le statut politique et constitutionnel du Québec".

Voilà, M. le Président, cinq considérants qui se retrouvent dans le projet de loi 150 et qui étaient déjà dans le projet de loi 90 qui avait mis sur pied la Commission Bélanger-Campeau.

Le projet de loi 150 est fidèle aussi aux recommandations du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, recommandations, d'ailleurs, qui ont fait un large consensus. Il y a eu 30 commissaires qui ont voté pour, 2 contre et 1 abstention. M. le Président, je trouve ça incroyable que les commissaires péquistes qui siégeaient sur la Commission Bélanger-Campeau et qui ont signé, d'ailleurs, le rapport de la Commission Bélanger-Campeau... Et je vais montrer ici les noms de ceux qui ont signé. D'ailleurs, vous avez M. Jacques Parizeau, leur chef...

Une voix:...

Mme Hovington: ...le chef de l'Opposition; il y a Mme Jeanne Blackburn qui a signé, M.

Jacques Brassard, M. Guy Chevrette, Mme Louise Harel, M. Jacques Léonard, Mme Pauline Marois. Ce sont des élus péquistes qui ont signé le rapport Bélanger-Campeau et qui, maintenant, disent qu'ils vont voter contre le projet de loi 150, un projet de loi qui respecte en tout point le rapport de la Commission Bélanger-Campeau.

Et même, M. le Président, M. Béland, qui est un signataire du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, qui est du Mouvement Desjardins, tout le monde le sait, qui a toujours affiché qu'il était un souverainiste accompli - et d'ailleurs, le mémoire qu'il a présenté à la Commission Bélanger-Campeau affichait un sou-verainisme sans cachette - était hier dans Le Devoir: "Béland comprend mal la guerre du PQ contre le projet de loi 150". Comment se fait-il qu'une formation politique qui a toujours prôné la souveraineté vote contre un projet de loi dans lequel il est dit qu'il y aura un référendum portant sur la souveraineté du Québec? C'est à n'y rien comprendre, M. le Président.

M. le Président, toute forme de statu quo constitutionnel a été rejetée, étant ainsi fidèle au voeu de la population entendue en consultation publique. Deux voies s'offraient désormais au Québec, après l'échec de Meech: une réforme en profondeur du fédéralisme actuel ou la souveraineté. Le projet de loi 150 permettra aux Québécois et aux Québécoises de s'informer adéquatement de ces deux voies politiques qui sont offertes pour un meilleur avenir politique et constitutionnel du Québec.

En effet, M. le Président, la formation de deux commissions parlementaires permettra d'en arriver à cette fin, l'une ayant pour mandat d'étudier les questions et les impacts afférents à l'accession du Québec à la souveraineté. À la page 62 du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. il est dit: "Certaines questions soulevées par l'accession à la souveraineté sont complexes. On aurait tort de les sous-estimer ou de les négliger: les choix collectifs à poser doivent être éclairés." Donc, étudier les impacts sociaux et économiques de la souveraineté, de même que la signification du concept de souveraineté dans un monde de plus en plus interdépendant. Et à cela aussi s'ajoute le volet de partenariat économique. Donc, le premier mandat de la commission: étudier les questions et les impacts afférents à l'accession du Québec à la souveraineté.

L'autre commission aura pour mandat d'apprécier les offres éventuelles d'un nouveau partenariat constitutionnel provenant du gouvernement du Canada, offres, d'ailleurs, qui devront formellement lier l'ensemble des provinces canadiennes. Et on lit à la page 57 du rapport de la Commission Bélanger-Campeau: "Un grand nombre de Québécoises et Québécois considèrent cette voie - la voie d'un fédéralisme renouvelé en profondeur - comme la tentative de la dernière chance." Page 57 du rapport. Il faut

donc exercer toutes nos options et ne point faire d'aveuglement volontaire comme le fait le Parti québécois.

À cet égard, M. le Président, le projet de loi 150 est donc fidèle au rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Il y a plus. Il y a un échéancier. Le projet de loi 150 prévoit la tenue d'un référendum qui portera sur la souveraineté du Québec au plus tard en octobre 1992. Ainsi, par le biais de ce projet de loi, le processus de consultation auprès de la population québécoise se fera conformément aux règles de notre démocratie. Cela m'apparaît une condition essentielle pour que les Québécoises et les Québécois puissent librement choisir leur avenir politique et constitutionnel.

Plus spécifiquement sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, le premier ministre du Québec, M. Bourassa, l'a réitéré à maintes reprises: Nous devons nous battre d'abord et avant tout au nom des intérêts supérieurs du Québec. C'est précisément l'engagement de notre chef, l'engagement politique de ceux et celles qui appartiennent à notre formation politique et l'engagement politique du gouvernement libéral. Le Parti libéral du Québec a su prouver, à cet égard, qu'il se conformait à cette règle des intérêts supérieurs du Québec. On n'a qu'à regarder de près les grandes réalisations des années soixante, soixante-dix et quatre-vingt pour s'en apercevoir.

Le Québec fait aujourd'hui partie des sociétés modernes. Mais tout ne s'est pas bâti en un jour. Les gouvernements libéraux qui se sont succédé y ont vu de près en établissant un réseau économique, social et culturel qui a hissé le Québec au rang des champions.

Si le Québec s'est doté d'un réseau routier moderne et efficace, c'est en partie grâce aux efforts d'un gouvernement libéral. Si les Québécoises et les Québécois ont aujourd'hui accès à un réseau d'éducation complet, c'est en partie grâce aux efforts d'un gouvernement libéral. Si les Québécoises et les Québécois ont aujourd'hui accès à un système de santé et de services sociaux complet, moderne et de qualité, c'est en partie grâce à un gouvernement libéral qui en a conçu l'idée et la mise en application.

Parallèlement à cette affirmation sur les plans social, culturel et économique, le Québec a toujours remis en cause sa place dans la Fédération canadienne, surtout depuis les 30 dernières années, et a toujours aussi travaillé pour réformer ses institutions. Qu'il me suffise de rappeler les slogans "Maîtres chez nous" de M. Jean Lesage, "Égalité ou indépendance" de Daniel Johnson, "Souveraineté-association" de René Lévesque et la "Société distincte" de M. Robert Bourassa. Pour toutes ces options politiques, il y avait un dénominateur commun: la recherche pour le Québec de son autonomie pour exprimer pleinement sa spécificité culturelle, sociale, politique et économique.

M. le Président, l'avenir politique et constitutionnel du Québec tient à coeur à chacun d'entre nous, à chacune des Québécoises et à chacun des Québécois. Le projet de loi 150 offrira donc cette opportunité d'effectuer un choix éclairé et dans un contexte de liberté d'expression et de liberté de choix.

Le chef du gouvernement libéral, M. Bourassa, détient les qualités pour assumer ce leadership au nom des intérêts supérieurs du Québec. Il tient mordicus à ce que les règles de la démocratie se déroulent d'une saine façon. Il a également réitéré sa priorité d'assurer la sécurité économique des Québécoises et des Québécois.

De son côté, la population sera à même de juger du travail accompli par le gouvernement libéral. La population pourra effectuer un choix judicieux en ce qui a trait à un réaménagement en profondeur des structures politiques constitutionnelles.

M. le Président, c'est là l'essentiel de mon message aujourd'hui, à savoir que les Québécoises et les Québécois doivent pouvoir choisir dans un contexte de libre expression pour une amélioration de leur qualité de vie. Or, notre qualité de vie économique, sociale et culturelle dépend, bien sûr, des acquis du passé. Comme collectivité, nous devrions donc en renforcer les fondements. Comme individus, nous apprenons, au fur et à mesure qu'évolue l'histoire du Québec, que nous devons faire preuve de responsabilité en ce sens qu'il importe d'assumer nos choix. (17 h 30)

Le projet de loi 150 nous prépare donc à ce choix important, comme société et comme individus, dans un contexte de liberté d'expression et de respect des règles démocratiques inhérentes à une société moderne comme la nôtre.

Pour le gouvernement libéral, la sécurité économique des Québécoises et des Québécois importe avant toute chose. M. le premier ministre du Québec et chef du Parti libéral du Québec, M. Bourassa, l'a répété à maintes reprises, mais pour l'instant, qu'il suffise de se rappeler que les revendications traditionnelles du Québec reposent essentiellement sur la défense de nos droits collectifs et de nos droits individuels et, contrairement à ce que d'aucuns pourraient penser, les droits collectifs n'excluent aucunement les droits individuels. Pour le Parti libéral du Québec, les droits individuels constituent le fondement même de notre démocratie, mais en bout de piste, si chacun des droits individuels est défendu de manière adéquate, inévitablement, les droits collectifs s'en trouvent sauvegardés.

Il ne s'agit pas, ici, de valeurs uniquement juridiques, mais de constantes politiques, c'est-à-dire que l'histoire d'un peuple doit évoluer dans le sens d'améliorer la qualité de vie de ceux et celles qui le composent. C'est donc, M. le Président, pour une meilleure maîtrise de notre

avenir que le gouvernement libéral présente le projet de loi 150 prévoyant, notamment, la constitution de deux commissions parlementaires et précisant qu'un référendum sur la souveraineté du Québec doit être tenu au plus tard en octobre 1992.

M. le Président, je voterai pour la loi 150, car elle exprime la volonté du gouvernement et celle de la population et elle est le reflet de cette phrase que le premier ministre du Québec a énoncée le 22 juin 1990: Le Québec est, aujourd'hui et pour toujours, une société distincte, libre et capable d'assumer son destin et son développement. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Matane. Sur le même sujet, Mme la députée de Verchères.

Mme Luce Dupuis

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Après l'échec du lac Meech, il y a eu la Commission Bélanger-Campeau, qui a reçu 600 mémoires d'experts et de différents groupes, une commission qui se voulait représentative de l'ensemble des Québécois et des Québécoises et qui a su traduire, je pense, les sentiments, les désirs et les voeux de ces Québécois et de ces Québécoises.

De cette agitation intellectuelle, huit consensus sont ressortis, M. le Président, dont le plus fort était celui de la tenue d'un référendum qui aurait permis au peuple québécois de se prononcer sur le statut politique et constitutionnel du Québec et cela, avant toute initiative de négociation prise au nom du peuple québécois par le gouvernement ou par l'Assemblée nationale.

M. le Président, ce moyen recommandé par la Commission Bélanger-Campeau, ce moyen identifié par la Commission Bélanger-Campeau, qui est la tenue d'un référendum, était l'outil privilégié par l'ensemble des Québécois pour permettre à chacun d'avoir la possibilité de s'exprimer et ce, d'une façon individuelle, sur la souveraineté du Québec.

M. le Président, le véritable problème que l'on rencontre maintenant au sujet de ce référendum, c'est que nous avons un premier ministre et un gouvernement fédéraliste - ils l'ont avoué - qui ne veulent pas, n'ont pas la volonté politique de respecter ce référendum sur la souveraineté du Québec. Le problème majeur aussi, c'est que ce même gouvernement, fidèle à lui-même, ne respecte pas la volonté des Québécois, ne consulte pas, ne respecte pas, même après consultation, la volonté des Québécois. S'il consulte, c'est pour avoir des approbations et non pour une véritable consultation et ensuite appliquer ce qui est ressorti de ces consultations.

Sous l'apparence d'un véritable référendum sur la souveraineté du Québec, M. le Président, le premier ministre se garde la possibilité, se garde toutes les portes ouvertes pour être capable de faire un référendum sur ce que lui a décidé qu'il ferait, non pas sur la souveraineté, mais sur des offres renouvelées de fédéralisme. Pour moi, c'est tout à fait inacceptable. Lorsqu'on a cultivé pendant des années l'élément fierté, notre personnalité, le fait de cultiver nos différences et qu'on voit que ces valeurs sont tout à fait bafouées, comment peut-on, lorsqu'on est le moindrement fiers de ce nous sommes, qu'on a le moindrement de fierté pour notre peuple, mettre tout en oeuvre pour retourner une fois de plus vers le fédéralisme, pour retourner encore se faire dire non, se faire dire: Les offres que nous vous proposons, on les trouve inacceptables encore? Se faire dire: Nous n'avons pas plus que ce que nous vous avons offert lors du lac Meech.

Après avoir vécu tout l'événement de la Commission Bélanger-Campeau, c'est pratiquement incroyable de voir que ce gouvernement, une fois de plus, est fidèle a ses intérêts de parti, à ses intérêts personnels, en tant que premier ministre, et ignore complètement les intérêts des Québécois et la fierté et les besoins des Québécois dans leurs demandes. C'est leur droit, au premier ministre et à ce gouvernement, de défendre les couleurs du fédéralisme, mais il ne faudrait surtout pas que ce droit, que je lui reconnais, l'empêche de respecter les droits de l'ensemble du peuple québécois qui, lui, majoritairement, a déjà exprimé sa volonté de se prononcer, par référendum, sur l'avenir politique du Québec, sur la souveraineté du Québec.

Le projet de loi, tel que formulé, est rempli d'échappatoires qui permettent au gouvernement de se soustraire à cette obligation de tenir ce référendum. Il y a une chose qui est claire, cependant, dans ce dossier, c'est que le premier ministre est cohérent et qu'il mettra tout en oeuvre pour contourner la souveraineté, même au prix de manigances tout à fait inacceptables. Sous le couvert et sous le titre, comme je le disais tantôt, d'un projet de loi qui permet de consulter les Québécois par référendum se cachent tous les moyens de consulter sur les offres d'un fédéralisme renouvelé.

M. le Président, accorder un vote de principe à ce projet de loi, dans les faits, serait trahir la confiance que les électeurs ont mise en nous.

Mme Juneau: M. le Président, je m'excuse auprès de ma collègue.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Je pense que ça n'a pas de bon sens, on n'a même pas quorum ici et c'est une loi importante.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors,

qu'on appelle les députés. Qu'on appelle les députés. Vous avez raison, il n'y a pas quorum. Qu'on appelle les députés. (17 h 40)

Alors, on a maintenant quorum; Mme la députée de Verchères, si vous voulez bien continuer votre intervention.

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Dans son projet de loi, comme je vous le disais tantôt, le premier ministre réitère avec insistance, conformément à son addenda, au rapport de la Commission Bélanger-Campeau, que le gouvernement conserve toute sa marge de manoeuvre pour déterminer comment la population sera consultée et sur quoi elle le sera.

Le projet de loi comporte deux éléments tout à fait inacceptables: d'abord, l'ajout de considérants qui placent sur le même pied, sur un pied d'égalité la souveraineté et le renouvellement du fédéralisme. Un autre élément, c'est que les deux commissions parlementaires spéciales créées par le projet de loi n'obéissent d'aucune façon aux règles de fonctionnement normal et à la tradition parlementaire. Ce sont des créatures issues d'un gouvernement aux croyances fédéralistes.

Je voudrais vous entretenir un peu sur la démarche d'un peuple vers sa souveraineté qui, en tout point, est identique et aussi légitime que la démarche d'un individu vers son autonomie. Tous, en tant qu'êtres humains, nous avons vécu les étapes qui nous ont amenés à une forme d'autonomie. C'est avec fierté, je pense, que nous y sommes parvenus en tant qu'individus. C'est aussi en tant que parents que nous avons travaillé - et ça, plusieurs d'entre nous l'ont vécu aussi - auprès de nos enfants à les rendre plus autonomes, et le plus rapidement possible. Il y a une comparaison à faire entre la démarche d'un individu l'amenant vers son autonomie, vers sa souveraineté, et la fierté qu'il en ressent et la démarche d'un peuple vers sa souveraineté et la fierté qui en dépend aussi. Mais pour y parvenir, à cette indépendance, à cette forme d'autonomie en tant qu'individu, nous avons dû utiliser naturellement, sans le savoir, bien sûr, mais nous avons tous utilisé une démarche qui se veut créatrice, qui nous a commandé d'utiliser notre intelligence de façon globale, c'est-à-dire de développer notre sensibilité, notre jugement, notre raison et notre volonté.

Cette démarche d'un individu vers le plein développement de sa personne, si elle se fait correctement, amène un être à jouir d'une personnalité qui lui est propre et qui en fait un être unique, différent et fier de ce qu'il est, qui amène une personne à, toute sa vie, défendre ce qu'elle est, défendre justement cette personnalité propre et à défendre sa culture. Il en est de même pour une nation à qui seule une culture vivante et fière est en mesure d'assurer un visage et un esprit suffisamment fort et distinct pour soutenir un avenir prometteur.

C'est dans le même sens que, là, j'aborde l'industrie touristique. S'il y a un exemple parfait d'une industrie qui doit être axée sur la personnalité propre d'un environnement, sur la personnalité propre d'un pays, sur la personnalité propre d'un lieu, c'est bien l'industrie touristique, M. le Président. Qu'est-ce qui peut améliorer l'industrie touristique qui file allègrement vers le 1 000 000 000 $ de déficit? Depuis 1989, d'année en année, le déficit augmente de i 000 000 $, ce qui fait que, pour 1991, m. le président, nous filons vers le 1 000 000 000 $ de déficit. comment redresser cette industrie et comment, dans un québec souverain, de par le fait même qu'il est souverain, pourrait-on améliorer sa situation?

M. le Président, il faudrait d'abord qu'on ait un gouvernement qui y croit, à cette personnalité propre, qui y croit, à cette capacité de défendre la différence, qui croit que l'image du Québec n'est pas... que le Québec n'est pas un pays comme les autres, n'est pas comme le reste du Canada. Ça nous prend un gouvernement qui est capable de voir ces différences et de comprendre ce qu'est le Québec dans ses racines les plus profondes. Nous avons tout, au Québec, pour miser justement sur cette différence. Nous avons le facteur régional, où chacune de nos régions est différente, où le Lac-Saint-Jean n'a pas la même image que Montréal; Montréal n'a pas la même image que la Montérégie; la Montérégie n'a pas la même image que l'Estrie. En mettant en valeur ces facteurs de différence, on pourrait peut-être, M. le Président, arriver à garder nos Québécois chez nous, ceux qui désertent le Québec. On pourrait peut-être revenir aussi au Québec en se disant: J'ai visité telle région, mais telle autre est différente.

Pour ça, ça prend une promotion adéquate. ii faut que nos concepteurs, au niveau de la promotion, pensent à les mettre en valeur et n'essaient pas de copier l'image des autres provinces. il faudrait reprendre en main cette capacité de promotion, et non pas la laisser au gouvernement fédéral qui, d'ailleurs, a coupé de 6 000 000 $, l'an passé, ses budgets en ce qui concerne les fonds attribués aux québécois. en mettant en valeur cette personnalité, cette différence, je pense qu'il y aurait lieu, et de façon réaliste, de combler notre différence touristique. un québec souverain susciterait par le fait même la curiosité; un québec souverain inciterait les gens à venir voir comment un peuple a pu conserver sa culture, comment un peuple est arrivé à conserver sa langue, comment un peuple est arrivé à se différencier d'une mer anglophone. il faut de la ténacité. il faut de la conviction.

Ça permettrait aussi, M. le Président, de constater, en venant vérifier ce que nous sommes, l'accueil des Québécois, qui est typique des Québécois. Comme disait un collègue der-

nièrement: Un Québécois, lorsqu'on lui demande un renseignement, il ne dit pas où, il dit: Embarque, je vais te conduire. Ça, c'est typique des Québécois. Ça permettrait aux étrangers qui viennent nous visiter de constater toute la différence au niveau de la nourriture. On pourrait peut-être vendre, parlant de diversité, M. le Président, nos saisons, aussi. Ce qui est dommage, quand je vois les produits que notre ministre vend maintenant, c'est l'image qu'on essaie de projeter du Québec au niveau touristique. Les grandes villes, M. le Président, est-ce qu'il y a moyen de dépersonnaliser plus, que ce soit Montréal ou Québec, qu'en disant "une grande ville"? Mais encore faut-il savoir ce qu'il faut vendre de différent dans ces grandes villes, vendre la différence entre Québec et Montréal, mettre en valeur ce que nous avons de particulier dans nos grandes villes. (17 h 50)

Nous avons, comme produit touristique à vendre, des circuits, M. le Président. Est-ce qu'il y a, encore là, un mot ou un produit qui peut être plus mal identifié que nos circuits? Nos circuits, où? Dans quoi? Dans quelle région? Et lorsqu'on effectue un circuit en matière touristique, M. le Président, qu'est-ce qu'on voit? Qu'est-ce qu'on rencontre? Est-ce qu'on parle de notre histoire? Est-ce qu'on parle de notre nature? Séjour de villégiature, mais où? Mais dans quel décor? Avec quelle nourriture? Dans quel type d'hôtel? Tout ce qui pourrait faire ressortir notre personnalité propre est complètement absent de nos campagnes de promotion, M. le Président.

Aventure et grande nature. Là, peut-être que... Mais encore, aventure et grande nature, il faudrait peut-être leur dire quelle sorte d'aventure. Une aventure dans le Grand-Nord, ce n'est peut-être pas la même aventure que dans une forêt de la Gaspésie. M. le Président, c'est cet élément que je voulais faire ressortir et qui pourrait aider; mais, pour ça, il faut avoir le courage et il faut avoir cette philosophie de vouloir vraiment mettre en valeur ce que nous sommes et la reconnaissance de ce que nous sommes.

M. le Président, je voterai donc contre ce projet de loi pour les bonnes raisons que ce projet de loi est non représentatif de la volonté des Québécois; parce que ce projet de loi ne porte pas sur un projet de souveraineté, mais sur un projet de fédéralisme renouvelé. Ce projet de loi est la créature d'un gouvernement non respectueux de la volonté des Québécois, M. le Président, parce que ce projet de loi, piloté par un fédéraliste, dirige en droite ligne les Québécois vers une autre humiliation. Ce projet de loi refuse tout simplement...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure, Mme la députée, s'il vous plaît.

Mme Dupuis: ...aux Québécois et aux Québécoises le droit de se prononcer sur la souveraineté du Québec, et ce, malgré qu'à ce sujet le rapport de la Commission Bélanger-Campeau ait été on ne peut plus clair. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Verchères. Oui, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata.

Mme Dionne: À Mme la députée de Ver-chères, si je peux lui poser une question...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mme la députée de Verchères.

Mme Dionne: ...en matière de ...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): En venu de l'article 213.

Mme Dionne: Oui, j'y arrive, M. le Président. En matière de tourisme dans un Québec souverain, selon l'article, bien sûr, 213 de notre règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que vous voulez répondre à la question de Mme la députée, Mme la députée de Verchères?

Mme Dupuis: M. le Président, le petit jeu...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, un instant. Non, non, je m'excuse. Alors, il n'y a pas de consentement pour répondre à la question. Sur le même sujet, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. Après un tel exercice élaboré comme la Commission Bélanger-Campeau et son rapport final, il était inévitable qu'une sorte de promulgation législative suivrait. Tous les membres de cette Chambre doivent reconnaître cependant que le projet de loi 150 est l'une des lois les plus dangereuses à être considérées par une Législature élue "pro-vincialement". Il est dangereux pour le bien-être social et économique du Québec, dangereux pour le suivi du Canada, dangereux pour les relations entre les communautés linguistiques et ethniques du Québec et dangereux pour les prérogatives de cette Assemblée et pour toutes nos institutions politiques.

On peut argumenter que ceci peut sembler être une note extrêmement alarmiste et, à un moment, bizarre, alors qu'il semble y avoir presque équilibre entre les forces du fédéralisme et celles du nationalisme. Plusieurs sondages d'opinion publique ont récemment été publiés, lesquels, en somme, indiquent que l'appui à la

souveraineté a chuté sous le niveau des 50 % et que, s'il n'y a pas tant de membres de la population francophone qui sont profondément attachés au Canada, ils ne sont pas très attirés non plus par la perspective d'un bouleversement et d'une infortune économique qui doivent accompagner le saut vers la souveraineté.

Nous avons vu plusieurs signes d'une nouvelle ouverture envers la population anglophone et même quelques indications que la loi 178 et les aspects les plus restrictifs de la loi 101 sur l'éducation seraient peut-être abandonnés ou modifiés si des arrangements satisfaisants pouvaient être faits dans d'autres secteurs.

Nous, du Parti Égalité, saluons toute nouvelle de cette sorte avec beaucoup d'enthousiasme. Il n'est certainement pas de notre intention de maintenir une détermination - my apologies - maussade et d'attendre le pire ou de le faire arriver. Cependant, il y a encore une probabilité considérable que ce qui avait été prévu comme un coup de théâtre serait accidentellement converti en coup de grâce. Pour expliquer pourquoi, il n'est pas nécessaire de passer à travers une autre exhumation du lac Meech ou des discussions au sujet de la signification d'une société distincte. Il serait plus instructif de commencer une sérieuse considération des implications d'un référendum en 1992, d'examiner la signification et les perspectives d'un fédéralisme renouvelé, d'analyser les calculs stratégiques des libéraux et des péquistes et de considérer ce qui peut raisonnablement se produire si les choses vont mal.

On peut regarder le référendum comme prise de vue. Les démocraties parlementaires opérant à l'intérieur du cadre de la tradition constitutionnelle et des règles de loi travaillent dans la forme actuelle depuis presque un siècle. Une des choses les plus surprenantes au sujet des démocraties les plus stables et les plus fructueuses est que peu d'entre elles essaient d'enseigner à leurs jeunes ou même à leurs citoyens adultes la définition de termes aussi cruciaux que la démocratie même. Actuellement, plusieurs citoyens d'ici et d'ailleurs semblent imaginer que toute pratique politique peut être strictement définie comme démocratique ou non démocratique. Mais la réalité politique de ces siècles a été que les plus importantes différences d'opinions et quelquefois les conflits les plus violents ont été au-dessus de ce que veut dire la démocratie même.

Comme bien des gens dans plusieurs pays, par exemple, je suis personnellement un conservateur philosophique et je dirais qu'une façon de définir quelqu'un qui est conservateur par principe est de dire qu'il croit qu'en faisant n'importe quel choix politique fondamental on doit considérer que les générations du passé et les générations de l'avenir ont un vote, pas seulement celles du présent. Dans le cas du passé, nous pouvons souvent déterminer, d'après l'histoire, au moins une bonne idée des intentions passées, tout autant que pour les votes présents. Dans le cas du futur, nous, tout comme ceux qui sont en désaccord avec nous, ne pouvons que spéculer, mais nous pouvons au moins parfois reconnaître quand nous faisons des choix qui vont priver des futures générations de choix.

Ceux qui ont un tempérament plus libéral ou radical peuvent ne pas aimer cette idée puisqu'ils préfèrent habituellement influencer le plus possible l'opinion publique de cette époque, de cette année, quelquefois même de ce mois, tout en planifiant gaiement l'avenir des générations qui n'ont pas même encore vu le jour. Mais il est difficile de voir pourquoi leur façon de raisonner devrait être qualifiée de plus démocratique que celle des conservateurs. (18 heures)

De plus, il a été possible pour les conservateurs et les libéraux, et même pour les radicaux modérés, de travailler ensemble de façon fructueuse dans les Parlements et même de coopérer joyeusement et paisiblement dans la société civile ordinaire, jusqu'à aller même à des amitiés personnelles avec ceux qui ont des idées différentes. Il est important de se rappeler que ce miracle, car ce n'est rien de moins que cela, de civilité et d'amabilité n'a pu se produire que dans les démocraties parlementaires. Ces démocraties parlementaires ont maintenu cette réussite non seulement par le respect de la propriété privée, par la loi et par les droits reconnus, mais aussi par leur indisposition à utiliser les référendums ou tout mécanisme de plébiscite en général, pour régler les questions de l'État.

Les grandes démocraties ont généralement accepté les référendums comme les mécanismes les plus utiles et les plus équitables pour régler assez fréquemment les problèmes des gouvernements municipaux, mais ils s'en sont servi uniquement comme consultation de dernier recours, autrement dit, par exemple, en établissant des frontières nationales pour les gens profondément divisés d'États héritiers d'empires déchus.

Tel qu'il est bien connu au Québec, le Canada n'a eu que deux référendums nationaux dans toute son histoire, un sur la prohibition au début du siècle, et l'autre sur la conscription lors de la Deuxième Guerre mondiale. En dépit du fait qu'ils ont eu des résultats décisifs, aucun des deux n'a vraiment bien fonctionné et aucun des deux ne fut un événement heureux pour le Québec.

Un troisième référendum peut maintenant être nécessaire pour s'occuper des problèmes de la formule d'amendement de la Constitution de 1982, mais même dans cette éventualité, des garanties élaborées seront probablement nécessaires; sinon, le référendum devient un moyen d'ébranler le concept entier d'une constitution.

Au niveau du Québec, la question référendaire de 1980 sur la négociation de la souverai-

neté-association a exposé la population à cette prescription qui peut devenir une habitude potentielle et, puisque le résultat a été décisif et négatif, aucun de nous n'eut à se soucier des conséquences possibles. Mais même là, ce fut pour la population en général - particulièrement pour les francophones - un exercice qui a servi à diviser de façon horrible. Dieu seul sait comment le Québec ou le Canada, comme un tout, aurait pu s'y prendre avec un résultat de 45 % à 55 % dans l'une ou l'autre direction. Un tel résultat peut être concevable pour n'importe quel référendum qui serait tenu en 1992.

Dans les deux cas du passé et du futur, comme quelques fédéralistes auraient été assez audacieux pour le souligner, même une victoire décisive pour la souveraineté-association, ou la souveraineté... peut-être qu'une association n'a pas de conséquences constitutionnelles légales spécifiques, alors que cela produirait certainement une réaction autant au niveau officiel que populaire dans le reste du Canada, cette réaction peut être entièrement différente de celle actuellement recherchée. De plus, ce qui est bon pour l'un est bon pour l'autre.

Si un référendum du Québec sur la souveraineté est fait sur la base sérieuse d'une réorganisation fondamentale, quelles objections le Québec peut-il avoir à un référendum à la grandeur du Canada ou à un référendum ayant des buts similaires lancé dans les parties du Québec à prédominance anglophone? De telles possibilités ne peuvent être écartées simplement parce qu'on ne les aime pas. En fait, cette espèce de suite de conséquences est non seulement inconcevable, ça a été l'actuel résultat dans plusieurs cas similaires. La majorité de la population d'Espagne peut préférer voir Gibraltar comme une partie de son pays, mais cette De est restée une possession britannique comme conséquence du résultat d'un référendum majoritaire qui a favorisé de garder le lien britannique.

Cette année, alors que la Yougoslavie vit un processus de redéfinition beaucoup plus pénible que le nôtre, la Croatie s'est déclarée république. Lorsque cela s'est produit, le 13 mai de cette année, la minorité serbe de la nouvelle république a voté majoritairement, dans la région de Krajina, pour s'unir avec la Serbie et rester en Yougoslavie. 73 % de l'électorat a voté et 98 % a fait son choix.

Le nouveau monde du fédéralisme change. Je n'ai pas décrit le projet de loi sur le référendum comme un coup de théâtre voulu dans un esprit de dérision ou de mépris. Pour plusieurs raisons, et la plupart du temps, la politique est toujours une sorte de performance théâtrale. Ce n'est habituellement pas une question de plainte qui est portée ici avec beaucoup d'élan et de panache.

En effet, beaucoup parmi nous sont tentés de conclure que les chefs politiques québécois tirent leurs répliques de Molière ou de Shakes- peare, pendant que la plupart des opposés de langue anglaise dans le reste du Canada tirent la plus humble inspiration de la télévision commerciale. Même les aphorismes et les tournures de discours sont différents ici. Rappelons-nous les affirmations telles que: Le Québec ne négociera pas sur les genoux, et celle-ci: Le Canada négociera seulement avec un couteau sur la gorge. Ces deux figures de rhétorique sont de personnages publics québécois. La première est du premier ministre lui-même et la seconde de Léon Dion. Je doute que le public en général ou les représentants politiques du reste du Canada interpréteraient, même privément, les discussions constitutionnelles avec des métaphores si violentes et si frappantes, peu importe.

Mais ce contraste, habituellement une question d'observation amusée parmi les deux groupes, peut être sérieusement dangereux dans ce cas parce qu'il peut amener les Québécois et les non-Québécois à sous-estimer et à déformer les intérêts de la population avec laquelle ils ont à négocier.

En ce qui nous concerne, ici à l'Assemblée, il est important pour nous de nous rappeler que, pendant que les chefs politiques dans le reste du Canada adoptent régulièrement des positions quelque peu différentes de l'opinion publique majoritaire et impartialement consistante à travers le pays, il y a une limite à filtrer les vues du public sur une grande échelle ou à recouvrir les énormes différences sociales et économiques à travers le Canada anglophone.

Pour être plus précis, il existe peut-être une variété de pouvoirs et de prérogatives que les chefs politiques québécois aimeraient réclamer maintenant et qu'Ottawa ne tient pas si jalousement à garder, ou même les autres gouvernements provinciaux, ou même la plupart des Canadiens. Mais on doit reconnaître qu'une entente existante peut simplement être la seule sur laquelle un compromis peut être fait sur un mélange de plaintes opposées. Pour prendre un exemple évident, en pratique, tous les arguments contre l'actuel Sénat canadien sont connus depuis un siècle et il existe un texte sur la réforme sénatoriale encore à peine démodé, un livre publié en 1927.

Quelques pouvoirs ont du sens pour les grandes provinces seulement, d'autres pour toutes, et ainsi de suite. Un couteau sur la gorge ou même une chirurgie complète ne rend pas nécessairement possible le réarrangement des organes d'un corps, spécialement selon un échéancier établi.

De plus, le tempo accéléré exigé pour cet échéancier est par lui-même, très difficile à comprendre même pour plusieurs Québécois, peu importe le reste du Canada. Présentement, nous arrangeons les adaptations constitutionnelles, "minute" et modérées, non écrites sur l'histoire entière de ce pays, mais les grands changements dans les documents fondamentaux pour les deux

siècles précédents peuvent se compter sur les doigts de nos mains. (18 h 10)

Depuis les années soixante-dix, par contre, nous n'avons pas eu tellement de batailles perdues pour arriver à un fédéralisme renouvelé, comme la réalité d'un fédéralisme changeant, se transformant radicalement au bout de quelques années, sans bénéficier de rencontres entre les premiers ministres. Tout ce qui s'est dit concernant la loi 22 et la loi 101, par exemple, n'a pas vraiment amené de changement dans la façon de gérer la province. Ces lois ont apporté un grand changement dans la nature et la signification du Canada, beaucoup plus grand en possibilités que la plupart des changements ou des changements proposés qui ont été discutés dans les négociations officielles.

Les chefs politiques du Québec devraient se rappeler que les changements fédéraux formels au Canada et les changements au Québec, qui ont eu des répercussions sur tout le Canada, ont pris leur origine presque entièrement ici et ont été acceptés, quelquefois à contrecoeur, par le pays entier. Le "flanchement" de la patience canadienne n'est pas venu avec l'élection du parti manifestement sécessionniste ou même avec la formulation initiale du concept de la société distincte. Cela ne s'est pas plus fait par les dispositions techniques de l'accord du lac Meech; même si celles-ci comportaient des imperfections, ces imperfections n'étaient pas largement comprises. Le "flanchement" de la patience, comme je ne peux le faire comprendre à cette Chambre trop fortement, est venu quand le gouvernement québécois a utilisé une disposition d'une constitution écrite toujours non familière afin de renforcer une loi discriminatoire.

Tous ceux parmi nous qui vivent au Québec sont familiers avec les arguments qui sont utilisés pour justifier cette loi discriminatoire, et même ceux d'entre nous qui s'objectent à ces arguments leur accordent quelque force. Mais je ne pense pas que le public en général ou les dirigeants de cette province réalisent pleinement qu'une telle action n'est pas juste un autre round de discussions interminables: elle touche quelque chose auquel la plupart des gens de ce pays croient, qu'ils soient conservateurs ou libéraux, de l'Ouest ou de l'Est, provinciaux ou cosmopolites.

L'opposition populaire à l'accord du lac Meech à l'extérieur du Québec n'a pas pris sa force d'une bigoterie étroite ou d'une mauvaise volonté globale d'accommoder le Québec. Elle a surgi d'une perception, mauvaise ou non, qu'un accommodement encourageait par lui-même un sentier plus divergent pour le Québec. Le projet de loi 150 et ses conséquences ne fournissent pas le moyen de guérir la plaie.

On veut "stratéger" contre la raison. Cependant, même si le premier ministre et le chef de l'Opposition peuvent être en désaccord sur les fins ultimes, ils conviennent probablement, ainsi que leurs disciples, pour dire que la combinaison du bâton et de la carotte, d'une ouverture apparente à de nouvelles propositions fédérales et l'apparente détermination à utiliser le plébiscite instantané d'un référendum, ne peut que servir les buts d'ensemble de l'État du Québec. Là, je crois qu'ils se trompent. Nous pouvons raisonnablement assumer qu'une sorte de proposition fédérale sera rafistolée, mais on peut se demander si le gouvernement Mulroney, même par l'entremise du plus populaire...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): En conclusion.

M. Cameron: ...M. Clark, peut livrer les documents sans mandat du pays.

En conséquence, même l'acceptation du Québec ne fera pas disparaître notre anxiété, et le refus du Québec soulève tous les énormes problèmes dont j'ai déjà parlé. Un référendum québécois qui ne donnerait rien de moins qu'une victoire fulgurante pour le choix d'une souveraineté clairement définie, de préférence avec l'appui au moins de gros morceaux de ses minorités, ne sera pas le point de départ d'une nouvelle entité politique. Ce sera simplement un horrible souffle à la coopération et aux bons rapports qui font que ce pays est un des meilleurs au monde où il fait bon vivre. Si le projet de loi 150 passe...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député.

M. Cameron: ...j'espère que tous les membres garderont en mémoire la responsabilité que nous aurons, nous tous, alors à porter. merci, m. le président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Nous continuons le débat sur la motion suggérant l'adoption du principe du projet de loi 150. Je reconnais maintenant M. le député de Viger. M. le député.

M. Cosmo Maciocia

M. Maciocia: Merci, M. le Président. Puisque la députée de Verchères a refusé de répondre à la question de ma collègue de Kamouraska-Témiscouata en matière de tourisme dans un Québec souverain, je crois important, pour les citoyens qui nous écoutent, de connaître cette question à laquelle le Parti québécois se refuse de répondre: Quels projets structurants pouvant attirer de nombreux touristes pour les hôtels et les restaurants de Montréal un Québec souverain mettra-t-il de l'avant? Combien d'investissements, combien d'emplois seront créés, et par qui? M. le Président, étant donné que le Parti québécois se refuse de répondre à nos questions, j'y vais

avec mon discours sur la loi 150 parce que je crois que c'est plus important que d'écouter ces gens d'en face.

Des voix: Bravo!

M. Maciocia: Avant d'aborder le contenu de ce projet de loi, j'aimerais prendre quelques instants pour partager, avec mes concitoyens du Québec et mes confrères d'ici en Chambre, mes vues sur la situation actuelle et les raisons qui nous amènent aujourd'hui à débattre ce projet de loi.

Il y a près de cinq ans et demi, comme on se le rappelle tous, le 2 décembre 1985, le gouvernement libéral s'est mis à la tâche de convenir, avec les gouvernements fédéral et provinciaux, des termes de son adhésion à la Loi constitutionnelle de 1982. Pour ce faire, le gouvernement du Québec a fait connaître des conditions, cinq conditions. Un accord constitutionnel, en juin 1987, traduisait les termes d'une entente intervenue au lac Meech entre le Québec, Ottawa et les neuf autres provinces, en regard des cinq conditions posées par le Québec.

L'accord du lac Meech, conclu en 1987 avec l'assentiment de tous les premiers ministres, comportait des conditions minimales qu'exigeait le Québec pour réintégrer le pacte confédéral de 1982. Malheureusement, cette entente unanime entre les onze gouvernements n'a pas recueilli le consentement de toutes les Législatures provinciales qui aurait permis sa proclamation et son entrée en vigueur. Le tout s'est malheureusement terminé le 22 juin 1990 par l'échec de l'accord. La rigidité de la procédure de modification constitutionnelle et la conjoncture politique canadienne, de 1987 à 1990, ont fait que nous sommes arrivés à un échec.

Je pense, M. le Président, et c'est ma conviction profonde, que nous allons continuer de défendre ce régime fédéral dans lequel nous évoluons depuis 1867, même si cela devait comporter des changements profonds dans sa structure. Mais la défense du fédéralisme doit se limiter dans le temps, c'est pourquoi il y a une obligation de résultat.

Le 4 septembre 1990, le gouvernement libéral créait la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, la Commission Bélanger-Campeau qui concluait, après plusieurs mois de travail, à la nécessité des changements de nos institutions politiques et à la volonté très profonde du peuple québécois d'une plus grande autonomie. En discutant de l'adoption du principe du projet de loi 150 aujourd'hui, le gouvernement libéral respecte en tout point l'esprit et le contenu du rapport Bélanger-Campeau, c'est-à-dire la constitution de deux commissions parlementaires spéciales, l'une ayant pour mandat d'étudier la question afférente à l'accession du Québec à la souveraineté, l'autre d'analyser toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du Canada, et la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec au plus tard le 26 octobre 1992. Notre gouvernement respecte en tout point l'important consensus qui s'est développé à la Commission Bélanger-Campeau.

Le député de Lac-Saint-Jean nous a dit ce matin qu'il appuyait les recommandations de Bélanger-Campeau, mais pas les conclusions. Qu'on ne nous accuse pas de ne pas respecter le rapport Bélanger-Campeau. Les recommandations du rapport doivent se lire avec les conclusions. La voie de la souveraineté doit être parallèle à celle du fédéralisme profondément renouvelé. Dans le même sens, le chapitre 1.1.2 du projet de loi 150 doit se lire avec le chapitre III. Faire autrement, cela contredirait notre engagement à laisser les Québécois et les Québécoises prendre part au choix concernant l'avenir constitutionnel du Québec et ce choix, il doit se faire selon ce que le rapport Bélanger-Campeau nous disait, et je cite: "Dans la redéfinition de son statut, deux voies seulement s'offrent au Québec: d'une part, une nouvelle et ultime tentative de redéfinir son statut au sein du régime fédéral et, d'autre part, l'accession à la souveraineté." Page 80 du rapport Bélanger-Campeau.

Pour nous, il n'est pas question de retirer des options ou d'empêcher qu'un choix soit fait par les Québécois. Il n'est pas question de faire de l'aveuglement volontaire et de ne voir qu'une seule option. M. le Président, nous respectons notre signature. Ces gens d'en face, ils se sont spécialisés à ne pas respecter les signatures. Qu'on se rappelle en 1982, vis-à-vis des fonctionnaires des secteurs public et parapublic, quand ils ont renié leur signature. Ils sont en train de faire la même chose avec le rapport Bélanger-Campeau, un rapport très vital pour le peuple québécois. (18 h 20)

L'étude de ce projet de loi, dont nous amorçons aujourd'hui l'étape de l'adoption du principe, est certainement un moment privilégié pour moi et tous mes confrères ici, à l'Assemblée nationale. On se questionne, on s'interroge et on est conscients que notre statut politique est à définir. Cependant, l'expérience et la force de notre chef seront une contribution déterminante quant à l'avenir. On doit se rappeler le Québec d'hier pour bien saisir et comprendre le Québec d'aujourd'hui. Quoi de mieux qu'un survol des grandes réalisations libérales de 1960 jusqu'à nos jours pour réaliser jusqu'à quel point il y a eu explosion d'idées et d'aspirations pendant cette période. Pour ce projet de loi 150, le gouvernement prend les moyens pour exprimer ce qu'il considère comme essentiel pour le Québec.

M. le Président, à partir de 1960, les Québécois se sont donné des outils de développement; qu'il suffise de se référer à la Caisse de dépôt et de placement, à la Régie des rentes et à la Société générale de financement qui jouent

des rôles de premier plan pour le développement et le renforcement de l'économie du Québec. Après la Loi sur la Régie des rentes, la Loi sur les accidents du travail, la Loi sur l'aide sociale et l'instauration du régime québécois d'allocations familiales, nous voyons également apparaître la création du ministère des Affaires sociales en 1970. Sur la base du rapport Parent, le système d'éducation subit une transformation basée sur un concept d'accès à l'éducation: la démocratisation de l'enseignement au Québec. Pendant cette période également, nous verrons se développer des liens avec la francophonie internationale. Le Québec déploie et met en place un réseau de délégations à l'étranger.

Le Québec, au cours de ces années, a vécu des mutations importantes. Ces acquis, M. le Président, ne sauraient disparaître du jour au lendemain. Quelle que sort la voie qu'empruntera le Québec dans l'avenir, celui-ci devra continuer à assurer son développement, sa croissance.

M. le Président, l'objectif du gouvernement libéral du Québec, c'est d'avoir un statut politique qui donnera au Québec les pouvoirs pour promouvoir, épanouir son identité et, en même temps, favoriser l'essor de son développement économique. Ce sont là les objectifs fondamentaux que nous retrouverons à l'intérieur des deux commissions parlementaires.

Le projet de loi 150 établit un équilibre entre les deux commissions parlementaires, il importe de le mentionner. Aucune de ces deux commissions n'est supérieure ou plus importante que l'autre. Chacune a une valeur égale, et cet équilibre permettra d'informer adéquatement et pleinement la population sur chacune des deux voies qui s'offrent au Québec. Informés de cette façon, les Québécois pourront faire un choix lucide et éclairé quant à leur avenir. D'ailleurs, l'un des considérants du projet de loi 150 témoigne de la volonté du Québec d'assurer l'égale compréhension de ces deux voies pour tous les Québécois.

M. le Président, dans la redéfinition de son statut, deux voies seulement s'offrent donc au Québec: d'une part, une nouvelle et ultime tentative de redéfinir son statut dans le régime fédéral et, d'autre part, l'accession à la souveraineté. Je reste persuadé que notre gouvernement ne ménagera aucun effort pour impliquer la population dans ce processus déterminant et fondamental pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Il existe présentement au Québec un désir ressenti de rechercher un terrain d'entente entre toutes les tendances, qui serait le point d'ancrage de notre vouloir vivre collectif.

M. le Président, suite au dernier discours du trône du gouvernement fédéral, nous sommes confiants que le gouvernement fédéral fera au Québec des offres de partenariat constitutionnel raisonnables et à l'intérieur de l'échéancier que le Québec a fixé. Comme le disait notre premier ministre, M. Robert Bourassa, le 10 mars 1991, lors du congrès du Parti libéral, et je le cite: "Nous avons des valeurs communes, deux siècles d'histoire commune. Le Canada est l'un des pays les plus enviés du monde. Les Québécois veulent pouvoir développer leur identité et assurer leur sécurité économique, mais ils préfèrent que cela se fasse à l'intérieur de la structure canadienne." Fin de la citation.

M. le Président, comme gouvernement, ce dont nous voulons, c'est d'un système fédéral profondément transformé qui serait plus efficace tout en permettant au Québec de posséder les pouvoirs nécessaires à son épanouissement comme société, de s'entendre avec ses partenaires du reste du Canada pour préserver et renforcer l'espace économique canadien. D'ailleurs, depuis quelques semaines, nous avons pu remarquer que le gouvernement fédéral reconnaft l'urgence et la nécessité de changements profonds à la structure du fédéralisme canadien.

Voilà donc les quelques idées que je voulais soumettre à votre réflexion. J'ai voulu cependant me restreindre à ce qui me semblait l'essentiel. "L'objectif recherché devra inévitablement être une répartition fonctionnelle des pouvoirs entre les gouvernements, dont le fondement sera la liberté et le mieux-être des citoyens", disait-on dans le rapport Bélanger-Campeau. Sur ce, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Viger. Oui, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, en vertu de l'article 213 du règlement, je sollicite la permission du député de Viger pour...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a consentement?

M. Bourdon: ...lui poser une question, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Viger, voulez-vous répondre à la question?

M. Maciocia: Pourquoi pas?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pourquoi pas? Alors, allez-y, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Courte question, courte réponse.

M. Bourdon: Oui, M. le Président. Le député de Viger est-il d'accord avec le rapport Allaire, adopté par le congrès de son parti, qui préconise qu'il y ait 14 secteurs d'activité qui soient entièrement rapatriés au Québec? Est-il d'accord avec le rapport Allaire pour que ces 14 secteurs d'activité là ne soient pas négociables?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Réponse. M. le député de Viger, votre réponse, s'il vous plaît.

M. Maciocia: M. le Président, je l'ai toujours dit et je continue à prétendre que le rapport Allaire, c'est une base de négociation pour le gouvernement. C'est justement ça que je disais tantôt: le système fédéral doit être profondément réformé, il doit y avoir un partage des pouvoirs, il doit y avoir des pouvoirs différenciés entre les différents gouvernements, que ce soit le fédéral ou le provincial. Nous le préconisons, et c'est ça que nous allons chercher, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

Une voix: C'est beau! Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): II est 18 h 30 et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 28)

(Reprise à 20 h 7)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, si vous voulez bien vous asseoir. Nous reprenons les travaux de l'Assemblée à l'étape des affaires du jour. Nous avions suspendu nos travaux à 18 h 30, alors que nous débattions le principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Nous continuons sur le même sujet et je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, Mme la députée de Taillon.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président, de me permettre d'intervenir à ce moment-ci de nos travaux. D'abord, en ce qui concerne la loi 150, je dirai à tous les membres de cette Assemblée, bien sûr, oui à un référendum sur la souveraineté et le plus rapidement possible, M. le Président. À peu près tout le monde a identifié, a dit que l'insécurité et l'incertitude présentaient des risques, faisaient en sorte que certaines décisions ne se prenaient pas. Bien, prenons-la, la décision, le plus rapidement possible, M. le Président. Donc, oui, oui à un référendum sur la souveraineté, mais non, M. le Président, non à un processus de renouvellement du fédéralisme. Il n'est absolument pas question que, d'aucune façon, je sois d'accord avec cette orientation qui, d'ailleurs, n'est pas contenue au libellé des recommandations de la Commission Bélanger-Campeau.

On ne peut pas être, M. le Président, pour la souveraineté et pour le fédéralisme renouvelé. On ne peut pas être pour les deux à la fois et on ne peut pas parler, M. le Président, des deux côtés de la bouche. Je pense qu'on a assez reproché aux personnes politiques de ne pas être fidèles à leurs convictions que, lorsqu'on est fidèles à nos convictions, on ne doit pas, maintenant, nous le reprocher. Au contraire, on devrait être fiers du fait que nos élus, que les personnes que nous avons choisies démocratiquement se tiennent debout, soient capables de défendre leur point de vue et de le soutenir, M. le Président. Alors, voilà pourquoi je me prononcerai contre le projet de loi que nous étudions actuellement, M. le Président.

Je voudrais maintenant m'adresser au fond de la question. En fait, vouloir décider de devenir souverain, c'est vouloir décider du pays et on nous dit souvent, M. le Président: Oui, mais cela doit être un choix raisonnable. Ce soir, je vais en parler, de ce choix raisonnable, M. le Président, de ce choix de raison. Je vais essayer de démontrer, de dire, de parler du Québec souverain, du Québec viable, faisable économiquement et je vous dirais même nécessaire à notre progrès et à notre développement. Mais je m'en voudrais, cependant, de ne pas dire, du même souffle, qu'un choix de pays, c'est aussi un choix du coeur, c'est aussi un choix qui est porteur d'émotions, qui est porteur de symboles. Si un pays, c'est une économie, ce sont des ressources, ce sont des institutions, un pays, c'est aussi une langue, une culture, une façon d'être, de dire, de penser, de s'exprimer, c'est un peuple avec ses minorités. En fait, c'est une portion de l'humanité, riche de sa différence, de sa contribution à l'univers. Un choix de pays, c'est, bien sûr, un choix de raison, mais c'est aussi un choix du coeur, un choix de passion, et je ne crois pas que nous ayons, M. le Président, à nous en excuser, à nous sentir mal à l'aise devant cette réalité. Je vais donc m'adresser à la raison puisque je sais que, de toute façon, le coeur y est, M. le Président.

Qu'est-ce que c'est que ce pays du Québec que nous voulons nous donner, que nous voulons bâtir à notre mesure, avec toute l'imagination, avec toute l'énergie dont on est capables? D'abord, le Québec moderne, le Québec d'aujourd'hui est un Québec ouvert sur le monde, même si certains voulaient essayer de nous faire croire qu'un Québec souverain veut se replier, se ratatiner, alors qu'au contraire, dans le monde entier, on tend vers les grands ensembles. On regarde l'Amérique du Nord qui veut ouvrir ses frontières. On parle du libre-échange. On regarde la Communauté économique européenne, l'Europe de 1992, et on dit: Mais est-ce que le Québec n'est pas, à toutes fins pratiques, à contre-courant? Non.

Non, le Québec n'est pas à contre-courant. Il veut participer, au contraire, de plain-pied, à ces grands mouvements d'internationalisation, de

mondialisation des marchés. D'ailleurs, c'est assez intéressant de voir que, dans tout le débat sur le libre-échange, celui qui a été le plus porteur d'une volonté d'ouverture, ça a été le Québec et le Québec a été de ces leaders. Il y a eu des objections, bien sûr, de saines objections, d'ailleurs, parce que ça nous rend un petit peu plus prudent, mais c'est le Québec de maintenant qui a voulu s'ouvrir sur le monde. Ce n'est pas vrai, M. le Président, que c'est ces grandes communautés - et prenons la Communauté européenne - ce n'est pas vrai que dans ces grandes communautés chacun des pays, chacune des unités renonce à sa souveraineté. D'abord, ils sont souverains au départ. Ensuite, ils décident de s'associer à d'autres pays qui les entourent pour des fins qui, collectivement, leur apparaissent bonnes, valables, souhaitables, intéressantes, selon des modèles et des formules que chacun est libre de choisir selon son histoire et selon sa culture. Et ce n'est pas vrai que, sur cette planète, être un petit pays nous désavantage, est un risque.

Au contraire, M. le Président, quand on regarde là où se situent les pays de l'OCDE, les pays qui, dans le monde, ont le produit intérieur brut par habitant le plus intéressant, le plus significatif, le plus élevé, ce sont des petits pays. C'est le Danemark, c'est la Norvège, c'est l'Autriche, c'est la Belgique, c'est la Hollande. Et où serait-il, le pays du Québec, à travers toutes ces réalités? Je m'inspire de l'étude faite par le Mouvement Desjardins. En 1989, pour le niveau de vie, si on prenait le Québec comme pays, comme entité, nous étions au 11e rang, M. le Président. Ce n'est quand même pas trop mal, hein? Des quelque 250 pays indépendants à travers le monde, c'est drôlement intéressant. On serait comparables à ce qui se passe en Autriche, en Belgique, en Hollande. À peine un peu moins que les Danois, que les Norvégiens qui ont des populations comparables à la nôtre: 5 000 000 au Danemark, 8 500 000 en Suède, 7 600 000 en Autriche. L'économiste Pierre Fortin est venu devant la Commission Bélanger-Campeau nous dire d'une façon claire, nette, précise: Intéressant pour les pays de participer à des grands ensembles, mais pas de relation entre la richesse d'un pays et sa grandeur, sa grandeur en termes de territoire et en termes de population. Alors à cet égard-là, je pense que nous faisons tomber un mythe. Nous souhaitons participer à des grands ensembles, mais sur la base d'une volonté exprimée comme pays souverain.

Qu'est-ce que c'est, maintenant, le modèle et la réalité québécoise? Je faisais référence, au début de mon intervention, au fait qu'un pays, c'est une langue, un peuple, une culture, ses minorités, une façon d'être, de dire, de penser, de faire, mais c'est aussi une organisation économique. Et, dans ce sens-là, le Québec se démarque du Canada, se démarque de notre grand voisin américain et se démarque probablement de ce qui se passe dans le monde entier. Alors, c'est quoi, l'économie du Québec? Je dirais que c'est un heureux amalgame. C'est une heureuse combinaison entre un secteur privé et un secteur public, qui a donné naissance - parce que ça, ce n'est pas théorique, M. le Président - à une grande entreprise comme Hydro-Québec, reconnue à travers le monde. Hydro-Québec qui, elle-même, a donné naissance à des firmes de génie-conseil, à des firmes d'ingénierie qui sont parmi les plus importantes au monde, M. le Président. Ce sont des Lavalin, ce sont des SNC, ce sont des Roche, c'est un ensemble d'entreprises, un nombre important d'entreprises québécoises qui, grâce à cette heureuse combinaison, sont venues au monde, ont fait leurs preuves et, maintenant, nous représentent internationalement.

Ce n'est pas le signe trop trop, M. le Président, d'un pays frileux, d'un pays replié sur lui-même. C'est quoi, le Québec d'aujourd'hui, le Québec original, le modèle québécois? C'est la Caisse de dépôt et de placement. C'est la Société générale de financement. C'est la Société de développement industriel. C'est un ensemble d'entreprises dans le secteur de l'énergie. C'est SOQUIP. C'est SOQUIA. C'est un ensemble. C'est le Mouvement Desjardins, qui est une réalité qui est à peu près incomparable si on se compare à ce qui se passe dans le monde entier. C'est ça, le modèle québécois, cet heureux mélange de l'initiative privée et de l'initiative publique.

On va me répondre et on va me dire, M. le Président, sûrement: Oui, mais ce n'est pas si mal; vous avez pu réussir tout ça dans le modèle fédéral, en faisant partie du grand ensemble canadien. Est-ce qu'on va se souvenir - j'en suis persuadée - des difficultés qu'il y a eu à mettre en place la Caisse de dépôt et de placement du Québec, dont on est maintenant si fier, qui nous permet de mieux contrôler notre économie? Est-ce qu'on va se souvenir de la bataille absolument épouvantable qu'on a vécue avec le bill S-31 d'Ottawa, qui voulait empêcher que la Caisse de dépôt n'intervienne d'une façon significative dans une société de transport pancanadienne, le Canadien Pacifique? C'est envers et contre les interventions d'Ottawa que l'ensemble des décideurs économiques québécois se sont levés et ont empêché qu'Ottawa passe une loi qui visait essentiellement la Caisse de dépôt et de placement du Québec. C'est parce que nous avons été capables de nous tenir debout et que nous avons été solidaires que nous avons préservé cet outil essentiel et que nous ne l'avons pas fait dévier de ses objectifs.

Qu'est-ce que fait le gouvernement d'Ottawa à l'égard des sociétés de placement dans l'entreprise québécoise? Qu'est-ce que fait Ottawa à l'égard des REA? Qu'est-ce que fait Ottawa à l'égard des parts permanentes du Mouvement Desjardins? C'est ça, la réalité du modèle québécois. C'est aussi une lutte constante, parce que les décisions se prennent pour

le coeur du Canada, pour Toronto. Et c'est à cause de ces décisions qui sont prises pour le coeur du Canada que nous avons connu plus rapidement ici la récession, que nous avons un taux de chômage structurel élevé, toujours plus significatif et plus important que ce qui se vit à Toronto. C'est aussi ce modèle québécois, cette volonté qu'ont eue les gens de se prendre en main, d'une économie qui ne nous appartenait pas, au début des années soixante, qui était propriété d'investisseurs étrangers... L'économie du Québec appartient en propre, pour 60 %, aux Québécoises et aux Québécois. C'est ça, la réalité que nous avons développée sur notre territoire. (20 h 20)

Un certain nombre sont venus nous dire: Oui, nous sommes capables de nous prendre en main, de nous fixer des objectifs, de les atteindre, de les réaliser. Nous avons une preuve derrière nous, devant nous, présente maintenant. Et nous avons connu des entraves à cause du fédéralisme. J'en mentionnais quelques-unes. Je vais citer un certain nombre d'organismes économiques qui sont venus témoigner devant la Commission Bélanger-Campeau pour nous dire et pour nous décrire l'échec du fédéralisme, et ce n'étaient pas les moindres.

La Chambre de commerce du Montréal métropolitain porte un jugement absolument sévère sur le système fédéral. Elle dit: Le Canada ne fonctionne plus. Il se gaspille une énergie incroyable dans ce pays à décider qui doit donner quel service. Le Canada est le théâtre de rapports de force d'une rigidité sans précédent qui le paralysent et l'empêchent d'agir efficacement sur les véritables problèmes. En fait, on prend des heures à questionner le projet de souveraineté, à vouloir qu'il soit viable, que le Québec soit viable, rentable, que ça puisse être possible sans que ça ne coûte rien à personne, mais on ne fait pas le procès du fédéralisme et de son coût, de ce qu'il nous coûte à nous, sur notre territoire, en termes économiques, en termes humains.

C'est la Chambre de commerce de Montréal qui nous le dit. C'est la Chambre de commerce du Québec qui nous le dit. Qu'est-ce qu'elle nous dit? Elle nous dit: dédoublement. Elle nous dit: On se pile sur les pieds les uns les autres. Dans quels secteurs? Au chapitre de la recherche et du développement. Ma collègue de Chicoutimi en a sûrement longuement parié, du fait que ce n'était pas au Québec que se faisaient les dépenses, les investissements intéressants en matière de recherche et de développement. On se pile sur les pieds en matière de formation professionnelle, en matière de main-d'oeuvre. Je cite la Chambre de commerce du Québec: "On assiste à un chevauchement généralisé des efforts, à un dédoublement invraisemblable des programmes et des coûts découlant d'une concurrence effrénée entre les deux niveaux d'administration. On ne peut en dégager aucune politique globalement cohérente, mais on peut aisément diagnostiquer un extraordinaire gaspillage de ressources humaines et financières."

M. le Président, je le répète à peu près dans tous mes discours, les pays qui seront gagnants, les pays qui sont déjà dans le peloton de tête sont les pays qui investissent, d'abord et avant tout, dans leurs ressources humaines. On aura beau avoir le savoir-faire, on aura beau avoir les techniques, on aura beau avoir les ressources financières, les ressources naturelles - ce dont nous sommes bourrés au Québec - mais la première ressource, celle qui permettra de mettre ensemble toutes les autres et de faire du Québec un pays gagnant, ce sont les ressources humaines, ce sont les hommes et les femmes qui peuplent ce pays.

Ce temps fou que l'on perd à débattre, à discuter sur le fait de qui va être responsable de quoi, que moi, je m'occupe des grandes entreprises, moi, je m'occupe des petites, moi, je donne un crédit d'impôt, moi, je donne une subvention et je vais taxer ta subvention, cette bataille doit se terminer. Nous devons, au Québec, et nous sommes capables - je parlerai plus tard des grands phénomènes que l'on peut constater actuellement au Québec - de décider pour nous-mêmes de ce qui est important. Nous sommes capables de rapprocher nos lieux d'éducation des entreprises. Nous sommes capables des concertations nécessaires pour faire de notre main-d'oeuvre une main-d'oeuvre enviée du monde entier, M. le Président. Mais pour cela, il faut que nous soyons maîtres d'oeuvre sur notre territoire de toute les politiques, en matière de main-d'oeuvre, de formation professionnelle, de placement, de sécurité du revenu aussi. On va cesser de se renvoyer la balle les uns les autres, de les faire passer de l'assurance-chômage à l'aide sociale et de nouveau à l'assurance-chôma-ge, en passant par une petite "jobine". C'est un vice du système dans lequel nous vivons actuellement et qui dessert le Québec, qui dessert les personnes au Québec mais qui dessert l'économie du Québec, parce que c'est autant d'énergie que nous ne mettons pas à former ces personnes-là, à leur redonner le goût du travail, à leur redonner le goût de s'impliquer dans leur économie et de s'impliquer à l'égard de leur propre développement. C'est ça, la réalité à laquelle on est confrontés.

Je pourrais vous citer comme ça l'Association des manufacturiers. Je pourrais vous citer le Mouvement Desjardins. À tour de rôle, ils sont venus devant la commission dénoncer ces intrusions, ces dédoublements. En fait, M. le Président, il s'est construit ici un modèle qui nous est propre, un modèle qui nous ressemble. Actuellement, il se dégage un ensemble de phénomènes absolument, je dirais, extraordinaires de mobilisation. On a vu se réunir autour d'une même table, pour le forum sur l'emploi, des gens venant des entreprises, des gens venant du

monde du travail, du monde de l'éducation, de la formation, du monde institutionnel, du monde financier, M. le Président. On voit de partout à travers le Québec, de la Gaspésie à Hull, des gens qui nous disent: Donnez-nous plus de pouvoirs dans les régions. Nous sommes capables de nous prendre en main, nous sommes capables de nous concerter. Nous sommes capables de décider là où nous investirons. Nous sommes capables de développer chez nous des expertises. Nous sommes capables de participer au progrès et au développement du Québec. C'est ça, le modèle que nous avons développé chez nous, sur lequel nous pouvons miser et qui s'appuie sur la concertation, sur la solidarité, sur la force et sur la volonté d'un peuple, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Taillon. M. le député de Pointe-aux-Trembles, sur le même sujet.

M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, "les gens de mon pays, ce sont gens de parole et gens de causerie qui parlent pour s'entendre. Ils parlent pour parler, il faut les écouter". Quand Gilles Vigneault chantait et chante encore cette si belle chanson, les auditeurs ne sont ni péquistes ni libéraux, ils sont Québécois. Nous avons, M. le Président, une immense fierté d'être des Québécois et c'est quand on voyage, quand on se compare qu'on trouve qu'on n'est pas un peuple en dessous des standards de l'humanité, bien au contraire, comme l'exposait brillamment la députée de Taillon.

À cet égard, M. le Président, on est un peuple qui a rendez-vous avec son histoire et on a manqué un premier rendez-vous en mai 1980, quand le non l'a emporté au référendum. Je pense, M. le Président, que les peuples sont comme les individus, ils peuvent manquer leur vie. Les peuples peuvent échouer leur vie comme les individus. Là, la prochaine occasion ne sera peut-être pas la dernière, mais elle risque d'être la dernière si on manque notre coup. m. le président, je voudrais dire qu'une des façons de régler la question de l'avenir du québec, c'est d'être clair, d'être honnête et d'être transparent, il n'y a pas de vice, il n'y a pas de défaut à être inconditionnellement pour le canada - c'est une option que je ne partage pas - et il n'y a pas de mal à être pour la souveraineté du québec. autrement dit, m. le président, on peut être avec les 60 % de souverainistes qu'il y a au québec - c'est, par moments, dans les sondages, jusqu'aux trois quarts des francophones - ou on peut, dignement, dans le respect de soi-même et des autres, être dans la minorité qui veut rester dans le canada. (20 h 30)

À cet égard, M. le Président, notre parti va voter contre la loi 150 par une exigence de clarté. Je dis d'entrée de jeu, M. le Président, que, si le gouvernement nous avait soumis ou nous soumettait intégralement la recommandation du rapport de la Commission Bélanger-Campeau, nous l'avons signée et nous la voterions. À cet égard, M. le Président, nos amis ministériels me permettront de leur poser une question à tous et à toutes. Si la loi 150 reproduit intégralement et va dans le même sens que le rapport de la Commission Bélanger-Campeau, pourquoi avez-vous ajouté des considérants et pourquoi avez-vous modifié des termes de la recommandation?

M. le Président, je voudrais donner un exemple: l'une des deux commissions prévues par le rapport Bélanger-Campeau disait d'étudier les modalités d'accession à la souveraineté. Qu'est-ce que c'est devenu dans la loi, M. le Président? D'étudier l'impact de la souveraineté. Et le député de Papineau, qui est gardien de la Chambre par moments, a dit carrément publiquement que la commission qui va se pencher sur la souveraineté sera l'occasion pour les ministériels d'attaquer et de faire le procès de la souveraineté.

Il y avait de prévu, dans la Commission Bélanger-Campeau, M. le Président, une autre commission pour recevoir et discuter toute offre formelle que le Canada anglais, c'est-à-dire la Chambre des communes et les neuf législatures, pourrait faire en vue de renouveler le fédéralisme. Pourquoi l'avons-nous signée? Je voudrais souligner qu'avant cette version-là on nous proposait, à nous du Parti québécois, de faire partie d'une commission parlementaire qui ferait un appel d'offres pour un renouvellement du fédéralisme et ça, on n'aurait jamais signé ça. donc, m. le président, on est contre la loi 150 parce que c'est une véritable fraude intellectuelle d'essayer de faire croire qu'il y a consensus quand il n'y en a pas. m. le président, à cet égard, je dois dire que le premier ministre a commencé dès le lendemain de l'élection de septembre 1989. rappelez-vous un peu, m. le président, le premier ministre disait: que le canada anglais prenne bien pour acquis que le parti québécois a eu 40 % des voix sur la souveraineté du québec et que si le lac meech ne passe pas, eh bien, il y a 40 % de souverainistes au québec et leur nombre va grandir.

Déjà, M. le Président, le premier ministre assignait au Parti québécois le rôle du doberman qui accompagne le riche quand il va dans un quartier réputé dangereux. On n'a pas envie de faire peur au Canada anglais. On n'a pas envie... Ce n'est pas notre tradition. Ce n'est pas ça qui est écrit dans les statuts de notre parti. Et comme le disait le député de Lac-Saint-Jean, on n'a pas envie d'être rameurs dans la galère de la trentième dernière chance au fédéralisme canadien. Et pourquoi on n'a pas envie de donner une dernière chance au fédéralisme canadien, M. le Président? C'est parce que ça fait 30 ans qu'on

discute et qu'on n'a jamais rien eu, et le gouvernement qui en a demandé le moins, le gouvernement actuel... Il y a eu l'accord du lac Meech qui nous apprenait avec tambour et trompette qu'on est une société distincte.

M. le Président, il faut le faire. C'est encore ça, le sujet. Le premier ministre de l'Ontario vient et il dit: Je suis un anglophone "blood"; je reconnais que vous n'êtes pas comme nous autres. Mais y en a-t-il dans cette salle, M. le Président, qui ne l'ont pas découvert à huit ou neuf ans, dès l'âge de raison, qu'on ne parle pas la même langue, qu'on ne chante pas les mêmes chansons, qu'on n'a pas la même culture, qu'on n'a pas le même sens de l'hospitalité? On est différents. Pas supérieurs, différents, M. le Président. Et à cet égard, je trouve que mon parti remplit une exigence de clarté en disant: Si vous êtes fidèles au rapport Bélanger-Campeau, enlevez tous les flignes-flagnes, enlevez les "flâsages", enlevez les portes de sortie et faites ce que le Québec profond réclame: un référendum avec une question claire sur la souveraineté du Québec.

Ma conviction intime, M. le Président, c'est que le premier ministre du Québec actuel a connu, après l'échec du lac Meech, un moment où il aurait pu passer à l'histoire comme un homme d'État. Il aurait suffi, M. le Président, qu'il aille dans le sens du congrès de son parti, plutôt que d'aller dans le sens de sauver un pays impossible et sans bon sens où on est traités comme des inférieurs. Il aurait suffi qu'il dise oui, M. le Président, ici même dans cette salle, dans ce salon bleu. Quand le chef de l'Opposition a tendu la main à son premier ministre, ce n'était pas une tactique, c'était réel. Il offrait à l'autre parti politique de faire ensemble la souveraineté du Québec, et l'offre tient encore. Mais il n'y a pas grand monde qui tend la main de l'autre côté. Quand, dans mon parti, on a dit: La patrie avant les partis, on le pensait et on le pense encore. Et ce n'est pas une attaque personnelle que de constater que le premier ministre, jusqu'ici, ne saisit pas l'opportunité sans précédent que la situation présente.

M. le Président, regardons un peu les chiffres; on est des femmes et des hommes politiques qui trouvent de l'importance dans certains chiffres comme ceux des sondages. Les deux partis ensemble iraient chercher au-delà des deux tiers des voix pour un oui dans un référendum. Ça nous mettrait dans une situation privilégiée pour négocier l'association avec le Canada anglais et réaliser la souveraineté. Je ne sais pas, M. le Président, si toutes celles et tous ceux qui, au congrès du Parti libéral, ont milité pour la souveraineté ont changé d'idée. J'ai tendance à croire que non parce que j'ai connu peu de personnes au Québec qui, après être devenues souverainistes, ont changé d'idée; et j'en connais qui ont toujours été et qui seront toujours fédéralistes. Je respecte ça et, si le député de Verdun veut dire, comme son idole, l'ancien premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau que, quand on sera souverain, il n'ira pas se pendre au grenier, je lui dirai: Eh bien non, on est tous compatriotes dans un pays et on respecte la démocratie.

La vérité, M. le Président, l'évidence, c'est que le gouvernement actuel veut défendre le Canada à tout prix, je dirais même au prix du Québec parce que ce qu'on nous prépare, c'est une offre acceptable pour le Canada anglais. M. le Président, il faut voir les choses en face. Qu'est-ce qui nous est dit? La prochaine ronde, c'est la ronde du Canada. On a des gens qui disent: On est né pour un petit pain. Il faut se contenter de ça. Reprenons les palabres pendant 30 ans encore. Moi, je pense, M. le Président, que je suis revenu en politique essentiellement pour deux raisons: la souveraineté nationale et la justice sociale. Je veux laisser à ma fille, à notre fille, un pays, c'est-à-dire un endroit dans le monde où on se sent chez soi dans l'ouverture sur le monde.

À cet égard, M. le Président, s'il y a une chose qui m'indigne, c'est bien d'entendre des gens comme Adélard Godbout, à l'époque, nous dire qu'on a besoin du Canada pour garder la démocratie parce que, tout seuls, on n'est pas démocratiques, tous ceux qui, comme Pierre Elliott Trudeau, nient qu'on soit une nation et disent qu'on est une tribu. Tous les nationalistes canadiens sont assez exceptionnels à cet égard parce qu'ils disent: Le nationalisme est essentiellement mauvais pour les Québécois, mais bon pour les Canadiens. Or, le nationalisme est une valeur en soi, de soi, et le Québec est un peuple, une nation dont même les dirigeants politiques américains reconnaissent qu'on a un territoire commun, des frontières clairement définies et, depuis deux siècles, une habitude de gouvernement démocratique. N'oublions jamais que nous sommes dans l'un des plus vieux Parlements du monde. Il y a eu des tribulations, mais la démocratie parlementaire britannique dont on a hérité est un atout. C'est un plus. On la gardera et on s'en servira dans un Québec souverain. (20 h 40)

M. le Président, parmi les peurs qui sont diffusées, particulièrement dans l'Outaouais, il y a le chantage à la job sur les gens qui travaillent pour le gouvernement fédéral. Et ça, on l'a vu à maintes reprises, des gens qui promènent des épouvantails en disant à nos compatriotes de l'Outaouais et aux fonctionnaires fédéraux de Montréal où il y en a une grosse concentration aussi: La souveraineté, ça veut dire perdre votre emploi.

M. le Président, je pense que c'est absolument sans fondement. Ce qui est évident, c'est que ce que la souveraineté implique, c'est que tous les impôts s'en viendront à Québec et que toutes les lois seront adoptées à Québec. Mais tous les pouvoirs s'en viennent au Québec,

qu'est-ce que ça veut dire? Ça veut dire que, quand les chèques de pension de vieillesse vont être faits par le Québec, ça va être le même personnel qui les faisait avant et, quand le ministère des Transports va être unifié, la garde côtière va continuer d'être faite par ceux qui font la garde côtière. La poste, on ne déménagera pas les bureaux de poste parce qu'on est devenus souverains.

Et, à cet égard, je voudrais mentionner que c'est une chance qu'on soit sous-représentés, nous, Québécois, dans la fonction publique fédérale. Quelques chiffres, M. le Président, mais je n'inonderai pas le salon bleu de chiffres. Il y a au Canada quelque chose comme 315 000, 320 000 employés du gouvernement fédéral, fonctionnaires ou travaillant à Postes Canada et dans d'autres sociétés d'État. Le Québec en représente à peu près 60 000: 25 000 fonctionnaires dans la région d'Ottawa-Hull plus Postes Canada. M. le Président, quand bien même le député de Papineau me dirait 26 000, je veux bien l'entendre, mais il devra attendre son tour pour parler. Là, pour tout de suite, c'est moi qui parle au nom des gens de Pointe-aux-Trembles. Je donnerai donc mes chiffres et le "buller" de Papineau donnera les siens un peu plus tard.

À cet égard, il y a une concentration d'à peu près 25 000 fonctionnaires fédéraux dans l'Outaouais, environ 20 000 à Montréal et, quand on ajoute Postes Canada et d'autres, ça fait à peu près 60 000. Ça veut dire que 17 % de la fonction publique du Canada est au Québec. Ce sont des syndiqués de la FTQ, leur centrale est pour la souveraineté et ils croient, comme nous, que ce n'est pas du tout quelque chose de farfelu de dire que le Québec souverain garantit la sécurité d'emploi à chacun et chacune d'entre eux, d'entre elles.

M. le Président, c'est parce qu'en même temps que les pouvoirs on va recevoir les impôts et, en même temps que les pouvoirs et les impôts, on va avoir les obligations et, pour remplir les obligations, bien, on va prendre la fonction publique fédérale qui est au Québec et on va l'intégrer dans le respect des conventions collectives qu'ils ont et en garantissant à chacun et chacune sa sécurité d'emploi.

Je voudrais souligner ceci, pour les fédéralistes inconditionnels: nous n'avons que 17 % de la fonction publique fédérale puis, pourtant, au Canada, on représente 23 % de la population. Là, je ne partirai pas sur une longue jérémiade en braillant parce qu'on est sous-représentés parce que, pour une fois, le handicap va devenir un avantage. Et pourquoi, M. le Président? Si on avait, dans la fonction publique fédérale, un nombre de fonctionnaires égal à notre population, soit 23 %, ça en ferait 20 000 de plus et il y aurait peut-être un problème parce qu'un des motifs pour faire la souveraineté, c'est d'arrêter les dédoublements coûteux qu'il y a entre les deux ordres de gouvernement.

Sait-on, M. le Président, qu'en formation de la main-d'oeuvre Québec et Ottawa ont ensemble 12 000 fonctionnaires, dont une partie de l'activité consiste à se faire des farces et attrapes et à faire des guerres de tranchées pour s'affirmer chacun au détriment de l'autre? Donc, M. le Président, premier avantage. Comme il nous manque 20 000 fonctionnaires fédéraux, si on avait la proportion qu'on a de la population comme fonctionnaires, ça veut dire qu'il y a 20 000 emplois de déficit, à peu près, et que les économies qu'on va faire vont nous permettre de garantir l'emploi de chacun, de chacune et de faire ça dans la paix et dans le respect des droits des fonctionnaires.

M. le Président, quand j'entends des gens ricaner, c'est que c'est des gens qui sont incapables d'imaginer le fait que le budget du gouvernement du Québec passerait de 35 000 000 000 $ à 60 000 000 000 $. On est capable de le gérer des deux bords de la Chambre. À cet égard, M. le Président, les fonctionnaires fédéraux n'ont rien à craindre de la souveraineté du Québec puisqu'on va prendre à la fois tous nos impôts qu'on donnait à Ottawa, tout notre pouvoir législatif et toutes les obligations. Ceux qui s'occupaient de la poste pour le fédéral vont s'en occuper pour le Québec. Ceux qui s'occupaient des chèques de pension de vieillesse de nos aînés vont le faire pour le Québec.

M. le Président, en terminant, je voudrais dire que le premier ministre et le ministre des affaires canadiennes ont tort de penser qu'ils vont nous passer un projet de loi qui dit autre chose que ce que recommandait la Commission Bélanger-Campeau. Ce qu'on a signé comme rapport à la Commission, faites-en une loi intégralement et on signera. Sinon, on croit que vous ne ferez jamais de référendum sur la souveraineté. On pense que c'est du trompe-l'oeil, que ce que vous voulez, c'est d'avoir un lac Meech plus la "beach", c'est-à-dire des grenailles. Ça, on ne marche pas là-dedans. Ce qu'on veut, c'est un référendum au plus tôt pour faire la souveraineté du Québec.

S'il n'y a pas de référendum, on vous battra à l'élection et on le fera nous-mêmes, le référendum.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député à ma gauche. M. le député de Papineau.

M. MacMillan: Au sujet de l'intégration des fonctionnaires fédéraux...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant. Est-ce que vous avez une question à poser à M. le député de Pointe-aux-Trembles? Article 213, vous êtes prêt à répondre, oui ou non? Alors, allez-y, M. le député de

Papineau. Courte question. Courte réponse.

M. MacMillan: Malgré le fait d'être accusé de "buller", on peut quand même poser des questions pour avoir des bonnes réponses. Dans un Québec souverain, quelles garanties M. le député de Pointe-aux-Trembles peut-il donner aux employés de l'Outaouais que suite à votre fameuse souveraineté, vous allez créer 26 000 jobs le lendemain matin? Donnez-moi des garanties. Quel impact économique ça va avoir pour ces gens-là?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Réponse, M. le député de Pointe-aux-Trembles, une courte réponse.

M. Bourbeau: M. le Président, c'est assez simple. On va aller chercher des impôts du fédéral, des obligations. Les personnes qui travaillaient pour remplir les obligations vont changer d'employeur et on s'engage formellement à garantir l'emploi de chacun et chacune. C'est ce que j'avais dit dans mon discours, mais je suis prêt à le répéter jusqu'à ce que le député de Papineau comprenne.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles. Alors, nous continuons le débat sur la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je reconnais M. le député de l'Acadie. M. le député.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. Je suis extrêmement heureux d'intervenir aujourd'hui dans le cadre de l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Il s'agit là, M. le Président, d'un projet de loi fort important pour l'avenir politique du Québec et du Canada. Avant d'aborder de façon plus précise l'essentiel du projet de loi 150, permettez-moi, M. le Président, de vous faire part de ma perception en regard de l'expérience canadienne que nous vivons depuis près de 125 ans.

Personnellement, M. le Président, je suis loin de considérer que l'expérience canadienne est un échec. Le Canada est un pays qui fait l'envie de tous les citoyens du monde. Le Canada est un des membres importants du groupe des sept pays les plus industrialisés. En termes de superficie, le Canada est un des plus grands pays au monde. La renommée internationale du Canada permet à notre pays d'exercer un pouvoir d'attraction énorme. Par ses institutions démocratiques, le Canada a pu jouer un rôle de premier plan dans le maintien de la paix et dans l'aide aux pays sous-développés. Le Canada est également un pays reconnu pour le respect des droits et des libertés individuelles qui valorisent la richesse des diverses communautés culturelles venues se joindre à nous pour développer ce pays. Tous ensemble, nous avons réussi, au cours des 125 dernières années, à bâtir le pays que nous avons présentement. (20 h 50)

À l'intérieur de ce contexte canadien, le Québec a évolué de façon remarquable, et ce, en particulier depuis le début de la Révolution tranquille. Le Québec est perçu à travers toute la francophonie comme une société extrêmement dynamique. Ce dynamisme est associé à une maîtrise de plus en plus grande de notre économie, au développement d'une vie culturelle intense, au fait que notre société est plus française qu'elle ne l'a jamais été, au respect que nous avons toujours manifesté à l'égard de nos compatriotes anglophones et des diverses communautés culturelles qui ont choisi de s'établir au Québec.

Je pourrais certainement continuer à énu-mérer les qualités nombreuses du Canada et du Québec, qualités qui, nous devons bien le réaliser, font l'envie des citoyens du monde. Le Canada n'est pas, à mon avis, une expérience négative. Au contraire, il faut reconnaître que ce que nous sommes présentement a pu se réaliser à l'intérieur du cadre constitutionnel canadien. Si, au cours des 10 dernières années, les limites du système fédéral canadien sont devenues plus apparentes, rien ne permet de conclure qu'il faille rejeter globalement ce contexte qui a fort bien encadré notre évolution. Présentement, une telle conclusion est simpliste, irréaliste et irresponsable.

Au fil des ans, la réalité sociopolitique canadienne a évidemment évolué, et le pays a dû faire face à des réalités nouvelles: développement culturel, environnement, communications, formation de la main-d'oeuvre, éducation, etc. Un certain nombre de décisions administratives ou politiques plus ou moins improvisées ont été prises dans un contexte trop souvent tributaire des jeux de pouvoir. Je pense ici en particulier au partage des juridictions. Il est évident et normal que les documents constitutionnels fondamentaux de notre pays n'aient plus la capacité d'encadrer de façon adéquate la réalité vécue présentement au sein de l'ensemble canadien où existe une grande diversité de besoins et d'aspirations.

Le statu quo constitutionnel est pratiquement rejeté de façon unanime par les autorités des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral. Tous sont parfaitement conscients que nous devons adapter le cadre constitutionnel canadien aux réalités nouvelles qui se sont développées de façon accélérée, au cours des 30 dernières années. Les tensions vécues au cours

de la dernière décennie sont en bonne partie générées par cette incapacité du cadre constitutionnel actuel de prendre en compte les aspirations profondes des divers segments de la société canadienne, et plus particulièrement la reconnaissance de la spécificité du Québec.

Ceci étant dit, passons maintenant au contenu même du projet de loi 150. Il est d'abord important de situer le cadre général dans lequel se présente la démarche de consultation prévue au projet de loi 150. Le préambule fait référence, de façon explicite, à l'attachement de notre société aux valeurs démocratiques et au respect des droits et libertés de la personne. De plus, le préambule reconnaît l'esprit de justice, d'ouverture et de respect des droits et des institutions de la communauté québécoise d'expression anglaise, de même que l'apport important des communautés culturelles au développement du Québec. Enfin, le Québec reconnaît explicitement aux Amérindiens et aux Inuit du Québec le droit de maintenir et de développer leur identité et leur culture propre et d'assurer le progrès de leur communauté.

Voilà, M. le Président, certains considérants fort importants qui doivent encadrer toute démarche de réflexion et de consultation quant au choix constitutionnel que nous aurons à faire. Dans ces considérants, nous reconnaissons la générosité et l'ouverture de notre société, et nous nous engageons à poursuivre dans le même sens.

Si le préambule reconnaît la nécessité de redéfinir le statut du Québec, il reconnaît l'existence de deux voies possibles quant à l'avenir politique et constitutionnel du Québec: le renouvellement en profondeur du fédéralisme rendant possible l'établissement d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle et la voie de la souveraineté politique du Québec.

À l'égard de ce choix important, le projet de loi reconnaît explicitement la volonté du Québec d'assurer l'égale compréhension de tous à l'égard des changements nécessaires pour rendre plus acceptable au Québec le système fédéral canadien, de même qu'à l'égard d'une juste définition de la souveraineté et de ses implications positives et négatives aux plans politique, économique, social et culturel. Essentiellement, la population devra être informée, de façon claire et complète, quant aux avantages et aux inconvénients de chacun de ces choix. C'est elle qui, démocratiquement, devra, en dernier ressort, choisir la voie de son avenir.

Pour réaliser ce cheminement dans la transparence, le projet de loi 150 prévoit la création de deux commissions. Une première commission, soit la commission d'étude de toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle, aura pour mandat d'apprécier toute offre faite au gouvernement du Québec par le gouvernement du Canada et de formuler, à cet égard, ses recommandations à l'Assemblée nationale. Quant à la seconde commission, celle de l'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, son mandat consistera à étudier et à analyser toute question relative à l'accession du Québec à la pleine souveraineté. Cette dernière commission devra également formuler ses recommandations à l'Assemblée nationale. Par le biais de ces deux commissions dont le travail sera public, les Québécois ainsi informés pourront faire un choix lucide et éclairé quant à leur avenir. Le gouvernement actuel considère comme essentiel d'assurer à tous les Québécois la plus grande compréhension possible de ces deux voies placées sur un pied d'égalité dans le projet de loi 150.

En fixant un délai dans la loi, soit 1992, le gouvernement veut s'assurer une obligation de résultat. Depuis de nombreuses années, les discussions d'ordre constitutionnel ont été nombreuses et ardues. La situation actuelle crée une incertitude néfaste aux plans politique, social et économique. En fixant ce délai, le gouvernement souhaite, tout comme le souhaite l'ensemble de la population du Québec, que cette réflexion et ces discussions aboutissent enfin à une solution satisfaisante. Le gouvernement actuel espère et est confiant qu'il y aura une entente sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle, permettant au Québec de poursuivre la réalisation de ses aspirations et de ses besoins à l'intérieur d'une structure constitutionnelle canadienne renouvelée. Si ce n'est le cas, le projet de loi prévoit la possibilité d'une consultation de la population quant à la question de la souveraineté. Compte tenu du déroulement des discussions entre le Québec et le Canada, il s'agit là d'un recours ultime prévu dans la loi pour sortir de l'impasse constitutionnelle présente.

Il est évident que l'Opposition actuelle et le gouvernement ont des visions fort différentes sur la question constitutionnelle. Avant même la consultation de la population du Québec par le biais de la Commission Bélanger-Campeau, le Parti québécois avait déjà établi sa position constitutionnelle et le travail effectué en commission constituait probablement plus pour l'Opposition un moyen de promotion de leur position souverainiste qu'une démarche visant à être à l'écoute des diverses alternatives proposées par la population québécoise.

Dans tout cet exercice de réflexion, l'attitude du Parti québécois ressemble beaucoup plus à une approche dogmatique qu'à une approche d'ouverture et d'analyse objective de la réalité constitutionnelle actuelle. Le Parti québécois, suivant un cheminement parsemé de méandres, allant de la souveraineté-association, avec ou sans trait d'union, en passant par le beau risque et l'affirmation nationale, en arrive maintenant à la promotion de l'indépendance pure et dure du Québec. Toute association ultérieure avec le reste du Canada est, dans ce contexte, purement

hypothétique, puisqu'il faudra que le reste du Canada y consente. Comme nous ne savons d'aucune façon quelle serait l'attitude du Canada, nous ne pouvons présumer qu'il y aurait ou non association et sur quels aspects en particulier. En somme, pour le Parti québécois, la solution aux difficultés constitutionnelles actuelles passe par l'indépendance complète du Québec, sans aucune garantie quant à d'éventuelles associations. Si la population est actuellement si ambivalente face à la question constitutionnelle, c'est que la notion de souveraineté, à laquelle certains se réfèrent comme une bouée de sauvetage, est fort ambiguë.

Évidemment, cette position constitutionnelle comporte des risques que le Parti québécois ne semble pas être tellement intéressé à discuter et à mettre sur la table. En effet, pourquoi l'Opposition du Parti québécois demandait-elle, il y a à peine quelques mois, qu'un référendum soit tenu immédiatement sur la souveraineté du Québec? On semblait vouloir forcer la population à prendre une décision des plus importantes en évitant une discussion ouverte et éclairée, basée sur l'analyse des avantages et des inconvénients de la souveraineté. On voulait, semble-t-il, bousculer les événements plutôt que de provoquer une réflexion profonde et complète sur la question constitutionnelle. Ce n'est pas de façon émotive et impulsive que la population choisira la voie de son avenir, surtout pas dans l'obscurité qu'aurait voulu entretenir le Parti québécois en voulant précipiter les événements. (21 heures)

Face à la position dogmatique du Parti québécois, le Parti libéral propose une approche plus réaliste, pragmatique et surtout ouverte à une analyse systématique des diverses alternatives possibles au niveau des choix constitutionnels. Je voudrais ici, M. le Président, citer un extrait du discours prononcé par le premier ministre du Québec, lors de la séance extraordinaire de l'Assemblée nationale tenue au moment de la création de la Commission Bélanger-Cam-peau, et je cite: "Ce qui va guider le gouvernement, ce n'est pas une formule politique plutôt qu'une autre, c'est l'intérêt supérieur des Québécois. Pour nous, la valeur suprême, c'est le progrès du Québec. Les formules politiques doivent être subordonnées, à notre point de vue, à cet intérêt au progrès du Québec."

Le gouvernement libéral a toujours pensé qu'un cadre constitutionnel canadien constitue une alternative privilégiée de développement pour la société québécoise, à la condition qu'il soit adapté à notre réalité contemporaine. Actuellement, le besoin d'amendement de notre cadre constitutionnel fait l'objet de la quasi-unanimité de toutes les autorités politiques, fédérales et provinciales. Le premier ministre du Québec et l'ensemble du gouvernement actuel n'ont jamais caché leur préférence pour le maintien d'un lien politique avec le Canada. D'ailleurs, le premier ministre a clairement indiqué la position du Parti libéral lors du dernier congrès plénier des membres tenu en mars dernier, et je cite: "On voit bien qu'il y a des possibilités d'arriver à un consensus sur cette question au sein du Parti libéral, mais également sur le fait qu'il nous faut développer le Québec à l'intérieur du Canada dans une structure fédérale. C'est le premier choix de l'ensemble du Parti libéral." Il mentionnait également, M. le Président: "Les Québécois veulent être reconnus, ils veulent pouvoir développer leur identité, assurer leur sécurité économique, et ils préfèrent que cela se fasse à l'intérieur de la structure canadienne."

Notre premier choix, comme gouvernement, c'est un système fédéral profondément transformé qui, tout en étant plus efficace, permettrait au Québec une plus grande maîtrise des pouvoirs nécessaires à son épanouissement comme société et une entente avec ses partenaires pour préserver et renforcer l'espace économique canadien.

Tel que précisé dans le projet de loi 150, le gouvernement actuel, élu démocratiquement par la population du Québec lors des dernières élections - ce que le Parti québécois se refuse d'admettre, semble-t-il - conserve sa pleine faculté d'initiative et d'appréciation des mesures favorisant le meilleur intérêt du Québec. C'est dans ce contexte que le gouvernement actuel assumera ses responsabilités, de concert avec l'Assemblée nationale.

M. le Président, j'appuie la position officielle de notre parti et du gouvernement actuel quant à la préférence du maintien d'un cadre constitutionnel canadien adapté aux réalités présentes et futures. À l'heure où les sociétés s'ouvrent sur la mondialisation des marchés, où les frontières tombent, où les divers pays s'unissent pour faire face aux nouvelles réalités sociopolitiques, il m'apparaît personnellement aberrant que nous pensions à un repli sur soi sans aucune garantie de ce que seront les règles d'interdépendance pourtant essentielles au développement de la société québécoise. Par exemple, lors de la présentation du dernier budget de l'Ontario, les réactions ont été vives dans l'ensemble des provinces canadiennes. À partir de cette illustration, le journaliste Jean-V. Dufresne mentionnait qu'il ne s'est trouvé personne pour prévenir les Canadiens que les rapports qui régiraient nos deux États devenus souverains seraient cent fois plus astreignants de part et d'autre que ceux qui nous régissent aujourd'hui à l'intérieur de la Confédération. Ceci démontre fort bien le caractère vital des liens économiques et politiques. Nous savons, M. le Président, ce que le fédéralisme nous a apporté comme société au cours des 125 dernières années, mais nous ignorons totalement ce que pourraient être les conséquences de l'indépendance. Le bon sens et la prudence nous commandent actuellement de s'en tenir à une expérience canadienne qui a déjà fait ses preuves et qui est loin d'être un

échec, comme beaucoup de ténors souverainistes le laissent entendre.

Je voudrais citer ici le journaliste Jean Pellerin qui, dans un article du 9 avril dernier dans le journal La Presse, faisait une lecture pragmatique de la réalité constitutionnelle actuelle, et je cite: "Des réformistes s'ingénient à semer la panique. Ils vont en répétant que le Canada est un pays qui ne fonctionne plus, que la langue et la culture françaises sont en péril, que les Anglais ne veulent plus du Québec, que le bilinguisme est une hérésie, que le Québec peut fort bien se débrouiller seul, bref que le Canada n'est plus notre pays et que seule la séparation réglerait nos problèmes. Le Canada mérite-t-il vraiment...

Une voix: Bravo!

M. Bordeleau: Si l'Opposition veut me permettre de finir la citation, vous pourrez ensuite... "Le Canada mérite-t-il vraiment toutes les accusations qu'on porte contre lui? Peut-on vraiment croire que rien ne va plus? Que le statu quo dont on s'est accommodé durant 123 ans serait à ce point devenu intolérable? Personne n'en est absolument sûr, on se complaît dans des généralités et dans l'a peu près. On n'arrive pas vraiment à démontrer en quoi le système cloche. Les diagnostics manquent de rigueur et on ignore si les remèdes qu'on prescrit sont curatifs ou mortels. Nous flottons dans le vague."

Une voix: Bravo!

Une voix: On ne sait pas où on s'en va.

M. Bordeleau: Présentement, M. le Président, je demeure convaincu que l'avenir du Québec serait mieux servi dans un cadre canadien profondément transformé, et en ce sens, j'appuie sans réserve la conclusion du journaliste Pellerin, qui terminait son article comme suit: "Vaut mieux un Québec jouissant d'une personnalité forte et influente dans un Canada en progrès, qu'un Québec isolé face au processus irréversible de la mondialisation de l'économie."

En appuyant le projet de loi 150, M. le Président, je souhaite vivement que le Québec reçoive des propositions intéressantes du reste du Canada. Ce faisant, il faut être bien clair et comprendre que notre gouvernement et notre parti ne deviennent pas aujourd'hui des défenseurs de la souveraineté. En appuyant le projet de loi 150, nous appuyons le principe d'une consultation sur l'avenir constitutionnel, advenant qu'il ne soit pas possible de renouveler à la satisfaction du Québec et des partenaires canadiens le cadre constitutionnel qui nous régit actuellement.

En manifestant son obstruction à l'adoption du projet de loi 150, l'Opposition du Parti québécois fait preuve d'irresponsabilité en affaiblissant la position du Québec et, surtout, en refusant à la population le droit d'être bien informée sur son avenir, par la création des deux commissions parlementaires prévues. Même M. Claude Béland reconnaissait récemment, devant l'Ordre des comptables agréés, que ce projet de loi reflète bien le consensus établi à la Commission Bélanger-Campeau, contrairement à ce que mentionnait tout à l'heure le député de Pointe-aux-Trembles. Plusieurs concitoyens avouent ne pas comprendre l'Opposition et comment celle-ci peut arriver à voter contre ce qu'elle réclame depuis longtemps, soit un référendum sur la souveraineté. On doit alors conclure, M. le Président, que l'Opposition du Parti québécois veut faire de la politique partisane en évitant que toute la lumière soit faite pour éclairer nos concitoyens, avant que ces derniers aient à faire un choix important. Ayez au moins la décence d'attendre de voir les offres avant de porter un jugement négatif et fantaisiste, comme l'a fait ce matin, de façon théâtrale, le whip de l'Opposition et député de Lac-Saint-Jean.

Quant à moi, M. le Président, je souhaite vivement que, faisant preuve d'ouverture et de flexibilité, nous pourrons tous ensemble arriver à transformer le cadre constitutionnel canadien, de sorte que nous pourrons continuer à assurer le développement de la société québécoise et favoriser son épanouissement en tant que société distincte. M. le Président, nous réussirons parce qu'il y va de l'intérêt du Québec et du Canada.

Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

M. Boulerice: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Est-ce qu'en vertu de notre règlement mon honorable collègue, député de l'Acadie, accepterait une question?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de l'Acadie, est-ce que vous acceptez de répondre à une question?

M. Bordeleau: Oui.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, question brève, réponse brève.

M. Boulerice: M. le Président, compte tenu de l'éloge qu'il a fait de la Charte canadienne des droits et libertés, est-il toujours en accord avec le député libéral de Jean-Talon, ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, que la Charte québécoise des droits et libertés

est supérieure à la Charte fédérale?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de l'Acadie, une courte réponse.

M. Bordeleau: La position actuelle du gouvernement libéral est la même qui avait été défendue au moment de l'accord du lac Meech.

Une voix: Bravo! Bien répondu!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de de l'Acadie. Mme la députée de Johnson, je vous rappelle que vous intervenez sur la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 150. Vous disposez d'un temps maximum de 20 minutes. Allez-y, Mme la députée.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. M. le Président, je pourrais relever plusieurs choses que le député de l'Acadie a dites dans son intervention, entre autres que le premier ministre avait une idée claire que lors de leur conseil général, au mois de mars, il a exprimé clairement... Je ne sais où il a vu la clarté. Le samedi, il était nationaliste et souverainiste, et le dimanche, il était fédéraliste. Je ne sais si c'est ça qu'il appelle quelque chose de clair.

Il dit: II ne faut pas aller dans le sens de la souveraineté parce qu'on ne sait pas ce qui va nous arriver. On sait ce qui se passe à l'intérieur du Canada, mais on ne veut pas savoir ce qui va se passer à l'extérieur. On aime mieux marcher à genoux, on aime mieux être les valets de porte et les valets de chambre, et on aime mieux être les subalternes du Canada anglais. Si c'est ça qu'il veut, il a bien beau vouloir ça, mais nous, ce n'est pas ça qu'on veut. (21 h 10)

Après une semaine de valse-hésitation, M. le Président - parce que rappelez-vous: c'était le 5 juin que la loi 150 devait être appelée ici à l'Assemblée nationale. Le mercredi 5 juin, le leader du gouvernement est arrivé en Chambre. Il a dit: Nous n'appellerons pas le projet de loi 150. Là, il a fait un petit show en disant: L'Opposition officielle ne veut pas voter pour et on ne comprend rien là-dedans. Le projet de loi 150 transmet exactement ce que la Commission Bélanger-Campeau voulait faire et vous ne voulez pas voter pour. Il faisait semblant de ne pas comprendre. Il faisait semblant de ne pas comprendre ce qu'il y avait dans le projet de loi 150. Sauf que ça n'a même pas fait une journée. Le soir, c'était la convention dans Montmorency. Le premier ministre était là avec un paquet de députés pour montrer que c'était toute une équipe. Le premier ministre a dit: On va le rappeler, le projet de loi. Ça fait une semaine. C'était une belle claque dans la face pour son leader. Mais il l'a rappelé et, aujourd'hui, on en discute. Il a été appelé ce matin, le projet de loi 150.

Le projet de loi 150, si ça avait traduit exactement ce que la Commission Bélanger-Campeau avait dit, et juste ça, pas toutes sortes d'autres choses, pas tout le rapport Allaire et ainsi de suite, l'Opposition officielle aurait voté pour, M. le Président. Souvenez-vous qu'en juin, en juin l'année dernière, lorsque Meech est mort, souvenez-vous que M. Parizeau, notre chef, a dit au premier ministre: Je vous tends la main. Si vous voulez faire la souveraineté, des démarches en vue de la souveraineté du Québec, je vous tends la main. Vous aurez l'appui de l'Opposition officielle. Si le premier ministre n'avait pas été aussi flexible qu'il est, qu'il a été et qu'il sera toujours, l'Opposition officielle aurait secondé, aurait aidé le gouvernement à faire la souveraineté du Québec. Mais ce n'est pas ça, M. le Président. On nous a amené un projet de loi avec un long corridor. Il y avait une porte pour la souveraineté, une porte pour le fédéralisme renouvelé, une porte pour le fédéralisme flexible, une porte pour le fédéralisme variable, une porte pour le fédéralisme viable et une porte pour le fédéralisme intégré.

M. le Président, c'est un projet de loi comme une passoire. C'était plein d'échappatoires pour le gouvernement. Comment pensez-vous que l'Opposition officielle puisse donner son aval, son accord à un projet de loi comme ça quand ça traduit exactement le contraire de ce que l'on souhaite depuis que le Parti québécois est venu au monde, c'est-à-dire faire la souveraineté du Québec? On ne peut décemment pas voter pour un projet de loi comme celui-là et on ne le fera pas.

M. le Président, notre formation politique n'est pas à se demander si on devrait faire la souveraineté ou si on ne devrait pas faire la souveraineté. On a dépassé ce stade-là ça fait fort longtemps. On est rendu à se demander comment on va la faire. Qu'est-ce qu'il adviendra des gens, des Québécois, des hommes et des femmes? Quelle sorte de vie ils auront à l'intérieur de ce pays en devenir? On est rendu là, M. le Président. On a dépassé le stade que le projet de loi 150, loin d'être le projet de loi qu'on souhaitait... On a dépassé ce stade-là. On va passer par les étapes, bien sûr. On ne se battra pas à travers la réglementation. La loi, on ne l'approuvera pas non plus parce que ça n'a pas de bon sens. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président. On ne peut pas tomber dans un piège aussi grand que celui qu'on vient de nous tendre.

Comme vous le savez, M. le Président, comme je vous l'ai dit tout à l'heure, on est à se demander comment on va le faire. Et vous savez que mes responsabilités ici, à l'Assemblée nationale, ce sont nos aînés. Donc, j'ai, par le fait même, à cause de cette responsabilité, rencontré des centaines et des centaines de

personnes âgées au Québec, les dirigeants d'associations comme la Fédération de l'âge d'or, l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités, le Forum des citoyens âgés, les personnes qui sont à l'intérieur du CLSC et du CRSSS qui ont les dossiers des personnes âgées. J'ai rencontré tout ce monde là et ils m'ont exprimé clairement comment ils souhaiteraient être acceptés dans un Québec souverain.

Ces rencontres m'ont permis de dégager les principales mesures que l'on retrouve présentement, M. le Président, dans la proposition de politique des aînés du Parti québécois qui a été adoptée en janvier dernier lors de notre congrès. Ces propositions-là, ce programme-là du Parti québécois, c'est fait pour comment nos aînés seront traités à l'intérieur d'un Québec souverain. Vous voyez, M. le Président, qu'on n'est plus à se demander si on devrait ou si on ne devrait pas faire la souveraineté. Nous, on dit comment on va la faire et comment vivront les gens à l'intérieur de ce Québec souverain. Seulement pour vous indiquer qu'on est tout fin prêt si, demain, on avait l'avantage de changer de côté à cause d'une élection, vous savez très bien qu'on va enclencher le processus de la souveraineté et vous savez très bien qu'à l'intérieur de notre programme nous sommes prêts à envisager ce que sera la vie des Québécois à l'intérieur d'un Québec souverain.

Vous savez, depuis le décès de l'accord du lac Meech, il y a bien des choses qui se sont passées au Québec. C'a été beaucoup plus rapidement que ça ne l'avait été depuis mai 1980, depuis le référendum de mai 1980. Les gens ont été blessés, blessés dans leur plus profond intérieur, blessés de voir des Canadiens anglais marcher et brûler notre drapeau, blessés de voir qu'on n'acceptait pas les cinq conditions minimales du gouvernement que nous avons présentement, blessés de voir qu'on ne voulait pas reconnaître qu'on était différents, qu'on avait une culture différente. Donc, les choses sont allées beaucoup plus vite, les choses se sont accélérées.

Il y a eu la Commission Bélanger-Cam-peau - tous mes collègues en ont parlé et tous les collègues de l'autre côté aussi - où il y a eu plus de 600 mémoires. Presque la totalité revendiquait un vrai référendum sur la souveraineté du Québec et, M. le Président, la Fédération de l'âge d'or du Québec était présente. La Fédération de l'âge d'or du Québec était présente et a présenté un mémoire le 18 décembre. Quand la Fédération de l'âge d'or est venue à la Commission Bélanger-Campeau, on avait un mandat en poche, un sondage. Comme tout le monde, je pense, comme les associations respectueuses de leurs membres, ils ont fait un sondage. La Fédération de l'âge d'or représente, M. le Président, 170 000 membres, dont 1000 clubs répartis à travers le Québec. Ce n'est pas une petite cabane à patates frites sur le coin de la rue. C'est une association où il y a beaucoup de membres, beaucoup d'aînés qui font confiance à cette association-là qui est venue présenter un mémoire à la Commission Bélanger-Campeau.

Aux commissaires, la FADOQ a dit qu'il y avait eu ce sondage où 1380 membres avaient été rejoints. 93 % des répondants jugeaient indispensable la protection des services de santé pour assurer l'avenir dans un Québec souverain. Je pense que c'est tout à fait juste que, lorsqu'on songe à faire un pays du Québec, il faut absolument songer à la qualité de vie des gens qui vont y vivre. Quand on pense à la qualité de vie de nos aînés, c'est eux qui nous ont aidés à bâtir le Québec, donc il faut penser comment ils vivront à l'intérieur de ce Québec souverain.

Pour améliorer la qualité de vie de nos aînés, il faut faire la promotion du vieillissement, d'une image positive du vieillissement et, deuxièmement, réduire les inégalités sociales et économiques qui existent entre les personnes âgées. Pour obtenir une image positive, il faut arrêter de percevoir nos aînés comme s'ils étaient un fardeau pour la société, alors qu'environ 70 % n'utilisent même pas les soins de santé et de services sociaux. Ils sont relativement autonomes, ils demeurent chez eux et ils ont soin d'eux par eux-mêmes; ils n'ont pas besoin. (21 h 20)

II n'est plus vrai non plus, M. le Président, qu'on est vieux parce qu'on a 65 ans, qu'on est vieux parce qu'on a été obligé de prendre notre retraite ou qu'on y a été contraint. Ce n'est plus vrai, ça, M. le Président. C'est de la fausse représentation que des gens malveillants font. Un Québec souverain, ça se construit avec tout le monde, des jeunes, des moins jeunes, des aînés, des autochtones. Ça se construit aussi avec nos minorités culturelles. Bref, ça se construit avec tous les hommes et les femmes qui croient qu'en donnant le meilleur d'eux-mêmes ils auront, par le fait même, un pays qui leur ressemble.

Deuxièmement, pourquoi vouloir réduire les inégalités sociales et économiques qui existent entre les personnes âgées? Parce qu'il est injuste de vivre moins longtemps et avec une qualité de vie diminuée parce que l'on vient d'un milieu défavorisé économiquement ou socialement; parce qu'on ne doit pas tolérer qu'une personne aînée ne soit pas protégée face à la violence familiale, à la violence, aussi, physique et psychologique qu'ils peuvent recevoir dans les institutions; parce que l'accès aux services gouvernementaux auxquels on a pourtant tous droit nous est rendu difficile en raison des barrières géographiques, linguistiques ou culturelles ou, pire encore, parce qu'on est vieux.

Je pense ici aux personnes âgées qui passent plus de temps dans les couloirs de salles d'urgence tout simplement parce qu'elles sont plus âgées. Ça, c'en est une belle inégalité sociale. Comment peut-on espérer réduire ces

inégalités si l'on continue de s'en remettre à deux paliers de gouvernement? Vous comprenez pourquoi nous sommes en faveur d'un Québec souverain pour que nos aînés puissent avoir l'ensemble de leurs services à l'intérieur du pays du Québec.

Dans ce même questionnaire - sondage sur l'option constitutionnelle, 16 % des répondants ont dit qu'ils voteraient pour un Québec indépendant pur et dur et 53 % sur la souveraineté du Québec avec une association économique. Ça équivaut à 69 % d'aînés qui ont voté en faveur de la souveraineté du Québec, comme citoyens et citoyennes à part entière à l'édification du Québec de demain. Pour ce faire, les aînés revendiquent une voix qui soit entendue là où se prennent les décisions, revendication fort légitime, je crois, que notre formation politique a très bien comprise puisque, dans notre programme toujours, la création d'un conseil des aînés a été adoptée à notre dernier congrès et que nos aînés auront ce Conseil des aînés, un conseil non seulement consultatif, mais décisionnel, relevant du premier ministre et de l'Exécutif du gouvernement.

Voilà, M. le Président. Nous avons déjà une mesure qui sera en force dès qu'on sera de l'autre côté de la Chambre et dans un Québec souverain.

Et, enfin, la question posée le plus souvent, donc la question la plus insécurisante pour les personnes âgées: Dans un Québec souverain, allons-nous perdre nos pensions? Vous savez, si les aînés ont toujours, aujourd'hui, certains d'entre eux, peur de perdre leur pension du gouvernement du Canada, c'est qu'il y a des gens sans coeur, qui ont des déviations importantes, je pense, qui font peur à nos aînés en leur disant qu'ils vont perdre leur pension s'ils votent pour un député du Parti québécois.

M. le Président, ma réponse, aux 672 000 pensionnés du gouvernement du Canada et à tous ceux et celles qui s'ajouteront à ces 672 000 pensionnés, est non, non et non. Vous ne perdrez pas vos chèques de pension. La seule différence, c'est que, dans le coin gauche de votre chèque, au lieu d'avoir une feuille d'érable, il va y avoir une fleur de lys puis vos chèques vont venir du Québec et non du gouvernement du Canada. C'est la seule différence. Comment on va faire ça? L'année passée, on a donné 25 000 000 000 $ en taxes et en impôt au fédéral. Les pensions des aînés ont coûté un petit peu plus de 3 000 000 000 $. 3 000 000 000 $, M. le Président. Quand on va arrêter d'en donner 25 000 000 000 $, la Régie des rentes du Québec, qui a déjà un actif de 10 000 000 000 $, sera bel et bien placée pour administrer les pensions de nos personnes de 65 ans et plus. 3 000 000 000 $ qui reviennent du fédéral; nous pourrons, après ça, verser la pension aux gens qui ont atteint l'âge de 65 ans. Alors, aucune espèce d'inquiétude, les chèques de pensions vont entrer à temps à tous ceux qui y ont droit et il n'y aura aucune espèce de différence. J'espère avoir été en mesure de faire comprendre à nos aînés que les inquiétudes, c'est fini. Ce n'est pas le Québec souverain qui est une menace, M. le Président. C'est le gouvernement fédéral.

Rappelez-vous que, dans le premier mandat de Brian Mulroney, il a essayé de désindexer les pensions de nos aînés. Qu'est-ce qu'ils ont fait? Ils sont montés à Ottawa et ils ont dit: Assez, c'est assez! On ne se laissera pas faire. Les aînés ne savent pas à quel point leur pouvoir est important. Ils ont fait reculer Brian Mulroney. Qu'ils ne viennent pas nous dire que c'est le Québec qui est une menace pour nos personnes âgées. C'est le fédéral qui est une menace pour nos personnes âgées, et il va aller gruger ça dans les taxes et les impôts, et la TPS en plus deçà.

M. le Président, une belle affaire. Ce n'est pas le gouvernement du Québec dans un Québec souverain qui est une menace. Loin de là. C'est clair comme l'eau qui coule dans le ruisseau, M. le Président. Il n'y aura aucune espèce d'inquiétude dans un Québec souverain. Les aînés seront traités avec tous les égards qu'un gouvernement dans un Québec souverain pourra leur donner.

Vous savez, M. le Président, dans la vie, lorsqu'il y a une décision importante à prendre, on se retourne vers nos aînés et on leur demande leur avis. Je pense qu'il n'y a rien de plus précieux que l'expérience de la vie lorsque vient le temps d'engager l'avenir de tout un peuple. Ils ont donné, lors des assises de Bélanger-Campeau, un bel exemple de la confiance qu'ils accordent à ceux qui veulent se tenir debout et exiger du fédéral qu'on nous respecte, nous, les Québécois, qu'on les respecte, eux, les aînés. Qu'on arrête de leur faire peur avec toutes sortes de Bonhomme Sept Heures. Ils sont assez intelligents pour comprendre que ça n'a pas de bon sens de leur faire des peurs comme ça, M. le Président.

Ça n'a pas de bon sens de leur dire, en 1991, que ceux qui n'ont que leur pension du gouvernement fédéral ne la recevront pas s'ils votent pour un des députés du Parti québécois. C'est une honte et les personnes qui font encore ça aujourd'hui devraient être pénalisées. Elles devraient être pénalisées pour avoir fait peur à une personne âgée, M. le Président. C'est inacceptable et jamais, de notre côté, on n'acceptera une chose semblable.

Si nous ne voulons pas voter pour ce projet de loi, c'est qu'il n'est pas conforme. Qu'on le rende conforme à ce que Bélanger-Campeau a demandé, à ce que les nôtres ont signé, c'est-à-dire un référendum, un vrai référendum sur la souveraineté, vous ne verrez aucune obstruction de notre côté, M. le Président. Ça sera fait et bien fait, et ça va se faire, un, deux, trois. Mais de la façon dont le premier ministre se comporte avec ses amis du fédéral, sa flexibilité nous

inquiète drôlement, M. le Président. Et c'est pour ça que la confiance, de notre côté, elle n'existe pas. C'est pour ça que nous ne pourrons pas, mais absolument pas, s'il n'y a pas un changement radical dans la loi 150 en ce qui a trait au référendum sur la souveraineté, jamais on ne pourra voter pour cette loi-là, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Johnson. Sur le même sujet, Mme la députée de Mégantic-Compton, je vous cède la parole. Vous avez droit à une période maximale de 20 minutes. (21 h 30)

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de fierté que je participe à ce débat historique qui sera sûrement déterminant pour l'avenir du Québec. Les événements que nous avons connus le 23 juin dernier, alors que l'accord constitutionnel du lac Meech était rejeté par deux provinces récalcitrantes, venaient ainsi remettre en cause notre avenir politique et constitutionnel. M. le Président, cet échec de l'accord de juin 1987 a permis de démontrer que la formule d'amendement constitutionnel, telle qu'elle existe actuellement depuis 1982, n'était plus fonctionnelle. Ces événements ont également permis de renforcer l'idée, chez tous les Québécois, que l'heure était maintenant venue de s'unir, au-delà de toute partisanerie politique, afin de travailler ensemble à redéfinir le statut constitutionnel qui devait désormais appartenir au Québec.

Afin d'atteindre cet objectif, notre gouvernement instituait, le 4 septembre dernier, conformément aux dispositions de la loi 90, la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, mieux connue sous l'appellation de Commission Bélanger-Campeau. Au terme d'audiences publiques qui se sont échelonnées sur un peu plus de deux mois, les membres de la Commission déposaient, le 27 mars dernier, un rapport qui, on se souviendra, avait fait l'objet d'un important consensus.

Le projet de loi 150, qui est aujourd'hui devant cette Chambre, donne suite à la première recommandation de ce rapport qui, d'ailleurs, se lisait comme suit: "La Commission recommande à l'Assemblée nationale l'adoption, au printemps 1991, d'une loi établissant le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du québec." le rapport bélanger-campeau recommandait également la tenue d'un référendum sur la souveraineté du québec, soit entre le 8 et le 22 juin 1992, soit entre le 12 et le 26 octobre 1992, de même que l'institution de deux commissions parlementaires spéciales, l'une ayant pour mandat d'étudier toute question relative à l'accession du québec à la souveraineté, l'autre ayant pour mandat d'apprécier toute offre de nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du Canada au gouvernement du Québec.

À la lumière de ces affirmations, nous sommes ainsi en mesure de constater que le projet de loi 150 correspond en tout point aux recommandations du rapport Bélanger-Campeau, tant dans son esprit que dans son contenu. Cependant, avant d'élaborer davantage sur les principes qui sous-tendent le projet de loi 150, j'aimerais ouvrir une brève parenthèse afin de démontrer comment l'histoire récente des 30 dernières années s'apparente à la situation que nous connaissons présentement. En effet, de "Maîtres chez nous" de Jean Lesage à "Un Québec libre de ses choix" de Robert Bourassa, le gouvernement libéral du Québec a accompagné, depuis plus de 30 ans, la longue marche des Québécois vers une autonomie politique de plus en plus grande. Ainsi, chaque fois qu'il en a eu l'occasion au cours de l'histoire, le Québec a affirmé son caractère distinct. Aucune autre province n'a adopté une approche aussi autonomiste dans ses relations avec Ottawa ou n'a réclamé des modifications aussi substantielles à la Constitution.

Les revendications du Québec depuis les 30 dernières années allaient toutes dans le même sens, soit la recherche d'un nouvel ordre constitutionnel entre Québec et Ottawa. Dès l'aube de la Révolution tranquille, le nationalisme traditionnel s'est fait plus revendicateur. Par exemple, le Québec a été le seul à profiter, en 1964, de la formule d'"opting out" qui permettait à une province de se retirer de certains programmes sans pénalité financière. Ainsi, sous la gouverne de M. Jean Lesage, le Québec se retirait de 28 programmes à frais partagés. De plus, il décidait de ne pas participer au Régime de pensions du Canada et mettait sur pied son propre régime de pensions. Afin d'administrer ce dernier, il créait la Caisse de dépôt et placement du Québec.

En juin 1965, M. Lesage publiait un opuscule intitulé "Un Québec fort dans une nouvelle Confédération", réclamant ainsi une réorientation radicale, un statut particulier pour le Québec au sein de la Fédération canadienne. En 1967, René Lévesque présentait aux libéraux son projet "Pour un Québec souverain dans une nouvelle union canadienne". Cependant, ce projet fut rejeté au profit du statut particulier préconisé par Paul Gérin-Lajoie dans un document intitulé "Le Québec, une société distincte". Ce document préconisait, en outre, un nouveau partage des pouvoirs, une constitution québécoise et la préparation de propositions sur la nouvelle Constitution du Canada.

Inévitablement, l'arrivée au pouvoir du premier ministre Trudeau à Ottawa et sa vision très centralisatrice du Canada s'inscrivaient à l'encontre des revendications québécoises qui luttaient contre l'uniformité des politiques

fédérales. En avril 1978, M. Claude Ryan devenait chef du Parti libéral du Québec et réaffirmait ses convictions fédéralistes. La publication, en janvier 1980, du livre beige intitulé "Une nouvelle Fédération canadienne" reprenait, en grande partie, les vues de M. Ryan en faveur d'un fédéralisme renouvelé fortement décentralisé.

De retour au pouvoir en décembre 1985, M. Robert Bourassa proposait, dans le cadre de son programme "Maîtriser l'avenir" les conditions d'acceptation de la nouvelle Constitution. L'accord constitutionnel du lac Meech, conclu en juin 1987 avec l'assentiment de tous les premiers ministres provinciaux, comportait les cinq conditions minimales qu'exigeait le Québec afin de réintégrer le pacte confédéral de 1982 et de redevenir un partenaire à part entière dans la Fédération canadienne. Cependant, trois ans plus tard, le grand rêve de la réconciliation nationale de Brian Mulroney s'évanouissait devant l'obstination du Manitoba et de Terre-Neuve. L'échec de l'accord du lac Meech, survenu le 23 juin 1990, venait ainsi confirmer, par le fait même, l'échec du système fédéral actuel, l'échec de la formule d'amendement contenue dans la Loi constitutionnelle de 1982.

Ce bref aperçu historique nous permet de constater que ce n'est pas d'hier qu'on parle de réformer nos institutions, qu'on remet en cause la place du Québec dans la Fédération canadienne. Chacune des diverses options politiques qui s'offraient au Québec depuis 1960 avait pour dénominateur commun la recherche, pour le Québec, de son autonomie pour exprimer pleinement sa spécificité culturelle, sociale, politique et économique. C'est pourquoi, dans la continuité historique de tout ce qu'elle a décidé depuis les trois dernières décennies, notre formation politique veut un changement en profondeur dans les relations entre les gouvernements du Québec et du Canada. C'est dans ce contexte qu'a été préparé le projet de loi 150 qui fait l'objet du présent débat. Ce projet de loi constitue une étape fondamentale dans la démarche constitutionnelle amorcée en juin 1990 par le gouvernement libéral du Québec, au lendemain de l'échec de l'accord du lac Meech.

M. le Président, au cours des quelques minutes qui me sont encore disponibles, j'aimerais procéder à un examen plus approfondi des principales dispositions prévues dans ce projet de loi. D'abord, je considère important de souligner la rigueur et la fidélité avec lesquelles le projet de loi 150 répond aux recommandations du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Comme je l'ai déjà mentionné au début de mon intervention, ce projet de loi respecte en tout point l'esprit, la lettre et le contenu du rapport Bélanger-Campeau. D'ailleurs, le tout premier considérant du préambule du projet de loi mentionne expressément "le rapport, les conclusions et les recommandations de la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du

Québec".

L'objectif premier du projet de loi 150 porte sur la création de deux commissions parlementaires spéciales, soit la commission d'étude des questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté - j'y crois tellement peu que j'ai de la misère à prononcer le mot, M. le Président!

Une voix: Bravo! (21 h 40)

Mme Bélanger: ...et la commission d'étude sur toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle. L'institution de ces deux commissions répond principalement à la volonté du gouvernement libéral du Québec d'assurer l'égale compréhension de tous les Québécois, tant à l'égard des changements nécessaires pour rendre acceptable au Québec le système fédéral canadien qu'à l'égard d'une juste définition de la souveraineté et de ses implications politiques, économiques, sociales et culturelles.

Ainsi, M. le Président, en plaçant les voies d'un nouveau fédéralisme et de la souveraineté sur un pied d'égalité, en établissant un juste équilibre entre les commissions parlementaires chargées d'étudier chacune de ces deux voies, le projet le loi 150 apparaît non seulement fidèle à la démarche exposée dans le rapport Bélanger-Campeau, mais il permettra également une étude réfléchie et détaillée de chacune de ces options. Par conséquent, la population du Québec sera mieux informée sur chacune des voies qui s'offrent à elle, ce qui lui permettra de faire un choix lucide et éclairé lors du prochain référendum de 1992.

M. le Président, outre la commission chargée d'étudier les coûts et les impacts de la souveraineté, le projet de loi propose également l'institution d'une commission chargée d'apprécier toute offre d'un nouveau partenariat constitutionnel avec le gouvernement fédéral. Suite au récent discours du trône prononcé à Ottawa, nous avons bon espoir que le fédéral fera des offres raisonnables au Québec et ce, dans les délais convenus et fixés par le Québec. Nous sommes ainsi confiants de recevoir des offres acceptables en vue d'un fédéralisme renouvelé puisque notre formation politique a toujours démontré clairement, au cours des trois dernières décennies, cette ferme volonté de pouvoir s'entendre avec ses partenaires canadiens.

M. le Président, le gouvernement libéral du Québec reconnaît que les Québécois veulent pouvoir développer leur identité et assurer leur sécurité économique, mais ils préfèrent que cela se fasse à l'intérieur de la structure canadienne. C'est pourquoi le premier choix de notre formation politique repose sur le fait que nous pouvons développer le Québec à l'intérieur du Canada. Notre premier choix repose donc sur un fédéralisme profondément transformé, qui permettra au Québec de posséder tous les pouvoirs

nécessaires pour promouvoir, épanouir son identité, tout en favorisant l'essor de son développement économique. Voilà, M. le Président, les objectifs fondamentaux du présent gouvernement libéral.

Enfin, en ce qui concerne les dispositions touchant la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec, le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales a maintes fois précisé que cet exercice démocratique impliquant la population du Québec ne saurait porter sur autre chose que la pleine souveraineté. À cet égard, M. Rémillard a clairement expliqué qu'il faut d'abord considérer la souveraineté dans un concept seul et comme un tout. Il faut d'abord voir la souveraineté en fonction de son impact, de sa réelle signification économique. Ensuite, on pourra discuter d'association si d'autres partenaires canadiens veulent bien s'associer, mais une chose doit être claire, c'est qu'on ne peut présumer au départ, si on devient souverain, que les autres partenaires vont vouloir s'associer. Par conséquent, un référendum sur la souveraineté ne peut porter que sur cette seule option et non sur une association hypothétique.

En conclusion, M. le Président, au cours des mois qui viennent, les réflexions comme les étapes que franchira le Québec détermineront notre avenir. Fort du travail accompli par la Commission Bélanger-Campeau, le gouvernement libéral reconnaît l'urgence de mettre fin à l'incertitude en proposant, conformément aux dispositions du projet de loi 150, une démarche claire qui devra remédier à l'impasse constitutionnelle actuelle et mener à des résultats concrets et hâtifs. m. le président, la voie qui sera proposée aux québécois, que ce soit un fédéralisme profondément transformé ou la souveraineté, devra assurer le développement de la société québécoise en conformité avec ses besoins et ses aspirations. cette voie devra également satisfaire à certains principes, à savoir préserver l'espace économique canadien, respecter et protéger les droits et libertés de la personne ainsi que ceux des communautés anglophones, allophones et autochtones. enfin, elle devra s'avérer une solution efficace pour la stabilité économique et politique du québec.

En somme, M. le Président, le maintien de la qualité de vie et de la sécurité économique des Québécois constituera le principe fondamental qui guidera la démarche de notre gouvernement au cours des prochains mois. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée. Oui, M. le député de Shefford.

M. Paré: Est-ce que ma collègue, députée de Mégantic-Compton, accepterait de répondre à une question?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la députée, est-ce que vous acceptez de répondre à une question?

M. Boulerice: La transparence du fédéralisme.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, Mme la députée accepte. Une courte question, une courte réponse.

M. Paré: Oui, une très courte question, M. le Président. Est-ce que Mme Madeleine Bélanger choisit toujours la souveraineté-association comme elle l'a dit dans La Tribune de Sherbrooke, le 27 juin dernier?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Bélanger: M. le député de Shefford, vous avez eu la réponse dans mon discours. Nous attendons les propositions claires et nettes du fédéral, les propositions exigées par le Québec. Si nous avons ces propositions dans.... Si vous voulez lire l'article au complet, vous allez avoir les réponses. Si on n'a pas les propositions demandées, on verra.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Sur le même sujet, M. le député de Jonquière, vous disposez de 20 minutes.

M. Dufour: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le député.

M. Francis Dufour

M. Dufour: le débat sur le projet de loi 150 créant des commissions pour nous amener vers un référendum me semble un débat qui porte à faux. d'abord, ceux qui prônent la souveraineté sont contre; ceux qui sont vraiment des souverainistes, ceux qui propagent ou maintiennent l'idée depuis de nombreuses années sont contre ce projet de loi; et ceux qui ont toujours eu des positions ambiguës, plutôt couchés que debout, sont pour.

Cette attitude que nous avons a été bien comprise de la population, puisque, dans le dernier sondage, 20 % seulement de la population du Québec croit qu'il y aura un référendum. Donc, je pense, et on peut l'affirmer à partir de ce sondage, que la population n'est pas dupe des entourloupettes et de la façon de fonctionner de ce gouvernement pour qui, tantôt, c'est un oui qui veut dire non, et un non qui veut dire oui, et un peut-être qui veut dire jamais. C'est ce qu'on rencontre et ce qu'on voit dans ce projet de loi. Ça nous permet de dire que la façon dont

il est écrit... Lorsqu'on écoute ma collègue qui vient de parler avant moi, ma collègue de Mégantic-Compton, qui nous dit qu'elle a de la difficulté à prononcer l'accession à la souveraineté parce qu'elle n'y croit pas, comment vous voulez que ces gens-là soient quelque peu crédibles? Donc, s'il n'y a pas de changements fondamentaux, faudra bien qu'on se dise et qu'on constate une fois pour toutes que le fédéralisme, c'est fini. Il ne faut pas être naïf non plus à un point tel qu'on ne reconnaisse pas, sur le plancher... parce que je voudrais parler avec le monde, le vrai monde, pas avec des gens dont l'idée est toute faite, qu'il n'y a pas moyen de convaincre, je veux parler avec le vrai monde. Je veux profiter de cette occasion pour leur dire et leur faire constater avec moi le cheminement du fédéral dans les dernières années.

Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on dénonce les actions du fédéral à travers le Québec. La double juridiction du fédéral dans les provinces a causé des torts considérables. Je veux juste prendre pour acquis la façon dont ce gouvernement-là, le gouvernement fédéral, est cassé et la façon dont il se comporte sur le territoire du Québec. Ils nous font accroire qu'ils se promènent les poches bourrées d'argent et ils viennent nous dire, à des municipalités, à des groupes: Nous autres, on a la réponse à tous vos problèmes. Venez nous voir, on a de l'argent en masse. On est prêt à vous en donner. Depuis 40 ans, ce gouvernement-là, en passant par les travaux de chômage, les projets de développement à l'emploi, avec la formation professionnelle et dans toutes les actions, a réussi à gaspiller les fonds publics, depuis 40 ans, sans créer le moindre emploi. C'est ça, les problèmes fondamentaux. C'est ça, les problèmes de juridiction que le fédéral a faits. Il ne faut pas se conter des histoires. (21 h 50)

Comment le gouvernement fédéral intervient-il? Il y a des députés au fédéral qui n'ont rien à foutre et qui viennent se promener sur le territoire du Québec. Et quelle est la façon de se donner de la visibilité? C'est d'approcher des groupes communautaires et de leur dire: On aurait peut-être une petite subvention à vous donner si vous voulez aller dans ça. Je ne dis pas que les subventions ont été complètement perdues, mais ça n'a pas créé de l'emploi. Ce n'est pas une question de favoriser l'économie. C'est une question de se gagner des votes. Quand on va rencontrer des groupes et qu'on leur donne des petits guidis et des petits montants pour toutes sortes de choses, bien, c'est ça qu'on fait, c'est essayer de se gagner des votes. Et le fédéral en a abusé fortement.

Je connais des actions dans mon propre comté où le député fédéral a donné des subventions qui touchent carrément le domaine de la santé, qui créent des besoins ou qui répondent à des besoins que le Québec n'est pas capable de remplir, ce qui fait qu'à la fin de l'opération ces gens-là sont déçus parce que le Québec ne pourra pas prendre la relève. On a fait une opération de trois ans, gaspillage de fonds publics qui, au bout de trois ans, ne rapportera absolument rien. C'est ça que le fédéral fait depuis 40 ans. C'est ça qu'on a fait.

Qu'on regarde dans le domaine des loisirs, la même chose. J'ai vécu une expérience comme maire de ma municipalité. Le député fédéral voulait donner des montants d'argent faramineux pour aider des groupes, pour aider la municipalité à améliorer ses équipements de loisir. Ils ont donné 400 000 $. Savez-vous comment ça a coûté à la municipalité, ce cadeau-là? Ça m'a coûté 900 000 $. Et, si je ne m'en étais pas mêlé, ça aurait coûté plus que 1 000 000 $. C'est ça que ça fait, les cadeaux du fédéral. Quand l'argent vient du fédéral - et on en a eu la preuve encore dernièrement - il y a des gens qui ont dit: Que ça vienne de n'importe où, ça ne nous dérange pas. Mais attention, ça ne vient pas de n'importe où, ça vient de nos poches. Ça vient d'un pays cassé. C'est ça, le drame. Ils viennent nous offrir de l'argent et il y a des gens qui ont le front de dire: Ça ne nous dérange pas que ça vienne de n'importe où. Mais les priorités du Québec sont où, dans tout ça? C'est quoi, les priorités du Québec? De quelle façon est-on favorisé? Il y a des gens qui sont contents de vivre dans ce régime-là, avec des 15 % et des 20 % de chômage quand ça va mal; quand ça va bien, c'est 10 % quand ça va mal, 15 % à 20 %. Il y a des gens qui sont bien repus, qui sont bien traités au Québec, actuellement, dans le pays. Eux autres, ils n'ont pas de problèmes. Mais ça ne vous interroge pas, comme individus, de savoir qu'il y a du monde qui crève? Vous ne recevez pas de monde dans vos comtés qui viennent vous dire qu'il n'y a plus rien à faire?

La preuve que le fédéralisme est fini, c'est ça. On n'est pas capables de répondre à des besoins de population, et qui en souffre? C'est nos gens. Il y a des gens qui ont le front de venir nous dire: Ça va bien. Il faut laisser ça comme ça. Ou: Faisons des petits accommodements. Faisons de la petite dentelle puis on va arranger nos problèmes. Moi, je vous dis que c'est pas mal triste que des gens se laissent interpeller puis qu'ils n'aient pas plus le coeur de répondre à leur conscience; parce que c'est un cas de conscience, ça, faire voir qu'il y a autant de misère là aussi. Et l'autre drame que le Canada peut vivre, c'est qu'il ne peut plus galvaniser ni amener des gens à penser pays. C'est un pays qui est fini, à mon point de vue, et c'est un pays qui ne peut pas galvaniser les gens les plus... les faiseurs d'opinion, comme les leaders dans la société. C'est ça, son drame et son drame, il se termine; c'est une agonie. Il faudrait avoir le courage de le dire. Et ça fait quoi dans nos municipalités?

Je pense bien qu'il faut bien constater que la réaction du fédéral a des répercussions dans

nos municipalités. On impose des actions, on impose des événements à nos municipalités qui, elles, ont à les vivre, ces événements-là. La politique monétaire du fédéral, qui est en fait une politique pour favoriser l'Ontario, cause des dommages considérables à nos municipalités parce que, quand les taux d'intérêt sont à la hausse, les municipalités les paient, ces taux d'intérêt. Les manques d'investissement que nos municipalités ne font pas, ne peuvent faire, c'est encore des coûts néfastes du fédéral dans nos milieux et c'est comme ça que nos gens sont...

Prenez, quand on fait de la promotion industrielle et que le gouvernement fédéral a d'autres préoccupations, le fédéral et le Québec, dans ces domaines-là, dans les municipalités, jouent contre les citoyens. Dans le fond, les gouvernements fédéral et provincial sont en compétition. Est-ce qu'on a besoin de deux gouvernements pour se compétitionner parce que, quand on se bat pour la même chose, les deux, à savoir lequel est le plus populaire, lequel est le plus puissant, lequel est le plus fort et lequel est le plus beau, c'est les autres qui paient la note. C'est nous autres, les citoyens du Québec, qui paient cette note-là de cette dualité.

On ne dit pas au Canada comment il doit fonctionner avec les autres provinces. On lui dit que, pour le Québec, c'est néfaste. Si les autres provinces sont contentes et s'en accommodent, qu'on les laisse aller. Bonjour la visite. Bonjour, merci. C'est ça qu'on doit dire. Il faut avoir le courage au moins de nos opinions.

Toute cette dualité de juridiction a été néfaste et ça a joué contre les municipalités. Qu'est-ce qui se passe à cause de ça? L'appauvrissement de nos régions. Il ne faut pas se le cacher. Nos municipalités rurales se vident, la "ruralité" de nos municipalités. Ce n'est pas pour rien qu'on a des groupements qui, actuellement, essaient de se prendre en main, que ce soit en Gaspésie ou dans d'autres régions du Québec. Même Montréal subit ces problèmes-là. Mais pourquoi il n'y a rien pour les aider? Pourquoi on n'est pas capables de faire de développement économique? Pourquoi les municipalités crient et demandent plus de pouvoirs? Elles demandent à Québec, mais Québec ne peut pas donner ce qu'il n'a pas. C'est ça, notre empêchement, c'est ça l'empêchement de se prendre en main et de se développer. Parce qu'on ne peut pas vivre avec deux pères. C'est ça qu'on a. C'est ça la situation de nos municipalités. Quand ça ne va à une place, on va ailleurs; quand ça ne va pas ailleurs, on va à la première place. Et on se promène de l'un à l'autre. Je ne pense pas que ça fasse une société saine parce qu'il y a trop d'ambiguïtés. Il faut que ça arrête.

Il y a des gens qui disent: Si on n'est pas contents, on va aller de l'autre bord. Bien oui, mais ça ne change pas le problème. On va se punir l'un et l'autre. Il va falloir qu'on se dise, comme en toute démocratie qui se respecte, quand on n'est pas contents du gouvernement qui nous gouverne, on le sacre dehors et on le remplace par un autre. Ça, c'est la vraie démocratie. Ce n'est pas en sautant d'un gouvernement à l'autre et en se promenant... Ça a donné des résultats négatifs. Ça a donné des résultats coûteux. Il ne faut pas se le cacher. On aura beau parler de la situation économique du Canada, il faut parler de la nôtre, notre situation. C'est pas mal mieux que celle d'Ottawa.

En 1980, il y avait encore des gens qui faisaient de l'épouvantail à moineaux en disant: Ne faites pas l'indépendance, votez non au référendum, vous savez bien que ça va bien au Canada. Il n'était pas endetté dans ce temps-là. Peut-être qu'il y avait des gens qui avaient raison de dire que ça allait bien, mais à 400 000 000 000 $ de déficit, 400 000 000 000 $ de dettes, de quelle façon vous allez me dire que ça va bien? Qui va nous faire accroire ça quand ils nous coupent les péréquations, les paiements de transfert ici au Québec? Qui paie pour ça? Ils sont en frais de nous étouffer. C'est les seuls gens qui disent: On veut votre bien et on le prend. C'est ça qu'on est en frais de faire. Et qu'est-ce que ferait un Québec souverain et indépendant? Parce que, quand on s'oppose au projet de loi 150, M. le Président, c'est vraiment parce qu'on veut un vrai référendum qui parie des vrais problèmes du monde puis qui trouve des vraies solutions. Comment pourrait se comporter le Québec par rapport à des municipalités qui, depuis de nombreuses années, demandent de nouveaux pouvoirs pour répondre mieux aux problèmes d'aujourd'hui? Le Québec, en étant souverain, récupère du fédéral, en taxes, 25 000 000 000 $. J'avais le goût de dire que les 25 000 000 000 $ sont à la disposition des municipalités. Ce n'est pas tout à fait comme ça que ça se présenterait, vous comprenez bien. Il y a des engagements, ma collègue de Johnson l'a dit. Il y a 3 000 000 000 $ qu'on réserve pour les personnes âgées. Il y a certainement des montants qui sont réservés pour la culture. Il y a certainement des montants qui sont réservés pour la santé. Mais il y a sûrement des montants qui pourraient être disponibles pour nos municipalités.

Que pourraient faire les municipalités avec les montants qui sont disponibles? Il serait temps, immédiatement, que des gens, des leaders d'opinion dans nos régions commencent à réfléchir, à savoir ce qu'ils veulent comme développement, ce qu'ils veulent faire avec les moyens qu'ils ont. Et ce, en concertation avec le milieu. Il serait possible actuellement d'organiser, de demander a des gens de réfléchir sur cette question. Les questions qu'on doit se poser. De quelle façon se comporteraient nos régions dans un Québec indépendant? Dans la façon de se comporter, est-ce qu'on a les moyens de se payer autant d'organismes sur le territoire du Québec? Est-ce qu'on a les moyens de se payer autant de

groupes de décideurs dans notre société? C'est une question fondamentale.

Ça serait important qu'on commence à réfléchir pour savoir à qui on va donner ces pouvoirs. Que chacun ait son pouvoir, ça devient dérangeant parce qu'il n'y a pas de coordination et c'est difficile d'amener des gens vers quelque chose, vers des actions concrètes. Donc, moi, je pense que les municipalités sont bien placées parce qu'elles ont déjà des personnes élues, ce sont des gens qui sont déjà représentants de leur milieu, représentantes de leur milieu. À ce moment-ci, ils pourraient commencer à réfléchir sur ce qu'ils pourraient faire en commun. (22 heures)

Est-ce que les municipalités, actuellement, peuvent faire suffisamment d'actions dans leur milieu? Est-ce qu'elles doivent s'occuper de la santé? Est-ce qu'elles doivent s'occuper du monde scolaire? Est-ce qu'elles doivent s'occuper du développement économique? Elles le font déjà. Est-ce qu'elles doivent s'occuper du développement touristique? Est-ce qu'elles doivent s'occuper du domaine culturel? Est-ce qu'elles doivent s'occuper des mouvements ou des groupes, des actions d'ensemble qui intéressent la région? C'est tout ça qu'elles doivent se demander. Est-ce qu'elles doivent répondre du vieillissement de la population? Comment on fait pour garder nos gens? Est-ce qu'elles peuvent s'occuper de la formation? Tout ça, ce sont des questions de fond.

On doit réfléchir là-dessus. Si la conclusion vient et si les gens décident qu'elles peuvent en faire plus, il ne faut pas se le cacher, je pense qu'au Québec, on a réussi, au contraire de ceux qui pensent de nous repetisser, moi, j'ai la certitude que les Québécois et les Québécoises ont réussi des actions extraordinaires. Ils l'ont démontré dans des domaines; la caisse populaire Desjardins, la fédération des caisses, je pense, est un élément important qu'on peut souligner. La Caisse de dépôt, ce n'est pas dans nos plus mauvaises réalisations. La Régie de l'assurance automobile, qui a fait l'objet de quolibets et aussi d'opposition innommables de la part du Parti libéral, lorsque le Parti québécois l'a mise sur pied, ça me semble être des réalisations sur lesquelles ont a le droit de se reposer et d'être fiers.

Les coopératives qui existent dans nos milieux sont aussi le fait de gens qui ont bien voulu se prendre en main et qui font l'objet de notre fierté. Il y a encore de la place pour d'autres succès. Je pense qu'il ne faut pas avoir honte, il ne faut pas avoir peur du succès. Il ne faut pas avoir peur de croire que nos gens sont capables d'en faire plus. Et c'est cette union-là des gens chez nous qui décidera, par exemple, de travailler plus fort pour développer l'emploi. Ça sera une de leurs responsabilités. Le Québec et le fédéral n'ont pas réussi à développer d'emplois. Pourquoi? Ils sont trop loin des problèmes.

On est trop loin des problèmes. Est-ce qu'on ne devrait pas avoir un fonds disponible pour la création d'emplois, pour aider les entreprises? Au lieu de ratatiner et de rapetisser, il ne serait pas le temps de donner un essor à ces gens qui pensent et qui croient que le développement économique repose sur leurs épaules à eux? Qu'on arrête de penser que ça dépend toujours des autres. Il serait peut-être le temps de s'essayer. Le gouvernement, le Canada s'est bien essayé avec le BAEQ - toute l'opération qui s'est passée en Gaspésie - mais il n'a pas réussi grand-chose parce que les villages se sont vidés. Les villages sont dans la pire déprime qu'on peut penser, et la seule consolation qu'on peut dire à ces gens-là: Ça pourrait être pire. Consolez-vous, ça pourrait être pire. Vous êtes habitués à la misère.

C'est ça qu'on nous offre actuellement. C'est ça qu'on offre à nos régions. C'est ça qu'on leur offre, d'aller priver ou de les vider de leur substance parce qu'actuellement, ce qu'on fait, c'est qu'on enlève la moelle, l'important de nos municipalités; on leur enlève des montants d'argent. On prend nos personnes les plus pauvres et on leur en enlève plus en pensant que ça va aller mieux. Plus avec moins, comme si c'était possible. Il s'agit de regarder la façon dont le gouvernement actuel se comporte avec nos régions, avec l'ensemble de nos municipalités pour se rendre compte que le gouvernement fédéral a fait tellement mal que les municipalités sont poignées dans le jeu. C'est ça, le prix du fédéralisme et c'est ça, le prix d'un gouvernement qui n'a pas suffisamment de pouvoirs parce que, même si on a le pouvoir, il faut avoir au moins la possibilité d'exercer ce pouvoir-là. Dans un Québec souverain, c'est évident que le gouvernement du Québec aurait des comptes à rendre à sa population, qu'il aurait aussi des responsabilités à exercer envers son milieu.

Moi, je crois qu'on a actuellement un certain nombre de structures qui sont en place. On les appelle les municipalités, on les appelle les municipalités régionales de comté. Ces groupes-là peuvent facilement, parce qu'elles l'exercent en partie, se mettre à la tâche de développer l'emploi dans leur milieu. Elles peuvent essayer de récupérer et de développer le Québec à leur manière. Le Québec, c'est l'ensemble de ces régions et, actuellement, on n'a pas cette impression-là parce qu'on a réussi à démantibuler ou à débâtir nos régions. Nos régions crient vers Québec, crient vers Ottawa et elles crient tout court, à tel point que, encore une fois, il y a des gens qui disent ouvertement: Que l'argent vienne de n'importe où, ça ne nous dérange pas, on le veut cet argent-là. Mais encore faudrait-il que ça s'inscrive dans une démarche qui permette à une société de mieux se développer. Moi, je ne pense pas qu'on doive subir indéfiniment les problèmes causés par les autres.

II y a des gens qui ont encore peur. J'en vois qui ne sont pas assis à leur siège, M. le Président, puis ils sont là, ils n'écoutent pas, ça ne les dérange pas. Ils sont ici pour s'amuser.

M. Boulerice: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le député de Jonquière. Je m'excuse. J'ai une question de règlement. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Mais, M. le Président, n'y a-t-il pas dans notre règlement un qui indique que les députés occupant le fauteuil qui leur a été assigné par vous, M. le Président, gardent le silence?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 32.

M. Boulerice: Je vous demanderais de rappeler à l'ordre le député de Verdun, le député de Jean-Talon et autres.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, effectivement, en vertu de l'article 32, les députés doivent occuper les banquettes qui leur sont assignées. M. le député de Jonquière, en vous rappelant que vous disposez de deux minutes pour terminer votre intervention.

M. Dufour: Oui, M. le Président. Je veux juste rappeler que j'avais dit au départ que je voulais parler avec le vrai monde et le vrai monde n'était pas en face de moi. Ça me dérangeait... Il est peut-être dans ce coin-là. Et je pense que vous auriez intérêt non seulement à m'entendre, mais à m'écouter, M. le député.

M. le Président, en concluant, je voudrais dire qu'il y a des programmes actuellement qui sont administrés par le gouvernement du Québec qui pourraient être renforcés, parce que le gouvernement fédérai est à enlever du paysage. Ça pourrait permettre de mieux centrer nos efforts et mieux nous développer. Il n'y a personne ici qui peut soutenir que deux gouvernements, ça fait mieux qu'un gouvernement quand on a... À moins que ce ne soit une concertation sans égard, mais ça n'existe pas. Même avec un gouvernement profédéraliste et fédéraliste à tout crin, ça ne marche pas. C'est tellement vrai que c'est peut-être là, les plus grandes intrusions du fédéral au Québec, vers le Québec, c'est quand il y a deux gouvernements qui pensent qu'ils couchent ensemble. Il y a peut-être d'autre chose qui se passe et on n'est pas trop, trop au courant.

M. le Président, je veux juste conclure en disant que, si le gouvernement n'apporte pas de changements ou de modifications importantes à la loi, nous serons obligés malheureusement de voter contre. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Jonquière. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Oui, M. le Président. Le député de Jonquière, me permettrait-il de lui poser une question sur la taxation municipale...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant. Est-ce que vous consentez, M. le député de Jonquière?

M. Dufour: II peut bien y aller.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a consentement. Allez-y.

M. Bélisle: La taxation municipale et le fardeau total de toutes les municipalités d'un Québec souverain. Un Québec souverain maintiendrait-il le fardeau fiscal de toutes les municipalités du Québec au niveau actuel de 6 112 000 000 $, sinon, s'il était diminué, combien le gouvernement d'un Québec souverain transférerait-il en subventions ou en dollars aux municipalités et où prendrait-il l'argent?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): La question est posée. Réponse, monsieur...

M. Dufour: M. le Président, vous comprendrez que je ne peux pas répondre en deux mots à une question aussi large et aussi complexe. Je peux dire une chose, par exemple. Dans l'état actuel, à cause des intrusions du fédéral et le manque à gagner, parce qu'il ne transfère pas l'argent actuellement, ça cause tellement de problèmes au gouvernement actuel qu'il est obligé de taxer plus. Ce que j'ai dit, et je l'invite à relire ce que j'ai dit tout à l'heure sur les 22 000 000 000 $, parce que j'en laisse aux organismes qui en ont besoin et il faut donner à ceux qui n'en ont pas ou à ceux qui ont des pensions garanties, la différence pourrait servir sûrement à créer des fonds de développement régional et autres.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Jonquière. Alors, sur le même sujet, à savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 150, je reconnais maintenant Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: M. le Président...

M. Boulerice: ...collègue parle et tout le monde sait le respect que j'ai pour elle...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant. Alors, si vous avez une question de règlement, M. le député de Sainte-

Marie-Saint-Jacques, attendez que je vous reconnaisse. Est-ce que vous avez une question de règlement?

M. Boulerice: Article 32, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Quelle partie de l'article 32?

M. Boulerice: M. le Président, l'article 32 n'est-il pas que les députés doivent occuper le fauteuil que vous leur avez assigné et écouter attentivement le discours de l'intervenant? Je vous demanderais de rappeler à l'ordre M. le député de l'Acadie...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre!

M. Boulerice: M. le député de Berthier qui vient de se calmer, M. le député de LaFontaine qui n'est pas branché et M. le député de Hull qui, lui...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non. Un instant.

M. Boulerice: ...est ambigu... (22 h 10)

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Oui, allez-y, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: M. le Président, le député n'a pas le droit de passer des commentaires semblables. C'est à vous de faire appliquer le règlement, c'est votre devoir.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): C'est ce que j'ai fait, M. le leader adjoint du gouvernement. La question de règlement a été soulevée. Entre temps, les députés ont regagné leurs banquettes. Mme la députée de Groulx, on vous écoute.

Mme Madeleine Bleau

Mme Bleau: M. le Président, c'est pour moi un immense honneur de prendre la parole dans le cadre d'un débat aussi important pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Le projet de loi 150 a principalement ceci comme avantage, c'est qu'il respecte en tout point l'esprit et la lettre du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. De plus, la mise en place de ce projet de loi permettra tout au long de son processus que la démocratie soit vécue de façon rigoureuse et complète.

Les choix qui seront offerts aux Québécoises et aux Québécois seront présentés dans un contexte de liberté d'expression, de respect des règles démocratiques et politiques de notre cadre de vie de société. Chacun de nous sera informé adéquatement des implications qu'entraînera tel ou tel choix. Cela m'apparaît particulièrement important, à un moment que je qualifierais d'historique. Le Québec a parfaitement le droit de choisir son avenir politique et constitutionnel. Le gouvernement libéral veut s'assurer que ce choix soit réalisé dans un cadre de parfaite connaissance de l'une ou l'autre des options.

À cet égard, le projet de loi 150 est élaboré de façon à respecter ces règles élémentaires, des règles de respect de la démocratie auxquelles tient mordicus le chef du gouvernement libéral, M. Robert Bourassa. Pour lui, il est clair que la population québécoise ne doit en aucun temps être bousculée dans un sens ou dans l'autre par l'option qui est offerte pour déterminer notre avenir.

Dans le projet de loi 150, j'attire votre attention sur la constitution de deux commissions parlementaires qui auront un mandat précis en rapport avec l'une ou l'autre des options. D'abord, celle relative à l'étude des impacts de la souveraineté. À cet égard, le chapitre II du projet de loi prévoit que cette commission aura pour mandat d'étudier et d'analyser toute question relative à l'accession du Québec à la pleine souveraineté. Les Québécoises et les Québécois ont le droit légitime de savoir l'impact véritable des coûts qu'engendrerait une telle éventualité pour le Québec. Il n'est pas question pour le gouvernement libéral que ce choix s'effectue, comme le voudrait l'Opposition officielle, dans le vide. En parlant de souveraineté, l'article 3 du projet de loi précise qu'elle signifie - et je cite - "la capacité exclusive du Québec, par ses institutions démocratiques, de faire ses lois, de prélever ses impôts et d'agir sur la scène internationale pour conclure toute forme d'accord ou de traité avec d'autres États indépendants et participer à plusieurs organisations internationales."

Cette même commission aura pour mandat, dans l'hypothèse où le gouvernement du Canada ferait une offre formelle d'un partenariat économique, d'étudier et d'analyser une telle option. Par la suite, elle acheminera ses recommandations à l'Assemblée nationale. Comme on le voit, il n'est pas question de bousculer qui que ce soit dans le sens d'une option bien précise. Il faut laisser aux Québécoises et aux Québécois le loisir de choisir l'option pour l'avenir constitutionnel et politique du Québec.

Une autre commission parlementaire sera mise sur pied en vue d'étudier une offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle qui pourrait être présentée par le gouvernement du Canada. Sur ce point, le gouvernement libéral a affiché clairement ses couleurs. Son premier choix, comme gouvernement, c'est un système fédéral profondément transformé. Il n'est pas question pour le Québec d'accepter, de la part du gouvernement canadien, une offre qui serait

insatisfaisante, compte tenu de nos besoins et de nos aspirations. Ce système fédéral profondément transformé devrait, à tout le moins pour le Québec, être plus efficace. Il devrait nous permettre de parvenir à une situation où l'on posséderait les pouvoirs nécessaires à l'épanouissement du Québec comme société. Ce système fédéral profondément transformé devra également faire en sorte que le Québec s'entende avec ses partenaires du reste du Canada pour préserver et renforcer l'espace économique canadien. C'est là un point essentiel. Le premier ministre du Québec l'a déjà mentionné: Toute option retenue par les Québécois devra tenir compte de notre sécurité économique.

Dans le passé, j'ai souvent entendu dire, par des personnes qui ne partagent qu'une vision du Québec de demain, que l'indépendance devait être réalisée, et ce, à n'importe quel prix. Je ne crois pas que la majorité des Québécoises et des Québécois soit de cet avis. La population veut, à tout le moins, être informée de façon complète et rigoureuse sur les impacts des options envisagées pour notre avenir politique et économique. Dans le cas d'un système fédéral profondément transformé, la population québécoise tiendra à savoir en quoi celui-ci améliorerait notre qualité de vie.

Le même raisonnement vaut pour une option axée autour de la souveraineté. Le Québec devra trouver son compte, si tel était le voeu de la majorité de la population, pour également assurer sa sécurité économique. Personnellement, j'estime que le Québec ne peut effectuer une sorte de rupture avec son passé. Il doit, au contraire, s'inscrire dans une ligne de continuité, d'une part, mais également d'épanouissement maximal de la société québécoise, d'autre part. L'histoire du Québec ne s'est pas fondée sur un seul référendum ou sur une seule option politique. Différents gouvernements se sont succédé depuis les 25 dernières années et ont permis au Québec de compter parmi l'une des sociétés les plus modernes au monde. Qu'il s'agisse de la période de 1960 à 1966, où le Québec s'est érigé un système économique, social et culturel qui a fait l'envie de bien d'autres provinces du Canada, qu'il s'agisse également d'une période aussi prospère que les années 1970 ou 1973, où de grandes réformes ont pu voir le jour grâce aux initiatives du gouvernement libéral, qu'il s'agisse de la période qui suivit 1976, où d'autres réformes sont venues compléter l'état du développement économique et social du Québec.

Certes, depuis 1985, un virage important s'est effectué. Nous avons dû assumer une meilleure gestion des fonds publics, dans le cadre de rationalisation, et parfois, il ne faut pas se le cacher, dans le cadre de choix difficiles à effectuer. Il fallait, en tout premier lieu, tenir compte de la capacité de payer des Québécois, afin de doter le Québec de services suffisamment acceptables pour en assurer la qualité et la quantité.

Je reviens sur le projet le loi 150, plus précisément sur les offres de partenariat qui pourraient venir du gouvernement canadien. À ce sujet, comme je l'ai mentionné plus tôt, une commission d'étude sera instituée, dont le mandat consistera à regarder de près, à apprécier toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle qui pourrait être soumise au Québec par le gouvernement fédéral et de formuler à cet égard des recommandations à l'Assemblée nationale. De plus, le projet le loi 150 précise que toute offre d'un nouveau partenariat de cette nature devra lier formellement le gouvernement du Canada et les autres provinces. (22 h 20)

Voilà en quoi consistent les éléments essentiels de l'autre option qui sera offerte aux Québécoises et aux Québécois. Car, je le répète, notre premier choix comme gouvernement, c'est un système fédéral profondément transformé qui serait plus efficace tout en permettant au Québec de s'épanouir pleinement.

À ceux qui voudraient avancer que le Parti libéral du Québec préconise une sorte de statu quo constitutionnel, je dis qu'ils sont dans l'erreur. Il est désormais clair pour le gouvernement libéral, si l'on se fie aux différentes commissions d'étude qui ont été mises sur pied, y compris la Commission Bélanger-Campeau, que deux voies s'offrent désormais au Québec. Une première consiste en cette réforme en profondeur de la structure actuelle du fédéralisme canadien. Une seconde fait référence directement à la souveraineté. En tout état de cause, il est également établi dès maintenant que seuls les Québécois sont habilités à déterminer librement leur avenir politique et constitutionnel.

Ainsi, quoi qu'il décide, le Québec sera appelé à relever des défis importants à l'aube des années 2000. Sur cela, j'aimerais faire une parenthèse, M. le Président. Plus exactement, je tiens à rendre hommage au chef du Parti libéral du Québec et du gouvernement québécois, M. Robert Bourassa, lequel a toujours insisté pour se battre au nom des intérêts supérieurs du Québec. De plus, sa perspective moderne du développement du Québec a fait en sorte que, depuis le début des années soixante-dix, le Québec a su prendre la place qui lui revient et se comparer avantageusement aux autres sociétés modernes.

En faisant référence à quelques grandes réalisations du Québec depuis les 20 dernières années, je ne saurais oublier que c'est le chef actuel du gouvernement québécois qui a inspiré, dans une large mesure, les paramètres de ces grandes réalisations. C'est bien un gouvernement libéral qui a fait du français la langue officielle du Québec, le français dans les communications, le français au travail. C'est bien un gouvernement libéral qui a créé des leviers économiques importants comme la Caisse de dépôt et placement du Québec, la Société de développement

industriel, l'implantation de l'assurance-maladie, l'implantation de l'assurance juridique, etc. C'est enfin un gouvernement libéral qui a imprégné le sens d'un développement économique moderne, lequel tient compte des ressources de l'ensemble des régions. À ces dernières, j'ajouterai que le premier ministre du Québec a su inspirer les jeunes en proposant des plans globaux d'intervention, notamment sur le plan économique et, en cela, ils peuvent être fiers également de le prendre comme modèle. Enfin, le premier ministre du Québec est doté d'un réalisme absolu, en ce sens que jamais il n'accepterait d'engager le Québec sur une voie dangereuse si la sécurité économique des Québécoises et des Québécois était remise en question.

Par rapport à notre formation politique, les gouvernements libéraux qui se sont succédé ont également inspiré de grandes réalisations. Au début des années soixante-dix, cette période est caractérisée par la mise en place de vastes réformes dans les domaines économique, social et culturel. Donc, le système québécois actuel n'est pas à rejeter totalement, en ce sens que le régime canadien nous a permis jusqu'à maintenant de franchir des pas de géant afin que le Québec prenne le rang des sociétés modernes.

Cependant, le moment historique auquel nous sommes confrontés fait suite à l'échec de l'accord du lac Meech. Il est évident pour le gouvernement libéral que l'heure des compromis est maintenant passée et que tout le processus du projet de loi 150, ainsi que la tenue éventuelle d'un référendum, ont tous comme point de départ et point d'arrivée une seule idée, l'obligation du résultat. C'est donc au nom d'une meilleure maîtrise de notre avenir que le Québec sera appelé à se prononcer sur la voie qu'il désire emprunter à une époque particulièrement importante dans son histoire.

Le projet de loi 150 concourt de façon non équivoque à permettre de créer un climat favorable afin que les Québécoises et les Québécois choisissent librement leur destin. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Groulx. Alors, sur le même sujet, je reconnais maintenant M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. André Boulerice

M. Boulerice: M. le Président, à travers vous, c'est aux Québécoises et aux Québécois que je m'adresse et très assurément aux femmes et aux hommes du centre-sud et du Plateau-Mont-Royal, qui ont toujours été fidèles à leur patrie; au Québec.

M. le Président, la souveraineté va permettre concrètement le rétablissement de la loi 101 - je vois en Chambre le ministre qui l'a tellement mal défendue à l'époque où il s'en occupait, le député de Rosemont - le rétablissement de la loi 101, M. le Président, par un plein contrôle sur notre avenir linguistique. Et je peux assurer immédiatement les minorités au Québec que ce Québec souverain, ce Québec français n'aura pas, comme il y a eu en Ontario, de Sault-Sainte-Marie, M. le Président. Nous sommes beaucoup plus démocrates. Les Québécois ont fait la preuve de leur grande tolérance et de leur grande générosité. Nous n'allons pas, comme à Sault-Sainte-Marie, piétiner le drapeau ontarien, pays voisin mais néanmoins ami.

Ça sera également, M. le Président, la fin du message ambigu qui est envoyé actuellement aux immigrants: "Welcome in Canada. Bienvenue au Québec." Parce que nous aurons les pleins pouvoirs en matière d'immigration au profit d'une politique qui, elle, sera claire, en termes d'intégration en français. Puisque ce que nous avons devant nous, au niveau de l'immigration, ce n'est, M. le Président, qu'une entente administrative conclue entre Ottawa et Québec, et cette entente sur l'immigration offre non seulement aucune garantie constitutionnelle, mais maintient, M. le Président, le partage des compétences entre les deux gouvernements, puisque 45 % des dossiers continuent d'échapper à la juridiction du Québec dans un secteur qui est aussi vital pour l'identité culturelle du Québec. Comment, M. le Président, intégrer à la majorité francophone ces milliers d'immigrants qui sont à la veille d'arriver, alors qu'ils prêtent serment d'allégeance, M. le Président, devant le drapeau du Canada et prêtent serment d'allégeance à la reine d'Angleterre? Double message envoyé aux immigrants. "Welcome in Canada. Bienvenue au Québec."

La question de la souveraineté face à la culture est très importante. Il ne saurait y avoir, M. le Président, de projet souverainiste sans y associer la culture. La question de la consolidation et du développement de l'identité culturelle québécoise est au coeur du débat constitutionnel depuis 30 ans. Comme le disait Vigneault: "S'il y a eu du temps perdu, il n'y a plus de temps a perdre." Pour le Québec, c'est une question de survie comme peuple francophone. La langue française ne peut pas s'épanouir. Elle ne peut pas s'épanouir qu'en misant sur la vitalité des canaux d'expression de sa culture, c'est-à-dire ses artistes et ses industries culturelles, elle ne peut s'épanouir que par ceci, dis-je.

Utilisant son pouvoir de dépenser, le gouvernement fédéral s'est progressivement immiscé en donnant des moyens d'agir en matière de support culturel. Ils ont mis sur pied de nombreuses institutions subventionnaires. Téléfilms Canada, l'Office national du film, le Conseil des arts, les musées nationaux. Parallèlement à ceci, le Québec s'est créé, en 1961, son propre organisme, c'est-à-dire le ministère des Affaires culturelles, pour se donner également des outils d'intervention pour soutenir les milieux culturels québécois. Mais cette situation, M. le Président,

d'ingérence continuelle et perpétuelle du gouvernement fédéral s'est traduite dans les farts par une prolifération désordonnée de programmes d'aide de toutes sortes, une dispersion des efforts et un manque de cohérence flagrant des objectifs et des moyens d'intervention des deux paliers de gouvernement. (22 h 30)

La députée de Chambly, ancienne ministre des Affaires culturelles, pourrait en parler alors que, l'an dernier, au festival Juste pour rire, elle s'est vu imposer des dépenses qu'elle ne souhaitait pas par une intervention du gouvernement fédéral irrespectueux des objectifs et des priorités du gouvernement québécois. J'espère que, quand elle va intervenir, elle va en parler. On va voir où est son honnêteté intellectuelle.

À travers ce dédale de dédoublements et de chevauchements, les organismes culturels et les artistes perdent du temps, de l'énergie à défendre leurs projets d'un organisme à l'autre. Le gouvernement fédéral continue de multiplier les interventions au Québec sans tenir compte, comme je vous le disais précédemment, des priorités et des objectifs du gouvernement québécois, de la population québécoise et, surtout, des milieux culturels québécois.

L'annonce d'ailleurs - je vais vous donner un exemple - impromptue du projet de construction d'un Institut fédéral de recherche sur les industries culturelles à Montréal, qui a été faite au mois de mars par l'ancien ministre, M. Masse, maintenant ministre de la Défense, constitue un exemple flagrant de l'incohérence des interventions des deux paliers de gouvernement. Même si ce projet a été reporté pour le moment, c'est un exemple d'incohérence.

Je pourrais apporter un autre triste, malheureux exemple, qui est ce pouvoir fédéral de venir taxer nos produits culturels, donc la TPS sur l'édition québécoise. Cette TPS est en train d'assassiner littéralement l'édition québécoise. Voilà une ingérence pernicieuse, vicieuse du gouvernement fédéral. Et nous sommes obligés de subir ceci parce qu'on écoute le "mon oncle" d'Ottawa, M. le Président.

Le rapatriement des responsabilités et des fonds fédéraux associés à la culture fait l'objet d'un large consensus, si ce n'est pas l'unanimité au Québec. En janvier dernier, d'ailleurs, en créant le comité Arpin chargé d'élaborer une politique de la culture qui sera sans doute déposée en Chambre vendredi, quoique les journalistes l'aient déjà et que les parlementaires ne l'aient pas, la ministre Liza Frulla-Hébert le reconnaissait et je vais citer la successeure de la prédécesseure: Nous voulons être le maître d'oeuvre de la culture, c'est le minimum, disait-elle. Il faudra avoir l'ensemble des pouvoirs sur notre territoire, rajoutait-elle. Et ceci, c'est extrait du journal Le Devoir, du 25 janvier 1991. La ministre des Affaires culturelles libérale du Québec fait-elle partie, au sein du Parti libéral, du groupe du samedi ou du dimanche? Nous avons bien hâte de l'entendre.

Seule la souveraineté peut permettre au Québec d'obtenir la maîtrise d'oeuvre de sa politique culturelle ainsi que le rapatriement des fonds fédéraux consacrés à ce secteur. Il est illusoire de prétendre qu'un tel rapatriement peut être concrétisé à l'intérieur du régime fédéral. Le régime fédéral ne renoncera jamais à ses responsabilités de gouvernement national. Comment pourrait-il accepter que les activités de Radio-Canada, instrument d'édification de l'unité nationale, presque de propagande fédéraliste, soient intégrées au sein de Radio-Québec? D'ailleurs, le nouveau ministre fédéral des Communications, Perrin Beatty, est très clair: La culture et les communications sont d'intérêt national, donc fédéral. Il préfère s'en remettre plutôt à une souhaitable et pieuse collaboration et à l'harmonisation des interventions qu'à un véritable transfert de ces responsabilités au Québec.

Cela signifiera le rétablissement de la loi 101, la souveraineté, comme je le disais tantôt, par le plein contrôle de notre avenir linguistique. Et ça, c'est un message important parce que ce rapatriement aussi des pouvoirs sur la langue implique le rapatriement des responsabilités du Conseil de la radiotélévision canadienne. Le Québec sera doté de pouvoirs essentiels sur le contrôle des ondes, domaine relié à son identité culturelle, à savoir une radiodiffusion et des télécommunications en français, M. le Président.

Le rapatriement des fonds et des organismes culturels fédéraux permettra au Québec de se doter d'une véritable politique culturelle tout en mettant fin au gaspillage de fonds et d'énergie découlant du dédoublement et des chevauchements administratifs. C'est près de 800 000 000 $, M. le Président, qui pourraient être mis au service des arts et de la culture au Québec si nous rapatrions les sommes d'argent qui sont actuellement au Secrétariat d'État et au ministère des Communications fédéral.

Les activités de Radio-Canada sur le territoire québécois seront, dans un Québec souverain, intégrées à l'intérieur de Radio-Québec. Le mandat d'informer et de divertir sera désormais assuré par Radio-Québec. La présence des régions au sein du réseau et de la programmation devra être débattue et non pas abattue, comme ça a été le cas par le gouvernement fédéral pour ce qui est de Radio-Canada et par le gouvernement libéral pour ce qui est de Radio-Québec.

Les activités de Téléfilm seront assumées par la Société générale des industries culturelles ou par la résurrection de la Société générale du cinéma abolie en 1987 par le gouvernement libéral, ce qui a été décrié par les milieux du cinéma qui sont venus, d'ailleurs, récemment, en ce Parlement. De son côté, le mandat et les activités de l'Office national du film pourraient

être préservés de façon autonome en devenant l'office national de la cinématographie québécoise. Les fonds du Conseil des arts du Canada seraient intégrés au budget régulier, comme je le disais tantôt, du ministère des Affaires culturelles qui, au Québec, serait un ministère des arts, de la culture et de la communication.

M. le Président, les libéraux nous invitent en cette Chambre à voter un référendum sur la souveraineté, mais tous les Québécois et les Québécoises n'auront pas été dupes. S'ils nous invitent à voter sur un référendum sur la souveraineté, ils ont tous parlé contre la souveraineté et pour le fédéralisme. Quelle crédibilité ont ces gens? Souverainistes du samedi, fédéralistes du dimanche. La souveraineté, "Never on Sunday" pour eux, comme disait ce film célèbre avec Melina Mercouri. Où est leur crédibilité, M. le Président? Où est leur crédibilité avec, d'ailleurs, le projet de loi où les commissions ne seront que des objets de magouille de la part de notre gélatineux premier ministre, M. le Président? J'écoutais attentivement les discours des représentants du Parti libéral.

M. le Président, avant, je lisais la liste des films actuellement à Québec. Et mon Dieu qu'on parle du projet le loi 150. Oui. Vous savez, il y a actuellement à Place Charest un film qui parle du discours des députés libéraux, ça s'appelle "Le Silence des agneaux". Pour ce qui est des négociations qu'ils veulent entreprendre pour renouveler le fédéralisme, il y a un autre film à Place Charest, "II danse avec les loups", M. le Président. Et le ministre des Affaires intergouvernementales, lui, est sans doute au cinéma de Paris pour voir "Les nuits avec mon ennemi". Et, quant au rapport Allaire qu'on a mis de côté très rapidement, eh bien, ça se retrouve à Place Charest, ils faudraient qu'ils aillent voir "Fais de l'air Fred". Oui, oui. C'est ça. C'est risible ce qu'on entend de la part des députés libéraux. Et pour ce qui est des bonnes relations entre le premier ministre du Québec et le premier ministre fédéral, au cinéma Lido, à Lévis-Lauzon, eh bien, il y a le film "Comment ça va, Bob?" et c'est pour tous, sauf que je dois vous avertir que coupons et laissez-passer sont refusés.

Une voix: Ne présente pas ta carte du PQ.

M. Boulerice: Et ça parle, M. le Président, avec un discours mais vicieux, ça parle du coût de la souveraineté, comme si le fédéralisme, c'était gratis. Le fédéralisme est gratis...

Une voix: Gratuit. (22 h 40)

M. Boulerice: Non, gratis pour vous parce que vous n'avez aucune culture, d'ailleurs vous êtes restée si peu longtemps à ce ministère-là. On va vous parler de l'Agence spatiale. Qu'est-ce que vous en avez fait de l'Agence spatiale, Mme la députée de Chambly? Ce n'est qu'une mince petite boîte avec aucun contrat, et c'est pourtant votre territoire, pour le temps qu'il vous reste à être députée de Chambly.

Le centre bancaire international qui n'est qu'un simple guichet automatique, qu'est-ce que vous avez fait? Regardez le silence des agneaux de votre ministre des Finances quand on a parlé du centre de change - on parle des cambistes - à Montréal, qui vient d'être perdu au profit de Toronto. Le fédéralisme, c'est gratuit? C'est rentable, le fédéralisme? La souveraineté, elle, elle aurait un coût? Voyons donc! Voyons donc!

Quelle crédibilité vous avez! Vous êtes de véritables girouettes qu'on voyait en haut des granges. Les sondages vous indiquent où aller. Et le premier ministre parle de sécurité économique. Quelle sécurité économique avons-nous, alors que 65 % de la population le rejette, n'en a plus confiance? 65 % du Québec est insécurisé par la présence au fauteuil du premier ministre, de Robert Bourassa. Sécurité économique! Le coût de la souveraineté, M. le Président, c'est cette espèce de discours épouvantable qu'on entend de l'autre bord.

Et on voudrait qu'on vote, et j'espère que vous me poserez des questions. Je vois le leader adjoint sortir s'en préparer une, alors j'espère...

Une voix: Les questions sont déjà prêtes.

M. Boulerice: Mais quand on entend... Oui, les questions sont déjà prêtes, vos lecteurs, vos écriveurs de textes, d'ailleurs, entre parenthèses, ne sont pas ce qu'il y a de mieux.

Une voix: ...stupidité.

M. Boulerice: M. le Président, Mme la députée de Chambly vient de parler de stupidité...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député, si vous voulez poursuivre. Je m'excuse.

M. Boulerice: Je ne répondrai pas à la ministre, puisque la merde n'a jamais demandé à ce qu'on lui passe dessus.

Je dirai, M. le Président, quelle crédibilité peuvent avoir les députés libéraux actuellement à nous faire voter le projet de loi 150, quand on sait fort bien, quand on sait fort bien comment est-ce qu'elle est manigancée au niveau des commissions? Faites une vraie commission. Donnez-nous la place que l'Opposition normalement devrait avoir dans une véritable commission, et on sera intéressés de la voter. Demandez un référendum sur la souveraineté, oui, mais parlez de la souveraineté. Tous vos discours sont sur le fédéralisme renouvelé. C'est là-dessus que vous parlez. Vos professions de foi souverainis-

tes, on en a vu des exemples. Chacun avait des transes métaphysiques le lendemain de la mort du lac Meech. Ils étaient des nationalistes: la souveraineté du Québec, à l'exception du transfuge du NPD là qui est actuellement député de Verdun.

Mais là, mais là, là, l'attitude du Parti libéral, c'est: en avant les braves, mais sauvons-nous, les voilà! Là, il n'est pas question, le fédéralisme c'est beau, ça peut être renouvelé, "Canada, we love you". Mais soyez cohérents. Pourquoi pousser des hauts cris en disant: L'Opposition ne veut pas voter notre loi? Votre loi, elle est traficotée. Et relisez chacun de vos discours; vous ne faites, depuis le début que, dénigrer la souveraineté.

Nous croyez-vous assez naïfs pour tomber dans votre piège? Croyez-vous les Québécois assez naïfs? Déjà, les réponses vous sont données, vous êtes en retard sur le peuple québécois. Il veut la souveraineté et ne veut plus de vous comme gouvernement. Le chemin de la porte vous est indiqué depuis fort longtemps, à au-delà de 50 %. Quittez! Vous n'êtes ni crédibles au niveau économique, ni crédibles au niveau culturel, ni crédibles au niveau social. Jamais je n'aurai vu autant de manifestations devant ce Parlement que depuis que j'y siège et que vous êtes au gouvernement. Vous n'avez aucune crédibilité. Vous êtes nationalistes le samedi et fédéralistes tous azimuts le dimanche parce que votre premier ministre vous dit: Le rapport Allaire, hein, vous savez ce qu'on en fait? Comme disait justement le premier ministre de France, Mme Cresson: Je n'en ai rien à cirer de la souveraineté. Eh bien, votre loi, vous savez ce que je vous réponds: La réponse que vous avez donnée en 1980 et on voit qu'à ce niveau-là, vous êtes logique. Pour être des tordus fédéralistes, ça, vous l'êtes. Eh bien, moi, je vous sers la même réponse au niveau de votre loi 150. Non, merci, votre loi 150! Non, merci, à vos manigances! Non, merci, à vos magouilles! Et je vous donne rendez-vous sur la rue Sherbrooke, le 24 juin. Venez donc essayer de jouer les nationalistes à la petite semaine, comme vous vous présentez, et vous verrez quel est l'accueil que vous feront le peuple québécois et la population montréalaise. Allez vous cacher derrière votre unifolié. D'ailleurs, la feuille d'érable ne vous cache plus grand-chose. C'est comme ce vieux conte anglais "Le roi est nu". On a vu vos couleurs. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Nous sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et je reconnais M. le député d'Iberville.

Des voix: Bravo!

M. Yvon Lafrance

M. Lafrance: Merci, M. le Président. M. le Président, comme mes collègues qui m'ont précédé, c'est sûrement avec beaucoup d'émotion, avec une grande fierté et beaucoup d'intérêt que je participe également à ce projet de loi. Je vais, M. le Président, tenter de mettre un peu plus de sérieux dans mes propos...

Une voix: Bravo!

M. Lafrance: ...que ceux que je viens d'entendre du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En fait, M. le Président, je n'ai jamais entendu autant de contradictions dans un cours de temps aussi bref. On nous reproche de gouverner selon les sondages et, quelques minutes plus tard, on se réfère à ces mêmes sondages pour dire qu'ils ont le vent dans les voiles présentement.

M. le Président, comme vous le savez, nous célébrons cette année le bicentenaire du parlementarisme québécois et nous avons, dans le cadre de ces célébrités, des activités à caractère historique. Et justement, voilà quelques jours, j'avais l'occasion de participer à une de ces activités-là et je ne pouvais pas m'empêcher, durant que j'écoutais la présentation historique qu'on me faisait, de faire un certain parallèle avec les moments tout à fait historiques que nous vivons présentement ici, à l'Assemblée nationale. C'est pourquoi j'ai pensé prendre quelques minutes pour, justement, regarder révolution de notre société québécoise. 1791, donc, l'Acte constitutionnel qui essaie de remédier aux problèmes dans le Bas et dans le Haut-Canada. Cet Acte constitutionnel s'est avéré imparfait puisque quelques années plus tard, en 1837, il y eut, comme on le sait, des troubles dans une région que je connais bien, région que j'ai l'honneur de représenter ici, à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire la vallée du Richelieu principalement. Quelques années plus tard, donc, les événements et d'autres facteurs nous amenèrent vers l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, en 1867, d'où découla la Constitution canadienne et le pays que nous connaissons présentement. Puis, par après, des conflits mondiaux, 1914-1918, 1939-1945, amenèrent des crises mondiales majeures qui, il va de soi, affectèrent aussi le Canada, la population, le tissu social de notre population canadienne et québécoise.

En même temps, durant ces années, on assista à des transferts de pouvoirs alors que le fédéral s'appropria des pouvoirs nouveaux, soi-disant nécessaires à cause des conditions de crise que nous connaissions à l'époque. Puis, on a connu au Québec la Révolution tranquille, la prise de conscience, donc, de notre société. Je me réfère ici aux années cinquante avec M. Duplessis qui disait: Allons à Ottawa chercher le

butin qui nous revient. Ensuite, dans les années soixante, M. Lesage et M. Johnson, dont les slogans étaient: Soyons maîtres chez nous et Égalité ou indépendance. Puis, au début des années soixante-dix, M. Bourassa, avec la société distincte. Puis, dans les années quatre-vingt, M. Lévesque, avec, comme on le sait, le concept de la souveraineté-association et le référendum de 1980, où les Québécois ont dit oui à un Canada, mais à un Canada renouvelé. (22 h 50)

Par la suite, durant les mois qui ont suivi, au Canada, nous avons assisté à de nouveaux arrangements constitutionnels. On se le rappelle. Et d'ailleurs, M. le ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales y a fait allusion ce matin dans ses propos d'entrée. Le fédéral, donc, procéda, en 1982, à une injustice, puisqu'il alla à l'encontre du désir de l'Assemblée nationale.

M. le Président, qu'est-ce qu'on peut déduire de cette évolution historique au Québec? C'est que je pense qu'il est très important d'être à l'écoute et de bien percevoir les besoins de notre population versus leurs aspirations. Il est très facile pour nous, politiciens, de perdre cette perception. Et ça, l'histoire, je pense - comme l'histoire du Québec nous l'a démontré - ne pardonne pas ce genre de manque de perception.

Voila dix ans donc, nous avons assisté à une injustice. Guidés par un gouvernement fédéral aux idées que je qualifierais d'utopiques ou, du moins, d'avant-gardistes, on essaya de forcer les choses, de créer un État selon un moule spécifique, de créer, donc, un État qui résultait de sentiments mal perçus des aspirations et des besoins du peuple, de la population.

M. le Président, et c'est là le premier message que j'aimerais laisser à tous mes collègues qui, comme moi, ont la confiance de leur population, c'est celui-ci: Méfions-nous des idéologies. Méfions-nous, M. le Président, des hommes et des partis dogmatiques. Méfions-nous des personnages qui cherchent à forcer les choses selon leur philosophie. Prenons garde que ces personnages-là ne fassent reculer notre société au lieu de la faire évoluer. Méfions-nous, M. le Président, de ceux qui prônent des changements drastiques, comme je viens d'entendre voilà quelques instants et comme j'ai entendu ce matin, alors que le député de Lac-Saint-Jean était tout de go. Il disait que ça pressait, que ça pressait; qu'il fallait un référendum tout de suite.

M. le Président, vous comprendrez que je ne partage pas cette idée. Pour moi, quelques mois supplémentaires, c'est bien court dans l'histoire d'une société. Et je dis ce soir: Pensons bien à nos décisions avant de trancher dans ce dilemme fondamental et assurons-nous, surtout, de bien informer notre population.

M. le Président, j'en arrive au deuxième élément de mes propos, de mon intervention qui, je pense, justifie amplement le projet de loi 150.

C'est l'ampleur, je dis bien, de l'échec de l'accord du lac Meech pour la population. L'échec du lac Meech fut très difficile à accepter pour nous, en tant que parlementaires. Cet échec fut frustrant, mais il nous confirma surtout que le fédéralisme, dans sa forme actuelle, ne fonctionne pas. Le fédéralisme actuel ne répond pas aux aspirations des Québécois et des Québécoises, je dirais même des Canadiens et des Canadiennes. Et je vais revenir sur cet élément.

Cette frustration, M. le Président, fut encore pire parmi la population. Du moins, je l'ai perçue dans le comté d'Iberville que j'ai l'honneur de représenter ici. Le débat de l'an passé, à pareille époque, le débat sur la place publique fut cruel, difficile et déchirant parmi la population. Animé par des propos racistes et partisans, le débat déchira les sentiments nationaux de notre population. Ce débat cristallisa grandement les émotions dans la population, tant québécoise que canadienne.

Et un an après, nous pouvons encore sentir ces blessures ouvertes et les séquelles de l'échec de l'accord du lac Meech. M. le Président, c'est pourquoi j'ai toujours préconisé un certain recul, afin de nous ressaisir, afin d'évaluer correctement les répercussions et les conséquences des lourdes décisions historiques que nous aurons tous à prendre ensemble dans quelques mois. C'est pourquoi, M. le Président, l'an passé, en septembre 1990, j'ai souscrit entièrement et j'ai voté pour le projet de loi 90, projet de loi qui créait, comme on le sait, la Commission Bélan-ger-Campeau. Je pense que cette Commission s'imposait. Nous devions revenir vers la population et être à l'écoute de cette population, entendre et bien saisir ses frustrations.

Le rapport de la Commission Bélanger-Campeau a été, par la suite, publié, nous le savons tous, avec un certain consensus. Les interprétations sont maintenant différentes. On peut saisir ces perceptions différentes dans le cadre du débat présent, mais je pense que fondamentalement, M. le Président, la décision que nous avons prise de créer la Commission Bélanger-Campeau et de prendre un certain recul, je pense que cette décision était valable et nécessaire dans le contexte historique que nous vivons. La preuve, c'est que ça commence à bouger ailleurs au Canada, tant au fédéral que dans les autres provinces. On assiste à la formation de commissions, de groupes de travail, de groupes d'étude. J'interceptais justement, en fin de semaine, dans un journal anglophone, la Gazette, un tout petit bout d'article nous venant de Nouvelle-Ecosse, de Halifax, et je cite le premier ministre, M. Cameron, qui disait: "I applaud Québec for very clearly saying they are not satisfied." Et M. Cameron conclut: "Confederation has not worked for us." Je pense, M. le Président, que c'est là la preuve que l'idée de revoir la Fédération actuelle progresse ailleurs au Canada, et je m'en réjouis grandement.

M. le Président, le projet de loi 150 que nous débattons depuis 10 heures ce matin reprend rigoureusement les recommandations de la Commission Bélanger-Campeau et, fait exceptionnel dans ce projet de loi, c'est qu'on y retrouve 17 considérations. Les 12 premières sont les considérations identiques au projet de loi 90, qui a institué la Commission Bélanger-Campeau; 5 considérations additionnelles s'y retrouvent, ceci dans le but évident de mieux préciser les objectifs du projet de loi tout à fait spécial. Le projet de loi, M. le Président, est donc très précis, et ceux qui nous accusent, comme l'a fait voilà quelques instants M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, d'ambiguïté, je pense, ne l'ont pas lu correctement. Le projet de loi fixe un référendum au plus tard le 26 octobre 1992, de façon très précise.

Le projet de loi, M. le Président, crée deux commissions parlementaires: une qui va regarder les questions afférentes à l'accession à la souveraineté, si on en vient là, et une autre qui va regarder et étudier les offres du fédéral qui, je l'espère, devraient venir. Donc, M. le Président, ça se veut un outil pour encore mieux évaluer et encore mieux apprécier la situation que je qualifie, encore une fois, d'historique.

En conclusion, M. le Président, j'aimerais réitérer à tous mes collègues l'importance de resituer le débat dans le contexte historique de l'évolution du Québec. "Je me souviens" est la devise de notre province, alors souvenons-nous de l'histoire et des efforts de nos prédécesseurs. Souvenons-nous surtout de rester à l'écoute de la population afin de bien percevoir, nous, politiciens, le bien-être de la population avec ses aspirations. Prenons donc le temps nécessaire, en toute lucidité, pour étudier la situation encore pour quelques mois. (23 heures)

Donnons-nous, après la Commission Bélanger-Campeau, les outils nécessaires que sont les deux commissions que crée le projet de loi 150. Voilà les deux raisons majeures, M. le Président, pour lesquelles je voterai pour le projet de loi 150 et pour lesquelles j'incite tous mes collègues de l'Assemblée nationale, tant du côté ministériel que du côté de l'Opposition, à voter pour le principe de ce projet de loi. Je vous remercie.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Iberville. Je reconnais maintenant M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi, je veux intervenir sur le projet de loi 150 pour exprimer ma déception, ma déception à quelques niveaux. Premièrement, ma déception du chef du gouvernement actuel. M. Bourassa avait une chance historique de faire de la province de Québec un pays. S'il avait saisi l'occasion où, très majoritairement, les Québécois ont exprimé depuis l'échec du lac Meech la volonté de faire du Québec un pays, les jalons exprimés d'une façon claire et nette. La population et tous les intervenants à la Commission l'autre côté sont venus faire la preuve de la faisabilité de la souveraineté et même de la rentabilité de faire du Québec un pays, et non pas de demeurer tel qu'on est: une province minoritaire.

Le premier ministre avait une occasion unique, une occasion historique. Malheureusement, il n'en a pas profité. À la place, et c'est probablement la deuxième raison de ma déception, il nous amène le projet de loi 150. Évidemment, dans le projet de loi 150, on retrouve un référendum sur la souveraineté. C'est un peu embêtant, je dois dire comme vous. Nous qui sommes souverainistes, on va voter contre le projet de loi 150. Ça semble incroyable. Il s'agit tout simplement de regarder la réalité telle qu'elle est pour comprendre, et je vais dire comme mon collègue avant moi: Notre devise au Québec, c'est "Je me souviens" et c'est drôle, ou ce n'est pas drôle, c'est peut-être même lamentable de regarder à quel point l'histoire se répète.

Il s'agit de reculer de 11 ans. Le même parti politique de l'autre côté, il y a 11 ans, avec à sa tête nul autre que Claude Ryan, qui est ministre aujourd'hui, influent, qui a réussi à faire tourner même tout le congrès libéral, ces gens-là ont réussi au référendum de 1980 à nous faire accroire qu'un non voulait dire un oui et, maintenant, ils tentent de nous faire accroire que le projet de loi 150, c'est pour nous amener à un référendum sur la souveraineté, alors que la réalité, c'est une démarche hypocrite vers, finalement, une nouvelle fédération canadienne, comme on l'appelle de l'autre côté, du fédéralisme même plus renouvelé, on l'appelle maintenant du fédéralisme intégré.

Donc, sous l'image, le beau prétexte d'un référendum sur la souveraineté, on veut nous embarquer dans une démarche nous amenant à du fédéralisme renouvelé. Eh bien, M. le Président, qu'on ne vienne pas nous accuser, nous, d'avoir brisé un consensus, parce que s'il doit y avoir consensus, c'est qu'il doit y avoir une volonté commune vers un objectif commun. Nous, c'est la souveraineté; eux, c'est le fédéralisme. Il ne peut pas y avoir consensus sur deux projets totalement opposés, totalement différents.

La faiblesse du Québec à l'heure actuelle, elle repose sur les épaules du gouvernement de l'autre côté. C'est d'abord ce double langage, c'est cette confusion, c'est ce discours hypocrite où on laisse entendre qu'on s'en va vers un référendum vers la souveraineté, mais en même temps où tous ces gens se lèvent de l'autre côté pour dire: Vive le Canada! Vive Ottawa! Vive le fédéralisme renouvelé! Eh bien, écoutez, M. le

Président, on ne peut pas embarquer dans une démarche semblable. Ça n'a pas de bon sens. On se fout du monde. Il va falloir que ça arrête. Et c'est pour ça que, oui, moi, je me souviens, moi, je me rappelle ce qui s'est passé. Et on se rend compte, 11 ans après, qu'un non ne voulait pas dire un oui, que le projet de loi ne veut pas dire une démarche souverainiste, mais une démarche fédéraliste et la faiblesse de ce gouvernement, c'est d'abord par cette confusion et c'est aussi par les discours qu'on tient de l'autre côté.

Comment pensez-vous que, dans la négociation, le premier ministre actuel va donner l'impression d'être fort, quand il va arriver à Ottawa, quand les gens vont avoir écouté tout ça, vont être conscients des discours qu'on a tenus de l'autre côté en disant: On veut rester avec vous autres et que le premier ministre lui-même nous a annoncé que, cet été, il va faire la tournée de ses grands amis premiers ministres des provinces canadiennes? Voyons donc! C'est comme ça qu'on se pense fort? Il dit: On ne négociera pas à 11. Bien non, on va négocier un à un, 11 fois. On va aller offrir ou demander aux 11; ce qu'on veut, de l'autre côté, c'est du fédéralisme rafistolé, rapiécé, qu'on appelle maintenant intégré. On ne peut pas être d'accord avec ça.

Oui, je suis pour la souveraineté et je ne suis pas pour la souveraineté pour un dogme, comme on dit de l'autre côté, parce que c'est un principe qui, finalement, saisit tout notre esprit et on ne pense plus à autre chose. Je suis souverainiste pour le bien de la population, parce que la situation actuelle est devenue catastrophique au Québec. Il faut regarder ce qui se passe, effectivement. Comment se fait-il qu'on est en crise économique si forte, ici, au Québec et au Canada, alors que ce n'est pas une crise économique mondiale, comme ce l'était en 1981 ou 1982? C'est à cause de mauvaises décisions politiques des deux gouvernements, parce que c'est un système à deux têtes, parce que c'est un système où les gens passent leur temps à se contredire et, finalement, à annuler les gestes que l'un pose parce que l'autre pose un geste contradictoire, qui va totalement dans l'autre sens.

Pourtant, au moment où on se parle, il y a, à Ottawa et à Québec, deux gouvernements fédéralistes, des gens qui sont censés marcher la main dans la main. Regardez les nouvelles! À chaque jour, le Québec est victime d'une décision fédérale. À chaque jour, le fédéral vient à nouveau empiéter dans les juridictions québécoises. Et de l'autre côté, on encense ce système qui fait des victimes au Québec. Vous avez certainement vu les chiffres. Moi, si je veux la souveraineté, c'est pour l'avenir de nos jeunes. La jeunesse québécoise mérite mieux que ce qu'on est en train de lui offrir. On mérite mieux qu'une province où on est minoritaire. On mérite un pays reconnu, ouvert sur le monde, qui a sa place dans les grands organismes internationaux, aux Nations Unies. On a le droit d'être un peuple fort. On a le droit d'être ouvert sur le monde. On a le droit de faire les échanges avec qui on veut, sans demander la permission à Ottawa, et surtout sans se la faire refuser. On a le droit d'être un pays: c'est ça que je vais offrir à notre jeunesse, notre jeunesse qui est désespérée.

Regardons-la, la situation actuelle, avec deux gouvernements fédéralistes: 40 % de nos jeunes ne finissent pas le secondaire. Vous savez ce que ça veut dire? Ces gens-là s'en vont directement sur l'aide sociale, dans 12 ou 15 ans, 40 % de la population, parce que ces gens-là sont désespérés, dans un système lamentable comme le système actuel. C'est ça, la réalité. Un jeune sur cinq, au Québec, est à la recherche d'un emploi; 20 % de chômeurs chez nos jeunes. Voyons donc! On "va-tu" faire quelque chose ou on va continuer à laisser Ottawa défaire notre économie, comme il est en train de le faire? On a le championnat mondial du suicide chez les jeunes. On va laisser faire ça encore longtemps, je suppose? C'est parce qu'ils sont bien contents d'être Canadiens, parce que le système leur donne plein d'espoir que c'est comme ça?

Tout ce qu'on trouve, de l'autre côté, à faire pour défendre le système fédéraliste actuel... Le ministre de l'Éducation, au lieu d'améliorer le système d'éducation, au lieu de répondre à ce que demandent les commissions scolaires, à ce que demande la CEQ et donner plus de support pour avoir un enseignement de qualité, on va donner des déjeuners dans les écoles parce qu'on a tellement coupé chez les pauvres, on a tellement taxé les plus pauvres de la société, y compris les travailleurs au salaire minimum, qu'on n'a plus les moyens de nourrir nos enfants, au Québec. Il faut qu'il y ait des déjeuners dans les écoles. Et pendant ce temps-là, c'est Ottawa qui s'occupe d'alphabétisation. Il rentre dans nos juridictions. C'est catastrophique, la situation de nos jeunes. C'est inquiétant.

Il reste une solution pour s'en sortir: il faut donner l'espoir à nos jeunes et il faut leur donner ce qui est un droit, un droit légitime, reconnu à travers le monde, c'est le droit à l'emploi. Et qu'est-ce que les jeunes ont demandé, dans une consultation qu'a faite le Conseil permanent de la jeunesse, en 1989? La première demande, par rapport à cette situation catastrophique, une chose: le droit au travail, l'emploi. Est-ce qu'on est capable, au Québec, de se donner une politique du plein emploi? Oui, on est capable, si on va chercher tous les moyens, tous les leviers. Si on conserve chez nous tous nos impôts et toutes nos taxes, on sera parmi les 15 pays les plus riches au monde. Une politique de plein emploi, ce n'est pas la fin du monde, c'est possible, à condition d'avoir les moyens et à condition d'avoir la volonté. C'est deux choses qui manquent, de l'autre côté, présentement. Il y

en a à travers le monde des peuples qui ont une politique de plein emploi. Ce sont des petits pays de la grandeur du Québec: la Norvège, la Suisse, la Suède, le Danemark. Pourquoi? Parce qu'ils sont capables de se donner des solidarités et, au Québec, on l'a prouvé qu'on était capable. (23 h 10)

Je pourrais vous donner quelques exemples: les caisses populaires Desjardins. Y a-t-il un plus beau symbole de solidarité québécoise? Les coopératives agricoles aussi. Donc, dans les villes et dans les campagnes. Les Québécois ont fait la preuve qu'on est capable d'être solidaire, qu'on est capable de se donner des institutions et qu'ensemble, on est capable de s'en sortir. Corvée-habitation, ça ne fait pas longtemps, ça fait 10 ans. Corvée-habitation est un modèle universel, unique au monde; on a fait ça. Mais pour se donner une politique de plein emploi, vous allez me dire: Le gouvernement peut bien vouloir se donner une politique de plein emploi, ça va être possible si les autres intervenants se donnent la main. M. le Président, tous les intervenants au Québec se sont donné la main depuis deux ans pour exiger une politique du plein emploi.

À l'automne de 1989 a eu lieu le Forum sur l'emploi où les gens de tous les secteurs, coopératif, syndical, les gens d'affaires, les gens des organismes communautaires, les agriculteurs, les milieux des finances aussi... De tous les coins du Québec, de toute provenance, les gens se sont réunis à Montréal. Après avoir eu des forums régionaux, il y a eu le forum national de l'emploi. Ces gens-là ont exigé une politique de l'emploi. Dernièrement, ce sont les états généraux du monde rural qui ont fait la même chose, le même exercice, avec des milliers de gens de tout le Québec, comment on peut développer le monde rural. Et, tout dernièrement, c'est le Conseil du patronat du Québec, M. le Président, qui, lui, veut avoir un sommet sur l'emploi en septembre qui vient.

Il y a toujours le même qui manque, le gouvernement. Le gouvernement n'y est pas. Comment se fait-il que le gouvernement n'y est pas alors que tous les intervenants exigent une politique de l'emploi, une politique du plein emploi? C'est bien simple, c'est que si ie gouvernement actuel se présentait à un forum sur l'emploi, avec tous les intervenants de l'ensemble du territoire québécois, il aurait l'air fou parce qu'une politique de l'emploi, ça se résume à quatre choses simples, pas difficiles à comprendre et réalisables en plus. La preuve a été faite dans d'autres pays.

Pour avoir une politique du plein emploi, il faut avoir une véritable politique de formation professionnelle. On ne peut pas s'en donner au Québec, même si tout le monde l'a exigé, même si à la Commission Bélanger-Campeau, c'est unanime: Le Québec doit rapatrier tous les pouvoirs et toute la finance nécessaire pour se donner une politique de formation professionnelle. Bien, Ottawa et Québec, tout ce qu'ils font depuis des années en formation professionnelle, c'est se chicaner, mêler les gens et ne pas dépenser l'argent. Pendant ce temps-là, vous regardez les journaux en fin de semaine, des pleines pages d'offres d'emploi. Pourtant, nos jeunes sont en chômage à 20 %. Pourquoi? Parce qu'ils ne sont pas formés et nous autres, on se chicane au lieu de se donner une politique de formation professionnelle. Une politique de plein emploi, M. le Président, c'est une véritable politique de formation professionnelle.

Deuxième chose: une politique de développement régional. Qu'est-ce qui arrive avec nos régions présentement au Québec? Bien, nos régions se vident parce que le gouvernement ne s'en occupe pas. Encore une fois, les deux gouvernements sont en chicane. Imaginez-vous, ce gouvernement à Ottawa, qui semble si ouvert à vouloir refaire le fédéralisme, vient de décider de créer un ministère québécois du développement régional fédéral. Il va venir décider de notre développement. La chicane est encore poignée. Donc, au lieu de développer nos régions, au lieu d'aider nos gens, on se chicane encore une fois. Il va falloir que ça arrête, il va falloir arrêter d'attaquer les autres, d'accuser les autres, prendre nos responsabilités avec nos moyens et nos capacités.

C'est quoi le troisième volet d'une véritable politique du plein emploi? C'est tout simplement recherche et développement, mais recherche et développement, M. le Président, on a juste à regarder la réalité. Les dépenses d'Ottawa en recherche et développement effectuées au Québec ont diminué en moyenne de 10,6 % par année de 1985 à 1988. Ces dépenses, qui étaient de 196 000 000 $ en 1985, n'étaient plus que de 154 000 000 $ en 1988, et ça baisse. Ce sont des dizaines de millions qui ne sont pas injectés au Québec en recherche et développement. Quelles sociétés peuvent espérer un avenir prometteur? Les sociétés qui consacrent une somme énorme en recherche et développement, sinon on ne sera pas compétitifs.

De l'autre côté, qu'on nous parle d'ouverture de marché, qu'on nous parle de libre-échange, de mondialisation, j'en suis, mais à la condition qu'on soit capable d'être compétitif, non seulement sur les marchés extérieurs mais sur notre propre marché. Il faut d'abord le garder, notre marché, et non pas le laisser envahir par les sociétés étrangères. On ne forme pas notre main-d'oeuvre et on n'aide pas nos entreprises. On ne fait pas de recherche et de développement.

Et la quatrième facette d'une politique du plein emploi, c'est la volonté et la participation de l'État. C'est essentiel. Il faut que l'État soit catalysateur, soit mobilisateur, soit un acteur majeur dans une politique de plein emploi. Qu'est-ce que fait l'État l'autre côté? Qu'est-ce

que fait le système fédéral à l'heure actuelle? Regardez la réalité. Comment va-t-on pouvoir offrir à notre jeunesse une politique de plein emploi avec un gouvernement fédéral qui ne cesse finalement de détruire l'économie québécoise? Et regardons seulement depuis quelques années. C'est le retrait de l'État fédéral du développement économique au Québec. Les frégates qui ont fait en sorte que nos chantiers maritimes deviennent des garages de réparation. Alors que c'était chez nous qu'il y avait les grands chantiers maritimes, il y a quelques années, maintenant, les frégates sont faites dans les autres provinces.

Les chemins de fer, on est en train d'en faire au Québec des pistes cyclables. Bravo! pour les cyclistes. Mais bon Dieu! Est-ce que c'est comme ça qu'on va développer l'économie de nos régions quand Ottawa est en train de faire en sorte qu'il n'y ait plus de chemin de fer au Québec? Le reste du monde a compris quelque chose: le transport en commun, c'est essentiel pour le développement économique. Qu'est-ce qu'on fait? Bien, nous, on l'abolit ici. Ottawa a décidé ça, puis, de l'autre côté, on dit: C'est de valeur que ce soit comme ça. On réagit juste comme ça. On n'a pas le droit aux 200 milles de côte pour aller pêcher; pourtant, on nous dit des citoyens canadiens. c'est comme ça qu'on va créer des emplois pour nos jeunes? c'est comme ça qu'on va faire une politique de plein emploi? et quand je regardais, mardi 11 juin - c'est hier ça - gérard d. levesque, ministre des finances, qui lui-même déclarait ceci: ottawa n'assume plus que 40 % des coûts de la santé alors que jusqu'en 1977, il en assumait 50 % et qu'en 1994, ça ne sera plus seulement que 32 %, ça veut dire que d'année en année, ottawa coupe, nous en donne de moins en moins. ça nous coûte de plus en plus cher d'être dans ce système qui nous détruit. le même ministre des finances, le nôtre qui est ici, dit même: on a perdu 1 700 000 000 $ cette année. imaginez-vous. est-ce que nos taxes et nos impôts à ottawa ont diminué? non, ils ont augmenté. en plus, la tps. on paie plus cher à ottawa, puis il nous en donne de moins en moins. il développe les autres provinces, puis, nous autres, il nous en donne moins.

Ça nous coûte les yeux de la tête, ce système fédéral. Et nous, on veut donner à nos jeunes de l'espoir. On veut leur donner des jobs parce que c'est ça qui est essentiel. Ce n'est pas en donnant de l'aide sociale, ce n'est pas en donnant des déjeuners dans les écoles qu'on va régler la situation pour les générations futures. C'est en leur donnant des emplois. Le système actuel est en train de détruire notre économie dans tous les secteurs. Deux annonces en deux jours encore: La Banque du Canada fout le camp de Montréal, on s'en va à Toronto. Le vrai siège social, la véritable métropole maintenant, la véritable métropole financière, c'est Toronto. Air

Canada nous annonce qu'elle part. C'est encore des jobs qu'on va perdre pour nos jeunes. Puis, de l'autre côté, on dit: Vive Ottawa! Vive le Canada!

Je dois vous dire: C'est indécent. C'est inacceptable. Nos jeunes veulent des jobs. La seule façon de leur donner des jobs, la seule façon de leur garantir un avenir prometteur, c'est de garder chez nous les 35 000 000 000 $ que Ottawa vient nous chercher puis qu'il va investir dans les autres provinces. Ce n'est pas de savoir si on l'a, l'argent. On l'a, l'argent, parce qu'on le paie à Québec ou à Ottawa. C'est de savoir qui va l'administrer et où on va le dépenser. Moi, je veux qu'on le dépense au Québec. Je la veux, la souveraineté, parce que je veux qu'on garde notre argent. Je veux qu'on prenne nos responsabilités. Je veux qu'on ait le plein emploi pour nos jeunes. Je veux qu'on ait de l'avenir, les Québécois. On va être dans les pays les plus riches au monde, le jour où on va décider d'arrêter de payer pour les autres puis de faire souffrir les nôtres ici au Québec. On a les moyens. Tout ce qu'il nous manque, c'est la volonté et le projet de loi 150, M. le Président, malheureusement ne nous amène pas vers ça.

Écoutez le discours l'autre côté. C'est pour sauver le Canada. Vous êtes en train de sauver le Canada en faisant souffrir le Québec. Je ne suis pas d'accord avec ça. Ce que je demande, c'est un véritable référendum sur la souveraineté du Québec le plus rapidement possible parce que l'économie du Québec de jour en jour rempire, et on ne peut pas endurer ça quand on est responsable. Donc, pour l'avenir du Québec, pour l'avenir des Québécois, pour une politique de plein emploi, oui, je suis pour la souveraineté le plus vite possible. Et c'est pour ça que je ne peux pas accepter d'embarquer dans quelque chose d'aussi tordu, d'aussi confondant que le projet de loi 150. Merci, M. le Président. (23 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Shefford. Nous sommes à l'adoption du principe du projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec et je reconnais M. le député de Verdun.

M. Henri-François Gautrin

M. Gautrin: M. le Président, enfin j'ai la parole. Moi, je vais vous dire, la quantité d'insanités que j'ai entendues depuis ce matin, c'est assez difficile. La dernière, qui était donnée par le député de Shefford, nous faire croire et oser prétendre que la souveraineté pourrait régler les questions de plein emploi, avoir le culot de dire ça en pleine Chambre, alors que réellement, est-ce qu'il peut... est-ce qu'il va régler... parce qu'il y a réellement un problème de chômage actuellement? Ce qu'il faut faire, c'est une stabilité économique et une

volonté de développement économique. Et c'est ça que le Parti libéral essaie de faire depuis qu'il est au pouvoir.

Des voix: Bravo!

M. Gautrin: C'est ça qui règle le vrai problème, le plein emploi, non pas réellement l'instabilité qui est liée complètement aux questions constitutionnelles. Bon Dieu, revenez sur terre, s'il vous plaît! M. le Président, j'aimerais vous rappeler, à l'heure actuelle, qu'on débat de la loi 150. On débat de la loi 150 qui est une loi qui essaie justement d'aborder les questions constitutionnelles pour y mettre un terme. La loi 150 a trois variables, une date d'échéance, 1992, où il y aura un référendum, un référendum sur la souveraineté si nous n'avons pas d'offres acceptables, un référendum sur la souveraineté. 1992, parce que, depuis plus de 10 ans, le Québec et le reste du Canada évoluent vers cette forme de fédéralisme décentralisé, cette forme de fédéralisme décentralisé que, nous, du Parti libéral, nous n'avons pas prônée depuis quelques jours, mais prônée depuis tout le temps.

Que ce soit dans le livre beige de 1980, que ce soit dans les différents documents constitutionnels que notre parti a émis, nous avons toujours eu cette même vision, cette même vision du partage réel des pouvoirs entre le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral, une meilleure répartition des pouvoirs. Mais, ça, ça ne veut pas dire briser le Canada, ça ne veut pas dire couper le Canada. Ça veut dire simplement partager d'une manière plus efficace les pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, pas seulement à l'intérêt du Québec, mais à l'intérêt de chacun des gouvernements de nos provinces.

À l'heure actuelle, M. le Président, dans l'ensemble des systèmes fédéraux, on assiste à cette tendance à la décentralisation. On le remarque aux États-Unis où, actuellement, de plus en plus de pouvoirs s'en vont du gouvernement central vers le gouvernement des États; de la même manière, cette même tendance, ici, pour la meilleure efficacité du gouvernement canadien, de nous amener à redéfinir les pouvoirs entre les gouvernements des provinces et le gouvernement central.

C'est ce qu'on a toujours dit dans le Parti libéral. C'est ce qu'on a toujours prôné dans le Parti libéral. C'est ce qu'on a dit dans le livre beige. C'est ce qui a été voté par notre dernier congrès, ce qu'on a appelé le rapport Allaire. Ce n'est pas un rapport souverainiste. C'est une volonté réelle - avec des bornes, des échéances - de renouveler le fédéralisme canadien, d'avoir un fédéralisme décentralisé, d'avoir un fédéralisme où les conflits de juridiction n'existent plus, où la répartition des pouvoirs est adaptée à la réalité de 1990 et non pas la réalité de 1867, un fédéralisme efficace, un fédéralisme qui fonctionne, un Canada qui marche, un Canada qui sera justement capable de promouvoir le développement économique, un Canada qui sera en mesure d'assurer, pour l'ensemble de notre population, les jobs dont elle a besoin.

M. le Président, l'échéance est claire. Et c'est ça actuellement, la loi 150, une échéance claire, une échéance qui dit: En 1992, en septembre 1992, la question doit être réglée. C'est ça qu'on est en train de dire. Je comprends bien que l'Opposition ne veuille pas écouter, ne veuille pas entendre raison. C'est plus facile de crier, de faire de l'autosatisfaction mutuelle à l'intérieur de son propre groupe, mais la réalité, c'est quoi? C'est qu'on dit à l'heure actuelle: Nous voulons terminer, régler cette question. Elle le sera en 1992.

Qu'est-ce qu'il y a d'autre à l'intérieur du projet de loi? Deux commissions: une pour étudier les offres de renouvellement du fédéralisme parce que notre position, à nous du Québec, est claire. Notre vision du fédéralisme décentralisé a été clairement établie. Nous voyons, que ce soit dans les autres provinces, que ce soit au niveau fédéral, ce bouillonnement. Nous voyons la volonté de réformer aussi le pays, de réformer le Canada et nous allons avoir une commission pour étudier sérieusement les offres qui vont nous être faites, pour les analyser, pour voir si ça correspond réellement aux objectifs que nous avons, une commission qui va travailler sérieusement pendant trois, quatre, cinq, six mois. Pas question d'aller à la va-vite, parce qu'on parle actuellement de l'avenir d'une province. Il n'est pas question de balancer, de bousculer en criant des slogans. Il est question d'étudier, d'étudier sérieusement l'avenir, à l'heure actuelle, de la province, l'avenir du Canada.

Mais parallèlement à ça, M. le Président, je pense qu'on a créé et qu'on constitue une commission sûre pour évaluer l'impact de la souveraineté et je n'ai aucune difficulté à comprendre pourquoi nos amis de l'Opposition refusent la loi 150. La réalité est simple, ils ont peur. Ils ont peur de confronter leurs idées, non pas les clamer sur tous les toits, mais de les confronter réellement à l'intérieur d'une commission où on va débattre et où on va analyser les effets et les impacts de la souveraineté. C'est ça qu'on est en train de proposer, non pas de s'aventurer en disant: Oui, on est capables, on est forts, on peut le faire, mais de réellement évaluer, mesurer toutes ces questions. Et je vais soulever un certain nombre de questions.

Qu'arrive-t-il, dans la souveraineté, de la libre circulation des biens? Nous avons, à l'heure actuelle, à l'intérieur du Canada, une libre circulation des biens entre les différentes provinces. Il n'y a pas de barrière douanière. Qu'arrivera-t-il de la libre circulation des biens? Où en serons-nous? Quels seront les types d'accords économiques qu'il faudra créer? Se-

rons-nous capables de créer ces accords économiques? C'est une question importante, parce qu'il y va de l'avenir économique de nos jeunes, pas seulement en se gargarisant et en disant: Oui, l'indépendance va tout régler. Ce qui va être réellement réglé, c'est lorsqu'on aura réellement un développement économique.

Deuxième question, la libre circulation des personnes, la possibilité, pour un Québécois, d'aller travailler en Ontario ou d'aller travailler en Alberta, la libre circulation, parce que les gens sont du même pays, ce sont des citoyens canadiens. Comment on va maintenir à l'intérieur d'un Québec indépendant cette libre circulation des personnes? La libre circulation des services. La libre circulation des services, c'est une question importante. Le service ferroviaire, le service des télécommunications, le service routier, comment on va faire ça? Est-ce qu'on va mettre des barrières? Comment on va faire ça? C'est une question fondamentale aussi, parce qu'il y va du développement économique et de l'avenir, l'avenir de notre population. On ne veut pas s'embarquer là-dedans au hasard avec quelques slogans.

La libre circulation des capitaux, la monnaie, à l'heure actuelle, il n'y a aucun problème. Les capitaux fluctuent, passent facilement d'une province à l'autre. Nous avons la même monnaie. Quelle sera la monnaie? Quelle sera la monnaie d'un Québec indépendant? Pourrons-nous avoir une politique monétaire? Je vous mets au défi, je vous mets aujourd'hui au défi de le démontrer, pas seulement de le clamer, mais de le démontrer, de venir dans une commission vous asseoir avec nous et de le démontrer chiffres en main.

Des voix: Bravo!

Une voix: Un féfi! (23 h 30)

M. Gautrin: Quelle sera la participation du Québec indépendant dans les accords du GATT si le pays signataire ne permet pas au Québec indépendant d'avoir ce droit de succession qui lui permettrait de signer, d'hériter des accords du GATT? Quelle serait, à l'heure actuelle, la possibilité du Québec d'exporter ses biens alors que nous avons une économie extrêmement ouverte? Question fondamentale si on parle du développement économique. Ce n'est pas une question simplement de se gargariser en disant: On est capable. On parle réellement d'accords commerciaux internationaux.

La question, à l'heure actuelle, elle est fondamentale. Elle est absolument fondamentale. À l'heure actuelle, le Canada a une dette de l'ordre de 357 000 000 000 $ que nous devons financer, que nous, Canadiens, nous finançons en partie sur les marchés internationaux, qui est financée sur la crédibilité économique du Canada. Lorsque vous avez une dette, quelle qu'elle soit, la manière dont on vous prête, on vous prête sur votre crédibilité. normalement, une partie de cette dette - on pourra discuter si c'est le quart ou 20 % - doit revenir à un québec indépendant. j'aimerais savoir quelle sera la crédibilité du québec indépendant pour pouvoir financer 20 % de cette dette. quelle sera sa crédibilité? rappelez-vous, ceux d'entre vous qui avez dû vivre des situations de divorce. est-ce que, réellement, la base financière de chacun des éléments du couple est aussi valable pour pouvoir aller sur les marchés d'emprunt, lorsqu'il faut emprunter dans une banque, qu'un couple stable? demandez à n'importe quel gérant de banque. il vous répondra. la question de la dette est fondamentale lorsqu'on parle de la séparation actuellement, de la séparation du québec.

Chers amis, à l'heure actuelle, ces questions, il faudra les analyser sérieusement et nous voulons non pas simplement passer par quelques slogans, nous voulons les analyser sérieusement à l'intérieur d'une commission parlementaire et c'est ça que nous proposons à l'intérieur de la loi 150. Je comprends que l'Opposition soit contre. Ça va être difficile de défendre leur position, ça va être difficile de le prouver lorsqu'ils seront soumis à certaines questions. C'est ça qui sera à l'intérieur de la loi 150 et c'est actuellement ce qu'on propose.

Chers amis, à l'heure actuelle, le choix... Il y a l'espoir. L'espoir de ce côté-ci, c'est que ce grand pays qu'est le Canada va être en mesure de renouveler son fédéralisme. Nous croyons réellement que des offres sérieuses vont nous venir. Nous pensons et nous avons confiance, ce n'est pas simplement une question de se mettre à genoux, nous avons confiance que cette vision du fédéralisme décentralisé, nous allons être en mesure de l'obtenir et de la mettre en pratique ici, au Québec.

C'est avec grand espoir pour le futur du Québec à l'intérieur du Canada que moi, je vais voter en faveur de la loi 150 parce qu'elle nous permet, à l'heure actuelle, d'avoir une échéance, parce qu'elle nous permet d'étudier sérieusement les offres qui vont nous venir du reste du Canada et parce qu'elle va nous permettre aussi de creuser jusqu'au bout la question de la souveraineté. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, m. le député de verdun. sur l'adoption du principe du projet de loi 150, mme la députée de marie-victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. La démarche du gouvernement dans ce cas-ci, en ce qui concerne la loi 150, n'est sûrement pas inusitée. On voit bien, en fin de compte, la flexibilité du gouvernement à l'instar même de

son chef, c'est-à-dire qu'il n'y a pas si longtemps le premier ministre disait qu'il ne pouvait passer en deuxième lecture le projet de loi 150, parce qu'il devait y avoir un consensus à l'intérieur de l'Assemblée nationale, parce qu'il était impensable pour nous, du Parti québécois, d'accepter le traquenard dans lequel ce gouvernement voulait impliquer la société dans son ensemble avec ce projet de loi 150. Mine de rien, M. le Président, ce gouvernement voulait davantage faire le référendum du fédéralisme beaucoup plus que faire le référendum, le vrai référendum, c'est-à-dire la souveraineté du Québec.

Eh oui! la supercherie n'a pas tenu cette fois-ci, M. le Président, parce que nous étions assez aguerris avec tout ce que nous avions vécu antérieurement, notamment lors de la Commission Bélanger-Campeau et lors des aboutissements de la Commission Bélanger-Campeau. Bien sûr que le premier ministre, actuellement, avec son projet de loi 150, avec la façon de vouloir faire ces deux comités, M. le Président, se donne en fait des moyens pour pouvoir, à un moment donné, prendre un corridor quelconque pour que, finalement, on arrive à une conclusion qui soit souhaitable pour renouveler le fédéralisme. Et c'est ça la vraie nature, en fait, de la loi 150 et de la composition des deux commissions que veut former le premier ministre, à la suite de la loi 150, M. le Président.

Et pourquoi, M. le Président, je peux affirmer cet énoncé? Bien, tout simplement parce qu'il n'y a pas si longtemps, il y a quelques jours, dans l'entourage de M. Bourassa, il y avait des gens qui alimentaient des rumeurs à l'effet que le premier ministre n'avait plus du tout l'intention de passer un référendum, mais bien plus avait beaucoup plus l'intention de s'en aller vers une élection référendum que de vraiment proposer à l'ensemble des Québécois, pour octobre 1992, un référendum sur la souveraineté. Et ça, M. le Président, nous ne l'avons point inventé de ce côté-ci de la Chambre. Ce sont même les proches de M. le premier ministre qui affirmaient dans les corridors que ce qui était important, actuellement, était non plus le référendum, mais une élection référendaire. Et le premier ministre de nous dire en Chambre que c'était un peu de la rigolade, que certains de ses proches collaborateurs avaient un sens de l'humour plus développé que d'autres et, bien sûr.

M. le Président, il aurait fallu que nous aussi nous continuions à la rigolade. Sauf que, M. le Président nous avons nous aussi une responsabilité en tant qu'Opposition. Nous devons, lorsque justement un gouvernement n'est pas capable de se tenir debout et de dire vraiment les choses telles qu'elles sont et l'orientation dans laquelle ils veulent vraiment engager l'ensemble de la population, nous avons le devoir comme Opposition de soulever et d'apporter à la population cet état de cause, M. le Président. C'est pourquoi nous avons dit que non, dans les conditions dans lesquelles le premier ministre voulait passer cette loi 150, il était insoutenable pour nous, ici, de ce côté de la Chambre, d'entériner une telle démarche, M. le Président, parce que le premier ministre lui-même renonçait à sa signature qu'il avait mise dans le rapport Bélanger-Campeau.

Je pense que la population nous en aurait voulu énormément de ne pas nous être tenus debout. Et si on est rendus à faire des sortes de caricatures sur la flexibilité du premier ministre en ce qui concerne son attitude face au Canada, je ne pense pas que de notre côté, nous ayons déjà montré cette flexibilité. Lorsque nous parlons, en fin de compte, d'ouverture d'esprit, c'est que nous sommes prêts à regarder, M. le Président, des avenues qui favorisent les engagements pris par un groupe d'hommes et de femmes, au moment où ils ont siégé à la Commission Bélanger-Campeau, mais non pas faire toutes sortes de formes de culbutes qui feraient en sorte qu'on voudrait diluer la portée, en fait, du contenu et du consensus qui a été établi, lors du rapport de la Commission Bélanger-Campeau.

Donc, M. le Président je vous disais même que ça a débuté il n'y a pas si lontemps. Ça a débuté la semaine dernière, il y a quelques jours, dans l'entourage de M. Bourassa qui, lui, alimentait les rumeurs à l'effet qu'il y aurait une élection précipitée et que ce serait une élection référendaire, pour éviter, en fait, ce qui était dans la loi 150. (23 h 40)

Cette rumeur, comme vous le savez, M. le Président, a été reprise par plusieurs médias d'information aussi. On en a donc parlé pour un bon bout de temps. L'hypothèse a été avancée que M. Brian Mulroney avait aussi des propositions à faire, à l'automne, au gouvernement de M. Bourassa. M. Clark est venu ici en éclaireur pour voir exactement comment se situait le premier ministre, M. Bourassa, face aux propositions que s'apprête à nous livrer M. Mulroney. Et M. Clark est parti enchanté, en disant: J'ai vu un premier ministre qui était excessivement flexible. Comme nous ne voulons pas faire de fausse interprétation en ce qui concerne certains concepts de la langue française, eh bien, nous sommes allés consulter le Petit Robert - et le Petit Robert ne dit que la vérité - Alors le Petit Robert, ce qu'il nous a apporté comme définition en ce qui concerne le mot "flexible", c'était un nombre de synonymes qui voulaient dire tout simplement qu'on pouvait être très élastique, qu'on pouvait être molasse, qu'on pouvait avoir de la difficulté à prendre une orientation. Et vraiment, c'est ce qui se passe actuellement.

Ce que nous aimerions, en fait, une fois pour toutes, c'est que le premier ministre nous donne vraiment ses couleurs. Est-il, oui ou non, pour un référendum sur la souverainté, M. le

Président? Et comme nous connaissons déjà les orientations du premier ministre, parce qu'il en fait souvent des déclarations solennelles, en ce qui concerne son penchant pour le fédéralisme, nous avons, en fin de compte, peine à croire, après l'ensemble des discours qui nous ont été faits ici, en cette Chambre, que les véritables intentions du premier ministre, c'est de faire un référendum sur la souveraineté. Ce n'est pas vraiment les intentions. C'est beaucoup plus d'attendre les propositions qu'aura à nous offrir le Canada anglais et encore faut-il être aussi naïf que le député de Verdun lorsqu'il disait: Je fais confiance au Canada anglais. J'ai l'espoir d'un nouveau fédéralisme renoulevé où le Québec aura sa place de plein droit. Eh bien, M. le Président, j'aurais une question à poser à ce député, à savoir: Combien de coups de pied au derrière faut-il recevoir pour comprendre que le Canada anglais, c'est une fin de non-recevoir que, chaque fois qu'on leur pose la même question, il nous donne. Et dans le quotidien, dans la gestion courante des affaires publiques et politiques entre Ottawa et le gouvernement québécois, l'adhésion du partage réel que nous apportait tantôt le député de Verdun, cette personne qui croit au renouvellement fédéraliste et qui donne une part équitable au Québec, j'ai peine à croire qu'il ne voit pas les choses de la même façon que la majorité des gens du Québec, lorsqu'on voit tous les jours des inégalités en ce qui concerne le Québec, dans les rapports fédéral-provincial.

Air Canada ferme ses portes et l'école, la formation de pilotes, dorénavant se fera à Toronto. Ça, ça fait partie de la confiance envers le fédéralisme, M. le Président. Le bureau de change international de la Banque du Canada, ça va à Toronto. Ça, ça fait partie de l'espoir du gouvernement face à la place économique qu'occupera le Québec dans un fédéralisme renouvelé.

On voyait dernièrement, dans le développement technologique, qu'on a de la difficulté à recevoir la part qui revient au Québec, toujours en favorisant Toronto. Eh bien ça, M. le Président, c'est ce que j'appelle un mélange de confiance et d'espoir face au fédéralisme, espoir qu'un jour il comprendra que ce que nous voulons, c'est vraiment d'avoir de l'emploi au Québec et non pas tout simplement des beaux discours. Nous voulons de la réalité et que cette réalité passe d'abord et avant tout chez nous, par nous et avec nous. Et ces gens-là ont de la difficulté à comprendre à l'heure actuelle que, pour que le Québec puisse se prendre en main, il faut qu'il ait tous les leviers économiques mis à sa disposition de même que l'ensemble, M. le Président, de ses impôts et qu'il puisse signer ses propres traités. C'est clair, c'est très simple. Ce n'est pas si complexe et si compliqué et nous n'en sortirions pas perdants, M. le Président, comme ces gens-là n'arrêtent pas d'essayer de nous le démontrer.

Je me pose encore toujours cette même question, combien de fois faudra-t-il recevoir des fins de non-recevoir pour que, enfin ils s'aperçoivent qu'en plus d'avoir une fin de non-recevoir du Canada anglais, on nous maintient dans la pauvreté, dans l'ignorance crasse, et on nous empêche de nous développer selon notre rythme et on nous empêche d'occuper une place de choix dans la société moderne et dans la nouvelle orientation du Canada... Je vois que le député de Mille-Îles considère que j'ai un discours misérabiliste. Regardez, M. le Président, uniquement notre taux de chômage à l'heure actuelle et regardez là où le fédéralisme a toujours été le plus généreux, les prestations d'assurance-chômage. C'est une belle jambe ça, c'est comme ça qu'on va se maintenir riches en nous maintenant toujours comme des assistés sociaux.

Pourtant, M. le Président, c'est une réalité qui se passe chez nous ici au Québec et, si le député de Mille-Îles trouve ça drôle qu'au Québec actuellement on ait 15 % de chômage, 20 % de chômage chez les jeunes dans certaines régions, que ce soit la Gaspésie, où on n'est pas loin du 30 %. Et dans certaines autres régions, c'est catastrophique à l'heure actuelle, ce qui se passe. Qu'on ait tout simplement à dire que nous avons une vision misérabiliste, je pense que nous avons une vision réaliste de la situation du Québec, mais nous, nous ne privilégions pas au détriment, en fait, des intérêts des Québécois un fédéralisme qui est dépassé et qui n'a rien à apporter à l'ensemble des Québécois pour leur avenir, leur développement et leur rayonnement, M. le Président.

J'entendais tantôt le député de Verdun, M. le Président - et je pense qu'il y a encore beaucoup de temps à faire dans cette Chambre avant qu'il soit nommé ministre, cet homme - mais j'entendais le député de Verdun qui nous disait que c'était important, maintenant, la libre circulation et que c'était important aussi, nos chemins de fer et aussi toutes nos voies d'accès pour la libre circulation et qu'il nous fallait rester dans un Canada pour pouvoir avoir la maîtrise, si vous voulez, de cette circulation des biens et des services. Je lui dirai, M. le Président, qu'actuellement, la préoccupation du gouvernement fédéral n'est pas de développer le système ferroviaire du Québec. Au contraire, on l'a presque tout enlevé; il ne reste plus grand-chose. Comme disait un de mes collègues, il n'y a pas si longtemps, on en fait des pistes cyclables, M. le Président. C'est l'Ouest, c'est le système ferroviaire de l'Ouest canadien qu'on est en train de développer et vous savez que c'est beaucoup plus rentable pour l'Ouest canadien et, nous, nous devons tout simplement voir des lignes qui sont en train de fermer, ce qui isole nos régions du reste de la capitale régionale, Québec ou Montréal; c'est ce qui se passe, M. le Président.

On parlera à un moment donné plutôt que de nous donner les instruments et les moyens de nous développer, eh bien, on parle qu'il faut, nous, prendre les intérêts des Canadiens-anglais et défendre les intérêts des Canadiens-anglais. Et ça, ça m'a toujours fait tellement peine à entendre, de voir de nombreux Québécois défendre les intérêts des Canadiens-anglais avant de défendre les intérêts des gens d'ici, M. le Président. Ça, ça m'a toujours chagriné. Charité bien ordonnée, M. le Président, commence par soi-même. Il faut commencer à se responsabiliser soi, avant de vouloir aller responsabiliser les autres. C'est ici que ça commence et c'est ici et c'est avec les gens d'ici qu'il faut que ça commence, M. le Président. (23 h 50)

Alors, je n'ai pas vraiment, non, et je ne me sens pas nécessairement aussi acariâtre et encore moins raciste où tout ce qu'on voudrait me donner comme épithète, parce que je défends et j'ai à coeur mes intérêts, les intérêts du Québec avant les intérêts des provinces anglo-canadiennes, M. le Président. Non, je pense qu'effectivement, l'art de gouverner, c'est de prendre des décisions, de prendre des décisions pour l'ensemble des intérêts de sa population et c'est pour ça que nous avons été élus membres de l'Assemblée nationale, pour prendre les intérêts de notre population avant même de vouloir défendre des idéologies qui font l'affaire des gens qui nous exploitent. Il y a toujours une forme de sympathie qui s'exerce entre son bourreau et la victime. Mais, M. le Président, les Québécois sont tannés d'être des victimes. Et nous ne savons plus quoi faire de notre bourreau qui est Ottawa à l'heure actuelle et nous sommes maintenant devenus des êtres responsables, capables de se prendre en main, dont la "victimisation" n'est plus un mot de notre vocabulaire, bien au contraire.

Et, M. le Président, j'aimerais aussi parler d'un aspect qui m'est tout à fait particulier, parce que j'habite pas loin du fleuve Saint-Laurent, et c'est tous les différents aspects de la voie maritime du Saint-Laurent. Je pense que ça vaut la peine qu'on s'y attarde et aussi pour remettre les choses dans leur contexte et résister, M. le Président, à certaines images que voudraient bien faire passer, véhiculer dans la population certaines personnes, à l'effet que vous savez: si on devient souverainiste, eh bien, évidemment, la voie maritime du Saint-Laurent, ça deviendra quelque chose de difficile à gérer et même qu'on ne pourra même plus gérer et peut-être qu'on ne pourra même plus passer quand on voudra aller aux États-Unis parce qu'il y a une partie qui sera sur le territoire de l'Ontario et ça va empêcher la libre circulation, probablement, des bateaux. Alors, M. le Président, moi, je me suis posé des questions à savoir, effectivement, dans un pays souverain, qu'est-ce qui va arriver avec la voie maritime,

M. le Président.

Je peux vous dire que ça ne sera pas si compliqué que ça parce que, actuellement, il a 15 écluses dont 2 écluses sont aux États-Unis, 2 écluses à Montréal et les autres, les 11 écluses sont près du lac Érié. Alors, tout simplement, ce que ça veut dire, c'est que dans un Québec souverain, on fera comme avec les États-Unis. Les États-Unis gèrent leurs 2 écluses, le Québec gérera ses 2 écluses et actuellement, il y a des ententes entre les États-Unis et le Canada pour un prix unitaire et nous aurons la même chose avec le Québec. Pourquoi pas? S'il y en a 2, on pourra en mettre 3. Pourquoi pas? Il n'y a aucune complication à ce niveau-là, M. le Président. À ce moment-ci, vous me diriez: Comment va-t-on pouvoir prendre, revenir posséder ces écluses? Eh bien, M. le Président, ce n'est pas compliqué, pas compliqué. On paie. Ça fait partie des actifs. Actuellement, c'est nous qui payons par nos impôts, en fait, pour l'entretien de toutes ces écluses et c'est aussi parce que nous aurons, nous aussi, à voir à la garde côtière du Québec. Et actuellement, M. le Président, nous sommes perdants parce que nous représentons le quart de la population et nous sommes obligés de payer plus de 25 %, en fait, des frais de la garde côtière alors que nous payons actuellement pour l'ensemble des provinces de l'Est et les provinces de l'Ouest de la côte Atlantique, M. le Président. Donc, je pense que pas de fausses rumeurs; il faut voir les choses dans leur contexte. Il y a toujours des solutions, M. le Président. J'ai été élevée de cette façon qu'à tout problème, il y a une solution et que de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes plus prêts à voir les solutions que de s'arrêter aux problèmes, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Je reconnais maintenant M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Oui, M. le Président, est-ce que la députée de Marie-Victorin me permettrait une question dans le cadre d'un Québec souverain sur la politique sur la voie...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse. Vous n'avez pas à poser votre question. Est-ce que vous autorisez une question au député de Mille-Îles? La question devra être brève et la réponse également. Est-ce que vous permettez au député de... Oui, la permission vous est accordée, M. le député.

M. Bélisle: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Mme la députée, est-ce que vous êtes en accord ou en désaccord avec votre collègue de Québec, le député de Lévis, qui soulignait cet après-midi, à 16 h 45, en cette Chambre, concer-

nant la politique d'un Québec souverain, la politique maritime d'un Québec souverain relativement à la voie maritime du Saint-Laurent, et je cite au texte: que c'est une question de négociation et de discussion avec nos voisins. Est-ce que vous pourriez nous dire combien de temps et d'efforts, combien d'années ça va prendre avant d'en arriver à des...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député. M. le député, vous savez très bien en tant que leader adjoint du gouvernement que la question doit être très brève. Alors, M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Est-ce que la députée de Marie-Victorin ne répond pas? Elle n'a pas de réponse.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Richelieu.

Mme Vermette: M. le Président, je pourrais dire une chose, par exemple, au député de Mille-Îles.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée, je vous permets une réponse brève.

Mme Vermette: Ce qui se comprend facilement s'énonce clairement, M. le Président, et dans ce cas-ci, je pense qu'il n'a pas encore compris tout à fait.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Alors, nous poursuivons le débat sur le projet de loi 150... M. le député de Mille-Îles, s'il vous plaît. Le projet de loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et je reconnais M. le député de Richelieu.

M. Albert Khelfa

M. Khelfa: Merci, M. le Président. Je ne commenterai pas le bouilli mal assaisonné de la députée de Marie-Victorin. Comme vous l'avez constaté, il n'a pas de goût. Je veux me limiter au fait, au projet de loi 150. Nous sommes appelés une fois de plus à discuter d'un sujet capital pour l'avenir du Québec. D'aucuns croyaient qu'après l'échec de l'accord du lac Meech, le Québec se replierait sur lui-même en proposant une alternative sans prendre le temps de réfléchir, Madame. Pour le gouvernement libéral, il n'était pas question de menaces proférées à l'endroit d'un autre niveau du gouvernement. Il s'agissait plutôt de reprendre le travail là où il avait été abandonné pour préparer la voie à un avenir politique stable, tout en assurant la sécurité économique du Québec. Car, M. le Président, vous savez pour nous, pour moi, pour le premier ministre, pour M. Bourassa, pour le gouvernement libéral, la sécurité économique du Québec est la priorité.

Maintenant, quant au projet de loi 150, qu'est-ce qu'il dit exactement? Ce projet de loi oblige à la tenue d'un référendum sur la souveraineté entre le 8 et le 22 juin 1992 ou entre le 12 et le 26 octobre 1992. Ce premier élément est parfaitement conforme aux propositions du rapport de la Commission Bélanger-Campeau. Le gouvernement libéral présente donc aujourd'hui une loi qui respecte en tout point les propos du rapport de cette commission - en passant, il a été signé par ceux qui refusent de voter pour. De plus, le projet de loi 150 prévoit la constitution de deux commissions parlementaires spéciales soumises à l'autorité de l'Assemblée nationale. C'est normal, M. le Président. Si l'Assemblée nationale crée deux commissions, donc elles doivent être sous son autorité. L'une d'entre elles aura pour mandat d'étudier toute question afférente à l'accession du Québec à sa pleine souveraineté. Cette commission sera d'autant plus importante qu'elle fera preuve d'une transparence absolue pour que les Québécoises et les Québécois comptent leur option future. L'autre commission parlementaire qui sera constituée en vertu de ce projet de loi aura pour mandat d'apprécier toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du Canada. Cette offre devra lier formellement le gouvernement canadien et les autres provinces.

Il s'agit essentiellement, par la création de ces commissions, d'éclairer la population du Québec afin qu'un choix judicieux et rigoureux puisse être fait le moment venu. Nous devons permettre au Québec de prendre sa décision de la façon la plus éclairée: d'une part, de posséder les pouvoirs nécessaires à son épanouissement comme société; d'autre part, de s'entendre avec ses partenaires canadiens pour préserver et renforcer l'espace économique canadien, (minuit)

Sur ce dernier point, M. le Président, le gouvernement libéral désire insister sur la nécessité d'assurer la sécurité économique des Québécoises et des Québécois. Mais ne l'oublions pas, le Québec parie maintenant d'un réaménagement majeur des relations entre le Québec et le reste du Canada. Pour revenir à la constitution de ces deux commissions parlementaires, le gouvernement s'assure, dans le libellé du même projet de loi 150, qu'un équilibre sera établi entre les deux commissions parlementaires. Plus exactement, cela signifie qu'aucune de ces deux commissions parlementaires n'est supérieure ou plus importante que l'autre. Chacune de ces deux commissions aura une valeur égale.

Il nous apparaît important et essentiel, pour le respect de ces règles de la démocratie, que cet équilibre soit présent entre les deux commissions, équilibre qui permettra d'informer adéquatement et pleinement la population du Québec

sur chacune des deux voies qui pourront s'offrir au Québec.

On parle de l'obligation de résultats. Avant d'effectuer un choix aussi important pour notre qualité de vie, la population québécoise doit être informée de façon la plus complète possible. La tendance de l'une ou l'autre des options sera connue lorsque sera venu le moment le plus opportun pour que la population du Québec fasse son choix librement et en toute confiance, un avenir qui puisse assurer la sécurité économique du Québec tout en renforçant sa stabilité politique.

Un mot maintenant, M. le Président, sur la tenue du référendum. L'article 1, le premier article du projet de loi 150 est clair à ce sujet. Il prévoit que le gouvernement du Québec tiendra un référendum sur la souveraineté. La période retenue se situe entre le 8 et le 22 juin 1992, ou entre le 12 et le 26 octobre 1992. Ce mécanisme de consultation est entièrement conforme à la recommandation de la Commission Bélanger-Campeau.

De son côté, le gouvernement du Québec, par la voix de son ministre des Affaires intergouvernementales, a déjà mentionné que cet exercice démocratique ne saurait porter sur autre chose que l'accession du Québec à la pleine souveraineté. Cette accession du Québec à la pleine souveraineté est définie à l'article 3 de la même loi. J'aimerais citer quelques lignes de cet article pour s'assurer de bien comprendre le sujet, M. le Président.

Je cite: "La Commission - dit-on à l'article 3 - a pour mandat d'étudier et d'analyser toute question relative à l'accession du Québec à la pleine souveraineté, cette dernière signifiant la capacité exclusive du Québec, par ses institutions démocratiques, de faire ses lois, de prélever ses impôts sur son territoire et d'agir sur la scène internationale pour conclure toute forme d'accords ou de traités avec d'autres États indépendants et participer à diverses organisations internationales." Cette Commission devra par la suite formuler les recommandations à l'Assemblée nationale. "Elle a également pour mandat, dans l'hypothèse où le gouvernement du Canada ferait l'offre formelle d'un partenariat économique, d'étudier et d'analyser telle offre et de formuler, à cet égard, des recommandations à l'Assemblée nationale" ici.

Cette dernière remarque fait toujours partie de l'article 3 du projet de loi 150. D'autre part, pour se conformer à l'équilibre auquel je faisais allusion tout à l'heure, l'autre Commission d'étude s'intéressera aux offres constitutionnelles.

Quant aux articles 4 et 5 du même projet de loi, M. le Président, ils sont très clairs. À l'article 5, il est précisé que: "La Commission a pour mandat d'apprécier toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite au gouvernement du Québec par le gouvernement du Canada et de formuler, à cet égard, des recommandations à l'Assemblée nationale."

Quant à l'article 6, il vient compléter les deux autres: "...d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite au gouvernement du Québec doit lier formellement le gouvernement du Canada et les autres provinces." (0 h 10)

Donc, l'équilibre également assuré au niveau de la composition de chaque Commission qui comptera 16 membres, y compris le président. Nous parlerons ici d'équilibre. Les deux formations politiques sont représentées de façon proportionnelle au sein de ces Commissions. Ainsi, neuf députés du parti gouvernemental nommés par le premier ministre y seront présents, trois députés du parti de l'Opposition officielle nommés par le chef de l'Opposition y seront présents également, ainsi qu'un député indépendant. Comme on le voit, M. le Président, le gouvernement a pris soin de ne pas bousculer les choses, dans un dossier aussi important que l'avenir constitutionnel du Québec. Notre avenir, l'avenir de nos jeunes, l'avenir du Québec dans son entier, il dépend de ce que nous allons faire les prochains mois.

Le gouvernement du Québec veut prendre le temps d'informer adéquatement et complètement la population québécoise. À cet égard, je suis fier d'appartenir à une formation politique dirigée par un homme de vision, un homme d'avenir, comme M. Robert Bourassa, le chef du Parti libéral, et le premier ministre du Québec, qui tient à ce que l'exercice démocratique soit fait sans entraves, de façon libre et que chacun des intervenants, en respecte les règles du jeu. C'est pour une meilleure maîtrise de notre avenir que le projet de loi 150 a été élaboré, de manière à ce que toutes les options puissent être étudiées, considérées de façon aussi complète que possible, non pas à la légère, non pas au bouillon non assaisonné comme la députée de Marie-Victorin tantôt.

M. le Président, en terminant, je vous dis avec fierté que je voterai pour la loi 150. Et j'espère que nous serons tous unanimes pour voter cette loi pour donner une force au Québec, lors de ses négociations futures. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Richelieu. Sur ce même projet de loi, projet de loi 150, à l'adoption du principe, M. le député de Bertrand. M. le député.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. C'est avec empressement que j'attendais d'intervenir sur le projet de loi 150 puisque, à titre de porte-parole de l'Opposition officielle en matière de relations internationales, il m'apparaît inad-

missible de traiter de la souveraineté du Québec sans en faire ressortir les impacts sur nos relations avec les autres peuples et les autres États. L'ouverture du Québec sur le monde s'est faite progressivement au début des années soixante, dans le cadre de la Révolution tranquille. En dépit de son statut d'État non souverain, le Québec a acquis avec persistance une personnalité internationale sur la base du principe de prolongement à l'extérieur de ses compétences constitutionnelles internes, tout en devant composer avec les susceptibilités du moment du gouvernement fédéral.

L'ouverture d'une délégation du Québec à Paris, en 1961, a marqué le début de l'instauration d'un réseau de représentations du Québec à l'étranger qui compte aujourd'hui 27 délégations ou bureaux répartis à travers le monde. La capacité d'action du Québec ne repose sur aucune assise constitutionnelle au-delà de ses champs de compétence. Toute extension du réseau, toute ouverture d'une nouvelle délégation repose sur l'assentiment préalable du gouvernement fédéral. En dépit de son intention d'ouvrir des délégations, entre autres à Séoul et à Dakar, le Québec n'a pu réaliser ce projet en raison du refus d'Ottawa d'y consentir.

L'organisation du monde s'agence autour de trois courants fondamentaux et complémentaires: premièrement, la souveraineté constitue la base du système; deuxièmement, l'interdépendance économique continentale et internationale régit les échanges entre les pays; troisièmement, des solidarités diversifiées entre pays, ponctuelles ou prolongées, amènent le développement de plusieurs modèles de coopération bilatérale et multilatérale. Pour accéder à la scène internationale, s'y faire reconnaître comme partenaire, le Québec devra se conformer aux exigences du système tel qu'il est.

D'abord, il faut être un État souverain. Accéder à ce statut implique que nous exercions notre droit à l'autodétermination. Pour faciliter la reconnaissance de notre souveraineté par les autres pays, nous disposons d'un atout indéniable. Détenteur d'une solide tradition démocratique, un tel choix implique chez nous une décision prise librement par l'électorat. Lorsqu'elle s'affirme ainsi dans notre monde, la souveraineté d'un peuple n'est pas contestée à l'échelle internationale. La reconnaissance du Québec par d'autres États souverains repose sur la légitimité du processus d'accession à la souveraineté découlant de l'exercice du droit à l'autodétermination du peuple québécois dont il s'est prévalu en mai 1980. La tenue d'un référendum permettant l'expression d'un choix dans des conditions démocratiques et tout à fait respectueuses du droit international facilitera la reconnaissance du Québec comme État souverain par d'autres États souverains.

Le projet de souveraineté du Québec s'inscrit tout à fait dans le contexte d'inter- dépendance des États. En effet, à l'heure de la mondialisation des marchés, de petits États peuvent en même temps conserver leur identité nationale, préserver leur souveraineté tout en s'inscrivant dans de grands marchés économiques dépassant leurs frontières. La souveraineté offre au Québec, sur le plan international, un avantage incontestable. La souveraineté, c'est, en fait, la capacité pleine et entière de conclure des traités avec d'autres États souverains en nous assurant nous-mêmes directement de la défense de nos intérêts propres plutôt que de continuer de nous en remettre à un autre gouvernement dont le mandat couvre des intérêts plus vastes et parfois en contradiction avec ceux du Québec. Les négociations du GATT de l'an dernier, au plan agricole, ont démontré que le gouvernement fédéral a avancé des propositions qui ne répondaient pas aux intérêts des producteurs de lait du Québec et sont un exemple récent que plusieurs d'entre nous garde encore frais en mémoire.

La souveraineté, c'est également la capacité et le droit de participer pleinement, comme État membre, aux divers organismes internationaux qui peuvent desservir les intérêts collectifs des Québécois et des Québécoises. En faisant son apparition en tant qu'acteurs à part entière sur la scène internationale, le Québec y occuperait une place de choix et, d'ailleurs, fort enviable par les quelque 170 États souverains de la planète. Situons les choses: Selon les données relatives au produit intérieur brut par habitant de 1988, le Québec souverain aurait occupé le troisième rang parmi les pays de l'OCDE, après les États-Unis mais devant le Japon, et, en 1989, le quatorzième rang sur 24 quant aux valeurs de la production intérieure brute, en bonne place parmi des pays de dimensions comparables tels la Suède, la Suisse, l'Autriche, la Finlande, le Danemark et la Norvège.

Permettez-moi, M. le Président, d'ouvrir ici une parenthèse pour rejeter une fois pour toutes certaines insinuations malveillantes qu'avancent nos adversaires, comme en 1980, à savoir que le projet de souveraineté s'inspire d'un repliement sur soi d'une fermeture au monde. Rien, dans l'évolution de la présence internationale du Québec des 30 dernières années, ne justifie de tels propos calomniateurs. Le Québec a donné au moins autant que toute autre province, et que le gouvernement fédéral lui-même, la preuve de son ouverture au monde par ses actions de coopération internationale, comme par ses initiatives économiques hors frontières. Au contraire, il y a même été un aiguillon pour le Canada dans son ensemble, entre autres, en ce qui concerne nos relations avec l'Afrique francophone. "Pour les peuples comme pour les individus - écrivait Fernand Dumont dans La Vigile du Québec -accéder à l'universel, c'est d'abord choisir soi-même la porte d'entrée." Je voudrais bien que nos détracteurs me disent ce qu'il y a de

recroquevillé ou d'étriqué à vouloir s'ouvrir sur le monde, mais en étant maître de la porte d'entrée. De plus, personne ne niera que le Québec a été le fer de lance de la lutte pour la conclusion de l'Accord de libre-échange entre le Canada et les États-Unis et qu'il est présentement, encore une fois, l'un des principaux promoteurs de l'extension de ce traité au Mexique.

Accéder à la souveraineté, c'est, aujourd'hui plus que jamais, un défi passionnant et inéluctable pour le Québec. En accédant à la souveraineté, le Québec pourra se doter enfin d'une véritable politique de relations internationales selon ses propres priorités et couvrant tous les secteurs d'activité d'une société industrialisée parmi lesquelles nous sommes. Cette politique internationale du Québec sera articulée par un véritable ministère des Affaires étrangères dont les principaux axes d'intervention seront les relations publiques, la promotion commerciale, les relations universitaires, les relations culturelles, la coopération internationale, l'immigration et le soutien aux francophones hors Québec.

Au chapitre des relations politiques, un Québec souverain ne déploiera pas ses activités tous azimuts. Le Québec souverain devra se donner une politique internationale à sa mesure impliquant un choix de priorités et de stratégies qui viseront avant tout à promouvoir les intérêts économiques et culturels de la société québécoise. La politique de ce nouveau Québec souverain s'appuiera sur deux axes principaux d'intervention: les relations multilatérales, les relations bilatérales.

Au niveau multilatéral, le Québec sollicitera une participation active à l'Organisation des Nations Unies et à ses institutions spécialisées dont l'UNESCO, l'Organisation mondiale de la santé, l'OACI, la Commission internationale des droits humains, pour n'en nommer que quelques-unes. Le Québec insistera également pour assumer pleinement ses responsabilités au sein du NORAD et de l'OTAN. En matière de francophonie, le Québec deviendra participant de plain-pied à l'Agence de coopération culturelle et technique. Il demandera également son intégration comme membre de plein droit à l'OCDE et au GATT.

Au niveau des relations bilatérales, le Québec attachera une importance toute naturelle et particulière à ses échanges avec le Canada, particulièrement dans le cadre d'une association économique ou, tout au moins, d'ententes reconnaissant par traité la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux. Viendront ensuite, dans l'ordre des priorités, sur un pied d'égalité en quelque sorte, mais à des titres divers, les États-Unis et la France.

Il va de soi que les liens politiques et commerciaux étroits s'imposent avec notre voisin américain. C'est l'évidence même puisque déjà les États-Unis sont de loin notre principal partenaire économique. Et, dans ce sens, notre priorité sera d'assurer le maintien de la participation du Québec au traité de libre-échange existant entre le Canada et les États-Unis. Je vois mal quelles difficultés pourraient surgir à cet égard, puisque les intérêts qui motivaient le gouvernement américain à conclure un traité de libre-échange avec le Canada demeureront les mêmes à l'endroit d'un Québec souverain, qu'il s'agisse d'accès aux ressources hydroélectriques, de commerce, de services ou d'investissements.

Quant aux liens privilégiés que le Québec entretient avec la France depuis maintenant 30 ans, ils seront renforcés et élargis en raison des coudées franches qu'auront nos deux gouvernements. Il ne faut pas oublier que c'est en grande partie grâce à la France que le Québec a pu acquérir la personnalité internationale dont il jouit déjà. Nos relations avec les pays francophones continueront de prendre appui sur la France, d'autant plus que cet appui deviendra déterminant pour promouvoir le développement de liens économiques avec la Communauté européenne et son Marché commun de plus de 320 000 000 de consommateurs. C'est également dans une perspective semblable qu'il faut envisager d'attacher une importance particulière à nos rapports avec la Belgique et sa communauté de langue française. Il faudra également, parmi les priorités, retenir les rapports du Québec avec la Grande-Bretagne pour des raisons historiques et culturelles, compte tenu tout spécialement de notre importante communauté anglophone, mais aussi parce que la Grande-Bretagne a été jusqu'ici notre principal partenaire économique européen.

Finalement, un Québec souverain pourra intégrer l'Organisation des États américains, ouvrant ainsi la porte à de nouvelles relations avec quelques pays d'Amérique latine avec lesquels nous avons amorcé des échanges et avec lesquels nous partageons certaines complémentarités.

Au chapitre de la promotion commerciale, l'importance des échanges internationaux pour le Québec n'a plus à être démontrée, puisque 40 % de notre production est exportée à part quasiment égaie vers le reste du Canada et l'extérieur du pays. Il faut cependant préciser qu'une tendance, indiquant que le Québec exporte maintenant davantage vers l'international que vers les autres provinces canadiennes, est nettement amorcée. On peut donc prévoir que notre dépendance vers le marché canadien s'estompe graduellement.

En 1989, les vraies exportations du Québec sont passées de 23 300 000 000 $, représentant plus de 15 % du produit intérieur brut et générant près de 300 000 emplois. Ces chiffres cachent cependant une réalité contrastée, puisque notre balance commerciale affiche toujours un déficit global important, 3 400 000 000 $ en 1989, et ce, malgré un excédent de 4 600 000 000 $ constaté dans le commerce avec

les États-Unis. De plus, les soldes commerciaux les plus récents, ceux de 1990, montrent une tendance inquiétante. Pour le Québec, ils se détériorent avec les principales zones géographiques du monde, sauf avec l'Amérique du Sud, l'Afrique et le Moyen-Orient.

Globalement, le déficit se creuse de 1 230 000 000 $ pour atteindre 2 800 000 000 $ pour le premier semestre de 1990. Le ministère des Affaires internationales constate à cet égard que la diminution du surplus avec les États-Unis s'est accompagnée d'un accroissement sérieux du déficit avec l'Europe, avec l'Asie et avec l'Océa-nie. Il devient donc impérieux, devant une telle situation, de renforcer et de muscler nos efforts de promotion commerciale à l'extérieur. (0 h 20)

Pour appuyer ces efforts de promotion dans un Québec souverain, les activités de la Société fédérale pour l'expansion des exportations, la SEE, seront prises à charge soit par la Société de développement industriel, la SDI, ou par une société d'État autonome du ministère des Affaires étrangères, afin de maintenir les niveaux d'aide aux exportations dont bénéficient les entreprises québécoises. Le Québec, en siégeant au tribunal d'arbitrage prévu par l'accord de libre-échange pourra lui-même assumer directement la défense de ses intérêts au chapitre des mesures américaines défavorisant, par exemple, l'exportation de porc ou, encore, participer directement aux négociations en cours sur la définition de la notion de subvention aux exportations prévue par l'Accord de libre-échange.

Parallèlement aux efforts de promotion commerciale, un Québec souverain aura les coudées franches pour attirer chez nous les capitaux étrangers en vue de favoriser, entre autres, les secteurs de haute technologie, l'industrie québécoise de matériel aéronautique et aérospatial, la biotechnologie, son utilisation dans l'industrie des pâtes et papiers ou l'agro-alimen-taire, la transformation des plastiques et des nouveaux matériaux, l'apport étranger, déjà fortement concentré dans les industries qualifiées d'énergivores, alumineries, pétrochimie pourraient être davantage orientés vers la seconde transformation de produits de base.

Déjà, le Québec possède des atouts indéniables pour attirer de nouveaux investisseurs étrangers. Il nous faut maintenant les pleins pouvoirs que seule la souveraineté peut nous fournir pour attirer et encadrer ces investissements. En raison du peu de temps qui m'est alloué, je regrette, M. le Président, de ne pouvoir m'étendre sur les autres grands axes autour desquels s'articulerait notre politique étrangère, soit les relations universitaires, les relations culturelles et la coopération internationale, champs d'activité qui, par le passé, ont bien servi le Québec dans ses efforts d'établir des contacts internationaux.

Je tiens, cependant, à apporter les préci- sions qui suivent sur deux aspects importants d'une politique extérieure d'un Québec indépendant: l'immigration et la citoyenneté, d'une part, les relations avec les francophones hors Québec, d'autre part. Le Québec souverain aura pleine juridiction sur son immigration, tant au niveau de la sélection que de l'intégration. Nous n'aurons plus à accueillir des immigrants dans un Québec, province canadienne à majorité française, avec toutes les ambiguïtés et les messages contradictoires que cela véhicule pour les non francophones qui s'installent chez nous. Nous accueillerons dorénavant les nouveaux venus dans un pays français où il n'y aura plus d'ambiguïté quant à la langue d'usage, à la langue de travail et à la langue d'enseignement. Le fait d'être seul maître de notre politique d'immigration dissipera les fausses images ou les images tronquées de la réalité québécoise que présentent, malheureusement, trop souvent à l'étranger les représentants du gouvernement fédéral.

Étant donné qu'immigration, citoyenneté et passeports sont interreliés, je tiens à préciser que la citoyenneté québécoise sera accordée automatiquement à tout citoyen canadien qui, au moment de l'accession à la souveraineté, et résidant au Québec, ainsi qu'à toute personne qui sera née... L'immigrant reçu pourra obtenir sa citoyenneté selon les délais prévus actuellement pour la citoyenneté canadienne.

Toute personne naissant dans un Québec souverain deviendra automatiquement citoyenne québécoise, de même que toute personne née à l'étranger d'un père ou d'une mère de citoyenneté québécoise. La citoyenneté sera reconnue par un passeport québécois. De la même manière que la France qui, comme mère patrie conserve une affection particulière pour ceux et celles que jadis elle envoyait s'établir en Nouvelle-France, de la même manière, il est inacceptable que le Québec définisse son avenir en ignorant les francophones des autres provinces envers lesquels son devoir de solidarité reste tout entier.

Dans sa démarche, le Québec n'a jamais mis en cause les droits, le statut et la protection de sa minorité linguistique. Il est en droit d'attendre le même traitement de la part du Canada anglais. Comme de nombreux pays dans le monde qui apportent aide et soutien à des communautés nationales qui leur sont proches, le Québec souverain prendra des engagements fermes à l'égard des minorités francophones hors Québec. Ces engagements pourront contenir, entre autres, les éléments suivants: un code qui garantisse les droits des minorités linguistiques francophones et anglophones respectives. Ce code pourrait faire l'objet d'un traité entre le Canada et le Québec. Des propositions concernant les relations culturelles, économiques et politiques entre le Québec et les communautés francophones du Canada, y compris le peuple acadien, basées sur la non-ingérence et le respect des particularités; des propositions d'appui du Québec au réseau

institutionnel des francophones hors Québec dans les domaines de l'éducation, de la culture, des communications, des affaires sociales, de la santé et de l'économie; l'engagement d'aider techniquement et financièrement les groupes et associations qui se dévouent à la défense et à la promotion des droits des communautés francophones.

Pour articuler les diverses composantes d'une véritable politique étrangère d'un État souverain, un réseau d'ambassades à l'étranger sera progressivement bâti en fonction des intérêts bilatéraux et multilatéraux identifiés par le gouvernement du Québec. Ce réseau nous permettra de mieux assurer la défense de l'ensemble de nos intérêts, y compris en matière de commerce extérieur, puisque nous communiquerons directement, désormais, auprès des autorités gouvernementales étrangères plutôt que par personnes interposées.

Les incartades du premier ministre fédéral, M. Mulroney, en regard des chefs de gouvernement qui ont visité le Canada dernièrement ainsi que ses attaques déplacées et outrancières contre le gouvernement ontarien devant des auditoires japonais perplexes, confirment le vieux dicton selon lequel on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même. Pour faire fonctionner ce réseau de représentation à l'étranger, pour articuler nos objectifs et nos priorités, nous établirons une véritable diplomatie québécoise de carrière à laquelle seront intégrés, s'ils le veulent bien, les fonctionnaires québécois oeuvrant présentement au ministère fédéral des Affaires extérieures.

En terminant, M. le Président, je demande que la succession des traités internationaux conclus par le Canada au nom des Québécois fasse l'objet d'une attention spécifique, lors des travaux de la commission parlementaire spéciale créée par ce projet de loi 150, aux fins d'étudier les modalités d'accession à la souveraineté. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Bertrand. M. le député d'Iberville.

M. Lafrance: Oui, M. le Président, avec le consentement, j'aimerais, s'il le permet, adresser une question au député de Bertrand.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Bertrand, est-ce que vous permettez au député d'Iberville de vous poser une brève question et d'y apporter une brève réponse?

M. Beaulne: Bien, avec grand plaisir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député d'Iberville, si vous voulez poser votre question.

M. Lafrance: Je vous remercie. Alors, si j'ai bien suivi ses propos, le député et son parti préconisent qu'un Québec souverain demanderait un siège, il va de soi, à l'Organisation des Nations Unies. Or, j'ai en main, ici, la charte de l'Organisation des Nations Unies...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre question.

M. Lafrance: ...l'article 43, qui demande à ce que tout pays souverain ait des forces armées. J'aimerais savoir ses vues sur les forces armées québécoises, sur le partage de la sécurité avec le Canada et le continent nord-américain, et les coûts que ça impliquerait.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: Oui, je remercie le député de sa question. C'est une excellente question et d'ailleurs d'actualité. Effectivement, le Québec souverain va avoir une force armée tout comme il va avoir un service extérieur et, de la même façon que nous avons déjà procédé dans certains secteurs, par exemple, en matière de revenu, où nous avons déjà commencé à intégrer des fonctionnaires fédéraux dans notre propre ministère du Revenu pour, entre autres, percevoir la TPS. De la même façon que nous invitons les fonctionnaires québécois du ministère des Affaires extérieures, qui le veulent bien, à s'intégrer à notre fonction publique professionnelle, à notre diplomatie de carrière, de la même façon, les militaires québécois qui sont présentement membres de régiments québécois, seront invités à constituer les éléments de base d'une force québécoise. D'autre part...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Monsieur, si...

M. Beaulne: ...le rôle de ces forces armées sera semblable à celui qui est présentement dévolu aux forces canadiennes, entre autres, le maintien de la paix, la participation aux opérations...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure.

M. Beaulne: ...de paix des nations unies, la surveillance de nos gardes côtières et l'intervention en cas d'incidents majeurs. d'autre part, en ce qui concerne les coûts...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez conclure rapidement.

M. Beaulne: Je vois que le député me demande, en matière de coûts, et je tiens à lui répondre parce que c'est important.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non, mais vous comprenez que la réponse doit être brève également.

M. Beaulne: Oui, mais la question était longue.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La question était brève...

M. Beaulne: La question était peut-être...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...mais la réponse est plus longue.

M. Beaulne: ...brève mais elle impliquait, enfin, des éléments assez importants. Au niveau des coûts, je rappellerai au député que si on prend comme base de discussion du partage et des actifs et de la dette fédérale à laquelle le Québec contribue, pour 25 %, à l'ensemble des dépenses du gouvernement fédéral, bien, je ne vois pas de quelle façon nous n'accepterions pas d'absorber, pour notre part, les frais afférents à nos petites forces armées. Il faut bien l'avouer. Et le ministère...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. Je vous remercie. Alors, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: M. le Président, étant donné l'heure tardive, nous allons ajourner nos travaux. Je fais une motion pour ajourner nos travaux au jeudi 13 juin 1991,10 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que cette motion d'ajournement est adoptée?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à ce matin, le jeudi 13 juin, à 10 heures.

(Fin de la séance à 0 h 30)

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