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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mardi 2 juin 1992 - Vol. 32 N° 28

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures onze minutes)

Le Président: alors, mmes et mm. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants. je vous remercie. veuillez vous asseoir.

Présence de l'ambassadeur de la république du Mali

Mmes et MM. les députés, j'ai le très grand plaisir de souligner la présence, dans les tribunes, de l'ambassadeur de la république du Mali, Son Excellence M. Siragatou Cis-se.

Affaires courantes

Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi. M. le leader de l'Opposition.

Présentation de projets de loi

M. Chevrette: M. le Président, je vous prierais d'appeler l'article a.

Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la députée de Marie-Victorin présente le projet de loi 192, Loi sur le Conseil québécois de la toxicomanie. Mme la députée de Marie-Victorin.

Projet de loi 192 Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le projet de loi 192, Loi sur le Conseil québécois de la toxicomanie. Ce projet de loi institue un organisme, le Conseil québécois de la toxicomanie, qui aura pour fonction de conseiller le ministre désigné par le gouvernement sur toute question reliée à la toxicomanie.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

M. Pagé: Accepté.

Le Président: Adopté.

Maintenant, dépôt de documents. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

Dépôt de documents

Mise à jour des directives portant sur les

objectifs et l'orientation de la ? Corporation d'urgences-santé de la région de Montréal Métropolitain

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, conformément à l'application de l'article 149.25 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et au décret 141-92 en date du 27 mai 1992, je dépose la mise à jour des directives portant sur les objectifs et l'orientation de la Corporation d'urgences-santé de la région de Montréal Métropolitain.

Le Président: Alors, ce document est déposé.

Maintenant, au nom du ministre des Transports, M. le leader du gouvernement.

Rapport d'activité de la Société de l'assurance automobile

M. Pagé: M. le Président, au nom de mon collègue, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activité 1991 de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Le Président: Alors, ce rapport est également déposé.

Maintenant, dépôt de rapports de commissions. M. le président de la commission du budget et de l'administration et député de Va-nier.

Dépôt de rapports de commissions

Poursuite du débat sur le discours sur le budget

M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui a siégé les 27 et 28 mai 1992 afin de poursuivre le débat sur le discours du budget conformément à l'article 272 du règlement.

Le Président: Ce rapport est déposé.

Maintenant, toujours au dépôt de rapports de commissions, M. le député de Saguenay au nom du président de la commission de l'aménagement et des équipements.

Consultation et étude détaillée du projet de loi 219

M. Maltais: Merci, M. le Président. Je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 26 mai

1992 afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 219, Loi modifiant la Loi constituant la Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

J'en ai un autre, M. le Président.

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Alors, est-ce que ce rapport est adopté?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Alors, M. le député de Saguenay, toujours au dépôt de rapports de commissions.

Consultation et étude détaillée du projet de loi 227

M. Maltais: M. le Président, je dépose le rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui a siégé le 26 mai afin d'entendre les intéressés et de procéder à l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 227, Loi concernant la ville de Vanier. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Alors, est-ce que ce rapport est également adopté?

Des voix: Adopté. Le Président: Adopté.

Dépôt de documents

Décision du Bureau de l'Assemblée nationale

Maintenant, au dépôt de documents, je dépose la décision no 522 du Bureau de l'Assemblée nationale. Donc, document déposé.

Maintenant, dépôt de pétitions. M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

Dépôt de pétitions

Respecter l'engagement de tenir

un référendum sur la souveraineté

au plus tard le 26 octobre 1992

M. Gendron: Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 20 000 pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Québec.

Les faits invoqués sont les suivants, M. le Président: «L'incertitude constitutionnelle freine le développement du Québec. «À la suite du rapport de la commission Bélanger-Campeau, le gouvernement québécois s'est engagé, en faisant adopter la loi 150 par l'Assemblée nationale, à tenir un référendum sur la souveraineté du Québec au plus tard le 26 octobre 1992. «La souveraineté donnera au Québec le contrôle exclusif de tous ses impôts, de tous ses traités et de toutes ses lois, tel qu'il est précisé dans la loi 150. «La population du Québec doit pouvoir se prononcer par référendum sur la souveraineté. C'est à elle, et à elle seule, de choisir son avenir constitutionnel.»

Et l'intervention réclamée se résume ainsi: «En conséquence, nous demandons à l'Assemblée nationale d'exiger du gouvernement du Québec qu'il respecte cet engagement et qu'il tienne un référendum sur la souveraineté au plus tard le 26 octobre 1992.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Votre pétition est déposée.

Intervention portant sur une violation de droit ou de privilège

Maintenant, interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Action en justice intentée par le

député de D'Arcy-McGee concernant la Loi

sur la consultation populaire

À cette étape-ci de nos travaux, je vous informe que j'ai reçu, en temps utile, un avis du leader de l'Opposition officielle m'informant de son intention de signaler, à la période des affaires courantes, une violation de ses droits et privilèges de député, ainsi que de ceux de l'Assemblée. Cette violation aurait été commise par le député de D'Arcy-McGee qui aurait, plus particulièrement, enfreint les dispositions des paragraphes 7° et 10° de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale. À l'appui de sa demande, le leader de l'Opposition se réfère à une action en justice, soit une requête en jugement déclaratoire intentée par le député de D'Arcy-McGee devant la Cour supérieure du district de Montréal, ainsi qu'à de la correspondance échangée par le député de D'Arcy-McGee avec le ministre délégué à la Réforme électorale, dont copie a été envoyée au leader de l'Opposition officielle. Le tout concerne la Loi sur la consultation populaire.

À ce moment-ci, je vous informe que je prends cette question en délibéré et que je verrai à rendre décision dans les meilleurs délais. Oui, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Là-dessus, sans vouloir... Je comprends que vous la preniez en délibéré, mais le motif principal de cette question de privilège, c'est parce qu'il y a un projet de loi de déposé,

sur lequel on aura à se pencher dès cet après-midi. La violation du privilège que je réclame, c'est en fonction d'un geste, forçant l'Assemblée nationale à agir, dans un sens, sous une forme de chantage. Je voulais bien préciser le sens de la question de privilège.

Le Président: Très bien. Je vous avise cependant - je suis très conscient de ce que vous venez d'énoncer - que j'ai reçu copie de l'avis en temps utile, soit une heure avant le début de la période des affaires courantes. J'avais également certaines responsabilités, ce matin, entre 9 heures et 10 heures. C'était conforme au règlement, effectivement. Donc, je suis saisi de l'affaire, et je vais tenter de rendre la décision dans les meilleurs délais possible.

Ceci étant dit, nous allons maintenant procéder à la période de questions et réponses orales. Je reconnais, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.

Questions et réponses orales

Admission à l'école anglaise des enfants d'immigrants venant de pays anglophones

M. Parizeau: M. le Président, au moment où, en février dernier, sort le rapport Chambers sur les écoles, la situation des écoles anglaises au Québec, plusieurs de ses recommandations, je pense, reçoivent un écho tout à fait favorable. L'une des recommandations crée problème: elle consiste à ouvrir les écoles anglaises aux enfants d'immigrants de pays anglophones. Le ministre de l'Éducation se dit favorable. À l'intérieur du Conseil des ministres ou dans le caucus libéral, les réactions sont plus diverses et, en particulier, le ministre responsable de la loi 101 annonce qu'il reporte toute cette question à plus tard. (10 h 20)

Le ministre de l'Éducation est revenu, en fin de semaine, sur cette question, en réitérant son appui à cette recommandation du rapport Chambers et, le lendemain, son chef de cabinet a indiqué qu'il n'y aurait pas de décision à cet égard avant qu'un accord constitutionnel soit intervenu avec le Canada, si tant est que jamais il y en a un qui intervienne.

Ma question s'adresse au ministre responsable de la loi 101. Est-ce que cette question de l'admission des enfants d'immigrants venant de pays anglophones est, à l'heure actuelle, sur la table des négociations constitutionnelles? Est-ce que le gouvernement de Québec commence à négocier ça? Et s'il le négocie, il le négocie contre quoi?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: Regardez, ce n'est pas à moi qu'il appartient de vous dire si la question est à l'ordre du jour des conversations constitutionnelles. Le chef de l'Opposition sait très bien à qui s'adresser s'il veut avoir une réponse à cette question-là. Moi, je peux dire au chef de l'Opposition, en ce qui me touche comme ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, que la question n'est pas à l'ordre du jour du Conseil exécutif pour le moment; la question est à l'étude. Il incombera au ministre de l'Éducation de faire une recommandation en temps utile. Moi-même, comme ministre, je serai probablement consulté et je donnerai mon opinion lorsque la question sera à l'ordre du jour. Mais, pour le moment, nous n'en avons pas été saisis formellement.

Le Président: Alors, en question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Puis-je demander alors au premier ministre, M. le Président, si cette question, soulevée par le ministre de l'Éducation en fin de semaine, est quelque part dans le jeu des conversations téléphoniques à l'ordre du jour des négociations constitutionnelles? Est-ce que le gouvernement du Québec est en train de chercher à échanger ça contre autre chose?

M. Bourassa: M. le Président, je pense qu'on peut me permettre 30 secondes pour féliciter le chef de l'Opposition pour le conseil national de la fin de semaine. Selon les rapports de presse, il se serait transformé en humble publicain jusqu'aux prochaines élections au moins. On va constater ça.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Oui, d'accord. Bon!

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je cède la parole à M. le premier ministre en réponse à la question posée par M. le chef de l'Opposition. M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois que le ministre de l'Éducation, en fin de semaine, a repris des propos qui avaient été mentionnés au mois de février. Justement, on m'avait questionné, on l'avait questionné au caucus que nous avions tenu à Rimouski à la mi-février. Il a repris les mêmes propos, il a mis en relief la situation très préoccupante pour ce qui a trait au réseau scolaire des anglophones et il a dit qu'il en était conscient. D'ailleurs, le chef de l'Opposition lui-même a dit - et c'est passé assez inaperçu, à son détriment, donc, je le signale - qu'il y avait de très très bonnes choses dans le rapport de Mme Chambers, et qu'il souhaitait que ce soit appliqué le plus rapidement

possible. Pourquoi, là, blâmer le ministre de l'Éducation parce qu'il reprend, à toutes fins pratiques, ce qu'a dit le chef de l'Opposition?

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Parizeau: Je pense, M. le Président, que le premier ministre va beaucoup trop loin dans ce qu'il vient d'affirmer. Est-ce que le premier ministre est simplement conscient qu'au moment où le rapport Chambers est sorti, de chaque côté de la Chambre, nous avons trouvé qu'un bon nombre des recommandations, effectivement, étaient intelligentes? Est-ce qu'il est conscient que, dans le public québécois, à l'Opposition officielle, chez beaucoup des membres de son Conseil des ministres et de son caucus, quant à la première recommandation visant à recevoir, à accepter dans les écoles anglaises les enfants d'immigrants venant de pays anglophones, il y a eu, au contraire, des réticences, un rejet très clair, et que son ministre chargé de la loi 101 avait eu la sagesse de dire à ce moment: Reportons ça à plus tard; ce n'est pas le moment?

Est-ce que le premier ministre est conscient que, depuis cette fin de semaine, à cause de la déclaration très ambiguë du chef de cabinet du ministre de l'Éducation, on peut fort bien croire que l'admission dans les écoles, au Québec, d'enfants d'immigrants venant de pays anglophones est, à l'heure actuelle, sur la table de négociations constitutionnelles? Et ce que je demande au premier ministre, je pense que bien des gens peuvent lui demander: Est-ce que c'est vrai que cette question-là est, à l'heure actuelle, en négociations à la table constitutionnelle? C'est clair comme question.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: II me semble que c'est aussi clair que ça ne l'a jamais été, quand même. Il invoque du ouï-dire ou des déclarations du personnel politique, alors que jamais il n'y a de déclaration comme quoi ça faisait partie du débat constitutionnel. Le ministre de l'Éducation, qui s'adressait en fin de semaine à certains représentants du milieu anglophone, a constaté avec eux la détérioration très très importante sur le plan du nombre, du réseau scolaire anglophone. Je pense que les chiffres parlent par eux-mêmes. Je ne vois pas pourquoi ce matin ou en fin de semaine ou au cours de la fin de semaine on a essayé, d'une façon tout à fait démesurée, d'interpréter les propos du ministre de l'Éducation de manière, encore une fois, à ramener cette question dans le débat linguistique, alors que c'est clair que jamais le gouvernement - je veux dire, on l'a énoncé à plusieurs reprises - n'a décidé de mettre cette question-là dans le débat constitutionnel ou dans les discussions constitutionnelles. Poser la question, c'est y répondre. Le chef de l'Opposition s'inquiète tout à fait à tort.

Le Président: Alors, en question principale... M. Bourdon: Non, additionnelle.

Le Président: En question additionnelle, M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Bourdon: M. le Président, à la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, en deux volets. Son ministère a-t-il fait des études sur les effectifs qui seraient touchés par la proposition que le ministre de l'Éducation entérine et, deuxièmement, croit-elle encore qu'il serait dangereux d'avoir au Québec deux catégories d'immigrants?

Le Président: Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le ministre de l'Éducation ne m'a pas fait part qu'il avait l'intention pour le moment d'apporter ce sujet au Conseil des ministres. Donc, non, je n'ai pas fait d'étude à ce sujet-là.

Cependant, je dois vous dire que depuis plusieurs années nous déployons beaucoup d'efforts pour informer les candidats à l'immigration du caractère français du Québec et de l'importance pour les immigrants, aussi bien pour ceux qui parlent anglais, d'apprendre notre langue commune. Donc, vous comprendrez qu'il faut se demander si c'est le moment opportun d'atténuer ce message. Si mon collègue décide d'aborder ce sujet au Conseil des ministres, à ce moment-là, je lui ferai valoir les points qui militent en faveur d'un Québec francophone.

Le Président: Une question complémentaire?

Mme Blackburn: Oui, une question complémentaire, M. le Président...

Le Président: Question complémentaire, Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: ...au ministre de l'Éducation. Est-ce que le ministre de l'Éducation ne trouve pas dangereux d'entretenir de telles illusions chez les anglophones et ne reconnaît-il pas avec nous que le problème de décroissance dans les écoles anglaises ne viendra régler d'aucune façon le problème d'exode des jeunes anglophones et que l'ajout d'étudiants dans les écoles anglaises ne viendra pour ainsi dire rien régler dans les petites écoles en région? Est-ce qu'il ne reconnaît pas ça? Est-ce qu'il ne serait pas plus sage de revenir à des dispositions et à des déclarations un peu plus mesurées?

Le Président: M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: M. le Président, j'apprécie au plus haut point d'avoir l'opportunité de répondre aux questions ce matin. Ce que j'ai indiqué en fin de semaine... J'ai repris essentiellement les deux constats que j'ai formulés au lendemain du dépôt du rapport de Mme Chambers le 12 février dernier.

Dans un premier temps, j'ai la conviction, comme ministre de l'Éducation, que la très grande majorité des Québécois et des Québécoises - et ce, quelle que soit notre décision, ou nos décisions, en référence à notre avenir politique et constitutionnel - compte sur une com-mumunauté d'expression anglaise dynamique, confiante et contributive pour bâtir le Québec de demain. (10 h 30)

Deuxième constat. On s'est donné au Québec - au fil des ans, avec la loi 22, avec la loi 101 - des mesures législatives fermes, de façon à maintenir, à valoriser, à dynamiser, peu importe, le fait français et à bien camper le fait français au Québec. Il n'est pas question, en ce qui me concerne, de proposer, comme ministre de l'Éducation, de charcuter ou de passer la hache dans des lois aussi fondamentales dans le devenir d'une société comme la nôtre.

Cependant, à partir du moment où j'ai le mandat d'administrer et d'assumer la responsabilité des services éducatifs au Québec, et que je constate que les inscriptions dans le secteur anglophone, en 15 ans, sont passées de 236 000 à 109 000 élèves, je suis légitimé, je suis légitimé - et je l'affirme devant cette Chambre comme ministre responsable - d'étudier différentes hypothèses, différentes hypothèses - puis je tiens a le répéter - qui seraient susceptibles de déboucher éventuellement, si c'était accepté par les organismes centraux du cabinet, si c'était accepté par le cabinet suite à une discussion et à une étude exhaustive, complète non seulement de l'impact pour le réseau anglophone, mais aussi de l'ensemble des impacts pour la communauté puis la société québécoise. Je suis légitimé de le faire, et c'est ce que je vais faire en collaboration avec les autres ministères. J'ai indiqué que ça ne serait pas avant la fin de 1992 et, très probablement, 1993, avec mon collègue et bon ami responsable de la Charte de la langue française.

Le Président: En question principale maintenant, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.

Réouverture de la Convention

de la Baie James découlant du droit des

autochtones à l'autonomie gouvernementale

M. Brassard: M. le Président, le consensus dégagé à la table multilatérale de négociations constitutionnelles sur la reconnaissance du droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones débouche, comme on le sait, sur la création d'un troisième niveau de gouvernement fondé sur le sang et le principe racial, de sorte que l'on verra apparaître un peu plus de 550 microgouvernements fondés sur la communauté de sang et l'appartenance raciale consacrés par la Constitution.

De plus, à défaut d'entente avec les gouvernements au terme d'un délai de trois ans, ce sont les tribunaux qui conféreront pouvoirs et territoires à ces gouvernements autochtones.

Enfin, troisième élément clé du consensus qualifié d'accord historique par le chef Ovide Mercredi, une idole du premier ministre, et vice versa...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Brassard: Troisième élément clé du consensus, c'est la réouverture de tous les traités existants avant et après la Confédération. Dans le cas du Québec, cela implique, pour les Cris, la réouverture de la Convention de la Baie James, ainsi, donc, qu'une lourde hypothèque sur tout projet de développement hydroélectrique dans le Nord québécois.

Ma question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre considère que, par un amendement constitutionnel sur le droit à l'autonomie gouvernementale des autochtones, l'on puisse rouvrir la Convention de la Baie James sans l'accord du Québec, comme le prétendront les Cris, ou s'il considère que la Convention de la Baie James ne peut être rouverte sans l'assentiment du Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je constate que le député de Lac-Saint-Jean n'a pas changé de conseiller constitutionnel, si on lit bien les propos de M. Claude Morin, ce matin.

Une voix:...

M. Bourassa: Non, mais M. Morin, dans les journaux, ce matin, faisait des déclarations sur le dossier constitutionnel.

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, pour un rappel au règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Oui, M. le Président, mais vous comprendrez que je me lève et je sais que ça ne me donnera pas grand-chose, parce que...

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le premier ministre va apprendre à respecter le règlement? Qu'il donne des réponses qui ont au moins un tantinet de ressemblance avec la

question. On ne veut pas savoir ce qu'il a fait en fin de semaine. On sait que Pittsburgh a gagné hier soir. Le député a posé une question précise, M. le Président. Est-ce que le premier ministre pourrait prendre le Parlement un tantinet au sérieux et répondre aux questions sérieuses qui engagent l'avenir du Québec à part ça?

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je me lève parce que j'ai de quoi à vous dire. M. le Président, depuis quand le premier ministre, sur un sujet aussi important, ne serait pas légitimé de se référer à celui qui, pendant longtemps, a été au centre de la stratégie du Parti québécois...

Le Président: Non, non.

M. Pagé: ...et qui fait des déclarations sur le sujet? Voyons donc!

Le Président: Écoutez! Alors, sur une question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, même le leader est hors d'ordre par rapport à notre règlement, même le leader du gouvernement. Si on veut niaiser avec la période de questions sur des questions aussi importantes, M. le Président, qu'on le dise. On fera le débat à l'extérieur du Parlement.

Le Président: S'il vous plaît! Alors, je cède la parole au premier ministre pour la réponse à la question. Je rappelle, effectivement, l'article 79 qui dit que «la réponse à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation. Elle doit être formulée de manière à ne susciter aucun débat.» Donc, c'est le sens du règlement et j'invite le premier ministre à répondre à la question posée.

M. Bourassa: M. le Président, il y a quand même des limites, là. Je veux dire, ce matin, dans tous les journaux, on retrouve le point de vue du stratège, celui qui a conseillé le gouvernement du député de Lac-Saint-Jean et du leader parlementaire dans les questions constitutionnelles. Ce matin, on retrouve les déclarations de M. Morin sur les questions constitutionnelles dans tous les journaux, et on ne peut pas s'y référer. Si j'avais parlé de l'argent impur qu'on devait rembourser à la demande de plusieurs députés péquistes - la députée de Hochelaga-Maison-neuve, le député de Pointe-aux-Trembles, la députée de Taillon...

Le Président: S'il vous plaît! M. le premier ministre, s'il vous plaît! Allez-y, M. le premier ministre, à la question posée.

M. Bourassa: II n'y a pas remboursement, on l'a constaté qu'il n'y a pas remboursement.

Le Président: M. le premier ministre! S'il vous plaît! Alors, sur une question de règlement, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: Ce n'est pas la minute de bouffonnerie à l'Assemblée nationale, c'est une question sur les autochtones. M. le Président, si le premier ministre ne veut pas se conformer au règlement, on peut constater qu'il est indigne de son poste, mais est-ce qu'on pourrait lui demander d'être correct?

Des voix: Ah! Ah! Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, c'est la première journée de la session intensive, il faudrait commencer ça un peu plus calmement. Le premier ministre est prêt à répondre à toutes vos questions. Vous avez le droit aux questions, on a le droit aux réponses aussi.

Le Président: Alors, j'invite le premier ministre à répondre. S'il vous plaît! S'il vous plaît!

Alors, je cède la parole au premier ministre et je l'invite à répondre à la question telle que posée.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai le droit de me référer aux propos constitutionnels de M. Claude Morin dont on parle aujourd'hui et je n'ai pas l'intention de me laisser impressionner par les propos du leader parlementaire de l'Opposition.

Des voix: Bravo!

M. Bourassa: Si vous avez décidé de passer l'éponge sur une faute d'une gravité exceptionnelle, assumez-en les responsabilités!

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, question... S'il vous plaît! Alors, question... S'il vous plaît! Question complémentaire.

M. Brassard: m. le président, le premier ministre n'ayant touché d'aucune façon, n'ayant pas dit un seul mot...

Une voix:...

M. Brassard: Bien, il n'a pas dit un seul mot sur la question que j'ai posée!

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Bon, un instant! S'il vous plaît! Non, simplement, je vous demande... Vous argumentez, vous donnez un point de vue sur votre question telle que posée. Je vous demande, s'il vous plaît, de poser une question purement et simplement.

Une voix:...

Le Président: oui, question de règlement, m. le leader de l'opposition.

M. Chevrette: Question de règlement. Une voix: Aïe!

M. Chevrette: M. le Président, j'ai été obligé de me lever à trois reprises pour ramener le premier ministre à l'ordre sur le règlement. Alors que mon collègue se lève, vous vous levez pour exiger une question. Il fait un constat, qu'il n'y a pas eu l'ombre du début d'une réponse. M. le Président, on va appliquer au moins la loi, les mêmes mesures en cette Chambre.

Le Président: Effectivement, je veux bien le faire, mais je demande la collaboration des deux côtés. Une question a été posée, vous savez fort bien qu'on ne peut argumenter et dire que la réponse est insatisfaisante. J'ai demandé au premier ministre de revenir à la question; il est libre de prendre les paroles qu'il veut pour répondre. Tout ce que je demande au député de Lac-Saint-Jean, c'est de poser une question purement et simplement, en question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, d'abord, est-ce que le premier ministre pourrait répondre à la question suivante, se comporter comme un premier ministre et cesser de se comporter comme un clown en Chambre?

Des voix: Ah! Ah! (10 h 40)

Le Président: Alors, sur une question de règlement, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je m'en remets à vous pour que cette Chambre puisse s'appuyer, s'articuler autour d'un certain décorum, d'un respect...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Pagé: ...à l'égard de la fonction de chacun des collègues ici, et particulièrement à l'égard de la fonction éminente, M. le Président, du premier ministre du Québec. Je demande donc, M. le Président, de voir à ce que vous appliquiez rigoureusement le règlement et que le député de Lac-Saint-Jean retire ses paroles. Ce ne sont pas des propos qui sont dignes de cette Chambre et même qui sont dignes du député de Lac-Saint-Jean, lui-même. Je suis persuadé que ça a dépassé sa pensée et, connaissant sa gentilhom-merie, M. le Président, je lui demande de retirer ses propos.

M. Chevrette: Sur la question de règlement, M. le Président.

Le Président: Alors, sur la question de règlement, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président, le respect engendre le respect.

Une voix: C'est ça.

M. Chevrette: Premièrement. Deuxièmement, M. le Président, on n'a pas de leçon à retirer du leader du gouvernement qui fait appel au décorum. Quand on se comporte comme un «Ti-coune» on mérite ce qu'on a!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, les derniers propos étaient évidemment... Vos derniers propos étaient évidemment de trop, M. le leader de l'Opposition. Écoutez... À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je pense que l'Assemblée nationale est appelée à ses responsabilités, chacun des membres doit agir à l'intérieur des cadres que notre règlement nous fixe. Et, effectivement, M. le député de Lac-Saint-Jean, je considère que les propos que vous avez énoncés précédemment à l'égard du premier ministre ou de tout autre parlementaire sont inconvenants dans cette Assemblée, ne s'appliquent pas à cette Assemblée, et je vous demanderais de les retirer formellement. Alors, vous acceptez de retirer vos propos? Est-ce que vous acceptez de retirer vos propos?

M. Brassard: Bon, d'accord.

Le Président: Alors, très bien, les propos sont donc retirés, et je demanderais la collaboration de tous les collègues afin de respecter et l'Assemblée, l'institution, et respecter également chacun de ses membres.

Alors, pour une question complémentaire.

M. Brassard: Bien, j'espère avoir une réponse sérieuse, M. le Président, à une question sérieuse. Est-ce que le premier ministre a une opinion sur un sujet aussi sérieux que celui-là? Est-ce qu'il est d'accord avec le consensus qui s'est dégagé à Toronto à l'effet que tous les

traités concernant les autochtones soient rouverts, et ça inclut la Convention de la Baie James? Et est-ce qu'il est d'accord pour que la Convention de la Baie James soit considérée comme rouverte par le processus, par le biais d'un amendement constitutionnel ou est-ce que selon lui, et selon son gouvernement, la Convention de la Baie James ne peut pas être rouverte sans l'assentiment du Québec? Il me semble que c'est une question importante qui mérite une réponse sérieuse.

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le député de Lac-Saint-Jean donne la réponse dans sa question. Je veux dire, c'est évident qu'actuellement nous n'avons pas les textes définitifs. Il le sait fort bien que le Québec ne siège pas, n'a pas participé aux négociations. Nous sommes informés par différentes déclarations. Il peut y avoir des documents qui nous parviennent, mais je veux dire, nous ne pouvons pas, sauf examiner sur le plan juridique toutes ces implications-là, avoir d'avis définitif. Je veux dire, le seul avis qu'on puisse exprimer, c'est celui qu'a exprimé le député de Lac-Saint-Jean, qu'on ne voit pas comment on peut changer des ententes sans avoir l'avis des signataires. Ça va de soi. Il devrait être rapidement rassuré sur cette question-là et passer à d'autres questions qui pourraient avoir une plus grande utilité. Comment penser qu'on pourrait empiéter sur le traité ou sur la Convention de la Baie James sans l'accord du Québec? Poser la question, c'est y répondre.

Le Président: Alors, toujours en question complémentaire.

M. Brassard: Je prends acte, M. le Président. Donc, il faut l'assentiment du Québec pour rouvrir la Convention de la Baie James.

Maintenant, deuxième question concernant les autochtones: Est-ce qu'il est d'accord pour que le droit à l'autonomie gouvernementale, son application, ses modalités d'application, soit tranché par les tribunaux, après trois ans de négociations entre les gouvernements qui seraient infructueuses? Est-ce qu'il est d'accord pour remettre aux tribunaux le soin de trancher sur les modalités d'application du droit à l'autonomie gouvernementale?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, sur ces questions-là, nous n'avons pas terminé l'examen des implications juridiques. Si mon information est bonne, on parlait de dix ans, maintenant on parle de trois ans. Nous allons voir quelles sont les implications juridiques. Dans le cas de l'accord du lac Meech, il y avait possibilité de faire référence aux tribunaux également. Il reste à voir dans quel contexte ça peut se faire. On sait que l'Assemblée nationale, sur proposition du gouvernement dont faisaient partie le chef de l'Opposition et le député de Lac-Saint-Jean, a reconnu les nations autochtones comme des nations distinctes; il reste à voir les implications juridiques d'une telle reconnaissance par l'Assemblée nationale. En fin de semaine, on a décidé, du côté du Parti québécois, de reprendre les négociations avec tes autochtones; donc, ils pourront, de leur côté aussi, vérifier les objectifs des nations autochtones.

Alors, nous examinons... Nous n'avons pas les textes définitifs. Comme on le sait, ces textes-là vont être examinés par les différents gouvernements, c'est normal. Il y a eu des ententes de principe, quitte à ce que ça soit soumis aux gouvernements respectifs dans l'ensemble du Canada. Alors, ce n'est rien de final. Nous allons, de notre côté, continuer d'examiner les implications juridiques. Je ne peux pas aujourd'hui commenter davantage sur des textes qui sont loin d'être formels ou, encore, officiels et qui sont loin d'avoir été remis, comme représentant les offres du gouvernement fédéral, au gouvernement du Québec, en vertu de la loi 150.

Le Président: En question principale, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.

Compressions budgétaires touchant les cégeps

M. Gendron: Oui, M. le Président. Hier, le président de la Fédération des cégeps, M. Sansouci, récidivait son appel au secours au premier ministre du Québec, afin qu'il prenne les mesures appropriées pour corriger une situation qu'il qualifie d'intenable, d'inacceptable et de catastrophe intolérable, puisque les compressions de 16 000 000 $ annoncées dans le discours du budget mettent en péril l'existence même d'une vingtaine de cégeps et toucheront directement les services aux élèves, tels le matériel pédagogique, les laboratoires et les services pédagogiques. Il faut se rappeler qu'à la même époque l'an dernier la Fédération des cégeps soumettait un plan de redressement, nécessitant une injection de l'ordre de 30 000 000 $, évidemment qu'ils n'ont jamais eue.

Ma question à la ministre de l'Enseignement supérieur, même si l'appel au secours est lancé au premier ministre: Allez-vous aller dans le sens de l'appel au secours au premier ministre et réviser cette décision grave et critique pour une vingtaine de collèges et, en conséquence, est-ce que vous-même allez défendre les collèges du Québec?

Le Président: Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science.

Mme Robillard: M. le Président, le contexte budgétaire actuel, au niveau du gouvernement, a amené à faire appel à tous les intervenants, de quelque milieu qu'ils soient, pour contribuer à l'effort gouvernemental de rationaliser le plus possible les dépenses budgétaires.

Dans ce contexte-là, tous les ministères ont été interpellés, de même que le réseau de l'éducation et le réseau de la santé et des services sociaux. Alors, vous comprendrez bien, M. le Président, que c'est une décision que nous avons prise, qui n'a pas été facile; je pourrais même vous dire que, parfois, ces décisions sont douloureuses, mais nous demandons au réseau de l'éducation et de l'enseignement supérieur de contribuer à cet effort gouvernemental. Il ne faudrait surtout pas oublier que le gouvernement du Québec consacre plus de 3 000 000 000 $ à l'enseignement supérieur au Québec. Alors, soyez assuré, M. le Président, que je continue présentement, avec les cégeps, l'étude du dossier et que nous allons faire tous les efforts nécessaires pour que les services soient donnés adéquatement aux élèves.

Le Président: En question complémentaire.

M. Gendron: Comment la ministre peut-elle, j'allais dire dormir tranquillement sur la question et nous parler de milliards, lorsque 75 % des budgets sont directement imputés aux salaires? Moi, je vous ai parlé des services aux élèves. Question très simple: Comment pouvez-vous avoir une telle attitude de demande d'efforts additionnels, alors que vous vous apprêtez à accorder 8 000 000 $ d'aide additionnelle au secteur privé? (10 h 50)

Le Président: Mme la ministre.

Mme Robillard: J'espère, M. le Président, que le député d'Abitibi-Ouest considère que les services des professeurs, c'est aussi des services aux élèves. J'espère aussi que ça fait partie de l'ensemble des services éducatifs. Je vous dis que je suis la situation de très près. La situation est sérieuse. Les cégeps doivent me déposer leur budget pour le 30 juin et, par la suite, nous pourrons aviser, M. le Président.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Gendron: Est-ce que c'est parce que le président de la Fédération des cégeps a la conviction que vous la suivez de très près, la situation, qu'il lance un appel au secours au premier ministre?

Le Président: Mme la ministre.

Mme Robillard: Les contacts sont fréquents avec la Fédération des cégeps, et la Fédération des cégeps, comme les universités, comme n'importe quel citoyen ou citoyenne du Québec, peut très bien s'adresser à notre premier ministre.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Enquête policière sur la gestion des fonds publics d'OXFAM et de ses fondations

Mme Harel: Alors, M. le Président, la nouvelle direction d'OXFAM-Québec vient de transmettre à la police de la Communauté urbaine, pour enquête policière, les rapports de vérificateur indiquant une gestion pour le moins douteuse de fonds publics d'OXFAM et de ses fondations. Or, une des fondations qui fait l'objet d'enquête est la Fondation Oxford qui était présidée, à l'époque, par l'actuel ministre du Travail. Est-ce que le premier ministre a rencontré ou a l'intention de rencontrer son ministre du Travail pour évaluer si le ministre entend rester en fonction pendant toute la durée de cette enquête policière?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Rien, rien ne m'a été soumis. Mon collègue a discuté avec mes proches, mais rien n'a été soumis comme quoi son intégrité pourrait être mise en cause ni directement, ni indirectement. Je crois que la députée de Hochelaga-Maisonneuve devrait être capable de soulever un fait quelconque qui pourrait impliquer le ministre responsable. Pour autant que je sois concerné, comme je le disais tantôt, il n'y a pas de faits qui peuvent justifier que le ministre du Travail devrait se retirer. Si la députée n'a aucun fait à soulever ou à présenter, je crois que sa question est plus ou moins pertinente.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

Mme Harel: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier ministre reconnaît que d'autres ont préféré démissionner durant tout le temps d'une enquête policière, quitte à réintégrer le Conseil des ministres par après - je pense, évidemment, au ministre Masse et à bien d'autres - et entend-il rencontrer son ministre pour en discuter avec lui?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai répondu tantôt qu'il y avait eu des discussions entre mes proches. Je n'en ai pas discuté personnellement avec le ministre. Mes collaborateurs principaux ont vérifié les faits et, selon les faits, la question de la députée n'est pas justifiée.

Le Président: Alors, en question principale,

M. le député d'Arthabaska.

Rencontre entre le directeur général du GATT et le ministre de l'Agriculture du Québec

M. Baril: Oui, M. le Président. Dans un communiqué émis hier par le ministre des Affaires internationales, ce dernier s'est dit très satisfait des échanges qu'il a eus avec M. Dunkel, le directeur général du GATT, et le même communiqué nous apprenait également que le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation faisait partie de cette rencontre. Est-ce que ce dernier, soit le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, à l'instar de son collègue des Affaires internationales, est, lui aussi, très satisfait de cette rencontre avec M. Dunkel, notamment quant à l'avenir des offices de commercialisation, de notre système de financement et de nos programmes d'assurance-agricole?

Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Picotte: M. le Président, d'abord, je pense que le député d'Arthabaska aurait dû lire le communiqué de presse tel qu'il était bien écrit, où mon collègue disait sa satisfaction des échanges sur plusieurs dossiers industriels. En ce qui concerne le dossier agricole, j'ai eu l'occasion de m'entretenir personnellement, en compagnie de mon collègue, le ministre fédéral, M. Pierre Biais, avec M. Dunkel au petit déjeuner. Nous avons réitéré notre position. Je l'ai même réitérée par la suite en assemblée publique avec les différents représentants des agriculteurs du monde entier. Et, M. le Président, ce que nous avons compris, c'est que M. Dunkei était bien sympathique à notre position, mais il nous a fait valoir que, finalement, lui, il essayait de rassembler la position de tout le monde pour en faire un document commun et que, si les dirigeants des États voulaient adopter notre position, libre à eux de le faire. C'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'on n'a pas à affubler M. Dunkel de quelque épithète que ce soit, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'on ne continue pas, évidemment, de défendre la position qui est la nôtre et qu'on va défendre jusqu'au bout, M. le Président.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Baril: M. le Président, comment le ministre de l'Agriculture peut-il être rassuré sur les propos que M. Dunkel a dits hier quand, publiquement, devant l'assemblée de la fédération internationale ou le congrès international des agriculteurs, ce dernier disait qu'il était trop tard pour reculer sur la libéralisation du commerce des produits agricoles et que le point de non-retour avait été franchi? Donc, comment le ministre peut-il être rassuré quand, publiquement, M. Dunkel dit: Ce que le Canada défend, ce que la position du Canada défend - et je le cite - je n'en sais que faire. Il n'en a que faire, en voulant dire: Je m'en fous. Comment peut-il être rassuré et quelle intention a-t-il maintenant de réaffirmer ou de défendre davantage auprès du Canada, puisque c'est le Canada qui nous représente encore une fois - on n'est même pas à la table - et qu'est-ce que le ministre entend faire pour rassurer les agriculteurs et pour obtenir notre satisfaction?

Le Président: M. le ministre.

M. Picotte: M. le Président, je pense que le député d'Arthabaska mêle deux choses différentes. Y a-t-il moyen qu'on prenne 30 secondes pour bien démêler les idées de chacun en cette Chambre?

Le ministre, mon collègue, le député de Mont-Royal, a mentionné qu'il était rassuré par les propos de M. Dunkel sur différents dossiers industriels. En ce qui me concerne, moi, je n'ai pas dit que j'étais rassuré, j'ai dit que j'ai réitéré auprès de M. Dunkel la position canadienne.

Maintenant, le député d'Arthabaska me demande: Qu'est-ce qu'on pourrait faire de plus pour rassurer les agriculteurs? M. le Président, les agriculteurs du monde entier étaient assis hier, à l'hôtel Loews Le Concorde, où ils ont eu l'occasion d'entendre eux-mêmes M. Dunkel. Ils ne sont pas plus rassurés que, moi, je ne le suis présentement. Ils ne sont pas plus rassurés que nous ne le sommes présentement, et ça entre dans les discussions. Mais nous avons réitéré, autant les membres, les différents producteurs des différents pays au niveau des producteurs, autant l'UPA et autant celui qui vous parle, la même demande en ce qui concerne notre protection.

Maintenant, le député d'Arthabaska dit: Qu'est-ce qui va arriver puis qu'est-ce qui faut faire de plus, M. le Président? Bien, il faut continuer de négocier assis à la table. C'est tout ce que je peux lui dire. Qu'est-ce que vous voulez savoir de plus?

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Baril: Une dernière question, M. le Président. Comment le ministre peut-il dire: On va continuer à négocier, on va faire notre possible, quand le directeur général du GATT dit lui-même qu'il veut remplacer le contrôle des importations par des tarifs douaniers? Il voulait remplacer les tarifs douaniers par des tarifs. Comment le ministre peut-il expliquer que c'est un homme, le directeur, qui mène 108 pays? Ça n'a toujours pas de bon sens! C'est qui, le boss,

dans les 108 pays? C'est le directeur ou c'est l'ensemble des pays? Puis là, il se fie à lui.

Le Président: M. le ministre.

M. Picotte: M. le Président, encore une fois, le député d'Arthabaska ne comprend pas le système. C'est justement pour ça. Dunkel ne mène rien, il est un fonctionnaire qui propose des choses. Ce sont les différents pays, M. le Président, par leurs représentants, qui décident. C'est pour ça qu'il ne faut pas se pâmer puis sauter par-dessus la clôture si vite que ça. M. Dunkel ne mène rien; c'est un fonctionnaire. Est-ce que vous faites la différence entre celui qui mène puis un fonctionnaire? Si vous ne la faites pas, venez chez nous et je vais vous en montrer.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: Une dernière question additionnelle.

M. Baril: m. le président, ça fait trois ans que ces négociations traînent puis ça fait trois ans que dunkel n'a pas changé d'idée puis qu'il continue toujours avec la même. puis il va nous faire accroire que c'est les pays qui mènent? voyons donc!

Le Président: Votre question! M. le ministre.

M. Picotte: C'est faux de dire que M. Dunkel n'a pas changé ou quoi que ce soit. M. Dunkel n'a pas à changer. M. Dunkel exprime les positions des différents pays qui arrivent sur son bureau. Donc...

Des voix: Oh!

M. Picotte: Bien oui! C'est ça qu'il faut faire comme différence. C'est ça qu'il faut faire comme différence. Je vous vois, vous, et surtout vous, le député d'Arthabaska, qui défendez avec acharnement la souveraineté du Québec, M. le Président, et c'est son droit le plus strict. Je le voyais assis, hier, avec tous les agriculteurs qui étaient là, essayer de faire changer le monde entier, avec M. Dunkel. Quelle force aurait le député d'Arthabaska, M. le Président? D'après ce que je vois ici, ça ne serait pas convainquant le diable!

Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)

Le Président: Pour une toute dernière question additionnelle.

M. Baril: m. le président, le ministre ne juge-t-il pas à propos que l'agriculture québécoise serait mieux défendue dans un québec souverain puisque ça nous permettrait d'être assis à la table et de défendre notre position?

Le Président: Écoutez! Un instant! Ceci est clairement une question d'opinion à ce moment-ci. Alors, en question principale, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

M. Picotte: J'aimerais ça y répondre, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Président: Écoutez! Un instant! J'ai quand même dit que cette question-là était une question d'opinion recevable à ce moment-ci.

Pour une question de règlement rapidement...

M. Picotte: On se parlera en arrière!

M. Pagé: M. le Président, la première période de questions de cette session intensive est particulière. Lorsqu'on répond, on dit qu'on ne veut pas répondre et, lorsqu'on veut répondre, on nous dit de ne pas répondre.

M. le Président, le ministre devrait...

Le Président: Écoutez! Oui. Une minute! Une seconde! Simplement, si vous avez une question de règlement, je constate qu'il n'y en a pas à ce moment-ci. La question a été jugée recevable. C'est une question d'opinion. Donc, question principale, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Report des interventions chirurgicales à l'hôpital Sainte-Justine de Montréal

M. Trudel: Merci, M. le Président. Les journaux, la semaine dernière, nous apprenaient qu'un bon nombre d'opérations pour les enfants de Sainte-Justine étaient retardées, sinon reportées, compte tenu du manque de financement pour l'hôpital Sainte-Justine à Montréal. On nous rapportait également une situation encore beaucoup plus difficile: des enfants étaient préparés à subir des opérations et ils étaient retournés à leur domicile avec leurs parents après avoir subi tous les tests et les préparations nécessaires pour subir de telles opérations, avec la déception qui peut s'ensuivre, évidemment.

Après des coupures de 37 000 000 $ dans les centres hospitaliers au Québec annoncées dans les derniers crédits et, au budget, une annonce supplémentaire de restrictions de 15 000 000 $, le ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il nous indiquer aujourd'hui s'il entend remédier à la situation qui est en train de se produire à l'hôpital Sainte-Justine de Montréal et faire en sorte que les enfants qui sont en attente d'opérations à cet hôpital puissent avoir ces opérations, recevoir les soins nécessaires et avoir, bien sûr, pour l'hôpital, les

fonds nécessaires pour procéder aux opérations requises?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charl es bourg): M. le Président, vous conviendrez avec moi que j'ai attendu la semaine dernière cette question qui aurait pu facilement être plus élevée au palmarès des choix qu'a faits l'Opposition. Une chose est certaine, M. le Président, c'est qu'on mélange un petit peu de tout, comme le député de Rouyn-Noranda-Té-miscamingue semble le faire à plusieurs reprises.

Lorsqu'on parle de 37 000 000 $ de coupures, c'est de la non-indexation et c'est 37 000 000 $ qui retournent dans le réseau. Ce n'est pas 37 000 000 $ de coupures, c'est 37 000 000 $ qui retourneront à des priorités au niveau du réseau quant à la réallocation, la prévention et la promotion de la santé par rapport aux dépenses courantes. Deuxièmement, oui, un effort additionnel de 15 000 000 $ sur un budget, dans le monde hospitalier de courte durée, d'au-delà de 6 000 000 000 $. Il faut mettre les choses en perspective.

Quant aux problèmes spécifiques de l'hôpital Sainte-Justine, M. le Président, la direction de l'hôpital n'a pas caché la situation et m'a expédié, suite à ces annonces dans les journaux, un document assez substantiel quant à la situation de Sainte-Justine et des demandes spécifiques que je suis à analyser puisque je ne les ai reçues que vendredi dernier. J'aurai une rencontre au cours de la semaine prochaine avec l'hôpital Sainte-Justine et on verra ce qui peut être fait dans les circonstances, toujours au profit des enfants et non pas des dispensateurs de services.

Le Président: Pour une question complémentaire.

M. Trudel: Toujours au chapitre des restrictions des services dans les centres hospitaliers au Québec, comment le ministre entend-il réagir à une autre menace de coupure de services suite à un déficit accumulé d'au-delà de 10 000 000 $ au Centre hospitalier de l'Université Laval et compte tenu également des restrictions dont le ministre vient de faire état et qui risquent, encore une fois, de détériorer les services dans un centre hospitalier aussi important que celui de l'Université Laval?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Comme vous le constatez, M. le Président, un très beau pot-pourri. On commence par une question sur Sainte-Justine et on déborde sur le CHUL, question de ramasser deux principales. Parfait!

M. le Président, je vais y répondre en principale. Quant à la problématique du Centre hospitalier de l'Université Laval, effectivement, il y a une équipe qui est sur place et qui est à examiner un certain nombre de choses quant au déficit, qui était un déficit appréhendé de plus ou moins 17 000 000 $. Et il n'est pas causé par le ministère ni par le ministre, le déficit de 17 000 000 $, pour envoyer un petit message au président du CMDP, le Dr Richard.

Quant aux menaces, on a passé le temps des menaces, M. le Président. Il faut examiner les situations telles qu'elles sont et faire en sorte qu'on puisse, au niveau du Centre hospitalier de l'Université Laval, à la lumière du rapport que nous aurons au cours des prochaines semaines, faire les réajustements qui s'imposent et qui n'ont pas été faits.

Le Président: C'est la fin de la période des questions.

Il n'y a pas de votes reportés.

Motions sans préavis.

Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Pagé: M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, à compter de maintenant jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission des affaires sociales poursuivra l'étude détaillée du projet de loi 33, Loi modifiant la Loi sur les services de garde à l'enfance.

J'avise, de plus, qu'après les affaires courantes, donc à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt privé 221, Loi concernant la Régie intermunicipale de gestion des déchets sur l'île de Montréal.

Voilà pour les avis, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Renseignements sur les travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'Opposition officielle.

Affaires du jour Affaires prioritaires

Reprise du débat sur la motion du ministre des Finances proposant que l'Assemblée

approuve la politique budgétaire du gouvernement et sur les motions de censure

Nous arrivons maintenant à l'étape des affaires du jour. Affaires prioritaires.

À l'article 1 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat, ajourné le 27 mai, sur la motion de M. le ministre des Finances proposant

que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement, ainsi que sur les motions de censure présentées par M. le député de Labelle, Mme la députée de Taillon, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, Mme la députée de Johnson, Mme la députée de Terrebonne et M. le leader de l'Opposition officielle.

Conformément aux dispositions de l'article 276 du règlement, je vous rappelle qu'une intervention de 30 minutes est réservée à M. le député de Labelle, représentant de l'Opposition officielle, et que ce débat se terminera par la réplique d'une heure accordée à M. le ministre des Finances.

Alors, M. le député de Labelle, pour votre intervention d'une durée maximale de 30 minutes.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Nous complétons aujourd'hui l'étude de la politique budgéraire du gouvernement libéral pour l'année financière 1992-1993. Cette politique s'inscrit parfaitement dans la continuité des derniers budgets, c'est-à-dire qu'elle impose, encore une fois, une hausse du fardeau fiscal, qu'elle impose des contraintes à la relance économique plutôt que de la stimuler, qu'elle ne contient aucune vision pour l'avenir et qu'elle est finalement un chef-d'oeuvre de maquillage. Bref, le budget 1992-1993 ne répond en rien aux préoccupations des Québécois. Je les rappelle à l'intention du ministre des Finances, du gouvernement et de la majorité ministérielle.

Les Québécois ne peuvent pas supporter une augmentation des impôts et des taxes. Ils en ont eu assez au cours des dernières années, et assez au cours de la dernière année particulièrement. Ils sont soucieux des problèmes de chômage et de la précarité de nombreuses entreprises. M. le Président, le taux de chômage, je le rappelle, est de 12,5 % et le taux des faillites est un taux record à l'heure actuelle. Ils sont aussi soucieux, très soucieux, de l'avenir du Québec. Ils sont inquiets, particulièrement à cause du contexte international, des accords du GATT, qui vont les toucher nécessairement, et de l'Accord de libre-échange dont les retombées se font sentir, ainsi que des négociations qui sont en cours avec le Mexique.

Le ministre des Finances a parlé des attentes de la population, mais, malheureusement, il les a ignorées, carrément ignorées dans son budget. Depuis la dernière élection, pour parler des taxes, le premier point que je voulais aborder ici en termes de conclusion, à la suite de l'étude que nous avons faite en commission parlementaire, nous avons abordé ce sujet des taxes. Depuis la dernière élection, le gouvernement libéral n'a accordé aucun répit aux Québécois, aucun répit aux Québécois. Année après année, le fardeau fiscal s'est alourdi sur les épaules des Québécois. Les budgets 1990-1991, 1991-1992 et, maintenant, celui de 1992-1993 ont constamment accru le fardeau fiscal des Québécois. (11 h 10)

Je rappelle des chiffres que nous avons établis en commission parlementaire, en la présence du ministre, qui n'y a pas répondu, d'ailleurs. De 1989-1990 à 1992-1993, les revenus autonomes du gouvernement du Québec, en proportion du produit intérieur brut, sont passés de 16,2 % à 18 %, une augmentation de pratiquement 2 points de pourcentage, une augmentation considérable de 10 %. Les revenus autonomes du gouvernement du Québec se sont accrus de deux points de pourcentage, de 16,2 % à 18 % en trois ans, c'est considérable. Je cite ces chiffres, M. le Président. En 1989-1990, les revenus autonomes du gouvernement du Québec: 24 316 000 000 $, le pib, 149 652 000 000 $, le pourcentage, 16,2 %. en 1990-1991, 25 991 000 000 $ de revenus autonomes pour le gouvernement du québec, le pib, 154 066 000 000 $, soit une proportion de 16,8 %. en 1991-1992, 27 190 000 000 $ de revenus autonomes et le pib, 156 188 000 000 $, soit une proportion de 17,8 %. finalement, en 1992-1993, selon les prévisions du ministre des finances - espérons qu'elles se réaliseront pour le moins, parce qu'on pourrait revenir là-dessus - les revenus autonomes sont de 29 028 000 000 $, le pib du québec, 161 270 000 000 $, pour un pourcentage de 18 %. voilà, selon les prévisions mêmes du ministère des finances, c'est-à-dire qu'au fond la charge fiscale augmente par rapport à la production que nous faisons dans l'ensemble du québec.

Ce que cela veut dire aussi, M. le Président, comme je l'ai établi ultérieurement, c'est que le gouvernement du Québec va chercher l'ensemble, la grande partie des revenus additionnels que les Québécois produisent pour se les accaparer. En réalité, c'est 87 % de l'augmentation du PIB qui est allée dans les coffres du gouvernement du Québec. Je ne parle même pas du fédéral qui est allé, lui aussi, chercher sa part. Le gouvernement du Québec s'accapare à lui seul de l'augmentation du PIB dans une proportion de 87 %. C'est un chiffre considérable, M. le Président. Cela veut dire qu'il ne reste plus de place pour les entreprises, qu'il ne reste plus de place pour les citoyens comme tels. C'est le gouvernement du Québec qui va chercher le tout. C'est une constatation majeure que nous faisons dans ce contexte.

Je voudrais maintenant arriver à un point qui a fait, évidemment, parler durant la semaine dernière ainsi que ce matin, parce que, lorsque nous comparons notre situation par rapport à celle de notre principal partenaire économique, nous voyons que l'écart s'agrandit plutôt que de se rapprocher. Je parle du Québec et de l'Ontario. L'écart se creuse entre le fardeau fiscal. En commission parlementaire, à ma demande - c'était ma première intervention - le ministre

des Finances a rendue publique la comparaison entre le fardeau fiscal du Québec, des Québécois, et le fardeau fiscal des Ontariens, secteur privé, document qui a été déposé en commission pour l'année 1991-1992, et que nous n'avions pas eu jusque-là. Je comprends que le ministre était réticent à le donner, mais, finalement, il s'est rendu à la requête que nous lui faisions.

En fait, M. le Président, de 1990 à 1992, sur une période de trois ans seulement, cet écart est passé de 3,5 % à 9,3 %. En fait, c'est un modèle économique qui a été construit et qui dit que, si les lois ontariennes s'appliquaient au Québec, le fardeau fiscal du secteur privé québécois serait de 2 877 000 000 $ moins élevé si nous avions le fardeau fiscal des Ontariens ou, si l'on veut inverser la chose, les Québécois paient 2 800 000 000 $ de taxes de plus que les Ontariens à fardeau égal. C'est vraiment ce qui a été reproduit, ce matin, dans le Journal de Montréal sous la signature d'un journaliste que tout le monde connaît, Normand Girard, qui a reproduit le tableau déposé par le ministre.

Le fardeau fiscal du secteur privé s'est accru durant ces trois ans. Pour l'année 1990, le fardeau fiscal était de 1 030 000 000 $ plus élevé pour les Québécois que pour les Ontariens, toutes proportions gardées, en essayant de faire une comparaison, par un modèle, qui soit significative et qui nous amène à conclure très nettement que le fardeau fiscal des Québécois est plus élevé; 1 030 000 000 $ en 1990, soit un écart de 3.5 %. en 1991, ce fardeau s'est accru à 2 121 000 000 $ pour 7,5 %. finalement, en 1992, à la suite du budget qui vient d'être déposé, malgré que le ministre se soit vanté qu'il diminuait la taxe de vente, ce que tout le monde sait qu'il n'en est rien, le fardeau fiscal est maintenant de 2 877 000 000 $ pi us élevé pour les québécois que pour les ontariens, soit une différence de 9,3 %.

Cette évolution, M. le Président, est d'autant plus troublante que l'Ontario aussi a relevé le fardeau fiscal de sa population au cours des deux dernières années. Il faut voir jusqu'à quel point cela a un impact, une année sur l'autre. Ainsi, le dernier budget de l'Ontario, en raison des charges fiscales qu'il imposait, avait pour effet de réduire l'écart Québec-Ontario de 2,9 points de pourcentage, c'est-à-dire de 7,5 % à 4.6 %. mais le dernier budget libéral a eu pour effet, quant à lui, d'accroître l'écart de 4,6 points de pourcentage et de le ramener à 9,3 %.

Le ministre des Finances a tenté de réduire l'impact de ces données en faisant des ajustements pour le déficit. Je comprends. Tout à coup, cela le sert, il introduit une nouvelle ligne en moins. Le ministre prétend, en effet, qu'un déficit budgétaire n'est, en fait, que des impôts et des taxes pour le futur. Nous y reviendrons. J'invite le ministre des Finances à la prudence. Est-ce qu'on doit comprendre que les déficits de 4 195 000 000 $ en 1991-1992 et de g 800 000 000 $ pour 1992-1993 jusqu'à 1994-1995 doivent être vus comme des taxes à venir? Il devrait, là aussi, lui-même l'ajouter. Il répondra tout à l'heure.

Mais je vais revenir, M. le Président, sur cet écart fiscal Ontario-Québec. Je trouve important de toucher un point en rapport avec le tableau qui a été publié ce matin et qui avait été déposé la semaine dernière. L'écart fiscal est de 2 877 000 000 $ après une augmentation du fardeau fiscal en Ontario de 2,9 %, comme le ministre lui-même l'a établi en commission parlementaire. Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie qu'il ne faut pas en rester, lorsqu'on évalue le budget de cette année, à cet écart fiscal uniquement Ontario-Québec, il faut voir ce que l'Ontario lui-même a ajouté au fardeau fiscal des Ontariens pour comprendre l'augmentation du fardeau fiscal des Québécois. Lorsqu'on évalue, lorsqu'on fait une simple règle de trois, si 9,3 %, cela signifie 2 877 000 000 $ de fardeau fiscal en plus pour les Québécois que pour les Ontariens, il faut voir que, par rapport à l'année antérieure, notre fardeau fiscal, quant à nous, étant donné les 2,9 points de pourcentage de plus en Ontario, l'augmentation de notre fardeau fiscal, cette année, c'est 4,6 points de pourcentage. Cela signifie une augmentation du fardeau fiscal, quant à l'année dernière, de 1 423 000 000 $. C'est cela que ça veut dire. (11 h 20)

Implicitement, le ministre des Finances admet qu'il a augmenté le fardeau fiscal des Québécois d'une somme de 1 423 000 000 $ cette année au-delà de l'an dernier. Or, nous avions établi, l'an dernier, que le fardeau fiscal, depuis la dernière élection, avait augmenté de 2 433 000 000 $, environ. Étant donné le report de l'application de la deuxième phase de la TVQ, on peut peut-être soustraire une cinquantaine de millions, environ. Donc, si nous arrondissons, l'augmentation du fardeau fiscal depuis la dernière élection, avant le dernier budget, était de 2 400 000 000 $. Le dernier budget augmente le fardeau fiscal de 1 423 000 000 $ que nous pouvons calculer simplement par une règle de trois. Et je pense que le ministre ne peut pas contester un tel calcul parce que c'est tiré de ses propres chiffres, parce qu'il a admis en commission parlementaire que l'écart, du seul fait du Québec, avait augmenté, entre l'Ontario et le Québec, de 4,6 %, mais que l'écart réel s'était réduit parce que l'Ontario aussi, comme province, avait augmenté son fardeau fiscal de 2,9 %.

La conclusion de tout cela, c'est que notre fardeau fiscal, cette année, en chiffre total, a augmenté de 1 423 000 000 $. Peut-être que le ministre peut se chicaner sur 3 000 000 $, mais c'est de 1 423 000 000 $ qu'il s'agit. Une augmentation considérable.

Il faut établir ce chiffre, M. le Président, en pleine période de récession alors qu'on n'est pas sortis de cette récession qui dure et qui

perdure. Et je comprends bien que le ministre essaie de réduire ces écarts en comparant 1991 et 1992. Quelle que soit la base sur laquelle on établit ces comparaisons, le fardeau fiscal a augmenté plus vite qu'en Ontario cette année, de façon significative, de plusieurs centaines de millions de dollars, et lorsque le ministre vient nous soustraire des ajustements pour le déficit je le renvoie à ses propres discours qu'il a faits sur la question. Si lui fait des déficits comme il les a faits, ça veut dire qu'il pellette des taxes, ses propres taxes dans le futur. M. le Président, il répondra tout à l'heure.

Je voudrais aborder un point sur cette nouvelle orientation fiscale qui nous est imposée, qui est une orientation majeure, fondamentale et dont on a peu parlé. De nombreux groupes dans notre société réclament un débat public sur la fiscalité. D'autres étendent la demande en parlant d'un débat public sur les finances publiques, donc, sur l'ensemble de la gestion du gouvernement. Non seulement le ministre ne prévoit pas un tel débat, mais il a imposé un choix que d'aucuns prétendent être un choix de société. Le gouvernement libéral a fait le choix de taxer la consommation et de ne plus toucher à l'impôt sur le revenu. Est-ce qu'il y a eu un débat public là-dessus? La réponse, il faut la donner: C'est non. Non. Posons comme hypothèse que ce ne soit pas un mauvais choix. Posons cette hypothèse. Parce qu'il y a des gens sérieux qui proposent un tel choix. Par exemple, Maurice Allais, qui a reçu un prix Nobel sur cette question, propose de taxer la consommation. Mais ce qu'il faut dire, ce qu'il faut constater, c'est que le choix nous a été imposé sans débat alors qu'il y avait matière à débat, mais vraiment matière à un très large débat sur cette question.

Je vais simplement traiter de l'exemple de la TPS au fédéral, qu'on pourrait aussi critiquer. En 1987, le gouvernement libéral a annoncé son intention d'envahir le champ des taxes à la consommation. Il s'en est suivi un débat de trois ans, des études pendant lesquelles les provinces se sont prononcées, les députés ont discuté, les personnes, les groupes ont donné leur avis. De toutes ces discussions, il a résulté des modifications à l'assiette de la taxation, des modifications au taux de la taxe, etc., et le gouvernement fédéral s'est prêté, jusqu'à un certain point, à des modifications majeures tout en maintenant le cap essentiel sur la taxation à la consommation.

Au Québec, la décision a été prise sans qu'il y ait de débat; même plus, M. le Président, la décision était prise lors du discours sur le budget, sur le budget de 1990-1991, qui a été lu au mois de mai 1990. Pourtant, l'annonce n'en fut faite que le 30 août 1990. C'est le 30 août 1990 que nous avons appris que la décision avait été prise et inscrite dans le budget 1990-1991. Ce qu'on sait aujourd'hui, c'est que le sujet n'a même pas été discuté au Conseil des ministres de façon significative puisque, à l'été 1990, le ministre du Revenu d'alors s'opposait à une telle harmonisation. Ce ministre l'a appris en même temps que nous, d'où sa démission au début de septembre 1990. L'ancien ministre du Revenu, M. Yves Séguin, a appris la chose et la décision du gouvernement en même temps que la population, par la déclaration ministérielle du ministre des Finances, et ça l'a amené à démissionner. La chose était grosse, en effet: imposer un changement radical, un changement fondamental dans la fiscalité des Québécois, de façon aussi camouflée que le ministre l'a fait.

Pour qu'il y ait un débat, évidemment, il faut de l'information. Or, à ce chapitre, la réforme de la TVQ constitue un scandale, un véritable scandale. Au cours de l'étude en commission parlementaire, le ministre a commencé à lever le voile sur les secrets de cette réforme, parce qu'il faut bien en parler de cette façon. Il a, en effet, révélé l'impact de la phase II de cette réforme de la taxation sur les consommateurs, les entreprises et le secteur public. Il a déposé un tableau sur la phase II. Je dirai que c'est un tableau, que ce sont des informations ou que c'est tout simplement un début qui arrive trop tard dans le débat, parce que cela fait plus de deux ans que la décision a été prise, plus de deux ans. Et encore, il manque beaucoup d'information, notamment sur l'impact de la phase I. Quand j'ai posé la question au ministre: Vous nous donnez les tableaux sur la phase II, qu'en est-il de la phase I, la plus importante de l'introduction de la réforme de la taxe de vente du Québec? Le ministre a dit que ça serait très difficile à établir, qu'il ne pouvait pas faire de calculs rétroactifs, que ça serait très long et que lui-même ne les connaissait pas. Cela m'a amené à dire, M. le Président, à constater que, si ce que le ministre dit est exact - je ne peux pas mettre sa parole en doute - ça veut dire que la décision a été prise sans qu'on connaisse véritablement les impacts de la taxe de vente du Québec. Simplement en termes budgétaires, on ne les connaissait pas, ou peut-être que certains les connaissaient, mais ils n'ont livré l'information ni au public et, si je comprends, ni au ministre.

Qu'est-ce que cela veut dire? C'est que la réforme la plus importante des dernières années a été faite sans qu'on sache vraiment où on s'en allait. Si on ne pouvait même pas donner les impacts budgétaires de cette réforme, qu'en est-il des impacts économiques? Or, on sait que le Conseil économique du Canada avait demandé et au fédéral et aux provinces de ne pas s'embarquer dans cette réforme, au moment où il le faisait, particulièrement au moment où le Canada entrait en récession économique, en 1990. Mais, comme le ministre lui-même niait qu'on entrait en récession, évidemment, il était malvenu de dire que, peut-être, un changement fiscal pouvait avoir des impacts économiques. Au fond, il

ne lisait pas les tableaux de bord de l'économie. (11 h 30)

M. le Président, je sais que le ministre va dire qu'il a distribué des tableaux. Ces tableaux arrivent très tard et, lorsqu'on les regarde, d'ailleurs, on voit très bien qu'il faut aller chercher l'information goutte à goutte, miette à miette. Lorsqu'on examine des tableaux, pour certains, on s'aperçoit, tableau après tableau, par exemple pour les entreprises, que les avantages qu'elles devaient retirer, parce que c'étaient elles les gagnantes, qui devaient être les grandes gagnantes de cette réforme, pour leur permettre d'être plus compétitives, que les avantages qu'elles devaient en retirer se sont amenuisés, ont fondu comme neige au soleil. On devait, à l'origine, avoir un avantage de 1 380 000 000 $, ça s'est réduit graduellement à 867 000 000 $. Et lorsqu'on soustrait toutes les taxes que le gouvernement actuel a imposées aux entreprises depuis le budget 1990-1991, on en est réduits à rien. C'est une réforme qui est neutre pour les entreprises, mais qui a été bénéfique pour le gouvernement, alors qu'elle a été très coûteuse pour les consommateurs. Et ce pourquoi le ministre ne livre pas l'information en ce qui concerne la phase I, c'est justement qu'il apparaîtrait très clairement que le consommateur a payé le coût de cette réforme; très, très clairement.

L'avantage fiscal, il l'établit, simplement en termes de détaxe sur les achats qui servent à la fabrication, à 867 000 000 $, après le dernier budget, mais il faut encore déduire un montant de 228 000 000 $ qui est fait de la surtaxe de deux points de pourcentage sur le revenu d'entreprises actives; donc, ça réduit à 639 000 000 $. On doit encore déduire la mesure générale des revenus des entreprises, qui est en force depuis septembre 1991, avec l'impact de la baisse du taux de la taxe de vente de 9 % à 8 % en 1991, et on arrive à un avantage de 479 000 000 $. Ce que le ministre n'ajoute pas dans son tableau, c'est la surtaxe qu'il a imposée aux entreprises dans le budget 1990-1991, qui vaut 128 000 000 $ aujourd'hui. C'est une autre taxe qui était aussi dans le budget de 1991 de 19 000 000 $, et c'est aussi une autre taxe sur le capital qu'il a augmentée cette année, 33 000 000 $. Quand on additionne ça, c'est encore 180 000 000 $ qu'il faut soustraire des 479 000 000 $. On est rendus en bas de 300 000 000 $.

Et que dire maintenant des augmentations de taxes sur le plan municipal, sur le plan scolaire, des taxes qui ont affecté très durement les entreprises cette année, lorsque le gouvernement a refilé la facture du transport public aux entreprises, via les municipalités? C'est elles, en particulier dans la Communauté urbaine de Montréal, qui ont payé, les entreprises. En d'autres termes, depuis la dernière élection, les entreprises n'ont pas pu profiter de toute la réforme de la taxation. Les consommateurs ont payé gravement et c'est le gouvernement qui a encaissé.

De plus, cette réforme s'est faite sous le sceau du secret, du maquillage, de la manipulation. C'était caché dans le budget de 1990. C'est apparu dans la déclaration ministérielle du 30 août 1990 et, ensuite, on est revenus, sous la pression du monde du livre et de l'édition, pour exempter le livre, qui était une mesure qu'il fallait à tout prix adopter et que l'Opposition a appliquée.

Lors du budget de 1991-1992, au lieu de descendre la taxe de vente à 7 % comme il avait été convenu, à cause de l'élargissement de la taxe, on en est resté à 8 %, et on a annulé les exemptions ou les baisses de taxes qu'il devait, en contrepartie, y avoir sur le tabac, l'essence et les alcools. On a annulé. Donc, le gouvernement, durant tout ce temps, a encaissé, a augmenté le fardeau fiscal des Québécois. C'est ça qu'il a fait, il a augmenté considérablement le fardeau fiscal.

Est-ce que pour autant les déficits ont diminué? J'oubliais, dans l'improvisation, il a encore reporté l'application de la phase II au mois de juillet. Pourquoi? Les vraies raisons, à ce qu'on sache, à ce qu'on a appris depuis... La vraie raison, c'est que le ministère du Revenu n'était pas prêt à l'appliquer. Dieu merci, au moins, leur improvisation aura servi à ne pas trop «clencher» l'économie. Ils auraient dû, d'ailleurs, aller plus loin là-dedans et reporter le tout au moins au 1 er janvier.

M. le Président, un autre aspect qui est important et que je veux toucher en terminant - parce que j'aurais pu toucher beaucoup d'autres mesures, revenir sur l'absence de mesures économiques dans ce budget - l'autre aspect de cette réforme, c'est que le gouvernement du Québec s'est trouvé à permettre au gouvernement fédéral, à laisser le gouvernement fédéral envahir le champ des taxes à la consommation. Bien sûr, il y a du maquillage encore là-dedans.

Le ministre dit que le fédéral pouvait le faire. Fort bien, sauf que jamais il ne l'avait fait. Et, sur le plan des conventions, je crois bien que le Québec s'estimait dans son secteur, dans son champ de taxation. Il a laissé faire. Il a dit qu'en contrepartie d'une petite entente administrative de perception de la taxe - donc, ce sont simplement des gens qui perçoivent les taxes - il avait laissé, finalement, le fédéral envahir. Le ministre dit qu'effectivement ils ont fait contre mauvaise fortune bon coeur, que c'est eux qui perçoivent et que, ça, ça tient lieu de tout et, donc, que c'est un avantage. Je regrette, le gouvernement fédéral s'est introduit dans le champ des taxes à la consommation.

Le résultat, je l'ai illustré par ce qui arrive dans la culture, dans le monde du spectacle, notamment. Les municipalités qui s'occupent en particulier de cet aspect de la culture, qui

organisent avec des gens dans le territoire toutes espèces de spectacles, tiraient 10 %, une taxe de 10 % de cette activité culturelle qui est majeure partout au Québec, notamment dans les villes. Qu'est-ce qui arrive à la fin, après toute cette réforme? C'est qu'elles auront zéro. Zéro comme champ d'imposition, comme champ de taxation. Le gouvernement du Québec y sera allé de 4 %. Bien sûr qu'il entend aller jusqu'à 8 % dans le temps, et c'est le fédéral, maintenant, qui s'est introduit pour 7 % dans le champ des spectacles, culture et spectacles. Les élus qui s'occupaient de ce champ d'activité culturelle sont exclus maintenant de ce champ d'imposition. Cela veut dire que, dans le temps, ils vont s'en désintéresser parce qu'ils n'auront plus aucun intérêt à s'en occuper, et tous ceux qui s'occupent de cette activité savent très bien l'impact que cela aura dans le temps.

M. le Président, vous me faites signe que c'est terminé. Je voudrais vous dire que ce budget vient encore d'augmenter le fardeau fiscal des Québécois de 1 400 000 000 $. C'est ça que cela veut dire. 1 400 000 000 $ en 1992-1993. Il n'y a, par ailleurs, comme nous l'avons établi en commission parlementaire, aucune mesure de relance qui soit significative; au contraire les investissements des secteurs public et parapublic du gouvernement vont baisser cette année comparativement à l'an dernier. Je maintiens, M. le Président, la motion de blâme. Vraiment, cette année, elle est encore plus justifiée que les autres années. C'est un gouvernement qui n'a aucune idée, qui laisse faire sur le plan économique. La théorie d'Adam Smith, qui date de 200 ans, il s'arrête là; ils se sont arrêtés là.

M. le Président, c'est un gouvernement usé et fatigué - usé et fatigué - qui essaie d'apporter tout ce qu'il apporte en cachette. Je m'étonne d'ailleurs qu'une telle attitude antidémocratique, je dois le dire, provienne du ministre des Finances qui a une longue expérience parlementaire, mais qui en profite pour essayer de faire dévier les débats de l'Assemblée nationale plutôt que d'aller au fond des choses.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Nous en arrivons maintenant à la fin du débat concernant la motion de M. le ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. Ce débat se termine par la réplique de M. le ministre des Finances. M. le ministre des Finances, je vous rappelle, tel qu'indiqué tout à l'heure, que vous avez droit à une intervention maximale de 60 minutes. M. le ministre des Finances et député de Bonaventure. (11 h 40)

M. Gérard D. Levesque (réplique)

M. Levesque: M. le Président, je suis heureux de constater que le député de Labelle a tiré certaines leçons de l'exercice en commission parlementaire. Cette critique, qui était complètement démesurée, a repris une forme beaucoup plus acceptable. Je comprends fort bien le rôle de l'Opposition, ayant passé moi-même 17 ans dans ce contexte. Je comprends qu'il faut essayer de trouver les points faibles d'une mesure présentée par le gouvernement afin, justement, que la population puisse faire un peu la part des choses et en arriver à une conclusion.

Je vois que le député de Labelle a laissé tomber ses accusations de haute trahison. Il a laissé tomber ses critiques sur une foule de mesures lorsqu'il s'est aperçu que la population les acceptait avec enthousiasme. Dans cette demi-heure qui vient de lui être consacrée, après les 10 heures en commission parlementaire, après les 13 heures de débat à l'Assemblée nationale, après tout cela, qu'est-ce qu'il a à nous dire? Il résume sa pensée en parlant d'une chose, c'est-à-dire le fardeau fiscal, deuxièmement, l'écart avec l'Ontario et une absence de débat suffisant pour la question des taxes à la consommation. Et voilà! C'est ce qu'il nous dit.

Or, M. le Président, c'est qu'il a sûrement pris connaissance des réactions de la population à ce budget. Il n'a pas parlé, évidemment, de ce que nous avions présenté comme déficit en 1992-1993. Il n'a pas osé parler de cela. Il n'a pas parié des mesures structurantes sur l'économie. Il a simplement dit: Absence de mesures. Or, M. le Président, il y en a des pages et des pages dans le budget, des mesures structurantes sur l'économie. Le député de Labelle ne semble pas s'intéresser à la famille québécoise. Il a passé sous silence, et dans sa critique et dans sa réplique d'aujourd'hui, toutes les mesures pouvant toucher la famille québécoise. Et, évidemment, il a passé sous silence des constats comme celui que nous retrouvons, par exemple, dans un article d'Alain Dubuc dans le journal La Presse, en editorial. Et voici un extrait qu'il aurait peut-être pu... Je comprends que c'était difficile pour lui de le faire, mais il aurait pu sans doute nous lire ceci, sous la plume d'Alain Dubuc: «Le gouvernement libéral ne déroge pas d'une ligne, tracée quelques années avant sa venue au pouvoir, mais qu'il a érigée en credo. Cette démarche repose sur quelques paramètres immuables: mener progressivement le déficit à zéro, ne jamais augmenter les impôts et tenter de les baisser, assurer ces deux premiers objectifs par un resserrement des dépenses ou par la tarification, favoriser le déplacement de la fiscalité vers les taxes à la consommation et, s'il y a de l'argent en trop, le rediriger vers les familles.»

Et je continue, M. le Président: «Mais ce qui est remarquable cette année, c'est à quel point Québec a réussi à maintenir ce cap, malgré la récession. Le déficit est élevé, à 3 700 000 000 $, mais il est en baisse par rapport à l'an dernier, et beaucoup moins élevé que les 5 000 000 000 $ auxquels on s'attendait

dans les milieux financiers. Enfin, il devrait revenir progressivement à la normale au fil des années. «Cette capacité des finances publiques québécoises, poursuit M. Alain Dubuc, à retomber sur leurs pattes, surtout quand on la compare à l'emballement des finances ontariennes, montre à quel point le Québec, avec sa terne gestion, s'est doté de finances publiques foncièrement saines.»

Il me semble, M. le Président, que ça aurait été intéressant d'entendre le député de Labelle nous rappeler cet editorial. Mais M. Dubuc n'est pas le seul. Voici M. Claude Picher, du journal La Presse, et je cite: «...Gérard D. Levesque, dans son huitième budget, s'est gardé de toute hausse d'impôt sur le revenu. Et contrairement aux tripotages du budget ontarien, celui du Québec est limpide sur ce point.» Et je continue la citation: «II n'y a aucune hausse des impôts sur le revenu, ni cachée, ni déguisée, ni rien. Le ministre indexe même pleinement tous les crédits d'impôt. Son budget épargne complètement fumeurs, buveurs et automobilistes, éternels souffre-douleur des ministres des Finances.»

M. le Président, voici un autre témoignage, celui de M. Georges Angers, du journal Le Soleil, sous le titre «Des choix réalistes». Je cite: «Le mieux, dit-on - je cite - est l'ennemi du bien et, dans son budget d'hier, le ministre des Finances du Québec, M. Gérard D. Levesque, a renoncé au mieux et choisi le bien. M. Levesque s'est en effet plié aux pressions de la conjoncture, mais, en ce faisant, il a dû renoncer à équilibrer les opérations budgétaires du gouvernement québécois, du moins dans un avenir prévisible. Le gouvernement a donc choisi de ne pas "s'enrichir", c'est-à-dire de ne pas augmenter ses revenus plus que ne s'enrichira l'économie québécoise cette année. C'est ainsi que l'augmentation des revenus autonomes - ça, ça répond à une prétention du député de Labelle - de l'État québécois, sera du même ordre que celui du produit intérieur brut prévisible plus l'inflation, c'est-à-dire autour de 4 %.»

M. le Président, ce sont là, je pense, des témoignages qui viennent contredire, d'une façon absolument fondamentale et radicale, les propos du député de Labelle.

M. le Président, j'aimerais simplement relever le cas des familles, parce que ça, ça a été complètement ignoré du côté de l'Opposition. D'abord, contrairement aux autres provinces et au gouvernement fédéral, le Québec maintient le plein montant des crédits d'impôt personnels pour enfants à charge. La reconnaissance des charges familiales représente un bénéfice de 457 000 000 $ pour les familles, qui n'aura plus d'équivalent dans les autres provinces à compter de 1993, seul le Québec, et, de plus, le Québec n'imposera pas la nouvelle prestation qui remplacera, notamment, les allocations familiales fédérales qui étaient taxables, ce qui accorde une baisse d'impôt de 70 000 000 $ aux familles. De plus, le Québec a déjà mis en place plusieurs mesures pour rendre plus équitable le régime d'imposition s'appliquant aux conjoints de fait et aux personnes mariées. (11 h 50)

En plus de ces mesures et en plus de l'indexation, car il ne faut pas oublier l'indexation, M. le Président, l'honorable député de Labelle aurait pu rappeler que, lorsqu'il était au pouvoir durant ces années-là, on a connu une inflation d'environ 80 %. Et quelle a été l'indexation accordée par son gouvernement? Environ 40 %. Il y a des années où on n'a même pas indexé. Indexation: zéro. Allocations familiales gelées, zéro. Alors, M. le Président, depuis 1985 que nous sommes au gouvernement du Québec, nous avons indexé à 100 %. Encore cette année.

Donc, en plus de cette indexation des allocations familiales de base et des allocations pour jeunes enfants, le budget comporte des mesures significatives pour les familles, notamment - et je suis heureux de le rappeler - une augmentation des allocations versées aux familles de trois enfants ou plus, les versements trimestriels pour le troisième, le quatrième, le cinquième, etc., passant de 375 $ à 400 $, portant cette allocation totale de 7500 $ à 8000 $ par enfant.

Une hausse du montant maximal de la déduction pour frais de garde, M. le Président. Là encore, silence de l'Opposition sur cette hausse du montant maximal de la déduction de 4600 $ à 5000 $ pour les enfants de moins de sept ans, et de 2300 $ à 3000 $ pour les autres de moins de 15 ans.

Enfin, nous avons pu donner suite à plusieurs représentations, M. le Président, en particulier de la part de la députée de Bourget qui m'avait fait une suggestion à cet effet, justement afin de mieux appuyer les familles qui sont prêtes à héberger leurs parents âgés. Un crédit d'impôt qui leur est accordé équivaut à une exemption de 2200 $. C'est un coût de 22 000 000 $ à terme. Comme le faisait remarquer le député de Sauvé, ce sont les personnes âgées qui ont bâti le Québec d'aujourd'hui et à qui nous devons ce que nous sommes aujourd'hui. Ce n'est que justice de leur rendre la pareille aujourd'hui en améliorant leur situation.

Le budget comporte des mesures pour protéger le pouvoir d'achat des plus démunis de notre société et accroître l'aide au logement. Donc, il y a poursuite de l'indexation des besoins essentiels reconnus dans les programmes de sécurité du revenu en fonction de l'évolution du coût de la vie, soit une indexation dans APTE, dans APPORT, sans compter que l'indexation du programme Soutien financier est prévue par la loi, et une bonification de l'allocation-logement accordée aux familles prestataires des programmes de sécurité du revenu en haussant d'environ 50 $ ce que nous attribuons comme loyer plafond admissible, et une extension sur cinq ans de

Logirente afin que nous puissions atteindre, cette année, les personnes de 59 ans, l'année suivante, 58 ans, et ainsi de suite jusqu'à 55 ans, afin d'aider davantage de personnes à maintenir leur propre logement. Et sans oublier... Et ça, ça a été oublié également dans les remarques de l'honorable député de Labelle lorsqu'il parle de la TVQ. Il a oublié de mentionner que, pour les personnes démunies, il y a une compensation entière, des chèques leur sont versés afin qu'elles n'aient pas à subir le moindre préjudice sur ces mesures d'ordre fiscal.

Nous n'avons pas non plus oublié les personnes handicapées ou celles atteintes d'une maladie grave. En plus, il y a le crédit d'impôt pour frais médicaux qui a été élargi, les frais de déménagement, par exemple, frais qui sont encourus pour recevoir des soins médicaux non disponibles en région, les frais relatifs à de nouveaux biens et services facilitant l'intégration des personnes handicapées dans la société. Et, dans la même veine, la définition des dépenses déductibles encourues par les entreprises pour favoriser l'intégration des personnes handicapées au monde du travail sera également étendue.

Alors, M. le Président, maintenant que j'ai pu avoir l'occasion de rappeler ces mesures qui ont été, évidemment, oubliées par l'Opposition, j'aimerais simplement relever cette prétention de l'Opposition relativement à l'écart fiscal Québec-Ontario. L'Opposition allègue que l'écart Québec-Ontario a crû de 3,5 % à 9,3 %, de 1990 à 1992, et qu'il serait revenu au même niveau qu'en 1986. Le ministère des Finances publie, chaque année, un indicateur de la compétitivité fiscale relative du Québec et de l'Ontario. Il s'agit d'un guide utile pour juger de la compétitivité globale de notre régime fiscal par rapport à notre principal partenaire économique.

De 1991 à 1992, l'écart du fardeau fiscal Québec-Ontario du secteur privé s'est accru de 1,8 %. Cette hausse, enregistrée de 1991 à 1992, s'explique essentiellement par le fait que le Québec a décidé de présenter un niveau de déficit moins élevé qu'en Ontario. Si on avait voulu ramener à zéro l'écart, on n'avait qu'à laisser augmenter le déficit: un peu plus de 2 500 000 000 $ sur le déficit et nous avions un fardeau fiscal égal à celui de l'Ontario. Et on aurait pu même avoir un fardeau fiscal plus bas que celui de l'Ontario en laissant monter encore un petit peu plus le déficit. D'ailleurs, je pense que nos amis de l'autre côté savent ce que ça veut dire. Ils n'ont pas hésité à le faire et c'est ça, aujourd'hui, qui constitue la plus grande préoccupation de notre société. C'est l'accumulation de ces déficits dans le passé qui fait qu'aujourd'hui nous avons à faire face à des coûts au service de la dette qui sont très difficiles à rencontrer.

Le déficit québécois 1992-1993 équivaut à 2,4 % de notre produit intérieur brut alors qu'en

Ontario il est de 3,5 %. Et c'est là toute la différence. En ajustant la mesure de fardeau fiscal pour tenir compte du niveau de déficit, et nous avons déposé en commission parlementaire un tableau à cet égard, l'écart Québec-Ontario n'aurait pas été de 10,5 % en 1985, il aurait été plutôt de 18,5 %. En utilisant cette façon d'examiner la situation, c'est-à-dire non pas seulement le déficit et non pas seulement le fardeau fiscal, mais les deux combinés, en 1985, cela nous coûtait 18,5 % de plus - 18,5 %, là, l'écart était en faveur de l'Ontario au détriment du Québec. Qu'est-ce que c'est, selon cette même méthode, même méthodologie, cette année? 4,7 %! On est passé de 18,5 % à 4,7 %. On aurait pu mentionner cela aussi. Je l'avais déposé, ce tableau-là, en commission parlementaire.

M. le Président, on peut relever bien d'autres conséquences positives des politiques de réduction des impôts mises en place à compter de 1985. Prenons, par exemple, l'écart de taux marginal maximum. L'écart entre les taux d'imposition marginaux maximums québécois et onta-riens était de 10,1 % en 1985. Compte tenu de la récente hausse du taux marginal ontarien et puisque le taux marginal d'imposition au Québec a été ramené de 32 % en 1985 à 24 % en 1989, l'écart n'était plus que de 1,2 % en 1992 et à zéro en 1993. L'écart est disparu. (12 heures)

Voici un autre exemple, M. le Président, de baisse d'impôt depuis 1985. En 1985, un couple avec deux enfants et un revenu de travail de 35 000 $ payait 1147 $ d'impôt de plus que son équivalent ontarien. Et maintenant, 1993, c'est le contraire. C'est 1147 $, l'écart, et cela, en faveur du couple québécois.

Ce sont là des exemples que ne peut nier le député de Labelle. Tout ce qu'il a à dire c'est que, oui, on semble mettre l'importance sur la réduction d'impôt, sur l'indexation. Comme en 1988, lorsque nous avons diminué pour les particuliers l'impôt sur le revenu de 1 257 000 000 $. C'est encore là, ces diminutions. Pourquoi avons-nous mis l'accent sur la diminution de l'impôt sur le revenu des particuliers? Parce que nous voulons faire en sorte de diminuer le fardeau de cet impôt-là. Nous voulons laisser à la famille, nous voulons laisser aux individus, aux particuliers, le choix de leurs dépenses. Nous ne voulons pas aller leur enlever ce choix avant même qu'ils puissent décider de l'orientation de leur budget, de leurs priorités. Autrement dit, le chèque de paie que reçoit le travailleur québécois, celui-là, nous allons le protéger le plus possible. C'est pour ça que nous avons laissé plus sur le chèque de paie que jamais, parce que nous avons dit: Nous allons aller vers la consommation. Les gens feront des choix. S'il veulent acheter ceci ou cela, il y aura là un coût à la consommation.

Il y a la tarification. Oui, s'ils ont besoin de tel ou tel service additionnel, s'ils veulent

prendre avantage de telle ou telle mesure, ils seront appelés à payer. Mais, par exemple, leur chèque de paie sera protégé. Et c'est cela qui est toute la philosophie derrière ce que nous faisons au point de vue fiscal: diminuer l'impôt sur le revenu des particuliers, laisser aux particuliers le choix de leurs priorités et de leurs options.

Et, M. le Président, c'est ainsi. Et là on peut donner un autre exemple pour la famille québécoise. La politique mise en place et poursuivie depuis 1986 à l'égard des régimes d'imposition et de transfert s'est traduite par une augmentation considérable du soutien financier apporté aux familles par le gouvernement du Québec. Depuis 1985, le soutien financier à l'égard des familles a augmenté de 1 500 000 000 $, passant de 814 000 000 $ en 1985 à 2 300 000 000 $ en 1993. Ce sont là, M. le Président, des faits. Il y a là une volonté du gouvernement actuel d'apporter un soutien réel, un soutien financier a la famille québécoise.

Or, M. le Président, oui, nous sommes préoccupés par la compétitivité au point de vue fiscal. Nous sommes préoccupés par le soutien aux familles québécoises. Nous voulons réduire les écarts avec nos voisins. Nous voulons, de plus, M. le Président, faire en sorte que ce qu'on nous dit sur la culture, par exemple... Parce que, en parlant de la TVQ, on a parlé de différents impacts. La culture, par exemple, j'aurai l'occasion d'en parler dans quelques instants. Mais reprenons certains dires de l'Opposition relativement à la taxe de vente du Québec.

Rappelons d'abord que la taxe de vente du Québec, qu'elle s'appelle TVQ ou qu'elle s'appelle taxe de vente du Québec, c'est toujours celle que nous avons toujours eue, qui était à 9 %, il ne faut pas l'oublier. Lorsqu'elle était à 8 %, le gouvernement de nos amis d'en face, en 1982-1983, l'a fait passer de 8 % à 9 %. C'est là que nous l'avons accueillie, à 9 %, et que nous l'avons réduite, cette taxe, à 8 %, tout en élargissant l'assiette. Elle n'affectait que les biens. Nous avons ajouté les services, à partir du 1er juillet prochain. Mais, alors que la loi prévoyait que cette taxe serait de 8 % sur les services, comme elle l'est sur les biens, le budget du 14 mai dernier réduisait ces 8 % à 4 %.

Et, encore une fois, je tiens à le rappeler, le rendement de cette taxe ne va pas, ou presque pas, au gouvernement du Québec, mais est plutôt dirigé, après qu'on eut enlevé évidemment la compensation pour les plus démunis, pour les faibles revenus, la grosse partie du rendement de cette taxe sur les services s'en va à renforcer notre économie, s'en va à diminuer les coûts de production des entreprises et, en même temps, à assurer des emplois à cause d'une compétitivité plus forte de nos entreprises.

Au lieu de taxer la production, nous avons plutôt choisi la consommation. Nous avons voulu faire en sorte que nos produits fabriqués au Québec soient plus compétitifs sur les marchés d'exportation, comme sur le marché domestique. Et c'est ça, la philosophie derrière cela. C'est tellement... D'ailleurs, ce n'est pas quelque chose qui peut surprendre le député de Labelle. Il n'a qu'à lire le programme du Parti québécois et c'est ça qu'on propose, une taxe sur la valeur ajoutée qui remplacerait la taxe de vente du Québec, les fameux 9 % dont on a parlé il y a quelques instants.

C'est dans le même esprit - il y a quelques fois qu'on s'entend - de taxer plutôt la consommation que la production, c'est dans le même esprit de ce programme du Parti québécois qui renferme exactement la même idée que nous avons procédé comme nous l'avons fait, parce que tous les économistes s'entendent pour faire en sorte, justement, de suivre cette voie, une voie qui n'est pas, non plus, isolée, qui n'est pas une voie qui est propre au Québec. Il y a une cinquantaine de pays qui ont adopté cette formule-là pour rendre, justement, leurs entreprises plus compétitives et créer des emplois chez nous. Et, dans ces pays, ça a été cette philosophie-là qui l'a emporté.

M. le Président, l'impact total des modifications au 1er juillet, pour les 4 %, pour les ménages - on a dit qu'on pouvait avoir à peu près 500 000 000 $, 600 000 000 $ d'impact - l'impact réel, final n'est que de 120 000 000 $. Sur une économie de quoi? De 160 000 000 000 $. De plus, il n'y aura aucun impact sur les ménages à faibles revenus puisque le crédit d'impôt remboursable qui leur est destiné sera majoré de 30 000 000 $.

Encore une fois, la mise en place de la TVQ n'est pas destinée à accroître les revenus du gouvernement. Cela se vérifie aisément puisque le rendement des taxes à la consommation augmentera de 3,7 %, c'est-à-dire un facteur moindre, en 1992-1993, que l'ensemble des revenus du gouvernement; l'ensemble des revenus du gouvernement: 4,5 % d'augmentation et, TVQ et autres taxes à la consommation: 3,7 %. Vous voyez, M. le Président, que ce n'est pas pour favoriser le Trésor public que cette mesure est prise, mais bien davantage et surtout pour renforcer l'économie du Québec. (12 h 10)

M. le Président, lorsque l'Opposition nous parle d'une mesure qui est introduite en récession ou en faible conjoncture, je dois dire qu'on estime que la mise en place de la seconde phase de la TVQ aura, suite à l'élargissement aux services et aux immeubles à un taux réduit de 4 %, un impact minime sur le niveau des prix, soit entre 0,1 % et 0,2 %. On estime que la hausse durable de la production québécoise suite à la seconde phase de la réforme sera de 8/10 du PIB du Québec en 1992. La hausse de la production s'accompagnera de la création de 17 000

emplois. Ça, ce sont des chiffres qui ont été compilés par un groupe d'économistes et de gens compétents qui ont examiné l'impact de la réforme. La détaxation des intrants des entreprises permettra la réduction des coûts de production d'environ 1 % et du coût des biens d'investissement de l'ordre de 3 %. Les produits fabriqués au Québec seront donc plus compétitifs, tant sur les marchés extérieurs que sur le marché intérieur. De plus, la réforme comporte des éléments de simplification très intéressants pour les entreprises: assiette taxable essentiellement similaire à celle de la TPS, administration unifiée des deux taxes sur le territoire québécois. Le Québec est la seule province qui ait harmonisé son régime de taxe de vente de détail au régime de la TPS. Cela représente une amélioration notable par rapport à une situation où il y a deux régimes différents, comme c'est le cas dans les autres provinces.

Et là, je rejoins une autre critique de l'Opposition à l'effet que le gouvernement fédéral aurait envahi un champ traditionnellement occupé par les provinces. J'en suis évidemment témoin. Je ne conteste pas que le gouvernement fédéral, par sa TPS, soit venu dans un champ traditionnellement occupé par les provinces. D'ailleurs, dès que cette mesure a été annoncée par le gouvernement fédéral, j'ai protesté non pas parce que le gouvernement fédéral faisait disparaître la taxe de 13,5 % au niveau du manufacturier - ça, c'était important qu'on fasse disparaître cette taxe-là - mais, où j'ai protesté, c'est qu'on s'en venait pour la remplacer dans un champ traditionnellement occupé par les provinces. Une fois que je me suis aperçu que, quelles que soient nos protestations, le gouvernement fédéral pouvait exercer ce droit et qu'il l'exerçait, nous avons pris au Québec et au gouvernement du Québec des dispositions, à mon sens, dont nous pouvons nous vanter parce que ces dispositions vont servir le Québec pour longtemps, c'est-à-dire que nous avons dit au gouvernement fédéral: Nous allons nous harmoniser, mais nous exigeons l'administration des deux taxes. Si vous venez jouer dans notre cour, c'est nous qui serons là pour voir à la discipline à l'intérieur de ces deux cours, de ces deux joueurs dans la cour. C'est ainsi que nous avons obtenu - et le Québec est la seule province à l'avoir obtenue - l'administration des deux taxes, TPS et TVQ, à partir du 1er juillet prochain. Et les autres, vous verrez, l'avenir parlera par lui-même. Je ne fais pas de prédictions, mais je dis que nous avons agi dans les meilleurs intérêts du Québec. Lorsque M. Duplessis, en 1954, avait obtenu la déductibilité pour l'impôt sur le revenu du Québec, il avait posé un geste autonomiste. Lorsque notre gouvernement a exigé et obtenu l'administration de la taxe fédérale en même temps que de la taxe du Québec, nous avons posé un geste autonomiste, et nous en sommes fiers.

Ceci étant dit, lorsque le député de Labelle nous dit maintenant que le gouvernement fédéral a ainsi pu obtenir une taxe de 7 % du côté de la culture et que les municipalités n'en auraient pas, il s'agit là simplement, d'une part, d'une décision que le gouvernement fédéral pouvait prendre. Quant à la question des municipalités, c'est une décision que nous avons prise pour faire disparaître les 10 % de taxe d'amusement et, dans le budget, nous avons prévu des mesures de compensation, dont on peut parler, si on veut, sur le quantum, mais le quantum, à mon sens, est plus élevé que ce qu'on avait prévu.

D'ailleurs, M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci, rappeler à cet égard que, selon le critique financier de l'Opposition, en abolissant la taxe sur les divertissements pour faire place à la TVQ à 4 %, le Québec abdiquerait ses responsabilités en matière de culture et laisserait le champ libre au gouvernement fédéral. En fait, le Québec préfère prendre sa place dans les interventions qui favorisent le secteur culturel plutôt que dans celles qui sont susceptibles de ralentir son développement. D'ailleurs, M. le Président, j'en veux pour preuve que le monde du spectacle accueille très favorablement les mesures fiscales du budget.

Permettez-moi de citer le communiqué de presse, au moins quelques paragraphes de ce communiqué émis par la Coalition des arts de la scène, et je cite, M. le Président: «Après trois mois de campagne au cours de laquelle 175 000 citoyens ont signé la pétition "non aux spec-taxes", la Coalition québécoise des arts de la scène accueille favorablement les mesures fiscales annoncées par le ministre des Finances Gérard D. Levesque, lors du discours du budget jeudi dernier, mesures qui se traduiront par une réduction de taxes significative sur le prix du billet de spectacle. En effet, à la suite de l'abolition de la taxe d'amusement et de la limitation de la TVQ sur les services à 4 %, le niveau de la taxation sur le billet de spectacle passera de 17 % actuellement à 11,28 % à compter du 1er juillet prochain. La Coalition québécoise des arts de la scène considère cette mesure comme un premier geste concret visant à favoriser la relance du secteur des arts de la scène.»

Et un peu plus loin, je lis, toujours en citant ce communiqué de la Coalition: «La Coalition québécoise des arts de la scène se réjouit aussi de l'annonce d'un montant supplémentaire de 5 000 000 $ octroyé au ministère des Affaires culturelles. Lors d'une rencontre, au lendemain du discours du budget, Mme la ministre Frulla-Hébert a précisé aux représentants de la Coalition que cette somme constituera un fonds d'urgence visant à relancer la fréquentation des salles de spectacle et ce, dès la saison d'automne 1992.»

Alors, M. le Président, voilà des témoignages auxquels vous me permettrez d'attacher autant d'importance au moins qu'à ceux qui font partie de la critique de l'Opposition. Parlant de

critique de l'Opposition, j'entendais le député de Joliette, et ça, ça m'a... Je ne peux peut-être pas dire que ça m'a scandalisé parce que je le connais, mais tout de même. Selon l'Opposition, l'application de la TVQ à l'habitation fera augmenter le prix des maisons de 4 %. C'est ça que j'entendais de la part du leader de l'Opposition qui déchirait sa chemise là-dessus. Mais est-ce qu'il a tout dit lorsqu'il a dit cela? L'application de la TVQ à 4 % aux résidences neuves et aux travaux de rénovation n'aura en effet qu'un impact mineur, mineur, sur les prix. On estime, pour les maisons neuves, l'impact non pas à 4 %, mais à 0,5 %. (12 h 20)

En effet, dans le régime actuel, la taxation des matériaux de construction... Vous savez qu'ils sont présentement taxés, les matériaux de construction. Dans une maison, ça commence à compter. Ils sont taxés à 8 %. Ils étaient à 9 % dans le temps de nos amis d'en face, maintenant c'est 8 %. Et ça fait en sorte que 3,4 % du prix d'une résidence s'explique par cette taxe. De plus, l'impact au 1er juillet 1992 représente le tiers de celui qu'on aurait mesuré à 1,64 % si la TVQ s'était appliquée à 8 %. Donc, ce n'est plus 4 %, ce n'est pas 1,64 %, mais 0,5 %. Alors, je pense qu'il était important que l'on puisse au moins rétablir certains faits. C'est sûr qu'on n'a pas le temps, au moment de cette réplique, de contredire tout ce qui a été dit au cours de ces débats, mais je pense qu'il était important de rappeler certains faits.

Et, avant de terminer, on me permettra de rappeler ce que le député de Labelle nous disait: Une absence de mesures économiques. On parle de la situation économique défavorable. D'abord, il est tout à fait illusoire de s'imaginer que le Québec, qui est une petite économie très ouverte, aurait pu s'isoler complètement du ralentissement économique qui a eu lieu tant au Canada qu'aux États-Unis.

Comme le soulignait le député de Marquette, la récession vécue au Québec s'est étendue à la grandeur de l'Amérique du Nord. Les pertes d'emplois auxquelles nous avons assisté, on les retrouve aussi en Ontario, en Ontario beaucoup plus qu'au Québec, au Vermont, au Massachusetts, souvent même, et en plus grande proportion.

Même le gouvernement de l'Ontario - qu'on nous a cité en exemple lorsqu'il avait encore augmenté son déficit - qui, l'an dernier, a injecté des milliards de dollars dans l'économie, n'a pu échapper au ralentissement. Il a eu des pertes d'emplois de beaucoup supérieures à celles que nous avons connues au Québec, malgré ces milliards d'investissement. Il faut plutôt observer ce qui se passe actuellement. À cet égard, il est évident que les éléments d'un redémarrage prochain de l'économie québécoise et de l'ensemble de l'économie canadienne sont en place.

Il faut bien comprendre que, lorsque l'économie du Québec exporte entre 40 % et 50 % de sa production, on ne peut pas, par des mesures internes, intérieures, changer la situation qui existe chez nos voisins, chez nos clients, chez nos acheteurs, que ce soit dans le reste du Canada, aux États-Unis ou ailleurs. S'il n'y a pas là des conditions favorables, on ne pourra pas, par des mesures internes, changer cette situation, puisque notre économie est principalement dirigée vers l'extérieur, vers les exportations.

Maintenant, cependant, on doit dire que les conditions s'améliorent. Aux États-Unis, par exemple, les signes d'une accélération de l'économie se sont multipliés au cours des derniers mois et la production s'est accrue de 3,4 % au premier trimestre. Dans ce contexte, le secteur privé anticipe une croissance de 2 % pour 1992 aux États-Unis. Au Canada, on sait que les taux d'intérêt sont les plus faibles depuis une vingtaine d'années. Les taux de court terme ont maintenant reculé de plus de sept points de pourcentage depuis le début de 1990.

Le dollar s'est ajusté à la baisse d'environ 0,06 $ américains depuis novembre dernier, et cela viendra stimuler nos exportations. La situation financière des ménages s'améliorera de manière importante, cette année, grâce à l'effet de levier engendré par le renouvellement des emprunts hypothécaires à des taux d'intérêt beaucoup plus faibles. L'inflation est aujourd'hui à son niveau le plus bas depuis le milieu des années soixante. Cela devrait contribuer à maintenir des taux d'intérêt à un niveau relativement faible. C'est la raison pour laquelle on prévoit une hausse de la production de 1,6 %, au Québec, en 1992. Les perspectives économiques intégrées au budget sont d'ailleurs très semblables au consensus qui se dégage des analyses effectuées par les organismes de prévision du secteur privé.

M. le Président, vous me permettrez d'ajouter un mot sur les mesures que nous voulons prendre et que nous avons prises pour faire face, justement, à la situation. Les mesures que nous avons prises, ça a été des investissements accélérés de centaines et de centaines de millions de dollars. Les mesures que nous avons prises, c'a été d'annoncer de nouveaux crédits pour le réseau routier local, de nouveaux crédits disponibles pour le réseau routier national. Nous avons également décidé d'investir dans les centres d'accueil, pour nos aînés, 240 000 000 $ sur trois ans pour la rénovation de ces centres d'accueil, des mesures comme le programme pour la rénovation des immeubles locatifs. Lorsque les crédits de la fin de mars annonçaient des mesures pour 3400 logements, notre budget augmentait cela à 8000 logements.

Pour les petites et moyennes entreprises, un autre programme pour soutenir l'investissement, pour garantir des emprunts de l'ordre de 60 000 000 $ devant créer des investissements

additionnels de 150 000 000 $. Nous avons également toujours cette préoccupation du développement régional. Chacun de nos budgets a toujours eu comme souci d'appuyer le développement régional. J'étais en Abitibi-Témiscamingue, en fin de semaine, et je voyais là ce que la population du milieu dit, comment elle réagit devant ce budget. J'avais l'occasion de prendre connaissance d'un communiqué de l'Association des prospecteurs du Québec qui félicitait le gouvernement, sans réserve, pour les politiques annoncées dans le budget pour soutenir l'exploration minière.

Le directeur général, M. Gratien Gélinas, et le président du conseil d'administration se joignaient, justement, pour souligner l'importance de ces mesures, pour les actions accréditives par exemple, pour améliorer le gain en capital, pour faire en sorte que les déductions soient plus généreuses pour les risques qui sont pris dans ce domaine. Exemples: une augmentation, également, des mesures, du taux de déduction, jusqu'à 175 %, pour l'exploration de surface; une autre somme de 5 000 000 $ que nous ajoutons pour que SOQUEM puisse prendre des mesures, comme l'an dernier, pour s'associer à des projets avec des compagnies junior. Toutes ces mesures simplement dans le domaine minier étaient incluses au budget dont nous parlons aujourd'hui, en fin de débat. (12 h 30)

Du côté de la création d'emplois saisonniers, un autre montant de 7 000 000 $ a été ajouté dans le budget pour aider la création d'emplois dans les régions où l'emploi est le plus important dans l'économie régionale. Nous avons, de plus, pour la Gaspésie et les îles-de-la-Madeleine, fait une autre ponction dans le budget pour remettre à ces gens-là, pour créer des emplois, pour créer des emplois saisonniers dans une région qui en a bien besoin. Et nous avons multiplié les mesures, par exemple, les sociétés régionales d'investissement, avec la coopération de la Caisse de dépôt et placement du Québec, de la Banque Nationale du Canada, du Mouvement Desjardins, de la fédération, du Fonds de solidarité des travailleurs du Québec. Nous avons fait en sorte que tous ces gens-là, toutes ces institutions-là puissent se mettre ensemble pour créer, dans chaque région, des fonds d'investissement qui sont là pour assurer que le capital de risque soit disponible. S'il y a des bonnes idées quelque part et qu'il manque de l'argent, là, il y aura des fonds dans chacune des régions du Québec pour répondre à ces besoins-là. Et nous, nous allons faire en sorte, au gouvernement du Québec, d'appuyer le tout en nous occupant du financement de ces secrétariats pour le fonctionnement de ces fonds, en investissant des sommes importantes pour soutenir cette initiative.

Nous avons aussi annoncé des fonds d'aide aux entreprises pour remplacer le programme

PRECEP. Nous avons, dans le développement régional, un soutien a l'innovation technologique, soutien à l'automatisation. Nous voulons, encore une fois, appuyer le développement des secteurs stratégiques. Nous avons, encore une fois, rappelé dans ce budget l'importance des mesures que nous avons mises en marche depuis 1990, en particulier dans la formation des travailleurs, dans la recherche et le développement. Et nous avons également, dans ce budget, introduit une nouvelle mesure d'encouragement à l'atteinte de l'objectif de qualité totale de mon ami et collègue, le ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.

Nous multiplions les initiatives, justement, afin que le Québec soit de plus en plus compétitif. Dans un contexte, comme celui que nous allons de plus en plus connaître, de globalisation des marchés, il faut qu'on soit meilleur. Il faut mettre l'accent sur la qualité de la main-d'oeuvre. Il faut mettre l'accent sur l'innovation. Il faut mettre l'accent sur la recherche et le développement. Et c'est ce que nous faisons, budget après budget.

On dit: Je ne sais pas si la formation, ça va. Est-ce que vous savez que ce programme-là, que nous avons introduit en 1990, sur la formation en entreprise, par les entreprises, par les mesures fiscales que nous avons mises de l'avant, a fait qu'il y a plus de 110 000 travailleurs du Québec qui ont profité de cette mesure-là annoncée en 1990? Nous aurons bientôt en marche une autre mesure qui pourra faire en sorte que les gens puissent en bénéficier, parce que cette mesure-là, qui s'adresse à la formation individuelle, au cas où des gens, par exemple, ne pourraient pas avoir accès à ces programmes de formation avec leur entreprise, ces personnes-là pourront bénéficier d'une autre mesure de formation individuelle, par le truchement des 1600 succursales ou postes du Mouvement Desjardins avec qui nous avons signé ou convenu de mettre ce programme en action; au moins que ce soit prêt pour la prochaine année scolaire, formation individuelle, avec de l'aide, pour encourager les gens à aller se recycler, se former, compléter leur formation.

M. le Président, je pourrais vous parler encore longtemps, mais je vois que le temps, maintenant... Vous me faites signe que ça se termine bientôt. Je veux simplement, en terminant, M. le Président, vous dire que, dans ce budget, nous avons fait en sorte de maintenir le cap, comme nous l'avions indiqué dès 1985. Nous avons, à ce moment-là, établi que nous voulions assainir les finances publiques, nous ne voulions pas continuer dans le sens qui avait été indiqué et adopté par nos prédécesseurs qui avaient accepté un endettement dont nous souffrons encore aujourd'hui par une accumulation des déficits successifs.

Lorsqu'on parie de déficit, je tiens encore à rappeler à l'honorable député de Labelle, lorsqu'il

parle du déficit 1991-1992 comme étant bien élevé, le record, disait-il, il n'était qu'à 2,4 % du PIB, alors qu'en 1980-1981 votre déficit était de l'ordre de 4,8 %, le double par rapport au produit intérieur brut. Nous sommes présentement en récession, nous étions en récession en 1991-1992, au moment où ce fameux record aurait été fait, mais, en 1980-1981, c'était avant la récession, c'était au moment du référendum qu'on faisait ces genres de déficit.

M. le Président, nous allons continuer de travailler à réduire le déficit, à réduire le fardeau fiscal, à nous rendre plus compétitifs, à mettre l'accent, encore une fois, sur la famille québécoise, continuer de ne pas augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers, même à le diminuer, à indexer pleinement, comme nous l'avons fait présentement, nous avons eu l'indexation à 100 %. Nous allons continuer de mettre l'accent sur le développement des régions, sur le soutien à la famille québécoise, encore une fois. Nous allons travailler à améliorer la situation économique. Nous avons toujours comme article 1 du programme du Parti libéral - ça, je l'ai toujours à l'esprit et le premier ministre nous le rappelle si on l'oublie - le développement économique et la création d'emplois. Nous allons continuer de travailler dans ce sens-là et l'économie va se renforcer; ceci nous permettra d'avoir des revenus accrus au Trésor québécois, qui viendront justement de l'accélération de l'économie, de la croissance économique. Ceci nous permettra de mieux répondre encore aux aspirations légitimes des Québécois et des Québécoises. En ce faisant, M. le Président, nous allons continuer d'assainir les finances du Québec, les finances publiques. Nous ferons en sorte, également, de pouvoir répondre par une économie forte aux besoins de nature sociale et culturelle de notre population.

Voilà, M. le Président, en terminant ce débat, les voeux du moins que je formule, tout en assurant la population du Québec que nous allons continuer dans le sens où nous avons commencé. Nous avons hâte de pouvoir continuer de voir l'économie s'améliorer afin, encore une fois, d'apporter des conditions encore meilleures à notre population. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, cette réplique de M. le ministre des Finances met fin au débat sur le discours sur le budget. Conformément à l'article 277 du règlement, l'Assemblée doit maintenant se prononcer: sur la motion de M. le ministre des Finances proposant à l'Assemblée d'approuver la politique budgétaire du gouvernement; sur les motions de censure qui ont été présentées à l'occasion du débat sur le discours sur le budget par M. le député de Labelle, Mme la députée de Taillon, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, Mme la députée de Johnson, Mme la députée de Terrebonne et M. le leader de l'Opposition officielle; sur les rapports regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1993 et sur le projet de loi des crédits pour l'exercice financier 1992-1993.

Alors, conformément aux articles 277 et 288 du règlement, je vais d'abord mettre aux voix, dans l'ordre de leur présentation, les motions de censure présentées dans le cadre du débat sur le discours sur le budget.

Une voix: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Appel nominal. Qu'on appelle les députés. (12 h 40 - 12 h 48)

Le Président: Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés. Alors, conformément aux articles 277 et 288 du règlement, je vais d'abord mettre aux voix, dans l'ordre de leur présentation, les motions de censure présentées dans le cadre du débat sur le discours du budget.

Mise aux voix des six motions de censure

La première motion de censure, présentée par M. le député de Labelle, se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale blâme très sévèrement le gouvernement libéral qui a ignoré les préoccupations de la population en choisissant à nouveau de relever le fardeau fiscal, notamment par l'introduction d'une taxe de 4 % sur les services, et en refusant de présenter des mesures de relance susceptibles de redonner espoir aux agents économiques et qu'il soit condamné pour la piètre qualité de l'information financière contenue dans le budget et pour avoir facilité l'intrusion fédérale dans le champ des taxes à la consommation.»

Que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît. (12 h 50)

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (La-violette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victo-rin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Trudel (Rouyn-Noran-da-Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

Le Président: Que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Port neuf), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Levesque (Bonaven-ture), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charles-bourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Vallières (Richmond), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), Mme Frulla-Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maltais (Sague-nay), M. Savoie (Abitibi-Est), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (T rois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Témis-couata), M. Hamel (Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), M. St-Roch (Drummond), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Sou-langes), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nel-ligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFon-taine), Mme Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoi-lou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0

Le Président: Donc, la motion est rejetée.

La deuxième motion de censure, présentée par Mme la députée de Taillon, se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale dénonce le gouvernement libéral pour le laxisme dont il fait preuve dans le contrôle de ses dépenses au moment où il impose aux contribuables de nouvelles charges fiscales et pour l'absence de transparence qui résulte des changements majeurs apportés aux crédits par le discours sur le budget, notamment par la péremption de 753 000 000 $ de dépenses, qui dénature le sens de l'étude des crédits à l'Assemblée nationale.»

Une voix: Même vote.

Le Président: Même vote. Même vote pour l'Opposition; même vote pour les ministériels; même vote, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Très bien. Alors, le résultat.

Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0

Le Président: Donc, la motion est rejetée.

La troisième motion de censure, présentée par M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale du Québec blâme sévèrement le gouvernement pour avoir renié pour une septième année consécutive son engagement solennel de consacrer 1 % du budget total de l'État à la culture; pour n'avoir consacré qu'une part insuffisante de l'augmentation des crédits du ministère des Affaires culturelles pour l'aide et le soutien aux artistes et aux régions; et pour n'avoir pas accordé aux arts de la scène le même traitement que pour le livre, soit l'exemption totale de la taxe de vente.»

Alors, le même vote pour l'Opposition officielle; le même vote pour le gouvernement et le même vote pour M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Très bien. Alors, le résultat.

Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0

Le Président: Alors, la motion est donc rejetée.

La quatrième motion de censure, présentée par Mme la députée de Johnson, se lit comme suit: «Que cette Assemblée condamne avec véhémence le gouvernement libéral pour avoir imposé en catimini une contribution de 2 $ aux personnes âgées désirant obtenir l'exécution d'une prescription à la pharmacie.»

Alors, c'est le même vote pour l'Opposition; le même vote pour le gouvernement et le même vote pour M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.

Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0

Le Président: Donc, cette motion est également rejetée.

La cinquième motion de censure, présentée par Mme la députée de Terrebonne, se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale condamne le gouvernement libéral pour son acharnement contre les consommateurs et consommatrices qui voient leur pouvoir d'achat diminué par l'imposition de nouvelles taxes, qui subissent des coupures importantes de services et qu'elle blâme le gouvernement pour son peu d'empressement à défendre les droits des consommateurs et consom-

matrices, notamment dans les dossiers des préarrangements funéraires et de la MIUF devant la Cour d'appel du Québec.»

Alors, le même vote du côté de l'Opposition; le même vote du côté du gouvernement et le même vote, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, le résultat.

Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0

Le Président: La motion est rejetée.

La sixième et dernière motion de censure présentée par M. le leader de l'Opposition officielle se lit comme suit: «Que l'Assemblée nationale dénonce le gouvernement libéral pour les coupures de services dans les soins optométri-ques et dentaires, pour les compressions majeures des budgets alloués au secteur de la santé et des services sociaux et qu'elle condamne avec véhémence la façon cavalière, tant budgétaire que législative, utilisée pour mettre en vigueur ces mesures.»

Alors, le même vote pour l'Opposition officielle; le même vote pour le gouvernement et le même vote pour M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, le résultat.

Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0

Le Président: Cette motion est rejetée.

Mise aux voix de la motion du ministre des Finances

Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du gouvernement. C'est toujours un vote par appel nominal qu'on sollicite?

Une voix: Vote nominal.

Le Président: Donc, vote par appel nominal. En conséquence, que les députés qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Portneuf), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Levesque (Bonaven-ture), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charles-bourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Vallières (Richmond), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), Mme Frulla^Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Picotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau

(Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maltais (Sague-nay), M. Savoie (Abitibi-Est), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Témis-couata), M. Hamel (Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), M. St-Roch (Drummond), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Sou-langes), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nel-ligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFon-taine), Mme Hovington (Matane), M. Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoi-lou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce).

Le Président: Maintenant, que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duplessis), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (La-violette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victo-rin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

Le Président: Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 71 contre: 22 abstentions: 0

(13 heures)

Le Président: La motion est donc adoptée.

Mise aux voix des rapports des commissions

qui ont étudié les crédits budgétaires

pour l'exercice financier se

terminant le 31 mars 1993

Je mets maintenant aux voix les rapports

regroupés des commissions qui ont étudié les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31 mars 1993. Est-ce que ces rapports sont adoptés?

Une voix: Sur division.

Le Président: Donc, adopté sur division.

Projet de loi 12 Adoption du principe et adoption

En conséquence, M. le ministre des Finances propose que l'Assemblée soit saisie du projet de loi 12, Loi no 3 sur les crédits, 1992-1993, qu'elle en adopte le principe et qu'elle adopte le projet de loi proprement dit. Cette motion est-elle...

Une voix: Sur division.

Le Président: Donc, cette motion est adoptée sur division.

En conséquence, le projet de loi 12, Loi 3 sur les crédits, 1992-1993, est donc adopté.

Sur ce, puisque nous sommes arrivés à 13 heures, nous allons maintenant suspendre nos travaux qui reprendront à 15 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 13 h 1)

(Reprise à 15 h 3)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il vous plaît!

À l'étape des affaires du jour, avec quel article du feuilleton, M. le leader adjoint du gouvernement?

M. Bélisle: L'article 10, M. le Président.

Projet de loi 15 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 10 de notre feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux propose l'adoption du principe du projet de loi 15, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'application de la Loi sur les sercices de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, je vous cède la parole pour votre intervention principale.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Char I es bourg): Merci. Merci, M. le Président. Je pense que, d'entrée de jeu, il serait bon de situer le projet de loi que nous nous apprêtons à adopter en deuxième lecture devant cette Chambre.

L'adoption du principe du projet de loi 15 que nous faisons aujourd'hui s'inscrit dans la continuité d'un processus amorcé depuis déjà cinq ou six ans. Rappelons, M. le Président, que nos prédécesseurs, en 1985, avaient décidé de confier au Dr Rochon le soin de faire une commission d'enquête et de parcourir le Québec afin de consulter les gens. Plus de 6000 se sont présentés devant la commission Rochon pour exprimer leur point de vue sur l'état de santé de notre système de santé et de services sociaux. Ultérieurement, donc, en 1986, à notre prise de pouvoir, Mme Thérèse Lavoie-Roux, celle qui m'a précédé à la Santé et aux Services sociaux, a elle-même fait une consultation avant même de déposer un projet de loi préliminaire qui était étudié par une commission parlementaire. Cette commission parlementaire, que j'ai présidée dès 1986, nous a permis d'entendre 175 mémoires de différents représentants, tant du domaine de la santé que du domaine social, et ce, pendant de nombreuses semaines, plus ou moins huit ou neuf semaines.

J'ai aussi, au-delà de tout cela, rencontré personnellement, dans différentes rencontres, que ce soit au cabinet, que ce soit un peu partout à travers le Québec, des personnes intéressées à faire valoir leur point de vue quant aux réajustements que nécessitait notre service de santé et de services sociaux. Au-delà de tout cela, en décembre, le 7 décembre 1990, nous avons rendu public ce qui était la réforme de la santé et des services sociaux qui nous a amenés, dès janvier 1991, à faire le tour du Québec pour à nouveau entendre des gens en termes de réaction sur cette proposition.

Ce qui nous amène à l'adoption en août dernier devant cette Chambre, plus précisément le 28, de ce qui est davantage connu comme la loi 120 et qui nous permettait de franchir une étape extrêmement importante dans ce processus législatif, M. le Président, et qui, indéniablement, amorçait le début très concret de la réforme du système de santé et de services sociaux.

Il s'agit donc d'une réforme majeure, et cette réforme ne peut s'implanter par la seule mise en vigueur de la loi nouvelle, soit la loi 120. Il faut, pour que cette transition s'effectue en souplesse, c'est-à-dire sans obstacle et sans rupture de services auprès de la population, prévoir certains aménagements au plan juridique. Le projet de loi 15, dont nous discutons le principe aujourd'hui, répond principalement à cette nécessité.

M. le Président, j'aimerais simplement faire ressortir les différents volets que comporte le projet de loi 15 et j'entends retenir, pour les fins de mon exposé... Un premier volet du projet de loi concerne donc les différentes mesures transitoires nécessaires au passage de l'ancien au

nouveau régime juridique introduit par la réforme. Un second volet vise les modifications aux dispositions de la loi 120. Un troisième concerne les concordances qui doivent être apportées aux autres lois du corpus législatif et, quatrièmement, le dernier volet touche plus particulièrement les modifications proposées à la Loi sur l'assurance-maladie en ce qui a trait à différentes mesures reliées à la carte d'assurance-maladie.

Je reviens donc au premier volet, soit celui des mesures transitoires. Le projet de loi 15 introduit une série de mesures destinées à effectuer, avec efficacité, tous les transferts de responsabilité qu'exige l'implantation du nouveau mode de fonctionnement du réseau de la santé et des services sociaux. Ces mesures prévoient le régime juridique temporairement applicable au système de santé et services sociaux du Québec pendant toute la période de transition. Cette dernière s'avère évidemment essentielle pour permettre l'organisation logistique du nouveau mode de fonctionnement. Elle s'étendra, sauf exception, jusqu'au 1er avril 1993.

Ces mesures transitoires peuvent finalement être regroupées sous les trois thèmes qui suivent: premièrement, des mesures qui concernent les structures. Même si des dispositions particulières de la loi 120 assurent qu'il y aura continuité des activités des établissements et des conseils régionaux, donc par les régies régionales, sans autre formalité, le jour de l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi, encore faut-il que ces organismes assujettis à la nouvelle loi jouissent d'un délai raisonnable pour rendre leur structure conforme à cette nouvelle loi ou encore pour s'acquitter des obligations particulières qu'elle leur impose. C'est pourquoi, en octobre 1992, les nouveaux conseils d'administration des établissements et des régies régionales entreront en fonction en lieu et place des conseils d'administration actuels. Sauf pour les CPEJ et les régies régionales des nouvelles régions sociosani-taires, tous les nouveaux conseils exerceront alors un double rôle jusqu'au 1er avril 1993: premièrement, administrer les affaires de l'établissement ou de l'organisme, selon les fonctions et modalités prévues dans la loi actuelle; deuxièmement, se préparer à administrer les affaires de l'établissement ou de l'organisme selon les nouvelles fonctions et modalités prévues dans la loi 120. Quant aux nouveaux CPEJ et aux nouvelles régies régionales, les nouveaux conseils d'administration ne seront investis que du rôle qui consiste à préparer, à administrer leurs affaires, tel que prévu à la loi 120.

Tout en contribuant à la mobilisation de tous les acteurs dans l'actualisation de la réforme, cette approche permettra au nouveau conseil d'administration de se préparer à administrer les changements prévus dans la loi 120. Ainsi, des mesures transitoires sont proposées relativement à l'instauration d'une procédure d'examen des plaintes et à la nomination d'un cadre chargé de l'appliquer; à l'adoption d'un plan d'organisation, y compris des plans d'effectifs médicaux d'un établissement; à la transformation du comité de bénéficiaires en comité d'usagers pour la plupart des établissements et, pour certains, à la mise sur pied d'un tel comité; à la transformation du conseil consultatif du personnel clinique en conseil des infirmières et infirmiers et en conseil multidisciplinaire; à l'adoption d'un code d'éthique et d'un plan d'action pour le développement du personnel d'un établissement. (15 h 10)

Deuxième mesure, une mesure qui concerne le fonctionnement. Donc, quittant les structures, bien sûr, nous nous adressons maintenant au fonctionnement des établissements. Encore ici, un ensemble de mesures sont requises pour faire en sorte que les règles applicables au fonctionnement des activités des divers acteurs impliqués survivent temporairement et que le passage du mode de fonctionnement actuel à celui introduit par la nouvelle loi se réalise harmonieusement.

Ces mesures concernent, à titre d'exemple, les contrats de services pour professionnels et d'affiliation des établissements; les règles relatives au financement des activités et aux ressources financières des établissements publics et privés conventionnés, des régies régionales et des organismes communautaires; les dispositions relatives aux emprunts, aux permis d'exploitation et à l'administration provisoire des établissements et, généralement, les arrêtés, décrets et règlements qui demeurent applicables aux personnes et organismes visés par la loi 120.

Troisième des mesures spéciales. Ces mesures transitoires dites «spéciales» se distinguent davantage des autres dispositions transitoires en raison des aménagements particuliers qu'elles apportent. Une première mesure concerne notamment la procédure d'examen des plaintes des usagers. En attendant que la procédure nouvelle puisse être utilisée, il est nécessaire, entre autres choses, d'habiliter la régie régionale à entendre et recevoir les plaintes des usagers de la même manière qu'un conseil régional le fait actuellement et de maintenir la compétence de la Commission des affaires sociales à cet égard.

Il est également nécessaire, dans le cas d'une nouvelle régie régionale, de prévoir que les plaintes portant sur des établissements de sa région continuent d'être examinées par la régie régionale qui succède au CRSSS d'origine. Par exemple, une plainte concernant un établissement du territoire de la régie régionale de Chaudière-Appalaches sera examinée par la régie régionale de Québec, de la même façon que le CRSSS de Québec le fait actuellement, et ce, jusqu'à ce que la régie régionale de Chaudière-Appalaches soit en mesure de le faire elle-même en vertu de la nouvelle procédure, ce qui devrait arriver en avril 1993.

Une deuxième mesure prévoit le maintien

des départements de santé communautaire actuels en attendant que les régies régionales puissent pleinement assumer leurs responsabilités en matière de santé publique.

Comme autre mesure spéciale, il est nécessaire d'envisager des mesures particulières en raison de l'absence d'établissements qui exploitent un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse dans les nouvelles régions sociosani-taires de Chaudière-Appalaches, Laval et Lanau-dière. Le projet de loi prévoit donc que les centres de services sociaux, qui avaient auparavant compétence sur ces territoires, continueront d'y exercer leur activité une fois devenus centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. Cette situation prévaudra dans chacun de ces établissements jusqu'à ce qu'un nouvel établissement soit constitué pour prendre la relève et qu'il soit en mesure d'assumer sans rupture les services requis dans la nouvelle région.

À cette fin, le projet de loi introduit des dispositions qui viennent préciser les règles applicables aux éventuels transferts de responsabilités en faveur des nouveaux établissements créés pour ces régions et qui permettent que, dans les trois mois suivant le transfert, l'une des personnes qui travaillent pour le nouvel établissement puisse être élue au conseil d'administration.

Toujours en raison de l'absence d'établissements qui exploitent un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse dans ces régions, dans ces trois régions, le projet de loi 15 habilite le ministre à nommer deux personnes au conseil d'administration formé suivant la loi 120, afin de combler des postes qui ne peuvent autrement l'être en raison de cette absence. Ces personnes seront considérées être des personnes élues par la population.

En ce qui a trait, maintenant, à la situation des directeurs généraux des établissements et des régies régionales, voici ce qu'il en est. La loi 120 prévoit qu'une fois complétée la formation des premiers conseils d'administration des établissements publics et des régies régionales, ces conseils doivent procéder à la nomination de leur directeur général, sous réserve toutefois des normes réglementaires applicables et des dispositions relatives au centre de référence des directeurs généraux et des cadres. Telle que libellée, cette disposition ne pourra trouver application avant le 1er avril 1993, car le centre de référence ne sera pas lui-même opérationnel avant cette date. Or, il faut que la nomination des premiers directeurs généraux soit réalisée le plus tôt possible si l'on veut que les nouveaux conseils d'administration exercent leurs fonctions dès l'automne 1992.

Par ailleurs, la loi 120, dans sa facture actuelle, est de nature à soulever des appréhensions chez les directeurs généraux en place actuellement, de sorte que le ministre a dû prendre des engagements à l'égard du maintien de leur poste dans le réseau. Pour ces raisons, le projet de loi 15 vient prévoir, de façon explicite, les règles et les modalités qui doivent être suivies par les établissements et les régies régionales quant à la nomination de leur premier directeur général. Ainsi, les directeurs généraux des conseils régionaux et ceux des établissements publics qui ne tombent pas sous le coup d'un conseil d'administration unifié seront maintenus en poste jusqu'à l'expiration de leur contrat. Si le contrat d'un tel directeur général vient à échéance avant le 1er avril 1993, il ne peut être renouvelé que pour trois ans et, s'il expire après cette date, le directeur général doit obtenir une attestation du Centre de référence à l'effet qu'il remplit les exigences requises pour occuper son poste.

Par ailleurs, le nouveau poste de directeur général auprès d'un conseil d'administration unifié fera d'abord l'objet d'un concours réservé aux directeurs généraux visés par le regroupement d'établissements ainsi qu'aux personnes qui occupent temporairement l'un de ces postes, mais sans obligation pour le conseil d'administration de nommer l'un d'entre eux. Tout poste qui n'aura pas été comblé lors de cette première étape, de même que tout nouveau poste auprès d'une nouvelle régie régionale et tout autre poste vacant, fera l'objet d'un concours public. Ces nominations seront toutes limitées à une période maximale de trois ans et, pour obtenir un renouvellement d'engagement de son premier contrat, le directeur général devra se qualifier auprès du centre de référence.

Quant au transfert des droits et obligations des conseils régionaux vers les régies régionales, la loi 120 établit le principe que les droits et obligations d'un conseil régional seront transférés à toute régie régionale qui aura compétence sur le même territoire et ce, dans la mesure prévue à un plan de répartition des droits et obligations devant être déterminée conformément à la loi. C'est donc la loi d'application qui devrait venir préciser des règles et modalités applicables à la détermination de ce plan de répartition des droits et obligations.

Cependant, il s'avérait possible, à brève échéance, d'effectuer la division de droits et obligations d'un conseil régional entre deux régies régionales qui pourraient être immédiatement capables d'assurer, sans rupture, les services requis dans leur région respective. La seule solution raisonnable qui peut être retenue à cet égard est qu'il y ait un roulement complet des droits et obligations d'un conseil régional en faveur d'une seule régie régionale, soit celle dont le siège social est situé au même endroit que celui où se trouvait le siège social de ce conseil régional. Pour illustrer mon propos, M. le Président, je prendrais comme exemple la région de Québec. Ainsi, le CRSSS de Québec se départira de ses droits et obligations envers la régie régionale de Québec.

C'est pourquoi la loi 15 adopte aussi des modifications de façon à permettre que la régie régionale de Québec, qui succède ainsi aux droits et obligations du conseil régional de Québec, puisse avoir compétence à l'égard de tout le territoire sur lequel le CRSSS de Québec exerçait ses activités, et ce, jusqu'à ce que la régie régionale de Chaudière-Appalaches soit en mesure d'assurer totalement les services requis dans sa région.

En ce qui concerne l'organisation des nouvelles régies régionales, des dispositions de nature transitoire viennent préciser la manière dont s'effectueront la répartition des droits et obligations et le transfert du personnel de la régie régionale qui a succédé au conseil régional d'origine vers la nouvelle régie régionale qui doit exercer ses activités dans la région qui est la sienne.

Il va de soi que les plans de répartition des droits et obligations et de transfert de personnel ne pourront, à eux seuls, suffire à doter la nouvelle régie régionale des ressources humaines, matérielles et financières requises pour prendre la relève des opérations. Il faut, à cet égard, compter qu'une régie régionale puisse recourir aux services des employés du ministère de la Santé et des Services sociaux qui sont actuellement affectés à des fonctions qui seront dorénavant cédées aux régies régionales en vertu de la loi 120 et qui, de ce fait, seront mis en disponibilité dans la fonction publique.

Afin d'assurer un déploiement de ces ressources humaines provenant du ministère qui soit le plus efficace possible, des mesures supplémentaires sont introduites au projet de loi. Ces mesures visent essentiellement à ce que les régies régionales engagent obligatoirement les employés dont les fonctions sont cédées aux régies régionales et accordent priorité d'emploi à ceux affectés par la réorganisation du ministère afférente à la réforme. Ces mêmes fonctionnaires qui accepteront de devenir employés des régies régionales conservent cependant leur sécurité d'emploi dans la fonction publique. (15 h 20)

Je clos ici, M. le Président, le premier volet du projet de loi 15 et, avec votre permission, je m'attarderai maintenant au deuxième volet, soit les modifications apportées à certaines dispositions de la loi 120. Elles peuvent être regroupées sous trois ordres: nouvelles orientations, mesures complémentaires, corrections et précisions.

Tout d'abord, le projet de loi 15 propose des modifications à la loi 120 afin de solutionner différents problèmes liés à l'application de certains de ses articles et pour lesquels de nouvelles orientations doivent être retenues. Ces mesures visent particulièrement les situations suivantes. Premièrement, le chapitre 42, qui a pour ancêtre la loi 120, pose un problème d'interprétation et d'application dans la mesure où un centre qui pourrait être désigné «institut universitaire» ne devrait, selon le libellé de la loi 120, offrir des services médicaux ultraspécialisés ou spécialisés que «dans une seule discipline médicale». Ce n'est pas là l'objectif qui était recherché. Ce qui était véritablement recherché, c'était de désigner «pour une seule discipline médicale» un centre exploité par un établissement, lequel devrait participer à l'enseignement médical principalement dans cette discipline médicale.

Deuxièmement, la loi 120, à l'instar de la loi actuelle, reconnaît à un établissement constitué en corporation sans but lucratif un statut privé si les installations maintenues par cet établissement ne permettent pas d'héberger plus de 20 usagers.

Or, avec le phénomène de désinstitutionna-lisation des dernières années, certains établissements publics hébergent actuellement ou hébergeront éventuellement 20 usagers ou moins ce qui, juridiquement, les feraient passer d'un statut public à un statut privé. Ce n'est vraiment pas l'objectif recherché par la démarche de désinsti-tutionnalisation. Il y a donc lieu d'apporter des correctifs nécessaires en vue d'éviter de telles conséquences et ce, tant pour le passé que pour l'avenir.

Troisièmement, la loi 120 oblige un établissement à mettre sur pied un comité des usagers «dès qu'il exploite un centre d'hébergement et de soins de longue durée». Cela soulève un problème dans le cas d'un établissement qui exploite un tout petit centre car il doit, malgré tout, instituer un tel comité pour quelques personnes seulement. La difficulté apparaît également dans le cas d'un établissement qui exploite principalement un centre hospitalier de soins généraux et spécialisés et, pour environ 10 % du total de ses lits, un centre d'hébergement et de soins de longue durée. Il est donc suggéré d'introduire un seuil de 50 usagers comme norme à partir de laquelle l'institution d'un comité des usagers sera facultative ou obligatoire.

Quatrièmement, l'allocation des ressources aux régies régionales «sous forme d'enveloppes globales par programme» nécessite un certain nombre de travaux préalables, tels: la définition opérationnelle d'un programme et la configuration des programmes de santé et de bien-être; l'identification des conditions et mécanismes nécessaires pour la mise en oeuvre de la gestion par programme; et, finalement, la définition des paramètres et mécanismes favorisant une répartition équitable des ressources entre les 18 régions sociosanitaires du Québec.

Comme ces travaux ne pourront être prêts pour l'exercice financier 1993-1994 et qu'ils risquent même de s'échelonner sur quelques exercices financiers subséquents avant que l'allocation des ressources aux régies régionales puisse être faite totalement sous cette forme, il y a donc lieu de supprimer, dans la loi 120, toute référence à l'allocation sous forme d'enve-

loppe globale par programme. Il faut noter ici que la suppression de ces mots n'empêchera pas pour autant l'allocation d'enveloppes par programme au fur et à mesure qu'il sera possible de le faire, mais, en attendant, il sera loisible au ministre d'allouer des subventions aux régies régionales sous une forme autre que l'enveloppe globale par programme.

Par ailleurs, la loi 120 telle qu'adoptée aurait pour effet d'interdire des permutations budgétaires entre programmes à l'intérieur du budget d'un même établissement. Bien que l'allocation des ressources doive s'orienter vers une approche par programme plutôt que par dispensateur, il n'y a pas lieu d'introduire des contraintes qui enlèveraient aux gestionnaires locaux une souplesse indispensable à une saine administration. À l'inverse, l'interdiction de toute permutation signifierait la fin du budget global, instrument de contrôle des coûts largement reconnu. C'est pourquoi il nous apparaît souhaitable d'apporter une modification afin de permettre les permutations entre programmes. Ces permutations pourront cependant être balisées dans le cadre des règles budgétaires établies par le ministre.

Cinquièmement, les travaux associés à l'implantation de la nouvelle régie régionale instituée pour la région du nord du Québec ont fait ressortir la nécessité de prévoir des aménagements relativement à la dispensation de certains services sur ce territoire, de même que des modalités particulières d'organisation des structures régionales pour tenir compte de la réalité nordique.

C'est ainsi que les services associés à la protection de l'enfance et de la jeunesse de même que ceux de la direction de la santé publique seront obtenus par l'intermédiaire d'établissements ou de régies régionales des régions voisines. Des modifications sont donc proposées afin que cela soit possible. Par ailleurs, comme la région du nord du Québec ne compte ni communité urbaine ni municipalité régionale de comté, une modification s'impose afin que, pour la formation de l'assemblée régionale de cette région, les représentations des élus municipaux soient faites en fonction des seules municipalités qui composent cette région. De même, en raison du petit nombre d'établissements que l'on retrouve dans cette région et du nombre de membres de l'assemblée régionale, que j'ai fixé à 50, il s'avère nécessaire de réduire de 20 à 10 le nombre de membres du futur conseil d'administration de la régie régionale qui proviendront de l'assemblée régionale.

Sixièmement, aux fins de la formation de chacune des assemblées régionales, la loi 120 prévoit un collège électoral constitué à la fois d'établissements publics et d'établissements privés. La loi permet en outre au ministre de faire voter séparément les établissements selon leur mission respective. Elle ne lui permet toutefois pas de séparer les établissements publics et les établissements privés dans le processus d'élection de leurs représentants à l'assemblée régionale, même si le ministre peut, malgré tout, limiter le nombre de sièges réservés aux uns et aux autres.

Pour éviter que ce soient les établissements publics qui décident des représentants des établissements privés à l'assemblée régionale, et vice versa, il y a lieu de modifier la loi de manière à créer deux sous-groupes distincts pour fins d'élection de leurs représentants respectifs. Par ailleurs, puisqu'on traite de l'assemblée régionale, M. le Président, je souligne qu'une correction est apportée afin de permettre que les employés des organismes communautaires et qui sont membres du conseil d'administration de ces organismes puissent, au même titre que les personnes à l'emploi des établissements, accéder à l'assemblée régionale.

Enfin, septièmement, le projet de loi 15 propose l'introduction de modifications afin d'établir le cadre juridique devant supporter la rémunération des fonctions de gestion assumées par des médecins ou des dentistes en établissement. Ces dispositions ont fait l'objet de consultation auprès de la Régie de l'assurance-maladie du Québec et des fédérations médicales, dans le cadre d'un comité créé suite à la conclusion d'un protocole d'entente intervenu au cours de l'été 1991 entre le ministre et le regroupement des médecins du Québec.

Elles donnent au gouvernement le pouvoir de déterminer la couverture des fonctions de gestion qui seront visées et l'enveloppe budgétaire devant servir à défrayer la rémunération de ces fonctions.

Suite à l'adoption de ces mesures, le ministre conserve le pouvoir de négocier avec les organismes représentatifs des médecins et des dentistes les conditions d'exercice et de rémunération de ceux et celles qui assumeraient de telles fonctions visées au règlement du gouvernement.

En ce qui a trait à la rémunération des activités ou des tâches administratives effectuées par un professionnel de la santé en cabinet privé, des dispositions sont prévues dans le projet de loi 15 pour modifier la Loi sur l'assurance-maladie en conséquence. Des modifications sont également proposées dans le projet de loi afin que soient ajoutés à la substance de certains articles de la loi 120 des éléments nécessaires pour compléter le régime juridique applicable aux matières concernées.

Ces matières complémentaires visent, notamment, à permettre que trois personnes soient nommées par les membres de la corporation, lorsque l'établissement qui exploite un centre local de services communautaires ou qui est désigné centre de santé est une corporation désignée par le ministre; à empêcher qu'une personne mineure puisse voter lors de l'assemblée

publique à laquelle la population est invitée afin d'élire des représentants au conseil d'administration d'un établissement; à identifier des cas supplémentaires à l'égard desquels il est possible ou même requis de désigner, dans les lettres patentes d'un nouvel établissement, des membres provisoires du conseil d'administration; à confier à la régie régionale la responsabilité de l'administration et du financement de certaines dépenses d'immobilisation et d'équipement des établissements publics de sa région, et ce, au même titre que les conseils régionaux actuels sont investis de cette fonction; enfin, à introduire un recours afin qu'il soit possible de contester devant la Commission des affaires sociales une élection tenue aux fins de la formation des premiers conseils d'administration des établissements publics. (15 h 30)

Finalement, le troisième ordre de modifications apportées à la loi 120 vise à la fois à corriger le texte anglais de certaines de ses dispositions et à apporter des précisions ou des corrections utiles ou nécessaires à son application.

J'aborde maintenant le troisième volet du projet de loi, soit celui des concordances législatives. Cette partie du projet de loi touche 68 lois et comporte près de 300 articles.

La très grande majorité des lois modifiées par le projet contiennent actuellement des références à la Loi actuelle sur les services de santé et les services sociaux. Il s'agit donc généralement de modifier la terminologie utilisée et d'intégrer les nouveaux concepts ou d'harmoniser certains mécanismes de fonctionnement avec le régime prévu par la nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Parmi les changements d'ordre terminologique à effectuer, on peut noter le changement d'appellation de la loi. La loi actuelle ne sera pas abrogée. Seul son champ d'application sera considérablement rétréci, puisqu'elle ne s'appliquera plus généralement qu'aux autochtones cris et inuit qui résident dans le territoire du Conseil cri de la santé et des services sociaux de la Baie James et du Conseil Kativik de la santé et des services sociaux. Par conséquent, la loi 120 a prévu le changement d'appellation de la loi qui se titrera maintenant «Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et inuit». Il faut donc modifier un bon nombre de lois pour qu'elles se réfèrent, à l'avenir, à cette nouvelle appellation de même qu'à la loi 120.

De plus, la loi 120 change l'appellation de certains dispensateurs de services à la population. Par exemple, certains centres d'accueil dont traite la loi actuelle deviennent des centres de réadaptation sous la nouvelle loi et d'autres deviennent des centres d'hébergement et de soins de longue durée. Ces changements d'appellation entraînent plusieurs modifications législatives.

Par ailleurs, alors que la loi actuelle, lorsqu'elle définit des établissements, se réfère d'abord aux installations où sont dispensés des services, tels les centres hospitaliers ou les centres d'accueil, la loi 120 n'utilise le mot «établissement» que pour viser l'entité généralement constituée en corporation qui fournit des services à la population. Les notions de «centre hospitalier», de «centre de réadaptation» ou autres sont dorénavant définies en termes de mission de services et servent à identifier le champ d'activité d'un établissement, et ce, indépendamment des installations physiques maintenues par un établissement. Ces changements conceptuels doivent donc se refléter dans chaque loi qui comporte actuellement un renvoi à la notion d'établissement telle que définie par la Loi sur les services de santé et les services sociaux.

Enfin, partout où l'on retrouve dans les lois un renvoi aux conseils régionaux de la santé et des services sociaux, il faut généralement effectuer une modification législative pour que l'on renvoie dorénavant aux régies régionales, car c'est l'institution régionale prévue par la nouvelle loi pour assumer en partie les pouvoirs et les fonctions autrefois assumés par les conseils régionaux.

Par ailleurs, la mise en vigueur de la loi 120 exige des modifications plus substantielles à certaines lois afin d'harmoniser les mécanismes prévus par ces lois au nouveau mode d'organisation des soins de santé et de services sociaux du Québec. Deux lois sont particulièrement touchées, la Loi sur l'assurance-hospitalisation et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. La Loi sur l'assurance-hospitalisation prévoit actuellement que le ministre de la Santé et des Services sociaux conclue des contrats avec les centres hospitaliers pour que les services hospitaliers soient fournis gratuitement aux résidents du Québec et à toute autre personne assurée. Ces contrats contiennent des modes de paiement de ces services par le ministre. La loi 120 adopte une tout autre approche et confie plutôt aux régies régionales le mandat d'organiser les services dispensés à la population. À cette fin, elle prévoit l'allocation des ressources financières nécessaires au financement de ces services. Par conséquent, la Loi sur l'assurance-hospitalisation doit être modifiée pour tenir compte de cette nouvelle orientation. Ainsi, le ministre devra plutôt s'assurer que les régies régionales assument bien leur rôle à cet égard.

Outre des modifications de pure concordance terminologique, la Loi sur la santé et la sécurité du travail doit être modifiée pour s'harmoniser avec le nouveau mode d'organisation de la santé et des services sociaux. Ainsi, plusieurs modifications à cette loi ont trait au remplacement du «chef de département de santé communautaire» par le «directeur de la santé publique d'une régie régionale», lequel se verra

confier la responsabilité aujourd'hui assumée par le chef du département de santé communautaire.

De plus, alors qu'actuellement la Commission de la santé et de la sécurité du travail conclut un contrat de services avec chaque centre hospitalier où existe un département de santé communautaire, dorénavant, pour tenir compte de la nouvelle organisation des soins de santé, la Commission devra conclure un contrat de services avec chaque régie régionale concernée. La régie régionale désignera les établissements de sa région qui dispenseront les services et devra s'assurer que le budget qui lui sera versé par la Commission pour ces services et qu'elle redistribuera elle-même aux établissements sera utilisé effectivement à cette fin.

M. le Président, j'aborde enfin le dernier volet du projet de loi 15 en ce qui concerne différentes mesures reliées au contenu de la carte d'assurance-maladie ainsi qu'à l'obtention et à l'utilisation de cette carte. Comme le stipule sa loi constitutive, la Régie de l'assurance-maladie du Québec a notamment pour fonction de contrôler l'admissibilité des personnes aux programmes du régime d'assurance-maladie ainsi qu'à tout autre programme que la loi ou le gouvernement lui confie.

Dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales sur le financement des services sociaux et de santé, des partenaires des différents groupes de la société ont alors exprimé la nécessité d'améliorer les mesures de contrôle quant à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie et ont proposé l'émission par la Régie d'une carte avec la photographie du bénéficiaire, afin d'éviter que des personnes non admissibles profitent des avantages du régime québécois d'assurance-maladie.

À cet effet, le projet de loi propose d'introduire une nouvelle carte d'assurance-maladie avec la photographie et la signature du bénéficiaire. Cette mesure permettra de raffermir les contrôles reliés à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie en s'assurant que la personne qui présente une carte d'assurance-maladie pour obtenir des services de santé soit véritablement le titulaire de la carte.

Je dis tout de suite à ceux que cette disposition inquiète, à savoir que l'usage de la carte avec photo et l'utilisation du numéro d'assurance-maladie deviennent une clé d'entrée à de multiples banques de renseignements personnels, que le projet de loi prévoit que la production de la carte d'assurance-maladie ne peut être exigée pour des fins autres que celles reliées au domaine de la santé et des services sociaux, de manière à assurer le respect de la vie privée des personnes.

Afin de s'assurer de l'identité de la personne au moment de l'obtention de la carte d'assurance-maladie, le projet de loi propose de soumettre à un mécanisme d'authentification la demande d'inscription ou de renouvellement d'inscription auprès de la Régie ainsi que la demande de remplacement de la carte. À titre d'information, M. le Président, j'aimerais rappeler que la carte-photo proposée par le projet de loi 15 s'ajoute à des mesures déjà prises quant aux contrôles reliés à l'utilisation et à l'obtention de la carte.

Une de ces mesures, en vigueur depuis septembre 1991, consiste à obliger un bénéficiaire à présenter une carte d'assurance-maladie non périmée à la date d'obtention des services; une autre, qui elle donne suite aux dispositions du projet de loi 120, concerne le renouvellement de l'inscription des personnes à la Régie de l'assu-rance-maladie du Québec. Elle se traduira à compter de l'automne prochain par l'envoi, à tous les quatre ans, d'un avis de renouvellement aux personnes inscrites à la Régie, afin qu'elles déclarent leurs séjours à l'extérieur du Québec et leur lieu de résidence principale. Cette mesure vise essentiellement à s'assurer du respect des exigences reliées à l'admissibilité de ces personnes.

Le projet de loi prévoit aussi d'accorder à la Régie le pouvoir de refuser de délivrer une carte d'assurance-maladie lorsque la personne est, au moment de sa demande, déjà débitrice de la Régie à l'égard du coût d'un service assuré payé pour elle par la Régie, ou à l'égard des frais exigibles pour le remplacement de la carte d'assurance-maladie. Cette disposition apporte une solution acceptable pour contrôler un certain nombre de situations dont, notamment, celle des personnes qui s'établissent temporairement au Québec dans l'unique but de recevoir des services de santé et qui repartent, par la suite, sans avoir respecté les règles relatives au maintien du statut de résidence au Québec. (15 h 40)

II convient donc d'accorder à la Régie les pouvoirs nécessaires à l'exercice de sa fonction de contrôle de l'admissibilité des personnes au régime d'assurance-maladie, en lui permettant de refuser de délivrer une carte d'assurance-maladie à une personne qui n'aurait pas remboursé les sommes dues à la Régie.

M. le Président, toutes ces mesures, évidemment, plus indigestes les unes que les autres, à l'intérieur de cette loi d'application, visent à faire en sorte que nous puissions effectivement passer, encore de manière plus concrète, à l'application de la réforme qui a été adoptée par cette Assemblée, qui a été largement discutée partout à travers le Québec et qui a été adoptée en 1991.

Nous aurons donc l'occasion d'échanger avec les parlementaires, tant du groupe ministériel que de l'Opposition, pour tenter de bonifier ce projet de loi 15 et faire en sorte que nous puissions, à la fin de cette session, avoir entre les mains tous les instruments qu'il nous faut pour passer à cette réalisation; faire en sorte que le début d'octobre 1992 soit le premier

moment de transfert des responsabilités, et que le 1er avril 1993, nous soyons véritablement dans l'opérationalisation quotidienne de cette réforme.

J'ose pouvoir compter sur la collaboration des parlementaires de la même manière que j'ai pu l'utiliser et avoir la complicité de ces parlementaires pendant ces nombreuses semaines et nombreux mois que nous avons passés en commission parlementaire. M. le Président, je veux donc, à ce moment-ci, vous remercier de votre attention et vous dire que c'est la dernière pièce législative majeure menant à l'implantation et à la réalisation de la réforme. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Je cède maintenant la parole à M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, critique de l'Opposition officielle en matière de santé et de services sociaux. Je vous rappelle qu'en vertu de l'article 209, vous disposez d'une période maximale de 30 minutes. M. le député.

M. Rémy Trudel

M. Trudel: M. le Président, en vertu de l'article que vous venez de citer, est-ce que ce n'est pas une heure?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): 60 minutes, je m'excuse.

M. Trudel: Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): 60 minutes, tout comme le ministre.

M. Trudel: Je m'apprêtais à compresser sérieusement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Tout comme le ministre. Allez-y.

M. Trudel: Merci, M. le Président. On reconnaît votre équité habituelle dans cette Chambre, en conformité avec le règlement et ce que le ministre vient d'utiliser comme temps par rapport à ce projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui.

M. le Président, effectivement, donc, comme le ministre vient de le mentionner, nous avons l'impression, aujourd'hui, de reprendre un peu, en quelque sorte, là où nous en étions, le 28 août dernier, lorsque, après un très long marathon, nous avions adopté - sur division, je vous le rappelle - en cette Assemblée nationale, le projet de loi 120, je pense qu'on pourrait dire, jusqu'à un certain point, le controversé projet de loi 120 sur la réorganisation des services de santé et des services sociaux au Québec.

À l'occasion de la présentation de ce projet de loi, il faut prendre quelques instants pour resituer les choses dans leur perspective historique, dans la continuité qui s'installe avec cette pièce législative qui nous est présentée aujourd'hui. Je peux signaler tout de suite au ministre, cependant, que, fidèles à l'esprit qui nous a animés pendant l'ensemble des débats, au cours des différentes étapes qui ont présidé à l'adoption du projet de loi 120, et dans l'ensemble des consultations qui ont été tenues, soit à la demande de l'Opposition, soit par décision gouvernementale autour du projet de loi 120 et aussi, faut-il le mentionner, du financement des services de santé et des services sociaux au Québec, nous entendons continuer à agir dans ce que nous pourrions appeler un esprit positif de travail en vue de bonifier ce projet de loi. Ce projet de loi, qui a l'apparence, ici, de nombreuses modifications techniques à de très nombreuses lois du Québec affectées par l'adoption de la loi 120, mais qui, j'ai envie d'employer la comparaison, sont souvent comme les petites écritures dans les contrats d'assurance. Tout en abordant le projet de loi 15 avec un esprit ouvert, avec un esprit positif d'amélioration d'un bon nombre d'articles qui nous apparaissent, à prime abord... Nous verrons dans les discussions en commission parlementaire, suite aux explications qui nous seront données par le ministre. Nous entendons agir avec minutie, nous entendons réagir avec une extrême prudence parce que, souvent, l'article qui est modifié, l'article qui est ajusté, l'artifice technique qui peut apparaître nécessaire dans certains cas peut aussi révéler des intentions de nature, disons-le, plus politique, d'orientation de certains secteurs d'activité de la santé et des services sociaux.

Esprit positif, mais minutie et prudence également dans l'étude de ce projet de loi. À l'occasion de l'étude du projet de loi 120, le printemps dernier, nous avions agi dans cet esprit et on se souviendra qu'au-delà de tout près de 500 amendements avaient été amenés, tant du côté de l'Opposition que de la partie ministérielle, je dois en convenir, sur un projet de loi qui en contenait 490 au départ. Il est bien évident que le projet de loi qui est devant nous aujourd'hui, qui, j'en conviens, est de nature plus technique et comporte quand même 377 articles, risque d'infléchir un bon nombre de secteurs d'activité dans le domaine de la santé et des services sociaux. C'est pourquoi, au niveau de l'Opposition, nous entendons être minutieux.

Minutieux, M. le Président, prudents, positifs, parce que nous avons gardé quand même, de ce côté-ci de la Chambre, un certain arrière-goût de certaines dispositions qui avaient été adoptées dans la loi 120. Dans les événements du printemps dernier, dans la chaleur de la discussion, peut-être plusieurs, M. le Président, n'ont pas remarqué qu'à la toute dernière minute, en termes de prévisions d'implantation de ce que le gouvernement, légitimement, légalement, faisait adopter par l'Assemblée nationale, on nous est arrivé, si ma mémoire est fidèle, le 27 août, une journée avant la fin de la commission parle-

mentaire chargée d'étudier le projet de loi 120, à l'époque, article par article, avec une soixantaine d'amendements ou d'articles qui s'appelaient des dispositions transitoires, visant à faire en sorte que le nouveau régime qui était défini puisse s'installer. Il est évident que n'importe quel parlementaire, si soigneux soit-il, M. le Président, ne peut pas affirmer que l'on puisse étudier en détail et de façon extrêmement minutieuse, de façon à ne pas renier les droits des uns et faire en sorte que le juste droit puisse s'exercer, on ne peut pas, dis-je, au niveau parlementaire, prétendre que toutes les dimensions du projet de loi en termes transitoires ont pu être examinées à leur face même et de façon extrêmement précise.

Nous avons, à cet égard, M. le Président, gardé un certain arrière-goût de ces mesures transitoires qui étaient présentes déjà dans la loi 120 et qui ont permis à un certain nombre d'événements de se dérouler pendant l'automne et surtout pendant l'hiver, et ce printemps même, au niveau, par exemple, de la constitution des conseils d'administration des établissements publics dans le réseau de la santé et des services sociaux. Et également la constitution, jusqu'à ce jour, des membres des assemblées publiques régionales qui seront chargés d'élire, de désigner les membres des conseils d'administration des régies régionales de la santé et des services sociaux.

Alors, au moment où on nous présente, ici, à l'intérieur de la loi 15, une autre série d'amendements visant à placer dans la loi, en quelque sorte, de nouvelles dispositions transitoires pour en arriver à atteindre ce que le ministre a appelé une première ligne de rupture ou de passage, au mois d'octobre 1992, en vue d'en arriver à un changement de régime, en quelque sorte en santé et services sociaux au Québec, le 1er avril 1993, cet arrière-goût, cette vitesse, cette accélération au niveau de la présentation de certains articles de la loi 120 nous invitent aujourd'hui à une plus grande prudence. On a vu d'ailleurs, pendant les événements de l'automne, de l'hiver et du printemps, que cette précipitation, en quelque sorte, dans l'adoption des dispositions transitoires visant à appliquer un bon nombre d'articles de la loi 120 a conduit à certaines situations un peu farfelues, je dirais, dans le réseau de la santé et des services sociaux.

C'est ainsi que le Conseil des ministres a été invité... Au cours de l'hiver, au moment où l'on procédait à l'élection des premiers membres des conseils d'administration représentant le public sur ces conseils d'administration, soit les hôpitaux, les CLSC, les centres d'accueil, les conseils d'administration unifiés, eh bien, M. le Président, on avait été obligé d'adopter, de réviser à la vapeur un règlement adopté par le Conseil des ministres pour tout simplement interdire aux personnes mineures d'avoir accès aux boites de scrutin dans les différents établissements à travers le Québec, de façon à ce que l'espèce de mouvement qui se dessinait... Puisqu'il n'y avait pas de listes électorales et qu'il n'y avait pas de contrôle des électeurs dans chacun des centres, dans une municipalité, dans une région donnée, eh bien, on a été obligé, en catastrophe, non seulement d'adopter un amendement visant à ce que les personnes mineures... Ça allait de... C'était élémentaire, M. le Président... (15 h 50)

Adopter, donc, un arrêt, un décret visant à interdire aux personnes mineures de voter à l'occasion de ces élections des premiers représentants du public sur les conseils d'administration. Tout ça, M. le Président, parce que, dans les dispositions transitoires du projet de loi 120 - et nous allons en retrouver un certain nombre de ces articles similaires, en termes de dispositions transitoires dans le projet de loi 15 qui est devant nous aujourd'hui - des articles prévoyaient que le gouvernement pouvait «prendre des règlements», suivant l'expression consacrée par le Conseil des ministres, en se soustrayant à la nécessité de la prépublication de ces règlements.

On sait, M. le Président, que, en vertu d'une loi générale de l'administration gouvernementale, les décrets, les décisions prises par le Conseil des ministres, en termes de règlements qui s'appliquent à un certain nombre d'établissements, à un certain nombre de groupes dans notre société, doivent faire l'objet d'une prépublication de 45 jours. Pourquoi? Parce que, évidemment, la sagesse du législateur, au cours des années, l'a amené à dire qu'il était souhaitable que, dans le jargon adopté habituellement par le gouvernement ou l'administration gouvernementale, à travers la prise d'un décret, la proposition d'un règlement, il fallait, à moult occasions, prévenir le public en quelque sorte de ces modifications qui risquent de le toucher et permettre au public, aux représentants de différents groupes, à la population en général, de manifester leur désapprobation, leur intention de voir des modifications introduites, de donner leur opinion quant au règlement qui est publié. Or, une des dispositions transitoires déjà inscrites dans la loi 120 donnait le pouvoir au Conseil des ministres de procéder sans prépublication des règlements. Encore une fois, nous entendons, M. le Président, à la prochaine étape de l'adoption de ce projet de loi, être extrêmement minutieux. Il n'est pas de l'intention de l'Opposition de donner des chèques en blanc au gouvernement, au Conseil des ministres, pour l'adoption de tout règlement qui ferait, en quelque sorte, son affaire, pour passer à certaines actions que, lui, peut juger utiles ou nécessaires, mais qui pourrait se faire, donc, sans prépublication, sans la publication dans la Gazette officielle, 45 jours à l'avance, des intentions du gouvernement. Nous

allons être extrêmement minutieux et parcimonieux à cet égard, M. le Président.

Un exemple également, M. le Président, d'une certaine confusion qui s'était glissée, à l'occasion de l'adoption de ces dispositions transitoires dans le projet de loi 120, c'est toute la question de la formation des collèges électoraux: les gens, les regroupements, les catégories de personnes ou de représentants chargés d'abord d'élire les personnes à l'assemblée publique régionale. Il s'agit d'un vocabulaire nouveau, d'une mécanique nouvelle puisque le gouvernement n'a pas voulu se rendre aux argumentations de l'Opposition de procéder à l'élection au suffrage universel, pour ceux et celles qui sont chargés d'administrer les quelque 12 000 000 000 $ des services de santé et services sociaux au Québec. Donc, à l'occasion de la formation de ce qu'on appelle les collèges électoraux, dans les différentes catégories de personnels ou de représentants de la population, on a, là aussi, procédé, le 17 mars dernier, sans prépublication du règlement qui autorisait un certain nombre de règles pour présider à l'élection de ces représentants, d'un maximum de 150 personnes, formant les assemblées publiques régionales dans les 18 régions sociosanitaires au Québec.

M. le Président, donc, il faut, même sous l'apparence d'un projet de loi technique, être extrêmement minutieux. Il faut avoir une très grande prudence au niveau de ces articles qui risquent de modifier le contenu d'autres articles, de faire en sorte que ces petites écritures, comme on dit souvent, ne nous amènent pas dans des directions qui ne sont pas souhaitées par le public et par les intervenants dans les systèmes de la santé et des services sociaux. nous allons aussi, m. le président, à cette étape-ci, regretter profondément, encore une fois, que le ministre qui parraine le projet de loi 15, le ministre de la santé et des services sociaux, n'ait pas profité de l'occasion, d'abord, de publier sa politique de santé et de bien-être de façon à ce que, pour la dernière pièce législative, suite à l'annonce du 7 décembre 1990, il puisse, aujourd'hui, dire: quant aux reproches de l'opposition de procéder à l'envers, de faire en sorte qu'on dessine les instruments avant de savoir les objectifs que cela va servir, bien, je me reprends aujourd'hui et, à l'occasion de la dernière pièce législative, j'ai déposé publiquement les objectifs de la politique de santé et de bien-être que nous entendons poursuivre, au québec.

Cela eut permis, M. le Président, à tout le moins, d'ajuster les instruments ou les outils que nous avons dessinés à l'Assemblée nationale, au cours du printemps dernier et, plus spécifiquement, à la session spéciale de l'été 1991, de faire en sorte qu'on ajuste les instruments aux objectifs que l'on veut poursuivre en matière de santé et de services sociaux, en matière de santé et de bien-être de la population québécoise. On va continuer, donc, de déplorer qu'à l'occasion de la présentation d'un projet de loi qui veut, en quelque sorte, coiffer le projet de loi 120 qui a été adopté l'an dernier, de faire en sorte que les dispositions puissent s'appliquer et que les régimes juridiques puissent avoir une continuité, bien qu'on n'ait pas profité de l'occasion, surtout suite au débat que nous avons eu, cet hiver, sur le financement des services de santé et des services sociaux. Donc, déplorer que nous n'ayons pas encore ces objectifs de santé et de bien-être et que l'on ne puisse traduire cela, à tout le moins, en des ajustements dans notre système de santé et de services sociaux et dans notre système de direction, en quelque sorte, du gouvernement, pour en arriver à ce que non seulement on se donne, en apparence, des instruments plus ajustés pour agir sur la réalité avec le projet de loi 120, mais qu'on puisse avoir des instruments qui soient adéquats, qui soient pertinents pour en arriver à atteindre ces objectifs de santé et de bien-être dans la population du Québec.

J'ai souvent employé l'expression, ou la comparaison, ou l'illustration au niveau de la commission parlementaire pour dire au ministre que, si cet article 1 de la politique de santé et de bien-être allait viser la lutte à la pauvreté, ou encore ce que j'appellerais la version positive de la lutte à la pauvreté, une véritable politique de plein emploi, au Québec, bien, il est évident qu'il y a certains articles de la loi 120 qui se verraient modifiés, par exemple, en appelant nécessairement au concours de l'ensemble des autres ministères de l'État chargés, ou qui ont la responsabilité de l'incitation au développement de l'emploi pour les Québécois et les Québécoises. Alors, dans ce contexte-là, l'article 1 d'une politique de santé et de bien-être qui ferait de la lutte à la pauvreté une priorité nationale et une politique de plein emploi qui ferait en sorte que nous pourrions nous donner des instruments ajustés. Nous pourrions placer un certain nombre de commandes, en quelque sorte, d'obligations à l'État comme responsable de l'amélioration des conditions de santé des individus, mais également de ces individus dans leur collectivité, et de bien-être de ces individus.

Alors, dans ce contexte-là, on ne dispose pas encore, malheureusement... Il semble bien que le ministre de la Santé et des Services sociaux ait choisi comme voie plutôt de dessiner complètement l'ensemble des instruments. Le dernier texte qu'il déposera à l'Assemblée nationale, dans la foulée du programme qu'il s'était fixé, c'est cette politique de santé et de bien-être, ce qui nous demandera certainement, par ailleurs, de refaire, d'une certaine façon, le chemin à l'envers dès le moment où cette politique de santé et de bien-être sera soumise à la consultation publique et qu'elle sera adoptée par le ministère et par l'État, par le gouvernement. Au

niveau des objectifs globaux de société que l'on veut poursuivre en matière de santé et de bien-être, eh bien, probablement qu'encore une fois on devra apporter ici devant l'Assemblée nationale un projet de loi qui visera à corriger un certain nombre des instruments qui ont été prévus à la loi 120 et qui déjà font l'objet de corrections par le projet de loi 15 ici. (16 heures)

M. le Président, voilà encore une fois un autre exemple qui nous fait dire qu'il nous faudra être minutieux et que nous allons être aux aguets lorsque nous allons étudier ligne par ligne, article par article, le projet de loi 15 qui nous est soumis aujourd'hui, mais dans un esprit positif, je le répète, bien sûr, M. le Président. Mais un esprit positif ne veut pas dire l'absence d'esprit critique, ne veut pas dire l'absence de refus d'un certain nombre de dimensions qui sont dans ce projet de loi ou encore d'une invitation, M. le Président, à ce que la partie ministérielle manifeste également la même souplesse, compte tenu du passage à la réalité d'un certain nombre des articles de la loi 120 - j'allais dire du projet de loi 120, mais, effectivement, de la loi 120 - qui est maintenant en vigueur et qui s'applique.

M. le Président, si nous agissons de cette façon de notre côté, on peut le réclamer du côté du gouvernement. Nous allons souhaiter que le ministre de la Santé et des Services sociaux... Je dirais que, par rapport à certaines dimensions, il a déjà manifesté cet état d'esprit et nous allons très certainement faire appel à son concours pour profiter de l'occasion pour modifier les lois, par exemple, en ce qui concerne les conseils d'administration chargés d'administrer les divers établissements du système de santé et des services sociaux. On en a fait état, M. le Président, devant cette Assemblée à quelques occasions. Il y a, par exemple, un groupe de citoyens dans la région de l'est de Montréal, plus particulièrement à Pointe-Saint-Charles, qui se sont organisés au cours des 25 dernières années dans un regroupement communautaire et qui administrent des services de santé et qui se sont vu au cours des années confier le mandat d'administrer pour la population de Pointe-Saint-Charles un centre local de services communautaires, un CLSC.

Or, avec les dispositions de la loi 120, qui ont été adoptées le 28 août dernier, M. le Président, il y a à travers le Québec 158 CLSC qui sont soumis au fait de se désigner un conseil d'administration comportant quelque 14 membres. Lorsque nous arrivons sur le terrain de la pratique dans le quartier de Pointe-Saint-Charles à Montréal, on s'aperçoit que c'est un organisme communautaire. La Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, qui, depuis 25 ans, administre suivant les règles qui lui sont imposées par l'État de rendre des comptes quant aux quelque 3 000 000 $ qui lui sont confiés pour administrer ses services, on lui dit: Eh bien, vous autres, qui êtes en quelque sorte les précurseurs du fait qu'au Québec nous ayons ce réseau d'établissements particuliers quasi uniques au monde dans leur forme qui s'appellent les CLSC et à qui on a demandé depuis une quinzaine d'années d'en administrer un CLSC, eh bien, aujourd'hui on vous dit qu'on a fait des pantalons de grandeur 36 pour les 158 CLSC au Québec et si, au cours des dernières années, vous avez administré avec des pantalons qui étaient de grandeur 34, nous, on refuse d'apporter les modifications, à travers le projet de loi 15 ici, à la loi 120 de façon à ce qu'on ajuste la réalité à la forme souhaitée par les citoyens en termes de conseil d'administration de leur établissement communautaire qui s'appelle le CLSC.

C'est avec regret que nous n'avons pas encore vu, M. le Président, à moins que l'étude plus particulière en commission parlementaire ne nous amène, comme on dit dans le jargon, un certain nombre de papillons ou d'explications qui nous feraient dire, à travers le ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'une toute fine disposition des amendements techniques présentés en termes d'ajustement à la loi 120 permettrait au ministre de reconnaître le travail qui s'est fait à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles depuis 25 ans... À cet égard, donc, suivant la volonté ministérielle de confier à un groupe responsable des fonds qui lui sont confiés, responsable aux mêmes instances que les autres CLSC au Québec, qu'on puisse donc ajuster le costume, ajuster le chapeau, ajuster le pantalon à la réalité historique des citoyens de la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, dans le comté du député de Sainte-Anne, qui ont signé pour près de 8000 une pétition et qui disent au gouvernement du Québec, qui disent au ministre de la Santé et des Services sociaux: Voulez-vous sauter sur l'occasion, s'il vous plaît, peut-être que cela vous a échappé dans la rédaction de votre loi, dans votre loi 120, en général, que vous pourriez confier à un organisme communautaire l'administration d'un CLSC, en respectant les règles, en respectant les règles budgétaires, les règles financières, les règles de l'administration publique auxquelles est obligé tout organisme qui dépense des fonds dont le ministre de la Santé et des Services sociaux est redevable, ici, devant l'Assemblée nationale?

Nous n'avons pas retrouvé cette disposition. Nous allons demander au gouvernement, nous allons demander au ministre de faire en sorte que nous puissions introduire dans la loi 15, pour modifier la loi 120, des dispositions qui vont permettre au ministre de la Santé et des Services sociaux d'agir avec souplesse, d'agir avec toute connaissance des réalités historiques de l'organisation et de la dispensation des soins de santé et des services sociaux, dans certains quartiers

ou certaines régions, certains quartiers de la région de Montréal, et pour faire en sorte qu'à travers cela on puisse commettre très clairement qu'à l'Assemblée nationale nous reconnaissons ces réalités particulières, nous reconnaissons les contributions des citoyens qui se sont organisés depuis 25 ans, à Pointe-Saint-Charles, à travers leur clinique communautaire, et que nous allons continuer à leur faire confiance, en leur confiant l'administration de leur CLSC sur ce territoire. Même s'il y a donc 157 porteurs de culottes qui auront la même grandeur, le même format au Québec, en toute reconnaissance, en toute justice et en toute justesse devant la situation, nous allons reconnaître aux citoyens de Pointe-Saint-Charles la possibilité, à travers leur clinique, d'administrer leur CLSC.

Nous allons donc demander à cet égard la même souplesse au ministre de la Santé et des Services sociaux et nous lui garantissons que nous allons évidemment apporter notre concours si, d'aventure, il décidait de présenter un papillon, un amendement, en commission parlementaire, lorsque nous allons étudier article par article ce projet de loi qui en contient 377, M. le Président. Évidemment si le ministre, d'aventure, n'allait pas se rendre jusqu'à ce point de nos désirs, nous allons nous-mêmes - j'en préviens tout de suite le ministre de la Santé et des Services sociaux - au nom des citoyens de Pointe-Saint-Charles, au nom des bénévoles qui agissent depuis 25 ans à la Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, nous allons présenter formellement une proposition qui viserait à ce que le ministre ait la capacité de reconnaître à un organisme communautaire la possibilité d'administrer un CLSC à Pointe-Saint-Charles.

M. le Président, l'étude du projet de loi 15, ce sera également une occasion, un moment privilégié pour revenir, en termes d'analyse, sur les implications de ce que nous avons en quelque sorte déjà mentionné au gouvernement, à l'occasion de l'adoption du projet de loi 120. D'autres l'ont fait au cours des derniers mois. D'autres l'ont fait au cours des dernières sessions et nous n'allons certainement pas rater l'occasion, toujours dans l'esprit de susciter chez le ministre un certain nombre de corrections, un certain nombre de correctifs à la loi 120, à travers le projet de loi 15. Ça sera une occasion privilégiée d'en tirer en quelque sorte le bilan. Bilan très court, puisque ça ne fait pas une année encore, l'adoption, quant à ce projet de loi là, des arguments, effectivement, et des éléments de bilan construct, comme le faisaient, par exemple, deux prédécesseurs de l'actuel ministre de la Santé et des Services sociaux. (16 h 10)

Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui a été, pendant le premier mandat du Parti libéral dans l'actuel gouvernement, qui a été au gouvernement, qui a été, pendant toute cette période-là, ministre de la Santé et des Services sociaux, déclarait à L'actualité médicale du mois de décembre 1991, quant à la loi 120, elle qui avait présenté en juin 1989 le premier avant-projet de loi sur la réforme de la santé et des services sociaux suite à la commission Rochon qui a été instituée en 1984, Mme Lavoie-Roux tirait le bilan fort peu reluisant à la lecture - probablement à sa relecture - de la loi 120, disant que la loi 120 n'était pas une réforme de la santé mais tout au plus une mise à jour. C'est un jugement qui est quand même assez lourd. Quand on sait l'expérience, quand on sait la connaissance du système qu'avait Mme Lavoie-Roux, on peut quand même reconnaître que c'est un élément de jugement qui nous inquiète un peu aujourd'hui, qui nous inquiète beaucoup et qui nous amène, encore une fois, à l'intérieur du projet de loi 15, à dire que nous devons être extrêmement minutieux sur les correctifs à apporter.

C'est la même chose, M. le Président, au niveau d'un autre ex-ministre de la Santé et des Services sociaux de la même formation politique que l'actuel gouvernement du Québec, M. Claude Forget, qui déclarait, pas plus tard qu'il y a un mois, à Val-d'Or, que la réforme de la santé et des services sociaux présentée par l'actuel gouvernement allait à contresens des grands développements dans les systèmes de santé et de services sociaux à travers le monde. Il allait même jusqu'à dire, à accompagner, je dirais, à confirmer, en quelque sorte, une vision que nous avions nous-mêmes énoncée au printemps 1991: Que, sous l'apparence d'une décentralisation, le projet de loi 120 à l'époque, la loi 120 maintenant, est en réalité une entreprise de centralisation et que ce n'est certainement pas l'instrument idéal, selon l'ex-ministre Claude Forget, pour en arriver à relever les défis du viellisse-ment de la population et de l'organisation des soins de santé et de services sociaux au Québec dans le contexte, oui, d'un certain nombre de restrictions sur le plan économique, sur le plan budgétaire. Et ce n'est certainement pas à l'aide de cette loi que nous allons faire en sorte d'atteindre des performances qui soient acceptables quant aux besoins auxquels il faut répondre, aux besoins manifestés par la population. Je le répète encore une fois, M. le Président, cette critique vient de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Forget.

Quand nous allons étudier en détail, dans quelques heures, article par article le projet de loi 15, eh bien! nous allons nous référer à ces propos parce que, suivant ce que le ministre a mentionné il y a quelques instants quant à la pièce législative qu'il avait présentée au printemps 1991 sous l'angle de la réforme de la santé et des services sociaux suite au rapport Rochon, ce serait la dernière occasion que nous aurions ici d'apporter un certain nombre de correctifs ou de réaligner des tirs à l'intérieur de l'organisa-

tion de nos services de santé et de services sociaux au Québec.

Le ministre a mentionné les différentes lois qui seront modifiées ou ajustées suite à l'adoption de la loi 120. Et s'il y en a un bon nombre qui sont effectivement carrément techniques, il y a aussi un certain nombre de dimensions nouvelles dans ce projet de loi, et aussi un certain nombre de reculs. Le ministre nous avait présenté un certain nombre d'articles en ce qui concerne la Direction générale des établissements de santé et de services sociaux au Québec. On s'aperçoit, ici, qu'un bon nombre d'articles, et le ministre l'a mentionné lui-même il y a quelques instants... C'est comme d'autres parties, d'ailleurs, de la loi 120. On a l'impression de retrouver dans le projet de loi 15 le résultat de la négociation avec les actuels directeurs généraux des établissements de santé et de services sociaux au Québec. En quelque sorte, suite à l'adoption de la loi 120, il y a comme une espèce d'opération de négociation intensive qui a été entreprise et qui s'est déroulée, semble-t-il, et dont le résultat est à peu près comme le processus de négociation intensive qui s'est déroulé l'été passé avec les médecins, suite aux dispositions premières qu'avait présentées le ministre de la Santé et des Services sociaux. Et nous avons l'impression ici que le projet de loi 15 va comme consacrer une super-clause grand-père, c'est-à-dire que tous ceux et celles qui sont en place actuellement se sont assurés de garder un certain nombre de prérogatives, un certain nombre d'avantages, un certain nombre d'éléments dans les conditions de travail qui étaient les leurs jusqu'à aujourd'hui, et c'est pour les autres que vont s'appliquer les différentes dispositions en ce qui regarde, par exemple, la reconnaissance par le centre de référence des directeurs généraux et des cadres dans le réseau de la santé et des services sociaux.

M. le Président, on a entendu moult fois sur la place publique des membres de la majorité gouvernementale dénoncer le fait que nous ne laissions plus assez de place pour les jeunes dans notre société, à de l'énergie nouvelle dans nos établissements, à des apports de nouvelles personnes dans notre système de santé et de services sociaux, qu'on demeurait l'otage. C'était l'une des principales conclusions de la commission Rochon, que nous étions en otage d'un certain nombre de groupes d'intérêts.

Eh bien, nous avons bien l'impression que la résultante, en ce qui concerne le recul que nous pouvons constater dans le projet de loi 15, en ce qui concerne les conditions de travail et l'accréditation des directeurs généraux, c'est qu'on s'est négocié, encore une fois, une superclause grand-père qui fait en sorte que je garde, grosso modo, l'ensemble de mes privilèges et, pour les autres, eh bien, vogue la galère et débrouillez-vous comme vous le pourrez dans le système pour en arriver à faire en sorte que votre créativité et que vos qualités puissent s'exercer dans notre système de santé et de services sociaux.

Une autre dimension extrêmement importante, M. le Président, du projet de loi 15, c'est l'introduction de la possibilité qu'aura maintenant la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'émettre des cartes avec une photo pouvant nous donner accès aux services de santé et aux services sociaux au Québec. C'est une question qui fait l'objet d'intenses discussions au Québec depuis au moins 25 ans, M. le Président, et on nous présente ici, pour une première fois, donc, une disposition qui va permettre à la Régie de l'assurance-maladie du Québec d'émettre ces cartes avec photo en vue d'un meilleur contrôle quant aux personnes qui ont accès à notre service.

C'est rendu un lieu commun, M. le Président, d'énumérer ou de retrouver dans les médias d'information les actes qui sont réclamés par des personnes qui ne sont pas nécessairement des résidents ou des résidentes du Québec, mais qui profitent du système que nous avons mis en place ici, au tournant des années soixante-dix, pour répondre, peu importe notre condition humaine, à nos besoins en matière de santé et de services sociaux. En 1992, il faut, effectivement, très sérieusement se poser la question si nous ne devons pas ajouter aux moyens de contrôle des individus qui jouissent du privilège que nous nous sommes donné collectivement de services de santé et de services sociaux.

Sur cette mesure, je dis au ministre de la Santé et des Services sociaux: Oui, nous allons apporter notre concours. Nous avons, du côté de l'Opposition officielle, du côté du Parti québécois, réfléchi à cette question. Nous en avons intensément discuté parce qu'il y a des implications. Si nous acceptons de discuter de cette mesure sur le principe de la photo sur la carte d'assurance-maladie en vue de conserver les acquis de notre système de santé et de services sociaux, nous n'allons pas accepter que cela se fasse à n'importe quelles conditions. Si la carte d'assurance-maladie avec photo peut nous amener à une meilleure utilisation de nos services de santé et de nos services sociaux par les Québécois et les Québécoises qui contribuent collectivement à financer ce régime-là, soit! Mais il faudra également, pour que ce projet de loi obtienne l'assentiment du côté de l'Opposition, qu'il y ait également d'autres articles prévoyant les restrictions quant à l'utilisation de cette carte avec photo. (16 h 20)

Cette carte doit être réservée pour identifier les utilisateurs du système. On ne peut pas prendre le risque que tout cela ne dégénère en une espèce de carte d'identité ou de contrôle des citoyens dans d'autres secteurs de l'activité des Québécois ou des Québécoises. Il faudra donc, M. le Président, et ça nous semble relativement

simple, que l'on prévoie, dans d'autres dispositions du projet de loi, des amendes substantielles pour quiconque au Québec, entreprise, organisme ou individu, serait tenté d'utiliser la carte d'assurance-maladie avec photo à d'autres fins que l'identification de l'utilisateur, pour recevoir un certain nombre de services de santé et de services sociaux. Il faudra donc que l'on prévoie des amendes extrêmement fortes pour ces individus et organismes, de façon à ce que la fin propre pour laquelle nous allons installer, nous allons faire en sorte qu'on puisse avoir la photo sur la carte d'assurance-maladie, ça ne serve pas à d'autres fins, M. le Président. Dans une société libre, démocratique, où la liberté individuelle est un bien extrêmement précieux, et il faut faire en sorte que le législateur ait la sagesse de prévoir que d'autres individus dans cette collectivité ne puissent s'approprier des moyens à d'autres fins que celles prévues par le législateur. C'est pourquoi, autant nous allons apporter notre contribution du côté de l'amélioration des conditions d'identification des utilisateurs de notre système de santé et des services sociaux, autant, M. le Président, nous allons accorder d'importance à aller jusqu'au refus d'accepter cette modification de la carte d'assurance-maladie si le gouvernement n'introduit pas des dispositions visant à faire en sorte que l'on décourage, mais de façon systématique, de façon majeure, l'utilisation de la carte d'assurance-maladie avec photo pour d'autres activités ou pour d'autres fins que celles prévues au projet de loi actuellement à l'examen devant nous.

Il y a également, M. le Président, au niveau des principes qui sont contenus dans ce projet de loi, au-delà des modifications techniques, de l'amélioration de la version anglaise de la loi 120, de la traduction qui avait peut-être été faite un peu rapidement, il y a d'autres dimensions qui - le ministre pourra le prétendre - ne changent pas le fond de la réforme présentée par le ministre de la Santé et des Services sociaux dans son projet de loi 120 et dans sa loi 120 maintenant. Mais, quand on creuse un petit peu, on s'apercevra qu'il y a là des dimensions qui vont bien au-delà de la forme et qui changent un certain nombre d'éléments de fond pour certaines activités dans les systèmes de santé et des services sociaux.

C'est ainsi, M. le Président, qu'on présente des modifications à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du Québec quant à la possibilité que les activités médico-administratives, les activités administratives des médecins dans les établissements de santé au Québec puissent dorénavant être rémunérées en vertu d'une négociation ou d'une entente avec le gouvernement.

M. le Président, si le gouvernement sent le besoin, aujourd'hui, d'introduire des dimensions législatives pour faire en sorte qu'on puisse négocier avec les médecins, qu'on puisse donner l'autorisation à la Régie de l'assurance-maladie du Québec de verser des compensations financières aux médecins qui exercent des activités médico-administratives dans les différents centres hospitaliers du Québec, c'est bien évident que c'est parce qu'on a procédé à une négociation. Et c'est là que, M. le Président, ça touche plus que la forme de certains éléments du projet de loi 120 parce que, au même moment où nous allons adopter, où on nous présente ces dispositions législatives qui verraient... Et là, on va demander des précisions au ministre de la Santé et des Services sociaux quant à l'argent qui est impliqué, quant aux ressources financières qui sont impliquées pour la rémunération, de ces activités, des médecins dans notre système de santé et des services sociaux.

Il va falloir se souvenir que, le 8 mai dernier, presque au même moment, d'autres catégories de citoyens, comme se plaît à le dire le ministre, pas les citoyens dispensateurs de services, mais les citoyens, les usagers, les citoyens payeurs, eux, ils se voyaient derechef - par le ministre de la Santé et des Services sociaux, confirmé le 14 mai par le ministre des Finances - ils se voyaient désassurés, les citoyens du Québec, ces citoyens utilisateurs se voyaient désassurés d'un certain nombre de services: les soins curatifs pour les enfants au-delà de 10 ans ne sont plus couverts par la Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y en a pour un bon nombre de millions là-dedans. Il y en a pour 24 500 000 $. Il y en a, M. le Président, pour 24 500 000 $ en apparence parce que, vérification faite, au moment, donc, où l'on prévoit, dans ce projet de loi, qu'on va ajouter entre 30 000 000 $ et 60 000 000 $ de rémunération supplémentaire aux médecins pour les activités médico-administratives dans notre système de santé, eh bien, chez les parents, au minimum, c'est au-delà de 60 000 000 $ qu'on devra débourser pour les soins de santé, en regard des soins dentaires pour les enfants de 10 ans et plus.

Pourquoi, M. le Président, parler de 60 000 000 $, lorsque le gouvernement a annoncé que ce que paie par année la Régie de l'assurance-maladie du Québec pour les services dentaires des 10-13 ans, des enfants de plus de 10 ans, ça totalise seulement 24 500 000 $? Eh bien, M. le Président, c'est parce que le taux négocié par l'association des dentistes du Québec avec la Régie de l'assurance-maladie du Québec fait en sorte que les 32 $ par visite et le travail effectué, en termes d'obturation sur une dent de surface, eh bien, le coût moyen qui est chargé, c'est 32 $, lorsque c'est la Régie de l'assurance-maladie du Québec qui fait le paiement. Lorsque ces interventions sont faites chez des personnes en privé, chez des personnes qui ne sont pas couvertes par le régime, c'est 59 $. C'est 59 $, M. le député de Masson, que les parents des enfants de votre circonscription devront doréna-

vant payer et que d'autres payaient, aujourd'hui, lorsqu'ils n'étaient pas couverts par le régime d'assurance-maladie du Québec.

Ce qui fait en sorte qu'au moment où le projet de loi prévoit des rémunérations supplémentaires de 30 000 000 $ à 60 000 000 $ pour des producteurs de services les parents du comté de Masson, les parents de votre comté, M. le Président, vont devoir, avec l'ensemble des parents du Québec qui ont des enfants au-delà de 10 ans, payer, sortir de leurs poches 60 000 000 $. On dirait un gouvernement de deux poids, deux mesures.

Ma collègue de Johnson aura certainement l'occasion, évidemment, de parler des 36 500 000 $ qu'on va chercher dans les poches des personnes âgées. On pourrait parler, évidemment, des 17 500 000 $ qu'on va également chercher dans les poches de la classe moyenne au Québec par la désassurance des services optométriques pour les personnes de 18 ans à 40 ans. Alors, ce n'est pas anodin, ce n'est pas neutre. Ce n'est pas simplement des modifications de forme, M. le Président, qu'on introduit dans le projet de loi 15. Il y a des modifications qui vont affecter la vie des citoyens et des citoyennes, en particulier, sur les déboursés supplémentaires qu'on va faire pour un certain nombre d'actes, dans l'organisation de nos services de santé et nos services sociaux, en particulier, pour certains citoyens producteurs, les médecins.

Il y a d'autres ajustements qui sont apportés. Nous avons pris plaisir, M. le Président, en quelque sorte, à relire certains éléments de nos propres arguments que nous avions employés, soit au printemps 1991, soit à l'été 1991, au moment de l'adoption du projet de loi 120, sur l'irréalisme d'un certain nombre de situations. Par exemple, on s'aperçoit que le gouvernement effectue un autre recul, ici, en ce qui concerne les budgets, les budgets aux établissements dans les différentes régions du Québec. Nous avions formulé un certain nombre de critiques à l'époque, et ça n'avait été, semble-t-il, malheureusement pas reçu du côté du gouvernement. Parlant de la budgétisation par programme pour répartir les budgets en santé et services sociaux au Québec, M. le Président, à l'intérieur des différentes régies régionales, nous disions, à l'occasion de l'adoption du projet de loi, le 28 août dernier, que la marge de manoeuvre de la Régie en sera d'autant réduite, puisque c'est le ministre qui prescrira les règles budgétaires applicables. C'est l'article 371 de la loi actuelle.

Je me permets ici, et je cite, M. le Président, une digression sur l'allocation par programme pour dire que, bien qu'elle semble intéressante au plan conceptuel, plus nous creusions le sujet en commission parlementaire, plus le gouvernement apparaissait dépassé par les problèmes qu'implique la mise en oeuvre d'une approche administrative d'allocation des ressources, qui fut rejetée et qui s'est avérée comme impraticable, à la fin des années 1970, l'allocation par programme, souvent connue par les gens du métier comme étant l'approche du «planning, programming, budgeting system», du PPBS ou, encore, de la gestion par objectifs. (16 h 30)

Le gouvernement, semble-t-il - sinon on nous apportera les arguments contraires et les explications nécessaires - se range du côté, en quelque sorte, de la perplexité que nous avions au moment de la discussion dans la longue commission parlementaire sur le projet de loi 120, en énonçant au gouvernement qu'il s'agissait là d'une approche en regard de sa propre Loi sur l'administration financière et de la responsabilité de l'Assemblée nationale qui était impraticable, à toutes fins utiles, si bien que le ministre l'a mentionné tantôt. On va apporter ici des amendements qui vont nous permettre de revenir à ce qui est appelé, un petit peu pompeusement... mais qui permet de se sortir du bourbier de l'approche globale du financement des services de santé et des services sociaux dans les régions du Québec.

M. le Président, il va falloir également que ce projet de loi nous apporte davantage de précisions au niveau de ce qu'on appelle généralement le cadre de partage des ressources dans notre système de santé et des services sociaux, qui va être et qui est en train de se réorganiser suivant les désirs du ministre de la Santé et des Services sociaux et les éléments du projet de loi 120, de la loi 120.

M. le Président, il y a des établissements qui changent de vocation. Il y a des éléments de programme qui vont être administrés par d'autres centres, ce qui va demander un partage des ressources. C'est ainsi que nous allons assister à la disparition, en quelque sorte, des centres de services sociaux à travers tout le Québec, les CSS qui - je le dis en employant le mot «transformation» - vont se transformer en des CPEJ, des centres de protection de l'enfance et de la jeunesse. Ce n'est pas exactement cela, puisqu'il y a certaines parties des missions des CSS qui vont se retrouver dans d'autres établissements. Précisément, M. le Président, les éléments de mission qui sont accomplis actuellement par les CSS, et qui ne se retrouveront pas dans les nouveaux organismes appelés CPEJ, vont devoir, bien sûr, s'effectuer dans un autre cadre. Or, pour effectuer ces missions, pour s'occuper de ces nouvelles responsabilités qui leur seront transférées, il va falloir qu'on leur transfère des ressources également.

Il y a des dispositions dans le projet de loi 15 qui touchent le partage de ces ressources, et nous aurons besoin davantage de précisions quant à l'équité dans le processus et dans les effets de ce transfert entre différentes catégories d'établissements qui auront à assumer des parties nouvelles dans leurs missions, en termes de services de santé et de services sociaux.

Nous avons pu, au cours des dernières

semaines, en analysant - les derniers jours, devrais-je dire - ce projet de loi, constater aussi, au chapitre des mécanismes de traitement des plaintes que nous avions si amèrement, en quelque sorte, dénoncé parce que encore interne aux établissements de santé et de services sociaux, dans l'organisation du traitement des plaintes des usagers de ce réseau... Eh bien, nous avions pensé qu'à la réflexion le ministre de la Santé et des Services sociaux aurait proposé un certain nombre de modifications permettant plus d'équité, plus de justice, plus de transparence dans le mécanisme de traitement des plaintes. Non, il semble bien que l'on régresse, M. le Président, qu'on recule également sur cette dimension puisque, pour certaines catégories de plaintes, en particulier dans le domaine médical, on n'obligerait plus le responsable de la réception de la plainte à faire parvenir une copie du dossier de plainte à l'usager, dans l'ensemble du processus, tel que prévu à l'article 3 de l'actuel projet de loi 15.

Nous allons interpeller également le gouvernement à l'occasion de ce projet de loi dit technique sur un certain nombre de précisions quant à la confidentialité des dossiers médicaux, tel que cela est actuellement consacré dans la loi 120, mais tel que certaines pratiques ne sont pas encadrées, justement, dans ce projet de loi 120. Un jugement récent, en mars dernier, de la Cour suprême du Canada donnait raison aux compagnies d'assurances au moment où un usager donne la permission à une compagnie d'assurances de vérifier son état de santé, donc, de consulter son dossier médical. La Cour suprême a rendu un jugement: la compagnie d'assurances peut avoir accès à ce dossier de façon illimitée, à n'importe quelle période de la vie de l'usager, de n'importe quelle façon, et même, plus loin que cela, empêche les établissements de restreindre la période pendant laquelle ils rendaient les dossiers des usagers accessibles à des organismes comme les compagnies d'assurances. Parce que la Cour suprême du Canada a jugé que la permission écrite avait été donnée par l'usager d'avoir accès à son dossier quand, dans le fond, l'usager donnait une autorisation de faire une vérification ponctuelle quant à la photo de son état de santé à un moment donné où il demandait à avoir une couverture d'assurances sur sa vie ou pour certains cas accidentels, mais pas une permission «at large», si vous me permettez l'expression, d'aller fouiller dans son dossier confidentiel, son dossier personnel, son dossier médical, son dossier psychosocial, à n'importe quelle époque de sa vie.

Il n'y a aucune disposition prévue dans le projet de loi 15 pour restreindre, en quelque sorte, je pense, ce qu'on peut appeler un abus du côté de certaines entreprises quant au fait d'aller piger, d'aller intervenir, d'aller consulter impunément le dossier d'un usager à n'importe quelle période de sa vie, votre dossier médical,

M. le Président, mon dossier médical, à n'importe quelle période de ma vie, à partir du moment où j'ai donné l'autorisation de consulter la photo que j'ai fait prendre par un professionnel de la santé et des services sociaux et qui est contenue dans mon dossier médical. C'est à cela, et uniquement à cela, que nous avons donné notre consentement, mais pas au fait d'aller piger tout au cours de notre vie dans notre dossier médical.

Il est souhaitable, M. le Président, que le projet de loi 15 apporte un certain nombre de précisions à cet égard, de façon à colmater des abus qui pourraient et qui, déjà, apparaissent dans l'utilisation du dossier médical, compte tenu de l'autorisation qui est requise de l'usager dans certaines circonstances pour donner à d'autres personnes, à d'autres organismes l'accès à son dossier médical.

Vous voyez, M. le Président, pour un projet de loi technique, pour un projet de loi qui veut tout simplement assurer la continuité et l'application de certaines dimensions de la loi 120, de la réorganisation de notre système de santé et des services sociaux, il y en a beaucoup plus qu'il n'y paraît. Il est évident, M. le Président, que les 377 articles doivent faire l'objet d'un examen extrêmement minutieux, doivent faire l'objet d'un examen parcimonieux parce que, on s'en est rendu compte, il y a certaines dimensions du projet de loi 120, en particulier dans les dispositions transitoires, qui ont permis, à notre avis, des excès, qui nous ont conduits à des situations extrêmement difficiles, à des quasi-dénégations de droit pour certains citoyens. Bien sûr, le ministre pourrait dire aujourd'hui: J'apporte des corrections, par exemple, pour mettre en vigueur l'article 148, pour les gens qui, en mars dernier, se sont présentés pour représenter le public sur différents conseils d'administration des établissements de santé et de services sociaux et qui n'ont pas pu, selon leurs affirmations, exercer en toute équité leur droit de représenter leurs concitoyens et leurs concitoyennes et qui ont découvert un certain nombre d'abus, de situations farfelues et d'irrégularités, toujours selon les dires et les affirmations de ces personnes. Eh bien! ces personnes, M. le Président, elles n'ont pas pu utiliser l'article 148 - de mémoire - de l'actuelle Loi sur la santé et les services sociaux parce que cet article n'avait pas été promulgué par le Conseil des ministres et, par ailleurs, parce que, de l'avis du contentieux du gouvernement, la Commission des affaires sociales n'avait pas le mandat de se saisir de ces plaintes des usagers qui s'étaient présentés pour représenter le public sur le conseil d'administration des établissements.

Alors, M. le Président, bien sûr, il y a des corrections qui sont présentées et qui vont donner la capacité d'agir à la Commission des affaires sociales en pareille matière, et permettre au citoyen d'agir rétroactivement. Bon, il est heureux qu'on puisse arriver à ce dénouement.

Il est heureux qu'on puisse permettre à ces citoyens... Mais, M. le Président, exercer un droit de façon rétroactive, ça risque de laisser en plan un certain nombre d'individus qui, ayant vécu des situations sur le terrain, se sont peut-être aujourd'hui un peu découragés, ont pensé que la machine gouvernementale - et c'est peut-être le cas - ne souhaitait pas que ses citoyens exercent leurs justes droits en vue d'en arriver eux-mêmes à exercer leur capacité de représenter équitablement, en toute justice, en toute transparence, leurs concitoyens sur le conseil d'administration. C'est pour ça que je dis, M. le Président, qu'il y a peut-être eu des quasi-dénis de droit pour un certain nombre de citoyens à travers le Québec. (16 h 40)

Alors, M. le Président, les 377 articles ne passeront pas comme lettre à la poste. M. le Président, le projet de loi 15 n'est pas uniquement un projet de loi technique. Le projet de loi 15 n'est pas uniquement un projet de loi qui vise à faire en sorte que les autres lois du gouvernement du Québec emploient le langage juste, le langage qui correspond à celui employé dans la loi 120. Il y a bien au-delà de ça dans ce projet de loi, et nous entendons, M. le Président, tout en apportant notre travail positif en commission parlementaire et notre appui à l'adoption du principe de ce projet de loi, à cette étape-ci du processus, être extrêmement critiques. Nous allons également profiter de l'occasion pour examiner l'ensemble des autres dimensions de la loi 120 et de la réforme de la santé et des services sociaux qui ne correspondent pas, quant à nous, à la réalité des régions du Québec, à la réalité d'un bon nombre d'usagers et à la réalité des services auxquels s'attendent nos concitoyens dans toutes les régions du Québec, dans tous les quartiers de nos milieux urbains. Nous devons en profiter pour introduire les modifications pour ajuster le cadre législatif à la réalité de ce que ces citoyens vivent quotidiennement.

On sait qu'on ne se permet pas à l'Assemblée nationale, M. le Président, de rouvrir fréquemment des lois comme la Loi sur la santé et les services sociaux. Des situations qui sont inacceptables, inacceptables au député de Masson, inacceptables au député de Shefford, au député de Longueuil, au député d'Abitibi-Ouest, à la députée de Johnson, eh bien, il faut en profiter, à l'occasion d'un projet de loi comme le projet de loi 15, pour faire en sorte qu'on prenne tout le temps. Nous prendrons tout le temps nécessaire, M. le Président, même en appuyant l'adoption du principe de ce projet de loi, de scruter attentivement la signification des répercussions de chacun des 377 articles du projet de loi 15. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 15. Je reconnais et je cède la parole à Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense qu'à toutes les fois qu'un député se lève ici, en Chambre, il faut, assurément, que lorsqu'on étudie un projet de loi on ait l'esprit ouvert et qu'on ne parte pas, au départ, avec des barrières psychologiques. Quand tu pars, au départ, avec une barrière qui dit: Bon, ce n'est pas bon, je ne veux rien savoir, je pense que tu pars de travers. Il faut commencer par savoir exactement ce qui en est, pour en avoir, bien sûr, discuté, pour avoir écouté notre critique en la matière, et faire en sorte que lorsqu'on étudie un projet de loi on ait l'esprit ouvert pour bien comprendre tous les éléments que peut comprendre un projet de loi comme celui-là.

En ce qui concerne le projet de loi 15, je pense qu'il faut avoir plus que l'esprit ouvert, M. le Président. Je regardais ça, là, et savez-vous à combien de lois on touche dans le projet de loi 15? Je regardais ça. Il y a presque quatre pages. On touche à 69 lois par le projet de loi 15; 69 lois! Ça veut dire que dans le projet de loi il y a des fois un article, des fois deux, des fois trois articles qui concernent, soit le Code civil - imaginez-vous, ça touche même au Code civil du Bas Canada - soit à la loi d'accès à l'information, à la Charte de la langue française, au Code municipal, aux décrets des conventions collectives, à la Loi sur les élections et les référendums dans les municipalités. Je vous en nomme juste quelques-unes, il y en a 69 comme ça. Imaginez, s'il fallait partir avec des barrières psychologiques, on raterait le coche sûrement.

Du fait qu'il y ait autant de lois qui soient touchées par ce projet de loi là, il faut absolument l'étudier de façon intensive, je pense, et faire en sorte que le critique, notre critique de l'Opposition, qui suit le projet de loi de plus près que d'autres députés, qui sont simplement membres de la commission ou qui ne sont pas membres du tout de cette commission-là... Bien sûr, lorsque l'étude de ces projets de loi là se fait, il faut être très vigilants et très attentifs. Bien sûr, l'Opposition officielle a suivi avec attention, M. le Président, mais ce qui a apporté le projet de loi 120, le projet de loi 9 et le projet de loi 15, c'est une modification, selon les dires du ministre, axée sur le citoyen, un service de santé axé sur le citoyen. Quand on m'a dit ça... Un système de santé... Vous savez, quand on parle de ça, un système de santé axé sur le citoyen, on s'imagine que le citoyen va recevoir de plus en plus de services et des services de plus grande qualité.

C'est ce qu'on s'attend de voir mais, depuis que le projet de loi 120 a été déposé, je pense, vers la fin de l'année 1990, on s'est rendu compte qu'il y a des difficultés très grandes qui

se sont présentées, puisqu'il y avait autant d'amendements au projet de loi 120 qu'il n'y avait d'articles et qu'on a été obligés de revenir à la fin du mois d'août pour, finalement, adopter le fameux projet de loi qui a été très controversé. Je pense que c'est un bel exemple qu'il faut faire très attention, y aller de façon calme et prudente, lorsqu'on étudie surtout un projet de loi qui touche à autant d'autres lois.

On se rend compte aussi que, dans la santé, ça ne va pas très bien. C'est comme un casse-tête qu'on fait, où les morceaux tombent un par un, parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont touchés. On se rend compte que le ministre titulaire de la Santé a davantage de difficultés à joindre les deux bouts dans son ministère. Je comprends très bien qu'on est en récession, mais je comprends aussi que c'est son gouvernement qui est au pouvoir. Je comprends aussi que, si son gouvernement au pouvoir n'a pas mis de mesures pour relancer l'économie du Québec plus rapidement qu'ailleurs, je comprends que, lui, comme titulaire de la Santé, il a des difficultés et je comprends aussi que les transferts provenant du fédéral diminuent à chaque année.

Je comprends ça aussi, M. le Président: 1 200 000 000 $ depuis 1982. En 1997-1998, les transferts du gouvernement fédéral seront nuls. Je comprends. Je comprends pourquoi le ministre de la Santé et des Services sociaux a de la misère. C'est pratiquement les transferts fédéraux qui font la différence. Donc, il peut bien en arracher, comme on dit, il peut bien en arracher. Je ne comprends pas pourquoi son gouvernement insiste pour rester au coeur du fédéral, avec le Canada, et que le premier ministre ne fait pas d'efforts pour faire en sorte qu'on puisse se retirer le plus rapidement possible. On pourrait gérer davantage et mieux l'argent qu'on donne au fédéral.

Moi, j'aurais un moyen de récupérer 200 000 000 $ d'un coup sec, comme ça, là, directement, tout de suite. Parce qu'à l'intérieur du Canada, M. le Président, on paie 40 000 000 $ pour un Sénat; on paie 236 000 000 $ pour la Chambre des communes; 100 000 000 $ pour l'élection fédérale; 100 000 000 $ pour le référendum canadien; 118 000 000 $ au ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté; 94 000 000 $ pour la Commission de la capitale nationale; 100 000 000 $ de commissions constitutionnelles: Spicer, Beaudoin-Dobbie, puis tout le kit au complet, à part toutes celles qu'on a passées; 13 000 000 $ pour le Commissaire aux langues officielles. Ça, ça fait 801 000 000 $. Si on prend la part du Québec, qui est 25 %, ça nous donnerait un beau petit 200 000 000 $ pour injecter dans la Santé. Ça serait de l'argent vite fait.

Ce n'est pas difficile, on a juste à faire la séparation du Québec, la souveraineté du Québec. Avec ces 200 000 000 $ injectés, qui proviendraient de notre part qu'on n'aurait pas besoin de payer au fédéral, M. le Président, les aînés, les personnes âgées du Québec n'auraient pas eu à subir ce qu'elles ont subi, avec toute la transformation de la santé et des services sociaux, parce qu'elles en ont subi, M. le Président. Je le dis, je le redis et je vais le redire encore: C'est en tapant sur un clou qu'on finit par le faire rentrer. (16 h 50)

Quand je pense aux personnes âgées qui craignent de perdre leur pension si on fait la souveraineté du Québec. Aïe! Ça me fait rire parce que je trouve ça épouvantable de faire peur aux personnes âgées en disant: Vous allez perdre vos pensions si on devient souverains. Aïe! il y a bien plus de danger à rester dans le restant du Canada qu'à en sortir. Ça coûte 3 000 000 000 $ pour les pensions des personnes âgées. On a donné en impôts et en taxes, l'année passée, au fédéral, 26 000 000 000 $. Je pense qu'on serait capables de payer les pensions a nos personnes âgées. Cette année, à cause de la Loi sur la santé et les services sociaux, on a attaqué l'accessibilité, on a attaqué la gratuité et on a attaqué l'universalité, M. le Président. C'est beaucoup. C'est beaucoup tout à la fois. Le petit 2 $ de Marc-Yvan, comme le ministre des Finances l'a dit dans son intervention l'autre jour, lorsqu'on fêtait le Bicentenaire, ça va rapporter 35 800 000 $ au gouvernement.

Savez-vous, M. le Président, j'ai appelé un de mes amis qui est pharmacien. Il me racontait que, le lendemain du budget, il y a une personne âgée, il y a un homme du quatrième âge qui est allé faire remplir sa prescription à sa pharmacie. Et il me disait qu'il avait cinq prescriptions. Lorsqu'il est venu pour payer et que le pharmacien lui a demandé les 2 $ - le lendemain du discours sur le budget - il a refusé de prendre sa prescription. Il a remis tout ça sur le comptoir. Il a dit: Je ne les prends pas, je n'ai pas les moyens de débourser les 10 $ en question. Alors, ce pauvre monsieur âgé, qu'est-ce qu'il va faire s'il ne prend pas les médicaments dont il a besoin pour continuer à vivre? Ça m'a inquiétée, M. le Président, quand il m'a dit ça. D'autres personnes âgées demandent à leur médecin: Est-ce que tu peux me rallonger le temps? Parce que, des fois, c'est pour 15 jours, pour 30 jours. Est-ce que tu peux me le donner pour 60 jours pour ne pas que je sois obligé de payer 2 $ par prescription? Alors, qu'est-ce que ça peut faire au bout de 30 jours si, vraiment, ils n'ont plus besoin d'en prendre, que le médicament devient périmé ou que les personnes âgées n'ont plus besoin de prendre cette sorte de médicament? Ils vont les prendre pareil et ils vont s'intoxiquer? Ça, c'est des choses auxquelles on doit faire face.

Les dosettes. Vous savez, les dosettes, c'est des petites boîtes, comme ça, avec sept jours: dimanche, lundi, mardi, etc. Lorsqu'il y a une résidence privée, ou n'importe quelle résidence,

ils vont porter au pharmacien les dosettes de chacun des utilisateurs de chambre de leur résidence et le pharmacien remplit, pour ne pas qu'il y ait d'erreur pour prendre leurs médicaments, pour qu'à chaque jour ils prennent la bonne dose et les bons médicaments pour ne pas qu'il y ait d'erreurs. Alors, c'est un problème. Est-ce qu'ils vont leur charger 2 $ à chaque fois qu'ils vont remplir la dosette? C'est encore des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Mais je serais contente que le ministre me dise comment il va faire, parce que c'est des questions qui m'ont été posées et c'est des questions qui m'ont inquiétée. Et, au fédéral, on leur a donné 0,37 $ d'augmentation sur les pensions de vieillesse!

M. le Président, je ne sais pas si la loi 15 - qui touche à 69 lois pour les corriger, les modifier, pour de la concordance - va venir corriger le problème que vivent les personnes âgées pour le moment. Je ne le sais pas, mais j'espère bien qu'avant qu'on ait complété la situation qui permet d'adopter une loi ici, c'est-à-dire la première lecture, la deuxième, la commission parlementaire et l'adoption finale, le ministre de la Santé et des Services sociaux pourra répondre aux interrogations qui m'inquiètent pour le moment.

Pour ce qui a trait à la carte avec la photo, je vous raconterai une petite anecdote qui s'est passée. Moi, je demeure dans l'Estrie, M. le Président, et pour ce qui est de la photo, je ne suis pas contre ça, au contraire. Si elle est utilisée avec vigilance, je pense que c'est une bonne chose, et on va sûrement ramasser quelques deniers avec cette carte avec photo. Je vais vous raconter la petite anecdote. Un 1er juillet, je me suis rendue à la salle d'urgence de l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Sherbrooke. J'étais là pour un petit problème subit. Je suis arrivée là, dans la salle d'urgence; il y avait un paquet d'anglophones qui me semblaient être vêtus à l'américaine - tu sais, les complets à carreaux, etc. En tout cas, ils étaient là dans la salle d'attente. Je ne vous dis pas qu'ils avaient tous et chacun une carte d'assurance-maladie du Québec, mais je me suis sérieusement posé la question pourquoi il y avait autant d'Américains, cette journée-là qui venaient se faire soigner à l'hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Sherbrooke. Je me suis posé la question. Je me suis dit à moi-même: S'ils viennent avec un prêt ou une location de carte d'assurance-maladie, à ce moment-là, M. le Président, j'aurais aimé ça qu'il y ait eu la photo sur la carte avec la signature de la personne résidente au Québec et payeur de taxes au Québec. Quand nos amis du Sud viennent se faire soigner ici, c'est nous qui payons la facture. C'est nous qui payons la facture.

Donc, M. le Président, je pense que pour ce qui a trait à la photo sur la carte d'assurance-maladie, ça va certainement restreindre certains appétits et ça va peut-être faire en sorte que ça va coûter moins cher pour les services de santé. Je connais aussi deux personnes, chez nous, à Windsor, qui sont venues me rencontrer. Il y en a une qui a reçu la carte d'assurance-maladie de sa mère et ça fait 40 ans qu'elle est morte. Elle l'a reçue cette année.

Une voix: Elle aurait 130 ans.

Mme Juneau: Elle a reçu une carte d'assurance-maladie pour sa mère et ça fait 40 ans qu'elle est morte.

Une voix: Ça prend un système...

Mme Juneau: Une deuxième personne, M. le Président, est venue me rencontrer au bureau pour me dire que ses enfants, que son garçon...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de...

Une voix: Masson.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...Masson et M. le député de Fabre, s'il vous plaît, quand vous voudrez parler, vous le demanderez à la présidence et on vous reconnaîtra. Mme la députée, si vous voulez poursuivre.

Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai pas l'habitude de déranger les autres lorsqu'ils font leur intervention et je souhaiterais la même politesse envers moi.

M. le Président, je disais que le projet de loi 15 était un projet qui touchait beaucoup de lois et qu'il fallait être très vigilants. J'étais en train de vous dire à quel point la carte d'assurance-maladie, il faudrait aussi l'utiliser avec beaucoup de vigilance. Le fait qu'il y aurait la photo sur la carte d'assurance-maladie va certainement faire en sorte que les gens vont être au moins plus inquiets de l'utiliser si elle ne leur appartient pas. Il me semble que, de ce côté-là, c'est quand même une très bonne chose si, éventuellement, on fait très attention à l'utilisation qu'on en fera après qu'il y aura une photo sur cette carte-là. D'ailleurs, on en a parlé aussi pour les permis d'automobile. Je pense qu'à ce moment-là ce sera pareil pour le permis pour la conduite automobile, les gens auront la possibilité de reconnaître qui est au volant tout comme qui se sert de la carte d'assurance-maladie.

M. le Président, compte tenu qu'il y aura une commission parlementaire pour étudier de façon à fond et très importante le projet de loi et que les députés pourront aussi s'exprimer et regarder avec attention chacun des articles que comporte ce projet de loi - c'est un projet de loi important, bien sûr, quand ça touche à autant de lois; c'est un projet de loi important qui

contient 377 articles - je pense que d'ici à la fin des travaux du mois de juin, nous aurons la latitude de le faire et j'espère de tout mon coeur, M. le Président, que dans cette loi-là le gouvernement libéral que nous avons en face de nous ne nous mettra pas la guillotine ou le bâillon, pour qu'on puisse l'étudier de façon officielle et au rythme dont nous aurons besoin, au rythme qui nous donnera la chance de pouvoir analyser les articles les uns après les autres. Je pense qu'à ce moment-là notre responsable du dossier de la santé et des services sociaux va faire en sorte d'évaluer, en présence du ministre et en présence des autres députés à la commission parlementaire, l'ensemble du projet de loi, et j'espère, M. le Président, qu'on en arrivera à un consensus pour le bien-être et pour l'objet premier pour lequel le projet de loi 120 a été fait, c'est-à-dire un projet de loi axé pour donner plus de services et de meilleurs services aux citoyens. J'espère, M. le Président, que les personnes âgées seront aussi considérées comme des citoyens à part entière. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Johnson. Alors, nous poursuivons étude de l'adoption du principe du projet de loi 15. (17 heures)

M. Leclerc: Une question en vertu de 213, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question en vertu de 213. Est-ce que, Mme la députée de Johnson, vous permettez au député de Taschereau de vous adresser une brève question, et une brève réponse de votre part, en vertu de l'article 213? La question est permise. M. le député, en étant très bref.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Est-ce que la députée de Johnson est au courant qu'en novembre 1985 le chef de l'Opposition, au cours d'une conférence devant l'Association des conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec, a déclaré: Le gouvernement d'alors a commis une erreur en accordant la gratuité totale des médicaments utilisés par les personnes âgées.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: M. le Président, vous savez, quand on impose 2 $ aux personnes âgées... Bien, il faut d'abord parler, peut-être, à ceux qui donnent les prescriptions aux personnes âgées. À ce moment-là, quand les médecins seront rencontrés, ceux et celles qui donnent une pilule pour chaque bobo... Je pense qu'à ce moment-là on aura le fin mot de l'histoire.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci,

Mme la députée. Nous poursuivons l'étude du projet de loi 15, à son adoption du principe, et je reconnais M. le député de Shefford.

M. Joly: M. le Président, en vertu de 213 aussi, est-ce que je peux me permettre une question à Mme la députée?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, M. le député. Je m'excuse, j'ai déjà donné la parole au député de Shefford. M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Merci, M. le Président. Moi, je ferai seulement quelques minutes sur le projet de loi 15 pour montrer, de ce côté-ci, notre intérêt par rapport à un secteur aussi important qu'est celui de la santé et des services sociaux. Vous savez, si vous reculez depuis une année, toutes les discussions qui ont eu lieu, les échanges, les rencontres, l'Opposition a toujours été présente d'une façon très positive pour surveiller et discuter, pour s'assurer que cette politique qui concerne toute la population va répondre aux besoins des gens, mais va aussi être capable de répondre à leurs besoins d'une façon correcte.

Le projet de loi 15, il est important. C'est sûr qu'en apparence on dirait tout simplement que c'est un projet de loi technique, donc une technicalité, des modifications à d'autres lois, sauf que lorsqu'on touche à des lois ça a des effets. Ça a des effets chez le citoyen utilisateur, le citoyen administrateur, le citoyen payeur de taxes, peu importe comment on l'appelle dans la réforme de la santé. Mais des modifications à des lois, ça veut dire des modifications à des programmes existants, à des services disponibles, et c'est exactement ce qui s'en vient. Le projet de loi 15, ça le dit: Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. Ça ne dit pas grand-chose mais, en même temps, ça dit tout tellement c'est vaste, tellement c'est général, et tellement ça peut toucher à peu près tous les secteurs de la santé et des services sociaux.

Oui, on pourrait dire dans une seule phrase que c'est une loi technique pour modifier des lois en vue d'appliquer la loi 120, la loi qui a été votée, la nouvelle loi sur la santé et les services sociaux. C'est une loi qui est importante - 377 articles - M. le Président, et ça vient modifier plusieurs lois. Donc, c'est évident que ça va amener des changements et, là-dessus, en commission parlementaire, nous allons être aussi attentifs et aussi présents, spécialement le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, pour s'assurer qu'on ne se fera pas passer des choses qui vont être nuisibles à la population, nuisibles aux citoyens. En tout cas, s'il y a des mesures

qui sont contenues là-dedans, qui vont avoir des effets négatifs, bien, à tout le moins, on va les dénoncer pour ne pas les laisser passer.

Vous avez seulement à regarder l'application de la loi 120. Lorsque la loi a été votée et qu'il y a eu la mise en place des nouveaux conseils d'administration intégrés, on s'est aperçu que ça avait été mal fait. À preuve, vous avez seulement à regarder la façon dont l'élection s'est passée dans certains établissements, comment certains groupes ont essayé d'infiltrer des conseils d'administration, à plusieurs endroits, de façon à donner une proportion et une force qui, finalement, n'est pas représentative, qui est exagérée. Mais la loi permettait ça. Donc, ça veut dire que la loi a été votée trop rapidement et que toutes les répercussions n'ont pas été étudiées convenablement, ce qui nous oblige à faire des correctifs. Nous, on préfère faire un bon boulot, ici à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire, pour qu'on ne soit pas obligé de vivre des effets négatifs ou d'amener des correctifs très rapidement après qu'on aura voté la loi.

Donc, si on ne veut pas avoir trop de corrections à l'automne, on est mieux, maintenant, d'avoir des bonnes discussions ici à l'Assemblée nationale et en commission parlementaire. C'est la raison pour laquelle beaucoup de députés de ce côté-ci interviennent: premièrement, pour sensibiliser la population à l'importance de cette loi, montrer au ministre que, nous, on est intéressés et on va suivre ça de près, mais aussi pour dénoncer ou parler de certaines choses qui nous inquiètent dans ce projet de loi là. Déjà, au moment où on en fait la lecture, on est capables d'interpréter avant même les discussions en commission parlementaire. Ce projet de loi, entre autres, donne des pouvoirs au ministre, et qui vont avoir des effets sur les citoyens. C'est sûr que ça a l'air d'être très technique, mais les pouvoirs que se donne le ministre, et qui sont confirmés par le dépôt du projet de loi 15, par le dépôt du projet de loi 9 et par le budget, c'est que, entre autres, il va y avoir coupures de services. Coupures de services, ça veut dire que les citoyens vont en avoir moins. Ou bien, donc, ça va coûter plus cher pour être capables d'avoir les mêmes services pour les citoyens utilisateurs. Et, ça, c'est confirmé. Le projet de loi 15 permet, donne ce pouvoir. Le projet de loi 9 vient confirmer la mise en exécution de ce qui a été annoncé dans le budget du ministre des Finances dernièrement.

Quand je parle ici de ces coupures-là, c'est la coupure de la gratuité pour les personnes âgées dont parlait ma collègue de Johnson, juste avant moi: 2 $ par prescription pour les personnes âgées qui vont se procurer des médicaments. Mais il y en a d'autres. Vous allez me dire que c'est la loi 9, mais c'est aussi la loi 15 qui les permet, par les pouvoirs que ça donne au ministre. C'est, entre autres, plus de gratuité des soins dentaires pour les enfants de 10 ans et plus; plus de gratuité pour les services optomé-triques pour les 18-40 ans. J'y reviendrai un peu plus tard. Mais, quand je vous dis qu'il faut identifier les effets, spécialement les effets négatifs d'une loi, ça, ça en est. Quand on pense qu'il y a des services qui doivent être universels et gratuits quand c'est des services essentiels et de base et qui concernent la santé et l'éducation! Donc, le projet de loi qui est devant nous présentement, le projet de loi 15, c'est effectivement un projet de loi sur la santé et les services sociaux. Si on veut une politique pour faire en sorte que notre population soit en santé, ce n'est pas en coupant dans les services qu'on va améliorer et la prévention et le niveau de santé des individus.

Ce sur quoi je veux surtout parler durant quelques minutes, c'est sur les manques dans ce projet de loi, le fait qu'on n'en ait pas profité pour amener des correctifs qui étaient demandés, qui étaient essentiels et, dans bien des cas, urgents. Entre autres, une politique de la santé et du bien-être, ça fait longtemps que ça aurait dû être déposé. Vous savez, il y a comme une logique dans la présentation des choses. On commence par identifier la politique qu'on veut se donner, les objectifs qu'on veut atteindre et, ensuite, on se donne les véhicules. Donc, on se donne une politique et, ensuite, on met les structures autour. Nous, on y va à l'envers. On se donne les structures, on amène des modifications aux instances existantes et on attend toujours la vision globale de ce qu'on veut se donner comme politique de santé et de bien-être. On l'attend toujours, on a hâte qu'elle soit déposée. Le ministre nous a dit dernièrement que ça serait pour bientôt. On l'espère. Je pense qu'il y a une nécessité par rapport à la logique qu'il y ait dépôt d'une politique globale de la santé et du bien-être. Quand on aura ça, ensuite on pourra plus facilement ajuster le reste. Parce que, quand on parle de santé, c'est d'abord ce qu'on veut se donner comme niveau de santé qui compte et, ensuite, les structures doivent s'adapter à ça, et non pas l'inverse. Ce n'est pas la qualité des services ou la quantité des services qu'on veut donner aux citoyens qui doivent être - comment je vous dirais ça, donc? - ajustées à la structure ou à l'appareil, mais c'est tout à fait l'inverse. Il faut ajuster la structure, l'organisation, par rapport aux objectifs qu'on s'est donnés, à la quantité, à la qualité des services de santé et services sociaux qu'on veut donner à nos citoyens. Donc, il y a ce manque là.

Mais, là où je trouve qu'il y a un manque, c'est au niveau de la jeunesse. On le connaît, l'état de la situation de notre jeunesse au Québec, au moment où on se parle. Il n'est pas rose, il est difficile et il est reconnu. Il y a eu beaucoup d'études qui ont été faites par rapport à ça, autant au gouvernement qu'à l'extérieur. Il

y a des colloques qui se tiennent régulièrement. Et même les formations politiques, autant du côté ministériel que de l'Opposition, lorsqu'on tient nos conseils nationaux ou nos congrès, on parle des difficultés de notre jeunesse et on parle de l'appauvrissement de la population. (17 h 10)

Et parmi les personnes les plus affectées quand on parle d'appauvrissement de la population, on parle, bien entendu, et d'abord, de notre jeunesse qui vit une situation inquiétante et pénible. Seulement quelques chiffres. Quand on parle de 40 % de décrocheurs, c'est inquiétant, c'est même paniquant pour une société. Quand on parle de 20 % de chômeurs, c'est une catastrophe. On dit que, depuis une année, 40 % des assistés sociaux qui se sont ajoutés à ceux qu'on avait il y a une année, c'est des moins de 30 ans.

Il y a quelque chose à faire, il y a même urgence d'agir. Dernièrement, à la demande du ministre, il y a des groupes qui se sont penchés là-dessus, par un mandat qui leur a été donné il y a à peu près une année, et qui ont déposé leur rapport en cours d'année. Je pense au rapport de M. Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants». Je pense au rapport Jasmin sur la protection de la jeunesse et au rapport Jasmin-Harvey, «La protection sur mesure: un projet collectif». Trois rapports importants, très précis qui nous donnent l'image réelle, la situation dans laquelle se retrouve la jeunesse québécoise. Donc, on a identifié les problèmes, la situation telle qu'on la retrouve, et avec des recommandations très précises. On veut non seulement que la situation cesse d'empirer pour nos jeunes, mais au moins qu'on aille dans le sens contraire et qu'on aide notre jeunesse à s'en sortir.

On aurait pu espérer que, dans le projet de loi 15, il y ait des articles qui viennent modifier des lois qui vont améliorer la situation de notre jeunesse, tel que recommandé dans les trois rapports que je viens de vous spécifier. Il y a des clauses très précises qui sont mentionnées en disant: II faut toucher la loi de la protection de la jeunesse, il faut modifier des choses si on veut que la situation s'améliore. J'aurais aimé ça qu'on en retrouve là-dedans, parce que... Oui, on trouve des modifications par rapport aux structures jeunesse dans le projet de loi 15. On en trouve aussi dans un autre projet de loi qu'on va discuter bientôt pour modifier la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse. On va faire en sorte que les élections vont être à tous les trois ans au lieu d'être à tous les deux ans. Je dois vous dire, ça touche à la structure, encore une fois, mais ça ne touche pas à ce qu'on donne comme aide à notre jeunesse. Maintenant, oui, on retrouve dans la loi, pour être capable d'appliquer le projet de loi 120, la nouvelle politique de la santé, des modifications. Entre autres, la création du centre de protection de l'enfance et de la jeunesse, qui est maintenant l'institution responsable de notre jeunesse, plutôt que d'être intégrée aux CSS, comme c'était.

Bien oui, vous allez me dire, on y touche à la jeunesse. On touche aux structures organisa-tionnelles des services à la jeunesse. Moi, ce que je dis, c'est qu'il va falloir toucher à autre chose que seulement les structures pour notre jeunesse. Il va falloir très rapidement aller dans du concret. Dans du concret. On dit, dans le livre de M. Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants»: II faut investir beaucoup, très rapidement dans la prévention. Il faut investir dans la prévention. Ça coûte moins cher, premièrement, que le curatif, puis, ensuite, comme notre jeunesse est la première clientèle cible, par rapport à la crise qu'on vit et à la population pénalisée, faisons de la prévention auprès de notre jeunesse. Le ministre nous dit certainement: Oui, mais on a arraché 37 000 000 $ aux hôpitaux pour la prévention. On en met peut-être, mais, en même temps, on coupe de l'autre côté. Et on coupe dans cette même clientèle qui est la plus durement touchée. Le projet de loi 15, justement, vient permettre ça.

Qu'est-ce que je veux dire par là? Dans les coupures dont je vous parlais tantôt, on parle de belles politiques familiales, on parle de beaux rapports, on parle de politiques à venir et de programmes à venir, d'aide qu'on apporte aux familles - les 8000 $ pour le troisième enfant, ce qui est seulement une augmentation, soit dit en passant, de 100 $ par année. Ça ne fait pas beaucoup par semaine; 2 $ par semaine. Mais, en même temps, est-ce qu'on aide vraiment les familles et la prévention quand on décide que les soins dentaires pour les 10 ans et plus, ce n'est plus gratuit? Est-ce que c'est une politique familiale? Est-ce que ça aide vraiment les familles, alors que c'est peut-être à cet âge-là où on a le plus besoin?

Les services gratuits de soins dentaires aux moins de 10 ans: c'est des dents d'enfant, c'est les premières dents, qui, de toute façon, vont tomber. Mais, à 10 ans, c'est des dents d'adulte qui poussent. C'est là où on s'assure et on peut faire de la prévention pour que les jeunes, rendus adultes, aient une bonne dentition. Si le Québec avait une situation de santé dentaire la meilleure en Amérique du Nord ou dans le monde, on pourrait peut-être penser à couper là-dedans. Ça pourrait être pensable. Mais non, on est encore en retard sur l'ensemble des États et des provinces en Amérique du Nord. On se permet de couper dans un service semblable pour une population jeune. Donc, c'est encore les jeunes familles, les jeunes ménages, la jeunesse comme telle qui est concernée, parce que les 10 ans et plus, c'est encore des enfants; ils sont dépendants des parents. Quand on a des enfants de cet âge-là, on est de jeunes couples plus souvent qu'autrement. Donc, est-ce qu'on aide les enfants? Est-ce qu'on aide les jeunes ménages? Est-ce qu'on fait de la prévention?

Bien, les 37 000 000 $ qu'on transfère de l'autre côté, on aurait pu les garder pour maintenir des services de prévention qui vont directement dans le sens de la recommandation principale du rapport Bouchard: investir dans la prévention auprès de notre jeunesse. La prévention, pas juste de la délinquance. La prévention au niveau de la santé aussi, si on veut avoir une jeunesse en forme. Mais non, on coupe dans les soins dentaires. On coupe dans les services optométriques aussi pour les 18 ans à 40 ans. Bien, de 18 à 30 ans, c'est encore la jeunesse, selon nos politiques et selon ce qu'on calcule comme étant notre jeunesse dans la société québécoise. Pourquoi?

Regardez, que ce soit la réforme de l'aide sociale, en éducation ou n'importe quoi, jusqu'à 30 ans, ils sont encore dépendants des parents. En plus, les 18 à 40 ans, c'est la classe la plus populeuse au niveau de ceux qui produisent. Donc, ils paient des impôts et des taxes au Québec. On vient pénaliser encore ceux qu'on appelle la classe moyenne, ceux qui paient toujours et qui n'ont pas d'autre chose à faire que de payer. De toute façon, c'est enlevé sur les payes.

Donc, j'aurais aimé que, dans cette loi-là, on en profite, tant qu'à amener des modifications par rapport à des lois existantes, avec près de 400 articles, qu'on amène immédiatement des modifications par rapport aux recommandations du rapport Jasmin-Harvey, où on donne déjà les articles qu'il faut modifier si on veut vraiment faire de la prévention, si on veut vraiment améliorer la situation de nos jeunes, si on veut que nos institutions, dont le centre de protection de l'enfance et de la jeunesse qu'on est en train de créer, puissent agir efficacement, être très présentes, mais, en même temps, productives par rapport à l'application de la loi de la protection de la jeunesse.

Je sais que le ministre a dit, dernièrement, que oui, on était pour déposer une loi en 1992. Comme le rapport avait été commandé par le ministre lui-même, comme le rapport a été déposé ça fait déjà à peu près six mois, on aurait pu aller un peu plus vite et, déjà, s'assurer qu'on amène des modifications. Donc, il y a des absences dans la loi que je dénonce et il y a des coupures aussi que je dénonce, parce que les genres de coupures de prévention et de soins aux familles et aux jeunes qu'on est en train de couper, ça vient empirer la situation d'appauvrissement que les familles québécoises moyennes connaissent. Il ne faut pas favoriser l'appauvrissement comme gouvernement. Il faut surtout faire en sorte que, dans une période difficile, on vienne combattre l'appauvrissement par des mesures sociales, des mesures d'aide. Et on va exactement dans le sens contraire, on vient faire l'appauvrissement.

C'est pour ça qu'on ne peut pas faire autrement que de dire: II y a des choses qui nous inquiètent dans la loi, même si on ne dit pas que tout est méchant, au contraire, et on va le faire d'une façon positive. Entre autres, ma collègue en parlait, et je suis d'accord avec ça, la fameuse carte avec photo. Il y a peut-être longtemps que ça aurait dû être là et, probablement... Là, maintenant, je suis sûr que ça va amener des économies importantes pour l'État. Ça va venir clarifier des choses, ça va venir civiliser davantage le système, à mon avis. Bien, moi, je n'ai pas de remords. Je vais vous dire que quand je me promène à l'extérieur et que j'ai ma photo dans mon passeport, je n'ai aucune gêne. Je me promène avec ma tête sur les épaules et je n'ai aucune gêne. Je ne vois pas pourquoi j'aurais une gêne quelconque par rapport à ma photo sur ma carte d'assurance-maladie. Il faut s'assurer, par contre, qu'il n'y a pas d'abus par rapport aux institutions financières, aux compagnies ou à tout autre individu ou organisme dans l'utilisation ou l'exigence de la carte avec photo. C'est une carte qui doit être utilisée d'abord et exclusivement par le réseau de la santé et des services sociaux. Mais ça, je trouve que c'est une bonne mesure. De ce côté-là, on est capables de le dire quand il y a de bonnes choses.

Donc, on va être attentifs et très prudents par rapport à l'étude de ce projet de loi là, évidemment. Il y a des choses avec lesquelles, d'emblée, on va être d'accord, évidemment aussi. Mais il y a des choses qu'on ne peut pas accepter, parce qu'on est conscients et on est certains que c'est des mesures d'appauvrissement collectif, parce que ça appauvrit la classe moyenne et déjà pauvre du Québec. Ça, ce n'est pas acceptable. (17 h 20)

Je conclus en vous disant - parce que vous me dites, M. le Président, que mon temps est terminé - qu'il faut se rendre compte, une fois pour toutes, que la jeunesse, c'est une richesse aujourd'hui. La jeunesse, ce n'est pas un problème temporaire. Ce n'est pas un problème d'être jeune. Peut-être que oui, aujourd'hui, à cause du contexte et à cause de la façon dont on les traite. Mais il va falloir, comme société, qu'on ne considère pas la jeunesse comme un problème temporaire qui va se régler. Il est temps qu'on considère notre jeunesse, la jeunesse québécoise, comme une richesse actuelle, une richesse d'aujourd'hui. Quand on a une richesse et la plus grande richesse, parce que c'est notre richesse humaine, il faut investir, et il faut investir dans tous les secteurs, dont la prévention. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Shefford. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 15 et je reconnais M. le député de Fabre.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. À mon tour, il me fait plaisir d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi 15, en fait, un projet excessivement technique, c'est bien sûr, mais un projet qui a pour objet d'assurer l'application de la Loi sur les services de santé. Une loi que vous connaissez bien, M. le Président, une loi que, tout comme moi, tout comme les parlementaires, vous avez eu l'occasion de suivre dans son évolution. Maintenant, ce que nous souhaitons, c'est l'occasion de la suivre dans son application. Je pense que c'est un rêve qui est caressé, bien sûr, par tous les parlementaires, mais surtout par tous les concitoyens du Québec. Un projet de loi qui s'imposait. On ne devait pas considérer la loi comme telle comme étant une loi qui était vieillotte parce qu'elle était en application depuis 1970, mais compte tenu de ce que nous avons à vivre dans notre société moderne où on se doit de faire face quand même à certains problèmes considérés comme modernes, problème de dénatalité - ça a l'air drôle à dire, un problème moderne qui est un problème de dénatalité - un problème de vieillissement, vieillissement de la population, bien sûr, mais aussi un problème de nouvelles maladies. Alors, compte tenu de tout ça et compte tenu du fait aussi qu'administrer le système de santé ce n'est quand même pas facile. On considère ça tout simplement comme un compte de dépenses, un compte de dépenses où, s'il n'y a pas certains contrôles d'exercés et si, en tant que gouvernement, on n'est pas capable de «prioriser» certaines actions, certains axes, eh bien, à ce moment-là, ce sera considéré un peu comme un puits sans fond, ce serait considéré, justement, comme une carte de crédit sans limite.

Je pense que notre ministre de la Santé a compris ça depuis des années. Et le défi qu'il a relevé d'être assis en commission parlementaire, M. le Président, pendant pratiquement six mois - si on fait le total du nombre d'heures, du nombre de séances, du nombre de jours que nous avons passés en commission parlementaire sur ce projet de loi avec M. le ministre de la Santé, c'est pratiquement six mois - alors, les gens qui diront que c'est un projet de loi qui a été pris en vitesse et sur lequel nous ne nous sommes pas penchés de façon sérieuse, eh bien, à ce moment-là, je pose la question: C'est quoi être sérieux sur un projet de loi? Plus que ça, je pense qu'à ce moment-là ça serait simplement, disons, imaginer un scénario où la santé des parlementaires aurait quand même pu être en danger parce qu'on a veillé tard, souvent, le soir, on a eu des parlementaires de l'Opposition qui ont fait un travail - il faut quand même le souligner aussi - de façon très, très professionnelle.

On est conscient que, simplement dans le domaine de la santé, avant qu'on dépose le nouveau budget 1992-1993, c'était 0,33 $ dans le dollar qui allaient pour administrer le système de santé, soit 12 000 000 000 $, M. le Président. 12 000 000 000 $ pour couvrir pratiquement 7 000 000 de personnes, c'est quand même pas mal d'argent. Si on reprenait la même équivalence pour se comparer avec nos voisins américains - eux ont 270 000 000 de population - et si on reprenait le chiffre de 2 000 000 000 $ par million de population, parce que c'est à peu près ce que ça coûte, eh bien, ça coûterait, aux États-Unis, pour avoir la même équivalence, 540 000 000 000 $, M. le Président. Alors, c'est ce qui fait que, des fois, dans les villes frontalières, on s'aperçoit que le système américain fait en sorte qu'ils peuvent vendre leur gazoline un petit peu meilleur marché. C'est ce qui fait que certains produits semblent moins taxés, mais, par contre, ils n'ont pas le système de santé qui, actuellement, est en vigueur au Québec, qui fait la fierté, qui fait le bonheur de tous les citoyens parce que, le soir, les citoyens du Québec se couchent avec une tranquillité d'esprit, celle de savoir que, demain matin, ils n'auront pas une hypothèque sur le dos, suite à une maladie, à une blessure ou à un accident.

Je parlais avec un de mes voisins qui, dernièrement, est revenu de toute urgence de la Floride parce qu'il avait eu un décollement de la rétine de l'oeil. Là-bas, aux États-Unis, ça coûte 25 000 $, M. le Président, juste pour faire corriger un décollement de la rétine de l'oeil, pendant qu'ici, au Québec, c'est gratuit. Alors, lorsqu'on vient, en contrepartie, nous parler du montant de 2 $ que certains citoyens du Québec auront à payer éventuellement, je pense que, actuellement, ces citoyens-là, que j'ai rencontrés en abondance depuis qu'on a annoncé cette mesure... J'en ai eu qui ont posé des questions, M. le Président, mais je n'ai pas eu les mêmes réactions que semblent avoir les gens de l'Opposition, parce que les gens savent très, très bien que si un montant de 2 $ est imposé, il y a une raison et il y a une raison, même pas subjective, mais une raison objective qui est en arrière de tout ça.

Je vais essayer, dans quelques mots, de l'expliquer. Est-ce que c'est normal, M. le Président, que la moyenne des prescriptions pour les personnes âgées soit de 37 prescriptions par année? C'est la moyenne. Ça veut dire qu'il y a des personnes âgées qui en ont 2 et il y en a d'autres qui en ont 60. On a même vu, dans le décompte, une personne qui avait visité des médecins 316 fois dans l'année. On a déjà vu des gens, avec plusieurs milliers de dollars de médicaments sûrement non utilisés, parce que si ces gens-là avaient utilisé tous les médicaments qui leur avaient été prescrits, ils auraient sûrement l'estomac brûlé.

Alors, c'est pour ça qu'aujourd'hui on dit aux personnes âgées: Le petit 2 $ qui est là, qui est mis de l'avant, c'est un système de conscien-

tisation, autant pour l'utilisateur que pour le dispensateur. Il y a des médecins qui m'ont confié, M. le Président, que s'ils ne donnaient pas une prescription à leur clientèle âgée, ils avaient peur de perdre leur clientèle. Ça m'a été dit. Alors, partant de là, si la personne âgée sait qu'elle a un montant de 2 $ à payer, elle va sûrement dire à son médecin: Docteur, si je n'ai pas besoin de prescription, vous ne m'en donnez point.

Il y avait aussi le fait qu'à l'intérieur de toute la facturation totale des 500 000 000 $ de médicaments prescrits pour nos personnes âgées, sur une base d'une année, eh bien, il y avait, si on peut dire, 85 % ou 87 % pour les personnes âgées, 15 % à peu près pour les personnes sur l'aide sociale... Mais combien de ces prescriptions-là auraient pu être évitées, sachant qu'un médicament, souvent, au bout de 14 jours, n'a plus aucune valeur thérapeutique et qu'on retrouvait ce même médicament renouvelé à volonté ou pratiquement pendant six mois, pendant un an.

Alors, je pense que c'est simplement conscientiser la population sur la valeur d'une prescription. Si elle est nécessaire, elle se doit d'être prise, d'être bien suivie, la posologie, comme telle, se doit d'être respectée. Mais si elle n'est pas nécessaire, les gens ont le droit de poser des questions à leur médecin et, suite à ça, de s'enquérir, à savoir si, nécessairement, le médicament est nécessaire ou pas. (17 h 30)

Ce qui m'a frappé, M. le Président, dans l'établissement de la loi 120 comme telle, c'est le partenariat qu'on a réussi à établir justement avec nos professionnels de la santé, lesquels, par l'intermédiaire d'un de leurs représentants, le Dr Marier, qui est le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec, qui, dans Le Devoir du 21 août 1991, citait: Le partenariat que nous avons établi est sain pour le citoyen. Pour la première fois en 20 ans, les médecins du Québec auront le sentiment d'être partie prenante du système de santé. Il fut un temps où, à travers toute la procédure qui nous a animés pendant ces six mois, on a eu tendance des fois à lancer, si on peut dire, des accusations au niveau des professionnels, où on les accusait d'à peu près tous les péchés capitaux. Mais il faut quand même admettre, M. le Président, qu'à travers les 16 000 professionnels de la santé qui existent ici au Québec, je dirais que la majorité sont de vrais professionnels et sont conscients du rôle qu'ils ont à jouer, de la responsabilité qu'ils ont à jouer vis-à-vis de la population du Québec.

Alors, quand on voit une déclaration comme ça de la part du Dr Marier, une personne en responsabilité au niveau de son association, les chirurgiens, eh bien, à ce moment-là, c'est réconfortant de savoir que cette complicité honnête qui existe entre les différents inter- venants va aider justement à accomplir le but premier de la réforme, qui est celui de mettre au centre de cette réforme et au centre de toutes nos attentes le bénéficiaire. Trop souvent dans le passé, à tous les niveaux de la société, il y a eu des décisions qui ont été prises et ces décisions-là n'ont pas toujours pris en considération le citoyen, le bénéficiaire, et ceci, selon ses attentes. Souvent, on a peut-être voulu créer de l'artifice, souvent on a peut-être voulu couvrir des besoins qui n'étaient pas tout à fait appropriés ou tout à fait réels.

Alors, aujourd'hui, avec cette réforme, avec ces six mois d'attentisme quasi religieux, un travail de moine, un travail qui a nécessité un professionnalisme de la part de tous les parlementaires, autant, disons, du côté ministériel que de l'Opposition, ça fait en sorte que c'est avec fierté qu'on est sur le point d'appliquer cette réforme, qu'on est sur le point de livrer le fruit du travail de tous les parlementaires, souvent un travail mal connu, un travail qui n'est nécessairement pas respecté, mais mal respecté et souvent même, je dirais, sévèrement critiqué.

Alors, sachant que le premier rôle qui est dévolu à un parlementaire, c'est celui d'être un parlementaire aguerri, un parlementaire attentif, je pense que la population a eu avec toutes les lois qui se passent ici à l'Assemblée nationale, mais spécialement avec la loi 120, une loi qui va faire, encore une fois, l'orgueil de tout le Québec, une loi qui va sûrement créer aussi un peu d'envie de la part de nos voisins américains lorsqu'on regarde les grands thèmes qui sont développés actuellement au niveau des campagnes non officielles de la présidence américaine. Déjà, on a commencé à glisser à l'intérieur de leurs programmes tout le système de santé qui est vécu chez nous, mais qui est souhaité chez eux.

Alors, la population devrait se dire et devrait aussi peut-être en parler d'une façon plus positive avec les gens pour faire en sorte qu'ils deviennent des multiplicateurs, mais des multiplicateurs positifs sur ce qui, actuellement, est notre richesse. Comme je le disais tantôt, lorsqu'on se couche le soir et qu'on est certain qu'on se lève le lendemain et qu'on n'a pas à subir 25 000 $, 30 000 $, 40 000 $ ou 50 000 $ de frais, à ce moment-là, c'est tout à notre honneur que d'être capable de dire qu'on se paie un système et un système qui se doit et qui se devait d'être plus équilibré. C'est pourquoi à certains endroits on a vu qu'il y a eu des réaménagements. On a vu qu'on a commencé à regarder les besoins par région. On a donné un peu plus de pouvoirs aux régions, lesquels pouvoirs seront en application aussi sous peu quand les élections qui ont été mises de l'avant dernièrement au niveau des régies régionales amèneront tous les intervenants de chacune des régions à se manifester et à faire les suggestions nécessaires pour que chacune des régions puisse

être bien couverte en vertu autant des services que des équipements.

Alors, c'est ce que la loi 120 a comme objet, et c'est ce que la loi 120 fera. Je suis drôlement convaincu qu'avec la conscientisation qui s'est faite lors du déroulement et lors des débats sur cette loi, ça va faire en sorte que chacun des professionnels se devra - je le souhaite ardemment, M. le Président - de faire de l'éducation au niveau de ses patients. J'imagine aussi que chacun des patients se devra d'être plus intéressé et posera aussi les questions d'usage.

Souventefois, d'ailleurs... Je prends seulement l'exemple de mes parents, M. le Président, mes parents qui ont 78 et 79 ans, ma mère qui fait de l'arthrite sur une base assez avancée et qui souffrait terriblement, mais qui subissait un médicament sans connaître les contre-effets de ce médicament-là. La seule chose que j'ai pu faire, c'est de suggérer à ma mère: Est-ce que vous posez des questions à votre médecin? Bien non, il doit savoir ce qu'il fait. Bien oui, sûrement qu'il sait ce qu'il fait, mais il ne sait pas ce que vous faites comme réaction. Donc, il faut que la population s'intéresse davantage à ce que le médecin, à ce que le professionnel peut ordonner comme médication, peut ordonner comme traitement, et compte tenu de l'intérêt qui se fera des deux côtés, sûrement que cette grande ligne de communication amènera un meilleur résultat. C'est ce qui est souhaité à l'intérieur de la loi 120.

M. le Président, je vous parlais tantôt du budget total de 12 000 000 000 $ et de 0,33 $ dans le dollar. Souvent, les gens ne réalisent pas que 0,33 $ dans 1 $, c'est le gros, gros maximum qu'on puisse imaginer, dans le domaine de la santé, qu'on puisse aller. Si on réussissait à économiser seulement 10 % de la facture totale - on parle, M. le Président, de 1 200 000 000 $ - on pourrait sûrement se porter ou se mettre à rêver sur toutes les réalisations, que ce soit au niveau du système des réseaux routiers, au niveau du système de ressources supplémentaires dans le domaine hospitalier, au niveau du pont de Laval, au niveau du système de transport en commun.

Alors, compte tenu de tout ça, M. le Président, moi, je suis convaincu que si nous devenons des citoyens encore plus intéressés à ce qui nous affecte dans le domaine de la santé, qu'on pose les questions d'usage aux professionnels, qu'on établit cette complicité avec les professionnels de la santé, sûrement qu'eux aussi seront heureux parce qu'ils seront revalorisés dans le rôle si important qu'ils ont à jouer, et nous, comme citoyens, nous saurons exactement ce que nous payons, il ne faut pas que ce soit strictement considéré comme un compte de dépenses. Il y a le système de prévention qui nous amène à croire que, demain, nos jours peuvent être meilleurs.

Quelqu'un disait: «What is good today will not be good enough for tomorrow», ce qui est bon aujourd'hui ne sera pas assez bon pour demain. La preuve, c'est qu'il y a 20 ans nous mettions de l'avant un système que nous avons dû amender 20 ans, 22 ans après, et ce sera possiblement la même chose, puis peut-être même avant ça, M. le Président, compte tenu que tout évolue d'une façon assez rapide, que souvent, si on ne prenait pas le temps de s'asseoir et, en tant que parlementaires, d'essayer d'imaginer l'avenir, d'essayer d'imaginer ce que sera l'année 2000, ce que sera l'année 2025, eh bien, partant de là, on serait toujours à la remorque.

Alors, ce qui est bon avec la loi 120, c'est de savoir qu'il y a des gens intéressés, bien sûr, à aujourd'hui, se basant sur hier, mais en pensant et en souhaitant que demain, avec cette prise de conscience collective, nous puissions tous atteindre l'objectif qui est celui de donner une qualité de vie, une qualité de tous les jours à nos citoyens, à notre population vieillissante parce que plus ça va, M. le Président, vous réalisez qu'on a des centenaires dans le Québec. Dans mon comté, moi, j'en ai quatre, M. le Président, dont M. Witty, âgé de 107 ans, qui est le plus vieux citoyen du Québec.

Alors, ça laisse supposer, ça prouve qu'avec des bons soins, avec une qualité de soins, de traitements et de la prévention, on peut en arriver, nous autres aussi, à avoir cet espoir de vie, cet espoir de santé, et cet espoir, autant pour nous comme pour tous ceux qui nous entourent. Quand on est en santé, c'est certain que, partant de là, les 20 personnes qui nous entourent normalement et qui sont intéressées à notre mieux-être sont moins accaparées et moins inquiètes. M. le Président, je vous remercie. (17 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Fabre, de votre intervention. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 15. Je cède la parole à Mme la députée de Marie-Victorin.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci, M. le Président. M. le Président, effectivement, la loi 15 est une loi technique, mais une loi qui permet des modifications à diverses dispositions législatives de la loi 120 et qui introduit aussi la loi 9 qui fera payer les 2 $ pour les médicaments aux personnes âgées.

En fait, j'écoutais le député de Fabre et je me suis dit: Bien, on peut comprendre pourquoi le gouvernement a de la difficulté à se comprendre dans ses lois, parce qu'on fait beaucoup de coq-à-l'âne et c'est difficile de voir la cohérence qui a un certain poids au niveau d'un tel discours.

M. le Président, moi, ce que je voudrais

relever à ce moment-ci, c'est qu'en ce qui concerne, justement, les modifications diverses pour une loi telle que la loi 120, le ministre est prêt à dire qu'il faut passer ça rapidement; il faut y aller rapidement parce que c'est de l'intérêt de l'ensemble de nos contribuables et, surtout, parce que sa réforme étant axée sur le citoyen, pour lui faire payer davantage de taxes ou lui enlever des services, alors, on dit: II faut y aller rapidement.

Là où ça me cause un problème, c'est qu'on m'a répondu, lorsque j'ai demandé au ministre s'il était prêt, en ce qui concerne l'adoption internationale, à apporter des modifications importantes pour permettre à des parents de pouvoir adopter un enfant et établir une procédure d'adoption en Chine parce que nos lois, ici, refusent d'admettre les tribunaux administratifs en Chine, on m'a dit: C'est très complexe, c'est très difficile, il faut y aller avec prudence, il faut faire bien attention. Ces amendements-là favoriseraient, d'une part, la famille et permettraient à des parents qui sont prêts, présentement, à partir en Chine pour se procurer cet enfant dont ils ont déjà la responsabilité, parce qu'ils ont déjà entrepris les démarches, ça favoriserait ces parents-là dans leur projet d'adoption. Et, ici, au Québec, ça nous permettrait, justement, de permettre à des gens d'avoir une famille. Et ce dont on a besoin, on le sait de plus en plus avec le taux de dénatalité, effectivement, on en a besoin, des enfants. Et je me pose de sérieuses questions, M. le Président.

Et on voit aussi que le ministre a annoncé en conférence de presse, avant même que le ministre du budget n'annonce les modifications au niveau des 2 $, la taxe pour les médicaments pour les personnes âgées; le ministre s'est empressé de le faire en conférence de presse, avant même que le ministre des Finances ne l'annonce dans son budget. Et lorsqu'on me dit que c'est impossible que d'ici à la fin de session, même si on me donne, de ce côté-ci de la Chambre... L'Opposition a donné des garanties au ministre en lui disant que nous ne ferions pas obstruction. Bien au contraire, nous allons lui permettre, nous allons le favoriser pour qu'il dépose des modifications au Code civil pour permettre qu'on puisse enfin favoriser les parents dans leur projet d'adoption, et surtout envers la Chine, M. le Président. Et quand on me dit que ce n'est pas possible, que c'est trop compliqué, que c'est très complexe, quelle est la notion de ce gouvernement? Quand c'est des projets monétaires, qui touchent de l'argent, il faut y aller, il y a urgence. Mais quand on touche des projets qui pourraient être humanitaires, qui favorisent justement le contribuable, le citoyen, une politique véritablement axée sur le citoyen, là, on hésite, M. le Président.

Et je pense que c'est tout à fait inacceptable, un tel comportement. Pourquoi ne pas avoir profité de cette loi 15 pour, justement, apporter les modifications nécessaires au Code civil pour permettre le projet d'adoption en Chine, M. le Président? Ça n'aurait pas été beaucoup plus compliqué, à ce moment-ci. On aurait été capable, en commission parlementaire, de le regarder très sérieusement, de la même façon qu'on va le faire pour l'ensemble des autres articles qui seront à l'intérieur de ce projet de loi là. Et, M. le Président, il est encore temps. Et nous aussi, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes prêts à collaborer avec le ministre. Que ce soit le ministre de la Justice ou le ministre de la Santé, nous donnerons notre plein concours pour favoriser les familles du Québec et ces couples qui sont désireux de former une famille et d'adopter un enfant. Je pense que je fais appel à la sensibilité du ministre. Je fais appel à ses raisons humanitaires pour qu'il entende, justement, notre message et qu'il veuille procéder dans ce sens. Et, dans ce sens, je suis convaincue, en tout cas, que nous, de notre côté, nous allons tout faire pour que le ministre, en fait, se laisse fléchir dans ce sens et qu'il apporte les modifications au Code civil nécessaires pour qu'on favorise les familles du Québec et les couples, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin pour votre intervention. Je reconnais comme orateur suivant M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette. M. le leader.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je serai bref, mais je voudrais attirer l'attention de la Chambre sur le fait que nous sommes sur le point d'adopter une loi d'application qui fait suite à une loi qui réformait les structures du système de santé et de services sociaux, et sans que l'on ait devant nous une politique de la santé. C'est peut-être le point le plus majeur que je voudrais souligner à ce stade-ci, parce qu'il m'apparaît aberrant de procéder à l'envers. On l'a dit à plusieurs reprises; le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, notre critique en cette matière, l'a dit à maintes reprises au cours des débats de la loi 120, il l'a répété encore cet après-midi au niveau de son discours de deuxième lecture sur l'adoption du principe, et je voudrais me joindre au concert de ces voix, M. le Président, parce que je considère qu'en agissant à la pièce au niveau des structures on est en train d'indisposer à peu près tout notre système de santé.

Parce qu'il y a une crise budgétaire, qu'il y a une crise d'aménagement du budget au Parlement, à l'Assemblée nationale, au niveau du gouvernement, on est porté à mettre des ponctions ici et là dans le système de santé. On est porté à couper dans plusieurs programmes, alors qu'une politique de la santé fixe précisément des objectifs, elle indique les voies à suivre, elle

nous dit carrément: Je mets l'accent, par exemple, sur les maladies cardio-vasculaires. Je mets l'accent sur la prévention. Je mets l'accent sur nos personnes âgées, parce qu'on sait que notre population est vieillissante. Je mets l'accent sur, par exemple, la qualité des soins dentaires chez les jeunes. Mais, là, on arrive, il y a un budget, à chaque année, on dit: Oups! Il manque 35 000 000 $, où est-ce qu'on coupe?

Si on avait une politique de la santé, on s'en irait en fonction de nos objectifs, M. le Président. Je ne dis pas qu'il ne faut pas rediscuter certains problèmes qu'on traverse, mais si on les discute en fonction d'objectifs, on n'agit pas à la pièce comme on le fait présentement. Je prends la loi 9 que nous aurons à discuter très prochainement, la loi qui indique que nous allons faire disparaître les soins dentaires pour une catégorie de jeunes. Il faut savoir que cette décision de 1978 avait réussi à porter des dividendes extraordinaires. Nous avions amélioré Ta qualité dentaire, la qualité des dents chez nos jeunes de l'ordre de 20 %, M. le Président. C'est beaucoup pour une société quand on regarde comment les personnes âgées, par exemple, ont des maux d'estomac, des troubles digestifs, parce que, précisément, les trois quarts ont des difficultés, elles n'ont pas de dents. Il faut le dire de même. Allez voir dans nos hôpitaux pour malades chroniques, allez voir dans nos centres d'accueil. Tout le monde va vous dire ça qu'il y a des médecins qui disent carrément: Si on avait pu avoir cette politique il y a plusieurs années on vivrait peut-être moins de soins curatifs puis on injecterait moins dans les soins curatifs comme c'est le cas présentement. Mais avec une politique de la santé, on en arrive à définir des objectifs bien précis. On en arrive, M. le Président, à fixer des objectifs précis et, à ce moment-là, nos décisions d'ordre budgétaire se font en fonction des objectifs santé, des politiques qu'on a établies, des programmes.

Donc, M. le Président, à ce compte-là, j'espère que le ministre, au niveau de sa réplique, pourra nous dire tantôt où il en est au niveau de ses cogitations quant à la politique qu'on devait avoir il y a quelques mois, quasiment quelques années, puis qu'on n'a pas encore.

Deuxièmement, je voudrais lui dire que, dans cette loi d'application, d'autre part, il y a des points que nous appuierons fortement. Je pense, par exemple, à la nouvelle carte d'assurance-maladie. Je pense que les deux formations politiques majeures en cette Chambre se rejoignent là-dessus. Je pense qu'on se rend compte que des centaines de milliers de cartes servent à des gens de l'extérieur; ce n'est pas qu'on n'est pas ouverts, mais on n'est pas fous non plus. Quand, nous, on paie pour l'extérieur! Quand on va à Miami puis qu'on doit payer, on paie. Quand on va en Ontario puis que l'Ontario traite un Québécois, l'assurance-maladie du Québec verse des sommes. Et avec cette quantité de fausses cartes, à toutes fins pratiques, ou ce trafic de cartes qui se fait, ce sont des centaines de milliers de dollars et, sans doute, plusieurs millions. Et c'est très difficile de quantifier combien exactement peut nous couler entre les doigts, d'argent qui sert à d'autres fins qu'aux Québécois qui assument les frais de leur système. Ça, je pense que nous allons y concourir spontanément et facilement, M. le Président. (17 h 50)

Sur d'autres points, nous serons plus minutieux. Nous allons sans doute vouloir gratter en commission parlementaire beaucoup plus certains points ou certains reculs apparents - qui nous apparaissent, du moins, apparents au niveau du libellé de la loi, mais que nous questionnerons - et sur lesquels nous apporterons sans doute aussi des modifications. Il y a des gros points majeurs dans cela. Même si les décisions ont été prises dans la loi 120, ça modifie quand même 69 lois, si ma mémoire est fidèle. Donc, c'est un projet de loi qui est quand même technique, oui, qui demande d'harmoniser les différentes législations à partir de la loi 120 qui a été adoptée en août dernier.

Donc, de notre côté, ce sera une étude très sérieuse que nous allons faire de ce projet de loi, en vous disant que notre préoccupation sera sans doute celle de le rendre le plus simple possible pour le contribuable et de permettre les contrôles les plus efficaces aussi, mais également, M. le Président, tout en insistant sur l'urgence et le bien-fondé d'avoir une politique de la santé au Québec. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député, M. le leader de l'Opposition officielle. Mme la députée de Groulx.

Mme Bleau: Est-ce que je pourrais, selon l'article 213, poser une toute petite question au leader de l'Opposition?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Joliette et leader de l'Opposition officielle, est-ce que vous permettez une brève question à Mme la députée de Groulx? La permission vous est attribuée, Mme la députée.

Mme Bleau: Merci. Du côté de l'Opposition, on a parlé de trafic de cartes. Est-ce que vous êtes au courant, M. le leader, qu'il y a aussi un trafic de médicaments? Je pense que, lorsque vous étudierez article par article le projet de loi, il serait important que vous preniez en considération ces cas.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à la question, M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je suis

très heureux de la question. Je sais qu'il y a effectivement certains trafics, surtout au niveau des multivitamines; on sait que ça se vend très facilement sur le coin des rues. Mais quand il y a un voleur de banque, on ne ferme pas la banque.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes maintenant à l'étape de la réplique du ministre. Je vous cède la parole, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Marc-Yvan Côté (réplique)

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Constatant l'heure qu'il est, il est dommage que je sois obligé de me calmer un peu par rapport à ce que j'ai entendu pendant ces débats et faire en sorte que je puisse avoir une réplique la plus brève possible.

C'est, évidemment, comme l'a dit si bien le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, l'occasion de passer à peu près tout: les dents, les lunettes, les médicaments, l'adoption internationale, les problèmes de jeunesse, mon hôpital, mon centre d'accueil et d'hébergement; ça a été l'occasion d'entendre un peu de tout.

Il y a un point substantiel qui revient, puis je n'en fais pas grief, d'aucune manière. On a parlé de politique de santé et de bien-être. Mon grand plaisir est de vous dire aujourd'hui que c'était concurrent et qu'à partir du moment où vous aurez adopté, que nous aurons adopté la loi d'application, je serai en mesure de rendre publique la politique de santé et de bien-être. Elle franchit ce matin et demain des étapes extrêmement importantes au niveau des comités ministériels et, éventuellement, une publication sur la place publique; ce sera donc concurrent et elle sera sur la place publique. Et, évidemment, c'est une première, il est bon de se le rappeler. Je l'ai dit au député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue particulièrement, parce qu'il est là depuis le dernier terme, mais une politique de santé et de bien-être, ça aurait pu exister bien avant au Québec; ça aurait pu exister bien avant. On peut bien me reprocher d'avoir pris un an additionnel à la faire, mais je peux vous reprocher d'avoir été dix ans sans la faire; ça, ça serait facile sur le plan politique.

Évidemment, à partir de ça, il est clair que nous l'aurons. On va la faire, avec la réforme du système de santé que vous avez initiée. Vous ne l'avez pas initiée en 1985; en 1985, vous n'avez pas initié une politique de santé et de bien-être, vous avez initié, avec la commission Rochon, une réforme des structures. C'est ça que vous avez initié, pas autre chose: un diagnostic qui va avec la réforme des structures. Dans ce sens-là, vous n'avez pas initié de politique de santé et de bien-être. Donc, à ce niveau-là, sur le plan des leçons, on pourra toujours y repenser.

Évidemment, le député de Rouyn-Noranda-

Témiscamingue est là aussi pour faire un peu de politique, j'en conviens, pour tenter de grappiller à gauche, à droite, quelques éléments de Mme Lavoie-Roux, quelques éléments de Claude Forget. Quant à M. Forget, je vous dirai tout simplement que je vis à une autre ère que la sienne. Je vis à l'ère de la décentralisation et de la régionalisation, ce qui n'était pas le cas du temps où il était là. Point, «period», à la ligne. Fini. Et je vais continuer de vivre de mon temps et de planifier un régime en fonction des régions. Et probablement que, s'il y avait eu moins de choses de centralisées sur le plan des décisions, on n'en serait pas là aujourd'hui. Les régions seraient peut-être mieux servies; en médecins, elles seraient peut-être mieux servies, en services un peu partout, à gauche et à droite. Probablement que ce qu'il a fait était de son temps. Je fais ce qui est de mon temps et c'est ce que je vais continuer de faire. Il faut que ce soit très clair. À partir de ce moment-là, M. le Président, on planifie un système pour l'an 2000.

On a réussi, M. le Président, à parler de référendum, à parler de désassurance, à parler de tout ce qui n'est à peu près pas dans le projet de loi et, comme je le disais tantôt, c'est un pot-pourri assez extraordinaire. Chose certaine, je vais offrir - et j'ai offert - exactement la même collaboration parce que mon objectif et le leur sont les mêmes. On peut diverger à l'occasion sur des questions de fond, sur des questions de forme, sur des questions de structures, mais, fondamentalement, M. le Président, ils m'ont fait la démonstration, dans ces projets de loi là, même si c'a été très long, que l'objectif premier était de faire en sorte que ce soit le citoyen qui soit au centre de nos préoccupations. Et, ça, ça continue d'être la ligne conductrice même si, à l'occasion, on fait un petit peu de politique. Mais, évidemment, on comprend ça. Quand on est dans l'Opposition, on veut être au pouvoir. Il faut de temps en temps égratigner ou grafigner si on veut éventuellement être capable d'être au pouvoir. Donc, dans ce sens-là, j'accepte ça, M. le Président. On va continuer de travailler avec ouverture de la même manière que je l'ai toujours fait, dans tous les projets de loi que j'ai tenté de faire adopter par l'Assemblée depuis que je suis ministre dans ce gouvernement.

M. le Président, le summum, c'a été Mme la députée de Johnson. Elle s'est trompée de projet de loi. Ça m'étonne un peu pour quelqu'un qui est ici depuis 1976. Ça m'étonne passablement. Ça m'étonne, M. le Président, pour la simple et bonne raison... Oui, M. le député de Lévis a raison, depuis 1981, parce que c'est M. Bellemare qui était là; par la suite, c'a été un de nos concitoyens, un libéral, M. Picard qui a été député pour un certain temps. Vous avez raison, donc, c'est depuis 1981. Mais ça fait quand même 11 ans; on sait ce qui se passe à l'Assemblée. Donc, on a parlé davantage du projet de loi

qu'on discutera dans les prochaines semaines que du projet de loi 15, M. le Président. On a parlé du projet de loi 9. Et on a parlé des 2 $, cinq fois, ça fait 10 $, de la dosette, on a parlé de la prescription, M. le Président, de 30 jours à 60 jours. On va en reparler. Ce n'est pas un débat qui va être évité, on va en reparler ici. On va en reparler, c'est un projet de loi, M. le Président, qui a 12 articles. Donc, j'imagine que ça va être un petit peu plus long à être adopté, connaissant l'Opposition. Mais, justement, je vous ai envoyé un petit signal par rapport au passé et à ce que pensait votre chef, à l'époque; ça doit être encore vrai aujourd'hui, si on laisse de côté les intentions politiques. Au-delà de tout ça, mettez ça dans votre chemise, puis pensez bien à ça parce que je vais vous revenir avec de manière très claire. J'imagine que, sur le plan de vos préparations, ça vous aidera.

M. le Président, M. le député de Shefford a parlé de la jeunesse. Il en parle, il en a parlé en commission parlementaire, il en a parlé à peu près dans tous les projets de loi, et je ne l'en blâme pas, M. le Président, parce que, effectivement, c'est un dossier qui le préoccupe, et il en a parlé à chaque occasion. La seule chose que je veux lui dire, aujourd'hui, c'est qu'il est illusoire... Lui-même qui a été député en cette Chambre depuis 1981... M. le Président, un projet de loi ça ne s'improvise pas, malgré toutes nos bonnes intentions. Quand il nous disait: II faut qu'au niveau de la protection de la jeunesse on inclue des amendements à la loi. Le juge Jasmin n'a même pas fini son travail sur le plan des recommandations qu'il doit nous faire. On va, au moins, au minimum, lui laisser le temps de nous faire le rapport et qui, à l'automne, nous mènera à des amendements législatifs concernant la jeunesse.

On a entendu parler d'adoption internationale, bien sûr, par Mme la députée de Marie-Victorin, deux dossiers: toxicomanie, adoption internationale. Évidemment, je comprends que la situation est particulière et qu'il faut l'écouter. Quant à mon bon ami, le député de Joliette, qui a déjà été ministre de la Santé et des Services sociaux, il a brièvement dit qu'on avait commencé à l'envers. M. le Président, l'important, pour tout le monde, c'est qu'on arrive à temps, tout le monde en même temps. Et, politique de santé, bien-être, la loi 120, la loi d'application que nous sommes à faire, à ce moment-ci, que nous sommes à adopter, c'est une loi technique qui a certains éléments de fond, il faut l'admettre, bien sûr, et c'est pour ça qu'on a eu des séances préparatoires, dans le but qu'effectivement, ça soit très transparent et qu'on puisse avoir le meilleur projet de loi possible.

C'est avec ça qu'on va travailler, avec l'Opposition, avec mes collègues ministériels, parce que notre objectif est de faire en sorte qu'on ait le meilleur des projets de loi possible et la meilleure réforme possible. Elle sera imparfaite, d'autres la corrigeront en cours de route, mais on aura fait le plus gros du travail, et tout ça, pour le bénéfice des citoyens, m. le président. c'est notre objectif.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que la motion proposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux, proposant l'adoption du principe du projet de loi 15, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives, est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des affaires sociales

M. Bélisle: oui, m. le président. je fais motion pour que ledit projet de loi 15 soit référé à la commission des affaires sociales pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Bélisle: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Je fais motion pour ajouner nos travaux à 20 heures, ce soir, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à votre demande, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.

(Suspension de la séance à 18 h 1)

(Reprise à 20 h 9)

Décision du président sur la recevabilité

d'une question de privilège soulevée par

le leader de l'Opposition à la période

des affaires courantes

Le Président: Veuillez prendre place, s'il vous plaît.

Je vais maintenant rendre la décision sur la recevabilité d'une question de privilège soulevée par le leader de l'Opposition, ce matin, au début de la séance.

J'ai reçu, dans les délais prévus, un avis de question de privilège de la part du leader de l'Opposition officielle. Celui-ci signalait une vio-

lation de privilège de même qu'un outrage au Parlement qu'aurait commis le député de D'Arcy-McGee en contrevenant aux paragraphes 7° et 10° de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée nationale. En outre, le député aurait outragé la Chambre en dévalorisant et en ridiculisant le rôle de cette dernière. Des documents étaient joints à l'avis du leader de l'Opposition. Les faits au soutien de cette question peuvent être résumés comme suit.

Le député de D'Arcy-McGee a déposé récemment, soit le 25 mai dernier, une requête en jugement déclaratoire et en annulation ayant trait à certaines dispositions de la Loi sur la consultation populaire et qu'il juge contraires aux chartes des droits. Le 27 mai dernier, le député de D'Arcy-McGee faisait parvenir une lettre au ministre délégué à la Réforme électorale, avec copie au leader de l'Opposition officielle et au Directeur général des élections, dans laquelle il fait valoir sa préférence à ce que la loi référendaire soit modifiée par le biais du projet de loi 36. Des discussions possibles avec l'Opposition sont évoquées pour régler un problème et l'on fait valoir que, dans cette perspective, l'action en justice n'aurait alors plus de raison d'être. Dans une lettre datée du 28 mai, le ministre fait part de son étonnement au député de D'Arcy-McGee devant les moyens utilisés par ce dernier pour faire état d'une problématique qui aurait pu être soulevée devant le comité consultatif compétent. Finalement, dans une lettre du 29 mai dernier, le député de D'Arcy-McGee renouvelait sa demande auprès du ministre pour une solution qui serait de nature à le satisfaire. (20 h 10)

Après avoir examiné la question de privilège soulevée par le leader de l'Opposition officielle, j'en viens à la conclusion que les faits ne m'apparaissent pas suffisants pour me permettre, à ce moment-ci, de croire qu'il y a, prima facie, une violation de privilège ou un outrage au Parlement. Cependant, je me permets, à titre de président de l'Assemblée, d'émettre les observations suivantes. Dans le cadre des divers débats démocratiques qui ont cours au coeur de la société québécoise et qui connaissent leur prolongement dans cette enceinte, les rapports de force sont nombreux et de différents ordres. Ainsi, nul ne se surprend si le partisan d'une idée use de tous les moyens légitimes pour la faire progresser, c'est dans l'ordre des choses. Il est aussi reconnu solennellement dans la Charte québécoise des droits et libertés que toute personne a droit de faire déterminer ses droits et obligations par un tribunal indépendant. Le recours au pouvoir judiciaire est un des fondements de notre société libre et démocratique. Le partisan d'une idée peut légitimement faire reconnaître ses droits et obligations par les tribunaux. Je ne trouve jusque-là rien à redire.

Toutefois, il m'apparait inélégant et non approprié de mettre en rapport les recours judiciaires et des initiatives parlementaires dans le but de favoriser l'adoption d'éventuelles modifications à une loi ou à un projet de loi. Cette remarque prend encore plus de poids lorsque c'est un parlementaire qui est l'initiateur de telles mesures. Il faut éviter que les interventions auprès des pouvoirs législatif et judiciaire puissent être mises en situation d'angatonisme. Autrement, chacun de ces pouvoirs pourrait se voir détourné de sa mission première. Les propos du député de D'Arcy-McGee pourraient nous faire croire qu'il poursuit un tel objectif. Chose certaine, ils dénotent une méconnaissance de la division des pouvoirs dans notre régime politique. Je crains que le député n'ait agi imprudemment et il devrait laisser suivre leur cours régulier aux mesures se déroulant, pour l'une, dans un cadre judiciaire et, pour l'autre, dans le cadre du forum législatif. Les méthodes de négociation du député pour faire valoir ses prétentions auprès de ses collègues devraient tenir compte de cette réalité.

Ces remarques étant faites, je ne crois pas devoir permettre que cette affaire aille plus loin. En conséquence, je rappelle que les faits invoqués par le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette ne m'apparaissent pas suffisants pour donner ouverture à une question de privilège au sens strict de notre règlement et des usages parlementaires.

Maintenant, nous allons poursuivre les travaux de l'Assemblée. Je vais demander au leader adjoint du gouvernement de m'indiquer le sujet qui fera l'objet de nos débats.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 29 de notre feuilleton.

Projet de loi 36 Adoption du principe

Le Président: À l'article 29 de notre feuilleton, M. le ministre délégué à la Réforme électorale propose l'adoption du principe du projet de loi 36, Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire. Alors, je cède la parole à M. le ministre délégué à la Réforme électorale.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. C'est avec une certaine satisfaction que j'ai déposé et que nous étudions, ce soir, un projet de loi qui a certaines conséquences et qui nous interpelle sur la Loi électorale, sur la loi sur le financement et aussi sur la loi référendaire. M. le Président, c'est un travail de longue haleine et c'est une modernisation de nos lois pour tenter de les adapter aux réalités élec-

torales et référendaires d'aujourd'hui. C'est donc avec une satisfaction renouvelée que nous nous retrouvons devant cette Assemblée pour faire adopter le projet de loi 36, qui, à tout le moins, au niveau de la Loi électorale et de la loi sur le financement, a fait l'objet de multiples consultations et d'échanges avec les membres du comité consultatif, alors que la loi référendaire, quant à elle, pour la majeure partie de ses éléments, n'a pas été discutée à ce comité puisque ce comité n'est pas saisi des questions relatives à la loi sur les référendums.

À cette satisfaction du travail accompli s'ajoute une certaine fierté quant au contenu et à la démarche empruntée pour en arriver à la rédaction de ce projet de loi. L'objectif premier qui a guidé le gouvernement dans la rédaction de certaines modifications aux règles applicables à la tenue d'une élection et d'un référendum était d'abord et avant tout la primauté absolue de l'électeur et des droits démocratiques sur les mécanismes qui en régissent l'exercice. Le projet de loi 36 - et vous pourrez le constater à sa lecture, M. le Président - traduit dans ses dispositions cette préoccupation.

Relativement aux modifications proposées à la Loi électorale, permettez-moi, M. le Président, de vous les énumérer et de préciser certains détails spécifiques quant à leur nature. Ce projet de loi modifie la Loi électorale afin de fixer à deux ans le délai d'absence du Québec pendant lequel un électeur conserve le droit de vote lors d'une élection. Ces électeurs ont acquis ce droit lors des amendements apportés à la Loi électorale en 1989. Si ma mémoire est fidèle, à l'époque, c'était mon collègue qui a quitté la politique, le député de Gatineau, M. Gratton, et son vis-à-vis était l'actuel député d'Abitibi-Ouest. Je précise que cette disposition s'appliquera également lors de la tenue d'un référendum, dans la mesure où cette auguste Assemblée donnait son aval et adoptait ce projet de loi tel que proposé à l'Assemblée.

Il y a lieu, également, d'améliorer certaines dispositions de la Loi électorale concernant le recensement, les bureaux de dépôt, la révision, le vote par anticipation, le vote des détenus, le vote itinérant et l'établissement des bureaux de vote. De façon plus spécifique, des mesures relatives au recensement concernent le délai accordé pour les recommandations des recenseurs au directeur du scrutin. Les heures de visite des recenseurs ne devront pas excéder, dorénavant, 21 heures. Tout le monde le sait, c'est une question d'ordre pratique, on n'aime pas toujours être dérangé passé 21 heures le soir et, plus souvent qu'autrement, les gens refusent d'ouvrir les portes, de sorte qu'ils ne se retrouvent pas sur la liste électorale et ne peuvent pas exercer, par le fait même, leur droit de vote.

Concernant la révision spéciale, cinq jours additionnels sont ajoutés. Cette révision débutera donc le dimanche, c'est-à-dire le quinzième jour avant le scrutin, au lieu du vendredi, dixième jour avant le scrutin. Ces nouvelles modalités permettront à un plus grand nombre d'électeurs d'y avoir accès en temps utile, afin de pouvoir exercer leur droit de vote. De plus, les électeurs incapables de se déplacer pourront, jusqu'au jeudi de la deuxième semaine précédant celle du scrutin, faire les demandes d'inscription et de correction à la liste électorale nécessaires pour bénéficier du vote itinérant.

Afin d'accroître la possibilité pour l'électeur d'exercer son droit de vote, le directeur du scrutin sera autorisé à établir des bureaux de vote à plus d'un endroit, si une circonstance particulière le justifie. Les dispositions relatives à l'exercice du vote des personnes hébergées dans un centre d'accueil et un centre hospitalier sont améliorées de façon à rejoindre le plus grand nombre d'électeurs.

M. le Président, je fais de l'organisation politique et de l'activité politique depuis maintenant au-delà de 20 ans. Il y a eu des améliorations considérables de cette loi. Le principe de base, au fil de ces années, a toujours été de faire en sorte que l'on facilite l'accès et le droit de vote des individus et non pas d'empêcher les gens de voter. Ça a toujours été la marque de commerce d'à peu près tous les partis politiques qui se sont succédé aux responsabilités gouvernementales, et le projet de loi qui est étudié par cette Chambre actuellement va exactement dans le même sens.

Concernant le financement des partis politiques, les montants d'argent prévus à la Loi électorale n'ont pas été indexés ni actualisés depuis 1979. Des modifications sont donc proposées concernant l'allocation aux partis politiques, les frais d'adhésion à un parti politique, les contributions devant être divulguées, les frais de vérification du rapport financier et les frais pour la tenue d'une assemblée pour le choix d'un candidat.

Nous avons également prévu des modifications concernant les dépenses électorales ainsi que celles permises avant l'expiration de la période prévue pour la production des déclarations de candidature. Il en est de même pour les dépenses ne pouvant être payées par un agent officiel sans être justifiées par une facture. Nous avons tenu à mieux encadrer le prix d'entrée à une activité à caractère politique. De plus, afin d'éviter que les sommes dues par un parti politique à un prêteur devenu impossible à retracer ne deviennent indirectement une contribution, ces sommes devront être remises au Directeur général des élections. Également, les contributions faites contrairement à la loi devront être remises au Directeur général des élections. Notre projet de loi fait en sorte qu'il soit permis de faire des dépenses de publicité pour identifier un local aux fins de l'élection et pour annoncer une assemblée pour le choix d'un candidat.

Certaines dispositions relatives au pouvoir du Directeur général des élections sont également modifiées. Ces modifications sont rendues nécessaires compte tenu du fait que le Directeur général des élections est de plus en plus sollicité par des pays étrangers et des organisations internationales. (20 h 20)

M. le Président, dans le cadre du financement des partis politiques et de la Loi régissant le financement des partis politiques, donc, qui permet de solliciter auprès des électeurs et des contribuables québécois des fonds pour alimenter les caisses électorales des partis politiques, tout le monde a reconnu à travers le monde que c'était une loi extraordinaire qui avait permis de démocratiser et de mieux encadrer cette pratique électorale. Ces montants n'ont pas été touchés depuis de nombreuses années. Il faut, bien sûr, faire en sorte qu'on puisse, à tout le moins, les indexer pour les rendre plus conformes à la valeur d'aujourd'hui et à l'esprit de l'époque.

De la même manière, je mets au défi qui que ce soit de tenter de faire aujourd'hui une campagne électorale avec les sommes d'il y a 15 ans. Avec les augmentations considérables des coûts de publicité, par exemple, auxquelles ont à faire face les candidats et les partis politiques, il nous apparaissait primordial et même équitable de faire en sorte qu'on puisse donner aux partis politiques, aux candidats des différentes formations politiques les moyens égaux et les possibilités de faire des campagnes électorales d'aujourd'hui, tout en ayant la possibilité de faire la cueillette de sommes dans des campagnes de financement comme nous en avons connu, comme nos adversaires, le Parti québécois, commence à en connaître. Évidemment, la divulgation en fin de semaine du résultat de la campagne de financement que le député de Joliette présidait a été une remontée assez intéressante et qui permet, finalement, de faire en sorte que les partis politiques, eux comme nous, soient dans la course et aient les sommes d'argent nécessaires pour faire ces campagnes électorales. Donc, modifications, modernisation, dépoussiérage et adaptation de notre loi avec des montants conformes à la réalité d'aujourd'hui.

Tout comme dans le cadre d'une élection générale, les résidents hors Québec depuis une période n'excédant pas deux ans et possédant la qualité d'électeur pourront voter lors de la tenue d'un référendum. Une petite pause, M. le Président, pour vous expliquer qu'en 1989 nous avons décidé, comme parlementaires, de manière unanime, de faire en sorte que les résidents québécois, les gens du Québec qui habitent l'étranger et qui demeurent citoyens canadiens, qui ont la qualité d'électeur et qui sont à l'extérieur du Québec depuis moins de 10 ans puissent avoir droit de vote. Ils ont donc, à l'élection de 1989, eu l'opportunité de voter et d'élire des députés et même de former le gouver- nement, même si, évidemment, le secret du vote ne nous dit pas pour qui ils ont voté. Mais le registre des électeurs institué a permis à au-delà de 1000 personnes, à un coût qu'on peut questionner, de voter, donc de choisir ceux qui allaient les représenter à l'Assemblée nationale.

Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est faire en sorte qu'on puisse, dans le cas d'un référendum, de la même manière, permettre à ces gens qui ont pu se choisir un député, un gouvernement, aussi de voter lors d'un référendum et de répondre à une question qui sera primordiale pour l'avenir du Québec et aussi du Canada.

Il y avait un problème, M. le Président, et, j'en conviens, lorsqu'on disait qu'on allait harmoniser la loi référendaire à la Loi électorale, on risquait de se retrouver avec des gens qui avaient quitté le Québec depuis moins de 10 ans, donc depuis 8 ans, depuis 9 ans, n'ayant à peu près plus aucun intérêt au niveau du Québec, qui veuillent s'inscrire sur la liste pour venir influencer le vote au niveau du Québec. Il n'y a pas de statistiques très claires quant au nombre de personnes qui auraient pu se prévaloir... Les meilleures indications, et encore faut-il être très prudent, évoquaient plus ou moins 400 000 personnes qui ont quitté le Québec et qui sont dans le reste du Canada ou à l'étranger depuis 10ans et moins.

Si 400 000 personnes votaient demain dans un référendum québécois où il y a plus ou moins 4 000 000 d'électeurs, ça signifierait plus ou moins 10 % du vote, et je ne suis pas pleinement convaincu que ces gens-là pourraient décemment répondre à une question qui les rende éligibles au registre des électeurs, à savoir: Est-ce que vous avez l'intention de revenir au Québec? Et la seule réponse «oui» vous permettrait de vous enregistrer et, par le fait même, de voter.

M. le Président, ce que nous avons décidé, c'est qu'en le ramenant à 2 ans nous maintenons un principe important d'individus qui, pour toutes sortes de raisons, vont servir notre pays à l'étranger sur des bases militaires. Quelqu'un qui décide demain matin d'aller faire un doctorat en France, en Allemagne, aux États-Unis, dans le reste du Canada et qui quitte avec une intention manifeste de revenir au Québec et de participer à la vie très active du Québec, celui-là, donc moins de 2 ans, on lui donne le droit de vote. Si on regarde les proportions, c'est plus ou moins 70 000, 80 000 personnes qui pourraient potentiellement se déclarer intéressées et être sur le registre et, éventuellement, avoir droit de vote. 11 y a donc à ce moment-ci une harmonisation de la loi référendaire à la loi électorale dans des conditions qui sont acceptables et normales pour notre société.

Également, M. le Président, la période référendaire qui est actuellement, de toute évidence, à mon point de vue, trop longue est réduite sensiblement. En effet, en se référant à l'expérience

de 1980 et en conformité avec les dispositions actuelles de la Loi sur la consultation populaire, la période référendaire, c'est-à-dire à partir du dépôt de la question jusqu'au jour du scrutin, peut durer 84 jours. M. le Président, c'est trois mois. Certains délais seront donc réduits afin de faire en sorte que cette période référendaire soit d'une durée minimale de 47 jours, allégeant ainsi le processus référendaire.

Il faut aussi préciser que le temps alloué aux débats sur la question demeure le même, c'est-à-dire 35 heures. Il est clair, à mon point de vue, que 83 jours, pour des débats aussi fondamentaux, pour des débats aussi importants qui interpellent... Et Dieu sait qu'on a encore frais à la mémoire les échanges de 1980 qui ont divisé des familles, qui ont interpellé des gens au niveau de la raison, au niveau du coeur et qui ont fait qu'il y a eu des blessures profondes dans un certain nombre de familles à travers le Québec. Il nous faut tenter, autant que possible, de faire en sorte que nous soyons toujours dans un régime démocratique où les gens peuvent s'exprimer, mais dans une période qui est davantage convenable. Dans la mesure où nous aurions, par exemple, un référendum le 26 octobre, tenu le 26 octobre, nous pourrions discuter de la question, à l'Assemblée nationale, le 9 septembre. Il est clair et bien évident que le mois d'août sera consacré à des échanges concernant le référendum et que, pendant cette période aussi qu'on peut appeler «prépréréfendaire», il y aura des échanges; les gens pourront discuter, échanger, puisque nous serons dans une situation où, éventuellement, le gouvernement fédéral aura ou n'aura pas fait d'offres au Québec. En ce sens-là, la période est définitivement raccourcie. Il y a des économies quant à raccourcir cette période et il y a aussi tout le temps qu'il faut pour que les gens puissent très clairement s'exprimer partout à travers le Québec et que le choix soit, autant que possible, clair.

Il est également prévu qu'une nouvelle carte électorale - parce que, semble-t-il que c'est dans l'air - sera même déposée demain à cette Assemblée. Donc, cette carte électorale ne pourrait être mise en vigueur à l'occasion de la tenue d'un éventuel référendum ou d'un référendum éventuel. Cette précision exclut donc le risque de ne pas disposer de toutes les informations et de tout le matériel nécessaire à la tenue du recensement pour une telle consultation. La même considération d'actualisation prévaut pour les montants maximums des dépenses admissibles et des sommes que peut transférer un parti politique à un comité national. (20 h 30)

Notons qu'il sera possible pour un même électeur de contribuer pour une somme maximale de 3000 $ à chacun des comités nationaux. La disposition actuelle limite à 3000 $ la somme pouvant être contribuée à l'ensemble des fonds du référendum. Ainsi, le financement concernant le référendum sera le même que le financement d'une élection ou la contribution qu'on peut donner à un parti politique. Cette nouvelle disposition s'harmonise donc avec les modifications apportées à la Loi électorale en 1989. Enfin, tous les amendements proposés à la Loi électorale, lorsque ceux-ci sont applicables, sont transposés dans l'appendice 2 de la Loi sur la consultation populaire.

M. le Président, j'exprimais dès le début de mon intervention ma fierté quant à la démarche empruntée pour en arriver à la rédaction du présent projet de loi 36. Je tiens donc à préciser que les amendements proposés à la Loi électorale sont le résultat d'un consensus exprimé par les partis politiques représentés à l'Assemblée nationale. Dès le début du processus, il a été possible d'identifier les amendements souhaitables suite à une mise en commun de propositions destinées à améliorer la Loi électorale.

À ce titre, deux groupes de travail composés de parlementaires, de représentants des partis politiques ainsi que de certains membres du personnel du Directeur général des élections furent formés afin de proposer et d'analyser des amendements possibles à la Loi électorale, un premier groupe devant analyser les dispositions concernant le scrutin, et le second les aspects relatifs au financement. De ces deux groupes de travail se sont dégagés des consensus qui sont à l'origine des propositions contenues dans le projet de loi. Par la suite, le comité consultatif a tenu une réunion afin de donner son avis sur les derniers amendements proposés. Ce comité consultatif, rappelons-le, est institué par la Loi électorale et se compose de parlementaires. Le Directeur général des élections en assure la présidence. Ces échanges se sont donc effectués dans un climat de respect mutuel, guidés par un objectif commun, celui de la primauté de l'électeur et des lois démocratiques.

Je veux remercier très sincèrement tous les parlementaires, le député de Joliette, le député de Jonquière, mon collègue de Taschereau, de leur travail, de leur assiduité quant à ces travaux, et remercier de manière particulière le Directeur général des élections et son équipe, qui nous ont prêté main forte de même que le Secrétariat à la réforme électorale.

En terminant, je me permets d'exprimer le souhait que les amendements proposés par le projet de loi 36 fassent en sorte que les deux lois qu'ils modifient continuent de traduire le plus fidèlement possible les aspirations et les besoins des électeurs. J'invite donc, M. le Président, les membres de cette Assemblée à voter unanimement les règles qui nous régiront pour les prochaines élections et pour le prochain référendum. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le ministre délégué à la Réforme électorale, et je reconnais maintenant M. le

leader de l'Opposition officielle et député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, tout d'abord je distinguerai dans mon allocution les deux types de modifications qui sont apportées par le projet de loi 36, parce qu'il s'agit de deux domaines qui, bien qu'apparentés, sont de nature assez différente, tant sur le plan du contenu que sur la méthode de travail pour en arriver à leur insertion dans le projet de loi.

Tout d'abord, M. le Président, il y a celles qui concernent la Loi électorale proprement dite. Ces modifications qui touchent diverses facettes de la Loi électorale sur les plans du financement et de l'organisation font suite aux travaux du comité consultatif sur la Loi électorale qui, lui, tire son existence des articles 514 et suivants de la Loi électorale. Ce comité regroupe des représentants, comme le disait le ministre, de tous les partis représentés à l'Assemblée nationale et procède par consensus sur le type de modifications que les partis politiques désirent voir être présentées par le gouvernement à l'Assemblée nationale. Les modifications contenues dans le projet de loi 36 font effectivement suite à des consensus obtenus lors des discussions du comité et qui ont été entérinés subséquemment par le Conseil des ministres. J'y reviendrai, d'ailleurs, à la fin de mon exposé.

Deuxièmement, M. le Président, il y a des modifications, cependant, qui sont apportées à la Loi sur la consultation populaire. Malheureusement, et ce, contrairement à ce qui s'est produit dans la Loi électorale, le gouvernement n'a pas choisi de rechercher un quelconque consensus au niveau des partis politiques, et nous n'avons pu prendre connaissance des décisions gouvernementales que lors du dépôt du projet de loi, à savoir le 14 mai dernier.

Évidemment, le comité consultatif n'a pas, techniquement, autorité sur la Loi sur la consultation populaire. Mais, tout de même, un gouvernement qui veut consulter et rechercher un consensus en ces matières peut convoquer toutes les réunions qu'il veut, et nous nous serions fait un devoir, j'en suis convaincu, d'y participer pour tenter de trouver des terrains communs d'entente. Cependant, M. le Président, le ministre, sans doute, comprendra jusqu'à quel point les propositions d'amendement apportées à la Loi sur la consultation populaire nous préoccupent grandement, au-delà du fait qu'elles font sans doute partie, pour le gouvernement actuel, de son plan de stratégie constitutionnelle.

Mais examinons d'abord ces amendements sur les consultations populaires. Tout d'abord, le scrutin référendaire aura lieu le cinquième lundi qui suit le jour de la prise du décret. Qu'est-ce que ça veut dire, ça, M. le Président? Ça veut dire, à toutes fins pratiques, que la période référendaire proprement dite ne pourrait durer que 29 jours, contrairement à 8 semaines, comme c'est le cas présentement dans la Loi sur la consultation populaire. Je vous avoue que c'est toute une différence. Et même si, entre vous et moi, on a trouvé la période référendaire de 1980 un peu longue, je pense qu'il y aurait eu place à discussion entre 29 jours et 8 semaines.

Deuxièmement, je pense qu'il faudra combiner cela avec le fait d'un nouvel échéancier puisque, si j'ai bien compris la loi qui est sur la table au niveau de la consultation populaire, il y aura 18 jours pour étudier la question. Et, dans ces 18 jours-là, on fera naturellement le recensement. Et à partir de l'émission du décret, là, c'est 29 jours pour la période référendaire proprement dite, la période active. Ce qui m'apparaît très court comme délai, dans cela, c'est la période où on choisit de se brancher dans un camp ou dans un autre. C'est relativement court.

Il y a également quelques pouvoirs qui m'apparaissent un peu utopiques ou dangereux, en tout cas, au niveau de cette loi, parce qu'on semble déterminer d'avance que les partis seraient dans des camps différents: en disant que le premier ministre et le chef de l'Opposition, par exemple, choisissent les scrutateurs; en disant, par exemple, que les greffiers, au niveau des tables de vote sur le référendum, sont choisis sur recommandation de l'un et de l'autre. Il est possible encore... Je ne suis pas encore devin, mais il pourrait être possible qu'il y ait un seul parapluie, un seul comité-parapluie. Vous allez me dire: II y a Equality, j'en parlerai tantôt. Mais au niveau des deux formations politiques, il est possible encore, je ne le sais pas, moi, à supposer que les offres du fédéral soient complètement nulles et qu'on soit tous d'accord pour se brancher contre ses offres, à supposer que ce soit un référendum sur les offres, donc, il est possible qu'on se trouve, à ce moment-là, dans le même clan, dans le même camp. C'est possible. On ne sait pas.

À ce moment-là, il faudra au moins discuter, sur le plan juridique, article par article, ce qu'on fait dans un tel cas. Est-ce qu'on laisserait, par exemple, à un ou deux individus dans le Parlement le soin d'enclencher tout un processus de comités-parapluies? Je ne le sais pas, d'autant plus que j'ai l'impression qu'il pourrait y en avoir quatre, ils sont quatre. Si on se fie sur la réaction par rapport à la loi référendaire canadienne, je pense qu'ils seraient 3000 membres et ils auraient chacun un comité-parapluie. Il ne faut pas sombrer dans le ridicule dans une telle loi. Je ne pense pas que ce soit l'esprit, mais je pense qu'à l'étude il y a quelque chose là à resserrer au niveau de la législation comme telle. (20 h 40)

Donc, une période raccourcie, en soi, ce

n'est pas dramatique, parce qu'on avait parlé, effectivement, d'un délai passablement trop long, mais il faudra regarder concrètement comment on agence les péripéties ou les périodes ou les actions spécifiques. Est-ce qu'on peut présumer, par exemple, que la période de 35 heures de discours ferme sur la question peut être terminée dans les délais? Il faudrait regarder parce qu'on sait qu'au Parlement on a tellement d'imprévus. Il peut arriver, en motion, un débat d'urgence. Il peut arriver un événement qui nous oblige à suspendre les règles et à passer une loi sur un sujet quelconque, une loi spéciale. Il y a une série d'événements qui peuvent arriver, on ne peut pas présumer. Qu'arrive-t-il dans ce temps-là? Est-ce qu'on peut s'ajuster? On le verra au niveau des discussions, en tout cas, au niveau de l'étude article par article. Voilà des questions, en tout cas, qu'on se pose au moment où on se parle.

Quant à la partie traitant du droit de vote des gens de l'extérieur, je comprends que le gouvernement a de beaucoup diminué le délai, de 10 ans à 2 ans. Je ne peux pas affirmer, sans passer pour quelqu'un de non crédible, que ce n'est pas une amélioration, c'est une amélioration certaine. Mais, quant à moi, je vous avoue très honnêtement, et quant à ma formation politique, je me demande ce qu'on fait là, tout cet attirail administratif à maintenir sur pied, et je ne sais pas à quel coût, qui a amené 1043 votes précisément lors du dernier scrutin; 1043 personnes se sont prévalues de ce droit-là, de voter de l'extérieur. Personnellement, je demeure convaincu qu'on aurait pu en arriver très aisément à dire: Que ceux qui sont sur le territoire et qui veulent voter... Quelqu'un qui a quitté le pays, qui a quitté son coin de pays, qui veut se prévaloir d'un droit de voter ou d'influencer... Je suis content de voir que ce n'est pas 10 ans parce que, effectivement, quand on regarde le pourcentage des départs, la majorité pourrait être entre les mains des gens de l'extérieur, ce qui n'a aucun bon sens. Parce que tu peux avoir choisi de quitter le Québec, pour toutes sortes de raisons très personnelles, et c'est toi qui as le sort du Québec dans les mains alors que tu as décidé de quitter il y a 10 ans, il y a 9 ans, il y a 8 ans, il y a 7 ans. Je pense que la notion de temps de 2 ans, encadrée un tant soit peu... En tout cas, j'ai l'intention, probablement, de présenter quelques amendements pour bien signifier que, si c'est un Québécois qui a quitté le Québec temporairement, qui a quitté, par exemple, parce qu'il est soldat québécois dans l'armée canadienne et qu'il voudrait s'en prévaloir, c'est différent de quelqu'un qui a quitté le Québec parce qu'il avait la trouille, parce qu'il trouvait que ça ne parlait pas assez français, parce qu'il était en fusil contre l'affichage. C'est des raisons différentes, ça.

Un référendum sur l'avenir constitutionnel du Québec, ça se décide par des Québécois. Que l'on soit d'accord ou pas d'accord entre nous, ça se décide par quelqu'un qui veut vivre au Québec, qui veut continuer de vivre au Québec et qui veut influencer la vie du Québec, mais pas par quelqu'un qui a choisi un autre pays parce qu'il ne veut plus du Québec. Ça, je pense qu'on s'entend là-dessus. C'est pour ça que, dans ce sens-là, je trouve que c'est une amélioration, mais qu'il faudrait peut-être baliser ce délai-là par quelques amendements, si c'est possible de le faire. Donc, M. le Président, sur cette partie-là, je pense que nous discuterons positivement en y apportant des amendements, en suggérant des amendements et en souhaitant que ça soit vraiment pris au sérieux.

Quant à la partie du délai comme tel, quant au délai de 90 jours, somme toute, qui était compris antérieurement, je pense qu'en précisant certaines balises quant aux étapes il y a moyen de discuter très sérieusement.

J'en arrive, M. le Président, au fait qu'au Québec, depuis quelques années en particulier, il y a des spécialistes, en cette Chambre et en dehors de cette Chambre, pour qui les chartes des droits et libertés deviennent à peu près le seul argument qu'ils ont sur tout. M. le Président, moi, je veux bien qu'on se serve de la Charte des droits et libertés de la personne, surtout des droits individuels, j'en suis également, mais, M. le Président, dans une société organisée, dans une société structurée, il y a aussi des droits collectifs. Sinon, on n'a pas besoin de structures, de démocratie, si les droits individuels seuls existent et priment sur tout.

Et, M. le Président, moi, j'étais en furie, c'est vrai, contre un argument comme celui qui a été servi par le député de D'Arcy-McGee qui, avant même de faire la discussion ici, en cette Chambre, qui, avant même de se lever ici sur le principe de cette loi, choisit, avec Me Julius Grey, de faire la bataille sur cette loi devant les tribunaux, au moment où on ne l'a même pas discutée en cette Chambre. Moi, ça m'apparaît abusif, là. C'est du charriage, ça, M. le Président, de faire en sorte qu'avant même qu'un Parlement... librement, démocratiquement, qu'on se lève, qu'on dise ce qu'on pense sur une loi, on nous menace déjà, et de façon non élégante, comme l'a dit le président de l'Assemblée, M. le Président, on essaie d'intimider les parlementaires en disant: Si vous ne vous rendez pas à tel point, à tel autre point, je m'excuse, je serai devant les tribunaux et, pour vous prouver que je suis très sérieux, je suis déjà devant les tribunaux.

M. le Président, moi, je ne l'accepte pas. Démocratiquement, je pourrais me faire battre sur mes motions, mais j'ai l'opportunité, au niveau de ce projet de loi là, de faire valoir mon point de vue, de faire valoir le point de vue de notre formation politique, de soutenir, de façon rationnelle les allégations que nous allons faire, de soutenir les amendements que nous allons

faire, M. le Président, sans menacer un Parlement, avant même qu'il n'ait eu l'occasion de se prononcer sur le principe d'une loi, de poursuite devant les tribunaux.

Non, je ne l'ai pas pris, et c'est dans cet esprit-là que j'ai déposé la motion de privilège que la présidence a jugée insatisfaisante, et c'est son droit; je ne conteste pas la décision du président. Je suis d'ailleurs très heureux de voir que la présidence considère, tout comme moi, que c'est inapproprié pour un parlementaire, ce n'est même pas élégant pour un parlementaire de menacer de poursuite devant les tribunaux avant même que le débat parlementaire ait eu lieu, avant même qu'on se soit prononcé sur le principe de la loi, avant même qu'on ait étudié, article par article, ledit projet de loi en commission parlementaire. Ça va de soi, ça, pour quelqu'un, qui ne se promène pas comme un matelot en goguette. Ça n'a pas l'air d'être le cas du député de D'Arcy-McGee, M. le Président. J'aurais aimé qu'il soit en cette Chambre et j'aurais dit, avec encore plus de force, ce que je viens de dire, M. le Président. Je considère qu'un parlementaire doit d'abord livrer la bataille là où ça doit se faire, c'est-à-dire en Chambre, dans les instances que nous fournit le Parlement pour pouvoir débattre notre point de vue, débattre nos idées, essayer de convaincre les gens qui sont dans cette Chambre de notre point de vue, si on y croit fondamentalement.

Donc, M. le Président, il va de soi que je n'accepte pas la position du député de D'Arcy-McGee et de son équipe parlementaire. Pour eux, il pourrait exister 100, 200 comités-parapluies. L'argent que l'on prévoit ici, au Québec, soit dit en passant, dans cette Loi sur la consultation populaire, c'est pour donner démocratiquement chances égales aux belligérants, s'il y a belligérants. Ça, c'est un principe fondamental en démocratie, M. le Président. Ce n'est pas ce qu'on lit dans le projet de loi fédéral présentement. Et, au fédéral, M. le Président, c'est une première. Il n'y en avait pas, de Loi sur la consultation populaire. La première loi qu'ils votent là-bas, M. le Président, dans ce Parlement canadien, ne permet pas des chances égales aux groupes, aux belligérants, aux opposants au niveau des idées. Si bien qu'il y a des groupes qui n'auront pas un sou, M. le Président, pour défendre leurs idées, et ceux qui partageront les mêmes idées, eux autres, vont en avoir à la tonne. Ça, c'est anormal en démocratie, M. le Président, et ça se passe présentement dans le gouvernement canadien.

J'étais heureux, personnellement, d'entendre le ministre délégué à la Réforme électorale dire: C'est une des lois, ici, au Québec, qui est bien vue à travers le monde. Et on fait appel au Québec à travers le monde, présentement, M. le Président, pour qu'on aille leur expliquer notre vision du découpage électoral que l'on fait ici, la Loi sur la consultation populaire, notre Loi électorale. On a de l'influence à travers le monde, M. le Président. Des pays qui aspirent à leur démocratie font appel au Directeur général des élections, ici, au Québec, et on le prête; et on va même mettre ça dans la loi. Et, positivement, les deux partis ont adhéré à cela, unanimement. (20 h 50)

M. le Président, le pays dans lequel on est de par la Fédération canadienne ne tient pas compte des bienfaits de la loi québécoise. Il nous imposera une Loi sur la consulation populaire, M. le Président, sans qu'il y ait des chances égales aux idées différentes. C'est ça, le Canada démocratique, M. le Président? C'est ça, la démocratie de M. Mulroney? C'est ça, la chance à la démocratie de s'exprimer correctement et équitablement, M. le Président?

M. Mulroney a dégringolé dans la tête de plusieurs Québécois, y compris des non-souverainistes. En démocratie quand on octroie la capacité de faire, on doit le faire pour tout le monde, tout le monde, M. le Président. Il y a des formations politiques au fédéral qui n'auront pas un sou pour faire valoir leurs idées, parce que M. Mulroney n'est pas d'accord avec leurs idées. C'est une drôle de conception de la démocratie. Il pourrait être aussi bien président d'une république de bananes de la manière dont il se comporte présentement, et il serait jugé à juste titre comme se comportant exactement comme un président de république de bananes. Dans les régimes démocratiques on accepte qu'il y ait de l'opposition. Dans un régime démocratique on accepte de donner les moyens financiers aux opposants pour qu'il y ait des chances égales de faire valoir des idées. Ce n'est pas cela que l'on retrouve, M. le Président, dans la Loi sur la consultation populaire à Ottawa.

Je comprends que le groupe Equality s'apparente beaucoup plus à ça, je le comprends. Je comprends, M. le Président, mais ils vont arrêter, par exemple, en cette Chambre de nous dire continuellement que les lois démocratiques leur donnent droit à tout. Une société organisée doit respecter les droits individuels, mais doit réclamer également des droits collectifs, sinon les libertés individuelles poussées à outrance conduisent carrément à l'anarchie, si on ne veut pas une société structurée et organisée. Il faut faire attention à ce qu'on fait. Il faut faire attention à ce qu'on dit, sinon on s'en va où dans une société non structurée, non organisée où les principes de base d'équité dans la démocratie ne sont pas respectés?

Je dis à M. le député de D'Arcy-McGee par votre intermédiaire, M. le Président, qu'on n'est pas dans une cour d'école ici, on est dans un Parlement. On n'est pas sur un bateau, habillé en matelot en goguette, on est dans un Parlement. Dans un Parlement, les droits collectifs d'une société, ça doit se respecter, tout en ayant comme base, bien sûr, une charte des droits et

libertés individuelles. Ça, ça se fait dans une société dite démocratique, dite organisée. Non seulement, c'est inélégant ce que vous avez donné comme version à la présidence, mais à mon point de vue, c'est même irresponsable, voire même indigne d'un parlementarisme, indigne d'un parlementaire qui a à faire la joute - et je l'appelle de même - à débattre des idées, à convaincre. Par la suite, si nos convictions personnelles, après une bonne bataille en cette Chambre, nous conduisent à dire qu'on n'est pas d'accord et que certains droits sont affectés, là, il reste des tribunaux supérieurs dans le domaine de la justice pour interpréter les décisions ici, mais pas avant, par une forme de chantage éhonté, en essayant de brimer les droits des parlementaires de s'exprimer.

Donc, M. le Président, nous allons collaborer à la discussion très sérieusement sur la Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire. Nous allons proposer des amendements. Nous allons faire en sorte de bonifier ce projet de loi. Quant aux amendements de la Loi électorale, comme le disait la ministre délégué à la Réforme électorale, nous avons procédé par consensus au niveau de cette loi. Donc, c'est vrai que tous les amendements qu'il y a dans la loi ont fait l'objet de consensus.

J'ai été heureux de constater que, sur ce point, le député de D'Arcy-McGee a abandonné son idée de ne pas rendre publique la divulgation de ceux qui avaient des dons. Il a eu l'air d'abandonner en cours de route. Vous savez que le Parti Égalité avait l'intention de contester le fait de divulguer les dons électoraux qui dépassaient 100 $. Comme nous avons actualisé ces sommes... C'est vrai que ça fait depuis 1978 que ces sommes n'ont pas été touchées. C'est évident que pour faire une élection aujourd'hui avec la même somme qu'en 1978, ce serait assez aberrant. Ce qu'on payait 10 $ en 1978, on le paie 24 $ ou 25 $ présentement. Donc, c'est évident qu'on étouffait toute action politique possible. Ça, je le comprends et on a actualisé non pas à la hausse, on a actualisé normalement les sommes d'argent qui étaient disponibles en 1976 et 1978, on les a actualisées.

Il y a également, je pense, quelques points qu'on pourra clarifier. Il reste quelques points en particulier sur... Je pense, entre autres... pas à la divulgation, mais au remboursement des partis politiques. On sait que les partis ont discuté longuement entre eux. Ce n'est pas tout à fait attaché, ces points-là, mais en commission parlementaire on a l'intention de revenir pour essayer de faire des suggestions. Il est évident que le travail du comité consultatif... Et, pour le bénéfice de la Chambre, il serait intéressant de parler du comité consultatif en matière électorale. Les gens pensent, parce qu'on est de formations politiques différentes, qu'on fait des deal, qu'on «gamique» des choses ou, encore, que ça s'est passé... Ce sont des discussions très longues qui ont eu lieu depuis des mois et des mois, pour ne pas dire des années, M. le Président, entre nos spécialistes à nous autres et entre parlementaires. Il n'y a pas, dans ça, une seule exagération, que je sache. Au contraire, je le disais tantôt, quand on normalisait, qu'on harmonisait ou qu'on actualisait les sommes, on l'a fait à la baisse partout.

Par exemple, le maximum permissible dans une campagne de financement, c'était 3000 $. On a dit - ça a évolué, ça - non. On est resté à 3000 $. On a dit: On ne dépasse pas ça. 3000 $, c'est une somme assez importante qu'on n'est pas pour mettre ça à 5000 $, même si l'actualisation nous aurait permis 5000 $. On a dit: Non, on bloque ça à 3000 $, c'était 3000 $. On ne l'a pas changé. Puis, pas de façon partisane, à partir de principes qu'on avait sur le contrôle des dépenses individuelles. On a dit: Les 100 $ pourraient être divulgués. Ils vaudraient quelque 200 $ ou 310 $. On a dit: Non, on arrête à 200 $. C'est déjà un bond assez important dans l'actualisation, mais rendons-nous pas à plus parce que c'est 280 $ pour le remboursement. On n'est pas pour mettre plus que le remboursement. Ça été des questions de principe aussi fondamentaux que ça qui ont prévalu, M. le Président, et je pense que, moi aussi, je voudrais remercier un bonhomme comme Francis Dufour du comté de Jonquière, le député de Taschereau, le ministre, et nos techniciens qui ont travaillé avec nous, les gens de notre parti, où on a assisté à des discussions à la fois de principe, à la fois de «raisonnabilité», si vous me permettez l'expression. On n'a pas rêvé en couleur là-dessus et on n'a pas cherché à dire: On serait mûr pour ça. Si on avait été mûr pour se lâcher, c'eût été facile après quelque chose comme 14 ou 15 ans sans toucher une loi. Mais, au contraire, je pense qu'on a voulu, de façon raisonnable, garder les limites, mais tout en rendant cela au moins potable et acceptable dans les circonstances. Et ça, M. le Président, il faut le dire quand les choses se passent de cette façon-là, sans charriage.

M. le Président, il y aura également un mandat de la part du ministre. Je crois avoir compris que, bientôt, il déposera une motion en cette Chambre donnant un mandat spécifique au président des élections quant à la carte de l'électeur. On sait que ça arrive quelquefois qu'il y a des morts qui votent, qu'il y a certains télégraphes qui se passent dans les villes en particulier. Moi, personnellement, je vous dirai qu'on est d'accord pour qu'on se penche très sérieusement sur la carte d'électeur parce que, en 1982, le ministre actuel se rappellera - en 1982, je crois qu'il était de l'Opposition; il était recherchiste, M. le Président. Il conseillait probablement l'Opposition. Mais, en 1982, lorsque nous avions amené ce sujet sur la table, ça a été une levée de boucliers et les libéraux étaient ici à la place que j'occupe. (21 heures)

Mais, M. le Président, les idées ont mûri. Je pense qu'au lieu de faire des recensements à tout moment on s'en irait vers une liste permanente avec une carte d'électeur. Je pense que, tôt ou tard, ces idées-là doivent faire leur chemin. Rappelez-vous quand on a parlé de la carte santé il y a quelques années, il y avait eu une levée de boucliers. Je me rappelle, toutes les ligues qui bougeaient disaient: Ça n'a pas d'allure! Mais les citoyens qui sont dans les ligues, ils paient pour les 300 000 ou 400 000 cartes santé. Puis, c'est la même chose au niveau de... Plus on grossit, qu'on a une pluralité de citoyens, comme c'est le cas à Montréal, plus ça devient important d'accorder le bon droit de vote, mais au bon individu. Je pense qu'il faut se pencher sur ces choses-là. Puis, la carte permanente! Il y a des gens de Montréal qui sont venus nous dire - puis ça doit être la même chose du côté du gouvernement - Mais les gens ne sont pas inscrits! Bien oui, ils ne sont pas inscrits. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas les inscrire. On se promène de balcon en balcon puis de perron en perron. Puis il faut monter des étages et des étages. Puis, après huit fois, il n'y a personne là. Quelqu'un qui sait qu'il a un droit de vote dans un pays, il pourra s'inscrire, puis son inscription sera permanente. Ce qu'il pourra modifier, c'est son déménagement. Et, ça, ça pourrait être intéressant.

Moi, en tout cas, personnellement, M. le Président, j'ose espérer que ce mandat-là ne sera pas un mandat de principe pour donner un rapport éventuel qui dormira sur les tablettes. Je pense qu'il faut s'y pencher très sérieusement dans la conjoncture actuelle, puis donner un mandat qui va déboucher sur quelque chose de concret, quelque chose de positif dans notre régime démocratique. Autant on sent le besoin, sur le plan budgétaire, de contrôler les différents actes posés par des corps médicaux pour la réception de services, par exemple, en santé, autant je pense qu'aussi, sur le plan démocratique, il faut avoir à coeur d'avoir un vote représentatif réel et qui corresponde à la réalité.

Donc, M. le Président, en un mot, si je me résume, le projet de loi a fait l'objet de consensus, oui, des deux partis politiques dans cette Chambre au niveau de la réforme électorale, au niveau de la Loi sur la consultation populaire. Parce que, dans le projet de loi, il faut bien distinguer deux parties. Il y a une partie qui amende la Loi électorale, qui a fait l'objet d'un consensus, et il y a une partie qui amende la Loi sur la consultation populaire. Et en ce qui regarde la Loi sur la consultation populaire, ça n'a pas fait l'objet de discussions parce qu'on n'est pas assujettis, en vertu de cette loi, à un comité consultatif, comme c'est le cas pour la Loi électorale.

Mais j'ose espérer qu'en commission parlementaire nous pourrons faire en sorte que ces deux lois qui sont quand même une assise de notre démocratie, assise de notre démocratie, M. le Président, qui, soit dit en passant, fait la fierté du Québec... Je parlais tantôt du fait que le DGE est souvent appelé à parler à l'extérieur, dans des pays, pour la tenue de votes. Il est consulté par les Nations unies. Il est consulté par beaucoup d'organisations internationales. On va l'officialiser, le pouvoir, dedans. M. le Président, si on est capable d'exporter notre talent, comme c'est le cas présentement, et de le concrétiser par législation sur les règles démocratiques, ça confirme davantage que les leçons de démocratie que l'on tente de faire au Québec sont très injustifiées, parce que le Québec est, de loin, un des coins de pays les plus avant-gardistes quant aux règles minimales de la démocratie, M. le Président. Et ceux qui sont dans ce Parlement devraient se le tenir pour dit parce que, entre vous et moi, c'est souvent quelques hurluberlus de l'intérieur qui considèrent qu'au Québec on attaque les droits les plus fondamentaux de la démocratie. Qu'ils aillent donc vivre dans certains pays qui font appel au Québec précisément parce que c'est au Québec qu'on a les règles de financement, les règles de comportement, les règles de fonctionnement qui sont la base même de la démocratie, démocratie qui est enviée, démocratie que l'on cherche à connaître. Si bien qu'on votera une loi, dans quelques heures, démontrant que le Québec a une expertise tellement forte qu'on peut maintenant exporter ces connaissances-là à travers le monde.

Donc, au Parti Égalité, un petit message. Ils devraient comprendre ça, M. le Président, que c'est le Québec qui est à l'avant-garde et que le pays même auquel ils tiennent comme à la prunelle de leurs yeux n'est même pas capable, dans sa propre loi sur les consultations populaires, d'accorder ce minimum de démocratie que l'on donne au Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition officielle. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 36, Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire. Et je reconnais M. l'adjoint parlementaire du ministre de l'Industrie et du Commerce et député de Taschereau. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis heureux d'intervenir sur le projet de loi 36, Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire. M. le Président, je vous signale dès le départ que je serai très bref. Le ministre délégué à la Réforme électorale et le leader de l'Opposition nous ont brossé un tableau très clair et très net des tenants et des aboutissants de la loi que nous étudions ce soir. Ce

qu'il est important de réitérer à cette Chambre et à la population, c'est le consensus qui a été recherché depuis le début par le gouvernement et par le ministre. Je sais combien le ministre a mis d'effort, combien le ministre a mis d'heures de consultation et de discussion avec l'Opposition pour en arriver à une unanimité et à un consensus quasi complet sur les dispositions législatives que nous étudions ce soir.

M. le Président, le leader de l'Opposition en faisait état, le comité consultatif s'est réuni, les experts des deux principaux partis et du Parti Égalité se sont rencontrés pour échanger ensemble sur leurs expériences des dernières élections, sur les bonifications que proposait chacun des partis. Oui, M. le Président, c'est comme ça que ça se passe lorsqu'on étudie la Loi électorale. Les experts des différents partis, que ce soient les experts juridiques, les experts financiers, les experts en organisation des différents partis, se rencontrent pour échanger ensemble sur des bonifications à apporter à la Loi électorale, ce qui permet ensuite aux élus de prendre un certain nombre de décisions et de proposer à cette Chambre des dispositions législatives, et c'est celles que nous retrouvons dans le projet de loi 36 que nous étudions.

Donc, c'est important de faire savoir à la population comment ce genre de loi... Il faut bien l'admettre, sur le fond, c'est une loi bien spéciale, puisqu'elle régit la façon qui nous permettra de nous faire réélire, ou qui permettra à nos formations politiques de former le prochain gouvernement. Ce sont donc des lois très sérieuses, très importantes pour notre système démocratique, et ce sont des lois qui incitent tous les parlementaires à des consensus, à une certaine unanimité.

M. le Président, vous me permettrez d'appuyer un certain nombre de changements importants. D'abord, la loi que nous étudions modifie la Loi électorale actuelle afin de fixer à 2 ans le délai d'absence du Québec pendant lequel un électeur conserve le droit de voter lors d'une élection. M. le Président, on se rappellera, à la dernière élection, on avait permis à des gens qui avaient quitté le Québec depuis 10 ans de voter - le leader de l'Opposition en faisait état - et, somme toute, un petit nombre d'ex-Québécois ou de Québécois temporairement à l'extérieur se sont prévalus de ce droit.

Première résultante: un coût pour notre société, pour notre système électoral relativement dispendieux, compte tenu de l'usage et de l'exercice qu'on en a fait. Deuxième constatation: Compte tenu du peu d'usage qui a été fait, on peut remettre en question l'intérêt qu'ont des gens qui ont quitté le Québec depuis longtemps de participer au processus démocratique québécois. Ce n'est pas nous qui en avons fait la preuve, ce sont eux-mêmes, puisqu'ils ont voté en très petit nombre. (21 h 10)

Évidemment, le leader de l'Opposition y allait encore plus largement, en disant qu'il fallait complètement remettre cela en question et peut-être même aller jusqu'à l'abolir. Evidemment, sur le plan financier, ce serait la solution la plus simple, la plus facile. Par contre, il faut comprendre qu'un certain nombre de Québécois, et c'est ce qui explique la nouvelle balise de 2 ans, sont manifestement hors du Québec pour peu de temps, et pour des raisons relativement indépendantes de leur volonté. Par exemple, un soldat de l'armée canadienne; exemple: un ingénieur de Bell Canada qui est appelé à se déplacer à l'étranger pour des contrats d'un certain nombre de mois, voire d'un certain nombre d'années. On a tout lieu de croire que ces gens-là, non seulement veulent-ils revenir au Québec dès leur affectation terminée, mais on a tout lieu de penser qu'ils se considèrent encore tout à fait Québécois et qu'ils ont l'intention et l'intérêt de participer au processus démocratique.

Par conséquent, c'est ce qui explique la nouvelle balise de deux ans qui permettra à des Québécois qui ont quitté le Québec depuis moins de deux ans de participer, tant au processus électoral qu'au processus référendaire. Donc, nous avons là une diminution quant au coût, puisqu'un moins grand nombre de personnes seront éligibles et, deuxièmement, un respect de la logique fondamentale de notre système électoral, qui fait en sorte que seuls les gens vraiment intéressés à revenir au Québec et intéressés à ce qui se passe politiquement au Québec auront dorénavant le droit de vote.

Le projet de loi actualise également les montants prévus par la loi, tant au chapitre du financement des partis politiques qu'à celui des dépenses électorales, sauf le montant maximum des contributions d'un électeur. Ce qui veut dire, M. le Président - et ça concerne, j'en conviens, un fort petit nombre de nos concitoyennes et de nos concitoyens - que la limite actuelle qui prévaut, depuis 1978, la limite de 3000 $ des contributions que les individus peuvent faire à un parti politique demeure à 3000 $. Il s'agit donc là d'un renforcement du caractère éminemment démocratique du financement des partis politiques, où l'on veut que le plus grand nombre de Québécois contribue aux partis politiques à des montants les moins significatifs possible pour ces mêmes partis politiques. On veut donc le plus grand nombre possible de donateurs, avec des moyennes de dons qui sont les plus faibles possible. Donc, c'est ainsi que les partis politiques seront le plus financés de façon démocratique.

Donc, les trois partis politiques de cette Chambre ont décidé de ne pas toucher à ce plafond-là qui est en force depuis 1978. Par contre - et on en a fait état tout à l'heure - les dépenses électorales seront actualisées, de même que le financement des partis politiques qui provient de sources gouvernementales. Tous

ceux qui, de près ou de loin, se sont un petit peu occupés d'élections, dans le passé, savent très bien qu'un très grand nombre de coûts reliés aux élections, au processus électoral ont augmenté significativement depuis 1978. Que l'on pense au coût de location d'un local. Dans bien des comtés, c'est non seulement un local, mais souvent, plusieurs locaux qu'il faut louer lorsque le comté est très étendu. Que l'on pense également au service téléphonique. Comment peut-on imaginer, en 1992, faire une élection sans un bon système téléphonique? Et on sait tous, ici en cette Chambre et dans la population, que ces coûts-là ont immensément augmenté depuis 1978.

Il était donc normal que le législateur prévoie, dans le respect de l'esprit de la loi 78, une actualisation des montants pour faire en sorte que, bien qu'il n'y ait pas d'exagération dans les dépenses électorales des partis, que l'on puisse minimalement avoir accès aux fonds nécessaires pour faire une élection qui se tient debout et pour faire connaître à ses électeurs sa position.

M. le Président, voilà donc une actualisation des montants qui est tout à fait logique et défendable. Évidemment, également à l'article 14, je vous fais grâce des textes plus législatifs, nous allons dorénavant commencer à rendre publics les donateurs à partir de 200 $ plutôt qu'à 100 $. Il m'apparaît ici que nous retrouvons une disposition fort intéressante. Le but de notre loi sur le financement populaire des partis politiques était de faire en sorte d'encourager le plus grand nombre d'électeurs et d'électrices à souscrire, tout en faisant en sorte que ceux qui donnaient des montants plus substantiels, que l'on avait chiffrés, à ce moment-là, pour des raisons que l'on peut deviner, à peu près à 100 $, on avait dit: Favorisons le plus grand nombre de donateurs, mais au-delà de 100 $, nous allons publier leur nom, de sorte que ce soit connu, que ce soit au vu et au su de tout le monde que M. X ou Mme Y a donné plus de 100 $ à tel parti ou à tel autre parti. Évidemment, les 100 $ de 1978 ne valent plus, maintenant, que 50 $, si on remet ça en dollars de 1978. Par conséquent, je crois qu'il était normal d'ajuster, d'indexer ce montant-là pour faire en sorte que le Directeur général des élections n'ait pas, chaque année, à publier des briques ça d'épaisses, qui coûtent très cher aux contribuables, mais, également, pour respecter une certaine quiétude des petits donateurs qui veulent être en mesure de contribuer à un parti politique ou à un autre ou parfois aux deux, comme vous le savez, M. le Président, sans que tout le monde dans leur rue le sache. Par conséquent, ça m'apparaît là une modification tout à fait logique et tout à fait plausible, qui fait en sorte d'actualiser la loi de 1978.

M. le Président, il a été question de la part du leader de l'Opposition de la longueur de la période référendaire. Il y a peut-être là où l'Opposition est un petit peu moins d'accord avec le gouvernement. Une chose est certaine, pour tous ceux et toutes celles, ici, qui ont pris le soin d'en discuter avec leurs électeurs et tous ceux et toutes celles qui ont connu la période référendaire de 1980, à un moment donné, trop c'est trop! Tout le monde sait, tout le monde se rappelle que la période référendaire de 1980 a été beaucoup trop longue. Il était normal de faire en sorte de rétrécir un petit peu cette période référendaire. De toute façon, M. le Président, si on avait pris le modèle de 1980, compte tenu de nos dates et de nos échéances à nous, on en serait venu à discuter de la question référendaire en plein mois de juillet. Tout le monde sait qu'au Québec, les Québécois aiment bien, au mois de juillet, qu'on les laisse à leurs activités estivales, qu'on les laisse à leurs vacances. Je pense qu'il n'aurait pas été opportun, compte tenu de la période de l'année, compte tenu de l'expérience de 1980, que les Québécois aient à vivre, à subir, s'il le faut dans certains cas, une période référendaire aussi longue que celle de 1980. C'est ce pourquoi le ministre a jugé bon de modifier à la baisse, quant au nombre de jours, cette période référendaire, tout en s'assurant que nous aurons amplement le temps, comme parlementaires et en cette Chambre et dans la population, de connaître tous les tenants et les aboutissants de la question, bien sûr, de l'enjeu constitutionnel qui sera le but, justement, de cette période référendaire. Par conséquent, je supporte la disposition législative qui fera en sorte de raccourcir un petit peu la période référendaire.

Egalement, le leader de l'Opposition a fait état de ses espoirs quant à un changement dans notre méthode de recensement qui pourrait aller jusqu'à une carte de l'électeur. Oui, M. le Président, il nous faut, comme parlementaires et comme société, se pencher sur ce problème. Tous ceux et toutes celles - il y en a des milliers au Québec - qui participent, sous plusieurs niveaux de gouvernement, à l'élaboration des listes électorales savent quelle tâche ardue c'est de faire un bon travail et comment, d'une élection à l'autre, cette tâche devient toujours plus ardue. M. le Président, il y a des recensements fédéraux, provinciaux, municipaux et tous ceux qui ont prêté leur concours à cette tâche vous diront que, d'une élection à l'autre, ça devient de plus en plus complexe. Pourquoi? Parce que, de plus en plus, les gens sont mobiles, ils déménagent davantage. De plus en plus, dans certains comtés - on n'a eu qu'à vérifier à la dernière élection, le Directeur général des élections a dû passer des annonces dans les journaux pour recruter des recenseurs dans certains comtés, ça ne s'était jamais vu - donc, il y a de moins en moins de Québécoises et de Québécois qui sont prêts à faire ce travail fastidieux. (21 h 20)

On sait très bien, M. le Président, que la base de notre système de recensement était à l'effet qu'une personne dans un ménage pouvait recenser toute la famille. Et ça, c'était très facile lorsque, au Québec, il y avait beaucoup de grosses familles, lorsque les conjoints ne travaillaient pas tous les deux, etc. Mais, de plus en plus, les gens sont difficiles à recenser parce que moins présents à la maison, parce qu'ils travaillent à des horaires variables, parce que les familles sont moins nombreuses. Or, le leader de l'Opposition a raison d'entretenir un certain nombre d'espoirs quant à un changement éventuel de la façon dont les gens seront recensés. Tous parmi nous, on a été témoins de recenseurs qui faisaient plus ou moins bien leur travail, ce qui faisait en sorte que des côtés de rues complets pouvaient parfois manquer sur les listes et ce qui faisait en sorte que nos électeurs concernés étaient, à bon droit, très insatisfaits de la situation et parfois même brimés dans leur droit de vote. Par conséquent, compte tenu que notre système de recensement actuel est souvent influencé par beaucoup de facteurs impondérables, oui, il est logique que nous nous penchions et que le Directeur général des élections se penche sur cette problématique-là pour essayer de voir ensemble comment nous pourrions améliorer le recensement au Québec et faire en sorte que chaque Québécois puisse, en tout temps, lors d'élections, bénéficier de son droit de vote.

Or, M. le Président, cela conclut les observations que je voulais faire sur le projet de loi 36. Ce que l'on peut dire, en conclusion, c'est que notre régime démocratique est constamment en évolution. Il est donc normal que, comme parlementaires, entre deux élections, à tête reposée, nous nous asseyions ensemble afin d'étudier comment nous pourrions, à la lumière de l'expérience de l'élection précédente, améliorer notre Loi électorale pour faire en sorte que notre démocratie se développe au même rythme que la société québécoise, que les Québécoises et les Québécois que nous voulons représenter ici. À plus forte raison, M. le Président, cet exemple tient dans le cas de la loi référendaire. Il faut tenir compte de l'expérience référendaire de 1980 pour améliorer notre loi référendaire et faire en sorte - que voulez-vous, ça n'arrive pas souvent, des référendums au Québec - que... Compte tenu du fait que, déjà, dans le passé, il y a une douzaine d'années, comme société, nous avons, ensemble, tenu un référendum, il nous faut tenir compte de cette expérience-là pour améliorer, pour bonifier notre loi sur les référendums. C'est ce que nous faisons, M. le Président, par le projet de loi 36. M. le Président, je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le député de Taschereau, de votre intervention. Sur ce même sujet, l'adoption du principe du projet de loi 36, je reconnais maintenant m. le whip en chef de l'opposition officielle et député de lac-saint-jean. m. le député.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci. M. le Président, je parlerai surtout, bien sûr, de la Loi sur la consultation populaire et des amendements qu'on compte y apporter. D'abord, je dirais, d'entrée de jeu, que le gouvernement n'a pas fait d'efforts pour rechercher un consensus préalable au dépôt des amendements à la Loi sur la consultation populaire. Il est vrai - le ministre l'a signalé, mon collègue de Joliette aussi l'a dit - qu'il n'y avait pas d'obligation légale à rechercher un pareil consensus par le biais d'un comité conjoint. Ce n'était pas inscrit dans la Loi sur la consultation populaire. Toutefois, il aurait été, je pense, de mise, compte tenu qu'il s'agit d'une loi fondamentale de notre démocratie, que le gouvernement cherche à obtenir un consensus, consulte l'Opposition officielle comme il est tenu de le faire quand il s'agit d'amender la Loi électorale.

Ça n'a pas eu lieu, cette consultation préalable. Pourquoi? Pourquoi ces cachotteries, en quelque sorte? Eh bien, je pense qu'il y a, de façon évidente, une dimension stratégique en matière constitutionnelle, particulièrement, pour expliquer ces cachotteries gouvernementales, puisqu'en prenant connaissance du projet de loi 36, nous ne pouvons, M. le Président, que souligner que le hasard fait donc bien les choses et qu'un curieux synchronisme arrange, à la fois, le Québec et Ottawa. Ça fait l'affaire, à la fois, de Québec et d'Ottawa. Quelle heureuse coïncidence! De quoi a-t-on le plus besoin, par les temps qui courent, M. le Président, actuellement, aussi bien à Ottawa qu'à Québec? Quel est l'ingrédient le plus recherché et le plus convoité? Réponse: le temps. On a un besoin fou de temps, à Ottawa aussi bien qu'à Québec.

Alors, en présentant un projet de loi qui modifie les délais référendaires, qui les raccourcit, qui repousse d'un mois, soit du 4 août au 9 septembre, l'échéance ultime pour enclencher le processus devant conduire au référendum qui est prévu dans la loi 150 qui doit porter sur la souveraineté, le gouvernement du Québec donne non seulement du temps au reste du Canada... Et Dieu sait que ce dernier en a besoin, quand on voit qu'il ne parvient d'aucune façon à s'entendre sur des offres constitutionnelles, comme on a pu le constater tout récemment, suite au naufrage de la conférence multilatérale de Toronto, qui s'est terminée en véritable pagaille.

Alors, on comprend qu'à Ottawa on ait besoin de temps sur le plan constitutionnel, mais également, en raccourcissant les délais, en repoussant les échéances, le gouvernement québécois ouvre la voie au référendum pan-

canadien qu'entend tenir Ottawa, au début de l'automne. Il lui fait de la place. On pourrait même presque dire qu'il lui cède la place. Et le gouvernement québécois, comme c'est un bon gouvernement fédéraliste, se fait le complice de cette escroquerie planifiée qu'Ottawa s'apprête à imposer aux Québécois, par le biais de l'ignoble projet de loi C-81 qui, avec l'aide de la guillotine et du bâillon, doit être adopté aujourd'hui ou demain, au plus tard, de façon expéditive, à toute vapeur, par la Chambre des communes.

La loi fédérale référendaire, M. le Président, est une véritable parodie scandaleuse de la démocratie. C'est une caricature grossière de la démocratie, une véritable supercherie, une injure et un mépris des règles les plus élémentaires et les plus fondamentales de la démocratie, tout à fait contraire à nos coutumes, à nos traditions et à nos législations en matière de scrutins aussi bien électoraux que référendaires, en particulier en ce qui concerne le contrôle des dépenses.

On sait que, dans cette loi référendaire fédérale, en raison de l'absence de règle de double majorité, dont le premier ministre du Québec, pourtant, avait fait l'une des conditions d'appui à un référendum pancanadien, cette condition a été subitement et très rapidement abandonnée. Pas question, donc, de double majorité. Et Jean-Pierre Blackburn, le député de Jonquière, un député fédéral de ma région, a fait une proposition, en commission parlementaire, pour l'amender en ce sens, la loi fédérale, sans succès. J'ai hâte de voir comment il va se comporter une fois le projet de loi devenu loi. (21 h 30)

Deuxièmement, cette absence de double majorité fera en sorte que le scénario du référendum de 1942 sur la conscription risque sérieusement de se répéter à nouveau alors qu'Ottawa voudra se servir de l'appui majoritaire du Canada anglais pour imposer, par la force, des modifications constitutionnelles aux Québécois. Ce n'est pas l'engagement solennel de Brian Mul-roney qui va y changer grand-chose. Plutôt que d'introduire la règle de la double majorité dans le projet de loi fédéral, Brian Mulroney aurait dit à ses députés: Écoutez, je vais quand même faire un engagement solennel où j'annoncerai que je respecterai les voeux des Québécois. Je vous rappelle qu'en 1942 aussi on avait eu droit à un engagement solennel de la part d'Ernest Lapointe qui avait juré aux Québécois qu'il n'y aurait pas de conscription, et qu'en 1980 aussi on avait eu droit à un engagement solennel de Pierre Elliott Trudeau qui avait promis, la tête sur le billot, les sièges en jeu, il avait promis aux Québécois que le régime fédéral serait renouvelé. C'est vrai qu'il l'a été, mais on sait dans quel sens. Alors, les engagements solennels, à ce sujet-là, on en a une très mauvaise expérience au Québec. Et la confiance n'est pas particulièrement forte à l'égard des engagements solennels de Brian Mulroney.

Deuxièmement, M. le Président, cette loi fédérale va carrément pervertir le débat référendaire puisqu'elle est fondée sur la loi de la jungle et sur le principe «au plus fort la poche», ne prévoyant aucune limitation aux dépenses des gouvernements, des sociétés d'État, des entreprises et des individus. Cela ne pourra qu'aboutir à un débat faussé et inéquitable, une véritable escroquerie. Le camp fédéraliste, avec son pouvoir de dépenser quasiment absolu, investira des sommes colossales pour influencer et pour manipuler l'opinion publique des Québécois. C'est d'ailleurs déjà commencé puisqu'il suffit de regarder la télévision pour se rendre compte qu'actuellement, déjà, tous les ministères fédéraux et les sociétés d'État sont mis à contribution pour nous vanter les vertus du beau et grand Canada. Et on verra, dans une campagne référendaire fédérale, une véritable machine de propagande, une immense machine de propagande se mettre en branle; et on verra le camp fédéraliste puiser sans vergogne dans le Trésor public. Même si on sait que le gouvernement fédéral est un gouvernement techniquement en banqueroute, on ne se gênera pas, on ne se gêne déjà pas.

Ottawa, en plus, a poussé l'outrecuidance jusqu'à proposer un amendement à la loi C-81 par lequel il prétend, pour répondre, dit-il, aux critiques, limiter les dépenses par comité référendaire, alors qu'il ne fixe aucune limite quant au nombre de comités référendaires. Vraiment, là, c'est prendre les Québécois pour des valises et pour des caves. C'est un procédé on ne peut plus répugnant, parce que c'est évident que ça n'atteint pas du tout l'objectif de limitation des dépenses. Chaque comité verra ses dépenses limitées, mais le nombre des comités, lui, peut être illimité. Alors, vous voyez ce que ça peut donner. C'est évident que, d'aucune façon, on n'atteint l'objectif de limiter les dépenses de façon équitable. C'est un procédé d'autant plus répugnant que ce même gouvernement fédéral veut inscrire dans le préambule de la nouvelle Constitution une clause Canada - vous vous rappelez de la clause Canada - dans laquelle il entend réitérer son engagement à l'égard des valeurs démocratiques. C'est un des éléments de la clause Canada proposé par le gouvernement fédéral. On ne peut pas dire que l'action du gouvernement se reflète dans son discours, pas plus que dans ses propositions constitutionnelles, puisque la loi C-81 est un véritable traquenard, un mépris des règles élémentaires de la démocratie. Il faut vraiment être effrontés et avoir beaucoup de culot de la part du gouvernement et du premier ministre fédéral qui entend inscrire son attachement aux valeurs démocratiques dans une clause Canada comme préambule à la Constitution, en même temps qu'il fait adopter, à toute vapeur, l'infâme loi C-81.

Et Québec, pendant ce temps-là, M. le Président, que fait-il? Que fait le gouvernement du Québec? Eh bien! le gouvernement du Québec,

pendant ce temps-là, se fait collaborateur, coopératif avec son projet de loi 36 qu'on étudie présentement, dont on étudie le principe ce soir, et joue à Ponce Pilate face aux critiques sérieuses, fondées, soulevées aussi bien par les intentions du gouvernement fédéral que par sa législation référendaire qui sera bientôt adoptée.

Pourquoi le gouvernement québécois joue-t-il ainsi les Ponce Pilate? Pourquoi se lave-t-il les mains devant cette machination fédérale, devant ce qu'est en train de faire le gouvernement fédéral? Pourquoi? Pourquoi accepter que l'échéancier référendaire fédéral empiète sur celui du Québec, ce que reconnaît le Directeur général des élections au niveau fédéral, M. Kingsley, qui est venu en commission parlementaire dire qu'il fallait prévoir au moins trois mois pour la tenue d'un référendum pancanadien, ce qui reporte donc le scrutin au début d'octobre? Par conséquent, on aura chevauchement des deux processus référendaires: celui mis en place par le gouvernement fédéral et celui prévu dans la loi 150. Les deux processus référendaires vont se recouper. Quelle absurdité! C'est vraiment surréaliste.

Et le gouvernement québécois s'en lave les mains, accepte que les choses aboutissent à cette situation. Pourquoi? C'est tout simplement, M. le Président, parce que cela servira de motif et de prétexte au gouvernement québécois pour se retirer du pied l'épine douloureuse qu'il s'est lui-même enfoncée en s'engageant, par la loi 150, à tenir un référendum sur la souveraineté au plus tard le 26 octobre prochain. La tenue d'un référendum pancanadien devient ainsi l'alibi rêvé pour ce gouvernement en face de nous qui veut se défiler, se dérober de son engagement formel de tenir un référendum sur la souveraineté prévu par la loi 150.

On sait que le gouvernement québécois actuellement est saisi d'une peur panique devant l'éventualité d'avoir à tenir un référendum sur la souveraineté. Ça le terrorise, ça l'effraie au plus haut point et il cherche à s'en départir, à se défiler, à se dérober à cette responsabilité. On en est rendus au point où la menace fait davantage peur à celui qui la brandit qu'à ceux à qui elle est destinée. C'est assez surprenant comme retour des choses. Celui qui a le plus peur actuellement d'un référendum sur la souveraineté prévu dans 150, c'est le premier ministre du Québec. Il a une peur viscérale et il cherche, évidemment, à se dégager de cette responsabilité. Imaginez, ça devait servir à faire peur au Canada anglais. C'était le fameux couteau sous la gorge, l'épée de Damoclès pour forcer le Canada anglais à faire des offres acceptables au Québec. Eh bien, ce n'est pas ça qui se produit. La menace fait maintenant plus peur à celui qui doit la brandir. Et c'est ça, la situation actuellement.

Alors, M. le Président, par ce projet de loi 36 par lequel on voit que les échéances référendaires d'Ottawa et de Québec en arrivent à coïncider, je dis que le gouvernement du Québec se fait malheureusement le complice trop servile de la stratégie fédérale au mépris des règles élémentaires de la démocratie. Il prépare ainsi lentement les Québécois au reniement de son engagement formel inscrit dans la loi 150, mais, du même coup, il compromet, il court-circuite et il risque de saboter le droit des Québécois de déterminer seuls les voies de leur avenir politique en acceptant plutôt, comme c'est le cas, un référendum pancanadien.

La déclaration du ministre québécois responsable de la Loi électorale à l'effet qu'il ne saurait y avoir deux référendums, l'un fédéral, l'autre québécois, sur la question constitutionnelle cette année prend tout son sens et nous laisse perplexes, parce qu'on en arrive à la conclusion, quand on voit le comportement du gouvernement du Québec, qu'effectivement il n'y aura qu'un seul référendum et ce sera le référendum pancanadien, et que celui prévu dans 150 disparaîtra. (21 h 40)

M. le Président, la Loi sur la consultation populaire, et je termine là-dessus, mon collègue de Joliette l'a signalé tantôt, est un joyau de la démocratie québécoise. Elle a permis d'abord l'exercice, en 1980, libre et démocratique du droit des Québécois de décider de leur avenir. C'est donc, tout le monde le reconnaît, une institution fondamentale de la démocratie québécoise. Nous devons en être très fiers. Je suis heureux de voir que le ministre responsable de la Réforme électorale s'est engagé à prendre la défense de cette loi devant les tribunaux, loi attaquée par le Equality Party. J'en suis fort aise et j'en suis heureux. Je suis très satisfait de ce comportement ou de la conduite du ministre responsable.

Mais je dirais, en conclusion, cependant, que la meilleure façon, la façon la plus efficace de défendre la Loi sur la consultation populaire, ça aurait été, ça aurait dû être de s'opposer farouchement, vigoureusement, à cette espèce d'amanchure antidémocratique concoctée par Ottawa et qui sera mise en branle, adoptée bientôt par la Chambre des communes; cette loi référendaire qui est une véritable parodie de la démocratie - et comme le disait un éditorialiste, celui du journal Le Soleil - cette partouse référendaire qu'on nous prépare à Ottawa. Ça aurait été la meilleure façon de la défendre. Ça aurait été de dire haut et fort, que le gouvernement du Québec dise haut et fort, qu'il refuse de s'associer, d'être le complice de cette escroquerie antidémocratique et de demander au gouvernement fédéral de ne pas adopter une pareille machinerie inéquitable. Malheureusement, on le sait, ça n'a pas été le cas. Et le fédéral... Moi, je suis convaincu que si le gouvernement du Québec s'était levé debout puis s'était opposé farouchement aux intentions du gouvernement fédéral, je suis convaincu que le gouvernement

fédéral aurait reculé. Il n'aurait pas été de l'avant, j'en suis persuadé. Mais le gouvernement québécois s'en est fait le complice, parce que ça faisait son affaire. Ça va lui donner le prétexte de ne pas tenir ses engagements, puis de ne pas tenir le référendum prévu dans la loi 150.

M. le Président, je dis que, oui, le ministre semble vouloir défendre la Loi sur les consultations populaires. Mais le gouvernement n'a pas été jusqu'au bout dans la défense de cette loi. S'il avait voulu défendre concrètement les valeurs démocratiques qui se retrouvent dans cette loi, il se serait opposé avec vigueur et farouchement à ce qui est en train d'être adopté à Ottawa. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Sur ce même projet de loi, le projet de loi 36, soit le projet de loi modifiant la Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire, je reconnais M. le député de Jonquière.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Merci, M. le Président. Je peux vous dire, en premier lieu, que j'ai deux sentiments qui m'animent. Heureux d'intervenir, puis malheureux aussi de ce qu'on s'apprête à faire par le dépôt ou l'acceptation du projet de loi 36 concernant la réforme de la loi électorale. J'ai eu l'honneur, bien sûr, de faire partie d'un comité qui, depuis les deux dernières années, a travaillé intensément à vouloir améliorer cette grande loi que nous possédons et dont nous sommes très fiers. Non seulement elle a fait l'orgueil des Québécois ou doit faire l'orgueil des Québécois et des Québécoises, mais elle est aussi l'objet d'envie de la plupart des pays démocratiques dans le monde ou de ceux qui veulent devenir démocratiques, avec des gouvernements démocratiquement élus. On a eu l'occasion, dans le passé, d'aller... et le Directeur général des élections a eu l'occasion d'exporter un peu notre connaissance du processus électoral dans d'autres pays. On a été invités régulièrement à aller voir ce qui se passait ou aider...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je demanderais la collaboration des députés à mon extrême droite, s'il vous plaît. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Dufour: M. le Président, le Directeur général des élections a même eu l'honneur d'aller dans d'autres pays pour aider à mettre sur pied un processus électoral adéquat ou surveiller si c'était bien compris et si c'était bien appliqué. Donc, ça veut dire qu'au Québec, on a des institutions importantes. Avec 200 ans de parlementarisme, je pense qu'on a tout lieu de penser qu'on est arrivés à un stade avancé dans cette démocratie mais, encore là, il ne faut pas prendre les moyens pour briser ce qui existe.

Le processus qu'on a suivi, comme comité, c'est d'essayer d'apporter des amendements ou des changements techniques concernant le projet de loi qu'on a devant nous. Jusqu'à un certain point, on a réussi, je pense. Règle générale, les amendements qu'on a apportés favorisent le libre exercice du droit de vote chez les citoyens, autant les citoyens en général comme celles et ceux qui sont en centres d'accueil, dans les hôpitaux et autres, et je crois que, dans le processus d'échange entre les parlementaires et les autres personnes qui font partie du comité, on est arrivés à un large consensus quant à tout ce processus et quant à tout ce qu'on a devant nous. Il faut s'en réjouir.

Il y a évidemment l'autre partie où on touche la balise des coûts qui sont permis pour dépenser, soit par électeur, soit la façon dont les partis politiques reçoivent les montants d'argent. Donc, encore là, on pourrait parler d'une particularité technique, mais le gouvernement s'engage à remettre aux partis politiques, annuellement, des sommes basées sur le nombre d'électeurs, et ça amène, bien sûr, des coûts au gouvernement. De ce côté-là, on pourrait bien dire que c'est peut-être exagéré, ça pourrait être considéré comme exagéré, mais il faut bien se dire que, depuis plusieurs années, il n'y a pas eu d'ajustement par rapport à ça et, comme les coûts de publicité, les coûts de campagne électorale, il y a toutes sortes de coûts, et comme on est... Encore là, c'est une façon de bien observer le processus démocratique au point de vue électoral. Si on veut que les gens soient bien informés, il y a des coûts qui se rattachent à ça, et il y a aussi des nombres de postes dans les journaux; tout ça rajouté fait que, à mes yeux, il n'y a pas d'abus, à ce que je sache, selon mon humble jugement, en tout cas, par rapport à ce qu'on a devant nous.

C'est pour dire que l'ensemble du processus a été assez bien suivi. La loi a été adoptée par un consensus de l'ensemble des parlementaires. Jusque-là, ça va, c'est encore le même phénomène qu'on a observé et qui a suivi. On va même plus loin. On s'apprête à mettre sur pied un comité pour permettre au Directeur général des élections d'aller un petit peu plus loin dans le processus démocratique et peut-être de se doter d'une carte annuelle ou d'une carte permanente pour les électeurs, ce qui empêcherait les fraudes, les substitutions de personnes, et le but est louable.

Je comprends qu'il y a plusieurs années, je me souviens que le député Robert Burns, député de Maisonneuve, qui était responsable de la Loi électorale, avait fait beaucoup d'efforts pour convaincre le gouvernement du bien-fondé du but qu'il poursuivait, à savoir de doter les Québécois et les Québécoises d'une carte d'électeur ou d'électrice pour pouvoir voter, ce qui leur permettrait d'exercer ce droit-là plus facilement,

et que c'était de nature à baisser les coûts, tout en regardant, par exemple: Est-ce que cette carte pourrait s'appliquer au point de vue d'élections municipales, scolaires? Ça, c'aurait été de nature à diminuer des coûts d'une façon importante. On n'est pas arrivé, dans le temps, malheureusement, à un consensus, mais aujourd'hui, le temps est venu de regarder un petit plus loin, et on doit s'en réjouir.

Où il n'y a pas de consensus, et c'est là qu'est le problème à mon point de vue, c'est qu'on a profité du projet de loi pour raccourcir le temps pour appliquer ou pour exercer la loi référendaire. On part d'un principe où on a plusieurs journées, on a deux mois à peu près devant nous, et là on coupe ça environ à un mois. C'est toute la différence du monde.

On sait bien que la loi référendaire au Québec, c'est une loi importante. C'est une loi qui exige beaucoup de réflexion et ce n'est pas à tous les jours qu'on l'exerce. Règle générale, à ce que je sache... Il y a eu des consultations de la part du fédéral en 1940. Dieu seul sait si on s'en rappelle, la loi de la conscription où on s'était engagé à ne jamais passer de référendum, à respecter la population du Québec, où on a bien compris que malgré l'opposition de 90 % de l'ensemble des voteurs du Québec, on a passé la conscription de force. Ça a amené, même, l'emprisonnement de certains hommes politiques, dont le maire Camillien Houde, selon ma souvenance. Peut-être qu'il y en a d'autres, mais, en tout cas. (21 h 50)

Je pense que ce qui est important de retenir, c'est qu'on ne fait pas des référendums à tous les jours, ni à toutes les années, ni à chaque élection. Ce n'est pas dans notre processus habituel, ce qui veut dire que des référendums au Québec, on serait au deuxième référendum. Il y a des élections. Entre chaque élection, règle générale, on peut parler d'une période de quatre ans. Mais dans les référendums, il y a en a eu un en 1980, et Dieu seul le sait, peut-être, possiblement, avec incertitude, avec beaucoup d'hésitation, il y aura peut-être un référendum à l'automne. Le référendum, c'est évident que s'il n'y en a pas, ça cause un problème et ça cause aussi presque un reniement de la parole ou de l'engagement solennel qu'on a tenu par rapport à une loi.

Moi, je veux parler surtout du principe qui est en cause actuellement. Mon collègue de Lac-Saint-Jean a abondamment parlé de comment on peut aller à côté du processus. Dans le fond, quand on examine froidement c'est quoi le référendum et que, sans qu'on en ait discuté au comité, le ministre responsable décide d'introduire un raccourcissement des délais ou du temps entre la prise de décision et la tenue du référendum, à ce moment-là, on doit se questionner très sérieusement: C'est quoi, le but recherché dans tout ça? Je vous répète, s'il y avait un référendum à toutes les années, on pourrait dire: Oui, c'est tellement coutume, c'est tellement courant, il n'y a pas de débat tellement grave, ce sont des choses connues, allons-y. Ce n'est pas un sondage, un référendum, c'est un acte important qu'on ne peut pas répéter à chaque année. Pourquoi cette idée de raccourcir de 60 à 30 jours ou à 29 jours, c'est de 59 à 29, dans un court délai, sans que nous, comme membres du comité de la réforme électorale, on ait été pressentis ou consultés? Il y a certainement anguille sous roche, M. le Président. Je veux vous soulever qu'il y a une inquiétude, d'abord pour le processus démocratique. Il y a des exigences dans cette loi-là, où on doit former des comités, où on doit établir clairement la question. Ce n'est pas le Québec, ce n'est pas... J'avais envie de parler d'une municipalité de mon coin, mais c'est trop petit. Ce n'est pas Val-Bélair, pour les gens qui nous écoutent de la région de Québec, c'est pas mal plus étendu; ça prend un certain temps. On peut dire: Oui, les nouvelles se rendent vite, il y a des journaux, il y a de la télévision, il y a de la radio, mais avant qu'on ait enclenché le processus, ça exige un certain temps, ça exige aussi un temps de réflexion; il y a des temps d'hésitation. Donc, qu'on parte de 59 jours et qu'on tombe, qu'on baisse à 29 jours ou qu'on raccourcisse en deux, directement, sans consultation préalable, je trouve que c'est d'aller un peu fort. C'est court-circuiter le processus démocratique.

On aurait probablement, comme Opposition, accepté que ce processus-là ait été alentour de 45 jours; ça aurait été sûrement plus acceptable. En tout cas, le ministre n'avait rien à perdre ou le ministre responsable de la réforme de la Loi électorale n'avait rien à perdre, au moins, à nous en parler. Ça aurait été de bonne guerre. Comment on peut accepter de discuter avec des gens qui vont aller à l'encontre non pas de nos décisions, mais qui prennent des décisions seuls? Le processus qui a été engagé, c'est ça, l'élément important de la loi, pas de la loi, mais de ce qui donne naissance à la loi. C'est le processus qu'on a cherché et qu'on a obtenu depuis le début, consensus de l'ensemble des parlementaires. Là, c'était extraordinaire de pouvoir faire partie d'un comité semblable. Je ne vous cache pas que c'est un sentiment que je trouve un peu dérangeant. C'est dérangeant parce que ce n'est pas de même qu'on a été habitués. Pourtant, le ministre délégué à la Réforme électorale... En tout cas, il affirme moins fort qu'il a une parole, il fonctionne de telle façon... Dans ce cas-là ou dans ce cas-ci, il dit: C'est un peu le processus qui vient court-circuiter ce que nous, on croyait comme un acquis.

Je crois bien que le député de Joliette, qui est le porte-parole dans cette question-là, a été aussi surpris que tous ceux qui sont à l'intérieur du comité. On est déçu un peu. Et pourquoi on fait ça? Est-ce que c'est vraiment pour sauver

du temps? Pour sauver des coûts au gouvernement? Ou si ce n'est pas pour se rendre... Ou s'il n'y a pas autre chose? Est-ce que ce n'est pas en fonction de ce qui se passe à Ottawa? Est-ce qu'il n'y a pas une commande de donnée quelque part? Est-ce qu'on n'est pas rendu là, à ce que tout ce qu'on fait, c'est au service des autres, au service d'Ottawa? Je pense que la question mérite d'être posée. Et si on la pose, on y répond presque. Ça me semble évident qu'il y a eu un diktat, il y a eu une volonté d'exprimée ailleurs, et le Québec s'est rendu à cette volonté-là. Je trouve ça malheureux parce que c'est de nature, si on essaie de décoder...

Parce que, vous savez, peut-être pour les gens qui sont familiers au Parlement, ici, qu'il n'y a pas de problème; on le sait, nous autres, qu'on parle juste par codes. On essaie toujours de deviner. C'est toujours le sphinx, c'est à peu près, on tourne alentour du pot. Pour les gens extérieurs au Parlement, ils doivent trouver que c'est compliqué, le Parlement. C'est difficile à comprendre mais, moi, je partage leur point de vue. Je suis même à l'intérieur du Parlement et je ne vous cache pas qu'il y a des grands bouts où je ne comprends rien. Quand on pense qu'on comprend quelque chose, il y a une interprétation qui veut dire autre chose. Tout ça pour vous dire que les messages sont loin d'être clairs.

Le monde, ce qu'il veut, c'est savoir où on s'en va, pourquoi on fait telle chose, pourquoi on pose tel geste, est-ce que le gouvernement va donner des réponses claires, précises à ses attentes. Parce qu'il y a du chômage, il y a des problèmes un peu partout sur le territoire, il y a des pertes d'emplois, et on n'en a pas, de réponse. On n'en a pas plus dans ce dossier-là. On n'en a pas plus parce qu'on change la loi. On n'a pas dit encore pourquoi on veut raccourcir le délai. C'est comme la tarte aux pommes et la vertu. Tout le monde est pour ça, tout le monde est pour que ça dure le moins longtemps possible. Mais si c'est un acte important, mettons-y le temps et mettons-y le travail!

À mes yeux, un référendum a plus de signification qu'une élection, parce que le référendum, ce n'est pas un geste à répétition. Ce n'est pas un geste répétitif. C'est un geste qui est engageant. Et le geste qu'on s'apprête à poser est beaucoup plus important que l'élection en soi, parce que c'est engager l'avenir d'un peuple. Ce n'est pas pour se désengager au bout de six mois; on va le faire pour longtemps. J'ai eu l'occasion, en fin de semaine, d'entendre... Et quand on regarde comment c'est important, il s'agit de regarder comment ça s'agite un peu sur la scène canadienne. Il y a pas mal d'«escouage» d'un peu toutes sortes de choses. Il y a pas mal de sparages dans le paysage. Il y a beaucoup de publicité, à part ça, gratuite ou payée pour vanter les mérites du Canada. On recommence les mêmes histoires que voilà 10 ans. Les montagnes

Rocheuses, on peut bien pleurer dessus; moi, je suis allé les voir et je ne les ai pas apportées au Québec. Elles sont encore à la même place. Et même si on s'assoyait chez nous, on les verrait pareil, la même chose. On pourrait le faire. Mais si ça fait seulement 125 ans... Et, la question, on doit se la poser et on doit la poser à peu près à tout le monde. Ça fait 125 ans que le Canada existe. Où on était, nous autres, avant? Parce que la ville de Montréal fête son 350e, la ville de Québec est rendue encore plus loin. Où on était avant? On devait exister. On pourrait exister après. Donc, ce qu'on est amenés, comme élément nouveau, ce qui fait la surprise des gens qui faisaient partie du comité de la réforme et ce qui nous surprend, le comité de la réforme et l'ensemble des parlementaires, c'est que, sans consultation, le ministre amène un élément qui est en train de changer les règles du jeu.

C'est clair, M. le Président, qu'il y a une volonté, à quelque part, et on n'est pas sûrs - et ça, ça me semble malheureux - que, dans notre gouvernement, qui se veut démocratique, on observe les règles qui président à la démocratie, parce que les règles, c'est d'abord de pouvoir se gouverner et d'essayer de poser des gens qui répondent à des besoins. À ce que je sache, il n'y a pas beaucoup de gens qui ont demandé qu'on raccourcisse les délais, qu'on parte de 60 jours ou 59 jours pour tomber à 29 ou 27, dépendant de... Couper la moitié du temps, avec des questions importantes, des sujets importants, on dit: Pour nous, c'est difficilement acceptable. Comme Opposition, c'est difficilement acceptable, c'est difficilement acceptable pour l'ensemble des parlementaires. (22 heures)

C'est aussi aller à rencontre des voeux de celles et ceux qui ont adopté la loi, qui l'ont mise sur pied et qui, malheureusement, est encore très connue des gens qui sont ici. Des fois, changer un système, quand les gens l'ignorent, puis qu'ils n'étaient pas là, on peut dire: On n'était pas là. Mais il y a encore beaucoup de parlementaires qui étaient là lorsque cette loi a été adoptée. Ça devient, à mes yeux, presque un reniement par rapport à ce qu'on s'apprête à faire. Donc, on oublie les principes qui ont présidé à l'adoption de la loi ou au processus qui fait qu'on puisse toucher à la loi.

Il y a un deuxième élément - il y en a beaucoup d'autres, des éléments, on aura l'occasion d'en discuter article par article... Mais il y a un autre élément que je veux soulever et ça, je trouve que c'est une entorse très grande au point de vue du parlementarisme. Il y a des Parlements qui sont moins respectueux que nous de leurs minorités. Je veux juste donner l'exemple d'Ottawa où il y a 11 députés qui n'ont pratiquement pas droit de parole. Ils ont droit de parole à l'extérieur de la Chambre. Ici, on a un groupe de trois députés, qui se veut un parti accepté par la loi de la réforme électorale, par

la Loi électorale; ils sont acceptés, mais ce n'est pas obligatoire qu'ils fassent partie du comité de la réforme électorale. Mais dans une ouverture d'esprit, les deux partis, soit le gouvernement et l'Opposition officielle, ont accepté que ce groupe soit représenté à l'intérieur du comité, pensant et sachant que les décisions qu'on va prendre vont se prendre en collégialité. Durant tout le processus, pas un mot, tandis qu'il y a eu des discussions, des échanges, et ça s'est fait dans un consensus. Malgré ce qui se passe ou malgré tout ce consensus qu'on a obtenu, on a réussi, malheureusement, le député de D'Arcy-McGee a réussi à aller devant la loi pour essayer d'obtenir des changements, des amendements à la loi et, qui plus est, ce qui est plus grave, c'est qu'il se permet, en même temps, en se servant de la loi ou du processus judiciaire, d'essayer de convaincre le ministre de changer des articles du projet de loi.

On a rarement vu ça. J'espère que ce processus-là, d'abord, sera défendu avec acharnement par le gouvernement, avec tout l'acharnement qu'il se doit d'avoir vis-à-vis une question aussi importante. On souhaite que le député de D'Arcy-McGee revienne à de meilleurs sentiments et comprenne le processus dans lequel il est engagé. Il aurait dû savoir - s'il ne le sait pas, je vais lui dire - que dans le processus de réforme électorale, règle générale, on marche par consensus; c'est la façon dont on doit procéder. C'est difficile pour le gouvernement de le dire. Comme Opposition, on n'a pas passé à côté des règles. C'est peut-être difficile pour le ministre de le faire parce que lui, il a passé à côté des règles, parce qu'il apporte des changements qui n'étaient pas prévus dans notre discussion.

Donc, M. le Président, c'est évident que c'est un projet de loi qui est important, qui nous permet de dire que oui, on est fiers de nos institutions. D'un autre côté - c'est ça mon sentiment double - c'est que d'un autre côté, je suis un peu moins fier du ministre délégué à la Réforme électorale, qui réussit à nous imposer un changement majeur sans nous avoir consultés. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jonquière. Alors, est-ce que la motion du ministre délégué à la Réforme électorale proposant l'adoption du principe du projet de loi 36, Loi modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission des institutions

M. Bélisle: Oui, M. le Président. Je fais motion pour que le projet de loi 36 soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: L'article 28, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre pour quelques instants.

(Suspension de la séance à 22 h 4)

(Reprise à 22 h 5)

Projet de loi 35 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place. A l'article 28, tel que demandé par M. le leader adjoint du gouvernement, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. M. le ministre du Travail.

M. Normand Cherry

M. Cherry: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir d'être aujourd'hui en cette Assemblée, afin de discuter de l'adoption du principe du projet de loi 35, projet de loi, comme vous l'avez dit, M. le Président, modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail ainsi que la Loi sur l'assurance-maladie.

Ce projet de loi, combiné à une série de mesures administratives internes, a pour principal objectif de sauvegarder le régime de santé et de sécurité du travail qui, aux yeux de tous, est en péril. M. le Président, les parties tant patronales que syndicales, ainsi que l'organisme lui-même, la CSST, s'entendent sur un point: le régime fait face actuellement à de sérieuses difficultés, bien que les opinions concernant les moyens pour le sauvegarder divergent. C'est tout à fait normal. Celui qui vous parle a décidé d'agir et de répondre aux préoccupations des accidentés du travail qui, eux, réclament des soins de qualité, et ce, le plus rapidement possible, afin de pouvoir retourner dans leur milieu de travail, et ce également, le plus tôt possible.

En tant que responsable de l'application de

la Loi sur la santé et la sécurité du travail du Québec, j'ai fait le choix de sécuriser les travailleurs et les travailleuses accidentés et d'assurer la survie du régime dans un cadre financier acceptable. Les changements proposés dans ce projet de loi ont pour objectif de revoir le dispositif décisionnel en matière médicale, de déjudiciariser le système d'indemnisation des travailleurs et travailleuses accidentés, bien sûr, de désengorger le processus de révision et d'appel des décisions et, par le fait même, d'humaniser davantage le système.

De plus, M. le Président, le projet de loi 35 vise à favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et des lésions professionnels. De nature hautement technique et comportant plusieurs modifications de concordance, je me limiterai à identifier les principales modifications qui le composent.

Tout d'abord, le projet de loi 35 propose un réaménagement du processus d'évaluation médicale, et ce, par l'implantation d'un bureau d'évaluation médicale en remplacement de l'arbitrage actuel, avec l'obligation pour celui-ci de rendre son avis dans le délai imparti et permet à la CSST de recourir à une expertise médicale externe. Il suggère également un réaménagement de la procédure de révision des décisions de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Une modification, M. le Président, ayant pour but de déjudiciariser et de désengorger davantage les instances de révision et d'appel.

Ce projet de loi prévoit, en outre, un élargissement de la compétence du bureau de révision paritaire sur des questions d'ordre médical et propose que cette instance entende, de façon finale, les appels portant sur des litiges de moins de 1000 $. De plus, M. le Président, le projet de loi prévoit l'instauration d'un service de conciliation ainsi que la création d'une division spéciale du financement et ce, pour entendre les litiges portant sur ces sujets et ce, de façon exclusive. (22 h 10)

Le projet de loi 35 propose, par ailleurs, que l'appel à la CAMLP se fasse sans nouvelle enquête, sauf pour certaines exceptions. Il vise également à faire en sorte que les décisions de la CSST, de même que celles du bureau de révision paritaire, soient exécutoires avec la possibilité pour la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles de surseoir à une décision du bureau de révision et ce, dans certains cas d'urgence.

Afin d'assurer une meilleure gestion de l'organisme, il est proposé de scinder le poste de président-directeur général en un poste de président du conseil d'administration et chef de direction et en un poste de président et chef des opérations. De plus, le projet de loi 35 vise à permettre l'accès aux professionnels de la santé désignés par l'employeur au dossier médical du travailleur, et ce, dans certains cas où l'employeur se voit imputer les coûts d'une lésion professionnelle.

En outre, dans une perspective de réinsertion professionnelle des travailleurs, il est fait obligation à un travailleur victime d'une maladie professionnelle, alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans, ou d'au moins 60 ans pour une autre lésion, d'occuper un emploi convenable, disponible chez son employeur. Il précise que les soins et traitements dispensés par les établissements des réseaux publics feront partie de l'assistance médicale dont la détermination découlera d'un pouvoir réglementaire de la Commission de la santé et de la sécurité du travail à cet égard.

En terminant, M. le Président, et je le réaffirme, le projet de loi 35 vise à sauvegarder le régime de santé et de sécurité du travail tout en protégeant les bénéfices auxquels ont droit les travailleurs et les travailleuses accidentés du Québec. Les objectifs poursuivis sont clairs: sauvegarder notre régime de santé et de sécurité du travail, assurer aux travailleuses et aux travailleurs accidentés du Québec des soins efficaces et rapides afin de favoriser un retour au travail des plus rapides. C'est donc pour cela, M. le Président, que je sollicite aujourd'hui le consentement de cette Assemblée pour adopter le principe de ce projet de loi. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre du Travail. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Je reconnais, à partir de maintenant, Mme la députée de Chicoutimi, critique de l'Opposition officielle en cette matière. Mme la députée.

Mme Jeanne L Blackburn

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il faut une bonne dose de cynisme ou encore un humour que n'apprécieront certainement pas les accidentés du travail pour oser présenter ce projet comme étant une meilleure garantie de soins de qualité aux travailleurs et travailleuses accidentés. Sûrement que le ministre aura l'occasion d'en entendre parler un peu plus longuement et de façon un peu plus verte dans les prochains jours.

M. le Président, le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assuran-ce-maladie, présenté comme devant résoudre les problèmes financiers de la CSST, est un projet de loi superficiel, inacceptable dans au moins trois de ses grandes orientations: celle touchant

plus particulièrement le statut du médecin traitant, les modifications à la CALP, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, et les revenus des accidentés ou des malades professionnels âgés de 55 et 60 ans.

J'ai rencontré le ministre. Je lui ai offert ma collaboration à deux conditions: qu'il tienne des audiences particulières, faute de temps pour tenir des audiences générales, et qu'il tienne une enquête sur le fonctionnement de la CSST, enquête dont le rapport pourrait être déposé au début de l'automne pour modification ultérieure de la Loi sur la santé et la sécurité du travail et de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Je vais brièvement résumer le projet de loi et je vais revenir à ces propositions. Le projet de loi apporte des modifications majeures aux droits des accidentés et des malades du travail. Le médecin traitant est court-circuité, relégué au rang de figurant; son diagnostic ne tient que le temps d'un avis du médecin de la CSST. Le projet de loi élargit les pouvoirs de la CSST et ceux des employeurs. Il accroît les contrôles, modifie les droits d'appel à divers niveaux, particulièrement à la CALP, dont on réduit les pouvoirs à des pouvoirs extrêmement minimes de traiter et de juger sur dossier, sans preuve additionnelle, sauf cas extrêmement rares et exceptionnels. Ça va à l'encontre de tout ce qui existe actuellement en matière de recours pour les bénéficiaires de l'aide sociale, pour les bénéficiaires de l'assurance automobile, pour tous les autres travailleurs, les régimes d'invalidité ou la Régie des rentes du Québec.

Nous espérons que les audiences que nous voudrions amener le ministre à tenir pourraient modifier profondément ce projet de loi ou encore à reporter l'adoption des articles contentieux après le dépôt du rapport d'enquête. De notre avis, quelques dispositions du projet de loi sujettes à meilleur encadrement pourraient alors être adoptées au cours de la présente session.

M. le Président, je disais donc que c'est un projet de loi mal fait, sans consultation autre que celle de la CSST, pour ne pas dire de son président. L'Opposition aurait été légitimée de demander le retrait de ce projet de loi, tout comme l'ont fait les syndicats et les associations de défense des droits des travailleurs et travailleuses accidentés. Si l'Opposition ne l'a pas fait, c'est qu'il nous apparaît urgent d'amener quelques modifications à la loi de la CSST, fussent-elles mineures, pour tenter de redresser la situation financière, mais jamais, jamais l'Opposition n'assurera sa collaboration si le ministre ne répond pas de façon favorable aux deux conditions qui ont été mises sur la table et qui représentent le minimum de ce que sont les conditions posées par toutes les parties syndicales. Ce que nous demandons, c'est la tenue de consultations particulières où nous entendrons, en plus des parties patronales et syndicales, la

CSST. Nous entendrons également des représentants des associations des travailleurs accidentés. (22 h 20)

Je connais l'opinion de plusieurs intervenants à l'endroit des associations représentant les travailleurs accidentés. Vous savez ce qu'on nous dit lorsque je parle de les entendre? On a dit: Vos éclopés, on ne veut pas les voir chez nous. Parce que vous savez ce que ça fait, le fait de refuser de voir la réalité de travailleurs accidentés pénalisés par l'actuel système: ça permet de maintenir et d'accréditer un discours qui fait des travailleurs accidentés des fraudeurs, des abuseurs, des tireurs au flan, un discours que n'a pas contredit le ministre du Travail, chaque fois qu'il a été tenu, ce discours. Le fait de ne pas corriger cette impression vient la confirmer et la renforcer. La condition de la collaboration de l'Opposition, une consultation particulière au cours de laquelle il faut entendre la CSST et les représentants des accidentés du travail.

Mais, simultanément, nous croyons qu'il est urgent, indispensable qu'une enquête indépendante, menée par des spécialistes, une enquête à la fois administrative et actuarielle, sur le fonctionnement de la CSST s'impose. Cette enquête devrait porter sur les modes d'établissement de la cotisation. Il faudra comprendre un jour comment on s'étonne des déficits alors qu'on a, à rencontre des avis des actuaires, passé d'une cotisation étant minimale estimée à 2,75 $ à 2,32 $. Puis, en réalité, on a obtenu 2,17 $ cette année. Ensuite, on s'étonne qu'il y ait des déficits.

Cette enquête devrait également porter sur la durée de consolidation. J'ai réussi à obtenir de peine et de misère des tableaux de la CSST qui démontrent que, s'il y a accroissement de la durée de consolidation, c'est parce qu'il y a essentiellement, à la fois dans les accidents et dans les rechutes et aggravations, une diminution des moins de 14 jours. Pour le reste, les aggravations, proportionnellement au nombre d'accidents, sont a la baisse. En 1987, ça représentait environ 11 % de tous les accidents et les rechutes et, en 1991, nous étions environ à 9 %. Donc, il y a une diminution. Mais il y a aussi une diminution importante dans les moins de 14 jours. Ça représentait 38 % des cas de rechute en 1987 et ça n'en représente que 26 % en 1991. La même chose pour les accidents. Ça représentait 71 % des accidents en 1987, les moins de 14 jours. Ça n'en représente plus que 66 %.

Il y a quelque chose qui ne va pas dans les calculs de la CSST, et je suis loin de penser et de croire que c'est la faute des actuaires. On a donc besoin d'une enquête administrative pour comprendre et pour mieux évaluer les décisions de la CSST. Par exemple, le recours à la sous-traitance, 18 000 000 $ l'an passé; 18 000 000 $. Les coûts d'administration de la CSST, 25 % de l'enveloppe; c'est variable selon les calculs qu'on fait, mais ils sont importants. Toutes ces ques-

tions doivent faire l'objet d'une étude impartiale et indépendante de la CSST.

De plus, le mandat confié à l'enquêteur devrait être approuvé par la commission de l'économie et du travail, et le rapport devrait être déposé à l'Assemblée nationale l'automne prochain pour modifications, si nécessaire, ultérieures aux lois sur la santé et la sécurité et sur les accidents du travail et les maladies professionnelles.

Le ministre, se faisant le haut-parleur de la CSST, a invoqué devant moi les études déjà existantes, des études actuarielles commandées par la CSST ou, encore, l'évaluation faite par le Vérificateur général. D'abord, rappelons que la CSST refuse systématiquement de fournir les études actuarielles. Est-ce que ce serait pour nous cacher le fait que, par exemple, les actuaires, ayant fait des études, ont conclu qu'il fallait une cotisation plus élevée que celle qui a été autorisée? Peut-être. Peut-être. Mais il serait bon de le savoir et la seule façon de le savoir, c'est par l'extérieur.

Pour sa part, le Vérificateur général n'examine pas tous les ans toutes les activités de la CSST. Il se penche sur certains aspects et il porte un jugement. Mais on ne peut pas prétendre se baser exclusivement sur l'avis du Vérificateur général pour savoir vraiment ce qui se passe à la CSST.

En ce qui a trait aux études actuarielles, la CSST, je disais donc, refuse de les rendre publiques, mais je me dis: Qui a intérêt à tenir secrètes ces informations? Qui a intérêt à empêcher que la lumière, et toute la lumière, soit faite dans ce dossier? Je ne crois pas que ça soit le ministre. Moi, je pense qu'il serait dans l'intérêt du ministre, et ça contribuerait à augmenter sa crédibilité, s'il posait un tel geste.

Ce qu'il faut savoir, c'est: L'état réel du déficit est-il dû à des décisions administratives erronées, au lobby des employeurs pour réduire la cotisation ou la seule et unique cause, comme le prétend le projet de loi qui est ici déposé et le ministre, par voie de conséquence, serait l'accidenté, un abuseur, un profiteur, parfois fraudeur, et son médecin traitant incompétent et impénitent qu'il vaut mieux court-circuiter et, pour assurer que le tout aille le plus vite, c'est: Limitons au minimum, mais au minimum, la capacité du travailleur accidenté d'en appeler?

Je pense qu'il faut une enquête publique. C'est la seule façon de sortir ce dossier des officines de la CSST. M. le Président, le projet de loi, non seulement ne vient-il pas alléger la structure, ni la déjudiciariser mais il l'alourdit, et je vais le démontrer. Il ne réduit en rien la judiciarisation, sauf par défaut, parce qu'il se pourrait que les travailleurs n'aient plus le moyen de s'offrir le luxe d'aller en appel. Si on appelle ça travailler en faveur des accidentés du travail, j'ai comme un problème d'interprétation.

D'ailleurs, je ne serais pas la seule parce que, exception faite du Conseil du patronat qui, quand même, estime que le projet de loi ne va pas assez loin, l'Union des manufacturiers et l'AECQ pensent également que c'est un mauvais projet de loi. Toutes les associations patronales, sans exception, sauf la FTQ qui estime que ce projet de loi est superficiel, toutes les associations syndicales, sans exception, demandent le retrait de la loi, demandent le retrait pur et simple de la loi. La CSN, la CEQ, la FIIQ, le Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec, le syndicat des employés du gouvernement du Québec, le syndicat de la fonction publique du Québec disent: Un projet de loi qui sent le règlement de compte.

L'Association des entrepreneurs en construction du Québec: «La loi 35 oublie les vrais problèmes.» L'Association des manufacturiers du Québec: «Le déficit olympique de la CSST.» Le Conseil du patronat: «CSST et le projet 35. Le Conseil du patronat - on s'en doutait - rejette deux demandes syndicales.» Le Conseil provincial des métiers de la construction: «Au tour des travailleurs de la construction de s'objecter.» La Centrale des syndicats démocratiques: «Santé et sécurité du travail, la CSD demande le retrait du projet de loi 35.» La CSN: «Une demande syndicale pour prendre les devants de l'organisation du travail.» Elle demande une enquête, une enquête publique sur la CSST. La Fédération des infirmières et infirmiers du Québec: «le retrait du projet de loi 35. La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec veut une commission parlementaire sur le projet de loi 35».

Pourquoi de telles réactions de la part des patrons comme des syndicats alors que - et le ministre le sait, je le sais - tous convenaient de la nécessité de revoir la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles? Pourquoi, M. le Président, ces objections qui vont du retrait complet à l'insatisfaction totale à l'endroit du projet de loi? Parce qu'il y a un monde entre les facteurs identifiés par les parties comme étant responsables de l'accroissement des coûts et les modifications contenues dans le projet de loi.

Au cours du temps qui m'est imparti, je vais tenter d'illustrer le plus simplement possible que cette loi, à l'exception de quelques dispositions, ne règle en rien les principaux problèmes parce qu'elle ignore les facteurs identifiés comme responsables de l'accroissement des coûts à la CSST et vient amplifier la judiciarisation et accroître la lourdeur administrative. Tous, nous convenons que la CSST a des problèmes. Tous nous le convenons.

Des voix: Ah!

Mme Blackburn: Le déficit estimé en 1991 était de 800 000 000 $. J'entends vos collègues qui disent: Ah! Ah! Ah! Moi aussi, je dis: Ah!

Ah! Ah! (22 h 30)

Des voix: Ha! Ha! Ha!

Mme Blackburn: Mais voyons comment il est composé, ce déficit. Voyons comment il est composé et à partir de quelle décision. Ensuite, vous me direz que les solutions qui sont en train d'être apportées sont des solutions qui vont régler le problème.

Dès 1984, on avait permis au patronat de reporter à 1993 le paiement de la dette accumulée à cette date à la CSST. De plus, on avait autorisé les employeurs à ne payer que 90 % des coûts engendrés par les lésions professionnelles pour les années 1984 à 1988 inclusivement, c'est-à-dire cinq ans, jusqu'en 1988 inclusivement. Une telle autorisation avait, bien sûr, pour effet de remettre à plus tard, beaucoup plus tard, le paiement des 10 % manquants. Évidemment, ce qui devait arriver arriva: la dette non provisionnée de la CSST qui s'élève à 500 000 000 $ est rentrée dans le déficit de 1991. Ce n'est pas un déficit d'opération, c'est une dette non provisionnée. Ce qu'on vous a fait accroire, messieurs qui placotez en arrière, c'est que c'était le dépassement dû aux rechutes, dû aux rechutes, aux aggravations. Ces 500 000 000 $, comprenez-le bien, c'est la dette non provisionnée, à la demande du patronat. Ajoutez à cela la demande qui a été faite à nouveau par le patronat de réduire la cotisation de 2,75 $ à 2,50 $ et à 2,32 $, c'est un autre 100 000 000 $, et ajoutez à ça l'indexation des revenus, des remplacements de revenus qui représentent un autre 100 000 000 $, et on aura réussi, sur la base de ces informations, à faire croire à toute la population du Québec que le déficit de l'année 1991 était essentiellement dû aux accidents, aux rechutes et aggravations, alors que les informations qui nous sont fournies par la CSST, un tableau qui vient d'être produit, en mai de cette année, il y a quelques jours, démontre de façon on ne peut plus claire qu'il y a une diminution de la proportion des rechutes et aggravations.

M. le Président, je pense qu'il faut une enquête et il faut que ces choses soient dites. Quand le Conseil du patronat, par la bouche de son président, déclare qu'on passe d'un nombre de jours-consolidation de 48 jours à 73 jours, il oublie de dire que ça inclut les jours qui comprennent les rechutes et aggravations et il induit tout le monde en erreur. Et la décision qu'on prend à la suite de ces informations, c'est de pénaliser le travailleur accidenté.

M. le Président, nous savons qu'il y a des problèmes à la CSST. Nous savions également qu'il fallait sortir des officines de la CSST pour faire toute la lumière sur cette question. C'est pourquoi nous demandions, il y a déjà une année, une commission parlementaire pour examiner le fonctionnement de la CSST. Nous demandions une commission parlementaire, le ministre était d'accord et c'est le président du Conseil du patronat en personne qui m'a dit s'y être opposé, et le ministre a retraité. Pourtant, cette même commission parlementaire a été demandée par plusieurs instances du Parti libéral et, plus récemment, par les instances, je pense que ça s'appelle un conseil national ou général du Parti libéral qui a adopté une résolution demandant la tenue d'une commission parlementaire sur la CSST.

M. le Président, le ministre invoque le fait qu'il n'y a pas eu d'entente, qu'il n'y a pas eu d'entente au comité créé auprès du CCTMO, le Comité consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, pour dire: On va «bulldozer» tout le monde, puis on dépose, puis pas de consultation.

M. le Président, il était inévitable qu'il n'y ait pas d'entente, et le ministre le savait pertinemment. Le ministre savait que la seule façon de régler de tels problèmes, c'était vraiment de prendre ses responsabilités, de tenir une commission parlementaire indépendante qui, sur la base d'études plus spécialisées faites par des experts, par des actuaires entre autres, nous aurait permis - et nous lui avions offert notre collaboration - nous aurait permis, de part et d'autre, d'avoir un portrait plus complet de la situation et de proposer des modifications à la loi de la CSST et à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles qui auraient tenu compte de ces consultations.

Le projet de loi que nous avons sur la table est un projet de loi rédigé en catimini, concocté par les planificateurs de la CSST, sans consultation. On n'a même pas consulté les travailleurs et les travailleuses de la CSST qui sont pourtant au premier rang, qui sont les plus aptes à comprendre les principaux problèmes de la CSST et les principaux problèmes reliés à ses directives administratives concoctées dans un gratte-ciel à Montréal et envoyées en bas, sans trop de connaissance du milieu! Ces travailleurs n'ont pas été consultés.

Qui plus est, pour vous illustrer comment la CSST est transparente - je voudrais que le ministre m'écoute - il y a une lettre qui a été adressée, elle est plus drôle qu'autre chose. Elle est plus drôle qu'autre chose. Il faut en rire, sinon on en pleurerait. La CSST n'a pas comme première vertu la transparence, mais là ça va un peu loin. Il y a une lettre, tenez-vous bien, qui a été adressée aux différents bureaux régionaux par une vice-présidence, le 19 mai, soit cinq jours après le dépôt du projet de loi du ministre. Vous savez ce que cette lettre dit aux directeurs régionaux? Elle dit: «Veuillez trouver ci-joint le projet de loi déposé par le ministre du Travail - alors, je saute le titre. Je tiens à vous préciser que ce document est à l'usage exclusif de l'interne et doit faire l'objet d'une circulation restreinte.» C'est un projet de loi public, déposé à l'Assemblée nationale de façon publique et on dit: Surtout, ne mettez pas ça dans les mains des

employés. Et ça vient de la CSST. Si ce n'était pas si triste, on en rirait. Alors, transparence!

C'est un projet de loi bâclé, concocté dans une tour sans tenir compte de la réalité. Curieusement, ce projet de loi qui vient modifier de façon majeure les droits des travailleurs et des travailleuses n'a aucune disposition qui a trait à la responsabilisation des employeurs, au programme de prévention et, curieusement, comporte une seule modification de structure de la CSST. Est-ce qu'il faut s'en étonner? En fait, je le rappelle, de telles situations ne trouvent leur dénouement que si elles sont arbitrées et décidées de l'extérieur. Car, voilà une question sur laquelle le législateur aurait pu, à la lumière d'une consultation générale, soutenue par des études appropriées, prendre les décisions que tout gouvernement responsable doit prendre quand les parties sont incapables de s'entendre. Par manque de courage, le ministre a entraîné la CSST dans le cul-de-sac que l'on connaît et dépose un projet de loi majeur dans le sprint de fin de session après un solide conditionnement de l'opinion publique. (22 h 40)

Ce projet de loi représente-t-il une solution, la seule solution aux problèmes de la CSST? Nous disons non. À l'exception des dispositions touchant la conciliation, la reconsidération administrative et les réclamations de moins de 1000 $, dispositions qu'il vaudrait mieux encadrer, ce projet de loi est davantage fondé sur les préjugés que sur une analyse en profondeur des problèmes. Ce projet de loi opte sans évaluation fiable et chiffrée des économies réalisées par les mesures proposées... Ce projet de loi, dis-je, opte, sans évaluation fiable par rapport aux économies réalisées et sans consultation publique, sans consultation des travailleurs et des travailleuses de la CSST, sur la base de préjugés soigneusement entretenus et alimentés par la partie patronale, ce projet de loi choisit de sabrer dans les droits acquis des travailleurs et des travailleuses accidentés.

Pourtant, le ministre n'est pas sans connaître les problèmes de la CSST, ça fait un peu plus d'un an qu'il est titulaire de ce ministère. Il a, tout comme moi, fait le tour du dossier. Quand le chef de l'Opposition m'a confié le dossier, j'ai fait le tour de tous les intervenants: patronaux, syndicaux et associations de travailleurs accidentés. Et avec une rare unanimité, les intervenants identifiaient une série de facteurs comme responsables de l'accroissement des coûts. En tête de liste venaient l'hyperjudiciarisation, la lourdeur administrative de la CSST, le paritarisme au bureau de révision. Je l'ai entendu chez le patronat, chez les syndiqués, chez les accidentés du travail.

La préparation inadéquate ou l'information inadéquate des médecins traitants, la préparation inadéquate des agents d'indemnisation, la durée de consolidation, le nombre et la gravité des rechutes, le transfert par le gouvernement de coûts à la CSST - et j'y reviendrai - les réclamations de 1000 $.

À cette liste, le patronat ajoutait: les retraits préventifs des femmes enceintes ou de celles qui allaitent, le choix pour l'accidenté du médecin traitant et, pour leur part, les syndicats ajoutaient le refus des employeurs de réintégrer les accidentés, le refus, dans les PME, d'assignations temporaires, préférant faire porter les coûts sur le fonds général de la CSST, et l'abandon par la CSST du programme de prévention.

Voilà, pour l'essentiel, les revendications et les remarques qui nous sont venues de toutes les parties. Mais, dans le projet de loi que nous avons, il n'y a rien qui corresponde à ce qu'on retrouve dans les facteurs identifiés comme étant responsables de l'accroissement des coûts à la CSST, à l'exception des réclamations de moins de 1000 $ et de la reconsidération administrative.

M. le Président, à l'examen du projet de loi, vous pourrez constater que la solution choisie, c'est l'alourdissement, l'hyperjudiciarisation, la mise en tutelle ou, plus justement, la mise à l'écart du médecin traitant. Et pendant ce temps, la grosse boîte de la CSST à Montréal - et je ne parle pas des travailleurs - peut dormir tranquille, parce qu'on a trouvé le bouc émissaire, c'est l'accidenté. Comme le disaient souvent à la blague les professeurs et les administrateurs dans les cégeps: Ça irait donc bien dans les cégeps si on n'avait pas d'élèves! C'est un peu ce que la CSST est en train de nous dire.

M. le Président, c'est un projet de loi qui aura des conséquences majeures sur les accidentés du travail. Et je vais résumer les principales dispositions. Ce n'est pas un projet de loi mineur. De façon particulière, le projet de loi touche à pas moins de 25 aspects de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, 8 à la Loi sur la santé et la sécurité du travail, et prévoit plusieurs mesures transitoires. Je ne les prends pas nécessairement dans l'ordre, je vais les prendre davantage par secteur et dans l'ordre des articles du projet de loi.

L'accès au dossier du travailleur par l'employeur imputé pour les lésions professionnelles, et non seulement par l'employeur du travailleur au moment de la lésion, s'il vous plaît! Le projet de loi accorde aussi à l'employeur le droit de contestation, lorsqu'il y a rechute et aggravation. Il permet à la CSST de contester le rapport du médecin du travailleur simplement en obtenant un rapport d'un médecin qu'elle désigne. La CSST est alors liée par le rapport de «son» médecin, à moins que dans les 30 jours l'accidenté n'ait pu avoir une expertise médicale d'un spécialiste. Le ministre ne sait peut-être pas ce que ça veut dire, trouver un

spécialiste en région. Qu'il en parle un peu au ministre de la Santé et des Services sociaux pour savoir l'état, la situation des effectifs spécialisés en santé dans les régions. Demander à un travailleur, qui plus est, d'avoir accès à un spécialiste dans les 30 jours, c'est consacrer le diagnostic du médecin de la CSST. Qui plus est, il peut aller au Bureau d'évaluation médicale, mais si le Bureau d'évaluation médicale ne l'entend pas dans les 30 jours, ce n'est pas la faute de l'accidenté, c'est le diagnostic de la CSST. Le ministre trouve ça normal? Je pense qu'il y a un problème autour de l'encadrement du médecin traitant. Je ne pense pas que ce soit la façon de le solutionner.

La troisième disposition, c'est faire reposer sur le travailleur et l'employeur le fardeau de contester le rapport du médecin désigné par la CSST. Auparavant, la CSST et l'employeur avaient le fardeau de contester le rapport du médecin traitant. On vient d'inverser le fardeau de la preuve. On étend les pouvoirs...

Des voix:...

Mme Blackburn: M. le Président, est-ce qu'il serait possible de leur demander d'aller causer à l'extérieur? Il y a des salons pour ça.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'inviterais les députés à permettre à Mme la députée de Chicoutimi de s'exprimer, comme elle a le droit de le faire, dans une tranquillité relative. Si vous voulez discuter, MM. les députés, je vous invite à le faire en dehors de l'Assemblée. Allez-y Mme la députée de Chicoutimi.

Mme Blackburn: Merci, M. le Président. La quatrième disposition que je retiens vise à étendre les pouvoirs de la CSST et de l'employeur d'exiger du travailleur qu'il se soumette à un examen par le médecin qu'ils désignent, à la fois la CSST et l'employeur; remplacer l'arbitre médical par le Bureau d'évaluation médicale, lequel a une compétence limitée dans le temps, c'est 30 jours. S'il n'a pas fait son travail dans les 30 jours, s'il a manqué de médecins, c'est le travailleur qui est pénalisé. Cependant, il a le pouvoir de se prononcer sur toute question médicale qui ne ferait pas partie de la contestation des parties. Une question sur laquelle le médecin traitant ne s'est même jamais prononcé.

Il prévoit la révision des questions médicales déterminées par le Bureau d'évaluation médicale, par le bureau de révision, auquel on peut adjoindre un assesseur. Le ministre prétendait qu'on allait alléger, voilà qu'on ajoute un assesseur. On vient également élargir les pouvoirs de reconsidération de la CSST, mais si la CSST refuse de reconsidérer, fini, il n'y a pas d'appel. Ça, c'est fait, c'est supposé être fait pour protéger le travailleur. Vous irez leur dire ça, M. le ministre. On vient créer un mécanisme de conciliation de la CSST au bureau de révision et, dans ce dernier cas, il est obligatoire. Alors, vous allez voir comment on va alléger, tantôt, je vais l'illustrer.

Et finalement, ce qui vient couronner le tout de façon complètement odieuse, c'est la modification à la commission d'appel sur les lésions professionnelles. La commission d'appel ne pourra plus faire d'enquête et ne pourra recevoir qu'exceptionnellement, et très exceptionnellement, des preuves additionnelles qui n'apparaissent pas au dossier du bureau de révision paritaire. La CALP se verra, dans la majorité des cas, confinée à porter jugement sur des papiers, sur des dossiers. C'est exceptionnel, c'est un précédent, ça ne se retrouve dans aucun autre tribunal similaire, qu'il soit judiciaire ou quasi judiciaire. Et j'ai fait faire la recension de tous les tribunaux, la pratique dans les différents tribunaux - je pourrais la remettre au ministre - et, à l'exception, je pense, des brefs d'évocation, tous les autres tribunaux peuvent recevoir des preuves additionnelles. À l'occasion c'est sur enquête et, à l'occasion, de façon exceptionnelle, tous tiennent des audiences et la majorité peuvent faire des enquêtes. Ça serait un précédent, et y compris le Tribunal du travail.

Il faut ajouter à ces dispositions les mesures transitoires prévues à la fin du projet de loi qui permettent la révision des dossiers d'arbitrage médicaux par le bureau de révision paritaire et ce, dès l'entrée en vigueur du projet de loi. Elles permettent aussi à la commission d'appel de traiter les appels dont elle est actuellement saisie en suivant la procédure d'appel existante avant l'entrée en vigueur du projet de loi. (22 h 50)

La loi aura-t-elle comme effet de réduire la lourdeur de l'appareil administrative et de déjudiciariser? Voyons un exemple, le cheminement d'une contestation en vertu de l'article 32, congédiement ou sanction illégale. Actuellement, trois étapes: CSST, BRP et CALP. Dans la loi actuelle, observez bien. La CSST examine le dossier, elle l'envoie en conciliation. On invoque une reconsidération administrative, la CSST peut faire la reconsidération administrative et retourner à la conciliation. S'il y a contestation, ça va au BRP et, là, le BRP peut demander une conciliation et, là, elle est obligatoire s'il la demande. Et il s'en va à la CALP et la CALP peut demander une conciliation et vous avez non plus trois étapes, mais vous en avez huit et, entre chacune des étapes, il y a fatalement un délai.

Examinons à présent la question des diagnostics médicaux. Actuellement, vous avez le médecin traitant, dont le diagnostic fait obligation, à moins qu'il ne soit contesté en dernière instance, c'est-à-dire que la CSST peut demander un examen médical, mais, s'il contredit le diagnostic du médecin traitant, c'est le diagnos-

tic du médecin traitant qui est maintenu. La CSST peut aller en appel devant l'arbitrage médical et, si l'arbitrage médical renverse la décision de la CSST, c'est toujours la décision du médecin traitant. Mais, dans l'hypothèse qui est mise sur la table, c'est le médecin traitant. Là, le médecin traitant, ça ne fait pas l'affaire de la CSST; la CSST demande un examen médical. L'examen médical, la CSST contredit l'examen du médecin traitant, c'est la décision du médecin de la CSST qui vient conditionner l'accès au programme. Et là, la CSST dit: Oui, tu as juste à te retourner puis aller au BRP, au BEM, Bureau d'évaluation médicale. Mais le bureau d'évaluation médicale, s'il ne peut le recevoir dans les 30 jours et que l'accidenté ne peut pas avoir accès à un spécialiste dans les 30 jours, c'est fait, c'est fini, il n'y a plus de place, il n'y a plus d'appel. Son cas est réglé, et définitivement. Là, on aura fait non pas trois démarches, mais cinq. Et si l'accidenté peut et a les moyens de voir son spécialiste, là, vous en auriez six.

Et on prétend alléger. Mais qui plus est, actuellement, dans l'état du droit actuel, de la jurisprudence, à la CSST, 50 % des diagnostics des médecins de la CSST sont renversés quand ils vont en appel devant l'arbitrage médical. Ça veut donc dire qu'une fois sur deux, la CSST se trompe. Plus grave, lorsqu'elle va à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, c'est 76 % des cas où la Commission d'appel confirme le jugement de première instance. Et là, vous nous dites que vous êtes en train de vouloir aider les travailleurs accidentés. À qui allez-vous faire croire une telle chose?

L'ajout d'un médecin... En plus, il faut ajouter, il y a l'ajout d'un médecin au bureau de révision paritaire et il y a l'ajout d'un assesseur à la CALP. L'ajout des dossiers médicaux au bureau de révision, ça ajoute 5000 dossiers par année. Il n'y en avait pas assez! Ça va ajouter juste 5000 dossiers par année.

M. le Président, à l'unanimité des intervenants, non pas sur la place publique, mais le ministre le sait - il m'a fait signe que oui, tantôt, il le savait - les parties nous disent: Le paritarisme dans le bureau de révision pour faire de l'adjudication, c'est quasiment une hérésie. Le bureau de révision paritaire, tel que constitué, est coûteux. Il génère des délais, il judiciarise, il fait la fortune des assesseurs, des avocats, mais le malheur des accidentés. Généralement, on a tous entendu ça.

Rappelons qu'un BRP, c'est un président nommé par la CSST, c'est un assesseur représentant la partie patronale et un représentant la partie syndicale. Je me suis amusée a examiner la liste des assesseurs et on remarquera qu'il doit y en avoir 400 et quelques du côté des syndicats, parce qu'ils les spécialisent et les gardent dans leur région, et ils ne gagnent pas leur vie à plein temps avec ça, tandis que, du côté patronal, vous avez des assesseurs patronaux qui font systématiquement le tour de quatre ou cinq régions. C'est de l'argent, c'est des coûts, et ces gens-là sont gras-dur, juste en jouant le rôle d'assesseur au sein des BRP et, évidemment, ça entraîne toute la série de frais de déplacement qu'on connaît. Le BRP, actuellement, c'est 18 000 000 $ pour 1992 et ça ne comprend pas les frais de déplacement.

Que nous auraient dit les travailleurs et les travailleuses de la CSST si on les avait entendus et que nous auraient dit et que nous diraient les accidentés et les syndiqués représentant les accidentés? Ils nous auraient dit qu'il n'est pas vraiment normal que le médecin identifié par l'accidenté comme étant son médecin traitant, ce médecin-là n'ait pas été informé, et qu'une des façons de corriger cette aberration, ce serait peut-être de faire obligation à l'accidenté d'informer et de demander au médecin s'il veut vraiment être son médecin traitant. C'est ça que les travailleurs et les travailleuses nous auraient dit à la CSST. Et ce même médecin traitant, qui est compétent pour traiter des lésions professionnelles, devrait être assisté pour décider de la capacité de l'accidenté d'occuper un emploi ou de prendre un poste par assignation temporaire.

Ils nous auraient également dit qu'il était anormal que 75 % des décisions de la CSST se prennent alors que les travailleurs sont retournés au travail. C'est même plus que 75 %. Si vous avez les données tout a fait récentes, ça vous donne, si vous additionnez les deux, 77 %; 77 % des dossiers, quand la CSST se prononce là-dessus, sont retournés travailler, parce que la CSST n'est pas prévenue à temps. C'est ça qu'ils vous auraient dit, les travailleurs de la CSST, si vous leur en aviez parlé. Le délai de saisie et de décision de la CSST, saisie des dossiers et décision, varie entre 26 et 49 jours. Trouvez-vous ça normal? Et est-ce que la décision de couper complètement et de sabrer dans les droits des travailleurs accidentés, c'est ça qui va régler cette situation? C'est sur le dos des travailleurs accidentés qu'on va régler ça? Inacceptable!

Ils vous auraient également dit, les gens de la CSST, que le recours à la sous-traitance crée la précarité, ne favorise pas l'acquisition d'expérience et favorise la prise de décision erronée dans certaines circonstances, parce qu'ils n'ont pas le temps de développer l'expertise. Qui plus est, les pressions pour augmenter le nombre de dossiers traités augmentent les risques d'erreur - ils vous auraient dit ça aussi - et les demandes de révision, par voie de conséquence. Ils vous auraient dit également: Ne faut-il pas s'inquiéter des motivations à contester de la CSST et des employeurs devant la CALP, quand on sait que 76 % des décisions sont renversées? Ça veut dire trois décisions sur quatre. Trois décisions sur quatre - je vois le ministre; je viens de téléphoner, je ne donne jamais de données sans vérifier et je tiens les données de la CALP; je tiens les données de la CALP - sont

partiellement ou entièrement renversées. Donc, le diagnostic de première instance est maintenu. Et pourquoi? Quel est l'intérêt de l'employeur? Parce que, après trois ans, ça tombe sur le bras de la CSST, sur le fonds général. Alors, plus il traîne les cas, moins ça va passer dans sa caisse. (23 heures)

Que nous diraient aussi les travailleurs de la CSST et les travailleuses, de façon générale? Ils nous diraient que le refus d'assignation temporaire et de réintégration de travailleurs accidentés fait porter la note sur le fonds général de la CSST, et c'est une pratique courante. J'ai un cas. Je n'oserais pas la nommer, il aurait fallu que je lui demande. Une des secrétaires, sur l'étage, dont la fille travaille dans un hôpital; elle a demandé une assignation ailleurs parce qu'elle avait un problème de santé relié aux conditions de travail. Ils lui ont refusé. C'est sur le bras de la CSST. Puis elle le voulait. Elle disait: Je ne me vois pas, moi, sur la CSST. Pourquoi? Parce que, chaque fois que vous n'êtes pas cotisé, que la cotisation n'est pas personnalisée, vous avez intérêt à faire porter ça par tout le monde et vous envoyez ça sur le bras de la CSST, ce qu'on appelle le fonds général de la CSST.

Ce que vous disent les patrons et les syndicats: Arrêtez de pelleter les coûts à la CSST. La CALP, c'est 23 000 000 $; ça devait être assumé par le ministre de la Justice. L'inspection, c'est 18 000 000 $; ça devait être assumé par le gouvernement, par le Conseil du trésor. Cette année, ils font un cadeau de 14 000 000 $, mais il manque 56 000 000 $ dans la caisse, et on n'a pas compté les 4 000 000 $ manquants de cette année.

L'assurance-maladie. Comme le disent les employeurs, et je suis d'accord avec eux, comme le dit M. Dufour, le président du Conseil du patronat: Ce n'est pas normal que nous payions déjà une cotisation sur la masse salariale pour l'assurance-maladie du Québec et qu'en plus, quand on a des accidentés, on nous refasse payer. On paie deux fois. On paie deux fois également lorsqu'on a un accidenté de la route. Parce que les employeurs paient déjà des assurances additionnelles pour leurs camions, pour leurs véhicules, et ils paient encore s'ils ont un accident. Alors, ce que disent et les patrons et les syndicats: Arrêtez donc de pelleter vos coûts dans la cour de la CSST et peut-être qu'on aurait un peu moins de problèmes de financement.

La situation ne serait-elle pas différente et pourrions-nous voir un début de correction de la situation si on avait réexaminé le paritarisme au bureau de révision, si on avait fait obligation, faute de quoi il y aurait pénalité, à l'employeur de déclarer dans les 24 heures, jours ouvrables, un accident? Il est anormal que la CSST ne soit pas informée des accidents dès qu'ils ont lieu. On pourrait aussi envisager, parce qu'il faut aussi responsabiliser les employés... L'accidenté... Vous savez, quand vous avez un accident d'automobile, vous appelez l'assurance-automobile. Quand vous avez un accident de travail, il serait normal que l'accidenté du travail, quand il le peut - évidemment, s'il est dans le coma, là, tout le monde comprendra - prévienne la CSST, disons, dans les 48 heures, et lui indique le nom de son médecin traitant de manière à ce que la CSST puisse, dès les premiers jours, commencer à soutenir le travailleur accidenté.

On aurait pu aussi examiner comment la conciliation aurait pu avoir des effets de réduire les coûts, d'accélérer le traitement des dossiers. Là, on n'aura pas à le voir parce qu'on a décidé qu'on pénalisait d'un bout à l'autre l'accidenté du travail.

M. le Président, on aurait pu également mettre en application les programmes de prévention; ils ont été abandonnés. C'est ce que vous diraient aussi les travailleurs de la CSST. Parce que, curieusement... Là-dessus, beaucoup d'entrepreneurs et d'hommes d'affaires et de patrons partagent mon avis: Les accidents du travail sont généralement directement reliés à la qualité des relations de travail. Et faire de la prévention en santé et sécurité, c'est payant. C'est payant. Vous n'avez qu'à observer les secteurs où vous avez le plus d'accidents de travail, sauf les cas où on a dû accélérer la production pour toutes sortes de raisons de productivité, là, on a connu un accroissement des accidents de travail; dans les autres cas, c'est dans les services publics, parapublics et péripublics où les relations de travail sont pourries. Vous retrouvez plus d'accidents dans les municipalités, dans les hôpitaux et dans les commissions scolaires, curieusement. Et ça a un rapport direct avec les relations et la qualité des relations de travail. Évidemment, un environnement qui est moins sain entraîne généralement un stress, une tension qui a des conséquences sur les accidents du travail.

M. le Président, le projet de loi est un projet de loi mal fait, dicté par le président du conseil de la CSST et, j'oserais dire, dont la main était tenue par le président du Conseil du patronat. C'est un projet de loi anti-travailleurs et qui, plus est, ne viendra pas réduire les coûts de la CSST. Il va tout au plus réduire les droits des travailleurs. J'invite avec insistance le ministre à répondre favorablement aux demandes - parce que j'ai vérifié, j'ai vérifié - des travailleurs et des travailleuses de tous les syndicats qui ont accepté la proposition que je leur faisais. Je leur ai dit: Écoutez, je pense qu'il faut apporter un minimum de modifications à la loi de la CSST, ne serait-ce que la reconsidération administrative, la conciliation et les 1000 $, les dépenses, là, les réclamations de moins de 1000 $. Sauf qu'il me semblait que la situation était telle qu'on devait faire un geste.

J'ai vérifié auprès de toutes les centrales syndicales, à savoir si elles accepteraient, dans

ces conditions, de participer à une consultation et toutes ont demandé, à l'exception de la FTQ qui demande une consultation, une enquête et une consultation impliquant les groupes que j'ai identifiés. Alors, la proposition que j'ai faite au ministre n'est pas la proposition de la députée de Chicoutimi, c'est la proposition qui serait appuyée par la très grande majorité des syndicats représentant les travailleurs et les travailleuses du Québec et des différentes associations de travailleurs accidentés. Ils demandent donc, je le rappelle, une consultation et une enquête par des spécialistes indépendants, neutres, sur la CSST, sur ses modes d'établissement de la cotisation, sur ses modes d'évaluation de ses besoins, de ses déficits, de la durée de consolidation, du recours à la sous-traitance, de certaines décisions administratives. Les syndicats sont conscients et je suis consciente que nous n'aurions pas, demain matin, une telle étude pour prendre la décision sur le projet de loi 35. Cependant, nous avons la certitude qu'une telle étude fournirait au gouvernement et au ministre les informations qui permettraient de revoir de façon plus judicieuse les différentes dispositions des deux lois, à savoir la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Une telle étude permettrait - et je veux prendre cet engagement - nous garantirait la collaboration de l'Opposition au moment où on pourrait aborder à nouveau les principales questions qui pourraient être laissées en suspens, celles qui sont les plus contentieuses dans ce projet de loi et que nous pourrions aborder à la lumière de cette étude dès la prochaine session.

Ceci ne veut pas dire pour autant que, si le ministre accepte les propositions que nous lui faisons, nous ne contribuerons pas à accepter, à adopter les dispositions que j'ai citées: la conciliation, l'arbitrage... la conciliation, les dépenses, c'est-à-dire les réclamations de moins de 1000 $ et la reconsidération administrative, évidemment sujette à encadrement, parce qu'il y a des trous et, ensuite, pour les autres dispositions, nous pourrions voir à la suite du dépôt de l'étude des experts. Je pense que c'est une proposition qui démontre une grande volonté d'en arriver à des modifications importantes du fonctionnement de la CSST, mais de façon à rétablir les finances de la CSST. L'Opposition fait preuve, je pense, dans ce dossier, du sens des responsabilités, et j'espère que le ministre en fera autant. Je vous remercie, M. le Président. (23 h 10)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Chicoutimi. Je vous rappelle que nous sommes à étudier la motion du ministre du Travail proposant l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Je cède maintenant la parole à M. le député de Drum-mond. Je vous rappelle, M. le député, que vous disposez d'une période maximale de 20 minutes.

M. Jean-Guy St-Roch

M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président. C'est toujours avec beaucoup de ravissement et aussi beaucoup d'humilité que je m'adresse à cette Chambre au nom de mes concitoyens et concitoyennes, et particulièrement ce soir lors de l'étude du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie.

Dans le cadre du temps qui m'est imparti, je voudrais, M. le Président, d'abord faire état de l'important problème que vient corriger ce projet de loi. Ensuite, je me propose de faire ressortir les mérites de la solution proposée par le ministre du Travail avec ce projet de loi.

M. le Président, le projet de loi 35 que nous avons devant nous aujourd'hui va droit au coeur du problème de notre régime de santé et de sécurité au travail. Même si la presse a fait largement écho de sa nature, il n'est pas inutile d'en faire état, compte tenu de sa gravité. Notre régime de santé et de sécurité au travail est confronté à de graves problèmes. Les déficits s'y accumulent de manière incontrôlée depuis trois ans. Le régime encourra, en 1992, un déficit estimé à 608 000 000 $, qui s'ajoute aux 791 000 000 $ de 1991 et aux 262 000 000 $ de 1990. Enfin, il manque presque 3 500 000 000 $ pour remplir les engagements à long terme déjà pris auprès de certains bénéficiaires du régime.

Les causes du malaise, M. le Président, dont souffre le régime québécois de santé et de sécurité au travail, ont été identifiées par le gouvernement, les employeurs et les représentants des travailleurs et des travailleuses. Ces causes sont d'abord de nature structurelle et de nature conjoncturelle. Le gros du déficit de la CSST est imputable à sa structure et à son mode de fonctionnement. Il provient d'une hausse des dépenses, notamment au chapitre du remplacement du revenu, et est dû, en grande partie, à l'allongement exceptionnel de la durée de l'indemnisation. Cette durée d'indemnisation, alors qu'elle était, en 1989, de 47,1 jours, s'établit maintenant à plus de 76,3 jours. La durée moyenne de prestations s'est donc allongée à un rythme inquiétant au cours des trois dernières années. C'est d'autant plus inquiétant que cet allongement s'est fait en dépit des réels efforts de prévention et des progrès de la médecine du travail moderne. Examinons maintenant cette structure et ce mode de fonctionnement de la CSST afin d'en faire ressortir les lacunes qui sont à la source de son débordement financier.

M. le Président, comme vous le savez, la Loi sur les accidents du travail et les maladies

professionnelles contient un processus décisionnel qui, au fil des ans, s'est avéré lourd en matière médicale. Cette lourdeur tient au fait que la Commission est liée par le médecin traitant du travailleur et ne peut être déliée que par l'avis d'un arbitre. En effet, pour se délier, la Commission doit obtenir l'avis d'un arbitre qui infirme cette opinion à la fin d'un long processus de contestation initié par elle ou par l'employeur. Or, dans ce processus, l'employeur n'a pas, dans la loi, un droit d'accès direct à l'information médicale détenue par la Commission au sujet de la lésion professionnelle du travailleur.

Ainsi, certains employeurs, qui se voient imputer les coûts d'une lésion, n'ont même pas le droit d'accès à des renseignements. De plus, pour initier une contestation médicale devant l'arbitre, la Commission ou l'employeur, selon le cas, doit obtenir un rapport médical infirmant l'opinion du médecin qui a charge, tandis que le droit d'exiger que le travailleur se soumette à un examen médical est très limité. En outre, et c'est là le problème qui nous occupe, la loi prévoit que l'arbitre doit rendre son avis dans les 30 jours de la date à laquelle la contestation lui est soumise. Cependant, en 1991, plus de 8000 demandes d'arbitrage médical ont été faites, et les délais pour obtenir l'avis de cet arbitre ont atteint jusqu'à 7 mois. Mais dans l'intervalle, M. le Président, la Commission doit continuer à indemniser le travailleur en fonction des rapports qu'elle reçoit de son médecin traitant.

Il faut également souligner que le processus d'arbitrage médical doit être rigoureusement suivi, à défaut de quoi l'avis d'arbitrage peut être annulé par la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles. Dans le cas où le processus d'arbitrage n'est pas rigoureusement suivi, la Commission redevient alors liée par l'opinion du médecin qui a charge du travailleur sans que personne ne puisse en contester la pertinence. Telles sont, M. le Président, les lacunes au chapitre du processus décisionnel en matière de lésions médicales.

Voyons maintenant une autre lacune reliée à la structure et au mode de fonctionnement de la CSST. Suivant ces structures et ce fonctionnement, les travailleurs accidentés capables d'occuper un autre emploi chez leur employeur ne sont pas tenus de le faire. En effet, certains travailleurs ne sont pas obligés d'occuper un emploi convenable disponible chez leur employeur, ce qui n'est évidemment pas sans effet sur les coûts du régime. En outre, il y a également, au rang des lacunes, le fait que la loi accorde une indemnité pour bris d'orthèse et/ou de prothèse, même s'il n'y a pas eu de lésion professionnelle. L'absence de lésion professionnelle limite les possibilités d'établir un lien direct entre les bris d'orthèse ou de prothèse et le lieu de travail. Ce faisant, il ouvre la porte à des intermédiaires très larges, ce qui a fini par être assez coûteux pour notre régime de santé et de sécurité au travail.

Au rang des lacunes actuelles de notre régime, il y a également l'assistance médicale. Celle-ci est mal cernée dans la loi actuelle et ne permet pas un contrôle des coûts. Le contrôle des coûts est rendu également difficile par les règles de la loi actuelle relativement aux indemnités. Les règles de la loi actuelle sur la prise d'effet des décisions obligent la Commission à payer des indemnités non récupérables lorsque le droit du travailleur est par la suite nié, c'est-à-dire lorsque sa réclamation à la CSST n'apparaît pas fondée. De plus, lorsqu'il y a des erreurs, la Commission ne peut les corriger par reconsidération à cause d'un pouvoir limité que lui attribue la loi actuelle. Le pouvoir actuel de la Commission est aussi limité au chapitre de la révision. Dans les cas où il y a révision, et ils sont nombreux, celle-ci se fait devant un bureau composé de trois membres qui ne peut se prononcer sur des questions d'ordre médical.

M. le Président, on a également constaté des lacunes au niveau de la procédure d'appel. La Commission d'appel en matière de lésions professionnelles accumule actuellement des retards. De plus, la preuve qui a déjà été faite devant le bureau de révision est souvent entendue à nouveau devant la Commission d'appel. Il s'agit là d'une sorte de dédoublement qui ne va pas sans entraîner des délais qui, par ailleurs, affectent les coûts du régime.

Enfin, il y a une autre lacune; celle-ci est relative à la structure décisionnelle au sommet de la CSST. On constate que le président est également directeur général. Il est le seul responsable à la fois des politiques et de l'administration de la Commission. Ce problème a, par ailleurs, déjà été constaté dans plusieurs organismes gouvernementaux et des correctifs ont été apportés par le gouvernement depuis quelques années.

Telles sont, M. le Président, brièvement exposées, les lacunes qu'a révélées un examen attentif de la loi régissant actuellement notre régime de santé et de sécurité au travail. Je voudrais maintenant aborder le second point de mon exposé, c'est-à-dire les corrections qu'apporte le projet de loi 35 à ces lacunes pour sauvegarder le régime, tout en maintenant et en protégeant les bénéfices auxquels ont droit les travailleurs et les travailleuses.

M. le Président, le projet de loi 35 poursuit un certain nombre d'objectifs que l'on ne saurait ici passer sous silence. Le premier objectif est de réduire le délai d'indemnisation et les coûts associés à la réparation des accidents et des maladies professionnelles. Le second objectif poursuivi par le projet de loi 35 est de favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et des lésions professionnelles. Le troisième objectif poursuivi par le projet de loi est de désengorger les différentes instances de révision et d'appel prévues à la loi.

Enfin, le quatrième objectif, et non le moindre, est d'humaniser davantage les services offerts aux bénéficiaires du régime.

La raison d'être de ces objectifs, M. le Président, n'est rien de moins pour le gouvernement que la sauvegarde du régime et le maintien de la compétitivité de ses différents secteurs d'activité où elle s'applique. Le gouvernement veut ainsi assurer une meilleure protection aux travailleurs et aux travailleuses accidentés, offrir des soins d'une plus grande qualité et efficacité, et ce, afin de favoriser le retour au travail du travailleur ou de la travailleuse dans le maintien de sa dignité. Concrètement, le projet de loi 35 propose ceci. Premièrement, il propose un réaménagement du processus d'évaluation médicale à travers l'implantation d'un bureau d'évaluation qui prend la place de l'arbitrage médical actuel, et ce, évidemment, afin de permettre au bureau d'évaluation médicale de donner son avis sur les questions qu'il juge appropriées et dans un délai qui lui est imparti.

Deuxièmement, le projet de loi 35 propose un réaménagement de la procédure de révision des décisions de la Commission, entre autres, par la création d'un service de conciliation d'une division du financement au bureau de révision paritaire. Le réaménagement de la procédure de révision proposé contient également un élargissement de la juridiction des instances opposant la Commission aux questions d'ordre médical. Toujours au chapitre du réaménagement de la procédure de révision, le projet de loi suggère que l'appel à la Commission en matière de lésions corporelles se fasse dorénavant par dossier et que l'appel soit permis aux litiges de plus de 1000 $. De plus, il propose de permettre à la Commission d'appel de surseoir à une décision du bureau de révision paritaire dans certains cas. (23 h 20)

Troisièmement, le projet de loi 35 propose que le poste de président-directeur général soit scindé en un poste de président du conseil d'administration et chef de la direction et de président et chef des opérations. Autrement dit, M. le Président, le projet de loi établit une direction bicéphale, pour emprunter une formule bien connue.

Quatrièmement, le projet de loi 35 prévoit que les décisions de la Commission ou d'un bureau de révision paritaire prennent effet immédiatement.

Cinquièmement, le projet de loi contient d'autres dispositions telles que l'indemnisation pour les bris d'orthèses et de prothèses dans les cas de lésions professionnelles, la possibilité pour la Commission de la santé et de la sécurité du travail de reconsidérer dans certains cas ses décisions, comme l'action professionnelle de la santé désignée par l'employeur au dossier médical du travailleur dans certains cas, et enfin, l'occupation d'un emploi convenable disponible chez un employeur pour un travailleur victime d'une maladie professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 35 ans, ou d'au moins 60 ans pour une autre lésion. Telle est la substance, M. le Président, de ce que propose le projet de loi 35.

Je me rends compte que le temps avance et qu'il importe de conclure, et je voudrais le faire en rappelant les objectifs de mon gouvernement sur ce projet de loi 35. Le premier et le plus important des objectifs poursuivis par le projet de loi, M. le Président, c'est rien de moins que la sauvegarde du régime de santé et de sécurité du travail qui est actuellement en péril en faisant face à des difficultés financières qui sont plus que sérieuses et en menacent sa survie même. Toutes les parties concernées, que ce soit la partie patronale, la partie syndicale, la CSST elle-même, reconnaissent la pertinence et l'urgence d'intervenir dans ce dossier même si, comme on le sait, des sensibilités sont différentes quant aux solutions.

Est-il perfectible? Oui, M. le Président, comme tout projet de loi, et c'est avec ouverture d'esprit que nous entreprendrons l'étude article par article en commission parlementaire, à l'écoute de toute intervention pouvant le bonifier, pour faire en sorte que nous puissions nous doter d'une loi moderne, corrigeant la problématique déjà énumérée dans le bref exposé que je viens de conclure, dans le respect des travailleurs et des travailleuses. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de drummond. sur le même sujet, je cède maintenant la parole à m. le député de joliette et leader de l'opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'ai lu avec beaucoup d'attention ce projet de loi. Avec beaucoup d'attention, je vous dirai, parce que s'il est un dossier qui, dans nos bureaux de comté, nous crée des problèmes à peu près à chaque lundi, c'est bien la CSST. Combien de lundis matin, M. le Président, on doit recevoir trois, quatre, cinq accidentés du travail qui viennent nous conter leurs problèmes de la CSST! Pour les uns, M. le Président, ils viennent nous dire: Écoutez, j'ai dû aller passer une expertise, puis il m'a fait marcher pendant 12 secondes, il m'a fait tourner sur les talons, puis je suis retourné chez nous, puis j'ai reçu une décision comme quoi j'étais apte au travail, alors que j'ai un problème de colonne, j'ai un problème de ligament étiré, déchiré, etc., puis on m'a dit que j'étais correct. J'ai dû repayer une somme assez importante pour passer une expertise personnelle auprès d'un médecin spécialiste pour venir à bout d'aller contester au niveau de la CSST.

Ça, M. le Président, on entend ça régulièrement dans nos bureaux de comté, si bien qu'il y a des travailleurs qui, à cause des titres de

journaux, nous disent: Écoutez, est-ce parce qu'ils sont déficitaires qu'ils se comportent de même? Des journées, c'est 500 000 000 $, le lendemain, c'est 600 000 000 $; il y a des rumeurs de 700 000 000 $, puis on a des titres parlant de 800 000 000 $ de déficit.

M. le Président, les gens disent: Eh bien, ils ont reçu des directives, naturellement, et comme ils n'ont pas à débourser les sommes, ils étirent ça pendant des mois et des mois. L'individu doit se ramasser soit sur l'aide sociale conditionnelle, parce qu'il doit signer comme quoi s'il est payé par la CSST, il devra rembourser, puis on assiste à toutes sortes de problèmes, y compris les problèmes familiaux qui en découlent, M. le Président, très graves à part ça. Je peux parler en connaissance de cause parce que j'en reçois énormément, des travailleurs accidentés dans mon bureau.

Donc, M. le Président, je ne sais quasiment pas par quel bout prendre ça, ce dossier. Et je pense que le ministre ne le sait pas et le gouvernement non plus, d'après la loi qu'il nous dépose. Puis je regarde le député de Mille-Îles froncer les sourcils. Je vais lui expliquer pourquoi je pense qu'ils ne savent pas par quel bout le prendre. Parce que, dans un premier temps on leur a dit, nous, pas plus tard qu'hier, pas hier mais jeudi dernier, qu'il faudrait bien entendre la CSST une couple d'heures pour savoir ce qui se passe dans cette boîte-là avant d'adopter un tel projet de loi.

On recevait une proposition aujourd'hui: Pas question d'entendre la CSST! M. le Président, c'est une boîte qui coûte 20 % à 25 % de son budget en administration. C'est une boîte qui coûte plus de 280 000 000 $ en gestion, en administration. Vous avez créé le comité Poulin. Il aurait dû se pencher un peu sur cette boîte-là pour savoir si c'est un peu raisonnable, normal.

Moi, je pourrais vous déposer, ici, en cette Chambre, M. le Président, juste pour six mois, un paquet de contrats de sous-contractants à la CSST qui exigent des dizaines, des dizaines, et des dizaines de milliers de dollars. Et on pourra vous donner les dates, les numéros de contrats, le nom des consultants à part ça. Il y a quelque chose qui accroche, là. Et je ne comprends pas que le ministre du Travail, lui qui se dit transparent, ne permette pas qu'on puisse questionner la CSST, M. le Président, sur sa gestion. Parce que, quand on analyse une structure qui a des problèmes budgétaires, il faut regarder l'ensemble du portrait parce que, si on se fie à ceux qui gèrent au niveau du conseil d'administration, ils n'ont pas du tout le même point de vue, M. le Président.

Si on rencontre quelqu'un du monde patronal, il va nous dire: C'est la faute des travailleurs, ils ne veulent plus revenir au travail. Ils se disent malades, ils ont la complaisance des médecins. C'est à peu près ce que le patronat nous dit. Tout est la faute des autres. Donc, le patron nous dit, M. le Président: Les médecins sont beaucoup trop complaisants et les travailleurs ne veulent plus retourner au travail. Le régime n'est pas incitatif au retour au travail. Voilà une version du monde patronal.

Le monde syndical va vous dire, lui: Ça coûte cher. Je comprends, c'est judiciarisé au bout! Ça prend un avocat, maintenant. Ça prend des témoins experts, ça coûte des fortunes. Comme on est toujours battu en première instance, il faut aller en appel. En appel au niveau d'une première instance à la CALP puis, après ça, pendant deux ans, au niveau de la Commission des affaires sociales, puis ça prend deux ans pour y aller. M. le Président, voilà une autre version diamétralement opposée.

Et la CSST dans tout ça, elle, pas un mot sur sa gestion! Moi, je pense qu'une façon intelligente pour des parlementaires de regarder qui dit vrai, de regarder où est la vérité dans tout cela, c'est d'avoir la chance de les interroger tous. Je pense qu'il faudrait avoir la CSST pendant trois, quatre bonnes heures, M. le Président, pour questionner sur sa gestion, questionner sur la perception que le monde patronal donne. Est-ce que M. Diamant a la même perception que M. Ghislain Dufour? Est-ce que Ghislain Dufour a la perception du patron lui-même, maintenant? C'est très bon d'interroger cela. Je ne suis pas sûr, moi, que l'AECQ pense la même chose que Ghislain Dufour. Je ne suis pas sûr que les manufacturiers canadiens pensent la même chose que Ghislain Dufour. Je ne suis pas sûr de ça, moi. Je suis même plutôt sûr du contraire, parce que je l'ai entendu dire de leur bouche, M. le Président.

Il va falloir qu'on voie clair dans ça. Je ne suis pas sûr non plus que le système n'a pas des correctifs profonds à se donner. Ça non plus. Je ne veux pas paraître déraisonnable vis-à-vis des perceptions, mais je suis sûr qu'il y a du vrai dans les deux perceptions. Puis il y a des nuances à apporter dans les deux perceptions différentes. Puis il y a sans doute des correctifs majeurs à apporter au niveau de la gestion comme telle de la CSST. Je suis sûr de ça aussi. (23 h 30)

Mais, M. le Président, moi, je suis un peu étonné. Il y a des travailleurs qui, par exemple, se font opérer à un genou, ligaments, enlèvement de ligaments ou correctif de ligaments. Puis là, ils se font prescrire de la physiothérapie. Vous savez ça, vous, M. le Président, un sportif comme vous, vous avez été appelé à faire de la physio. Le travailleur se fait prescrire de la physiothérapie. Savez-vous que l'opération a lieu et que, six mois après, il n'est pas encore admis à l'hôpital parce qu'on ne peut pas encore lui donner sa physio. Et le médecin prolonge des congés. Le gars ne va pas en physio. Il fait son possible chez lui. Il n'y a pas de place!

Il y a même des hôpitaux, comme dans mon coin, où on s'apprête à fermer la physiothérapie

en externe. Qu'est-ce qu'ils vont faire ces gars-là? On ne peut pas mettre la faute exclusivement sur les travailleurs, non plus, ce n'est pas vrai ça. Et le ministre, M. le Président, refuse en plus qu'on ait un groupe, qu'on reçoive un groupe d'accidentés eux-mêmes, un groupe, pour qu'on puisse parler un peu avec eux autres de ce qu'ils vivent comme problèmes ces gens-là. C'est ça fondamentalement que l'Opposition a demandé afin de collaborer pour l'adoption de la loi et la bonification de la loi.

Si le ministre s'entête, M. le Président - et je le dis sans aucune forme de chantage, en droit parlementaire on peut se dire ça - à ne pas écouter ou à ne pas laisser la CSST se présenter à la table pour qu'on puisse la questionner, M. le Président, sur sa gestion, c'est évident que l'Opposition va prendre les moyens parlementaires pour essayer d'obtenir qu'elle soit présente en commission parlementaire pour qu'elle puisse s'expliquer sur sa gestion même des fonds.

Mais, M. le Président, nous avons fait calculer, nous, dernièrement au niveau du dossier, je ne sais pas si Mme la députée de Chicoutimi en a parlé, mais, M. le Président, on parle de déficit astronomique. La moyenne des cotisations était de 2,75 $ il y a trois ans. Elle est de 2,32 $ trois ans après. De 2,75 $ à 2,32 $, il y a eu une baisse de cotisation. Faut-il se surprendre, n'ayant pas le même argent, M. le Président, qu'ils aient le même budget? Vous allez me dire que ce n'est pas automatique. Il y avait 202 000 accidentés et c'est tombé à 176 000. Il y a une diminution des accidents. Ah! vous me direz, il y a plus long, par exemple. Chaque maladie, si on fait la moyenne, ça représente un plus grand nombre de jours d'accidents. Mais pas en termes d'individus.

Est-ce que c'est la seule relation? Si on faisait payer 2,75 $ en moyenne et que c'est tombé à 2,32 $, il doit y avoir un problème sûrement au niveau des chiffres, à ce moment-là. Sûrement. On a diminué de 2,75 $ à 2,50 $, à 2,32 $. Donc, M. le Président, en baissant les cotisations, c'est évident que les revenus sont moindres. Et, dans une période de récession, il y en a qui disent: Oui, mais dans une période de récession, il y a eu moins d'accidents. Je comprends, il y a moins d'emplois. Ça, ça doit aller un peu de pair ça. S'il y a moins de personnes qui travaillent, il y a un moins grand risque d'accidents. Ça ne prend pas un génie pour faire la concordance de cela. C'est évident. Mais, M. le Président, il est aussi normal dans ces périodes-là, si l'individu est un accidenté du travail - je ne dis pas que c'est normal, c'est plutôt humain, parce que la normalité n'existe pas dans cela - c'est humain que quelqu'un qui se voit sur une liste de travailleurs accidentés et qui voit son usine fermer et couper des postes, donc pertes d'emplois, c'est humain - je ne dis pas que c'est normal, mais c'est humain - qu'un individu dise: Je vais rester sur les accidents de travail. Le système, malheureusement, encourage ça, d'une certaine façon.

Le système encourage ça. Moi, je pense qu'il faut revoir ça et je crois que c'est l'AECQ qui a une approche, M. le Président, d'un large débat public concret là-dessus, et je pense que je suis d'accord avec ça, personnellement. Moi, je pense qu'il faut regarder les choses bien en face. Si on veut sauver le régime, M. le Président, parce que c'est important qu'on sauve ce régime d'accidents du travail au Québec, il faut faire une discussion de fond très sérieusement et à partir de toutes les facettes de cette structure, M. le Président. Expliquer d'abord le mode de gestion de la CSST parce que, au pourcentage que ça vient gober dans les fonds de la CSST, ça mérite un examen très sérieux, d'abord, cette partie.

Deuxième aspect, on va régler tout ça par un arbitrage médical, la vision des patrons qui disent que ça dépend et du travailleur et du médecin, point? Est-ce qu'on est bien sûr de cela? Est-ce qu'on est bien sûr qu'un arbitrage médical va tout régler ça? Moi, je ne suis pas sûr de ça, je suis loin d'être sûr de ça; comme je ne suis pas sûr, non plus, qu'il faut être simpliste dans les contrôles. Je suis d'accord qu'il faut des formes de contrôle, en particulier dans ce secteur-là. Il peut y avoir des certificats de complaisance; j'en suis sûr, qu'il y en a. Il peut y avoir trop de judiciarisation; j'en suis sûr aussi. Mais est-ce qu'on doit tout éliminer? Je ne suis pas sûr, non plus. Judiciarisé, ça l'est au bout. Il y a des bureaux d'avocats qui ne vivent que de cela, présentement. Il y a des avocats qui ne vivent que de cas d'accident de travail. Il y a même des médecins qui se sont spécialisés, à toutes fins pratiques, pour faire de l'expertise privée pour les appels devant la Commission d'appel ou encore devant la Commission des affaires sociales; c'est vrai. Mais, M. le Président, entre tout cela, entre les perceptions divergentes, c'est quand même une structure qui, actuellement, est gérée paritairement par du patronat et du monde syndical. Est-ce qu'il n'y a pas eu, dans le passé, d'abord, des compromissions de coulisses pour s'entendre, même au niveau de la tarification? Est-ce qu'on en serait rendu au point, aujourd'hui, où le régime est en danger parce qu'il y a des déficits astronomiques si on avait maintenu un pourcentage de cotisation, à l'époque, qui a de l'allure? Pourquoi avoir baissé de 2,75 $ à 2,32 $? Il y avait des surplus, à l'époque? Il y a des structures qui font des réserves actuarielles, il y a des structures qui ont des fonds. D'autant plus, à mon point de vue, que les essais pour quantifier la cotisation, fixer des tarifs à des secteurs industriels, ça n'a pas été des plus heureux. C'est ça qui a contribué à la dernière baisse de 2,50 $ à 2,32 $, parce qu'il y avait moins d'emplois industriels, c'était moins payant, et ça a donné une moyenne

de 2,32 $.

Mais, M. le Président, quand on regarde tout cela, pourquoi ne pas se déclarer ouvert à une vision globale de la situation? Pourquoi le ministre du Travail ne se lève-t-il pas pour dire: Oui, nous allons écouter la CSST? Un bon avant-midi, on va la questionner sur sa gestion, on va voir quelles sont ses perceptions, on va demander à un gars comme M. Diamant, qui, lui, est placé entre le monde patronal et syndical, de nous donner sa version à lui de gestionnaire de l'État, grand commis de l'État. Et tu dis au grand commis de l'État: C'est quoi, le bobo? C'est quoi, le malaise? C'est quoi, selon vous, les solutions aux problèmes que vit la CSST? C'est ça, fondamentalement, qu'on veut faire, M. le Président. Et, si on ne l'a pas, on vous le dit, vous allez trouver ça long en commission parlementaire, parce qu'on va en faire, des motions, pour les rencontrer; c'est évident. Pourquoi ne pas, également, convoquer un groupe d'accidentés, et qu'on sache? Ce serait bon que les parlementaires se fassent dire ce que peuvent vivre des accidentés du travail. Ce ne sont pas tous des parasites du système. Ce ne sont pas tous des spécialistes pour extorquer jusqu'à la dernière cent ce qu'ils peuvent aller chercher. Non, monsieur! Il y a du monde sincère, il y a d'honnêtes travailleurs, il y a des gens fortement handicapés qui ont vécu d'autres problèmes beaucoup plus majeurs, à part ça, que des problèmes de santé physique, qui ont été obligés d'aller au BS, comme on se plaît à le dire, qui ont hérité d'aide conditionnelle, qui ont vu leur bris de ménage, M. le Président. (23 h 40)

C'est tout ça. Ça serait bon qu'on ait une couple d'heures pour les entendre eux aussi, sensibiliser certains petits administrateurs de bout de table, sensibiliser aux problèmes humains que vivent les travailleurs. Ça serait intéressant, ça va l'être cette partie-là, de confronter les perceptions des problèmes à la CSST entre les deux groupes dits paritaires qui doivent assumer la gestion. S'ils sont assez adultes et assez mûrs pour assumer la gestion, ils vont être capables de nous dire ce qu'ils pensent de la perception de l'un par rapport à l'autre. En ce qui me concerne, ils vont déballer ce qu'ils ont dans les tripes. Je suis content, moi personnellement, et très heureux qu'on puisse avoir l'opportunité de mettre certains points sur les i, qu'on ait l'opportunité de voir si vraiment on veut garder le régime en santé et si l'on veut se donner un régime dont l'objectif premier est d'abord le bien-être du travailleur comme tel. Qu'est-ce qu'il manque et qu'est-ce qui fait que ça provoque des déficits aussi astronomiques, M. le Président? C'est dû à quoi? Les vraies causes? Est-ce que les vraies causes, c'est les baisses de cotisation, la mauvaise gestion ou la gestion exagérée de la CSST, ou si c'est exclusivement la complaisance des médecins, ou si c'est seulement la judiciarisation? On se fait servir ça à tour de bras comme causes et ça s'obstine, les deux groupes dits gestionnaires. Quand on est sur un conseil d'administration, on a ordinairement les mêmes perceptions des problèmes qui nous sont rapportés. Je suis surpris, moi, qu'on ait des perceptions diamétralement opposées et qu'on s'entende, comme par hasard, par exemple, sur des tarifications.

M. le Président, je demande au ministre du Travail, s'il veut la collaboration de l'Opposition pour l'étude de son projet de loi, qu'il agisse avec transparence, qu'il convoque la CSST, qu'il nous assure qu'il y ait un groupe de travailleurs accidentés qui puissent témoigner également et nous collaborons correctement. Mais, sans vision globale, s'il veut se mettre des ornières lui-même, M. le Président, il trouvera le temps long naturellement, sur le plan parlementaire, parce qu'on a des moyens à notre disposition pour prolonger le temps. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. leader de l'Opposition officielle. Sur le même sujet, je cède la parole à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Vous disposez d'une période de 20 minutes, Mme la députée.

Mme France Dionne

Mme Dionne: Merci, M. le Président, il me fait plaisir de prendre la parole ce soir sur le projet de loi 35, qui est la Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie.

Certaines personnes comparent la Commission de la santé et de la sécurité du travail à un grand navire en détresse. Force nous est de constater qu'ils n'ont pas tout à fait tort, lorsqu'on considère les déficits qui s'y accumulent de manière catastrophique depuis maintenant près de trois ans et lorsqu'on voit qu'il manque presque 3 500 000 000 $ pour remplir les engagements à long terme déjà pris auprès de certains bénéficiaires. C'est devant un constat unanime des parties que le régime de santé et de sécurité du travail du Québec doit subir des transformations.

Avec ce projet de loi, le gouvernement libéral exprime clairement sa volonté de sauvegarder ce régime tout en maintenant et en protégeant les bénéfices auxquels ont droit les travailleuses et les travailleurs du Québec. Fait assez unique, M. le Président, tant les parties patronale que syndicale et que la CSST elle-même s'entendent, à tout le moins, sur un point: le régime de santé et de sécurité du travail du Québec est en péril et fait face, et c'est le moins qu'on puisse dire, à de sérieuses difficultés. Nous pourrions discourir longuement sur le sujet. Les moyens pour sauvegarder le régime divergent et l'approche du ministre du Travail

mérite, à plusieurs égards, qu'on s'y arrête.

Sans l'ombre d'un doute, le gouvernement a décidé d'agir avec le projet de loi 35 et, surtout, de répondre aux préoccupations des travailleuses et des travailleurs. Ces préoccupations ont été maintes fois exprimées lors de rencontres d'information organisées à leur intention. De plus, M. le Président, devant le sérieux de la situation, les parties siégeant au conseil d'administration de la CSST ont également demandé du temps afin qu'elles puissent faire des propositions de nature administrative et législative afin de sauvegarder ce régime.

Je rappellerais, M. le Président, que, le 22 octobre dernier, le ministre du Travail a chargé le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre d'examiner en priorité le dossier de la CSST pour proposer les changements nécessaires afin d'assurer la sauvegarde du régime de santé et de sécurité au travail du Québec. Les parties ont convenu que ce Conseil consultatif constituait le forum par excellence pour mener cet exercice de concertation. Le ministre a également privilégié cet exercice de concertation et de responsabilité afin que s'exerce le principe fondamental du paritarisme, qui est la base même du régime de santé et de sécurité au travail du Québec. M. le Président, on ne pourra pas nous accuser d'avoir agi en catimini sur ce dossier.

Permettez-moi de revenir au message des travailleurs et des travailleuses véhiculé lors de plus de 64 journées d'information entre les bénéficiaires et le personnel de la CSST, auxquelles ont participé au total près de 6500 travailleurs et travailleuses accidentés au Québec. Leur message est clair, M. le Président. Ils réclament des soins de qualité, le plus rapidement possible, afin de retourner dans leur milieu de travail. Ce message, entendu à plusieurs reprises, constitue, M. le Président, la toile de fond du projet de loi 35, car ce projet de loi vise notamment à sécuriser les travailleurs et les travailleuses accidentés. Avec la présentation du projet de loi 35, le gouvernement a décidé d'agir et surtout de rassurer les bénéficiaires du régime. Comme je le disais, étant donné que la réflexion des parties étalée sur six mois au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre n'a malheureusement pas permis de dégager de consensus, notre priorité est donc d'assurer la survie du régime dans un cadre financier acceptable, les amendements proposés visant notamment à réduire les délais d'indemnisation et les coûts associés à la réparation des accidents et des lésions professionnelles.

Les modifications suggérées ont aussi pour but de favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et des lésions professionnelles, de désengorger les instances de révision et d'appel prévues à la loi ainsi que d'humaniser davantage les services offerts aux bénéficiaires du régime. Je tiens à souligner, M. le Président, que le contenu du projet de loi 35 ne contient aucune surprise, car ce sont toutes des questions qui ont fait l'objet de discussion...

M. Boulerice: M. le Président, sur une question de règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant, Mme la députée de Kamou-raska-Témiscouata!

M. Boulerice: M. le Président, je suis très attentif...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, un instant! Allez-y.

M. Boulerice: ...au discours de ma collègue, mais je trouve que, malheureusement, on n'est pas suffisamment nombreux pour écouter son propos, alors je vous demanderais de vérifier le quorum.

Des voix: Ah!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés!

Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, si vous voulez continuer votre intervention. Je vous rappelle que vous disposez encore d'une période de 15 minutes. Allez-y, Mme la députée. (23 h 50)

Mme Dionne: Merci, M. le Président. C'est dommage que le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques nous ait interrompu comme ça, M. le Président. Mais ça me permet en même temps de dire une chose, puisque, comme vous le savez, la CSST et les projets de loi que l'on a à retravailler ont été mis de l'avant par leur gouvernement. Vous savez, en 1979, on a fait des modifications; en 1985, on en a fait, et, si on se retrouve aujourd'hui avec des problèmes, c'est peut-être aussi parce que, à ce moment-là, au lieu d'écouter vraiment précisément les besoins des travailleurs accidentés, on s'est accroché dans des formules au-delà de ce qu'on devrait faire. Et, quand je regarde les problèmes des travailleurs accidentés dans mon comté, je pourrais vous dire une chose, c'est que les problèmes qu'on a dans le moment, ce sont des problèmes qui sont dus aux modifications de 1979 et aux modifications de 1985.

Alors, M. le Président, quand le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques nous arrête dans notre explication du projet de loi qui fait vraiment consensus, je pense qu'à ce moment-là il fait fausse route et j'espère qu'il va pouvoir me laisser continuer jusqu'à la fin.

Alors, M. le Président, comme je vous le disais - je reviens à ça - les modifications suggérées ont aussi pour but de favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et des lésions professionnelles, de

désengorger les instances de révision et d'appel prévues à la loi - et ça, c'est important pour les travailleurs accidentés de chacun de nos comtés - ainsi que d'humaniser davantage les services offerts aux bénéficiaires du régime.

Je tiens à souligner, M. le Président - et je le répète, je l'ai dit tout à l'heure avant que je sois interrompue - que le contenu du projet de loi 35 ne contient aucune surprise, car ce sont toutes des questions qui ont fait l'objet de discussion au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

M. le Président, j'aimerais également rappeler à cette Chambre que, basé sur le paritarisme, notre régime est unique en Amérique du Nord, et ce caractère distincttf demeure intact. Nulle part au Canada le paritarisme n'est aussi ancré à chaque étape du régime. Je me dois également de rappeler que notre législation en matière de santé et de sécurité au travail est jeune. Il faut maintenant adapter les mécanismes qui y sont prévus, et ce, afin d'assurer une meilleure gestion du régime.

Les modifications présentées visent, comme je le disais, à favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation, tout en ayant pour but de désengorger les différentes instances un peu partout à travers le Québec. Alors, M. le Président, en substance, le projet de loi 35 propose un réaménagement du processus d'évaluation médicale par l'implantation d'un bureau d'évaluation médicale, en remplacement de l'arbitrage médical, tel qu'on le connaît, et ce, afin de permettre au Bureau d'évaluation médicale de donner un avis sur la question qu'il juge approprié, et ce - c'est très important - dans un délai imparti; un réaménagement de la procédure de révision des décisions de la Commission, entre autres par la création d'un service de conciliation, d'une division du financement au bureau de révision paritaire, ainsi qu'un élargissement de juridiction de ceux-ci aux questions d'ordre médical. On suggère, de plus, que l'appel à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles se fasse dorénavant par dossier et que celui-ci soit permis quant aux litiges de plus de 1000 $, en plus de permettre à celui-ci de surseoir à une décision du bureau de révision paritaire dans certains cas; que le poste de président-directeur général soit scindé en un poste de président au conseil d'administration et chef de direction et président et chef des opérations, et que les décisions de la Commission ou d'un bureau de révision paritaire prennent effet immédiatement.

M. le Président, je me permettrai également de rappeler d'autres propositions, puisque c'est important de le mentionner à la population et particulièrement à nos accidentés, des propositions telles que l'accès des professionnels de la santé désignés par l'employeur au dossier médical du travailleur, dans certains cas, l'indemnisation pour bris d'orthèse et de prothèse dans le cas d'une lésion professionnelle, la possibilité pour la CSST de reconsidérer certaines de ses décisions, l'occupation d'un emploi convenable disponible chez son employeur pour un travailleur victime d'une maladie professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans ou d'au moins 60 ans pour une autre lésion.

M. le Président, une lecture exhaustive des principaux points contenus dans le projet de loi 35 permettra, nous en sommes convaincus, de reprendre le contrôle d'une partie des coûts d'opération de cet organisme. Nous convenons tous de l'urgence d'une action concertée et équitable. Nul doute que le projet de loi 35 permettra de redresser la situation que nous jugeons tous inacceptable. Nos objectifs d'humaniser, de désengorger et de déjudiciariser le régime de santé et de sécurité au travail sont bien réels et nous nous devons de constater que le projet de loi 35 répond à ces objectifs.

M. le Président, en terminant, j'aimerais rappeler que l'heure est à l'action et non à la discussion. Le régime est en péril et des gestes s'imposent pour que soit sauvegardé ce contrat social. Le projet de loi 35 fait en sorte d'assurer la survie du régime dans un cadre financier - je le rappellerai, M. le Président, compte tenu de la situation économique actuelle du Québec - acceptable, tant pour les bénéficiaires que pour les employeurs. Alors, M. le Président, sur ce projet de loi 35, j'appuierai le ministre du Travail et je voterai pour la loi qui nous est présentée. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Sur le même sujet, je cède la parole à Mme la députée de Taillon. Vous disposez, également, d'une période maximale de 20 minutes. Mme la députée.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. Je vais, à mon tour, faire un certain nombre de constats sur le projet de loi qui nous est présenté, qui est devant nous ce soir et pour lequel nous avons certaines objections à formuler et, si ce n'est des objections, du moins nous avons des attentes à exprimer au ministre responsable devant cette Chambre de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Je pense que ma collègue, la députée de Chicoutimi, a tracé un portrait fort pertinent et fort juste de l'état de la situation que l'on constate actuellement à la Commission de la santé et de la sécurité du travail et pour lequel il nous apparaît que les évaluations qui nous sont présentées par le ministre et par quelques intervenants sur le terrain ne nous semblent pas correspondre à l'évaluation qui est faite, par ailleurs, par d'autres intervenants qui observent la situation et qui observent ce qui arrive au niveau de la

Commission de la santé et de la sécurité du travail.

En ce sens, nous souhaiterions... et nous l'avons demandé avec insistance au ministre, qui avait d'ailleurs accepté cette demande parce qu'il la jugeait, à cette époque, à ce moment, pertinente. Or, la situation n'a pas, à notre point de vue, changé; au contraire, s'il y a quelque chose, elle s'est quelque peu détériorée et donc, dans ce sens-là, nous ne comprenons pas que le ministre ne soit plus maintenant en accord avec une chose qu'il avait lui-même acceptée, entre autres que nous entendions, en audience, en commission parlementaire, un certain nombre de groupes qui sont préoccupés et concernés surtout parce qu'ils en sont soit les fournisseurs au plan monétaire, les gestionnaires ou parce qu'ils en sont les bénéficiaires. Donc, ces groupes représentent des personnes qui sont concernées par ce qui se passe à la CSST. Nous avions demandé, suggéré, le ministre était d'accord, que cette liste, que nous pouvions bâtir ensemble, soit limitée, mais que les auditions aient lieu, que nous puissions écouter ces gens qui, de toute façon, depuis que le ministre a déposé son projet de loi, se sont dit en complet désaccord avec ce qui est devant nous aujourd'hui, M. le Président. Nous avions dressé une liste de groupes qui nous apparaissaient les plus pertinents à entendre; je pense à l'Association des entrepreneurs en construction, l'Association des manufacturiers, la corporation des médecins qui se plaignait... D'ailleurs, je lisais encore dernièrement un long réquisitoire de la part d'un représentant des médecins qui disait comment les médecins avaient été écartés, à toutes fins pratiques, du projet ou, du moins, des éléments de solution à apporter aux problèmes qui sont vécus actuellement. Alors, on souhaitait entendre la corporation des médecins du Québec. Je ne ferai pas la nomenclature ni la liste de tous ces groupes que nous voulions recevoir, mais ils étaient quand même relativement limités et concernaient le sujet en cause, (minuit)

Deuxième demande, bien exprimée aussi par ma collègue, la députée de Chicoutimi, nous souhaitions, nous demandions et nous demandons toujours, M. le Président, que le ministre s'engage à instituer une enquête indépendante d'actuaires sur la gestion de la Commission et une enquête sur l'administration générale de la Commission. Il ne nous apparaît pas inutile que l'on puisse procéder ainsi pour différentes raisons, dont, entre autres, un certain nombre de données qui nous sont présentées à travers les chiffres nombreux, évidemment, à travers les statistiques en nombre, je dirais, très élevé qu'on nous présente. Il n'est pas inutile que nous demandions une telle enquête puisque, à travers ces données, on pouvait constater que, si le déficit était dû à une hausse, par exemple, du nombre de personnes bénéficiaires ou du temps où elles étaient bénéficiaires de la CSST, le déficit était aussi dû à, je dirais, de mauvais choix, de mauvaises décisions à l'égard des taux de cotisation ou des décisions qui n'avaient pas eu de suite.

Et je donne un exemple tout de suite, M. le Président. Lorsque Mme Forget a été présidente de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, elle reconnaissait elle-même qu'elle avait été, à un moment donné de sa tâche, de sa responsabilité, forcée d'accepter une baisse du taux de cotisation suite à des pressions patronales. Donc, on avait retouché le taux de cotisation qui était de 2,75 $ des 100 $ assurables à 2,50 $. N'entrons pas dans tous les chiffres, on risquerait de s'y perdre, M. le Président.

Cependant, c'était sage, finalement, comme décision, parce que ce que le patronat demandait, c'était cette baisse de taux, mais il s'engageait à ce qu'il y ait une augmentation du taux de cotisation si dans l'année qui suivait, entre autres, en 1990, la CSST, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, connaissait un déficit. Or, dans les faits, en 1990, la Commission va connaître un déficit; cependant, non seulement on ne réajustera pas le taux de cotisation conséquemment, mais, au contraire, en 1991, on va assister à une seconde baisse du taux moyen à 2,32 $ alors qu'il était à 2,50 $.

M. le Président, quand on veut faire porter l'odieux de l'explosion actuellement des coûts à la CSST et des déficits, je pense qu'il faut être conscient et se rappeler un certain nombre de décisions, dont celle-ci: décision qui, au départ, semblait acceptable et sage, mais pour laquelle il n'y a pas eu suite de la part de la partie patronale, c'est-à-dire il n'y a pas eu respect d'une des parties de l'engagement, ce qui fait qu'on a créé une autre pression sur le déficit. En regardant ce qui s'est passé sur une certaine période de temps, on a constaté qu'il y avait eu effectivement des déficits accumulés dans le passé et on n'avait pas provisionné, on n'avait pas prévu qu'une partie des prélèvements allait servir à couvrir ce déficit accumulé que l'on évalue à environ 500 000 000 $.

À ce moment-là, cessons de mettre le «focus» sur les travailleurs et les travailleuses, et essayons de regarder du côté, d'une part, des analyses actuarielles et, d'autre part, de l'administration elle-même de la CSST pour voir s'il n'y aurait pas matière à une correction de tir qui ne ferait pas porter tout le poids sur les travailleurs et les travailleuses.

Vous savez, nous avons la chance d'avoir de très bons actuaires au Québec, qui, entre autres, ont bâti l'ensemble de nos régimes de pension, qui ont bâti le grand régime qui est celui de la Régie des rentes du Québec et qui sont tout à fait habilités et capables de faire des prévisions qui, généralement, selon des périodes de temps qui sont données pour réviser ces prévisions et les réajuster selon évidemment la conjoncture, donnent des résultats tout à fait efficaces. Alors,

il nous apparaît qu'il y a peut-être là matière à ce que l'on ait une information plus complète, plus juste, plus pertinente, permettant de faire une évaluation qui permettrait de corriger le tir et, encore une fois, ne remettrait pas tout le poids ou tout le fardeau seulement d'un côté de la clôture, soit sur le dos des travailleurs et des travailleuses.

Il est intéressant, d'ailleurs, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, Mme la députée de Taillon. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Voudriez-vous vérifier si nous avons quorum, M. le Président, en vertu de notre règlement?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a quorum. Il y a 13 députés. Allez-y, Mme la députée de Taillon, continuez.

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Effectivement, il serait souhaitable que nous ayons, tout au long de ce débat, au moins le quorum. Je vous remercie, M. le Président, de le constater avec moi.

Je voulais revenir, M. le Président, sur un certain nombre de témoignages qui ont été recueillis auprès de bénéficiaires et de leur conjoint pour voir comment, finalement... Et c'est un témoignage qui a été recueilli par une chargée de projet, Mme Provencher, et qui a été déposé au moment où se sont tenues des journées d'information destinées aux bénéficiaires de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Ces témoignages, M. le Président, sont fort éloquents du fait que souvent les travailleurs et les travailleuses se sentent beaucoup plus piégés, finalement, par le système, et incapables de voir comment ils peuvent se retrouver à travers ce système, d'une part; ils se sentent, tout compte fait, plus coupables qu'autre chose lorsqu'ils sont pris en main, pris en charge ou lorsqu'ils ont à s'adresser à la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Et j'aimerais peut-être faire état de quelques-uns de ces témoignages qui nous sont présentés dans ce document et qui sont fort intéressants à entendre. On nous mentionne, entre autres, et on nous dit que c'est constant dans toutes les questions qu'on a posées auprès des personnes qui ont bénéficié ou été en contact avec la CSST... On nous dit: C'est constant, c'est toujours, donc, ce qui revient comme commentaire. D'abord, au plan personnel, on nous dit: Perte de l'estime de soi, sentiment d'inutilité, d'impuissance et de culpabilité, difficulté à accepter la perte d'autonomie.

Au plan médical - et c'est intéressant de regarder ce que l'on dit là parce que la loi, entre autres, va retoucher des éléments qui concernent la relation entre la personne ayant subi une lésion, une blessure ou ayant subi un traumatisme et son médecin, et on va constater, je vais y revenir plus loin dans mon intervention, M. le Président, qu'on fait des modifications assez majeures qui remettent en question, justement, ce lien de confiance qui devrait, d'autre part, exister - on nous dit: La communication est difficile avec les médecins, surtout les spécialistes, délai trop long pour le diagnostic. Et on ajoute, évidemment, l'hospitalisation; les différences d'opinion médicale causent de l'anxiété, méconnaissance des rôles respectifs des médecins. Alors qu'on dit que le travailleur ou la travailleuse exploite sa relation avec le médecin, ce qui est constaté ici après une enquête sérieuse, c'est qu'au contraire on a une méconnaissance des rôles respectifs de chacun et qu'on se sent plutôt un otage dans ce système-là qu'un manipulateur du système, M. le Président.

Au plan social, qu'est-ce qui revient? Préjugés sociaux à affronter. Malheureusement, ce que je crains, c'est que tout le débat qui entoure actuellement le projet de loi 35 et qui entoure ce qui se passe à la CSST risque d'ancrer davantage ces préjugés sociaux, M. le Président. Pertes importantes au plan des activités sociales. Bien sûr, l'accidenté se retrouve dans une situation souvent d'isolement puisque son groupe d'appartenance était le groupe auquel il était associé par le travail. À partir du moment où il est exclu, par la force des choses, du monde du travail, cela lui pose un certain nombre de problèmes. Ajoutons, et ça c'est plus sérieux, je dirais, M. le Président, et ça a trait au débat que nous avons aujourd'hui: projection d'une image négative d'être un bénéficiaire de la CSST, M. le Président, et donc impuissance face aux préjugés sociaux. Ce qui vient donc amplifier l'anxiété que vivent les travailleurs et les travailleuses, et qui a un effet, aussi, sur leur réinsertion.

Je pense que ce n'est à aucun membre de l'Assemblée nationale ici, M. le Président, que je vais apprendre l'importance des facteurs psychologiques et psychosociaux sur la réinsertion d'une personne, que ce soit au travail, que ce soit en activités ou peu importe; on connaît ces phénomènes depuis de nombreuses années, pour ne pas dire des décennies. C'est particulièrement vrai, entre autres, chez les bénéficiaires, par exemple, d'aide sociale, qui souvent perdent une telle estime d'eux-mêmes, ça a un effet si négatif sur eux, qu'ils ne se sentent pas capables de se reprendre en main. (0 h 10)

Ce qu'on nous dit, c'est qu'actuellement cette espèce de traumatisme que vivent un certain nombre de nos concitoyens et de nos concitoyennes serait vécu, de fait, par les travailleurs et les travailleuses à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Et je me dis qu'avant de faire porter le blâme sur ceux-ci

ou celles-ci, on devrait, à tout le moins, regarder tout l'aspect essentiellement financier de ce qui se passe à la CSST, voir les études actuarielles, voir l'état de la gestion des budgets et voir comment on pourrait déjà de ce côté-là recorriger le tir sans faire porter tout l'odieux aux travailleurs et aux travailleuses.

D'ailleurs, c'est à ce point vrai, M. le Président, que l'ensemble des associations des travailleurs et des travailleuses a quasi unanimement rejeté le projet de loi. Quand je dis «quasi unanimement», c'est que certains l'ont fait d'une façon peut-être moins virulente, mais, en fait, toutes les associations syndicales, toutes les associations représentant les travailleurs et les travailleuses sont en désaccord actuellement avec le projet de loi et, à l'exception du Conseil du patronat, il en va de même pour les associations patronales. Si je comprends bien, le ministre est en train de faire la parfaite unanimité, mais contre le projet de loi qui est devant nous, alors que nous lui offrons une avenue qui permettrait de faire la lumière - merci, M. le Président - sur l'état de la situation et qui permettrait de creuser certains éléments d'organisation à l'intérieur même de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Je continue, M. le Président, sur ces constats que l'on faisait en faisant une analyse des comportements, des attitudes et des situations dans lesquelles se trouvaient les travailleurs et les travailleuses. Le retour au travail, évidemment, est un des facteurs majeurs sur la réduction des coûts, on en convient. Qu'est-ce qu'on nous dit de ce côté-là? Manque de préparation au retour au travail, M. le Président, crainte de ne pouvoir refaire son travail, peur d'être obligé de faire un nouveau travail sans intérêt, crainte du congédiement. Et on l'a vu, je connais personnellement des cas où, parce qu'on a été un bénéficiaire de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, parce que le retour au travail peut s'avérer, oui, plus difficile, peut exiger une certaine adaptation, des employeurs ont trouvé des prétextes différents, mais ont congédié les personnes qui se trouvaient dans de telles situations. Comme on connaît ces situations - évidemment, elles sont exceptionnelles, j'en conviens, mais cela existe - on craint que cela puisse se passer quand ça nous concerne. C'est ce que nous disent ici les travailleurs et les travailleuses qui ont été consultés. Crainte de ne pas pouvoir répondre aux attentes de l'employeur, manque de support lors du retour au travail, M. le Président. C'est ça aussi, la situation de gens qui, à cause d'un accident, à cause d'un traumatisme, se sont retrouvés, pour un moment, des bénéficiaires de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et, pour un certain nombre d'autres, pour leur vie entière, à cause d'un handicap très lourd dont ils auraient été les victimes à l'occasion d'un accident de travail.

Le projet de loi qui est devant nous ne nous apparaît pas venir solutionner les problèmes qui sont soulevés à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Dans ce sens-là, nous croyons que les avenues que nous proposons nous permettraient d'établir une assise, une base nous permettant peut-être de tirer des conclusions qui pourraient aller dans le sens de ce que propose le ministre, mais qui pourraient aussi être tout à fait différentes de ce qui nous est proposé.

Si vous me le permettez, je sais qu'il ne me reste à peine que quelques minutes, je vais faire état, entre autres, du commentaire qui a été fait, à l'occation du dépôt du projet de loi 35, par les organisations syndicales, CSN, CEQ, Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, syndicat des professionnels, syndicat des fonctionnaires, etc. Ils ont rejeté le projet de loi 35 en disant: «Ce projet de loi trahit le souhait du ministre de se conformer aux désirs du patronat. C'est l'antithèse même d'une loi pour protéger les travailleuses et les travailleurs des lésions et maladies professionnelles, ont-elles commenté. En outre, aucune obligation n'est faite aux employeurs d'adopter des mesures de prévention.» Parce que, comment sortirons-nous de ce cercle vicieux, M. le Président, si, effectivement, on n'applique pas des mesures de prévention significatives?

Je continue, M. le Président, en citant toujours les représentants des centrales: «De plus, on y sent la volonté d'un organisme de s'approprier tout le contrôle et de faire sa propre loi. La CSST - le projet de loi a été rédigé par le contentieux de la Commission de la santé et de la sécurité du travail - y règle ses comptes, à la fois avec les médecins traitants, dont elle n'a jamais pu accepter de devoir respecter les diagnostics et avec la commission d'appel, car elle n'a jamais aimé devoir s'ajuster à la jurisprudence d'un tribunal indépendant». D'ailleurs, il en prend pour son rhume, ce fameux tribunal indépendant.

Une minute, M. le Président. La demande d'une évaluation de l'administration générale de la CSST nous permettrait peut-être, entre autres, de comprendre et de justifier comment il se fait que 6 000 000 $ servent à des frais de déplacement et à des frais de séjour à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, ce que j'avais l'occasion de rappeler, il y a à peine une semaine, M. le Président, à l'occasion d'un bilan de l'étude des crédits du gouvernement. Alors, cela étant dit, nous souhaitons que le ministre et que ses collègues soient sensibles aux propositions que nous lui faisons, car nous croyons que cela faciliterait, par la suite, nos échanges, nos débats et la solution à apporter aux problèmes que vivent des milliers de travailleuses et de travailleurs, mais que vivent aussi des patrons qui souhaitent que leur personnel reçoive des services de qualité, M. le Président. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Taillon, de votre intervention. Sur ce même sujet, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 35, je reconnais M. le député des îles-de-la-Madeleine.

Oui, M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: Oui. Pour que les gens entendent bien son discours, M. le Président, comme nous sommes dépassés minuit, c'est 20, le quorum?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question de règlement, une question de quorum.

M. Jolivet: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés.

Si vous voulez prendre place, nous avons maintenant quorum et je reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre du Tourisme et député des Îles-de-la-Madeleine. M. le député.

Des voix: Bravo!

M. Georges Farrah

M. Farrah: Encore. Merci, M. le Président, de me reconnaître à une heure aussi tardive. Et je remercie aussi mes collègues d'être présents en si grand nombre pour entendre sûrement un excellent discours. Je vous remercie infiniment.

Des voix: Bravo! (0 h 20)

M. Farrah: Vous voyez, M. le Président, la popularité, ce que ça peut faire! Il me fait plaisir d'intervenir aujourd'hui sur le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Il y a à peine 10 ans, des changements ont marqué le monde du travail du Québec comparables à ceux qui ont eu lieu dans les domaines de l'éducation et de la santé. La Commission de la santé et de la sécurité du travail nouvellement créée se voyait confier alors la responsabilité d'administrer le régime québécois de santé et de sécurité du travail. M. le Président, cette nouvelle loi marquait un tournant majeur. Alors que la législation antérieure mettait l'accent sur l'indemnisation des travailleurs, celle-ci plaçait la prévention au coeur du régime et établissait des mécanismes paritaires de participation. Un nouveau contrat social s'affirmait par une responsabilisation plus accrue des parties. Ainsi, M. le Président, dans l'avenir les employeurs et les travailleurs devaient s'allier pour prévenir les lésions professionnelles. On peut dire que la réticence et le scepticisme accueillaient cette nouvelle législation.

Mais, M. le Président, la situation financière de la Commission de la santé et de la sécurité du travail fluctue et accumule des déficits depuis trois ans. Il lui sera difficile de remplir certains engagements à long terme déjà pris auprès de certains bénéficiaires du régime, si l'on n'intervient pas par des modifications législatives et administratives. Devant un tel constat, M. le Président, unamine des parties que le régime de santé et de sécurité du travail au Québec est en péril, la CSST ayant enregistré un déficit de 792 000 000 $ en 1991, le gouvernement libéral exprime clairement sa volonté de sauvegarder le régime, tout en maintenant et en protégeant les bénéfices auxquels ont droit les travailleurs et les travailleuses, et cela, M. le Président en présentant le projet de loi 35.

M. le Président, malheureusement, si on peut faire un petit résumé de ce qui a déjà été dit sur la nouvelle structure de la CSST, qui au cours des ans devait améliorer la situation, on peut dire qu'elle n'a pas changé grand-chose et on le vit aujourd'hui. On peut le constater en jetant un coup d'oeil sur les rapports annuels. Plusieurs nouvelles réalités viennent modifier tant la société québécoise que les milieux de travail et les contextes dans lesquels le régime de santé et de sécurité du travail évolue. Des secteurs d'activité sont bouleversés et même disparaissent, alors que d'autres se développent, influençant le nombre et la nature des lésions professionnelles.

On aurait pu penser, M. le Président, en examinant tout cela, qu'au Québec il y aurait diminution des lésions. Au contraire, on s'aperçoit que les lésions n'ont fait qu'augmenter, c'est-à-dire que les demandes de prestations n'ont fait qu'augmenter depuis que la CSST a été créée. M. le Président, ce problème que tout le monde avait reconnu à l'ancienne Commission des accidents du travail, il nous semble que tout cela continue à la CSST. Tous les partenaires du monde du travail doivent dès à présent réfléchir sur les perspectives d'avenir du régime et les nécessaires modifications à lui apporter pour le sauvegarder, tout en tenant compte de l'opinion gouvernementale, syndicale et patronale.

M. le Président, avant de voir en détail ce que propose le projet de loi 35, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la situation qui prévaut à l'heure actuelle. La Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit un processus décisionnel lourd en matière médicale. La Commission est liée par le médecin traitant du travailleur et ne peut se délier que par l'avis d'un arbitre. L'employeur n'a pas directement accès à l'information médicale que la Commission possède et certains n'y ont pas accès du tout. De plus, la possibilité d'exiger que le travailleur se soumette à un examen médical est restreinte. Certains travailleurs ne sont pas obligés d'occuper un emploi convenable disponible chez leur employeur. Une

indemnité pour bris d'orthèse ou de prothèse peut être payée selon la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, même s'il n'y a pas eu lésion professionnelle. L'assistance médicale est mal cernée dans la loi et ne permet pas un contrôle des coûts. Le financement des associations sectorielles paritaires est actuellement assuré par des employeurs dont certains ne peuvent bénéficier des services de ces associations. Les règles de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles sur la prise d'effet des décisions obligent la Commission à payer des indemnités non récupérables lorsque le droit du travailleur est par la suite nié. La Commission, M. le Président, ne peut corriger ses erreurs par la reconsidération à cause d'un pouvoir limité. La révision se fait devant un bureau qui siège à trois membres et qui ne peut se prononcer sur des questions d'ordre médical. En appel, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, communément appelée la CALP, accumule des retards et doit entendre à nouveau la preuve faite devant les bureaux de révision. Enfin, M. le Président, le président-directeur général est le seul responsable à la fois des politiques et de l'administration de la Commission.

Alors, M. le Président, les propositions contenues dans le projet de loi 35 nécessitent des modifications à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi qu'à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

La première proposition concerne le processus décisionnel en matière médicale. La Commission pourrait être déliée de l'opinion du médecin qui a la charge du travailleur, si elle obtenait un rapport d'un médecin qu'elle désigne, qui infirme ou complète cette opinion. L'employeur, qui se voit imputer les coûts d'une lésion professionnelle subie par un travailleur qui n'est plus à son emploi, pourrait avoir droit d'accès au dossier que possède la Commission relativement à cette lésion, et ce, par l'entremise d'un professionnel de la santé, désigné par ce dernier.

Actuellement, l'employeur n'a le droit d'exiger qu'un seul examen médical de son travailleur. Ces limites pourraient disparaître pour permettre à l'employeur d'exiger autant d'examens et de rapports médicaux que ceux faits par le médecin traitant choisi par le travailleur. Cela permettrait, M. le Président, à l'employeur de suivre l'évolution du dossier, en obtenant l'opinion d'un autre professionnel de la santé et, selon le cas, d'exercer son droit de contestation.

La procédure de confection de la liste des professionnels de la santé qui acceptent d'agir comme membre du Bureau d'évaluation médicale pourrait être modifiée pour permettre au ministre d'y ajouter le nom d'autres professionnels de la santé. Lorsqu'un arbitre, saisi d'une contestation sur l'opinion du médecin traitant, ne donne pas son avis dans le délai fixé à la loi, soit 30 jours, la Commission pourrait demeurer liée par le rapport du professionnel de la santé qu'elle a déjà obtenu. Dans ce contexte, M. le Président, l'arbitrage deviendrait le Bureau d'évaluation médicale afin de mieux refléter la réalité.

M. le Président, en matière de maladies professionnelles pulmonaires, l'obligation de soumettre la réclamation à deux comités d'experts alourdit et retarde le processus de décision. Un seul comité pourrait émettre un avis crédible pour lier la Commission.

Une deuxième proposition, M. le Président, prévoit que le travailleur victime d'une maladie professionnelle alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans, ou d'au moins 60 ans pour une autre lésion professionnelle, devra occuper un emploi qui lui serait offert par son employeur et qui serait jugé convenable par la Commission; à défaut de quoi, M. le Président, son indemnité de remplacement du revenu pourrait être réduite du revenu net qu'il pourrait tirer de cet emploi convenable. Cette solution favoriserait le retour au travail du travailleur visé à l'article 53, rejoignant ainsi l'objectif fondamental du régime de réparation des lésions professionnelles.

Une troisième proposition a trait à l'indemnité pour bris de prothèses ou d'orthèses, qui pourrait n'être payable que dans la mesure où le bénéficiaire a subi une lésion professionnelle. Dans le cas des montures de lunettes et de lentilles cornéennes, la loi pourrait prévoir une indemnité maximale. Dans les autres cas, l'indemnité ne pourrait excéder le montant déterminé pour les prothèses ou orthèses fournies à titre d'assistance médicale. Cette solution, M. le Président, supprimerait l'unique exception dans toute la loi au principe de l'indemnisation fondée sur l'existence d'une lésion professionnelle. Elle pourrait empêcher de possibles abus.

La quatrième proposition concerne l'assistance médicale. La loi pourrait être modifiée de manière à ce que tous les établissements de santé du réseau public, qui dispensent des soins ou des traitements à des travailleurs victimes de lésions professionnelles, soient gouvernés par les mêmes règles. Ces règles, M. le Président, pourraient être élaborées par entente entre le ministre de la Santé et des Services sociaux, les futures régies régionales et la Commission. M. le Président, cette solution aurait l'avantage de rendre publics les droits et obligations des travailleurs et des intervenants de la santé suivant le processus réglementaire habituel, et de lier les organismes de révision et d'appel, permettant ainsi à la Commission un meilleur contrôle des coûts à ce chapitre.

Une cinquième proposition, M. le Président, a trait au financement des associations sectorielles paritaires. La loi pourrait être modifiée de manière à ce que le coût de la subvention accordée à une association sectorielle paritaire soit assumé par les seuls employeurs appartenant à un secteur d'activité pour lequel une telle association a été constituée. Cette modification à

la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles permettrait à la Commission de rétablir l'équité dans la contribution des employeurs au financement des associations sectorielles paritaires. (0 h 30)

Une sixième proposition concerne l'effet de décision. M. le Président, les décisions de la Commission et du bureau de révision pourraient avoir effet immédiatement, malgré une demande de révision ou un appel, sauf exception. Par ailleurs, il y aurait lieu de garder le statu quo en ce qui concerne certaines indemnités forfaitaires importantes qui ne sont payables actuellement que sur décision finale. C'est le cas, notamment, de l'indemnité pour dommages corporels et des indemnités forfaitaires de décès.

La septième proposition du projet de loi 35 concerne la reconsidération. La Commission devrait pouvoir reconsidérer ses décisions dans tous les cas où il y a erreur, mais dans un délai de 90 jours de cette décision. Cette solution, M. le Président, offrirait un triple avantage: permettre de corriger les erreurs dès le début du processus décisionnel tout en garantissant la stabilité juridique des décisions et désencombrer les instances de révision et d'appel en cas de conciliation fructueuse.

Une huitième proposition touche la révision et l'appel. Ainsi, à l'égard des bureaux de révision, le projet de loi élargit également la compétence de ces bureaux aux questions d'ordre médical, envisage l'embauche d'assesseurs médicaux et prévoit que les décisions de ces bureaux en matière de réparation des lésions professionnelles peuvent faire l'objet d'un appel lorsque la prestation sur laquelle porte le litige excède 1000 $. Il instaure également une division spéciale du financement non paritaire de même qu'un service de conciliation. Il prévoit, de plus, qu'un appel à la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles se fera sur dossier, avec audition, sans nouvelle enquête, à moins que la Commission d'appel n'en décide autrement. Il prévoit également que la Commission de la santé et de la sécurité du travail pourra supporter, dans certains cas, les frais et les allocations des témoins devant la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles.

M. le Président, la dernière proposition concerne la direction de la Commission. Le poste de président-directeur général de la Commission pourrait être scindé pour créer un poste de président du conseil d'administration et chef de la direction et un poste de président et chef des opérations. Les amendements proposés ont pour objectif de réduire les délais d'indemnisation et les coûts associés à la réparation des accidents et des maladies professionnelles. Ces modifications présentées visent également à favoriser une meilleure gestion de programmes d'indemnisation des accidents et des lésions professionnelles et ont pour but de désengorger les différentes instances de révision et d'appel prévues à la loi, ainsi que d'humaniser davantage les services offerts aux bénéficiaires du régime. En agissant par voie législative et en prenant ses responsabilités afin de sauver le régime, le gouvernement du Parti libéral veut ainsi assurer une meilleure protection aux travailleurs et aux travailleuses accidentés, offrir des soins d'une plus grande qualité et d'une plus grande efficacité et, enfin, M. le Président, favoriser le retour au travail du travailleur.

M. le Président, il ne faut pas oublier que notre régime, basé sur le paritarisme, est unique au monde et ce caractère distinctif demeure intact. Nulle part au Canada le paritarisme n'est aussi ancré dans chaque étape du régime. La législation en matière de santé et de sécurité du travail est jeune, mais il est maintenant temps d'adapter ces mécanismes afin d'assurer une meilleure gestion du régime et de protéger les bénéfices auxquels ont droit les bénéficiaires. Il faut faire en sorte, M. le Président, d'assurer la survie du régime dans un cadre financier acceptable. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député des îles-de-la-Madeleine. Alors, sur ce même sujet, je reconnais maintenant M. le vice-président de la commission de l'économie et du travail et député de Laviolette. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que j'interviens sur le projet de loi parce que, M. le Président, nous avons une occasion en or de pouvoir, avec le gouvernement, faire en sorte qu'on obtienne le meilleur projet de loi possible dans les circonstances. D'autant plus que j'ai eu l'occasion, il y a de cela maintenant un bon nombre d'années, d'appuyer le ministre de l'époque, M. Pierre Marois, qui était responsable de l'ensemble des relations de travail, qui avait pour mission de remplacer l'ensemble de la loi de la Commission des accidents du travail par la loi qui est devant nous.

J'ai eu l'occasion, dans les semaines qui ont amené la mise sur pied du livre blanc, de travailler en étroite collaboration avec le ministre de l'époque, comme je vous le disais, mais plus que cela, parce qu'il faut se rappeler qu'à cette époque-là les députés ministériels, tout comme les députés de l'Opposition, d'ailleurs, à l'époque, n'avaient pas d'argent pour voyager à travers le Québec. Nous étions confinés, à l'époque, à des possibilités de dépenses pour notre région seulement et les voyages à Québec. C'est un peu plus tard qu'il est arrivé d'autres possibilités nous permettant de voyager à travers le Québec pour faire des choses et, comme je n'étais pas adjoint au ministre, c'est à mes

propres frais que j'ai fait, en remplacement du ministre, sans être son adjoint parlementaire, mais étant membre du comité de travail, le tour du Québec, pour aller dire une chose: c'est qu'il fallait en arriver davantage, dans la question des accidents de travail, à une prévention plutôt qu'à une guérison. Et ça, ça faisait suite au militantisme syndical, pour lequel j'avais eu à travailler énormément à l'époque, et je vous raconte juste une petite anecdote de l'époque qui, aujourd'hui, pourrait avoir encore lieu. On a tellement de gens qui viennent dans nos bureaux de comté qu'on s'aperçoit, au bout de la course, qu'il n'y a rien de changé sous le soleil. On dit en latin: Nil novi sub sole. Rien de nouveau sous le soleil.

Mais je dois vous dire qu'à cette époque-là j'étais président d'un syndicat d'enseignants, le Syndicat des travailleurs de l'enseignement de la Mauricie, dans une école où il y avait des enfants handicapés et, comme on fête, cette année, la fin de la décennie pour les personnes handicapées... D'ailleurs, ce matin même, je devrais dire «hier matin», puisqu'il est déjà passé minuit, nous étions convoqués par le ministre de la Santé et des Services sociaux à une rencontre pour clôturer, justement, cette décennie, au salon rouge, comme on l'appelle dans notre langage.

Donc, ces personnes handicapées étaient dans une école et on avait, à l'atelier, deux événements importants qui se produisaient et qui pouvaient occasionner, pour les étudiants comme pour les professeurs qui y travaillaient, des risques d'accident. Et je l'avais pris à cette époque-là comme exemple. Il y avait une machine qui servait à tronçonner du bois, qui n'était pas fixée au plancher et qui pouvait être source de danger et d'accident. En même temps, comme nous étions en hiver, nous entrions dans la pièce le bois de l'extérieur, gelé, des fois avec des amoncellements de neige, et, par le fait même, comme nous étions sur du terrazzo et qu'à l'intérieur il faisait chaud, la neige fondant, le bois devenait un peu plus sec, il y avait des flaques d'eau. Vous vous imaginez le contexte dans lequel travaillaient les étudiants et les enseignants, et les personnes handicapées. La commission scolaire n'agissait pas du tout. Elle ne voulait pas faire les arrangements nécessaires pour la protection de tout le monde, et nous trouvions, comme enseignants, que ça n'avait pas de bon sens.

Qu'est-ce que j'ai fait comme président du Syndicat? J'ai porté plainte à la Commission des accidents du travail, à l'époque, on l'appelait la CAT, et j'ai indiqué qu'il fallait qu'ils viennent faire une inspection. Et vous imaginez qu'à cette époque-là ils n'avaient même pas le droit de venir dans les écoles parce que ce n'était pas leur responsabilité, mais, malgré tout, compte tenu de ce que je leur disais, ils sont venus voir. Ils ont obligé la commission scolaire à faire les arrangements nécessaires pour corriger la si- tuation: d'abord, une pièce séparée pour faire fondre la neige et, en même temps, éviter des flaques d'eau; deuxièmement, avec des écrous, boulonner l'appareil sur le sol de terrazzo. Et, en plus, on s'est aperçu qu'il n'y avait pas, compte tenu du bran de scie, de la poussière de bois qui se faisait, d'aspirateur pour aspirer tout ça. On a fait installer ces choses, et là, on a commencé l'ère de la prévention. Nous étions toujours, à la Commission des accidents du travail, dans l'ère de la guérison et nous avons amené l'ère de la prévention. (Oh 40)

Maintenant, cette prévention nous amène aussi en même temps, M. le Président, à regarder ce qui s'est fait depuis ce temps. Beaucoup de choses, mais pas suffisamment. Mais il y a une chose, par exemple, qu'on a faite et qui, par le projet de loi, pourrait être corrigée si on s'y donnait la peine: c'est toute la question de la - j'ai de la misère à dire ça - judiciarisation. C'était tellement rendu judiciaire, M. le Président, qu'on en arrive, à ce moment-ci, à voir des délais par-dessus délais, des gens qui pourraient voir leurs problèmes réglés et qui, pour toutes sortes de raisons de principe de la part de l'employeur ou du groupe d'employeurs, les personnes se retrouvent dans des conditions où elles vont d'une instance à une autre instance, font appel par-dessus appel pour arriver, avec des rapports médicaux qui coûtent de l'argent à tout le monde, à faire en sorte, finalement, qu'on obtienne, après deux ans, trois ans, quatre ans peut-être, une parcelle de ce qu'on aurait dû obtenir dès le départ.

Un exemple. J'ai une personne que je connais intimement, qui travaillait dans une compagnie à Grand-Mère et qui, d'instance en instance, se voyait reconnaître le droit d'être un prestataire mais, en même temps, le droit de retourner au travail une fois la prestation... et l'accident, en fait, la guérison de ce qui lui avait amené un problème... Elle s'est vu refuser parce qu'on voulait faire un cas de ce dossier. Il a fallu que j'intervienne comme député, ce qui est mon rôle des fois, auprès de l'employeur, lui disant: M. l'employeur, écoutez, vous pourriez encore dépenser énormément d'argent. L'employé, par son syndicat, pourrait en dépenser énormément, mais c'est toute la société, au bout de la course, qui paie pour cette décision d'entêtement de part et d'autre. Y a-t-il moyen de l'essayer? Lui, il se dit capable et apte à faire l'ouvrage, sauf qu'il ne peut pas lever des poids de plus de x kilos. Mais il est prêt à s'essayer. Êtes-vous capable de l'essayer? Qu'est-ce qui est arrivé? C'est que l'employeur, après mon intervention, a accepté de regarder ce cas, et qu'est-ce qui arrive, à ce moment-ci? C'est qu'il travaille depuis ce temps-là puis il n'y a pas de problème. Alors, si on avait voulu continuer à s'entêter, c'est tout le monde qui aurait payé pour cet entêtement-là.

Alors, ce que l'on essaie par le projet de loi, c'est d'en arriver, M. le Président, à enlever cette partie où les avocats viennent chercher une part de la galette parce qu'ils ont toujours intérêt, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, à trouver des raisons d'aller en appel pardessus appel.

On a rencontré au printemps... à l'automne, plutôt, M. Lalande, à l'époque, qui était responsable de la Commission d'appel, avec M. Bisaillon. Ils nous ont fait mention de bien des cas qui, en bas de 1000 $, pourraient être réglés si on prenait le temps de faire de la conciliation. Ce qui est nouveau comme principe dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail mais qui, dans l'esprit, est intéressant parce qu'on peut se permettre d'en arriver à régler des problèmes à la source et ne pas enchaîner par le fait même l'ensemble du processus judiciaire. Et j'irais, M. le Président, aussi loin que de dire que lorsque nous avons connu, dans les négociations des secteurs public et parapublic, la possibilité d'arriver à des jugements selon une procédure sommaire de conciliation en considérant que la décision rendue dans tel cas n'a pas, comme on dit dans la «common law», de possibilité de servir de jurisprudence pour les autres cas, on en est donc arrivés à trouver des solutions rapides à des problèmes par de la conciliation. Et dans ce sens, M. le Président, il me semble que le projet de loi, s'il va dans ce sens, doit être appuyé.

D'un autre côté, il y a des gens qui ont dit: On aimerait ça, nous autres, être entendus. C'est évident qu'on se retrouve dans un contexte où on regarde - on en faisait mention, de l'autre côté... Les employeurs, les employés par leur syndicat dans le comité paritaire, semblent être d'accord sur des choses, mais on s'aperçoit que ce n'est pas tout le monde qui est d'accord avec les amendements apportés par le projet de loi. Et nous avons demandé, par notre responsable du dossier, la députée de Chicoutimi, que des groupes soient entendus.

Alors, nous sommes prêts à donner à la partie ministérielle toute la collaboration possible si, cependant, le ministre accepte certaines demandes qui sont minimes, mais qui permettraient de régler des choses. Ce matin même, quelqu'un m'appelait à mon bureau pour l'Association des travailleurs accidentés de la Mauricie, l'ATTAM, tout en parlant au niveau de l'Association des travailleurs et des travailleuses accidentés du Québec, l'ATTAQ, des gens qui disaient: Nous voudrions être entendus. Alors, ma collègue demande au ministre: Est-ce qu'il s'engage à tenir, au plus tard le 8 juin prochain - c'est la semaine prochaine, mais ça pourrait commencer dans deux jours, on pourrait commencer dès jeudi - sur une période de quatre jours, une commission parlementaire qui permettrait de rencontrer différentes associations, différents groupes, y incluant ceux, comme je vous le dis, de l'ATTAM ou de la FATA, comme on a dans l'ensemble des groupes qui s'occupent des personnes accidentées, comme ça peut être les entrepreneurs en construction, l'Association des manufacturiers, le Conseil du patronat, la Fédération des travailleurs, la Confédération des syndicats nationaux. En fait, vous avez une panoplie de gens qui pourraient être entendus pour voir si vraiment le projet de loi, tel qu'il est présenté, pourrait amener les changements majeurs désirés par le ministre et qui, ces changements majeurs, pourraient permettre de donner à l'ensemble des travailleurs accidentés ainsi qu'aux employeurs une possibilité de règlement plus rapide dans le cas des accidentés du travail.

Que le ministre aussi s'engage à instituer une enquête indépendante d'actuaires sur la gestion de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Le mandat de cette commission indépendante pourrait consister à examiner le processus d'évaluation des taux de cotisation, de l'estimation de la durée de la consolidation pour tenter d'expliquer les écarts importants qui se sont produits et, enfin, à déterminer si la politique de capitalisation actuelle est compatible avec les orientations prises par la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Et là, je me souviens de certaines discussions qu'on a eues ici, à cette Assemblée, en ce qui regarde le taux de cotisation. On disait, à l'époque, que le taux de cotisation était plus fort qu'en Ontario et les patrons ont fait des pressions pour le diminuer. Ils demandaient de le diminuer. Alors que peut-être on n'aurait jamais dû le faire à l'époque, on a décidé de le faire. On a décidé de le faire sur deux étapes différentes, de telle sorte qu'il a baissé, ce qui pourrait être dit, à ce moment-ci, comme étant une erreur qui a été commise. Souvenez-vous que la décision, elle est paritaire et que la décision paritaire n'est pas toujours facile à prendre, d'autant plus que tu peux avoir des patrons d'un bord et les syndiqués d'autre part, par leur représentant. Mais il reste une chose, c'est que la décision a été prise. Aujourd'hui, on peut se poser la question: Est-ce que ça a été la meilleure? Est-ce qu'on aurait dû, au moment où tout allait bien, garder la cotisation telle qu'elle était là et non pas la baisser comme on l'a fait? On pourra donner les chiffres et vous indiquer de quel niveau elle a baissé, mais vous les connaissez autant que moi, M. le Président.

Mais une chose qui est certaine, c'est que nous sommes devant un fait établi: c'est que la Commission de la santé et de la sécurité du travail, d'année en année, accumule des déficits qui, dans une année, accumulés à l'autre déficit, font en sorte que ça devient exorbitant pour tout le monde. Il va falloir un jour le payer. Il y a des travailleurs, il y a des travailleuses qui subissent encore, malheureusement trop souvent, des conséquences de leur travail. Il y a des

choses qui sont inhérentes, on en avait discuté à l'époque, au travail de quelqu'un. Quand je travaille dans une mine, il y a plus de danger que quand je travaille dans un bureau, mais ça ne veut pas dire que, dans l'un ou l'autre des deux cas, je ne dois pas prendre les précautions pour éviter que ça n'arrive. Et là, c'est la partie prévention.

Je m'amusais à dire à l'époque, dans la tournée que je faisais, que ce qu'on cherche, ce n'est pas une personne qui, quand elle arrive au travail, commence à se déguiser avec un masque quelque part, avec des oreilles, avec des genouillères d'autre part, avec des coudes d'autre part. Ce n'est pas d'un scaphandrier dont on a besoin pour aller travailler. Il faut donc en arriver à adapter le milieu de travail aux besoins des travailleurs et non pas les travailleurs aux besoins du marché. C'est un peu, comme on dit dans bien des cas: II faut adapter le chapeau à la tête et non pas la tête au chapeau. Il faut donc s'organiser, M. le Président, pour que la prévention, ce soit d'abord par les changements qui, dans la recherche et le développement, pourront nous permettre d'avoir un milieu de travail convenable, un milieu de travail où on aura l'assurance que l'employeur a pris tous les moyens pour éviter des accidents et, en conséquence, on aura moins d'argent à mettre dans la réparation. Et ça, c'est une équation importante à faire, c'est une équation qu'il vaut la peine d'essayer. (0 h 50)

Alors, dans le contexte du projet de loi tel que présenté devant nous, M. le Président, nous sommes prêts, avec le ministre, à faire les efforts nécessaires pour donner la meilleure loi possible sur la santé et la sécurité du travail, mais il faut que le ministre accepte des choses. Le but de notre travail aujourd'hui - cette nuit, devrais-je dire - c'est de convaincre le ministre de l'opportunité qui lui est offerte d'avoir l'appui de l'Opposition pour que les employeurs et les employés sachent, comprennent et admettent que les efforts sont et seront faits pour que leur milieu de travail soit le plus adéquat possible. On sait que ce débat public qui est demandé sur cette question, l'Opposition, depuis un an, s'est battue avec le ministre pour obtenir la tenue de ce débat public. Mais, malheureusement, nos demandes sont restées lettre morte, et ce n'est que jeudi dernier, lors de la période de questions, que le ministre nous a appris qu'il n'y aurait pas de débat.

Alors, comme aucune étude d'impact des mesures proposées par le projet de loi 35 n'a été faite, il me semble qu'il devrait y avoir, de la part du gouvernement, une écoute attentive à nos demandes. Les parties en sont encore à l'analyse des amendements proposés, mais il semble, à la lumière des commentaires reçus, que les mesures auront des effets importants sur le système, notamment en ce qui concerne le médecin traitant. On ne peut pas dire que la CSST jusqu'à maintenant, la Commission de la santé et de la sécurité du travail, a chiffré les effets de ce projet de loi, et ce que M. Diamant, qui était à la tête, nous indiquait, c'est qu'il évalue entre 10 000 000 $ à 15 000 000 $ les économies qui pourraient être réalisées par la Commission. Mais ces économies-là vont être réalisées sur le dos de qui? De quelle façon? Pourquoi? Est-ce que l'État veut venir chercher 10 000 000 $, 15 000 000 $ qu'il devra repayer après en guérison, M. le Président? Ça ne servirait pas à grand-chose.

Donc, je tiens, comme ma collègue et tous ceux qui vont parler de ce côté-ci, à demander au ministre, de façon insistante, qu'il tienne, dans les jours qui viennent, une commission parlementaire pour entendre des groupes, sur lesquels on pourrait s'entendre en termes de liste, qui pourraient être entendus en audition particulière. Mais une fois qu'on aura fait ça, on aura un éclairage davantage plus intéressant pour, après ça, procéder, M. le Président, à l'étude article par article de ce projet de loi. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Laviolette. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant sur ce dossier. M. le député de Bertrand.

M. François Beaulne

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le projet de loi 35 que nous discutons à ces heures tardives de la nuit, au fond, touche à un débat beaucoup plus vaste qui concerne l'ensemble des relations de travail au Québec et surtout leur harmonisation dans un contexte en évolution perpétuelle et surtout dans un contexte de globalisation des marchés et de dépassement des frontières aussi bien au niveau de la production industrielle que dans l'ensemble des relations qui doivent régir les groupes syndicaux et le patronat.

Le projet de loi 35 s'inscrit dans la démarche entreprise par le gouvernement visant à mettre un frein, en quelque sorte, au déficit qui s'accumule dangereusement d'année en année au sein de la CSST. On estime ce déficit à 500 000 000 $ et, si rien n'est fait, cette somme pourrait augmenter considérablement non seulement au cours de cette année, mais au cours des années qui viennent. Au fond, le problème qui se pose ici, indépendamment des questions de tech-nicalité qui sont visées par le projet de loi 35, c'est d'abord de chercher à évaluer, à trouver quelles sont les raisons et les sources de ce déficit, d'une part, et, d'autre part, d'y apportGr les correctifs nécessaires.

De nombreux articles de journaux, des éditoriaux, au cours des dernières semaines et même au cours des derniers mois, ont fait état

des positions des différents intervenants dans ce débat. En fait, les causes du déficit varient selon que l'explication provienne des employeurs, des syndicats ou de la CSST elle-même.

Pour le milieu patronal, par exemple, on impute le déficit à l'abus que font les travailleurs du système qui, selon eux, s'est transformé en complément du régime d'assurance-chômage. On prend comme exemple le fait que le nombre d'accidentés soit passé de 202 000, en 1990, à 176 000, en 1991, ce qui correspond à peu près à une baisse de 12,5 %, alors qu'au même moment la durée des indemnisations ou la période qui s'écoule avant qu'un travailleur réintègre son emploi est passée de 47 jours, en 1989, à 73 jours, en 1991, soit une augmentation d'environ 57 %. Les représentants du milieu patronal imputent également à la complaisance des médecins traitants ce rallongement de la période d'indemnisation.

Pour les syndicats, de leur côté, la vraie cause du déficit repose sur ce qu'ils appellent l'hyperjudiciarisation du système, c'est-à-dire le recours démesuré aux procédures d'arbitrage et aux procédures judiciaires qui encourent des frais énormes de la part des différentes parties impliquées. On prétend que, dans le processus d'indemnisation, la CSST est liée par le diagnostic du médecin traitant ou, si l'on veut, le médecin qu'a choisi le travailleur. Pour faire renverser la décision de ce médecin traitant, on peut faire appel à un processus d'arbitrage qui, lui, peut s'échelonner sur une période de temps plutôt longue.

Un autre élément que fait valoir la partie syndicale est la pratique patronale qui consiste à ne pas réintégrer ou à réintégrer de façon irrégulière les travailleurs qui sont mis en convalescence ou, comme on dit couramment, qui s'en vont sur la CSST.

Enfin, la CSST elle-même a sa propre explication. Selon son président, les causes de ce déficit regroupent, en quelque sorte, les éléments de chacune des deux autres parties. En fait, malgré les explications du président de la CSST, sa position est plutôt précaire en ce sens que c'est un organisme tripartite et que, souvent, pour concilier les parties, on néglige de s'attaquer à la vraie source du problème.

En fait, personne n'est réellement satisfait du projet de loi 35. Le patronat, de son côté, soutient qu'il ne règle absolument pas, de façon sérieuse et de façon profonde, le déficit qui s'alourdit et qui, par conséquent, risque de pénaliser à moyen et à long terme la compétitivité de nos entreprises. De son côté, la partie syndicale prétend que le projet de loi 35 ne donne pas aux travailleurs suffisamment de garanties et que, par un processus quelque peu escamoté, il limite et même réduit la protection des travailleurs par rapport à ce qu'elle était jusqu'ici.

Ce débat, en fait, s'inscrit dans le contexte beaucoup plus vaste du réaménagement nécessaire des relations de travail dans notre collectivité actuelle. En fait, tous les débats qui se sont déroulés concernant les relations de travail au cours des derniers mois soulèvent la même question, c'est-à-dire le besoin d'harmoniser, de trouver un terrain d'entente entre, d'une part, les travailleurs, et la partie patronale. (1 heure)

Indépendamment des faiblesses du projet de loi 35, une chose demeure: II est nécessaire d'évaluer et d'approfondir les raisons qui font que la CSST encourt un déficit de plus en plus lourd chaque année. Et la meilleure façon de le faire, c'est bien sûr par un débat public où les différentes parties impliquées dans la discussion pourront venir s'expliquer et où les parlementaires auront l'occasion de poser les questions pertinentes pour pouvoir poser un diagnostic adéquat sur ce problème.

Indépendamment également des lacunes et des faiblesses du projet de loi 35, il est important de se souvenir que dans le contexte économique actuel il importe au Québec que nous trouvions un terrain d'entente pour que ces anachronismes, pour ne pas dire ces faiblesses structurelles, qui s'insèrent de plus en plus dans nos relations de travail, de façon générale, dans notre économie, ne se traduisent pas par une perte relative de notre poids commercial et de notre poids industriel dans le monde industrialisé d'aujourd'hui. Et c'est d'ailleurs une préoccupation qui relève particulièrement de la population que je représente et, en particulier, du grand nombre de petits et de moyens entrepreneurs qui sont situés dans la circonscription électorale que j'ai l'honneur de représenter à l'Assemblée nationale.

Il n'est dans l'intérêt de personne que les accidents de travail se multiplient sur les lieux de travail. Il n'est dans l'intérêt de personne que les travailleurs se sentent mécontents et se sentent amenuisés, se sentent affaiblis dans un système où on leur retire ce qu'ils considèrent comme des protections adéquates. Il est également inconvenant que l'on abuse des systèmes et des régimes qui ont été conçus pour donner à notre milieu de travail et, de façon générale, à notre collectivité une qualité de vie meilleure. De la même façon qu'il y a des abus dans les régimes de sécurité sociale, de la même façon il y a aussi des abus dans les normes et dans les revendications qui sont faites auprès de la CSST. Ce n'est pas la majorité des cas, bien que certains éléments du milieu patronal veuillent prendre exemple de quelques cas isolés pour en faire un cas d'espèce et pour généraliser le problème au niveau de l'ensemble des travailleurs.

En fait, il s'agit ici, à plus long terme et de façon beaucoup plus globale, de réconcilier, d'une part, le besoin d'assurer un minimum de conditions de travail décentes aux travailleurs du

Québec et, d'autre part, d'assurer ces conditions décentes dans un environnement économique de plus en plus complexe et de plus en plus ouvert aux pressions internationales. Il n'est pas à l'avantage des travailleurs d'abuser d'un système qui se veut à l'origine protecteur de leurs conditions de travail, mais il n'est pas non plus dans l'intérêt du patronat et des employeurs de vouloir minimiser et de vouloir soustraire leur main-d'oeuvre à des conditions adéquates de travail. Et c'est là où se pose tout le problème, non seulement du projet de loi 35, mais de l'ensemble de la réglementation qui s'applique au milieu du travail au Québec présentement.

On a fait état au cours des dernières années, et plus particulièrement au cours des derniers mois, aussi bien de la part des employeurs, de la part du Conseil du patronat du Québec que de la part des grandes centrales syndicales, de cette espèce d'évolution particulière qui se dessine au Québec vers un partenariat plus poussé entre, d'une part, les travailleurs et, d'autre part, les employeurs et le patronat. Ce modèle qu'on appelle le modèle québécois particulièrement dont la plupart d'entre nous sommes fiers et que l'on cherche même à l'occasion à exporter, avec succès, comme ce fut le cas, par exemple, de la part du groupe des frères Lemaire et de la compagnie Cascades en France, en Belgique et ailleurs en Europe... Il est tout à notre honneur effectivement d'avoir trouvé en quelque sorte un terrain d'entente qui réussisse à substituer l'affrontement et la méfiance qui ont traditionnellement caractérisé les relations de travail, non seulement au Québec, au Canada et en Amérique du Nord, de façon générale, par une sorte d'harmonisation qui ait comme objectif fondamental une meilleure qualité de vie, à la fois pour ceux qui travaillent en entreprise et pour ceux qui sont actionnaires de ces entreprises.

C'est le sens que vise le projet de loi 35, mais son approche est tellement superficielle qu'au fond il vise à côté de la cible. D'une part, on néglige de s'attaquer directement et de façon substantielle aux causes qui génèrent ce déficit d'année en année, et, d'autre part on sème en quelque sorte un peu de scepticisme dans les milieux de travail quant à l'objectif réel qui est visé par cette loi et quant aux objectifs également qui sont visés par le patronat.

Je ne pense pas que ceux qui préconisent une réforme en profondeur de la CSST, de ses méthodes de travail, de ses méthodes d'indemnisation veuillent nécessairement tirer la couverte de leur côté exclusivement, comme le prétendent certains éditorialistes. Je pense qu'il s'agit beaucoup plus de trouver une solution qui, de part et d'autre, nous permette d'en arriver à cette sorte de consensus qui sera indispensable si le Québec veut percer sur les marchés internationaux, et surtout s'il veut pleinement tirer profit des accords commerciaux que nous avons signés, en particulier avec les États-Unis, au cours des dernières années. Parce qu'il ne faut pas oublier une chose, c'est que, d'une part, la productivité québécoise et canadienne est en recul par rapport à celle de nos principaux concurrents des pays industrialisés. Lorsqu'on dit que notre productivité est en recul ça ne veut pas dire que nos travailleurs travaillent moins bien que les Américains, que tes Européens, que les Allemands ou que les Japonais. Ça veut dire tout simplement qu'il y a des facteurs structurels à l'intérieur de nos forces productives et de notre économie qui font que nous n'arrivons pas à produire à des coûts aussi compétitifs qu'ils le peuvent.

De leur côté, certains représentants du milieu patronal disent: Réduisons les avantages acquis par les travailleurs au cours des dernières années, parce que si on a une productivité plus faible qu'ailleurs c'est en raison des salaires trop élevés qu'on paie ici, ou des avantages sociaux beaucoup plus généreux qu'ailleurs, en particulier tous ceux qui sont dérivés de la CSST. Cette analyse est un peu superficielle parce qu'elle fait fi d'autres facteurs qui sont beaucoup plus importants, comme par exemple la structure financière, la structure des taux d'intérêt et également toute la structure des systèmes de distribution de nos produits aux États-Unis et en Europe qui est beaucoup plus faible, qui est beaucoup moins développée que celle de nos principaux concurrents sur les marchés internationaux.

Ceci étant dit, si, comme le disent les chefs des principales centrales syndicales, comme l'ont dit les principaux porte-parole du gouvernement, comme l'ont dit également les principaux porte-parole de l'industrie, de l'Association des manufacturiers du Québec, des diverses associations patronales québécoises, si nous sommes à évoluer vers cette espèce de modèle spécial qui, semble-t-il, nous distingue de plus en plus de l'Ontario ou des autres provinces canadiennes quant à notre façon plus civilisée de concevoir les relations de travail, eh bien, si on pense sérieusement qu'on est en train d'évoluer dans cette direction, on doit sérieusement s'interroger sur l'à-propos du projet de loi 35, ou tout au moins sur la façon dont il est formulé. Parce que, la façon dont il nous est présenté ne reflète d'aucune manière cette préoccupation qu'ont décrite à la fois mes collègues, au cours des dernières heures, et à laquelle ont fait allusion également les collègues du gouvernement dans leur exposé sur ce projet de loi. (1 h 10)

Au fond, ce projet de loi ne satisfait personne, et il vise essentiellement à pallier, de façon superficielle, à court terme, sans toucher véritablement le fond du problème, à une question qui est beaucoup plus profonde et qui, un peu comme un cancer, risque de nuire à notre évolution économique et à nos relations de

travail au cours des prochaines années. Comme l'ont souligné mes collègues, l'Opposition s'est battue depuis un certain temps pour obtenir un débat public sur cette question. Pourquoi un débat public? C'est pour éviter, en quelque sorte, les mêmes pièges, les mêmes précipices auxquels on a dû faire face dans le contexte des débats sur l'hydroélectricité du Québec. C'est pour éviter les embûches qui guettent toutes sortes de projets de loi qui sont faits à la va-vite, sans consultation profonde des milieux intéressés, et surtout qui donnent une sorte d'arrière-goût ou d'impression d'avoir été concoctés pour satisfaire aux besoins immédiats de quelques groupes de pression dans notre société.

Au contraire, M. le Président, le projet de loi 35 serait l'occasion idéale pour remettre en question, revoir en profondeur ce système de sécurité qui a fait du milieu du travail québécois un des milieux les plus avancés dans le monde industrialisé et dont nous pouvons être fiers. Cependant, le temps est venu, puisque les circonstances changent, de réévaluer l'efficacité de ce mécanisme à la fois dans l'intérêt des travailleurs, et dans l'intérêt, également, de la partie patronale parce que, si l'on croit sérieusement à toute cette rhétorique qui depuis quelques mois nous dirige vers une sorte de consensus entre le milieu patronal et le milieu syndical, je pense qu'il convient de s'asseoir à une table, de façon transparente, de façon ouverte, d'examiner quelles sont les véritables causes du déficit de la CSST, et d'y apporter les correctifs nécessaires après consultation de toutes les parties intéressées. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Bertrand. Sur le même sujet, à savoir la motion de M. le ministre du Travail proposant l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, je reconnais maintenant M. le député de Saint-Maurice. Vous avez droit à 20 minutes, M. le député.

M. Yvon Lemire

M. Lemire: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet de loi 35 est d'une importance capitale, à ce moment-ci, M. le Président. Quand on voit ce qui arrive avec le déficit de 791 000 000 $, le projet de loi 35 marquera une orientation différente de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Toujours au nom de son objectif fondamental d'assurer une rigueur dans la gestion des fonds publics, le gouvernement libéral devrait en arriver à une solution permanente, durable et efficace dans l'administration de cette Commission.

D'ailleurs, M. le Président, tous on a remarqué le sous-titre dans l'éditorial du journal

Le Devoir du 22 mai dernier. M. Jean Francoeur visait juste en écrivant, et je cite: «Une intervention d'urgence s'impose pour enrayer l'hémorragie». Un tel titre, à l'instar d'autres idées avancées dans le même sens, dans différents éditoriaux, indique un malaise certain au sein de cette Commission. Je souligne tout de suite que le problème de la CSST est d'abord et avant tout un problème structurel auquel s'ajoute un volet conjoncturel qui a marqué les finances de cette société d'État.

Passons vite sur le volet conjoncturel. Les analyses vont toutes dans la même direction, à savoir que le gros déficit de la CSST provient d'une hausse des dépenses, notamment du remplacement du revenu, comme en témoigne l'allongement exceptionnel de la durée des indemnisations. Imaginez-vous qu'en 1989 nous avions une moyenne de 47 jours pour les indemnisations et trois ans plus tard, en 1991, nous sommes rendus à 76 jours. On voit, M. le Président, qu'il y a un malaise à l'heure actuelle, dans la durée des indemnisations. Ces chiffres, qui sont dans Le Devoir du vendredi 22 mai 1992, on en déduit d'abord que de tels changements ont eu des effets directs sur les finances de la société d'État. De plus, on dit que les difficultés se sont posées en raison de la baisse consécutive des revenus, d'une part, et de la récession, et de la réduction du taux de cotisation de l'employeur, d'autre part. Donc, que l'on analyse le problème de ce dossier par rapport à un volet structurel ou aussi du côté conjoncturel, il n'y a rien qui change, on a toujours le même problème. Les finances de la Commission de la santé et de la sécurité du travail sont dans un état qui doit amener le gouvernement à prendre des décisions rapides, efficaces et obligatoires.

Grâce au projet de loi, le ministre mise sur plus d'expertise médicale, sur la conciliation obligatoire avant de passer devant un bureau de révision paritaire, sur la correction rapide des erreurs dans les rapports des agents d'indemnisation et une procédure plus souple pour les litiges de moins de 1000 $.

Un autre objectif fondamental contenu dans le projet de loi 35 permet de remplir un engagement du gouvernement, à savoir celui de sauvegarder le régime de santé et sécurité. C'est un régime que l'on doit considérer comme un véritable contrat social au Québec. Grâce à l'application de ce projet de loi, les modifications suggérées et la contribution des employeurs aideront grandement à atténuer le déficit de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. C'est là aussi un objectif fondamental du gouvernement libéral.

Au plan de l'application de ce projet de loi, le ministre a dit souhaiter qu'une meilleure collaboration soit établie avec les médecins et les spécialistes. De plus, il importe que soient améliorés la formation et l'encadrement des agents d'indemnisation de la Commission de la

santé et de la sécurité du travail afin d'augmenter la productivité et l'efficacité de cette Commission. Donc, la volonté de notre gouvernement est très claire. En agissant par la voie de modifications législatives, nous prenons nos responsabilités pour sauver le régime actuellement en place. Nous voulons également assurer une meilleure protection aux travailleurs et travailleuses accidentés. Nous voulons, enfin, offrir des soins d'une plus grande qualité et efficacité ainsi que favoriser le retour au travail le plus rapidement des travailleurs. Imaginez-vous, en 1989, comme je le disais tantôt, 47 jours, moyenne pour les indemnisations; et on arrive en 1991 avec 30 jours de plus de moyenne d'indemnisation. Imaginez-vous le coût que ça peut apporter à la CSST!

Le ministre a, de son côté, procédé à un exercice de concertation, de responsabilisation afin d'exercer le principe fondamental du paritarisme qui est à la base même du régime de santé et de sécurité du travail au Québec. C'est ainsi que le 22 octobre dernier le ministre chargeait le CCTM d'examiner en priorité le dossier de la Commission et de lui proposer les changements nécessaires afin d'assurer la sauvegarde de ce régime. Il y a eu, tout au long du processus d'évaluation et de concertation, des intérêts qui ont été divergents, et on a eu une absence de consensus. Dans un tel dossier, comme dans n'importe quel problème soumis au gouvernement, le ministre responsable doit avoir le courage, prendre ses responsabilités, et nécessairement trancher dans le vif et présenter des solutions satisfaisantes au Conseil des ministres pour enfin que l'ensemble du gouvernement puisse endosser une prise de position. On ne peut pas continuer à avoir des déficits aussi importants. Imaginez-vous, avec l'année 1991-1992, il va y avoir tout près de 1 500 000 $... de déficit à la CSST. C'est donc dans ce contexte qu'a été prise la décision majeure pour venir à bout des problèmes qui ont surgi à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Les mesures suggérées par ce projet de loi auront pour effet de désengorger les différentes instances d'appel et de révision aussi et permettront d'humaniser davantage le système en place, M. le Président. (1 h 20)

De plus, ce projet de loi donnera à la Commission de la santé et de la sécurité du travail l'encadrement nécessaire pour traiter plus rapidement les cas requérant plus d'attention. Dorénavant, M. le Président, il est clair qu'il faut assurer la survie du régime dans un cadre financier acceptable. C'est dans ce sens que, conformément à l'objectif d'assurer un service de qualité, le ministre responsable du dossier a fait connaître la volonté du gouvernement qui veut d'abord et avant tout protéger les bénéfices auxquels ont droit les travailleurs et travailleuses. À titre d'exemple, les amendements proposés visent à réduire les délais d'indemnisa- tion, les coûts associés à la réparation des accidents et des lésions professionnelles. C'est vous dire toute l'ampleur et les difficultés d'assumer un encadrement rigoureux et efficace des budgets qui sont alloués à cette fin. Les modifications auront également pour but de favoriser une meilleure gestion du programme d'indemnisation des accidents et des lésions professionnelles.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, en désengorgeant les instances de révision et d'appel prévues à la loi, le gouvernement croit que le système sera davantage humanisé et que la qualité des services offerts aux bénéficiaires du régime sera accrue d'autant. Pour ma part, j'en résume quelques points majeurs. Du moins, dans ses principes, tel que l'évoquait...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, je m'excuse, M. le député de Saint-Maurice. M. le député de Labelle, oui.

M. Léonard: Une question de règlement, est-ce que je peux vous demander de vérifier le quorum s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés. (1 h 23 - 1 h 25)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Saint-Maurice, si vous voulez continuer votre intervention, s'il vous plaît.

Des voix: Bravo!

M. Lemire: M. le Président, comme j'ai été interrompu par le député de Labelle, je pense que je vais me permettre, pour ma part, de résumer quelques points majeurs du projet de loi.

Des voix:...

M. Lemire: Du moins dans ses principes, tel que l'évoquait d'ailleurs le gouvernement lors de la présentation de cette pièce législative, M. le Président, ce projet de loi 35 ne contient aucune surprise. En effet, toutes les questions traitées dans ce projet de loi ont fait l'objet de discussions et de concertation avec les milieux intéressés. En dépit du fait qu'il n'y ait pas eu consensus global, notre ministre a décidé de prendre ses responsabilités sur l'ensemble des modifications à apporter. Le gouvernement a dû poser des gestes concrets, M. le député, afin de sauvegarder le régime de santé et de sécurité au travail au Québec.

Je le répète, M. le Président, tout notre régime est basé sur le paritarisme. Le régime est unique et ce caractère distinctif demeure intact, M. le Président, comme le soulignait M. le ministre tantôt. Nulle part au Canada, la notion

du paritarisme est aussi ancrée dans chaque étape du régime. D'autre part, la législation en matière de santé et sécurité au travail est très jeune. Vous le savez, M. le député, c'est le gouvernement du Parti québécois qui l'a mise en force, cette loi-là, en 1985. Mais il est maintenant temps d'adopter des mécanismes, puis des mécanismes qui soient prévus afin d'assurer une meilleure gestion du régime. Et il faut enfin, comme je le disais tout à l'heure, protéger les bénéfices auxquels ont droit les travailleuses et les travailleurs au Québec.

Mais la principale raison d'action du gouvernement en ce domaine, c'est qu'il y a urgence de trouver des solutions à l'égard du déficit qui atteint 792 000 000 $ en 1991. En effet, l'objectif de sauvegarder ce régime est bien valable, mais ce contrat social doit également faire en sorte que soit assurée la survie du régime dans un cadre financier acceptable.

En conclusion, M. le Président, on me permettra de résumer en six points majeurs la nature et les objectifs du projet de loi 35: 1° Le projet de loi précisera les pouvoirs de la Commission de la santé et de la sécurité du travail au nom d'un objectif de meilleure allocation des ressources disponibles et de l'efficacité ainsi que de la qualité des services offerts à tous les bénéficiaires; 2° ce projet de loi permettra à un employeur d'avoir accès à l'information se rapportant à une lésion; 3° un bureau d'évaluation médicale sera instauré en remplacement de l'arbitrage médical actuel; 4° la Commission de la santé et de la sécurité du travail aura une direction bicéphale, c'est-à-dire qu'il y aura deux présidents, un président du conseil d'administration et un président et chef des opérations; 5° ce projet de loi prévient l'effondrement du régime dont le déficit ne cesse d'augmenter, comme je le soulignais tout à l'heure; enfin, 6° on prévoit la création d'une division du financement au sein du Bureau de révision ainsi que d'un service de conciliation.

C'était là, M. le Président, l'essentiel de mes remarques à l'égard du projet de loi 35 concernant la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il s'agit d'une pièce législative majeure, importante, que notre ministre a eu le courage de présenter et qui vise à préserver la nature et la portée d'un contrat social intervenu il y a quelques années, dans la société québécoise, que le gouvernement libéral a choisi, une ligne d'action conformément à la volonté d'assurer la survie, la qualité des services offerts aux travailleuses et travailleurs du Québec. Nous le faisons d'abord et avant tout en fonction des intérêts de ceux et celles qui bénéficient et qui bénéficieront des services offerts par la Commission de la santé et de la sécurité du travail, au nom de tous les citoyens du Québec, pour une meilleure qualité de vie au travail, M. le Président. Merci beaucoup. (1 h 30)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Saint-Maurice. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, comme vous le voyez, le Parti libéral veut proposer le projet de loi à 1 h 30 du matin, à une heure où il sait que les travailleurs sont couchés, parce qu'ils doivent se lever de bonne heure demain matin. Les taupes libérales sont à l'oeuvre! Les taupes libérales sont à l'oeuvre, M. le Président! Mais elles savent que les travailleurs qui sont touchés par le projet de loi, eux, sont couchés, parce qu'ils devront se lever de bonne heure demain matin pour aller à l'ouvrage. Et l'organisme nous dit, comme vient de le dire le député qui vient de parler, dont je ne me rappelle pas le nom du comté... il ne parle pas assez souvent. Ça va être un autre organisme bicéphale, bicéphale! La Caisse de dépôt, on en a fait un organisme bicéphale sous le gouvernement actuel. HydroQuébec, on en a fait un organisme bicéphale. Puis là, on dit: La CSST va être bicéphale. Puis on a un premier ministre qui a le cerveau fait comme un oeuf à deux jaunes, M. le Président. On est dans les oeufs, dans les organismes bicéphales. Puis, après ça, on dit qu'on doit économiser, alors qu'on met des organismes à deux têtes partout. Puis on pense qu'avec ça, on va économiser. On pense, avec ça, on va économiser.

Essentiellement, M. le Président, le projet de loi qui est devant nous est inquiétant, parce que, comme le disait le député de Bertrand tout à l'heure: Nous sommes entrés, depuis deux ans, dans un système de libre-échange. Le gouvernement aime à faire croire aux gens qu'il est un bon administrateur. Mais là, on voit qu'actuellement les organismes pètent de partout. Les déficits augmentent à une vitesse incroyable, les taxes augmentent de partout, et les citoyens sont inquiets de bord en bord du Québec, des îles-de-la-Madeleine à Hull, de Fort-Chimo à Stanstead ou à Lévis, si vous aimez mieux! Les gens sont inquiets, parce que tout ce dont on entend parler, c'est de déficits, de déficits et de déficits et de taxes, de taxes, de taxes, de frais, de frais, de frais!

Puis, après ça, on essaie de nous faire croire qu'on est concurrentiels avec les Américains, alors que les gens qui ont une tête sur les épaules... ça ne prend pas une 500 watts pour comprendre ça, M. le Président, se rendre compte que ça ne fonctionne pas! Déficits? Caisse d'assurance-chômage fédérale en déficit. Même si on a augmenté l'an dernier les frais considérablement, 23 % ou 24 %, qu'on a augmenté seulement de 6 % par la suite, on sait que la

caisse est en déficit. Et on sait qu'au mois de mars dernier, 2 000 000 000 $ de plus que l'année précédente... caisse d'assurance-chômage déficitaire. CSST, les accidents du travail, déficitaire, ce qui fait que les gens sont inquiets, parce qu'ils savent essentiellement que les factures vont se retrouver d'une façon qu'on sera moins concurrentiels.

On regarde actuellement le régime d'assurance-santé avec les lois du ministre. Encore là, le système qui était valorisé au Québec est considéré aujourd'hui comme un système qu'on doit couper en taxant davantage. Les gens qui regardent ça ont l'impression de vivre un cauchemar épouvantable, parce qu'ils se rendent compte que ça ne fonctionne pas. Ça ne fonctionne pas, puis ça ne prend pas des arguments très complexes pour le réaliser. Ça ne marche pas. Les gens sont sursaturés de paiements. Ils sont de plus en plus pauvres, M. le Président, parce qu'ils doivent payer de plus en plus cher pour des services de moins en moins considérables.

Quand on regarde l'évolution du déficit de la CSST, on remarque... Pour des gens qui se disent des champions de l'administration, des gens qui sont connectés sur le monde des affaires, qui sont connectés sur l'entreprise privée, qui est supposée être d'une efficacité incroyable, avec Ghislain Dufour qui s'est déguisé, comprenez-vous, en spécialiste des questions autochtones... Il ne parle pas du libre-échange, il ne parle plus de la conquête des marchés américains comme avant le vote en 1988 en faveur du libre-échange. On était devenus quasiment tous des Napoléon de la concurrence américaine, on disait quasiment aux Américains: Tenez-vous bien, on arrive. La seule chose qui est arrivée, c'est nos consommateurs qui se dépêchent à aller aux États-Unis pour acheter le plus rapidement possible; ils n'attendent même pas que les produits viennent ici, ils s'en vont les acheter directement là-bas.

Le résultat, ce qu'on voit aujourd'hui avec ces grands administrateurs, avec Ghislain Dufour, ce grand spécialiste: des déficits. L'évolution du déficit de la Commission atteint, en 1991, 800 000 000 $, et on dit qu'à l'heure actuelle, il serait rendu à 500 000 000 $. J'entendais le député, qui doit le savoir parce qu'il est au gouvernement, on parle qu'il pourrait atteindre 1 500 000 000 $ cette année; un seul organisme, M. le Président. Un seul organisme! On se demande pourquoi les gens ne sont pas inquiets. Les gens sont terrorisés devant l'efficacité de ce gouvernement-là. Sa principale efficacité, c'est de faire des déficits et à siphonner des taxes et des frais des citoyens.

Rappelons-nous, M. le Président, quand l'exprésidente de la CSST en 1989, Mme Forget, reconnaissait avoir été forcée d'accepter une baisse du taux de cotisation suite aux pressions patronales. Le taux moyen, vous vous rappelez quand on disait à quel point on était bons, les libéraux étaient bons, je m'en rappelle. Le député de Bonaventure, véritable tireuse de cartes, M. le Président, qui arrivait, mais de mauvaises nouvelles, comme une sorcière sur son balai... Mais on vient nous annoncer que le taux était baissé de 2,75 $ des 100 $ à 2,50 $ en 1990; en échange, on disait que la partie patronale, tellement efficace, s'engageait à augmenter le taux si la CSST connaissait un déficit en 1990. Or, l'année 1990 marque un retour du déficit après deux années de surplus enregistré à la CSST, et on assiste à une seconde baisse du taux moyen en 1991, malgré le déficit en 1990, à 2,32 $, ce qui voulait dire, en tenant compte de l'inflation, un taux de 2,17 $, malgré l'engagement pris par le patronat.

Essentiellement, on se rend compte que ces gens qui nous parlent de l'efficacité ne sont pas si efficaces que ça. Au contraire, M. le Président, là, on voit que... On arrive avec un nouveau projet sans qu'on ait fait le tour de la question. Je connais ça un peu, vous savez. Je vais vous donner un exemple concret. Quand je suis arrivé à l'Agriculture, en 1976, il y avait un organisme qui s'appelait les assurances agricoles; ça coûtait 0,70 $ pour administrer 1 $; 0,70 $ pour administrer 1 $! Quand je suis parti, en 1985, alors qu'on assurait davantage les citoyens, alors qu'on avait augmenté, d'une façon considérable, les assurés, ça coûtait 0,07 $ pour administrer 1 $, 10 fois moins; 10 fois moins! Pourquoi? Parce qu'on avait...

Une voix:...

M. Garon: Oui, j'avais des chèques dans mes poches parce que j'en avais, de l'argent! Vous autres, vous avez des déficits dans vos poches, vous avez des poches pleines de trous, vous n'avez même pas d'argent dans vos poches. Moi, je pouvais me promener et en montrer, des chèques, en conférence de presse, j'en avais des chèques. Voyez-vous, M. le Président, j'en avais des chèques! Mais le gouvernement actuel n'a pas de chèques à montrer, il n'a que des déficits à montrer. Ils ne savent pas négocier, ils ne savent pas administrer. Ils font des lois à 2 heures du matin, M. le Président, comme des taupes; vous savez, une taupe, pourquoi ça travaille la nuit, parce que ça ne voit pas clair; parce que ça ne voit pas clair! Ça creuse des trous dans le sable la nuit, sans voir où ça s'en va, M. le Président, comme les gens du Parti libéral. On se retrouve, aujourd'hui, avec un projet de loi comme celui-là, un projet de loi...

Vous savez, aujourd'hui... Ah! Un projet de loi, improvisé comme d'habitude; improvise! On dit: On va mettre deux personnes à la tête, on va régler le problème. On dit: II n'y aura plus d'appel quand ça va être en bas de 1000 $. On prévoit que les décisions de ces bureaux en matière de lésions professionnelles peuvent faire

l'objet d'un appel lorsque la prestation sur laquelle porte le litige excède 1000 $. Ça veut dire qu'en bas de 1000 $ il n'y aura pas de droit d'appel. (1 h 40)

Mais essentiellement, M. le Président, ça touche combien de personnes, vos dires? Des gens m'ont appelé aujourd'hui du Syndicat des chantier MIL Davie, 3500 employés. Qu'est-ce qu'on dit? Depuis 1985, sur 5100 cas d'accidents, 5100, qui sont compensables devant la CSST à la MIL Davie, quelque 4062 cas sont des réclamations de moins de 1000 $, ce qui représente une moyenne de 79,6 % pour trois ans, en 1989, 1990 et 1991. On dit: Vous autres, vous n'aurez plus le droit de contester. Alors qu'essentiellement, souvent, c'est de régler ces questions-là avec une façon plus simple administrativement. Regardons les cas d'assurance aux États-Unis, pourquoi ça coûte si cher à l'administration de la santé aux États-Unis, pourquoi l'assurance automobile coûte si cher? Parce qu'on passe d'un procès à l'autre. Ça ne finit plus, les procès. C'est ça qui coûte cher, l'administration. On a réussi, ici au Québec, avec un régime d'assurance-santé que le gouvernement actuel est en train de bousiller, à dépenser, au lieu de 8 % du produit national brut pour la santé, alors que les Américains dépensent 50 % de plus, 12 %, et ils réussissent, même avec 12 %, 50 % plus cher que nous autres, à ne pas couvrir 30 % de la population. Pourquoi, avec un système de litiges permanents devant les tribunaux?

Ça coûte 50 % plus cher l'assurance-santé aux États-Unis en ayant 30 % des gens qui ne sont pas couverts. Revenons aux choses essentielles. Regardons quand on a un régime qui marche au Québec, qu'est-ce qui marche au Québec? La Société de l'assurance automobile du Québec, ça marche, créée par l'ancien gouvernement. On a fait en sorte que ce régime soit le plus simple à administrer possible, de sorte que le gouvernement qui avait voté contre, les députés ministériels avaient voté contre lorsque ça a été adopté dans cette Chambre, M. le Président, aujourd'hui, siphonnent la caisse constamment. Ce qu'ils veulent siphonner, entre 1986 et 1995, est tellement considérable qu'on pourrait assurer tous les gens à la Société de l'assurance automobile pendant quatre ans et demi avec la nouvelle ponction de la part du ministre des Finances gratuitement. Quatre ans et demi gratuitement par la Société de l'assurance automobile, on pourrait assurer les 4 000 000 de conducteurs d'automobile du Québec gratuitement pendant quatre ans et demi, si on ne siphonnait pas la caisse comme le fait le ministre des Finances.

Et le gouvernement pourrait prendre exemple sur une loi qui a été faite par l'ancien gouvernement au lieu d'essayer de faire des lois qui ne fonctionnent pas. Évidemment, ce n'était pas un gouvernement d'hommes d'affaires. Ce n'étaient pas des gens, comprenez-vous, qui, comme le sénateur Castonguay, qui était contre le Sénat jusqu'à temps qu'il soit nommé, ce n'étaient pas des gens comme Ghislain Dufour, spécialiste en n'importe quoi. Il est rendu grand chef qui discute avec Ovide Mercredi, spécialiste des questions autochtones. Il ne parle plus du libre-échange, il ne vous parle plus de la concurrence avec les États-Unis. Là, il est devenu le spécialiste des questions indiennes. J'ai des nouvelles pour lui: le traité de paix au Québec a été signé en 1701 par le gouverneur de Callières. Alors, il pourra toujours allumer son calumet, Ghislain. Il serait mieux de parler de choses qui sont de son ressort. Il n'a pas de leçon à donner alors que, dans la caisse de la Commission de la santé et de la sécurité du travail, on voit le résultat.

C'est pourquoi la proposition de l'Opposition, et c'est une proposition bien simple au fond, mais importante. On dit quoi, essentiellement? Que le ministre s'engage à tenir au plus tard le 8 juin prochain, et pour une période de quatre jours, une commission parlementaire réunissant les groupes suivants: Le Conseil du patronat, l'Association des entrepreneurs en construction, l'Association des manufacturiers québécois, la Corporation des médecins du Québec, le Conseil des syndicats nationaux, la Fédération des travailleurs du Québec, la Centrale des enseignants et des enseignantes du Québec, la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, la Centrale des syndicats démocratiques, la Fondation sur l'aide aux travailleurs et aux travailleuses accidentés, le Centre d'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés de Montréal, la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Pourquoi? Qu'il vienne nous dire, au fond, comment il voit la solution aux problèmes actuels.

Et deuxièmement, que le ministre s'engage à instituer une enquête indépendante d'actuaires sur la gestion de la commission. Je remarque à quel point les ministériels ont peur des chiffres... à quel point ils ont peur des chiffres! Regardez, quand la caisse de Société de l'assurance automobile du Québec, la caisse de stabilisation, ça fait combien d'années que le Vérificateur général demande pourquoi vous avez une caisse de stabilisation? Qu'est-ce que vous voulez faire avec? Pas capables de le dire, M. le Président. Pas capables de dire la caisse en surplus, pas capables de le dire, puis la caisse en déficit, pas capables de le dire non plus. C'est pourquoi la proposition est importante que le ministre s'engage à instituer une enquête indépendante d'actuaires sur la gestion de la commission. Il s'agit de milliers de demandes. Il s'agit de milliers de cas. Et, que des changements dans l'administration peuvent avoir une influence considérable concernant cette administration-là.

Le mandat pourrait consister à examiner, on dit «le processus d'évaluation des taux de co-

tisation, de l'estimation de la durée de la consolidation pour tenter d'expliquer les écarts importants qui se sont produits, et enfin de déterminer si la politique de capitalisation actuelle est compatible avec les orientations prises par la Commission de la santé et de la sécurité du travail». Parce que dans ces questions-là, la capitalisation est une question fondamentale. On sait à quel point les finances peuvent jouer là-dedans.

Je me rappelle, mon premier cours de statistique que j'ai eu, par le professeur James Hodgson, de la Faculté des sciences sociales de l'Université Laval, il m'avait dit, puis lui il l'avait appris lorsqu'il avait été étudiant à Chicago pour faire son doctorat en statistique, il avait dit une belle phrase qui se dit en anglais, qui se dit mieux en anglais, parce que ça dit, les rimes se font mieux, il dit: «Figures can not lie, but liars can figure.» Les chiffres ne mentent pas, mais les menteurs sont capables de faire des chiffres.

Et c'est pourquoi, quand on a baissé les cotisations, rappelez-vous de ce côté-ci de la Chambre, on avait dit à tout le monde à ce moment-là que c'était une erreur importante qu'on faisait. Mais, les libéraux voulaient tellement montrer qu'ils étaient de bons administrateurs, ils baissaient les cotisations pour essayer de montrer que, grâce à eux, sous une administration incroyable, il était possible de baisser les cotisations à la CSST. Bien, on a vu rapidement le résultat: déficit. Déficit considérable, parce qu'ils ne savent pas compter, M. le Président. Ils ne savent pas compter, ou bien il y a des gens qui sont complaisants dans la comptabilité. Ça m'a frappé, moi, qu'une revue, Time Magazine, la revue américaine Time, récemment disait que les grandes fraudes qu'on a vues, les grandes fraudes qu'on a vues dans les derniers mois, que ce soit la fraude de Maxwell avec les fonds de pension, n'est pas possible sans la complicité de grands bureaux de comptables, sans la complaisance de bureaux de comptables.

Quand on a vu actuellement, regardons ce qu'on voit là par exemple les... pas les faillites, mais des gens qui arrivent quasiment d'un coup sec en difficulté financière, et puis on s'aperçoit qu'ils sont en difficulté financière pour 1 000 000 000 $, 2 000 000 000 $. Quelles sortes de bureaux de comptables il y a là? De quelle façon l'intérêt public est travaillé par les bureaux de comptables? Hein. Ah non, non, non! Je suis un de ceux qui a déclenché une commission d'enquête pour Madelipêche, justement. Puis Ma-delipêche, sur 30 quelques recommandations, il y en avait 2 qui concernaient les pêches, le reste concernait les institutions fnancières, la comptabilité, les conflits d'intérêt, puis les règles d'éthique dans les institutions financières. Je regrette, M. le Président.

Et, M. le Président, dans ces questions-là, actuellement, la capitalisation, facile d'engager des gens complaisants. Le Vérificateur général du Québec, je ne trouve pas, M. le Président, qu'en termes de vérification générale que ça vaut le salaire qu'on paie. Pourquoi? Parce que, comment ça se fait qu'à un moment donné on ne voit pas que c'est sous-capitalisé? Pourtant... Comment ça se fait? Puis, le ministre va arriver pour nous dire... C'est pour ça que la proposition de l'Opposition, quand on dit d'avoir une étude impartiale de firmes ou d'actuaires pour dire quelle est la situation sur le plan de la capitalisation. C'est facile de trouver des gens de complaisance qui vous baragouinent des simagrées sur le plan de la comptabilité.

Mais, actuellement, l'intérêt public est en cause. Il s'agit de l'argent qui touche beaucoup de citoyens. Tous les travailleurs sont touchés par ce qui se passe à la CSST, et, actuellement je pense qu'on a le droit d'avoir un portrait impartial. C'est ça que demande essentiellement l'Opposition. Que les gens puissent leur dire qu'est-ce qu'ils en pensent, des problèmes actuels, devant une commission, et puis publiquement. Et puis de la même façon également, qu'on fasse une analyse indépendante par des actuaires pour dire comment ça se fait qu'on arrive à ce résultat-là.

M. le Président, je sais qu'il y a des gens là-dedans qui se pensent toujours plus fins que le violon. Sauf que, quand on a un déficit de cet ordre-là, 800 000 000 $ l'an dernier, puis ça s'en va sur 1 500 000 000 $ cette année, il serait peut-être bon d'avoir un petit peu d'humilité pour les taupes ministérielles, M. le Président. Il serait peut-être bon que les taupes ministérielles se fassent ajuster la vue, M. le Président, parce qu'il y a quelque chose qui est fondamental actuellement, ça va vouloir dire un déficit d'au-dessus de 2 000 000 000 $ dans l'espace de deux ans, M. le Président. À 2 000 000 000 $, est-ce possible, pensez-vous, M. le Président, d'être moins arrogants, d'avoir un peu plus d'humilité, de constater que ce n'est pas les chars, l'administration qu'on présente. Au contraire, ça fait dur! Et les citoyens ordinaires, c'est évident qu'à deux heures du matin le monde normal est couché, le monde normal est couché. Il n'y a qu'ici, le Parti libéral qui fait passer une loi qu'il prétend pour les travailleurs en pleine nuit. (1 h 50)

Je pense que, quand un gouvernement est fier des lois qu'il passe, il ne les passe pas la nuit, il les passe en plein jour. Ceux qui passent les lois la nuit, c'est parce qu'ils ne sont pas fiers de leurs lois. Ils les passent la nuit. Ceux qui sont fiers de leurs lois, ils les passent en plein jour parce qu'ils veulent que les gens les voient passer, entendent les débats et puissent évaluer les discussions. Actuellement, ce n'est pas ça qui se passe. Et c'est pourquoi c'est triste d'avoir une loi qui touche autant de personnes passer en pleine nuit, à deux heures du matin!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Taschereau.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. C'est un peu la coutume, en session intensive, d'entendre les discours à l'emporte-pièce du député de Lévis. Évidemment, pour la plupart d'entre nous, qui en sommes à notre septième année comme député, ce n'est pas nouveau. On se demande pourquoi le député de Lévis jette autant de discrédit sur toutes sortes d'institutions dans notre société. Pendant vingt minutes, il a beurré à peu près tout le monde. Je me demandais ce qu'il avait contre le Vérificateur général tout à coup et j'ai retrouvé, M. le Président, dans mon dossier ici, un article de décembre 1985, alors que le Parti québécois venait de quitter le pouvoir, qui disait: «Pour la première fois, le Vérificateur général refuse d'approuver les états financiers du Québec. Le gouvernement péquiste a sous-évalué le déficit de 2 000 000 000 $.» Ah bien! Regarde donc ça! Ça vient de loin, cette petite hargne contre le Vérificateur général qui a refusé, fin 1985, d'approuver les états financiers du Parti québécois parce qu'on avait sous-évalué le déficit de 2 000 000 000 $. Ce n'est pas moi qui le dis, c'est Le Devoir du 18 décembre 1985.

M. le Président, que le député de Lévis ne nous fasse pas de leçons sur notre façon d'administrer le Québec quand le Vérificateur général lui-même refuse de signer les états financiers de son gouvernement. Qu'il ne vienne pas aujourd'hui essayer de beurrer le Vérificateur général pour excuser les lacunes que ce même Vérificateur général a dénoncées du temps du Parti québécois.

M. le Président, je vous partais du cirque du député de Lévis! Effectivement, il nous reproche de travailler la nuit, mais on ne peut pas dire que ce qu'il nous donne comme spec-table ressemble au Cirque du soleil. Le député de Lévis ne parle pas seulement en Chambre. Il est venu dans mon comté récemment. Il est venu dans mon comté, ça a été repris par Le Soleil, et je peux vous dire que Le Soleil a tracé tout un bilan de son intervention dans mon comté. Il y a eu un gros 80 indépendantistes réunis au Centre récréatif Saint-Roch, au profit de l'organisation péquiste du comté de Taschereau. Quatre-vingt personnes, M. le Président. Si on enlève... Ils sont à peu près quinze à l'exécutif, la parenté du député de Lévis... Je vais vous dire qu'il en restait à peu près 50! M. le Président, c'est de toute beauté. Il faut que je vous conte ça. Le député de Lévis, dans mon comté comme en Chambre, il parle contre le libre-échange. C'est connu. Vous l'avez entendu tantôt. Son chef est pour le libre-échange, le vice-président du Parti québécois est pour le libre-échange, le Parti québécois, dans son ensemble ou presque, est pour le libre-échange, sauf le député de Lévis. Et ce qui est amusant c'est que lorsqu'il est venu dans mon comté, évidemment, il parlait contre le libre-échange. Et là, il disait: Le seul envahissement qu'on a connu avec le libre-échange, c'est celui des Québécois qui descendent massivement acheter aux États-Unis. C'est exactement ce qu'il vient de nous dire. Et là, ce qui est intéressant, M. le Président, dans ces réunions de péquistes là, ça s'est tenu un soir dans mon comté, un quidam a alors bondi de sa chaise pour répliquer vivement au conférencier que son collègue, Bernard Landry, avait été l'un de ceux qui avaient le plus prêché en faveur du libre-échange. Imaginez, M. le Président. Le député de Lévis vient dans mon comté, rencontrer des péquistes, des péquistes se lèvent pendant qu'il parle pour dire: M. le député de Lévis, arrêtez de parler contre le libre-échange, vous êtes pour, votre parti. C'est effrayant! C'est effrayant se contredire de même. Et là, M. le Président, la soirée se voulait un peu dans le ton des assemblées de cuisine de certaines campagnes électorales. C'est fin, ça. Un animateur invitait à répétition les gens à boire de la bière.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Leclerc: Non, non, non. Il faut la vendre, c'est au profit du parti. Il faut la vendre, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant! M. le député de Laviolette. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Taschereau s'il aurait l'amabilité de parler du projet de loi qui est devant nous?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant! M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Je pense, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la question de règlement.

M. Bélisle: Oui, quant à la pertinence, je pense qu'il est très pertinent de bien expliquer dans quel contexte le député de Lévis travaille la nuit, le soir, comme une taupe, alors qu'il l'a mentionné tout au long de son discours, que nous travaillons la nuit comme des taupes ou le soir. Alors, je pense que c'est excessivement pertinent ce que le député de Taschereau est en train de

nous expliquer, contrairement à ce que pense le député de Laviolette.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant. Alors, M. le député de Tasche-reau, vous pouvez tenter de mettre en contradiction le député de Lévis en partant du texte que vous avez entre les mains par rapport à l'intervention qu'il a faite tout à l'heure, mais vous devez, évidemment, en vertu de l'article 211, respecter la pertinence et le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail. Allez-y, M. le député de Taschereau, allez-y.

M. Leclerc: Vous avez raison, c'était le préambule de mon intervention, et j'y arrive. Or, là, je continue l'assemblée publique. Une violoniste a fait son petit numéro musical suivi d'un poète venu lire sa littérature séparatiste. Des jeunes gens vendaient des billets de tirage... Ah non, ah non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Taschereau, s'il vous plaît. M. le député de Laviolette. M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de Laviolette, question de règlement. Allez-y.

M. Jolivet: M. le Président, pourriez-vous demander au député de Taschereau de se rendre à votre invitation, l'article 211, pertinence. Nous parlons d'un projet de loi, et j'aimerais l'entendre parler du projet de loi, M. le Président.

M. Bélisle: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: II est très important que le député de Taschereau dépose le document en cette Chambre pour le bénéfice de tous les gens qui sont présents en cette Chambre ce soir.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): m. le député de taschereau, votre intervention, en respectant la pertinence. je vous l'ai rappelé tout à l'heure.

M. Leclerc: M. le Président, alors, je termine mon article tout en vous offrant de le déposer si besoin se fait sentir, et ça se termine: Des jeunes gens vendaient des billets de tirage durant le discours de M. Garon. Et c'est ça qu'on avait envie de faire, M. le Président, entre nous, en entendant le discours du député de Lévis sur la CSST.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Leclerc: M. le Président, quand le député de Lévis vient dans mon comté, les péquistes vendent de la bière pendant qu'il parle et ils vendent des billets de tirage. Ça vous donne une idée, M. le Président, du sérieux de son discours.

M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous est fort sérieux parce que et les employeurs et les employés au Québec ont besoin d'une telle protection législative. On peut s'imaginer, M. le Président, quel serait le marché du travail au Québec si la CSST ou un organisme équivalent n'existait pas.

Et la CSST, non seulement couvre-t-elle les employés qui, dans l'exercice normal de leurs fonctions, ont droit à une pleine et entière couverture, mais elle couvre également les employeurs qui, si la CSST n'existait pas, devraient s'assurer sur le marché privé, avec les aléas que l'on connaît dans le marché des assurances, avec, dans certains cas, des entreprises qui auraient de la difficulté à trouver des assureurs pour assurer leurs opérations et leurs employés.

Par conséquent, la CSST, ce n'est pas l'apanage seul des travailleurs, mais c'est également un organisme fort important pour les employeurs du Québec qui voient ainsi couvertes leurs opérations commerciales et industrielles. (2 heures)

M. le Président, oui, la CSST c'est important et oui, il y a une unanimité au Québec de gens qui disent qu'il faut régler un certain nombre de problèmes pour corriger la situation financière de la CSST. Évidemment, et les syndicats et le patronat au Québec critiquent la CSST. Et c'est de bon droit, c'est de bon aloi. Mais, M. le Président, lorsqu'on regarde ce qu'en pensent des personnes neutres, des personnes qui ne relèvent ni du patronat ni du syndicat, des personnes qui n'ont à défendre ni l'un ni l'autre, on se rend compte que souvent le constat qu'ils font est encore plus sérieux, plus grave, plus dramatique que pour le syndicat et le patronat. Et c'est important d'en parler, M. le Président, parce qu'il s'agit là d'intervenants neutres qui étudient la situation de la CSST et qui alertent l'opinion publique et le gouvernement.

Et la députée de Chicoutimi a sans doute remarqué l'éditorial ou le commentaire de Pierre Bergeron, dans Le Quotidien du samedi 23 mai, qui n'y va pas, là, du dos de la cuillère pour demander au gouvernement de prendre le taureau par les cornes et de changer des choses à la CSST. On parle également du Devoir, l'éditorial du 22 mai, qui, lui, va jusqu'à dire: «Privatiser la CSST?» M. Frédéric Wagnière dit dans La Presse:

«CSST: il faut donner le contrôle aux patrons» et également dans Le Soleil on dit: «CSST: paris ouverts sur le sauvetage.» Voilà tous des articles de fond qui alertent l'opinion publique en disant: Les choses ne peuvent plus demeurer ce qu'elles sont à la CSST et il faut faire quelque chose, ce à quoi s'est attaqué le ministre résolument.

Mais quand on connaît le contexte légal, politique dans lequel oeuvre la CSST, on peut comprendre pourquoi le ministre a d'abord demandé au conseil consultatif, qui est un organisme paritaire comme l'est également la CSST, de se pencher sur les divers problèmes de la CSST. On pourra critiquer dans certains milieux que ça a pris un peu de temps, mais c'était une démarche cohérente et logique, compte tenu de l'aspect paritaire de la CSST, de confier à un organisme également paritaire de suggérer un certain nombre de recommandations au gouvernement, ce qui fut fait.

Malheureusement, on n'a pas pu, à l'intérieur de cet organisme-là, en venir à une certaine unanimité autour de recommandations et, par conséquent, le gouvernement, le ministre a dû prendre ses responsabilités et décider. Et, en ces matières, M. le Président, on ne peut faire plaisir à tout le monde. Je lisais justement un article où il était bien dit que le ministre ne pourrait pas, dans le dossier de la CSST, faire plaisir à tout le monde et à son père, et que, par conséquent, il devrait statuer. Et c'est Martine Corrivault, du Soleil, qui disait: «Mais un ministre, fût-il ancien syndicaliste, ne peut contenter tout le monde et son père. M. Cherry sait bien que, si rien de sérieux n'est entrepris rapidement, ce sera non seulement le naufrage de l'idée généreuse à l'origine de la CSST, mais aussi la tempête et de nouveaux drames pour des gens qui ont perdu une partie de leur santé à leur travail». Par conséquent, tout le monde l'admet au Québec, on ne pourra pas faire l'unanimité autour d'une réforme de la CSST, mais le ministre doit prendre ses responsabilités, le gouvernement également, pour offrir mini-malement un certain nombre de changements rapides et ponctuels pour faire en sorte de résorber une partie de ces déficits qui d'année en année s'accumulent.

Alors, M. le Président je voudrais mini-malement statuer sur la fameuse étude actuarielle que nous demande l'Opposition. M. le Président, il y a des actuaires compétents à la CSST. Ces actuaires-là sont vérifiés par des actuaires externes; le Vérificateur général a également des actuaires. M. le Président, les actuaires vérifient les actuaires qui vérifient les actuaires. Ce serait non seulement une perte de temps, mais ce serait également une très grande dépense que de demander encore à une autre firme d'actuaires de se pencher sur la question du déficit actuariel de la CSST. Ce serait encore engager probablement 100 000 $ ou 200 000 $, quand on sait que les actuaires travaillent à 200 $, 250 $ de l'heure, ce serait engager des milliers et des milliers de dollars de l'argent des contribuables pour se faire dire à peu près la même chose. Il y a une unanimité autour du fait que la CSST a des déficits considérables. On n'est pas pour demander une étude additionnelle, comme gouvernement, dépenser des honoraires professionnels substantiels pour se faire dire que le déficit est de 10 000 000 $ de plus ou de 10 000 000 $ de moins que ce que les actuaires précédents ont pensé. Ça m'apparaît là, M. le Président, une redondance tout à fait exagérée de l'Opposition de demander au gouvernement du Québec d'engager encore d'autres actuaires pour faire ce genre d'étude là.

M. le Président, il y a un certain nombre d'éléments importants dans notre projet de loi, il y a un certain nombre d'éléments dignes de mention. Vous savez qu'à la CSST on cherche dorénavant à déjudiciariser le régime. Il faut garder des éléments de type quasijudiciaire, évidemment, lorsque les parties ne peuvent absolument pas s'entendre et lorsque les montants sont importants, mais il faut éviter que se créent, avec le temps, des automatismes qui font que, chaque fois que vous avez une réclamation à la CSST, chaque fois que vous avez un règlement de proposé, vous prenez toujours le risque d'aller en appel parce qu'il n'y a pas vraiment de risque. Tout ce qui peut arriver, si vous allez en appel, à ce moment-là, c'est que vous gagnez un petit peu plus que ce qui vous avait été d'abord offert. Par conséquent, ça incite un très grand nombre de travailleurs à aller en appel, ça engorge les procédures d'appel. Non seulement ça coûte énormément cher en administration, mais également les procédures d'appel deviennent tellement longues, M. le Président, qu'on en arrive à un déni de justice. Et la Cour suprême a d'ailleurs déjà tranché, il y a pas si longtemps, que, si l'on veut vraiment justice, il faut qu'elle soit rendue dans des délais raisonnables. Ça, tout le monde au Québec le demande et la seule façon d'arriver à des appels entendus dans des délais raisonnables, c'est de baliser très bien ceux qui peuvent aller en appel, ceux qui ne peuvent pas aller en appel. Par conséquent, c'est ainsi que des cas vraiment graves, vraiment sérieux seront étudiés par cet arbitrage et que justice sera rendue dans le meilleur intérêt et des travailleurs accidentés et de la CSST.

M. le Président, la CSST, avec les années, est devenue tellement grosse qu'il n'est pas illogique de penser à la doter d'une direction bicéphale. Le président de la CSST, comme le président d'Hydro-Québec, ce sont des gens qui ont seulement 24 heures dans une journée et ce n'est pas une mauvaise idée que de confier la direction à une personne et l'exploitation à l'autre personne. Dans la mesure où les rôles de chacun sont vraiment bien définis, ça m'apparaît là une amélioration et une aide à apporter à l'équipe de gestion, et c'est pourquoi je supporte,

compte tenu de la grosseur du budget de la CSST, la direction bicéphale.

Encore là, également, nous voulons permettre à l'employeur d'avoir accès, dans certaines circonstances, à de l'information se rapportant à une lésion. Si les employeurs veulent faire une saine gestion de leurs dépenses de CSST, il faut minimalement leur donner accès aux renseignements qui découlent d'accidents de travail dans leur usine, dans leurs bureaux, dans leurs entrepôts. Comment peut-on penser que des employeurs pourront améliorer leur performance quant à la santé et sécurité, quant à la prévention, quant au traitement, au suivi à donner aux accidents dans leur entreprise si, minimalement, on ne leur donne pas accès à des renseignements de base quant aux lésions dont ont pu être l'objet des travailleurs ou des travailleuses?

M. le Président, il y a beaucoup de choses qui auraient pu également être proposées pour améliorer la CSST. Je pense que le ministre n'a pas la prétention de tout régler à la CSST. Je pense que l'objectif premier de notre loi, qui modifie la loi sur la CSST, c'est de réorienter notre organisme d'État pour faire en sorte de résorber les déficits tout à fait inacceptables, tout le monde en convient, qu'elle doit supporter au cours des dernières années, pour faire en sorte que les entreprises québécoises n'aient plus, chaque année, à subir d'importantes hausses de cotisation à la CSST. (2 h 10)

On parle souvent de mondialisation des marchés. On parle souvent de compétition internationale. Si nous voulons que nos entreprises, que nos travailleurs soient efficaces et compétitifs pour concurrencer les Japonais, concurrencer les Coréens et concurrencer les Américains, il faut que la somme d'argent ou la portion de budget, qui est consentie à la CSST, qui est consentie aux assurances reliées aux accidents du travail, soit comparable à ce qui se passe dans les autres marchés, dans les autres pays. Il semble évident que nous avons, au cours des dernières années, pris des tangentes très dangereuses et il nous faut, à cet égard, ramener la barque, avec un cap et avec un capitaine qui sait où on s'en va. J'ai bon espoir que le projet de loi que nous étudions actuellement va nous permettre de résorber dorénavant le déficit de la CSST. M. le Président, je vous remercie.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Taschereau. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Labelle. Vous avez droit à une période de 20 minutes, M. le député.

M. Jacques Léonard M. Léonard: Merci, M. le Président. Alors, à mon tour, je veux participer à ce débat sur le projet de loi 35. C'est une loi qui modifie la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. J'interviens dans ce débat, dans une saga de fin de session, en pleine nuit, pour des projets de loi importants que le gouvernement camoufle généralement durant ces périodes.

M. le Président, je pense que, comme tous les députés dans cette Chambre, en tout cas ceux de notre côté, nous avons eu, à de multiples occasions, à rencontrer des personnes, des citoyens qui venaient dans nos bureaux de comté nous expliquer leurs problèmes. Et, s'il y en a qui sont dramatiques, ce sont bien ceux qui sont touchés par les accidents du travail - absolument dramatiques - qui sont très gênés, très impressionnés de venir dans un bureau de député, mais qui n'en peuvent plus devant la Commission de la santé et de la sécurité du travail, et qui ont, comme dernier recours, de se ramasser chez nous. Il s'agit de drames humains, de drames personnels épouvantables, qui ont affecté leurs familles, qui les ont affectés quand ils étaient dans leur pleine capacité de travail, eux qui, du jour au lendemain, se retrouvent sans être capables de rien faire, avec des blessures, impotents très souvent. Je pense que nous avons tous vécu de ces rencontres qui nous bouleversaient. Ils sont devenus, souvent blessés pour la vie, une charge, un fardeau pour leur famille, sans espoir, très souvent, de s'en sortir, et ils sont tombés dans des problèmes d'administration.

Premièrement, les délais. Alors, là, les délais, ça n'en finit plus: plus c'est grave, plus ça prend de temps, un peu comme ceux qu'on avait lorsqu'il n'y avait pas l'assurance automobile du Québec, où plus c'était grave, plus ça prenait de temps, plus ça coûtait cher, moins ça se réglait. Des délais impossibles, interminables. Des démêlés, évidemment, avec la Commission, avec un fonctionnaire par-ci par-là qui fait son travail, et le citoyen pense, avec les circonstances qui entourent ses problèmes, qu'il est persécuté par les fonctionnaires. Alors, des démêlés avec la Commission, avec la commission d'appel. Ils ne s'en sortent pas. Ils regardent, ils examinent leurs rapports médicaux pour bien voir si vraiment ça correspond aux problèmes qu'ils ont, aux maux qu'ils supportent. Tout cela fait partie des drames humains. M. le Président, je pense que c'est un des problèmes les plus importants auxquels on ait à faire face à nos bureaux de comté, plusieurs fois par mois.

Pourtant, lorsque la CSST a été mise sur pied, il me semble que c'était justement dans le but de prévenir de tels problèmes. Mais nous en sommes là, il faut le constater. Il en existe encore, des problèmes majeurs. Je pense qu'il faut dire que la situation est mieux quand même que ce que c'était auparavant, alors qu'il n'y avait pas cette institution et que le travailleur

qui était blessé s'en retournait chez lui subir son sort alors que souvent l'employeur parfois le délaissait même. Aujourd'hui, nous avons cette institution, c'est un progrès, c'est un gain sur le passé, mais il reste des problèmes, évidemment.

J'ai aussi, d'un autre côté, d'autres témoignages. Le témoignage des employeurs qui trouvent que ça coûte cher, trop cher, qui essaient d'être compétitifs et qui regardent chacune des rubriques de leurs états de profits et pertes qu'ils essaient de diminuer dans chacun des cas et, lorsqu'ils arrivent là-dessus, c'est un élément qu'ils jugent incontrôlable. C'est sûr que certains employeurs trouvent les taux trop élevés, surtout dans le cas où ceux qui font des efforts de prévention ne sont pas récompensés à leur juste mesure pour les efforts qu'ils font. C'est donc un problème, là aussi, particulièrement dans le contexte actuel.

Disons que ces situations allaient clopin-clopant, mais que cette année nous avons eu un écho particulier, celui d'un déficit considérable, de 792 000 000 $. Au début, il y avait des problèmes d'administration à la CSST, je les ai vécus quand j'étais au gouvernement. Ça s'est résorbé graduellement. La CSST est une institution complexe qui a été mise sur pied et dont l'administration a dû s'installer au cours des années, mais je pense qu'on en était venu à passer à travers, jusqu'à ces dernières années, jusqu'en 1988-1989 ou 1990 même. Mais subitement, cette année, nous avons un déficit considérable: 792 000 000 $, presque 800 000 000 $.

M. le Président, je me suis donc permis d'aller voir les états financiers parce que cela m'intéressait de savoir comment les choses s'étaient passées. J'ai deux états financiers, 1990 et 1991. Alors, le premier point qui m'a frappé en regardant ça - parce que je suis allé tout de suite à l'état des revenus et dépenses où il y avait ce fameux déficit de 792 000 000 $ et j'ai comparé les deux années - le premier point: cotisation des employeurs. En 1990, 1 445 000 000 $; en 1991, 1 225 000 000 $. Une baisse de 220 000 000 $ des revenus de cotisation provenant des employeurs. C'est une baisse de 18 %, une baisse considérable, 220 000 000 $ de moins, 18 % de moins. Alors, on peut penser qu'en termes de revenus c'est une baisse considérable. Ça peut être avantageux, ça veut dire que possiblement le reste des opérations devrait être moins coûteux. Qu'est-ce que qui arrive au plan des dépenses? Alors, les dépenses, elles, ont augmenté. Prestations versées: il s'agissait de 1 150 000 000 $et, en 1991,1 286 000 000 $.

Alors, là, ça commence à changer. Les revenus diminuent, les cotisations ont diminué, mais pourtant les prestations ont augmenté. En fait, M. le Président, les cotisations des employeurs en 1990 étaient de 1 445 000 000 $, mais les prestations versées en 1990, de 1 150 000 000 $; il y a encore quand même presque 300 000 000 $ de plus en termes de revenus. Mais, en 1991, les cotisations 1 225 000 000 $ et les prestations versées 1 286 000 000 $. Les prestations versées dans la seule année 1991 sont plus élevées que les cotisations, alors qu'il faut faire face à la réserve actuarielle. Je pense que les problèmes commencent là. Les problèmes commencent là, il faut le dire. C'est un point important. (2 h 20)

J'ai été voir dans la loi qui fixe les cotisations. C'est la Commission qui fixe les cotisations. Donc, c'est la Commission qui est responsable si les cotisations ne sont pas assez élevées pour faire face aux prestations. Qui prend les décisions à la Commission? Le conseil d'administration. Je suppose que c'est lui qui prend la décision de fixer le taux de cotisation. Alors, qui compose le conseil d'administration? C'est un conseil d'administration paritaire: employeurs, syndiqués. Alors, je pense que nous avons une grave question à nous poser là. Comment ça se fait qu'on n'ait pas établi un taux de cotisation suffisant pour faire face aux obligations de la Commission? Je pense que, ça, c'est une question à laquelle je n'ai pas de réponse, à l'heure actuelle, M. le Président.

Parce que j'ai essayé d'aller un peu plus loin. On vous a donné des chiffres depuis le début du débat disant que le taux de cotisation était passé de 2,75 $ à 2,50 $ les 100 $ en 1990, puis à 2,32 $ en 1991 et ce 2,32 $ avait été réévalué par la Commission à 2,17 $ en termes réels, à la fin de 1991, en raison de la récession et du déplacement de l'activité économique. Petite question ou remarque fort importante: je suis aussi allé voir ce qui se passait en Ontario. Le taux, en Ontario, est de 3,18 $ des 100 $, 3,18 $. Il est plus élevé qu'au Québec. Le président du Conseil du patronat prétend que la structure industrielle de l'Ontario est différente de la nôtre, qu'il y a plus de fonderies et qu'il y a l'industrie automobile qui est là, alors que la nôtre est fondée sur les services. C'est un argument qui peut valoir, peut-être, pour quelques points, quelques sous, mais, à mon sens, ça n'explique pas la différence entre 3,18 $ en Ontario et 2,17 $ ici, au Québec. Ça n'explique pas.

M. le Président, je pense qu'il y a une question drôlement importante, intéressante, qui relève bien du débat, à savoir pourquoi la Commission a baissé ses taux de cotisation. Pourquoi? Alors que les prestations versées ont augmenté à raison de 10 % - c'est déjà une augmentation importante - d'avoir baissé, pour la même année, les cotisations de 18 %, il y a quand même un problème.

Plus que ça, M. le Président. Allons un peu plus loin dans cet état financier. L'augmentation de la réserve actuarielle, en 1990, elle a été de 475 000 000 $. C'est quand même assez élevé. On peut se poser des questions. Pourquoi y a-t-il une telle augmentation de la cotisation actuariel-

le, qui fait que les prestations versées et l'augmentation de la réserve actuarielle dépassent de 200 000 000 $, au moins, et même d'un peu plus, les cotisations perçues? L'augmentation de la réserve actuarielle, en 1991, M. le Président, 640 000 000 $. Cela veut dire, très probablement, qu'on est en train de faire des réajustements pour les années passées.

Donc, je me suis interrogé sur la pertinence de mettre ce poste à l'intérieur même de l'état des revenus et dépenses dans l'année 1991, puisque cela affectait les déficits antérieurs. Je pense que c'est une question pertinente aussi que de la poser, celle-là. 640 000 000 $, en regard d'un déficit de 791 000 000 $. Si ces 640 000 000 $ touchent surtout les années antérieures, M. le Président, cela veut dire que le déficit de cette année, compte tenu des opérations de cette année, n'est pas de 792 000 000 $, mais qu'il serait, paraît-il, plutôt de 284 000 000 $. Donc, s'il y a de ces ajustements pour les déficits antérieurs, je pense qu'il faut l'exclure lorsque l'on fait l'évaluation de l'année financière 1991 de la Commission. Il faut l'exclure.

Poursuivons, M. le Président. Une autre augmentation de la réserve actuarielle résultant de modifications aux hypothèses et à la méthode de calcul: 13 000 000 $ en 1990, 113 000 000 $ en 1991. 113 000 000 $! 114 000 000 $ si on arrondit. C'est un chiffre très important qui affecte de façon significative l'excédent des dépenses sur les revenus des opérations courantes. Je me suis interrogé sur le fait de savoir pourquoi le Vérificateur n'avait pas qualifié son rapport et n'avait pas fait une remarque sur son rapport étant donné qu'une telle modification avait un impact significatif sur les résultats financiers de la Commission.

Poursuivons, M. le Président. Je passe quelques lignes; j'arrive au programme de prévention: 70 000 000 $ en 1990, 74 000 000 $ en 1991; c'est une augmentation tout à fait normale. Allons plus loin, frais d'administration, M. le Président: 189 000 000 $ en 1990, 211 000 000 $ en 1991 et, à la ligne immédiatement au-dessous, autres frais: 56 000 000 $ en 1990 et 78 000 000 $ en 1991. M. le Président, quand on regarde ça, il faut comprendre aussi qu'il y a une note aux états financiers qui nous amène à additionner un autre 35 000 000 $ pour savoir que les frais financiers de la CSST, les frais d'administration et autres frais, qui sont aussi des frais financiers, coûtent 325 000 000 $ en 1991. C'est un taux de coût d'administration de 15 % par rapport aux revenus, même plus, presque 20 %. 15 % sur les dépenses, 20 % sur les revenus. C'est considérable, M. le Président. Il y a des questions à se poser; 20 % de toutes les sommes perçues s'en vont dans des frais administratifs. On exclut les programmes de prévention; nous sommes strictement dans les frais administratifs. 20 % des revenus perçus, 15 % des dépenses. Il faut constater qu'il s'agit là de coûts très importants.

Il y a d'autres modifications dans cet état, M. le Président. L'analyse de ces états financiers est fort intéressante; on pourrait la poursuivre, aller plus loin et poser des questions sur ces réserves actuarielles, mais j'arrêterai là, simplement pour dire qu'il y a des questions à se poser en termes d'analyse financière, et je reviendrai sur un point: Pourquoi a-t-on baissé les taux de cotisation cette année? On dit, comme je l'ai lu tout à l'heure: À cause de la récession économique. Oui? Alors, ça nous amène à dire: Est-ce que, dans cette période économique, alors que les taxes de toutes sortes du gouvernement ont augmenté, il faut faire porter le poids à ceux qui ont eu la malchance d'avoir un accident de travail? Lorsqu'on fait le jeu des vases communicants, on a tripoté les taux de cotisation à cause probablement de l'augmentation des taxes. Et qui paie la note au bout? Les accidentés du travail. C'est eux qu'on clenche, ceux qui peuvent très mal se défendre, ceux qui ne peuvent pas de défendre, ceux qui sont les plus mal pris dans les entreprises; c'est eux qu'on fait payer.

S'il y a des abus - et je pense que, dans tout système, on ne peut jamais nier qu'il puisse se produire des abus - je pense que ce sont les abus que nous devons cerner, et pas autre chose, et pas tout le monde, et pas tout le système qu'il faut remettre en cause. Mais peut-être bien qu'on a touché aux taux justement pour remettre le système en cause, pour essayer de faire baisser les taux. J'ai regardé les articles de ce projet de loi décrits dans les principes; les quatre premiers paragraphes de ce projet de loi décrivent des mesures qui affectent les accidentés directement eux-mêmes. Quant aux autres, il s'agit simplement de modifications plutôt mineures, sous réserve, mais, d'abord et avant tout, on a touché les accidentés. (2 h 30)

M. le Président, je ne peux pas ne pas relever aussi un paragraphe, avant de terminer, qui me semble d'une arrogance caractérisée: «Le président du Conseil du patronat du Québec, M. Ghislain Dufour, a opposé un non catégorique aux demandes des centrales syndicales qui réclament une enquête publique et une commission parlementaire sur la dette de la CSST et son déficit astronomique, qui a atteint 792 000 000 $ l'an dernier et devrait être d'au moins 607 000 000 $ cette année.» Je suis donc allé au telbec, parce que je me suis posé des questions aussi. Et, dans le telbec, je pense que c'est encore pire. Dans le premier cas, il a rejeté la demande de la CSN pour une commission d'enquête sur le déficit de la CSST. Quant à la deuxième demande faite par le FTQ, celle-là, elle vise la convocation d'une commission parlementaire générale pour étudier le projet de loi 35. «Une commission parlementaire sur invitation, de deux ou trois jours, sera amplement suffisante

pour clarifier certains points du projet de loi, si tel est le désir du ministre.» C'est M. le président du Conseil du patronat qui décide que, oui, il y aura une commission ou que, non, il n'y en n'aura pas.

M. le Président, nous avons fait des propositions très claires au ministre pour qu'il ait notre collaboration. Je pense que c'a été clair par mes collègues, établi très clairement par mes collègues. Je m'en tiendrai à ce point. Il y a des problèmes à la CSST et il faut une commission parlementaire et une commission d'enquête.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 35 et je reconnais M. le député de Gouin. M. le député, la parole est à vous.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Il est toujours étrange pour les gens qui nous écoutent de voir qu'à 2 h 30, les parlementaires sont toujours réunis en cette Assemblée pour débattre d'un projet de loi. Mon collègue de Lévis a tenté, et je pense, a fait une démonstration assez intéressante qui pouvait illustrer jusqu'à quel point cette pratique connue - parce qu'on l'a peut-être même parfois utilisée lorsqu'on était de l'autre côté de la Chambre... Mais on sait fort bien, puis les parlementaires d'expérience en cette Chambre savent fort bien que lorsqu'on discute d'un projet de loi contesté, lorsqu'on discute d'un projet de loi où il n'y a pas unanimité, lorsqu'on discute et lorsqu'on est au courant que les discussions devant cette Assemblée, les discussions qu'on vous présente, M. le Président, lorsque l'on sait qu'il y a des débats et qu'il y a de grands débats, des débats de fond qui opposent les gens, on sait très bien que c'est beaucoup plus facile de faire adopter un projet de loi le soir tard, lorsqu'il y a peu de gens qui nous écoutent, faire ça en catimini, en cachette, à l'heure où la majorité des Québécois et Québécoises sont sans doute au repos, en train de préparer la journée du lendemain.

M. le Président, donc, cette mise en contexte et cette mise en situation étant faite, il me semble important, malgré l'heure tardive, d'intervenir à mon tour sur le projet de loi 35 et d'appuyer, au meilleur de ma connaissance, ces propos de ma collègue, Mme Blackburn, députée de Chicoutimi, qui est porte-parole de l'Opposition officielle en matière de santé et sécurité au travail. C'est elle qui a la responsabilité, comme critique de l'Opposition, de discuter et de surveiller, finalement, les agissements de la CSST.

Faut-il, d'une part, M. le Président, rappeler que le projet de loi 35 est, finalement, un projet qui donne suite, bien sûr, à un certain nombre de consultations qui ont été faites par le ministre, mais rappeler que ce projet de loi ne vient pas régler d'aucune façon les problèmes de fond qui sont soulevés au sujet de la CSST. Parce que s'il y a bien un organisme public que les parlementaires, membres de cette Assemblée connaissent bien, c'est bien la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il n'y a pas un lundi ou un vendredi où les députés, dans leur comté, ne reçoivent pas de leurs concitoyens qui leur font part des problèmes qu'ils peuvent avoir avec la CSST. Particulièrement la question qui revient le plus souvent sur la table, c'est cette hyperjudiciarisation de la CSST, les délais trop longs, les problèmes avec l'expertise, la contre-expertise, les problèmes de délais, les problèmes d'attente. C'est, finalement, M. le Président, une des plaintes qui nous reviennent le plus souvent et, dans un comté ouvrier comme le mien, M. le Président, c'est souvent ce genre de récriminations qu'on nous apporte.

Donc, ceci étant dit, au-delà de cette expertise que chacun des députés a pu développer au fil des ans en rencontrant ses concitoyens, je pense qu'il s'agit de lire les notes explicatives pour comprendre que, d'aucune façon, le projet de loi 35 ne vient régler cette question de l'hyperjudiciarisation de la CSST. Mais permettez-moi peut-être, M. le Président, d'aller un peu plus loin et de parler, finalement, de ce qui est, à mon avis, le problème de fond, le problème le plus important, qui est celui du déficit de la Commission de la santé et de la sécurité du travail.

Il faut rappeler, M. le Président, et c'est quand même surprenant, le déficit du Québec sera supérieur à 4 000 000 000 $, qui est le déficit du gouvernement du Québec, mais regardez bien que le déficit seul d'un organisme public, de la CSST - et je me permets de vous citer les bons chiffres - pour 1991, le déficit de la Commission atteint quelque 800 000 000 $. À l'heure actuelle, le déficit accumulé, selon les dernières prévisions, atteint déjà 500 000 000 $. Et si rien n'est fait pour remédier à cette situation, le manque à gagner pourrait se chiffrer à près de 1 000 000 000 $ à la fin de l'année, d'où l'urgence d'agir. 1 000 000 000 $, 1 000 000 000 $ de déficit, alors que ces gens sont revenus au pouvoir en nous parlant qu'ils voulaint maîtriser l'avenir, à un moment où ceux-ci se sont faits les porte-parole des sains gestionnaires, alors que ceux-ci sont venus nous parler, avec leurs grands diplômes de Harvard, du London School... venus nous faire la leçon sur la façon de gérer les deniers publics, sur la façon de gérer nos institutions, sur la façon de gérer nos organismes.

Alors, au moment où ces gens sont revenus nous dire qu'ils allaient non seulement maîtriser, mais bien assurer notre avenir, le résultat depuis 1985 est assez renversant. 500 000 000 $ de déficit accumulé. Si rien n'est fait,

1 000 000 000 $, et certains disent même 1 500 000 000 $. Donc, M. le Président, je pense que, déjà, il y a un mythe qui est effacé. Les bons administrateurs! Les sains administrateurs! Des administrateurs compétents! Ceux qui allaient gérer en notre nom, vous voyez ce que ça donne, M. le Président, comme résultat! Une situation, un déficit de près de 1 000 000 000 $.

C'est bien sûr que dépendant du côté où on peut se trouver, les gens auront différentes interprétations sur les causes du déficit.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le député de Lévis, une question de règlement?

M. Garon: De règlement, parce que...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement.

M. Garon: ...ce serait bon d'avoir le quorum. Si on est pour veiller, veillons avec le quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés.

Si vous voulez prendre place. Merci de votre collaboration. Combien reste-t-il de temps à M. le député, s'il vous plaît?

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Gouin, si vous voulez poursuivre, et je vous indique qu'il reste 15 minutes à votre temps de parole. (2 h 40)

M. Boisclair: Merci, M. le Président. Donc, j'en étais à souligner le fait que, dépendant du côté où on peut se trouver alentour de la table, pour expliquer, finalement, et essayer de trouver des solutions au déficit de la CSST, il est très clair que les solutions et les propositions varient, dépendant de quel côté de la table on se situe. Il est clair que, par exemple, pour la question patronale, on impute le déficit de la CSST à une conjoncture économique pour le moins difficile, en soulignant le fait que les prestations versées par la Commission de la santé et de la sécurité du travail seraient reconnues comme une espèce de bonification ou une continuation du régime d'assurance-chômage. Mais vous me permettrez, M. le Président, de ne pas souscrire à cette thèse, compte tenu que les économistes qui y travaillent sont bien à même de faire des évaluations actuarielles et sont bien à même de tenir compte et de faire des prévisions qui tiennent compte de la situation économique.

La véritable question, le véritable débat, je pense, qu'il est important de souligner lorsqu'on aborde le déficit faramineux, pas loin du quart du déficit du gouvernement du Québec, 1 000 000 000 $ si rien n'est fait, alors que le déficit du gouvernement du Québec est supérieur, sera sans doute supérieur à 4 000 000 000 $, on arrive - je le rappelle - à 1 000 000 000 $ de déficit pour la CSST. Donc, le véritable problème, M. le Président, et vous le savez, nous l'assumons et nous le vérifions nous-mêmes par nos contacts avec nos concitoyens, est essentiellement lié au processus d'indemnisation des victimes d'accidents du travail. Vous savez comme moi que la CSST est liée par la décision, par le diagnostic que fait le médecin traitant lorsque, par exemple, vous êtes victime d'un accident du travail. Vous savez fort bien et les membres de cette Assemblée savent que si jamais un de leurs concitoyens, un de leurs commettants est victime d'un accident du travail, il aura, d'abord, à rencontrer un médecin qui, lui, pourra soumettre un diagnostic de l'état de santé de la victime de l'accident et, ensuite de ça, formuler un certain nombre de recommandations.

Cependant, la CSST conserve toujours le pouvoir de renverser la décision du médecin traitant et la CSST a toujours droit d'avoir recours à l'arbitrage médical. Mais non seulement il y a l'arbitrage médical, mais, au bout de tout ce processus, la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles peut, elle, à son tour, étudier une demande d'appel qui pourrait lui être formulée.

Donc, il s'agit là de trois étapes très longues, très coûteuses et qui sont sans doute de nature à augmenter les coûts d'opération de la CSST, parce qu'il serait intéressant, par exemple, de regarder combien il en coûte, pour chaque dollar que la CSST verse, d'administration pour verser 1 $. La démonstration a été faite, je crois, M. le Président, qu'il s'agissait de sommes fort disproportionnées lorsque l'on tient compte d'un certain nombre de règles de bon fonctionnement de l'administration publique.

Alors, je vous soulignais donc, M. le Président, que ce processus qui permet d'établir un diagnostic sur un état de santé, tout ce processus qui en vient, finalement, tout ce processus d'indemnisation est long et coûteux et n'est certainement pas de nature à améliorer l'efficacité et le fonctionnement de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Et ce qui est d'autant plus surprenant, malgré ce constat, et je suis convaincu que l'ensemble des parlementaires sont d'accord avec ce constat, de voir que, dans le projet de loi que nous étudions ce soir, très peu de ces constatations sont reprises, sont corrigées par des dispositions concrètes qui pourraient certainement être en mesure d'améliorer la situation. Pour votre information et vous savez comme moi qu'en 1991, plus de 8000 demandes étaient acheminées en arbitrage médical et le délai moyen pour obtenir l'avis de l'arbitre, malgré le fait qu'il était prévu dans la loi un délai d'environ 30 jours, était de sept mois. Donc, je pense que la démonstration est faite des longs délais et des coûts qui sont associés à ces longs délais.

Donc, M. le Président, le premier élément, le déficit de la CSST; d'aucune façon, nous abordons cette question, d'aucune façon nous tentons de la solutionner. Le projet de loi, finalement, ne vient qu'apporter un certain nombre de dispositions et de modifications qui ne sont certes pas d'augure à améliorer la situation.

Un autre élément, M. le Président, lorsqu'on discute du déficit de la CSST, vous comprendrez qu'il faut rapidement étudier les taux de cotisation à la CSST. Si on refait une espèce d'étude longitudinale, on recule à 1985, on s'aperçoit que le problème du déficit de la CSST est certainement lié à des décisions qui ont été prises au conseil d'administration de la CSST. Il faut se souvenir que Mme Forget, l'ancienne présidente de la CSST, elle-même, avait admis, en commission parlementaire, qu'elle avait été forcée d'accepter, suite aux pressions et aux demandes qui lui ont été faites par la partie patronale, une diminution du taux moyen de cotisation. Regardons, dans les faits, ce qu'il en est advenu, M. le Président.

En 1985, un taux moyen de cotisation de 1,88 $ des 100 $ assurables; en 1986, il monte à 2,05 $; en 1987, 2 50 $; en 1988, 2,75 $; en 1989, 2,75 $; et, surprise, en 1990, 2,50 $ et, en 1991, 2,32 $. Vous comprendrez rapidement que cette décision - et il est surprenant, d'ailleurs - cette décision forcée, imposée par la partie patronale... Mon collègue, le député de Lévis, a bien parlé de l'intervention qui a été faite par le président du Conseil du patronat qui, lui-même, avait fait pression pour demander une diminution du taux de cotisation. On voit que, malgré les discours généreux et l'inquiétude que soulève le milieu patronal à l'égard de la CSST, il faut bien comprendre que les propositions qu'ils avaient mises de l'avant à l'époque font certainement beaucoup plus partie du problème aujourd'hui que de la solution. Et il serait certainement intéressant de voir ces gens-là passer du discours aux actes et bien reconnaître qu'une des grandes parties du problème, qui est le déficit de la CSST, est essentiellement due à un manque de revenus, une diminution des revenus de la CSST, essentiellement due, comme je vous l'expliquais, à une diminution du taux moyen de cotisation, diminution demandée par...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Shefford, vous avez une question de règlement?

M. Paré: Je m'excuse, M. le Président, mais je pense qu'il n'y a toujours pas quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés.

Alors, nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi 35, et je reconnais maintenant M. le député de Gouin, en lui indiquant qu'il lui reste cinq minutes à son temps de parole. M. le député.

M. Boisclair: M. le Président, vous me permettrez de prendre quelques-unes des cinq minutes qu'il me reste et quelques-unes des secondes qu'il me reste pour quand même vous souligner qu'il peut paraître étrange de voir qu'il y a si peu de personnes présentes; non pas parce que je m'attends à ce que l'ensemble des collègues écoute avec beaucoup d'attention mon propos, parce que l'heure se fait tardive, mais faut-il quand même leur rappeler que c'est pas nous qui tenons à être ici, ce soir, et que s'il y a des gens à qui il faut parler, c'est pas à l'Opposition. Qu'ils n'adressent pas leurs récriminations à l'Opposition, qui désire tout simplement, respectueuse de nos institutions, qui désire s'assurer qu'il y a quorum en cette Chambre, mais plutôt qu'ils aillent parler au leader du gouvernement, qui a décidé de nous faire siéger jusqu'à 3 heures moins dix et sans doute jusqu'à 4 ou 5 heures du matin. Alors, qu'ils n'adressent pas leurs récriminations à l'égard des membres de l'Opposition, qu'ils le fassent à l'égard de leur leader, qu'ils le fassent à l'égard de leur whip adjoint, qu'ils le fassent à l'égard des autres parlementaires responsables de la question.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, M. le député de Chauveau.

M. Poulin: Est-ce qu'on pourrait avoir la pertinence, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Monsieur, si vous voulez poursuivre, M. le député. (2 h 50)

M. Boisclair: M. le Président, je tenais tout simplement à souligner qu'on discute d'un projet de loi important, d'un projet de loi qui, normalement, devrait attirer l'attention de l'ensemble des parlementaires, et je suis surpris de voir qu'on a de la difficulté à obtenir le quorum. C'est le commentaire que je tenais tout simplement à apporter au moment...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous informe, mes chers collègues, qu'il y a un article 32. Si vous voulez poursuivre.

M. Boisciair: Merci, M. le Président. Ce que j'étais en train d'expliquer avant que mon collègue de Shefford, avec beaucoup de pertinence, rappelle les membres de cette Assemblée à l'ordre, leur demandant de faire respecter le quorum, j'étais en train de vous expliquer qu'un des éléments qui est pertinent lorsqu'on discute du déficit de la CSST est essentiellement la diminution importante d'entrées de fonds à la Commission de la santé et de la sécurité du travail, qui est essentiellement liée à une diminution du taux moyen de cotisation, qui est passé

de 2,75 $ en 1988 à 2,32 $ en 1991. Donc, n'importe qui sera capable d'appliquer une règle de trois et de comprendre l'importance que cette diminution du taux de cotisation aura pu avoir sur l'importance du déficit qui, rappelons-le, est maintenant prévu en 1991, un déficit pour la seule année, de 800 000 000 $. On parle d'un déficit accumulé qui pourra bientôt atteindre 1 000 000 000 $ ou 1 500 000 000 $.

Donc, M. le Président, en termes de gestion, en termes de saine administration, je pense qu'il y a bien des gens qui, de l'autre côté de la Chambre, auraient besoin de refaire leurs devoirs.

Et en parlant, M. le Président, de voir au-delà de cette question et, surtout, en parlant de gens qui devraient renvoyer leur projet sur des tables à dessin, en parlant de gens qui devraient refaire leurs devoirs, je pense qu'un de ceux-là est celui à qui on pourrait sans doute adresser la recommandation, c'est sans doute à notre collègue, le ministre du Travail, qui a eu beaucoup de difficultés, rappelons-le, à présenter ce projet de loi.

M. le Président, le ministre s'était montré favorable à notre recommandation et s'était lui-même engagé en cette Chambre, à l'occasion d'une période de questions, s'était montré favorable à ce qu'on puisse discuter de l'ensemble de cette question en commission parlementaire, tel que l'Opposition le réclamait en mai 1991. À une question que ma collègue lui posait, ma collègue, députée de Chicoutimi, le ministre s'était dit favorable et avait sans doute reçu l'appui du caucus des députés du Parti libéral, du parti ministériel qui l'appuyait certainement dans ses propos.

Cependant, M. Dufour, qui, pourtant, n'est pas présent en cette Chambre, qui n'est pas là pour influencer nos débats - il le fait peut-être d'une autre façon, en utilisant de ses contacts auprès d'autres instances encore plus élevées que celles du ministre du Travail, le ministre seul pourrait nous en parier - mais une chose est sûre, c'est que malgré les propos du ministre, une chose est claire c'est qu'aujourd'hui nous nous retrouvons à étudier un projet de loi alors qu'aucun engagement n'a été pris de tenir une commission parlementaire, tel que le ministre s'était engagé à le faire.

Le ministre, tout ce qu'il a réussi à faire, c'est confier un mandat à un groupe de travail qui a, lui, soumis 20 recommandations et, sur ces 20 recommandations, seulement 3 ont reçu l'accord des deux partis. Alors, il a décidé de trancher lui-même, a décider sans aucune consultation, de présenter un projet de loi. Nous réclamons, et comme ma collègue, députée de Chicoutimi, nous réclamons que la commission responsable de la Commission de la santé et de la sécurité du travail puisse revoir l'ensemble des dispositions. Nous demandons que cette commission puisse entendre les parties pour qu'elles puissent se prononcer et nous demandons aux parlementaires de faire le travail que le ministre n'a pas été capable de faire et que le gouvernement n'a pas été capable de faire et, si le ministre et si le gouvernement ne sont pas capables de le faire, je suis convaincu que les membres de la commission responsable de la Commission de la santé et de la sécurité du travail seront capables, eux, de trouver les consensus, eux, capables de faire les bonnes recommandations. Je suis convaincu que le ministre nous remerciera d'avoir autant insisté pour que la commission puisse se prononcer sur cette question. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député. M. le député de Richelieu.

M. Khelfa: Si vous me permettez, si le député me permet de lui poser une question.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que, M. le député... Alors, pas de permission. Alors, je reconnais le prochain intervenant, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière, sur le projet de loi 35, à l'adoption du principe. Mme la députée.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président. C'est à mon tour, effectivement, d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi 35. Je tenais à intervenir aussi, M. le Président, parce que le domaine de la santé et de la sécurité au travail, le domaine de la prévention, c'est un domaine auquel j'ai beaucoup touché, puisque j'ai oeuvré pendant plusieurs années dans ce domaine-là avant d'être à l'Assemblée nationale.

Alors, on se retrouve ici, ce soir, pour adopter le principe d'un projet de loi qui vient modifier la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

C'est un projet de loi, M. le Président, qui nous est présenté comme la solution miraculeuse, un petit peu comme la trouvaille du siècle. J'entendais le ministre - en fait, c'est quand on se réfère aux propos qui ont été prononcés dans cette Chambre depuis le début de la soirée - M. le Président, qui dit que c'est comme ça qu'il va sauvegarder le régime, par le biais de ce projet de loi, régime qu'on s'est donné au Québec, en matière de santé et de sécurité au travail. Il va ainsi assurer une meilleure protection des accidentés du travail. Le ministre nous l'a dit, c'est la solution miracle. Les députés ministériels nous ont parlé d'une pièce majeure qui va nous permettre de sauver notre régime comme tel.

C'est pas évident, M. le Président. On peut se demander comment le ministre en est arrivé à nous donner ce projet de loi, à nous présenter

ce projet de loi. Est-ce que le gouvernement aurait enclenché une véritable discussion et un véritable débat public sur le sujet? Pourtant, non. On se rend compte, quand on regarde ça, que tout ce qui a été fait dans ce dossier-là, c'est que le ministre a demandé tout simplement un avis au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Il a reçu réponse, copie. Le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a réfléchi. Ils se sont parlé, ils ont discuté. On a remis un avis au ministre, et le ministre a tout remis ça à son contentieux, et ils ont abouti avec un projet de loi comme ça, qui nous est arrivé comme ça. Donc, pas plus de consultations qu'il n'en faut, M. le Président.

Pourtant, on sait - et ça a été mentionné aussi, à plusieurs reprises, ce soir - qu'il y a beaucoup de problèmes à la CSST. Il est régulièrement question du déficit qui est de plus en plus gros. De notre côté, et du côté ministériel, j'en suis aussi convaincue, on voit régulièrement, dans nos bureaux de comté, des gens qui font face au système ou à la lourdeur du système, des accidentés du travail, des gens qui sont dans une position assez difficile, qui sont plus vulnérables, qui ont de la difficulté à se défendre et à passer à travers la lourdeur de ce système-là.

De plus, M. le Président, ça fait près d'un an maintenant que l'Opposition officielle demande qu'il y ait un débat public sur la question, demande que les intervenants puissent se prononcer, puissent discuter ensemble pour en arriver à une véritable solution. Ça, évidemment, ça déborde de la solution du ministre, ça déborde de l'avis demandé au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Quand on regarde d'un peu plus près le projet de loi qu'on a devant nous, qui va corriger la situation difficile de la CSST, on se rend compte, M. le Président - en fait, il y a plusieurs articles dans le projet de loi - qu'à toutes fins pratiques, le projet de loi vient modifier - la grosse partie du projet de loi, en fait - la procédure d'évaluation médicale, prévoit qu'un bureau d'évaluation médicale va remplacer l'arbitrage médical, vient autoriser la Commission à exiger qu'un travailleur se soumette à un examen médical concernant sa lésion, établit les règles applicables lorsqu'un membre du bureau d'évaluation médicale ne donne pas son avis dans le délai imparti par la loi et permet aussi aux membres du bureau d'évaluation médicale de donner son avis sur les questions qu'ils jugent appropriées.

On dit aussi que le travailleur va pouvoir, dans certains cas, loger une contestation au bureau d'évaluation médicale et accorde à l'employeur, qui se voit imputer les coûts d'une lésion, le droit de contester ces coûts. Tout ça se règle, en fait, toute l'histoire du médecin traitant et du bureau médical, ça se règle à l'article 224.

À l'article 224, M. le Président, j'ai été voir ça et là, on nous dit très clairement, à l'article 224, c'est un gros changement: «224. [...] La Commission est liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le médecin qui a charge du travailleur - c'est-à-dire le médecin traitant - relativement aux sujets mentionnés aux paragraphes 1° à 5° du premier alinéa»...

Ensuite de ça, on nous dit, à l'article 224.1 que: «224.1 Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale rend un avis [...] dans le délai prescrit [...] la Commission est liée par cet avis et rend une décision en conséquence.» «[...] la Commission est liée par le rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a désigné, le cas échéant.» (3 heures)

C'est la Commission qui va désigner le médecin. Autrement dit, le médecin engagé par la CSST. Alors, on voit là, M. le Président, que tout va se régler. Avant ça, le médecin traitant faisait un diagnostic, son diagnostic était prépondérant, et là, aujourd'hui, on vient de restreindre de façon considérable le rôle du médecin traitant. C'est ce qui a permis, d'ailleurs, aux centrales syndicales de dire que ces mesures-là vont permettre à la CSST de régler de vieux comptes, tant avec les médecins traitants qu'avec la Commission d'appel, parce qu'elles viennent aussi les restreindre, et, de ce fait, vont toucher directement les prestataires. Alors, c'est difficilement acceptable que le médecin traitant, que le médecin qui est à la solde, pardon, de la CSST, c'est lui qui tranche, en bout de ligne, M. le Président.

Ce soir, on a dit à quelques reprises que c'était une pièce législative majeure. J'entendais le député de Saint-Maurice nous dire ça. J'entendais aussi la députée de Kamouraska-Témiscouata qui nous disait, a son tour, que le projet faisait consensus. Bien, vraiment, là, M. le Président, je suis un petit peu étonnée, parce que, quand on parle de consensus... Je m'excuse, M. le Président. Alors, quand on parle de consensus, c'est plutôt dans le sens contraire. Je pense que, s'il y a consensus, c'est plutôt à rencontre du projet de loi. Il y a quelques personnes, évidemment, qui se sont prononcées. On dit: Le Conseil du patronat, du bout des lèvres, a donné son appui. Effectivement, quand on regarde le projet de loi, on se rend compte, par exemple, que les voeux, à toutes fins pratiques, du Conseil du patronat ont quand même été respectés.

C'est vrai que le déficit est inquiétant - là, il y a consensus - que chacun y va aussi de sa présomption puis de sa solution. Du côté du patronat, on nous dit que c'est les travailleurs qui abusent, que les travailleurs fraudent le système, qu'ils abusent et que c'est leur faute, finalement, si on a un déficit qui est aussi important. Pour les syndicats, eux autres, on le sait, le problème, ça découle de l'hyperjudiciari-sation, tout le système des avocats, les avocasse-

ries, les coûts de ces avocats-là. Ça occasionne des délais aussi. On sait que ces délais-là pénalisent énormément les travailleurs qui sont concernés et, aussi, ça occasionne des coûts additionnels.

Quand on regarde les propos de M. Diamant, qui est le président de la Commission, lui, il s'en prend à la formule paritaire de la Commission qui l'empêche de prendre des décisions. C'est plus difficile quand c'est paritaire. Les gens sont obligés de s'entendre, à toutes fins pratiques. Et pourtant, ce système paritaire a été quand même souligné ce soir et il semble - en fait, on l'a dit à quelques reprises aussi - que c'est ce qui caractérise, en quelque sorte, le système québécois. Alors, M. Diamant, de son côté, s'en prend au système paritaire, il trouve que ça le bloque un peu dans ses décisions et, d'autre part, des éléments à la loi, comme dans le cas du diagnostic qui lie la CSST au médecin traitant... Or, il semble que les voeux de M. Diamant vont être aussi réalisés par le biais de ce projet de loi.

Il y a aussi, possiblement, d'autres raisons, M. le Président. Plusieurs des membres de l'Opposition en ont parlé. On sait que le déficit augmente depuis trois ans. Depuis trois ans, il y a une constante hausse au niveau du déficit. En même temps, ça coïncide avec la baisse des cotisations. Je sais que ça a été quand même très bien expliqué, M. le Président. Je pense que le ministre était là. Il a assisté aux discussions et il devrait avoir pu faire un lien, lui aussi. C'est assez étonnant, c'est assez impressionnant, puis c'est questionnant aussi, M. le Président, quand on voit que, bon, depuis trois ans, il y a une baisse au niveau des cotisations, donc des revenus de la CSST. Quand il y a une baisse au niveau des revenus, bien, c'est possible qu'on ne puisse plus arriver, à un moment donné. On est en période difficile. C'est une mesure qui avait été souhaitée, à l'époque, par la partie patronale. On sait que Mme Forget, qui était présidente à ce moment-là, en 1989, ne partageait pas, en fait, cette recommandation-là. Elle l'avait dit elle-même que ça venait, à toutes fins pratiques, des pressions du patronat.

Il y a aussi, M. le Président, des éléments qui sont inquiétants au niveau de la gestion, par ailleurs, de la CSST. Quand on regarde les contrats qui sont donnés en sous-traitance, il en a été question aussi ce soir, un peu. On sait que, dernièrement, le syndicat dénonçait, par le biais des journaux, ces contrats qui sont alloués en sous-traitance dans un département en particulier à la CSST, on parle de la division des opérations et systèmes. Il s'agit ici de plusieurs millions de dollars, M. le Président, et quand ça été dénoncé par le biais des journaux, je peux vous dire que ce n'est pas juste une rumeur qui a été lancée comme ça, c'est quelque chose qui est verifiable, qui a été vérifié, et je sais que le leader de l'Opposition y a fait allusion aussi, tout à l'heure, mais on a en main la liste complète, si on veut, des contrats qui ont été alloués, des noms des gens qui ont reçu ces contrats.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Je voudrais votre collaboration des deux côtés de la Chambre pour permettre à votre collègue, Mme la députée de la Chaudière, de pouvoir s'exprimer facilement.

Une voix: Des Chutes-de-la-Chaudière.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Les

Chutes-de-la-Chaudière, j'ai très bien compris, M. le député. Madame, si vous voulez poursuivre. Je m'excuse de vous avoir dérangée.

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Alors, ce n'est pas seulement une rumeur et ça n'a pas été lancé comme ça en l'air parce qu'on a en main les listes, la liste des noms des gens qui ont reçu ces contrats-là, les montants et le nombre de jours travaillés par chacune des personnes qui a un contrat. Il y a des gens là-dedans qui ont des contrats dans ce bureau-là, dans cette division de la CSST depuis plusieurs années. Pourtant, au même moment, il y a des fonctionnaires provinciaux, des gens qui sont engagés, qui sont fonctionnaires permanents du gouvernement qui travaillent dans ces bureaux-là et qui s'interrogent aussi fortement, qui aimeraient bien savoir comment ça se fait qu'eux autres ont de la misère à avoir du travail à effectuer dans le courant de la journée. Ils se disent tout à fait compétents pour faire ces travaux-là et, en même temps, on donne des millions comme ça en contrats.

Il y a aussi une autre question que j'aimerais aborder au niveau de la prévention. Il faudrait regarder ce qui se passe au niveau de la prévention, M. le Président. C'est bien d'en parler. C'est bien de dire qu'il faut faire de la prévention, que c'est important, que c'est rentable. C'est bien d'en parler. C'est bien de le mentionner. C'est bien d'inciter comme ça les gens. Mais qu'est-ce qui se fait concrètement? Je pense qu'il faut aussi poser des gestes. On sait à quel point c'est important, la prévention, dans ce domaine-là. On sait qu'il a été démontré aussi que c'était rentable, que les entreprises qui ont pris la peine d'entamer le processus, de mettre sur pied des programmes de prévention, de faire respecter les règlements découlant de la Loi sur la santé et la sécurité du travail dans les différents postes de travail, on sait qu'il y a eu des résultats très intéressants, des améliorations sensibles aussi qui ont été notées.

On se rappellera, M. le Président, qu'en 1982, à partir de 1982, on avait divisé les différents employeurs au Québec en cinq groupes prioritaires. Les trois premiers groupes, en fait, on été forcés, un à un, par décret, de mettre sur pied ces programmes de prévention et d'installer

un régime concernant... de suivre la loi et les règlements en santé et sécurité au travail. Depuis 1985, M. le Président, il n'y a plus rien qui se passe. Il y avait pourtant cinq groupes et il y en a seulement trois, finalement, qui ont été obligés, par décret, de prendre des mesures et de prendre des procédures en matière de santé et de sécurité au travail par le biais des programmes de prévention. Donc, depuis 1985, plus rien ne se passe de ce côté-là. Au niveau de cette obligation de prévenir, de faire de la prévention sur le lieu de travail, disons qu'il ne se passe vraiment plus rien. Il y a deux groupes qui restent en attente et qui n'ont aucune obligation, deux groupes d'employeurs, ce qui fait un nombre quand même important si on regarde le genre d'emplois par groupe. Alors, disons que ces deux groupes n'ont aucune obligation présentement de mettre sur pied ce genre de programme, n'ont aucune obligation, comme les autres précédemment, de faire de la prévention. Ça, c'est un point.

Un autre point aussi, M. le Président, c'est par rapport à l'inspection et à la prévention. Je regardais le rapport du comité consultatif en question. Le ministre a eu l'avis du comité. On nous disait très clairement, par rapport à une situation qui dure: «Conformément à l'article 249 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, le coût de l'inspection est à la charge du gouvernement du Québec. Toutefois, le gouvernement ne verse plus régulièrement sa part.» (3 h 10)

Alors, on sait qu'il y avait une action qui avait été déposée en 1991 à la Cour supérieure, la CSST contre le ministre des Finances - c'est assez édifiant - en vertu de laquelle la Commission réclamait la somme de 19 053 200 $ au gouvernement du Québec pour la période du 1er juillet 1985 au 31 décembre 1990. Par ailleurs, au 1er avril 1992, la Commission évaluait à 55 404 900 $ le solde à recevoir du gouvernement relativement aux coûts de l'inspection. Évidemment, quand je dis 55 000 000 $, ça ne tient pas compte des crédits de 14 000 000 $ qui ont été présentés pour l'exercice financier 1992-1993. Mais il reste que c'est une somme importante que le gouvernement, à toutes fins pratiques, doit à la Commission de la santé et de la sécurité du travail. D'ailleurs, la recommandation du conseil consultatif est très claire à ce sujet-là, M. le Président: Le coût de l'inspection devrait être assumé par le gouvernement du Québec. Des deux côtés, unanimité, et on répète, on réitère que ces coûts d'inspection devraient être assumés par le gouvernement. Pourtant, le gouvernement est en dette envers la Commission, et on sait que l'action a été déposée en 1991. Alors, ça vous donne une idée, là. On a des manques à gagner, même le gouvernement ne paie pas ses dettes à la Commission.

On peut se rendre compte qu'il y aurait beaucoup de questionnement, qu'il y aurait beau- coup de rebrassage à faire, et c'est pour ces raisons, M. le Président, que je ne crois pas que le projet de loi du ministre vienne solutionner l'ensemble du problème, vienne guérir le mal qui ronge le système de santé et sécurité au Québec. C'est pour ça aussi, M. le Président, que j'appuie la demande de ma collègue de Chicoutimi à l'effet que, oui, on aurait besoin d'un débat public. Ça fait longtemps qu'elle le demande. On en aurait besoin. Mais, pour les fins de ce projet de loi, je pense que ce serait important que le ministre consente à recevoir en audience les groupes, les intervenants visés, y compris la CSST parce qu'il y a des questions à poser à la CSST, y compris aussi les groupes d'accidentés du travail, les fédérations, les associations d'accidentés du travail, les gens qui viennent nous rencontrer un à un dans nos bureaux, bien sûr, mais aussi les gens qui ont une expertise, qui ont une expérience du système et qui ont vécu vraiment les lourdeurs du système.

Je pense que ce serait important que le ministre acquiesce aussi à la demande de ma collègue, la députée de Chicoutimi, à l'effet qu'il devrait procéder à une véritable enquête administrative sur la gestion, sur ce qui se passe à la CSST. Il y a plusieurs chiffres qui ont été donnés, il y a plusieurs faits qui ont été élaborés ici. Je pense que le ministre doit être tout aussi conscient que nous du besoin. Alors, j'espère qu'il acquiescera à la demande de ma collègue. Je peux vous dire que c'est très faisable et c'est très intéressant quand on se donne la peine d'inviter les gens à notre commission. J'entendais, ce soir, le leader de l'Opposition officielle, et je pense qu'on vient de le démontrer - il est 3 h 15, M. le Président, et on est encore ici - je pense qu'on vient de démontrer que, oui, l'Opposition va utiliser tous les moyens parlementaires qui sont mis à sa disposition pour en arriver à entendre ces groupes-là.

Je pense que c'est important de le faire. C'est drôlement plus intéressant, il me semble en tout cas, à mon avis, et pour le ministre qui aura à subir les discours longs de l'Opposition pendant très longtemps s'il ne se rend pas à nos voeux, je pense que c'est beaucoup plus intéressant de rencontrer les groupes qui ont des choses à dire, de les écouter. Je l'ai fait encore cet après-midi avec la ministre déléguée à la Condition féminine dans le projet de loi qui nous concernait et ça a été effectivement beaucoup plus intéressant, beaucoup plus rentable, de part et d'autre, d'entendre les gens concernés que de parler très longuement et d'entendre longuement les gens de l'Opposition dire les mêmes choses. Alors, je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez droit à 20 minutes.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. Malgré l'heure tardive, vous comprendrez que je désirais intervenir sur ce projet de loi. C'est un projet de loi important. Vous allez me dire: Mais tous l'ont dit en cette Chambre, que c'était un projet de loi important. Eh bien! je crois, M. le Président, que de le répéter est utile et c'est utile de le répéter, M. le Président, parce que comme-Dès voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice: Je ne sais pas, M. le Président, ce qui fait rire les gens dans cette Chambre. Ha, ha, ha!

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Boulerice: Est-ce que c'est parce que les députés ne croient pas que ce projet de loi est important? Si c'est le cas, à ce moment-là, je vais m'interroger: Pourquoi sont-ils intervenus sur ce projet de loi? S'ils ne le croient pas, c'est un désaveu face au ministre qui, lui, est présent dans cette Chambre. Et même s'il est souriant, je vois qu'il prend le sujet au sérieux, M. le Président.

Donc, je vous le disais, c'est un projet de loi important, et chacun d'entre vous qui êtes intervenus l'a mentionné. C'est effectivement important et je reprendrai, M. le Président, les paroles de mon collègue, le député de Labelle: À chaque fois que nous avons été confrontés à ce que nous appelons dans le langage du métier - c'est-à-dire celui de député - un cas de CSST, il se cachait effectivement à chaque fois derrière ce cas - c'est-à-dire la personne qui se présentait - un drame humain vraiment considérable, une situation de détresse, une situation financière de détresse, et très souvent, M. le Président, une situation morale également, puisque je pense qu'il peut exister une causalité entre les deux.

Je ne nie pas, M. le Président, qu'il soit urgent que l'on regarde une loi aussi importante que celle-ci, qui est une loi qui modifie la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Je pense qu'il est encore là légitime et normal que l'on regarde une loi qui existait et que l'on tente d'y apporter des modifications.

M. le Président, oui, c'est important. Je peux peut-être convenir avec le ministre qu'il y a une certaine urgence, eu égard à certains problèmes particuliers, de modifier la loi. Comme il est important, M. le Président, vous le comprendrez, de faire respecter le droit de parole des députés en cette Chambre et de demander aux gens à l'arrière... Je crois que c'est l'article 32, M. le Président, et je l'invoquerai.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je pense que ça va, à date, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En effet, vous avez le droit... Non, non. Ce n'est pas l'article 32. Vous avez le droit d'exiger de pouvoir faire votre intervention dans le respect des droits prévus pour tous les parlementaires au règlement et à la Loi sur l'Assemblée nationale. Allez-y, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Alors, M. le Président, je reprends la dernière phrase avant que, malheureusement, on m'interrompe, et que vous me rétablissiez dans mon droit de parlementaire. Je vais convenir comme tous qu'il est important, je vais convenir qu'il peut y avoir urgence eu égard à certains aspects, mais l'urgence, M. le Président, ne peut pas justifier que nous adoptions une loi qui, à mon point de vue, contient des imprécisions, contient de mauvaises appréciations de la situation. C'est un projet de loi, M. le Président, qui, s'il était adopté, à mon point de vue encore une fois, ne va pas aider, au contraire, mais risque plutôt de compliquer. C'est un projet de loi, M. le Président, qui, s'il était adopté et devenait loi en vigueur, pourrait porter à différentes interprétations qui seraient sans aucun doute contestées. Il y aurait des actions devant les tribunaux, alors que le projet de loi comme tel tente d'aller vers une déjudiciarisa-tion, ce à quoi je souscris puisque j'ai déjà eu l'occasion de m'exprimer sur ce sujet devant la Chambre des notaires qui avait organisé un colloque assez intéressant là-dessus. D'ailleurs, les notes sont disponibles au ministre. S'il le souhaite, je me ferai un plaisir de les lui remettre. (3 h 20)

À ce moment-là, M. le Président, si on tente d'aller vers une déjudiciarisation, ce qui nous apparaît, quant à nous, éminemment souhaitable, et je pense que nous vivons dans des sociétés où, effectivement, ce phénomène de déjudiciarisation est extrêmement lourd, extrêmement difficile et extrêmement gênant, mais si l'un des premiers effets néfastes ou nocifs - peu importe le terme qu'on emploie de la loi - est, finalement, d'amener une judiciarisation de la loi elle-même, c'est-à-dire une contestation devant les tribunaux par différents corps constitués, bien, je pense que l'on aurait fait fausse route. D'où, M. le Président, mon insistance à dire au ministre: Oui, je crois qu'il y a urgence mais, lorsqu'il y a urgence, un des dangers peut être de précipiter, et surtout la précipitation a peut-être été au niveau de l'écriture, et c'est là que le bât blesse, M. le Président. Bien des questions que l'on se pose légitimement, face à cette loi, ne trouvent pas réponse, non pas parce que le ministre ne veut pas donner les réponses, mais c'est que, malheureusement, il ne les a pas, ces réponses, M. le Président. Il n'a pas les réponses.

Comment le ministre peut-il nous expliquer

qu'au niveau de la CSST, eh bien, c'est 20 % des budgets qui vont au niveau de la gestion? Et si je me trompe dans mon estimation, je demanderai à ma collègue, la députée de Chicoutimi et porte-parole, de me corriger, mais je crois l'avoir bien évaluée. C'est 20 %. Mais 20 %, c'est énorme, M. le Président. C'est même beaucoup. Quand je vous dis: 20 %, c'est trop si je vous donne l'équivalent de ces 20 % en millions de dollars. Ça représente des millions de dollars. Ça représente très exactement 280 000 000 $, et je suis persuadé que celles et ceux qui nous écoutent, même si l'heure est tardive, parce qu'il y a beaucoup de nos concitoyens qui sont attentifs aux travaux de la Chambre, si je leur dis que 20 %... Ça fait sourire certains, mais je peux vous dire que je viens d'une circonscription où il y a bien des gens qui apprécient la télédiffusion des débats. Ils suivent ça très attentivement. Donc, 20 %, c'est 280 000 000 $.

Le ministre, aussi, M. le Président, n'a absolument aucune étude d'impact des mesures qui sont proposées à l'intérieur de ce projet de loi. Ce serait quand même intéressant que l'on puisse voir venir. C'est beau, un énoncé théorique, mais si on n'a aucune indication quant à l'application pratique et ses effets, vous allez quand même convenir avec moi, M. le Président, et je suis persuadé que, par devant vous, le ministre également va y souscrire, si on n'a aucune étude de l'impact, c'est-à-dire du pratico-pratique... C'est beau de se prononcer sur un concept théorique. C'est beau. D'ailleurs, M. le Président, et vous me permettrez un très bref aparté, l'on discute d'un concept qui est théorique, qui est celui dit de la souveraineté, et on voit avec quelle insistance le parti ministériel, et c'est à l'obsession même, essaie de regarder chiffre par chiffre, à la décimale près, en disant: Oui, mais les impacts.

M. le Président, si l'adoption d'une loi structurante pour une société, pour une collectivité demande autant d'études et autant de précisions, et si on est aussi soucieux d'avoir ces moindres détails, on devra quand même convenir par honnêteté qu'en tant que législateurs nous ne légiférons pas uniquement sur l'étiquetage des boîtes de conserve. Nous avons à prendre des décisions qui affectent la vie quotidienne de plusieurs milliers de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Donc, se refuser d'avoir des études d'impact qui nous permettent de mesurer les effets de la loi ou tout au moins de réussir à anticiper quelques effets de la loi, eh bien, je pense que l'on fait fausse route en tant que législateurs.

M. le Président, j'apprécie quand même que des députés ministériels puissent transcender l'appartenance politique et apprécier ma réflexion. Je leur en suis redevable. M. le Président, il faut quand même également se dire quelque chose. Si je remettais ce texte de loi à un de mes concitoyens du Plateau-Mont-Royal ou à une concitoyenne du centre-sud, c'est-à-dire à celles ou ceux qui sont déjà venus dans mon bureau m'expliquer un de ces problèmes tragiques qu'ils vivent, au niveau de la CSST, et que je leur demandais de lire ce projet que j'ai devant moi, pour employer un vocabulaire courant, ce serait pour eux du chinois. Je vais être obligé quand même de vous confesser que, pour moi, je regardais le projet et que c'était un peu du chinois.

Quand on vous dit à l'article 23: L'article 221 de cette loi est modifié: 1° par le remplacement, dans la première ligne, des mots «L'arbitre» par «Le membre du Bureau d'évaluation médicale»... Je pourrais continuer à vous lire l'article 23 au complet. Si au moins on était capable d'avoir un texte, M. le Président - on voit les amendements - mais le texte incluant les amendements, donc un texte avec un corps, de façon à être capable de voir ce que ça donne. Je vous avoue que c'est quand même un petit peu difficile d'apprécier, quand on regarde un document qui n'est en fin de compte qu'un document légal, c'est-à-dire que c'est du juridique.

Toujours dans le discours du ministre, on parle de déjudiciarisation. Je pense que ça doit également se retrouver dans l'écriture des projets de loi, et là on ne le voit pas, M. le Président.

Donc, cette loi, enfin, ce projet de loi, M. le Président, fait l'objet de contestation. La contestation, M. le Président, et c'est toujours là où ça devient dangereux, en démocratie, se fait hors parlement. Elle s'exerce, il va de soi, par l'Opposition. C'est son devoir, et je vois le ministre y concourir. Je sais fort bien que ses nombreuses activités ne lui permettent pas, peut-être, une écoute télévisuelle, mais il sait qu'à PBS, actuellement, le réseau américain, il y a une excellente série sur Disraeli, qui a été un grand parlementaire britannique, et je lui rappelle cette phrase célèbre de Disraeli qui était: The duty of the Opposition is to oppose. Je pense que cela ne change pas et ne doit pas changer.

L'Opposition est prête, et je pense que ma collègue vous l'a dit, je pense que le leader de l'Opposition vous l'a dit, M. le ministre - je dis M. le ministre et j'ajouterais même cher ami - à collaborer, mais je ne crois pas que ça nous soit possible, compte tenu du contexte, et voire même souhaitable, compte tenu de l'écriture et des critiques, de l'adopter, M. le Président, parce qu'il nous manque - et je l'ai dit tantôt - une étude d'impact et, deuxièmement, une chose qui est importante, une consultation, c'est-à-dire une commission parlementaire qui pourrait réunir des groupes. (3 h 30)

Je vais convenir avec le ministre qu'on n'ira pas à une commission parlementaire où il y aurait 250, 275 groupes qui souhaiteraient in-

tervenir. On a vécu des commissions de cette ampleur, et ce serait peut-être nier l'importance de l'urgence de la loi. Mais, ne serait-ce que l'Association des entrepreneurs en construction, l'Association des manufacturiers québécois, la corporation des médecins du Québec, le Conseil des syndicats nationaux. Et, ça pourrait même être également la propre formation politique du ministre, puisque, lors de leur dernière réunion, la formation politique du ministre, c'est-à-dire les membres de cette formation politique, en conseil général, ont demandé une commission parlementaire au niveau de cette loi. Remarquez que je suis un peu surpris de voir que le ministre n'ait pas écouté et entendu la voix des militants de sa formation politique.

Donc, M. le Président, vous allez quand même comprendre que, dans l'état actuel de nos discussions et surtout de la rédaction, et vu surtout cette absence à l'intérieur de cette enceinte qu'est l'Assemblée nationale où s'exprime la démocratie, que, pour nous, nous ne pouvons accepter d'adopter ce projet de loi.

Motion de report

Donc, M. le Président, je me vois dans l'obligation, et je pense que c'est de bien remplir mon mandat de législateur, de faire une motion de report dans trois mois, ce qui nous permettrait, M. le Président, d'avoir le temps nécessaire pour avoir des études d'impact et d'écouter les intervenants qui souhaitent venir nous faire part de leur vécu et, dans le cas d'individus, de leur «ressenti» personnel, ce qui pourrait énormément ajouter à l'évaluation que nous ferons de cette loi et surtout à la réécriture possible de cette loi via les amendements que nous souhaitons et que le ministre, probablement, accepterait.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de l'article 240 de notre règlement, votre motion de report est recevable et, en vertu de l'article 210 du même règlement, cette motion sera débattue à l'intérieur d'un débat restreint de deux heures. Et, je suspends les travaux pour quelques minutes, de sorte que nous puissions, les leaders et moi, convenir de l'enveloppe du partage du temps de cette période de deux heures. Je suspends les travaux quelques minutes.

(Suspension de la séance à 3 h 33)

(Reprise à 3 h 38)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes, MM. les députés, si vous voulez regagner vos banquettes, s'il vous plaît. Avant que le débat sur la motion de report de M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques ne s'engage, je vous informe de la répartition du temps de parole établie pour la durée de ce débat d'une période maximale de deux heures, c'est-à-dire un débat restreint.

Les deux groupes parlementaires se partageront également la période consacrée audit débat. Les interventions seront limitées à une durée maximale de 15 minutes chacune, sauf celles d'un représentant de chaque groupe parlementaire, qui ne devront pas excéder 30 minutes.

Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, à savoir M. le député de Joliette et leader de l'Opposition officielle. Vous disposez d'une période maximale de 30 minutes, M. le député, comme je viens de l'indiquer.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: M. le Président, je vous remercie. Je ne pensais pas, M. le Président, au moment où j'ai pris la parole sur le projet de loi il y a environ de cela quelque chose comme trois, quatre heures, reparler sur le projet de loi, mais mes collègues m'ont convaincu de l'importance de faire comprendre au ministre du Travail, ce soir, ou ce matin plutôt, de vouloir faire la lumière sur l'ensemble du dossier CSST.

Je voudrais, dans un premier temps, rappeler, M. le Président, la proposition que l'on a faite au ministre du Travail. Nous lui avons dit très clairement qu'il se devait de nous permettre de questionner la CSST sur sa gestion, sur son administration. Questionner la CSST, M. le Président, ça veut dire s'enquérir des modes de gestion puisqu'il en coûte au moins 20 %, me dit-on, pour la gestion, quelque 280 000 000 $ en administration de cette société d'État. (3 h 40)

M. le Président, en plus de ça, ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière m'a déjà remis un dossier, M. le Président, qui démontre que cette structure donne allègrement des contrats de consultation à l'extérieur, un joyeux paquet de contrats qu'il serait intéressant de questionner. Et, quand je dis à l'extérieur, c'est à l'extérieur des ressources existantes à la CSST. Donc, M. le Président, le ministre n'a pas cru bon, ni cet après-midi, ni depuis qu'on lui a présenté la proposition, de nous répondre en ce qui regarde la CSST. Il s'est contenté de nous dire que, bien sûr, le Conseil du patronat devait être consulté, que les centrales syndicales devaient être consultées, mais absence totale de consultation de la CSST elle-même. Je ne comprends pas qu'ils ne voient pas là un élément important pour clarifier le dossier: demander à M. Diamant, P.-D.G. de la CSST, de venir expliquer des choses, de venir expliquer comment il se fait qu'un tel déficit soit aussi volumineux. Je ne comprends pas qu'ils ne permettent pas à ce P.-D.G. de venir expliquer comment il se fait qu'il en coûte aussi cher pour la gestion de la CSST. J'aimerais également pouvoir demander à M. Diamant, selon lui: Qu'est-ce qui ne va pas dans cette structure? Lui qui est placé à la tête de la gestion de cette

botte, à la tête de la gestion d'un budget quand même fort important, fort imposant, qu'on ne puisse pas lui demander: Pourquoi avez-vous, depuis quelques années, un tel déficit, comment anticipez-vous le déficit cette année et qu'est-ce que vous suggérez pour corriger ce dit déficit? Il me semble que le ministre, d'autant plus qu'on lui a offert notre collaboration à ce moment-là, aurait bien pu permettre, je pense, trois ou quatre heures de discussion avec la direction de la CSST, avec ceux qui, quotidiennement, administrent ces sommes, avec ceux qui, quotidiennement, gèrent la procédure qu'il y a dans la loi pour l'indemnité ou l'indemnisation des travailleurs accidentés. Demander à M. Diamant, par exemple: Est-ce que, selon vous, M. Diamant, les employeurs ont raison de dire que la faute est exclusive sur les épaules des travailleurs? Est-ce qu'il est vrai que les patrons ont raison lorsqu'ils disent que c'est la faute des travailleurs et que c'est la faute de la complaisance médicale? il aurait été intéressant d'entendre m. diamant nous dire ça, c'est lui qui l'administre, cette boite, c'est lui qui vit quotidiennement les problèmes. pourquoi refuse-t-il que m. diamant vienne nous dire que la structure actuelle conduit à certains culs-de-sac, s'il faudrait corriger ou encore encadrer les actions possibles du bipartisme existant? m. diamant pourrait répondre à nos questions également en lui demandant: est-ce que les syndicats, d'autre part, ont raison quand ils disent que c'est trop judiciarisé, que c'est là une des sources du déficit? on ne le saura pas. pourtant, c'est ce même gouvernement qui parlait d'imputabilité, m. le président. je ne sais pas s'il s'en rappelle. c'est ce même gouvernement qui disait que les présidents ou les p.-d.g. des sociétés d'état devaient être imputables devant les membres de l'assemblée nationale.

Quand on arrive à présenter des déficits de 700 000 000 $ ou 800 000 000 $, c'est quelque chose, ça. Pourquoi? Qu'a-t-il à cacher pour ne pas permettre à M. Diamant de venir témoigner devant la commission parlementaire? Pour quelle raison? Et je vais lui poser des questions directes; il me connaît, moi. Est-ce que c'est parce qu'il y a des «deals» avec certains groupes puis qu'il ne veut pas que le P.-D.G. vienne faire la lumière sur ce qui se passe présentement? Ce n'est peut-être pas ça, mais on est en droit de se demander pourquoi. Est-ce que c'est parce qu'il a peur que M. Diamant témoigne au grand jour et influence des décisions qui seraient autres que celle que le Conseil des ministres a prise? Est-ce que c'est ça? Je ne le sais pas. Est-ce que c'est parce que, dans cette structure, habitués que nous sommes à des compromis de part et d'autre, il a obtenu les compromis de part et d'autre et qu'il ne voudrait pas qu'ils soient connus par M. Diamant? Je ne le sais pas.

Je serais surpris pourtant que ce soit ça, puisqu'il y autant de monde patronal que syndical qui demande le retrait de la loi. Ce n'est sûrement pas l'AECQ qui a appuyé M. Dufour, le représentant du monde patronal, en cela parce que, eux, ils demandent un débat public, large sur le fonctionnement de la CSST et sur ce qui se passe comme tel, M. le Président. Est-ce que M. Diamant ne pourrait pas nous dire que ce ne sont pas les syndicats non plus qui désirent cette loi, puisque la majorité, à l'exception de la FTQ, je crois, demande le retrait de la loi? Je ne vois pas pourquoi, à ce moment-là, si l'ensemble, si les manufacturiers canadiens, si le monde patronal, si la CSN, si la CSD, si la CEQ demandent le retrait de cette loi, il n'y a plus grand monde à ce moment-là, vous ne faites pas une loi pour beaucoup de monde, là. Quelle raison vous motive à ce moment-là à ne pas nous permettre d'entendre, pour faire la lumière, les dirigeants de la CSST? On légifère pour qui, M. le Président? Ça doit être pour des personnes impliquées.

Pourquoi refuse-t-on a ceux qui, quotidiennement, de 8 à 16 puis probablement de 8 à plusieurs heures en soirée, de ces dirigeants, de ces cadres-là... Qu'on ne puisse pas les entendre, je ne comprends pas la raison. Je ne comprends pas pourquoi le ministre s'obstine, s'objecte carrément à ce qu'on entende la direction administrative de la CSST. On lui en donne l'occasion là. S'il nous avait dit carrément après-midi: On va entendre M. Diamant puis ses principaux acolytes, est-ce qu'on serait obligé de faire ce soir une motion de report? On n'en aurait pas fait, et je peux vous dire que les discours auraient été beaucoup moins longs. Mais on ne comprend pas les motifs qui portent le ministre à refuser cette transparence, cette transparence vis-à-vis des gens qui sont imputables devant l'Assemblée nationale, devant les parlementaires élus. On ne comprend pas. Qu'avez-vous à cacher? M. le Président, c'est la question que je vous pose pour qu'elle s'achemine au ministre du Travail. Qu'est-ce que le ministre du Travail a à cacher pour ne pas permettre cette transparence, pour ne pas permettre à ceux qui sont imputables devant l'Assemblée nationale de le faire? (3 h 50)

Je vous avoue que, personnellement, M. le Président, je n'arrive pas à le saisir. Pourquoi s'objecte-t-il à ce qu'un groupe de salariés accidentés puisse venir donner un son de cloche, M. le Président, que ce ne soit pas nécessairement leur leader qui vienne, que ce soient ceux qui sont impliqués dans des accidents, dans des maladies professionnelles ou encore dans des rechutes et qui se sont regroupés? Pourquoi ne pas leur permettre de venir nous dire ce qu'ils vivent, ce qu'ils ont vécu, ce qu'ils vivent encore présentement comme accidentés du travail? Pourquoi? Quel est le motif? Qu'est-ce qui vous oblige à faire ça? Avez-vous donné votre parole à quelqu'un pour dire que, pas de problème, ce que vous avez écrit là ne changera pas

un iota? Qu'est-ce que vous recherchez comme ministre du Travail? M. le Président, c'est la question que je lui pose. Qu'est-ce qu'il recherche comme ministre responsable de ce programme? C'est un programme indispensable pour les travailleurs québécois.

Savez-vous qu'est-ce qui va arriver, M. le Président, si on laisse faire n'importe quelle folie dans ça? On va justifier, à moyen terme, le fait d'amputer des services ou des bénéfices à plusieurs travailleurs. Et ça ferait l'affaire de certaines catégories de personnes, vous le savez, M. le ministre, vous avez été du monde du travail, vous. On n'a qu'à laisser pourrir des situations, puis on arrive devant des aberrations de 800 000 000 $ par année, 700 000 000 $ par année. On justifie, a ce moment-là, des coupures et des ponctions dans les programmes. Vous le savez, ça. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre ça. Pourquoi alors, pourquoi alors ne pas prendre les précautions d'avoir toutes les facettes du problème, d'avoir toutes les versions, les versions des gens impliqués comme patrons, les versions des gens impliqués comme salariés, des personnes victimes d'accident et des personnes qui sont entre les deux, les gestionnaires.

C'est là que vous aurez le meilleur son de cloche, en voyant tout l'appareillage des témoignages, en voyant toutes les tendances, en voyant toutes les conceptions ou les perceptions de la gestion de cette boîte. Et, dans l'espace de deux journées et demie à peine, on peut avoir une idée globale de ce qui se passe à la CSST et, à ce moment-là, comme législateurs, légiférer avec une vision beaucoup plus globale.

Moi, je ne comprends pas pourquoi ça ne se fait, pourquoi on ne permet pas cela, pourquoi on ne permet pas à des parlementaires d'avoir l'ensemble du portrait, l'ensemble d'un portrait qui serait complet à ce moment-là. Je ne le comprends pas. Et je répète ma question: Que voulez-vous cacher? Si vous ne voulez rien cacher, quel est votre avantage de ne pas faire connaître la vision globale du puzzle que constitue la CSST présentement? À moins que vous vous soyez liés? Je le répète. Et, si tel n'est pas le cas, si tel n'est pas le cas, M. le Président, vous ne pensez pas qu'il serait important, à ce moment-là, qu'on ait la vision des administrateurs également?

Moi, j'ai toujours eu beaucoup de difficultés à m'imaginer pourquoi un ministre... Je l'ai été, M. le Président. Moi, j'ai occupé les postes de ce côté-là de la Chambre. Qu'est-ce que ça change de permettre aux parlementaires de voir clair? Qu'est-ce que ça change de le permettre à des parlementaires élus qui, quotidiennement, reçoivent des appels dans leurs bureaux de comté, qui, à chaque semaine, reçoivent cinq, six, sept travailleurs accidentés, puis on est obligés de faire signer des lettres nous autorisant à avoir accès à leur dossier?

Vous savez que ça fait dur. Vous en avez des cas qui vous sont relatés sur une base très régulière. Il faut que ça change à la CSST. Mais il ne faut surtout pas y aller, à mon point de vue - puis, c'est ma conviction profonde - avec des petites «bisouneries», des petits correctifs qui risquent carrément de mettre le programme en péril dans quelques mois ou dans quelques années.

Il y en a qui se réjouiront à ce moment-là, en disant: Bon bien, écoutez, la preuve en est faite, il faut sabrer dans les bénéfices. Il est peut-être mieux qu'on prenne le taureau par les cornes, et tout de suite, qu'on rectifie le tir, qu'on change des choses, qu'on change des fonctionnements, qu'on modifie, au besoin, des structures, qu'on s'interroge sur certains aspects des programmes et qu'on regarde comment on peut s'impliquer, alléger et même diminuer les coûts de l'application d'une telle loi, parce que ça n'a pas de bon sens. Quand on regarde les coûts faramineux du déficit, qu'on regarde le fait que le nombre d'accidentés ait diminué et que les coûts aient autant progressé, M. le Président, ce n'est pas vrai que c'est tous les travailleurs qui abusent du système; ce n'est pas vrai, ça. Moi, ils ne me feront pas accroire ça. Il peut y en avoir quelques-uns, mais c'est comme dans toute société; mais ce n'est pas vrai que les travailleurs abusent tous du système. Ce n'est pas vrai que c'est tous les médecins qui sont complaisants, ce n'est pas vrai, ça non plus. Moi, vous ne me ferez pas rentrer ça dans la tête. Il y a sans doute certains médecins qui sont complaisants, mais je suis loin d'être sûr que c'est tout le monde. C'est comme dans toute société, il y en a quelques-uns.

Si je vous disais qu'il y en a quelques-uns aussi dans vos experts que vous engagez pour faire la contre-expertise de certains médecins? On dirait qu'ils ont des directives. Ils font marcher un gars 20 secondes, 30 secondes, 1 minute, 2 minutes et: Va-t'en chez vous, je t'ai examiné! Ils te font un rapport comme quoi tu es apte au travail. Il y a des gars qui, dans mon propre bureau, moi, avaient de la difficulté à marcher et la contre-expertise disait: Tu es correct. Ce n'est pas tout le monde, ça non plus, je suis d'accord avec vous, mais il y en a quelques-uns de cabotins de même aussi; ça, c'est clair.

M. le Président, je pourrais continuer et vous donner des cas, des cas que j'ai dû pratiquement mettre sur la place publique pour venir à bout de faire reconnaître l'erreur de la CSST. Souvent, quand il arrive un système où c'est «bordélisé» un peu, qui paie pour le fiasco global? C'est souvent d'honnêtes et de bons travailleurs véritablement accidentés et véritablement très amochés. Parce qu'on n'a pas su s'arrêter, qu'on n'a pas su regarder ça froidement et globalement et dire: On corrige notre tir parce qu'on ne peut plus continuer, sinon, chaque année, il faudra couper dans les indem-

nités, il faudra couper dans les programmes de réinsertion en emploi, il faudra couper dans divers avantages. On s'est demandé, à un moment donné, comme député, en tout cas, moi, je me suis posé la question: Est-ce que la CSST n'émet pas, en première instance, des directives pour tout barrer, pour décourager le travailleur accidenté de continuer à être là-dessus? Mais, quand il ne peut pas travailler... Lundi, dans mon bureau, j'avais un jeune accidenté du travail, depuis 1987. Je vais conter l'histoire parce que ça m'a tellement frappé, j'étais tellement, intérieurement, blessé de voir tout ce système-là, que ça m'a révolté un peu. Travailleur accidenté en 1987; rechute en 1989. M. le Président, il n'est pas capable de marcher, le bonhomme; il avait de la misère à être assis devant moi à force qu'il avait mal. Bien, croyez-le ou non, parce qu'il a une maison de 80 000 $, il n'est pas eligible à l'aide sociale au complet.

Une voix: C'est ça.

M. Chevrette: Ça, vous ne savez pas ça? Bien, vous allez l'apprendre. Si vous n'avez pas ça dans vos comtés urbains, vous allez apprendre que ça existe dans nos comtés ruraux. Parce que l'homme a une maison de 80 000 $, il se voit amputer de 444 $ son aide sociale, au lieu d'avoir 960 $, vous lui déduisez 444 $; là, il a 500 $ par mois, à peu près, pour vivre avec une femme et deux enfants. Il est accidenté du travail et il a de l'aide conditionnelle. Saviez-vous ça que ça existe? Savez-vous ça qu'il est obligé de vendre sa maison et qu'il ne sera pas mieux après parce qu'il va être obligé de manger sa maison avant d'avoir de l'aide? C'est de même que ça marche. Si vous ne savez pas que ça existe, apprenez-le. (4 heures)

Ce n'est pas pour rien qu'on demande une étude et un rapport complet, détaillé de personnes neutres qui vont vous les rapporter, ces cas-là. Ce n'est pas pour rien qu'on vous demande de réfléchir et d'avoir devant nous les gars de la CSST qui l'administrent. La personne, en plus de ça, son aide sociale de 520 $ par mois, inconditionnelle à part ça... Si tu obtiens quelque chose de la CSST, lorsque tu auras passé à la CALP ou à la Commission des affaires sociales deux ans après, parce que vous savez que ça prend deux ans... Vous êtes-vous imaginé un jeune couple, avec deux enfants, qui se retrouve dans un bureau de député, à 520 $ par mois pour payer ses taxes de maison, son électricité, son chauffage? Oui, 520 $ par mois pour payer tout cela! Vous venez littéralement de briser une vie, de briser même une vie de couple, parce que ça engendre des problèmes de ménage. Ça, ça existe dans notre société, ce problème-là. Je ne l'ai pas vécu il y a trois semaines, il y a trois mois, il y a trois ans; je l'ai vécu lundi matin dans mon bureau de comté. Et j'ai trouvé ça révoltant, personnellement, M. le Président.

Et il faut le savoir ce qui se passe dans nos bureaux. Il faut vivre un peu les problèmes que nos concitoyens vivent si on veut les représenter ici et vous dire, à ceux qui ont la responsabilité de gouverner: Voici les cas concrets qui nous sont présentés. Comment je le règle, ce maudît cas-là? M. le Président, je m'excuse du «maudit». Comment je le règle? Je suis obligé de dire: Vends ta maison et mange ce que tu vas obtenir pour la vente, indépendamment du temps dans lequel doit s'effectuer la vente. Et quand tu auras fini ça, tu t'en iras sur le BS. Et quand tu seras sur le BS, tu n'auras pas 520 $, tu auras 970 $ et tu auras un logement de 300 $, 400 $ et tu ne seras pas mieux que tu es là. C'est des problèmes que l'on vit, ça, puis que l'on traverse. Et la maison de 80 000 $, c'est l'évaluation, parce qu'il l'a bâtie lui-même...

M. Jolivet: Puis en temps de récession, ça ne se vend pas.

M. Chevrette: ...sa maison. Quand on voit ça, il me semble, surtout quand on vient du monde du travail et qu'on a vécu un paquet de problèmes - en tout cas au moment où on y était, on criait fort en faveur de ces gens-là - qu'on peut au moins céder sur la perspective de faire la lumière totale sur un dossier. Je ne comprends vraiment pas l'obstination. Si elle ne vient pas du ministre, c'est encore pire, c'est parce qu'elle viendrait du Conseil des ministres. Et si c'est ça, si c'est ça votre humanisme pour tâcher, M. le Président, de comprendre les gens, de s'attendrir un peu sur leur situation, vous avez une drôle de conception de ce que c'est que la gestion.

Ce n'est pas de dilapider les biens publics que je vous demande, ce n'est pas pour enrichir les programmes qui sont assez généreux présentement, ce n'est pas ça que je dis. On a une structure qui est malade, on a un fonctionnement qui coûte très cher, on a judiciarisé; oui, merci. On a peut-être du laxisme dans la gestion et dans l'application de la loi; sans doute, mais y aurait-il moyen qu'on fasse la lumière sur le tout? Une demi-journée de plus, mais qu'on sache où on s'en va, par exemple, et qu'on puisse comprendre les problèmes qu'on a à résoudre comme députés.

Comme c'est là, M. le Président, moi, je vous avoue qu'il y a des matins, je me demande ce qu'un député élu fait dans son bureau de comté. Quand tu vois des cas comme celui que j'ai vu lundi matin, tu te demandes qu'est-ce que ça donne. Tu te décourages. Tu te dis: Comment ça se fait qu'on ne comprend pas ça? Comment ça se fait que quelque chose d'aussi simple ne doit pas être immédiatement envisagé? Qu'on se permette au moins de regarder. Il me semble que ça se fait, ça. Il me semble que le passé du

ministre du Travail devrait être garant du présent et du futur, M. le Président. Ça fait des semaines et des mois qu'il nous dit qu'il écoute. Et on arrive avec une proposition pour lui permettre d'écouter tout et peut-être d'enrichir sa propre réflexion. Ça serait intéressant de le savoir, quand la CSN sera venue dire, par exemple: Voici ce que je pense du «malfonctionnement» de la CSST. Et que la FTQ fasse pareil. Et que le patron fasse pareil. Et que M. Diamant vienne dire... Et là, tu lui demandes, comme responsable imputable devant l'Assemblée nationale, à ce monsieur: Les syndicats disent ça, les patrons disent ça; vous, votre perception de l'intérieur, c'est quoi, M. Diamant? Est-ce que c'est parce qu'il y a eu trop de compromis entre eux et que c'est arrivé à une aberration? C'est possible. Ce n'est peut-être pas ça qu'il va nous dire, non plus. Il va peut-être venir nous dire: On n'aurait pas dû baisser les tarifs il y a deux ans. Je ne sais pas. Je ne connais pas les réponses, mais je voudrais les savoir, moi. Et je suis persuadé que, lorsqu'on se sera enrichis des positions de chacun, on sera beaucoup plus en mesure de bâtir un projet de loi, de le bonifier, de faire en sorte que ce projet de loi là colle beaucoup plus aux réalités. Parce que M. le ministre du Travail, M. le Président, doit savoir, et je suis sûr qu'il le sait, vous savez très bien que c'est dans des moments difficiles que traverse une structure, surtout une structure de service, c'est dans les moments difficiles qu'on en profite, M. le Président, bien souvent, pour laisser pourrir davantage une situation, et ça justifie, à ce moment-là, des coupures magistrales. On coupe des services littéralement.

Et j'ai été à même de rencontrer, M. le Président, des patrons, puis il y a des patrons qui m'ont dit, puis je les ai crus... Vous allez me dire: Tu es bien naïf. Peut-être, mais je les ai crus, moi. Ils ont dit: Au rythme où ça va là, c'est le système, c'est le régime de sécurité et de santé au travail qui va disparaître; c'est le régime qui va disparaître. Si des patrons se disent ça, c'est parce qu'ils sont renseignés. Ils savent très bien, ces gens-là, qu'en Ontario ce n'est pas un régime semblable à ça, c'est une assurance, vous le savez, et que ça coûte aussi cher qu'au Québec. S'il y a une aberration ici et si on continue dans les déficits, on va se ramasser où?

Motion d'ajournement du débat

Et pour permettre au ministre de réfléchir davantage, M. le Président, je voudrais proposer l'ajournement du débat, compte tenu de l'heure, pour qu'on puisse vraiment, à ce moment-là, faire ce débat de jour, au vu et au su de tout le monde.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, sur l'ajournement du débat, M. le leader de l'Opposi- tion officielle, en vertu de l'article 101...

Une voix: ...motion d'ajournement du débat. Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...vous avez un temps de parole de 10 minutes. L'article 101 se lit comme suit: «L'auteur de la motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un temps de parole de 10 minutes.» Alors, vous êtes l'auteur de la motion, vous avez droit à un temps de parole, comme je viens de l'indiquer, de 10 minutes, un représentant de votre groupe a également un temps de parole maximal de 10 minutes et, du côté des ministériels, un représentant pourra également intervenir pour une période de 10 minutes. Et, pour répondre à votre question, à titre d'auteur de la motion, vous avez droit à une réplique de 5 minutes.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, si j'ai proposé l'ajournement du débat à ce stade-ci, il est 4 h 10 le matin, et je crois que ce débat est assez sérieux qu'il mérite d'être compris par les travailleurs, par les employeurs et même par les travailleurs mêmes de la CSST et par les dirigeants de la CSST. M. le Président, ce n'est pas à 4 h 10 le matin qu'on va permettre à ces gens-là de comprendre l'importance pour le monde du travail au Québec de discuter de ce sujet. Ça n'a pas de bon sens, à 4 h 10 le matin, de continuer à travailler sur un projet de loi sur lequel le ministre s'obstine, se refuse à vouloir entendre tout le monde.

Moi, personnellement, ça m'est arrivé comme ministre d'être en désaccord avec les vis-à-vis de l'Opposition. Mais on a introduit dans le règlement la capacité de consulter les gens, ce qu'on appelle des consultations particulières dans nos règlements. Le ministre sait donc, au départ, qu'on ne va pas «at large» permettre à tout individu, à tout groupe de venir. On s'entend sur une liste, on négocie une liste entre nous et on essaie de donner le droit de parole à peu près à ce qu'il y a de plus important au niveau des groupes représentatifs dans notre collectivité qui est touchée. (4 h 10)

Donc, M. le Président, à mon point de vue, la motion d'ajournement du débat viendra permettre aux députés ministériels, permettre au ministre de faire des appels demain matin, d'appeler l'AECQ, par exemple, M. le Président. Je conseille au ministre d'appeler l'AECQ. Ils vont lui dire que c'est l'occasion de faire un débat, et le plus global possible, pour voir clair dans le dossier, M. le Président, et avoir des points de vue intéressés, mais des points de vue neutres, également, dans l'histoire.

Qu'on appelle les manufacturiers canadiens, M. le Président. Qu'on demande aux manufacturiers canadiens s'ils ne veulent pas un débat le plus large possible, dans les circonstances, s'ils ne veulent pas voir clair, M. le Président, de A à Z, s'ils ne veulent pas avoir le son de cloche public, pas en catimini, public, du D.G. de la CSST, M. le Président. Qu'il le demande. Qu'il le fasse. Qu'il demande aux centrales syndicales s'ils ne veulent pas avoir un débat important sur ce projet de loi là. Pas une petite heure vite, là! Ils veulent qu'il y ait un débat pour voir clair, parce que les salariés de toutes les centrales syndicales... Et là-dessus il n'y en a sûrement pas une qui veut voir amocher son régime, qui veut voir disparaître éventuellement ce régime. Je suis sûr de ça. Je suis sûr de ça, moi, qu'ils sont tous intéressés. Le ministre devrait sauter sur cette occasion pour, demain matin, se permettre des coups de fil.

D'ailleurs, il me semble que son passé syndical, et je le rappelle là-dessus, son passé syndical... Je me plais à le dire, son passé syndical, parce que, ordinairement, quand il voit autant de groupes contre, son premier réflexe, c'est de dire: Ouais! Je suis peut-être mieux de m'organiser pour que le projet de loi réponde au moins à certaines aspirations.

On ne légifère pas pour le plaisir de légiférer. On légifère pour corriger des situations. Je suis persuadé, moi, que votre projet de loi, tel qu'il est, c'est quasi l'unanimité; à l'exception d'une centrale syndicale, c'est quasi l'unanimité contre. Ce n'est sûrement pas normal, ça. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a des éléments, dans ce projet de loi là, qui ne correspondent pas aux aspirations des travailleurs et même du patronat. Ils ne sont peut-être pas contre pour tous les mêmes motifs. J'en suis. C'est possible. C'est tout à fait normal, à part ça. À plus forte raison, le ministre pourrait essayer de démontrer au public en général, parce qu'on légifère aussi en fonction du public qui va se voir appliquer ces lois...

Dites-moi que le public ne veut pas avoir le son de cloche des dirigeants de la CSST. Dites-moi ça sans rire, derrière vos micros, vous autres. Venez me dire que demain matin, là, le public, l'entrepreneur à Joliette, là, sur le coin de la rue Gaspard, ou sur le coin de la rue Sainte-Angélique ou dans le parc industriel, ne veut pas avoir le son de cloche de M. Diamant. Vous allez me faire accroire ça, à moi? Vous allez me faire accroire, à moi, que les travailleurs, quand ils se font dire que c'est eux autres qui sont la principale cause, puis les médecins, avec leur complaisance, qu'ils sont les grands responsables, allez-vous me dire que les médecins n'aimeraient pas entendre M. Diamant dire quelque chose là-dessus? Allez-vous me dire que les entrepreneurs et les salariés n'aimeraient pas se faire dire par M. Diamant quel est son point de vue, au lieu de les voir se taxer l'un et l'autre de motifs qui sont opposés, M. le Président?

Est-ce qu'il n'y a pas lieu de demander, par exemple, à M. Diamant de nous dire, lui, non seulement sa perception par rapport aux deux autres, mais également ses recettes comme administrateur, comment il voit ça, lui, les solutions? Est-ce qu'on peut continuer longtemps à faire ces folies-là de 700 000 000 $ ou 800 000 000 $ de déficit par année?

M. le Président, moi je ne comprends pas. Je ne comprends pas et je reviens sur le passé du ministre. Il a négocié dans sa vie. Il a assisté à de la conciliation dans sa vie. Il a assisté à de l'arbitrage dans sa vie. Il a assisté à des revendications. Il en a préparé, des clauses pour revendiquer au nom du monde. Mais, quand il rédigeait une clause de revendication, il s'assurait de bien saisir le problème, de bien le comprendre, et il savait... Dans une première demande, il allait même un peu plus fort pour essayer d'obtenir exactement, au moins, ce que ça lui prenait pour rédiger sa clause finale. Il a vécu ça. Il a vécu la misère de certains travailleurs. Une convention collective qui aurait été pourrie au point de provoquer un «backlash», comme on dit en bon québécois, est-ce qu'il ne se serait pas assis rapidement pour éviter que ça foire? Est-ce qu'il ne se serait pas assis rapidement pour éviter des problèmes majeurs? Est-ce qu'il ne se serait pas assis pour dire: Écoutez, on va rouvrir ça, ça n'a pas d'allure. Voici le fonctionnement. On s'en va vers un cul-de-sac. L'utilisation effrénée de nos congés sociaux, dans une convention collective, ça n'a plus d'allure. On va encadrer ça.

Il a connu ça. Il a connu des avantages et des bénéfices marginaux. Est-ce que le ministre du Travail, à ce moment-là, ne doit pas se servir de son passé, de son expérience passée, M. le Président, je pense, de la notoriété qu'il s'est donnée, par son passé, pour essayer de rédiger une législation, d'abord, en toute connaissance de cause et, deuxièmement, qui colle aux réalités et au vécu de 1992? C'est ça qu'on lui dit, c'est ça qu'on lui demande. Il n'y a pas d'exagération dans ce qu'on demande, M. le Président. Moyennant qu'il accepte de faire toute la lumière, nous lui avons offert notre collaboration, M. le Président. Et je prends à témoin la députée de Chicoutimi qui, accompagnée de mon chef de cabinet et du chef de cabinet de M. le leader du gouvernement, a discuté des possibilités de collaboration entre parlementaires, pour essayer de faire la lumière sur ce dossier.

M. le Président, on a fait abstraction de tout ce qu'on a proposé. Il faut entendre des groupes, mais on ne veut pas entendre le principal intéressé, qui est la CSST elle-même. C'est ça que je ne comprends pas. On a donc bien peur de cette grosse bibite là! Qu'est-ce qu'ils vont venir nous dire, si ce n'est, peut-être, de venir nous faire comprendre qu'il y a de l'exagé-

ration des deux bords? Se faire dire ça, pour des parlementaires, ça nous permettrait peut-être de tirer une ligne. C'est ça, notre rôle. S'ils nous disent: Les centrales syndicales, elles ont raison jusqu'à un certain point sur la judiciarisation, bien, on va chercher à déjudiciariser, si c'est vrai. S'ils nous disent qu'il y a trop de complaisance médicale puis que c'est confirmé par la CSST, on va peut-être s'arranger avec la RAMQ puis on va peut-être éviter qu'il n'y ait trop d'expertises en ligne, à coups de 100 $ puis de 150 $ puis 200 $ puis 500 $, 600 $, dans certains cas. Vous le savez. Est-ce qu'on a peur de se faire dire ça? Je regarde le député de Chauveau, qui a fait partie d'un comité portant son nom. Faire partie de ça, l'analyse puis l'expertise des coûts.

Une voix: Oui.

M. Chevrette: On attend quoi pour aller chercher le jus à la CSST? Pourquoi la cachez-vous?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: Avez-vous peur qu'on découvre que c'est un éléphant blanc? Je ne sais pas, moi. Avez-vous peur qu'on découvre que 20 % de gestion puis 280 000 000 $ d'administration, c'est trop?

Une voix: Oui.

M. Chevrette: On vous le dirait. Si c'est trop, ce sera trop. Puis si c'est juste correct, on dira que c'est juste correct. Mais si vous ne nous donnez pas la chance de questionner, quel travail positif peut-on faire, comme parlementaires? On vous offre deux perches consécutives pour que vous vous accrochiez. Prenez-en donc une, au moins.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député Joliette. Alors, sur la motion d'ajournement de la motion de report, M. le leader adjoint du gouvernement et député de Mille-Îles.

M. Jean-Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. le Président, tout simplement, sur la motion d'ajournement, pour ne pas attaquer le fond de mon argumentation sur la motion de report, je pense qu'il y a confusion, ici. Il y a réellement une confusion très importante. Le leader de l'Opposition confond l'objectif du projet de loi avec l'objectif qu'il souhaiterait que l'on puisse atteindre avec le projet de loi. Je m'explique, M. le Président.

Ce qu'on nous dit depuis tantôt, c'est qu'on s'imagine, et je le dis très franchement, très candidement, on s'imagine à tort, du côté de l'Opposition, qu'avec le projet de loi 35 ça va être la panacée, le remède suprême à l'ensemble du problème de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Jamais le ministre du Travail n'a dit cela, et le projet de loi 35 n'est pas, effectivement, la solution aux problèmes très complexes que nous retrouvons à la CSST. (4 h 20)

II y a également, dans ce projet de loi, des mesures ponctuelles très précises. Des mesures ponctuelles très précises, oui, si je lis le projet de loi très attentivement. Je lis ici la note explicative. Lorsque, dans le premier paragraphe, et c'est l'article 38 de la loi, lorsqu'on donne accès à l'employeur, sans frais, au dossier que la Commission possède au sujet de la lésion professionnelle dont a été victime le travailleur alors qu'il était à son emploi, je ne pense pas qu'un travailleur ou un employeur, au Québec, ou qu'un syndicat ou qu'une centrale syndicale ait à penser, ou que l'Opposition ou qu'un membre de l'Opposition qui lit le projet de loi va s'imaginer qu'on va corriger, avec une telle disposition, un déficit de 800 000 000 $. C'est une mesure ponctuelle qui est nécessaire, certainement, pour une des parties qui contribue beaucoup au régime de la santé et de la sécurité au travail.

Également, M. le Président, je regarde un peu plus bas, troisième paragraphe: «Le projet de loi prévoit de plus que le travailleur pourra, dans certains cas, loger une contestation au Bureau d'évaluation médicale et accorde à l'employeur qui se voit imputer les coûts d'une lésion professionnelle le droit de contester» les coûts qui lui sont imputés. Bon. Est-ce que, par ces droits qui sont accordés à l'employeur de contester les coûts qui lui sont imputés, on pense qu'on va régler toute la série, la kyrielle de problèmes de substance qui existent avec notre régime de santé et de sécurité au travail?

Et, quand j'ai dit tantôt qu'il y a une confusion, oui, il y a une confusion. L'Opposition, présentement, est en train de nous faire croire qu'il y a une urgence. Oui, le problème est sérieux, oui, il faut regarder attentivement, oui, il faut examiner. Mais ce n'est pas dans le cadre de ce projet de loi que ça doit être fait. Nom de Dieu! Vous auriez dû le demander il y a bien longtemps, qu'on fasse toute la lumière là-dessus, puis qu'on la fasse par des moyens... Et j'en parlerai tantôt, lors de ma motion de report. Parce que vous avez un langage d'une totale incohérence en matière de contrôle de gestion de finances publiques. Vous parlez des deux côtés de la bouche et vous ne dites pas le même discours.

Je vois la députée de Taillon qui est ici, en cette Chambre. Tantôt, lors de mon discours sur la motion de report, je lui resoulignerai les paroles qu'elle a eues lors de l'adoption - ça n'a pas été adopté - lors de la discussion en deuxiè-

me lecture du projet de loi 198, article 10: imputabilité. Elle était contre. C'est votre critique, dans ce domaine-là. Vous êtes contre le fait que les fonctionnaires, les hauts mandarins, ceux qui devraient nous rendre des comptes, nous rendent des comptes et vous venez en Chambre nous dire: Nous voulons entendre M. Diamant? Bien, voyons donc! Accordez vos violons! Ne faites pas comme le député de Lévis qui écoute des violons, quand il s'en va, dans une soirée, entendre, peut-être, je ne sais pas, moi, une cinquantaine d'indépendantistes dans le comté de Taschereau.

Une voix: Une réunion de famille.

M. Bélisle: Entendez-vous!

Dans ce contexte-là, il y a eu un compromis, M. le Président, très honorable, correct, je pense, qui a été conçu dans le but du projet de loi qui est là, c'est-à-dire des mesures ponctuelles.

Le ministre du Travail a dit, le lundi 1er juin: On va faire une journée de consultations particulières. On va faire une journée. On va entendre le Conseil du patronat du Québec, la CEQ, l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'Association des manufacturiers canadiens, section Québec, la FTQ, la CSN, la Corporation des médecins. Oui, on respecte l'esprit du règlement de l'Assemblée nationale, et, à ce moment-là, on entend des gens qui ont des opinions particulières, des ajouts supplémentaires, de l'information à donner au législateur, au ministre du Travail, puis à tous les membres, des deux côtés de la Chambre, en commission parlementaire. Mais, pour les fins du projet de loi, ceux qui s'imaginent que l'on va, même en quatre journées...

Parce que la proposition des membres de l'Opposition, M. le Président, c'est, un, qu'ils ne comprennent pas le but du projet de loi, et deuxièmement, qu'ils s'imaginent, eux, que c'est en quatre jours. Ils veulent entendre tous ces groupes-là en quatre jours. Ils s'imaginent qu'en quatre jours ils vont être capables de traiter avec sérieux les problèmes suivants: l'existence du déficit, le volume du déficit, comment on a atteint un tel déficit, le problème de la parité entre les employeurs et les employés qui se partagent les postes au conseil d'administration.

Est-ce que c'est une bonne chose qu'il y ait parité au conseil d'administration? Dans un volet plus global, si on analyse notre système de santé et de sécurité au travail, il faudrait peut-être se poser la question. Concernant l'unicité du système, est-ce qu'on veut aller réellement au bout de la réflexion et la pousser, la réflexion, jusqu'au bout, et se demander si on ne devrait pas fonctionner comme dans le système scolaire, où on a deux systèmes qui fonctionnent très bien, un qui «émule» l'autre, un qui force l'autre à se surpasser? Est-ce qu'on veut tout simple- ment laisser le système comme il est, et dire: Le système est là, et on ne se pose aucune autre question parce que ça fait notre affaire, ça flatte, bien entendu, les gens qui sont derrière nous politiquement, c'est-à-dire nos alliances traditionnelles. Est-ce qu'on veut réellement regarder le problème dans son ensemble? Est-ce qu'on s'imagine que c'est comme ça qu'on va trouver la solution? Mais non, ce n'est pas comme ça qu'on va trouver la solution. Moi, je pense que ce n'est pas comme ça.

Alors, M. le Président, tout simplement, la motion d'ajournement qui nous est proposée ne convient pas à la nature du projet de loi 35, qui est rempli de certaines mesures ponctuelles, sept ou huit mesures ponctuelles. Lorsqu'on parle des orthèses et des prothèses, on ne parle pas du problème global de gestion du régime de santé et de sécurité du travail au Québec. Ce n'est pas de ça qu'on parle dans le projet de loi, et je pense qu'on crée une illusion. On ne vise pas par le bon moyen la cible qu'on veut atteindre. Possiblement que, de part et d'autre de cette Chambre, on veut atteindre le même objectif, c'est d'avoir un régime de santé et sécurité qui soit adapté aux travailleurs, adapté aussi à nos entreprises, mais il faut au moins l'analyser dans un contexte de globalité de notre économie.

Alors, M. le Président, je pense que, dans ce contexte-là, de toute évidence, la motion d'ajournement présentée par le leader de l'Opposition doit être battue, et je voterai contre cette motion d'ajournement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député, de votre intervention. Sur cette même question, je reconnais M. le député de Laviolette.

M. Jean-Pierre Jolivet

M. Jolivet: Merci, M. le Président. Le leader adjoint du gouvernement nous a donné justement toute l'argumentation nécessaire à cette demande d'ajournement de débat, M. le Président. Je n'ai jamais compris pourquoi il refuserait de donner à son ministre la chance d'aller plus loin, à moins que le député, leader adjoint du gouvernement, ne nous incite à dire: Écoutez, on va scinder le projet de loi en deux, une partie qui concerne les questions ponctuelles, mais aussi l'autre partie, en deuxième lieu.

Si le député, leader adjoint du gouvernement, nous incite dans ce sens-là, on va le faire, M. le Président. Mais ce qu'on recherche, c'est que le ministre, sur un sujet aussi important, prenne un peu plus de temps pour trouver des solutions qui règlent le court terme - parce qu'on est prêt - mais aussi le long terme. On ne doit en aucune façon, M. le Président, en arriver à nous dire que le contexte du projet de loi actuel n'incite pas à cette discussion, d'autant plus que je pourrais rapporter au ministre qui est devant moi deux occasions où, justement, par la

demande incessante de l'Opposition, on a réussi à convaincre certains ministres du gouvernement actuel de prendre la décision d'entendre des gens. (4 h 30)

Un des exemples qui me revient toujours à l'esprit, c'est en 1985, au moment où le gouvernement libéral a pris le pouvoir pour la première fois. Le ministre de l'Éducation de l'époque avait présenté un projet de loi de quatre articles. Et comme j'étais responsable de ce dossier pour l'Opposition, j'ai lu le projet de loi. J'ai demandé à la commission scolaire concernée si elle était d'accord ou non avec ce projet de loi. Là, elle m'a convaincu qu'elle devait être entendue. Et j'ai convaincu le ministre de l'époque, le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui, d'entendre la commission scolaire parce qu'elle disait: Le gouvernement, par le ministère de l'Éducation, est en train de me spolier de l'argent qui me revient pour donner un service à l'ensemble de la population étudiante de mon coin.

Qu'est-ce qui s'est passé? C'est que nous avons entendu la commission scolaire. Le ministre a accepté ces choses et, au bout de la course, le projet de loi a été complètement remanié au point, M. le Président, que les 4 articles dans le projet de loi sont complètement disparus, ont été remplacés par 8 articles. Ces 8 articles-là n'avaient rien à voir avec les 4 articles précédents et la commission scolaire s'est sentie soulagée, et le ministre aussi l'a été. Il m'a toujours remercié de cette décision qu'on avait prise ensemble, d'en arriver à prendre le temps d'entendre les gens.

Alors, ce qu'on demande au ministre, ce soir, c'est d'agir de la même façon. Il y a des personnes... Je l'expliquais, dans mon droit de parole sur le projet de loi lui-même, que des gens m'avaient communiqué, par téléphone, ce matin, leur demande incessante d'être entendus, ce que le ministre semble vouloir refuser et que le leader adjoint du gouvernement semble nous refuser, non seulement à nous, mais à l'ensemble, à tous les gens intéressés par le sujet. Dans ce sens-là, M. le Président, la demande d'ajournement du débat, c'est justement pour permettre cette écoute attentive, ce désir d'aller plus profondément dans le projet de loi. Si le leader adjoint du gouvernement veut nous inciter pour régler son problème, dont il faisait mention, de ponctualité à scinder le projet de loi, on pourra l'examiner, mais notre recherche n'est pas là pour le moment. Ce que nous recherchons actuellement, M. le Président, c'est du temps devant nous, du temps pour convaincre le ministre, du temps pour que ma collègue, la députée responsable du dossier, avec ses autres collègues de la commission parlementaire, avec l'appui de la collectivité, qui serait entendue en commission parlementaire... Cela pourrait nous permettre, à ce moment-là, M. le Président, de mieux saisir le problème.

Là, c'est la perche que nous tendons au ministre, que mon leader de l'Opposition a proposée pour venir en aide, pour éviter que le ministre prenne une mauvaise décision. Qu'est-ce qu'il y a de mauvais à accepter ça, M. le Président? Ce serait la logique; il me semble qu'à 4 h 30 du matin on pourrait aller se reposer et puis reprendre de façon plus disposée, à 10 heures ce matin, le travail pour la journée qui va perdurer dans le temps, parce qu'on aura la chance et le devoir de travailler encore davantage dans les jours qui viennent. Il me semble que ce n'est pas à être refusé, une telle demande, M. le Président.

Contrairement au leader adjoint du gouvernement, je demande d'appuyer la demande de mon collègue, le leader de l'Opposition, à l'effet d'accepter cette demande d'ajournement, demande d'ajournement qui permettrait, M. le Président, au ministre de mieux respirer, de mieux s'assurer qu'il prend la meilleure décision. Lors de cette commission parlementaire qui, je l'espère, va nous être accordée, pas pour nous, mais pour les gens qui ont les besoins d'être entendus, nous aurons l'occasion de convaincre le ministre et de poser les questions les plus pertinentes possible pour que nous puissions mieux légiférer, M. le Président, mieux, en termes de décision, prendre les moyens pour y arriver.

Je rappellerais, M. le Président, ce que disaient les libéraux, en 1985, qu'ils voulaient légiférer moins, mais mieux. Mais j'ai l'impression, et j'aurai l'occasion dans d'autres projets de loi d'en faire la mention, M. le Président... Quand on diminue la teneur d'un projet de loi, mais qu'on l'augmente par les règlements, je vous dis, M. le Président, que ça, ça m'inquiète énormément, d'autant plus qu'ils nous ont fait de très beaux discours avec Reed Scowen, à l'époque, et Paul Gobeil, à l'époque, nous disant que ce n'était pas de même qu'ils étaient pour agir. Je me souviens toujours du discours du 2 décembre de Mme la ministre responsable de l'Énergie, maintenant, et qui était vice-première ministre, qui nous disait qu'ils étaient pour légiférer moins mais mieux. Et ce n'est pas ça qu'on a devant nous, M. le Président, nous avons devant nous un projet de loi qui est, à notre avis et à l'avis de plusieurs, un projet de loi qu'il faut modifier en profondeur si on veut arriver aux objectifs que le ministre nous a fixés, pour arriver aux objectifs qu'il veut, avec nous, fixer et pour lesquels, ma collègue l'a dit, nous sommes d'accord pour l'aider à condition qu'il entende les groupes, sur lesquels on pourrait s'entendre.

Mais ce n'est pas ça que le ministre nous donne comme réponse, jusqu'à maintenant, et c'est pour cela que nous proposons une motion d'ajournement qui a pour but de dire au ministre que nous lui tendons une perche qu'il aurait intérêt à saisir à ce moment-ci pouf peut-être le sauver des eaux tumultueuses dans lesquelles il semble vouloir s'engouffrer, M. le Président.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette motion d'ajournement du débat, je cède le droit de réplique à son auteur, M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette.

M. Guy Chevrette (réplique)

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, si le ministre ne comprend pas l'objectif, je vais lui demander de calculer. Il doit être capable de calculer. M. le Président, bien sûr que le poids du nombre peut nous traverser. Il y a un moment d'épuisement des droits de parole en vertu des règlements et tout. Il va se retrouver en commission parlementaire et, pendant huit heures, on peut très bien lui demander d'entendre la CSST, d'entendre un groupe de salariés. Refuser 4 heures de consultations, ça va lui coûter 8, 10, 12 heures. S'il n'est pas capable de comprendre l'objectif, il peut au moins être capable de calculer. Je vais être aussi franc que ça avec lui. Je ne sais pas si on se comprend? Si on n'est pas capables de se comprendre, on doit être capables, au moins, de calculer quelques heures. Vous savez très bien qu'en commission parlementaire, à l'étude article par article, on peut très bien faire des motions pour entendre des groupes. On va passer huit heures à en entendre, des motions, pour avoir refusé d'entendre un groupe qui est la CSST puis un groupe d'accidentés du travail. Peut-être 12, M. le Président puis peut-être même plus que ça, sur le libellé des articles, si on ne clarifie pas. Je ne vois pas en quoi le gouvernement... c'est ça que je n'arrive pas à comprendre, pourquoi qu'il y a une obstination, exagérée, à mon point de vue, puis incompréhensible en plus. C'est quoi que vous visez? Il faut que ce soit sérieux en mosus, M. le Président, pour refuser d'entendre des dirigeants d'une société qui sont supposés être imputables. Quels motifs aussi sérieux que ça est-ce que vous avez? Quand vous vous lèverez, au moins, dites-nous-le. Quelles sont les raisons qui vous motivent pour ne pas entendre la CSST? Il me semble que ça se dit, ça. Si vous n'avez rien à cacher, donnez-nous un motif, dites-nous pourquoi vous ne voulez pas les entendre. Dites-nous pourquoi ça ne serait pas intéressant, pour la commission, de les entendre. Essayez de nous démontrer que ça n'a pas de bon sens d'inviter les dirigeants de la CSST. Vous essaierez de concilier ça dans vos réponses, par exemple, avec ce que vous prêchez, la transparence, l'imputabilité. Je ne comprends pas. C'est peut-être parce que vous n'avez pas gros de menu, puis ça vous prend du temps. On va vous en faire, il n'y a pas de problème là-dessus. Les règlements nous le permettent et on va le faire. Ça, il n'y a pas de problème. Mais je ne trouve pas que c'est une façon intelligente, personnellement, de collaborer sur un projet de loi. Je ne comprends pas qu'on puisse motiver un ministre à vouloir s'entêter alors qu'il pourrait avoir la collaboration spontanée uniquement sur le plan de l'information. Je ne comprends pas. C'est ça qu'on offre, ce n'est pas plus, ce n'est pas moins. Ce n'est peut-être pas clair, mais il me semble que c'est assez clair. (4 h 40)

Ça fait sept ans que vous êtes dans le Parlement. On vous dit: Imaginez-vous que l'échange qu'on vous propose comme parlementaires, c'est d'entendre les dirigeants de la CSST, ça va prendre peut-être quatre heures, trois heures et demie, quatre heures, une demi-journée de session. De dix heures à une heure, c'est trois heures. C'est trois heures. Vous allez obliger les parlementaires de ce côté-ci de la Chambre à en utiliser peut-être 12, peut-être 15? C'est évident, parce qu'on n'a pas eu un motif à date, ça fait cinq, six heures qu'on discute, il n'y a pas eu un motif d'invoqué, logiquement, de façon précise, pour refuser d'entendre les dirigeants de la CSST. C'est quoi? Bien, si vous voulez vous amuser, vous avez bien beau. Je comprends que vous avez deux groupes et que vous pouvez vous succéder, de nuit, à deux groupes. Mais, soyez sans crainte, même si vous en aviez trois, ce n'est pas grave ça non plus. Ce que je peux vous dire, par exemple, si c'est ça la collaboration parlementaire en vue d'améliorer un projet de loi pour l'ensemble des travailleurs du Québec, c'est une très mauvaise perception des choses. C'est une très mauvaise perception des choses, M. le Président. Et ce n'est parce qu'il est cinq heures moins vingt du matin, M. le Président, qu'on va lâcher, à ce moment-là. Ce n'est pas ça. Je le dis très clairement. Je tends la main. J'explique. Je vous fais faire des calculs. Mais là, si en plus de ne pas comprendre, vous ne savez pas calculer, ça, ce n'est pas de ma faute.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Est-ce que la motion d'ajournement du débat est adoptée? Vote enregistré. Qu'on appelle les députés. (4 h 42 - 4 h 52)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je vais mettre aux voix la motion du leader de l'Opposition officielle et député de Joliette, la motion d'ajournement du débat. Que ceux qui sont pour cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marais (Taillon), M. Garon (Lévis), M. Jolivet (Lavio-lette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré

(Shefford), M. Boisclair (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion (Mont...

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Secrétaire adjoint: ...excusez, M. Boule-rice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion (Montmorency), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis), M. St-Roch (Drummond), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Messier (Saint-Hyacinthe), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFontaine), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Comp-ton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. La-frenière (Gatineau), M. MacMillan (Papineau).

Des voix: Bravo! Bravo! le secrétaire: pour: 17 contre: 32 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion d'ajournement du débat est rejetée. Nous poursuivons sur la motion de report et je reconnais M. le leader adjoint du gouvernement et député de Mille-Îles, en lui indiquant qu'il a un temps maximum de 30 minutes.

Reprise du débat sur la motion de report M. Jean Pierre Bélisle

M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai indiqué tantôt, lors des quelques commentaires sur la motion d'ajournement, que je réservais mes commentaires de substance sur la motion de report et nous en sommes arrivés à discuter de la motion de report du leader de l'Opposition. J'ai dit tantôt qu'il y avait une confusion, une méprise quant au projet de loi 35 à l'effet que l'Opposition pensait que l'on réglerait, avec le projet de loi 35, l'ensemble de tous les problèmes du régime public québécois que nous avons dans le domaine de la santé et de la sécurité au travail. Ce n'est pas le cas parce qu'il y a des mesures ponctuelles. J'écoutais tantôt la critique, la députée de Chicoutimi, et même le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui nous disaient: Oui, il y a de bonnes mesures dans le projet de loi. Il y a des choses urgentes qu'il faut faire dans le projet de loi. Alors, de toute évidence ce que le ministre du Travail propose présentement c'est d'y aller et d'appliquer ces mesures. Maintenant, les commentaires du leader de l'Opposition ont été les suivants. Il nous a dit: Nous allons tenter, au cours des consultations particulières que nous allons faire, de vérifier... M. le Président, je vous demanderais, c'est impossible quand le député de Lévis se promène comme ça et qu'il gesticule, là...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît. Alors, vous m'avez demandé le décorum. Je demanderais au député de bien vouloir se conformer au règlement. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Bélisle: Lorsqu'on nous disait qu'on voulait approfondir la gestion de la CSST, qu'on voulait faire une vérification de la gestion, qu'on voulait contrôler la gestion de la CSST, je pense qu'on est d'accord avec ça, mais il y a un problème d'incohérence du côté de l'Opposition. Quand le projet de loi 198 a été déposé dans cette Chambre, suite au dépôt du projet de loi 197, le projet de loi 198 déposé par le député de verdun, un député ministériel, à l'article 10 sur l'imputabilité, où on voulait demander aux hauts fonctionnaires, aux gestionnaires, aux mandarins de l'état de rendre des comptes, aux commissions permanentes de l'assemblée nationale, hors de la présence des ministres, pour donner plus de pouvoirs aux parlementaires en cette chambre, on a eu droit de la part de l'opposition, sur le projet de loi 198, à un discours - m. le président, vous vous en souviendrez - de la part de la députée de taillon, en deuxième lecture qui nous a dit: jamais, il n'est pas question de faire l'imputabilité, et même elle a poussé l'audace, au nom du parti québécois, à dire: vous savez, moi, en matière de procédures, je ne m'y connais pas, mais je réserve le droit, au nom de ma formation politique du parti québécois, à ce que le leader de l'opposition, le député de joliette, qu'on a entendu toute la soirée - une bonne partie de la soirée, peut-être pas toute la soirée, mais à deux reprises, ce soir - gesticuler et venir nous dire ici, devant les caméras: nous voulons contrôler la gestion de la csst. la députée de taillon nous a dit quand on a étudié le projet de loi 198, le leader de l'opposition se réserve le droit de venir contester, même la recevabilité du projet de loi 198; non pas de contester le principe mais venir contester le droit élémentaire d'un député ministériel, du député de verdun, de déposer un projet de loi dans cette chambre et de dire: ii faut qu'on ait comme principe à

l'avenir dans l'administration publique québécoise, pour tout ministère, tout organisme gouvernemental, toute régie, toute société d'État, CSST, organisme gouvernemental, de rendre les hauts fonctionnaires imputables. (5 heures)

Vous pensez que c'est crédible ce qu'on a entendu ce soir? On a entendu le discours contraire ce soir. On a entendu le leader de l'Opposition qui a essayé de nous faire croire que là il voulait contrôler la gestion de la CSST de façon totalement non à propos, impromptue, improvisée simplement pour faire du capital politique à sa formation, au Parti québécois dans le cadre d'un projet de loi où ça ne s'applique pas. Et les gens du Parti québécois qui s'imaginent, comme le leader de l'Opposition, comme la députée de Taillon, qu'on peut faire effectivement, M. le Président, du contrôle de la gestion en entendant en commission parlementaire, pendant quatre heures, certaines personnes de la CSST n'y connaissent que dalle dans le contrôle de la gestion soit d'une entreprise privée ou d'une entreprise publique. C'est la plus belle preuve d'incompétence, M. le Président. C'est la preuve qu'ils n'en ont jamais fait, de contrôle de gestion.

M. le Président, je ne peux pas penser que... Si on prend un autre exemple pour le député de Joliette, le leader de l'Opposition, qui est le critique en matière d'énergie: HydroQuébec, société d'État par excellence au Québec, c'est une machine administrative importante. Et, chez nous les parlementaires dans cette Chambre, autant les parlementaires du côté ministériel que les parlementaires du côté de l'Opposition, du Parti québécois, il n'y a personne qui a le contrôle et puis qui vérifie la gestion d'Hydro-Québec. Il faut se rendre compte que, dans le budget du Québec, qui frôle les 40 000 000 000 $, il y a 75 %, 3 $ sur 4 $, 30 000 000 000 $ sur 40 000 000 000 $ qui nous échappent. Ça nous échappe littéralement.

M. le Président, moi, je n'ai jamais vu un musée, un hôpital, je n'ai jamais vu effectivement une société d'État venir rendre des comptes à des parlementaires de cette Assemblée, parce que, nous, les parlementaires, on ne s'est pas donné l'outil essentiel, c'est-à-dire la règle d'imputabilité. Et, ce soir, le leader de l'Opposition, le député de Joliette, tente de faire croire aux gens qui nous écoutent, aux syndicats, CSN, FTQ, à tous les corps intéressés à l'administration du régime public de santé et de sécurité au travail, que, non, on pourrait très bien faire du contrôle de gestion.

Au Québec, nous sommes une des 2 seules provinces canadiennes sur les 10 provinces canadiennes qui ne font pas de suivi. Dans les autres provinces, ils ont ce qu'on appelle le Comité des comptes publics. Le Comité des comptes publics, c'est tout à fait simple, M. le Président. Lorsqu'une dépense est engagée, lors- qu'on décide, on approuve une dépense et qu'on confie un budget, supposons, à un organisme public, que ce soit un musée, un hôpital, un cégep, bon, une fois que la masse, l'enveloppe, le montant d'argent est transmis à l'institution, le Comité des comptes publics, lui, par la suite, fait un suivi de gestion. Il contrôle la gestion de l'organisme. Il va voir: est-ce que c'est efficient, est-ce que la dépense a été bien faite, est-ce que l'administration interne est bien faite, conforme aux règlements, est-ce qu'il n'y a pas de gaspillage, est-ce qu'il n'y a pas de fraude, est-ce qu'il n'y a pas de complaisance? Tantôt, le député de Joliette parlait de certificats médicaux de complaisance. Oui, il y a peut-être des complaisances d'autres ordres également.

Mais, nous, dans cette Assemblée, notre processus, c'est le suivant. On étudie les crédits budgétaires en vrac. On ne fait pas d'étude détaillée des crédits budgétaires. On ne fait pas de contrôle détaillé des crédits budgétaires. On fait une approbation par mission, pour 200 heures de questionnement, de débats. Mais, pendant un an de temps, on ne fait pas de reddition de comptes, on ne fait pas de suivi des comptes publics comme ça se fait dans 8 provinces sur 10 et au gouvernement fédéral. Nous, on ne fait pas ça ici. Il n'y a aucune des commissions permanentes de l'Assemblée nationale qui fait ça. On pense qu'on fait du suivi, puis du contrôle de gestion en faisant des engagements financiers. Mais, mon Dieu! M. le Président, les engagements financiers, vous pensez que c'est du contrôle de gestion? On s'assoit en commission parlementaire et le président dit: Engagement 1. Bon, engagement 1, où est le plus bas soumissionnaire? Là, le député de l'Opposition, soi-disant qu'il fait du contrôle: Bon, pourquoi ce n'est pas le plus bas, M. le ministre? M. le ministre, bien, il commence: Ce n'est pas le plus bas à cause de telle chose. Bon, approuvé. Bien, on approuve 750 000 $, 5 000 000 $, 10 000 000 $, 2 000 000 $, 3 000 000 $, puis on fait ça, M. le Président, au fur et à mesure. Le contrôle, on n'en fait pas. Il manque un maillon dans la chaîne. Et le discours de l'Opposition ce soir exemplifie l'absence de ce maillon. Il y a un trou dans la chaîne. Il manque un lien dans la chaîne parlementaire, dans nos responsabilités et dans nos droits parlementaires.

Je me pose une question: Est-ce que c'est logique de penser également que simplement par consultations particulières, en faisant venir les associations syndicales, les associations patronales, est-ce qu'on peut s'imaginer - à moins qu'on soit totalement candide et naïf - qu'on va avoir toute l'information qui va nous arriver de l'intérieur de la machine? Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'en entendant M. Diamant, qui est le président, même s'il est de totale bonne foi, pendant quatre heures de temps, on va avoir...

Je trouve ça merveilleux, ce que dit la

députée de Johnson; je vais faire la distinction, M. le Président, pour le bénéfice de la députée de Johnson. C'est de l'imputabilité par la tête, par le haut. On fait venir celui qui est le responsable de la tête de la pyramide, de la hiérarchie. Mais dites-moi une chose, M. le Président: Est-ce que vous pensez, un moment, que ce serait peut-être aussi ou peut-être même plus important de savoir de l'intérieur de la machine quelles sont les activités gouvernementales, qui sont posées par les fonctionnaires de la CSST, qui sont conformes aux règlements et à la loi de la CSST, et celles qui ne le sont pas, mais venant de l'intérieur? Moi, j'appelle ça l'imputabilité par la base. On a deux sortes d'imputabilité. Nous, on n'est même pas rendus à l'Assemblée nationale à l'imputabilité par le haut, par la tête, parce que l'Opposition ne veut pas. Ce n'est pas compliqué, ils ne veulent pas. Le discours officiel de l'Opposition, ils ne veulent pas que les fonctionnaires, les cadres, les sous-ministres... C'est le discours officiel de la députée de Taillon, critique du Parti québécois, ils n'en veulent pas. Qu'on ne vienne pas me faire accroire qu'ils en veulent, ils n'en veulent pas. Comment voudraient-ils qu'on impose de l'imputabilité par la base? Je m'explique, M. le Président.

Imputabilité par la base, pourquoi? Tout simplement pour briser la règle et la loi du milieu. Je m'explique. Prenons un département quelconque. Ça pourrait être aussi bien la CSST ou ailleurs, 50 fonctionnaires dans un département. Est-ce qu'on peut s'imaginer un court moment que, sur 50 fonctionnaires, il y en a 40, 45 qui sont excessivement performants, dynamiques, qui remplissent bien leur devoir? Oui, facilement, sans aucun problème. Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'il y en a qui sont peut-être un peu moins intéressés? Oui, possiblement. Est-ce qu'on peut s'imaginer quel est l'incitatif pour une personne fonctionnaire dans un département de divulguer des activités ou des gestes de gaspillage? Exemple: il s'aperçoit que telle dépense est faite inutilement. Prenons le cas de la CSST, ça pourrait être le cas dans ce cas-là. Quelle est l'incitation? Il n'y a pas d'incitation, M. le Président, parce que ce fonctionnaire-là qui voudrait l'exprimer, il n'a pas de canal pour l'exprimer. Il ne peut pas venir à vous, M. le Président, et vous dire: Dans mon département, à tel endroit à la CSST, ça ne fonctionne pas pour telle et telle raison. On ne suit pas la norme. La norme est trop souple. On est trop permissif quand on l'applique. Ça coûte trop cher. Les soumissions qu'on fait à tel endroit, ça n'a pas d'allure. Les déplacements coûtent trop cher.

Il ne le fera pas, M. le Président, pour une raison de base. C'est que le milieu a une règle où il n'est pas protégé. Le serviteur de l'État qui ferait ça, celui qui voudrait faire avancer les choses, il se causerait un drôle de préjudice à lui-même. C'est pour ça que vous n'en voyez pas de personnes qui viennent de l'avant et qui veulent faire avancer les choses, veulent améliorer la gestion de leur département ou de leur secteur d'activité, que ce soit à la CSST ou ailleurs, parce qu'ils n'ont pas de moyens de protection. (5 h 10)

Mais, M. le Président, je vais vous apprendre quelque chose ce soir. Ça existe, des mesures de protection semblables, sauf que nous, au Québec, a l'Assemblée nationale, on n'est pas rendus là sur le plan de la réflexion. L'État de la Floride, l'État du Connecticut, l'État du New Hampshire, l'État de la Californie, le gouvernement fédéral américain ont tous une loi semblable et puis, pas depuis hier matin, depuis 1978. Ça s'appelle en anglais «The Whistle-Blower Act». Je vais vous la traduire en français, traduction littérale: Loi favorisant la divulgation d'activités gouvernementales non conformes, par laquelle quelqu'un pourrait divulguer une information, un gaspillage, une mesure inappropriée, un achat d'ordinateurs à tel endroit, une mesure de contrat qui est accordé et qui ne respecte pas les règles, une règle dans une loi qui est mal appliquée, une norme d'évaluation médicale qui est mal suivie, qui entraînent des coûts excessifs. Et ça, c'est du véritable contrôle de gestion, mais ça n'existe pas dans notre législation. Une telle mesure n'existe pas chez nous pour rendre l'administration plus efficiente.

Alors, quand M. Chevrette, quand le leader de l'Opposition, quand le député de Joliette nous dit: On va demander à M. Diamant, je dis au leader de l'Opposition: C'est une parcelle de la vérité. C'est pas ça, faire du contrôle de gestion. Parce que l'ensemble de son argumentation, au leader de l'Opposition, c'est de dire: Nous voulons régler les problèmes de base du régime public de santé et de sécurité au travail des Québécois avec le projet de loi 35. Je lui dis: Ce n'est pas avec le projet de loi 35 que nous allons régler ça.

Je lui dis, deuxièmement: S'il s'imagine ou si les députés du Parti québécois s'imaginent que nous allons, en entendant M. Diamant et les gens de la CSST, obtenir l'information nécessaire à la correction de l'administration et de la gestion du régime de santé et de sécurité public, ils se trompent. Ils vont faire de l'imputabilité par le haut. Je dis au leader de l'Opposition: La position officielle du Parti québécois là-dessus, c'est non; il n'est pas question qu'ils viennent rendre des comptes à l'Assemblée nationale aux parlementaires. Alors, il tient un double langage, il tient un double langage. Et je lui dis: Ça serait beaucoup mieux qu'on se dote de bons outils et de bien le faire; pas le faire à l'occasion, quand on sent que la maison est en feu, le faire systématiquement, le faire à chaque six mois, s'en donner une tâche régulière, faire des contrôles, le faire nous-mêmes, on est capables de le faire. Il y a un tas de talents, dans cette

Assemblée, des deux côtés de la Chambre. Je m'imagine qu'on pourrait améliorer l'administration du service public.

Vous savez, M. le Président, j'ai encore un goût amer de ce que j'ai vécu au mois de décembre 1991 à l'Assemblée, il y a quelques mois. Il y a quelques mois, le député de Saint-Louis présentait le projet de loi 197, qui était le pendant, M. le Président, du projet de loi 198. Vous vous souvenez, M. le Président, du projet de loi 197? En résumé, c'était pour dire: Sur une période de trois ans, nous voudrions que le déficit du gouvernement du Québec revienne à zéro. Pas à 5 %, 6 % du total des dépenses de 40 000 000 000 $, pas ça, là; qu'il revienne à zéro. Et le député d'Abitibi-Ouest, qui était le leader adjoint dans cette Chambre pour le Parti québécois à ce moment-là, a plaidé sur la non-recevabilité de ce projet de loi là. Alors, on n'a même pas débattu du bien-fondé du projet de loi, à savoir est-ce que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose d'avoir un équilibre zéro? Est-ce que c'est une bonne chose de prendre les revenus qu'on reçoit des citoyens en taxes et de les équilibrer avec les dépenses? Est-ce que c'est souhaitable? Est-ce que le gouvernement du Québec devrait avoir la même règle que celle qu'il impose aux municipalités et aux villes du Québec? Parce que les villes au Québec n'ont pas le droit de faire des déficits. C'est ça, en réalité, le fond du débat.

Mais non, le Parti québécois, l'Opposition, M. le Président, comme le double langage de ce soir, ne nous a même pas permis de faire ce débat-là. Je le sais, c'est moi qui ai argumenté face au leader adjoint, le député d'Abitibi-Ouest, du Parti québécois. Ils ont plaidé que ce n'était même pas recevable, qu'on ne pouvait même pas déposer le projet de loi, même pas parler sur le contenu, même pas le déposer, en vertu de l'article 191. Parce qu'ils disaient: Bien, écoutez, quand ça touche une question d'engagement de fonds publics, là, c'est juste un ministre, un membre du cabinet qui a le droit de présenter une telle chose. Je n'en reviens pas encore. Je n'en suis pas revenu. On est rendus au mois de juin, M. le Président, ça fait six mois, et je n'en suis pas encore revenu.

Tout ça dans la même foulée du double discours. Vous avez, d'un côté de la Chambre, M. le Président, un parti, le Parti libéral du Québec, des députés qui présentent un projet de loi en disant: Le déficit de l'État, il faut le réduire à zéro. De l'autre côté, le Parti québécois nous dit: Non, pas recevable, on ne veut même pas en parler de ça, même pas en discuter, il n'en est même pas question. Deuxième projet de loi subséquent, 198, le numéro après. On veut rendre les hauts fonctionnaires imputables. La députée de Taillon, qui est la critique, se lève debout: II n'en est pas question. On se réserve le droit, le leader de l'Opposition, de vous rentrer dedans et de demander à ce qu'il soit déclaré non rece- vable.

Non, je ne dis pas n'importe quoi, M. le Président. C'est d'une logique. J'espère que les gens qui nous écoutent ou les gens qui écouteront le discours comprendront le véritable message, M. le Président, que tente de nous transmettre le leader de l'Opposition. C'est un message qui...

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, oui.

M. Boulerice: ...le leader adjoint souhaite qu'on l'écoute, mais j'aimerais qu'on soit plus nombreux pour l'écouter. est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a une demande de quorum que vous faites, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Après vérification, qu'on appelle les députés. (5 h 18 - 5 h 20)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Mille-Îles et leader adjoint du gouvernement, si vous voulez continuer votre intervention. Je vous rappelle qu'il vous reste huit minutes.

M. Bélisle: Merci, M. le Président. Tout simplement, ce que j'essaie de véhiculer comme message - et je veux qu'il soit compris ainsi, M. le Président - ce n'est pas un message de partisanerie. C'est un message de ce que je retiens de sept ans à l'Assemblée nationale. Quel que soit le gouvernement, quel que soit le parti politique qui sera à la tête ou qui est à la tête des destinées du Québec, si nous, les parlementaires, ne comprenons pas l'importance du rôle que nous avons à jouer dans le système démocratique dans lequel nous sommes élus, où nous sommes les représentants de la population, et si une formation politique vient dire et déclarer publiquement que, un, elle ne veut pas d'un équilibre financier à zéro, c'est-à-dire qu'elle maintient le principe des déficits, ce que le Parti québécois a fait en refusant que l'on discute du contenu du projet de loi 197 au mois de décembre, deux, qu'elle se refuse à ce que l'on adopte un principe rendant tous les sous-ministres, les fonctionnaires, les directeurs de département imputables à la Chambre et aux députés et que, par surcroît, on se met un voile devant les yeux en disant: On n'ira pas plus loin, on ne regardera pas ce qui se fait ailleurs et on n'établira pas un pont, une sorte de relation avec les gens qui travaillent, qui sont performants dans des départements, dans des services publics, M. le Président, je pense qu'on va toujours maintenir, effectivement, un certain degré d'inefficience, volontairement, parce qu'on ne voudra pas corriger le système. Mais, de ce côté-ci de la

Chambre, du côté du Parti libéral du Québec, il y a des gens qui se refusent à une telle approche et qui veulent totalement le contraire de la vision du Parti québécois, mais totalement le contraire.

Quand le leader de l'Opposition nous dit, surtout sur un projet semblable: Venez en commission parlementaire, on va entendre la CSST pendant quatre heures, c'est de la poudre aux yeux. Ça ne donnera rien pendant quatre heures de temps. Ce n'est pas comme ça qu'on fait du contrôle de gestion. Effectivement, c'est de la foutaise de parlementaires. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Ça ne donne rien. Ce n'est pas ça, du contrôle de gestion. Ce n'est pas ça, de l'administration publique. Ce n'est surtout pas ça. Ne vous étonnez pas, M. le Président, si, dans votre comté, il y a des citoyens qui vont vous dire: Comment cela se fait que le déficit est de tant? Bien, c'est parce que, justement, il y a des attitudes semblables, des positions, des politiques campées comme celles du leader de l'Opposition et du Parti québécois sur l'administration des finances publiques. Tant qu'on n'aura pas banni de telles idées politiques de tout notre système politique, on va continuer exactement à fonctionner de la même façon.

Moi, ce que je dis, M. le Président, c'est que le projet de loi 35 qui est là, ce sont des mesures ponctuelles. On n'a qu'à lire le projet de loi. On s'aperçoit que c'est sur des mesures très précises. Le délai d'attente n'est pas dedans. Il ne faut pas s'imaginer, à un moment donné, quand on parle à des employeurs dans nos comtés, qu'ils nous disent que tout va bien. Les employeurs nous disent: Ce ne serait pas possible qu'il y ait un délai d'attente d'une semaine quand quelqu'un a un accident de travail pour vérifier s'il est réellement accidenté ou pas? Ça, c'est une question qui nous est posée très, très souvent. Bien, il ne faut pas s'imaginer qu'en écoutant la CSST pendant quatre heures le ministre du Travail va être dans la position de dire: Bien, oui, je vais prendre une décision. Je vais faire un amendement à la loi. Le projet de loi 35 n'est pas prévu pour ça. Ça, c'est peut-être une correction de fond au système, mais il faut entendre les parties, il faut regarder, il faut examiner, il faut juger et soupeser l'ensemble, effectivement, de la mesure. Le projet de loi 35, ce n'est pas ça. Ce n'est surtout pas ça.

M. le Président, dans ces circonstances, la motion de report du député de Joliette, du leader de l'Opposition, elle est nettement inappropriée. Il y a méprise. Je m'excuse, M. le Président, la motion de report du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques - la motion d'ajournement était tantôt celle du député de Joliette - est inappropriée. Elle est fondée sur une méprise fondamentale quant au caractère du projet de loi 35. Le but visé, oui, il est partagé, mais les moyens que le député de Sainte-Marie-Saint-

Jacques voudrait mettre de l'avant pour faire un contrôle de gestion, s'il est sérieux, il va falloir qu'il fasse une bonne réflexion là-dessus. Il va falloir qu'il se mette à regarder ce qui se fait ailleurs et qu'il comprenne qu'il ne peut pas tenir le langage qu'il tient, ce soir, faire partie de l'équipe du Parti québécois s'il veut réellement faire du contrôle de gestion, à moins qu'il faille absolument prendre tous les députés de la formation du Parti québécois et les envoyer directement en première année, effectivement, d'un bac en administration dans une des universités reconnues du Québec pour qu'ils apprennent c'est quoi, du contrôle de gestion. C'est ça.

Je vous rappellerai, M. le Président, que même sur la première étape du contrôle de gestion, c'est-à-dire la vérification, ce qui n'est même pas du suivi de gestion, le Vérificateur général du Québec n'a pas été appelé entre 1976 et 1985 une seule fois, M. le Président, une seule fois. C'était parce que le chef de l'Opposition, le député de L'Assomption...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le député de Mille-Îles. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous écoute.

M. Boulerice: Dans la foulée des vérifications, est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le député de Mille-Îles.

M. Bélisle: M. le Président, ce que je tentais de dire... Je vous remercie, ça me donne l'occasion de faire une pause. Ça me rafraîchit.

M. le Président, ce que je disais, c'est que, de 1976 à 1985, le chef de l'Opposition, le député de L'Assomption, l'ex-ministre des Finances, pendant sept ans de temps, huit ans de temps, du Parti québécois, a toujours refusé, s'est toujours objecté à la première étape d'un contrôle de gestion, c'est-à-dire permettre au Vérificateur général du Québec, puis à ses 225 employés qui nous coûtent une fortune par année et qui font un mosus de bon travail de vérifier l'administration, puis l'efficience. Qu'ils ne viennent pas nous faire accroire, M. le Président, que c'est dans le but de faire du contrôle de gestion qu'ils veulent reporter le projet de loi. Je vais voter contre la motion de report.

Des voix: Bravo!

Une voix: Jean-Pierre, je vote pour toi.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous rappelle que nous sommes à débattre la motion de report de M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je cède maintenant la parole à Mme la députée de Johnson. Je vous rappelle que votre intervention ne peut pas dépasser 15 minutes.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je suis bien contente d'intervenir, même seulement pour 15 minutes, sur la motion de report de mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Si le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a demandé un report de 3 mois pour le projet de loi qui est à l'étude, c'est-à-dire le projet de loi 35, c'est que nous avons, tous et chacun de nous de l'Opposition, comme beaucoup de syndicats, de travailleurs accidentés, beaucoup de gens de l'extérieur du Parlement, de la difficulté à comprendre pourquoi on amène ce projet de loi sans faire en sorte qu'on comprenne finalement l'ensemble de la situation.

Je n'ai jamais entendu autant d'incohérences que je viens d'en entendre dans le discours du leader adjoint du gouvernement. Avant ses 30 minutes sur la motion de report, il a fait 10 minutes sur l'ajournement. Puis, dans ses 10 minutes, il a dit: C'est une confusion totale. L'Opposition fait une confusion au sujet du projet de loi. Là, je me suis dit: Ça y est, le ministre a accepté de tenir la commission parlementaire. Je pensais que c'était ça qu'il voulait dire. Mais non. Il a dit: Ce n'est pas ça, il y a sept à huit mesures ponctuelles - je le lis, parce que je l'ai pris en note - dans la loi et c'est ça qu'on voudrait passer, pas autre chose.

M. le Président, dans son autre demi-heure, il a dit tout le contraire. C'est-à-dire qu'il n'a pas dit le contraire, mais il a dit que l'Opposition n'avait demandé d'entendre en commission parlementaire que M. Diamant, qu'on avait demandé de commencer par le haut et de commencer par M. Diamant.

M. le Président, je vais faire un effort pour répéter ce que plusieurs de mes collègues ont donné dans leur intervention ce soir. Ce n'est pas simplement de rencontrer et d'écouter M. Diamant, ce n'est pas seulement ça que l'on veut. Ce que l'on veut, c'est à la fois rencontrer les employeurs, les patrons, parce que les patrons disent que c'est la faute des travailleurs si la CSST est dans cet état pitoyable. On veut à la fois rencontrer les syndicats pour que les syndicats puissent aussi nous éclairer sur, un, de quelle façon ils voient ça. On veut aussi, bien sûr, comme le leader l'a dit, rencontrer et écouter M. Diamant, qui est le directeur de cette grosse boîte-là qu'est la CSST. (5 h 30)

M. le Président, moi, je refuse de blâmer le ministre dans tout ça parce que, en mai 1991, le ministre avait accepté de tenir la commission parlementaire. Mais, comme on a déjà vu ce gouvernement faire une motion de guillotine vis-à-vis de l'Opposition, je pense que c'est la même chose que le ministre s'est fait faire par sa formation politique. Il s'est fait attacher les mains, il s'est fait mettre un bâillon, parce que, en mai 1991, il avait accepté de tenir la commis- sion parlementaire. Est-ce que M. Ghislain Dufour a gagné la bataille sur le ministre? Est-ce que c'est ça, la vérité? Est-ce que M. Ghislain Dufour, qui représente le patronat, a gagné? Il a dit: II n'y aura pas de commission parlementaire? Je me souviens d'un autre ministre qui s'est entêté comme ça, M. le Président, je m'en souviens très bien, c'était le ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux. Quand on a discuté de la loi concernant les ambulances, je me souviens très bien, il a refusé complètement d'écouter l'Opposition. Qu'est-ce qui est arrivé? Il a été démis; premièrement, il a changé de ministère, et, deuxièmement, aujourd'hui, on est pris avec un déficit extraordinaire, on est obligés de refaire une loi pour reprendre les cordeaux, pour reprendre les choses en main. J'espère que le ministre va comprendre à temps le message que l'Opposition est en train de lui faire.

Je veux aussi non seulement aider le ministre, parce que je pense qu'il a ses responsabilités à prendre, mais je veux aussi aider l'Opposition, aider ma collègue de Chicoutimi qui a plusieurs raisons - et ce n'est pas seulement l'Opposition, je l'ai dit tout à l'heure - pour lesquelles elle voudrait entendre les trois catégories que j'ai mentionnées tout à l'heure, non seulement M. Diamant, comme le leader adjoint s'est plu à essayer de faire accroire à la galerie que l'Opposition officielle ne demandait de rencontrer que M. Diamant. Non, M. le Président, c'est inexact, ce n'est pas ça que l'Opposition a demandé. Mme la députée de Chicoutimi, qui est la porte-parole en la matière, a des raisons très claires. Et comme le leader adjoint du gouvernement n'a rien compris, je vais lui répéter les raisons que la responsable du dossier a données à maintes reprises; elle a même fait un communiqué, en a parlé plus d'une fois. Premièrement, compte tenu de la situation très sombre...

M. Boulerice: M. le Président, mes excuses...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant! Un instant! Mme la députée de Johnson, si vous voulez retenir votre intervention. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: M. le Président, encore pour rappeler l'obligation qui existe pour les parlementaires d'être présents en Chambre en nombre suffisant, je demanderais de vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés!

Mme la députée de Johnson, continuez votre intervention.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'étais en train de vous dire et de vous redire, parce que Mme la députée de Chicoutimi vous l'a dit à plusieurs reprises, les raisons pour lesquelles on

souhaitait avoir une commission parlementaire pour entendre les parties dont je vous ai fait mention tout à l'heure.

Premièrement, parce qu'il n'y aucune mesure d'impact sur le projet de loi 35 au moment où on se parle, puis les parties sont encore à l'analyse des amendements. On est seulement rendu là. Et la première, Mme la députée de Chicoutimi disait qu'il faudrait une enquête administrative et actuarielle impartiale sur la CSST. Elle voulait aussi avoir un regard sur le taux de cotisation. Est-ce normal qu'on ait baissé le taux de cotisation?

Troisièmement, elle veut savoir le mode d'estimation de la durée de consolidation. Il me semble que c'est normal qu'on puisse savoir la façon que ça opère.

Quatrièmement, elle veut savoir les pratiques administratives de traitement des réclamations. Ce n'est pas exactement ce que le leader adjoint du gouvernement disait. Elle veut connaître aussi la gestion des ressources humaines. La députée de Chicoutimi veut savoir quel est le recours, à quelle fréquence, le recours à la sous-traitance, et combien ça coûte.

M. le Président, vous voyez, avec tout ce que je viens de vous nommer, que c'est tout à fait le contraire ou beaucoup plus que ce que le leader adjoint du gouvernement a dit. C'est une pléiade de questions qu'on se pose. C'est aussi le tripartite de la CSST, c'est-à-dire employeur et patron, c'est-à-dire syndicat, c'est-à-dire Robert Diamant, qui est le représentant officiel de la CSST, et c'est aussi recevoir des cas patents, des gens qui souffrent à cause d'une situation qui est aberrante. C'est tout ça qu'on voudrait entendre. La députée de Chicoutimi, qui est reconnue comme une femme consciencieuse...

Une voix: Oui.

Mme Juneau: ...qui fait un travail extraordinaire...

Des voix: Bravo!

Mme Juneau: ...et qui connaît ses dossiers, cette femme-là a demandé, et avec raison... Je vous l'ai dit tout à l'heure, ce n'est pas seulement l'Opposition officielle qui le demande-Le projet de loi 35 ne fait pas l'unanimité; vous le savez très bien parce que vous allez dans vos comtés tous les lundis pour faire du bureau de comté. Et, quand vous faites du bureau de comté le lundi, vous avez sûrement, tout autant que nous, les membres de l'Opposition officielle, qui sommes des députés au même titre que vous, quand nous faisons notre bureau de comté, des plaintes. Moi, des fois, j'aurais envie d'appeler ça des lamentations parce que les pauvres gens qui sont mal pris avec un accident du travail tel que vous le racontiez tout à l'heure, des cas patents que le leader de l'Opposition officielle vous a racontés. Quelqu'un qui, tout dernièrement, s'est rendu à son bureau de comté pour lui demander: Mais qu'est-ce que je vais faire? Je suis pris dans la machine et j'ai l'impression de tourner en rond parce qu'à un moment donné, il n'y a plus personne qui veut m'aider, il n'y a aucune porte qui veut s'ouvrir. J'ai une femme, j'ai deux enfants.

M. le Président, ça n'a pas de bon sens. On l'a dit, que ça n'avait pas de bon sens. Le leader adjoint du gouvernement parlait de sept ou huit mesures dans la loi. Ce n'est pas ça dont on a besoin, des mesures ponctuelles. Ce n'est pas seulement ça. Nous voulons avoir la situation complète. Vous savez, quand on met un cataplasme sur une jambe de bois, il n'y a rien là; ce n'est pas ça qu'il faut faire. Ce n'est pas un cataplasme sur une jambe de bois quand l'autre jambe est mauvaise aussi. Il faut faire une situation exacte du cas patent. Il faut faire un examen complet de quelque chose qui ne va pas bien. C'est ça qu'on demande. Puis, ne vous faites pas d'accroires, là; si on fait ça, on le fait pour les gens qui sont pris dans le système. On le fait aussi pour les payeurs de taxes parce que, s'il y a un déficit de 800 000 000 $, qui, croyez-vous, vont être obligés de payer? Les patrons, les employés, les personnes qui ont des accidents du travail. Et la CSST, elle va faire quoi? Il va falloir qu'elle ait une analyse complète, elle aussi, de tout ce qui se passe à l'intérieur de sa boîte. Puis nous, on veut savoir, on veut savoir complètement comment ça fonctionne à l'intérieur de cette grosse boîte-là. On veut savoir si ça a du bon sens que le bureau de révision paritaire, ça coûte 16 000 000 $ annuellement. On veut savoir si la CALP, qui a un budget de fonctionnement de 23 000 000 $ qui est assumé par la CSST, on veut savoir si c'est ça ou si on pourrait diminuer les coûts. C'est tout ça qu'on veut savoir, M. le Président. (5 h 40)

Vous le savez, tout le monde se plaint de la CSST. Les patrons sont mécontents, les employés, les travailleurs et travailleuses sont mécontents parce que ça ne marche pas comme ça devrait marcher. Puis le président, Robert Diamant, a entre les mains une grosse bebelle qui ne marche pas. Ça fait que c'est ça. C'est tout ça qu'on veut savoir. C'est tout ça qu'on veut savoir, et c'est la raison pour laquelle on demande au ministre responsable, on demande au gouvernement de pouvoir entendre notre requête, notre demande pour recevoir en commission parlementaire les trois parties prenantes, les trois parties de la CSST. C'est tout ça, et ce n'est pas ce que le leader adjoint du gouvernement a dit, que c'est seulement M. Diamant qu'on veut voir. On veut voir les trois parties. On veut rencontrer des gens qui vivent des situations aberrantes et on veut connaître l'ensemble de la situation.

M. le Président, c'est la raison pour laquelle le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques

a demandé trois mois de report, et je suis d'accord avec ça.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Johnson. Toujours sur cette motion de report du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je cède la parole à M. le député de Taschereau. Vous disposez d'une période maximale de 15 minutes.

Des voix: Bravo!

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci. M. le Président, contrairement à la députée de Johnson, je ne peux pas dire que je sois heureux de prendre la parole sur le débat de la motion de report. À cette heure-là, vous comprenez, M. le Président, que si on...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Oui, M. le Président. Effectivement, contrairement à la députée de Johnson, le député de Taschereau n'a pas quorum. Alors, est-ce que vous pourriez le vérifier, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés!

Allez-y, M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Le moins qu'on puisse dire, c'est que l'Opposition brille par la petitesse de sa représentation en Chambre: ils sont un!

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Leclerc: M. le Président...

Une voix: II demande le quorum, par exemple.

Une voix: Une gang de un. Une voix: Un et demi: le «boxer».

M. Leclerc: M. le Président, je disais mal comprendre la députée de Johnson qui se disait heureuse de participer au débat sur la motion de report. Évidemment, on peut comprendre qu'elle puisse prendre certaines satisfactions dans ce jeu un peu stérile, mais tout le monde comprendra dans la population que, si l'Opposition avait voulu étudier cette loi, comme cela se fait normalement, déjà elle aurait été référée autour de 23 heures ou minuit en commission parlementaire et, dès ce matin, après la période des questions, on aurait pu commencer l'étude article par article. C'eût été la façon normale et usuelle d'étudier cette loi. Malheureusement, l'Opposition a décidé de présenter des motions pour faire en sorte que nous nous retrouvions tous ensemble si tôt ce matin, M. le Président: motion de report, motion d'ajournement. Bref, manifestement, l'Opposition n'a pas l'intention de collaborer avec le gouvernement pour étudier cette loi.

L'Opposition a l'habitude de présenter des motions de report sur des lois à grandes incidences financières. Je me rappellerai la première que j'ai vue en cette Chambre, qui était une motion de report sur la privatisation de la raffinerie de sucre. C'était il y a déjà six ans, six ans et demi...

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le député de Taschereau.

M. Boulerice: ...l'article 32, paragraphe 6, le décorum: Les députés doivent être assis au fauteuil qui leur a été désigné par le président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, chaque député doit, vous le savez tous, être assis à la banquette qu'on lui a assignée. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Allez-y, M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: Merci, M. le Président. M. le Président, il vous faudra, un jour, statuer si l'article 32 s'applique également en arrière de votre trône, parce qu'il y a toujours trois ou quatre péquistes qui traînent en arrière du trône. M. le Président...

Une voix: Au moins, pendant ce temps-là, il leur sort quelque chose de la tête, c'est de la fumée.

M. Leclerc: M. le Président, je vous disais que l'Opposition avait la fâcheuse manie de sortir ses motions de report sur des lois à très grandes incidences financières. Le député de Lévis s'en rappellera, une des premières qu'on a eues ici, en 1986, fut une motion de report sur la privatisation de la raffinerie de sucre. La raffinerie de sucre du Québec, le joujou du député de Lévis, nous coûtait 1 000 000 $ par mois de déficit. Chaque fois que les Québécois mettaient du sucre dans leur café, chaque fois que les Québécois s'achetaient du sucre pour faire des confitures, il résultait que le gouvernement du Québec perdait de l'argent et ça coûtait aux payeurs de taxes 1 000 000 $ par mois. Lorsqu'on a voulu privatiser ça, l'Opposition a présenté une motion de report de six mois. Elle voulait que ça nous coûte 6 000 000 $ de plus, le temps d'étudier la possible privatisation. Plus ça allait, M. le Président, plus le prix

du sucre descendait sur le marché mondial, de sorte que ça aurait coûté encore plus cher, six mois plus tard, privatiser la raffinerie de sucre. (5 h 50)

On peut faire le parallèle avec ce matin, alors que la CSST, on l'a vu, tout le monde le sait, coûte 70 000 000 $ par mois en déficit. Le gouvernement s'attaque au problème. Le gouvernement recherche des solutions. L'Opposition dit: Prenez votre temps, prenons notre temps. Trois mois de plus, trois fois 7, 21, 210 000 000 $, il n'y a pas de problème, M. le Président; à 2 000 000 $ ou 3 000 000 $ par jour, on peut s'en payer, comme société, des motions de report comme ça. Ils disent: Pendant ce temps-là, engageons des actuaires à 250 $ l'heure pour vérifier les actuaires de la CSST, les vérificateurs-actuaires de la CSST, les actuaires du Vérificateur général et engageons tout ce beau monde-là à 250 $ l'heure et ils vont nous faire des belles études. Non, M. le Président, le gouvernement du Québec ne cautionne pas cette attitude de l'Opposition et le gouvernement a l'intention de prendre ses responsabilités maintenant, n'en déplaise à l'Opposition officielle.

M. le Président, tous les observateurs indépendants le disent: II faut agir dans le dossier de la CSST. Et je vous avoue que les commentaires qu'a faits la députée de Johnson sur la CSST m'ont un peu surpris parce que, malgré le débat actuel, il ne faut pas oublier que la loi de la CSST, c'est une loi du Parti québécois, ça, là. Ce n'est pas tombé du ciel un bon jour de mai. Ce n'est pas une loi de 1970. Ce n'est pas une loi de 1986. C'est une loi du Parti québécois, et la députée de Johnson - je l'ai écrit - nous disait: «C'est une grosse bebelle qui ne marche pas». Je l'ai citée. C'est elle qui a dit ça, M. le Président. Ces gens-là ont fait une loi. Quelques années plus tard, ils nous disent: C'est une grosse bebelle qui ne marche pas puis, au même moment, ils font une motion de report pour reporter une disposition législative pour améliorer une «grosse bebelle qui ne marche pas».

M. le Président, il a beau être tard ou de bonne heure, je dois vous dire qu'elle est dure à suivre. Puis là, en plus, elle nous a dit, et je l'ai noté: «Tout le monde se plaint de la CSST». C'est du monde, ça, tout le monde. C'est du monde. Puis là, elle nous dit: Faisons une petite motion de report; dans le fond, tout le monde se plaint de la CSST, c'est une grosse bebelle qui ne marche pas, mais ça ne presse pas. Engageons des actuaires et prenons un autre petit trois mois pour étudier la question. Ça fait six mois que le ministre du Travail étudie la question, ça fait six mois qu'il y a plein de gens au Québec qui se penchent sur le problème de la CSST puis tout ce que l'Opposition a de brillant à sortir: Prenons un petit trois mois de plus. Prenons un petit trois mois de plus, ça coûtera 70 000 000 $ par mois, ce n'est pas grave.

Mais quand on regarde ce que les observateurs indépendants en disent... Si la députée de Johnson peut me laisser parler, M. le Président. Quand on regarde ce que les observateurs indépendants en disent... Dans Le Quotidien, à Chi-coutimi - c'est toujours bien le comté de la députée critique officielle du gouvernement en cette matière, la députée de Chicoutimi - M. Pierre Bergeron dit: «Les conséquences sont catastrophiques pour les contribuables, les entreprises et l'État québécois. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le déficit de la CSST, en 1991, s'est élevé à près de 800 000 000 $.» Quand on a dans les mains, comme gouvernement, une situation catastrophique, quand l'Opposition elle-même, qui est l'instigatrice du projet de loi qui fait en sorte que nous sommes devant une situation catastrophique, quand cette même Opposition qui était, à l'époque, au pouvoir et qui a voté et passé cette loi-là la qualifie de «grosse bebelle qui ne marche pas», M. le Président, ça veut dire qu'il faut changer des choses l'année même. Pas dans trois mois, pas dans six mois, l'année même.

M. le Président, Frédéric Wagnière, dans La Presse, le 23 mai, nous disait: «Après deux années d'excédents budgétaires, la Commission de la santé et de la sécurité du travail est à nouveau dans le rouge et accumule un déficit de 750 000 000 $. Cela forcera à augmenter de 30 % les cotisations des employeurs qui sont les seuls à financer l'organisme au moment où on arrive à peine à sortir de la récession.»

M. le Président, tous les observateurs sont unanimes: Nous sommes devant une situation grave. Le Devoir, quant à lui, est encore peut-être un peu plus cinglant, et Jean Francoeur disait, le 22 mai dernier: «II n'y a plus de doute possible. Le plancher s'effondre sous les pieds du régime québécois de la santé et de la sécurité du travail.» M. le Président, c'est sérieux, ce qu'en pensent les observateurs indépendants. Quand on dit que le plancher s'effondre, on n'a pas trois mois pour faire les réparations. Il faut se mettre à la tâche maintenant.

M. le Président, Le Soleil, à son tour, le 25 mai, il y a une semaine, disait: «La Commission de la santé et de la sécurité du travail est un grand navire en détresse.» La députée de Johnson, le Parti québécois nous disent: Le bateau coule, les amis. C'est une grosse bebelle qui ne marche pas - dixit la députée de Johnson. Prenons un petit trois mois, attendons que le bateau cale encore plus, étudions encore la situation.

M. le Président, les employeurs, les travailleurs, les observateurs indépendants, tous sont unanimes à dire que nous avons un problème grave sur les bras. Peut-être ne sont-ils pas tous unanimes quant aux moyens, peut-être ne sont-ils pas tous unanimes quant aux solutions. D'ailleurs, un des éditorialistes disait que le ministre ne pouvait pas, en ces matières, contenter tout le

monde. Partant de là, admettant le fait qu'il y a un problème grave, admis de tout le monde, qu'il est des matières comme celle-là où il est difficile de réconcilier tout le monde, une voie seule s'offre au gouvernement: prendre ses responsabilités, agir maintenant pour présenter à la population un certain nombre de mesures pour améliorer la performance de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Voilà donc, M. le Président, pourquoi le gouvernement battra la motion de report du Parti québécois.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Taschereau. Sur cette même motion de report, M. le député de Lévis, vous pouvez faire 15 minutes. Allez-y, M. le député de Lévis.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, il est possible que les députés ministériels battent la motion du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, sauf que les députés ministériels vont prendre leur biscuit aux prochaines élections. C'est écrit dans le cimet, ça, et, aussi, tout le monde le dit. Le député de Taschereau... Et, d'ailleurs, ce n'est pas pour rien, M. le Président, que je lisais dans Le Nouvelliste, le mardi, 26 mai 1992: «S'il quittait la politique à l'âge de 50 ans, avec le nouveau régime, Maurice Richard toucherait une rente annuelle de 19 000 $. En septembre 1996, le député Maurice Richard atteindra l'âge de 50 ans. S'il décidait de quitter la politique à ce moment-là - ce n'est pas lui qui va décider, c'est les électeurs - après avoir siégé durant tout près de 11 ans à l'Assemblée nationale du Québec, il aurait alors droit à une rente de retraite annuelle de 19 000 $ alors que, sous le régime actuel, sa rente, à l'âge de 50 ans, serait de 12 000 $ par année.»

M. le Président, c'est très pertinent parce qu'on est justement dans les accidents du travail - la Commission de la santé et de la sécurité du travail - il s'agit justement d'indemnités aux travailleurs qui ont eu des accidents. Là, on est dans le cas de députés qui n'ont pas eu d'accident du travail, qui s'augmentent d'une claque leur pension de 12 000 $ à 19 000 $ à l'âge de 50 ans alors qu'on est dans une récession économique. Alors qu'il y a une récession économique, M. le Président, 4 200 000 000 $ de déficit au gouvernement du Québec, CSST, 800 000 000 $ de déficit en 1991, 1 500 000 000 $ en 1992, on est en train de siphonner la Société de l'assurance automobile du Québec de toute part et de tous côtés, un gouvernement en banqueroute, un navire à la dérive, un bateau sans capitaine sur une mer démontée, M. le Président. Et on voit actuellement un premier ministre qui dort pendant que ses «backbenchers» chantent le cocorico. Ils chantent le cocorico, M. le Président!

Tantôt, le député de Taschereau parlait du sucre. Bien oui! Aujourd'hui, le sucre au Québec est contrôlé par BC Sugar, puisque Steinberg a vendu sa division du sucre à la Colombie-Britannique qui, elle, a trouvé intelligent de l'acheter, M. le Président. Le député de Taschereau est un acheteur ou sa famille était des acheteurs de sucre. Pour faire des biscuits, ça prend du sucre. Il est en conflit d'intérêts quand il parie de cette question-là, M. le Président. (6 heures)

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Garon: Essentiellement, il est en conflit d'intérêts, M. le Président. Aïe! Il avait peur, essentiellement, du contrôle et de la protection qu'apportait aux travailleurs une raffinerie de sucre au Québec, puisque c'était essentiellement un secteur-témoin qui était au Québec. Mais le Parti libéral, je me rappelle, dans les slogans, il y a quelques années, quand il disait: Les libéraux donnent aux étrangers...

Une voix: M. le Président, question de privilège.

M. Garon: Bien là, le Parti libéral...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant, M. le député de Lévis! Oui, M. le député de Taschereau.

M. Leclerc: M. le Président, question... Une voix:...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant!

M. Leclerc: Question de privilège, M. le Président. Je vous demanderais de rappeler le député de Lévis à l'ordre, qui prétend que je suis en conflit d'intérêts...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, ce n'est pas une question... Je m'excuse, M. le député de Taschereau, ce n'est pas une question de privilège, sûrement pas. Vous pensez à une question de règlement. Ce n'est pas une question de règlement, je m'excuse. Allez-y, M. le député de Lévis, continuez votre intervention.

M. Garon: Je vous remercie, M. le Président. Je veux dire que le député de Taschereau est là pour tuer le temps, on le sait. Mais j'espère que, ce matin, quand il prendra son café, il ne mettra pas de sucre dedans, parce que ce sera du sucre importé. Grâce au gouvernement actuel, ce sera du sucre importé, un gouvernement qui a préféré du sucre importé. Je regarde le député qui présente le bill actuel et qui, grâce à ce sucre importé, fera faire de l'esclavage

humain. Aujourd'hui, quand le Canada achète du sucre sur les marchés internationaux, c'est un pays qui contribue à l'esclavage humain parce que c'est le secteur actuellement où il est reconnu que ceux qui font de la canne à sucre font l'esclavage des êtres humains. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quand j'avais fait un discours à l'Assemblée nationale justement en 1986 ou en 1987, j'avais dit, à ce moment-là, que les travailleurs gagnaient 0,25 $ par jour, les Haïtiens qui travaillaient en République Dominicaine, du lever du soleil au coucher du soleil, 0,25 $ par jour, il me disait qu'il m'avait à moitié cru et il était allé en République Dominicaine et il avait eu un contact pour pouvoir aller voir ce qui se passait. Il demandait aux travailleurs combien ils gagnaient. Ils lui ont dit: 8 $ par mois. 8 $ par mois, je vous dis que c'est autour de 0,25 $ par jour. Quand on dit qu'il y a des augmentations de productivité dans le sucre, la seule augmentation qu'il y a, c'est de fouetter les gens davantage pour pouvoir leur donner les 0,25 $ par jour. La seule augmentation possible. Et c'est ça que le Canada fait actuellement en exploitant par sa politique sucrière l'esclavage dans le monde. Gouvernement d'hypocrites que vous supportez. On va faire toutes sortes de palabres sur l'Afrique du Sud, quand on supporte l'esclavage dans le monde par ces politiques nauséabondes, minables, écoeurantes, comprenez-vous? Dans le domaine du sucre, dont ce gouvernement-là est responsable... Facile de parler, M. le Président. C'est comme les questions de l'environnement, M. le Président. Et aujourd'hui, on a des questions essentiellement de travailleurs, on parle de questions fondamentales: il s'agit de la sécurité au travail, de la santé et des accidents du travail.

M. le Président, si le député, ministre des Transports, qui a de la misère à se tenir debout pour marcher droit, mâcher de la gomme et marcher en même temps, pouvez-vous lui demander...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Garon: M. le Président, pouvez-vous asseoir le député, ministre des Transports, qui ne sait pas vivre et lui demander de se fermer s'il n'a rien à dire comme d'habitude? M. le Président...

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît! M. le député de Lévis, continuez votre intervention. Le ministre des Transports, auquel vous faisiez référence, est assis à sa banquette et il vous écoute. Allez-y.

M. Garon: M. le Président, le ministre des Transports devrait modérer ses transports, parce que, essentiellement, s'il y a quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il fait, c'est bien lui.

Des voix: Oh! Oh!

M. Garon: M. le Président, quant à ce projet de loi là, c'est un projet de loi important qui concerne la santé des travailleurs et la sécurité des travailleurs qui, dans les entreprises, ont besoin d'une certaine sécurité. Quand on regarde une caisse qui est en déficit de 800 000 000 $, il y a des raisons, et quand on voit, par exemple, que l'administration a jugé bon de baisser les cotisations en 1990, ça s'est fait, quoi? au pif? Pour des raisons politiques, pour faire croire qu'il y avait une meilleure administration gouvernementale alors que, même malgré des engagements, on disait que, s'il y avait un déficit en 1990, on augmenterait les cotisations et, en 1991, les cotisations ont encore baissé, M. le Président, de 2,75 $ à 2,50 $ et à 2,32 $, ce qui voulait dire, en termes d'indexation, exactement 2,17 $, M. le Président. Et aujourd'hui, on se retrouve avec quoi? Avec un déficit épouvantable.

Alors, quand on parte de regarder ce qui se passe exactement, c'est le même genre d'improvisation qui avait fait sans doute baisser les cotisations en 1990. Et la présidente elle-même indiquait qu'elle n'était pas d'accord avec cette baisse des cotisations. Aujourd'hui, je comprends qu'on peut avoir des députés bouffons, des députés bouffons, qui ne valent même pas le temps de la Chambre; ils devraient voir comment ça coûte, le temps de la Chambre en cette Chambre. Il est 6 heures du matin, une heure indue pour faire des projets de législation, et je suis persuadé que, quand le député, le ministre qui, actuellement, présente ce projet de loi était dans les syndicats, il disait au gouvernement que c'était épouvantable de légiférer à cette heure-là. On légifère pour les travailleurs - il est 6 heures du matin - jour et nuit, alors qu'on a des projets de loi et une administration pourrie à la CSST qui fait qu'il y a un déficit de 800 000 000 $. Alors qu'on disait qu'auparavant c'était bon, qu'on pouvait baisser les cotisations, on se rend compte que c'était improvisé, qu'on faisait n'importe quoi, et aujourd'hui on se dit qu'on peut improviser encore une fois en inventant un projet de loi sans avoir les études actuarielles et les concertations, les consultations qui devraient être faites, M. le Président.

Le sanctionnement, M. le Président... J'entends le député de Gatineau, vous savez, il passera pour quelqu'un qui avait un cri, sauf que vous verrez dans le Journal des débats qu'on ne verra pas grand-chose sous son nom. M. le Président, c'est facile d'avoir des députés, beaucoup de députés en cette Chambre sont rentrés sans être connus et vont sortir sans être connus davantage. Pourquoi? Parce qu'essentiellement ils ne font pas un travail sérieux sur les projets de loi qui sont présentés en cette Chambre. Ils

contribuent par leur présence ici, aujourd'hui, à ce qu'on fasse un débat insignifiant, en pleine nuit, avec des discours comme on a entendus cette nuit, le député qui était là pour tenir le temps.

M. le Président, on dit que ce n'est pas normal de légiférer, et c'est pour ça, la motion de report, essentiellement. Ce n'est pas normal de légiférer en fin de session en pleine nuit sur quelque chose qui concerne tous les travailleurs du Québec. C'est de même qu'on traite les travailleurs au Québec avec le gouvernement actuel. On traite les travailleurs comme si c'était des restants de fond de cour, comprenez-vous, comme si c'était des déchets. Et on les traite avec quoi? Avec des projets de loi à 6 heures du matin alors qu'ils auraient le droit d'être travaillés avec des gens reposés, avec des études normales, avec des gens qui veulent donner leur opinion dans des commissions parlementaires, plutôt que dans le genre de brimbalages où on se retrouve actuellement.

Je suis gêné, M. le Président, pour le ministre, qui est pris dans une situation d'être en otage de son gouvernement, de présenter un projet de loi à cette heure-là, alors qu'il sait, comme représentant des travailleurs dans le domaine syndical, que ce n'est pas de cette façon-là qu'on doit traiter les travailleurs. C'est un domaine difficile, les accidents du travail, c'est un domaine difficile. J'en ai vu, moi, plusieurs qui sont venus à mon bureau de comté, plusieurs personnes qui ont eu des accidents du travail qui sont venus à mon bureau de comté. Je dois dire que, essentiellement, comme député de comté, on ne voyait pas souvent des cas avant 1986 comme on en voit actuellement, des cas qui viennent pour la CSST... M. le Président, s'il y a des députés qui ne sont pas en état de siéger, êtes-vous capable de les sortir?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le député de Lévis, si votre intervention provoque certaines réactions qui sont à peu près normales, comme ça a été le cas suite à la dernière phrase, je n'interviendrai pas. Votre intervention peut susciter des réactions. À partir du moment où les réactions sont normales, elles sont tolérables à l'intérieur de l'Assemblée. Alors, continuez votre intervention, M. le député de Lévis. Oui?

M. Jolivet: Question de règlement, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, sur quoi? Allez-y.

M. Jolivet: Sur ce que vous venez de dire. M. le Président, mon collègue a le droit...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Absolument.

M. Jolivet: ...en vertu de ce règlement de l'Assemblée nationale d'intervenir sans que des personnes qui ne se trouvent pas à leur banquette, en vertu de l'article 32, interviennent indûment pour faire en sorte de nuire à mon collègue pendant son allocution. Alors, je vous demanderais, M. le Président, de demander aux gens de rejoindre leur banquette.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, là, vous soulevez l'article 32, paragraphe 3. Vous avez raison. Ça, vous pouvez exiger que chaque député regagne sa banquette. Alors, je demande aux députés de le faire, et vous faites référence à l'article 36, et vous avez raison de le dire: Aucun député ne peut interrompre celui qui a la parole, sauf pour faire un rappel au règlement, signaler le défaut de quorum ou attirer l'attention sur une violation de droit ou de privilège. J'ai indiqué au député de Lévis que son intervention peut - et ça peut être même recherché par lui ou un autre parlementaire - provoquer une réaction. En autant que la réaction est normale, ça ne constitue pas une violation à nos règlements ou à la Loi sur l'Assemblée nationale. Allez-y, M. le député de Lévis. (6 h 10)

M. Garon: M. le Président, vous devriez lire les discours des députés ministériels lorsqu'ils devaient siéger trop tard. Le gouvernement, qui avait dit qu'il voulait légiférer moins mais mieux, légifère beaucoup moins mais beaucoup plus mal. C'est le résultat qu'on a en cette Chambre. Ne vous cassez pas la tête, on va se revoir sur les prochaines tribunes, mais les travailleurs, comprenez-vous, actuellement où on perd 100 000 emplois depuis un an au Québec, où on perd des jobs, et où en plus il y a ceux qui sont blessés dans les emplois, on veut les traiter plus mina-blement.

M. le Président, c'est un projet de loi qui mérite d'être étudié davantage qu'il l'est actuellement, d'une autre façon qu'il l'est actuellement, et c'est pour ça la motion de report du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, essentiellement. Les travailleurs ont droit à plus de respect que ça. Je regrette, je comprends que certains députés que j'ai entendu tout à l'heure en cette Chambre, comme le député de Taschereau... il a l'air à s'en foutre comme de sa dernière chemise, des travailleurs du Québec, sauf que les travailleurs ont le droit d'être traités mieux que ça. Ils ont le droit d'être traités avec plus de respect que ça. Ils ont le droit... Quand je vous parlais, tantôt, du chantier MIL Davie, il y a 5000 cas, plus de 5000 cas, depuis 1986, d'accidents de travail, 5000 cas. Pas un cas ou deux cas, là, seulement dans une entreprise. Il y a beaucoup de gens qui sont... Au cas où vous ne le sauriez pas, même il y a eu des morts au cours des dernières années. Il y a même eu des morts. Évidemment, il y a peut-être des députés dans cette Chambre qui s'en foutent, hein.

Moi, je n'ai pas été élevé dans une république de bananes. Je n'ai pas été élevé dans une place, comprenez-vous, où la vie humaine ne compte pas, ou on considère que c'est «expendable», comme ils disent dans certains endroits, comprenez-vous. J'ai toujours été élevé dans un endroit, l'Amérique du Nord, où on considère que la vie humaine, c'est sacré, et qu'il y a une chose qu'on doit faire... Puis, surtout d'être estropié, puis infirme pour la vie, parce qu'il y a de la négligence dans des entreprises. De quelle façon on va traiter ça, hein?

S'il y a un projet qui demande d'être étudié, c'est un projet comme celui-là qui demande d'être étudié, d'être étudié dans des conditions idéales, parce qu'il y a des gens qui vont souffrir énormément d'une mauvaise loi comme celle-là. C'est facile de dire qu'on abuse. Mais, moi, j'ai appris une chose. Le député de Mille-Îles, qui est avocat, le sait aussi quand, dans le domaine de l'assurance, des gens sont touchés, le juge donne toujours le bénéfice du doute au bénéficiaire, tout le temps.

Dans le projet de loi qu'on a devant nous, là, on n'a pas le même sentiment. On a l'impression très forte que, quand le bénéfice du doute-on apporte quelqu'un pour faire l'arbitre, puis on le traite un peu à la bonne franquette, un peu rapidement, tandis que, dans le domaine de l'assurance, dans le domaine privé, le juge accorde toujours, en cas de doute, le bénéfice non pas à la compagnie, toujours à l'assuré, parce que c'est lui qui doit... parce que ce n'est pas lui qui spécifie les clauses. Ce n'est pas lui qui détermine les règles; lui, il les subit. À ce moment-là, comme il les subit, il doit avoir le bénéfice du doute.

C'est pourquoi, M. le Président, un projet de loi comme celui-là... puis je pense que la motion qui a été présentée est une bonne motion, de prendre le temps qu'il faut pour étudier ça non pas dans des marathons à 6 heures du matin, comprenez-vous, M. le Président, mais qu'on étudie ça en plein jour, normalement. Prendre le temps qu'il faut par respect pour les millions de travailleurs qu'il y a au Québec qui peuvent être assujettis à la loi, puis qui peuvent dépendre de la loi, puis qui peuvent être pris dans des accidents du travail, puis être pris pour leur vie entière dans une des séquelles d'accident de travail, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Lévis. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, M. le ministre du Travail, vous avez droit à une intervention de 15 minutes.

Des voix: Bravo! Bravo!

M. Normand Cherry M. Cherry: Merci, M. le Président. Bien sûr, presque huit heures plus tard, je me réfère à celui qui vient de céder la parole en disant qu'on ne devrait pas faire ça à des heures indues. Je lui rappellerai qu'on est en débat sur ce projet de loi depuis bientôt huit heures.

M. le Président, il me semble, à ce moment-ci, important de rappeler certains faits qui ont tout le sens du débat que nous avons entrepris de faire. Certains ont invoqué, comme si ce projet de loi là se faisait à la vapeur, à la dernière minute, en catimini, comme si tout ça, là, était caché ou nébuleux. Je tiens à rappeler, M. le Président, que, dans un premier temps, dès l'automne dernier - donc, on va reculer, là, environ de huit mois en arrière - j'ai référé le dossier de la situation de la CSST au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.

Pourquoi j'ai choisi de l'envoyer, là? Dans un premier temps, M. le Président, parce que la loi de la CSST en est une qui est basée sur le paritarisme. Donc, j'ai pensé que le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où sont représentés l'ensemble des partenaires, beaucoup plus large que ceux qui sont à la CSST, l'ensemble patronal comme syndical au Québec... Dans un deuxième temps, M. le Président, je l'ai référé là à la demande des parties. Pas un caprice du ministre, mais à la demande des parties, à la suggestion des parties et, de façon plus insistante, à la suggestion des parties syndicales. On m'a dit: M. le ministre, référez-le au Conseil consultatif, offrez-nous ça à un débat plus large et nous nous engageons à vous présenter des recommandations de mesures législatives et administratives pour corriger la situation de la CSST.

Durant cette même période, M. le Président, j'ai, en cette Chambre, informé que si des groupes souhaitaient être entendus devant le Conseil consultatif, si des groupes souhaitaient présenter des mémoires au conseil consultatif, c'est avec plaisir et empressement que je faciliterais la démarche de ces groupes. J'ai même, à l'époque, vous vous en souviendrez, M. le Président - le Journal des débats en témoignera - suggéré à la formation de l'Opposition, à notre collègue, la députée de Chicoutimi, responsable dans ce dossier, que si elle souhaitait, personnellement, témoigner devant la Commission pour y déposer un mémoire...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le ministre! Un instant! M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, puisque le ministre nous donne la prestation d'un discours important, pourrait-on avoir le quorum?

M. MacMillan: Je m'excuse, on l'a, le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un ins-

tant! Un instant! Un instant!

M. MacMillan: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non, je suis à vérifier le quorum. Non, non, je suis à vérifier le quorum, je m'excuse. Il y a quorum, allez-y!

M. MacMillan: M. le Président, une question de règlement. Les gens qui fument, en arrière de l'Assemblée nationale...

Une voix: Sur quoi?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non, je m'excuse, M. le député de Papineau, ce n'est pas une question de règlement. Je veux rappeler aux parlementaires qu'en vertu de l'article 36, tout député peut soulever la question de quorum comme tout député peut invoquer également le paragraphe 3 de l'article 32, à savoir que chaque député doit être assis à sa banquette et on ne peut pas lui en faire reproche. Allez-y, M. le ministre, continuez votre intervention.

M. Cherry: merci, m. le président. on reconnaît l'habileté du député de laviolette, qui souhaitait que je perde le fil de mon idée, en étant en train de rappeler à cette assemblée...

M. Jolivet: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Laviolette.

M. Jolivet: M. le Président, en vertu du règlement, il n'y a personne qui peut m'imputer quelque intention ou motif que ce soit. Mon travail de représentant de l'Opposition m'indiquait qu'il fallait demander quorum à ce moment-là.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le nis-nistre, je venais tout juste d'indiquer que l'article 36 permet et permettait au député de Laviolette de soulever le quorum. Vous ne pouvez pas lui en faire reproche de quelque façon que ce soit. Continuez votre intervention, s'il vous plaît.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Je disais donc, avant que le député de Laviolette exerce son droit et demande le quorum, que j'avais même offert à notre collègue, la députée de Chi-coutimi, si elle souhaitait, au nom de sa formation politique, présenter un mémoire au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre ou si elle souhaitait y témoigner personnellement, que je faciliterais cette démarche parce que, disait-elle, elle souhaitait une contribution de sa formation politique à l'élaboration de recomman- dations, de mesures et législatives et administratives dans la démarche qu'avait acceptée le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Vous conviendrez, M. le Président, qu'elle ne s'est pas prévalue de cette offre, n'a sollicité aucune entrevue et n'a déposé aucun mémoire. (6 h 20)

Six mois plus tard, le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, et avec déception, je l'ai déclaré, a décidé de déposer, chacune des parties, ses propres recommandations n'ayant été, d'aucune façon, capable de faire unanimité pour respecter le mandat qu'elles avaient sollicité, à savoir des recommandations de nature législative et administrative. Devant ce constat d'échec des parties et devant la non-contribution de la formation des gens d'en face, j'ai décidé, dans le but de sauvegarder le régime de la CSST, pour mieux protéger les travailleurs et travailleuses du Québec, de déposer un projet de loi.

On m'avait prévenu, M. le Président, qu'on me ferait la vie difficile. On m'avait dit que ce serait mon baptême. J'accepte. Ce sont les règles du jeu, et je les accepte, M. le Président. J'ai accepté les responsabilités qui sont celles que m'a confiées notre formation politique. Je dépose un projet de loi et j'ai offert d'entendre les groupes intéressés. J'ai offert d'entendre des groupes qui me sont suggérés et j'en nommerai certains: évidemment, les formations syndicales, à savoir...

M. MacMillan: Je m'excuse, question de règlement, M. le Président. L'article 32 pour les députés, pour qu'ils soient assis à leur place.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 32, si les députés veulent reprendre leur banquette. S'il vous plaît! S'il vous plaît! Oui, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: M. le Président, je pense que dans cette Chambre, on doit démontrer une attitude digne d'un parlementaire, et ce qui se passe quelquefois derrière votre dos, je sais que c'est difficile pour vous d'avoir des rétroviseurs mais, nom de Dieu! que ce n'est donc pas quelque chose de digne d'un parlementaire.

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît, M. le député! Alors, M. le ministre, si vous voulez poursuivre votre intervention. Il vous reste sept minutes.

M. Cherry: Merci, M. le Président. Donc, durant les huit heures qui ont précédé, en aucun moment les faits que je viens de rapporter n'ont été soulevés par aucun des intervenants de nos amis d'en face. Pourtant, ils sont la raison même de ce projet de loi. On parle de collaboration. On ne fait qu'en parler parce que, quand il est

temps de joindre le geste à la parole, on invoque les raisons que nous avons, ensemble, eu à entendre dans les dernières heures.

M. le Président, les travailleurs et travailleuses du Québec ont droit de s'attendre, de la part de leurs législateurs, devant la situation qui fait l'unanimité quant à sa précarité, quant aux difficultés... Et, là-dessus, il y a unanimité. Évidemment, ça diffère au niveau des solutions et ça, c'est tout à fait normal. Un des éditorialistes - et j'irai de mémoire, M. le Président, je crois que c'est Jean Francoeur du Devoir - disait qu'il y aura impossibilité de réconcilier les parties et que, dans ce domaine-là, il est fort possible qu'il faudra que le ministre fasse un bout de chemin seul.

M. le Président, j'accepte la responsabilité. J'ai confié aux parties le mandat qu'elles m'ont demandé. Elles n'ont pu mener à bonne fin l'exercice qu'elles avaient ensemble accepté de faire. La situation commande que je dépose le projet de loi qui est devant nous, et vous pouvez être assuré, M. le Président, que dans l'esprit de collaboration qui m'a toujours animé, chaque fois qu'il sera possible de faire cheminer ce dossier dans le respect de l'échéancier qu'on s'est fixé, c'est avec collaboration que je le ferai, mais en n'acceptant jamais qu'on soit détourné de l'objectif de bien protéger les travailleurs et les travailleuses accidentés du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vais mettre maintenant aux voix la motion du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant, à la fin, les mots "dans trois mois".»

M. Chevrette: M. le Président, j'aimerais qu'on fasse appel aux députés pour un vote nominal.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'appel nominal du vote est demandé. Qu'on appelle les députés! (6 h 25 - 6 h 33)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît! Je mets aux voix la motion du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques qui se lit comme suit: «Que la motion en discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en ajoutant à la fin les mots "dans trois mois".»

Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Garon (Lévis), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Artha-baska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jon- quière), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Boule-rice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion (Montmorency), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis), M. St-Roch (Drummond), M. Le-clerc (Taschereau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Messier (Saint-Hyacinthe), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFontaine), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégan-tic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouil-iette (Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Y a-t-il des abstentions? Aucune abstention. le secrétaire: pour: 15 contre: 33 abstentions: 0

Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion est rejetée. Nous poursuivons sur la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le député de Montmorency.

Des voix: Bravo!

M. Jean Filion

M. Filion: M. le Président, comme vous pouvez le constater, ce projet de loi est un projet de loi tellement important que nous allons certainement, tous et chacun de l'Opposition officielle, dire ce qu'on en pense. La santé et la sécurité du travail, je pense que c'est quelque chose de tellement important dans notre société qu'on ne peut pas commencer à légiférer à la pièce. J'écoutais le député de Mille-Îles, tout à

l'heure, nous raconter qu'effectivement, actuellement, on présente un projet qui, à toutes fins pratiques, ne règle pas, au fond, tous les problèmes, et on le reconnaît. En même temps, on le reconnaît et on dit: Pourquoi se poser des questions si, effectivement, on n'a pas l'intention de régler les problèmes?

La santé et sécurité du travail, la CSST, l'organisme est en déficit, et je pense que ce déficit atteint des proportions inacceptables. On ne peut plus, en tant que gouvernement responsable, légiférer à la pièce, légiférer de façon à régler partiellement les problèmes et, surtout, avoir peur d'examiner à fond les vrais problèmes qu'a cet organisme-là. Il est rendu, bien sûr, 6 h 40, mais je pense que nous allons continuer jusqu'à la fin, nous allons démontrer à la population l'importance que le gouvernement doit accorder à ce projet. Il doit s'arrêter et reconsidérer une étude détaillée de toutes les implications et des conséquences du projet de loi.

J'écoutais le député de Mille-Îles, tout à l'heure, nous faire un beau discours sur la gestion, sur le contrôle de la gestion. M. le Président, un déficit, ce n'est pas très compliqué, ça se résume à ceci: revenus moins dépenses égale déficit. À partir du moment où on est face à un déficit et qu'on doit commencer à regarder ce qui se passe, parce que le projet de loi, au fond, ne vise qu'à mettre en branle des procédures pour éliminer le déficit, comment voulez-vous qu'on ne se questionne pas quand on regarde l'aspect des revenus de la CSST? Au cours des deux dernières années, on a réduit les taux. On réduit systématiquement les taux de revenus et on s'étonne - et on s'étonne - de faire un déficit additionnel. En 1990, on avait un taux moyen de 2,75 $ qu'on a baissé à 2,50 $. On a créé un déficit en 1990 et, en 1991, encore une fois, on réduit les taux. On se retrouve encore une fois avec un autre déficit de tout près de 800 000 000 $. (6 h 40)

Alors, M. le Président, il faudrait qu'il y ait du sérieux. Je pense que le principe de l'im-putabilité, c'est un principe qui doit effectivement s'appliquer, et il y a des gens qui doivent rendre compte. Actuellement, on est en train de légiférer des mesures pour restreindre davantage l'application et la sécurité des travailleurs, où on y va uniquement sur une partie du problème, où on semble vouloir tout mettre sur la faute de la personne qui a subi le préjudice. On semble dire qu'il y en a trop qui subissent des accidents; c'est eux qu'on va pénaliser. M. le Président, ce n'est pas ça. Le problème, à la CSST, c'est un problème d'ensemble. On ne peut pas légiférer à la pièce. Je pense qu'au niveau des revenus, juste là, on est en train de réduire les contributions de la part des employeurs. Et je pense qu'à ce niveau-là l'employeur va devoir faire sa part.

Il y a un cas qui est arrivé dans mon comté, récemment. On est venu m'expliquer qu'une entreprise de Toronto savait et connaissait la problématique: dans l'usine, il y avait des gaz toxiques qui s'échappaient. On laissait travailler les gens dans l'usine, sachant très bien que ce gaz-là allait, à toutes fins pratiques, rendre les gens malades. De façon délibérée, l'entreprise, M. le Président, venait d'entraîner des coûts sociaux à notre société et venait d'accepter que des travailleurs soient malades, chez nous. Au fond, on s'en foutait, M. le Président, parce que les patrons, là-dedans, n'ont rien à assumer. C'est la CSST qui va s'en occuper par la suite et la santé des travailleurs québécois, bien, ce n'est pas important!

Je pense qu'il y a une conscientisation, M. le Président, autant du côté patronat, qui doit s'exercer au niveau de l'assurance et de la couverture des gens qui subissent des préjudices et des accidents au travail.

M. le Président, moi, je pense qu'un projet de loi comme celui qui nous est présenté actuellement, le projet de loi 35, n'est que partiel, n'est que partiel et ne fait pas l'unanimité. Tous les groupes, tous les intervenants le disent, et tout le monde demande une enquête, un examen plus approfondi de ce qui se passe avec cette CSST.

Alors, M. le Président, comment voulez-vous qu'on puisse accepter de voter un projet de loi sans dire au gouvernement en place, qui agit d'une façon improvisée et qui devient un peu, M. le Président, avec les années, l'expert des déficits... Vous savez, M. le Président, le déficit de la CSST de 800 000 000 $... Quand vous commencez à regarder le déficit record auquel on vient d'assister au niveau budgétaire, de 4 200 000 000 $, et qu'ils ont augmenté la dette, la dette, de 5 000 000 000 $, juste dans l'année 1991-1992... M. le Président, je pense que ce gouvernement-là commence à avoir des problèmes sérieux de gestion et beaucoup de plomb dans l'aile, effectivement. Je pense que là, il va falloir que ces gens-là prennent au sérieux les commentaires venant de tous les groupes et qu'ils s'assoient d'une façon responsable et qu'ils examinent en détail les solutions à apporter et non pas une législation à la pièce qui, à toutes fins pratiques, ne corrigera pratiquement rien.

Alors, M. le Président, de l'Opposition officielle, nous allons effectivement continuer à expliquer à la population que la santé et la sécurité au travail, c'est très important, et que les gens doivent avoir de l'information. Nous, notre rôle, M. le Président, c'est justement de rester éveillés et de questionner le gouvernement en place, de fournir ces informations-là, M. le Président. C'est ce qu'on a fait toute la nuit, M. le Président. On est restés éveillés et on va continuer de l'être, effectivement, parce qu'on n'a pas le choix, M. le Président. S'il fallait qu'on oublie le rôle qu'on doit jouer, ce serait catastrophique.

Vous savez, M. le Président, j'ai une

expérience parlementaire encore toute récente, mais, déjà, des quelques projets de loi que j'ai étudiés, M. le Président, c'est phénoménal ce qui se passe. Vous savez, quand on est rendu qu'un gouvernement vote sur des trous fiscaux, c'est spécial. On reconnaît qu'il y a un trou dans la loi et on vote pour le trou. C'est très très très spécial. Imaginez-vous, M. le Président, s'il faut surveiller ce qui se passe dans cette Chambre-là!

M. Chevrette: Je voudrais m'excuser auprès de mon collègue. Je vous demanderais, M. le Président, de bien vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés.

M. Chevrette: C'est ça.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): si vous voulez prendre place. m. le député de montmorency, si vous voulez poursuivre votre intervention, je note qu'il reste 12 minutes à votre intervention.

M. Filion: Merci, M. le Président. On devrait en avoir plus, mais on va prendre les 12 minutes qu'il nous reste. M. le Président, je parlais de la législation qui se passe ici, en cette Assemblée, et, tout à l'heure, le député de Mille-îles, effectivement, qui est une personne très consciencieuse et une personne qui, d'ailleurs, écrit des livres très intéressants, semble-t-il...

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Fiiion: ...nous donnait un cours sur la bonne gestion du gouvernement, comment ça devrait s'opérer. Il nous faisait un peu la leçon, à savoir qu'il faut être consciencieux et responsable et faire en sorte que ça se passe correctement dans cette Chambre. Je lui rappellerais, M. le Président - et c'est ce que j'étais en train de lui expliquer - qu'en cette Chambre son propre gouvernement avait voté sur un trou fiscal avec la loi 170 sur la TVQ. Et, tout récemment, j'étais en train d'étudier un projet de loi, M. le Président, un deuxième, un projet de loi privé, et là ce gouvernement-là nous présente - écoutez bien, M. le Président - des clauses illégales, des clauses qui, à toutes fins pratiques, vont être contestées par les tribunaux. On nous en fait un beau projet de loi, on nous le présente, et on dit: Votez pour ça; c'est, à toutes fins pratiques, illégal, mais ce n'est pas grave. Ici, au gouvernement, on peut légiférer, on a la souveraineté, on peut légiférer sur n'importe quoi.

Alors, M. le Président, je pense que des leçons, on n'en a pas beaucoup à avoir, des leçons, quand on est face à des situations aussi cocasses et même ridicules que celle de voter sur un trou fiscal et des projets de loi avec des clauses carrément illégales et reconnues illégales par les tribunaux. Et la jurisprudence est très éloquente à cet effet. Et quand je l'ai présenté en commission, on m'a répondu: Non, non, non. J'avais tort. Mais, actuellement, on est en train de l'étudier au ministère de la Justice, et on va nous revenir avec ça.

Alors, de l'improvisation, M. le Président, vous en voulez, il y en a. On en a plus qu'on en a besoin, et c'est ça, actuellement, que l'Opposition est en train de décrier à travers ce projet de loi là, le projet de loi 35. Un projet de loi qui doit être repensé, où on doit faire intervenir les gens, tous les intervenants, M. le Président, et qu'on fasse la lumière. Est-ce qu'il y a des choses à cacher à la CSST? Pourquoi on nous empêche de questionner le président? Pourquoi on nous empêche de lui demander des informations sur sa gestion? M. le Président, c'est une gestion qui, à toutes fins pratiques, est complètement injustifiable.

M. Diamant ne fait pas des affaires d'or, M. le Président, et c'est ça, notre problème à la CSST. S'il faisait des affaires d'or, on n'en parlerait pas. Non seulement il ne fait pas des affaires d'or, mais, actuellement, il est en train de changer les règles du jeu. Lui, ou on ne sait pas trop qui, change les règles du jeu sans se poser les vraies bonnes questions. Et, M. le Président, on ne peut pas accepter, au nom des citoyens et des citoyennes du Québec, qu'on compromette une couverture d'assurance aussi importante que celle de la santé et la sécurité au travail. Et ces gens-là, qui pensent déjà à leur retraite, il faudrait qu'ils aillent plus loin, M. le Président. Je peux très bien comprendre qu'ils aient le goût d'abandonner la politique parce que, effectivement, les sondages ne les favorisent pas - ça, je peux comprendre ça - mais de là à penser uniquement à bonifier un régime de retraite ou de pension, il faudrait aussi s'assurer que les travailleurs et les travailleuses du Québec... (6 h 50)

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Je m'excuse, M. le député.

M. Chevrette: ...vous allez être obligé, encore une fois, de rappeler le quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais vérifier s'il y a quorum, M. le député.

M. Chevrette: 18.

Une voix: C'est correct.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez poursuivre.

Des voix: Ha,ha, ha!

Une voix: II y a à nouveau quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je constate qu'il y a quorum. M. le député, si vous voulez poursuivre.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Filion: Merci, M. le Président, de voir que les gens sont encore intéressés à entendre ce qu'on a à dire.

M. le Président, comme je le disais, j'étais en train de parler, justement, des régimes de pension lorsqu'on m'a coupé la parole, et je me disais qu'on devait avoir un souci aussi grand, face à la sécurité des travailleurs au Québec, qu'on peut avoir un souci important lorsqu'on parle de bonifier le régime de pension d'un député.

M. le Président, si on avait ce même souci-là, on ne serait pas, actuellement, en train de discuter d'un projet partiel, d'un projet qui ne règle, à toutes fins pratiques, presque rien à la problématique d'ensemble de la CSST. C'est là, M. le Président, qu'on a un problème de comportement, au niveau du gouvernement libéral, et je pense qu'on devrait, d'une façon sérieuse, s'arrêter, écouter les gens, écouter ce qu'ils ont à dire. Les gens sont conscients des problèmes, mais il n'y a personne qui veut s'asseoir d'une façon responsable et faire en sorte qu'on trouve des solutions ensemble et qu'on écoute ce qui se passe.

M. le Président, on ne peut pas accepter un déficit de 800 000 000 $ en disant: On va faire un petit projet de loi, trois ou quatre petites mesures. On ne règle rien, mais ce n'est pas grave. Ils vont penser qu'on a réglé quelque chose, surtout lorsqu'on demande au gouvernement de nous donner quelques heures pour qu'on puisse poser des questions et qu'on puisse, au nom de la population, les rassurer qu'au fond il fait du bon travail, le gouvernement en place.

Mais, qu'est-ce que vous voulez, le gouvernement ne veut pas. Il ne veut pas ouvrir. Il ne veut pas laisser questionner les dirigeants, ceux qui sont responsables. C'est vrai que, du côté du gouvernement en place, M. le Président, ce sont les premiers à demander qu'on impute aux hauts fonctionnaires des responsabilités. Mais, lorsque l'Opposition demande à ces gens-là de les amener autour d'une table pour qu'ils répondent à des questions, ce sont les premiers à dire: Non, non, non, ne venez pas dire quoi que ce soit. On ne veut rien savoir de ce qui se passe. Au contraire, ce qui se passe chez vous, gardez-le chez vous, puis la transparence, nous, on n'est pas pour ça.

M. le Président, on doit être pour ça. On doit être pour ça quand on parle de deniers publics, quand les gens ne comprennent plus ce qui se passe avec leur surtaxation. Les gens sont surtaxés, M. le Président, et ne comprennent pas où va l'argent. alors, il faut donner la possibilité de faire des tribunes, de faire des séances d'information, et que les gens puissent comprendre ce qui arrive avec leur argent. 800 000 000 $ de déficit rajoutés à un déficit record de 4 200 000 000 $, ça fait beaucoup d'argent.

Une voix: Pour 20 000 000 000 de population.

M. Filion: Mais je vous dirais... Justement, je trouve ça intéressant, ce que vous venez de dire. Quand vous regardez l'évolution du déficit et de l'endettement, c'est intéressant, ça, ce qu'on vient de soulever. Je vais prendre deux petites secondes pour l'expliquer. Savez-vous, en 1984-1985, que l'endettement était rendu à 27 944 000 000 $?

Une voix: Un détail.

M. Filion: Un petit détail. À combien vous pensez qu'on est rendu aujourd'hui, M. le Président?

M. Chevrette: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le député.

M. Chevrette: ...question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la question de règlement.

M. Chevrette: Oui. M. le Président, je pense que vous aurez observé. À trois reprises, je vous ai fait signe, mais là je fais appel à vous pour que vous puissiez faire respecter l'article 32.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous avez raison. Alors, selon l'article 32, en vertu du décorum, si les députés veulent bien prendre les banquettes qui leur sont assignées.

Vous pouvez poursuivre, M. le député.

M. Filion: Merci, M. le Président. Je pense que le gouvernement en place est resté avec des vieux clichés. Ils n'ont pas mis à jour leur information financière. Je vais leur permettre de le faire, avec mon exposé. Savez-vous qu'actuellement on va être rendus à tout près de 55 000 000 000 $ d'endettement? À 55 000 000 000 $ d'endettement sur huit ans, M. le Président, le...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de quel article, M. le député?

M. Chagnon: L'article 211.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article

211, oui.

M. Chagnon: II serait peut-être intéressant de demander au député de revenir sur le sujet.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, vous pouvez poursuivre votre discussion.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Filion: Le sujet, M. le Président, c'est le déficit. M. le Président, le sujet, c'est le déficit. Je comprends que le député de Saint-Louis ne comprend pas ce que c'est qu'un déficit, mais je n'y peux rien, M. le Président. C'est pour ça qu'il y a des décrochages partout. Mais des déficits, ils ne comprennent pas ça. Mais il faudrait quand même leur en parler, ils vivent dedans, puis c'est eux qui le créent actuellement, le déficit, M. le Président, qui crée de l'endettement. Ça va de soi, un déficit, ça crée des dettes. Je n'y peux rien, M. le député de Saint-Louis. Si vous ne comprenez pas ça, je n'y peux rien.

Alors, écoutez. À ce moment-là, M. le Président, les experts du déficit ont réussi à amener un déficit global de tout près de 55 000 000 000 $. De 55 000 000 000 $ au Québec. Et ils ont une augmentation moyenne depuis qu'ils sont au pouvoir, écoutez bien, de 3 400 000 000 $. M. le Président, 3 400 000 000 $, c'est la moyenne la plus élevée. Sous le Parti québécois, on était à 2 500 000 000 $. Alors, ces gens-là, M. le Président, leurs informations financières ne sont plus à jour. Ils vivent avec de vieux clichés, ils s'imaginent qu'ils ne sont pas au gouvernement, puis ils n'administrent plus rien.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député! M. le député, si vous voulez prendre la parole, je vous reconnaîtrai aussitôt que vous le voudrez. Si vous voulez poursuivre, M. le député, il reste deux minutes à votre intervention.

M. Filion: Merci, M. le Président. Je veux continuer dans cette ligne-là du déficit, parce que le projet de loi - pour revenir au député de Saint-Louis qui pense que je suis hors d'ordre - est là pour corriger des déficits. Alors, M. le Président, le gouvernement libéral, quant à moi, c'est l'expert des déficits. Ils ont dépassé la moyenne du passé qu'on avait, et de beaucoup, de près de 900 000 000 $ de moyenne par année. C'est extraordinaire! Juste dans la dernière année, ils ont pris un endettement de 5 000 000 000 $. C'est fantastique. Alors, essayez d'expliquer ça à la population. Les gens en ont ras-le-bol des déficits, comprenez-vous ça? Ils en ont ras-le-bol. Et là, effectivement, on vous dit: Vous présentez un projet de loi qui ne corrige rien...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!

M. Chevrette: Question de règlement. M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, M. le député.

M. Chevrette: Là, M. le Président, ça fait deux fois. La troisième fois, si on n'est pas capables de faire nos discours sans avoir la paix, je vais vous demander d'ajourner les travaux, point final.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je demande la collaboration de tous les députés de cette Assemblée. L'Assemblée nationale siège et je vous demande votre collaboration. M. le député, si vous voulez poursuivre, il vous reste une minute.

M. Filion: Merci, M. le Président. Maintenant que j'ai fait la démonstration que le gouvernement libéral était l'expert et le champion des déficits, je pense que j'ai terminé à ce niveau-là, M. le Président, mais je vais simplement terminer mon exposé, parce que le temps court et je sais qu'on est limités dans le temps, en disant que ce projet de loi partiel doit être, à toutes fins pratiques, remis sur une table pour qu'on puisse discuter et vraiment arriver à de vraies solutions et que tout le monde puisse y participer.

Motion d'ajournement du débat

Dans ce sens-là, M. le Président, j'aimerais présenter une motion en terminant mon exposé. Cette motion se lit comme suit: «Qu'en vertu des dispositions à l'article 100 du règlement à l'Assemblée nationale le débat en cours, M. le Président, sur la motion soit ajourné.» Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre motion est recevable, M. le député de Montmorency. En vertu de l'article 103, vous avez un temps de parole de 10 minutes. La formation ministérielle a un temps de parole de 10 minutes, un membre de la formation de l'Opposition a un temps de parole de 10 minutes, et vous avez un droit de réplique de 5 minutes. La parole est à vous, M. le député, sur la motion d'ajournement du débat.

M. Jean Filion

M. Filion: Merci, M. le Président. Alors, compte tenu que le projet de loi est sur le déficit, on veut régler le déficit au Québec. C'est important pour ce gouvernement-là de régler le déficit. Alors, M. le Président, les déficits

actuellement, tant à la CSST qu'au gouvernement du Québec, ne sont plus acceptables. La population attend des projets de loi sérieux, des projets de loi où on va s'attendre effectivement à des résultats concrets, des projets de loi où on va sentir que l'administration publique et parapu-blique fait une saine gestion et qu'on va enfin réussir à contrôler ces opérations. (7 heures)

Le projet de loi 35, M. le Président, ce projet de loi là, c'est unanime, il ne règle rien, et même le député de Mille-Îles le reconnaissait tout à l'heure. Alors, à quoi nous sert de légiférer si on ne règle rien? À quoi nous sert de légiférer si on perd notre temps? À quoi nous sert de légiférer, M. le Président, si on n'est même pas capable d'écouter les gens qui ont des choses à dire pour régler les problèmes?

Alors, M. le Président, je pense que là, si on est pour légiférer pour légiférer et qu'on ne règle rien et qu'au fond on ne fait qu'essayer de mettre une espèce de diachylon sur le problème, sans vraiment s'asseoir puis aller voir, à la source, les vraies origines et les corriger, alors, M. le Président, on va se retrouver l'an prochain avec un autre déficit record. Vous savez, M. le Président, on est dans la course à relais des déficits records. C'est parti, M. le Président. Vous savez, on a présenté un budget à 3 790 000 000 $, mais laissez-moi vous dire que l'an prochain, ce déficit-là va être beaucoup plus élevé. On sera encore en face d'un autre déficit record. C'est l'évidence même.

Alors, M. le Président, comment voulez-vous que la population puisse croire que le projet de loi 35 va, à toutes fins pratiques, régler les problèmes en matière de santé et sécurité et, en même temps, régler le problème du déficit quand on continue à faire une diminution des revenus au niveau des cotisations et qu'on ne questionne jamais la gestion de la CSST, M. le Président? Il me semble que ça va de soi. Quand on ne veut pas augmenter les cotisations aux entreprises, il reste une solution à regarder, c'est au niveau de la gestion des dépenses et de l'assurabilité des travailleurs. Alors, la dépense est de deux ordres: l'ordre gestion administrative et l'ordre assurabi-lité.

Alors, M. le Président, il faut regarder la question gestion. Ça coûte une fortune et il y a des choses qui se passent à l'intérieur qui doivent être expliquées. Il y a des choses qui se passent à l'intérieur de cette boîte-là qui doivent être mises à jour, et les gens doivent comprendre ce qui se passe. M. le Président, le rôle de l'Opposition, effectivement, c'est de faire en sorte que le gouvernement libéral soit un tantinet responsable et qu'il donne des explications, qu'il fournisse des informations et non pas se cacher derrière un projet de loi qu'eux-mêmes reconnaissent qu'il ne règle absolument rien.

Comment voulez-vous, M. le Président, qu'on puisse appuyer un peu cette démarche-là?

C'est impossible, M. le Président. On a passé la nuit à l'expliquer à ces gens-là, et je pense qu'ils n'ont pas encore compris, M. le Président. C'est dommage. Probablement qu'ils vont comprendre lorsqu'on se présentera en élection. Les gens vont dire: Bien là, on en a assez, effectivement. Vous ne comprenez rien. On va essayer de vous démontrer sur le plan démocratique que, effectivement, quand on ne veut pas comprendre, il y a une façon de faire comprendre aux gens qu'ils sont insatisfaits.

Il faut faire un exercice, M. le Président, un exercice qui va démontrer une volonté. On n'a rien. On ne sent rien. On ne sent absolument aucune volonté de saine gestion, M. le Président. Tout ce qu'on nous dit, c'est: Voici le projet de loi. Prenez-le ou ne le prenez pas. Nous, la santé et sécurité au travail, pour nous, ça se résume à quelques petits amendements et c'est tout. M. le Président, on est face à un déficit qui n'a pas de bon sens, un déficit qui demande des explications de long en large, des explications où les gens vont comprendre ce qui arrive et ils vont comprendre ce qui se passe.

Alors, pourquoi, M. le Président, ce gouvernement libéral ne veut-il pas fournir d'information à la population? Qu'est-ce qu'il a à cacher? Il faudrait qu'il l'explique, M. le Président, et c'est ce qu'on lui demande. Il ne veut même pas consacrer quatre heures à ce qu'on puisse questionner au nom de la population des gens suppo-sément responsables qui nous diraient ce qui se passe à la CSST. C'est vrai! On ne veut pas nous permettre cette possibilité-là, M. le Président, et, pourtant, on a toutes les raisons qui motivent notre intervention et qui motivent cette position-là.

M. le Président, on ne peut pas subir, d'année en année, déficit par-dessus déficit, et accepter que ce soient toujours des déficits et qu'on ne se remette jamais en question. Si le projet de loi, M. le Président, avait fait l'unanimité des intervenants, si on n'avait pas reçu des informations de partout au Québec nous disant que le projet de loi, effectivement, est bon et va régler ce qu'on pense qui doit être réglé, on ne serait pas en train de se battre et de faire comprendre au gouvernement libéral que ce projet-là n'est pas bon.

Le projet n'est pas bon, M. le Président. Il faut toujours bien le dire. Il faut toujours bien le commenter. C'est un projet de loi qui, à toutes fins pratiques, ne règle rien. Le député de Mille-Îles est d'accord. Il dit: Ce n'est pas grave. On va le voter, puis après ça, on verra plus tard. Mais ce n'est pas comme ça qu'on fait une saine gestion. Lui-même, qui est pour la saine gestion, comment peut-il expliquer qu'on légifère pour rien? Ça ne règle rien.

Alors, M. le Président, le député de Mille-îles, j'ai bien aimé son exposé. C'est vrai qu'il faut tendre vers la saine gestion, puis c'est vrai qu'il faut tendre vers l'efficacité, puis c'est vrai

qu'il faut tendre vers l'affectation de ressources, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Marquette, s'il vous plaît! M. le député.

M. Filion: II est en train de faire ses exercices matinaux, M. le Président. Je continue, M. le Président, parce que le dossier est primordial, le dossier est capital, et le dossier doit être revu par le gouvernement libéral. Le dossier doit effectivement attirer l'attention de ce gouvernement-là. La santé et la sécurité au travail, y a-t-il de quoi de plus important que ça? M. le Président, notre économie est basée sur le travail. Le produit national brut est basé sur le travail, M. le Président. Si on n'est pas capables, chez nous, de se faire des lois où le travailleur va se sentir en sécurité et que le travailleur va sentir que son argent est utilisé d'une façon efficace, on a un problème de société qui est majeur.

Là, on veut effectivement contrôler le déficit et on ne fait rien. On ne fait rien, on apporte un projet de loi qui n'a aucun résultat ou à peu près rien, M. le Président. Alors, qu'est-ce qu'on va devoir faire pour que le gouvernement libéral porte une attention aussi importante qu'il porte à son fonds de pension aux travailleurs et aux travailleuses? Qu'est-ce qu'on va devoir faire pour que ces gens-là soient sensibles aux représentations des gens? S'ils accordent une attention importante au fonds de pension, ils se doivent d'apporter la même attention aux travailleurs du Québec. Dans ce sens-là, c'est pour ça qu'on s'est engagés cette nuit à faire comprendre à ce gouvernement libéral l'importance de la santé et de la sécurité au travail.

M. le Président, quand la personne est rentrée dans mon bureau, puis elle a dit: M. Filion, vous savez, un employeur de Toronto nous intoxique délibérément. Il le sait que notre usine reçoit des gaz toxiques. Ils le savent, ils nous font travailler, et ils s'en foutent, au fond, ces gens-là. Quand les gens vont être malades, M. le Président, qu'est-ce qui va arriver? Ils vont tomber au niveau de la CSST, et l'employeur de Toronto, lui, il s'en lave les mains. Tiens, les Québécois, vous paierez les frais des maladies, puis la CSST s'en occupera. Ils font des déficits, eux autres, puis ce n'est pas important.

M. le Président, c'est important. C'est un projet de loi qui va être remis aux oubliettes, et on doit se pencher sur toute la problématique. Les entreprises de Toronto qui intoxiquent nos gens chez nous délibérément, elles vont devoir comprendre qu'elles aussi ont une responsabilité. Ce gouvernement doit comprendre la responsabilité. C'est lui qui doit d'abord l'assumer pour qu'ensuite on se retrouve avec un projet de loi beaucoup plus acceptable. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Montmorency. Sur la motion d'ajournement, en vous indiquant, M. le leader adjoint du gouvernement, que vous avez un temps maximal de 10 minutes.

M. Jean-Pierre Bélisie

M. Bélisie: Oui, M. le Président. Je commence à le savoir, étant donné que c'est la deuxième motion d'ajournement à laquelle nous avons le droit de participer sur ce même projet de loi. C'est-à-dire que c'est la deuxième fois que l'Opposition tente de revenir et de nous dire: Reportez le projet de loi. Ajournez, ajournez le débat. Réfléchissez encore. Ajournez, ajournez, ajournez! Mais il me semble, M. le Président, que c'était très clair tantôt lorsqu'on leur a dit très clairement, fermement: Non, non, non! Il n'y aura pas d'ajournement du débat. Alors, quand même que vous reveniez une troisième, une quatrième fois, sur une quatrième motion, c'est simplement de faire des procédures dilatoires qui ne donneront strictement rien. Je vous le répète, vous vous méprenez sur la nature du projet de loi. Vous êtes naïfs. M. le Président, l'Opposition est naïve de penser que le projet de loi 35 a pour but de corriger toutes les imperfections, toutes les déficiences de notre régime public de santé et de sécurité au travail. Ce n'est pas le but du projet de loi 35. (7 h 10)

Le projet de loi 35 comporte des mesures ponctuelles, facilement identifiables, qui n'ont rien à voir, qui n'ont pas la prétention de corriger le déficit, de s'attaquer à la question de la parité des parties, c'est-à-dire les patrons, les employeurs et les syndiqués, au conseil d'administration. Le projet de loi ne s'attaque pas à ça, le projet de loi ne s'attaque pas à l'unicité du système, le projet de loi ne s'attaque pas au problème fondamental: Devrait-il y avoir un système public ou un système privé, deux systèmes parallèles? Non. Il s'attaque à des questions aussi fondamentales que de dire: Est-ce qu'un employeur a le droit, s'il se voit imputer des coûts par un employé qui est atteint d'une maladie, d'un accident, d'avoir accès à l'information dans son dossier? Ce n'est pas de midi à 14 heures, là; on ne corrigera pas 800 000 000 $ de déficit avec ça. Si vous ne comprenez pas ça, vous ne comprendrez rien dans les projets de loi présentés à l'Assemblée nationale.

Une voix: Ils ne comprennent jamais rien.

M. Bélisie: Et, en plus, lorsqu'on dit tout simplement 1000 $... bon, une réclamation de 1000 $, il n'y aura plus d'appel pour les choses en bas de 1000 $, on n'a pas la prétention de tout corriger avec ça. Le cheminement, la réflexion, le questionnement doit se faire. Il faut qu'il se fasse. C'est absolument nécessaire.

J'ai écouté très attentivement, M. le Président, le député de Montmorency nous parler... Il a tenté de parler de gestion. Il ne s'est aucunement attaqué à tout ce que j'ai dit, dans mes interventions précédentes, sur le contrôle de la gestion. L'incohérence fondamentale du Parti québécois, de son parti et de son leader qui est là, le leader de l'Opposition, où il représente une philosophie, une position politique qui n'a aucun sens... sur le projet de loi 197, lorsqu'il a été déposé au mois de décembre, je le répète encore une fois, ils se sont opposés à la recevabilité du projet de loi. Nous, on proposait, de ce côté-ci, ce n'est pas compliqué, un déficit zéro, équilibre financier zéro, pas de déficit. Vous et votre parti, votre position, pour tous ceux qui nous écoutent, pour la postérité dans les débats, c'est que vous êtes contre une telle approche. Vous n'avez même pas voulu en discuter, du principe, même pas du principe. Non, nous autres, on ne veut rien savoir de ça.

Le député de Montmorency pense qu'il est crédible en disant: On va parler du déficit de la CSST, on va regarder ça pendant quatre heures de temps. Le leader de l'Opposition, lui, pense, s'imagine naïvement... La preuve, c'est qu'il n'en a jamais fait, de contrôle de gestion. Je me demande, et je suis à peu près convaincu qu'il n'a jamais eu d'entreprise à son nom, parce que s'il avait eu une entreprise et s'il avait eu à faire du contrôle de gestion, d'employés, d'efficience, d'actes posés, de contrôle de coûts, il ne s'imaginerait pas que c'est en faisant venir la tête de la pyramide qu'il va s'asseoir devant une table, puis il va dire: M. Diamant, dites-moi donc, effectivement, ce qui ne va pas dans l'entreprise. Ça, c'est comme si tu amenais ton gérant dans ton entreprise et que tu lui disais: Raconte-moi donc tous tes petits bobos, et c'est sûr, effectivement, que je vais te croire sur parole. Ça, c'est de l'imputabilité par la tête. Ce n'est pas ça. Ce n'est pas ça qui est en cause, ici. Il y a de l'imputabilité par la base aussi.

M. le Président, je veux terminer sur une chose fondamentale. Je pense que le député de Montmorency a voulu faire de la politique. Je vais lui accorder la base d'une compétence que je pense qu'il doit avoir, de dire-Une voix: Ah, c'est beaucoup!

M. Bélisle: ...comme il a dit tantôt, que le déficit... comparer des pommes et des oranges, à 2 400 000 000 $ de moyenne, entre 1976 et 1985 du Parti québécois, et une moyenne en valeur monétaire absolue, c'est de la foutaise.

Une voix: Oui.

M. Bélisle: II faudrait qu'il dise aussi que les revenus budgétaires du gouvernement, à l'époque, entre 1976 et 1985, c'était 22 % du déficit des dépenses courantes que vous faisiez, 21 %. Prenez le déficit de cette année, M. le Président. C'est combien, le déficit de cette année? 3 800 000 000 $? Dans combien, effectivement, de budget de dépenses? Dans 40 000 000 000 $. 9,7 %, comparativement au record jamais battu, digne, du livre des records Guinness que vous, le Parti québécois, avez créé à 21 %, 22 %, 23 %, systématiquement.

Alors, ne comparez pas des pommes et des oranges. On ne compare pas la même chose, là. Ne venez pas dire à la population du Québec... Au contraire, dans les bonnes et les meilleures années du gouvernement du Québec, entre 1970 et 1976, le déficit moyen du Québec, du gouvernement du Québec en matière de déficit gouvernemental, c'était 6 %, 5,5 % des revenus budgétaires de l'État. Puis, ça, c'est le déficit qui est accepté, le déficit d'immobilisation normale d'un budget courant. Alors, ne venez pas nous dire: On va comparer en valeur monétaire absolue 3,4 % avec 4 %. Bien, voyons donc! Un étudiant de première année en économie, il va se faire caler, effectivement, à son examen s'il répond comme ça. Il ne répondra pas les bonnes affaires.

Alors, M. le Président, je répète: la motion d'ajournement - c'est la deuxième - elle est dilatoire. Et si l'Opposition pense qu'elle va faire un contrôle de gestion en consultant de façon particulière M. Diamant, qui va s'asseoir comme un ange devant elle à la commission parlementaire, à écouter ses petites questions... M. le Président, l'Opposition, elle est naïve, elle ne sait pas de quoi elle parle, elle ne connaît pas ce que c'est, la reddition de comptes, elle ne sait pas ce que c'est, demander à être imputable. De toute façon, ils sont contre parce que la députée de Taillon, quand elle a parlé, en deuxième lecture, sur le projet de loi 198 du député de Verdun, à l'article 10... Nous autres, on la demande, l'imputabilité. Elle a dit, au nom de son parti... Puis, quoi qu'en dise le leader de l'Opposition, quoi qu'en dise le député de Montmorency puis quoi qu'en dise la députée de Johnson, ils sont contre. Ils sont contre. Ils ne veulent pas que les hauts fonctionnaires rendent des comptes aux députés de l'Assemblée nationale du Québec, aux membres de l'Assemblée nationale. Qu'ils ne viennent jamais faire accroire à la population...

Je vois, M. le Président, le député de Montmorency tourner la tête en signe de «non». Qu'il relise le discours de la députée de Taillon. Vous allez comprendre, effectivement, que vous n'êtes peut-être pas dans le bon parti puis que vous n'êtes pas orienté pour améliorer les finances publiques du Québec. M. le Président, ce n'est pas compliqué. Le leader de l'Opposition, il peut se laver les mains comme ça, mais je peux vous passer un papier que les citoyens du Québec, quand ils vont se rendre compte qu'une des distinctions fondamentales entre les deux partis, c'est la façon de concevoir l'administra-

tion des sous, des taxes qui sont perçues et qui sont mises dans la caisse de l'État... Qu'est-ce qu'on fait avec? Mais, là, on en a un autre exemple, effectivement. On veut faire un pas en avant. On n'a pas la prétention de faire tout le chemin et de tout corriger mais, au moins, le pas qu'on va faire, on va le faire dans la bonne direction et on n'attendra pas, comme à la première motion de report, M. le Président, trois mois, quatre mois, cinq mois, six mois pour commencer à s'imaginer qu'en ayant des gens autour d'une table, les hauts fonctionnaires qui sont là, le président... que le président de la CSST va arriver puis qu'il va révéler toute la vérité, comme si c'était effectivement du haut du mont Sinaï. On révèle la vérité, la voix de Dieu, puis là, on va tout découvrir, toutes les corrections, toutes les mesures de correction qu'on doit apporter au système de santé et de sécurité publique.

M. le Président, encore une fois, ça fait perdre le temps de la Chambre, perdre le temps des parlementaires. Qu'on passe donc effectivement à d'autres choses qui sont à l'agenda puis à l'ordre du jour, puis, nous, du côté ministériel, on va battre pour la deuxième fois une motion d'ajournement sur ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette motion d'ajournement du débat, je reconnais maintenant M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je vous avoue qu'après avoir entendu le discours que je viens d'entendre, je ne suis pas surpris de la lecture que j'ai faite, oui, de la postface du volume qu'il a écrit, où il se décrit lui-même comme un excellent orateur et un des plus articulés de la Chambre. L'autosuffisance ne manque pas dans son cas, M. le Président, mais, moi, j'espère qu'on le fera écrire par un autre sur notre propre personne pour ne pas se citer soi-même. Premièrement.

Deuxièmement, M. le Président, je n'ai pas eu d'entreprise, mais j'ai administré un des gros ministères de ce gouvernement auquel j'ai appartenu - j'étais le ministre de la Santé - et je n'ai pas eu à téter mes jobs; je les ai gagnées honnêtement par mon travail, ma capacité de faire puis mon savoir-faire, M. le Président. J'en connais, des aspirants autosuffisants comme lui, qui vont en téter longtemps, des jobs, avant d'en avoir une au Conseil des ministres, M. le Président. (7 h 20)

Troisièmement, M. le Président, j'ai écouté cela, et on ne connaît rien, nous, en gestion. On ne connaît rien en gestion, imaginez-vous! On ne sait pas quoi faire, M. le Président, avec ça. On ne sait pas ce qui se passe dans la loi de la

CSST. Autosuffisance! Mon grand-père dirait «frais», et il ajouterait un autre mot en l'écoutant, M. le Président. Je n'ai jamais vu un bonhomme aussi imbu de lui-même essayer de donner des leçons de gestion. Une leçon de modestie, vous pourriez en retirer une, par exemple, parce que la modestie, ça n'étouffe pas et ça rend un gars plus sympathique aux yeux de ceux qui l'écoutent. Quand on essaie de donner des leçons de savoir-faire puis qu'on n'a même pas la capacité de gagner la confiance de son propre parti puis qu'on est considéré comme arrogant à peu près par tout le monde en cette Chambre...

M. le Président, des leçons de modestie, j'espère que le député de Mille-Îles va en retirer une ce matin. Je comprends que la nuit l'a forcé, mais j'espère qu'il va tirer une leçon de modestie de la présente nuit. Ce n'est pas à dire qu'on ne connaît rien dans les dossiers. Il serait peut-être mieux de s'asseoir dans son comté et d'aller écouter les travailleurs qui y vont, M. le Président. Il serait peut-être mieux aussi d'essayer d'écouter quand un autre parle et d'essayer de comprendre, s'il a suivi tous ces cours, lui, le plus articulé. Quand on parle d'une moyenne, en somme d'argent, absolue d'un déficit qui a été sortie par un économiste, lui, il l'a fait, le cours d'économiste. Ce n'est pas un pseudo cours de droit pour donner des leçons de savoir-faire aux autres.

M. le Président, je suis capable d'en prendre, mais je suis capable d'en donner aussi. Puis des leçons de modestie en cette Chambre par le plus imbu de lui-même qui transpire, qui dépasse même le pourcentage d'autosuffisance alimentaire au Québec... Ce n'est pas des farces, M. le Président. Je n'ai jamais vu de l'autosuffisance de la sorte. Et c'est ça qui essaie de nous donner des leçons à 7 h 20 pour un projet de loi pour lequel il aurait suffi précisément de les écouter, les hauts fonctionnaires dont il parlait. Il nous reproche d'avoir empêché le député de Saint-Louis de déposer un projet de loi en cette Chambre. À ce que je sache, c'est la présidence de l'Assemblée nationale. Lui qui est un homme de droit devrait savoir qu'il ne doit même pas contester une décision de la présidence de l'Assemblée nationale. C'est la présidence de l'Assemblée nationale qui a jugé que c'était irrecevable. Vous devriez remercier la présidence parce que vous auriez l'air fou, à la suite du dernier budget de quelque 3 100 000 000 $ de déficit, avec votre moyenne de zéro que vous fixiez dans votre projet de loi.

As-tu vu, M. le Président, une pareille feuille au vent qui s'excite parce qu'il a une réplique à faire plutôt que d'essayer de comprendre et d'écouter ce qui se passe et d'assumer une certaine cohérence dans les propos?

M. le Président, je suis heureux. Je serais prêt à lui donner la parole des demi-heures et des demi-heures parce que, chaque fois qu'il se

lève, je peux vous avouer que c'est le signe de l'arrogance qui se répercute partout dans les caméras. Je suis à la veille de vous montrer son livre et de vous faire lire la postface pour ceux qui ne l'ont pas lue. D'habitude, quand tu écris un livre, tu fais écrire un autre pour te vanter un peu. Lui, il n'a pas pris la peine de ça, il s'est vanté lui-même. Mais tout ce qui se vante s'évente, M. le député de Mille-Îles. Je peux vous dire que vous êtes éventé à mon goût, en ce qui me concerne.

M. le Président, nous allons voter pour la deuxième motion, oui, de report, d'ajournement de cette Chambre parce que nous considérons que vous auriez eu avantage à écouter les gens de la CSST. Puis, si vous ne les écoutez pas, c'est parce que vous avez des choses à cacher. Vous avez peur que la CSST vienne vous dire que ça n'a pas de bon sens, des positions diamétralement opposées dans une structure qui a 700 000 000 $ à 800 000 000 $ de déficit. Les rigoureux, sur le plan intellectuel, ceux qui se piquent d'avoir beaucoup de rigueur et d'analyse, avez-vous peur que la CSST vienne nous dire que cette structure-là ne peut pas fonctionner de façon correcte, de façon harmonieuse, de façon rigoureuse? Avez-vous peur que la CSST vienne dire que des oppositions dans un comité paritaire font en sorte qu'on ne peut pas trouver des solutions correctes? Avez-vous peur qu'on vienne vous dire que c'est trop judiciarisé, cette histoire-là, et qu'on doit en débarquer des paliers d'intervention pour que le travailleur puisse trouver une solution à son problème dans les quelques semaines ou, tout au moins, les quelques mois qui suivent? Avez-vous peur que la CSST vienne vous dire que ça n'a pas de mosus de bon sens qu'un individu soit six ou sept mois en attente d'une décision et qu'il se ramasse devant la Commission des affaires sociales en bout de course puis que ça prend trois ans, puis que c'est inhumain comme structure de fonctionnement? Avez-vous peur qu'on vienne dire ça?

Les rigoureux intellectuels, réveillez-vous un peu et regardez ce qui se passe dans vos bureaux de comté. Écoutez les citoyens s'ils vous font confiance et, s'ils vont vous voir, essayez de comprendre qu'il y a des solutions à trouver à ces problèmes majeurs.

On ne doit pas les trouver nécessairement dans les groupes d'intérêts. On doit aussi permettre... Et ça, c'est de la rigueur intellectuelle que de permettre à celui qui est au-dessus des partis, qui sont pris avec des intérêts, c'est de la rigueur intellectuelle que de vouloir les écouter, ces gens-là, parce qu'ils ne sont pas partie prenante, ni d'un bord ni de l'autre. Quelqu'un qui est rigoureux intellectuellement, il comprend ça. Quelqu'un qui est Imbu de lui-même, il fait ce que le député de Mille-Îles vient de faire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Montmorency, en vertu de l'article 101, vous avez droit à une réplique de 5 minutes sur votre propre motion d'ajournement.

M. Jean Filion (réplique)

M. Filion: Merci, M. le Président. On a passé la nuit à expliquer au gouvernement libéral l'importance du déficit et d'un grand réaménagement de la CSST. On ne nous écoute pas, on interprète nos chiffres. Aussitôt qu'on leur dit qu'ils sont rendus les champions des déficits, ils n'aiment pas ça, M. le Président. Je les comprends. La, on nous amène dans des hypothèses de valeurs actuarielles, etc.

M. le Président, ce sont les champions des déficits au Québec, et je le répète, parce que je vous le dis, le dernier budget, 1992-1993, n'eût été le 1 200 000 000 $ de transfert, de cadeau du fédéral - on ne sait pas d'où il vient, une espèce de ballon politique de circonstance référendaire - on serait rendu au-dessus de 5 000 000 000 $. Ce n'est pas compliqué, hein!

Si vous regardez, M. le Président, les fonds qui s'en vont à Hydro-Québec, qui ne sont pas dans les budgets, c'est le parti de camouflage extraordinaire. D'une façon extraordinaire, ces gens-là, M. le Président, camouflent tout. Ils passent ça via Hydro-Québec. Ils sont allés chercher tout près de 150 000 000 $, hein, de frais de garantie. C'est sorti du budget. Ça n'apparaît plus au budget. On s'organise, M. le Président, pour aller percevoir avec des droits, au niveau des permis. Les gens se souviennent des 30 $, M. le Président. C'est des chiffres qu'ils comprennent, ça, les gens. Alors, on s'en va chercher un paquet d'argent d'une façon indirecte et on nous réduit un déficit, en valeur absolue, qui est encore le plus élevé.

M. le Président, ce sont les champions des déficits. Ils ont un discours extraordinaire, théorique, ce sont des grands pédagogues qui se lèvent et qui disent: Nous, on va tendre vers zéro. On va tendre vers zéro, M. le Président. Et ils tendent...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant, M. le député de Montmorency.

Mme Bleau: M. le Président, je voulais appeler l'article 32, mais je pense qu'on m'a comprise avant. Je m'excuse.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des députés et des députées qui ne sont pas à leur banquette? Je vous demande de regagner votre banquette, s'il vous plaît.

M. le député de Montmorency, si vous voulez terminer votre intervention. Il vous reste une minute et quelques secondes.

M. Filion: C'est dommage, M. le Président,

que les députés libéraux ne prennent pas au sérieux les travailleurs et les travailleuses du Québec. La santé et la sécurité au travail, c'est important. On a un déficit de 800 000 000 $. Il faut le corriger. Il faut s'occuper des vrais problèmes. Pas juste le fonds de pension, M. le Président. C'est des vrais problèmes, les déficits. C'est des vrais problèmes, aussi, M. le Président, auxquels les gens doivent avoir des solutions.

Ces gens-là, M. le Président, ne nous écoutent pas. Ils n'écoutent pas la population qui veut savoir ce qui se passe. Nous, on est là pour leur répéter et on va leur répéter tant qu'ils ne comprendront pas.

Les déficits, ils doivent les tendre vers zéro. Ils s'étaient engagés à les tendre vers zéro, mais ils tendent actuellement vers des déficits records. Et on nous fait accroire qu'on fait un contrôle de gestion. Bien, s'il y en avait un, contrôle de gestion, M. le député de Mille-Îles, là, à la CSST, s'il y en avait un, il n'y en aurait pas, de déficit. Parce qu'un contrôle de gestion, c'est: tu contrôles ton budget, puis tu poses des corrections, puis, quand ça se passe, tu dis: Toi, là, t'as un problème, mon chum, il faut que tu le corriges.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure, s'il vous plaît.

M. Filion: Tu ne t'es pas conformé selon le budget prévu. Si tu t'étais conformé, tu ne serais pas arrivé avec un déficit additionnel.

Alors, M. le Président, ce que je suis en train de dire, là, c'est que ce projet de loi là doit être retiré et qu'on doit, d'une façon sérieuse, responsable et consciencieuse, nous amener quelque chose qui va vraiment régler le problème de la santé et sécurité au travail au Québec. Merci, M. le Président. (7 h 30)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Cette dernière intervention met fin au débat sur la motion d'ajournement de M. le député de Montmorency. Est-ce que cette motion est adoptée?

M. Chevrette: Vote enregistré.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés, s'il vous plaît. (7 h 31 - 7 h 36)

Mise aux voix

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je mets maintenant aux voix la motion de m. le député de montmorency. que les députés qui sont en faveur de la motion d'ajournement du débat sur l'adoption du principe du projet de loi 35 veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Jo- liette), Mme Marais (Taillon), M. Garon (Lévis), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shef-ford), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion (Montmorency), Mme Caron (Terre-bonne), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.

Le Secrétaire adjoint: M. Dutil (Beauce-Sud), M. Elkas (Robert-Baldwin), Mme Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac), M. Bélisle (Mille-Îles), M. Picotte (Maskinongé), Mme Bleau (Groulx), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis), M. Hamel (Sherbrooke), M. St-Roch (Drummond), M. Tremblay (Rimouski), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (Iles-de-la-Made-leine), M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Gauvin (Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Gobé (LaFontaine), Mme Hovington (Matane), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), M. Parent (Sauvé), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

Le Secrétaire: pour: 16 contre: 35 abstentions: 0

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est rejetée. M. le leader de l'Opposition officielle.

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu des échanges...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, s'il vous plaît. Oui, allez-y, M. le leader.

M. Chevrette: M. le Président, compte tenu des échanges que nous avons eus, nous pourrions nous entendre pour qu'il y ait un intervenant, maximum, de chaque côté puis qu'il y ait un vote sur division.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, est-ce que vous en faites un ordre de la Chambre?

Une voix: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que la motion est adoptée? Alors, je suis prêt à entendre le prochain intervenant. Mme la députée de Johnson. Vous disposez d'une période maxima-

le de 20 minutes, Mme la députée. Des voix:...

Reprise du débat sur l'adoption du principe Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci, M. le Président. M. le Président, on a commencé le débat sur la loi 35 à 22 h 10, le 2 juin. On est rendu à 7 h 40...

Des voix:...

(7 h 40)

Mme Juneau: ...le 3 juin, puis ça, c'est sans arrêt, là. Parce que...

Des voix:...

Mme Juneau: ...il faudrait bien dire qu'on a tenu le fort. Pourquoi avons-nous été obligés de passer la nuit pour essayer de convaincre le ministre responsable de la loi 35 du bien-fondé des demandes de l'Opposition officielle, des demandes de la responsable du dossier de la CSST? Toute la nuit, nous avons fait des efforts pour que le ministre comprenne l'importance...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, Mme la députée de Johnson. J'ai de la difficulté à vous entendre. S'il y a des députés qui veulent laisser l'Assemblée, là, qu'ils le fassent le plus tôt possible puis en silence, de sorte qu'on puisse entendre l'intervention de Mme la députée de Johnson. Des deux côtés de la Chambre, s'il vous plaît. Allez-y, Mme la députée.

Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je pense bien qu'il doit y avoir de la fatigue dans tout ça, là, mais en tout cas j'aimerais ça qu'ils entendent ce que j'ai à dire. Je trouve important de faire mon intervention.

La question qu'il faut se demander, c'est pourquoi on a travaillé toute la nuit pour en arriver à faire comprendre au ministre l'importance de tenir cette commission parlementaire, M. le Président. C'est qu'on se demande réellement ce que signifie, M. le Président, l'entêtement du ministre du Travail. Pourquoi s'entête-t-il à refuser cette commission parlementaire que nous lui demandons, que nous lui avons demandé toute la nuit, que la responsable, la députée de Chicoutimi, lui demande depuis fort longtemps? Pourquoi? Est-ce qu'il y a quelque chose à cacher? Est-ce qu'il y a quelque chose là-dessous qu'on ne peut, au moment où on se parle, deviner ou en savoir qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que le ministre a à cacher? Qu'est-ce que le gouvernement libéral a à cacher, puisqu'il refuse systématiquement de nous donner cette commission parlementaire? Pourquoi? Pour qu'on puisse comprendre l'exactitude des faits. Aïe! On ne joue pas avec une cabane à patates frites sur le coin de la rue, là. On joue avec un déficit, à date, de 800 000 000 $...

Une voix: L'an passé.

Mme Juneau: ...l'an passé et, cette année, les prévisions, c'est qu'on serait rendu à 500 000 000 $. Ça veut dire qu'on va dépasser le milliard. Ce n'est pas exactement une cabane à patates frites sur le coin de la rue. Je le redis. C'est très important. C'est très important, ce qu'on demande.

Des voix:...

Mme Juneau: Et j'entendais le leader du gouvernement, M. le Président, parler dans son intervention précédente. Il disait que l'Opposition parlait des deux côtés de la bouche en même temps. Je l'ai entendu; il l'a dit à peu près quatre, cinq fois. Pourquoi nous dit-il ça? Il nous dit ça, M. le Président, parce qu'on a osé. Il ne fallait pas. On a osé demander au ministre responsable de tenir une commission parlementaire. C'est juste ça. Puis il dit, à ce moment-là, qu'on parie des deux côtés de la bouche. On dit que le projet de loi 35 ne correspond pas aux attentes des uns et des autres. Il dit qu'on parle des deux côtés de la bouche. Est-ce que, M. le Président, je dois comprendre, nous tous devons comprendre que la CSD, qui exige l'intervention de Robert Bourassa, notre premier ministre, pour retirer la loi 35, est-ce que la CSD parle des deux côtés de la bouche? Il faudrait peut-être qu'il nous donne une réponse.

J'ai un autre communiqué ici, M. le Président. La CSN, la CEQ, la FIIQ, le SFPQ, le SPGQ, le SPEQ, tous les syndicats. Est-ce que ces syndicats-là qui disent... Un projet de loi qui sent le règlement de compte, disent les organisations syndicales. Est-ce que ces organisations syndicales parient des deux côtés de la bouche en même temps, parce que eux aussi, comme nous, comme l'Opposition officielle, croient que ce projet de loi ne correspond pas aux attentes à la fois des travailleurs et à la fois du patronat? Le patronat non plus n'est pas satisfait, à la grande surprise peut-être du leader du gouvernement, mais le patronat non plus n'est pas satisfait de la loi 35. Ce n'est pas simplement les membres de l'Opposition officielle qui ont travaillé toute la nuit pour faire entrer dans votre caboche l'importance d'accorder une commission parlementaire. Pourquoi? Pour vous aider en premier lieu. Et pour nous aider aussi nous; pour aider les principaux intervenants, les travailleurs accidentés; pour aider les payeurs de taxes, parce qu'à un moment donné il va falloir que ce trou béant soit rempli. Et ce n'est pas avec la loi 35, simplement la loi 35, comme le leader du gouvernement disait tout à l'heure avec ses sept ou huit mesures, ce n'est pas simplement avec la loi

35 que nous pourrons régler le cas de la CSST. Nous voulons avoir un éclairage plus important.

Nous souhaitons, tout comme les centrales syndicales qui représentent les travailleurs accidentés du Québec, nous voulons, tout comme ces gens-là qui sont principalement touchés par les situations que vivent quotidiennement les travailleurs accidentés, qu'on puisse les entendre. Et pourquoi? Pourquoi le gouvernement que nous avons en face de nous, pourquoi ce gouvernement-là refuse-t-il de tenir ces auditions-là pour renseigner les uns et les autres et pour améliorer la loi qui semble ne pas faire l'affaire ni des uns ni des autres? Qu'est-ce qu'il y a en dessous de ça? Qu'est-ce qu'il y a? J'aimerais bien ça qu'on m'informe. Si le ministre a la réponse pour satisfaire le besoin d'en savoir davantage, non seulement de l'Opposition mais des principaux syndicats, de tous les syndicats, qu'il le dise, qu'il se mette à table, qu'on puisse l'entendre, qu'on puisse considérer que, si ces informations-là font en sorte que ça remplit les besoins qu'on a, à ce moment-là, on va comprendre, on n'insistera pas davantage, mais dites-le. On a travaillé toute la nuit pour vous demander de tenir cette commission parlementaire, toute la nuit! On aurait espéré que le ministre - moi, je l'ai connu, le ministre du Travail, avant qu'il soit ici en Chambre; je vais vous dire où je l'ai connu, je l'ai connu quand il représentait la compagnie Bombardier et Bombardier, c'est chez nous. Quand il travaillait pour Bombardier, ce n'était pas le même homme que j'ai devant moi aujourd'hui, ce n'était pas le même homme. C'était un homme qui se débattait comme un diable dans l'eau bénite pour faire passer les besoins et les attentes de la compagnie Bombardier, ce qui veut dire les travailleurs de Bombardier. Ce n'est pas le même homme que j'ai en face de moi, aujourd'hui. Non.

C'est un homme qui s'est reculé et qui a laissé la place à Ghislain Dufour, du Conseil du patronat, parce que, quand il a voulu tenir sa commission parlementaire, M. Dufour est arrivé en avant de lui et a dit: «No way». Il est allé voir ses amis du gouvernement, puis c'est quoi qui est arrivé? Le ministre du Travail s'est reculé, puis, aujourd'hui, il s'entête. Pourquoi? Qu'est-ce qu'il y a en dessous de ça? Peut-il nous le dire? S'il y a une raison valable, équitable, qu'il la dise. Sinon, qu'il nous accorde cette commission parlementaire, on veut savoir ce qu'il y a en dessous de ça. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Johnson. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

Des voix: Non.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pas d'autres interventions. Alors, est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, est adoptée?

M. Chevrette: Surdivision.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'économie et du travail

M. Bélisle: oui, m. le président, je fais motion pour que ledit projet de loi 35 soit déféré à la commission de l'économie et du travail pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement, nous continuons nos travaux avec quel article du feuilleton, s'il vous plaît?

M. Bélisle: Aucun autre, M. le Président, je fais motion pour ajourner nos travaux à ce mercredi matin, 3 juin 1992, à 10 heures.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'ajourne les travaux à 10 heures ce matin.

(Fin de la séance à 7 h 50)

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