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(Dix heures onze minutes)
Le Président: alors, mmes et mm. les
députés, nous allons nous recueillir quelques instants. je vous
remercie. veuillez vous asseoir.
Présence de l'ambassadeur de la
république du Mali
Mmes et MM. les députés, j'ai le très grand plaisir
de souligner la présence, dans les tribunes, de l'ambassadeur de la
république du Mali, Son Excellence M. Siragatou Cis-se.
Affaires courantes
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader de l'Opposition.
Présentation de projets de loi
M. Chevrette: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article a.
Le Président: À l'article a du feuilleton, Mme la
députée de Marie-Victorin présente le projet de loi 192,
Loi sur le Conseil québécois de la toxicomanie. Mme la
députée de Marie-Victorin.
Projet de loi 192 Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Alors, M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le projet de loi 192, Loi sur le Conseil québécois
de la toxicomanie. Ce projet de loi institue un organisme, le Conseil
québécois de la toxicomanie, qui aura pour fonction de conseiller
le ministre désigné par le gouvernement sur toute question
reliée à la toxicomanie.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, est-ce que l'Assemblée accepte
d'être saisie de ce projet de loi?
M. Pagé: Accepté.
Le Président: Adopté.
Maintenant, dépôt de documents. M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux.
Dépôt de documents
Mise à jour des directives portant sur
les
objectifs et l'orientation de la ? Corporation
d'urgences-santé de la région de Montréal
Métropolitain
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
conformément à l'application de l'article 149.25 de la Loi sur
les services de santé et les services sociaux et au décret 141-92
en date du 27 mai 1992, je dépose la mise à jour des directives
portant sur les objectifs et l'orientation de la Corporation
d'urgences-santé de la région de Montréal
Métropolitain.
Le Président: Alors, ce document est
déposé.
Maintenant, au nom du ministre des Transports, M. le leader du
gouvernement.
Rapport d'activité de la Société
de l'assurance automobile
M. Pagé: M. le Président, au nom de mon
collègue, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activité
1991 de la Société de l'assurance automobile du
Québec.
Le Président: Alors, ce rapport est également
déposé.
Maintenant, dépôt de rapports de commissions. M. le
président de la commission du budget et de l'administration et
député de Va-nier.
Dépôt de rapports de commissions
Poursuite du débat sur le discours sur le
budget
M. Lemieux: M. le Président, j'ai l'honneur de
déposer le rapport de la commission du budget et de l'administration qui
a siégé les 27 et 28 mai 1992 afin de poursuivre le débat
sur le discours du budget conformément à l'article 272 du
règlement.
Le Président: Ce rapport est déposé.
Maintenant, toujours au dépôt de rapports de commissions,
M. le député de Saguenay au nom du président de la
commission de l'aménagement et des équipements.
Consultation et étude détaillée
du projet de loi 219
M. Maltais: Merci, M. le Président. Je dépose le
rapport de la commission de l'aménagement et des équipements qui
a siégé le 26 mai
1992 afin d'entendre les intéressés et de procéder
à l'étude détaillée du projet de loi
d'intérêt privé 219, Loi modifiant la Loi constituant la
Corporation des officiers municipaux agréés du Québec. Le
projet de loi a été adopté avec des amendements.
J'en ai un autre, M. le Président.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Alors,
est-ce que ce rapport est adopté?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. Alors, M. le
député de Saguenay, toujours au dépôt de rapports de
commissions.
Consultation et étude détaillée
du projet de loi 227
M. Maltais: M. le Président, je dépose le rapport
de la commission de l'aménagement et des équipements qui a
siégé le 26 mai afin d'entendre les intéressés et
de procéder à l'étude détaillée du projet de
loi d'intérêt privé 227, Loi concernant la ville de Vanier.
Le projet de loi a été adopté avec des amendements.
Le Président: Alors, est-ce que ce rapport est
également adopté?
Des voix: Adopté. Le Président:
Adopté.
Dépôt de documents
Décision du Bureau de l'Assemblée
nationale
Maintenant, au dépôt de documents, je dépose la
décision no 522 du Bureau de l'Assemblée nationale. Donc,
document déposé.
Maintenant, dépôt de pétitions. M. le
député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
Dépôt de pétitions
Respecter l'engagement de tenir
un référendum sur la
souveraineté
au plus tard le 26 octobre 1992
M. Gendron: Je dépose l'extrait d'une pétition
adressée à l'Assemblée nationale par 20 000
pétitionnaires, citoyennes et citoyens du Québec.
Les faits invoqués sont les suivants, M. le Président:
«L'incertitude constitutionnelle freine le développement du
Québec. «À la suite du rapport de la commission
Bélanger-Campeau, le gouvernement québécois s'est
engagé, en faisant adopter la loi 150 par l'Assemblée nationale,
à tenir un référendum sur la souveraineté du
Québec au plus tard le 26 octobre 1992. «La souveraineté
donnera au Québec le contrôle exclusif de tous ses impôts,
de tous ses traités et de toutes ses lois, tel qu'il est
précisé dans la loi 150. «La population du Québec
doit pouvoir se prononcer par référendum sur la
souveraineté. C'est à elle, et à elle seule, de choisir
son avenir constitutionnel.»
Et l'intervention réclamée se résume ainsi:
«En conséquence, nous demandons à l'Assemblée
nationale d'exiger du gouvernement du Québec qu'il respecte cet
engagement et qu'il tienne un référendum sur la
souveraineté au plus tard le 26 octobre 1992.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition.
Le Président: Votre pétition est
déposée.
Intervention portant sur une violation de droit ou de
privilège
Maintenant, interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Action en justice intentée par le
député de D'Arcy-McGee concernant la
Loi
sur la consultation populaire
À cette étape-ci de nos travaux, je vous informe que j'ai
reçu, en temps utile, un avis du leader de l'Opposition officielle
m'informant de son intention de signaler, à la période des
affaires courantes, une violation de ses droits et privilèges de
député, ainsi que de ceux de l'Assemblée. Cette violation
aurait été commise par le député de D'Arcy-McGee
qui aurait, plus particulièrement, enfreint les dispositions des
paragraphes 7° et 10° de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée
nationale. À l'appui de sa demande, le leader de l'Opposition se
réfère à une action en justice, soit une requête en
jugement déclaratoire intentée par le député de
D'Arcy-McGee devant la Cour supérieure du district de Montréal,
ainsi qu'à de la correspondance échangée par le
député de D'Arcy-McGee avec le ministre
délégué à la Réforme électorale, dont
copie a été envoyée au leader de l'Opposition officielle.
Le tout concerne la Loi sur la consultation populaire.
À ce moment-ci, je vous informe que je prends cette question en
délibéré et que je verrai à rendre décision
dans les meilleurs délais. Oui, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Là-dessus, sans vouloir... Je comprends que
vous la preniez en délibéré, mais le motif principal de
cette question de privilège, c'est parce qu'il y a un projet de loi de
déposé,
sur lequel on aura à se pencher dès cet après-midi.
La violation du privilège que je réclame, c'est en fonction d'un
geste, forçant l'Assemblée nationale à agir, dans un sens,
sous une forme de chantage. Je voulais bien préciser le sens de la
question de privilège.
Le Président: Très bien. Je vous avise cependant -
je suis très conscient de ce que vous venez d'énoncer - que j'ai
reçu copie de l'avis en temps utile, soit une heure avant le
début de la période des affaires courantes. J'avais
également certaines responsabilités, ce matin, entre 9 heures et
10 heures. C'était conforme au règlement, effectivement. Donc, je
suis saisi de l'affaire, et je vais tenter de rendre la décision dans
les meilleurs délais possible.
Ceci étant dit, nous allons maintenant procéder à
la période de questions et réponses orales. Je reconnais, en
première question principale, M. le chef de l'Opposition.
Questions et réponses orales
Admission à l'école anglaise des enfants
d'immigrants venant de pays anglophones
M. Parizeau: M. le Président, au moment où, en
février dernier, sort le rapport Chambers sur les écoles, la
situation des écoles anglaises au Québec, plusieurs de ses
recommandations, je pense, reçoivent un écho tout à fait
favorable. L'une des recommandations crée problème: elle consiste
à ouvrir les écoles anglaises aux enfants d'immigrants de pays
anglophones. Le ministre de l'Éducation se dit favorable. À
l'intérieur du Conseil des ministres ou dans le caucus libéral,
les réactions sont plus diverses et, en particulier, le ministre
responsable de la loi 101 annonce qu'il reporte toute cette question à
plus tard. (10 h 20)
Le ministre de l'Éducation est revenu, en fin de semaine, sur
cette question, en réitérant son appui à cette
recommandation du rapport Chambers et, le lendemain, son chef de cabinet a
indiqué qu'il n'y aurait pas de décision à cet
égard avant qu'un accord constitutionnel soit intervenu avec le Canada,
si tant est que jamais il y en a un qui intervienne.
Ma question s'adresse au ministre responsable de la loi 101. Est-ce que
cette question de l'admission des enfants d'immigrants venant de pays
anglophones est, à l'heure actuelle, sur la table des
négociations constitutionnelles? Est-ce que le gouvernement de
Québec commence à négocier ça? Et s'il le
négocie, il le négocie contre quoi?
Le Président: M. le ministre responsable de l'application
de la Charte de la langue française.
M. Ryan: Regardez, ce n'est pas à moi qu'il appartient de
vous dire si la question est à l'ordre du jour des conversations
constitutionnelles. Le chef de l'Opposition sait très bien à qui
s'adresser s'il veut avoir une réponse à cette
question-là. Moi, je peux dire au chef de l'Opposition, en ce qui me
touche comme ministre responsable de l'application de la Charte de la langue
française, que la question n'est pas à l'ordre du jour du Conseil
exécutif pour le moment; la question est à l'étude. Il
incombera au ministre de l'Éducation de faire une recommandation en
temps utile. Moi-même, comme ministre, je serai probablement
consulté et je donnerai mon opinion lorsque la question sera à
l'ordre du jour. Mais, pour le moment, nous n'en avons pas été
saisis formellement.
Le Président: Alors, en question complémentaire, M.
le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Puis-je demander alors au premier ministre, M. le
Président, si cette question, soulevée par le ministre de
l'Éducation en fin de semaine, est quelque part dans le jeu des
conversations téléphoniques à l'ordre du jour des
négociations constitutionnelles? Est-ce que le gouvernement du
Québec est en train de chercher à échanger ça
contre autre chose?
M. Bourassa: M. le Président, je pense qu'on peut me
permettre 30 secondes pour féliciter le chef de l'Opposition pour le
conseil national de la fin de semaine. Selon les rapports de presse, il se
serait transformé en humble publicain jusqu'aux prochaines
élections au moins. On va constater ça.
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Oui, d'accord. Bon!
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je cède la parole à M. le
premier ministre en réponse à la question posée par M. le
chef de l'Opposition. M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je crois que le ministre de
l'Éducation, en fin de semaine, a repris des propos qui avaient
été mentionnés au mois de février. Justement, on
m'avait questionné, on l'avait questionné au caucus que nous
avions tenu à Rimouski à la mi-février. Il a repris les
mêmes propos, il a mis en relief la situation très
préoccupante pour ce qui a trait au réseau scolaire des
anglophones et il a dit qu'il en était conscient. D'ailleurs, le chef de
l'Opposition lui-même a dit - et c'est passé assez
inaperçu, à son détriment, donc, je le signale - qu'il y
avait de très très bonnes choses dans le rapport de Mme Chambers,
et qu'il souhaitait que ce soit appliqué le plus rapidement
possible. Pourquoi, là, blâmer le ministre de
l'Éducation parce qu'il reprend, à toutes fins pratiques, ce qu'a
dit le chef de l'Opposition?
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Parizeau: Je pense, M. le Président, que le premier
ministre va beaucoup trop loin dans ce qu'il vient d'affirmer. Est-ce que le
premier ministre est simplement conscient qu'au moment où le rapport
Chambers est sorti, de chaque côté de la Chambre, nous avons
trouvé qu'un bon nombre des recommandations, effectivement,
étaient intelligentes? Est-ce qu'il est conscient que, dans le public
québécois, à l'Opposition officielle, chez beaucoup des
membres de son Conseil des ministres et de son caucus, quant à la
première recommandation visant à recevoir, à accepter dans
les écoles anglaises les enfants d'immigrants venant de pays
anglophones, il y a eu, au contraire, des réticences, un rejet
très clair, et que son ministre chargé de la loi 101 avait eu la
sagesse de dire à ce moment: Reportons ça à plus tard; ce
n'est pas le moment?
Est-ce que le premier ministre est conscient que, depuis cette fin de
semaine, à cause de la déclaration très ambiguë du
chef de cabinet du ministre de l'Éducation, on peut fort bien croire que
l'admission dans les écoles, au Québec, d'enfants d'immigrants
venant de pays anglophones est, à l'heure actuelle, sur la table de
négociations constitutionnelles? Et ce que je demande au premier
ministre, je pense que bien des gens peuvent lui demander: Est-ce que c'est
vrai que cette question-là est, à l'heure actuelle, en
négociations à la table constitutionnelle? C'est clair comme
question.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II me semble que c'est aussi clair que ça ne
l'a jamais été, quand même. Il invoque du ouï-dire ou
des déclarations du personnel politique, alors que jamais il n'y a de
déclaration comme quoi ça faisait partie du débat
constitutionnel. Le ministre de l'Éducation, qui s'adressait en fin de
semaine à certains représentants du milieu anglophone, a
constaté avec eux la détérioration très très
importante sur le plan du nombre, du réseau scolaire anglophone. Je
pense que les chiffres parlent par eux-mêmes. Je ne vois pas pourquoi ce
matin ou en fin de semaine ou au cours de la fin de semaine on a essayé,
d'une façon tout à fait démesurée,
d'interpréter les propos du ministre de l'Éducation de
manière, encore une fois, à ramener cette question dans le
débat linguistique, alors que c'est clair que jamais le gouvernement -
je veux dire, on l'a énoncé à plusieurs reprises - n'a
décidé de mettre cette question-là dans le débat
constitutionnel ou dans les discussions constitutionnelles. Poser la question,
c'est y répondre. Le chef de l'Opposition s'inquiète tout
à fait à tort.
Le Président: Alors, en question principale... M.
Bourdon: Non, additionnelle.
Le Président: En question additionnelle, M. le
député de Pointe-aux-Trembles.
M. Bourdon: M. le Président, à la ministre des
Communautés culturelles et de l'Immigration, en deux volets. Son
ministère a-t-il fait des études sur les effectifs qui seraient
touchés par la proposition que le ministre de l'Éducation
entérine et, deuxièmement, croit-elle encore qu'il serait
dangereux d'avoir au Québec deux catégories d'immigrants?
Le Président: Mme la ministre des Communautés
culturelles et de l'Immigration.
Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, le ministre de
l'Éducation ne m'a pas fait part qu'il avait l'intention pour le moment
d'apporter ce sujet au Conseil des ministres. Donc, non, je n'ai pas fait
d'étude à ce sujet-là.
Cependant, je dois vous dire que depuis plusieurs années nous
déployons beaucoup d'efforts pour informer les candidats à
l'immigration du caractère français du Québec et de
l'importance pour les immigrants, aussi bien pour ceux qui parlent anglais,
d'apprendre notre langue commune. Donc, vous comprendrez qu'il faut se demander
si c'est le moment opportun d'atténuer ce message. Si mon
collègue décide d'aborder ce sujet au Conseil des ministres,
à ce moment-là, je lui ferai valoir les points qui militent en
faveur d'un Québec francophone.
Le Président: Une question complémentaire?
Mme Blackburn: Oui, une question complémentaire, M. le
Président...
Le Président: Question complémentaire, Mme la
députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: ...au ministre de l'Éducation. Est-ce que
le ministre de l'Éducation ne trouve pas dangereux d'entretenir de
telles illusions chez les anglophones et ne reconnaît-il pas avec nous
que le problème de décroissance dans les écoles anglaises
ne viendra régler d'aucune façon le problème d'exode des
jeunes anglophones et que l'ajout d'étudiants dans les écoles
anglaises ne viendra pour ainsi dire rien régler dans les petites
écoles en région? Est-ce qu'il ne reconnaît pas ça?
Est-ce qu'il ne serait pas plus sage de revenir à des dispositions et
à des déclarations un peu plus mesurées?
Le Président: M. le ministre de l'Éducation.
M. Pagé: M. le Président, j'apprécie au plus
haut point d'avoir l'opportunité de répondre aux questions ce
matin. Ce que j'ai indiqué en fin de semaine... J'ai repris
essentiellement les deux constats que j'ai formulés au lendemain du
dépôt du rapport de Mme Chambers le 12 février dernier.
Dans un premier temps, j'ai la conviction, comme ministre de
l'Éducation, que la très grande majorité des
Québécois et des Québécoises - et ce, quelle que
soit notre décision, ou nos décisions, en référence
à notre avenir politique et constitutionnel - compte sur une
com-mumunauté d'expression anglaise dynamique, confiante et contributive
pour bâtir le Québec de demain. (10 h 30)
Deuxième constat. On s'est donné au Québec - au fil
des ans, avec la loi 22, avec la loi 101 - des mesures législatives
fermes, de façon à maintenir, à valoriser, à
dynamiser, peu importe, le fait français et à bien camper le fait
français au Québec. Il n'est pas question, en ce qui me concerne,
de proposer, comme ministre de l'Éducation, de charcuter ou de passer la
hache dans des lois aussi fondamentales dans le devenir d'une
société comme la nôtre.
Cependant, à partir du moment où j'ai le mandat
d'administrer et d'assumer la responsabilité des services
éducatifs au Québec, et que je constate que les inscriptions dans
le secteur anglophone, en 15 ans, sont passées de 236 000 à 109
000 élèves, je suis légitimé, je suis
légitimé - et je l'affirme devant cette Chambre comme ministre
responsable - d'étudier différentes hypothèses,
différentes hypothèses - puis je tiens a le répéter
- qui seraient susceptibles de déboucher éventuellement, si
c'était accepté par les organismes centraux du cabinet, si
c'était accepté par le cabinet suite à une discussion et
à une étude exhaustive, complète non seulement de l'impact
pour le réseau anglophone, mais aussi de l'ensemble des impacts pour la
communauté puis la société québécoise. Je
suis légitimé de le faire, et c'est ce que je vais faire en
collaboration avec les autres ministères. J'ai indiqué que
ça ne serait pas avant la fin de 1992 et, très probablement,
1993, avec mon collègue et bon ami responsable de la Charte de la langue
française.
Le Président: En question principale maintenant, M. le
député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
Réouverture de la Convention
de la Baie James découlant du droit des
autochtones à l'autonomie
gouvernementale
M. Brassard: M. le Président, le consensus
dégagé à la table multilatérale de
négociations constitutionnelles sur la reconnaissance du droit à
l'autonomie gouvernementale des autochtones débouche, comme on le sait,
sur la création d'un troisième niveau de gouvernement
fondé sur le sang et le principe racial, de sorte que l'on verra
apparaître un peu plus de 550 microgouvernements fondés sur la
communauté de sang et l'appartenance raciale consacrés par la
Constitution.
De plus, à défaut d'entente avec les gouvernements au
terme d'un délai de trois ans, ce sont les tribunaux qui
conféreront pouvoirs et territoires à ces gouvernements
autochtones.
Enfin, troisième élément clé du consensus
qualifié d'accord historique par le chef Ovide Mercredi, une idole du
premier ministre, et vice versa...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Troisième élément clé du
consensus, c'est la réouverture de tous les traités existants
avant et après la Confédération. Dans le cas du
Québec, cela implique, pour les Cris, la réouverture de la
Convention de la Baie James, ainsi, donc, qu'une lourde hypothèque sur
tout projet de développement hydroélectrique dans le Nord
québécois.
Ma question au premier ministre: Est-ce que le premier ministre
considère que, par un amendement constitutionnel sur le droit à
l'autonomie gouvernementale des autochtones, l'on puisse rouvrir la Convention
de la Baie James sans l'accord du Québec, comme le prétendront
les Cris, ou s'il considère que la Convention de la Baie James ne peut
être rouverte sans l'assentiment du Québec?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je constate que le député de
Lac-Saint-Jean n'a pas changé de conseiller constitutionnel, si on lit
bien les propos de M. Claude Morin, ce matin.
Une voix:...
M. Bourassa: Non, mais M. Morin, dans les journaux, ce matin,
faisait des déclarations sur le dossier constitutionnel.
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, pour un rappel au règlement, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Oui, M. le Président, mais vous comprendrez
que je me lève et je sais que ça ne me donnera pas grand-chose,
parce que...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le premier
ministre va apprendre à respecter le règlement? Qu'il donne des
réponses qui ont au moins un tantinet de ressemblance avec la
question. On ne veut pas savoir ce qu'il a fait en fin de semaine. On
sait que Pittsburgh a gagné hier soir. Le député a
posé une question précise, M. le Président. Est-ce que le
premier ministre pourrait prendre le Parlement un tantinet au sérieux et
répondre aux questions sérieuses qui engagent l'avenir du
Québec à part ça?
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le leader
du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je me lève parce
que j'ai de quoi à vous dire. M. le Président, depuis quand le
premier ministre, sur un sujet aussi important, ne serait pas
légitimé de se référer à celui qui, pendant
longtemps, a été au centre de la stratégie du Parti
québécois...
Le Président: Non, non.
M. Pagé: ...et qui fait des déclarations sur le
sujet? Voyons donc!
Le Président: Écoutez! Alors, sur une question de
règlement, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, même le leader est
hors d'ordre par rapport à notre règlement, même le leader
du gouvernement. Si on veut niaiser avec la période de questions sur des
questions aussi importantes, M. le Président, qu'on le dise. On fera le
débat à l'extérieur du Parlement.
Le Président: S'il vous plaît! Alors, je cède
la parole au premier ministre pour la réponse à la question. Je
rappelle, effectivement, l'article 79 qui dit que «la réponse
à une question doit être brève, se limiter au point qu'elle
touche et ne contenir ni expression d'opinion ni argumentation. Elle doit
être formulée de manière à ne susciter aucun
débat.» Donc, c'est le sens du règlement et j'invite le
premier ministre à répondre à la question
posée.
M. Bourassa: M. le Président, il y a quand même des
limites, là. Je veux dire, ce matin, dans tous les journaux, on retrouve
le point de vue du stratège, celui qui a conseillé le
gouvernement du député de Lac-Saint-Jean et du leader
parlementaire dans les questions constitutionnelles. Ce matin, on retrouve les
déclarations de M. Morin sur les questions constitutionnelles dans tous
les journaux, et on ne peut pas s'y référer. Si j'avais
parlé de l'argent impur qu'on devait rembourser à la demande de
plusieurs députés péquistes - la députée de
Hochelaga-Maison-neuve, le député de Pointe-aux-Trembles, la
députée de Taillon...
Le Président: S'il vous plaît! M. le premier
ministre, s'il vous plaît! Allez-y, M. le premier ministre, à la
question posée.
M. Bourassa: II n'y a pas remboursement, on l'a constaté
qu'il n'y a pas remboursement.
Le Président: M. le premier ministre! S'il vous
plaît! Alors, sur une question de règlement, M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: Ce n'est pas la minute de bouffonnerie à
l'Assemblée nationale, c'est une question sur les autochtones. M. le
Président, si le premier ministre ne veut pas se conformer au
règlement, on peut constater qu'il est indigne de son poste, mais est-ce
qu'on pourrait lui demander d'être correct?
Des voix: Ah! Ah! Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, c'est la première
journée de la session intensive, il faudrait commencer ça un peu
plus calmement. Le premier ministre est prêt à répondre
à toutes vos questions. Vous avez le droit aux questions, on a le droit
aux réponses aussi.
Le Président: Alors, j'invite le premier ministre à
répondre. S'il vous plaît! S'il vous plaît!
Alors, je cède la parole au premier ministre et je l'invite
à répondre à la question telle que posée.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai le droit de me
référer aux propos constitutionnels de M. Claude Morin dont on
parle aujourd'hui et je n'ai pas l'intention de me laisser impressionner par
les propos du leader parlementaire de l'Opposition.
Des voix: Bravo!
M. Bourassa: Si vous avez décidé de passer
l'éponge sur une faute d'une gravité exceptionnelle, assumez-en
les responsabilités!
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, question... S'il vous plaît!
Alors, question... S'il vous plaît! Question complémentaire.
M. Brassard: m. le président, le premier ministre n'ayant
touché d'aucune façon, n'ayant pas dit un seul mot...
Une voix:...
M. Brassard: Bien, il n'a pas dit un seul mot sur la question que
j'ai posée!
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Bon, un
instant! S'il vous plaît! Non, simplement, je vous demande... Vous
argumentez, vous donnez un point de vue sur votre question telle que
posée. Je vous demande, s'il vous plaît, de poser une question
purement et simplement.
Une voix:...
Le Président: oui, question de règlement, m. le
leader de l'opposition.
M. Chevrette: Question de règlement. Une voix:
Aïe!
M. Chevrette: M. le Président, j'ai été
obligé de me lever à trois reprises pour ramener le premier
ministre à l'ordre sur le règlement. Alors que mon
collègue se lève, vous vous levez pour exiger une question. Il
fait un constat, qu'il n'y a pas eu l'ombre du début d'une
réponse. M. le Président, on va appliquer au moins la loi, les
mêmes mesures en cette Chambre.
Le Président: Effectivement, je veux bien le faire, mais
je demande la collaboration des deux côtés. Une question a
été posée, vous savez fort bien qu'on ne peut argumenter
et dire que la réponse est insatisfaisante. J'ai demandé au
premier ministre de revenir à la question; il est libre de prendre les
paroles qu'il veut pour répondre. Tout ce que je demande au
député de Lac-Saint-Jean, c'est de poser une question purement et
simplement, en question complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, d'abord, est-ce que le
premier ministre pourrait répondre à la question suivante, se
comporter comme un premier ministre et cesser de se comporter comme un clown en
Chambre?
Des voix: Ah! Ah! (10 h 40)
Le Président: Alors, sur une question de règlement,
M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, je m'en remets à
vous pour que cette Chambre puisse s'appuyer, s'articuler autour d'un certain
décorum, d'un respect...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Pagé: ...à l'égard de la fonction de
chacun des collègues ici, et particulièrement à
l'égard de la fonction éminente, M. le Président, du
premier ministre du Québec. Je demande donc, M. le Président, de
voir à ce que vous appliquiez rigoureusement le règlement et que
le député de Lac-Saint-Jean retire ses paroles. Ce ne sont pas
des propos qui sont dignes de cette Chambre et même qui sont dignes du
député de Lac-Saint-Jean, lui-même. Je suis persuadé
que ça a dépassé sa pensée et, connaissant sa
gentilhom-merie, M. le Président, je lui demande de retirer ses
propos.
M. Chevrette: Sur la question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Alors, sur la question de règlement,
M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, le respect engendre le
respect.
Une voix: C'est ça.
M. Chevrette: Premièrement. Deuxièmement, M. le
Président, on n'a pas de leçon à retirer du leader du
gouvernement qui fait appel au décorum. Quand on se comporte comme un
«Ti-coune» on mérite ce qu'on a!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Alors, les derniers propos étaient
évidemment... Vos derniers propos étaient évidemment de
trop, M. le leader de l'Opposition. Écoutez... À l'ordre, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, je pense que
l'Assemblée nationale est appelée à ses
responsabilités, chacun des membres doit agir à
l'intérieur des cadres que notre règlement nous fixe. Et,
effectivement, M. le député de Lac-Saint-Jean, je
considère que les propos que vous avez énoncés
précédemment à l'égard du premier ministre ou de
tout autre parlementaire sont inconvenants dans cette Assemblée, ne
s'appliquent pas à cette Assemblée, et je vous demanderais de les
retirer formellement. Alors, vous acceptez de retirer vos propos? Est-ce que
vous acceptez de retirer vos propos?
M. Brassard: Bon, d'accord.
Le Président: Alors, très bien, les propos sont
donc retirés, et je demanderais la collaboration de tous les
collègues afin de respecter et l'Assemblée, l'institution, et
respecter également chacun de ses membres.
Alors, pour une question complémentaire.
M. Brassard: Bien, j'espère avoir une réponse
sérieuse, M. le Président, à une question sérieuse.
Est-ce que le premier ministre a une opinion sur un sujet aussi sérieux
que celui-là? Est-ce qu'il est d'accord avec le consensus qui s'est
dégagé à Toronto à l'effet que tous les
traités concernant les autochtones soient rouverts, et ça
inclut la Convention de la Baie James? Et est-ce qu'il est d'accord pour que la
Convention de la Baie James soit considérée comme rouverte par le
processus, par le biais d'un amendement constitutionnel ou est-ce que selon
lui, et selon son gouvernement, la Convention de la Baie James ne peut pas
être rouverte sans l'assentiment du Québec? Il me semble que c'est
une question importante qui mérite une réponse
sérieuse.
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le député de Lac-Saint-Jean donne la
réponse dans sa question. Je veux dire, c'est évident
qu'actuellement nous n'avons pas les textes définitifs. Il le sait fort
bien que le Québec ne siège pas, n'a pas participé aux
négociations. Nous sommes informés par différentes
déclarations. Il peut y avoir des documents qui nous parviennent, mais
je veux dire, nous ne pouvons pas, sauf examiner sur le plan juridique toutes
ces implications-là, avoir d'avis définitif. Je veux dire, le
seul avis qu'on puisse exprimer, c'est celui qu'a exprimé le
député de Lac-Saint-Jean, qu'on ne voit pas comment on peut
changer des ententes sans avoir l'avis des signataires. Ça va de soi. Il
devrait être rapidement rassuré sur cette question-là et
passer à d'autres questions qui pourraient avoir une plus grande
utilité. Comment penser qu'on pourrait empiéter sur le
traité ou sur la Convention de la Baie James sans l'accord du
Québec? Poser la question, c'est y répondre.
Le Président: Alors, toujours en question
complémentaire.
M. Brassard: Je prends acte, M. le Président. Donc, il
faut l'assentiment du Québec pour rouvrir la Convention de la Baie
James.
Maintenant, deuxième question concernant les autochtones: Est-ce
qu'il est d'accord pour que le droit à l'autonomie gouvernementale, son
application, ses modalités d'application, soit tranché par les
tribunaux, après trois ans de négociations entre les
gouvernements qui seraient infructueuses? Est-ce qu'il est d'accord pour
remettre aux tribunaux le soin de trancher sur les modalités
d'application du droit à l'autonomie gouvernementale?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, sur ces questions-là,
nous n'avons pas terminé l'examen des implications juridiques. Si mon
information est bonne, on parlait de dix ans, maintenant on parle de trois ans.
Nous allons voir quelles sont les implications juridiques. Dans le cas de
l'accord du lac Meech, il y avait possibilité de faire
référence aux tribunaux également. Il reste à voir
dans quel contexte ça peut se faire. On sait que l'Assemblée
nationale, sur proposition du gouvernement dont faisaient partie le chef de
l'Opposition et le député de Lac-Saint-Jean, a reconnu les
nations autochtones comme des nations distinctes; il reste à voir les
implications juridiques d'une telle reconnaissance par l'Assemblée
nationale. En fin de semaine, on a décidé, du côté
du Parti québécois, de reprendre les négociations avec tes
autochtones; donc, ils pourront, de leur côté aussi,
vérifier les objectifs des nations autochtones.
Alors, nous examinons... Nous n'avons pas les textes définitifs.
Comme on le sait, ces textes-là vont être examinés par les
différents gouvernements, c'est normal. Il y a eu des ententes de
principe, quitte à ce que ça soit soumis aux gouvernements
respectifs dans l'ensemble du Canada. Alors, ce n'est rien de final. Nous
allons, de notre côté, continuer d'examiner les implications
juridiques. Je ne peux pas aujourd'hui commenter davantage sur des textes qui
sont loin d'être formels ou, encore, officiels et qui sont loin d'avoir
été remis, comme représentant les offres du gouvernement
fédéral, au gouvernement du Québec, en vertu de la loi
150.
Le Président: En question principale, M. le
député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition.
Compressions budgétaires touchant les
cégeps
M. Gendron: Oui, M. le Président. Hier, le
président de la Fédération des cégeps, M. Sansouci,
récidivait son appel au secours au premier ministre du Québec,
afin qu'il prenne les mesures appropriées pour corriger une situation
qu'il qualifie d'intenable, d'inacceptable et de catastrophe
intolérable, puisque les compressions de 16 000 000 $ annoncées
dans le discours du budget mettent en péril l'existence même d'une
vingtaine de cégeps et toucheront directement les services aux
élèves, tels le matériel pédagogique, les
laboratoires et les services pédagogiques. Il faut se rappeler
qu'à la même époque l'an dernier la
Fédération des cégeps soumettait un plan de redressement,
nécessitant une injection de l'ordre de 30 000 000 $, évidemment
qu'ils n'ont jamais eue.
Ma question à la ministre de l'Enseignement supérieur,
même si l'appel au secours est lancé au premier ministre:
Allez-vous aller dans le sens de l'appel au secours au premier ministre et
réviser cette décision grave et critique pour une vingtaine de
collèges et, en conséquence, est-ce que vous-même allez
défendre les collèges du Québec?
Le Président: Mme la ministre de l'Enseignement
supérieur et de la Science.
Mme Robillard: M. le Président, le contexte
budgétaire actuel, au niveau du gouvernement, a amené à
faire appel à tous les intervenants, de quelque milieu qu'ils soient,
pour contribuer à l'effort gouvernemental de rationaliser le plus
possible les dépenses budgétaires.
Dans ce contexte-là, tous les ministères ont
été interpellés, de même que le réseau de
l'éducation et le réseau de la santé et des services
sociaux. Alors, vous comprendrez bien, M. le Président, que c'est une
décision que nous avons prise, qui n'a pas été facile; je
pourrais même vous dire que, parfois, ces décisions sont
douloureuses, mais nous demandons au réseau de l'éducation et de
l'enseignement supérieur de contribuer à cet effort
gouvernemental. Il ne faudrait surtout pas oublier que le gouvernement du
Québec consacre plus de 3 000 000 000 $ à l'enseignement
supérieur au Québec. Alors, soyez assuré, M. le
Président, que je continue présentement, avec les cégeps,
l'étude du dossier et que nous allons faire tous les efforts
nécessaires pour que les services soient donnés
adéquatement aux élèves.
Le Président: En question complémentaire.
M. Gendron: Comment la ministre peut-elle, j'allais dire dormir
tranquillement sur la question et nous parler de milliards, lorsque 75 % des
budgets sont directement imputés aux salaires? Moi, je vous ai
parlé des services aux élèves. Question très
simple: Comment pouvez-vous avoir une telle attitude de demande d'efforts
additionnels, alors que vous vous apprêtez à accorder 8 000 000 $
d'aide additionnelle au secteur privé? (10 h 50)
Le Président: Mme la ministre.
Mme Robillard: J'espère, M. le Président, que le
député d'Abitibi-Ouest considère que les services des
professeurs, c'est aussi des services aux élèves. J'espère
aussi que ça fait partie de l'ensemble des services éducatifs. Je
vous dis que je suis la situation de très près. La situation est
sérieuse. Les cégeps doivent me déposer leur budget pour
le 30 juin et, par la suite, nous pourrons aviser, M. le Président.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Gendron: Est-ce que c'est parce que le président de la
Fédération des cégeps a la conviction que vous la suivez
de très près, la situation, qu'il lance un appel au secours au
premier ministre?
Le Président: Mme la ministre.
Mme Robillard: Les contacts sont fréquents avec la
Fédération des cégeps, et la Fédération des
cégeps, comme les universités, comme n'importe quel citoyen ou
citoyenne du Québec, peut très bien s'adresser à notre
premier ministre.
Le Président: En question principale, Mme la
députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Enquête policière sur la gestion des
fonds publics d'OXFAM et de ses fondations
Mme Harel: Alors, M. le Président, la nouvelle direction
d'OXFAM-Québec vient de transmettre à la police de la
Communauté urbaine, pour enquête policière, les rapports de
vérificateur indiquant une gestion pour le moins douteuse de fonds
publics d'OXFAM et de ses fondations. Or, une des fondations qui fait l'objet
d'enquête est la Fondation Oxford qui était
présidée, à l'époque, par l'actuel ministre du
Travail. Est-ce que le premier ministre a rencontré ou a l'intention de
rencontrer son ministre du Travail pour évaluer si le ministre entend
rester en fonction pendant toute la durée de cette enquête
policière?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Rien, rien ne m'a été soumis. Mon
collègue a discuté avec mes proches, mais rien n'a
été soumis comme quoi son intégrité pourrait
être mise en cause ni directement, ni indirectement. Je crois que la
députée de Hochelaga-Maisonneuve devrait être capable de
soulever un fait quelconque qui pourrait impliquer le ministre responsable.
Pour autant que je sois concerné, comme je le disais tantôt, il
n'y a pas de faits qui peuvent justifier que le ministre du Travail devrait se
retirer. Si la députée n'a aucun fait à soulever ou
à présenter, je crois que sa question est plus ou moins
pertinente.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
Mme Harel: Oui, M. le Président. Est-ce que le premier
ministre reconnaît que d'autres ont préféré
démissionner durant tout le temps d'une enquête policière,
quitte à réintégrer le Conseil des ministres par
après - je pense, évidemment, au ministre Masse et à bien
d'autres - et entend-il rencontrer son ministre pour en discuter avec lui?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai répondu
tantôt qu'il y avait eu des discussions entre mes proches. Je n'en ai pas
discuté personnellement avec le ministre. Mes collaborateurs principaux
ont vérifié les faits et, selon les faits, la question de la
députée n'est pas justifiée.
Le Président: Alors, en question principale,
M. le député d'Arthabaska.
Rencontre entre le directeur général du
GATT et le ministre de l'Agriculture du Québec
M. Baril: Oui, M. le Président. Dans un communiqué
émis hier par le ministre des Affaires internationales, ce dernier s'est
dit très satisfait des échanges qu'il a eus avec M. Dunkel, le
directeur général du GATT, et le même communiqué
nous apprenait également que le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation faisait partie de cette rencontre. Est-ce
que ce dernier, soit le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de
l'Alimentation, à l'instar de son collègue des Affaires
internationales, est, lui aussi, très satisfait de cette rencontre avec
M. Dunkel, notamment quant à l'avenir des offices de commercialisation,
de notre système de financement et de nos programmes
d'assurance-agricole?
Le Président: M. le ministre de l'Agriculture, des
Pêcheries et de l'Alimentation.
M. Picotte: M. le Président, d'abord, je pense que le
député d'Arthabaska aurait dû lire le communiqué de
presse tel qu'il était bien écrit, où mon collègue
disait sa satisfaction des échanges sur plusieurs dossiers industriels.
En ce qui concerne le dossier agricole, j'ai eu l'occasion de m'entretenir
personnellement, en compagnie de mon collègue, le ministre
fédéral, M. Pierre Biais, avec M. Dunkel au petit
déjeuner. Nous avons réitéré notre position. Je
l'ai même réitérée par la suite en assemblée
publique avec les différents représentants des agriculteurs du
monde entier. Et, M. le Président, ce que nous avons compris, c'est que
M. Dunkei était bien sympathique à notre position, mais il nous a
fait valoir que, finalement, lui, il essayait de rassembler la position de tout
le monde pour en faire un document commun et que, si les dirigeants des
États voulaient adopter notre position, libre à eux de le faire.
C'est dans ce sens-là, M. le Président, qu'on n'a pas à
affubler M. Dunkel de quelque épithète que ce soit, ce qui ne
veut pas dire pour autant qu'on ne continue pas, évidemment, de
défendre la position qui est la nôtre et qu'on va défendre
jusqu'au bout, M. le Président.
Le Président: Alors, en question
complémentaire.
M. Baril: M. le Président, comment le ministre de
l'Agriculture peut-il être rassuré sur les propos que M. Dunkel a
dits hier quand, publiquement, devant l'assemblée de la
fédération internationale ou le congrès international des
agriculteurs, ce dernier disait qu'il était trop tard pour reculer sur
la libéralisation du commerce des produits agricoles et que le point de
non-retour avait été franchi? Donc, comment le ministre peut-il
être rassuré quand, publiquement, M. Dunkel dit: Ce que le Canada
défend, ce que la position du Canada défend - et je le cite - je
n'en sais que faire. Il n'en a que faire, en voulant dire: Je m'en fous.
Comment peut-il être rassuré et quelle intention a-t-il maintenant
de réaffirmer ou de défendre davantage auprès du Canada,
puisque c'est le Canada qui nous représente encore une fois - on n'est
même pas à la table - et qu'est-ce que le ministre entend faire
pour rassurer les agriculteurs et pour obtenir notre satisfaction?
Le Président: M. le ministre.
M. Picotte: M. le Président, je pense que le
député d'Arthabaska mêle deux choses différentes. Y
a-t-il moyen qu'on prenne 30 secondes pour bien démêler les
idées de chacun en cette Chambre?
Le ministre, mon collègue, le député de Mont-Royal,
a mentionné qu'il était rassuré par les propos de M.
Dunkel sur différents dossiers industriels. En ce qui me concerne, moi,
je n'ai pas dit que j'étais rassuré, j'ai dit que j'ai
réitéré auprès de M. Dunkel la position
canadienne.
Maintenant, le député d'Arthabaska me demande: Qu'est-ce
qu'on pourrait faire de plus pour rassurer les agriculteurs? M. le
Président, les agriculteurs du monde entier étaient assis hier,
à l'hôtel Loews Le Concorde, où ils ont eu l'occasion
d'entendre eux-mêmes M. Dunkel. Ils ne sont pas plus rassurés que,
moi, je ne le suis présentement. Ils ne sont pas plus rassurés
que nous ne le sommes présentement, et ça entre dans les
discussions. Mais nous avons réitéré, autant les membres,
les différents producteurs des différents pays au niveau des
producteurs, autant l'UPA et autant celui qui vous parle, la même demande
en ce qui concerne notre protection.
Maintenant, le député d'Arthabaska dit: Qu'est-ce qui va
arriver puis qu'est-ce qui faut faire de plus, M. le Président? Bien, il
faut continuer de négocier assis à la table. C'est tout ce que je
peux lui dire. Qu'est-ce que vous voulez savoir de plus?
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Baril: Une dernière question, M. le Président.
Comment le ministre peut-il dire: On va continuer à négocier, on
va faire notre possible, quand le directeur général du GATT dit
lui-même qu'il veut remplacer le contrôle des importations par des
tarifs douaniers? Il voulait remplacer les tarifs douaniers par des tarifs.
Comment le ministre peut-il expliquer que c'est un homme, le directeur, qui
mène 108 pays? Ça n'a toujours pas de bon sens! C'est qui, le
boss,
dans les 108 pays? C'est le directeur ou c'est l'ensemble des pays? Puis
là, il se fie à lui.
Le Président: M. le ministre.
M. Picotte: M. le Président, encore une fois, le
député d'Arthabaska ne comprend pas le système. C'est
justement pour ça. Dunkel ne mène rien, il est un fonctionnaire
qui propose des choses. Ce sont les différents pays, M. le
Président, par leurs représentants, qui décident. C'est
pour ça qu'il ne faut pas se pâmer puis sauter par-dessus la
clôture si vite que ça. M. Dunkel ne mène rien; c'est un
fonctionnaire. Est-ce que vous faites la différence entre celui qui
mène puis un fonctionnaire? Si vous ne la faites pas, venez chez nous et
je vais vous en montrer.
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: Une dernière question
additionnelle.
M. Baril: m. le président, ça fait trois ans que
ces négociations traînent puis ça fait trois ans que dunkel
n'a pas changé d'idée puis qu'il continue toujours avec la
même. puis il va nous faire accroire que c'est les pays qui
mènent? voyons donc!
Le Président: Votre question! M. le ministre.
M. Picotte: C'est faux de dire que M. Dunkel n'a pas
changé ou quoi que ce soit. M. Dunkel n'a pas à changer. M.
Dunkel exprime les positions des différents pays qui arrivent sur son
bureau. Donc...
Des voix: Oh!
M. Picotte: Bien oui! C'est ça qu'il faut faire comme
différence. C'est ça qu'il faut faire comme différence. Je
vous vois, vous, et surtout vous, le député d'Arthabaska, qui
défendez avec acharnement la souveraineté du Québec, M. le
Président, et c'est son droit le plus strict. Je le voyais assis, hier,
avec tous les agriculteurs qui étaient là, essayer de faire
changer le monde entier, avec M. Dunkel. Quelle force aurait le
député d'Arthabaska, M. le Président? D'après ce
que je vois ici, ça ne serait pas convainquant le diable!
Des voix: Ha, ha, ha! (11 heures)
Le Président: Pour une toute dernière question
additionnelle.
M. Baril: m. le président, le ministre ne juge-t-il pas
à propos que l'agriculture québécoise serait mieux
défendue dans un québec souverain puisque ça nous
permettrait d'être assis à la table et de défendre notre
position?
Le Président: Écoutez! Un instant! Ceci est
clairement une question d'opinion à ce moment-ci. Alors, en question
principale, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
M. Picotte: J'aimerais ça y répondre, M. le
Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Écoutez! Un instant! J'ai quand
même dit que cette question-là était une question d'opinion
recevable à ce moment-ci.
Pour une question de règlement rapidement...
M. Picotte: On se parlera en arrière!
M. Pagé: M. le Président, la première
période de questions de cette session intensive est particulière.
Lorsqu'on répond, on dit qu'on ne veut pas répondre et, lorsqu'on
veut répondre, on nous dit de ne pas répondre.
M. le Président, le ministre devrait...
Le Président: Écoutez! Oui. Une minute! Une
seconde! Simplement, si vous avez une question de règlement, je constate
qu'il n'y en a pas à ce moment-ci. La question a été
jugée recevable. C'est une question d'opinion. Donc, question
principale, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Report des interventions chirurgicales à
l'hôpital Sainte-Justine de Montréal
M. Trudel: Merci, M. le Président. Les journaux, la
semaine dernière, nous apprenaient qu'un bon nombre d'opérations
pour les enfants de Sainte-Justine étaient retardées, sinon
reportées, compte tenu du manque de financement pour l'hôpital
Sainte-Justine à Montréal. On nous rapportait également
une situation encore beaucoup plus difficile: des enfants étaient
préparés à subir des opérations et ils
étaient retournés à leur domicile avec leurs parents
après avoir subi tous les tests et les préparations
nécessaires pour subir de telles opérations, avec la
déception qui peut s'ensuivre, évidemment.
Après des coupures de 37 000 000 $ dans les centres hospitaliers
au Québec annoncées dans les derniers crédits et, au
budget, une annonce supplémentaire de restrictions de 15 000 000 $, le
ministre de la Santé et des Services sociaux peut-il nous indiquer
aujourd'hui s'il entend remédier à la situation qui est en train
de se produire à l'hôpital Sainte-Justine de Montréal et
faire en sorte que les enfants qui sont en attente d'opérations à
cet hôpital puissent avoir ces opérations, recevoir les soins
nécessaires et avoir, bien sûr, pour l'hôpital, les
fonds nécessaires pour procéder aux opérations
requises?
Le Président: M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux.
M. Côté (Charl es bourg): M. le Président,
vous conviendrez avec moi que j'ai attendu la semaine dernière cette
question qui aurait pu facilement être plus élevée au
palmarès des choix qu'a faits l'Opposition. Une chose est certaine, M.
le Président, c'est qu'on mélange un petit peu de tout, comme le
député de Rouyn-Noranda-Té-miscamingue semble le faire
à plusieurs reprises.
Lorsqu'on parle de 37 000 000 $ de coupures, c'est de la non-indexation
et c'est 37 000 000 $ qui retournent dans le réseau. Ce n'est pas 37 000
000 $ de coupures, c'est 37 000 000 $ qui retourneront à des
priorités au niveau du réseau quant à la
réallocation, la prévention et la promotion de la santé
par rapport aux dépenses courantes. Deuxièmement, oui, un effort
additionnel de 15 000 000 $ sur un budget, dans le monde hospitalier de courte
durée, d'au-delà de 6 000 000 000 $. Il faut mettre les choses en
perspective.
Quant aux problèmes spécifiques de l'hôpital
Sainte-Justine, M. le Président, la direction de l'hôpital n'a pas
caché la situation et m'a expédié, suite à ces
annonces dans les journaux, un document assez substantiel quant à la
situation de Sainte-Justine et des demandes spécifiques que je suis
à analyser puisque je ne les ai reçues que vendredi dernier.
J'aurai une rencontre au cours de la semaine prochaine avec l'hôpital
Sainte-Justine et on verra ce qui peut être fait dans les circonstances,
toujours au profit des enfants et non pas des dispensateurs de services.
Le Président: Pour une question complémentaire.
M. Trudel: Toujours au chapitre des restrictions des services
dans les centres hospitaliers au Québec, comment le ministre entend-il
réagir à une autre menace de coupure de services suite à
un déficit accumulé d'au-delà de 10 000 000 $ au Centre
hospitalier de l'Université Laval et compte tenu également des
restrictions dont le ministre vient de faire état et qui risquent,
encore une fois, de détériorer les services dans un centre
hospitalier aussi important que celui de l'Université Laval?
Le Président: M. le ministre.
M. Côté (Charlesbourg): Comme vous le constatez, M.
le Président, un très beau pot-pourri. On commence par une
question sur Sainte-Justine et on déborde sur le CHUL, question de
ramasser deux principales. Parfait!
M. le Président, je vais y répondre en principale. Quant
à la problématique du Centre hospitalier de l'Université
Laval, effectivement, il y a une équipe qui est sur place et qui est
à examiner un certain nombre de choses quant au déficit, qui
était un déficit appréhendé de plus ou moins 17 000
000 $. Et il n'est pas causé par le ministère ni par le ministre,
le déficit de 17 000 000 $, pour envoyer un petit message au
président du CMDP, le Dr Richard.
Quant aux menaces, on a passé le temps des menaces, M. le
Président. Il faut examiner les situations telles qu'elles sont et faire
en sorte qu'on puisse, au niveau du Centre hospitalier de l'Université
Laval, à la lumière du rapport que nous aurons au cours des
prochaines semaines, faire les réajustements qui s'imposent et qui n'ont
pas été faits.
Le Président: C'est la fin de la période des
questions.
Il n'y a pas de votes reportés.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Pagé: M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, à compter de maintenant jusqu'à
13 heures et de 15 heures à 18 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission des affaires sociales poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi 33, Loi modifiant la
Loi sur les services de garde à l'enfance.
J'avise, de plus, qu'après les affaires courantes, donc à
compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures
et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine,
la commission de l'aménagement et des équipements poursuivra
l'étude détaillée du projet de loi d'intérêt
privé 221, Loi concernant la Régie intermunicipale de gestion des
déchets sur l'île de Montréal.
Voilà pour les avis, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Renseignements sur les
travaux de l'Assemblée, M. le leader de l'Opposition officielle.
Affaires du jour Affaires prioritaires
Reprise du débat sur la motion du ministre des
Finances proposant que l'Assemblée
approuve la politique budgétaire du
gouvernement et sur les motions de censure
Nous arrivons maintenant à l'étape des affaires du jour.
Affaires prioritaires.
À l'article 1 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le
débat, ajourné le 27 mai, sur la motion de M. le ministre des
Finances proposant
que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du
gouvernement, ainsi que sur les motions de censure présentées par
M. le député de Labelle, Mme la députée de Taillon,
M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, Mme la
députée de Johnson, Mme la députée de Terrebonne et
M. le leader de l'Opposition officielle.
Conformément aux dispositions de l'article 276 du
règlement, je vous rappelle qu'une intervention de 30 minutes est
réservée à M. le député de Labelle,
représentant de l'Opposition officielle, et que ce débat se
terminera par la réplique d'une heure accordée à M. le
ministre des Finances.
Alors, M. le député de Labelle, pour votre intervention
d'une durée maximale de 30 minutes.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Nous
complétons aujourd'hui l'étude de la politique budgéraire
du gouvernement libéral pour l'année financière 1992-1993.
Cette politique s'inscrit parfaitement dans la continuité des derniers
budgets, c'est-à-dire qu'elle impose, encore une fois, une hausse du
fardeau fiscal, qu'elle impose des contraintes à la relance
économique plutôt que de la stimuler, qu'elle ne contient aucune
vision pour l'avenir et qu'elle est finalement un chef-d'oeuvre de maquillage.
Bref, le budget 1992-1993 ne répond en rien aux préoccupations
des Québécois. Je les rappelle à l'intention du ministre
des Finances, du gouvernement et de la majorité
ministérielle.
Les Québécois ne peuvent pas supporter une augmentation
des impôts et des taxes. Ils en ont eu assez au cours des
dernières années, et assez au cours de la dernière
année particulièrement. Ils sont soucieux des problèmes de
chômage et de la précarité de nombreuses entreprises. M. le
Président, le taux de chômage, je le rappelle, est de 12,5 % et le
taux des faillites est un taux record à l'heure actuelle. Ils sont aussi
soucieux, très soucieux, de l'avenir du Québec. Ils sont
inquiets, particulièrement à cause du contexte international, des
accords du GATT, qui vont les toucher nécessairement, et de l'Accord de
libre-échange dont les retombées se font sentir, ainsi que des
négociations qui sont en cours avec le Mexique.
Le ministre des Finances a parlé des attentes de la population,
mais, malheureusement, il les a ignorées, carrément
ignorées dans son budget. Depuis la dernière élection,
pour parler des taxes, le premier point que je voulais aborder ici en termes de
conclusion, à la suite de l'étude que nous avons faite en
commission parlementaire, nous avons abordé ce sujet des taxes. Depuis
la dernière élection, le gouvernement libéral n'a
accordé aucun répit aux Québécois, aucun
répit aux Québécois. Année après
année, le fardeau fiscal s'est alourdi sur les épaules des
Québécois. Les budgets 1990-1991, 1991-1992 et, maintenant, celui
de 1992-1993 ont constamment accru le fardeau fiscal des
Québécois. (11 h 10)
Je rappelle des chiffres que nous avons établis en commission
parlementaire, en la présence du ministre, qui n'y a pas répondu,
d'ailleurs. De 1989-1990 à 1992-1993, les revenus autonomes du
gouvernement du Québec, en proportion du produit intérieur brut,
sont passés de 16,2 % à 18 %, une augmentation de pratiquement 2
points de pourcentage, une augmentation considérable de 10 %. Les
revenus autonomes du gouvernement du Québec se sont accrus de deux
points de pourcentage, de 16,2 % à 18 % en trois ans, c'est
considérable. Je cite ces chiffres, M. le Président. En
1989-1990, les revenus autonomes du gouvernement du Québec: 24 316 000
000 $, le pib, 149 652 000 000 $, le pourcentage, 16,2 %. en 1990-1991, 25 991
000 000 $ de revenus autonomes pour le gouvernement du québec, le pib,
154 066 000 000 $, soit une proportion de 16,8 %. en 1991-1992, 27 190 000 000
$ de revenus autonomes et le pib, 156 188 000 000 $, soit une proportion de
17,8 %. finalement, en 1992-1993, selon les prévisions du ministre des
finances - espérons qu'elles se réaliseront pour le moins, parce
qu'on pourrait revenir là-dessus - les revenus autonomes sont de 29 028
000 000 $, le pib du québec, 161 270 000 000 $, pour un pourcentage de
18 %. voilà, selon les prévisions mêmes du ministère
des finances, c'est-à-dire qu'au fond la charge fiscale augmente par
rapport à la production que nous faisons dans l'ensemble du
québec.
Ce que cela veut dire aussi, M. le Président, comme je l'ai
établi ultérieurement, c'est que le gouvernement du Québec
va chercher l'ensemble, la grande partie des revenus additionnels que les
Québécois produisent pour se les accaparer. En
réalité, c'est 87 % de l'augmentation du PIB qui est allée
dans les coffres du gouvernement du Québec. Je ne parle même pas
du fédéral qui est allé, lui aussi, chercher sa part. Le
gouvernement du Québec s'accapare à lui seul de l'augmentation du
PIB dans une proportion de 87 %. C'est un chiffre considérable, M. le
Président. Cela veut dire qu'il ne reste plus de place pour les
entreprises, qu'il ne reste plus de place pour les citoyens comme tels. C'est
le gouvernement du Québec qui va chercher le tout. C'est une
constatation majeure que nous faisons dans ce contexte.
Je voudrais maintenant arriver à un point qui a fait,
évidemment, parler durant la semaine dernière ainsi que ce matin,
parce que, lorsque nous comparons notre situation par rapport à celle de
notre principal partenaire économique, nous voyons que l'écart
s'agrandit plutôt que de se rapprocher. Je parle du Québec et de
l'Ontario. L'écart se creuse entre le fardeau fiscal. En commission
parlementaire, à ma demande - c'était ma première
intervention - le ministre
des Finances a rendue publique la comparaison entre le fardeau fiscal du
Québec, des Québécois, et le fardeau fiscal des Ontariens,
secteur privé, document qui a été déposé en
commission pour l'année 1991-1992, et que nous n'avions pas eu
jusque-là. Je comprends que le ministre était réticent
à le donner, mais, finalement, il s'est rendu à la requête
que nous lui faisions.
En fait, M. le Président, de 1990 à 1992, sur une
période de trois ans seulement, cet écart est passé de 3,5
% à 9,3 %. En fait, c'est un modèle économique qui a
été construit et qui dit que, si les lois ontariennes
s'appliquaient au Québec, le fardeau fiscal du secteur privé
québécois serait de 2 877 000 000 $ moins élevé si
nous avions le fardeau fiscal des Ontariens ou, si l'on veut inverser la chose,
les Québécois paient 2 800 000 000 $ de taxes de plus que les
Ontariens à fardeau égal. C'est vraiment ce qui a
été reproduit, ce matin, dans le Journal de Montréal
sous la signature d'un journaliste que tout le monde connaît, Normand
Girard, qui a reproduit le tableau déposé par le ministre.
Le fardeau fiscal du secteur privé s'est accru durant ces trois
ans. Pour l'année 1990, le fardeau fiscal était de 1 030 000 000
$ plus élevé pour les Québécois que pour les
Ontariens, toutes proportions gardées, en essayant de faire une
comparaison, par un modèle, qui soit significative et qui nous
amène à conclure très nettement que le fardeau fiscal des
Québécois est plus élevé; 1 030 000 000 $ en 1990,
soit un écart de 3.5 %. en 1991, ce fardeau s'est accru à 2 121
000 000 $ pour 7,5 %. finalement, en 1992, à la suite du budget qui
vient d'être déposé, malgré que le ministre se soit
vanté qu'il diminuait la taxe de vente, ce que tout le monde sait qu'il
n'en est rien, le fardeau fiscal est maintenant de 2 877 000 000 $ pi us
élevé pour les québécois que pour les ontariens,
soit une différence de 9,3 %.
Cette évolution, M. le Président, est d'autant plus
troublante que l'Ontario aussi a relevé le fardeau fiscal de sa
population au cours des deux dernières années. Il faut voir
jusqu'à quel point cela a un impact, une année sur l'autre.
Ainsi, le dernier budget de l'Ontario, en raison des charges fiscales qu'il
imposait, avait pour effet de réduire l'écart
Québec-Ontario de 2,9 points de pourcentage, c'est-à-dire de 7,5
% à 4.6 %. mais le dernier budget libéral a eu pour effet, quant
à lui, d'accroître l'écart de 4,6 points de pourcentage et
de le ramener à 9,3 %.
Le ministre des Finances a tenté de réduire l'impact de
ces données en faisant des ajustements pour le déficit. Je
comprends. Tout à coup, cela le sert, il introduit une nouvelle ligne en
moins. Le ministre prétend, en effet, qu'un déficit
budgétaire n'est, en fait, que des impôts et des taxes pour le
futur. Nous y reviendrons. J'invite le ministre des Finances à la
prudence. Est-ce qu'on doit comprendre que les déficits de 4 195 000 000
$ en 1991-1992 et de g 800 000 000 $ pour 1992-1993 jusqu'à 1994-1995
doivent être vus comme des taxes à venir? Il devrait, là
aussi, lui-même l'ajouter. Il répondra tout à l'heure.
Mais je vais revenir, M. le Président, sur cet écart
fiscal Ontario-Québec. Je trouve important de toucher un point en
rapport avec le tableau qui a été publié ce matin et qui
avait été déposé la semaine dernière.
L'écart fiscal est de 2 877 000 000 $ après une augmentation du
fardeau fiscal en Ontario de 2,9 %, comme le ministre lui-même l'a
établi en commission parlementaire. Qu'est-ce que cela signifie? Cela
signifie qu'il ne faut pas en rester, lorsqu'on évalue le budget de
cette année, à cet écart fiscal uniquement
Ontario-Québec, il faut voir ce que l'Ontario lui-même a
ajouté au fardeau fiscal des Ontariens pour comprendre l'augmentation du
fardeau fiscal des Québécois. Lorsqu'on évalue, lorsqu'on
fait une simple règle de trois, si 9,3 %, cela signifie 2 877 000 000 $
de fardeau fiscal en plus pour les Québécois que pour les
Ontariens, il faut voir que, par rapport à l'année
antérieure, notre fardeau fiscal, quant à nous, étant
donné les 2,9 points de pourcentage de plus en Ontario, l'augmentation
de notre fardeau fiscal, cette année, c'est 4,6 points de pourcentage.
Cela signifie une augmentation du fardeau fiscal, quant à l'année
dernière, de 1 423 000 000 $. C'est cela que ça veut dire. (11 h
20)
Implicitement, le ministre des Finances admet qu'il a augmenté le
fardeau fiscal des Québécois d'une somme de 1 423 000 000 $ cette
année au-delà de l'an dernier. Or, nous avions établi,
l'an dernier, que le fardeau fiscal, depuis la dernière élection,
avait augmenté de 2 433 000 000 $, environ. Étant donné le
report de l'application de la deuxième phase de la TVQ, on peut
peut-être soustraire une cinquantaine de millions, environ. Donc, si nous
arrondissons, l'augmentation du fardeau fiscal depuis la dernière
élection, avant le dernier budget, était de 2 400 000 000 $. Le
dernier budget augmente le fardeau fiscal de 1 423 000 000 $ que nous pouvons
calculer simplement par une règle de trois. Et je pense que le ministre
ne peut pas contester un tel calcul parce que c'est tiré de ses propres
chiffres, parce qu'il a admis en commission parlementaire que l'écart,
du seul fait du Québec, avait augmenté, entre l'Ontario et le
Québec, de 4,6 %, mais que l'écart réel s'était
réduit parce que l'Ontario aussi, comme province, avait augmenté
son fardeau fiscal de 2,9 %.
La conclusion de tout cela, c'est que notre fardeau fiscal, cette
année, en chiffre total, a augmenté de 1 423 000 000 $.
Peut-être que le ministre peut se chicaner sur 3 000 000 $, mais c'est de
1 423 000 000 $ qu'il s'agit. Une augmentation considérable.
Il faut établir ce chiffre, M. le Président, en pleine
période de récession alors qu'on n'est pas sortis de cette
récession qui dure et qui
perdure. Et je comprends bien que le ministre essaie de réduire
ces écarts en comparant 1991 et 1992. Quelle que soit la base sur
laquelle on établit ces comparaisons, le fardeau fiscal a
augmenté plus vite qu'en Ontario cette année, de façon
significative, de plusieurs centaines de millions de dollars, et lorsque le
ministre vient nous soustraire des ajustements pour le déficit je le
renvoie à ses propres discours qu'il a faits sur la question. Si lui
fait des déficits comme il les a faits, ça veut dire qu'il
pellette des taxes, ses propres taxes dans le futur. M. le Président, il
répondra tout à l'heure.
Je voudrais aborder un point sur cette nouvelle orientation fiscale qui
nous est imposée, qui est une orientation majeure, fondamentale et dont
on a peu parlé. De nombreux groupes dans notre société
réclament un débat public sur la fiscalité. D'autres
étendent la demande en parlant d'un débat public sur les finances
publiques, donc, sur l'ensemble de la gestion du gouvernement. Non seulement le
ministre ne prévoit pas un tel débat, mais il a imposé un
choix que d'aucuns prétendent être un choix de
société. Le gouvernement libéral a fait le choix de taxer
la consommation et de ne plus toucher à l'impôt sur le revenu.
Est-ce qu'il y a eu un débat public là-dessus? La réponse,
il faut la donner: C'est non. Non. Posons comme hypothèse que ce ne soit
pas un mauvais choix. Posons cette hypothèse. Parce qu'il y a des gens
sérieux qui proposent un tel choix. Par exemple, Maurice Allais, qui a
reçu un prix Nobel sur cette question, propose de taxer la consommation.
Mais ce qu'il faut dire, ce qu'il faut constater, c'est que le choix nous a
été imposé sans débat alors qu'il y avait
matière à débat, mais vraiment matière à un
très large débat sur cette question.
Je vais simplement traiter de l'exemple de la TPS au
fédéral, qu'on pourrait aussi critiquer. En 1987, le gouvernement
libéral a annoncé son intention d'envahir le champ des taxes
à la consommation. Il s'en est suivi un débat de trois ans, des
études pendant lesquelles les provinces se sont prononcées, les
députés ont discuté, les personnes, les groupes ont
donné leur avis. De toutes ces discussions, il a résulté
des modifications à l'assiette de la taxation, des modifications au taux
de la taxe, etc., et le gouvernement fédéral s'est
prêté, jusqu'à un certain point, à des modifications
majeures tout en maintenant le cap essentiel sur la taxation à la
consommation.
Au Québec, la décision a été prise sans
qu'il y ait de débat; même plus, M. le Président, la
décision était prise lors du discours sur le budget, sur le
budget de 1990-1991, qui a été lu au mois de mai 1990. Pourtant,
l'annonce n'en fut faite que le 30 août 1990. C'est le 30 août 1990
que nous avons appris que la décision avait été prise et
inscrite dans le budget 1990-1991. Ce qu'on sait aujourd'hui, c'est que le
sujet n'a même pas été discuté au Conseil des
ministres de façon significative puisque, à l'été
1990, le ministre du Revenu d'alors s'opposait à une telle
harmonisation. Ce ministre l'a appris en même temps que nous, d'où
sa démission au début de septembre 1990. L'ancien ministre du
Revenu, M. Yves Séguin, a appris la chose et la décision du
gouvernement en même temps que la population, par la déclaration
ministérielle du ministre des Finances, et ça l'a amené
à démissionner. La chose était grosse, en effet: imposer
un changement radical, un changement fondamental dans la fiscalité des
Québécois, de façon aussi camouflée que le ministre
l'a fait.
Pour qu'il y ait un débat, évidemment, il faut de
l'information. Or, à ce chapitre, la réforme de la TVQ constitue
un scandale, un véritable scandale. Au cours de l'étude en
commission parlementaire, le ministre a commencé à lever le voile
sur les secrets de cette réforme, parce qu'il faut bien en parler de
cette façon. Il a, en effet, révélé l'impact de la
phase II de cette réforme de la taxation sur les consommateurs, les
entreprises et le secteur public. Il a déposé un tableau sur la
phase II. Je dirai que c'est un tableau, que ce sont des informations ou que
c'est tout simplement un début qui arrive trop tard dans le
débat, parce que cela fait plus de deux ans que la décision a
été prise, plus de deux ans. Et encore, il manque beaucoup
d'information, notamment sur l'impact de la phase I. Quand j'ai posé la
question au ministre: Vous nous donnez les tableaux sur la phase II, qu'en
est-il de la phase I, la plus importante de l'introduction de la réforme
de la taxe de vente du Québec? Le ministre a dit que ça serait
très difficile à établir, qu'il ne pouvait pas faire de
calculs rétroactifs, que ça serait très long et que
lui-même ne les connaissait pas. Cela m'a amené à dire, M.
le Président, à constater que, si ce que le ministre dit est
exact - je ne peux pas mettre sa parole en doute - ça veut dire que la
décision a été prise sans qu'on connaisse
véritablement les impacts de la taxe de vente du Québec.
Simplement en termes budgétaires, on ne les connaissait pas, ou
peut-être que certains les connaissaient, mais ils n'ont livré
l'information ni au public et, si je comprends, ni au ministre.
Qu'est-ce que cela veut dire? C'est que la réforme la plus
importante des dernières années a été faite sans
qu'on sache vraiment où on s'en allait. Si on ne pouvait même pas
donner les impacts budgétaires de cette réforme, qu'en est-il des
impacts économiques? Or, on sait que le Conseil économique du
Canada avait demandé et au fédéral et aux provinces de ne
pas s'embarquer dans cette réforme, au moment où il le faisait,
particulièrement au moment où le Canada entrait en
récession économique, en 1990. Mais, comme le ministre
lui-même niait qu'on entrait en récession, évidemment, il
était malvenu de dire que, peut-être, un changement fiscal pouvait
avoir des impacts économiques. Au fond, il
ne lisait pas les tableaux de bord de l'économie. (11 h 30)
M. le Président, je sais que le ministre va dire qu'il a
distribué des tableaux. Ces tableaux arrivent très tard et,
lorsqu'on les regarde, d'ailleurs, on voit très bien qu'il faut aller
chercher l'information goutte à goutte, miette à miette.
Lorsqu'on examine des tableaux, pour certains, on s'aperçoit, tableau
après tableau, par exemple pour les entreprises, que les avantages
qu'elles devaient retirer, parce que c'étaient elles les gagnantes, qui
devaient être les grandes gagnantes de cette réforme, pour leur
permettre d'être plus compétitives, que les avantages qu'elles
devaient en retirer se sont amenuisés, ont fondu comme neige au soleil.
On devait, à l'origine, avoir un avantage de 1 380 000 000 $, ça
s'est réduit graduellement à 867 000 000 $. Et lorsqu'on
soustrait toutes les taxes que le gouvernement actuel a imposées aux
entreprises depuis le budget 1990-1991, on en est réduits à rien.
C'est une réforme qui est neutre pour les entreprises, mais qui a
été bénéfique pour le gouvernement, alors qu'elle a
été très coûteuse pour les consommateurs. Et ce
pourquoi le ministre ne livre pas l'information en ce qui concerne la phase I,
c'est justement qu'il apparaîtrait très clairement que le
consommateur a payé le coût de cette réforme; très,
très clairement.
L'avantage fiscal, il l'établit, simplement en termes de
détaxe sur les achats qui servent à la fabrication, à 867
000 000 $, après le dernier budget, mais il faut encore déduire
un montant de 228 000 000 $ qui est fait de la surtaxe de deux points de
pourcentage sur le revenu d'entreprises actives; donc, ça réduit
à 639 000 000 $. On doit encore déduire la mesure
générale des revenus des entreprises, qui est en force depuis
septembre 1991, avec l'impact de la baisse du taux de la taxe de vente de 9 %
à 8 % en 1991, et on arrive à un avantage de 479 000 000 $. Ce
que le ministre n'ajoute pas dans son tableau, c'est la surtaxe qu'il a
imposée aux entreprises dans le budget 1990-1991, qui vaut 128 000 000 $
aujourd'hui. C'est une autre taxe qui était aussi dans le budget de 1991
de 19 000 000 $, et c'est aussi une autre taxe sur le capital qu'il a
augmentée cette année, 33 000 000 $. Quand on additionne
ça, c'est encore 180 000 000 $ qu'il faut soustraire des 479 000 000 $.
On est rendus en bas de 300 000 000 $.
Et que dire maintenant des augmentations de taxes sur le plan municipal,
sur le plan scolaire, des taxes qui ont affecté très durement les
entreprises cette année, lorsque le gouvernement a refilé la
facture du transport public aux entreprises, via les municipalités?
C'est elles, en particulier dans la Communauté urbaine de
Montréal, qui ont payé, les entreprises. En d'autres termes,
depuis la dernière élection, les entreprises n'ont pas pu
profiter de toute la réforme de la taxation. Les consommateurs ont
payé gravement et c'est le gouvernement qui a encaissé.
De plus, cette réforme s'est faite sous le sceau du secret, du
maquillage, de la manipulation. C'était caché dans le budget de
1990. C'est apparu dans la déclaration ministérielle du 30
août 1990 et, ensuite, on est revenus, sous la pression du monde du livre
et de l'édition, pour exempter le livre, qui était une mesure
qu'il fallait à tout prix adopter et que l'Opposition a
appliquée.
Lors du budget de 1991-1992, au lieu de descendre la taxe de vente
à 7 % comme il avait été convenu, à cause de
l'élargissement de la taxe, on en est resté à 8 %, et on a
annulé les exemptions ou les baisses de taxes qu'il devait, en
contrepartie, y avoir sur le tabac, l'essence et les alcools. On a
annulé. Donc, le gouvernement, durant tout ce temps, a encaissé,
a augmenté le fardeau fiscal des Québécois. C'est
ça qu'il a fait, il a augmenté considérablement le fardeau
fiscal.
Est-ce que pour autant les déficits ont diminué?
J'oubliais, dans l'improvisation, il a encore reporté l'application de
la phase II au mois de juillet. Pourquoi? Les vraies raisons, à ce qu'on
sache, à ce qu'on a appris depuis... La vraie raison, c'est que le
ministère du Revenu n'était pas prêt à l'appliquer.
Dieu merci, au moins, leur improvisation aura servi à ne pas trop
«clencher» l'économie. Ils auraient dû, d'ailleurs,
aller plus loin là-dedans et reporter le tout au moins au 1 er
janvier.
M. le Président, un autre aspect qui est important et que je veux
toucher en terminant - parce que j'aurais pu toucher beaucoup d'autres mesures,
revenir sur l'absence de mesures économiques dans ce budget - l'autre
aspect de cette réforme, c'est que le gouvernement du Québec
s'est trouvé à permettre au gouvernement fédéral,
à laisser le gouvernement fédéral envahir le champ des
taxes à la consommation. Bien sûr, il y a du maquillage encore
là-dedans.
Le ministre dit que le fédéral pouvait le faire. Fort
bien, sauf que jamais il ne l'avait fait. Et, sur le plan des conventions, je
crois bien que le Québec s'estimait dans son secteur, dans son champ de
taxation. Il a laissé faire. Il a dit qu'en contrepartie d'une petite
entente administrative de perception de la taxe - donc, ce sont simplement des
gens qui perçoivent les taxes - il avait laissé, finalement, le
fédéral envahir. Le ministre dit qu'effectivement ils ont fait
contre mauvaise fortune bon coeur, que c'est eux qui perçoivent et que,
ça, ça tient lieu de tout et, donc, que c'est un avantage. Je
regrette, le gouvernement fédéral s'est introduit dans le champ
des taxes à la consommation.
Le résultat, je l'ai illustré par ce qui arrive dans la
culture, dans le monde du spectacle, notamment. Les municipalités qui
s'occupent en particulier de cet aspect de la culture, qui
organisent avec des gens dans le territoire toutes espèces de
spectacles, tiraient 10 %, une taxe de 10 % de cette activité culturelle
qui est majeure partout au Québec, notamment dans les villes. Qu'est-ce
qui arrive à la fin, après toute cette réforme? C'est
qu'elles auront zéro. Zéro comme champ d'imposition, comme champ
de taxation. Le gouvernement du Québec y sera allé de 4 %. Bien
sûr qu'il entend aller jusqu'à 8 % dans le temps, et c'est le
fédéral, maintenant, qui s'est introduit pour 7 % dans le champ
des spectacles, culture et spectacles. Les élus qui s'occupaient de ce
champ d'activité culturelle sont exclus maintenant de ce champ
d'imposition. Cela veut dire que, dans le temps, ils vont s'en
désintéresser parce qu'ils n'auront plus aucun
intérêt à s'en occuper, et tous ceux qui s'occupent de
cette activité savent très bien l'impact que cela aura dans le
temps.
M. le Président, vous me faites signe que c'est terminé.
Je voudrais vous dire que ce budget vient encore d'augmenter le fardeau fiscal
des Québécois de 1 400 000 000 $. C'est ça que cela veut
dire. 1 400 000 000 $ en 1992-1993. Il n'y a, par ailleurs, comme nous l'avons
établi en commission parlementaire, aucune mesure de relance qui soit
significative; au contraire les investissements des secteurs public et
parapublic du gouvernement vont baisser cette année comparativement
à l'an dernier. Je maintiens, M. le Président, la motion de
blâme. Vraiment, cette année, elle est encore plus
justifiée que les autres années. C'est un gouvernement qui n'a
aucune idée, qui laisse faire sur le plan économique. La
théorie d'Adam Smith, qui date de 200 ans, il s'arrête là;
ils se sont arrêtés là.
M. le Président, c'est un gouvernement usé et
fatigué - usé et fatigué - qui essaie d'apporter tout ce
qu'il apporte en cachette. Je m'étonne d'ailleurs qu'une telle attitude
antidémocratique, je dois le dire, provienne du ministre des Finances
qui a une longue expérience parlementaire, mais qui en profite pour
essayer de faire dévier les débats de l'Assemblée
nationale plutôt que d'aller au fond des choses.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Nous en arrivons
maintenant à la fin du débat concernant la motion de M. le
ministre des Finances proposant que l'Assemblée approuve la politique
budgétaire du gouvernement. Ce débat se termine par la
réplique de M. le ministre des Finances. M. le ministre des Finances, je
vous rappelle, tel qu'indiqué tout à l'heure, que vous avez droit
à une intervention maximale de 60 minutes. M. le ministre des Finances
et député de Bonaventure. (11 h 40)
M. Gérard D. Levesque (réplique)
M. Levesque: M. le Président, je suis heureux de constater
que le député de Labelle a tiré certaines leçons de
l'exercice en commission parlementaire. Cette critique, qui était
complètement démesurée, a repris une forme beaucoup plus
acceptable. Je comprends fort bien le rôle de l'Opposition, ayant
passé moi-même 17 ans dans ce contexte. Je comprends qu'il faut
essayer de trouver les points faibles d'une mesure présentée par
le gouvernement afin, justement, que la population puisse faire un peu la part
des choses et en arriver à une conclusion.
Je vois que le député de Labelle a laissé tomber
ses accusations de haute trahison. Il a laissé tomber ses critiques sur
une foule de mesures lorsqu'il s'est aperçu que la population les
acceptait avec enthousiasme. Dans cette demi-heure qui vient de lui être
consacrée, après les 10 heures en commission parlementaire,
après les 13 heures de débat à l'Assemblée
nationale, après tout cela, qu'est-ce qu'il a à nous dire? Il
résume sa pensée en parlant d'une chose, c'est-à-dire le
fardeau fiscal, deuxièmement, l'écart avec l'Ontario et une
absence de débat suffisant pour la question des taxes à la
consommation. Et voilà! C'est ce qu'il nous dit.
Or, M. le Président, c'est qu'il a sûrement pris
connaissance des réactions de la population à ce budget. Il n'a
pas parlé, évidemment, de ce que nous avions
présenté comme déficit en 1992-1993. Il n'a pas osé
parler de cela. Il n'a pas parié des mesures structurantes sur
l'économie. Il a simplement dit: Absence de mesures. Or, M. le
Président, il y en a des pages et des pages dans le budget, des mesures
structurantes sur l'économie. Le député de Labelle ne
semble pas s'intéresser à la famille québécoise. Il
a passé sous silence, et dans sa critique et dans sa réplique
d'aujourd'hui, toutes les mesures pouvant toucher la famille
québécoise. Et, évidemment, il a passé sous silence
des constats comme celui que nous retrouvons, par exemple, dans un article
d'Alain Dubuc dans le journal La Presse, en editorial. Et voici un
extrait qu'il aurait peut-être pu... Je comprends que c'était
difficile pour lui de le faire, mais il aurait pu sans doute nous lire ceci,
sous la plume d'Alain Dubuc: «Le gouvernement libéral ne
déroge pas d'une ligne, tracée quelques années avant sa
venue au pouvoir, mais qu'il a érigée en credo. Cette
démarche repose sur quelques paramètres immuables: mener
progressivement le déficit à zéro, ne jamais augmenter les
impôts et tenter de les baisser, assurer ces deux premiers objectifs par
un resserrement des dépenses ou par la tarification, favoriser le
déplacement de la fiscalité vers les taxes à la
consommation et, s'il y a de l'argent en trop, le rediriger vers les
familles.»
Et je continue, M. le Président: «Mais ce qui est
remarquable cette année, c'est à quel point Québec a
réussi à maintenir ce cap, malgré la récession. Le
déficit est élevé, à 3 700 000 000 $, mais il est
en baisse par rapport à l'an dernier, et beaucoup moins
élevé que les 5 000 000 000 $ auxquels on s'attendait
dans les milieux financiers. Enfin, il devrait revenir progressivement
à la normale au fil des années. «Cette capacité des
finances publiques québécoises, poursuit M. Alain Dubuc, à
retomber sur leurs pattes, surtout quand on la compare à l'emballement
des finances ontariennes, montre à quel point le Québec, avec sa
terne gestion, s'est doté de finances publiques foncièrement
saines.»
Il me semble, M. le Président, que ça aurait
été intéressant d'entendre le député de
Labelle nous rappeler cet editorial. Mais M. Dubuc n'est pas le seul. Voici M.
Claude Picher, du journal La Presse, et je cite: «...Gérard
D. Levesque, dans son huitième budget, s'est gardé de toute
hausse d'impôt sur le revenu. Et contrairement aux tripotages du budget
ontarien, celui du Québec est limpide sur ce point.» Et je
continue la citation: «II n'y a aucune hausse des impôts sur le
revenu, ni cachée, ni déguisée, ni rien. Le ministre
indexe même pleinement tous les crédits d'impôt. Son budget
épargne complètement fumeurs, buveurs et automobilistes,
éternels souffre-douleur des ministres des Finances.»
M. le Président, voici un autre témoignage, celui de M.
Georges Angers, du journal Le Soleil, sous le titre «Des choix
réalistes». Je cite: «Le mieux, dit-on - je cite - est
l'ennemi du bien et, dans son budget d'hier, le ministre des Finances du
Québec, M. Gérard D. Levesque, a renoncé au mieux et
choisi le bien. M. Levesque s'est en effet plié aux pressions de la
conjoncture, mais, en ce faisant, il a dû renoncer à
équilibrer les opérations budgétaires du gouvernement
québécois, du moins dans un avenir prévisible. Le
gouvernement a donc choisi de ne pas "s'enrichir", c'est-à-dire de ne
pas augmenter ses revenus plus que ne s'enrichira l'économie
québécoise cette année. C'est ainsi que l'augmentation des
revenus autonomes - ça, ça répond à une
prétention du député de Labelle - de l'État
québécois, sera du même ordre que celui du produit
intérieur brut prévisible plus l'inflation, c'est-à-dire
autour de 4 %.»
M. le Président, ce sont là, je pense, des
témoignages qui viennent contredire, d'une façon absolument
fondamentale et radicale, les propos du député de Labelle.
M. le Président, j'aimerais simplement relever le cas des
familles, parce que ça, ça a été
complètement ignoré du côté de l'Opposition.
D'abord, contrairement aux autres provinces et au gouvernement
fédéral, le Québec maintient le plein montant des
crédits d'impôt personnels pour enfants à charge. La
reconnaissance des charges familiales représente un
bénéfice de 457 000 000 $ pour les familles, qui n'aura plus
d'équivalent dans les autres provinces à compter de 1993, seul le
Québec, et, de plus, le Québec n'imposera pas la nouvelle
prestation qui remplacera, notamment, les allocations familiales
fédérales qui étaient taxables, ce qui accorde une baisse
d'impôt de 70 000 000 $ aux familles. De plus, le Québec a
déjà mis en place plusieurs mesures pour rendre plus
équitable le régime d'imposition s'appliquant aux conjoints de
fait et aux personnes mariées. (11 h 50)
En plus de ces mesures et en plus de l'indexation, car il ne faut pas
oublier l'indexation, M. le Président, l'honorable député
de Labelle aurait pu rappeler que, lorsqu'il était au pouvoir durant ces
années-là, on a connu une inflation d'environ 80 %. Et quelle a
été l'indexation accordée par son gouvernement? Environ 40
%. Il y a des années où on n'a même pas indexé.
Indexation: zéro. Allocations familiales gelées, zéro.
Alors, M. le Président, depuis 1985 que nous sommes au gouvernement du
Québec, nous avons indexé à 100 %. Encore cette
année.
Donc, en plus de cette indexation des allocations familiales de base et
des allocations pour jeunes enfants, le budget comporte des mesures
significatives pour les familles, notamment - et je suis heureux de le rappeler
- une augmentation des allocations versées aux familles de trois enfants
ou plus, les versements trimestriels pour le troisième, le
quatrième, le cinquième, etc., passant de 375 $ à 400 $,
portant cette allocation totale de 7500 $ à 8000 $ par enfant.
Une hausse du montant maximal de la déduction pour frais de
garde, M. le Président. Là encore, silence de l'Opposition sur
cette hausse du montant maximal de la déduction de 4600 $ à 5000
$ pour les enfants de moins de sept ans, et de 2300 $ à 3000 $ pour les
autres de moins de 15 ans.
Enfin, nous avons pu donner suite à plusieurs
représentations, M. le Président, en particulier de la part de la
députée de Bourget qui m'avait fait une suggestion à cet
effet, justement afin de mieux appuyer les familles qui sont prêtes
à héberger leurs parents âgés. Un crédit
d'impôt qui leur est accordé équivaut à une
exemption de 2200 $. C'est un coût de 22 000 000 $ à terme. Comme
le faisait remarquer le député de Sauvé, ce sont les
personnes âgées qui ont bâti le Québec d'aujourd'hui
et à qui nous devons ce que nous sommes aujourd'hui. Ce n'est que
justice de leur rendre la pareille aujourd'hui en améliorant leur
situation.
Le budget comporte des mesures pour protéger le pouvoir d'achat
des plus démunis de notre société et accroître
l'aide au logement. Donc, il y a poursuite de l'indexation des besoins
essentiels reconnus dans les programmes de sécurité du revenu en
fonction de l'évolution du coût de la vie, soit une indexation
dans APTE, dans APPORT, sans compter que l'indexation du programme Soutien
financier est prévue par la loi, et une bonification de
l'allocation-logement accordée aux familles prestataires des programmes
de sécurité du revenu en haussant d'environ 50 $ ce que nous
attribuons comme loyer plafond admissible, et une extension sur cinq ans de
Logirente afin que nous puissions atteindre, cette année, les
personnes de 59 ans, l'année suivante, 58 ans, et ainsi de suite
jusqu'à 55 ans, afin d'aider davantage de personnes à maintenir
leur propre logement. Et sans oublier... Et ça, ça a
été oublié également dans les remarques de
l'honorable député de Labelle lorsqu'il parle de la TVQ. Il a
oublié de mentionner que, pour les personnes démunies, il y a une
compensation entière, des chèques leur sont versés afin
qu'elles n'aient pas à subir le moindre préjudice sur ces mesures
d'ordre fiscal.
Nous n'avons pas non plus oublié les personnes handicapées
ou celles atteintes d'une maladie grave. En plus, il y a le crédit
d'impôt pour frais médicaux qui a été élargi,
les frais de déménagement, par exemple, frais qui sont encourus
pour recevoir des soins médicaux non disponibles en région, les
frais relatifs à de nouveaux biens et services facilitant
l'intégration des personnes handicapées dans la
société. Et, dans la même veine, la définition des
dépenses déductibles encourues par les entreprises pour favoriser
l'intégration des personnes handicapées au monde du travail sera
également étendue.
Alors, M. le Président, maintenant que j'ai pu avoir l'occasion
de rappeler ces mesures qui ont été, évidemment,
oubliées par l'Opposition, j'aimerais simplement relever cette
prétention de l'Opposition relativement à l'écart fiscal
Québec-Ontario. L'Opposition allègue que l'écart
Québec-Ontario a crû de 3,5 % à 9,3 %, de 1990 à
1992, et qu'il serait revenu au même niveau qu'en 1986. Le
ministère des Finances publie, chaque année, un indicateur de la
compétitivité fiscale relative du Québec et de l'Ontario.
Il s'agit d'un guide utile pour juger de la compétitivité globale
de notre régime fiscal par rapport à notre principal partenaire
économique.
De 1991 à 1992, l'écart du fardeau fiscal
Québec-Ontario du secteur privé s'est accru de 1,8 %. Cette
hausse, enregistrée de 1991 à 1992, s'explique essentiellement
par le fait que le Québec a décidé de présenter un
niveau de déficit moins élevé qu'en Ontario. Si on avait
voulu ramener à zéro l'écart, on n'avait qu'à
laisser augmenter le déficit: un peu plus de 2 500 000 000 $ sur le
déficit et nous avions un fardeau fiscal égal à celui de
l'Ontario. Et on aurait pu même avoir un fardeau fiscal plus bas que
celui de l'Ontario en laissant monter encore un petit peu plus le
déficit. D'ailleurs, je pense que nos amis de l'autre côté
savent ce que ça veut dire. Ils n'ont pas hésité à
le faire et c'est ça, aujourd'hui, qui constitue la plus grande
préoccupation de notre société. C'est l'accumulation de
ces déficits dans le passé qui fait qu'aujourd'hui nous avons
à faire face à des coûts au service de la dette qui sont
très difficiles à rencontrer.
Le déficit québécois 1992-1993 équivaut
à 2,4 % de notre produit intérieur brut alors qu'en
Ontario il est de 3,5 %. Et c'est là toute la différence.
En ajustant la mesure de fardeau fiscal pour tenir compte du niveau de
déficit, et nous avons déposé en commission parlementaire
un tableau à cet égard, l'écart Québec-Ontario
n'aurait pas été de 10,5 % en 1985, il aurait été
plutôt de 18,5 %. En utilisant cette façon d'examiner la
situation, c'est-à-dire non pas seulement le déficit et non pas
seulement le fardeau fiscal, mais les deux combinés, en 1985, cela nous
coûtait 18,5 % de plus - 18,5 %, là, l'écart était
en faveur de l'Ontario au détriment du Québec. Qu'est-ce que
c'est, selon cette même méthode, même méthodologie,
cette année? 4,7 %! On est passé de 18,5 % à 4,7 %. On
aurait pu mentionner cela aussi. Je l'avais déposé, ce
tableau-là, en commission parlementaire.
M. le Président, on peut relever bien d'autres
conséquences positives des politiques de réduction des
impôts mises en place à compter de 1985. Prenons, par exemple,
l'écart de taux marginal maximum. L'écart entre les taux
d'imposition marginaux maximums québécois et onta-riens
était de 10,1 % en 1985. Compte tenu de la récente hausse du taux
marginal ontarien et puisque le taux marginal d'imposition au Québec a
été ramené de 32 % en 1985 à 24 % en 1989,
l'écart n'était plus que de 1,2 % en 1992 et à zéro
en 1993. L'écart est disparu. (12 heures)
Voici un autre exemple, M. le Président, de baisse d'impôt
depuis 1985. En 1985, un couple avec deux enfants et un revenu de travail de 35
000 $ payait 1147 $ d'impôt de plus que son équivalent ontarien.
Et maintenant, 1993, c'est le contraire. C'est 1147 $, l'écart, et cela,
en faveur du couple québécois.
Ce sont là des exemples que ne peut nier le député
de Labelle. Tout ce qu'il a à dire c'est que, oui, on semble mettre
l'importance sur la réduction d'impôt, sur l'indexation. Comme en
1988, lorsque nous avons diminué pour les particuliers l'impôt sur
le revenu de 1 257 000 000 $. C'est encore là, ces diminutions. Pourquoi
avons-nous mis l'accent sur la diminution de l'impôt sur le revenu des
particuliers? Parce que nous voulons faire en sorte de diminuer le fardeau de
cet impôt-là. Nous voulons laisser à la famille, nous
voulons laisser aux individus, aux particuliers, le choix de leurs
dépenses. Nous ne voulons pas aller leur enlever ce choix avant
même qu'ils puissent décider de l'orientation de leur budget, de
leurs priorités. Autrement dit, le chèque de paie que
reçoit le travailleur québécois, celui-là, nous
allons le protéger le plus possible. C'est pour ça que nous avons
laissé plus sur le chèque de paie que jamais, parce que nous
avons dit: Nous allons aller vers la consommation. Les gens feront des choix.
S'il veulent acheter ceci ou cela, il y aura là un coût à
la consommation.
Il y a la tarification. Oui, s'ils ont besoin de tel ou tel service
additionnel, s'ils veulent
prendre avantage de telle ou telle mesure, ils seront appelés
à payer. Mais, par exemple, leur chèque de paie sera
protégé. Et c'est cela qui est toute la philosophie
derrière ce que nous faisons au point de vue fiscal: diminuer
l'impôt sur le revenu des particuliers, laisser aux particuliers le choix
de leurs priorités et de leurs options.
Et, M. le Président, c'est ainsi. Et là on peut donner un
autre exemple pour la famille québécoise. La politique mise en
place et poursuivie depuis 1986 à l'égard des régimes
d'imposition et de transfert s'est traduite par une augmentation
considérable du soutien financier apporté aux familles par le
gouvernement du Québec. Depuis 1985, le soutien financier à
l'égard des familles a augmenté de 1 500 000 000 $, passant de
814 000 000 $ en 1985 à 2 300 000 000 $ en 1993. Ce sont là, M.
le Président, des faits. Il y a là une volonté du
gouvernement actuel d'apporter un soutien réel, un soutien financier a
la famille québécoise.
Or, M. le Président, oui, nous sommes préoccupés
par la compétitivité au point de vue fiscal. Nous sommes
préoccupés par le soutien aux familles québécoises.
Nous voulons réduire les écarts avec nos voisins. Nous voulons,
de plus, M. le Président, faire en sorte que ce qu'on nous dit sur la
culture, par exemple... Parce que, en parlant de la TVQ, on a parlé de
différents impacts. La culture, par exemple, j'aurai l'occasion d'en
parler dans quelques instants. Mais reprenons certains dires de l'Opposition
relativement à la taxe de vente du Québec.
Rappelons d'abord que la taxe de vente du Québec, qu'elle
s'appelle TVQ ou qu'elle s'appelle taxe de vente du Québec, c'est
toujours celle que nous avons toujours eue, qui était à 9 %, il
ne faut pas l'oublier. Lorsqu'elle était à 8 %, le gouvernement
de nos amis d'en face, en 1982-1983, l'a fait passer de 8 % à 9 %. C'est
là que nous l'avons accueillie, à 9 %, et que nous l'avons
réduite, cette taxe, à 8 %, tout en élargissant
l'assiette. Elle n'affectait que les biens. Nous avons ajouté les
services, à partir du 1er juillet prochain. Mais, alors que la loi
prévoyait que cette taxe serait de 8 % sur les services, comme elle
l'est sur les biens, le budget du 14 mai dernier réduisait ces 8 %
à 4 %.
Et, encore une fois, je tiens à le rappeler, le rendement de
cette taxe ne va pas, ou presque pas, au gouvernement du Québec, mais
est plutôt dirigé, après qu'on eut enlevé
évidemment la compensation pour les plus démunis, pour les
faibles revenus, la grosse partie du rendement de cette taxe sur les services
s'en va à renforcer notre économie, s'en va à diminuer les
coûts de production des entreprises et, en même temps, à
assurer des emplois à cause d'une compétitivité plus forte
de nos entreprises.
Au lieu de taxer la production, nous avons plutôt choisi la
consommation. Nous avons voulu faire en sorte que nos produits fabriqués
au Québec soient plus compétitifs sur les marchés
d'exportation, comme sur le marché domestique. Et c'est ça, la
philosophie derrière cela. C'est tellement... D'ailleurs, ce n'est pas
quelque chose qui peut surprendre le député de Labelle. Il n'a
qu'à lire le programme du Parti québécois et c'est
ça qu'on propose, une taxe sur la valeur ajoutée qui remplacerait
la taxe de vente du Québec, les fameux 9 % dont on a parlé il y a
quelques instants.
C'est dans le même esprit - il y a quelques fois qu'on s'entend -
de taxer plutôt la consommation que la production, c'est dans le
même esprit de ce programme du Parti québécois qui renferme
exactement la même idée que nous avons procédé comme
nous l'avons fait, parce que tous les économistes s'entendent pour faire
en sorte, justement, de suivre cette voie, une voie qui n'est pas, non plus,
isolée, qui n'est pas une voie qui est propre au Québec. Il y a
une cinquantaine de pays qui ont adopté cette formule-là pour
rendre, justement, leurs entreprises plus compétitives et créer
des emplois chez nous. Et, dans ces pays, ça a été cette
philosophie-là qui l'a emporté.
M. le Président, l'impact total des modifications au 1er juillet,
pour les 4 %, pour les ménages - on a dit qu'on pouvait avoir à
peu près 500 000 000 $, 600 000 000 $ d'impact - l'impact réel,
final n'est que de 120 000 000 $. Sur une économie de quoi? De 160 000
000 000 $. De plus, il n'y aura aucun impact sur les ménages à
faibles revenus puisque le crédit d'impôt remboursable qui leur
est destiné sera majoré de 30 000 000 $.
Encore une fois, la mise en place de la TVQ n'est pas destinée
à accroître les revenus du gouvernement. Cela se vérifie
aisément puisque le rendement des taxes à la consommation
augmentera de 3,7 %, c'est-à-dire un facteur moindre, en 1992-1993, que
l'ensemble des revenus du gouvernement; l'ensemble des revenus du gouvernement:
4,5 % d'augmentation et, TVQ et autres taxes à la consommation: 3,7 %.
Vous voyez, M. le Président, que ce n'est pas pour favoriser le
Trésor public que cette mesure est prise, mais bien davantage et surtout
pour renforcer l'économie du Québec. (12 h 10)
M. le Président, lorsque l'Opposition nous parle d'une mesure qui
est introduite en récession ou en faible conjoncture, je dois dire qu'on
estime que la mise en place de la seconde phase de la TVQ aura, suite à
l'élargissement aux services et aux immeubles à un taux
réduit de 4 %, un impact minime sur le niveau des prix, soit entre 0,1 %
et 0,2 %. On estime que la hausse durable de la production
québécoise suite à la seconde phase de la réforme
sera de 8/10 du PIB du Québec en 1992. La hausse de la production
s'accompagnera de la création de 17 000
emplois. Ça, ce sont des chiffres qui ont été
compilés par un groupe d'économistes et de gens compétents
qui ont examiné l'impact de la réforme. La détaxation des
intrants des entreprises permettra la réduction des coûts de
production d'environ 1 % et du coût des biens d'investissement de l'ordre
de 3 %. Les produits fabriqués au Québec seront donc plus
compétitifs, tant sur les marchés extérieurs que sur le
marché intérieur. De plus, la réforme comporte des
éléments de simplification très intéressants pour
les entreprises: assiette taxable essentiellement similaire à celle de
la TPS, administration unifiée des deux taxes sur le territoire
québécois. Le Québec est la seule province qui ait
harmonisé son régime de taxe de vente de détail au
régime de la TPS. Cela représente une amélioration notable
par rapport à une situation où il y a deux régimes
différents, comme c'est le cas dans les autres provinces.
Et là, je rejoins une autre critique de l'Opposition à
l'effet que le gouvernement fédéral aurait envahi un champ
traditionnellement occupé par les provinces. J'en suis évidemment
témoin. Je ne conteste pas que le gouvernement fédéral,
par sa TPS, soit venu dans un champ traditionnellement occupé par les
provinces. D'ailleurs, dès que cette mesure a été
annoncée par le gouvernement fédéral, j'ai protesté
non pas parce que le gouvernement fédéral faisait
disparaître la taxe de 13,5 % au niveau du manufacturier - ça,
c'était important qu'on fasse disparaître cette taxe-là -
mais, où j'ai protesté, c'est qu'on s'en venait pour la remplacer
dans un champ traditionnellement occupé par les provinces. Une fois que
je me suis aperçu que, quelles que soient nos protestations, le
gouvernement fédéral pouvait exercer ce droit et qu'il
l'exerçait, nous avons pris au Québec et au gouvernement du
Québec des dispositions, à mon sens, dont nous pouvons nous
vanter parce que ces dispositions vont servir le Québec pour longtemps,
c'est-à-dire que nous avons dit au gouvernement fédéral:
Nous allons nous harmoniser, mais nous exigeons l'administration des deux
taxes. Si vous venez jouer dans notre cour, c'est nous qui serons là
pour voir à la discipline à l'intérieur de ces deux cours,
de ces deux joueurs dans la cour. C'est ainsi que nous avons obtenu - et le
Québec est la seule province à l'avoir obtenue - l'administration
des deux taxes, TPS et TVQ, à partir du 1er juillet prochain. Et les
autres, vous verrez, l'avenir parlera par lui-même. Je ne fais pas de
prédictions, mais je dis que nous avons agi dans les meilleurs
intérêts du Québec. Lorsque M. Duplessis, en 1954, avait
obtenu la déductibilité pour l'impôt sur le revenu du
Québec, il avait posé un geste autonomiste. Lorsque notre
gouvernement a exigé et obtenu l'administration de la taxe
fédérale en même temps que de la taxe du Québec,
nous avons posé un geste autonomiste, et nous en sommes fiers.
Ceci étant dit, lorsque le député de Labelle nous
dit maintenant que le gouvernement fédéral a ainsi pu obtenir une
taxe de 7 % du côté de la culture et que les municipalités
n'en auraient pas, il s'agit là simplement, d'une part, d'une
décision que le gouvernement fédéral pouvait prendre.
Quant à la question des municipalités, c'est une décision
que nous avons prise pour faire disparaître les 10 % de taxe d'amusement
et, dans le budget, nous avons prévu des mesures de compensation, dont
on peut parler, si on veut, sur le quantum, mais le quantum, à mon sens,
est plus élevé que ce qu'on avait prévu.
D'ailleurs, M. le Président, j'aimerais, à ce moment-ci,
rappeler à cet égard que, selon le critique financier de
l'Opposition, en abolissant la taxe sur les divertissements pour faire place
à la TVQ à 4 %, le Québec abdiquerait ses
responsabilités en matière de culture et laisserait le champ
libre au gouvernement fédéral. En fait, le Québec
préfère prendre sa place dans les interventions qui favorisent le
secteur culturel plutôt que dans celles qui sont susceptibles de ralentir
son développement. D'ailleurs, M. le Président, j'en veux pour
preuve que le monde du spectacle accueille très favorablement les
mesures fiscales du budget.
Permettez-moi de citer le communiqué de presse, au moins quelques
paragraphes de ce communiqué émis par la Coalition des arts de la
scène, et je cite, M. le Président: «Après trois
mois de campagne au cours de laquelle 175 000 citoyens ont signé la
pétition "non aux spec-taxes", la Coalition québécoise des
arts de la scène accueille favorablement les mesures fiscales
annoncées par le ministre des Finances Gérard D. Levesque, lors
du discours du budget jeudi dernier, mesures qui se traduiront par une
réduction de taxes significative sur le prix du billet de spectacle. En
effet, à la suite de l'abolition de la taxe d'amusement et de la
limitation de la TVQ sur les services à 4 %, le niveau de la taxation
sur le billet de spectacle passera de 17 % actuellement à 11,28 %
à compter du 1er juillet prochain. La Coalition québécoise
des arts de la scène considère cette mesure comme un premier
geste concret visant à favoriser la relance du secteur des arts de la
scène.»
Et un peu plus loin, je lis, toujours en citant ce communiqué de
la Coalition: «La Coalition québécoise des arts de la
scène se réjouit aussi de l'annonce d'un montant
supplémentaire de 5 000 000 $ octroyé au ministère des
Affaires culturelles. Lors d'une rencontre, au lendemain du discours du budget,
Mme la ministre Frulla-Hébert a précisé aux
représentants de la Coalition que cette somme constituera un fonds
d'urgence visant à relancer la fréquentation des salles de
spectacle et ce, dès la saison d'automne 1992.»
Alors, M. le Président, voilà des témoignages
auxquels vous me permettrez d'attacher autant d'importance au moins qu'à
ceux qui font partie de la critique de l'Opposition. Parlant de
critique de l'Opposition, j'entendais le député de
Joliette, et ça, ça m'a... Je ne peux peut-être pas dire
que ça m'a scandalisé parce que je le connais, mais tout de
même. Selon l'Opposition, l'application de la TVQ à l'habitation
fera augmenter le prix des maisons de 4 %. C'est ça que j'entendais de
la part du leader de l'Opposition qui déchirait sa chemise
là-dessus. Mais est-ce qu'il a tout dit lorsqu'il a dit cela?
L'application de la TVQ à 4 % aux résidences neuves et aux
travaux de rénovation n'aura en effet qu'un impact mineur, mineur, sur
les prix. On estime, pour les maisons neuves, l'impact non pas à 4 %,
mais à 0,5 %. (12 h 20)
En effet, dans le régime actuel, la taxation des matériaux
de construction... Vous savez qu'ils sont présentement taxés, les
matériaux de construction. Dans une maison, ça commence à
compter. Ils sont taxés à 8 %. Ils étaient à 9 %
dans le temps de nos amis d'en face, maintenant c'est 8 %. Et ça fait en
sorte que 3,4 % du prix d'une résidence s'explique par cette taxe. De
plus, l'impact au 1er juillet 1992 représente le tiers de celui qu'on
aurait mesuré à 1,64 % si la TVQ s'était appliquée
à 8 %. Donc, ce n'est plus 4 %, ce n'est pas 1,64 %, mais 0,5 %. Alors,
je pense qu'il était important que l'on puisse au moins rétablir
certains faits. C'est sûr qu'on n'a pas le temps, au moment de cette
réplique, de contredire tout ce qui a été dit au cours de
ces débats, mais je pense qu'il était important de rappeler
certains faits.
Et, avant de terminer, on me permettra de rappeler ce que le
député de Labelle nous disait: Une absence de mesures
économiques. On parle de la situation économique
défavorable. D'abord, il est tout à fait illusoire de s'imaginer
que le Québec, qui est une petite économie très ouverte,
aurait pu s'isoler complètement du ralentissement économique qui
a eu lieu tant au Canada qu'aux États-Unis.
Comme le soulignait le député de Marquette, la
récession vécue au Québec s'est étendue à la
grandeur de l'Amérique du Nord. Les pertes d'emplois auxquelles nous
avons assisté, on les retrouve aussi en Ontario, en Ontario beaucoup
plus qu'au Québec, au Vermont, au Massachusetts, souvent même, et
en plus grande proportion.
Même le gouvernement de l'Ontario - qu'on nous a cité en
exemple lorsqu'il avait encore augmenté son déficit - qui, l'an
dernier, a injecté des milliards de dollars dans l'économie, n'a
pu échapper au ralentissement. Il a eu des pertes d'emplois de beaucoup
supérieures à celles que nous avons connues au Québec,
malgré ces milliards d'investissement. Il faut plutôt observer ce
qui se passe actuellement. À cet égard, il est évident que
les éléments d'un redémarrage prochain de
l'économie québécoise et de l'ensemble de
l'économie canadienne sont en place.
Il faut bien comprendre que, lorsque l'économie du Québec
exporte entre 40 % et 50 % de sa production, on ne peut pas, par des mesures
internes, intérieures, changer la situation qui existe chez nos voisins,
chez nos clients, chez nos acheteurs, que ce soit dans le reste du Canada, aux
États-Unis ou ailleurs. S'il n'y a pas là des conditions
favorables, on ne pourra pas, par des mesures internes, changer cette
situation, puisque notre économie est principalement dirigée vers
l'extérieur, vers les exportations.
Maintenant, cependant, on doit dire que les conditions
s'améliorent. Aux États-Unis, par exemple, les signes d'une
accélération de l'économie se sont multipliés au
cours des derniers mois et la production s'est accrue de 3,4 % au premier
trimestre. Dans ce contexte, le secteur privé anticipe une croissance de
2 % pour 1992 aux États-Unis. Au Canada, on sait que les taux
d'intérêt sont les plus faibles depuis une vingtaine
d'années. Les taux de court terme ont maintenant reculé de plus
de sept points de pourcentage depuis le début de 1990.
Le dollar s'est ajusté à la baisse d'environ 0,06 $
américains depuis novembre dernier, et cela viendra stimuler nos
exportations. La situation financière des ménages
s'améliorera de manière importante, cette année,
grâce à l'effet de levier engendré par le renouvellement
des emprunts hypothécaires à des taux d'intérêt
beaucoup plus faibles. L'inflation est aujourd'hui à son niveau le plus
bas depuis le milieu des années soixante. Cela devrait contribuer
à maintenir des taux d'intérêt à un niveau
relativement faible. C'est la raison pour laquelle on prévoit une hausse
de la production de 1,6 %, au Québec, en 1992. Les perspectives
économiques intégrées au budget sont d'ailleurs
très semblables au consensus qui se dégage des analyses
effectuées par les organismes de prévision du secteur
privé.
M. le Président, vous me permettrez d'ajouter un mot sur les
mesures que nous voulons prendre et que nous avons prises pour faire face,
justement, à la situation. Les mesures que nous avons prises, ça
a été des investissements accélérés de
centaines et de centaines de millions de dollars. Les mesures que nous avons
prises, c'a été d'annoncer de nouveaux crédits pour le
réseau routier local, de nouveaux crédits disponibles pour le
réseau routier national. Nous avons également
décidé d'investir dans les centres d'accueil, pour nos
aînés, 240 000 000 $ sur trois ans pour la rénovation de
ces centres d'accueil, des mesures comme le programme pour la rénovation
des immeubles locatifs. Lorsque les crédits de la fin de mars
annonçaient des mesures pour 3400 logements, notre budget augmentait
cela à 8000 logements.
Pour les petites et moyennes entreprises, un autre programme pour
soutenir l'investissement, pour garantir des emprunts de l'ordre de 60 000 000
$ devant créer des investissements
additionnels de 150 000 000 $. Nous avons également toujours
cette préoccupation du développement régional. Chacun de
nos budgets a toujours eu comme souci d'appuyer le développement
régional. J'étais en Abitibi-Témiscamingue, en fin de
semaine, et je voyais là ce que la population du milieu dit, comment
elle réagit devant ce budget. J'avais l'occasion de prendre connaissance
d'un communiqué de l'Association des prospecteurs du Québec qui
félicitait le gouvernement, sans réserve, pour les politiques
annoncées dans le budget pour soutenir l'exploration minière.
Le directeur général, M. Gratien Gélinas, et le
président du conseil d'administration se joignaient, justement, pour
souligner l'importance de ces mesures, pour les actions accréditives par
exemple, pour améliorer le gain en capital, pour faire en sorte que les
déductions soient plus généreuses pour les risques qui
sont pris dans ce domaine. Exemples: une augmentation, également, des
mesures, du taux de déduction, jusqu'à 175 %, pour l'exploration
de surface; une autre somme de 5 000 000 $ que nous ajoutons pour que SOQUEM
puisse prendre des mesures, comme l'an dernier, pour s'associer à des
projets avec des compagnies junior. Toutes ces mesures simplement dans le
domaine minier étaient incluses au budget dont nous parlons aujourd'hui,
en fin de débat. (12 h 30)
Du côté de la création d'emplois saisonniers, un
autre montant de 7 000 000 $ a été ajouté dans le budget
pour aider la création d'emplois dans les régions où
l'emploi est le plus important dans l'économie régionale. Nous
avons, de plus, pour la Gaspésie et les îles-de-la-Madeleine, fait
une autre ponction dans le budget pour remettre à ces gens-là,
pour créer des emplois, pour créer des emplois saisonniers dans
une région qui en a bien besoin. Et nous avons multiplié les
mesures, par exemple, les sociétés régionales
d'investissement, avec la coopération de la Caisse de dépôt
et placement du Québec, de la Banque Nationale du Canada, du Mouvement
Desjardins, de la fédération, du Fonds de solidarité des
travailleurs du Québec. Nous avons fait en sorte que tous ces
gens-là, toutes ces institutions-là puissent se mettre ensemble
pour créer, dans chaque région, des fonds d'investissement qui
sont là pour assurer que le capital de risque soit disponible. S'il y a
des bonnes idées quelque part et qu'il manque de l'argent, là, il
y aura des fonds dans chacune des régions du Québec pour
répondre à ces besoins-là. Et nous, nous allons faire en
sorte, au gouvernement du Québec, d'appuyer le tout en nous occupant du
financement de ces secrétariats pour le fonctionnement de ces fonds, en
investissant des sommes importantes pour soutenir cette initiative.
Nous avons aussi annoncé des fonds d'aide aux entreprises pour
remplacer le programme
PRECEP. Nous avons, dans le développement régional, un
soutien a l'innovation technologique, soutien à l'automatisation. Nous
voulons, encore une fois, appuyer le développement des secteurs
stratégiques. Nous avons, encore une fois, rappelé dans ce budget
l'importance des mesures que nous avons mises en marche depuis 1990, en
particulier dans la formation des travailleurs, dans la recherche et le
développement. Et nous avons également, dans ce budget, introduit
une nouvelle mesure d'encouragement à l'atteinte de l'objectif de
qualité totale de mon ami et collègue, le ministre de
l'Industrie, du Commerce et de la Technologie.
Nous multiplions les initiatives, justement, afin que le Québec
soit de plus en plus compétitif. Dans un contexte, comme celui que nous
allons de plus en plus connaître, de globalisation des marchés, il
faut qu'on soit meilleur. Il faut mettre l'accent sur la qualité de la
main-d'oeuvre. Il faut mettre l'accent sur l'innovation. Il faut mettre
l'accent sur la recherche et le développement. Et c'est ce que nous
faisons, budget après budget.
On dit: Je ne sais pas si la formation, ça va. Est-ce que vous
savez que ce programme-là, que nous avons introduit en 1990, sur la
formation en entreprise, par les entreprises, par les mesures fiscales que nous
avons mises de l'avant, a fait qu'il y a plus de 110 000 travailleurs du
Québec qui ont profité de cette mesure-là annoncée
en 1990? Nous aurons bientôt en marche une autre mesure qui pourra faire
en sorte que les gens puissent en bénéficier, parce que cette
mesure-là, qui s'adresse à la formation individuelle, au cas
où des gens, par exemple, ne pourraient pas avoir accès à
ces programmes de formation avec leur entreprise, ces personnes-là
pourront bénéficier d'une autre mesure de formation individuelle,
par le truchement des 1600 succursales ou postes du Mouvement Desjardins avec
qui nous avons signé ou convenu de mettre ce programme en action; au
moins que ce soit prêt pour la prochaine année scolaire, formation
individuelle, avec de l'aide, pour encourager les gens à aller se
recycler, se former, compléter leur formation.
M. le Président, je pourrais vous parler encore longtemps, mais
je vois que le temps, maintenant... Vous me faites signe que ça se
termine bientôt. Je veux simplement, en terminant, M. le
Président, vous dire que, dans ce budget, nous avons fait en sorte de
maintenir le cap, comme nous l'avions indiqué dès 1985. Nous
avons, à ce moment-là, établi que nous voulions assainir
les finances publiques, nous ne voulions pas continuer dans le sens qui avait
été indiqué et adopté par nos
prédécesseurs qui avaient accepté un endettement dont nous
souffrons encore aujourd'hui par une accumulation des déficits
successifs.
Lorsqu'on parie de déficit, je tiens encore à rappeler
à l'honorable député de Labelle, lorsqu'il
parle du déficit 1991-1992 comme étant bien
élevé, le record, disait-il, il n'était qu'à 2,4 %
du PIB, alors qu'en 1980-1981 votre déficit était de l'ordre de
4,8 %, le double par rapport au produit intérieur brut. Nous sommes
présentement en récession, nous étions en récession
en 1991-1992, au moment où ce fameux record aurait été
fait, mais, en 1980-1981, c'était avant la récession,
c'était au moment du référendum qu'on faisait ces genres
de déficit.
M. le Président, nous allons continuer de travailler à
réduire le déficit, à réduire le fardeau fiscal,
à nous rendre plus compétitifs, à mettre l'accent, encore
une fois, sur la famille québécoise, continuer de ne pas
augmenter l'impôt sur le revenu des particuliers, même à le
diminuer, à indexer pleinement, comme nous l'avons fait
présentement, nous avons eu l'indexation à 100 %. Nous allons
continuer de mettre l'accent sur le développement des régions,
sur le soutien à la famille québécoise, encore une fois.
Nous allons travailler à améliorer la situation
économique. Nous avons toujours comme article 1 du programme du Parti
libéral - ça, je l'ai toujours à l'esprit et le premier
ministre nous le rappelle si on l'oublie - le développement
économique et la création d'emplois. Nous allons continuer de
travailler dans ce sens-là et l'économie va se renforcer; ceci
nous permettra d'avoir des revenus accrus au Trésor
québécois, qui viendront justement de
l'accélération de l'économie, de la croissance
économique. Ceci nous permettra de mieux répondre encore aux
aspirations légitimes des Québécois et des
Québécoises. En ce faisant, M. le Président, nous allons
continuer d'assainir les finances du Québec, les finances publiques.
Nous ferons en sorte, également, de pouvoir répondre par une
économie forte aux besoins de nature sociale et culturelle de notre
population.
Voilà, M. le Président, en terminant ce débat, les
voeux du moins que je formule, tout en assurant la population du Québec
que nous allons continuer dans le sens où nous avons commencé.
Nous avons hâte de pouvoir continuer de voir l'économie
s'améliorer afin, encore une fois, d'apporter des conditions encore
meilleures à notre population. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, cette
réplique de M. le ministre des Finances met fin au débat sur le
discours sur le budget. Conformément à l'article 277 du
règlement, l'Assemblée doit maintenant se prononcer: sur la
motion de M. le ministre des Finances proposant à l'Assemblée
d'approuver la politique budgétaire du gouvernement; sur les motions de
censure qui ont été présentées à l'occasion
du débat sur le discours sur le budget par M. le député de
Labelle, Mme la députée de Taillon, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, Mme la députée de Johnson, Mme la
députée de Terrebonne et M. le leader de l'Opposition officielle;
sur les rapports regroupés des commissions qui ont étudié
les crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le
31 mars 1993 et sur le projet de loi des crédits pour l'exercice
financier 1992-1993.
Alors, conformément aux articles 277 et 288 du règlement,
je vais d'abord mettre aux voix, dans l'ordre de leur présentation, les
motions de censure présentées dans le cadre du débat sur
le discours sur le budget.
Une voix: Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Appel nominal. Qu'on
appelle les députés. (12 h 40 - 12 h 48)
Le Président: Mmes, MM. les députés,
veuillez prendre place, s'il vous plaît. Alors, Mmes, MM. les
députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît. À
l'ordre, s'il vous plaît! MM. les députés. Alors,
conformément aux articles 277 et 288 du règlement, je vais
d'abord mettre aux voix, dans l'ordre de leur présentation, les motions
de censure présentées dans le cadre du débat sur le
discours du budget.
Mise aux voix des six motions de censure
La première motion de censure, présentée par M. le
député de Labelle, se lit comme suit: «Que
l'Assemblée nationale blâme très sévèrement
le gouvernement libéral qui a ignoré les préoccupations de
la population en choisissant à nouveau de relever le fardeau fiscal,
notamment par l'introduction d'une taxe de 4 % sur les services, et en refusant
de présenter des mesures de relance susceptibles de redonner espoir aux
agents économiques et qu'il soit condamné pour la piètre
qualité de l'information financière contenue dans le budget et
pour avoir facilité l'intrusion fédérale dans le champ des
taxes à la consommation.»
Que les députés qui sont en faveur de cette motion
veuillent bien se lever, s'il vous plaît. (12 h 50)
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron
(Duplessis), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis),
Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (La-violette), M. Baril
(Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme
Vermette (Marie-Victo-rin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice
(Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M.
Trudel (Rouyn-Noran-da-Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou).
Le Président: Que les députés qui sont
contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Port neuf), Mme
Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Levesque (Bonaven-ture), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté
(Charles-bourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M.
Vallières (Richmond), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas
(Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), Mme
Frulla-Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle
(Mille-Îles), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Picotte
(Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme
Bleau (Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maltais (Sague-nay), M. Savoie
(Abitibi-Est), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M.
Philibert (T rois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon
(Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Témis-couata), M. Hamel
(Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), M. St-Roch (Drummond), M. Paradis
(Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Sou-langes), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M.
Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nel-ligan), M. Dauphin
(Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Messier
(Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean),
Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M.
Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M.
Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFon-taine), Mme Hovington (Matane), M.
Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau
(Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent
(Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden
(Lotbinière), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay),
M. Després (Limoi-lou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière
(Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).
M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce).
Le Président: Est-ce qu'il y a des abstentions?
Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0
Le Président: Donc, la motion est rejetée.
La deuxième motion de censure, présentée par Mme la
députée de Taillon, se lit comme suit: «Que
l'Assemblée nationale dénonce le gouvernement libéral pour
le laxisme dont il fait preuve dans le contrôle de ses dépenses au
moment où il impose aux contribuables de nouvelles charges fiscales et
pour l'absence de transparence qui résulte des changements majeurs
apportés aux crédits par le discours sur le budget, notamment par
la péremption de 753 000 000 $ de dépenses, qui dénature
le sens de l'étude des crédits à l'Assemblée
nationale.»
Une voix: Même vote.
Le Président: Même vote. Même vote pour
l'Opposition; même vote pour les ministériels; même vote, M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce. Très bien. Alors,
le résultat.
Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0
Le Président: Donc, la motion est rejetée.
La troisième motion de censure, présentée par M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, se lit comme suit:
«Que l'Assemblée nationale du Québec blâme
sévèrement le gouvernement pour avoir renié pour une
septième année consécutive son engagement solennel de
consacrer 1 % du budget total de l'État à la culture; pour
n'avoir consacré qu'une part insuffisante de l'augmentation des
crédits du ministère des Affaires culturelles pour l'aide et le
soutien aux artistes et aux régions; et pour n'avoir pas accordé
aux arts de la scène le même traitement que pour le livre, soit
l'exemption totale de la taxe de vente.»
Alors, le même vote pour l'Opposition officielle; le même
vote pour le gouvernement et le même vote pour M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce. Très bien. Alors, le résultat.
Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0
Le Président: Alors, la motion est donc
rejetée.
La quatrième motion de censure, présentée par Mme
la députée de Johnson, se lit comme suit: «Que cette
Assemblée condamne avec véhémence le gouvernement
libéral pour avoir imposé en catimini une contribution de 2 $ aux
personnes âgées désirant obtenir l'exécution d'une
prescription à la pharmacie.»
Alors, c'est le même vote pour l'Opposition; le même vote
pour le gouvernement et le même vote pour M. le député de
Notre-Dame-de-Grâce.
Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0
Le Président: Donc, cette motion est également
rejetée.
La cinquième motion de censure, présentée par Mme
la députée de Terrebonne, se lit comme suit: «Que
l'Assemblée nationale condamne le gouvernement libéral pour son
acharnement contre les consommateurs et consommatrices qui voient leur pouvoir
d'achat diminué par l'imposition de nouvelles taxes, qui subissent des
coupures importantes de services et qu'elle blâme le gouvernement pour
son peu d'empressement à défendre les droits des consommateurs et
consom-
matrices, notamment dans les dossiers des préarrangements
funéraires et de la MIUF devant la Cour d'appel du
Québec.»
Alors, le même vote du côté de l'Opposition; le
même vote du côté du gouvernement et le même vote, M.
le député de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, le
résultat.
Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0
Le Président: La motion est rejetée.
La sixième et dernière motion de censure
présentée par M. le leader de l'Opposition officielle se lit
comme suit: «Que l'Assemblée nationale dénonce le
gouvernement libéral pour les coupures de services dans les soins
optométri-ques et dentaires, pour les compressions majeures des budgets
alloués au secteur de la santé et des services sociaux et qu'elle
condamne avec véhémence la façon cavalière, tant
budgétaire que législative, utilisée pour mettre en
vigueur ces mesures.»
Alors, le même vote pour l'Opposition officielle; le même
vote pour le gouvernement et le même vote pour M. le député
de Notre-Dame-de-Grâce. Alors, le résultat.
Le Secrétaire: pour: 22 contre: 71 abstentions: 0
Le Président: Cette motion est rejetée.
Mise aux voix de la motion du ministre des
Finances
Je mets maintenant aux voix la motion de M. le ministre des Finances
proposant que l'Assemblée approuve la politique budgétaire du
gouvernement. C'est toujours un vote par appel nominal qu'on sollicite?
Une voix: Vote nominal.
Le Président: Donc, vote par appel nominal. En
conséquence, que les députés qui sont en faveur de cette
motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Portneuf), Mme
Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M.
Levesque (Bonaven-ture), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté
(Charles-bourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M.
Vallières (Richmond), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas
(Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), Mme Robic (Bourassa), Mme
Frulla^Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Bélisle
(Mille-Îles), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Picotte
(Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme
Bleau
(Groulx), M. Houde (Berthier), M. Maltais (Sague-nay), M. Savoie
(Abitibi-Est), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M.
Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon
(Saint-Louis), Mme Dionne (Kamouraska-Témis-couata), M. Hamel
(Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), M. St-Roch (Drummond), M. Paradis
(Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Sou-langes), M. Lemire
(Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M.
Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nel-ligan), M. Dauphin
(Marquette), M. Farrah (îles-de-la-Madeleine), M. Messier
(Saint-Hyacinthe), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean),
Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M.
Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M.
Khelfa (Richelieu), M. Gobé (LaFon-taine), Mme Hovington (Matane), M.
Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau
(Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Audet (Beauce-Nord), M. Parent
(Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden
(Lotbinière), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Châteauguay),
M. Després (Limoi-lou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière
(Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).
M. Atkinson (Notre-Dame-de-Grâce).
Le Président: Maintenant, que les députés
qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous
plaît!
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), M. Perron
(Duplessis), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis),
Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), M. Jolivet (La-violette), M. Baril
(Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme
Vermette (Marie-Victo-rin), M. Paré (Shefford), M. Boulerice
(Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M.
Trudel (Rouyn-Noranda-Témiscamingue), M. Beaulne (Bertrand), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou).
Le Président: Y a-t-il des abstentions?
Le Secrétaire: pour: 71 contre: 22 abstentions: 0
(13 heures)
Le Président: La motion est donc adoptée.
Mise aux voix des rapports des commissions
qui ont étudié les crédits
budgétaires
pour l'exercice financier se
terminant le 31 mars 1993
Je mets maintenant aux voix les rapports
regroupés des commissions qui ont étudié les
crédits budgétaires pour l'exercice financier se terminant le 31
mars 1993. Est-ce que ces rapports sont adoptés?
Une voix: Sur division.
Le Président: Donc, adopté sur division.
Projet de loi 12 Adoption du principe et
adoption
En conséquence, M. le ministre des Finances propose que
l'Assemblée soit saisie du projet de loi 12, Loi no 3 sur les
crédits, 1992-1993, qu'elle en adopte le principe et qu'elle adopte le
projet de loi proprement dit. Cette motion est-elle...
Une voix: Sur division.
Le Président: Donc, cette motion est adoptée sur
division.
En conséquence, le projet de loi 12, Loi 3 sur les
crédits, 1992-1993, est donc adopté.
Sur ce, puisque nous sommes arrivés à 13 heures, nous
allons maintenant suspendre nos travaux qui reprendront à 15 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 13 h 1)
(Reprise à 15 h 3)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il
vous plaît!
À l'étape des affaires du jour, avec quel article du
feuilleton, M. le leader adjoint du gouvernement?
M. Bélisle: L'article 10, M. le Président.
Projet de loi 15 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 10 de
notre feuilleton, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux
propose l'adoption du principe du projet de loi 15, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant l'application de la Loi sur les
sercices de santé et les services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives. M. le ministre de la Santé et des
Services sociaux, je vous cède la parole pour votre intervention
principale.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Char I es bourg): Merci. Merci, M. le
Président. Je pense que, d'entrée de jeu, il serait bon de situer
le projet de loi que nous nous apprêtons à adopter en
deuxième lecture devant cette Chambre.
L'adoption du principe du projet de loi 15 que nous faisons aujourd'hui
s'inscrit dans la continuité d'un processus amorcé depuis
déjà cinq ou six ans. Rappelons, M. le Président, que nos
prédécesseurs, en 1985, avaient décidé de confier
au Dr Rochon le soin de faire une commission d'enquête et de parcourir le
Québec afin de consulter les gens. Plus de 6000 se sont
présentés devant la commission Rochon pour exprimer leur point de
vue sur l'état de santé de notre système de santé
et de services sociaux. Ultérieurement, donc, en 1986, à notre
prise de pouvoir, Mme Thérèse Lavoie-Roux, celle qui m'a
précédé à la Santé et aux Services sociaux,
a elle-même fait une consultation avant même de déposer un
projet de loi préliminaire qui était étudié par une
commission parlementaire. Cette commission parlementaire, que j'ai
présidée dès 1986, nous a permis d'entendre 175
mémoires de différents représentants, tant du domaine de
la santé que du domaine social, et ce, pendant de nombreuses semaines,
plus ou moins huit ou neuf semaines.
J'ai aussi, au-delà de tout cela, rencontré
personnellement, dans différentes rencontres, que ce soit au cabinet,
que ce soit un peu partout à travers le Québec, des personnes
intéressées à faire valoir leur point de vue quant aux
réajustements que nécessitait notre service de santé et de
services sociaux. Au-delà de tout cela, en décembre, le 7
décembre 1990, nous avons rendu public ce qui était la
réforme de la santé et des services sociaux qui nous a
amenés, dès janvier 1991, à faire le tour du Québec
pour à nouveau entendre des gens en termes de réaction sur cette
proposition.
Ce qui nous amène à l'adoption en août dernier
devant cette Chambre, plus précisément le 28, de ce qui est
davantage connu comme la loi 120 et qui nous permettait de franchir une
étape extrêmement importante dans ce processus législatif,
M. le Président, et qui, indéniablement, amorçait le
début très concret de la réforme du système de
santé et de services sociaux.
Il s'agit donc d'une réforme majeure, et cette réforme ne
peut s'implanter par la seule mise en vigueur de la loi nouvelle, soit la loi
120. Il faut, pour que cette transition s'effectue en souplesse,
c'est-à-dire sans obstacle et sans rupture de services auprès de
la population, prévoir certains aménagements au plan juridique.
Le projet de loi 15, dont nous discutons le principe aujourd'hui, répond
principalement à cette nécessité.
M. le Président, j'aimerais simplement faire ressortir les
différents volets que comporte le projet de loi 15 et j'entends retenir,
pour les fins de mon exposé... Un premier volet du projet de loi
concerne donc les différentes mesures transitoires nécessaires au
passage de l'ancien au
nouveau régime juridique introduit par la réforme. Un
second volet vise les modifications aux dispositions de la loi 120. Un
troisième concerne les concordances qui doivent être
apportées aux autres lois du corpus législatif et,
quatrièmement, le dernier volet touche plus particulièrement les
modifications proposées à la Loi sur l'assurance-maladie en ce
qui a trait à différentes mesures reliées à la
carte d'assurance-maladie.
Je reviens donc au premier volet, soit celui des mesures transitoires.
Le projet de loi 15 introduit une série de mesures destinées
à effectuer, avec efficacité, tous les transferts de
responsabilité qu'exige l'implantation du nouveau mode de fonctionnement
du réseau de la santé et des services sociaux. Ces mesures
prévoient le régime juridique temporairement applicable au
système de santé et services sociaux du Québec pendant
toute la période de transition. Cette dernière s'avère
évidemment essentielle pour permettre l'organisation logistique du
nouveau mode de fonctionnement. Elle s'étendra, sauf exception, jusqu'au
1er avril 1993.
Ces mesures transitoires peuvent finalement être regroupées
sous les trois thèmes qui suivent: premièrement, des mesures qui
concernent les structures. Même si des dispositions particulières
de la loi 120 assurent qu'il y aura continuité des activités des
établissements et des conseils régionaux, donc par les
régies régionales, sans autre formalité, le jour de
l'entrée en vigueur des dispositions de cette loi, encore faut-il que
ces organismes assujettis à la nouvelle loi jouissent d'un délai
raisonnable pour rendre leur structure conforme à cette nouvelle loi ou
encore pour s'acquitter des obligations particulières qu'elle leur
impose. C'est pourquoi, en octobre 1992, les nouveaux conseils d'administration
des établissements et des régies régionales entreront en
fonction en lieu et place des conseils d'administration actuels. Sauf pour les
CPEJ et les régies régionales des nouvelles régions
sociosani-taires, tous les nouveaux conseils exerceront alors un double
rôle jusqu'au 1er avril 1993: premièrement, administrer les
affaires de l'établissement ou de l'organisme, selon les fonctions et
modalités prévues dans la loi actuelle; deuxièmement, se
préparer à administrer les affaires de l'établissement ou
de l'organisme selon les nouvelles fonctions et modalités prévues
dans la loi 120. Quant aux nouveaux CPEJ et aux nouvelles régies
régionales, les nouveaux conseils d'administration ne seront investis
que du rôle qui consiste à préparer, à administrer
leurs affaires, tel que prévu à la loi 120.
Tout en contribuant à la mobilisation de tous les acteurs dans
l'actualisation de la réforme, cette approche permettra au nouveau
conseil d'administration de se préparer à administrer les
changements prévus dans la loi 120. Ainsi, des mesures transitoires sont
proposées relativement à l'instauration d'une procédure
d'examen des plaintes et à la nomination d'un cadre chargé de
l'appliquer; à l'adoption d'un plan d'organisation, y compris des plans
d'effectifs médicaux d'un établissement; à la
transformation du comité de bénéficiaires en comité
d'usagers pour la plupart des établissements et, pour certains, à
la mise sur pied d'un tel comité; à la transformation du conseil
consultatif du personnel clinique en conseil des infirmières et
infirmiers et en conseil multidisciplinaire; à l'adoption d'un code
d'éthique et d'un plan d'action pour le développement du
personnel d'un établissement. (15 h 10)
Deuxième mesure, une mesure qui concerne le fonctionnement. Donc,
quittant les structures, bien sûr, nous nous adressons maintenant au
fonctionnement des établissements. Encore ici, un ensemble de mesures
sont requises pour faire en sorte que les règles applicables au
fonctionnement des activités des divers acteurs impliqués
survivent temporairement et que le passage du mode de fonctionnement actuel
à celui introduit par la nouvelle loi se réalise
harmonieusement.
Ces mesures concernent, à titre d'exemple, les contrats de
services pour professionnels et d'affiliation des établissements; les
règles relatives au financement des activités et aux ressources
financières des établissements publics et privés
conventionnés, des régies régionales et des organismes
communautaires; les dispositions relatives aux emprunts, aux permis
d'exploitation et à l'administration provisoire des
établissements et, généralement, les arrêtés,
décrets et règlements qui demeurent applicables aux personnes et
organismes visés par la loi 120.
Troisième des mesures spéciales. Ces mesures transitoires
dites «spéciales» se distinguent davantage des autres
dispositions transitoires en raison des aménagements particuliers
qu'elles apportent. Une première mesure concerne notamment la
procédure d'examen des plaintes des usagers. En attendant que la
procédure nouvelle puisse être utilisée, il est
nécessaire, entre autres choses, d'habiliter la régie
régionale à entendre et recevoir les plaintes des usagers de la
même manière qu'un conseil régional le fait actuellement et
de maintenir la compétence de la Commission des affaires sociales
à cet égard.
Il est également nécessaire, dans le cas d'une nouvelle
régie régionale, de prévoir que les plaintes portant sur
des établissements de sa région continuent d'être
examinées par la régie régionale qui succède au
CRSSS d'origine. Par exemple, une plainte concernant un établissement du
territoire de la régie régionale de Chaudière-Appalaches
sera examinée par la régie régionale de Québec, de
la même façon que le CRSSS de Québec le fait actuellement,
et ce, jusqu'à ce que la régie régionale de
Chaudière-Appalaches soit en mesure de le faire elle-même en vertu
de la nouvelle procédure, ce qui devrait arriver en avril 1993.
Une deuxième mesure prévoit le maintien
des départements de santé communautaire actuels en
attendant que les régies régionales puissent pleinement assumer
leurs responsabilités en matière de santé publique.
Comme autre mesure spéciale, il est nécessaire d'envisager
des mesures particulières en raison de l'absence d'établissements
qui exploitent un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse dans les
nouvelles régions sociosani-taires de Chaudière-Appalaches, Laval
et Lanau-dière. Le projet de loi prévoit donc que les centres de
services sociaux, qui avaient auparavant compétence sur ces territoires,
continueront d'y exercer leur activité une fois devenus centres de
protection de l'enfance et de la jeunesse. Cette situation prévaudra
dans chacun de ces établissements jusqu'à ce qu'un nouvel
établissement soit constitué pour prendre la relève et
qu'il soit en mesure d'assumer sans rupture les services requis dans la
nouvelle région.
À cette fin, le projet de loi introduit des dispositions qui
viennent préciser les règles applicables aux éventuels
transferts de responsabilités en faveur des nouveaux
établissements créés pour ces régions et qui
permettent que, dans les trois mois suivant le transfert, l'une des personnes
qui travaillent pour le nouvel établissement puisse être
élue au conseil d'administration.
Toujours en raison de l'absence d'établissements qui exploitent
un centre de protection de l'enfance et de la jeunesse dans ces régions,
dans ces trois régions, le projet de loi 15 habilite le ministre
à nommer deux personnes au conseil d'administration formé suivant
la loi 120, afin de combler des postes qui ne peuvent autrement l'être en
raison de cette absence. Ces personnes seront considérées
être des personnes élues par la population.
En ce qui a trait, maintenant, à la situation des directeurs
généraux des établissements et des régies
régionales, voici ce qu'il en est. La loi 120 prévoit qu'une fois
complétée la formation des premiers conseils d'administration des
établissements publics et des régies régionales, ces
conseils doivent procéder à la nomination de leur directeur
général, sous réserve toutefois des normes
réglementaires applicables et des dispositions relatives au centre de
référence des directeurs généraux et des cadres.
Telle que libellée, cette disposition ne pourra trouver application
avant le 1er avril 1993, car le centre de référence ne sera pas
lui-même opérationnel avant cette date. Or, il faut que la
nomination des premiers directeurs généraux soit
réalisée le plus tôt possible si l'on veut que les nouveaux
conseils d'administration exercent leurs fonctions dès l'automne
1992.
Par ailleurs, la loi 120, dans sa facture actuelle, est de nature
à soulever des appréhensions chez les directeurs
généraux en place actuellement, de sorte que le ministre a
dû prendre des engagements à l'égard du maintien de leur
poste dans le réseau. Pour ces raisons, le projet de loi 15 vient
prévoir, de façon explicite, les règles et les
modalités qui doivent être suivies par les établissements
et les régies régionales quant à la nomination de leur
premier directeur général. Ainsi, les directeurs
généraux des conseils régionaux et ceux des
établissements publics qui ne tombent pas sous le coup d'un conseil
d'administration unifié seront maintenus en poste jusqu'à
l'expiration de leur contrat. Si le contrat d'un tel directeur
général vient à échéance avant le 1er avril
1993, il ne peut être renouvelé que pour trois ans et, s'il expire
après cette date, le directeur général doit obtenir une
attestation du Centre de référence à l'effet qu'il remplit
les exigences requises pour occuper son poste.
Par ailleurs, le nouveau poste de directeur général
auprès d'un conseil d'administration unifié fera d'abord l'objet
d'un concours réservé aux directeurs généraux
visés par le regroupement d'établissements ainsi qu'aux personnes
qui occupent temporairement l'un de ces postes, mais sans obligation pour le
conseil d'administration de nommer l'un d'entre eux. Tout poste qui n'aura pas
été comblé lors de cette première étape, de
même que tout nouveau poste auprès d'une nouvelle régie
régionale et tout autre poste vacant, fera l'objet d'un concours public.
Ces nominations seront toutes limitées à une période
maximale de trois ans et, pour obtenir un renouvellement d'engagement de son
premier contrat, le directeur général devra se qualifier
auprès du centre de référence.
Quant au transfert des droits et obligations des conseils
régionaux vers les régies régionales, la loi 120
établit le principe que les droits et obligations d'un conseil
régional seront transférés à toute régie
régionale qui aura compétence sur le même territoire et ce,
dans la mesure prévue à un plan de répartition des droits
et obligations devant être déterminée conformément
à la loi. C'est donc la loi d'application qui devrait venir
préciser des règles et modalités applicables à la
détermination de ce plan de répartition des droits et
obligations.
Cependant, il s'avérait possible, à brève
échéance, d'effectuer la division de droits et obligations d'un
conseil régional entre deux régies régionales qui
pourraient être immédiatement capables d'assurer, sans rupture,
les services requis dans leur région respective. La seule solution
raisonnable qui peut être retenue à cet égard est qu'il y
ait un roulement complet des droits et obligations d'un conseil régional
en faveur d'une seule régie régionale, soit celle dont le
siège social est situé au même endroit que celui où
se trouvait le siège social de ce conseil régional. Pour
illustrer mon propos, M. le Président, je prendrais comme exemple la
région de Québec. Ainsi, le CRSSS de Québec se
départira de ses droits et obligations envers la régie
régionale de Québec.
C'est pourquoi la loi 15 adopte aussi des modifications de façon
à permettre que la régie régionale de Québec, qui
succède ainsi aux droits et obligations du conseil régional de
Québec, puisse avoir compétence à l'égard de tout
le territoire sur lequel le CRSSS de Québec exerçait ses
activités, et ce, jusqu'à ce que la régie régionale
de Chaudière-Appalaches soit en mesure d'assurer totalement les services
requis dans sa région.
En ce qui concerne l'organisation des nouvelles régies
régionales, des dispositions de nature transitoire viennent
préciser la manière dont s'effectueront la répartition des
droits et obligations et le transfert du personnel de la régie
régionale qui a succédé au conseil régional
d'origine vers la nouvelle régie régionale qui doit exercer ses
activités dans la région qui est la sienne.
Il va de soi que les plans de répartition des droits et
obligations et de transfert de personnel ne pourront, à eux seuls,
suffire à doter la nouvelle régie régionale des ressources
humaines, matérielles et financières requises pour prendre la
relève des opérations. Il faut, à cet égard,
compter qu'une régie régionale puisse recourir aux services des
employés du ministère de la Santé et des Services sociaux
qui sont actuellement affectés à des fonctions qui seront
dorénavant cédées aux régies régionales en
vertu de la loi 120 et qui, de ce fait, seront mis en disponibilité dans
la fonction publique.
Afin d'assurer un déploiement de ces ressources humaines
provenant du ministère qui soit le plus efficace possible, des mesures
supplémentaires sont introduites au projet de loi. Ces mesures visent
essentiellement à ce que les régies régionales engagent
obligatoirement les employés dont les fonctions sont
cédées aux régies régionales et accordent
priorité d'emploi à ceux affectés par la
réorganisation du ministère afférente à la
réforme. Ces mêmes fonctionnaires qui accepteront de devenir
employés des régies régionales conservent cependant leur
sécurité d'emploi dans la fonction publique. (15 h 20)
Je clos ici, M. le Président, le premier volet du projet de loi
15 et, avec votre permission, je m'attarderai maintenant au deuxième
volet, soit les modifications apportées à certaines dispositions
de la loi 120. Elles peuvent être regroupées sous trois ordres:
nouvelles orientations, mesures complémentaires, corrections et
précisions.
Tout d'abord, le projet de loi 15 propose des modifications à la
loi 120 afin de solutionner différents problèmes liés
à l'application de certains de ses articles et pour lesquels de
nouvelles orientations doivent être retenues. Ces mesures visent
particulièrement les situations suivantes. Premièrement, le
chapitre 42, qui a pour ancêtre la loi 120, pose un problème
d'interprétation et d'application dans la mesure où un centre qui
pourrait être désigné «institut universitaire»
ne devrait, selon le libellé de la loi 120, offrir des services
médicaux ultraspécialisés ou spécialisés que
«dans une seule discipline médicale». Ce n'est pas là
l'objectif qui était recherché. Ce qui était
véritablement recherché, c'était de désigner
«pour une seule discipline médicale» un centre
exploité par un établissement, lequel devrait participer à
l'enseignement médical principalement dans cette discipline
médicale.
Deuxièmement, la loi 120, à l'instar de la loi actuelle,
reconnaît à un établissement constitué en
corporation sans but lucratif un statut privé si les installations
maintenues par cet établissement ne permettent pas d'héberger
plus de 20 usagers.
Or, avec le phénomène de désinstitutionna-lisation
des dernières années, certains établissements publics
hébergent actuellement ou hébergeront éventuellement 20
usagers ou moins ce qui, juridiquement, les feraient passer d'un statut public
à un statut privé. Ce n'est vraiment pas l'objectif
recherché par la démarche de désinsti-tutionnalisation. Il
y a donc lieu d'apporter des correctifs nécessaires en vue
d'éviter de telles conséquences et ce, tant pour le passé
que pour l'avenir.
Troisièmement, la loi 120 oblige un établissement à
mettre sur pied un comité des usagers «dès qu'il exploite
un centre d'hébergement et de soins de longue durée». Cela
soulève un problème dans le cas d'un établissement qui
exploite un tout petit centre car il doit, malgré tout, instituer un tel
comité pour quelques personnes seulement. La difficulté
apparaît également dans le cas d'un établissement qui
exploite principalement un centre hospitalier de soins généraux
et spécialisés et, pour environ 10 % du total de ses lits, un
centre d'hébergement et de soins de longue durée. Il est donc
suggéré d'introduire un seuil de 50 usagers comme norme à
partir de laquelle l'institution d'un comité des usagers sera
facultative ou obligatoire.
Quatrièmement, l'allocation des ressources aux régies
régionales «sous forme d'enveloppes globales par programme»
nécessite un certain nombre de travaux préalables, tels: la
définition opérationnelle d'un programme et la configuration des
programmes de santé et de bien-être; l'identification des
conditions et mécanismes nécessaires pour la mise en oeuvre de la
gestion par programme; et, finalement, la définition des
paramètres et mécanismes favorisant une répartition
équitable des ressources entre les 18 régions sociosanitaires du
Québec.
Comme ces travaux ne pourront être prêts pour l'exercice
financier 1993-1994 et qu'ils risquent même de s'échelonner sur
quelques exercices financiers subséquents avant que l'allocation des
ressources aux régies régionales puisse être faite
totalement sous cette forme, il y a donc lieu de supprimer, dans la loi 120,
toute référence à l'allocation sous forme d'enve-
loppe globale par programme. Il faut noter ici que la suppression de ces
mots n'empêchera pas pour autant l'allocation d'enveloppes par programme
au fur et à mesure qu'il sera possible de le faire, mais, en attendant,
il sera loisible au ministre d'allouer des subventions aux régies
régionales sous une forme autre que l'enveloppe globale par
programme.
Par ailleurs, la loi 120 telle qu'adoptée aurait pour effet
d'interdire des permutations budgétaires entre programmes à
l'intérieur du budget d'un même établissement. Bien que
l'allocation des ressources doive s'orienter vers une approche par programme
plutôt que par dispensateur, il n'y a pas lieu d'introduire des
contraintes qui enlèveraient aux gestionnaires locaux une souplesse
indispensable à une saine administration. À l'inverse,
l'interdiction de toute permutation signifierait la fin du budget global,
instrument de contrôle des coûts largement reconnu. C'est pourquoi
il nous apparaît souhaitable d'apporter une modification afin de
permettre les permutations entre programmes. Ces permutations pourront
cependant être balisées dans le cadre des règles
budgétaires établies par le ministre.
Cinquièmement, les travaux associés à
l'implantation de la nouvelle régie régionale instituée
pour la région du nord du Québec ont fait ressortir la
nécessité de prévoir des aménagements relativement
à la dispensation de certains services sur ce territoire, de même
que des modalités particulières d'organisation des structures
régionales pour tenir compte de la réalité nordique.
C'est ainsi que les services associés à la protection de
l'enfance et de la jeunesse de même que ceux de la direction de la
santé publique seront obtenus par l'intermédiaire
d'établissements ou de régies régionales des
régions voisines. Des modifications sont donc proposées afin que
cela soit possible. Par ailleurs, comme la région du nord du
Québec ne compte ni communité urbaine ni municipalité
régionale de comté, une modification s'impose afin que, pour la
formation de l'assemblée régionale de cette région, les
représentations des élus municipaux soient faites en fonction des
seules municipalités qui composent cette région. De même,
en raison du petit nombre d'établissements que l'on retrouve dans cette
région et du nombre de membres de l'assemblée régionale,
que j'ai fixé à 50, il s'avère nécessaire de
réduire de 20 à 10 le nombre de membres du futur conseil
d'administration de la régie régionale qui proviendront de
l'assemblée régionale.
Sixièmement, aux fins de la formation de chacune des
assemblées régionales, la loi 120 prévoit un
collège électoral constitué à la fois
d'établissements publics et d'établissements privés. La
loi permet en outre au ministre de faire voter séparément les
établissements selon leur mission respective. Elle ne lui permet
toutefois pas de séparer les établissements publics et les
établissements privés dans le processus d'élection de
leurs représentants à l'assemblée régionale,
même si le ministre peut, malgré tout, limiter le nombre de
sièges réservés aux uns et aux autres.
Pour éviter que ce soient les établissements publics qui
décident des représentants des établissements
privés à l'assemblée régionale, et vice versa, il y
a lieu de modifier la loi de manière à créer deux
sous-groupes distincts pour fins d'élection de leurs
représentants respectifs. Par ailleurs, puisqu'on traite de
l'assemblée régionale, M. le Président, je souligne qu'une
correction est apportée afin de permettre que les employés des
organismes communautaires et qui sont membres du conseil d'administration de
ces organismes puissent, au même titre que les personnes à
l'emploi des établissements, accéder à l'assemblée
régionale.
Enfin, septièmement, le projet de loi 15 propose l'introduction
de modifications afin d'établir le cadre juridique devant supporter la
rémunération des fonctions de gestion assumées par des
médecins ou des dentistes en établissement. Ces dispositions ont
fait l'objet de consultation auprès de la Régie de
l'assurance-maladie du Québec et des fédérations
médicales, dans le cadre d'un comité créé suite
à la conclusion d'un protocole d'entente intervenu au cours de
l'été 1991 entre le ministre et le regroupement des
médecins du Québec.
Elles donnent au gouvernement le pouvoir de déterminer la
couverture des fonctions de gestion qui seront visées et l'enveloppe
budgétaire devant servir à défrayer la
rémunération de ces fonctions.
Suite à l'adoption de ces mesures, le ministre conserve le
pouvoir de négocier avec les organismes représentatifs des
médecins et des dentistes les conditions d'exercice et de
rémunération de ceux et celles qui assumeraient de telles
fonctions visées au règlement du gouvernement.
En ce qui a trait à la rémunération des
activités ou des tâches administratives effectuées par un
professionnel de la santé en cabinet privé, des dispositions sont
prévues dans le projet de loi 15 pour modifier la Loi sur
l'assurance-maladie en conséquence. Des modifications sont
également proposées dans le projet de loi afin que soient
ajoutés à la substance de certains articles de la loi 120 des
éléments nécessaires pour compléter le
régime juridique applicable aux matières concernées.
Ces matières complémentaires visent, notamment, à
permettre que trois personnes soient nommées par les membres de la
corporation, lorsque l'établissement qui exploite un centre local de
services communautaires ou qui est désigné centre de santé
est une corporation désignée par le ministre; à
empêcher qu'une personne mineure puisse voter lors de
l'assemblée
publique à laquelle la population est invitée afin
d'élire des représentants au conseil d'administration d'un
établissement; à identifier des cas supplémentaires
à l'égard desquels il est possible ou même requis de
désigner, dans les lettres patentes d'un nouvel établissement,
des membres provisoires du conseil d'administration; à confier à
la régie régionale la responsabilité de l'administration
et du financement de certaines dépenses d'immobilisation et
d'équipement des établissements publics de sa région, et
ce, au même titre que les conseils régionaux actuels sont investis
de cette fonction; enfin, à introduire un recours afin qu'il soit
possible de contester devant la Commission des affaires sociales une
élection tenue aux fins de la formation des premiers conseils
d'administration des établissements publics. (15 h 30)
Finalement, le troisième ordre de modifications apportées
à la loi 120 vise à la fois à corriger le texte anglais de
certaines de ses dispositions et à apporter des précisions ou des
corrections utiles ou nécessaires à son application.
J'aborde maintenant le troisième volet du projet de loi, soit
celui des concordances législatives. Cette partie du projet de loi
touche 68 lois et comporte près de 300 articles.
La très grande majorité des lois modifiées par le
projet contiennent actuellement des références à la Loi
actuelle sur les services de santé et les services sociaux. Il s'agit
donc généralement de modifier la terminologie utilisée et
d'intégrer les nouveaux concepts ou d'harmoniser certains
mécanismes de fonctionnement avec le régime prévu par la
nouvelle Loi sur les services de santé et les services sociaux.
Parmi les changements d'ordre terminologique à effectuer, on peut
noter le changement d'appellation de la loi. La loi actuelle ne sera pas
abrogée. Seul son champ d'application sera considérablement
rétréci, puisqu'elle ne s'appliquera plus
généralement qu'aux autochtones cris et inuit qui résident
dans le territoire du Conseil cri de la santé et des services sociaux de
la Baie James et du Conseil Kativik de la santé et des services sociaux.
Par conséquent, la loi 120 a prévu le changement d'appellation de
la loi qui se titrera maintenant «Loi sur les services de santé et
les services sociaux pour les autochtones cris et inuit». Il faut donc
modifier un bon nombre de lois pour qu'elles se réfèrent,
à l'avenir, à cette nouvelle appellation de même
qu'à la loi 120.
De plus, la loi 120 change l'appellation de certains dispensateurs de
services à la population. Par exemple, certains centres d'accueil dont
traite la loi actuelle deviennent des centres de réadaptation sous la
nouvelle loi et d'autres deviennent des centres d'hébergement et de
soins de longue durée. Ces changements d'appellation entraînent
plusieurs modifications législatives.
Par ailleurs, alors que la loi actuelle, lorsqu'elle définit des
établissements, se réfère d'abord aux installations
où sont dispensés des services, tels les centres hospitaliers ou
les centres d'accueil, la loi 120 n'utilise le mot
«établissement» que pour viser l'entité
généralement constituée en corporation qui fournit des
services à la population. Les notions de «centre
hospitalier», de «centre de réadaptation» ou autres
sont dorénavant définies en termes de mission de services et
servent à identifier le champ d'activité d'un
établissement, et ce, indépendamment des installations physiques
maintenues par un établissement. Ces changements conceptuels doivent
donc se refléter dans chaque loi qui comporte actuellement un renvoi
à la notion d'établissement telle que définie par la Loi
sur les services de santé et les services sociaux.
Enfin, partout où l'on retrouve dans les lois un renvoi aux
conseils régionaux de la santé et des services sociaux, il faut
généralement effectuer une modification législative pour
que l'on renvoie dorénavant aux régies régionales, car
c'est l'institution régionale prévue par la nouvelle loi pour
assumer en partie les pouvoirs et les fonctions autrefois assumés par
les conseils régionaux.
Par ailleurs, la mise en vigueur de la loi 120 exige des modifications
plus substantielles à certaines lois afin d'harmoniser les
mécanismes prévus par ces lois au nouveau mode d'organisation des
soins de santé et de services sociaux du Québec. Deux lois sont
particulièrement touchées, la Loi sur l'assurance-hospitalisation
et la Loi sur la santé et la sécurité du travail. La Loi
sur l'assurance-hospitalisation prévoit actuellement que le ministre de
la Santé et des Services sociaux conclue des contrats avec les centres
hospitaliers pour que les services hospitaliers soient fournis gratuitement aux
résidents du Québec et à toute autre personne
assurée. Ces contrats contiennent des modes de paiement de ces services
par le ministre. La loi 120 adopte une tout autre approche et confie
plutôt aux régies régionales le mandat d'organiser les
services dispensés à la population. À cette fin, elle
prévoit l'allocation des ressources financières
nécessaires au financement de ces services. Par conséquent, la
Loi sur l'assurance-hospitalisation doit être modifiée pour tenir
compte de cette nouvelle orientation. Ainsi, le ministre devra plutôt
s'assurer que les régies régionales assument bien leur rôle
à cet égard.
Outre des modifications de pure concordance terminologique, la Loi sur
la santé et la sécurité du travail doit être
modifiée pour s'harmoniser avec le nouveau mode d'organisation de la
santé et des services sociaux. Ainsi, plusieurs modifications à
cette loi ont trait au remplacement du «chef de département de
santé communautaire» par le «directeur de la santé
publique d'une régie régionale», lequel se verra
confier la responsabilité aujourd'hui assumée par le chef
du département de santé communautaire.
De plus, alors qu'actuellement la Commission de la santé et de la
sécurité du travail conclut un contrat de services avec chaque
centre hospitalier où existe un département de santé
communautaire, dorénavant, pour tenir compte de la nouvelle organisation
des soins de santé, la Commission devra conclure un contrat de services
avec chaque régie régionale concernée. La régie
régionale désignera les établissements de sa région
qui dispenseront les services et devra s'assurer que le budget qui lui sera
versé par la Commission pour ces services et qu'elle redistribuera
elle-même aux établissements sera utilisé effectivement
à cette fin.
M. le Président, j'aborde enfin le dernier volet du projet de loi
15 en ce qui concerne différentes mesures reliées au contenu de
la carte d'assurance-maladie ainsi qu'à l'obtention et à
l'utilisation de cette carte. Comme le stipule sa loi constitutive, la
Régie de l'assurance-maladie du Québec a notamment pour fonction
de contrôler l'admissibilité des personnes aux programmes du
régime d'assurance-maladie ainsi qu'à tout autre programme que la
loi ou le gouvernement lui confie.
Dans le cadre des travaux de la commission des affaires sociales sur le
financement des services sociaux et de santé, des partenaires des
différents groupes de la société ont alors exprimé
la nécessité d'améliorer les mesures de contrôle
quant à l'utilisation de la carte d'assurance-maladie et ont
proposé l'émission par la Régie d'une carte avec la
photographie du bénéficiaire, afin d'éviter que des
personnes non admissibles profitent des avantages du régime
québécois d'assurance-maladie.
À cet effet, le projet de loi propose d'introduire une nouvelle
carte d'assurance-maladie avec la photographie et la signature du
bénéficiaire. Cette mesure permettra de raffermir les
contrôles reliés à l'utilisation de la carte
d'assurance-maladie en s'assurant que la personne qui présente une carte
d'assurance-maladie pour obtenir des services de santé soit
véritablement le titulaire de la carte.
Je dis tout de suite à ceux que cette disposition
inquiète, à savoir que l'usage de la carte avec photo et
l'utilisation du numéro d'assurance-maladie deviennent une clé
d'entrée à de multiples banques de renseignements personnels, que
le projet de loi prévoit que la production de la carte
d'assurance-maladie ne peut être exigée pour des fins autres que
celles reliées au domaine de la santé et des services sociaux, de
manière à assurer le respect de la vie privée des
personnes.
Afin de s'assurer de l'identité de la personne au moment de
l'obtention de la carte d'assurance-maladie, le projet de loi propose de
soumettre à un mécanisme d'authentification la demande
d'inscription ou de renouvellement d'inscription auprès de la
Régie ainsi que la demande de remplacement de la carte. À titre
d'information, M. le Président, j'aimerais rappeler que la carte-photo
proposée par le projet de loi 15 s'ajoute à des mesures
déjà prises quant aux contrôles reliés à
l'utilisation et à l'obtention de la carte.
Une de ces mesures, en vigueur depuis septembre 1991, consiste à
obliger un bénéficiaire à présenter une carte
d'assurance-maladie non périmée à la date d'obtention des
services; une autre, qui elle donne suite aux dispositions du projet de loi
120, concerne le renouvellement de l'inscription des personnes à la
Régie de l'assu-rance-maladie du Québec. Elle se traduira
à compter de l'automne prochain par l'envoi, à tous les quatre
ans, d'un avis de renouvellement aux personnes inscrites à la
Régie, afin qu'elles déclarent leurs séjours à
l'extérieur du Québec et leur lieu de résidence
principale. Cette mesure vise essentiellement à s'assurer du respect des
exigences reliées à l'admissibilité de ces personnes.
Le projet de loi prévoit aussi d'accorder à la
Régie le pouvoir de refuser de délivrer une carte
d'assurance-maladie lorsque la personne est, au moment de sa demande,
déjà débitrice de la Régie à l'égard
du coût d'un service assuré payé pour elle par la
Régie, ou à l'égard des frais exigibles pour le
remplacement de la carte d'assurance-maladie. Cette disposition apporte une
solution acceptable pour contrôler un certain nombre de situations dont,
notamment, celle des personnes qui s'établissent temporairement au
Québec dans l'unique but de recevoir des services de santé et qui
repartent, par la suite, sans avoir respecté les règles relatives
au maintien du statut de résidence au Québec. (15 h 40)
II convient donc d'accorder à la Régie les pouvoirs
nécessaires à l'exercice de sa fonction de contrôle de
l'admissibilité des personnes au régime d'assurance-maladie, en
lui permettant de refuser de délivrer une carte d'assurance-maladie
à une personne qui n'aurait pas remboursé les sommes dues
à la Régie.
M. le Président, toutes ces mesures, évidemment, plus
indigestes les unes que les autres, à l'intérieur de cette loi
d'application, visent à faire en sorte que nous puissions effectivement
passer, encore de manière plus concrète, à l'application
de la réforme qui a été adoptée par cette
Assemblée, qui a été largement discutée partout
à travers le Québec et qui a été adoptée en
1991.
Nous aurons donc l'occasion d'échanger avec les parlementaires,
tant du groupe ministériel que de l'Opposition, pour tenter de bonifier
ce projet de loi 15 et faire en sorte que nous puissions, à la fin de
cette session, avoir entre les mains tous les instruments qu'il nous faut pour
passer à cette réalisation; faire en sorte que le début
d'octobre 1992 soit le premier
moment de transfert des responsabilités, et que le 1er avril
1993, nous soyons véritablement dans l'opérationalisation
quotidienne de cette réforme.
J'ose pouvoir compter sur la collaboration des parlementaires de la
même manière que j'ai pu l'utiliser et avoir la complicité
de ces parlementaires pendant ces nombreuses semaines et nombreux mois que nous
avons passés en commission parlementaire. M. le Président, je
veux donc, à ce moment-ci, vous remercier de votre attention et vous
dire que c'est la dernière pièce législative majeure
menant à l'implantation et à la réalisation de la
réforme. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Je
cède maintenant la parole à M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, critique de l'Opposition officielle en
matière de santé et de services sociaux. Je vous rappelle qu'en
vertu de l'article 209, vous disposez d'une période maximale de 30
minutes. M. le député.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: M. le Président, en vertu de l'article que vous
venez de citer, est-ce que ce n'est pas une heure?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): 60 minutes, je
m'excuse.
M. Trudel: Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): 60 minutes, tout comme le
ministre.
M. Trudel: Je m'apprêtais à compresser
sérieusement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Tout comme le ministre.
Allez-y.
M. Trudel: Merci, M. le Président. On reconnaît
votre équité habituelle dans cette Chambre, en conformité
avec le règlement et ce que le ministre vient d'utiliser comme temps par
rapport à ce projet de loi qui nous est présenté
aujourd'hui.
M. le Président, effectivement, donc, comme le ministre vient de
le mentionner, nous avons l'impression, aujourd'hui, de reprendre un peu, en
quelque sorte, là où nous en étions, le 28 août
dernier, lorsque, après un très long marathon, nous avions
adopté - sur division, je vous le rappelle - en cette Assemblée
nationale, le projet de loi 120, je pense qu'on pourrait dire, jusqu'à
un certain point, le controversé projet de loi 120 sur la
réorganisation des services de santé et des services sociaux au
Québec.
À l'occasion de la présentation de ce projet de loi, il
faut prendre quelques instants pour resituer les choses dans leur perspective
historique, dans la continuité qui s'installe avec cette pièce
législative qui nous est présentée aujourd'hui. Je peux
signaler tout de suite au ministre, cependant, que, fidèles à
l'esprit qui nous a animés pendant l'ensemble des débats, au
cours des différentes étapes qui ont présidé
à l'adoption du projet de loi 120, et dans l'ensemble des consultations
qui ont été tenues, soit à la demande de l'Opposition,
soit par décision gouvernementale autour du projet de loi 120 et aussi,
faut-il le mentionner, du financement des services de santé et des
services sociaux au Québec, nous entendons continuer à agir dans
ce que nous pourrions appeler un esprit positif de travail en vue de bonifier
ce projet de loi. Ce projet de loi, qui a l'apparence, ici, de nombreuses
modifications techniques à de très nombreuses lois du
Québec affectées par l'adoption de la loi 120, mais qui, j'ai
envie d'employer la comparaison, sont souvent comme les petites
écritures dans les contrats d'assurance. Tout en abordant le projet de
loi 15 avec un esprit ouvert, avec un esprit positif d'amélioration d'un
bon nombre d'articles qui nous apparaissent, à prime abord... Nous
verrons dans les discussions en commission parlementaire, suite aux
explications qui nous seront données par le ministre. Nous entendons
agir avec minutie, nous entendons réagir avec une extrême prudence
parce que, souvent, l'article qui est modifié, l'article qui est
ajusté, l'artifice technique qui peut apparaître nécessaire
dans certains cas peut aussi révéler des intentions de nature,
disons-le, plus politique, d'orientation de certains secteurs d'activité
de la santé et des services sociaux.
Esprit positif, mais minutie et prudence également dans
l'étude de ce projet de loi. À l'occasion de l'étude du
projet de loi 120, le printemps dernier, nous avions agi dans cet esprit et on
se souviendra qu'au-delà de tout près de 500 amendements avaient
été amenés, tant du côté de l'Opposition que
de la partie ministérielle, je dois en convenir, sur un projet de loi
qui en contenait 490 au départ. Il est bien évident que le projet
de loi qui est devant nous aujourd'hui, qui, j'en conviens, est de nature plus
technique et comporte quand même 377 articles, risque d'infléchir
un bon nombre de secteurs d'activité dans le domaine de la santé
et des services sociaux. C'est pourquoi, au niveau de l'Opposition, nous
entendons être minutieux.
Minutieux, M. le Président, prudents, positifs, parce que nous
avons gardé quand même, de ce côté-ci de la Chambre,
un certain arrière-goût de certaines dispositions qui avaient
été adoptées dans la loi 120. Dans les
événements du printemps dernier, dans la chaleur de la
discussion, peut-être plusieurs, M. le Président, n'ont pas
remarqué qu'à la toute dernière minute, en termes de
prévisions d'implantation de ce que le gouvernement,
légitimement, légalement, faisait adopter par l'Assemblée
nationale, on nous est arrivé, si ma mémoire est fidèle,
le 27 août, une journée avant la fin de la commission parle-
mentaire chargée d'étudier le projet de loi 120, à
l'époque, article par article, avec une soixantaine d'amendements ou
d'articles qui s'appelaient des dispositions transitoires, visant à
faire en sorte que le nouveau régime qui était défini
puisse s'installer. Il est évident que n'importe quel parlementaire, si
soigneux soit-il, M. le Président, ne peut pas affirmer que l'on puisse
étudier en détail et de façon extrêmement
minutieuse, de façon à ne pas renier les droits des uns et faire
en sorte que le juste droit puisse s'exercer, on ne peut pas, dis-je, au niveau
parlementaire, prétendre que toutes les dimensions du projet de loi en
termes transitoires ont pu être examinées à leur face
même et de façon extrêmement précise.
Nous avons, à cet égard, M. le Président,
gardé un certain arrière-goût de ces mesures transitoires
qui étaient présentes déjà dans la loi 120 et qui
ont permis à un certain nombre d'événements de se
dérouler pendant l'automne et surtout pendant l'hiver, et ce printemps
même, au niveau, par exemple, de la constitution des conseils
d'administration des établissements publics dans le réseau de la
santé et des services sociaux. Et également la constitution,
jusqu'à ce jour, des membres des assemblées publiques
régionales qui seront chargés d'élire, de désigner
les membres des conseils d'administration des régies régionales
de la santé et des services sociaux.
Alors, au moment où on nous présente, ici, à
l'intérieur de la loi 15, une autre série d'amendements visant
à placer dans la loi, en quelque sorte, de nouvelles dispositions
transitoires pour en arriver à atteindre ce que le ministre a
appelé une première ligne de rupture ou de passage, au mois
d'octobre 1992, en vue d'en arriver à un changement de régime, en
quelque sorte en santé et services sociaux au Québec, le 1er
avril 1993, cet arrière-goût, cette vitesse, cette
accélération au niveau de la présentation de certains
articles de la loi 120 nous invitent aujourd'hui à une plus grande
prudence. On a vu d'ailleurs, pendant les événements de
l'automne, de l'hiver et du printemps, que cette précipitation, en
quelque sorte, dans l'adoption des dispositions transitoires visant à
appliquer un bon nombre d'articles de la loi 120 a conduit à certaines
situations un peu farfelues, je dirais, dans le réseau de la
santé et des services sociaux.
C'est ainsi que le Conseil des ministres a été
invité... Au cours de l'hiver, au moment où l'on procédait
à l'élection des premiers membres des conseils d'administration
représentant le public sur ces conseils d'administration, soit les
hôpitaux, les CLSC, les centres d'accueil, les conseils d'administration
unifiés, eh bien, M. le Président, on avait été
obligé d'adopter, de réviser à la vapeur un
règlement adopté par le Conseil des ministres pour tout
simplement interdire aux personnes mineures d'avoir accès aux boites de
scrutin dans les différents établissements à travers le
Québec, de façon à ce que l'espèce de mouvement qui
se dessinait... Puisqu'il n'y avait pas de listes électorales et qu'il
n'y avait pas de contrôle des électeurs dans chacun des centres,
dans une municipalité, dans une région donnée, eh bien, on
a été obligé, en catastrophe, non seulement d'adopter un
amendement visant à ce que les personnes mineures... Ça allait
de... C'était élémentaire, M. le Président... (15 h
50)
Adopter, donc, un arrêt, un décret visant à
interdire aux personnes mineures de voter à l'occasion de ces
élections des premiers représentants du public sur les conseils
d'administration. Tout ça, M. le Président, parce que, dans les
dispositions transitoires du projet de loi 120 - et nous allons en retrouver un
certain nombre de ces articles similaires, en termes de dispositions
transitoires dans le projet de loi 15 qui est devant nous aujourd'hui - des
articles prévoyaient que le gouvernement pouvait «prendre des
règlements», suivant l'expression consacrée par le Conseil
des ministres, en se soustrayant à la nécessité de la
prépublication de ces règlements.
On sait, M. le Président, que, en vertu d'une loi
générale de l'administration gouvernementale, les décrets,
les décisions prises par le Conseil des ministres, en termes de
règlements qui s'appliquent à un certain nombre
d'établissements, à un certain nombre de groupes dans notre
société, doivent faire l'objet d'une prépublication de 45
jours. Pourquoi? Parce que, évidemment, la sagesse du
législateur, au cours des années, l'a amené à dire
qu'il était souhaitable que, dans le jargon adopté habituellement
par le gouvernement ou l'administration gouvernementale, à travers la
prise d'un décret, la proposition d'un règlement, il fallait,
à moult occasions, prévenir le public en quelque sorte de ces
modifications qui risquent de le toucher et permettre au public, aux
représentants de différents groupes, à la population en
général, de manifester leur désapprobation, leur intention
de voir des modifications introduites, de donner leur opinion quant au
règlement qui est publié. Or, une des dispositions transitoires
déjà inscrites dans la loi 120 donnait le pouvoir au Conseil des
ministres de procéder sans prépublication des règlements.
Encore une fois, nous entendons, M. le Président, à la prochaine
étape de l'adoption de ce projet de loi, être extrêmement
minutieux. Il n'est pas de l'intention de l'Opposition de donner des
chèques en blanc au gouvernement, au Conseil des ministres, pour
l'adoption de tout règlement qui ferait, en quelque sorte, son affaire,
pour passer à certaines actions que, lui, peut juger utiles ou
nécessaires, mais qui pourrait se faire, donc, sans
prépublication, sans la publication dans la Gazette officielle,
45 jours à l'avance, des intentions du gouvernement. Nous
allons être extrêmement minutieux et parcimonieux à
cet égard, M. le Président.
Un exemple également, M. le Président, d'une certaine
confusion qui s'était glissée, à l'occasion de l'adoption
de ces dispositions transitoires dans le projet de loi 120, c'est toute la
question de la formation des collèges électoraux: les gens, les
regroupements, les catégories de personnes ou de représentants
chargés d'abord d'élire les personnes à l'assemblée
publique régionale. Il s'agit d'un vocabulaire nouveau, d'une
mécanique nouvelle puisque le gouvernement n'a pas voulu se rendre aux
argumentations de l'Opposition de procéder à l'élection au
suffrage universel, pour ceux et celles qui sont chargés d'administrer
les quelque 12 000 000 000 $ des services de santé et services sociaux
au Québec. Donc, à l'occasion de la formation de ce qu'on appelle
les collèges électoraux, dans les différentes
catégories de personnels ou de représentants de la population, on
a, là aussi, procédé, le 17 mars dernier, sans
prépublication du règlement qui autorisait un certain nombre de
règles pour présider à l'élection de ces
représentants, d'un maximum de 150 personnes, formant les
assemblées publiques régionales dans les 18 régions
sociosanitaires au Québec.
M. le Président, donc, il faut, même sous l'apparence d'un
projet de loi technique, être extrêmement minutieux. Il faut avoir
une très grande prudence au niveau de ces articles qui risquent de
modifier le contenu d'autres articles, de faire en sorte que ces petites
écritures, comme on dit souvent, ne nous amènent pas dans des
directions qui ne sont pas souhaitées par le public et par les
intervenants dans les systèmes de la santé et des services
sociaux. nous allons aussi, m. le président, à cette
étape-ci, regretter profondément, encore une fois, que le
ministre qui parraine le projet de loi 15, le ministre de la santé et
des services sociaux, n'ait pas profité de l'occasion, d'abord, de
publier sa politique de santé et de bien-être de façon
à ce que, pour la dernière pièce législative, suite
à l'annonce du 7 décembre 1990, il puisse, aujourd'hui, dire:
quant aux reproches de l'opposition de procéder à l'envers, de
faire en sorte qu'on dessine les instruments avant de savoir les objectifs que
cela va servir, bien, je me reprends aujourd'hui et, à l'occasion de la
dernière pièce législative, j'ai déposé
publiquement les objectifs de la politique de santé et de
bien-être que nous entendons poursuivre, au québec.
Cela eut permis, M. le Président, à tout le moins,
d'ajuster les instruments ou les outils que nous avons dessinés à
l'Assemblée nationale, au cours du printemps dernier et, plus
spécifiquement, à la session spéciale de
l'été 1991, de faire en sorte qu'on ajuste les instruments aux
objectifs que l'on veut poursuivre en matière de santé et de
services sociaux, en matière de santé et de bien-être de la
population québécoise. On va continuer, donc, de déplorer
qu'à l'occasion de la présentation d'un projet de loi qui veut,
en quelque sorte, coiffer le projet de loi 120 qui a été
adopté l'an dernier, de faire en sorte que les dispositions puissent
s'appliquer et que les régimes juridiques puissent avoir une
continuité, bien qu'on n'ait pas profité de l'occasion, surtout
suite au débat que nous avons eu, cet hiver, sur le financement des
services de santé et des services sociaux. Donc, déplorer que
nous n'ayons pas encore ces objectifs de santé et de bien-être et
que l'on ne puisse traduire cela, à tout le moins, en des ajustements
dans notre système de santé et de services sociaux et dans notre
système de direction, en quelque sorte, du gouvernement, pour en arriver
à ce que non seulement on se donne, en apparence, des instruments plus
ajustés pour agir sur la réalité avec le projet de loi
120, mais qu'on puisse avoir des instruments qui soient adéquats, qui
soient pertinents pour en arriver à atteindre ces objectifs de
santé et de bien-être dans la population du Québec.
J'ai souvent employé l'expression, ou la comparaison, ou
l'illustration au niveau de la commission parlementaire pour dire au ministre
que, si cet article 1 de la politique de santé et de bien-être
allait viser la lutte à la pauvreté, ou encore ce que
j'appellerais la version positive de la lutte à la pauvreté, une
véritable politique de plein emploi, au Québec, bien, il est
évident qu'il y a certains articles de la loi 120 qui se verraient
modifiés, par exemple, en appelant nécessairement au concours de
l'ensemble des autres ministères de l'État chargés, ou qui
ont la responsabilité de l'incitation au développement de
l'emploi pour les Québécois et les Québécoises.
Alors, dans ce contexte-là, l'article 1 d'une politique de santé
et de bien-être qui ferait de la lutte à la pauvreté une
priorité nationale et une politique de plein emploi qui ferait en sorte
que nous pourrions nous donner des instruments ajustés. Nous pourrions
placer un certain nombre de commandes, en quelque sorte, d'obligations à
l'État comme responsable de l'amélioration des conditions de
santé des individus, mais également de ces individus dans leur
collectivité, et de bien-être de ces individus.
Alors, dans ce contexte-là, on ne dispose pas encore,
malheureusement... Il semble bien que le ministre de la Santé et des
Services sociaux ait choisi comme voie plutôt de dessiner
complètement l'ensemble des instruments. Le dernier texte qu'il
déposera à l'Assemblée nationale, dans la foulée du
programme qu'il s'était fixé, c'est cette politique de
santé et de bien-être, ce qui nous demandera certainement, par
ailleurs, de refaire, d'une certaine façon, le chemin à l'envers
dès le moment où cette politique de santé et de
bien-être sera soumise à la consultation publique et qu'elle sera
adoptée par le ministère et par l'État, par le
gouvernement. Au
niveau des objectifs globaux de société que l'on veut
poursuivre en matière de santé et de bien-être, eh bien,
probablement qu'encore une fois on devra apporter ici devant l'Assemblée
nationale un projet de loi qui visera à corriger un certain nombre des
instruments qui ont été prévus à la loi 120 et qui
déjà font l'objet de corrections par le projet de loi 15 ici. (16
heures)
M. le Président, voilà encore une fois un autre exemple
qui nous fait dire qu'il nous faudra être minutieux et que nous allons
être aux aguets lorsque nous allons étudier ligne par ligne,
article par article, le projet de loi 15 qui nous est soumis aujourd'hui, mais
dans un esprit positif, je le répète, bien sûr, M. le
Président. Mais un esprit positif ne veut pas dire l'absence d'esprit
critique, ne veut pas dire l'absence de refus d'un certain nombre de dimensions
qui sont dans ce projet de loi ou encore d'une invitation, M. le
Président, à ce que la partie ministérielle manifeste
également la même souplesse, compte tenu du passage à la
réalité d'un certain nombre des articles de la loi 120 - j'allais
dire du projet de loi 120, mais, effectivement, de la loi 120 - qui est
maintenant en vigueur et qui s'applique.
M. le Président, si nous agissons de cette façon de notre
côté, on peut le réclamer du côté du
gouvernement. Nous allons souhaiter que le ministre de la Santé et des
Services sociaux... Je dirais que, par rapport à certaines dimensions,
il a déjà manifesté cet état d'esprit et nous
allons très certainement faire appel à son concours pour profiter
de l'occasion pour modifier les lois, par exemple, en ce qui concerne les
conseils d'administration chargés d'administrer les divers
établissements du système de santé et des services
sociaux. On en a fait état, M. le Président, devant cette
Assemblée à quelques occasions. Il y a, par exemple, un groupe de
citoyens dans la région de l'est de Montréal, plus
particulièrement à Pointe-Saint-Charles, qui se sont
organisés au cours des 25 dernières années dans un
regroupement communautaire et qui administrent des services de santé et
qui se sont vu au cours des années confier le mandat d'administrer pour
la population de Pointe-Saint-Charles un centre local de services
communautaires, un CLSC.
Or, avec les dispositions de la loi 120, qui ont été
adoptées le 28 août dernier, M. le Président, il y a
à travers le Québec 158 CLSC qui sont soumis au fait de se
désigner un conseil d'administration comportant quelque 14 membres.
Lorsque nous arrivons sur le terrain de la pratique dans le quartier de
Pointe-Saint-Charles à Montréal, on s'aperçoit que c'est
un organisme communautaire. La Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles,
qui, depuis 25 ans, administre suivant les règles qui lui sont
imposées par l'État de rendre des comptes quant aux quelque 3 000
000 $ qui lui sont confiés pour administrer ses services, on lui dit: Eh
bien, vous autres, qui êtes en quelque sorte les précurseurs du
fait qu'au Québec nous ayons ce réseau d'établissements
particuliers quasi uniques au monde dans leur forme qui s'appellent les CLSC et
à qui on a demandé depuis une quinzaine d'années d'en
administrer un CLSC, eh bien, aujourd'hui on vous dit qu'on a fait des
pantalons de grandeur 36 pour les 158 CLSC au Québec et si, au cours des
dernières années, vous avez administré avec des pantalons
qui étaient de grandeur 34, nous, on refuse d'apporter les
modifications, à travers le projet de loi 15 ici, à la loi 120 de
façon à ce qu'on ajuste la réalité à la
forme souhaitée par les citoyens en termes de conseil d'administration
de leur établissement communautaire qui s'appelle le CLSC.
C'est avec regret que nous n'avons pas encore vu, M. le
Président, à moins que l'étude plus particulière en
commission parlementaire ne nous amène, comme on dit dans le jargon, un
certain nombre de papillons ou d'explications qui nous feraient dire, à
travers le ministre de la Santé et des Services sociaux, qu'une toute
fine disposition des amendements techniques présentés en termes
d'ajustement à la loi 120 permettrait au ministre de reconnaître
le travail qui s'est fait à la Clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles depuis 25 ans... À cet égard, donc, suivant
la volonté ministérielle de confier à un groupe
responsable des fonds qui lui sont confiés, responsable aux mêmes
instances que les autres CLSC au Québec, qu'on puisse donc ajuster le
costume, ajuster le chapeau, ajuster le pantalon à la
réalité historique des citoyens de la Clinique communautaire de
Pointe-Saint-Charles, dans le comté du député de
Sainte-Anne, qui ont signé pour près de 8000 une pétition
et qui disent au gouvernement du Québec, qui disent au ministre de la
Santé et des Services sociaux: Voulez-vous sauter sur l'occasion, s'il
vous plaît, peut-être que cela vous a échappé dans la
rédaction de votre loi, dans votre loi 120, en général,
que vous pourriez confier à un organisme communautaire l'administration
d'un CLSC, en respectant les règles, en respectant les règles
budgétaires, les règles financières, les règles de
l'administration publique auxquelles est obligé tout organisme qui
dépense des fonds dont le ministre de la Santé et des Services
sociaux est redevable, ici, devant l'Assemblée nationale?
Nous n'avons pas retrouvé cette disposition. Nous allons demander
au gouvernement, nous allons demander au ministre de faire en sorte que nous
puissions introduire dans la loi 15, pour modifier la loi 120, des dispositions
qui vont permettre au ministre de la Santé et des Services sociaux
d'agir avec souplesse, d'agir avec toute connaissance des
réalités historiques de l'organisation et de la dispensation des
soins de santé et des services sociaux, dans certains quartiers
ou certaines régions, certains quartiers de la région de
Montréal, et pour faire en sorte qu'à travers cela on puisse
commettre très clairement qu'à l'Assemblée nationale nous
reconnaissons ces réalités particulières, nous
reconnaissons les contributions des citoyens qui se sont organisés
depuis 25 ans, à Pointe-Saint-Charles, à travers leur clinique
communautaire, et que nous allons continuer à leur faire confiance, en
leur confiant l'administration de leur CLSC sur ce territoire. Même s'il
y a donc 157 porteurs de culottes qui auront la même grandeur, le
même format au Québec, en toute reconnaissance, en toute justice
et en toute justesse devant la situation, nous allons reconnaître aux
citoyens de Pointe-Saint-Charles la possibilité, à travers leur
clinique, d'administrer leur CLSC.
Nous allons donc demander à cet égard la même
souplesse au ministre de la Santé et des Services sociaux et nous lui
garantissons que nous allons évidemment apporter notre concours si,
d'aventure, il décidait de présenter un papillon, un amendement,
en commission parlementaire, lorsque nous allons étudier article par
article ce projet de loi qui en contient 377, M. le Président.
Évidemment si le ministre, d'aventure, n'allait pas se rendre
jusqu'à ce point de nos désirs, nous allons nous-mêmes -
j'en préviens tout de suite le ministre de la Santé et des
Services sociaux - au nom des citoyens de Pointe-Saint-Charles, au nom des
bénévoles qui agissent depuis 25 ans à la Clinique
communautaire de Pointe-Saint-Charles, nous allons présenter
formellement une proposition qui viserait à ce que le ministre ait la
capacité de reconnaître à un organisme communautaire la
possibilité d'administrer un CLSC à Pointe-Saint-Charles.
M. le Président, l'étude du projet de loi 15, ce sera
également une occasion, un moment privilégié pour revenir,
en termes d'analyse, sur les implications de ce que nous avons en quelque sorte
déjà mentionné au gouvernement, à l'occasion de
l'adoption du projet de loi 120. D'autres l'ont fait au cours des derniers
mois. D'autres l'ont fait au cours des dernières sessions et nous
n'allons certainement pas rater l'occasion, toujours dans l'esprit de susciter
chez le ministre un certain nombre de corrections, un certain nombre de
correctifs à la loi 120, à travers le projet de loi 15. Ça
sera une occasion privilégiée d'en tirer en quelque sorte le
bilan. Bilan très court, puisque ça ne fait pas une année
encore, l'adoption, quant à ce projet de loi là, des arguments,
effectivement, et des éléments de bilan construct, comme le
faisaient, par exemple, deux prédécesseurs de l'actuel ministre
de la Santé et des Services sociaux. (16 h 10)
Mme Thérèse Lavoie-Roux, qui a été, pendant
le premier mandat du Parti libéral dans l'actuel gouvernement, qui a
été au gouvernement, qui a été, pendant toute cette
période-là, ministre de la Santé et des Services sociaux,
déclarait à L'actualité médicale du mois de
décembre 1991, quant à la loi 120, elle qui avait
présenté en juin 1989 le premier avant-projet de loi sur la
réforme de la santé et des services sociaux suite à la
commission Rochon qui a été instituée en 1984, Mme
Lavoie-Roux tirait le bilan fort peu reluisant à la lecture -
probablement à sa relecture - de la loi 120, disant que la loi 120
n'était pas une réforme de la santé mais tout au plus une
mise à jour. C'est un jugement qui est quand même assez lourd.
Quand on sait l'expérience, quand on sait la connaissance du
système qu'avait Mme Lavoie-Roux, on peut quand même
reconnaître que c'est un élément de jugement qui nous
inquiète un peu aujourd'hui, qui nous inquiète beaucoup et qui
nous amène, encore une fois, à l'intérieur du projet de
loi 15, à dire que nous devons être extrêmement minutieux
sur les correctifs à apporter.
C'est la même chose, M. le Président, au niveau d'un autre
ex-ministre de la Santé et des Services sociaux de la même
formation politique que l'actuel gouvernement du Québec, M. Claude
Forget, qui déclarait, pas plus tard qu'il y a un mois, à
Val-d'Or, que la réforme de la santé et des services sociaux
présentée par l'actuel gouvernement allait à contresens
des grands développements dans les systèmes de santé et de
services sociaux à travers le monde. Il allait même jusqu'à
dire, à accompagner, je dirais, à confirmer, en quelque sorte,
une vision que nous avions nous-mêmes énoncée au printemps
1991: Que, sous l'apparence d'une décentralisation, le projet de loi 120
à l'époque, la loi 120 maintenant, est en réalité
une entreprise de centralisation et que ce n'est certainement pas l'instrument
idéal, selon l'ex-ministre Claude Forget, pour en arriver à
relever les défis du viellisse-ment de la population et de
l'organisation des soins de santé et de services sociaux au
Québec dans le contexte, oui, d'un certain nombre de restrictions sur le
plan économique, sur le plan budgétaire. Et ce n'est certainement
pas à l'aide de cette loi que nous allons faire en sorte d'atteindre des
performances qui soient acceptables quant aux besoins auxquels il faut
répondre, aux besoins manifestés par la population. Je le
répète encore une fois, M. le Président, cette critique
vient de l'ex-ministre de la Santé et des Services sociaux, M.
Forget.
Quand nous allons étudier en détail, dans quelques heures,
article par article le projet de loi 15, eh bien! nous allons nous
référer à ces propos parce que, suivant ce que le ministre
a mentionné il y a quelques instants quant à la pièce
législative qu'il avait présentée au printemps 1991 sous
l'angle de la réforme de la santé et des services sociaux suite
au rapport Rochon, ce serait la dernière occasion que nous aurions ici
d'apporter un certain nombre de correctifs ou de réaligner des tirs
à l'intérieur de l'organisa-
tion de nos services de santé et de services sociaux au
Québec.
Le ministre a mentionné les différentes lois qui seront
modifiées ou ajustées suite à l'adoption de la loi 120. Et
s'il y en a un bon nombre qui sont effectivement carrément techniques,
il y a aussi un certain nombre de dimensions nouvelles dans ce projet de loi,
et aussi un certain nombre de reculs. Le ministre nous avait
présenté un certain nombre d'articles en ce qui concerne la
Direction générale des établissements de santé et
de services sociaux au Québec. On s'aperçoit, ici, qu'un bon
nombre d'articles, et le ministre l'a mentionné lui-même il y a
quelques instants... C'est comme d'autres parties, d'ailleurs, de la loi 120.
On a l'impression de retrouver dans le projet de loi 15 le résultat de
la négociation avec les actuels directeurs généraux des
établissements de santé et de services sociaux au Québec.
En quelque sorte, suite à l'adoption de la loi 120, il y a comme une
espèce d'opération de négociation intensive qui a
été entreprise et qui s'est déroulée, semble-t-il,
et dont le résultat est à peu près comme le processus de
négociation intensive qui s'est déroulé
l'été passé avec les médecins, suite aux
dispositions premières qu'avait présentées le ministre de
la Santé et des Services sociaux. Et nous avons l'impression ici que le
projet de loi 15 va comme consacrer une super-clause grand-père,
c'est-à-dire que tous ceux et celles qui sont en place actuellement se
sont assurés de garder un certain nombre de prérogatives, un
certain nombre d'avantages, un certain nombre d'éléments dans les
conditions de travail qui étaient les leurs jusqu'à aujourd'hui,
et c'est pour les autres que vont s'appliquer les différentes
dispositions en ce qui regarde, par exemple, la reconnaissance par le centre de
référence des directeurs généraux et des cadres
dans le réseau de la santé et des services sociaux.
M. le Président, on a entendu moult fois sur la place publique
des membres de la majorité gouvernementale dénoncer le fait que
nous ne laissions plus assez de place pour les jeunes dans notre
société, à de l'énergie nouvelle dans nos
établissements, à des apports de nouvelles personnes dans notre
système de santé et de services sociaux, qu'on demeurait l'otage.
C'était l'une des principales conclusions de la commission Rochon, que
nous étions en otage d'un certain nombre de groupes
d'intérêts.
Eh bien, nous avons bien l'impression que la résultante, en ce
qui concerne le recul que nous pouvons constater dans le projet de loi 15, en
ce qui concerne les conditions de travail et l'accréditation des
directeurs généraux, c'est qu'on s'est négocié,
encore une fois, une superclause grand-père qui fait en sorte que je
garde, grosso modo, l'ensemble de mes privilèges et, pour les autres, eh
bien, vogue la galère et débrouillez-vous comme vous le pourrez
dans le système pour en arriver à faire en sorte que votre
créativité et que vos qualités puissent s'exercer dans
notre système de santé et de services sociaux.
Une autre dimension extrêmement importante, M. le
Président, du projet de loi 15, c'est l'introduction de la
possibilité qu'aura maintenant la Régie de l'assurance-maladie du
Québec d'émettre des cartes avec une photo pouvant nous donner
accès aux services de santé et aux services sociaux au
Québec. C'est une question qui fait l'objet d'intenses discussions au
Québec depuis au moins 25 ans, M. le Président, et on nous
présente ici, pour une première fois, donc, une disposition qui
va permettre à la Régie de l'assurance-maladie du Québec
d'émettre ces cartes avec photo en vue d'un meilleur contrôle
quant aux personnes qui ont accès à notre service.
C'est rendu un lieu commun, M. le Président,
d'énumérer ou de retrouver dans les médias d'information
les actes qui sont réclamés par des personnes qui ne sont pas
nécessairement des résidents ou des résidentes du
Québec, mais qui profitent du système que nous avons mis en place
ici, au tournant des années soixante-dix, pour répondre, peu
importe notre condition humaine, à nos besoins en matière de
santé et de services sociaux. En 1992, il faut, effectivement,
très sérieusement se poser la question si nous ne devons pas
ajouter aux moyens de contrôle des individus qui jouissent du
privilège que nous nous sommes donné collectivement de services
de santé et de services sociaux.
Sur cette mesure, je dis au ministre de la Santé et des Services
sociaux: Oui, nous allons apporter notre concours. Nous avons, du
côté de l'Opposition officielle, du côté du Parti
québécois, réfléchi à cette question. Nous
en avons intensément discuté parce qu'il y a des implications. Si
nous acceptons de discuter de cette mesure sur le principe de la photo sur la
carte d'assurance-maladie en vue de conserver les acquis de notre
système de santé et de services sociaux, nous n'allons pas
accepter que cela se fasse à n'importe quelles conditions. Si la carte
d'assurance-maladie avec photo peut nous amener à une meilleure
utilisation de nos services de santé et de nos services sociaux par les
Québécois et les Québécoises qui contribuent
collectivement à financer ce régime-là, soit! Mais il
faudra également, pour que ce projet de loi obtienne l'assentiment du
côté de l'Opposition, qu'il y ait également d'autres
articles prévoyant les restrictions quant à l'utilisation de
cette carte avec photo. (16 h 20)
Cette carte doit être réservée pour identifier les
utilisateurs du système. On ne peut pas prendre le risque que tout cela
ne dégénère en une espèce de carte
d'identité ou de contrôle des citoyens dans d'autres secteurs de
l'activité des Québécois ou des Québécoises.
Il faudra donc, M. le Président, et ça nous semble
relativement
simple, que l'on prévoie, dans d'autres dispositions du projet de
loi, des amendes substantielles pour quiconque au Québec, entreprise,
organisme ou individu, serait tenté d'utiliser la carte
d'assurance-maladie avec photo à d'autres fins que l'identification de
l'utilisateur, pour recevoir un certain nombre de services de santé et
de services sociaux. Il faudra donc que l'on prévoie des amendes
extrêmement fortes pour ces individus et organismes, de façon
à ce que la fin propre pour laquelle nous allons installer, nous allons
faire en sorte qu'on puisse avoir la photo sur la carte d'assurance-maladie,
ça ne serve pas à d'autres fins, M. le Président. Dans une
société libre, démocratique, où la liberté
individuelle est un bien extrêmement précieux, et il faut faire en
sorte que le législateur ait la sagesse de prévoir que d'autres
individus dans cette collectivité ne puissent s'approprier des moyens
à d'autres fins que celles prévues par le législateur.
C'est pourquoi, autant nous allons apporter notre contribution du
côté de l'amélioration des conditions d'identification des
utilisateurs de notre système de santé et des services sociaux,
autant, M. le Président, nous allons accorder d'importance à
aller jusqu'au refus d'accepter cette modification de la carte
d'assurance-maladie si le gouvernement n'introduit pas des dispositions visant
à faire en sorte que l'on décourage, mais de façon
systématique, de façon majeure, l'utilisation de la carte
d'assurance-maladie avec photo pour d'autres activités ou pour d'autres
fins que celles prévues au projet de loi actuellement à l'examen
devant nous.
Il y a également, M. le Président, au niveau des principes
qui sont contenus dans ce projet de loi, au-delà des modifications
techniques, de l'amélioration de la version anglaise de la loi 120, de
la traduction qui avait peut-être été faite un peu
rapidement, il y a d'autres dimensions qui - le ministre pourra le
prétendre - ne changent pas le fond de la réforme
présentée par le ministre de la Santé et des Services
sociaux dans son projet de loi 120 et dans sa loi 120 maintenant. Mais, quand
on creuse un petit peu, on s'apercevra qu'il y a là des dimensions qui
vont bien au-delà de la forme et qui changent un certain nombre
d'éléments de fond pour certaines activités dans les
systèmes de santé et des services sociaux.
C'est ainsi, M. le Président, qu'on présente des
modifications à la Loi sur la Régie de l'assurance-maladie du
Québec quant à la possibilité que les activités
médico-administratives, les activités administratives des
médecins dans les établissements de santé au Québec
puissent dorénavant être rémunérées en vertu
d'une négociation ou d'une entente avec le gouvernement.
M. le Président, si le gouvernement sent le besoin, aujourd'hui,
d'introduire des dimensions législatives pour faire en sorte qu'on
puisse négocier avec les médecins, qu'on puisse donner
l'autorisation à la Régie de l'assurance-maladie du Québec
de verser des compensations financières aux médecins qui exercent
des activités médico-administratives dans les différents
centres hospitaliers du Québec, c'est bien évident que c'est
parce qu'on a procédé à une négociation. Et c'est
là que, M. le Président, ça touche plus que la forme de
certains éléments du projet de loi 120 parce que, au même
moment où nous allons adopter, où on nous présente ces
dispositions législatives qui verraient... Et là, on va demander
des précisions au ministre de la Santé et des Services sociaux
quant à l'argent qui est impliqué, quant aux ressources
financières qui sont impliquées pour la
rémunération, de ces activités, des médecins dans
notre système de santé et des services sociaux.
Il va falloir se souvenir que, le 8 mai dernier, presque au même
moment, d'autres catégories de citoyens, comme se plaît à
le dire le ministre, pas les citoyens dispensateurs de services, mais les
citoyens, les usagers, les citoyens payeurs, eux, ils se voyaient derechef -
par le ministre de la Santé et des Services sociaux, confirmé le
14 mai par le ministre des Finances - ils se voyaient désassurés,
les citoyens du Québec, ces citoyens utilisateurs se voyaient
désassurés d'un certain nombre de services: les soins curatifs
pour les enfants au-delà de 10 ans ne sont plus couverts par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec. Il y en a pour un bon
nombre de millions là-dedans. Il y en a pour 24 500 000 $. Il y en a, M.
le Président, pour 24 500 000 $ en apparence parce que,
vérification faite, au moment, donc, où l'on prévoit, dans
ce projet de loi, qu'on va ajouter entre 30 000 000 $ et 60 000 000 $ de
rémunération supplémentaire aux médecins pour les
activités médico-administratives dans notre système de
santé, eh bien, chez les parents, au minimum, c'est au-delà de 60
000 000 $ qu'on devra débourser pour les soins de santé, en
regard des soins dentaires pour les enfants de 10 ans et plus.
Pourquoi, M. le Président, parler de 60 000 000 $, lorsque le
gouvernement a annoncé que ce que paie par année la Régie
de l'assurance-maladie du Québec pour les services dentaires des 10-13
ans, des enfants de plus de 10 ans, ça totalise seulement 24 500 000 $?
Eh bien, M. le Président, c'est parce que le taux négocié
par l'association des dentistes du Québec avec la Régie de
l'assurance-maladie du Québec fait en sorte que les 32 $ par visite et
le travail effectué, en termes d'obturation sur une dent de surface, eh
bien, le coût moyen qui est chargé, c'est 32 $, lorsque c'est la
Régie de l'assurance-maladie du Québec qui fait le paiement.
Lorsque ces interventions sont faites chez des personnes en privé, chez
des personnes qui ne sont pas couvertes par le régime, c'est 59 $. C'est
59 $, M. le député de Masson, que les parents des enfants de
votre circonscription devront doréna-
vant payer et que d'autres payaient, aujourd'hui, lorsqu'ils
n'étaient pas couverts par le régime d'assurance-maladie du
Québec.
Ce qui fait en sorte qu'au moment où le projet de loi
prévoit des rémunérations supplémentaires de 30 000
000 $ à 60 000 000 $ pour des producteurs de services les parents du
comté de Masson, les parents de votre comté, M. le
Président, vont devoir, avec l'ensemble des parents du Québec qui
ont des enfants au-delà de 10 ans, payer, sortir de leurs poches 60 000
000 $. On dirait un gouvernement de deux poids, deux mesures.
Ma collègue de Johnson aura certainement l'occasion,
évidemment, de parler des 36 500 000 $ qu'on va chercher dans les poches
des personnes âgées. On pourrait parler, évidemment, des 17
500 000 $ qu'on va également chercher dans les poches de la classe
moyenne au Québec par la désassurance des services
optométriques pour les personnes de 18 ans à 40 ans. Alors, ce
n'est pas anodin, ce n'est pas neutre. Ce n'est pas simplement des
modifications de forme, M. le Président, qu'on introduit dans le projet
de loi 15. Il y a des modifications qui vont affecter la vie des citoyens et
des citoyennes, en particulier, sur les déboursés
supplémentaires qu'on va faire pour un certain nombre d'actes, dans
l'organisation de nos services de santé et nos services sociaux, en
particulier, pour certains citoyens producteurs, les médecins.
Il y a d'autres ajustements qui sont apportés. Nous avons pris
plaisir, M. le Président, en quelque sorte, à relire certains
éléments de nos propres arguments que nous avions
employés, soit au printemps 1991, soit à l'été
1991, au moment de l'adoption du projet de loi 120, sur l'irréalisme
d'un certain nombre de situations. Par exemple, on s'aperçoit que le
gouvernement effectue un autre recul, ici, en ce qui concerne les budgets, les
budgets aux établissements dans les différentes régions du
Québec. Nous avions formulé un certain nombre de critiques
à l'époque, et ça n'avait été, semble-t-il,
malheureusement pas reçu du côté du gouvernement. Parlant
de la budgétisation par programme pour répartir les budgets en
santé et services sociaux au Québec, M. le Président,
à l'intérieur des différentes régies
régionales, nous disions, à l'occasion de l'adoption du projet de
loi, le 28 août dernier, que la marge de manoeuvre de la Régie en
sera d'autant réduite, puisque c'est le ministre qui prescrira les
règles budgétaires applicables. C'est l'article 371 de la loi
actuelle.
Je me permets ici, et je cite, M. le Président, une digression
sur l'allocation par programme pour dire que, bien qu'elle semble
intéressante au plan conceptuel, plus nous creusions le sujet en
commission parlementaire, plus le gouvernement apparaissait
dépassé par les problèmes qu'implique la mise en oeuvre
d'une approche administrative d'allocation des ressources, qui fut
rejetée et qui s'est avérée comme impraticable, à
la fin des années 1970, l'allocation par programme, souvent connue par
les gens du métier comme étant l'approche du «planning,
programming, budgeting system», du PPBS ou, encore, de la gestion par
objectifs. (16 h 30)
Le gouvernement, semble-t-il - sinon on nous apportera les arguments
contraires et les explications nécessaires - se range du
côté, en quelque sorte, de la perplexité que nous avions au
moment de la discussion dans la longue commission parlementaire sur le projet
de loi 120, en énonçant au gouvernement qu'il s'agissait
là d'une approche en regard de sa propre Loi sur l'administration
financière et de la responsabilité de l'Assemblée
nationale qui était impraticable, à toutes fins utiles, si bien
que le ministre l'a mentionné tantôt. On va apporter ici des
amendements qui vont nous permettre de revenir à ce qui est
appelé, un petit peu pompeusement... mais qui permet de se sortir du
bourbier de l'approche globale du financement des services de santé et
des services sociaux dans les régions du Québec.
M. le Président, il va falloir également que ce projet de
loi nous apporte davantage de précisions au niveau de ce qu'on appelle
généralement le cadre de partage des ressources dans notre
système de santé et des services sociaux, qui va être et
qui est en train de se réorganiser suivant les désirs du ministre
de la Santé et des Services sociaux et les éléments du
projet de loi 120, de la loi 120.
M. le Président, il y a des établissements qui changent de
vocation. Il y a des éléments de programme qui vont être
administrés par d'autres centres, ce qui va demander un partage des
ressources. C'est ainsi que nous allons assister à la disparition, en
quelque sorte, des centres de services sociaux à travers tout le
Québec, les CSS qui - je le dis en employant le mot
«transformation» - vont se transformer en des CPEJ, des centres de
protection de l'enfance et de la jeunesse. Ce n'est pas exactement cela,
puisqu'il y a certaines parties des missions des CSS qui vont se retrouver dans
d'autres établissements. Précisément, M. le
Président, les éléments de mission qui sont accomplis
actuellement par les CSS, et qui ne se retrouveront pas dans les nouveaux
organismes appelés CPEJ, vont devoir, bien sûr, s'effectuer dans
un autre cadre. Or, pour effectuer ces missions, pour s'occuper de ces
nouvelles responsabilités qui leur seront transférées, il
va falloir qu'on leur transfère des ressources également.
Il y a des dispositions dans le projet de loi 15 qui touchent le partage
de ces ressources, et nous aurons besoin davantage de précisions quant
à l'équité dans le processus et dans les effets de ce
transfert entre différentes catégories d'établissements
qui auront à assumer des parties nouvelles dans leurs missions, en
termes de services de santé et de services sociaux.
Nous avons pu, au cours des dernières
semaines, en analysant - les derniers jours, devrais-je dire - ce projet
de loi, constater aussi, au chapitre des mécanismes de traitement des
plaintes que nous avions si amèrement, en quelque sorte,
dénoncé parce que encore interne aux établissements de
santé et de services sociaux, dans l'organisation du traitement des
plaintes des usagers de ce réseau... Eh bien, nous avions pensé
qu'à la réflexion le ministre de la Santé et des Services
sociaux aurait proposé un certain nombre de modifications permettant
plus d'équité, plus de justice, plus de transparence dans le
mécanisme de traitement des plaintes. Non, il semble bien que l'on
régresse, M. le Président, qu'on recule également sur
cette dimension puisque, pour certaines catégories de plaintes, en
particulier dans le domaine médical, on n'obligerait plus le responsable
de la réception de la plainte à faire parvenir une copie du
dossier de plainte à l'usager, dans l'ensemble du processus, tel que
prévu à l'article 3 de l'actuel projet de loi 15.
Nous allons interpeller également le gouvernement à
l'occasion de ce projet de loi dit technique sur un certain nombre de
précisions quant à la confidentialité des dossiers
médicaux, tel que cela est actuellement consacré dans la loi 120,
mais tel que certaines pratiques ne sont pas encadrées, justement, dans
ce projet de loi 120. Un jugement récent, en mars dernier, de la Cour
suprême du Canada donnait raison aux compagnies d'assurances au moment
où un usager donne la permission à une compagnie d'assurances de
vérifier son état de santé, donc, de consulter son dossier
médical. La Cour suprême a rendu un jugement: la compagnie
d'assurances peut avoir accès à ce dossier de façon
illimitée, à n'importe quelle période de la vie de
l'usager, de n'importe quelle façon, et même, plus loin que cela,
empêche les établissements de restreindre la période
pendant laquelle ils rendaient les dossiers des usagers accessibles à
des organismes comme les compagnies d'assurances. Parce que la Cour
suprême du Canada a jugé que la permission écrite avait
été donnée par l'usager d'avoir accès à son
dossier quand, dans le fond, l'usager donnait une autorisation de faire une
vérification ponctuelle quant à la photo de son état de
santé à un moment donné où il demandait à
avoir une couverture d'assurances sur sa vie ou pour certains cas accidentels,
mais pas une permission «at large», si vous me permettez
l'expression, d'aller fouiller dans son dossier confidentiel, son dossier
personnel, son dossier médical, son dossier psychosocial, à
n'importe quelle époque de sa vie.
Il n'y a aucune disposition prévue dans le projet de loi 15 pour
restreindre, en quelque sorte, je pense, ce qu'on peut appeler un abus du
côté de certaines entreprises quant au fait d'aller piger, d'aller
intervenir, d'aller consulter impunément le dossier d'un usager à
n'importe quelle période de sa vie, votre dossier médical,
M. le Président, mon dossier médical, à n'importe
quelle période de ma vie, à partir du moment où j'ai
donné l'autorisation de consulter la photo que j'ai fait prendre par un
professionnel de la santé et des services sociaux et qui est contenue
dans mon dossier médical. C'est à cela, et uniquement à
cela, que nous avons donné notre consentement, mais pas au fait d'aller
piger tout au cours de notre vie dans notre dossier médical.
Il est souhaitable, M. le Président, que le projet de loi 15
apporte un certain nombre de précisions à cet égard, de
façon à colmater des abus qui pourraient et qui,
déjà, apparaissent dans l'utilisation du dossier médical,
compte tenu de l'autorisation qui est requise de l'usager dans certaines
circonstances pour donner à d'autres personnes, à d'autres
organismes l'accès à son dossier médical.
Vous voyez, M. le Président, pour un projet de loi technique,
pour un projet de loi qui veut tout simplement assurer la continuité et
l'application de certaines dimensions de la loi 120, de la
réorganisation de notre système de santé et des services
sociaux, il y en a beaucoup plus qu'il n'y paraît. Il est évident,
M. le Président, que les 377 articles doivent faire l'objet d'un examen
extrêmement minutieux, doivent faire l'objet d'un examen parcimonieux
parce que, on s'en est rendu compte, il y a certaines dimensions du projet de
loi 120, en particulier dans les dispositions transitoires, qui ont permis,
à notre avis, des excès, qui nous ont conduits à des
situations extrêmement difficiles, à des
quasi-dénégations de droit pour certains citoyens. Bien
sûr, le ministre pourrait dire aujourd'hui: J'apporte des corrections,
par exemple, pour mettre en vigueur l'article 148, pour les gens qui, en mars
dernier, se sont présentés pour représenter le public sur
différents conseils d'administration des établissements de
santé et de services sociaux et qui n'ont pas pu, selon leurs
affirmations, exercer en toute équité leur droit de
représenter leurs concitoyens et leurs concitoyennes et qui ont
découvert un certain nombre d'abus, de situations farfelues et
d'irrégularités, toujours selon les dires et les affirmations de
ces personnes. Eh bien! ces personnes, M. le Président, elles n'ont pas
pu utiliser l'article 148 - de mémoire - de l'actuelle Loi sur la
santé et les services sociaux parce que cet article n'avait pas
été promulgué par le Conseil des ministres et, par
ailleurs, parce que, de l'avis du contentieux du gouvernement, la Commission
des affaires sociales n'avait pas le mandat de se saisir de ces plaintes des
usagers qui s'étaient présentés pour représenter le
public sur le conseil d'administration des établissements.
Alors, M. le Président, bien sûr, il y a des corrections
qui sont présentées et qui vont donner la capacité d'agir
à la Commission des affaires sociales en pareille matière, et
permettre au citoyen d'agir rétroactivement. Bon, il est heureux qu'on
puisse arriver à ce dénouement.
Il est heureux qu'on puisse permettre à ces citoyens... Mais, M.
le Président, exercer un droit de façon rétroactive,
ça risque de laisser en plan un certain nombre d'individus qui, ayant
vécu des situations sur le terrain, se sont peut-être aujourd'hui
un peu découragés, ont pensé que la machine
gouvernementale - et c'est peut-être le cas - ne souhaitait pas que ses
citoyens exercent leurs justes droits en vue d'en arriver eux-mêmes
à exercer leur capacité de représenter
équitablement, en toute justice, en toute transparence, leurs
concitoyens sur le conseil d'administration. C'est pour ça que je dis,
M. le Président, qu'il y a peut-être eu des quasi-dénis de
droit pour un certain nombre de citoyens à travers le Québec. (16
h 40)
Alors, M. le Président, les 377 articles ne passeront pas comme
lettre à la poste. M. le Président, le projet de loi 15 n'est pas
uniquement un projet de loi technique. Le projet de loi 15 n'est pas uniquement
un projet de loi qui vise à faire en sorte que les autres lois du
gouvernement du Québec emploient le langage juste, le langage qui
correspond à celui employé dans la loi 120. Il y a bien
au-delà de ça dans ce projet de loi, et nous entendons, M. le
Président, tout en apportant notre travail positif en commission
parlementaire et notre appui à l'adoption du principe de ce projet de
loi, à cette étape-ci du processus, être extrêmement
critiques. Nous allons également profiter de l'occasion pour examiner
l'ensemble des autres dimensions de la loi 120 et de la réforme de la
santé et des services sociaux qui ne correspondent pas, quant à
nous, à la réalité des régions du Québec,
à la réalité d'un bon nombre d'usagers et à la
réalité des services auxquels s'attendent nos concitoyens dans
toutes les régions du Québec, dans tous les quartiers de nos
milieux urbains. Nous devons en profiter pour introduire les modifications pour
ajuster le cadre législatif à la réalité de ce que
ces citoyens vivent quotidiennement.
On sait qu'on ne se permet pas à l'Assemblée nationale, M.
le Président, de rouvrir fréquemment des lois comme la Loi sur la
santé et les services sociaux. Des situations qui sont inacceptables,
inacceptables au député de Masson, inacceptables au
député de Shefford, au député de Longueuil, au
député d'Abitibi-Ouest, à la députée de
Johnson, eh bien, il faut en profiter, à l'occasion d'un projet de loi
comme le projet de loi 15, pour faire en sorte qu'on prenne tout le temps. Nous
prendrons tout le temps nécessaire, M. le Président, même
en appuyant l'adoption du principe de ce projet de loi, de scruter
attentivement la signification des répercussions de chacun des 377
articles du projet de loi 15. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Alors, nous en
sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 15.
Je reconnais et je cède la parole à Mme la députée
de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Je pense
qu'à toutes les fois qu'un député se lève ici, en
Chambre, il faut, assurément, que lorsqu'on étudie un projet de
loi on ait l'esprit ouvert et qu'on ne parte pas, au départ, avec des
barrières psychologiques. Quand tu pars, au départ, avec une
barrière qui dit: Bon, ce n'est pas bon, je ne veux rien savoir, je
pense que tu pars de travers. Il faut commencer par savoir exactement ce qui en
est, pour en avoir, bien sûr, discuté, pour avoir
écouté notre critique en la matière, et faire en sorte que
lorsqu'on étudie un projet de loi on ait l'esprit ouvert pour bien
comprendre tous les éléments que peut comprendre un projet de loi
comme celui-là.
En ce qui concerne le projet de loi 15, je pense qu'il faut avoir plus
que l'esprit ouvert, M. le Président. Je regardais ça, là,
et savez-vous à combien de lois on touche dans le projet de loi 15? Je
regardais ça. Il y a presque quatre pages. On touche à 69 lois
par le projet de loi 15; 69 lois! Ça veut dire que dans le projet de loi
il y a des fois un article, des fois deux, des fois trois articles qui
concernent, soit le Code civil - imaginez-vous, ça touche même au
Code civil du Bas Canada - soit à la loi d'accès à
l'information, à la Charte de la langue française, au Code
municipal, aux décrets des conventions collectives, à la Loi sur
les élections et les référendums dans les
municipalités. Je vous en nomme juste quelques-unes, il y en a 69 comme
ça. Imaginez, s'il fallait partir avec des barrières
psychologiques, on raterait le coche sûrement.
Du fait qu'il y ait autant de lois qui soient touchées par ce
projet de loi là, il faut absolument l'étudier de façon
intensive, je pense, et faire en sorte que le critique, notre critique de
l'Opposition, qui suit le projet de loi de plus près que d'autres
députés, qui sont simplement membres de la commission ou qui ne
sont pas membres du tout de cette commission-là... Bien sûr,
lorsque l'étude de ces projets de loi là se fait, il faut
être très vigilants et très attentifs. Bien sûr,
l'Opposition officielle a suivi avec attention, M. le Président, mais ce
qui a apporté le projet de loi 120, le projet de loi 9 et le projet de
loi 15, c'est une modification, selon les dires du ministre, axée sur le
citoyen, un service de santé axé sur le citoyen. Quand on m'a dit
ça... Un système de santé... Vous savez, quand on parle de
ça, un système de santé axé sur le citoyen, on
s'imagine que le citoyen va recevoir de plus en plus de services et des
services de plus grande qualité.
C'est ce qu'on s'attend de voir mais, depuis que le projet de loi 120 a
été déposé, je pense, vers la fin de l'année
1990, on s'est rendu compte qu'il y a des difficultés très
grandes qui
se sont présentées, puisqu'il y avait autant d'amendements
au projet de loi 120 qu'il n'y avait d'articles et qu'on a été
obligés de revenir à la fin du mois d'août pour,
finalement, adopter le fameux projet de loi qui a été très
controversé. Je pense que c'est un bel exemple qu'il faut faire
très attention, y aller de façon calme et prudente, lorsqu'on
étudie surtout un projet de loi qui touche à autant d'autres
lois.
On se rend compte aussi que, dans la santé, ça ne va pas
très bien. C'est comme un casse-tête qu'on fait, où les
morceaux tombent un par un, parce qu'il y a beaucoup de gens qui sont
touchés. On se rend compte que le ministre titulaire de la Santé
a davantage de difficultés à joindre les deux bouts dans son
ministère. Je comprends très bien qu'on est en récession,
mais je comprends aussi que c'est son gouvernement qui est au pouvoir. Je
comprends aussi que, si son gouvernement au pouvoir n'a pas mis de mesures pour
relancer l'économie du Québec plus rapidement qu'ailleurs, je
comprends que, lui, comme titulaire de la Santé, il a des
difficultés et je comprends aussi que les transferts provenant du
fédéral diminuent à chaque année.
Je comprends ça aussi, M. le Président: 1 200 000 000 $
depuis 1982. En 1997-1998, les transferts du gouvernement fédéral
seront nuls. Je comprends. Je comprends pourquoi le ministre de la Santé
et des Services sociaux a de la misère. C'est pratiquement les
transferts fédéraux qui font la différence. Donc, il peut
bien en arracher, comme on dit, il peut bien en arracher. Je ne comprends pas
pourquoi son gouvernement insiste pour rester au coeur du
fédéral, avec le Canada, et que le premier ministre ne fait pas
d'efforts pour faire en sorte qu'on puisse se retirer le plus rapidement
possible. On pourrait gérer davantage et mieux l'argent qu'on donne au
fédéral.
Moi, j'aurais un moyen de récupérer 200 000 000 $ d'un
coup sec, comme ça, là, directement, tout de suite. Parce
qu'à l'intérieur du Canada, M. le Président, on paie 40
000 000 $ pour un Sénat; on paie 236 000 000 $ pour la Chambre des
communes; 100 000 000 $ pour l'élection fédérale; 100 000
000 $ pour le référendum canadien; 118 000 000 $ au
ministère du Multiculturalisme et de la Citoyenneté; 94 000 000 $
pour la Commission de la capitale nationale; 100 000 000 $ de commissions
constitutionnelles: Spicer, Beaudoin-Dobbie, puis tout le kit au complet,
à part toutes celles qu'on a passées; 13 000 000 $ pour le
Commissaire aux langues officielles. Ça, ça fait 801 000 000 $.
Si on prend la part du Québec, qui est 25 %, ça nous donnerait un
beau petit 200 000 000 $ pour injecter dans la Santé. Ça serait
de l'argent vite fait.
Ce n'est pas difficile, on a juste à faire la séparation
du Québec, la souveraineté du Québec. Avec ces 200 000 000
$ injectés, qui proviendraient de notre part qu'on n'aurait pas besoin
de payer au fédéral, M. le Président, les
aînés, les personnes âgées du Québec
n'auraient pas eu à subir ce qu'elles ont subi, avec toute la
transformation de la santé et des services sociaux, parce qu'elles en
ont subi, M. le Président. Je le dis, je le redis et je vais le redire
encore: C'est en tapant sur un clou qu'on finit par le faire rentrer. (16 h
50)
Quand je pense aux personnes âgées qui craignent de perdre
leur pension si on fait la souveraineté du Québec. Aïe!
Ça me fait rire parce que je trouve ça épouvantable de
faire peur aux personnes âgées en disant: Vous allez perdre vos
pensions si on devient souverains. Aïe! il y a bien plus de danger
à rester dans le restant du Canada qu'à en sortir. Ça
coûte 3 000 000 000 $ pour les pensions des personnes âgées.
On a donné en impôts et en taxes, l'année passée, au
fédéral, 26 000 000 000 $. Je pense qu'on serait capables de
payer les pensions a nos personnes âgées. Cette année,
à cause de la Loi sur la santé et les services sociaux, on a
attaqué l'accessibilité, on a attaqué la gratuité
et on a attaqué l'universalité, M. le Président. C'est
beaucoup. C'est beaucoup tout à la fois. Le petit 2 $ de Marc-Yvan,
comme le ministre des Finances l'a dit dans son intervention l'autre jour,
lorsqu'on fêtait le Bicentenaire, ça va rapporter 35 800 000 $ au
gouvernement.
Savez-vous, M. le Président, j'ai appelé un de mes amis
qui est pharmacien. Il me racontait que, le lendemain du budget, il y a une
personne âgée, il y a un homme du quatrième âge qui
est allé faire remplir sa prescription à sa pharmacie. Et il me
disait qu'il avait cinq prescriptions. Lorsqu'il est venu pour payer et que le
pharmacien lui a demandé les 2 $ - le lendemain du discours sur le
budget - il a refusé de prendre sa prescription. Il a remis tout
ça sur le comptoir. Il a dit: Je ne les prends pas, je n'ai pas les
moyens de débourser les 10 $ en question. Alors, ce pauvre monsieur
âgé, qu'est-ce qu'il va faire s'il ne prend pas les
médicaments dont il a besoin pour continuer à vivre? Ça
m'a inquiétée, M. le Président, quand il m'a dit
ça. D'autres personnes âgées demandent à leur
médecin: Est-ce que tu peux me rallonger le temps? Parce que, des fois,
c'est pour 15 jours, pour 30 jours. Est-ce que tu peux me le donner pour 60
jours pour ne pas que je sois obligé de payer 2 $ par prescription?
Alors, qu'est-ce que ça peut faire au bout de 30 jours si, vraiment, ils
n'ont plus besoin d'en prendre, que le médicament devient
périmé ou que les personnes âgées n'ont plus besoin
de prendre cette sorte de médicament? Ils vont les prendre pareil et ils
vont s'intoxiquer? Ça, c'est des choses auxquelles on doit faire
face.
Les dosettes. Vous savez, les dosettes, c'est des petites boîtes,
comme ça, avec sept jours: dimanche, lundi, mardi, etc. Lorsqu'il y a
une résidence privée, ou n'importe quelle résidence,
ils vont porter au pharmacien les dosettes de chacun des utilisateurs de
chambre de leur résidence et le pharmacien remplit, pour ne pas qu'il y
ait d'erreur pour prendre leurs médicaments, pour qu'à chaque
jour ils prennent la bonne dose et les bons médicaments pour ne pas
qu'il y ait d'erreurs. Alors, c'est un problème. Est-ce qu'ils vont leur
charger 2 $ à chaque fois qu'ils vont remplir la dosette? C'est encore
des questions auxquelles je ne peux pas répondre. Mais je serais
contente que le ministre me dise comment il va faire, parce que c'est des
questions qui m'ont été posées et c'est des questions qui
m'ont inquiétée. Et, au fédéral, on leur a
donné 0,37 $ d'augmentation sur les pensions de vieillesse!
M. le Président, je ne sais pas si la loi 15 - qui touche
à 69 lois pour les corriger, les modifier, pour de la concordance - va
venir corriger le problème que vivent les personnes âgées
pour le moment. Je ne le sais pas, mais j'espère bien qu'avant qu'on ait
complété la situation qui permet d'adopter une loi ici,
c'est-à-dire la première lecture, la deuxième, la
commission parlementaire et l'adoption finale, le ministre de la Santé
et des Services sociaux pourra répondre aux interrogations qui
m'inquiètent pour le moment.
Pour ce qui a trait à la carte avec la photo, je vous raconterai
une petite anecdote qui s'est passée. Moi, je demeure dans l'Estrie, M.
le Président, et pour ce qui est de la photo, je ne suis pas contre
ça, au contraire. Si elle est utilisée avec vigilance, je pense
que c'est une bonne chose, et on va sûrement ramasser quelques deniers
avec cette carte avec photo. Je vais vous raconter la petite anecdote. Un 1er
juillet, je me suis rendue à la salle d'urgence de l'hôpital
Saint-Vincent-de-Paul à Sherbrooke. J'étais là pour un
petit problème subit. Je suis arrivée là, dans la salle
d'urgence; il y avait un paquet d'anglophones qui me semblaient être
vêtus à l'américaine - tu sais, les complets à
carreaux, etc. En tout cas, ils étaient là dans la salle
d'attente. Je ne vous dis pas qu'ils avaient tous et chacun une carte
d'assurance-maladie du Québec, mais je me suis sérieusement
posé la question pourquoi il y avait autant d'Américains, cette
journée-là qui venaient se faire soigner à l'hôpital
Saint-Vincent-de-Paul à Sherbrooke. Je me suis posé la question.
Je me suis dit à moi-même: S'ils viennent avec un prêt ou
une location de carte d'assurance-maladie, à ce moment-là, M. le
Président, j'aurais aimé ça qu'il y ait eu la photo sur la
carte avec la signature de la personne résidente au Québec et
payeur de taxes au Québec. Quand nos amis du Sud viennent se faire
soigner ici, c'est nous qui payons la facture. C'est nous qui payons la
facture.
Donc, M. le Président, je pense que pour ce qui a trait à
la photo sur la carte d'assurance-maladie, ça va certainement
restreindre certains appétits et ça va peut-être faire en
sorte que ça va coûter moins cher pour les services de
santé. Je connais aussi deux personnes, chez nous, à Windsor, qui
sont venues me rencontrer. Il y en a une qui a reçu la carte
d'assurance-maladie de sa mère et ça fait 40 ans qu'elle est
morte. Elle l'a reçue cette année.
Une voix: Elle aurait 130 ans.
Mme Juneau: Elle a reçu une carte d'assurance-maladie pour
sa mère et ça fait 40 ans qu'elle est morte.
Une voix: Ça prend un système...
Mme Juneau: Une deuxième personne, M. le Président,
est venue me rencontrer au bureau pour me dire que ses enfants, que son
garçon...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de...
Une voix: Masson.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...Masson et M. le
député de Fabre, s'il vous plaît, quand vous voudrez
parler, vous le demanderez à la présidence et on vous
reconnaîtra. Mme la députée, si vous voulez poursuivre.
Mme Juneau: Je vous remercie, M. le Président. Je n'ai pas
l'habitude de déranger les autres lorsqu'ils font leur intervention et
je souhaiterais la même politesse envers moi.
M. le Président, je disais que le projet de loi 15 était
un projet qui touchait beaucoup de lois et qu'il fallait être très
vigilants. J'étais en train de vous dire à quel point la carte
d'assurance-maladie, il faudrait aussi l'utiliser avec beaucoup de vigilance.
Le fait qu'il y aurait la photo sur la carte d'assurance-maladie va
certainement faire en sorte que les gens vont être au moins plus inquiets
de l'utiliser si elle ne leur appartient pas. Il me semble que, de ce
côté-là, c'est quand même une très bonne chose
si, éventuellement, on fait très attention à l'utilisation
qu'on en fera après qu'il y aura une photo sur cette carte-là.
D'ailleurs, on en a parlé aussi pour les permis d'automobile. Je pense
qu'à ce moment-là ce sera pareil pour le permis pour la conduite
automobile, les gens auront la possibilité de reconnaître qui est
au volant tout comme qui se sert de la carte d'assurance-maladie.
M. le Président, compte tenu qu'il y aura une commission
parlementaire pour étudier de façon à fond et très
importante le projet de loi et que les députés pourront aussi
s'exprimer et regarder avec attention chacun des articles que comporte ce
projet de loi - c'est un projet de loi important, bien sûr, quand
ça touche à autant de lois; c'est un projet de loi important
qui
contient 377 articles - je pense que d'ici à la fin des travaux
du mois de juin, nous aurons la latitude de le faire et j'espère de tout
mon coeur, M. le Président, que dans cette loi-là le gouvernement
libéral que nous avons en face de nous ne nous mettra pas la guillotine
ou le bâillon, pour qu'on puisse l'étudier de façon
officielle et au rythme dont nous aurons besoin, au rythme qui nous donnera la
chance de pouvoir analyser les articles les uns après les autres. Je
pense qu'à ce moment-là notre responsable du dossier de la
santé et des services sociaux va faire en sorte d'évaluer, en
présence du ministre et en présence des autres
députés à la commission parlementaire, l'ensemble du
projet de loi, et j'espère, M. le Président, qu'on en arrivera
à un consensus pour le bien-être et pour l'objet premier pour
lequel le projet de loi 120 a été fait, c'est-à-dire un
projet de loi axé pour donner plus de services et de meilleurs services
aux citoyens. J'espère, M. le Président, que les personnes
âgées seront aussi considérées comme des citoyens
à part entière. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Johnson. Alors, nous poursuivons étude de
l'adoption du principe du projet de loi 15. (17 heures)
M. Leclerc: Une question en vertu de 213, s'il vous
plaît.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question en vertu de
213. Est-ce que, Mme la députée de Johnson, vous permettez au
député de Taschereau de vous adresser une brève question,
et une brève réponse de votre part, en vertu de l'article 213? La
question est permise. M. le député, en étant très
bref.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Est-ce que la
députée de Johnson est au courant qu'en novembre 1985 le chef de
l'Opposition, au cours d'une conférence devant l'Association des
conseils des médecins, dentistes et pharmaciens du Québec, a
déclaré: Le gouvernement d'alors a commis une erreur en accordant
la gratuité totale des médicaments utilisés par les
personnes âgées.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président, vous savez, quand on impose 2
$ aux personnes âgées... Bien, il faut d'abord parler,
peut-être, à ceux qui donnent les prescriptions aux personnes
âgées. À ce moment-là, quand les médecins
seront rencontrés, ceux et celles qui donnent une pilule pour chaque
bobo... Je pense qu'à ce moment-là on aura le fin mot de
l'histoire.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci,
Mme la députée. Nous poursuivons l'étude du projet
de loi 15, à son adoption du principe, et je reconnais M. le
député de Shefford.
M. Joly: M. le Président, en vertu de 213 aussi, est-ce
que je peux me permettre une question à Mme la
députée?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, M. le
député. Je m'excuse, j'ai déjà donné la
parole au député de Shefford. M. le député de
Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Merci, M. le Président. Moi, je ferai
seulement quelques minutes sur le projet de loi 15 pour montrer, de ce
côté-ci, notre intérêt par rapport à un
secteur aussi important qu'est celui de la santé et des services
sociaux. Vous savez, si vous reculez depuis une année, toutes les
discussions qui ont eu lieu, les échanges, les rencontres, l'Opposition
a toujours été présente d'une façon très
positive pour surveiller et discuter, pour s'assurer que cette politique qui
concerne toute la population va répondre aux besoins des gens, mais va
aussi être capable de répondre à leurs besoins d'une
façon correcte.
Le projet de loi 15, il est important. C'est sûr qu'en apparence
on dirait tout simplement que c'est un projet de loi technique, donc une
technicalité, des modifications à d'autres lois, sauf que
lorsqu'on touche à des lois ça a des effets. Ça a des
effets chez le citoyen utilisateur, le citoyen administrateur, le citoyen
payeur de taxes, peu importe comment on l'appelle dans la réforme de la
santé. Mais des modifications à des lois, ça veut dire des
modifications à des programmes existants, à des services
disponibles, et c'est exactement ce qui s'en vient. Le projet de loi 15,
ça le dit: Loi modifiant diverses dispositions législatives
concernant l'application de la Loi sur les services de santé et les
services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives.
Ça ne dit pas grand-chose mais, en même temps, ça dit tout
tellement c'est vaste, tellement c'est général, et tellement
ça peut toucher à peu près tous les secteurs de la
santé et des services sociaux.
Oui, on pourrait dire dans une seule phrase que c'est une loi technique
pour modifier des lois en vue d'appliquer la loi 120, la loi qui a
été votée, la nouvelle loi sur la santé et les
services sociaux. C'est une loi qui est importante - 377 articles - M. le
Président, et ça vient modifier plusieurs lois. Donc, c'est
évident que ça va amener des changements et, là-dessus, en
commission parlementaire, nous allons être aussi attentifs et aussi
présents, spécialement le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, pour s'assurer qu'on ne se fera pas passer
des choses qui vont être nuisibles à la population, nuisibles aux
citoyens. En tout cas, s'il y a des mesures
qui sont contenues là-dedans, qui vont avoir des effets
négatifs, bien, à tout le moins, on va les dénoncer pour
ne pas les laisser passer.
Vous avez seulement à regarder l'application de la loi 120.
Lorsque la loi a été votée et qu'il y a eu la mise en
place des nouveaux conseils d'administration intégrés, on s'est
aperçu que ça avait été mal fait. À preuve,
vous avez seulement à regarder la façon dont l'élection
s'est passée dans certains établissements, comment certains
groupes ont essayé d'infiltrer des conseils d'administration, à
plusieurs endroits, de façon à donner une proportion et une force
qui, finalement, n'est pas représentative, qui est
exagérée. Mais la loi permettait ça. Donc, ça veut
dire que la loi a été votée trop rapidement et que toutes
les répercussions n'ont pas été étudiées
convenablement, ce qui nous oblige à faire des correctifs. Nous, on
préfère faire un bon boulot, ici à l'Assemblée
nationale et en commission parlementaire, pour qu'on ne soit pas obligé
de vivre des effets négatifs ou d'amener des correctifs très
rapidement après qu'on aura voté la loi.
Donc, si on ne veut pas avoir trop de corrections à l'automne, on
est mieux, maintenant, d'avoir des bonnes discussions ici à
l'Assemblée nationale et en commission parlementaire. C'est la raison
pour laquelle beaucoup de députés de ce côté-ci
interviennent: premièrement, pour sensibiliser la population à
l'importance de cette loi, montrer au ministre que, nous, on est
intéressés et on va suivre ça de près, mais aussi
pour dénoncer ou parler de certaines choses qui nous inquiètent
dans ce projet de loi là. Déjà, au moment où on en
fait la lecture, on est capables d'interpréter avant même les
discussions en commission parlementaire. Ce projet de loi, entre autres, donne
des pouvoirs au ministre, et qui vont avoir des effets sur les citoyens. C'est
sûr que ça a l'air d'être très technique, mais les
pouvoirs que se donne le ministre, et qui sont confirmés par le
dépôt du projet de loi 15, par le dépôt du projet de
loi 9 et par le budget, c'est que, entre autres, il va y avoir coupures de
services. Coupures de services, ça veut dire que les citoyens vont en
avoir moins. Ou bien, donc, ça va coûter plus cher pour être
capables d'avoir les mêmes services pour les citoyens utilisateurs. Et,
ça, c'est confirmé. Le projet de loi 15 permet, donne ce pouvoir.
Le projet de loi 9 vient confirmer la mise en exécution de ce qui a
été annoncé dans le budget du ministre des Finances
dernièrement.
Quand je parle ici de ces coupures-là, c'est la coupure de la
gratuité pour les personnes âgées dont parlait ma
collègue de Johnson, juste avant moi: 2 $ par prescription pour les
personnes âgées qui vont se procurer des médicaments. Mais
il y en a d'autres. Vous allez me dire que c'est la loi 9, mais c'est aussi la
loi 15 qui les permet, par les pouvoirs que ça donne au ministre. C'est,
entre autres, plus de gratuité des soins dentaires pour les enfants de
10 ans et plus; plus de gratuité pour les services optomé-triques
pour les 18-40 ans. J'y reviendrai un peu plus tard. Mais, quand je vous dis
qu'il faut identifier les effets, spécialement les effets
négatifs d'une loi, ça, ça en est. Quand on pense qu'il y
a des services qui doivent être universels et gratuits quand c'est des
services essentiels et de base et qui concernent la santé et
l'éducation! Donc, le projet de loi qui est devant nous
présentement, le projet de loi 15, c'est effectivement un projet de loi
sur la santé et les services sociaux. Si on veut une politique pour
faire en sorte que notre population soit en santé, ce n'est pas en
coupant dans les services qu'on va améliorer et la prévention et
le niveau de santé des individus.
Ce sur quoi je veux surtout parler durant quelques minutes, c'est sur
les manques dans ce projet de loi, le fait qu'on n'en ait pas profité
pour amener des correctifs qui étaient demandés, qui
étaient essentiels et, dans bien des cas, urgents. Entre autres, une
politique de la santé et du bien-être, ça fait longtemps
que ça aurait dû être déposé. Vous savez, il y
a comme une logique dans la présentation des choses. On commence par
identifier la politique qu'on veut se donner, les objectifs qu'on veut
atteindre et, ensuite, on se donne les véhicules. Donc, on se donne une
politique et, ensuite, on met les structures autour. Nous, on y va à
l'envers. On se donne les structures, on amène des modifications aux
instances existantes et on attend toujours la vision globale de ce qu'on veut
se donner comme politique de santé et de bien-être. On l'attend
toujours, on a hâte qu'elle soit déposée. Le ministre nous
a dit dernièrement que ça serait pour bientôt. On
l'espère. Je pense qu'il y a une nécessité par rapport
à la logique qu'il y ait dépôt d'une politique globale de
la santé et du bien-être. Quand on aura ça, ensuite on
pourra plus facilement ajuster le reste. Parce que, quand on parle de
santé, c'est d'abord ce qu'on veut se donner comme niveau de
santé qui compte et, ensuite, les structures doivent s'adapter à
ça, et non pas l'inverse. Ce n'est pas la qualité des services ou
la quantité des services qu'on veut donner aux citoyens qui doivent
être - comment je vous dirais ça, donc? - ajustées à
la structure ou à l'appareil, mais c'est tout à fait l'inverse.
Il faut ajuster la structure, l'organisation, par rapport aux objectifs qu'on
s'est donnés, à la quantité, à la qualité
des services de santé et services sociaux qu'on veut donner à nos
citoyens. Donc, il y a ce manque là.
Mais, là où je trouve qu'il y a un manque, c'est au niveau
de la jeunesse. On le connaît, l'état de la situation de notre
jeunesse au Québec, au moment où on se parle. Il n'est pas rose,
il est difficile et il est reconnu. Il y a eu beaucoup d'études qui ont
été faites par rapport à ça, autant au gouvernement
qu'à l'extérieur. Il
y a des colloques qui se tiennent régulièrement. Et
même les formations politiques, autant du côté
ministériel que de l'Opposition, lorsqu'on tient nos conseils nationaux
ou nos congrès, on parle des difficultés de notre jeunesse et on
parle de l'appauvrissement de la population. (17 h 10)
Et parmi les personnes les plus affectées quand on parle
d'appauvrissement de la population, on parle, bien entendu, et d'abord, de
notre jeunesse qui vit une situation inquiétante et pénible.
Seulement quelques chiffres. Quand on parle de 40 % de décrocheurs,
c'est inquiétant, c'est même paniquant pour une
société. Quand on parle de 20 % de chômeurs, c'est une
catastrophe. On dit que, depuis une année, 40 % des assistés
sociaux qui se sont ajoutés à ceux qu'on avait il y a une
année, c'est des moins de 30 ans.
Il y a quelque chose à faire, il y a même urgence d'agir.
Dernièrement, à la demande du ministre, il y a des groupes qui se
sont penchés là-dessus, par un mandat qui leur a
été donné il y a à peu près une
année, et qui ont déposé leur rapport en cours
d'année. Je pense au rapport de M. Bouchard, «Un Québec fou
de ses enfants». Je pense au rapport Jasmin sur la protection de la
jeunesse et au rapport Jasmin-Harvey, «La protection sur mesure: un
projet collectif». Trois rapports importants, très précis
qui nous donnent l'image réelle, la situation dans laquelle se retrouve
la jeunesse québécoise. Donc, on a identifié les
problèmes, la situation telle qu'on la retrouve, et avec des
recommandations très précises. On veut non seulement que la
situation cesse d'empirer pour nos jeunes, mais au moins qu'on aille dans le
sens contraire et qu'on aide notre jeunesse à s'en sortir.
On aurait pu espérer que, dans le projet de loi 15, il y ait des
articles qui viennent modifier des lois qui vont améliorer la situation
de notre jeunesse, tel que recommandé dans les trois rapports que je
viens de vous spécifier. Il y a des clauses très précises
qui sont mentionnées en disant: II faut toucher la loi de la protection
de la jeunesse, il faut modifier des choses si on veut que la situation
s'améliore. J'aurais aimé ça qu'on en retrouve
là-dedans, parce que... Oui, on trouve des modifications par rapport aux
structures jeunesse dans le projet de loi 15. On en trouve aussi dans un autre
projet de loi qu'on va discuter bientôt pour modifier la Loi sur le
Conseil permanent de la jeunesse. On va faire en sorte que les élections
vont être à tous les trois ans au lieu d'être à tous
les deux ans. Je dois vous dire, ça touche à la structure, encore
une fois, mais ça ne touche pas à ce qu'on donne comme aide
à notre jeunesse. Maintenant, oui, on retrouve dans la loi, pour
être capable d'appliquer le projet de loi 120, la nouvelle politique de
la santé, des modifications. Entre autres, la création du centre
de protection de l'enfance et de la jeunesse, qui est maintenant l'institution
responsable de notre jeunesse, plutôt que d'être
intégrée aux CSS, comme c'était.
Bien oui, vous allez me dire, on y touche à la jeunesse. On
touche aux structures organisa-tionnelles des services à la jeunesse.
Moi, ce que je dis, c'est qu'il va falloir toucher à autre chose que
seulement les structures pour notre jeunesse. Il va falloir très
rapidement aller dans du concret. Dans du concret. On dit, dans le livre de M.
Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants»: II faut investir
beaucoup, très rapidement dans la prévention. Il faut investir
dans la prévention. Ça coûte moins cher,
premièrement, que le curatif, puis, ensuite, comme notre jeunesse est la
première clientèle cible, par rapport à la crise qu'on vit
et à la population pénalisée, faisons de la
prévention auprès de notre jeunesse. Le ministre nous dit
certainement: Oui, mais on a arraché 37 000 000 $ aux hôpitaux
pour la prévention. On en met peut-être, mais, en même
temps, on coupe de l'autre côté. Et on coupe dans cette même
clientèle qui est la plus durement touchée. Le projet de loi 15,
justement, vient permettre ça.
Qu'est-ce que je veux dire par là? Dans les coupures dont je vous
parlais tantôt, on parle de belles politiques familiales, on parle de
beaux rapports, on parle de politiques à venir et de programmes à
venir, d'aide qu'on apporte aux familles - les 8000 $ pour le troisième
enfant, ce qui est seulement une augmentation, soit dit en passant, de 100 $
par année. Ça ne fait pas beaucoup par semaine; 2 $ par semaine.
Mais, en même temps, est-ce qu'on aide vraiment les familles et la
prévention quand on décide que les soins dentaires pour les 10
ans et plus, ce n'est plus gratuit? Est-ce que c'est une politique familiale?
Est-ce que ça aide vraiment les familles, alors que c'est
peut-être à cet âge-là où on a le plus
besoin?
Les services gratuits de soins dentaires aux moins de 10 ans: c'est des
dents d'enfant, c'est les premières dents, qui, de toute façon,
vont tomber. Mais, à 10 ans, c'est des dents d'adulte qui poussent.
C'est là où on s'assure et on peut faire de la prévention
pour que les jeunes, rendus adultes, aient une bonne dentition. Si le
Québec avait une situation de santé dentaire la meilleure en
Amérique du Nord ou dans le monde, on pourrait peut-être penser
à couper là-dedans. Ça pourrait être pensable. Mais
non, on est encore en retard sur l'ensemble des États et des provinces
en Amérique du Nord. On se permet de couper dans un service semblable
pour une population jeune. Donc, c'est encore les jeunes familles, les jeunes
ménages, la jeunesse comme telle qui est concernée, parce que les
10 ans et plus, c'est encore des enfants; ils sont dépendants des
parents. Quand on a des enfants de cet âge-là, on est de jeunes
couples plus souvent qu'autrement. Donc, est-ce qu'on aide les enfants? Est-ce
qu'on aide les jeunes ménages? Est-ce qu'on fait de la
prévention?
Bien, les 37 000 000 $ qu'on transfère de l'autre
côté, on aurait pu les garder pour maintenir des services de
prévention qui vont directement dans le sens de la recommandation
principale du rapport Bouchard: investir dans la prévention
auprès de notre jeunesse. La prévention, pas juste de la
délinquance. La prévention au niveau de la santé aussi, si
on veut avoir une jeunesse en forme. Mais non, on coupe dans les soins
dentaires. On coupe dans les services optométriques aussi pour les 18
ans à 40 ans. Bien, de 18 à 30 ans, c'est encore la jeunesse,
selon nos politiques et selon ce qu'on calcule comme étant notre
jeunesse dans la société québécoise. Pourquoi?
Regardez, que ce soit la réforme de l'aide sociale, en
éducation ou n'importe quoi, jusqu'à 30 ans, ils sont encore
dépendants des parents. En plus, les 18 à 40 ans, c'est la classe
la plus populeuse au niveau de ceux qui produisent. Donc, ils paient des
impôts et des taxes au Québec. On vient pénaliser encore
ceux qu'on appelle la classe moyenne, ceux qui paient toujours et qui n'ont pas
d'autre chose à faire que de payer. De toute façon, c'est
enlevé sur les payes.
Donc, j'aurais aimé que, dans cette loi-là, on en profite,
tant qu'à amener des modifications par rapport à des lois
existantes, avec près de 400 articles, qu'on amène
immédiatement des modifications par rapport aux recommandations du
rapport Jasmin-Harvey, où on donne déjà les articles qu'il
faut modifier si on veut vraiment faire de la prévention, si on veut
vraiment améliorer la situation de nos jeunes, si on veut que nos
institutions, dont le centre de protection de l'enfance et de la jeunesse qu'on
est en train de créer, puissent agir efficacement, être
très présentes, mais, en même temps, productives par
rapport à l'application de la loi de la protection de la jeunesse.
Je sais que le ministre a dit, dernièrement, que oui, on
était pour déposer une loi en 1992. Comme le rapport avait
été commandé par le ministre lui-même, comme le
rapport a été déposé ça fait
déjà à peu près six mois, on aurait pu aller un peu
plus vite et, déjà, s'assurer qu'on amène des
modifications. Donc, il y a des absences dans la loi que je dénonce et
il y a des coupures aussi que je dénonce, parce que les genres de
coupures de prévention et de soins aux familles et aux jeunes qu'on est
en train de couper, ça vient empirer la situation d'appauvrissement que
les familles québécoises moyennes connaissent. Il ne faut pas
favoriser l'appauvrissement comme gouvernement. Il faut surtout faire en sorte
que, dans une période difficile, on vienne combattre l'appauvrissement
par des mesures sociales, des mesures d'aide. Et on va exactement dans le sens
contraire, on vient faire l'appauvrissement.
C'est pour ça qu'on ne peut pas faire autrement que de dire: II y
a des choses qui nous inquiètent dans la loi, même si on ne dit
pas que tout est méchant, au contraire, et on va le faire d'une
façon positive. Entre autres, ma collègue en parlait, et je suis
d'accord avec ça, la fameuse carte avec photo. Il y a peut-être
longtemps que ça aurait dû être là et,
probablement... Là, maintenant, je suis sûr que ça va
amener des économies importantes pour l'État. Ça va venir
clarifier des choses, ça va venir civiliser davantage le système,
à mon avis. Bien, moi, je n'ai pas de remords. Je vais vous dire que
quand je me promène à l'extérieur et que j'ai ma photo
dans mon passeport, je n'ai aucune gêne. Je me promène avec ma
tête sur les épaules et je n'ai aucune gêne. Je ne vois pas
pourquoi j'aurais une gêne quelconque par rapport à ma photo sur
ma carte d'assurance-maladie. Il faut s'assurer, par contre, qu'il n'y a pas
d'abus par rapport aux institutions financières, aux compagnies ou
à tout autre individu ou organisme dans l'utilisation ou l'exigence de
la carte avec photo. C'est une carte qui doit être utilisée
d'abord et exclusivement par le réseau de la santé et des
services sociaux. Mais ça, je trouve que c'est une bonne mesure. De ce
côté-là, on est capables de le dire quand il y a de bonnes
choses.
Donc, on va être attentifs et très prudents par rapport
à l'étude de ce projet de loi là, évidemment. Il y
a des choses avec lesquelles, d'emblée, on va être d'accord,
évidemment aussi. Mais il y a des choses qu'on ne peut pas accepter,
parce qu'on est conscients et on est certains que c'est des mesures
d'appauvrissement collectif, parce que ça appauvrit la classe moyenne et
déjà pauvre du Québec. Ça, ce n'est pas acceptable.
(17 h 20)
Je conclus en vous disant - parce que vous me dites, M. le
Président, que mon temps est terminé - qu'il faut se rendre
compte, une fois pour toutes, que la jeunesse, c'est une richesse aujourd'hui.
La jeunesse, ce n'est pas un problème temporaire. Ce n'est pas un
problème d'être jeune. Peut-être que oui, aujourd'hui,
à cause du contexte et à cause de la façon dont on les
traite. Mais il va falloir, comme société, qu'on ne
considère pas la jeunesse comme un problème temporaire qui va se
régler. Il est temps qu'on considère notre jeunesse, la jeunesse
québécoise, comme une richesse actuelle, une richesse
d'aujourd'hui. Quand on a une richesse et la plus grande richesse, parce que
c'est notre richesse humaine, il faut investir, et il faut investir dans tous
les secteurs, dont la prévention. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Shefford. Alors, je rappelle aux membres de cette
Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du
principe du projet de loi 15 et je reconnais M. le député de
Fabre.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. À mon tour, il me
fait plaisir d'intervenir sur l'adoption du principe du projet de loi 15, en
fait, un projet excessivement technique, c'est bien sûr, mais un projet
qui a pour objet d'assurer l'application de la Loi sur les services de
santé. Une loi que vous connaissez bien, M. le Président, une loi
que, tout comme moi, tout comme les parlementaires, vous avez eu l'occasion de
suivre dans son évolution. Maintenant, ce que nous souhaitons, c'est
l'occasion de la suivre dans son application. Je pense que c'est un rêve
qui est caressé, bien sûr, par tous les parlementaires, mais
surtout par tous les concitoyens du Québec. Un projet de loi qui
s'imposait. On ne devait pas considérer la loi comme telle comme
étant une loi qui était vieillotte parce qu'elle était en
application depuis 1970, mais compte tenu de ce que nous avons à vivre
dans notre société moderne où on se doit de faire face
quand même à certains problèmes considérés
comme modernes, problème de dénatalité - ça a l'air
drôle à dire, un problème moderne qui est un
problème de dénatalité - un problème de
vieillissement, vieillissement de la population, bien sûr, mais aussi un
problème de nouvelles maladies. Alors, compte tenu de tout ça et
compte tenu du fait aussi qu'administrer le système de santé ce
n'est quand même pas facile. On considère ça tout
simplement comme un compte de dépenses, un compte de dépenses
où, s'il n'y a pas certains contrôles d'exercés et si, en
tant que gouvernement, on n'est pas capable de «prioriser»
certaines actions, certains axes, eh bien, à ce moment-là, ce
sera considéré un peu comme un puits sans fond, ce serait
considéré, justement, comme une carte de crédit sans
limite.
Je pense que notre ministre de la Santé a compris ça
depuis des années. Et le défi qu'il a relevé d'être
assis en commission parlementaire, M. le Président, pendant pratiquement
six mois - si on fait le total du nombre d'heures, du nombre de séances,
du nombre de jours que nous avons passés en commission parlementaire sur
ce projet de loi avec M. le ministre de la Santé, c'est pratiquement six
mois - alors, les gens qui diront que c'est un projet de loi qui a
été pris en vitesse et sur lequel nous ne nous sommes pas
penchés de façon sérieuse, eh bien, à ce
moment-là, je pose la question: C'est quoi être sérieux sur
un projet de loi? Plus que ça, je pense qu'à ce moment-là
ça serait simplement, disons, imaginer un scénario où la
santé des parlementaires aurait quand même pu être en danger
parce qu'on a veillé tard, souvent, le soir, on a eu des parlementaires
de l'Opposition qui ont fait un travail - il faut quand même le souligner
aussi - de façon très, très professionnelle.
On est conscient que, simplement dans le domaine de la santé,
avant qu'on dépose le nouveau budget 1992-1993, c'était 0,33 $
dans le dollar qui allaient pour administrer le système de santé,
soit 12 000 000 000 $, M. le Président. 12 000 000 000 $ pour couvrir
pratiquement 7 000 000 de personnes, c'est quand même pas mal d'argent.
Si on reprenait la même équivalence pour se comparer avec nos
voisins américains - eux ont 270 000 000 de population - et si on
reprenait le chiffre de 2 000 000 000 $ par million de population, parce que
c'est à peu près ce que ça coûte, eh bien, ça
coûterait, aux États-Unis, pour avoir la même
équivalence, 540 000 000 000 $, M. le Président. Alors, c'est ce
qui fait que, des fois, dans les villes frontalières, on
s'aperçoit que le système américain fait en sorte qu'ils
peuvent vendre leur gazoline un petit peu meilleur marché. C'est ce qui
fait que certains produits semblent moins taxés, mais, par contre, ils
n'ont pas le système de santé qui, actuellement, est en vigueur
au Québec, qui fait la fierté, qui fait le bonheur de tous les
citoyens parce que, le soir, les citoyens du Québec se couchent avec une
tranquillité d'esprit, celle de savoir que, demain matin, ils n'auront
pas une hypothèque sur le dos, suite à une maladie, à une
blessure ou à un accident.
Je parlais avec un de mes voisins qui, dernièrement, est revenu
de toute urgence de la Floride parce qu'il avait eu un décollement de la
rétine de l'oeil. Là-bas, aux États-Unis, ça
coûte 25 000 $, M. le Président, juste pour faire corriger un
décollement de la rétine de l'oeil, pendant qu'ici, au
Québec, c'est gratuit. Alors, lorsqu'on vient, en contrepartie, nous
parler du montant de 2 $ que certains citoyens du Québec auront à
payer éventuellement, je pense que, actuellement, ces
citoyens-là, que j'ai rencontrés en abondance depuis qu'on a
annoncé cette mesure... J'en ai eu qui ont posé des questions, M.
le Président, mais je n'ai pas eu les mêmes réactions que
semblent avoir les gens de l'Opposition, parce que les gens savent très,
très bien que si un montant de 2 $ est imposé, il y a une raison
et il y a une raison, même pas subjective, mais une raison objective qui
est en arrière de tout ça.
Je vais essayer, dans quelques mots, de l'expliquer. Est-ce que c'est
normal, M. le Président, que la moyenne des prescriptions pour les
personnes âgées soit de 37 prescriptions par année? C'est
la moyenne. Ça veut dire qu'il y a des personnes âgées qui
en ont 2 et il y en a d'autres qui en ont 60. On a même vu, dans le
décompte, une personne qui avait visité des médecins 316
fois dans l'année. On a déjà vu des gens, avec plusieurs
milliers de dollars de médicaments sûrement non utilisés,
parce que si ces gens-là avaient utilisé tous les
médicaments qui leur avaient été prescrits, ils auraient
sûrement l'estomac brûlé.
Alors, c'est pour ça qu'aujourd'hui on dit aux personnes
âgées: Le petit 2 $ qui est là, qui est mis de l'avant,
c'est un système de conscien-
tisation, autant pour l'utilisateur que pour le dispensateur. Il y a des
médecins qui m'ont confié, M. le Président, que s'ils ne
donnaient pas une prescription à leur clientèle
âgée, ils avaient peur de perdre leur clientèle. Ça
m'a été dit. Alors, partant de là, si la personne
âgée sait qu'elle a un montant de 2 $ à payer, elle va
sûrement dire à son médecin: Docteur, si je n'ai pas besoin
de prescription, vous ne m'en donnez point.
Il y avait aussi le fait qu'à l'intérieur de toute la
facturation totale des 500 000 000 $ de médicaments prescrits pour nos
personnes âgées, sur une base d'une année, eh bien, il y
avait, si on peut dire, 85 % ou 87 % pour les personnes âgées, 15
% à peu près pour les personnes sur l'aide sociale... Mais
combien de ces prescriptions-là auraient pu être
évitées, sachant qu'un médicament, souvent, au bout de 14
jours, n'a plus aucune valeur thérapeutique et qu'on retrouvait ce
même médicament renouvelé à volonté ou
pratiquement pendant six mois, pendant un an.
Alors, je pense que c'est simplement conscientiser la population sur la
valeur d'une prescription. Si elle est nécessaire, elle se doit
d'être prise, d'être bien suivie, la posologie, comme telle, se
doit d'être respectée. Mais si elle n'est pas nécessaire,
les gens ont le droit de poser des questions à leur médecin et,
suite à ça, de s'enquérir, à savoir si,
nécessairement, le médicament est nécessaire ou pas. (17 h
30)
Ce qui m'a frappé, M. le Président, dans
l'établissement de la loi 120 comme telle, c'est le partenariat qu'on a
réussi à établir justement avec nos professionnels de la
santé, lesquels, par l'intermédiaire d'un de leurs
représentants, le Dr Marier, qui est le président de la
Fédération des médecins spécialistes du
Québec, qui, dans Le Devoir du 21 août 1991, citait: Le
partenariat que nous avons établi est sain pour le citoyen. Pour la
première fois en 20 ans, les médecins du Québec auront le
sentiment d'être partie prenante du système de santé. Il
fut un temps où, à travers toute la procédure qui nous a
animés pendant ces six mois, on a eu tendance des fois à lancer,
si on peut dire, des accusations au niveau des professionnels, où on les
accusait d'à peu près tous les péchés capitaux.
Mais il faut quand même admettre, M. le Président, qu'à
travers les 16 000 professionnels de la santé qui existent ici au
Québec, je dirais que la majorité sont de vrais professionnels et
sont conscients du rôle qu'ils ont à jouer, de la
responsabilité qu'ils ont à jouer vis-à-vis de la
population du Québec.
Alors, quand on voit une déclaration comme ça de la part
du Dr Marier, une personne en responsabilité au niveau de son
association, les chirurgiens, eh bien, à ce moment-là, c'est
réconfortant de savoir que cette complicité honnête qui
existe entre les différents inter- venants va aider justement à
accomplir le but premier de la réforme, qui est celui de mettre au
centre de cette réforme et au centre de toutes nos attentes le
bénéficiaire. Trop souvent dans le passé, à tous
les niveaux de la société, il y a eu des décisions qui ont
été prises et ces décisions-là n'ont pas toujours
pris en considération le citoyen, le bénéficiaire, et
ceci, selon ses attentes. Souvent, on a peut-être voulu créer de
l'artifice, souvent on a peut-être voulu couvrir des besoins qui
n'étaient pas tout à fait appropriés ou tout à fait
réels.
Alors, aujourd'hui, avec cette réforme, avec ces six mois
d'attentisme quasi religieux, un travail de moine, un travail qui a
nécessité un professionnalisme de la part de tous les
parlementaires, autant, disons, du côté ministériel que de
l'Opposition, ça fait en sorte que c'est avec fierté qu'on est
sur le point d'appliquer cette réforme, qu'on est sur le point de livrer
le fruit du travail de tous les parlementaires, souvent un travail mal connu,
un travail qui n'est nécessairement pas respecté, mais mal
respecté et souvent même, je dirais, sévèrement
critiqué.
Alors, sachant que le premier rôle qui est dévolu à
un parlementaire, c'est celui d'être un parlementaire aguerri, un
parlementaire attentif, je pense que la population a eu avec toutes les lois
qui se passent ici à l'Assemblée nationale, mais
spécialement avec la loi 120, une loi qui va faire, encore une fois,
l'orgueil de tout le Québec, une loi qui va sûrement créer
aussi un peu d'envie de la part de nos voisins américains lorsqu'on
regarde les grands thèmes qui sont développés actuellement
au niveau des campagnes non officielles de la présidence
américaine. Déjà, on a commencé à glisser
à l'intérieur de leurs programmes tout le système de
santé qui est vécu chez nous, mais qui est souhaité chez
eux.
Alors, la population devrait se dire et devrait aussi peut-être en
parler d'une façon plus positive avec les gens pour faire en sorte
qu'ils deviennent des multiplicateurs, mais des multiplicateurs positifs sur ce
qui, actuellement, est notre richesse. Comme je le disais tantôt,
lorsqu'on se couche le soir et qu'on est certain qu'on se lève le
lendemain et qu'on n'a pas à subir 25 000 $, 30 000 $, 40 000 $ ou 50
000 $ de frais, à ce moment-là, c'est tout à notre honneur
que d'être capable de dire qu'on se paie un système et un
système qui se doit et qui se devait d'être plus
équilibré. C'est pourquoi à certains endroits on a vu
qu'il y a eu des réaménagements. On a vu qu'on a commencé
à regarder les besoins par région. On a donné un peu plus
de pouvoirs aux régions, lesquels pouvoirs seront en application aussi
sous peu quand les élections qui ont été mises de l'avant
dernièrement au niveau des régies régionales
amèneront tous les intervenants de chacune des régions à
se manifester et à faire les suggestions nécessaires pour que
chacune des régions puisse
être bien couverte en vertu autant des services que des
équipements.
Alors, c'est ce que la loi 120 a comme objet, et c'est ce que la loi 120
fera. Je suis drôlement convaincu qu'avec la conscientisation qui s'est
faite lors du déroulement et lors des débats sur cette loi,
ça va faire en sorte que chacun des professionnels se devra - je le
souhaite ardemment, M. le Président - de faire de l'éducation au
niveau de ses patients. J'imagine aussi que chacun des patients se devra
d'être plus intéressé et posera aussi les questions
d'usage.
Souventefois, d'ailleurs... Je prends seulement l'exemple de mes
parents, M. le Président, mes parents qui ont 78 et 79 ans, ma
mère qui fait de l'arthrite sur une base assez avancée et qui
souffrait terriblement, mais qui subissait un médicament sans
connaître les contre-effets de ce médicament-là. La seule
chose que j'ai pu faire, c'est de suggérer à ma mère:
Est-ce que vous posez des questions à votre médecin? Bien non, il
doit savoir ce qu'il fait. Bien oui, sûrement qu'il sait ce qu'il fait,
mais il ne sait pas ce que vous faites comme réaction. Donc, il faut que
la population s'intéresse davantage à ce que le médecin,
à ce que le professionnel peut ordonner comme médication, peut
ordonner comme traitement, et compte tenu de l'intérêt qui se fera
des deux côtés, sûrement que cette grande ligne de
communication amènera un meilleur résultat. C'est ce qui est
souhaité à l'intérieur de la loi 120.
M. le Président, je vous parlais tantôt du budget total de
12 000 000 000 $ et de 0,33 $ dans le dollar. Souvent, les gens ne
réalisent pas que 0,33 $ dans 1 $, c'est le gros, gros maximum qu'on
puisse imaginer, dans le domaine de la santé, qu'on puisse aller. Si on
réussissait à économiser seulement 10 % de la facture
totale - on parle, M. le Président, de 1 200 000 000 $ - on pourrait
sûrement se porter ou se mettre à rêver sur toutes les
réalisations, que ce soit au niveau du système des réseaux
routiers, au niveau du système de ressources supplémentaires dans
le domaine hospitalier, au niveau du pont de Laval, au niveau du système
de transport en commun.
Alors, compte tenu de tout ça, M. le Président, moi, je
suis convaincu que si nous devenons des citoyens encore plus
intéressés à ce qui nous affecte dans le domaine de la
santé, qu'on pose les questions d'usage aux professionnels, qu'on
établit cette complicité avec les professionnels de la
santé, sûrement qu'eux aussi seront heureux parce qu'ils seront
revalorisés dans le rôle si important qu'ils ont à jouer,
et nous, comme citoyens, nous saurons exactement ce que nous payons, il ne faut
pas que ce soit strictement considéré comme un compte de
dépenses. Il y a le système de prévention qui nous
amène à croire que, demain, nos jours peuvent être
meilleurs.
Quelqu'un disait: «What is good today will not be good enough for
tomorrow», ce qui est bon aujourd'hui ne sera pas assez bon pour demain.
La preuve, c'est qu'il y a 20 ans nous mettions de l'avant un système
que nous avons dû amender 20 ans, 22 ans après, et ce sera
possiblement la même chose, puis peut-être même avant
ça, M. le Président, compte tenu que tout évolue d'une
façon assez rapide, que souvent, si on ne prenait pas le temps de
s'asseoir et, en tant que parlementaires, d'essayer d'imaginer l'avenir,
d'essayer d'imaginer ce que sera l'année 2000, ce que sera
l'année 2025, eh bien, partant de là, on serait toujours à
la remorque.
Alors, ce qui est bon avec la loi 120, c'est de savoir qu'il y a des
gens intéressés, bien sûr, à aujourd'hui, se basant
sur hier, mais en pensant et en souhaitant que demain, avec cette prise de
conscience collective, nous puissions tous atteindre l'objectif qui est celui
de donner une qualité de vie, une qualité de tous les jours
à nos citoyens, à notre population vieillissante parce que plus
ça va, M. le Président, vous réalisez qu'on a des
centenaires dans le Québec. Dans mon comté, moi, j'en ai quatre,
M. le Président, dont M. Witty, âgé de 107 ans, qui est le
plus vieux citoyen du Québec.
Alors, ça laisse supposer, ça prouve qu'avec des bons
soins, avec une qualité de soins, de traitements et de la
prévention, on peut en arriver, nous autres aussi, à avoir cet
espoir de vie, cet espoir de santé, et cet espoir, autant pour nous
comme pour tous ceux qui nous entourent. Quand on est en santé, c'est
certain que, partant de là, les 20 personnes qui nous entourent
normalement et qui sont intéressées à notre
mieux-être sont moins accaparées et moins inquiètes. M. le
Président, je vous remercie. (17 h 40)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Fabre, de votre intervention. Je rappelle aux membres
de cette Assemblée que nous sommes à l'étape de l'adoption
du principe du projet de loi 15. Je cède la parole à Mme la
députée de Marie-Victorin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Merci, M. le Président. M. le
Président, effectivement, la loi 15 est une loi technique, mais une loi
qui permet des modifications à diverses dispositions législatives
de la loi 120 et qui introduit aussi la loi 9 qui fera payer les 2 $ pour les
médicaments aux personnes âgées.
En fait, j'écoutais le député de Fabre et je me
suis dit: Bien, on peut comprendre pourquoi le gouvernement a de la
difficulté à se comprendre dans ses lois, parce qu'on fait
beaucoup de coq-à-l'âne et c'est difficile de voir la
cohérence qui a un certain poids au niveau d'un tel discours.
M. le Président, moi, ce que je voudrais
relever à ce moment-ci, c'est qu'en ce qui concerne, justement,
les modifications diverses pour une loi telle que la loi 120, le ministre est
prêt à dire qu'il faut passer ça rapidement; il faut y
aller rapidement parce que c'est de l'intérêt de l'ensemble de nos
contribuables et, surtout, parce que sa réforme étant axée
sur le citoyen, pour lui faire payer davantage de taxes ou lui enlever des
services, alors, on dit: II faut y aller rapidement.
Là où ça me cause un problème, c'est qu'on
m'a répondu, lorsque j'ai demandé au ministre s'il était
prêt, en ce qui concerne l'adoption internationale, à apporter des
modifications importantes pour permettre à des parents de pouvoir
adopter un enfant et établir une procédure d'adoption en Chine
parce que nos lois, ici, refusent d'admettre les tribunaux administratifs en
Chine, on m'a dit: C'est très complexe, c'est très difficile, il
faut y aller avec prudence, il faut faire bien attention. Ces
amendements-là favoriseraient, d'une part, la famille et permettraient
à des parents qui sont prêts, présentement, à partir
en Chine pour se procurer cet enfant dont ils ont déjà la
responsabilité, parce qu'ils ont déjà entrepris les
démarches, ça favoriserait ces parents-là dans leur projet
d'adoption. Et, ici, au Québec, ça nous permettrait, justement,
de permettre à des gens d'avoir une famille. Et ce dont on a besoin, on
le sait de plus en plus avec le taux de dénatalité,
effectivement, on en a besoin, des enfants. Et je me pose de sérieuses
questions, M. le Président.
Et on voit aussi que le ministre a annoncé en conférence
de presse, avant même que le ministre du budget n'annonce les
modifications au niveau des 2 $, la taxe pour les médicaments pour les
personnes âgées; le ministre s'est empressé de le faire en
conférence de presse, avant même que le ministre des Finances ne
l'annonce dans son budget. Et lorsqu'on me dit que c'est impossible que d'ici
à la fin de session, même si on me donne, de ce
côté-ci de la Chambre... L'Opposition a donné des garanties
au ministre en lui disant que nous ne ferions pas obstruction. Bien au
contraire, nous allons lui permettre, nous allons le favoriser pour qu'il
dépose des modifications au Code civil pour permettre qu'on puisse enfin
favoriser les parents dans leur projet d'adoption, et surtout envers la Chine,
M. le Président. Et quand on me dit que ce n'est pas possible, que c'est
trop compliqué, que c'est très complexe, quelle est la notion de
ce gouvernement? Quand c'est des projets monétaires, qui touchent de
l'argent, il faut y aller, il y a urgence. Mais quand on touche des projets qui
pourraient être humanitaires, qui favorisent justement le contribuable,
le citoyen, une politique véritablement axée sur le citoyen,
là, on hésite, M. le Président.
Et je pense que c'est tout à fait inacceptable, un tel
comportement. Pourquoi ne pas avoir profité de cette loi 15 pour,
justement, apporter les modifications nécessaires au Code civil pour
permettre le projet d'adoption en Chine, M. le Président? Ça
n'aurait pas été beaucoup plus compliqué, à ce
moment-ci. On aurait été capable, en commission parlementaire, de
le regarder très sérieusement, de la même façon
qu'on va le faire pour l'ensemble des autres articles qui seront à
l'intérieur de ce projet de loi là. Et, M. le Président,
il est encore temps. Et nous aussi, de ce côté-ci de la Chambre,
nous sommes prêts à collaborer avec le ministre. Que ce soit le
ministre de la Justice ou le ministre de la Santé, nous donnerons notre
plein concours pour favoriser les familles du Québec et ces couples qui
sont désireux de former une famille et d'adopter un enfant. Je pense que
je fais appel à la sensibilité du ministre. Je fais appel
à ses raisons humanitaires pour qu'il entende, justement, notre message
et qu'il veuille procéder dans ce sens. Et, dans ce sens, je suis
convaincue, en tout cas, que nous, de notre côté, nous allons tout
faire pour que le ministre, en fait, se laisse fléchir dans ce sens et
qu'il apporte les modifications au Code civil nécessaires pour qu'on
favorise les familles du Québec et les couples, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin pour votre intervention. Je reconnais
comme orateur suivant M. le leader de l'Opposition officielle et
député de Joliette. M. le leader.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, je serai bref, mais je
voudrais attirer l'attention de la Chambre sur le fait que nous sommes sur le
point d'adopter une loi d'application qui fait suite à une loi qui
réformait les structures du système de santé et de
services sociaux, et sans que l'on ait devant nous une politique de la
santé. C'est peut-être le point le plus majeur que je voudrais
souligner à ce stade-ci, parce qu'il m'apparaît aberrant de
procéder à l'envers. On l'a dit à plusieurs reprises; le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, notre critique en
cette matière, l'a dit à maintes reprises au cours des
débats de la loi 120, il l'a répété encore cet
après-midi au niveau de son discours de deuxième lecture sur
l'adoption du principe, et je voudrais me joindre au concert de ces voix, M. le
Président, parce que je considère qu'en agissant à la
pièce au niveau des structures on est en train d'indisposer à peu
près tout notre système de santé.
Parce qu'il y a une crise budgétaire, qu'il y a une crise
d'aménagement du budget au Parlement, à l'Assemblée
nationale, au niveau du gouvernement, on est porté à mettre des
ponctions ici et là dans le système de santé. On est
porté à couper dans plusieurs programmes, alors qu'une politique
de la santé fixe précisément des objectifs, elle indique
les voies à suivre, elle
nous dit carrément: Je mets l'accent, par exemple, sur les
maladies cardio-vasculaires. Je mets l'accent sur la prévention. Je mets
l'accent sur nos personnes âgées, parce qu'on sait que notre
population est vieillissante. Je mets l'accent sur, par exemple, la
qualité des soins dentaires chez les jeunes. Mais, là, on arrive,
il y a un budget, à chaque année, on dit: Oups! Il manque 35 000
000 $, où est-ce qu'on coupe?
Si on avait une politique de la santé, on s'en irait en fonction
de nos objectifs, M. le Président. Je ne dis pas qu'il ne faut pas
rediscuter certains problèmes qu'on traverse, mais si on les discute en
fonction d'objectifs, on n'agit pas à la pièce comme on le fait
présentement. Je prends la loi 9 que nous aurons à discuter
très prochainement, la loi qui indique que nous allons faire
disparaître les soins dentaires pour une catégorie de jeunes. Il
faut savoir que cette décision de 1978 avait réussi à
porter des dividendes extraordinaires. Nous avions amélioré Ta
qualité dentaire, la qualité des dents chez nos jeunes de l'ordre
de 20 %, M. le Président. C'est beaucoup pour une société
quand on regarde comment les personnes âgées, par exemple, ont des
maux d'estomac, des troubles digestifs, parce que, précisément,
les trois quarts ont des difficultés, elles n'ont pas de dents. Il faut
le dire de même. Allez voir dans nos hôpitaux pour malades
chroniques, allez voir dans nos centres d'accueil. Tout le monde va vous dire
ça qu'il y a des médecins qui disent carrément: Si on
avait pu avoir cette politique il y a plusieurs années on vivrait
peut-être moins de soins curatifs puis on injecterait moins dans les
soins curatifs comme c'est le cas présentement. Mais avec une politique
de la santé, on en arrive à définir des objectifs bien
précis. On en arrive, M. le Président, à fixer des
objectifs précis et, à ce moment-là, nos décisions
d'ordre budgétaire se font en fonction des objectifs santé, des
politiques qu'on a établies, des programmes.
Donc, M. le Président, à ce compte-là,
j'espère que le ministre, au niveau de sa réplique, pourra nous
dire tantôt où il en est au niveau de ses cogitations quant
à la politique qu'on devait avoir il y a quelques mois, quasiment
quelques années, puis qu'on n'a pas encore.
Deuxièmement, je voudrais lui dire que, dans cette loi
d'application, d'autre part, il y a des points que nous appuierons fortement.
Je pense, par exemple, à la nouvelle carte d'assurance-maladie. Je pense
que les deux formations politiques majeures en cette Chambre se rejoignent
là-dessus. Je pense qu'on se rend compte que des centaines de milliers
de cartes servent à des gens de l'extérieur; ce n'est pas qu'on
n'est pas ouverts, mais on n'est pas fous non plus. Quand, nous, on paie pour
l'extérieur! Quand on va à Miami puis qu'on doit payer, on paie.
Quand on va en Ontario puis que l'Ontario traite un Québécois,
l'assurance-maladie du Québec verse des sommes. Et avec cette
quantité de fausses cartes, à toutes fins pratiques, ou ce trafic
de cartes qui se fait, ce sont des centaines de milliers de dollars et, sans
doute, plusieurs millions. Et c'est très difficile de quantifier combien
exactement peut nous couler entre les doigts, d'argent qui sert à
d'autres fins qu'aux Québécois qui assument les frais de leur
système. Ça, je pense que nous allons y concourir
spontanément et facilement, M. le Président. (17 h 50)
Sur d'autres points, nous serons plus minutieux. Nous allons sans doute
vouloir gratter en commission parlementaire beaucoup plus certains points ou
certains reculs apparents - qui nous apparaissent, du moins, apparents au
niveau du libellé de la loi, mais que nous questionnerons - et sur
lesquels nous apporterons sans doute aussi des modifications. Il y a des gros
points majeurs dans cela. Même si les décisions ont
été prises dans la loi 120, ça modifie quand même 69
lois, si ma mémoire est fidèle. Donc, c'est un projet de loi qui
est quand même technique, oui, qui demande d'harmoniser les
différentes législations à partir de la loi 120 qui a
été adoptée en août dernier.
Donc, de notre côté, ce sera une étude très
sérieuse que nous allons faire de ce projet de loi, en vous disant que
notre préoccupation sera sans doute celle de le rendre le plus simple
possible pour le contribuable et de permettre les contrôles les plus
efficaces aussi, mais également, M. le Président, tout en
insistant sur l'urgence et le bien-fondé d'avoir une politique de la
santé au Québec. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député, M. le leader de l'Opposition officielle. Mme la
députée de Groulx.
Mme Bleau: Est-ce que je pourrais, selon l'article 213, poser une
toute petite question au leader de l'Opposition?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Joliette et leader de l'Opposition officielle, est-ce
que vous permettez une brève question à Mme la
députée de Groulx? La permission vous est attribuée, Mme
la députée.
Mme Bleau: Merci. Du côté de l'Opposition, on a
parlé de trafic de cartes. Est-ce que vous êtes au courant, M. le
leader, qu'il y a aussi un trafic de médicaments? Je pense que, lorsque
vous étudierez article par article le projet de loi, il serait important
que vous preniez en considération ces cas.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à la
question, M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je suis
très heureux de la question. Je sais qu'il y a effectivement
certains trafics, surtout au niveau des multivitamines; on sait que ça
se vend très facilement sur le coin des rues. Mais quand il y a un
voleur de banque, on ne ferme pas la banque.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes
maintenant à l'étape de la réplique du ministre. Je vous
cède la parole, M. le ministre de la Santé et des Services
sociaux.
M. Marc-Yvan Côté
(réplique)
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Constatant l'heure qu'il est, il est dommage que je sois
obligé de me calmer un peu par rapport à ce que j'ai entendu
pendant ces débats et faire en sorte que je puisse avoir une
réplique la plus brève possible.
C'est, évidemment, comme l'a dit si bien le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, l'occasion de passer à peu
près tout: les dents, les lunettes, les médicaments, l'adoption
internationale, les problèmes de jeunesse, mon hôpital, mon centre
d'accueil et d'hébergement; ça a été l'occasion
d'entendre un peu de tout.
Il y a un point substantiel qui revient, puis je n'en fais pas grief,
d'aucune manière. On a parlé de politique de santé et de
bien-être. Mon grand plaisir est de vous dire aujourd'hui que
c'était concurrent et qu'à partir du moment où vous aurez
adopté, que nous aurons adopté la loi d'application, je serai en
mesure de rendre publique la politique de santé et de bien-être.
Elle franchit ce matin et demain des étapes extrêmement
importantes au niveau des comités ministériels et,
éventuellement, une publication sur la place publique; ce sera donc
concurrent et elle sera sur la place publique. Et, évidemment, c'est une
première, il est bon de se le rappeler. Je l'ai dit au
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue
particulièrement, parce qu'il est là depuis le dernier terme,
mais une politique de santé et de bien-être, ça aurait pu
exister bien avant au Québec; ça aurait pu exister bien avant. On
peut bien me reprocher d'avoir pris un an additionnel à la faire, mais
je peux vous reprocher d'avoir été dix ans sans la faire;
ça, ça serait facile sur le plan politique.
Évidemment, à partir de ça, il est clair que nous
l'aurons. On va la faire, avec la réforme du système de
santé que vous avez initiée. Vous ne l'avez pas initiée en
1985; en 1985, vous n'avez pas initié une politique de santé et
de bien-être, vous avez initié, avec la commission Rochon, une
réforme des structures. C'est ça que vous avez initié, pas
autre chose: un diagnostic qui va avec la réforme des structures. Dans
ce sens-là, vous n'avez pas initié de politique de santé
et de bien-être. Donc, à ce niveau-là, sur le plan des
leçons, on pourra toujours y repenser.
Évidemment, le député de Rouyn-Noranda-
Témiscamingue est là aussi pour faire un peu de politique,
j'en conviens, pour tenter de grappiller à gauche, à droite,
quelques éléments de Mme Lavoie-Roux, quelques
éléments de Claude Forget. Quant à M. Forget, je vous
dirai tout simplement que je vis à une autre ère que la sienne.
Je vis à l'ère de la décentralisation et de la
régionalisation, ce qui n'était pas le cas du temps où il
était là. Point, «period», à la ligne. Fini.
Et je vais continuer de vivre de mon temps et de planifier un régime en
fonction des régions. Et probablement que, s'il y avait eu moins de
choses de centralisées sur le plan des décisions, on n'en serait
pas là aujourd'hui. Les régions seraient peut-être mieux
servies; en médecins, elles seraient peut-être mieux servies, en
services un peu partout, à gauche et à droite. Probablement que
ce qu'il a fait était de son temps. Je fais ce qui est de mon temps et
c'est ce que je vais continuer de faire. Il faut que ce soit très clair.
À partir de ce moment-là, M. le Président, on planifie un
système pour l'an 2000.
On a réussi, M. le Président, à parler de
référendum, à parler de désassurance, à
parler de tout ce qui n'est à peu près pas dans le projet de loi
et, comme je le disais tantôt, c'est un pot-pourri assez extraordinaire.
Chose certaine, je vais offrir - et j'ai offert - exactement la même
collaboration parce que mon objectif et le leur sont les mêmes. On peut
diverger à l'occasion sur des questions de fond, sur des questions de
forme, sur des questions de structures, mais, fondamentalement, M. le
Président, ils m'ont fait la démonstration, dans ces projets de
loi là, même si c'a été très long, que
l'objectif premier était de faire en sorte que ce soit le citoyen qui
soit au centre de nos préoccupations. Et, ça, ça continue
d'être la ligne conductrice même si, à l'occasion, on fait
un petit peu de politique. Mais, évidemment, on comprend ça.
Quand on est dans l'Opposition, on veut être au pouvoir. Il faut de temps
en temps égratigner ou grafigner si on veut éventuellement
être capable d'être au pouvoir. Donc, dans ce sens-là,
j'accepte ça, M. le Président. On va continuer de travailler avec
ouverture de la même manière que je l'ai toujours fait, dans tous
les projets de loi que j'ai tenté de faire adopter par
l'Assemblée depuis que je suis ministre dans ce gouvernement.
M. le Président, le summum, c'a été Mme la
députée de Johnson. Elle s'est trompée de projet de loi.
Ça m'étonne un peu pour quelqu'un qui est ici depuis 1976.
Ça m'étonne passablement. Ça m'étonne, M. le
Président, pour la simple et bonne raison... Oui, M. le
député de Lévis a raison, depuis 1981, parce que c'est M.
Bellemare qui était là; par la suite, c'a été un de
nos concitoyens, un libéral, M. Picard qui a été
député pour un certain temps. Vous avez raison, donc, c'est
depuis 1981. Mais ça fait quand même 11 ans; on sait ce qui se
passe à l'Assemblée. Donc, on a parlé davantage du projet
de loi
qu'on discutera dans les prochaines semaines que du projet de loi 15, M.
le Président. On a parlé du projet de loi 9. Et on a parlé
des 2 $, cinq fois, ça fait 10 $, de la dosette, on a parlé de la
prescription, M. le Président, de 30 jours à 60 jours. On va en
reparler. Ce n'est pas un débat qui va être évité,
on va en reparler ici. On va en reparler, c'est un projet de loi, M. le
Président, qui a 12 articles. Donc, j'imagine que ça va
être un petit peu plus long à être adopté,
connaissant l'Opposition. Mais, justement, je vous ai envoyé un petit
signal par rapport au passé et à ce que pensait votre chef,
à l'époque; ça doit être encore vrai aujourd'hui, si
on laisse de côté les intentions politiques. Au-delà de
tout ça, mettez ça dans votre chemise, puis pensez bien à
ça parce que je vais vous revenir avec de manière très
claire. J'imagine que, sur le plan de vos préparations, ça vous
aidera.
M. le Président, M. le député de Shefford a
parlé de la jeunesse. Il en parle, il en a parlé en commission
parlementaire, il en a parlé à peu près dans tous les
projets de loi, et je ne l'en blâme pas, M. le Président, parce
que, effectivement, c'est un dossier qui le préoccupe, et il en a
parlé à chaque occasion. La seule chose que je veux lui dire,
aujourd'hui, c'est qu'il est illusoire... Lui-même qui a
été député en cette Chambre depuis 1981... M. le
Président, un projet de loi ça ne s'improvise pas, malgré
toutes nos bonnes intentions. Quand il nous disait: II faut qu'au niveau de la
protection de la jeunesse on inclue des amendements à la loi. Le juge
Jasmin n'a même pas fini son travail sur le plan des recommandations
qu'il doit nous faire. On va, au moins, au minimum, lui laisser le temps de
nous faire le rapport et qui, à l'automne, nous mènera à
des amendements législatifs concernant la jeunesse.
On a entendu parler d'adoption internationale, bien sûr, par Mme
la députée de Marie-Victorin, deux dossiers: toxicomanie,
adoption internationale. Évidemment, je comprends que la situation est
particulière et qu'il faut l'écouter. Quant à mon bon ami,
le député de Joliette, qui a déjà été
ministre de la Santé et des Services sociaux, il a brièvement dit
qu'on avait commencé à l'envers. M. le Président,
l'important, pour tout le monde, c'est qu'on arrive à temps, tout le
monde en même temps. Et, politique de santé, bien-être, la
loi 120, la loi d'application que nous sommes à faire, à ce
moment-ci, que nous sommes à adopter, c'est une loi technique qui a
certains éléments de fond, il faut l'admettre, bien sûr, et
c'est pour ça qu'on a eu des séances préparatoires, dans
le but qu'effectivement, ça soit très transparent et qu'on puisse
avoir le meilleur projet de loi possible.
C'est avec ça qu'on va travailler, avec l'Opposition, avec mes
collègues ministériels, parce que notre objectif est de faire en
sorte qu'on ait le meilleur des projets de loi possible et la meilleure
réforme possible. Elle sera imparfaite, d'autres la corrigeront en cours
de route, mais on aura fait le plus gros du travail, et tout ça, pour le
bénéfice des citoyens, m. le président. c'est notre
objectif.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que la motion
proposée par le ministre de la Santé et des Services sociaux,
proposant l'adoption du principe du projet de loi 15, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant l'application de la Loi sur les
services de santé et les services sociaux et modifiant diverses
dispositions législatives, est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des affaires
sociales
M. Bélisle: oui, m. le président. je fais motion
pour que ledit projet de loi 15 soit référé à la
commission des affaires sociales pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
est adoptée?
M. Bélisle: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: Je fais motion pour ajouner nos travaux
à 20 heures, ce soir, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, à votre
demande, je vais suspendre les travaux jusqu'à 20 heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 9)
Décision du président sur la
recevabilité
d'une question de privilège soulevée
par
le leader de l'Opposition à la
période
des affaires courantes
Le Président: Veuillez prendre place, s'il vous
plaît.
Je vais maintenant rendre la décision sur la recevabilité
d'une question de privilège soulevée par le leader de
l'Opposition, ce matin, au début de la séance.
J'ai reçu, dans les délais prévus, un avis de
question de privilège de la part du leader de l'Opposition officielle.
Celui-ci signalait une vio-
lation de privilège de même qu'un outrage au Parlement
qu'aurait commis le député de D'Arcy-McGee en contrevenant aux
paragraphes 7° et 10° de l'article 55 de la Loi sur l'Assemblée
nationale. En outre, le député aurait outragé la Chambre
en dévalorisant et en ridiculisant le rôle de cette
dernière. Des documents étaient joints à l'avis du leader
de l'Opposition. Les faits au soutien de cette question peuvent être
résumés comme suit.
Le député de D'Arcy-McGee a déposé
récemment, soit le 25 mai dernier, une requête en jugement
déclaratoire et en annulation ayant trait à certaines
dispositions de la Loi sur la consultation populaire et qu'il juge contraires
aux chartes des droits. Le 27 mai dernier, le député de
D'Arcy-McGee faisait parvenir une lettre au ministre
délégué à la Réforme électorale, avec
copie au leader de l'Opposition officielle et au Directeur
général des élections, dans laquelle il fait valoir sa
préférence à ce que la loi référendaire soit
modifiée par le biais du projet de loi 36. Des discussions possibles
avec l'Opposition sont évoquées pour régler un
problème et l'on fait valoir que, dans cette perspective, l'action en
justice n'aurait alors plus de raison d'être. Dans une lettre
datée du 28 mai, le ministre fait part de son étonnement au
député de D'Arcy-McGee devant les moyens utilisés par ce
dernier pour faire état d'une problématique qui aurait pu
être soulevée devant le comité consultatif
compétent. Finalement, dans une lettre du 29 mai dernier, le
député de D'Arcy-McGee renouvelait sa demande auprès du
ministre pour une solution qui serait de nature à le satisfaire. (20 h
10)
Après avoir examiné la question de privilège
soulevée par le leader de l'Opposition officielle, j'en viens à
la conclusion que les faits ne m'apparaissent pas suffisants pour me permettre,
à ce moment-ci, de croire qu'il y a, prima facie, une violation de
privilège ou un outrage au Parlement. Cependant, je me permets, à
titre de président de l'Assemblée, d'émettre les
observations suivantes. Dans le cadre des divers débats
démocratiques qui ont cours au coeur de la société
québécoise et qui connaissent leur prolongement dans cette
enceinte, les rapports de force sont nombreux et de différents ordres.
Ainsi, nul ne se surprend si le partisan d'une idée use de tous les
moyens légitimes pour la faire progresser, c'est dans l'ordre des
choses. Il est aussi reconnu solennellement dans la Charte
québécoise des droits et libertés que toute personne a
droit de faire déterminer ses droits et obligations par un tribunal
indépendant. Le recours au pouvoir judiciaire est un des fondements de
notre société libre et démocratique. Le partisan d'une
idée peut légitimement faire reconnaître ses droits et
obligations par les tribunaux. Je ne trouve jusque-là rien à
redire.
Toutefois, il m'apparait inélégant et non approprié
de mettre en rapport les recours judiciaires et des initiatives parlementaires
dans le but de favoriser l'adoption d'éventuelles modifications à
une loi ou à un projet de loi. Cette remarque prend encore plus de poids
lorsque c'est un parlementaire qui est l'initiateur de telles mesures. Il faut
éviter que les interventions auprès des pouvoirs
législatif et judiciaire puissent être mises en situation
d'angatonisme. Autrement, chacun de ces pouvoirs pourrait se voir
détourné de sa mission première. Les propos du
député de D'Arcy-McGee pourraient nous faire croire qu'il
poursuit un tel objectif. Chose certaine, ils dénotent une
méconnaissance de la division des pouvoirs dans notre régime
politique. Je crains que le député n'ait agi imprudemment et il
devrait laisser suivre leur cours régulier aux mesures se
déroulant, pour l'une, dans un cadre judiciaire et, pour l'autre, dans
le cadre du forum législatif. Les méthodes de négociation
du député pour faire valoir ses prétentions auprès
de ses collègues devraient tenir compte de cette
réalité.
Ces remarques étant faites, je ne crois pas devoir permettre que
cette affaire aille plus loin. En conséquence, je rappelle que les faits
invoqués par le leader de l'Opposition officielle et
député de Joliette ne m'apparaissent pas suffisants pour donner
ouverture à une question de privilège au sens strict de notre
règlement et des usages parlementaires.
Maintenant, nous allons poursuivre les travaux de l'Assemblée. Je
vais demander au leader adjoint du gouvernement de m'indiquer le sujet qui fera
l'objet de nos débats.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 29 de notre feuilleton.
Projet de loi 36 Adoption du principe
Le Président: À l'article 29 de notre feuilleton,
M. le ministre délégué à la Réforme
électorale propose l'adoption du principe du projet de loi 36, Loi
modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire.
Alors, je cède la parole à M. le ministre
délégué à la Réforme électorale.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. C'est avec une certaine satisfaction que j'ai
déposé et que nous étudions, ce soir, un projet de loi qui
a certaines conséquences et qui nous interpelle sur la Loi
électorale, sur la loi sur le financement et aussi sur la loi
référendaire. M. le Président, c'est un travail de longue
haleine et c'est une modernisation de nos lois pour tenter de les adapter aux
réalités élec-
torales et référendaires d'aujourd'hui. C'est donc avec
une satisfaction renouvelée que nous nous retrouvons devant cette
Assemblée pour faire adopter le projet de loi 36, qui, à tout le
moins, au niveau de la Loi électorale et de la loi sur le financement, a
fait l'objet de multiples consultations et d'échanges avec les membres
du comité consultatif, alors que la loi référendaire,
quant à elle, pour la majeure partie de ses éléments, n'a
pas été discutée à ce comité puisque ce
comité n'est pas saisi des questions relatives à la loi sur les
référendums.
À cette satisfaction du travail accompli s'ajoute une certaine
fierté quant au contenu et à la démarche empruntée
pour en arriver à la rédaction de ce projet de loi. L'objectif
premier qui a guidé le gouvernement dans la rédaction de
certaines modifications aux règles applicables à la tenue d'une
élection et d'un référendum était d'abord et avant
tout la primauté absolue de l'électeur et des droits
démocratiques sur les mécanismes qui en régissent
l'exercice. Le projet de loi 36 - et vous pourrez le constater à sa
lecture, M. le Président - traduit dans ses dispositions cette
préoccupation.
Relativement aux modifications proposées à la Loi
électorale, permettez-moi, M. le Président, de vous les
énumérer et de préciser certains détails
spécifiques quant à leur nature. Ce projet de loi modifie la Loi
électorale afin de fixer à deux ans le délai d'absence du
Québec pendant lequel un électeur conserve le droit de vote lors
d'une élection. Ces électeurs ont acquis ce droit lors des
amendements apportés à la Loi électorale en 1989. Si ma
mémoire est fidèle, à l'époque, c'était mon
collègue qui a quitté la politique, le député de
Gatineau, M. Gratton, et son vis-à-vis était l'actuel
député d'Abitibi-Ouest. Je précise que cette disposition
s'appliquera également lors de la tenue d'un référendum,
dans la mesure où cette auguste Assemblée donnait son aval et
adoptait ce projet de loi tel que proposé à
l'Assemblée.
Il y a lieu, également, d'améliorer certaines dispositions
de la Loi électorale concernant le recensement, les bureaux de
dépôt, la révision, le vote par anticipation, le vote des
détenus, le vote itinérant et l'établissement des bureaux
de vote. De façon plus spécifique, des mesures relatives au
recensement concernent le délai accordé pour les recommandations
des recenseurs au directeur du scrutin. Les heures de visite des recenseurs ne
devront pas excéder, dorénavant, 21 heures. Tout le monde le
sait, c'est une question d'ordre pratique, on n'aime pas toujours être
dérangé passé 21 heures le soir et, plus souvent
qu'autrement, les gens refusent d'ouvrir les portes, de sorte qu'ils ne se
retrouvent pas sur la liste électorale et ne peuvent pas exercer, par le
fait même, leur droit de vote.
Concernant la révision spéciale, cinq jours additionnels
sont ajoutés. Cette révision débutera donc le dimanche,
c'est-à-dire le quinzième jour avant le scrutin, au lieu du
vendredi, dixième jour avant le scrutin. Ces nouvelles modalités
permettront à un plus grand nombre d'électeurs d'y avoir
accès en temps utile, afin de pouvoir exercer leur droit de vote. De
plus, les électeurs incapables de se déplacer pourront, jusqu'au
jeudi de la deuxième semaine précédant celle du scrutin,
faire les demandes d'inscription et de correction à la liste
électorale nécessaires pour bénéficier du vote
itinérant.
Afin d'accroître la possibilité pour l'électeur
d'exercer son droit de vote, le directeur du scrutin sera autorisé
à établir des bureaux de vote à plus d'un endroit, si une
circonstance particulière le justifie. Les dispositions relatives
à l'exercice du vote des personnes hébergées dans un
centre d'accueil et un centre hospitalier sont améliorées de
façon à rejoindre le plus grand nombre d'électeurs.
M. le Président, je fais de l'organisation politique et de
l'activité politique depuis maintenant au-delà de 20 ans. Il y a
eu des améliorations considérables de cette loi. Le principe de
base, au fil de ces années, a toujours été de faire en
sorte que l'on facilite l'accès et le droit de vote des individus et non
pas d'empêcher les gens de voter. Ça a toujours été
la marque de commerce d'à peu près tous les partis politiques qui
se sont succédé aux responsabilités gouvernementales, et
le projet de loi qui est étudié par cette Chambre actuellement va
exactement dans le même sens.
Concernant le financement des partis politiques, les montants d'argent
prévus à la Loi électorale n'ont pas été
indexés ni actualisés depuis 1979. Des modifications sont donc
proposées concernant l'allocation aux partis politiques, les frais
d'adhésion à un parti politique, les contributions devant
être divulguées, les frais de vérification du rapport
financier et les frais pour la tenue d'une assemblée pour le choix d'un
candidat.
Nous avons également prévu des modifications concernant
les dépenses électorales ainsi que celles permises avant
l'expiration de la période prévue pour la production des
déclarations de candidature. Il en est de même pour les
dépenses ne pouvant être payées par un agent officiel sans
être justifiées par une facture. Nous avons tenu à mieux
encadrer le prix d'entrée à une activité à
caractère politique. De plus, afin d'éviter que les sommes dues
par un parti politique à un prêteur devenu impossible à
retracer ne deviennent indirectement une contribution, ces sommes devront
être remises au Directeur général des élections.
Également, les contributions faites contrairement à la loi
devront être remises au Directeur général des
élections. Notre projet de loi fait en sorte qu'il soit permis de faire
des dépenses de publicité pour identifier un local aux fins de
l'élection et pour annoncer une assemblée pour le choix d'un
candidat.
Certaines dispositions relatives au pouvoir du Directeur
général des élections sont également
modifiées. Ces modifications sont rendues nécessaires compte tenu
du fait que le Directeur général des élections est de plus
en plus sollicité par des pays étrangers et des organisations
internationales. (20 h 20)
M. le Président, dans le cadre du financement des partis
politiques et de la Loi régissant le financement des partis politiques,
donc, qui permet de solliciter auprès des électeurs et des
contribuables québécois des fonds pour alimenter les caisses
électorales des partis politiques, tout le monde a reconnu à
travers le monde que c'était une loi extraordinaire qui avait permis de
démocratiser et de mieux encadrer cette pratique électorale. Ces
montants n'ont pas été touchés depuis de nombreuses
années. Il faut, bien sûr, faire en sorte qu'on puisse, à
tout le moins, les indexer pour les rendre plus conformes à la valeur
d'aujourd'hui et à l'esprit de l'époque.
De la même manière, je mets au défi qui que ce soit
de tenter de faire aujourd'hui une campagne électorale avec les sommes
d'il y a 15 ans. Avec les augmentations considérables des coûts de
publicité, par exemple, auxquelles ont à faire face les candidats
et les partis politiques, il nous apparaissait primordial et même
équitable de faire en sorte qu'on puisse donner aux partis politiques,
aux candidats des différentes formations politiques les moyens
égaux et les possibilités de faire des campagnes
électorales d'aujourd'hui, tout en ayant la possibilité de faire
la cueillette de sommes dans des campagnes de financement comme nous en avons
connu, comme nos adversaires, le Parti québécois, commence
à en connaître. Évidemment, la divulgation en fin de
semaine du résultat de la campagne de financement que le
député de Joliette présidait a été une
remontée assez intéressante et qui permet, finalement, de faire
en sorte que les partis politiques, eux comme nous, soient dans la course et
aient les sommes d'argent nécessaires pour faire ces campagnes
électorales. Donc, modifications, modernisation,
dépoussiérage et adaptation de notre loi avec des montants
conformes à la réalité d'aujourd'hui.
Tout comme dans le cadre d'une élection générale,
les résidents hors Québec depuis une période
n'excédant pas deux ans et possédant la qualité
d'électeur pourront voter lors de la tenue d'un
référendum. Une petite pause, M. le Président, pour vous
expliquer qu'en 1989 nous avons décidé, comme parlementaires, de
manière unanime, de faire en sorte que les résidents
québécois, les gens du Québec qui habitent
l'étranger et qui demeurent citoyens canadiens, qui ont la
qualité d'électeur et qui sont à l'extérieur du
Québec depuis moins de 10 ans puissent avoir droit de vote. Ils ont
donc, à l'élection de 1989, eu l'opportunité de voter et
d'élire des députés et même de former le gouver-
nement, même si, évidemment, le secret du vote ne nous dit pas
pour qui ils ont voté. Mais le registre des électeurs
institué a permis à au-delà de 1000 personnes, à un
coût qu'on peut questionner, de voter, donc de choisir ceux qui allaient
les représenter à l'Assemblée nationale.
Ce que nous voulons faire par ce projet de loi, c'est faire en sorte
qu'on puisse, dans le cas d'un référendum, de la même
manière, permettre à ces gens qui ont pu se choisir un
député, un gouvernement, aussi de voter lors d'un
référendum et de répondre à une question qui sera
primordiale pour l'avenir du Québec et aussi du Canada.
Il y avait un problème, M. le Président, et, j'en
conviens, lorsqu'on disait qu'on allait harmoniser la loi
référendaire à la Loi électorale, on risquait de se
retrouver avec des gens qui avaient quitté le Québec depuis moins
de 10 ans, donc depuis 8 ans, depuis 9 ans, n'ayant à peu près
plus aucun intérêt au niveau du Québec, qui veuillent
s'inscrire sur la liste pour venir influencer le vote au niveau du
Québec. Il n'y a pas de statistiques très claires quant au nombre
de personnes qui auraient pu se prévaloir... Les meilleures indications,
et encore faut-il être très prudent, évoquaient plus ou
moins 400 000 personnes qui ont quitté le Québec et qui sont dans
le reste du Canada ou à l'étranger depuis 10ans et moins.
Si 400 000 personnes votaient demain dans un référendum
québécois où il y a plus ou moins 4 000 000
d'électeurs, ça signifierait plus ou moins 10 % du vote, et je ne
suis pas pleinement convaincu que ces gens-là pourraient
décemment répondre à une question qui les rende
éligibles au registre des électeurs, à savoir: Est-ce que
vous avez l'intention de revenir au Québec? Et la seule réponse
«oui» vous permettrait de vous enregistrer et, par le fait
même, de voter.
M. le Président, ce que nous avons décidé, c'est
qu'en le ramenant à 2 ans nous maintenons un principe important
d'individus qui, pour toutes sortes de raisons, vont servir notre pays à
l'étranger sur des bases militaires. Quelqu'un qui décide demain
matin d'aller faire un doctorat en France, en Allemagne, aux États-Unis,
dans le reste du Canada et qui quitte avec une intention manifeste de revenir
au Québec et de participer à la vie très active du
Québec, celui-là, donc moins de 2 ans, on lui donne le droit de
vote. Si on regarde les proportions, c'est plus ou moins 70 000, 80 000
personnes qui pourraient potentiellement se déclarer
intéressées et être sur le registre et,
éventuellement, avoir droit de vote. 11 y a donc à ce moment-ci
une harmonisation de la loi référendaire à la loi
électorale dans des conditions qui sont acceptables et normales pour
notre société.
Également, M. le Président, la période
référendaire qui est actuellement, de toute évidence,
à mon point de vue, trop longue est réduite sensiblement. En
effet, en se référant à l'expérience
de 1980 et en conformité avec les dispositions actuelles de la
Loi sur la consultation populaire, la période
référendaire, c'est-à-dire à partir du
dépôt de la question jusqu'au jour du scrutin, peut durer 84
jours. M. le Président, c'est trois mois. Certains délais seront
donc réduits afin de faire en sorte que cette période
référendaire soit d'une durée minimale de 47 jours,
allégeant ainsi le processus référendaire.
Il faut aussi préciser que le temps alloué aux
débats sur la question demeure le même, c'est-à-dire 35
heures. Il est clair, à mon point de vue, que 83 jours, pour des
débats aussi fondamentaux, pour des débats aussi importants qui
interpellent... Et Dieu sait qu'on a encore frais à la mémoire
les échanges de 1980 qui ont divisé des familles, qui ont
interpellé des gens au niveau de la raison, au niveau du coeur et qui
ont fait qu'il y a eu des blessures profondes dans un certain nombre de
familles à travers le Québec. Il nous faut tenter, autant que
possible, de faire en sorte que nous soyons toujours dans un régime
démocratique où les gens peuvent s'exprimer, mais dans une
période qui est davantage convenable. Dans la mesure où nous
aurions, par exemple, un référendum le 26 octobre, tenu le 26
octobre, nous pourrions discuter de la question, à l'Assemblée
nationale, le 9 septembre. Il est clair et bien évident que le mois
d'août sera consacré à des échanges concernant le
référendum et que, pendant cette période aussi qu'on peut
appeler «prépréréfendaire», il y aura des
échanges; les gens pourront discuter, échanger, puisque nous
serons dans une situation où, éventuellement, le gouvernement
fédéral aura ou n'aura pas fait d'offres au Québec. En ce
sens-là, la période est définitivement raccourcie. Il y a
des économies quant à raccourcir cette période et il y a
aussi tout le temps qu'il faut pour que les gens puissent très
clairement s'exprimer partout à travers le Québec et que le choix
soit, autant que possible, clair.
Il est également prévu qu'une nouvelle carte
électorale - parce que, semble-t-il que c'est dans l'air - sera
même déposée demain à cette Assemblée. Donc,
cette carte électorale ne pourrait être mise en vigueur à
l'occasion de la tenue d'un éventuel référendum ou d'un
référendum éventuel. Cette précision exclut donc le
risque de ne pas disposer de toutes les informations et de tout le
matériel nécessaire à la tenue du recensement pour une
telle consultation. La même considération d'actualisation
prévaut pour les montants maximums des dépenses admissibles et
des sommes que peut transférer un parti politique à un
comité national. (20 h 30)
Notons qu'il sera possible pour un même électeur de
contribuer pour une somme maximale de 3000 $ à chacun des comités
nationaux. La disposition actuelle limite à 3000 $ la somme pouvant
être contribuée à l'ensemble des fonds du
référendum. Ainsi, le financement concernant le
référendum sera le même que le financement d'une
élection ou la contribution qu'on peut donner à un parti
politique. Cette nouvelle disposition s'harmonise donc avec les modifications
apportées à la Loi électorale en 1989. Enfin, tous les
amendements proposés à la Loi électorale, lorsque ceux-ci
sont applicables, sont transposés dans l'appendice 2 de la Loi sur la
consultation populaire.
M. le Président, j'exprimais dès le début de mon
intervention ma fierté quant à la démarche
empruntée pour en arriver à la rédaction du présent
projet de loi 36. Je tiens donc à préciser que les amendements
proposés à la Loi électorale sont le résultat d'un
consensus exprimé par les partis politiques représentés
à l'Assemblée nationale. Dès le début du processus,
il a été possible d'identifier les amendements souhaitables suite
à une mise en commun de propositions destinées à
améliorer la Loi électorale.
À ce titre, deux groupes de travail composés de
parlementaires, de représentants des partis politiques ainsi que de
certains membres du personnel du Directeur général des
élections furent formés afin de proposer et d'analyser des
amendements possibles à la Loi électorale, un premier groupe
devant analyser les dispositions concernant le scrutin, et le second les
aspects relatifs au financement. De ces deux groupes de travail se sont
dégagés des consensus qui sont à l'origine des
propositions contenues dans le projet de loi. Par la suite, le comité
consultatif a tenu une réunion afin de donner son avis sur les derniers
amendements proposés. Ce comité consultatif, rappelons-le, est
institué par la Loi électorale et se compose de parlementaires.
Le Directeur général des élections en assure la
présidence. Ces échanges se sont donc effectués dans un
climat de respect mutuel, guidés par un objectif commun, celui de la
primauté de l'électeur et des lois démocratiques.
Je veux remercier très sincèrement tous les
parlementaires, le député de Joliette, le député de
Jonquière, mon collègue de Taschereau, de leur travail, de leur
assiduité quant à ces travaux, et remercier de manière
particulière le Directeur général des élections et
son équipe, qui nous ont prêté main forte de même que
le Secrétariat à la réforme électorale.
En terminant, je me permets d'exprimer le souhait que les amendements
proposés par le projet de loi 36 fassent en sorte que les deux lois
qu'ils modifient continuent de traduire le plus fidèlement possible les
aspirations et les besoins des électeurs. J'invite donc, M. le
Président, les membres de cette Assemblée à voter
unanimement les règles qui nous régiront pour les prochaines
élections et pour le prochain référendum. M. le
Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
ministre délégué à la Réforme
électorale, et je reconnais maintenant M. le
leader de l'Opposition officielle et député de
Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, tout d'abord je distinguerai dans mon allocution les deux
types de modifications qui sont apportées par le projet de loi 36, parce
qu'il s'agit de deux domaines qui, bien qu'apparentés, sont de nature
assez différente, tant sur le plan du contenu que sur la méthode
de travail pour en arriver à leur insertion dans le projet de loi.
Tout d'abord, M. le Président, il y a celles qui concernent la
Loi électorale proprement dite. Ces modifications qui touchent diverses
facettes de la Loi électorale sur les plans du financement et de
l'organisation font suite aux travaux du comité consultatif sur la Loi
électorale qui, lui, tire son existence des articles 514 et suivants de
la Loi électorale. Ce comité regroupe des représentants,
comme le disait le ministre, de tous les partis représentés
à l'Assemblée nationale et procède par consensus sur le
type de modifications que les partis politiques désirent voir être
présentées par le gouvernement à l'Assemblée
nationale. Les modifications contenues dans le projet de loi 36 font
effectivement suite à des consensus obtenus lors des discussions du
comité et qui ont été entérinés
subséquemment par le Conseil des ministres. J'y reviendrai, d'ailleurs,
à la fin de mon exposé.
Deuxièmement, M. le Président, il y a des modifications,
cependant, qui sont apportées à la Loi sur la consultation
populaire. Malheureusement, et ce, contrairement à ce qui s'est produit
dans la Loi électorale, le gouvernement n'a pas choisi de rechercher un
quelconque consensus au niveau des partis politiques, et nous n'avons pu
prendre connaissance des décisions gouvernementales que lors du
dépôt du projet de loi, à savoir le 14 mai dernier.
Évidemment, le comité consultatif n'a pas, techniquement,
autorité sur la Loi sur la consultation populaire. Mais, tout de
même, un gouvernement qui veut consulter et rechercher un consensus en
ces matières peut convoquer toutes les réunions qu'il veut, et
nous nous serions fait un devoir, j'en suis convaincu, d'y participer pour
tenter de trouver des terrains communs d'entente. Cependant, M. le
Président, le ministre, sans doute, comprendra jusqu'à quel point
les propositions d'amendement apportées à la Loi sur la
consultation populaire nous préoccupent grandement, au-delà du
fait qu'elles font sans doute partie, pour le gouvernement actuel, de son plan
de stratégie constitutionnelle.
Mais examinons d'abord ces amendements sur les consultations populaires.
Tout d'abord, le scrutin référendaire aura lieu le
cinquième lundi qui suit le jour de la prise du décret. Qu'est-ce
que ça veut dire, ça, M. le Président? Ça veut
dire, à toutes fins pratiques, que la période
référendaire proprement dite ne pourrait durer que 29 jours,
contrairement à 8 semaines, comme c'est le cas présentement dans
la Loi sur la consultation populaire. Je vous avoue que c'est toute une
différence. Et même si, entre vous et moi, on a trouvé la
période référendaire de 1980 un peu longue, je pense qu'il
y aurait eu place à discussion entre 29 jours et 8 semaines.
Deuxièmement, je pense qu'il faudra combiner cela avec le fait
d'un nouvel échéancier puisque, si j'ai bien compris la loi qui
est sur la table au niveau de la consultation populaire, il y aura 18 jours
pour étudier la question. Et, dans ces 18 jours-là, on fera
naturellement le recensement. Et à partir de l'émission du
décret, là, c'est 29 jours pour la période
référendaire proprement dite, la période active. Ce qui
m'apparaît très court comme délai, dans cela, c'est la
période où on choisit de se brancher dans un camp ou dans un
autre. C'est relativement court.
Il y a également quelques pouvoirs qui m'apparaissent un peu
utopiques ou dangereux, en tout cas, au niveau de cette loi, parce qu'on semble
déterminer d'avance que les partis seraient dans des camps
différents: en disant que le premier ministre et le chef de
l'Opposition, par exemple, choisissent les scrutateurs; en disant, par exemple,
que les greffiers, au niveau des tables de vote sur le
référendum, sont choisis sur recommandation de l'un et de
l'autre. Il est possible encore... Je ne suis pas encore devin, mais il
pourrait être possible qu'il y ait un seul parapluie, un seul
comité-parapluie. Vous allez me dire: II y a Equality, j'en parlerai
tantôt. Mais au niveau des deux formations politiques, il est possible
encore, je ne le sais pas, moi, à supposer que les offres du
fédéral soient complètement nulles et qu'on soit tous
d'accord pour se brancher contre ses offres, à supposer que ce soit un
référendum sur les offres, donc, il est possible qu'on se trouve,
à ce moment-là, dans le même clan, dans le même camp.
C'est possible. On ne sait pas.
À ce moment-là, il faudra au moins discuter, sur le plan
juridique, article par article, ce qu'on fait dans un tel cas. Est-ce qu'on
laisserait, par exemple, à un ou deux individus dans le Parlement le
soin d'enclencher tout un processus de comités-parapluies? Je ne le sais
pas, d'autant plus que j'ai l'impression qu'il pourrait y en avoir quatre, ils
sont quatre. Si on se fie sur la réaction par rapport à la loi
référendaire canadienne, je pense qu'ils seraient 3000 membres et
ils auraient chacun un comité-parapluie. Il ne faut pas sombrer dans le
ridicule dans une telle loi. Je ne pense pas que ce soit l'esprit, mais je
pense qu'à l'étude il y a quelque chose là à
resserrer au niveau de la législation comme telle. (20 h 40)
Donc, une période raccourcie, en soi, ce
n'est pas dramatique, parce qu'on avait parlé, effectivement,
d'un délai passablement trop long, mais il faudra regarder
concrètement comment on agence les péripéties ou les
périodes ou les actions spécifiques. Est-ce qu'on peut
présumer, par exemple, que la période de 35 heures de discours
ferme sur la question peut être terminée dans les délais?
Il faudrait regarder parce qu'on sait qu'au Parlement on a tellement
d'imprévus. Il peut arriver, en motion, un débat d'urgence. Il
peut arriver un événement qui nous oblige à suspendre les
règles et à passer une loi sur un sujet quelconque, une loi
spéciale. Il y a une série d'événements qui peuvent
arriver, on ne peut pas présumer. Qu'arrive-t-il dans ce
temps-là? Est-ce qu'on peut s'ajuster? On le verra au niveau des
discussions, en tout cas, au niveau de l'étude article par article.
Voilà des questions, en tout cas, qu'on se pose au moment où on
se parle.
Quant à la partie traitant du droit de vote des gens de
l'extérieur, je comprends que le gouvernement a de beaucoup
diminué le délai, de 10 ans à 2 ans. Je ne peux pas
affirmer, sans passer pour quelqu'un de non crédible, que ce n'est pas
une amélioration, c'est une amélioration certaine. Mais, quant
à moi, je vous avoue très honnêtement, et quant à ma
formation politique, je me demande ce qu'on fait là, tout cet attirail
administratif à maintenir sur pied, et je ne sais pas à quel
coût, qui a amené 1043 votes précisément lors du
dernier scrutin; 1043 personnes se sont prévalues de ce droit-là,
de voter de l'extérieur. Personnellement, je demeure convaincu qu'on
aurait pu en arriver très aisément à dire: Que ceux qui
sont sur le territoire et qui veulent voter... Quelqu'un qui a quitté le
pays, qui a quitté son coin de pays, qui veut se prévaloir d'un
droit de voter ou d'influencer... Je suis content de voir que ce n'est pas 10
ans parce que, effectivement, quand on regarde le pourcentage des
départs, la majorité pourrait être entre les mains des gens
de l'extérieur, ce qui n'a aucun bon sens. Parce que tu peux avoir
choisi de quitter le Québec, pour toutes sortes de raisons très
personnelles, et c'est toi qui as le sort du Québec dans les mains alors
que tu as décidé de quitter il y a 10 ans, il y a 9 ans, il y a 8
ans, il y a 7 ans. Je pense que la notion de temps de 2 ans, encadrée un
tant soit peu... En tout cas, j'ai l'intention, probablement, de
présenter quelques amendements pour bien signifier que, si c'est un
Québécois qui a quitté le Québec temporairement,
qui a quitté, par exemple, parce qu'il est soldat
québécois dans l'armée canadienne et qu'il voudrait s'en
prévaloir, c'est différent de quelqu'un qui a quitté le
Québec parce qu'il avait la trouille, parce qu'il trouvait que ça
ne parlait pas assez français, parce qu'il était en fusil contre
l'affichage. C'est des raisons différentes, ça.
Un référendum sur l'avenir constitutionnel du
Québec, ça se décide par des Québécois. Que
l'on soit d'accord ou pas d'accord entre nous, ça se décide par
quelqu'un qui veut vivre au Québec, qui veut continuer de vivre au
Québec et qui veut influencer la vie du Québec, mais pas par
quelqu'un qui a choisi un autre pays parce qu'il ne veut plus du Québec.
Ça, je pense qu'on s'entend là-dessus. C'est pour ça que,
dans ce sens-là, je trouve que c'est une amélioration, mais qu'il
faudrait peut-être baliser ce délai-là par quelques
amendements, si c'est possible de le faire. Donc, M. le Président, sur
cette partie-là, je pense que nous discuterons positivement en y
apportant des amendements, en suggérant des amendements et en souhaitant
que ça soit vraiment pris au sérieux.
Quant à la partie du délai comme tel, quant au
délai de 90 jours, somme toute, qui était compris
antérieurement, je pense qu'en précisant certaines balises quant
aux étapes il y a moyen de discuter très sérieusement.
J'en arrive, M. le Président, au fait qu'au Québec, depuis
quelques années en particulier, il y a des spécialistes, en cette
Chambre et en dehors de cette Chambre, pour qui les chartes des droits et
libertés deviennent à peu près le seul argument qu'ils ont
sur tout. M. le Président, moi, je veux bien qu'on se serve de la Charte
des droits et libertés de la personne, surtout des droits individuels,
j'en suis également, mais, M. le Président, dans une
société organisée, dans une société
structurée, il y a aussi des droits collectifs. Sinon, on n'a pas besoin
de structures, de démocratie, si les droits individuels seuls existent
et priment sur tout.
Et, M. le Président, moi, j'étais en furie, c'est vrai,
contre un argument comme celui qui a été servi par le
député de D'Arcy-McGee qui, avant même de faire la
discussion ici, en cette Chambre, qui, avant même de se lever ici sur le
principe de cette loi, choisit, avec Me Julius Grey, de faire la bataille sur
cette loi devant les tribunaux, au moment où on ne l'a même pas
discutée en cette Chambre. Moi, ça m'apparaît abusif,
là. C'est du charriage, ça, M. le Président, de faire en
sorte qu'avant même qu'un Parlement... librement,
démocratiquement, qu'on se lève, qu'on dise ce qu'on pense sur
une loi, on nous menace déjà, et de façon non
élégante, comme l'a dit le président de
l'Assemblée, M. le Président, on essaie d'intimider les
parlementaires en disant: Si vous ne vous rendez pas à tel point,
à tel autre point, je m'excuse, je serai devant les tribunaux et, pour
vous prouver que je suis très sérieux, je suis déjà
devant les tribunaux.
M. le Président, moi, je ne l'accepte pas.
Démocratiquement, je pourrais me faire battre sur mes motions, mais j'ai
l'opportunité, au niveau de ce projet de loi là, de faire valoir
mon point de vue, de faire valoir le point de vue de notre formation politique,
de soutenir, de façon rationnelle les allégations que nous allons
faire, de soutenir les amendements que nous allons
faire, M. le Président, sans menacer un Parlement, avant
même qu'il n'ait eu l'occasion de se prononcer sur le principe d'une loi,
de poursuite devant les tribunaux.
Non, je ne l'ai pas pris, et c'est dans cet esprit-là que j'ai
déposé la motion de privilège que la présidence a
jugée insatisfaisante, et c'est son droit; je ne conteste pas la
décision du président. Je suis d'ailleurs très heureux de
voir que la présidence considère, tout comme moi, que c'est
inapproprié pour un parlementaire, ce n'est même pas
élégant pour un parlementaire de menacer de poursuite devant les
tribunaux avant même que le débat parlementaire ait eu lieu, avant
même qu'on se soit prononcé sur le principe de la loi, avant
même qu'on ait étudié, article par article, ledit projet de
loi en commission parlementaire. Ça va de soi, ça, pour
quelqu'un, qui ne se promène pas comme un matelot en goguette. Ça
n'a pas l'air d'être le cas du député de D'Arcy-McGee, M.
le Président. J'aurais aimé qu'il soit en cette Chambre et
j'aurais dit, avec encore plus de force, ce que je viens de dire, M. le
Président. Je considère qu'un parlementaire doit d'abord livrer
la bataille là où ça doit se faire, c'est-à-dire en
Chambre, dans les instances que nous fournit le Parlement pour pouvoir
débattre notre point de vue, débattre nos idées, essayer
de convaincre les gens qui sont dans cette Chambre de notre point de vue, si on
y croit fondamentalement.
Donc, M. le Président, il va de soi que je n'accepte pas la
position du député de D'Arcy-McGee et de son équipe
parlementaire. Pour eux, il pourrait exister 100, 200
comités-parapluies. L'argent que l'on prévoit ici, au
Québec, soit dit en passant, dans cette Loi sur la consultation
populaire, c'est pour donner démocratiquement chances égales aux
belligérants, s'il y a belligérants. Ça, c'est un principe
fondamental en démocratie, M. le Président. Ce n'est pas ce qu'on
lit dans le projet de loi fédéral présentement. Et, au
fédéral, M. le Président, c'est une première. Il
n'y en avait pas, de Loi sur la consultation populaire. La première loi
qu'ils votent là-bas, M. le Président, dans ce Parlement
canadien, ne permet pas des chances égales aux groupes, aux
belligérants, aux opposants au niveau des idées. Si bien qu'il y
a des groupes qui n'auront pas un sou, M. le Président, pour
défendre leurs idées, et ceux qui partageront les mêmes
idées, eux autres, vont en avoir à la tonne. Ça, c'est
anormal en démocratie, M. le Président, et ça se passe
présentement dans le gouvernement canadien.
J'étais heureux, personnellement, d'entendre le ministre
délégué à la Réforme électorale dire:
C'est une des lois, ici, au Québec, qui est bien vue à travers le
monde. Et on fait appel au Québec à travers le monde,
présentement, M. le Président, pour qu'on aille leur expliquer
notre vision du découpage électoral que l'on fait ici, la Loi sur
la consultation populaire, notre Loi électorale. On a de l'influence
à travers le monde, M. le Président. Des pays qui aspirent
à leur démocratie font appel au Directeur général
des élections, ici, au Québec, et on le prête; et on va
même mettre ça dans la loi. Et, positivement, les deux partis ont
adhéré à cela, unanimement. (20 h 50)
M. le Président, le pays dans lequel on est de par la
Fédération canadienne ne tient pas compte des bienfaits de la loi
québécoise. Il nous imposera une Loi sur la consulation
populaire, M. le Président, sans qu'il y ait des chances égales
aux idées différentes. C'est ça, le Canada
démocratique, M. le Président? C'est ça, la
démocratie de M. Mulroney? C'est ça, la chance à la
démocratie de s'exprimer correctement et équitablement, M. le
Président?
M. Mulroney a dégringolé dans la tête de plusieurs
Québécois, y compris des non-souverainistes. En démocratie
quand on octroie la capacité de faire, on doit le faire pour tout le
monde, tout le monde, M. le Président. Il y a des formations politiques
au fédéral qui n'auront pas un sou pour faire valoir leurs
idées, parce que M. Mulroney n'est pas d'accord avec leurs idées.
C'est une drôle de conception de la démocratie. Il pourrait
être aussi bien président d'une république de bananes de la
manière dont il se comporte présentement, et il serait
jugé à juste titre comme se comportant exactement comme un
président de république de bananes. Dans les régimes
démocratiques on accepte qu'il y ait de l'opposition. Dans un
régime démocratique on accepte de donner les moyens financiers
aux opposants pour qu'il y ait des chances égales de faire valoir des
idées. Ce n'est pas cela que l'on retrouve, M. le Président, dans
la Loi sur la consultation populaire à Ottawa.
Je comprends que le groupe Equality s'apparente beaucoup plus à
ça, je le comprends. Je comprends, M. le Président, mais ils vont
arrêter, par exemple, en cette Chambre de nous dire continuellement que
les lois démocratiques leur donnent droit à tout. Une
société organisée doit respecter les droits individuels,
mais doit réclamer également des droits collectifs, sinon les
libertés individuelles poussées à outrance conduisent
carrément à l'anarchie, si on ne veut pas une
société structurée et organisée. Il faut faire
attention à ce qu'on fait. Il faut faire attention à ce qu'on
dit, sinon on s'en va où dans une société non
structurée, non organisée où les principes de base
d'équité dans la démocratie ne sont pas
respectés?
Je dis à M. le député de D'Arcy-McGee par votre
intermédiaire, M. le Président, qu'on n'est pas dans une cour
d'école ici, on est dans un Parlement. On n'est pas sur un bateau,
habillé en matelot en goguette, on est dans un Parlement. Dans un
Parlement, les droits collectifs d'une société, ça doit se
respecter, tout en ayant comme base, bien sûr, une charte des droits
et
libertés individuelles. Ça, ça se fait dans une
société dite démocratique, dite organisée. Non
seulement, c'est inélégant ce que vous avez donné comme
version à la présidence, mais à mon point de vue, c'est
même irresponsable, voire même indigne d'un parlementarisme,
indigne d'un parlementaire qui a à faire la joute - et je l'appelle de
même - à débattre des idées, à convaincre.
Par la suite, si nos convictions personnelles, après une bonne bataille
en cette Chambre, nous conduisent à dire qu'on n'est pas d'accord et que
certains droits sont affectés, là, il reste des tribunaux
supérieurs dans le domaine de la justice pour interpréter les
décisions ici, mais pas avant, par une forme de chantage
éhonté, en essayant de brimer les droits des parlementaires de
s'exprimer.
Donc, M. le Président, nous allons collaborer à la
discussion très sérieusement sur la Loi modifiant la Loi
électorale et la Loi sur la consultation populaire. Nous allons proposer
des amendements. Nous allons faire en sorte de bonifier ce projet de loi. Quant
aux amendements de la Loi électorale, comme le disait la ministre
délégué à la Réforme électorale, nous
avons procédé par consensus au niveau de cette loi. Donc, c'est
vrai que tous les amendements qu'il y a dans la loi ont fait l'objet de
consensus.
J'ai été heureux de constater que, sur ce point, le
député de D'Arcy-McGee a abandonné son idée de ne
pas rendre publique la divulgation de ceux qui avaient des dons. Il a eu l'air
d'abandonner en cours de route. Vous savez que le Parti Égalité
avait l'intention de contester le fait de divulguer les dons électoraux
qui dépassaient 100 $. Comme nous avons actualisé ces sommes...
C'est vrai que ça fait depuis 1978 que ces sommes n'ont pas
été touchées. C'est évident que pour faire une
élection aujourd'hui avec la même somme qu'en 1978, ce serait
assez aberrant. Ce qu'on payait 10 $ en 1978, on le paie 24 $ ou 25 $
présentement. Donc, c'est évident qu'on étouffait toute
action politique possible. Ça, je le comprends et on a actualisé
non pas à la hausse, on a actualisé normalement les sommes
d'argent qui étaient disponibles en 1976 et 1978, on les a
actualisées.
Il y a également, je pense, quelques points qu'on pourra
clarifier. Il reste quelques points en particulier sur... Je pense, entre
autres... pas à la divulgation, mais au remboursement des partis
politiques. On sait que les partis ont discuté longuement entre eux. Ce
n'est pas tout à fait attaché, ces points-là, mais en
commission parlementaire on a l'intention de revenir pour essayer de faire des
suggestions. Il est évident que le travail du comité
consultatif... Et, pour le bénéfice de la Chambre, il serait
intéressant de parler du comité consultatif en matière
électorale. Les gens pensent, parce qu'on est de formations politiques
différentes, qu'on fait des deal, qu'on «gamique» des choses
ou, encore, que ça s'est passé... Ce sont des discussions
très longues qui ont eu lieu depuis des mois et des mois, pour ne pas
dire des années, M. le Président, entre nos spécialistes
à nous autres et entre parlementaires. Il n'y a pas, dans ça, une
seule exagération, que je sache. Au contraire, je le disais
tantôt, quand on normalisait, qu'on harmonisait ou qu'on actualisait les
sommes, on l'a fait à la baisse partout.
Par exemple, le maximum permissible dans une campagne de financement,
c'était 3000 $. On a dit - ça a évolué, ça -
non. On est resté à 3000 $. On a dit: On ne dépasse pas
ça. 3000 $, c'est une somme assez importante qu'on n'est pas pour mettre
ça à 5000 $, même si l'actualisation nous aurait permis
5000 $. On a dit: Non, on bloque ça à 3000 $, c'était 3000
$. On ne l'a pas changé. Puis, pas de façon partisane, à
partir de principes qu'on avait sur le contrôle des dépenses
individuelles. On a dit: Les 100 $ pourraient être divulgués. Ils
vaudraient quelque 200 $ ou 310 $. On a dit: Non, on arrête à 200
$. C'est déjà un bond assez important dans l'actualisation, mais
rendons-nous pas à plus parce que c'est 280 $ pour le remboursement. On
n'est pas pour mettre plus que le remboursement. Ça été
des questions de principe aussi fondamentaux que ça qui ont
prévalu, M. le Président, et je pense que, moi aussi, je voudrais
remercier un bonhomme comme Francis Dufour du comté de Jonquière,
le député de Taschereau, le ministre, et nos techniciens qui ont
travaillé avec nous, les gens de notre parti, où on a
assisté à des discussions à la fois de principe, à
la fois de «raisonnabilité», si vous me permettez
l'expression. On n'a pas rêvé en couleur là-dessus et on
n'a pas cherché à dire: On serait mûr pour ça. Si on
avait été mûr pour se lâcher, c'eût
été facile après quelque chose comme 14 ou 15 ans sans
toucher une loi. Mais, au contraire, je pense qu'on a voulu, de façon
raisonnable, garder les limites, mais tout en rendant cela au moins potable et
acceptable dans les circonstances. Et ça, M. le Président, il
faut le dire quand les choses se passent de cette façon-là, sans
charriage.
M. le Président, il y aura également un mandat de la part
du ministre. Je crois avoir compris que, bientôt, il déposera une
motion en cette Chambre donnant un mandat spécifique au président
des élections quant à la carte de l'électeur. On sait que
ça arrive quelquefois qu'il y a des morts qui votent, qu'il y a certains
télégraphes qui se passent dans les villes en particulier. Moi,
personnellement, je vous dirai qu'on est d'accord pour qu'on se penche
très sérieusement sur la carte d'électeur parce que, en
1982, le ministre actuel se rappellera - en 1982, je crois qu'il était
de l'Opposition; il était recherchiste, M. le Président. Il
conseillait probablement l'Opposition. Mais, en 1982, lorsque nous avions
amené ce sujet sur la table, ça a été une
levée de boucliers et les libéraux étaient ici à la
place que j'occupe. (21 heures)
Mais, M. le Président, les idées ont mûri. Je pense
qu'au lieu de faire des recensements à tout moment on s'en irait vers
une liste permanente avec une carte d'électeur. Je pense que, tôt
ou tard, ces idées-là doivent faire leur chemin. Rappelez-vous
quand on a parlé de la carte santé il y a quelques années,
il y avait eu une levée de boucliers. Je me rappelle, toutes les ligues
qui bougeaient disaient: Ça n'a pas d'allure! Mais les citoyens qui sont
dans les ligues, ils paient pour les 300 000 ou 400 000 cartes santé.
Puis, c'est la même chose au niveau de... Plus on grossit, qu'on a une
pluralité de citoyens, comme c'est le cas à Montréal, plus
ça devient important d'accorder le bon droit de vote, mais au bon
individu. Je pense qu'il faut se pencher sur ces choses-là. Puis, la
carte permanente! Il y a des gens de Montréal qui sont venus nous dire -
puis ça doit être la même chose du côté du
gouvernement - Mais les gens ne sont pas inscrits! Bien oui, ils ne sont pas
inscrits. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas les inscrire. On se
promène de balcon en balcon puis de perron en perron. Puis il faut
monter des étages et des étages. Puis, après huit fois, il
n'y a personne là. Quelqu'un qui sait qu'il a un droit de vote dans un
pays, il pourra s'inscrire, puis son inscription sera permanente. Ce qu'il
pourra modifier, c'est son déménagement. Et, ça, ça
pourrait être intéressant.
Moi, en tout cas, personnellement, M. le Président, j'ose
espérer que ce mandat-là ne sera pas un mandat de principe pour
donner un rapport éventuel qui dormira sur les tablettes. Je pense qu'il
faut s'y pencher très sérieusement dans la conjoncture actuelle,
puis donner un mandat qui va déboucher sur quelque chose de concret,
quelque chose de positif dans notre régime démocratique. Autant
on sent le besoin, sur le plan budgétaire, de contrôler les
différents actes posés par des corps médicaux pour la
réception de services, par exemple, en santé, autant je pense
qu'aussi, sur le plan démocratique, il faut avoir à coeur d'avoir
un vote représentatif réel et qui corresponde à la
réalité.
Donc, M. le Président, en un mot, si je me résume, le
projet de loi a fait l'objet de consensus, oui, des deux partis politiques dans
cette Chambre au niveau de la réforme électorale, au niveau de la
Loi sur la consultation populaire. Parce que, dans le projet de loi, il faut
bien distinguer deux parties. Il y a une partie qui amende la Loi
électorale, qui a fait l'objet d'un consensus, et il y a une partie qui
amende la Loi sur la consultation populaire. Et en ce qui regarde la Loi sur la
consultation populaire, ça n'a pas fait l'objet de discussions parce
qu'on n'est pas assujettis, en vertu de cette loi, à un comité
consultatif, comme c'est le cas pour la Loi électorale.
Mais j'ose espérer qu'en commission parlementaire nous pourrons
faire en sorte que ces deux lois qui sont quand même une assise de notre
démocratie, assise de notre démocratie, M. le Président,
qui, soit dit en passant, fait la fierté du Québec... Je parlais
tantôt du fait que le DGE est souvent appelé à parler
à l'extérieur, dans des pays, pour la tenue de votes. Il est
consulté par les Nations unies. Il est consulté par beaucoup
d'organisations internationales. On va l'officialiser, le pouvoir, dedans. M.
le Président, si on est capable d'exporter notre talent, comme c'est le
cas présentement, et de le concrétiser par législation sur
les règles démocratiques, ça confirme davantage que les
leçons de démocratie que l'on tente de faire au Québec
sont très injustifiées, parce que le Québec est, de loin,
un des coins de pays les plus avant-gardistes quant aux règles minimales
de la démocratie, M. le Président. Et ceux qui sont dans ce
Parlement devraient se le tenir pour dit parce que, entre vous et moi, c'est
souvent quelques hurluberlus de l'intérieur qui considèrent qu'au
Québec on attaque les droits les plus fondamentaux de la
démocratie. Qu'ils aillent donc vivre dans certains pays qui font appel
au Québec précisément parce que c'est au Québec
qu'on a les règles de financement, les règles de comportement,
les règles de fonctionnement qui sont la base même de la
démocratie, démocratie qui est enviée, démocratie
que l'on cherche à connaître. Si bien qu'on votera une loi, dans
quelques heures, démontrant que le Québec a une expertise
tellement forte qu'on peut maintenant exporter ces connaissances-là
à travers le monde.
Donc, au Parti Égalité, un petit message. Ils devraient
comprendre ça, M. le Président, que c'est le Québec qui
est à l'avant-garde et que le pays même auquel ils tiennent comme
à la prunelle de leurs yeux n'est même pas capable, dans sa propre
loi sur les consultations populaires, d'accorder ce minimum de
démocratie que l'on donne au Québec. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Joliette et leader de l'Opposition officielle. Je
rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à
l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 36, Loi modifiant la
Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire. Et je reconnais
M. l'adjoint parlementaire du ministre de l'Industrie et du Commerce et
député de Taschereau. M. le député, la parole est
à vous.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis heureux
d'intervenir sur le projet de loi 36, Loi modifiant la Loi électorale et
la Loi sur la consultation populaire. M. le Président, je vous signale
dès le départ que je serai très bref. Le ministre
délégué à la Réforme électorale et le
leader de l'Opposition nous ont brossé un tableau très clair et
très net des tenants et des aboutissants de la loi que nous
étudions ce soir. Ce
qu'il est important de réitérer à cette Chambre et
à la population, c'est le consensus qui a été
recherché depuis le début par le gouvernement et par le ministre.
Je sais combien le ministre a mis d'effort, combien le ministre a mis d'heures
de consultation et de discussion avec l'Opposition pour en arriver à une
unanimité et à un consensus quasi complet sur les dispositions
législatives que nous étudions ce soir.
M. le Président, le leader de l'Opposition en faisait
état, le comité consultatif s'est réuni, les experts des
deux principaux partis et du Parti Égalité se sont
rencontrés pour échanger ensemble sur leurs expériences
des dernières élections, sur les bonifications que proposait
chacun des partis. Oui, M. le Président, c'est comme ça que
ça se passe lorsqu'on étudie la Loi électorale. Les
experts des différents partis, que ce soient les experts juridiques, les
experts financiers, les experts en organisation des différents partis,
se rencontrent pour échanger ensemble sur des bonifications à
apporter à la Loi électorale, ce qui permet ensuite aux
élus de prendre un certain nombre de décisions et de proposer
à cette Chambre des dispositions législatives, et c'est celles
que nous retrouvons dans le projet de loi 36 que nous étudions.
Donc, c'est important de faire savoir à la population comment ce
genre de loi... Il faut bien l'admettre, sur le fond, c'est une loi bien
spéciale, puisqu'elle régit la façon qui nous permettra de
nous faire réélire, ou qui permettra à nos formations
politiques de former le prochain gouvernement. Ce sont donc des lois
très sérieuses, très importantes pour notre système
démocratique, et ce sont des lois qui incitent tous les parlementaires
à des consensus, à une certaine unanimité.
M. le Président, vous me permettrez d'appuyer un certain nombre
de changements importants. D'abord, la loi que nous étudions modifie la
Loi électorale actuelle afin de fixer à 2 ans le délai
d'absence du Québec pendant lequel un électeur conserve le droit
de voter lors d'une élection. M. le Président, on se rappellera,
à la dernière élection, on avait permis à des gens
qui avaient quitté le Québec depuis 10 ans de voter - le leader
de l'Opposition en faisait état - et, somme toute, un petit nombre
d'ex-Québécois ou de Québécois temporairement
à l'extérieur se sont prévalus de ce droit.
Première résultante: un coût pour notre
société, pour notre système électoral relativement
dispendieux, compte tenu de l'usage et de l'exercice qu'on en a fait.
Deuxième constatation: Compte tenu du peu d'usage qui a
été fait, on peut remettre en question l'intérêt
qu'ont des gens qui ont quitté le Québec depuis longtemps de
participer au processus démocratique québécois. Ce n'est
pas nous qui en avons fait la preuve, ce sont eux-mêmes, puisqu'ils ont
voté en très petit nombre. (21 h 10)
Évidemment, le leader de l'Opposition y allait encore plus
largement, en disant qu'il fallait complètement remettre cela en
question et peut-être même aller jusqu'à l'abolir.
Evidemment, sur le plan financier, ce serait la solution la plus simple, la
plus facile. Par contre, il faut comprendre qu'un certain nombre de
Québécois, et c'est ce qui explique la nouvelle balise de 2 ans,
sont manifestement hors du Québec pour peu de temps, et pour des raisons
relativement indépendantes de leur volonté. Par exemple, un
soldat de l'armée canadienne; exemple: un ingénieur de Bell
Canada qui est appelé à se déplacer à
l'étranger pour des contrats d'un certain nombre de mois, voire d'un
certain nombre d'années. On a tout lieu de croire que ces
gens-là, non seulement veulent-ils revenir au Québec dès
leur affectation terminée, mais on a tout lieu de penser qu'ils se
considèrent encore tout à fait Québécois et qu'ils
ont l'intention et l'intérêt de participer au processus
démocratique.
Par conséquent, c'est ce qui explique la nouvelle balise de deux
ans qui permettra à des Québécois qui ont quitté le
Québec depuis moins de deux ans de participer, tant au processus
électoral qu'au processus référendaire. Donc, nous avons
là une diminution quant au coût, puisqu'un moins grand nombre de
personnes seront éligibles et, deuxièmement, un respect de la
logique fondamentale de notre système électoral, qui fait en
sorte que seuls les gens vraiment intéressés à revenir au
Québec et intéressés à ce qui se passe
politiquement au Québec auront dorénavant le droit de vote.
Le projet de loi actualise également les montants prévus
par la loi, tant au chapitre du financement des partis politiques qu'à
celui des dépenses électorales, sauf le montant maximum des
contributions d'un électeur. Ce qui veut dire, M. le Président -
et ça concerne, j'en conviens, un fort petit nombre de nos concitoyennes
et de nos concitoyens - que la limite actuelle qui prévaut, depuis 1978,
la limite de 3000 $ des contributions que les individus peuvent faire à
un parti politique demeure à 3000 $. Il s'agit donc là d'un
renforcement du caractère éminemment démocratique du
financement des partis politiques, où l'on veut que le plus grand nombre
de Québécois contribue aux partis politiques à des
montants les moins significatifs possible pour ces mêmes partis
politiques. On veut donc le plus grand nombre possible de donateurs, avec des
moyennes de dons qui sont les plus faibles possible. Donc, c'est ainsi que les
partis politiques seront le plus financés de façon
démocratique.
Donc, les trois partis politiques de cette Chambre ont
décidé de ne pas toucher à ce plafond-là qui est en
force depuis 1978. Par contre - et on en a fait état tout à
l'heure - les dépenses électorales seront actualisées, de
même que le financement des partis politiques qui provient de sources
gouvernementales. Tous
ceux qui, de près ou de loin, se sont un petit peu occupés
d'élections, dans le passé, savent très bien qu'un
très grand nombre de coûts reliés aux élections, au
processus électoral ont augmenté significativement depuis 1978.
Que l'on pense au coût de location d'un local. Dans bien des
comtés, c'est non seulement un local, mais souvent, plusieurs locaux
qu'il faut louer lorsque le comté est très étendu. Que
l'on pense également au service téléphonique. Comment
peut-on imaginer, en 1992, faire une élection sans un bon système
téléphonique? Et on sait tous, ici en cette Chambre et dans la
population, que ces coûts-là ont immensément
augmenté depuis 1978.
Il était donc normal que le législateur prévoie,
dans le respect de l'esprit de la loi 78, une actualisation des montants pour
faire en sorte que, bien qu'il n'y ait pas d'exagération dans les
dépenses électorales des partis, que l'on puisse minimalement
avoir accès aux fonds nécessaires pour faire une élection
qui se tient debout et pour faire connaître à ses électeurs
sa position.
M. le Président, voilà donc une actualisation des montants
qui est tout à fait logique et défendable. Évidemment,
également à l'article 14, je vous fais grâce des textes
plus législatifs, nous allons dorénavant commencer à
rendre publics les donateurs à partir de 200 $ plutôt qu'à
100 $. Il m'apparaît ici que nous retrouvons une disposition fort
intéressante. Le but de notre loi sur le financement populaire des
partis politiques était de faire en sorte d'encourager le plus grand
nombre d'électeurs et d'électrices à souscrire, tout en
faisant en sorte que ceux qui donnaient des montants plus substantiels, que
l'on avait chiffrés, à ce moment-là, pour des raisons que
l'on peut deviner, à peu près à 100 $, on avait dit:
Favorisons le plus grand nombre de donateurs, mais au-delà de 100 $,
nous allons publier leur nom, de sorte que ce soit connu, que ce soit au vu et
au su de tout le monde que M. X ou Mme Y a donné plus de 100 $ à
tel parti ou à tel autre parti. Évidemment, les 100 $ de 1978 ne
valent plus, maintenant, que 50 $, si on remet ça en dollars de 1978.
Par conséquent, je crois qu'il était normal d'ajuster, d'indexer
ce montant-là pour faire en sorte que le Directeur général
des élections n'ait pas, chaque année, à publier des
briques ça d'épaisses, qui coûtent très cher aux
contribuables, mais, également, pour respecter une certaine
quiétude des petits donateurs qui veulent être en mesure de
contribuer à un parti politique ou à un autre ou parfois aux
deux, comme vous le savez, M. le Président, sans que tout le monde dans
leur rue le sache. Par conséquent, ça m'apparaît là
une modification tout à fait logique et tout à fait plausible,
qui fait en sorte d'actualiser la loi de 1978.
M. le Président, il a été question de la part du
leader de l'Opposition de la longueur de la période
référendaire. Il y a peut-être là où
l'Opposition est un petit peu moins d'accord avec le gouvernement. Une chose
est certaine, pour tous ceux et toutes celles, ici, qui ont pris le soin d'en
discuter avec leurs électeurs et tous ceux et toutes celles qui ont
connu la période référendaire de 1980, à un moment
donné, trop c'est trop! Tout le monde sait, tout le monde se rappelle
que la période référendaire de 1980 a été
beaucoup trop longue. Il était normal de faire en sorte de
rétrécir un petit peu cette période
référendaire. De toute façon, M. le Président, si
on avait pris le modèle de 1980, compte tenu de nos dates et de nos
échéances à nous, on en serait venu à discuter de
la question référendaire en plein mois de juillet. Tout le monde
sait qu'au Québec, les Québécois aiment bien, au mois de
juillet, qu'on les laisse à leurs activités estivales, qu'on les
laisse à leurs vacances. Je pense qu'il n'aurait pas été
opportun, compte tenu de la période de l'année, compte tenu de
l'expérience de 1980, que les Québécois aient à
vivre, à subir, s'il le faut dans certains cas, une période
référendaire aussi longue que celle de 1980. C'est ce pourquoi le
ministre a jugé bon de modifier à la baisse, quant au nombre de
jours, cette période référendaire, tout en s'assurant que
nous aurons amplement le temps, comme parlementaires et en cette Chambre et
dans la population, de connaître tous les tenants et les aboutissants de
la question, bien sûr, de l'enjeu constitutionnel qui sera le but,
justement, de cette période référendaire. Par
conséquent, je supporte la disposition législative qui fera en
sorte de raccourcir un petit peu la période
référendaire.
Egalement, le leader de l'Opposition a fait état de ses espoirs
quant à un changement dans notre méthode de recensement qui
pourrait aller jusqu'à une carte de l'électeur. Oui, M. le
Président, il nous faut, comme parlementaires et comme
société, se pencher sur ce problème. Tous ceux et toutes
celles - il y en a des milliers au Québec - qui participent, sous
plusieurs niveaux de gouvernement, à l'élaboration des listes
électorales savent quelle tâche ardue c'est de faire un bon
travail et comment, d'une élection à l'autre, cette tâche
devient toujours plus ardue. M. le Président, il y a des recensements
fédéraux, provinciaux, municipaux et tous ceux qui ont
prêté leur concours à cette tâche vous diront que,
d'une élection à l'autre, ça devient de plus en plus
complexe. Pourquoi? Parce que, de plus en plus, les gens sont mobiles, ils
déménagent davantage. De plus en plus, dans certains
comtés - on n'a eu qu'à vérifier à la
dernière élection, le Directeur général des
élections a dû passer des annonces dans les journaux pour recruter
des recenseurs dans certains comtés, ça ne s'était jamais
vu - donc, il y a de moins en moins de Québécoises et de
Québécois qui sont prêts à faire ce travail
fastidieux. (21 h 20)
On sait très bien, M. le Président, que la base de notre
système de recensement était à l'effet qu'une personne
dans un ménage pouvait recenser toute la famille. Et ça,
c'était très facile lorsque, au Québec, il y avait
beaucoup de grosses familles, lorsque les conjoints ne travaillaient pas tous
les deux, etc. Mais, de plus en plus, les gens sont difficiles à
recenser parce que moins présents à la maison, parce qu'ils
travaillent à des horaires variables, parce que les familles sont moins
nombreuses. Or, le leader de l'Opposition a raison d'entretenir un certain
nombre d'espoirs quant à un changement éventuel de la
façon dont les gens seront recensés. Tous parmi nous, on a
été témoins de recenseurs qui faisaient plus ou moins bien
leur travail, ce qui faisait en sorte que des côtés de rues
complets pouvaient parfois manquer sur les listes et ce qui faisait en sorte
que nos électeurs concernés étaient, à bon droit,
très insatisfaits de la situation et parfois même brimés
dans leur droit de vote. Par conséquent, compte tenu que notre
système de recensement actuel est souvent influencé par beaucoup
de facteurs impondérables, oui, il est logique que nous nous penchions
et que le Directeur général des élections se penche sur
cette problématique-là pour essayer de voir ensemble comment nous
pourrions améliorer le recensement au Québec et faire en sorte
que chaque Québécois puisse, en tout temps, lors
d'élections, bénéficier de son droit de vote.
Or, M. le Président, cela conclut les observations que je voulais
faire sur le projet de loi 36. Ce que l'on peut dire, en conclusion, c'est que
notre régime démocratique est constamment en évolution. Il
est donc normal que, comme parlementaires, entre deux élections,
à tête reposée, nous nous asseyions ensemble afin
d'étudier comment nous pourrions, à la lumière de
l'expérience de l'élection précédente,
améliorer notre Loi électorale pour faire en sorte que notre
démocratie se développe au même rythme que la
société québécoise, que les
Québécoises et les Québécois que nous voulons
représenter ici. À plus forte raison, M. le Président, cet
exemple tient dans le cas de la loi référendaire. Il faut tenir
compte de l'expérience référendaire de 1980 pour
améliorer notre loi référendaire et faire en sorte - que
voulez-vous, ça n'arrive pas souvent, des référendums au
Québec - que... Compte tenu du fait que, déjà, dans le
passé, il y a une douzaine d'années, comme société,
nous avons, ensemble, tenu un référendum, il nous faut tenir
compte de cette expérience-là pour améliorer, pour
bonifier notre loi sur les référendums. C'est ce que nous
faisons, M. le Président, par le projet de loi 36. M. le
Président, je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de Taschereau, de votre intervention. Sur ce même
sujet, l'adoption du principe du projet de loi 36, je reconnais maintenant m.
le whip en chef de l'opposition officielle et député de
lac-saint-jean. m. le député.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci. M. le Président, je parlerai surtout,
bien sûr, de la Loi sur la consultation populaire et des amendements
qu'on compte y apporter. D'abord, je dirais, d'entrée de jeu, que le
gouvernement n'a pas fait d'efforts pour rechercher un consensus
préalable au dépôt des amendements à la Loi sur la
consultation populaire. Il est vrai - le ministre l'a signalé, mon
collègue de Joliette aussi l'a dit - qu'il n'y avait pas d'obligation
légale à rechercher un pareil consensus par le biais d'un
comité conjoint. Ce n'était pas inscrit dans la Loi sur la
consultation populaire. Toutefois, il aurait été, je pense, de
mise, compte tenu qu'il s'agit d'une loi fondamentale de notre
démocratie, que le gouvernement cherche à obtenir un consensus,
consulte l'Opposition officielle comme il est tenu de le faire quand il s'agit
d'amender la Loi électorale.
Ça n'a pas eu lieu, cette consultation préalable.
Pourquoi? Pourquoi ces cachotteries, en quelque sorte? Eh bien, je pense qu'il
y a, de façon évidente, une dimension stratégique en
matière constitutionnelle, particulièrement, pour expliquer ces
cachotteries gouvernementales, puisqu'en prenant connaissance du projet de loi
36, nous ne pouvons, M. le Président, que souligner que le hasard fait
donc bien les choses et qu'un curieux synchronisme arrange, à la fois,
le Québec et Ottawa. Ça fait l'affaire, à la fois, de
Québec et d'Ottawa. Quelle heureuse coïncidence! De quoi a-t-on le
plus besoin, par les temps qui courent, M. le Président, actuellement,
aussi bien à Ottawa qu'à Québec? Quel est
l'ingrédient le plus recherché et le plus convoité?
Réponse: le temps. On a un besoin fou de temps, à Ottawa aussi
bien qu'à Québec.
Alors, en présentant un projet de loi qui modifie les
délais référendaires, qui les raccourcit, qui repousse
d'un mois, soit du 4 août au 9 septembre, l'échéance ultime
pour enclencher le processus devant conduire au référendum qui
est prévu dans la loi 150 qui doit porter sur la souveraineté, le
gouvernement du Québec donne non seulement du temps au reste du
Canada... Et Dieu sait que ce dernier en a besoin, quand on voit qu'il ne
parvient d'aucune façon à s'entendre sur des offres
constitutionnelles, comme on a pu le constater tout récemment, suite au
naufrage de la conférence multilatérale de Toronto, qui s'est
terminée en véritable pagaille.
Alors, on comprend qu'à Ottawa on ait besoin de temps sur le plan
constitutionnel, mais également, en raccourcissant les délais, en
repoussant les échéances, le gouvernement québécois
ouvre la voie au référendum pan-
canadien qu'entend tenir Ottawa, au début de l'automne. Il lui
fait de la place. On pourrait même presque dire qu'il lui cède la
place. Et le gouvernement québécois, comme c'est un bon
gouvernement fédéraliste, se fait le complice de cette
escroquerie planifiée qu'Ottawa s'apprête à imposer aux
Québécois, par le biais de l'ignoble projet de loi C-81 qui, avec
l'aide de la guillotine et du bâillon, doit être adopté
aujourd'hui ou demain, au plus tard, de façon expéditive,
à toute vapeur, par la Chambre des communes.
La loi fédérale référendaire, M. le
Président, est une véritable parodie scandaleuse de la
démocratie. C'est une caricature grossière de la
démocratie, une véritable supercherie, une injure et un
mépris des règles les plus élémentaires et les plus
fondamentales de la démocratie, tout à fait contraire à
nos coutumes, à nos traditions et à nos législations en
matière de scrutins aussi bien électoraux que
référendaires, en particulier en ce qui concerne le
contrôle des dépenses.
On sait que, dans cette loi référendaire
fédérale, en raison de l'absence de règle de double
majorité, dont le premier ministre du Québec, pourtant, avait
fait l'une des conditions d'appui à un référendum
pancanadien, cette condition a été subitement et très
rapidement abandonnée. Pas question, donc, de double majorité. Et
Jean-Pierre Blackburn, le député de Jonquière, un
député fédéral de ma région, a fait une
proposition, en commission parlementaire, pour l'amender en ce sens, la loi
fédérale, sans succès. J'ai hâte de voir comment il
va se comporter une fois le projet de loi devenu loi. (21 h 30)
Deuxièmement, cette absence de double majorité fera en
sorte que le scénario du référendum de 1942 sur la
conscription risque sérieusement de se répéter à
nouveau alors qu'Ottawa voudra se servir de l'appui majoritaire du Canada
anglais pour imposer, par la force, des modifications constitutionnelles aux
Québécois. Ce n'est pas l'engagement solennel de Brian Mul-roney
qui va y changer grand-chose. Plutôt que d'introduire la règle de
la double majorité dans le projet de loi fédéral, Brian
Mulroney aurait dit à ses députés: Écoutez, je vais
quand même faire un engagement solennel où j'annoncerai que je
respecterai les voeux des Québécois. Je vous rappelle qu'en 1942
aussi on avait eu droit à un engagement solennel de la part d'Ernest
Lapointe qui avait juré aux Québécois qu'il n'y aurait pas
de conscription, et qu'en 1980 aussi on avait eu droit à un engagement
solennel de Pierre Elliott Trudeau qui avait promis, la tête sur le
billot, les sièges en jeu, il avait promis aux Québécois
que le régime fédéral serait renouvelé. C'est vrai
qu'il l'a été, mais on sait dans quel sens. Alors, les
engagements solennels, à ce sujet-là, on en a une très
mauvaise expérience au Québec. Et la confiance n'est pas
particulièrement forte à l'égard des engagements solennels
de Brian Mulroney.
Deuxièmement, M. le Président, cette loi
fédérale va carrément pervertir le débat
référendaire puisqu'elle est fondée sur la loi de la
jungle et sur le principe «au plus fort la poche», ne
prévoyant aucune limitation aux dépenses des gouvernements, des
sociétés d'État, des entreprises et des individus. Cela ne
pourra qu'aboutir à un débat faussé et inéquitable,
une véritable escroquerie. Le camp fédéraliste, avec son
pouvoir de dépenser quasiment absolu, investira des sommes colossales
pour influencer et pour manipuler l'opinion publique des
Québécois. C'est d'ailleurs déjà commencé
puisqu'il suffit de regarder la télévision pour se rendre compte
qu'actuellement, déjà, tous les ministères
fédéraux et les sociétés d'État sont mis
à contribution pour nous vanter les vertus du beau et grand Canada. Et
on verra, dans une campagne référendaire fédérale,
une véritable machine de propagande, une immense machine de propagande
se mettre en branle; et on verra le camp fédéraliste puiser sans
vergogne dans le Trésor public. Même si on sait que le
gouvernement fédéral est un gouvernement techniquement en
banqueroute, on ne se gênera pas, on ne se gêne déjà
pas.
Ottawa, en plus, a poussé l'outrecuidance jusqu'à proposer
un amendement à la loi C-81 par lequel il prétend, pour
répondre, dit-il, aux critiques, limiter les dépenses par
comité référendaire, alors qu'il ne fixe aucune limite
quant au nombre de comités référendaires. Vraiment,
là, c'est prendre les Québécois pour des valises et pour
des caves. C'est un procédé on ne peut plus répugnant,
parce que c'est évident que ça n'atteint pas du tout l'objectif
de limitation des dépenses. Chaque comité verra ses
dépenses limitées, mais le nombre des comités, lui, peut
être illimité. Alors, vous voyez ce que ça peut donner.
C'est évident que, d'aucune façon, on n'atteint l'objectif de
limiter les dépenses de façon équitable. C'est un
procédé d'autant plus répugnant que ce même
gouvernement fédéral veut inscrire dans le préambule de la
nouvelle Constitution une clause Canada - vous vous rappelez de la clause
Canada - dans laquelle il entend réitérer son engagement à
l'égard des valeurs démocratiques. C'est un des
éléments de la clause Canada proposé par le gouvernement
fédéral. On ne peut pas dire que l'action du gouvernement se
reflète dans son discours, pas plus que dans ses propositions
constitutionnelles, puisque la loi C-81 est un véritable traquenard, un
mépris des règles élémentaires de la
démocratie. Il faut vraiment être effrontés et avoir
beaucoup de culot de la part du gouvernement et du premier ministre
fédéral qui entend inscrire son attachement aux valeurs
démocratiques dans une clause Canada comme préambule à la
Constitution, en même temps qu'il fait adopter, à toute vapeur,
l'infâme loi C-81.
Et Québec, pendant ce temps-là, M. le Président,
que fait-il? Que fait le gouvernement du Québec? Eh bien! le
gouvernement du Québec,
pendant ce temps-là, se fait collaborateur, coopératif
avec son projet de loi 36 qu'on étudie présentement, dont on
étudie le principe ce soir, et joue à Ponce Pilate face aux
critiques sérieuses, fondées, soulevées aussi bien par les
intentions du gouvernement fédéral que par sa législation
référendaire qui sera bientôt adoptée.
Pourquoi le gouvernement québécois joue-t-il ainsi les
Ponce Pilate? Pourquoi se lave-t-il les mains devant cette machination
fédérale, devant ce qu'est en train de faire le gouvernement
fédéral? Pourquoi? Pourquoi accepter que
l'échéancier référendaire fédéral
empiète sur celui du Québec, ce que reconnaît le Directeur
général des élections au niveau fédéral, M.
Kingsley, qui est venu en commission parlementaire dire qu'il fallait
prévoir au moins trois mois pour la tenue d'un référendum
pancanadien, ce qui reporte donc le scrutin au début d'octobre? Par
conséquent, on aura chevauchement des deux processus
référendaires: celui mis en place par le gouvernement
fédéral et celui prévu dans la loi 150. Les deux processus
référendaires vont se recouper. Quelle absurdité! C'est
vraiment surréaliste.
Et le gouvernement québécois s'en lave les mains, accepte
que les choses aboutissent à cette situation. Pourquoi? C'est tout
simplement, M. le Président, parce que cela servira de motif et de
prétexte au gouvernement québécois pour se retirer du pied
l'épine douloureuse qu'il s'est lui-même enfoncée en
s'engageant, par la loi 150, à tenir un référendum sur la
souveraineté au plus tard le 26 octobre prochain. La tenue d'un
référendum pancanadien devient ainsi l'alibi rêvé
pour ce gouvernement en face de nous qui veut se défiler, se
dérober de son engagement formel de tenir un référendum
sur la souveraineté prévu par la loi 150.
On sait que le gouvernement québécois actuellement est
saisi d'une peur panique devant l'éventualité d'avoir à
tenir un référendum sur la souveraineté. Ça le
terrorise, ça l'effraie au plus haut point et il cherche à s'en
départir, à se défiler, à se dérober
à cette responsabilité. On en est rendus au point où la
menace fait davantage peur à celui qui la brandit qu'à ceux
à qui elle est destinée. C'est assez surprenant comme retour des
choses. Celui qui a le plus peur actuellement d'un référendum sur
la souveraineté prévu dans 150, c'est le premier ministre du
Québec. Il a une peur viscérale et il cherche, évidemment,
à se dégager de cette responsabilité. Imaginez, ça
devait servir à faire peur au Canada anglais. C'était le fameux
couteau sous la gorge, l'épée de Damoclès pour forcer le
Canada anglais à faire des offres acceptables au Québec. Eh bien,
ce n'est pas ça qui se produit. La menace fait maintenant plus peur
à celui qui doit la brandir. Et c'est ça, la situation
actuellement.
Alors, M. le Président, par ce projet de loi 36 par lequel on
voit que les échéances référendaires d'Ottawa et de
Québec en arrivent à coïncider, je dis que le gouvernement
du Québec se fait malheureusement le complice trop servile de la
stratégie fédérale au mépris des règles
élémentaires de la démocratie. Il prépare ainsi
lentement les Québécois au reniement de son engagement formel
inscrit dans la loi 150, mais, du même coup, il compromet, il
court-circuite et il risque de saboter le droit des Québécois de
déterminer seuls les voies de leur avenir politique en acceptant
plutôt, comme c'est le cas, un référendum pancanadien.
La déclaration du ministre québécois responsable de
la Loi électorale à l'effet qu'il ne saurait y avoir deux
référendums, l'un fédéral, l'autre
québécois, sur la question constitutionnelle cette année
prend tout son sens et nous laisse perplexes, parce qu'on en arrive à la
conclusion, quand on voit le comportement du gouvernement du Québec,
qu'effectivement il n'y aura qu'un seul référendum et ce sera le
référendum pancanadien, et que celui prévu dans 150
disparaîtra. (21 h 40)
M. le Président, la Loi sur la consultation populaire, et je
termine là-dessus, mon collègue de Joliette l'a signalé
tantôt, est un joyau de la démocratie québécoise.
Elle a permis d'abord l'exercice, en 1980, libre et démocratique du
droit des Québécois de décider de leur avenir. C'est donc,
tout le monde le reconnaît, une institution fondamentale de la
démocratie québécoise. Nous devons en être
très fiers. Je suis heureux de voir que le ministre responsable de la
Réforme électorale s'est engagé à prendre la
défense de cette loi devant les tribunaux, loi attaquée par le
Equality Party. J'en suis fort aise et j'en suis heureux. Je suis très
satisfait de ce comportement ou de la conduite du ministre responsable.
Mais je dirais, en conclusion, cependant, que la meilleure façon,
la façon la plus efficace de défendre la Loi sur la consultation
populaire, ça aurait été, ça aurait dû
être de s'opposer farouchement, vigoureusement, à cette
espèce d'amanchure antidémocratique concoctée par Ottawa
et qui sera mise en branle, adoptée bientôt par la Chambre des
communes; cette loi référendaire qui est une véritable
parodie de la démocratie - et comme le disait un éditorialiste,
celui du journal Le Soleil - cette partouse référendaire
qu'on nous prépare à Ottawa. Ça aurait été
la meilleure façon de la défendre. Ça aurait
été de dire haut et fort, que le gouvernement du Québec
dise haut et fort, qu'il refuse de s'associer, d'être le complice de
cette escroquerie antidémocratique et de demander au gouvernement
fédéral de ne pas adopter une pareille machinerie
inéquitable. Malheureusement, on le sait, ça n'a pas
été le cas. Et le fédéral... Moi, je suis convaincu
que si le gouvernement du Québec s'était levé debout puis
s'était opposé farouchement aux intentions du gouvernement
fédéral, je suis convaincu que le gouvernement
fédéral aurait reculé. Il n'aurait pas
été de l'avant, j'en suis persuadé. Mais le gouvernement
québécois s'en est fait le complice, parce que ça faisait
son affaire. Ça va lui donner le prétexte de ne pas tenir ses
engagements, puis de ne pas tenir le référendum prévu dans
la loi 150.
M. le Président, je dis que, oui, le ministre semble vouloir
défendre la Loi sur les consultations populaires. Mais le gouvernement
n'a pas été jusqu'au bout dans la défense de cette loi.
S'il avait voulu défendre concrètement les valeurs
démocratiques qui se retrouvent dans cette loi, il se serait
opposé avec vigueur et farouchement à ce qui est en train
d'être adopté à Ottawa. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Sur ce même projet de loi, le
projet de loi 36, soit le projet de loi modifiant la Loi modifiant la Loi
électorale et la Loi sur la consultation populaire, je reconnais M. le
député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. Je peux vous dire, en
premier lieu, que j'ai deux sentiments qui m'animent. Heureux d'intervenir,
puis malheureux aussi de ce qu'on s'apprête à faire par le
dépôt ou l'acceptation du projet de loi 36 concernant la
réforme de la loi électorale. J'ai eu l'honneur, bien sûr,
de faire partie d'un comité qui, depuis les deux dernières
années, a travaillé intensément à vouloir
améliorer cette grande loi que nous possédons et dont nous sommes
très fiers. Non seulement elle a fait l'orgueil des
Québécois ou doit faire l'orgueil des Québécois et
des Québécoises, mais elle est aussi l'objet d'envie de la
plupart des pays démocratiques dans le monde ou de ceux qui veulent
devenir démocratiques, avec des gouvernements démocratiquement
élus. On a eu l'occasion, dans le passé, d'aller... et le
Directeur général des élections a eu l'occasion d'exporter
un peu notre connaissance du processus électoral dans d'autres pays. On
a été invités régulièrement à aller
voir ce qui se passait ou aider...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je demanderais la
collaboration des députés à mon extrême droite, s'il
vous plaît. M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Dufour: M. le Président, le Directeur
général des élections a même eu l'honneur d'aller
dans d'autres pays pour aider à mettre sur pied un processus
électoral adéquat ou surveiller si c'était bien compris et
si c'était bien appliqué. Donc, ça veut dire qu'au
Québec, on a des institutions importantes. Avec 200 ans de
parlementarisme, je pense qu'on a tout lieu de penser qu'on est arrivés
à un stade avancé dans cette démocratie mais, encore
là, il ne faut pas prendre les moyens pour briser ce qui existe.
Le processus qu'on a suivi, comme comité, c'est d'essayer
d'apporter des amendements ou des changements techniques concernant le projet
de loi qu'on a devant nous. Jusqu'à un certain point, on a
réussi, je pense. Règle générale, les amendements
qu'on a apportés favorisent le libre exercice du droit de vote chez les
citoyens, autant les citoyens en général comme celles et ceux qui
sont en centres d'accueil, dans les hôpitaux et autres, et je crois que,
dans le processus d'échange entre les parlementaires et les autres
personnes qui font partie du comité, on est arrivés à un
large consensus quant à tout ce processus et quant à tout ce
qu'on a devant nous. Il faut s'en réjouir.
Il y a évidemment l'autre partie où on touche la balise
des coûts qui sont permis pour dépenser, soit par électeur,
soit la façon dont les partis politiques reçoivent les montants
d'argent. Donc, encore là, on pourrait parler d'une particularité
technique, mais le gouvernement s'engage à remettre aux partis
politiques, annuellement, des sommes basées sur le nombre
d'électeurs, et ça amène, bien sûr, des coûts
au gouvernement. De ce côté-là, on pourrait bien dire que
c'est peut-être exagéré, ça pourrait être
considéré comme exagéré, mais il faut bien se dire
que, depuis plusieurs années, il n'y a pas eu d'ajustement par rapport
à ça et, comme les coûts de publicité, les
coûts de campagne électorale, il y a toutes sortes de coûts,
et comme on est... Encore là, c'est une façon de bien observer le
processus démocratique au point de vue électoral. Si on veut que
les gens soient bien informés, il y a des coûts qui se rattachent
à ça, et il y a aussi des nombres de postes dans les journaux;
tout ça rajouté fait que, à mes yeux, il n'y a pas d'abus,
à ce que je sache, selon mon humble jugement, en tout cas, par rapport
à ce qu'on a devant nous.
C'est pour dire que l'ensemble du processus a été assez
bien suivi. La loi a été adoptée par un consensus de
l'ensemble des parlementaires. Jusque-là, ça va, c'est encore le
même phénomène qu'on a observé et qui a suivi. On va
même plus loin. On s'apprête à mettre sur pied un
comité pour permettre au Directeur général des
élections d'aller un petit peu plus loin dans le processus
démocratique et peut-être de se doter d'une carte annuelle ou
d'une carte permanente pour les électeurs, ce qui empêcherait les
fraudes, les substitutions de personnes, et le but est louable.
Je comprends qu'il y a plusieurs années, je me souviens que le
député Robert Burns, député de Maisonneuve, qui
était responsable de la Loi électorale, avait fait beaucoup
d'efforts pour convaincre le gouvernement du bien-fondé du but qu'il
poursuivait, à savoir de doter les Québécois et les
Québécoises d'une carte d'électeur ou d'électrice
pour pouvoir voter, ce qui leur permettrait d'exercer ce droit-là plus
facilement,
et que c'était de nature à baisser les coûts, tout
en regardant, par exemple: Est-ce que cette carte pourrait s'appliquer au point
de vue d'élections municipales, scolaires? Ça, c'aurait
été de nature à diminuer des coûts d'une
façon importante. On n'est pas arrivé, dans le temps,
malheureusement, à un consensus, mais aujourd'hui, le temps est venu de
regarder un petit plus loin, et on doit s'en réjouir.
Où il n'y a pas de consensus, et c'est là qu'est le
problème à mon point de vue, c'est qu'on a profité du
projet de loi pour raccourcir le temps pour appliquer ou pour exercer la loi
référendaire. On part d'un principe où on a plusieurs
journées, on a deux mois à peu près devant nous, et
là on coupe ça environ à un mois. C'est toute la
différence du monde.
On sait bien que la loi référendaire au Québec,
c'est une loi importante. C'est une loi qui exige beaucoup de réflexion
et ce n'est pas à tous les jours qu'on l'exerce. Règle
générale, à ce que je sache... Il y a eu des consultations
de la part du fédéral en 1940. Dieu seul sait si on s'en
rappelle, la loi de la conscription où on s'était engagé
à ne jamais passer de référendum, à respecter la
population du Québec, où on a bien compris que malgré
l'opposition de 90 % de l'ensemble des voteurs du Québec, on a
passé la conscription de force. Ça a amené, même,
l'emprisonnement de certains hommes politiques, dont le maire Camillien Houde,
selon ma souvenance. Peut-être qu'il y en a d'autres, mais, en tout cas.
(21 h 50)
Je pense que ce qui est important de retenir, c'est qu'on ne fait pas
des référendums à tous les jours, ni à toutes les
années, ni à chaque élection. Ce n'est pas dans notre
processus habituel, ce qui veut dire que des référendums au
Québec, on serait au deuxième référendum. Il y a
des élections. Entre chaque élection, règle
générale, on peut parler d'une période de quatre ans. Mais
dans les référendums, il y a en a eu un en 1980, et Dieu seul le
sait, peut-être, possiblement, avec incertitude, avec beaucoup
d'hésitation, il y aura peut-être un référendum
à l'automne. Le référendum, c'est évident que s'il
n'y en a pas, ça cause un problème et ça cause aussi
presque un reniement de la parole ou de l'engagement solennel qu'on a tenu par
rapport à une loi.
Moi, je veux parler surtout du principe qui est en cause actuellement.
Mon collègue de Lac-Saint-Jean a abondamment parlé de comment on
peut aller à côté du processus. Dans le fond, quand on
examine froidement c'est quoi le référendum et que, sans qu'on en
ait discuté au comité, le ministre responsable décide
d'introduire un raccourcissement des délais ou du temps entre la prise
de décision et la tenue du référendum, à ce
moment-là, on doit se questionner très sérieusement: C'est
quoi, le but recherché dans tout ça? Je vous
répète, s'il y avait un référendum à toutes
les années, on pourrait dire: Oui, c'est tellement coutume, c'est
tellement courant, il n'y a pas de débat tellement grave, ce sont des
choses connues, allons-y. Ce n'est pas un sondage, un référendum,
c'est un acte important qu'on ne peut pas répéter à chaque
année. Pourquoi cette idée de raccourcir de 60 à 30 jours
ou à 29 jours, c'est de 59 à 29, dans un court délai, sans
que nous, comme membres du comité de la réforme
électorale, on ait été pressentis ou consultés? Il
y a certainement anguille sous roche, M. le Président. Je veux vous
soulever qu'il y a une inquiétude, d'abord pour le processus
démocratique. Il y a des exigences dans cette loi-là, où
on doit former des comités, où on doit établir clairement
la question. Ce n'est pas le Québec, ce n'est pas... J'avais envie de
parler d'une municipalité de mon coin, mais c'est trop petit. Ce n'est
pas Val-Bélair, pour les gens qui nous écoutent de la
région de Québec, c'est pas mal plus étendu; ça
prend un certain temps. On peut dire: Oui, les nouvelles se rendent vite, il y
a des journaux, il y a de la télévision, il y a de la radio, mais
avant qu'on ait enclenché le processus, ça exige un certain
temps, ça exige aussi un temps de réflexion; il y a des temps
d'hésitation. Donc, qu'on parte de 59 jours et qu'on tombe, qu'on baisse
à 29 jours ou qu'on raccourcisse en deux, directement, sans consultation
préalable, je trouve que c'est d'aller un peu fort. C'est
court-circuiter le processus démocratique.
On aurait probablement, comme Opposition, accepté que ce
processus-là ait été alentour de 45 jours; ça
aurait été sûrement plus acceptable. En tout cas, le
ministre n'avait rien à perdre ou le ministre responsable de la
réforme de la Loi électorale n'avait rien à perdre, au
moins, à nous en parler. Ça aurait été de bonne
guerre. Comment on peut accepter de discuter avec des gens qui vont aller
à l'encontre non pas de nos décisions, mais qui prennent des
décisions seuls? Le processus qui a été engagé,
c'est ça, l'élément important de la loi, pas de la loi,
mais de ce qui donne naissance à la loi. C'est le processus qu'on a
cherché et qu'on a obtenu depuis le début, consensus de
l'ensemble des parlementaires. Là, c'était extraordinaire de
pouvoir faire partie d'un comité semblable. Je ne vous cache pas que
c'est un sentiment que je trouve un peu dérangeant. C'est
dérangeant parce que ce n'est pas de même qu'on a
été habitués. Pourtant, le ministre
délégué à la Réforme électorale... En
tout cas, il affirme moins fort qu'il a une parole, il fonctionne de telle
façon... Dans ce cas-là ou dans ce cas-ci, il dit: C'est un peu
le processus qui vient court-circuiter ce que nous, on croyait comme un
acquis.
Je crois bien que le député de Joliette, qui est le
porte-parole dans cette question-là, a été aussi surpris
que tous ceux qui sont à l'intérieur du comité. On est
déçu un peu. Et pourquoi on fait ça? Est-ce que c'est
vraiment pour sauver
du temps? Pour sauver des coûts au gouvernement? Ou si ce n'est
pas pour se rendre... Ou s'il n'y a pas autre chose? Est-ce que ce n'est pas en
fonction de ce qui se passe à Ottawa? Est-ce qu'il n'y a pas une
commande de donnée quelque part? Est-ce qu'on n'est pas rendu là,
à ce que tout ce qu'on fait, c'est au service des autres, au service
d'Ottawa? Je pense que la question mérite d'être posée. Et
si on la pose, on y répond presque. Ça me semble évident
qu'il y a eu un diktat, il y a eu une volonté d'exprimée
ailleurs, et le Québec s'est rendu à cette
volonté-là. Je trouve ça malheureux parce que c'est de
nature, si on essaie de décoder...
Parce que, vous savez, peut-être pour les gens qui sont familiers
au Parlement, ici, qu'il n'y a pas de problème; on le sait, nous autres,
qu'on parle juste par codes. On essaie toujours de deviner. C'est toujours le
sphinx, c'est à peu près, on tourne alentour du pot. Pour les
gens extérieurs au Parlement, ils doivent trouver que c'est
compliqué, le Parlement. C'est difficile à comprendre mais, moi,
je partage leur point de vue. Je suis même à l'intérieur du
Parlement et je ne vous cache pas qu'il y a des grands bouts où je ne
comprends rien. Quand on pense qu'on comprend quelque chose, il y a une
interprétation qui veut dire autre chose. Tout ça pour vous dire
que les messages sont loin d'être clairs.
Le monde, ce qu'il veut, c'est savoir où on s'en va, pourquoi on
fait telle chose, pourquoi on pose tel geste, est-ce que le gouvernement va
donner des réponses claires, précises à ses attentes.
Parce qu'il y a du chômage, il y a des problèmes un peu partout
sur le territoire, il y a des pertes d'emplois, et on n'en a pas, de
réponse. On n'en a pas plus dans ce dossier-là. On n'en a pas
plus parce qu'on change la loi. On n'a pas dit encore pourquoi on veut
raccourcir le délai. C'est comme la tarte aux pommes et la vertu. Tout
le monde est pour ça, tout le monde est pour que ça dure le moins
longtemps possible. Mais si c'est un acte important, mettons-y le temps et
mettons-y le travail!
À mes yeux, un référendum a plus de signification
qu'une élection, parce que le référendum, ce n'est pas un
geste à répétition. Ce n'est pas un geste
répétitif. C'est un geste qui est engageant. Et le geste qu'on
s'apprête à poser est beaucoup plus important que
l'élection en soi, parce que c'est engager l'avenir d'un peuple. Ce
n'est pas pour se désengager au bout de six mois; on va le faire pour
longtemps. J'ai eu l'occasion, en fin de semaine, d'entendre... Et quand on
regarde comment c'est important, il s'agit de regarder comment ça
s'agite un peu sur la scène canadienne. Il y a pas mal
d'«escouage» d'un peu toutes sortes de choses. Il y a pas mal de
sparages dans le paysage. Il y a beaucoup de publicité, à part
ça, gratuite ou payée pour vanter les mérites du Canada.
On recommence les mêmes histoires que voilà 10 ans. Les
montagnes
Rocheuses, on peut bien pleurer dessus; moi, je suis allé les
voir et je ne les ai pas apportées au Québec. Elles sont encore
à la même place. Et même si on s'assoyait chez nous, on les
verrait pareil, la même chose. On pourrait le faire. Mais si ça
fait seulement 125 ans... Et, la question, on doit se la poser et on doit la
poser à peu près à tout le monde. Ça fait 125 ans
que le Canada existe. Où on était, nous autres, avant? Parce que
la ville de Montréal fête son 350e, la ville de Québec est
rendue encore plus loin. Où on était avant? On devait exister. On
pourrait exister après. Donc, ce qu'on est amenés, comme
élément nouveau, ce qui fait la surprise des gens qui faisaient
partie du comité de la réforme et ce qui nous surprend, le
comité de la réforme et l'ensemble des parlementaires, c'est que,
sans consultation, le ministre amène un élément qui est en
train de changer les règles du jeu.
C'est clair, M. le Président, qu'il y a une volonté,
à quelque part, et on n'est pas sûrs - et ça, ça me
semble malheureux - que, dans notre gouvernement, qui se veut
démocratique, on observe les règles qui président à
la démocratie, parce que les règles, c'est d'abord de pouvoir se
gouverner et d'essayer de poser des gens qui répondent à des
besoins. À ce que je sache, il n'y a pas beaucoup de gens qui ont
demandé qu'on raccourcisse les délais, qu'on parte de 60 jours ou
59 jours pour tomber à 29 ou 27, dépendant de... Couper la
moitié du temps, avec des questions importantes, des sujets importants,
on dit: Pour nous, c'est difficilement acceptable. Comme Opposition, c'est
difficilement acceptable, c'est difficilement acceptable pour l'ensemble des
parlementaires. (22 heures)
C'est aussi aller à rencontre des voeux de celles et ceux qui ont
adopté la loi, qui l'ont mise sur pied et qui, malheureusement, est
encore très connue des gens qui sont ici. Des fois, changer un
système, quand les gens l'ignorent, puis qu'ils n'étaient pas
là, on peut dire: On n'était pas là. Mais il y a encore
beaucoup de parlementaires qui étaient là lorsque cette loi a
été adoptée. Ça devient, à mes yeux, presque
un reniement par rapport à ce qu'on s'apprête à faire.
Donc, on oublie les principes qui ont présidé à l'adoption
de la loi ou au processus qui fait qu'on puisse toucher à la loi.
Il y a un deuxième élément - il y en a beaucoup
d'autres, des éléments, on aura l'occasion d'en discuter article
par article... Mais il y a un autre élément que je veux soulever
et ça, je trouve que c'est une entorse très grande au point de
vue du parlementarisme. Il y a des Parlements qui sont moins respectueux que
nous de leurs minorités. Je veux juste donner l'exemple d'Ottawa
où il y a 11 députés qui n'ont pratiquement pas droit de
parole. Ils ont droit de parole à l'extérieur de la Chambre. Ici,
on a un groupe de trois députés, qui se veut un parti
accepté par la loi de la réforme électorale, par
la Loi électorale; ils sont acceptés, mais ce n'est pas
obligatoire qu'ils fassent partie du comité de la réforme
électorale. Mais dans une ouverture d'esprit, les deux partis, soit le
gouvernement et l'Opposition officielle, ont accepté que ce groupe soit
représenté à l'intérieur du comité, pensant
et sachant que les décisions qu'on va prendre vont se prendre en
collégialité. Durant tout le processus, pas un mot, tandis qu'il
y a eu des discussions, des échanges, et ça s'est fait dans un
consensus. Malgré ce qui se passe ou malgré tout ce consensus
qu'on a obtenu, on a réussi, malheureusement, le député de
D'Arcy-McGee a réussi à aller devant la loi pour essayer
d'obtenir des changements, des amendements à la loi et, qui plus est, ce
qui est plus grave, c'est qu'il se permet, en même temps, en se servant
de la loi ou du processus judiciaire, d'essayer de convaincre le ministre de
changer des articles du projet de loi.
On a rarement vu ça. J'espère que ce processus-là,
d'abord, sera défendu avec acharnement par le gouvernement, avec tout
l'acharnement qu'il se doit d'avoir vis-à-vis une question aussi
importante. On souhaite que le député de D'Arcy-McGee revienne
à de meilleurs sentiments et comprenne le processus dans lequel il est
engagé. Il aurait dû savoir - s'il ne le sait pas, je vais lui
dire - que dans le processus de réforme électorale, règle
générale, on marche par consensus; c'est la façon dont on
doit procéder. C'est difficile pour le gouvernement de le dire. Comme
Opposition, on n'a pas passé à côté des
règles. C'est peut-être difficile pour le ministre de le faire
parce que lui, il a passé à côté des règles,
parce qu'il apporte des changements qui n'étaient pas prévus dans
notre discussion.
Donc, M. le Président, c'est évident que c'est un projet
de loi qui est important, qui nous permet de dire que oui, on est fiers de nos
institutions. D'un autre côté - c'est ça mon sentiment
double - c'est que d'un autre côté, je suis un peu moins fier du
ministre délégué à la Réforme
électorale, qui réussit à nous imposer un changement
majeur sans nous avoir consultés. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Jonquière. Alors, est-ce que la motion du
ministre délégué à la Réforme
électorale proposant l'adoption du principe du projet de loi 36, Loi
modifiant la Loi électorale et la Loi sur la consultation populaire, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
Renvoi à la commission des institutions
M. Bélisle: Oui, M. le Président. Je fais motion
pour que le projet de loi 36 soit déféré à la
commission des institutions pour étude détaillée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: L'article 28, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais suspendre pour
quelques instants.
(Suspension de la séance à 22 h 4)
(Reprise à 22 h 5)
Projet de loi 35 Adoption du principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place. A l'article 28, tel que demandé par M. le leader adjoint du
gouvernement, M. le ministre du Travail propose l'adoption du principe du
projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. M. le
ministre du Travail.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Il me fait plaisir
d'être aujourd'hui en cette Assemblée, afin de discuter de
l'adoption du principe du projet de loi 35, projet de loi, comme vous l'avez
dit, M. le Président, modifiant la Loi sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail ainsi que la Loi sur l'assurance-maladie.
Ce projet de loi, combiné à une série de mesures
administratives internes, a pour principal objectif de sauvegarder le
régime de santé et de sécurité du travail qui, aux
yeux de tous, est en péril. M. le Président, les parties tant
patronales que syndicales, ainsi que l'organisme lui-même, la CSST,
s'entendent sur un point: le régime fait face actuellement à de
sérieuses difficultés, bien que les opinions concernant les
moyens pour le sauvegarder divergent. C'est tout à fait normal. Celui
qui vous parle a décidé d'agir et de répondre aux
préoccupations des accidentés du travail qui, eux,
réclament des soins de qualité, et ce, le plus rapidement
possible, afin de pouvoir retourner dans leur milieu de travail, et ce
également, le plus tôt possible.
En tant que responsable de l'application de
la Loi sur la santé et la sécurité du travail du
Québec, j'ai fait le choix de sécuriser les travailleurs et les
travailleuses accidentés et d'assurer la survie du régime dans un
cadre financier acceptable. Les changements proposés dans ce projet de
loi ont pour objectif de revoir le dispositif décisionnel en
matière médicale, de déjudiciariser le système
d'indemnisation des travailleurs et travailleuses accidentés, bien
sûr, de désengorger le processus de révision et d'appel des
décisions et, par le fait même, d'humaniser davantage le
système.
De plus, M. le Président, le projet de loi 35 vise à
favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et
des lésions professionnels. De nature hautement technique et comportant
plusieurs modifications de concordance, je me limiterai à identifier les
principales modifications qui le composent.
Tout d'abord, le projet de loi 35 propose un réaménagement
du processus d'évaluation médicale, et ce, par l'implantation
d'un bureau d'évaluation médicale en remplacement de l'arbitrage
actuel, avec l'obligation pour celui-ci de rendre son avis dans le délai
imparti et permet à la CSST de recourir à une expertise
médicale externe. Il suggère également un
réaménagement de la procédure de révision des
décisions de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Une modification, M. le Président,
ayant pour but de déjudiciariser et de désengorger davantage les
instances de révision et d'appel.
Ce projet de loi prévoit, en outre, un élargissement de la
compétence du bureau de révision paritaire sur des questions
d'ordre médical et propose que cette instance entende, de façon
finale, les appels portant sur des litiges de moins de 1000 $. De plus, M. le
Président, le projet de loi prévoit l'instauration d'un service
de conciliation ainsi que la création d'une division spéciale du
financement et ce, pour entendre les litiges portant sur ces sujets et ce, de
façon exclusive. (22 h 10)
Le projet de loi 35 propose, par ailleurs, que l'appel à la CAMLP
se fasse sans nouvelle enquête, sauf pour certaines exceptions. Il vise
également à faire en sorte que les décisions de la CSST,
de même que celles du bureau de révision paritaire, soient
exécutoires avec la possibilité pour la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles de surseoir à une
décision du bureau de révision et ce, dans certains cas
d'urgence.
Afin d'assurer une meilleure gestion de l'organisme, il est
proposé de scinder le poste de président-directeur
général en un poste de président du conseil
d'administration et chef de direction et en un poste de président et
chef des opérations. De plus, le projet de loi 35 vise à
permettre l'accès aux professionnels de la santé
désignés par l'employeur au dossier médical du
travailleur, et ce, dans certains cas où l'employeur se voit imputer les
coûts d'une lésion professionnelle.
En outre, dans une perspective de réinsertion professionnelle des
travailleurs, il est fait obligation à un travailleur victime d'une
maladie professionnelle, alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans, ou
d'au moins 60 ans pour une autre lésion, d'occuper un emploi convenable,
disponible chez son employeur. Il précise que les soins et traitements
dispensés par les établissements des réseaux publics
feront partie de l'assistance médicale dont la détermination
découlera d'un pouvoir réglementaire de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail à cet
égard.
En terminant, M. le Président, et je le réaffirme, le
projet de loi 35 vise à sauvegarder le régime de santé et
de sécurité du travail tout en protégeant les
bénéfices auxquels ont droit les travailleurs et les
travailleuses accidentés du Québec. Les objectifs poursuivis sont
clairs: sauvegarder notre régime de santé et de
sécurité du travail, assurer aux travailleuses et aux
travailleurs accidentés du Québec des soins efficaces et rapides
afin de favoriser un retour au travail des plus rapides. C'est donc pour cela,
M. le Président, que je sollicite aujourd'hui le consentement de cette
Assemblée pour adopter le principe de ce projet de loi. Et je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre du
Travail. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion
proposant l'adoption du principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie. Je reconnais, à partir de maintenant, Mme la
députée de Chicoutimi, critique de l'Opposition officielle en
cette matière. Mme la députée.
Mme Jeanne L Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. Il faut une bonne
dose de cynisme ou encore un humour que n'apprécieront certainement pas
les accidentés du travail pour oser présenter ce projet comme
étant une meilleure garantie de soins de qualité aux travailleurs
et travailleuses accidentés. Sûrement que le ministre aura
l'occasion d'en entendre parler un peu plus longuement et de façon un
peu plus verte dans les prochains jours.
M. le Président, le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur
les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assuran-ce-maladie, présenté comme devant résoudre les
problèmes financiers de la CSST, est un projet de loi superficiel,
inacceptable dans au moins trois de ses grandes orientations: celle
touchant
plus particulièrement le statut du médecin traitant, les
modifications à la CALP, la Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles, et les revenus des accidentés ou des
malades professionnels âgés de 55 et 60 ans.
J'ai rencontré le ministre. Je lui ai offert ma collaboration
à deux conditions: qu'il tienne des audiences particulières,
faute de temps pour tenir des audiences générales, et qu'il
tienne une enquête sur le fonctionnement de la CSST, enquête dont
le rapport pourrait être déposé au début de
l'automne pour modification ultérieure de la Loi sur la santé et
la sécurité du travail et de la Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles.
Je vais brièvement résumer le projet de loi et je vais
revenir à ces propositions. Le projet de loi apporte des modifications
majeures aux droits des accidentés et des malades du travail. Le
médecin traitant est court-circuité, relégué au
rang de figurant; son diagnostic ne tient que le temps d'un avis du
médecin de la CSST. Le projet de loi élargit les pouvoirs de la
CSST et ceux des employeurs. Il accroît les contrôles, modifie les
droits d'appel à divers niveaux, particulièrement à la
CALP, dont on réduit les pouvoirs à des pouvoirs
extrêmement minimes de traiter et de juger sur dossier, sans preuve
additionnelle, sauf cas extrêmement rares et exceptionnels. Ça va
à l'encontre de tout ce qui existe actuellement en matière de
recours pour les bénéficiaires de l'aide sociale, pour les
bénéficiaires de l'assurance automobile, pour tous les autres
travailleurs, les régimes d'invalidité ou la Régie des
rentes du Québec.
Nous espérons que les audiences que nous voudrions amener le
ministre à tenir pourraient modifier profondément ce projet de
loi ou encore à reporter l'adoption des articles contentieux
après le dépôt du rapport d'enquête. De notre avis,
quelques dispositions du projet de loi sujettes à meilleur encadrement
pourraient alors être adoptées au cours de la présente
session.
M. le Président, je disais donc que c'est un projet de loi mal
fait, sans consultation autre que celle de la CSST, pour ne pas dire de son
président. L'Opposition aurait été légitimée
de demander le retrait de ce projet de loi, tout comme l'ont fait les syndicats
et les associations de défense des droits des travailleurs et
travailleuses accidentés. Si l'Opposition ne l'a pas fait, c'est qu'il
nous apparaît urgent d'amener quelques modifications à la loi de
la CSST, fussent-elles mineures, pour tenter de redresser la situation
financière, mais jamais, jamais l'Opposition n'assurera sa collaboration
si le ministre ne répond pas de façon favorable aux deux
conditions qui ont été mises sur la table et qui
représentent le minimum de ce que sont les conditions posées par
toutes les parties syndicales. Ce que nous demandons, c'est la tenue de
consultations particulières où nous entendrons, en plus des
parties patronales et syndicales, la
CSST. Nous entendrons également des représentants des
associations des travailleurs accidentés. (22 h 20)
Je connais l'opinion de plusieurs intervenants à l'endroit des
associations représentant les travailleurs accidentés. Vous savez
ce qu'on nous dit lorsque je parle de les entendre? On a dit: Vos
éclopés, on ne veut pas les voir chez nous. Parce que vous savez
ce que ça fait, le fait de refuser de voir la réalité de
travailleurs accidentés pénalisés par l'actuel
système: ça permet de maintenir et d'accréditer un
discours qui fait des travailleurs accidentés des fraudeurs, des
abuseurs, des tireurs au flan, un discours que n'a pas contredit le ministre du
Travail, chaque fois qu'il a été tenu, ce discours. Le fait de ne
pas corriger cette impression vient la confirmer et la renforcer. La condition
de la collaboration de l'Opposition, une consultation particulière au
cours de laquelle il faut entendre la CSST et les représentants des
accidentés du travail.
Mais, simultanément, nous croyons qu'il est urgent, indispensable
qu'une enquête indépendante, menée par des
spécialistes, une enquête à la fois administrative et
actuarielle, sur le fonctionnement de la CSST s'impose. Cette enquête
devrait porter sur les modes d'établissement de la cotisation. Il faudra
comprendre un jour comment on s'étonne des déficits alors qu'on
a, à rencontre des avis des actuaires, passé d'une cotisation
étant minimale estimée à 2,75 $ à 2,32 $. Puis, en
réalité, on a obtenu 2,17 $ cette année. Ensuite, on
s'étonne qu'il y ait des déficits.
Cette enquête devrait également porter sur la durée
de consolidation. J'ai réussi à obtenir de peine et de
misère des tableaux de la CSST qui démontrent que, s'il y a
accroissement de la durée de consolidation, c'est parce qu'il y a
essentiellement, à la fois dans les accidents et dans les rechutes et
aggravations, une diminution des moins de 14 jours. Pour le reste, les
aggravations, proportionnellement au nombre d'accidents, sont a la baisse. En
1987, ça représentait environ 11 % de tous les accidents et les
rechutes et, en 1991, nous étions environ à 9 %. Donc, il y a une
diminution. Mais il y a aussi une diminution importante dans les moins de 14
jours. Ça représentait 38 % des cas de rechute en 1987 et
ça n'en représente que 26 % en 1991. La même chose pour les
accidents. Ça représentait 71 % des accidents en 1987, les moins
de 14 jours. Ça n'en représente plus que 66 %.
Il y a quelque chose qui ne va pas dans les calculs de la CSST, et je
suis loin de penser et de croire que c'est la faute des actuaires. On a donc
besoin d'une enquête administrative pour comprendre et pour mieux
évaluer les décisions de la CSST. Par exemple, le recours
à la sous-traitance, 18 000 000 $ l'an passé; 18 000 000 $. Les
coûts d'administration de la CSST, 25 % de l'enveloppe; c'est variable
selon les calculs qu'on fait, mais ils sont importants. Toutes ces ques-
tions doivent faire l'objet d'une étude impartiale et
indépendante de la CSST.
De plus, le mandat confié à l'enquêteur devrait
être approuvé par la commission de l'économie et du
travail, et le rapport devrait être déposé à
l'Assemblée nationale l'automne prochain pour modifications, si
nécessaire, ultérieures aux lois sur la santé et la
sécurité et sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles.
Le ministre, se faisant le haut-parleur de la CSST, a invoqué
devant moi les études déjà existantes, des études
actuarielles commandées par la CSST ou, encore, l'évaluation
faite par le Vérificateur général. D'abord, rappelons que
la CSST refuse systématiquement de fournir les études
actuarielles. Est-ce que ce serait pour nous cacher le fait que, par exemple,
les actuaires, ayant fait des études, ont conclu qu'il fallait une
cotisation plus élevée que celle qui a été
autorisée? Peut-être. Peut-être. Mais il serait bon de le
savoir et la seule façon de le savoir, c'est par l'extérieur.
Pour sa part, le Vérificateur général n'examine pas
tous les ans toutes les activités de la CSST. Il se penche sur certains
aspects et il porte un jugement. Mais on ne peut pas prétendre se baser
exclusivement sur l'avis du Vérificateur général pour
savoir vraiment ce qui se passe à la CSST.
En ce qui a trait aux études actuarielles, la CSST, je disais
donc, refuse de les rendre publiques, mais je me dis: Qui a
intérêt à tenir secrètes ces informations? Qui a
intérêt à empêcher que la lumière, et toute la
lumière, soit faite dans ce dossier? Je ne crois pas que ça soit
le ministre. Moi, je pense qu'il serait dans l'intérêt du
ministre, et ça contribuerait à augmenter sa
crédibilité, s'il posait un tel geste.
Ce qu'il faut savoir, c'est: L'état réel du déficit
est-il dû à des décisions administratives erronées,
au lobby des employeurs pour réduire la cotisation ou la seule et unique
cause, comme le prétend le projet de loi qui est ici
déposé et le ministre, par voie de conséquence, serait
l'accidenté, un abuseur, un profiteur, parfois fraudeur, et son
médecin traitant incompétent et impénitent qu'il vaut
mieux court-circuiter et, pour assurer que le tout aille le plus vite, c'est:
Limitons au minimum, mais au minimum, la capacité du travailleur
accidenté d'en appeler?
Je pense qu'il faut une enquête publique. C'est la seule
façon de sortir ce dossier des officines de la CSST. M. le
Président, le projet de loi, non seulement ne vient-il pas
alléger la structure, ni la déjudiciariser mais il l'alourdit, et
je vais le démontrer. Il ne réduit en rien la judiciarisation,
sauf par défaut, parce qu'il se pourrait que les travailleurs n'aient
plus le moyen de s'offrir le luxe d'aller en appel. Si on appelle ça
travailler en faveur des accidentés du travail, j'ai comme un
problème d'interprétation.
D'ailleurs, je ne serais pas la seule parce que, exception faite du
Conseil du patronat qui, quand même, estime que le projet de loi ne va
pas assez loin, l'Union des manufacturiers et l'AECQ pensent également
que c'est un mauvais projet de loi. Toutes les associations patronales, sans
exception, sauf la FTQ qui estime que ce projet de loi est superficiel, toutes
les associations syndicales, sans exception, demandent le retrait de la loi,
demandent le retrait pur et simple de la loi. La CSN, la CEQ, la FIIQ, le
Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du
Québec, le syndicat des employés du gouvernement du
Québec, le syndicat de la fonction publique du Québec disent: Un
projet de loi qui sent le règlement de compte.
L'Association des entrepreneurs en construction du Québec:
«La loi 35 oublie les vrais problèmes.» L'Association des
manufacturiers du Québec: «Le déficit olympique de la
CSST.» Le Conseil du patronat: «CSST et le projet 35. Le Conseil du
patronat - on s'en doutait - rejette deux demandes syndicales.» Le
Conseil provincial des métiers de la construction: «Au tour des
travailleurs de la construction de s'objecter.» La Centrale des syndicats
démocratiques: «Santé et sécurité du travail,
la CSD demande le retrait du projet de loi 35.» La CSN: «Une
demande syndicale pour prendre les devants de l'organisation du travail.»
Elle demande une enquête, une enquête publique sur la CSST. La
Fédération des infirmières et infirmiers du Québec:
«le retrait du projet de loi 35. La Fédération des
travailleurs et travailleuses du Québec veut une commission
parlementaire sur le projet de loi 35».
Pourquoi de telles réactions de la part des patrons comme des
syndicats alors que - et le ministre le sait, je le sais - tous convenaient de
la nécessité de revoir la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles? Pourquoi, M. le Président, ces objections qui
vont du retrait complet à l'insatisfaction totale à l'endroit du
projet de loi? Parce qu'il y a un monde entre les facteurs identifiés
par les parties comme étant responsables de l'accroissement des
coûts et les modifications contenues dans le projet de loi.
Au cours du temps qui m'est imparti, je vais tenter d'illustrer le plus
simplement possible que cette loi, à l'exception de quelques
dispositions, ne règle en rien les principaux problèmes parce
qu'elle ignore les facteurs identifiés comme responsables de
l'accroissement des coûts à la CSST et vient amplifier la
judiciarisation et accroître la lourdeur administrative. Tous, nous
convenons que la CSST a des problèmes. Tous nous le convenons.
Des voix: Ah!
Mme Blackburn: Le déficit estimé en 1991
était de 800 000 000 $. J'entends vos collègues qui disent: Ah!
Ah! Ah! Moi aussi, je dis: Ah!
Ah! Ah! (22 h 30)
Des voix: Ha! Ha! Ha!
Mme Blackburn: Mais voyons comment il est composé, ce
déficit. Voyons comment il est composé et à partir de
quelle décision. Ensuite, vous me direz que les solutions qui sont en
train d'être apportées sont des solutions qui vont régler
le problème.
Dès 1984, on avait permis au patronat de reporter à 1993
le paiement de la dette accumulée à cette date à la CSST.
De plus, on avait autorisé les employeurs à ne payer que 90 % des
coûts engendrés par les lésions professionnelles pour les
années 1984 à 1988 inclusivement, c'est-à-dire cinq ans,
jusqu'en 1988 inclusivement. Une telle autorisation avait, bien sûr, pour
effet de remettre à plus tard, beaucoup plus tard, le paiement des 10 %
manquants. Évidemment, ce qui devait arriver arriva: la dette non
provisionnée de la CSST qui s'élève à 500 000 000 $
est rentrée dans le déficit de 1991. Ce n'est pas un
déficit d'opération, c'est une dette non provisionnée. Ce
qu'on vous a fait accroire, messieurs qui placotez en arrière, c'est que
c'était le dépassement dû aux rechutes, dû aux
rechutes, aux aggravations. Ces 500 000 000 $, comprenez-le bien, c'est la
dette non provisionnée, à la demande du patronat. Ajoutez
à cela la demande qui a été faite à nouveau par le
patronat de réduire la cotisation de 2,75 $ à 2,50 $ et à
2,32 $, c'est un autre 100 000 000 $, et ajoutez à ça
l'indexation des revenus, des remplacements de revenus qui représentent
un autre 100 000 000 $, et on aura réussi, sur la base de ces
informations, à faire croire à toute la population du
Québec que le déficit de l'année 1991 était
essentiellement dû aux accidents, aux rechutes et aggravations, alors que
les informations qui nous sont fournies par la CSST, un tableau qui vient
d'être produit, en mai de cette année, il y a quelques jours,
démontre de façon on ne peut plus claire qu'il y a une diminution
de la proportion des rechutes et aggravations.
M. le Président, je pense qu'il faut une enquête et il faut
que ces choses soient dites. Quand le Conseil du patronat, par la bouche de son
président, déclare qu'on passe d'un nombre de jours-consolidation
de 48 jours à 73 jours, il oublie de dire que ça inclut les jours
qui comprennent les rechutes et aggravations et il induit tout le monde en
erreur. Et la décision qu'on prend à la suite de ces
informations, c'est de pénaliser le travailleur accidenté.
M. le Président, nous savons qu'il y a des problèmes
à la CSST. Nous savions également qu'il fallait sortir des
officines de la CSST pour faire toute la lumière sur cette question.
C'est pourquoi nous demandions, il y a déjà une année, une
commission parlementaire pour examiner le fonctionnement de la CSST. Nous
demandions une commission parlementaire, le ministre était d'accord et
c'est le président du Conseil du patronat en personne qui m'a dit s'y
être opposé, et le ministre a retraité. Pourtant, cette
même commission parlementaire a été demandée par
plusieurs instances du Parti libéral et, plus récemment, par les
instances, je pense que ça s'appelle un conseil national ou
général du Parti libéral qui a adopté une
résolution demandant la tenue d'une commission parlementaire sur la
CSST.
M. le Président, le ministre invoque le fait qu'il n'y a pas eu
d'entente, qu'il n'y a pas eu d'entente au comité créé
auprès du CCTMO, le Comité consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, pour dire: On va «bulldozer» tout le monde, puis on
dépose, puis pas de consultation.
M. le Président, il était inévitable qu'il n'y ait
pas d'entente, et le ministre le savait pertinemment. Le ministre savait que la
seule façon de régler de tels problèmes, c'était
vraiment de prendre ses responsabilités, de tenir une commission
parlementaire indépendante qui, sur la base d'études plus
spécialisées faites par des experts, par des actuaires entre
autres, nous aurait permis - et nous lui avions offert notre collaboration -
nous aurait permis, de part et d'autre, d'avoir un portrait plus complet de la
situation et de proposer des modifications à la loi de la CSST et
à la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles
qui auraient tenu compte de ces consultations.
Le projet de loi que nous avons sur la table est un projet de loi
rédigé en catimini, concocté par les planificateurs de la
CSST, sans consultation. On n'a même pas consulté les travailleurs
et les travailleuses de la CSST qui sont pourtant au premier rang, qui sont les
plus aptes à comprendre les principaux problèmes de la CSST et
les principaux problèmes reliés à ses directives
administratives concoctées dans un gratte-ciel à Montréal
et envoyées en bas, sans trop de connaissance du milieu! Ces
travailleurs n'ont pas été consultés.
Qui plus est, pour vous illustrer comment la CSST est transparente - je
voudrais que le ministre m'écoute - il y a une lettre qui a
été adressée, elle est plus drôle qu'autre chose.
Elle est plus drôle qu'autre chose. Il faut en rire, sinon on en
pleurerait. La CSST n'a pas comme première vertu la transparence, mais
là ça va un peu loin. Il y a une lettre, tenez-vous bien, qui a
été adressée aux différents bureaux
régionaux par une vice-présidence, le 19 mai, soit cinq jours
après le dépôt du projet de loi du ministre. Vous savez ce
que cette lettre dit aux directeurs régionaux? Elle dit: «Veuillez
trouver ci-joint le projet de loi déposé par le ministre du
Travail - alors, je saute le titre. Je tiens à vous préciser que
ce document est à l'usage exclusif de l'interne et doit faire l'objet
d'une circulation restreinte.» C'est un projet de loi public,
déposé à l'Assemblée nationale de façon
publique et on dit: Surtout, ne mettez pas ça dans les mains des
employés. Et ça vient de la CSST. Si ce n'était pas
si triste, on en rirait. Alors, transparence!
C'est un projet de loi bâclé, concocté dans une tour
sans tenir compte de la réalité. Curieusement, ce projet de loi
qui vient modifier de façon majeure les droits des travailleurs et des
travailleuses n'a aucune disposition qui a trait à la responsabilisation
des employeurs, au programme de prévention et, curieusement, comporte
une seule modification de structure de la CSST. Est-ce qu'il faut s'en
étonner? En fait, je le rappelle, de telles situations ne trouvent leur
dénouement que si elles sont arbitrées et décidées
de l'extérieur. Car, voilà une question sur laquelle le
législateur aurait pu, à la lumière d'une consultation
générale, soutenue par des études appropriées,
prendre les décisions que tout gouvernement responsable doit prendre
quand les parties sont incapables de s'entendre. Par manque de courage, le
ministre a entraîné la CSST dans le cul-de-sac que l'on
connaît et dépose un projet de loi majeur dans le sprint de fin de
session après un solide conditionnement de l'opinion publique. (22 h
40)
Ce projet de loi représente-t-il une solution, la seule solution
aux problèmes de la CSST? Nous disons non. À l'exception des
dispositions touchant la conciliation, la reconsidération administrative
et les réclamations de moins de 1000 $, dispositions qu'il vaudrait
mieux encadrer, ce projet de loi est davantage fondé sur les
préjugés que sur une analyse en profondeur des problèmes.
Ce projet de loi opte sans évaluation fiable et chiffrée des
économies réalisées par les mesures proposées... Ce
projet de loi, dis-je, opte, sans évaluation fiable par rapport aux
économies réalisées et sans consultation publique, sans
consultation des travailleurs et des travailleuses de la CSST, sur la base de
préjugés soigneusement entretenus et alimentés par la
partie patronale, ce projet de loi choisit de sabrer dans les droits acquis des
travailleurs et des travailleuses accidentés.
Pourtant, le ministre n'est pas sans connaître les
problèmes de la CSST, ça fait un peu plus d'un an qu'il est
titulaire de ce ministère. Il a, tout comme moi, fait le tour du
dossier. Quand le chef de l'Opposition m'a confié le dossier, j'ai fait
le tour de tous les intervenants: patronaux, syndicaux et associations de
travailleurs accidentés. Et avec une rare unanimité, les
intervenants identifiaient une série de facteurs comme responsables de
l'accroissement des coûts. En tête de liste venaient
l'hyperjudiciarisation, la lourdeur administrative de la CSST, le paritarisme
au bureau de révision. Je l'ai entendu chez le patronat, chez les
syndiqués, chez les accidentés du travail.
La préparation inadéquate ou l'information
inadéquate des médecins traitants, la préparation
inadéquate des agents d'indemnisation, la durée de consolidation,
le nombre et la gravité des rechutes, le transfert par le gouvernement
de coûts à la CSST - et j'y reviendrai - les réclamations
de 1000 $.
À cette liste, le patronat ajoutait: les retraits
préventifs des femmes enceintes ou de celles qui allaitent, le choix
pour l'accidenté du médecin traitant et, pour leur part, les
syndicats ajoutaient le refus des employeurs de réintégrer les
accidentés, le refus, dans les PME, d'assignations temporaires,
préférant faire porter les coûts sur le fonds
général de la CSST, et l'abandon par la CSST du programme de
prévention.
Voilà, pour l'essentiel, les revendications et les remarques qui
nous sont venues de toutes les parties. Mais, dans le projet de loi que nous
avons, il n'y a rien qui corresponde à ce qu'on retrouve dans les
facteurs identifiés comme étant responsables de l'accroissement
des coûts à la CSST, à l'exception des réclamations
de moins de 1000 $ et de la reconsidération administrative.
M. le Président, à l'examen du projet de loi, vous pourrez
constater que la solution choisie, c'est l'alourdissement,
l'hyperjudiciarisation, la mise en tutelle ou, plus justement, la mise à
l'écart du médecin traitant. Et pendant ce temps, la grosse
boîte de la CSST à Montréal - et je ne parle pas des
travailleurs - peut dormir tranquille, parce qu'on a trouvé le bouc
émissaire, c'est l'accidenté. Comme le disaient souvent à
la blague les professeurs et les administrateurs dans les cégeps:
Ça irait donc bien dans les cégeps si on n'avait pas
d'élèves! C'est un peu ce que la CSST est en train de nous
dire.
M. le Président, c'est un projet de loi qui aura des
conséquences majeures sur les accidentés du travail. Et je vais
résumer les principales dispositions. Ce n'est pas un projet de loi
mineur. De façon particulière, le projet de loi touche à
pas moins de 25 aspects de la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, 8 à la Loi sur la santé et la
sécurité du travail, et prévoit plusieurs mesures
transitoires. Je ne les prends pas nécessairement dans l'ordre, je vais
les prendre davantage par secteur et dans l'ordre des articles du projet de
loi.
L'accès au dossier du travailleur par l'employeur imputé
pour les lésions professionnelles, et non seulement par l'employeur du
travailleur au moment de la lésion, s'il vous plaît! Le projet de
loi accorde aussi à l'employeur le droit de contestation, lorsqu'il y a
rechute et aggravation. Il permet à la CSST de contester le rapport du
médecin du travailleur simplement en obtenant un rapport d'un
médecin qu'elle désigne. La CSST est alors liée par le
rapport de «son» médecin, à moins que dans les 30
jours l'accidenté n'ait pu avoir une expertise médicale d'un
spécialiste. Le ministre ne sait peut-être pas ce que ça
veut dire, trouver un
spécialiste en région. Qu'il en parle un peu au ministre
de la Santé et des Services sociaux pour savoir l'état, la
situation des effectifs spécialisés en santé dans les
régions. Demander à un travailleur, qui plus est, d'avoir
accès à un spécialiste dans les 30 jours, c'est consacrer
le diagnostic du médecin de la CSST. Qui plus est, il peut aller au
Bureau d'évaluation médicale, mais si le Bureau
d'évaluation médicale ne l'entend pas dans les 30 jours, ce n'est
pas la faute de l'accidenté, c'est le diagnostic de la CSST. Le ministre
trouve ça normal? Je pense qu'il y a un problème autour de
l'encadrement du médecin traitant. Je ne pense pas que ce soit la
façon de le solutionner.
La troisième disposition, c'est faire reposer sur le travailleur
et l'employeur le fardeau de contester le rapport du médecin
désigné par la CSST. Auparavant, la CSST et l'employeur avaient
le fardeau de contester le rapport du médecin traitant. On vient
d'inverser le fardeau de la preuve. On étend les pouvoirs...
Des voix:...
Mme Blackburn: M. le Président, est-ce qu'il serait
possible de leur demander d'aller causer à l'extérieur? Il y a
des salons pour ça.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'inviterais les
députés à permettre à Mme la députée
de Chicoutimi de s'exprimer, comme elle a le droit de le faire, dans une
tranquillité relative. Si vous voulez discuter, MM. les
députés, je vous invite à le faire en dehors de
l'Assemblée. Allez-y Mme la députée de Chicoutimi.
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. La quatrième
disposition que je retiens vise à étendre les pouvoirs de la CSST
et de l'employeur d'exiger du travailleur qu'il se soumette à un examen
par le médecin qu'ils désignent, à la fois la CSST et
l'employeur; remplacer l'arbitre médical par le Bureau
d'évaluation médicale, lequel a une compétence
limitée dans le temps, c'est 30 jours. S'il n'a pas fait son travail
dans les 30 jours, s'il a manqué de médecins, c'est le
travailleur qui est pénalisé. Cependant, il a le pouvoir de se
prononcer sur toute question médicale qui ne ferait pas partie de la
contestation des parties. Une question sur laquelle le médecin traitant
ne s'est même jamais prononcé.
Il prévoit la révision des questions médicales
déterminées par le Bureau d'évaluation médicale,
par le bureau de révision, auquel on peut adjoindre un assesseur. Le
ministre prétendait qu'on allait alléger, voilà qu'on
ajoute un assesseur. On vient également élargir les pouvoirs de
reconsidération de la CSST, mais si la CSST refuse de
reconsidérer, fini, il n'y a pas d'appel. Ça, c'est fait, c'est
supposé être fait pour protéger le travailleur. Vous irez
leur dire ça, M. le ministre. On vient créer un mécanisme
de conciliation de la CSST au bureau de révision et, dans ce dernier
cas, il est obligatoire. Alors, vous allez voir comment on va alléger,
tantôt, je vais l'illustrer.
Et finalement, ce qui vient couronner le tout de façon
complètement odieuse, c'est la modification à la commission
d'appel sur les lésions professionnelles. La commission d'appel ne
pourra plus faire d'enquête et ne pourra recevoir qu'exceptionnellement,
et très exceptionnellement, des preuves additionnelles qui
n'apparaissent pas au dossier du bureau de révision paritaire. La CALP
se verra, dans la majorité des cas, confinée à porter
jugement sur des papiers, sur des dossiers. C'est exceptionnel, c'est un
précédent, ça ne se retrouve dans aucun autre tribunal
similaire, qu'il soit judiciaire ou quasi judiciaire. Et j'ai fait faire la
recension de tous les tribunaux, la pratique dans les différents
tribunaux - je pourrais la remettre au ministre - et, à l'exception, je
pense, des brefs d'évocation, tous les autres tribunaux peuvent recevoir
des preuves additionnelles. À l'occasion c'est sur enquête et,
à l'occasion, de façon exceptionnelle, tous tiennent des
audiences et la majorité peuvent faire des enquêtes. Ça
serait un précédent, et y compris le Tribunal du travail.
Il faut ajouter à ces dispositions les mesures transitoires
prévues à la fin du projet de loi qui permettent la
révision des dossiers d'arbitrage médicaux par le bureau de
révision paritaire et ce, dès l'entrée en vigueur du
projet de loi. Elles permettent aussi à la commission d'appel de traiter
les appels dont elle est actuellement saisie en suivant la procédure
d'appel existante avant l'entrée en vigueur du projet de loi. (22 h
50)
La loi aura-t-elle comme effet de réduire la lourdeur de
l'appareil administrative et de déjudiciariser? Voyons un exemple, le
cheminement d'une contestation en vertu de l'article 32, congédiement ou
sanction illégale. Actuellement, trois étapes: CSST, BRP et CALP.
Dans la loi actuelle, observez bien. La CSST examine le dossier, elle l'envoie
en conciliation. On invoque une reconsidération administrative, la CSST
peut faire la reconsidération administrative et retourner à la
conciliation. S'il y a contestation, ça va au BRP et, là, le BRP
peut demander une conciliation et, là, elle est obligatoire s'il la
demande. Et il s'en va à la CALP et la CALP peut demander une
conciliation et vous avez non plus trois étapes, mais vous en avez huit
et, entre chacune des étapes, il y a fatalement un délai.
Examinons à présent la question des diagnostics
médicaux. Actuellement, vous avez le médecin traitant, dont le
diagnostic fait obligation, à moins qu'il ne soit contesté en
dernière instance, c'est-à-dire que la CSST peut demander un
examen médical, mais, s'il contredit le diagnostic du médecin
traitant, c'est le diagnos-
tic du médecin traitant qui est maintenu. La CSST peut aller en
appel devant l'arbitrage médical et, si l'arbitrage médical
renverse la décision de la CSST, c'est toujours la décision du
médecin traitant. Mais, dans l'hypothèse qui est mise sur la
table, c'est le médecin traitant. Là, le médecin traitant,
ça ne fait pas l'affaire de la CSST; la CSST demande un examen
médical. L'examen médical, la CSST contredit l'examen du
médecin traitant, c'est la décision du médecin de la CSST
qui vient conditionner l'accès au programme. Et là, la CSST dit:
Oui, tu as juste à te retourner puis aller au BRP, au BEM, Bureau
d'évaluation médicale. Mais le bureau d'évaluation
médicale, s'il ne peut le recevoir dans les 30 jours et que
l'accidenté ne peut pas avoir accès à un
spécialiste dans les 30 jours, c'est fait, c'est fini, il n'y a plus de
place, il n'y a plus d'appel. Son cas est réglé, et
définitivement. Là, on aura fait non pas trois démarches,
mais cinq. Et si l'accidenté peut et a les moyens de voir son
spécialiste, là, vous en auriez six.
Et on prétend alléger. Mais qui plus est, actuellement,
dans l'état du droit actuel, de la jurisprudence, à la CSST, 50 %
des diagnostics des médecins de la CSST sont renversés quand ils
vont en appel devant l'arbitrage médical. Ça veut donc dire
qu'une fois sur deux, la CSST se trompe. Plus grave, lorsqu'elle va à la
Commission d'appel en matière de lésions professionnelles, c'est
76 % des cas où la Commission d'appel confirme le jugement de
première instance. Et là, vous nous dites que vous êtes en
train de vouloir aider les travailleurs accidentés. À qui
allez-vous faire croire une telle chose?
L'ajout d'un médecin... En plus, il faut ajouter, il y a l'ajout
d'un médecin au bureau de révision paritaire et il y a l'ajout
d'un assesseur à la CALP. L'ajout des dossiers médicaux au bureau
de révision, ça ajoute 5000 dossiers par année. Il n'y en
avait pas assez! Ça va ajouter juste 5000 dossiers par année.
M. le Président, à l'unanimité des intervenants,
non pas sur la place publique, mais le ministre le sait - il m'a fait signe que
oui, tantôt, il le savait - les parties nous disent: Le paritarisme dans
le bureau de révision pour faire de l'adjudication, c'est quasiment une
hérésie. Le bureau de révision paritaire, tel que
constitué, est coûteux. Il génère des délais,
il judiciarise, il fait la fortune des assesseurs, des avocats, mais le malheur
des accidentés. Généralement, on a tous entendu
ça.
Rappelons qu'un BRP, c'est un président nommé par la CSST,
c'est un assesseur représentant la partie patronale et un
représentant la partie syndicale. Je me suis amusée a examiner la
liste des assesseurs et on remarquera qu'il doit y en avoir 400 et quelques du
côté des syndicats, parce qu'ils les spécialisent et les
gardent dans leur région, et ils ne gagnent pas leur vie à plein
temps avec ça, tandis que, du côté patronal, vous avez des
assesseurs patronaux qui font systématiquement le tour de quatre ou cinq
régions. C'est de l'argent, c'est des coûts, et ces gens-là
sont gras-dur, juste en jouant le rôle d'assesseur au sein des BRP et,
évidemment, ça entraîne toute la série de frais de
déplacement qu'on connaît. Le BRP, actuellement, c'est 18 000 000
$ pour 1992 et ça ne comprend pas les frais de déplacement.
Que nous auraient dit les travailleurs et les travailleuses de la CSST
si on les avait entendus et que nous auraient dit et que nous diraient les
accidentés et les syndiqués représentant les
accidentés? Ils nous auraient dit qu'il n'est pas vraiment normal que le
médecin identifié par l'accidenté comme étant son
médecin traitant, ce médecin-là n'ait pas
été informé, et qu'une des façons de corriger cette
aberration, ce serait peut-être de faire obligation à
l'accidenté d'informer et de demander au médecin s'il veut
vraiment être son médecin traitant. C'est ça que les
travailleurs et les travailleuses nous auraient dit à la CSST. Et ce
même médecin traitant, qui est compétent pour traiter des
lésions professionnelles, devrait être assisté pour
décider de la capacité de l'accidenté d'occuper un emploi
ou de prendre un poste par assignation temporaire.
Ils nous auraient également dit qu'il était anormal que 75
% des décisions de la CSST se prennent alors que les travailleurs sont
retournés au travail. C'est même plus que 75 %. Si vous avez les
données tout a fait récentes, ça vous donne, si vous
additionnez les deux, 77 %; 77 % des dossiers, quand la CSST se prononce
là-dessus, sont retournés travailler, parce que la CSST n'est pas
prévenue à temps. C'est ça qu'ils vous auraient dit, les
travailleurs de la CSST, si vous leur en aviez parlé. Le délai de
saisie et de décision de la CSST, saisie des dossiers et
décision, varie entre 26 et 49 jours. Trouvez-vous ça normal? Et
est-ce que la décision de couper complètement et de sabrer dans
les droits des travailleurs accidentés, c'est ça qui va
régler cette situation? C'est sur le dos des travailleurs
accidentés qu'on va régler ça? Inacceptable!
Ils vous auraient également dit, les gens de la CSST, que le
recours à la sous-traitance crée la précarité, ne
favorise pas l'acquisition d'expérience et favorise la prise de
décision erronée dans certaines circonstances, parce qu'ils n'ont
pas le temps de développer l'expertise. Qui plus est, les pressions pour
augmenter le nombre de dossiers traités augmentent les risques d'erreur
- ils vous auraient dit ça aussi - et les demandes de révision,
par voie de conséquence. Ils vous auraient dit également: Ne
faut-il pas s'inquiéter des motivations à contester de la CSST et
des employeurs devant la CALP, quand on sait que 76 % des décisions sont
renversées? Ça veut dire trois décisions sur quatre. Trois
décisions sur quatre - je vois le ministre; je viens de
téléphoner, je ne donne jamais de données sans
vérifier et je tiens les données de la CALP; je tiens les
données de la CALP - sont
partiellement ou entièrement renversées. Donc, le
diagnostic de première instance est maintenu. Et pourquoi? Quel est
l'intérêt de l'employeur? Parce que, après trois ans,
ça tombe sur le bras de la CSST, sur le fonds général.
Alors, plus il traîne les cas, moins ça va passer dans sa caisse.
(23 heures)
Que nous diraient aussi les travailleurs de la CSST et les
travailleuses, de façon générale? Ils nous diraient que le
refus d'assignation temporaire et de réintégration de
travailleurs accidentés fait porter la note sur le fonds
général de la CSST, et c'est une pratique courante. J'ai un cas.
Je n'oserais pas la nommer, il aurait fallu que je lui demande. Une des
secrétaires, sur l'étage, dont la fille travaille dans un
hôpital; elle a demandé une assignation ailleurs parce qu'elle
avait un problème de santé relié aux conditions de
travail. Ils lui ont refusé. C'est sur le bras de la CSST. Puis elle le
voulait. Elle disait: Je ne me vois pas, moi, sur la CSST. Pourquoi? Parce que,
chaque fois que vous n'êtes pas cotisé, que la cotisation n'est
pas personnalisée, vous avez intérêt à faire porter
ça par tout le monde et vous envoyez ça sur le bras de la CSST,
ce qu'on appelle le fonds général de la CSST.
Ce que vous disent les patrons et les syndicats: Arrêtez de
pelleter les coûts à la CSST. La CALP, c'est 23 000 000 $;
ça devait être assumé par le ministre de la Justice.
L'inspection, c'est 18 000 000 $; ça devait être assumé par
le gouvernement, par le Conseil du trésor. Cette année, ils font
un cadeau de 14 000 000 $, mais il manque 56 000 000 $ dans la caisse, et on
n'a pas compté les 4 000 000 $ manquants de cette année.
L'assurance-maladie. Comme le disent les employeurs, et je suis d'accord
avec eux, comme le dit M. Dufour, le président du Conseil du patronat:
Ce n'est pas normal que nous payions déjà une cotisation sur la
masse salariale pour l'assurance-maladie du Québec et qu'en plus, quand
on a des accidentés, on nous refasse payer. On paie deux fois. On paie
deux fois également lorsqu'on a un accidenté de la route. Parce
que les employeurs paient déjà des assurances additionnelles pour
leurs camions, pour leurs véhicules, et ils paient encore s'ils ont un
accident. Alors, ce que disent et les patrons et les syndicats: Arrêtez
donc de pelleter vos coûts dans la cour de la CSST et peut-être
qu'on aurait un peu moins de problèmes de financement.
La situation ne serait-elle pas différente et pourrions-nous voir
un début de correction de la situation si on avait
réexaminé le paritarisme au bureau de révision, si on
avait fait obligation, faute de quoi il y aurait pénalité,
à l'employeur de déclarer dans les 24 heures, jours ouvrables, un
accident? Il est anormal que la CSST ne soit pas informée des accidents
dès qu'ils ont lieu. On pourrait aussi envisager, parce qu'il faut aussi
responsabiliser les employés... L'accidenté... Vous savez, quand
vous avez un accident d'automobile, vous appelez l'assurance-automobile. Quand
vous avez un accident de travail, il serait normal que l'accidenté du
travail, quand il le peut - évidemment, s'il est dans le coma,
là, tout le monde comprendra - prévienne la CSST, disons, dans
les 48 heures, et lui indique le nom de son médecin traitant de
manière à ce que la CSST puisse, dès les premiers jours,
commencer à soutenir le travailleur accidenté.
On aurait pu aussi examiner comment la conciliation aurait pu avoir des
effets de réduire les coûts, d'accélérer le
traitement des dossiers. Là, on n'aura pas à le voir parce qu'on
a décidé qu'on pénalisait d'un bout à l'autre
l'accidenté du travail.
M. le Président, on aurait pu également mettre en
application les programmes de prévention; ils ont été
abandonnés. C'est ce que vous diraient aussi les travailleurs de la
CSST. Parce que, curieusement... Là-dessus, beaucoup d'entrepreneurs et
d'hommes d'affaires et de patrons partagent mon avis: Les accidents du travail
sont généralement directement reliés à la
qualité des relations de travail. Et faire de la prévention en
santé et sécurité, c'est payant. C'est payant. Vous n'avez
qu'à observer les secteurs où vous avez le plus d'accidents de
travail, sauf les cas où on a dû accélérer la
production pour toutes sortes de raisons de productivité, là, on
a connu un accroissement des accidents de travail; dans les autres cas, c'est
dans les services publics, parapublics et péripublics où les
relations de travail sont pourries. Vous retrouvez plus d'accidents dans les
municipalités, dans les hôpitaux et dans les commissions
scolaires, curieusement. Et ça a un rapport direct avec les relations et
la qualité des relations de travail. Évidemment, un environnement
qui est moins sain entraîne généralement un stress, une
tension qui a des conséquences sur les accidents du travail.
M. le Président, le projet de loi est un projet de loi mal fait,
dicté par le président du conseil de la CSST et, j'oserais dire,
dont la main était tenue par le président du Conseil du patronat.
C'est un projet de loi anti-travailleurs et qui, plus est, ne viendra pas
réduire les coûts de la CSST. Il va tout au plus réduire
les droits des travailleurs. J'invite avec insistance le ministre à
répondre favorablement aux demandes - parce que j'ai
vérifié, j'ai vérifié - des travailleurs et des
travailleuses de tous les syndicats qui ont accepté la proposition que
je leur faisais. Je leur ai dit: Écoutez, je pense qu'il faut apporter
un minimum de modifications à la loi de la CSST, ne serait-ce que la
reconsidération administrative, la conciliation et les 1000 $, les
dépenses, là, les réclamations de moins de 1000 $. Sauf
qu'il me semblait que la situation était telle qu'on devait faire un
geste.
J'ai vérifié auprès de toutes les centrales
syndicales, à savoir si elles accepteraient, dans
ces conditions, de participer à une consultation et toutes ont
demandé, à l'exception de la FTQ qui demande une consultation,
une enquête et une consultation impliquant les groupes que j'ai
identifiés. Alors, la proposition que j'ai faite au ministre n'est pas
la proposition de la députée de Chicoutimi, c'est la proposition
qui serait appuyée par la très grande majorité des
syndicats représentant les travailleurs et les travailleuses du
Québec et des différentes associations de travailleurs
accidentés. Ils demandent donc, je le rappelle, une consultation et une
enquête par des spécialistes indépendants, neutres, sur la
CSST, sur ses modes d'établissement de la cotisation, sur ses modes
d'évaluation de ses besoins, de ses déficits, de la durée
de consolidation, du recours à la sous-traitance, de certaines
décisions administratives. Les syndicats sont conscients et je suis
consciente que nous n'aurions pas, demain matin, une telle étude pour
prendre la décision sur le projet de loi 35. Cependant, nous avons la
certitude qu'une telle étude fournirait au gouvernement et au ministre
les informations qui permettraient de revoir de façon plus judicieuse
les différentes dispositions des deux lois, à savoir la Loi sur
la santé et la sécurité du travail et la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles. Une telle étude
permettrait - et je veux prendre cet engagement - nous garantirait la
collaboration de l'Opposition au moment où on pourrait aborder à
nouveau les principales questions qui pourraient être laissées en
suspens, celles qui sont les plus contentieuses dans ce projet de loi et que
nous pourrions aborder à la lumière de cette étude
dès la prochaine session.
Ceci ne veut pas dire pour autant que, si le ministre accepte les
propositions que nous lui faisons, nous ne contribuerons pas à accepter,
à adopter les dispositions que j'ai citées: la conciliation,
l'arbitrage... la conciliation, les dépenses, c'est-à-dire les
réclamations de moins de 1000 $ et la reconsidération
administrative, évidemment sujette à encadrement, parce qu'il y a
des trous et, ensuite, pour les autres dispositions, nous pourrions voir
à la suite du dépôt de l'étude des experts. Je pense
que c'est une proposition qui démontre une grande volonté d'en
arriver à des modifications importantes du fonctionnement de la CSST,
mais de façon à rétablir les finances de la CSST.
L'Opposition fait preuve, je pense, dans ce dossier, du sens des
responsabilités, et j'espère que le ministre en fera autant. Je
vous remercie, M. le Président. (23 h 10)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Je vous rappelle que nous sommes à
étudier la motion du ministre du Travail proposant l'adoption du
principe du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail
et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Je
cède maintenant la parole à M. le député de
Drum-mond. Je vous rappelle, M. le député, que vous disposez
d'une période maximale de 20 minutes.
M. Jean-Guy St-Roch
M. St-Roch: Je vous remercie, M. le Président. C'est
toujours avec beaucoup de ravissement et aussi beaucoup d'humilité que
je m'adresse à cette Chambre au nom de mes concitoyens et concitoyennes,
et particulièrement ce soir lors de l'étude du projet de loi 35,
Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail et la Loi sur l'assurance-maladie.
Dans le cadre du temps qui m'est imparti, je voudrais, M. le
Président, d'abord faire état de l'important problème que
vient corriger ce projet de loi. Ensuite, je me propose de faire ressortir les
mérites de la solution proposée par le ministre du Travail avec
ce projet de loi.
M. le Président, le projet de loi 35 que nous avons devant nous
aujourd'hui va droit au coeur du problème de notre régime de
santé et de sécurité au travail. Même si la presse a
fait largement écho de sa nature, il n'est pas inutile d'en faire
état, compte tenu de sa gravité. Notre régime de
santé et de sécurité au travail est confronté
à de graves problèmes. Les déficits s'y accumulent de
manière incontrôlée depuis trois ans. Le régime
encourra, en 1992, un déficit estimé à 608 000 000 $, qui
s'ajoute aux 791 000 000 $ de 1991 et aux 262 000 000 $ de 1990. Enfin, il
manque presque 3 500 000 000 $ pour remplir les engagements à long terme
déjà pris auprès de certains bénéficiaires
du régime.
Les causes du malaise, M. le Président, dont souffre le
régime québécois de santé et de
sécurité au travail, ont été identifiées par
le gouvernement, les employeurs et les représentants des travailleurs et
des travailleuses. Ces causes sont d'abord de nature structurelle et de nature
conjoncturelle. Le gros du déficit de la CSST est imputable à sa
structure et à son mode de fonctionnement. Il provient d'une hausse des
dépenses, notamment au chapitre du remplacement du revenu, et est
dû, en grande partie, à l'allongement exceptionnel de la
durée de l'indemnisation. Cette durée d'indemnisation, alors
qu'elle était, en 1989, de 47,1 jours, s'établit maintenant
à plus de 76,3 jours. La durée moyenne de prestations s'est donc
allongée à un rythme inquiétant au cours des trois
dernières années. C'est d'autant plus inquiétant que cet
allongement s'est fait en dépit des réels efforts de
prévention et des progrès de la médecine du travail
moderne. Examinons maintenant cette structure et ce mode de fonctionnement de
la CSST afin d'en faire ressortir les lacunes qui sont à la source de
son débordement financier.
M. le Président, comme vous le savez, la Loi sur les accidents du
travail et les maladies
professionnelles contient un processus décisionnel qui, au fil
des ans, s'est avéré lourd en matière médicale.
Cette lourdeur tient au fait que la Commission est liée par le
médecin traitant du travailleur et ne peut être
déliée que par l'avis d'un arbitre. En effet, pour se
délier, la Commission doit obtenir l'avis d'un arbitre qui infirme cette
opinion à la fin d'un long processus de contestation initié par
elle ou par l'employeur. Or, dans ce processus, l'employeur n'a pas, dans la
loi, un droit d'accès direct à l'information médicale
détenue par la Commission au sujet de la lésion professionnelle
du travailleur.
Ainsi, certains employeurs, qui se voient imputer les coûts d'une
lésion, n'ont même pas le droit d'accès à des
renseignements. De plus, pour initier une contestation médicale devant
l'arbitre, la Commission ou l'employeur, selon le cas, doit obtenir un rapport
médical infirmant l'opinion du médecin qui a charge, tandis que
le droit d'exiger que le travailleur se soumette à un examen
médical est très limité. En outre, et c'est là le
problème qui nous occupe, la loi prévoit que l'arbitre doit
rendre son avis dans les 30 jours de la date à laquelle la contestation
lui est soumise. Cependant, en 1991, plus de 8000 demandes d'arbitrage
médical ont été faites, et les délais pour obtenir
l'avis de cet arbitre ont atteint jusqu'à 7 mois. Mais dans
l'intervalle, M. le Président, la Commission doit continuer à
indemniser le travailleur en fonction des rapports qu'elle reçoit de son
médecin traitant.
Il faut également souligner que le processus d'arbitrage
médical doit être rigoureusement suivi, à défaut de
quoi l'avis d'arbitrage peut être annulé par la Commission d'appel
en matière de lésions professionnelles. Dans le cas où le
processus d'arbitrage n'est pas rigoureusement suivi, la Commission redevient
alors liée par l'opinion du médecin qui a charge du travailleur
sans que personne ne puisse en contester la pertinence. Telles sont, M. le
Président, les lacunes au chapitre du processus décisionnel en
matière de lésions médicales.
Voyons maintenant une autre lacune reliée à la structure
et au mode de fonctionnement de la CSST. Suivant ces structures et ce
fonctionnement, les travailleurs accidentés capables d'occuper un autre
emploi chez leur employeur ne sont pas tenus de le faire. En effet, certains
travailleurs ne sont pas obligés d'occuper un emploi convenable
disponible chez leur employeur, ce qui n'est évidemment pas sans effet
sur les coûts du régime. En outre, il y a également, au
rang des lacunes, le fait que la loi accorde une indemnité pour bris
d'orthèse et/ou de prothèse, même s'il n'y a pas eu de
lésion professionnelle. L'absence de lésion professionnelle
limite les possibilités d'établir un lien direct entre les bris
d'orthèse ou de prothèse et le lieu de travail. Ce faisant, il
ouvre la porte à des intermédiaires très larges, ce qui a
fini par être assez coûteux pour notre régime de
santé et de sécurité au travail.
Au rang des lacunes actuelles de notre régime, il y a
également l'assistance médicale. Celle-ci est mal cernée
dans la loi actuelle et ne permet pas un contrôle des coûts. Le
contrôle des coûts est rendu également difficile par les
règles de la loi actuelle relativement aux indemnités. Les
règles de la loi actuelle sur la prise d'effet des décisions
obligent la Commission à payer des indemnités non
récupérables lorsque le droit du travailleur est par la suite
nié, c'est-à-dire lorsque sa réclamation à la CSST
n'apparaît pas fondée. De plus, lorsqu'il y a des erreurs, la
Commission ne peut les corriger par reconsidération à cause d'un
pouvoir limité que lui attribue la loi actuelle. Le pouvoir actuel de la
Commission est aussi limité au chapitre de la révision. Dans les
cas où il y a révision, et ils sont nombreux, celle-ci se fait
devant un bureau composé de trois membres qui ne peut se prononcer sur
des questions d'ordre médical.
M. le Président, on a également constaté des
lacunes au niveau de la procédure d'appel. La Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles accumule actuellement des
retards. De plus, la preuve qui a déjà été faite
devant le bureau de révision est souvent entendue à nouveau
devant la Commission d'appel. Il s'agit là d'une sorte de
dédoublement qui ne va pas sans entraîner des délais qui,
par ailleurs, affectent les coûts du régime.
Enfin, il y a une autre lacune; celle-ci est relative à la
structure décisionnelle au sommet de la CSST. On constate que le
président est également directeur général. Il est
le seul responsable à la fois des politiques et de l'administration de
la Commission. Ce problème a, par ailleurs, déjà
été constaté dans plusieurs organismes gouvernementaux et
des correctifs ont été apportés par le gouvernement depuis
quelques années.
Telles sont, M. le Président, brièvement exposées,
les lacunes qu'a révélées un examen attentif de la loi
régissant actuellement notre régime de santé et de
sécurité au travail. Je voudrais maintenant aborder le second
point de mon exposé, c'est-à-dire les corrections qu'apporte le
projet de loi 35 à ces lacunes pour sauvegarder le régime, tout
en maintenant et en protégeant les bénéfices auxquels ont
droit les travailleurs et les travailleuses.
M. le Président, le projet de loi 35 poursuit un certain nombre
d'objectifs que l'on ne saurait ici passer sous silence. Le premier objectif
est de réduire le délai d'indemnisation et les coûts
associés à la réparation des accidents et des maladies
professionnelles. Le second objectif poursuivi par le projet de loi 35 est de
favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et
des lésions professionnelles. Le troisième objectif poursuivi par
le projet de loi est de désengorger les différentes instances de
révision et d'appel prévues à la loi.
Enfin, le quatrième objectif, et non le moindre, est d'humaniser
davantage les services offerts aux bénéficiaires du
régime.
La raison d'être de ces objectifs, M. le Président, n'est
rien de moins pour le gouvernement que la sauvegarde du régime et le
maintien de la compétitivité de ses différents secteurs
d'activité où elle s'applique. Le gouvernement veut ainsi assurer
une meilleure protection aux travailleurs et aux travailleuses
accidentés, offrir des soins d'une plus grande qualité et
efficacité, et ce, afin de favoriser le retour au travail du travailleur
ou de la travailleuse dans le maintien de sa dignité.
Concrètement, le projet de loi 35 propose ceci. Premièrement, il
propose un réaménagement du processus d'évaluation
médicale à travers l'implantation d'un bureau d'évaluation
qui prend la place de l'arbitrage médical actuel, et ce,
évidemment, afin de permettre au bureau d'évaluation
médicale de donner son avis sur les questions qu'il juge
appropriées et dans un délai qui lui est imparti.
Deuxièmement, le projet de loi 35 propose un
réaménagement de la procédure de révision des
décisions de la Commission, entre autres, par la création d'un
service de conciliation d'une division du financement au bureau de
révision paritaire. Le réaménagement de la
procédure de révision proposé contient également un
élargissement de la juridiction des instances opposant la Commission aux
questions d'ordre médical. Toujours au chapitre du
réaménagement de la procédure de révision, le
projet de loi suggère que l'appel à la Commission en
matière de lésions corporelles se fasse dorénavant par
dossier et que l'appel soit permis aux litiges de plus de 1000 $. De plus, il
propose de permettre à la Commission d'appel de surseoir à une
décision du bureau de révision paritaire dans certains cas. (23 h
20)
Troisièmement, le projet de loi 35 propose que le poste de
président-directeur général soit scindé en un poste
de président du conseil d'administration et chef de la direction et de
président et chef des opérations. Autrement dit, M. le
Président, le projet de loi établit une direction
bicéphale, pour emprunter une formule bien connue.
Quatrièmement, le projet de loi 35 prévoit que les
décisions de la Commission ou d'un bureau de révision paritaire
prennent effet immédiatement.
Cinquièmement, le projet de loi contient d'autres dispositions
telles que l'indemnisation pour les bris d'orthèses et de
prothèses dans les cas de lésions professionnelles, la
possibilité pour la Commission de la santé et de la
sécurité du travail de reconsidérer dans certains cas ses
décisions, comme l'action professionnelle de la santé
désignée par l'employeur au dossier médical du travailleur
dans certains cas, et enfin, l'occupation d'un emploi convenable disponible
chez un employeur pour un travailleur victime d'une maladie professionnelle
alors qu'il est âgé d'au moins 35 ans, ou d'au moins 60 ans pour
une autre lésion. Telle est la substance, M. le Président, de ce
que propose le projet de loi 35.
Je me rends compte que le temps avance et qu'il importe de conclure, et
je voudrais le faire en rappelant les objectifs de mon gouvernement sur ce
projet de loi 35. Le premier et le plus important des objectifs poursuivis par
le projet de loi, M. le Président, c'est rien de moins que la sauvegarde
du régime de santé et de sécurité du travail qui
est actuellement en péril en faisant face à des
difficultés financières qui sont plus que sérieuses et en
menacent sa survie même. Toutes les parties concernées, que ce
soit la partie patronale, la partie syndicale, la CSST elle-même,
reconnaissent la pertinence et l'urgence d'intervenir dans ce dossier
même si, comme on le sait, des sensibilités sont
différentes quant aux solutions.
Est-il perfectible? Oui, M. le Président, comme tout projet de
loi, et c'est avec ouverture d'esprit que nous entreprendrons l'étude
article par article en commission parlementaire, à l'écoute de
toute intervention pouvant le bonifier, pour faire en sorte que nous puissions
nous doter d'une loi moderne, corrigeant la problématique
déjà énumérée dans le bref exposé que
je viens de conclure, dans le respect des travailleurs et des travailleuses. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de drummond. sur le même sujet, je cède
maintenant la parole à m. le député de joliette et leader
de l'opposition officielle.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. J'ai lu avec
beaucoup d'attention ce projet de loi. Avec beaucoup d'attention, je vous
dirai, parce que s'il est un dossier qui, dans nos bureaux de comté,
nous crée des problèmes à peu près à chaque
lundi, c'est bien la CSST. Combien de lundis matin, M. le Président, on
doit recevoir trois, quatre, cinq accidentés du travail qui viennent
nous conter leurs problèmes de la CSST! Pour les uns, M. le
Président, ils viennent nous dire: Écoutez, j'ai dû aller
passer une expertise, puis il m'a fait marcher pendant 12 secondes, il m'a fait
tourner sur les talons, puis je suis retourné chez nous, puis j'ai
reçu une décision comme quoi j'étais apte au travail,
alors que j'ai un problème de colonne, j'ai un problème de
ligament étiré, déchiré, etc., puis on m'a dit que
j'étais correct. J'ai dû repayer une somme assez importante pour
passer une expertise personnelle auprès d'un médecin
spécialiste pour venir à bout d'aller contester au niveau de la
CSST.
Ça, M. le Président, on entend ça
régulièrement dans nos bureaux de comté, si bien qu'il y a
des travailleurs qui, à cause des titres de
journaux, nous disent: Écoutez, est-ce parce qu'ils sont
déficitaires qu'ils se comportent de même? Des journées,
c'est 500 000 000 $, le lendemain, c'est 600 000 000 $; il y a des rumeurs de
700 000 000 $, puis on a des titres parlant de 800 000 000 $ de
déficit.
M. le Président, les gens disent: Eh bien, ils ont reçu
des directives, naturellement, et comme ils n'ont pas à débourser
les sommes, ils étirent ça pendant des mois et des mois.
L'individu doit se ramasser soit sur l'aide sociale conditionnelle, parce qu'il
doit signer comme quoi s'il est payé par la CSST, il devra rembourser,
puis on assiste à toutes sortes de problèmes, y compris les
problèmes familiaux qui en découlent, M. le Président,
très graves à part ça. Je peux parler en connaissance de
cause parce que j'en reçois énormément, des travailleurs
accidentés dans mon bureau.
Donc, M. le Président, je ne sais quasiment pas par quel bout
prendre ça, ce dossier. Et je pense que le ministre ne le sait pas et le
gouvernement non plus, d'après la loi qu'il nous dépose. Puis je
regarde le député de Mille-Îles froncer les sourcils. Je
vais lui expliquer pourquoi je pense qu'ils ne savent pas par quel bout le
prendre. Parce que, dans un premier temps on leur a dit, nous, pas plus tard
qu'hier, pas hier mais jeudi dernier, qu'il faudrait bien entendre la CSST une
couple d'heures pour savoir ce qui se passe dans cette boîte-là
avant d'adopter un tel projet de loi.
On recevait une proposition aujourd'hui: Pas question d'entendre la
CSST! M. le Président, c'est une boîte qui coûte 20 %
à 25 % de son budget en administration. C'est une boîte qui
coûte plus de 280 000 000 $ en gestion, en administration. Vous avez
créé le comité Poulin. Il aurait dû se pencher un
peu sur cette boîte-là pour savoir si c'est un peu raisonnable,
normal.
Moi, je pourrais vous déposer, ici, en cette Chambre, M. le
Président, juste pour six mois, un paquet de contrats de
sous-contractants à la CSST qui exigent des dizaines, des dizaines, et
des dizaines de milliers de dollars. Et on pourra vous donner les dates, les
numéros de contrats, le nom des consultants à part ça. Il
y a quelque chose qui accroche, là. Et je ne comprends pas que le
ministre du Travail, lui qui se dit transparent, ne permette pas qu'on puisse
questionner la CSST, M. le Président, sur sa gestion. Parce que, quand
on analyse une structure qui a des problèmes budgétaires, il faut
regarder l'ensemble du portrait parce que, si on se fie à ceux qui
gèrent au niveau du conseil d'administration, ils n'ont pas du tout le
même point de vue, M. le Président.
Si on rencontre quelqu'un du monde patronal, il va nous dire: C'est la
faute des travailleurs, ils ne veulent plus revenir au travail. Ils se disent
malades, ils ont la complaisance des médecins. C'est à peu
près ce que le patronat nous dit. Tout est la faute des autres. Donc, le
patron nous dit, M. le Président: Les médecins sont beaucoup trop
complaisants et les travailleurs ne veulent plus retourner au travail. Le
régime n'est pas incitatif au retour au travail. Voilà une
version du monde patronal.
Le monde syndical va vous dire, lui: Ça coûte cher. Je
comprends, c'est judiciarisé au bout! Ça prend un avocat,
maintenant. Ça prend des témoins experts, ça coûte
des fortunes. Comme on est toujours battu en première instance, il faut
aller en appel. En appel au niveau d'une première instance à la
CALP puis, après ça, pendant deux ans, au niveau de la Commission
des affaires sociales, puis ça prend deux ans pour y aller. M. le
Président, voilà une autre version diamétralement
opposée.
Et la CSST dans tout ça, elle, pas un mot sur sa gestion! Moi, je
pense qu'une façon intelligente pour des parlementaires de regarder qui
dit vrai, de regarder où est la vérité dans tout cela,
c'est d'avoir la chance de les interroger tous. Je pense qu'il faudrait avoir
la CSST pendant trois, quatre bonnes heures, M. le Président, pour
questionner sur sa gestion, questionner sur la perception que le monde patronal
donne. Est-ce que M. Diamant a la même perception que M. Ghislain Dufour?
Est-ce que Ghislain Dufour a la perception du patron lui-même,
maintenant? C'est très bon d'interroger cela. Je ne suis pas sûr,
moi, que l'AECQ pense la même chose que Ghislain Dufour. Je ne suis pas
sûr que les manufacturiers canadiens pensent la même chose que
Ghislain Dufour. Je ne suis pas sûr de ça, moi. Je suis même
plutôt sûr du contraire, parce que je l'ai entendu dire de leur
bouche, M. le Président.
Il va falloir qu'on voie clair dans ça. Je ne suis pas sûr
non plus que le système n'a pas des correctifs profonds à se
donner. Ça non plus. Je ne veux pas paraître déraisonnable
vis-à-vis des perceptions, mais je suis sûr qu'il y a du vrai dans
les deux perceptions. Puis il y a des nuances à apporter dans les deux
perceptions différentes. Puis il y a sans doute des correctifs majeurs
à apporter au niveau de la gestion comme telle de la CSST. Je suis
sûr de ça aussi. (23 h 30)
Mais, M. le Président, moi, je suis un peu étonné.
Il y a des travailleurs qui, par exemple, se font opérer à un
genou, ligaments, enlèvement de ligaments ou correctif de ligaments.
Puis là, ils se font prescrire de la physiothérapie. Vous savez
ça, vous, M. le Président, un sportif comme vous, vous avez
été appelé à faire de la physio. Le travailleur se
fait prescrire de la physiothérapie. Savez-vous que l'opération a
lieu et que, six mois après, il n'est pas encore admis à
l'hôpital parce qu'on ne peut pas encore lui donner sa physio. Et le
médecin prolonge des congés. Le gars ne va pas en physio. Il fait
son possible chez lui. Il n'y a pas de place!
Il y a même des hôpitaux, comme dans mon coin, où on
s'apprête à fermer la physiothérapie
en externe. Qu'est-ce qu'ils vont faire ces gars-là? On ne peut
pas mettre la faute exclusivement sur les travailleurs, non plus, ce n'est pas
vrai ça. Et le ministre, M. le Président, refuse en plus qu'on
ait un groupe, qu'on reçoive un groupe d'accidentés
eux-mêmes, un groupe, pour qu'on puisse parler un peu avec eux autres de
ce qu'ils vivent comme problèmes ces gens-là. C'est ça
fondamentalement que l'Opposition a demandé afin de collaborer pour
l'adoption de la loi et la bonification de la loi.
Si le ministre s'entête, M. le Président - et je le dis
sans aucune forme de chantage, en droit parlementaire on peut se dire ça
- à ne pas écouter ou à ne pas laisser la CSST se
présenter à la table pour qu'on puisse la questionner, M. le
Président, sur sa gestion, c'est évident que l'Opposition va
prendre les moyens parlementaires pour essayer d'obtenir qu'elle soit
présente en commission parlementaire pour qu'elle puisse s'expliquer sur
sa gestion même des fonds.
Mais, M. le Président, nous avons fait calculer, nous,
dernièrement au niveau du dossier, je ne sais pas si Mme la
députée de Chicoutimi en a parlé, mais, M. le
Président, on parle de déficit astronomique. La moyenne des
cotisations était de 2,75 $ il y a trois ans. Elle est de 2,32 $ trois
ans après. De 2,75 $ à 2,32 $, il y a eu une baisse de
cotisation. Faut-il se surprendre, n'ayant pas le même argent, M. le
Président, qu'ils aient le même budget? Vous allez me dire que ce
n'est pas automatique. Il y avait 202 000 accidentés et c'est
tombé à 176 000. Il y a une diminution des accidents. Ah! vous me
direz, il y a plus long, par exemple. Chaque maladie, si on fait la moyenne,
ça représente un plus grand nombre de jours d'accidents. Mais pas
en termes d'individus.
Est-ce que c'est la seule relation? Si on faisait payer 2,75 $ en
moyenne et que c'est tombé à 2,32 $, il doit y avoir un
problème sûrement au niveau des chiffres, à ce
moment-là. Sûrement. On a diminué de 2,75 $ à 2,50
$, à 2,32 $. Donc, M. le Président, en baissant les cotisations,
c'est évident que les revenus sont moindres. Et, dans une période
de récession, il y en a qui disent: Oui, mais dans une période de
récession, il y a eu moins d'accidents. Je comprends, il y a moins
d'emplois. Ça, ça doit aller un peu de pair ça. S'il y a
moins de personnes qui travaillent, il y a un moins grand risque d'accidents.
Ça ne prend pas un génie pour faire la concordance de cela. C'est
évident. Mais, M. le Président, il est aussi normal dans ces
périodes-là, si l'individu est un accidenté du travail -
je ne dis pas que c'est normal, c'est plutôt humain, parce que la
normalité n'existe pas dans cela - c'est humain que quelqu'un qui se
voit sur une liste de travailleurs accidentés et qui voit son usine
fermer et couper des postes, donc pertes d'emplois, c'est humain - je ne dis
pas que c'est normal, mais c'est humain - qu'un individu dise: Je vais rester
sur les accidents de travail. Le système, malheureusement, encourage
ça, d'une certaine façon.
Le système encourage ça. Moi, je pense qu'il faut revoir
ça et je crois que c'est l'AECQ qui a une approche, M. le
Président, d'un large débat public concret là-dessus, et
je pense que je suis d'accord avec ça, personnellement. Moi, je pense
qu'il faut regarder les choses bien en face. Si on veut sauver le
régime, M. le Président, parce que c'est important qu'on sauve ce
régime d'accidents du travail au Québec, il faut faire une
discussion de fond très sérieusement et à partir de toutes
les facettes de cette structure, M. le Président. Expliquer d'abord le
mode de gestion de la CSST parce que, au pourcentage que ça vient gober
dans les fonds de la CSST, ça mérite un examen très
sérieux, d'abord, cette partie.
Deuxième aspect, on va régler tout ça par un
arbitrage médical, la vision des patrons qui disent que ça
dépend et du travailleur et du médecin, point? Est-ce qu'on est
bien sûr de cela? Est-ce qu'on est bien sûr qu'un arbitrage
médical va tout régler ça? Moi, je ne suis pas sûr
de ça, je suis loin d'être sûr de ça; comme je ne
suis pas sûr, non plus, qu'il faut être simpliste dans les
contrôles. Je suis d'accord qu'il faut des formes de contrôle, en
particulier dans ce secteur-là. Il peut y avoir des certificats de
complaisance; j'en suis sûr, qu'il y en a. Il peut y avoir trop de
judiciarisation; j'en suis sûr aussi. Mais est-ce qu'on doit tout
éliminer? Je ne suis pas sûr, non plus. Judiciarisé,
ça l'est au bout. Il y a des bureaux d'avocats qui ne vivent que de
cela, présentement. Il y a des avocats qui ne vivent que de cas
d'accident de travail. Il y a même des médecins qui se sont
spécialisés, à toutes fins pratiques, pour faire de
l'expertise privée pour les appels devant la Commission d'appel ou
encore devant la Commission des affaires sociales; c'est vrai. Mais, M. le
Président, entre tout cela, entre les perceptions divergentes, c'est
quand même une structure qui, actuellement, est gérée
paritairement par du patronat et du monde syndical. Est-ce qu'il n'y a pas eu,
dans le passé, d'abord, des compromissions de coulisses pour s'entendre,
même au niveau de la tarification? Est-ce qu'on en serait rendu au point,
aujourd'hui, où le régime est en danger parce qu'il y a des
déficits astronomiques si on avait maintenu un pourcentage de
cotisation, à l'époque, qui a de l'allure? Pourquoi avoir
baissé de 2,75 $ à 2,32 $? Il y avait des surplus, à
l'époque? Il y a des structures qui font des réserves
actuarielles, il y a des structures qui ont des fonds. D'autant plus, à
mon point de vue, que les essais pour quantifier la cotisation, fixer des
tarifs à des secteurs industriels, ça n'a pas été
des plus heureux. C'est ça qui a contribué à la
dernière baisse de 2,50 $ à 2,32 $, parce qu'il y avait moins
d'emplois industriels, c'était moins payant, et ça a donné
une moyenne
de 2,32 $.
Mais, M. le Président, quand on regarde tout cela, pourquoi ne
pas se déclarer ouvert à une vision globale de la situation?
Pourquoi le ministre du Travail ne se lève-t-il pas pour dire: Oui, nous
allons écouter la CSST? Un bon avant-midi, on va la questionner sur sa
gestion, on va voir quelles sont ses perceptions, on va demander à un
gars comme M. Diamant, qui, lui, est placé entre le monde patronal et
syndical, de nous donner sa version à lui de gestionnaire de
l'État, grand commis de l'État. Et tu dis au grand commis de
l'État: C'est quoi, le bobo? C'est quoi, le malaise? C'est quoi, selon
vous, les solutions aux problèmes que vit la CSST? C'est ça,
fondamentalement, qu'on veut faire, M. le Président. Et, si on ne l'a
pas, on vous le dit, vous allez trouver ça long en commission
parlementaire, parce qu'on va en faire, des motions, pour les rencontrer; c'est
évident. Pourquoi ne pas, également, convoquer un groupe
d'accidentés, et qu'on sache? Ce serait bon que les parlementaires se
fassent dire ce que peuvent vivre des accidentés du travail. Ce ne sont
pas tous des parasites du système. Ce ne sont pas tous des
spécialistes pour extorquer jusqu'à la dernière cent ce
qu'ils peuvent aller chercher. Non, monsieur! Il y a du monde sincère,
il y a d'honnêtes travailleurs, il y a des gens fortement
handicapés qui ont vécu d'autres problèmes beaucoup plus
majeurs, à part ça, que des problèmes de santé
physique, qui ont été obligés d'aller au BS, comme on se
plaît à le dire, qui ont hérité d'aide
conditionnelle, qui ont vu leur bris de ménage, M. le Président.
(23 h 40)
C'est tout ça. Ça serait bon qu'on ait une couple d'heures
pour les entendre eux aussi, sensibiliser certains petits administrateurs de
bout de table, sensibiliser aux problèmes humains que vivent les
travailleurs. Ça serait intéressant, ça va l'être
cette partie-là, de confronter les perceptions des problèmes
à la CSST entre les deux groupes dits paritaires qui doivent assumer la
gestion. S'ils sont assez adultes et assez mûrs pour assumer la gestion,
ils vont être capables de nous dire ce qu'ils pensent de la perception de
l'un par rapport à l'autre. En ce qui me concerne, ils vont
déballer ce qu'ils ont dans les tripes. Je suis content, moi
personnellement, et très heureux qu'on puisse avoir l'opportunité
de mettre certains points sur les i, qu'on ait l'opportunité de voir si
vraiment on veut garder le régime en santé et si l'on veut se
donner un régime dont l'objectif premier est d'abord le bien-être
du travailleur comme tel. Qu'est-ce qu'il manque et qu'est-ce qui fait que
ça provoque des déficits aussi astronomiques, M. le
Président? C'est dû à quoi? Les vraies causes? Est-ce que
les vraies causes, c'est les baisses de cotisation, la mauvaise gestion ou la
gestion exagérée de la CSST, ou si c'est exclusivement la
complaisance des médecins, ou si c'est seulement la judiciarisation? On
se fait servir ça à tour de bras comme causes et ça
s'obstine, les deux groupes dits gestionnaires. Quand on est sur un conseil
d'administration, on a ordinairement les mêmes perceptions des
problèmes qui nous sont rapportés. Je suis surpris, moi, qu'on
ait des perceptions diamétralement opposées et qu'on s'entende,
comme par hasard, par exemple, sur des tarifications.
M. le Président, je demande au ministre du Travail, s'il veut la
collaboration de l'Opposition pour l'étude de son projet de loi, qu'il
agisse avec transparence, qu'il convoque la CSST, qu'il nous assure qu'il y ait
un groupe de travailleurs accidentés qui puissent témoigner
également et nous collaborons correctement. Mais, sans vision globale,
s'il veut se mettre des ornières lui-même, M. le Président,
il trouvera le temps long naturellement, sur le plan parlementaire, parce qu'on
a des moyens à notre disposition pour prolonger le temps. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. leader de
l'Opposition officielle. Sur le même sujet, je cède la parole
à Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata. Vous
disposez d'une période de 20 minutes, Mme la députée.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président, il me fait plaisir de
prendre la parole ce soir sur le projet de loi 35, qui est la Loi modifiant la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur
la santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie.
Certaines personnes comparent la Commission de la santé et de la
sécurité du travail à un grand navire en détresse.
Force nous est de constater qu'ils n'ont pas tout à fait tort, lorsqu'on
considère les déficits qui s'y accumulent de manière
catastrophique depuis maintenant près de trois ans et lorsqu'on voit
qu'il manque presque 3 500 000 000 $ pour remplir les engagements à long
terme déjà pris auprès de certains
bénéficiaires. C'est devant un constat unanime des parties que le
régime de santé et de sécurité du travail du
Québec doit subir des transformations.
Avec ce projet de loi, le gouvernement libéral exprime clairement
sa volonté de sauvegarder ce régime tout en maintenant et en
protégeant les bénéfices auxquels ont droit les
travailleuses et les travailleurs du Québec. Fait assez unique, M. le
Président, tant les parties patronale que syndicale et que la CSST
elle-même s'entendent, à tout le moins, sur un point: le
régime de santé et de sécurité du travail du
Québec est en péril et fait face, et c'est le moins qu'on puisse
dire, à de sérieuses difficultés. Nous pourrions discourir
longuement sur le sujet. Les moyens pour sauvegarder le régime divergent
et l'approche du ministre du Travail
mérite, à plusieurs égards, qu'on s'y
arrête.
Sans l'ombre d'un doute, le gouvernement a décidé d'agir
avec le projet de loi 35 et, surtout, de répondre aux
préoccupations des travailleuses et des travailleurs. Ces
préoccupations ont été maintes fois exprimées lors
de rencontres d'information organisées à leur intention. De plus,
M. le Président, devant le sérieux de la situation, les parties
siégeant au conseil d'administration de la CSST ont également
demandé du temps afin qu'elles puissent faire des propositions de nature
administrative et législative afin de sauvegarder ce régime.
Je rappellerais, M. le Président, que, le 22 octobre dernier, le
ministre du Travail a chargé le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre d'examiner en priorité le dossier de la CSST pour proposer
les changements nécessaires afin d'assurer la sauvegarde du
régime de santé et de sécurité au travail du
Québec. Les parties ont convenu que ce Conseil consultatif constituait
le forum par excellence pour mener cet exercice de concertation. Le ministre a
également privilégié cet exercice de concertation et de
responsabilité afin que s'exerce le principe fondamental du paritarisme,
qui est la base même du régime de santé et de
sécurité au travail du Québec. M. le Président, on
ne pourra pas nous accuser d'avoir agi en catimini sur ce dossier.
Permettez-moi de revenir au message des travailleurs et des
travailleuses véhiculé lors de plus de 64 journées
d'information entre les bénéficiaires et le personnel de la CSST,
auxquelles ont participé au total près de 6500 travailleurs et
travailleuses accidentés au Québec. Leur message est clair, M. le
Président. Ils réclament des soins de qualité, le plus
rapidement possible, afin de retourner dans leur milieu de travail. Ce message,
entendu à plusieurs reprises, constitue, M. le Président, la
toile de fond du projet de loi 35, car ce projet de loi vise notamment à
sécuriser les travailleurs et les travailleuses accidentés. Avec
la présentation du projet de loi 35, le gouvernement a
décidé d'agir et surtout de rassurer les
bénéficiaires du régime. Comme je le disais, étant
donné que la réflexion des parties étalée sur six
mois au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre n'a
malheureusement pas permis de dégager de consensus, notre
priorité est donc d'assurer la survie du régime dans un cadre
financier acceptable, les amendements proposés visant notamment à
réduire les délais d'indemnisation et les coûts
associés à la réparation des accidents et des
lésions professionnelles.
Les modifications suggérées ont aussi pour but de
favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des accidents et
des lésions professionnelles, de désengorger les instances de
révision et d'appel prévues à la loi ainsi que d'humaniser
davantage les services offerts aux bénéficiaires du
régime. Je tiens à souligner, M. le Président, que le
contenu du projet de loi 35 ne contient aucune surprise, car ce sont toutes des
questions qui ont fait l'objet de discussion...
M. Boulerice: M. le Président, sur une question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant,
Mme la députée de Kamou-raska-Témiscouata!
M. Boulerice: M. le Président, je suis très
attentif...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, un instant!
Allez-y.
M. Boulerice: ...au discours de ma collègue, mais je
trouve que, malheureusement, on n'est pas suffisamment nombreux pour
écouter son propos, alors je vous demanderais de vérifier le
quorum.
Des voix: Ah!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés!
Mme la députée de Kamouraska-Témiscouata, si vous
voulez continuer votre intervention. Je vous rappelle que vous disposez encore
d'une période de 15 minutes. Allez-y, Mme la députée. (23
h 50)
Mme Dionne: Merci, M. le Président. C'est dommage que le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques nous ait interrompu comme
ça, M. le Président. Mais ça me permet en même temps
de dire une chose, puisque, comme vous le savez, la CSST et les projets de loi
que l'on a à retravailler ont été mis de l'avant par leur
gouvernement. Vous savez, en 1979, on a fait des modifications; en 1985, on en
a fait, et, si on se retrouve aujourd'hui avec des problèmes, c'est
peut-être aussi parce que, à ce moment-là, au lieu
d'écouter vraiment précisément les besoins des
travailleurs accidentés, on s'est accroché dans des formules
au-delà de ce qu'on devrait faire. Et, quand je regarde les
problèmes des travailleurs accidentés dans mon comté, je
pourrais vous dire une chose, c'est que les problèmes qu'on a dans le
moment, ce sont des problèmes qui sont dus aux modifications de 1979 et
aux modifications de 1985.
Alors, M. le Président, quand le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques nous arrête dans notre explication du projet
de loi qui fait vraiment consensus, je pense qu'à ce moment-là il
fait fausse route et j'espère qu'il va pouvoir me laisser continuer
jusqu'à la fin.
Alors, M. le Président, comme je vous le disais - je reviens
à ça - les modifications suggérées ont aussi pour
but de favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation des
accidents et des lésions professionnelles, de
désengorger les instances de révision et d'appel
prévues à la loi - et ça, c'est important pour les
travailleurs accidentés de chacun de nos comtés - ainsi que
d'humaniser davantage les services offerts aux bénéficiaires du
régime.
Je tiens à souligner, M. le Président - et je le
répète, je l'ai dit tout à l'heure avant que je sois
interrompue - que le contenu du projet de loi 35 ne contient aucune surprise,
car ce sont toutes des questions qui ont fait l'objet de discussion au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
M. le Président, j'aimerais également rappeler à
cette Chambre que, basé sur le paritarisme, notre régime est
unique en Amérique du Nord, et ce caractère distincttf demeure
intact. Nulle part au Canada le paritarisme n'est aussi ancré à
chaque étape du régime. Je me dois également de rappeler
que notre législation en matière de santé et de
sécurité au travail est jeune. Il faut maintenant adapter les
mécanismes qui y sont prévus, et ce, afin d'assurer une meilleure
gestion du régime.
Les modifications présentées visent, comme je le disais,
à favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation, tout
en ayant pour but de désengorger les différentes instances un peu
partout à travers le Québec. Alors, M. le Président, en
substance, le projet de loi 35 propose un réaménagement du
processus d'évaluation médicale par l'implantation d'un bureau
d'évaluation médicale, en remplacement de l'arbitrage
médical, tel qu'on le connaît, et ce, afin de permettre au Bureau
d'évaluation médicale de donner un avis sur la question qu'il
juge approprié, et ce - c'est très important - dans un
délai imparti; un réaménagement de la procédure de
révision des décisions de la Commission, entre autres par la
création d'un service de conciliation, d'une division du financement au
bureau de révision paritaire, ainsi qu'un élargissement de
juridiction de ceux-ci aux questions d'ordre médical. On suggère,
de plus, que l'appel à la Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles se fasse dorénavant par dossier et que
celui-ci soit permis quant aux litiges de plus de 1000 $, en plus de permettre
à celui-ci de surseoir à une décision du bureau de
révision paritaire dans certains cas; que le poste de
président-directeur général soit scindé en un poste
de président au conseil d'administration et chef de direction et
président et chef des opérations, et que les décisions de
la Commission ou d'un bureau de révision paritaire prennent effet
immédiatement.
M. le Président, je me permettrai également de rappeler
d'autres propositions, puisque c'est important de le mentionner à la
population et particulièrement à nos accidentés, des
propositions telles que l'accès des professionnels de la santé
désignés par l'employeur au dossier médical du
travailleur, dans certains cas, l'indemnisation pour bris d'orthèse et
de prothèse dans le cas d'une lésion professionnelle, la
possibilité pour la CSST de reconsidérer certaines de ses
décisions, l'occupation d'un emploi convenable disponible chez son
employeur pour un travailleur victime d'une maladie professionnelle alors qu'il
est âgé d'au moins 55 ans ou d'au moins 60 ans pour une autre
lésion.
M. le Président, une lecture exhaustive des principaux points
contenus dans le projet de loi 35 permettra, nous en sommes convaincus, de
reprendre le contrôle d'une partie des coûts d'opération de
cet organisme. Nous convenons tous de l'urgence d'une action concertée
et équitable. Nul doute que le projet de loi 35 permettra de redresser
la situation que nous jugeons tous inacceptable. Nos objectifs d'humaniser, de
désengorger et de déjudiciariser le régime de santé
et de sécurité au travail sont bien réels et nous nous
devons de constater que le projet de loi 35 répond à ces
objectifs.
M. le Président, en terminant, j'aimerais rappeler que l'heure
est à l'action et non à la discussion. Le régime est en
péril et des gestes s'imposent pour que soit sauvegardé ce
contrat social. Le projet de loi 35 fait en sorte d'assurer la survie du
régime dans un cadre financier - je le rappellerai, M. le
Président, compte tenu de la situation économique actuelle du
Québec - acceptable, tant pour les bénéficiaires que pour
les employeurs. Alors, M. le Président, sur ce projet de loi 35,
j'appuierai le ministre du Travail et je voterai pour la loi qui nous est
présentée. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Kamouraska-Témiscouata. Sur le même
sujet, je cède la parole à Mme la députée de
Taillon. Vous disposez, également, d'une période maximale de 20
minutes. Mme la députée.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Alors, je vous remercie, M. le Président. Je
vais, à mon tour, faire un certain nombre de constats sur le projet de
loi qui nous est présenté, qui est devant nous ce soir et pour
lequel nous avons certaines objections à formuler et, si ce n'est des
objections, du moins nous avons des attentes à exprimer au ministre
responsable devant cette Chambre de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Je pense que ma collègue, la
députée de Chicoutimi, a tracé un portrait fort pertinent
et fort juste de l'état de la situation que l'on constate actuellement
à la Commission de la santé et de la sécurité du
travail et pour lequel il nous apparaît que les évaluations qui
nous sont présentées par le ministre et par quelques intervenants
sur le terrain ne nous semblent pas correspondre à l'évaluation
qui est faite, par ailleurs, par d'autres intervenants qui observent la
situation et qui observent ce qui arrive au niveau de la
Commission de la santé et de la sécurité du
travail.
En ce sens, nous souhaiterions... et nous l'avons demandé avec
insistance au ministre, qui avait d'ailleurs accepté cette demande parce
qu'il la jugeait, à cette époque, à ce moment, pertinente.
Or, la situation n'a pas, à notre point de vue, changé; au
contraire, s'il y a quelque chose, elle s'est quelque peu
détériorée et donc, dans ce sens-là, nous ne
comprenons pas que le ministre ne soit plus maintenant en accord avec une chose
qu'il avait lui-même acceptée, entre autres que nous entendions,
en audience, en commission parlementaire, un certain nombre de groupes qui sont
préoccupés et concernés surtout parce qu'ils en sont soit
les fournisseurs au plan monétaire, les gestionnaires ou parce qu'ils en
sont les bénéficiaires. Donc, ces groupes représentent des
personnes qui sont concernées par ce qui se passe à la CSST. Nous
avions demandé, suggéré, le ministre était
d'accord, que cette liste, que nous pouvions bâtir ensemble, soit
limitée, mais que les auditions aient lieu, que nous puissions
écouter ces gens qui, de toute façon, depuis que le ministre a
déposé son projet de loi, se sont dit en complet désaccord
avec ce qui est devant nous aujourd'hui, M. le Président. Nous avions
dressé une liste de groupes qui nous apparaissaient les plus pertinents
à entendre; je pense à l'Association des entrepreneurs en
construction, l'Association des manufacturiers, la corporation des
médecins qui se plaignait... D'ailleurs, je lisais encore
dernièrement un long réquisitoire de la part d'un
représentant des médecins qui disait comment les médecins
avaient été écartés, à toutes fins
pratiques, du projet ou, du moins, des éléments de solution
à apporter aux problèmes qui sont vécus actuellement.
Alors, on souhaitait entendre la corporation des médecins du
Québec. Je ne ferai pas la nomenclature ni la liste de tous ces groupes
que nous voulions recevoir, mais ils étaient quand même
relativement limités et concernaient le sujet en cause, (minuit)
Deuxième demande, bien exprimée aussi par ma
collègue, la députée de Chicoutimi, nous souhaitions, nous
demandions et nous demandons toujours, M. le Président, que le ministre
s'engage à instituer une enquête indépendante d'actuaires
sur la gestion de la Commission et une enquête sur l'administration
générale de la Commission. Il ne nous apparaît pas inutile
que l'on puisse procéder ainsi pour différentes raisons, dont,
entre autres, un certain nombre de données qui nous sont
présentées à travers les chiffres nombreux,
évidemment, à travers les statistiques en nombre, je dirais,
très élevé qu'on nous présente. Il n'est pas
inutile que nous demandions une telle enquête puisque, à travers
ces données, on pouvait constater que, si le déficit était
dû à une hausse, par exemple, du nombre de personnes
bénéficiaires ou du temps où elles étaient
bénéficiaires de la CSST, le déficit était aussi
dû à, je dirais, de mauvais choix, de mauvaises décisions
à l'égard des taux de cotisation ou des décisions qui
n'avaient pas eu de suite.
Et je donne un exemple tout de suite, M. le Président. Lorsque
Mme Forget a été présidente de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, elle reconnaissait
elle-même qu'elle avait été, à un moment
donné de sa tâche, de sa responsabilité, forcée
d'accepter une baisse du taux de cotisation suite à des pressions
patronales. Donc, on avait retouché le taux de cotisation qui
était de 2,75 $ des 100 $ assurables à 2,50 $. N'entrons pas dans
tous les chiffres, on risquerait de s'y perdre, M. le Président.
Cependant, c'était sage, finalement, comme décision, parce
que ce que le patronat demandait, c'était cette baisse de taux, mais il
s'engageait à ce qu'il y ait une augmentation du taux de cotisation si
dans l'année qui suivait, entre autres, en 1990, la CSST, la Commission
de la santé et de la sécurité du travail, connaissait un
déficit. Or, dans les faits, en 1990, la Commission va connaître
un déficit; cependant, non seulement on ne réajustera pas le taux
de cotisation conséquemment, mais, au contraire, en 1991, on va assister
à une seconde baisse du taux moyen à 2,32 $ alors qu'il
était à 2,50 $.
M. le Président, quand on veut faire porter l'odieux de
l'explosion actuellement des coûts à la CSST et des
déficits, je pense qu'il faut être conscient et se rappeler un
certain nombre de décisions, dont celle-ci: décision qui, au
départ, semblait acceptable et sage, mais pour laquelle il n'y a pas eu
suite de la part de la partie patronale, c'est-à-dire il n'y a pas eu
respect d'une des parties de l'engagement, ce qui fait qu'on a
créé une autre pression sur le déficit. En regardant ce
qui s'est passé sur une certaine période de temps, on a
constaté qu'il y avait eu effectivement des déficits
accumulés dans le passé et on n'avait pas provisionné, on
n'avait pas prévu qu'une partie des prélèvements allait
servir à couvrir ce déficit accumulé que l'on
évalue à environ 500 000 000 $.
À ce moment-là, cessons de mettre le «focus»
sur les travailleurs et les travailleuses, et essayons de regarder du
côté, d'une part, des analyses actuarielles et, d'autre part, de
l'administration elle-même de la CSST pour voir s'il n'y aurait pas
matière à une correction de tir qui ne ferait pas porter tout le
poids sur les travailleurs et les travailleuses.
Vous savez, nous avons la chance d'avoir de très bons actuaires
au Québec, qui, entre autres, ont bâti l'ensemble de nos
régimes de pension, qui ont bâti le grand régime qui est
celui de la Régie des rentes du Québec et qui sont tout à
fait habilités et capables de faire des prévisions qui,
généralement, selon des périodes de temps qui sont
données pour réviser ces prévisions et les
réajuster selon évidemment la conjoncture, donnent des
résultats tout à fait efficaces. Alors,
il nous apparaît qu'il y a peut-être là
matière à ce que l'on ait une information plus complète,
plus juste, plus pertinente, permettant de faire une évaluation qui
permettrait de corriger le tir et, encore une fois, ne remettrait pas tout le
poids ou tout le fardeau seulement d'un côté de la clôture,
soit sur le dos des travailleurs et des travailleuses.
Il est intéressant, d'ailleurs, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, Mme la
députée de Taillon. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Voudriez-vous vérifier si nous avons quorum,
M. le Président, en vertu de notre règlement?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): II y a quorum. Il y a 13
députés. Allez-y, Mme la députée de Taillon,
continuez.
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
Effectivement, il serait souhaitable que nous ayons, tout au long de ce
débat, au moins le quorum. Je vous remercie, M. le Président, de
le constater avec moi.
Je voulais revenir, M. le Président, sur un certain nombre de
témoignages qui ont été recueillis auprès de
bénéficiaires et de leur conjoint pour voir comment,
finalement... Et c'est un témoignage qui a été recueilli
par une chargée de projet, Mme Provencher, et qui a été
déposé au moment où se sont tenues des journées
d'information destinées aux bénéficiaires de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. Ces
témoignages, M. le Président, sont fort éloquents du fait
que souvent les travailleurs et les travailleuses se sentent beaucoup plus
piégés, finalement, par le système, et incapables de voir
comment ils peuvent se retrouver à travers ce système, d'une
part; ils se sentent, tout compte fait, plus coupables qu'autre chose
lorsqu'ils sont pris en main, pris en charge ou lorsqu'ils ont à
s'adresser à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail.
Et j'aimerais peut-être faire état de quelques-uns de ces
témoignages qui nous sont présentés dans ce document et
qui sont fort intéressants à entendre. On nous mentionne, entre
autres, et on nous dit que c'est constant dans toutes les questions qu'on a
posées auprès des personnes qui ont
bénéficié ou été en contact avec la CSST...
On nous dit: C'est constant, c'est toujours, donc, ce qui revient comme
commentaire. D'abord, au plan personnel, on nous dit: Perte de l'estime de soi,
sentiment d'inutilité, d'impuissance et de culpabilité,
difficulté à accepter la perte d'autonomie.
Au plan médical - et c'est intéressant de regarder ce que
l'on dit là parce que la loi, entre autres, va retoucher des
éléments qui concernent la relation entre la personne ayant subi
une lésion, une blessure ou ayant subi un traumatisme et son
médecin, et on va constater, je vais y revenir plus loin dans mon
intervention, M. le Président, qu'on fait des modifications assez
majeures qui remettent en question, justement, ce lien de confiance qui
devrait, d'autre part, exister - on nous dit: La communication est difficile
avec les médecins, surtout les spécialistes, délai trop
long pour le diagnostic. Et on ajoute, évidemment, l'hospitalisation;
les différences d'opinion médicale causent de
l'anxiété, méconnaissance des rôles respectifs des
médecins. Alors qu'on dit que le travailleur ou la travailleuse exploite
sa relation avec le médecin, ce qui est constaté ici après
une enquête sérieuse, c'est qu'au contraire on a une
méconnaissance des rôles respectifs de chacun et qu'on se sent
plutôt un otage dans ce système-là qu'un manipulateur du
système, M. le Président.
Au plan social, qu'est-ce qui revient? Préjugés sociaux
à affronter. Malheureusement, ce que je crains, c'est que tout le
débat qui entoure actuellement le projet de loi 35 et qui entoure ce qui
se passe à la CSST risque d'ancrer davantage ces préjugés
sociaux, M. le Président. Pertes importantes au plan des
activités sociales. Bien sûr, l'accidenté se retrouve dans
une situation souvent d'isolement puisque son groupe d'appartenance
était le groupe auquel il était associé par le travail.
À partir du moment où il est exclu, par la force des choses, du
monde du travail, cela lui pose un certain nombre de problèmes.
Ajoutons, et ça c'est plus sérieux, je dirais, M. le
Président, et ça a trait au débat que nous avons
aujourd'hui: projection d'une image négative d'être un
bénéficiaire de la CSST, M. le Président, et donc
impuissance face aux préjugés sociaux. Ce qui vient donc
amplifier l'anxiété que vivent les travailleurs et les
travailleuses, et qui a un effet, aussi, sur leur réinsertion.
Je pense que ce n'est à aucun membre de l'Assemblée
nationale ici, M. le Président, que je vais apprendre l'importance des
facteurs psychologiques et psychosociaux sur la réinsertion d'une
personne, que ce soit au travail, que ce soit en activités ou peu
importe; on connaît ces phénomènes depuis de nombreuses
années, pour ne pas dire des décennies. C'est
particulièrement vrai, entre autres, chez les
bénéficiaires, par exemple, d'aide sociale, qui souvent perdent
une telle estime d'eux-mêmes, ça a un effet si négatif sur
eux, qu'ils ne se sentent pas capables de se reprendre en main. (0 h 10)
Ce qu'on nous dit, c'est qu'actuellement cette espèce de
traumatisme que vivent un certain nombre de nos concitoyens et de nos
concitoyennes serait vécu, de fait, par les travailleurs et les
travailleuses à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Et je me dis qu'avant de faire porter le
blâme sur ceux-ci
ou celles-ci, on devrait, à tout le moins, regarder tout l'aspect
essentiellement financier de ce qui se passe à la CSST, voir les
études actuarielles, voir l'état de la gestion des budgets et
voir comment on pourrait déjà de ce côté-là
recorriger le tir sans faire porter tout l'odieux aux travailleurs et aux
travailleuses.
D'ailleurs, c'est à ce point vrai, M. le Président, que
l'ensemble des associations des travailleurs et des travailleuses a quasi
unanimement rejeté le projet de loi. Quand je dis «quasi
unanimement», c'est que certains l'ont fait d'une façon
peut-être moins virulente, mais, en fait, toutes les associations
syndicales, toutes les associations représentant les travailleurs et les
travailleuses sont en désaccord actuellement avec le projet de loi et,
à l'exception du Conseil du patronat, il en va de même pour les
associations patronales. Si je comprends bien, le ministre est en train de
faire la parfaite unanimité, mais contre le projet de loi qui est devant
nous, alors que nous lui offrons une avenue qui permettrait de faire la
lumière - merci, M. le Président - sur l'état de la
situation et qui permettrait de creuser certains éléments
d'organisation à l'intérieur même de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail.
Je continue, M. le Président, sur ces constats que l'on faisait
en faisant une analyse des comportements, des attitudes et des situations dans
lesquelles se trouvaient les travailleurs et les travailleuses. Le retour au
travail, évidemment, est un des facteurs majeurs sur la réduction
des coûts, on en convient. Qu'est-ce qu'on nous dit de ce
côté-là? Manque de préparation au retour au travail,
M. le Président, crainte de ne pouvoir refaire son travail, peur
d'être obligé de faire un nouveau travail sans
intérêt, crainte du congédiement. Et on l'a vu, je connais
personnellement des cas où, parce qu'on a été un
bénéficiaire de la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, parce que le retour au travail peut
s'avérer, oui, plus difficile, peut exiger une certaine adaptation, des
employeurs ont trouvé des prétextes différents, mais ont
congédié les personnes qui se trouvaient dans de telles
situations. Comme on connaît ces situations - évidemment, elles
sont exceptionnelles, j'en conviens, mais cela existe - on craint que cela
puisse se passer quand ça nous concerne. C'est ce que nous disent ici
les travailleurs et les travailleuses qui ont été
consultés. Crainte de ne pas pouvoir répondre aux attentes de
l'employeur, manque de support lors du retour au travail, M. le
Président. C'est ça aussi, la situation de gens qui, à
cause d'un accident, à cause d'un traumatisme, se sont retrouvés,
pour un moment, des bénéficiaires de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail et, pour un certain
nombre d'autres, pour leur vie entière, à cause d'un handicap
très lourd dont ils auraient été les victimes à
l'occasion d'un accident de travail.
Le projet de loi qui est devant nous ne nous apparaît pas venir
solutionner les problèmes qui sont soulevés à la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. Dans
ce sens-là, nous croyons que les avenues que nous proposons nous
permettraient d'établir une assise, une base nous permettant
peut-être de tirer des conclusions qui pourraient aller dans le sens de
ce que propose le ministre, mais qui pourraient aussi être tout à
fait différentes de ce qui nous est proposé.
Si vous me le permettez, je sais qu'il ne me reste à peine que
quelques minutes, je vais faire état, entre autres, du commentaire qui a
été fait, à l'occation du dépôt du projet de
loi 35, par les organisations syndicales, CSN, CEQ, Fédération
des infirmiers et infirmières du Québec, syndicat des
professionnels, syndicat des fonctionnaires, etc. Ils ont rejeté le
projet de loi 35 en disant: «Ce projet de loi trahit le souhait du
ministre de se conformer aux désirs du patronat. C'est
l'antithèse même d'une loi pour protéger les travailleuses
et les travailleurs des lésions et maladies professionnelles, ont-elles
commenté. En outre, aucune obligation n'est faite aux employeurs
d'adopter des mesures de prévention.» Parce que, comment
sortirons-nous de ce cercle vicieux, M. le Président, si, effectivement,
on n'applique pas des mesures de prévention significatives?
Je continue, M. le Président, en citant toujours les
représentants des centrales: «De plus, on y sent la volonté
d'un organisme de s'approprier tout le contrôle et de faire sa propre
loi. La CSST - le projet de loi a été rédigé par le
contentieux de la Commission de la santé et de la sécurité
du travail - y règle ses comptes, à la fois avec les
médecins traitants, dont elle n'a jamais pu accepter de devoir respecter
les diagnostics et avec la commission d'appel, car elle n'a jamais aimé
devoir s'ajuster à la jurisprudence d'un tribunal
indépendant». D'ailleurs, il en prend pour son rhume, ce fameux
tribunal indépendant.
Une minute, M. le Président. La demande d'une évaluation
de l'administration générale de la CSST nous permettrait
peut-être, entre autres, de comprendre et de justifier comment il se fait
que 6 000 000 $ servent à des frais de déplacement et à
des frais de séjour à la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, ce que j'avais l'occasion de rappeler, il y
a à peine une semaine, M. le Président, à l'occasion d'un
bilan de l'étude des crédits du gouvernement. Alors, cela
étant dit, nous souhaitons que le ministre et que ses collègues
soient sensibles aux propositions que nous lui faisons, car nous croyons que
cela faciliterait, par la suite, nos échanges, nos débats et la
solution à apporter aux problèmes que vivent des milliers de
travailleuses et de travailleurs, mais que vivent aussi des patrons qui
souhaitent que leur personnel reçoive des services de qualité, M.
le Président. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Taillon, de votre intervention. Sur ce même
sujet, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du
projet de loi 35, je reconnais M. le député des
îles-de-la-Madeleine.
Oui, M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: Oui. Pour que les gens entendent bien son discours,
M. le Président, comme nous sommes dépassés minuit, c'est
20, le quorum?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question de
règlement, une question de quorum.
M. Jolivet: C'est ça.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les
députés.
Si vous voulez prendre place, nous avons maintenant quorum et je
reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre du Tourisme et
député des Îles-de-la-Madeleine. M. le
député.
Des voix: Bravo!
M. Georges Farrah
M. Farrah: Encore. Merci, M. le Président, de me
reconnaître à une heure aussi tardive. Et je remercie aussi mes
collègues d'être présents en si grand nombre pour entendre
sûrement un excellent discours. Je vous remercie infiniment.
Des voix: Bravo! (0 h 20)
M. Farrah: Vous voyez, M. le Président, la
popularité, ce que ça peut faire! Il me fait plaisir d'intervenir
aujourd'hui sur le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Il y a
à peine 10 ans, des changements ont marqué le monde du travail du
Québec comparables à ceux qui ont eu lieu dans les domaines de
l'éducation et de la santé. La Commission de la santé et
de la sécurité du travail nouvellement créée se
voyait confier alors la responsabilité d'administrer le régime
québécois de santé et de sécurité du
travail. M. le Président, cette nouvelle loi marquait un tournant
majeur. Alors que la législation antérieure mettait l'accent sur
l'indemnisation des travailleurs, celle-ci plaçait la prévention
au coeur du régime et établissait des mécanismes
paritaires de participation. Un nouveau contrat social s'affirmait par une
responsabilisation plus accrue des parties. Ainsi, M. le Président, dans
l'avenir les employeurs et les travailleurs devaient s'allier pour
prévenir les lésions professionnelles. On peut dire que la
réticence et le scepticisme accueillaient cette nouvelle
législation.
Mais, M. le Président, la situation financière de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail
fluctue et accumule des déficits depuis trois ans. Il lui sera difficile
de remplir certains engagements à long terme déjà pris
auprès de certains bénéficiaires du régime, si l'on
n'intervient pas par des modifications législatives et administratives.
Devant un tel constat, M. le Président, unamine des parties que le
régime de santé et de sécurité du travail au
Québec est en péril, la CSST ayant enregistré un
déficit de 792 000 000 $ en 1991, le gouvernement libéral exprime
clairement sa volonté de sauvegarder le régime, tout en
maintenant et en protégeant les bénéfices auxquels ont
droit les travailleurs et les travailleuses, et cela, M. le Président en
présentant le projet de loi 35.
M. le Président, malheureusement, si on peut faire un petit
résumé de ce qui a déjà été dit sur
la nouvelle structure de la CSST, qui au cours des ans devait améliorer
la situation, on peut dire qu'elle n'a pas changé grand-chose et on le
vit aujourd'hui. On peut le constater en jetant un coup d'oeil sur les rapports
annuels. Plusieurs nouvelles réalités viennent modifier tant la
société québécoise que les milieux de travail et
les contextes dans lesquels le régime de santé et de
sécurité du travail évolue. Des secteurs d'activité
sont bouleversés et même disparaissent, alors que d'autres se
développent, influençant le nombre et la nature des
lésions professionnelles.
On aurait pu penser, M. le Président, en examinant tout cela,
qu'au Québec il y aurait diminution des lésions. Au contraire, on
s'aperçoit que les lésions n'ont fait qu'augmenter,
c'est-à-dire que les demandes de prestations n'ont fait qu'augmenter
depuis que la CSST a été créée. M. le
Président, ce problème que tout le monde avait reconnu à
l'ancienne Commission des accidents du travail, il nous semble que tout cela
continue à la CSST. Tous les partenaires du monde du travail doivent
dès à présent réfléchir sur les perspectives
d'avenir du régime et les nécessaires modifications à lui
apporter pour le sauvegarder, tout en tenant compte de l'opinion
gouvernementale, syndicale et patronale.
M. le Président, avant de voir en détail ce que propose le
projet de loi 35, permettez-moi de vous donner un bref aperçu de la
situation qui prévaut à l'heure actuelle. La Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles prévoit un
processus décisionnel lourd en matière médicale. La
Commission est liée par le médecin traitant du travailleur et ne
peut se délier que par l'avis d'un arbitre. L'employeur n'a pas
directement accès à l'information médicale que la
Commission possède et certains n'y ont pas accès du tout. De
plus, la possibilité d'exiger que le travailleur se soumette à un
examen médical est restreinte. Certains travailleurs ne sont pas
obligés d'occuper un emploi convenable disponible chez leur employeur.
Une
indemnité pour bris d'orthèse ou de prothèse peut
être payée selon la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, même s'il n'y a pas eu lésion
professionnelle. L'assistance médicale est mal cernée dans la loi
et ne permet pas un contrôle des coûts. Le financement des
associations sectorielles paritaires est actuellement assuré par des
employeurs dont certains ne peuvent bénéficier des services de
ces associations. Les règles de la Loi sur les accidents du travail et
les maladies professionnelles sur la prise d'effet des décisions
obligent la Commission à payer des indemnités non
récupérables lorsque le droit du travailleur est par la suite
nié. La Commission, M. le Président, ne peut corriger ses erreurs
par la reconsidération à cause d'un pouvoir limité. La
révision se fait devant un bureau qui siège à trois
membres et qui ne peut se prononcer sur des questions d'ordre médical.
En appel, la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles, communément appelée la CALP, accumule des
retards et doit entendre à nouveau la preuve faite devant les bureaux de
révision. Enfin, M. le Président, le président-directeur
général est le seul responsable à la fois des politiques
et de l'administration de la Commission.
Alors, M. le Président, les propositions contenues dans le projet
de loi 35 nécessitent des modifications à la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi qu'à la Loi
sur la santé et la sécurité du travail.
La première proposition concerne le processus décisionnel
en matière médicale. La Commission pourrait être
déliée de l'opinion du médecin qui a la charge du
travailleur, si elle obtenait un rapport d'un médecin qu'elle
désigne, qui infirme ou complète cette opinion. L'employeur, qui
se voit imputer les coûts d'une lésion professionnelle subie par
un travailleur qui n'est plus à son emploi, pourrait avoir droit
d'accès au dossier que possède la Commission relativement
à cette lésion, et ce, par l'entremise d'un professionnel de la
santé, désigné par ce dernier.
Actuellement, l'employeur n'a le droit d'exiger qu'un seul examen
médical de son travailleur. Ces limites pourraient disparaître
pour permettre à l'employeur d'exiger autant d'examens et de rapports
médicaux que ceux faits par le médecin traitant choisi par le
travailleur. Cela permettrait, M. le Président, à l'employeur de
suivre l'évolution du dossier, en obtenant l'opinion d'un autre
professionnel de la santé et, selon le cas, d'exercer son droit de
contestation.
La procédure de confection de la liste des professionnels de la
santé qui acceptent d'agir comme membre du Bureau d'évaluation
médicale pourrait être modifiée pour permettre au ministre
d'y ajouter le nom d'autres professionnels de la santé. Lorsqu'un
arbitre, saisi d'une contestation sur l'opinion du médecin traitant, ne
donne pas son avis dans le délai fixé à la loi, soit 30
jours, la Commission pourrait demeurer liée par le rapport du
professionnel de la santé qu'elle a déjà obtenu. Dans ce
contexte, M. le Président, l'arbitrage deviendrait le Bureau
d'évaluation médicale afin de mieux refléter la
réalité.
M. le Président, en matière de maladies professionnelles
pulmonaires, l'obligation de soumettre la réclamation à deux
comités d'experts alourdit et retarde le processus de décision.
Un seul comité pourrait émettre un avis crédible pour lier
la Commission.
Une deuxième proposition, M. le Président, prévoit
que le travailleur victime d'une maladie professionnelle alors qu'il est
âgé d'au moins 55 ans, ou d'au moins 60 ans pour une autre
lésion professionnelle, devra occuper un emploi qui lui serait offert
par son employeur et qui serait jugé convenable par la Commission;
à défaut de quoi, M. le Président, son indemnité de
remplacement du revenu pourrait être réduite du revenu net qu'il
pourrait tirer de cet emploi convenable. Cette solution favoriserait le retour
au travail du travailleur visé à l'article 53, rejoignant ainsi
l'objectif fondamental du régime de réparation des lésions
professionnelles.
Une troisième proposition a trait à l'indemnité
pour bris de prothèses ou d'orthèses, qui pourrait n'être
payable que dans la mesure où le bénéficiaire a subi une
lésion professionnelle. Dans le cas des montures de lunettes et de
lentilles cornéennes, la loi pourrait prévoir une
indemnité maximale. Dans les autres cas, l'indemnité ne pourrait
excéder le montant déterminé pour les prothèses ou
orthèses fournies à titre d'assistance médicale. Cette
solution, M. le Président, supprimerait l'unique exception dans toute la
loi au principe de l'indemnisation fondée sur l'existence d'une
lésion professionnelle. Elle pourrait empêcher de possibles
abus.
La quatrième proposition concerne l'assistance médicale.
La loi pourrait être modifiée de manière à ce que
tous les établissements de santé du réseau public, qui
dispensent des soins ou des traitements à des travailleurs victimes de
lésions professionnelles, soient gouvernés par les mêmes
règles. Ces règles, M. le Président, pourraient être
élaborées par entente entre le ministre de la Santé et des
Services sociaux, les futures régies régionales et la Commission.
M. le Président, cette solution aurait l'avantage de rendre publics les
droits et obligations des travailleurs et des intervenants de la santé
suivant le processus réglementaire habituel, et de lier les organismes
de révision et d'appel, permettant ainsi à la Commission un
meilleur contrôle des coûts à ce chapitre.
Une cinquième proposition, M. le Président, a trait au
financement des associations sectorielles paritaires. La loi pourrait
être modifiée de manière à ce que le coût de
la subvention accordée à une association sectorielle paritaire
soit assumé par les seuls employeurs appartenant à un secteur
d'activité pour lequel une telle association a été
constituée. Cette modification à
la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles
permettrait à la Commission de rétablir l'équité
dans la contribution des employeurs au financement des associations
sectorielles paritaires. (0 h 30)
Une sixième proposition concerne l'effet de décision. M.
le Président, les décisions de la Commission et du bureau de
révision pourraient avoir effet immédiatement, malgré une
demande de révision ou un appel, sauf exception. Par ailleurs, il y
aurait lieu de garder le statu quo en ce qui concerne certaines
indemnités forfaitaires importantes qui ne sont payables actuellement
que sur décision finale. C'est le cas, notamment, de l'indemnité
pour dommages corporels et des indemnités forfaitaires de
décès.
La septième proposition du projet de loi 35 concerne la
reconsidération. La Commission devrait pouvoir reconsidérer ses
décisions dans tous les cas où il y a erreur, mais dans un
délai de 90 jours de cette décision. Cette solution, M. le
Président, offrirait un triple avantage: permettre de corriger les
erreurs dès le début du processus décisionnel tout en
garantissant la stabilité juridique des décisions et
désencombrer les instances de révision et d'appel en cas de
conciliation fructueuse.
Une huitième proposition touche la révision et l'appel.
Ainsi, à l'égard des bureaux de révision, le projet de loi
élargit également la compétence de ces bureaux aux
questions d'ordre médical, envisage l'embauche d'assesseurs
médicaux et prévoit que les décisions de ces bureaux en
matière de réparation des lésions professionnelles peuvent
faire l'objet d'un appel lorsque la prestation sur laquelle porte le litige
excède 1000 $. Il instaure également une division spéciale
du financement non paritaire de même qu'un service de conciliation. Il
prévoit, de plus, qu'un appel à la Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles se fera sur dossier, avec
audition, sans nouvelle enquête, à moins que la Commission d'appel
n'en décide autrement. Il prévoit également que la
Commission de la santé et de la sécurité du travail pourra
supporter, dans certains cas, les frais et les allocations des témoins
devant la Commission d'appel en matière de lésions
professionnelles.
M. le Président, la dernière proposition concerne la
direction de la Commission. Le poste de président-directeur
général de la Commission pourrait être scindé pour
créer un poste de président du conseil d'administration et chef
de la direction et un poste de président et chef des opérations.
Les amendements proposés ont pour objectif de réduire les
délais d'indemnisation et les coûts associés à la
réparation des accidents et des maladies professionnelles. Ces
modifications présentées visent également à
favoriser une meilleure gestion de programmes d'indemnisation des accidents et
des lésions professionnelles et ont pour but de désengorger les
différentes instances de révision et d'appel prévues
à la loi, ainsi que d'humaniser davantage les services offerts aux
bénéficiaires du régime. En agissant par voie
législative et en prenant ses responsabilités afin de sauver le
régime, le gouvernement du Parti libéral veut ainsi assurer une
meilleure protection aux travailleurs et aux travailleuses accidentés,
offrir des soins d'une plus grande qualité et d'une plus grande
efficacité et, enfin, M. le Président, favoriser le retour au
travail du travailleur.
M. le Président, il ne faut pas oublier que notre régime,
basé sur le paritarisme, est unique au monde et ce caractère
distinctif demeure intact. Nulle part au Canada le paritarisme n'est aussi
ancré dans chaque étape du régime. La législation
en matière de santé et de sécurité du travail est
jeune, mais il est maintenant temps d'adapter ces mécanismes afin
d'assurer une meilleure gestion du régime et de protéger les
bénéfices auxquels ont droit les bénéficiaires. Il
faut faire en sorte, M. le Président, d'assurer la survie du
régime dans un cadre financier acceptable. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le
député des îles-de-la-Madeleine. Alors, sur ce même
sujet, je reconnais maintenant M. le vice-président de la commission de
l'économie et du travail et député de Laviolette. M. le
député, la parole est à vous.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que
j'interviens sur le projet de loi parce que, M. le Président, nous avons
une occasion en or de pouvoir, avec le gouvernement, faire en sorte qu'on
obtienne le meilleur projet de loi possible dans les circonstances. D'autant
plus que j'ai eu l'occasion, il y a de cela maintenant un bon nombre
d'années, d'appuyer le ministre de l'époque, M. Pierre Marois,
qui était responsable de l'ensemble des relations de travail, qui avait
pour mission de remplacer l'ensemble de la loi de la Commission des accidents
du travail par la loi qui est devant nous.
J'ai eu l'occasion, dans les semaines qui ont amené la mise sur
pied du livre blanc, de travailler en étroite collaboration avec le
ministre de l'époque, comme je vous le disais, mais plus que cela, parce
qu'il faut se rappeler qu'à cette époque-là les
députés ministériels, tout comme les députés
de l'Opposition, d'ailleurs, à l'époque, n'avaient pas d'argent
pour voyager à travers le Québec. Nous étions
confinés, à l'époque, à des possibilités de
dépenses pour notre région seulement et les voyages à
Québec. C'est un peu plus tard qu'il est arrivé d'autres
possibilités nous permettant de voyager à travers le
Québec pour faire des choses et, comme je n'étais pas adjoint au
ministre, c'est à mes
propres frais que j'ai fait, en remplacement du ministre, sans
être son adjoint parlementaire, mais étant membre du comité
de travail, le tour du Québec, pour aller dire une chose: c'est qu'il
fallait en arriver davantage, dans la question des accidents de travail,
à une prévention plutôt qu'à une guérison. Et
ça, ça faisait suite au militantisme syndical, pour lequel
j'avais eu à travailler énormément à
l'époque, et je vous raconte juste une petite anecdote de
l'époque qui, aujourd'hui, pourrait avoir encore lieu. On a tellement de
gens qui viennent dans nos bureaux de comté qu'on s'aperçoit, au
bout de la course, qu'il n'y a rien de changé sous le soleil. On dit en
latin: Nil novi sub sole. Rien de nouveau sous le soleil.
Mais je dois vous dire qu'à cette époque-là
j'étais président d'un syndicat d'enseignants, le Syndicat des
travailleurs de l'enseignement de la Mauricie, dans une école où
il y avait des enfants handicapés et, comme on fête, cette
année, la fin de la décennie pour les personnes
handicapées... D'ailleurs, ce matin même, je devrais dire
«hier matin», puisqu'il est déjà passé minuit,
nous étions convoqués par le ministre de la Santé et des
Services sociaux à une rencontre pour clôturer, justement, cette
décennie, au salon rouge, comme on l'appelle dans notre langage.
Donc, ces personnes handicapées étaient dans une
école et on avait, à l'atelier, deux événements
importants qui se produisaient et qui pouvaient occasionner, pour les
étudiants comme pour les professeurs qui y travaillaient, des risques
d'accident. Et je l'avais pris à cette époque-là comme
exemple. Il y avait une machine qui servait à tronçonner du bois,
qui n'était pas fixée au plancher et qui pouvait être
source de danger et d'accident. En même temps, comme nous étions
en hiver, nous entrions dans la pièce le bois de l'extérieur,
gelé, des fois avec des amoncellements de neige, et, par le fait
même, comme nous étions sur du terrazzo et qu'à
l'intérieur il faisait chaud, la neige fondant, le bois devenait un peu
plus sec, il y avait des flaques d'eau. Vous vous imaginez le contexte dans
lequel travaillaient les étudiants et les enseignants, et les personnes
handicapées. La commission scolaire n'agissait pas du tout. Elle ne
voulait pas faire les arrangements nécessaires pour la protection de
tout le monde, et nous trouvions, comme enseignants, que ça n'avait pas
de bon sens.
Qu'est-ce que j'ai fait comme président du Syndicat? J'ai
porté plainte à la Commission des accidents du travail, à
l'époque, on l'appelait la CAT, et j'ai indiqué qu'il fallait
qu'ils viennent faire une inspection. Et vous imaginez qu'à cette
époque-là ils n'avaient même pas le droit de venir dans les
écoles parce que ce n'était pas leur responsabilité, mais,
malgré tout, compte tenu de ce que je leur disais, ils sont venus voir.
Ils ont obligé la commission scolaire à faire les arrangements
nécessaires pour corriger la si- tuation: d'abord, une pièce
séparée pour faire fondre la neige et, en même temps,
éviter des flaques d'eau; deuxièmement, avec des écrous,
boulonner l'appareil sur le sol de terrazzo. Et, en plus, on s'est
aperçu qu'il n'y avait pas, compte tenu du bran de scie, de la
poussière de bois qui se faisait, d'aspirateur pour aspirer tout
ça. On a fait installer ces choses, et là, on a commencé
l'ère de la prévention. Nous étions toujours, à la
Commission des accidents du travail, dans l'ère de la guérison et
nous avons amené l'ère de la prévention. (Oh 40)
Maintenant, cette prévention nous amène aussi en
même temps, M. le Président, à regarder ce qui s'est fait
depuis ce temps. Beaucoup de choses, mais pas suffisamment. Mais il y a une
chose, par exemple, qu'on a faite et qui, par le projet de loi, pourrait
être corrigée si on s'y donnait la peine: c'est toute la question
de la - j'ai de la misère à dire ça - judiciarisation.
C'était tellement rendu judiciaire, M. le Président, qu'on en
arrive, à ce moment-ci, à voir des délais par-dessus
délais, des gens qui pourraient voir leurs problèmes
réglés et qui, pour toutes sortes de raisons de principe de la
part de l'employeur ou du groupe d'employeurs, les personnes se retrouvent dans
des conditions où elles vont d'une instance à une autre instance,
font appel par-dessus appel pour arriver, avec des rapports médicaux qui
coûtent de l'argent à tout le monde, à faire en sorte,
finalement, qu'on obtienne, après deux ans, trois ans, quatre ans
peut-être, une parcelle de ce qu'on aurait dû obtenir dès le
départ.
Un exemple. J'ai une personne que je connais intimement, qui travaillait
dans une compagnie à Grand-Mère et qui, d'instance en instance,
se voyait reconnaître le droit d'être un prestataire mais, en
même temps, le droit de retourner au travail une fois la prestation... et
l'accident, en fait, la guérison de ce qui lui avait amené un
problème... Elle s'est vu refuser parce qu'on voulait faire un cas de ce
dossier. Il a fallu que j'intervienne comme député, ce qui est
mon rôle des fois, auprès de l'employeur, lui disant: M.
l'employeur, écoutez, vous pourriez encore dépenser
énormément d'argent. L'employé, par son syndicat, pourrait
en dépenser énormément, mais c'est toute la
société, au bout de la course, qui paie pour cette
décision d'entêtement de part et d'autre. Y a-t-il moyen de
l'essayer? Lui, il se dit capable et apte à faire l'ouvrage, sauf qu'il
ne peut pas lever des poids de plus de x kilos. Mais il est prêt à
s'essayer. Êtes-vous capable de l'essayer? Qu'est-ce qui est
arrivé? C'est que l'employeur, après mon intervention, a
accepté de regarder ce cas, et qu'est-ce qui arrive, à ce
moment-ci? C'est qu'il travaille depuis ce temps-là puis il n'y a pas de
problème. Alors, si on avait voulu continuer à s'entêter,
c'est tout le monde qui aurait payé pour cet
entêtement-là.
Alors, ce que l'on essaie par le projet de loi, c'est d'en arriver, M.
le Président, à enlever cette partie où les avocats
viennent chercher une part de la galette parce qu'ils ont toujours
intérêt, qu'on le veuille ou qu'on ne le veuille pas, à
trouver des raisons d'aller en appel pardessus appel.
On a rencontré au printemps... à l'automne, plutôt,
M. Lalande, à l'époque, qui était responsable de la
Commission d'appel, avec M. Bisaillon. Ils nous ont fait mention de bien des
cas qui, en bas de 1000 $, pourraient être réglés si on
prenait le temps de faire de la conciliation. Ce qui est nouveau comme principe
dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail mais
qui, dans l'esprit, est intéressant parce qu'on peut se permettre d'en
arriver à régler des problèmes à la source et ne
pas enchaîner par le fait même l'ensemble du processus judiciaire.
Et j'irais, M. le Président, aussi loin que de dire que lorsque nous
avons connu, dans les négociations des secteurs public et parapublic, la
possibilité d'arriver à des jugements selon une procédure
sommaire de conciliation en considérant que la décision rendue
dans tel cas n'a pas, comme on dit dans la «common law», de
possibilité de servir de jurisprudence pour les autres cas, on en est
donc arrivés à trouver des solutions rapides à des
problèmes par de la conciliation. Et dans ce sens, M. le
Président, il me semble que le projet de loi, s'il va dans ce sens, doit
être appuyé.
D'un autre côté, il y a des gens qui ont dit: On aimerait
ça, nous autres, être entendus. C'est évident qu'on se
retrouve dans un contexte où on regarde - on en faisait mention, de
l'autre côté... Les employeurs, les employés par leur
syndicat dans le comité paritaire, semblent être d'accord sur des
choses, mais on s'aperçoit que ce n'est pas tout le monde qui est
d'accord avec les amendements apportés par le projet de loi. Et nous
avons demandé, par notre responsable du dossier, la
députée de Chicoutimi, que des groupes soient entendus.
Alors, nous sommes prêts à donner à la partie
ministérielle toute la collaboration possible si, cependant, le ministre
accepte certaines demandes qui sont minimes, mais qui permettraient de
régler des choses. Ce matin même, quelqu'un m'appelait à
mon bureau pour l'Association des travailleurs accidentés de la
Mauricie, l'ATTAM, tout en parlant au niveau de l'Association des travailleurs
et des travailleuses accidentés du Québec, l'ATTAQ, des gens qui
disaient: Nous voudrions être entendus. Alors, ma collègue demande
au ministre: Est-ce qu'il s'engage à tenir, au plus tard le 8 juin
prochain - c'est la semaine prochaine, mais ça pourrait commencer dans
deux jours, on pourrait commencer dès jeudi - sur une période de
quatre jours, une commission parlementaire qui permettrait de rencontrer
différentes associations, différents groupes, y incluant ceux,
comme je vous le dis, de l'ATTAM ou de la FATA, comme on a dans l'ensemble des
groupes qui s'occupent des personnes accidentées, comme ça peut
être les entrepreneurs en construction, l'Association des manufacturiers,
le Conseil du patronat, la Fédération des travailleurs, la
Confédération des syndicats nationaux. En fait, vous avez une
panoplie de gens qui pourraient être entendus pour voir si vraiment le
projet de loi, tel qu'il est présenté, pourrait amener les
changements majeurs désirés par le ministre et qui, ces
changements majeurs, pourraient permettre de donner à l'ensemble des
travailleurs accidentés ainsi qu'aux employeurs une possibilité
de règlement plus rapide dans le cas des accidentés du
travail.
Que le ministre aussi s'engage à instituer une enquête
indépendante d'actuaires sur la gestion de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Le mandat de cette
commission indépendante pourrait consister à examiner le
processus d'évaluation des taux de cotisation, de l'estimation de la
durée de la consolidation pour tenter d'expliquer les écarts
importants qui se sont produits et, enfin, à déterminer si la
politique de capitalisation actuelle est compatible avec les orientations
prises par la Commission de la santé et de la sécurité du
travail. Et là, je me souviens de certaines discussions qu'on a eues
ici, à cette Assemblée, en ce qui regarde le taux de cotisation.
On disait, à l'époque, que le taux de cotisation était
plus fort qu'en Ontario et les patrons ont fait des pressions pour le diminuer.
Ils demandaient de le diminuer. Alors que peut-être on n'aurait jamais
dû le faire à l'époque, on a décidé de le
faire. On a décidé de le faire sur deux étapes
différentes, de telle sorte qu'il a baissé, ce qui pourrait
être dit, à ce moment-ci, comme étant une erreur qui a
été commise. Souvenez-vous que la décision, elle est
paritaire et que la décision paritaire n'est pas toujours facile
à prendre, d'autant plus que tu peux avoir des patrons d'un bord et les
syndiqués d'autre part, par leur représentant. Mais il reste une
chose, c'est que la décision a été prise. Aujourd'hui, on
peut se poser la question: Est-ce que ça a été la
meilleure? Est-ce qu'on aurait dû, au moment où tout allait bien,
garder la cotisation telle qu'elle était là et non pas la baisser
comme on l'a fait? On pourra donner les chiffres et vous indiquer de quel
niveau elle a baissé, mais vous les connaissez autant que moi, M. le
Président.
Mais une chose qui est certaine, c'est que nous sommes devant un fait
établi: c'est que la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, d'année en année, accumule des
déficits qui, dans une année, accumulés à l'autre
déficit, font en sorte que ça devient exorbitant pour tout le
monde. Il va falloir un jour le payer. Il y a des travailleurs, il y a des
travailleuses qui subissent encore, malheureusement trop souvent, des
conséquences de leur travail. Il y a des
choses qui sont inhérentes, on en avait discuté à
l'époque, au travail de quelqu'un. Quand je travaille dans une mine, il
y a plus de danger que quand je travaille dans un bureau, mais ça ne
veut pas dire que, dans l'un ou l'autre des deux cas, je ne dois pas prendre
les précautions pour éviter que ça n'arrive. Et là,
c'est la partie prévention.
Je m'amusais à dire à l'époque, dans la
tournée que je faisais, que ce qu'on cherche, ce n'est pas une personne
qui, quand elle arrive au travail, commence à se déguiser avec un
masque quelque part, avec des oreilles, avec des genouillères d'autre
part, avec des coudes d'autre part. Ce n'est pas d'un scaphandrier dont on a
besoin pour aller travailler. Il faut donc en arriver à adapter le
milieu de travail aux besoins des travailleurs et non pas les travailleurs aux
besoins du marché. C'est un peu, comme on dit dans bien des cas: II faut
adapter le chapeau à la tête et non pas la tête au chapeau.
Il faut donc s'organiser, M. le Président, pour que la
prévention, ce soit d'abord par les changements qui, dans la recherche
et le développement, pourront nous permettre d'avoir un milieu de
travail convenable, un milieu de travail où on aura l'assurance que
l'employeur a pris tous les moyens pour éviter des accidents et, en
conséquence, on aura moins d'argent à mettre dans la
réparation. Et ça, c'est une équation importante à
faire, c'est une équation qu'il vaut la peine d'essayer. (0 h 50)
Alors, dans le contexte du projet de loi tel que présenté
devant nous, M. le Président, nous sommes prêts, avec le ministre,
à faire les efforts nécessaires pour donner la meilleure loi
possible sur la santé et la sécurité du travail, mais il
faut que le ministre accepte des choses. Le but de notre travail aujourd'hui -
cette nuit, devrais-je dire - c'est de convaincre le ministre de
l'opportunité qui lui est offerte d'avoir l'appui de l'Opposition pour
que les employeurs et les employés sachent, comprennent et admettent que
les efforts sont et seront faits pour que leur milieu de travail soit le plus
adéquat possible. On sait que ce débat public qui est
demandé sur cette question, l'Opposition, depuis un an, s'est battue
avec le ministre pour obtenir la tenue de ce débat public. Mais,
malheureusement, nos demandes sont restées lettre morte, et ce n'est que
jeudi dernier, lors de la période de questions, que le ministre nous a
appris qu'il n'y aurait pas de débat.
Alors, comme aucune étude d'impact des mesures proposées
par le projet de loi 35 n'a été faite, il me semble qu'il devrait
y avoir, de la part du gouvernement, une écoute attentive à nos
demandes. Les parties en sont encore à l'analyse des amendements
proposés, mais il semble, à la lumière des commentaires
reçus, que les mesures auront des effets importants sur le
système, notamment en ce qui concerne le médecin traitant. On ne
peut pas dire que la CSST jusqu'à maintenant, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, a chiffré les
effets de ce projet de loi, et ce que M. Diamant, qui était à la
tête, nous indiquait, c'est qu'il évalue entre 10 000 000 $
à 15 000 000 $ les économies qui pourraient être
réalisées par la Commission. Mais ces économies-là
vont être réalisées sur le dos de qui? De quelle
façon? Pourquoi? Est-ce que l'État veut venir chercher 10 000 000
$, 15 000 000 $ qu'il devra repayer après en guérison, M. le
Président? Ça ne servirait pas à grand-chose.
Donc, je tiens, comme ma collègue et tous ceux qui vont parler de
ce côté-ci, à demander au ministre, de façon
insistante, qu'il tienne, dans les jours qui viennent, une commission
parlementaire pour entendre des groupes, sur lesquels on pourrait s'entendre en
termes de liste, qui pourraient être entendus en audition
particulière. Mais une fois qu'on aura fait ça, on aura un
éclairage davantage plus intéressant pour, après
ça, procéder, M. le Président, à l'étude
article par article de ce projet de loi. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Laviolette. Je suis prêt à
reconnaître un prochain intervenant sur ce dossier. M. le
député de Bertrand.
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Le projet de loi 35
que nous discutons à ces heures tardives de la nuit, au fond, touche
à un débat beaucoup plus vaste qui concerne l'ensemble des
relations de travail au Québec et surtout leur harmonisation dans un
contexte en évolution perpétuelle et surtout dans un contexte de
globalisation des marchés et de dépassement des frontières
aussi bien au niveau de la production industrielle que dans l'ensemble des
relations qui doivent régir les groupes syndicaux et le patronat.
Le projet de loi 35 s'inscrit dans la démarche entreprise par le
gouvernement visant à mettre un frein, en quelque sorte, au
déficit qui s'accumule dangereusement d'année en année au
sein de la CSST. On estime ce déficit à 500 000 000 $ et, si rien
n'est fait, cette somme pourrait augmenter considérablement non
seulement au cours de cette année, mais au cours des années qui
viennent. Au fond, le problème qui se pose ici, indépendamment
des questions de tech-nicalité qui sont visées par le projet de
loi 35, c'est d'abord de chercher à évaluer, à trouver
quelles sont les raisons et les sources de ce déficit, d'une part, et,
d'autre part, d'y apportGr les correctifs nécessaires.
De nombreux articles de journaux, des éditoriaux, au cours des
dernières semaines et même au cours des derniers mois, ont fait
état
des positions des différents intervenants dans ce débat.
En fait, les causes du déficit varient selon que l'explication provienne
des employeurs, des syndicats ou de la CSST elle-même.
Pour le milieu patronal, par exemple, on impute le déficit
à l'abus que font les travailleurs du système qui, selon eux,
s'est transformé en complément du régime
d'assurance-chômage. On prend comme exemple le fait que le nombre
d'accidentés soit passé de 202 000, en 1990, à 176 000, en
1991, ce qui correspond à peu près à une baisse de 12,5 %,
alors qu'au même moment la durée des indemnisations ou la
période qui s'écoule avant qu'un travailleur
réintègre son emploi est passée de 47 jours, en 1989,
à 73 jours, en 1991, soit une augmentation d'environ 57 %. Les
représentants du milieu patronal imputent également à la
complaisance des médecins traitants ce rallongement de la période
d'indemnisation.
Pour les syndicats, de leur côté, la vraie cause du
déficit repose sur ce qu'ils appellent l'hyperjudiciarisation du
système, c'est-à-dire le recours démesuré aux
procédures d'arbitrage et aux procédures judiciaires qui
encourent des frais énormes de la part des différentes parties
impliquées. On prétend que, dans le processus d'indemnisation, la
CSST est liée par le diagnostic du médecin traitant ou, si l'on
veut, le médecin qu'a choisi le travailleur. Pour faire renverser la
décision de ce médecin traitant, on peut faire appel à un
processus d'arbitrage qui, lui, peut s'échelonner sur une période
de temps plutôt longue.
Un autre élément que fait valoir la partie syndicale est
la pratique patronale qui consiste à ne pas réintégrer ou
à réintégrer de façon irrégulière les
travailleurs qui sont mis en convalescence ou, comme on dit couramment, qui
s'en vont sur la CSST.
Enfin, la CSST elle-même a sa propre explication. Selon son
président, les causes de ce déficit regroupent, en quelque sorte,
les éléments de chacune des deux autres parties. En fait,
malgré les explications du président de la CSST, sa position est
plutôt précaire en ce sens que c'est un organisme tripartite et
que, souvent, pour concilier les parties, on néglige de s'attaquer
à la vraie source du problème.
En fait, personne n'est réellement satisfait du projet de loi 35.
Le patronat, de son côté, soutient qu'il ne règle
absolument pas, de façon sérieuse et de façon profonde, le
déficit qui s'alourdit et qui, par conséquent, risque de
pénaliser à moyen et à long terme la
compétitivité de nos entreprises. De son côté, la
partie syndicale prétend que le projet de loi 35 ne donne pas aux
travailleurs suffisamment de garanties et que, par un processus quelque peu
escamoté, il limite et même réduit la protection des
travailleurs par rapport à ce qu'elle était jusqu'ici.
Ce débat, en fait, s'inscrit dans le contexte beaucoup plus vaste
du réaménagement nécessaire des relations de travail dans
notre collectivité actuelle. En fait, tous les débats qui se sont
déroulés concernant les relations de travail au cours des
derniers mois soulèvent la même question, c'est-à-dire le
besoin d'harmoniser, de trouver un terrain d'entente entre, d'une part, les
travailleurs, et la partie patronale. (1 heure)
Indépendamment des faiblesses du projet de loi 35, une chose
demeure: II est nécessaire d'évaluer et d'approfondir les raisons
qui font que la CSST encourt un déficit de plus en plus lourd chaque
année. Et la meilleure façon de le faire, c'est bien sûr
par un débat public où les différentes parties
impliquées dans la discussion pourront venir s'expliquer et où
les parlementaires auront l'occasion de poser les questions pertinentes pour
pouvoir poser un diagnostic adéquat sur ce problème.
Indépendamment également des lacunes et des faiblesses du
projet de loi 35, il est important de se souvenir que dans le contexte
économique actuel il importe au Québec que nous trouvions un
terrain d'entente pour que ces anachronismes, pour ne pas dire ces faiblesses
structurelles, qui s'insèrent de plus en plus dans nos relations de
travail, de façon générale, dans notre économie, ne
se traduisent pas par une perte relative de notre poids commercial et de notre
poids industriel dans le monde industrialisé d'aujourd'hui. Et c'est
d'ailleurs une préoccupation qui relève particulièrement
de la population que je représente et, en particulier, du grand nombre
de petits et de moyens entrepreneurs qui sont situés dans la
circonscription électorale que j'ai l'honneur de représenter
à l'Assemblée nationale.
Il n'est dans l'intérêt de personne que les accidents de
travail se multiplient sur les lieux de travail. Il n'est dans
l'intérêt de personne que les travailleurs se sentent
mécontents et se sentent amenuisés, se sentent affaiblis dans un
système où on leur retire ce qu'ils considèrent comme des
protections adéquates. Il est également inconvenant que l'on
abuse des systèmes et des régimes qui ont été
conçus pour donner à notre milieu de travail et, de façon
générale, à notre collectivité une qualité
de vie meilleure. De la même façon qu'il y a des abus dans les
régimes de sécurité sociale, de la même façon
il y a aussi des abus dans les normes et dans les revendications qui sont
faites auprès de la CSST. Ce n'est pas la majorité des cas, bien
que certains éléments du milieu patronal veuillent prendre
exemple de quelques cas isolés pour en faire un cas d'espèce et
pour généraliser le problème au niveau de l'ensemble des
travailleurs.
En fait, il s'agit ici, à plus long terme et de façon
beaucoup plus globale, de réconcilier, d'une part, le besoin d'assurer
un minimum de conditions de travail décentes aux travailleurs du
Québec et, d'autre part, d'assurer ces conditions décentes
dans un environnement économique de plus en plus complexe et de plus en
plus ouvert aux pressions internationales. Il n'est pas à l'avantage des
travailleurs d'abuser d'un système qui se veut à l'origine
protecteur de leurs conditions de travail, mais il n'est pas non plus dans
l'intérêt du patronat et des employeurs de vouloir minimiser et de
vouloir soustraire leur main-d'oeuvre à des conditions adéquates
de travail. Et c'est là où se pose tout le problème, non
seulement du projet de loi 35, mais de l'ensemble de la réglementation
qui s'applique au milieu du travail au Québec présentement.
On a fait état au cours des dernières années, et
plus particulièrement au cours des derniers mois, aussi bien de la part
des employeurs, de la part du Conseil du patronat du Québec que de la
part des grandes centrales syndicales, de cette espèce
d'évolution particulière qui se dessine au Québec vers un
partenariat plus poussé entre, d'une part, les travailleurs et, d'autre
part, les employeurs et le patronat. Ce modèle qu'on appelle le
modèle québécois particulièrement dont la plupart
d'entre nous sommes fiers et que l'on cherche même à l'occasion
à exporter, avec succès, comme ce fut le cas, par exemple, de la
part du groupe des frères Lemaire et de la compagnie Cascades en France,
en Belgique et ailleurs en Europe... Il est tout à notre honneur
effectivement d'avoir trouvé en quelque sorte un terrain d'entente qui
réussisse à substituer l'affrontement et la méfiance qui
ont traditionnellement caractérisé les relations de travail, non
seulement au Québec, au Canada et en Amérique du Nord, de
façon générale, par une sorte d'harmonisation qui ait
comme objectif fondamental une meilleure qualité de vie, à la
fois pour ceux qui travaillent en entreprise et pour ceux qui sont actionnaires
de ces entreprises.
C'est le sens que vise le projet de loi 35, mais son approche est
tellement superficielle qu'au fond il vise à côté de la
cible. D'une part, on néglige de s'attaquer directement et de
façon substantielle aux causes qui génèrent ce
déficit d'année en année, et, d'autre part on sème
en quelque sorte un peu de scepticisme dans les milieux de travail quant
à l'objectif réel qui est visé par cette loi et quant aux
objectifs également qui sont visés par le patronat.
Je ne pense pas que ceux qui préconisent une réforme en
profondeur de la CSST, de ses méthodes de travail, de ses
méthodes d'indemnisation veuillent nécessairement tirer la
couverte de leur côté exclusivement, comme le prétendent
certains éditorialistes. Je pense qu'il s'agit beaucoup plus de trouver
une solution qui, de part et d'autre, nous permette d'en arriver à cette
sorte de consensus qui sera indispensable si le Québec veut percer sur
les marchés internationaux, et surtout s'il veut pleinement tirer profit
des accords commerciaux que nous avons signés, en particulier avec les
États-Unis, au cours des dernières années. Parce qu'il ne
faut pas oublier une chose, c'est que, d'une part, la productivité
québécoise et canadienne est en recul par rapport à celle
de nos principaux concurrents des pays industrialisés. Lorsqu'on dit que
notre productivité est en recul ça ne veut pas dire que nos
travailleurs travaillent moins bien que les Américains, que tes
Européens, que les Allemands ou que les Japonais. Ça veut dire
tout simplement qu'il y a des facteurs structurels à l'intérieur
de nos forces productives et de notre économie qui font que nous
n'arrivons pas à produire à des coûts aussi
compétitifs qu'ils le peuvent.
De leur côté, certains représentants du milieu
patronal disent: Réduisons les avantages acquis par les travailleurs au
cours des dernières années, parce que si on a une
productivité plus faible qu'ailleurs c'est en raison des salaires trop
élevés qu'on paie ici, ou des avantages sociaux beaucoup plus
généreux qu'ailleurs, en particulier tous ceux qui sont
dérivés de la CSST. Cette analyse est un peu superficielle parce
qu'elle fait fi d'autres facteurs qui sont beaucoup plus importants, comme par
exemple la structure financière, la structure des taux
d'intérêt et également toute la structure des
systèmes de distribution de nos produits aux États-Unis et en
Europe qui est beaucoup plus faible, qui est beaucoup moins
développée que celle de nos principaux concurrents sur les
marchés internationaux.
Ceci étant dit, si, comme le disent les chefs des principales
centrales syndicales, comme l'ont dit les principaux porte-parole du
gouvernement, comme l'ont dit également les principaux porte-parole de
l'industrie, de l'Association des manufacturiers du Québec, des diverses
associations patronales québécoises, si nous sommes à
évoluer vers cette espèce de modèle spécial qui,
semble-t-il, nous distingue de plus en plus de l'Ontario ou des autres
provinces canadiennes quant à notre façon plus civilisée
de concevoir les relations de travail, eh bien, si on pense sérieusement
qu'on est en train d'évoluer dans cette direction, on doit
sérieusement s'interroger sur l'à-propos du projet de loi 35, ou
tout au moins sur la façon dont il est formulé. Parce que, la
façon dont il nous est présenté ne reflète d'aucune
manière cette préoccupation qu'ont décrite à la
fois mes collègues, au cours des dernières heures, et à
laquelle ont fait allusion également les collègues du
gouvernement dans leur exposé sur ce projet de loi. (1 h 10)
Au fond, ce projet de loi ne satisfait personne, et il vise
essentiellement à pallier, de façon superficielle, à court
terme, sans toucher véritablement le fond du problème, à
une question qui est beaucoup plus profonde et qui, un peu comme un cancer,
risque de nuire à notre évolution économique et à
nos relations de
travail au cours des prochaines années. Comme l'ont
souligné mes collègues, l'Opposition s'est battue depuis un
certain temps pour obtenir un débat public sur cette question. Pourquoi
un débat public? C'est pour éviter, en quelque sorte, les
mêmes pièges, les mêmes précipices auxquels on a
dû faire face dans le contexte des débats sur
l'hydroélectricité du Québec. C'est pour éviter les
embûches qui guettent toutes sortes de projets de loi qui sont faits
à la va-vite, sans consultation profonde des milieux
intéressés, et surtout qui donnent une sorte
d'arrière-goût ou d'impression d'avoir été
concoctés pour satisfaire aux besoins immédiats de quelques
groupes de pression dans notre société.
Au contraire, M. le Président, le projet de loi 35 serait
l'occasion idéale pour remettre en question, revoir en profondeur ce
système de sécurité qui a fait du milieu du travail
québécois un des milieux les plus avancés dans le monde
industrialisé et dont nous pouvons être fiers. Cependant, le temps
est venu, puisque les circonstances changent, de réévaluer
l'efficacité de ce mécanisme à la fois dans
l'intérêt des travailleurs, et dans l'intérêt,
également, de la partie patronale parce que, si l'on croit
sérieusement à toute cette rhétorique qui depuis quelques
mois nous dirige vers une sorte de consensus entre le milieu patronal et le
milieu syndical, je pense qu'il convient de s'asseoir à une table, de
façon transparente, de façon ouverte, d'examiner quelles sont les
véritables causes du déficit de la CSST, et d'y apporter les
correctifs nécessaires après consultation de toutes les parties
intéressées. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Bertrand. Sur le même sujet, à savoir la
motion de M. le ministre du Travail proposant l'adoption du principe du projet
de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail et la Loi sur l'assurance-maladie, je reconnais maintenant M. le
député de Saint-Maurice. Vous avez droit à 20 minutes, M.
le député.
M. Yvon Lemire
M. Lemire: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet de
loi 35 est d'une importance capitale, à ce moment-ci, M. le
Président. Quand on voit ce qui arrive avec le déficit de 791 000
000 $, le projet de loi 35 marquera une orientation différente de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Toujours au nom de son objectif fondamental d'assurer une rigueur dans la
gestion des fonds publics, le gouvernement libéral devrait en arriver
à une solution permanente, durable et efficace dans l'administration de
cette Commission.
D'ailleurs, M. le Président, tous on a remarqué le
sous-titre dans l'éditorial du journal
Le Devoir du 22 mai dernier. M. Jean Francoeur visait juste en
écrivant, et je cite: «Une intervention d'urgence s'impose pour
enrayer l'hémorragie». Un tel titre, à l'instar d'autres
idées avancées dans le même sens, dans différents
éditoriaux, indique un malaise certain au sein de cette Commission. Je
souligne tout de suite que le problème de la CSST est d'abord et avant
tout un problème structurel auquel s'ajoute un volet conjoncturel qui a
marqué les finances de cette société d'État.
Passons vite sur le volet conjoncturel. Les analyses vont toutes dans la
même direction, à savoir que le gros déficit de la CSST
provient d'une hausse des dépenses, notamment du remplacement du revenu,
comme en témoigne l'allongement exceptionnel de la durée des
indemnisations. Imaginez-vous qu'en 1989 nous avions une moyenne de 47 jours
pour les indemnisations et trois ans plus tard, en 1991, nous sommes rendus
à 76 jours. On voit, M. le Président, qu'il y a un malaise
à l'heure actuelle, dans la durée des indemnisations. Ces
chiffres, qui sont dans Le Devoir du vendredi 22 mai 1992, on en
déduit d'abord que de tels changements ont eu des effets directs sur les
finances de la société d'État. De plus, on dit que les
difficultés se sont posées en raison de la baisse
consécutive des revenus, d'une part, et de la récession, et de la
réduction du taux de cotisation de l'employeur, d'autre part. Donc, que
l'on analyse le problème de ce dossier par rapport à un volet
structurel ou aussi du côté conjoncturel, il n'y a rien qui
change, on a toujours le même problème. Les finances de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail sont
dans un état qui doit amener le gouvernement à prendre des
décisions rapides, efficaces et obligatoires.
Grâce au projet de loi, le ministre mise sur plus d'expertise
médicale, sur la conciliation obligatoire avant de passer devant un
bureau de révision paritaire, sur la correction rapide des erreurs dans
les rapports des agents d'indemnisation et une procédure plus souple
pour les litiges de moins de 1000 $.
Un autre objectif fondamental contenu dans le projet de loi 35 permet de
remplir un engagement du gouvernement, à savoir celui de sauvegarder le
régime de santé et sécurité. C'est un régime
que l'on doit considérer comme un véritable contrat social au
Québec. Grâce à l'application de ce projet de loi, les
modifications suggérées et la contribution des employeurs
aideront grandement à atténuer le déficit de la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. C'est là
aussi un objectif fondamental du gouvernement libéral.
Au plan de l'application de ce projet de loi, le ministre a dit
souhaiter qu'une meilleure collaboration soit établie avec les
médecins et les spécialistes. De plus, il importe que soient
améliorés la formation et l'encadrement des agents
d'indemnisation de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail afin d'augmenter
la productivité et l'efficacité de cette Commission. Donc, la
volonté de notre gouvernement est très claire. En agissant par la
voie de modifications législatives, nous prenons nos
responsabilités pour sauver le régime actuellement en place. Nous
voulons également assurer une meilleure protection aux travailleurs et
travailleuses accidentés. Nous voulons, enfin, offrir des soins d'une
plus grande qualité et efficacité ainsi que favoriser le retour
au travail le plus rapidement des travailleurs. Imaginez-vous, en 1989, comme
je le disais tantôt, 47 jours, moyenne pour les indemnisations; et on
arrive en 1991 avec 30 jours de plus de moyenne d'indemnisation. Imaginez-vous
le coût que ça peut apporter à la CSST!
Le ministre a, de son côté, procédé à
un exercice de concertation, de responsabilisation afin d'exercer le principe
fondamental du paritarisme qui est à la base même du régime
de santé et de sécurité du travail au Québec. C'est
ainsi que le 22 octobre dernier le ministre chargeait le CCTM d'examiner en
priorité le dossier de la Commission et de lui proposer les changements
nécessaires afin d'assurer la sauvegarde de ce régime. Il y a eu,
tout au long du processus d'évaluation et de concertation, des
intérêts qui ont été divergents, et on a eu une
absence de consensus. Dans un tel dossier, comme dans n'importe quel
problème soumis au gouvernement, le ministre responsable doit avoir le
courage, prendre ses responsabilités, et nécessairement trancher
dans le vif et présenter des solutions satisfaisantes au Conseil des
ministres pour enfin que l'ensemble du gouvernement puisse endosser une prise
de position. On ne peut pas continuer à avoir des déficits aussi
importants. Imaginez-vous, avec l'année 1991-1992, il va y avoir tout
près de 1 500 000 $... de déficit à la CSST. C'est donc
dans ce contexte qu'a été prise la décision majeure pour
venir à bout des problèmes qui ont surgi à la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. Les mesures
suggérées par ce projet de loi auront pour effet de
désengorger les différentes instances d'appel et de
révision aussi et permettront d'humaniser davantage le système en
place, M. le Président. (1 h 20)
De plus, ce projet de loi donnera à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail l'encadrement
nécessaire pour traiter plus rapidement les cas requérant plus
d'attention. Dorénavant, M. le Président, il est clair qu'il faut
assurer la survie du régime dans un cadre financier acceptable. C'est
dans ce sens que, conformément à l'objectif d'assurer un service
de qualité, le ministre responsable du dossier a fait connaître la
volonté du gouvernement qui veut d'abord et avant tout protéger
les bénéfices auxquels ont droit les travailleurs et
travailleuses. À titre d'exemple, les amendements proposés visent
à réduire les délais d'indemnisa- tion, les coûts
associés à la réparation des accidents et des
lésions professionnelles. C'est vous dire toute l'ampleur et les
difficultés d'assumer un encadrement rigoureux et efficace des budgets
qui sont alloués à cette fin. Les modifications auront
également pour but de favoriser une meilleure gestion du programme
d'indemnisation des accidents et des lésions professionnelles.
Comme je l'indiquais tout à l'heure, en désengorgeant les
instances de révision et d'appel prévues à la loi, le
gouvernement croit que le système sera davantage humanisé et que
la qualité des services offerts aux bénéficiaires du
régime sera accrue d'autant. Pour ma part, j'en résume quelques
points majeurs. Du moins, dans ses principes, tel que l'évoquait...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, je m'excuse,
M. le député de Saint-Maurice. M. le député de
Labelle, oui.
M. Léonard: Une question de règlement, est-ce que
je peux vous demander de vérifier le quorum s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés. (1 h 23 - 1 h 25)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il
vous plaît!
M. le député de Saint-Maurice, si vous voulez continuer
votre intervention, s'il vous plaît.
Des voix: Bravo!
M. Lemire: M. le Président, comme j'ai été
interrompu par le député de Labelle, je pense que je vais me
permettre, pour ma part, de résumer quelques points majeurs du projet de
loi.
Des voix:...
M. Lemire: Du moins dans ses principes, tel que l'évoquait
d'ailleurs le gouvernement lors de la présentation de cette pièce
législative, M. le Président, ce projet de loi 35 ne contient
aucune surprise. En effet, toutes les questions traitées dans ce projet
de loi ont fait l'objet de discussions et de concertation avec les milieux
intéressés. En dépit du fait qu'il n'y ait pas eu
consensus global, notre ministre a décidé de prendre ses
responsabilités sur l'ensemble des modifications à apporter. Le
gouvernement a dû poser des gestes concrets, M. le député,
afin de sauvegarder le régime de santé et de
sécurité au travail au Québec.
Je le répète, M. le Président, tout notre
régime est basé sur le paritarisme. Le régime est unique
et ce caractère distinctif demeure intact, M. le Président, comme
le soulignait M. le ministre tantôt. Nulle part au Canada, la notion
du paritarisme est aussi ancrée dans chaque étape du
régime. D'autre part, la législation en matière de
santé et sécurité au travail est très jeune. Vous
le savez, M. le député, c'est le gouvernement du Parti
québécois qui l'a mise en force, cette loi-là, en 1985.
Mais il est maintenant temps d'adopter des mécanismes, puis des
mécanismes qui soient prévus afin d'assurer une meilleure gestion
du régime. Et il faut enfin, comme je le disais tout à l'heure,
protéger les bénéfices auxquels ont droit les
travailleuses et les travailleurs au Québec.
Mais la principale raison d'action du gouvernement en ce domaine, c'est
qu'il y a urgence de trouver des solutions à l'égard du
déficit qui atteint 792 000 000 $ en 1991. En effet, l'objectif de
sauvegarder ce régime est bien valable, mais ce contrat social doit
également faire en sorte que soit assurée la survie du
régime dans un cadre financier acceptable.
En conclusion, M. le Président, on me permettra de résumer
en six points majeurs la nature et les objectifs du projet de loi 35: 1° Le
projet de loi précisera les pouvoirs de la Commission de la santé
et de la sécurité du travail au nom d'un objectif de meilleure
allocation des ressources disponibles et de l'efficacité ainsi que de la
qualité des services offerts à tous les
bénéficiaires; 2° ce projet de loi permettra à un
employeur d'avoir accès à l'information se rapportant à
une lésion; 3° un bureau d'évaluation médicale sera
instauré en remplacement de l'arbitrage médical actuel; 4° la
Commission de la santé et de la sécurité du travail aura
une direction bicéphale, c'est-à-dire qu'il y aura deux
présidents, un président du conseil d'administration et un
président et chef des opérations; 5° ce projet de loi
prévient l'effondrement du régime dont le déficit ne cesse
d'augmenter, comme je le soulignais tout à l'heure; enfin, 6° on
prévoit la création d'une division du financement au sein du
Bureau de révision ainsi que d'un service de conciliation.
C'était là, M. le Président, l'essentiel de mes
remarques à l'égard du projet de loi 35 concernant la Commission
de la santé et de la sécurité du travail. Il s'agit d'une
pièce législative majeure, importante, que notre ministre a eu le
courage de présenter et qui vise à préserver la nature et
la portée d'un contrat social intervenu il y a quelques années,
dans la société québécoise, que le gouvernement
libéral a choisi, une ligne d'action conformément à la
volonté d'assurer la survie, la qualité des services offerts aux
travailleuses et travailleurs du Québec. Nous le faisons d'abord et
avant tout en fonction des intérêts de ceux et celles qui
bénéficient et qui bénéficieront des services
offerts par la Commission de la santé et de la sécurité du
travail, au nom de tous les citoyens du Québec, pour une meilleure
qualité de vie au travail, M. le Président. Merci beaucoup. (1 h
30)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Saint-Maurice. Sur le même sujet, je cède
la parole à M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, comme vous le voyez, le Parti
libéral veut proposer le projet de loi à 1 h 30 du matin,
à une heure où il sait que les travailleurs sont couchés,
parce qu'ils doivent se lever de bonne heure demain matin. Les taupes
libérales sont à l'oeuvre! Les taupes libérales sont
à l'oeuvre, M. le Président! Mais elles savent que les
travailleurs qui sont touchés par le projet de loi, eux, sont
couchés, parce qu'ils devront se lever de bonne heure demain matin pour
aller à l'ouvrage. Et l'organisme nous dit, comme vient de le dire le
député qui vient de parler, dont je ne me rappelle pas le nom du
comté... il ne parle pas assez souvent. Ça va être un autre
organisme bicéphale, bicéphale! La Caisse de dépôt,
on en a fait un organisme bicéphale sous le gouvernement actuel.
HydroQuébec, on en a fait un organisme bicéphale. Puis là,
on dit: La CSST va être bicéphale. Puis on a un premier ministre
qui a le cerveau fait comme un oeuf à deux jaunes, M. le
Président. On est dans les oeufs, dans les organismes bicéphales.
Puis, après ça, on dit qu'on doit économiser, alors qu'on
met des organismes à deux têtes partout. Puis on pense qu'avec
ça, on va économiser. On pense, avec ça, on va
économiser.
Essentiellement, M. le Président, le projet de loi qui est devant
nous est inquiétant, parce que, comme le disait le député
de Bertrand tout à l'heure: Nous sommes entrés, depuis deux ans,
dans un système de libre-échange. Le gouvernement aime à
faire croire aux gens qu'il est un bon administrateur. Mais là, on voit
qu'actuellement les organismes pètent de partout. Les déficits
augmentent à une vitesse incroyable, les taxes augmentent de partout, et
les citoyens sont inquiets de bord en bord du Québec, des
îles-de-la-Madeleine à Hull, de Fort-Chimo à Stanstead ou
à Lévis, si vous aimez mieux! Les gens sont inquiets, parce que
tout ce dont on entend parler, c'est de déficits, de déficits et
de déficits et de taxes, de taxes, de taxes, de frais, de frais, de
frais!
Puis, après ça, on essaie de nous faire croire qu'on est
concurrentiels avec les Américains, alors que les gens qui ont une
tête sur les épaules... ça ne prend pas une 500 watts pour
comprendre ça, M. le Président, se rendre compte que ça ne
fonctionne pas! Déficits? Caisse d'assurance-chômage
fédérale en déficit. Même si on a augmenté
l'an dernier les frais considérablement, 23 % ou 24 %, qu'on a
augmenté seulement de 6 % par la suite, on sait que la
caisse est en déficit. Et on sait qu'au mois de mars dernier, 2
000 000 000 $ de plus que l'année précédente... caisse
d'assurance-chômage déficitaire. CSST, les accidents du travail,
déficitaire, ce qui fait que les gens sont inquiets, parce qu'ils savent
essentiellement que les factures vont se retrouver d'une façon qu'on
sera moins concurrentiels.
On regarde actuellement le régime d'assurance-santé avec
les lois du ministre. Encore là, le système qui était
valorisé au Québec est considéré aujourd'hui comme
un système qu'on doit couper en taxant davantage. Les gens qui regardent
ça ont l'impression de vivre un cauchemar épouvantable, parce
qu'ils se rendent compte que ça ne fonctionne pas. Ça ne
fonctionne pas, puis ça ne prend pas des arguments très complexes
pour le réaliser. Ça ne marche pas. Les gens sont
sursaturés de paiements. Ils sont de plus en plus pauvres, M. le
Président, parce qu'ils doivent payer de plus en plus cher pour des
services de moins en moins considérables.
Quand on regarde l'évolution du déficit de la CSST, on
remarque... Pour des gens qui se disent des champions de l'administration, des
gens qui sont connectés sur le monde des affaires, qui sont
connectés sur l'entreprise privée, qui est supposée
être d'une efficacité incroyable, avec Ghislain Dufour qui s'est
déguisé, comprenez-vous, en spécialiste des questions
autochtones... Il ne parle pas du libre-échange, il ne parle plus de la
conquête des marchés américains comme avant le vote en 1988
en faveur du libre-échange. On était devenus quasiment tous des
Napoléon de la concurrence américaine, on disait quasiment aux
Américains: Tenez-vous bien, on arrive. La seule chose qui est
arrivée, c'est nos consommateurs qui se dépêchent à
aller aux États-Unis pour acheter le plus rapidement possible; ils
n'attendent même pas que les produits viennent ici, ils s'en vont les
acheter directement là-bas.
Le résultat, ce qu'on voit aujourd'hui avec ces grands
administrateurs, avec Ghislain Dufour, ce grand spécialiste: des
déficits. L'évolution du déficit de la Commission atteint,
en 1991, 800 000 000 $, et on dit qu'à l'heure actuelle, il serait rendu
à 500 000 000 $. J'entendais le député, qui doit le savoir
parce qu'il est au gouvernement, on parle qu'il pourrait atteindre 1 500 000
000 $ cette année; un seul organisme, M. le Président. Un seul
organisme! On se demande pourquoi les gens ne sont pas inquiets. Les gens sont
terrorisés devant l'efficacité de ce gouvernement-là. Sa
principale efficacité, c'est de faire des déficits et à
siphonner des taxes et des frais des citoyens.
Rappelons-nous, M. le Président, quand l'exprésidente de
la CSST en 1989, Mme Forget, reconnaissait avoir été
forcée d'accepter une baisse du taux de cotisation suite aux pressions
patronales. Le taux moyen, vous vous rappelez quand on disait à quel
point on était bons, les libéraux étaient bons, je m'en
rappelle. Le député de Bonaventure, véritable tireuse de
cartes, M. le Président, qui arrivait, mais de mauvaises nouvelles,
comme une sorcière sur son balai... Mais on vient nous annoncer que le
taux était baissé de 2,75 $ des 100 $ à 2,50 $ en 1990; en
échange, on disait que la partie patronale, tellement efficace,
s'engageait à augmenter le taux si la CSST connaissait un déficit
en 1990. Or, l'année 1990 marque un retour du déficit
après deux années de surplus enregistré à la CSST,
et on assiste à une seconde baisse du taux moyen en 1991, malgré
le déficit en 1990, à 2,32 $, ce qui voulait dire, en tenant
compte de l'inflation, un taux de 2,17 $, malgré l'engagement pris par
le patronat.
Essentiellement, on se rend compte que ces gens qui nous parlent de
l'efficacité ne sont pas si efficaces que ça. Au contraire, M. le
Président, là, on voit que... On arrive avec un nouveau projet
sans qu'on ait fait le tour de la question. Je connais ça un peu, vous
savez. Je vais vous donner un exemple concret. Quand je suis arrivé
à l'Agriculture, en 1976, il y avait un organisme qui s'appelait les
assurances agricoles; ça coûtait 0,70 $ pour administrer 1 $; 0,70
$ pour administrer 1 $! Quand je suis parti, en 1985, alors qu'on assurait
davantage les citoyens, alors qu'on avait augmenté, d'une façon
considérable, les assurés, ça coûtait 0,07 $ pour
administrer 1 $, 10 fois moins; 10 fois moins! Pourquoi? Parce qu'on
avait...
Une voix:...
M. Garon: Oui, j'avais des chèques dans mes poches parce
que j'en avais, de l'argent! Vous autres, vous avez des déficits dans
vos poches, vous avez des poches pleines de trous, vous n'avez même pas
d'argent dans vos poches. Moi, je pouvais me promener et en montrer, des
chèques, en conférence de presse, j'en avais des chèques.
Voyez-vous, M. le Président, j'en avais des chèques! Mais le
gouvernement actuel n'a pas de chèques à montrer, il n'a que des
déficits à montrer. Ils ne savent pas négocier, ils ne
savent pas administrer. Ils font des lois à 2 heures du matin, M. le
Président, comme des taupes; vous savez, une taupe, pourquoi ça
travaille la nuit, parce que ça ne voit pas clair; parce que ça
ne voit pas clair! Ça creuse des trous dans le sable la nuit, sans voir
où ça s'en va, M. le Président, comme les gens du Parti
libéral. On se retrouve, aujourd'hui, avec un projet de loi comme
celui-là, un projet de loi...
Vous savez, aujourd'hui... Ah! Un projet de loi, improvisé comme
d'habitude; improvise! On dit: On va mettre deux personnes à la
tête, on va régler le problème. On dit: II n'y aura plus
d'appel quand ça va être en bas de 1000 $. On prévoit que
les décisions de ces bureaux en matière de lésions
professionnelles peuvent faire
l'objet d'un appel lorsque la prestation sur laquelle porte le litige
excède 1000 $. Ça veut dire qu'en bas de 1000 $ il n'y aura pas
de droit d'appel. (1 h 40)
Mais essentiellement, M. le Président, ça touche combien
de personnes, vos dires? Des gens m'ont appelé aujourd'hui du Syndicat
des chantier MIL Davie, 3500 employés. Qu'est-ce qu'on dit? Depuis 1985,
sur 5100 cas d'accidents, 5100, qui sont compensables devant la CSST à
la MIL Davie, quelque 4062 cas sont des réclamations de moins de 1000 $,
ce qui représente une moyenne de 79,6 % pour trois ans, en 1989, 1990 et
1991. On dit: Vous autres, vous n'aurez plus le droit de contester. Alors
qu'essentiellement, souvent, c'est de régler ces questions-là
avec une façon plus simple administrativement. Regardons les cas
d'assurance aux États-Unis, pourquoi ça coûte si cher
à l'administration de la santé aux États-Unis, pourquoi
l'assurance automobile coûte si cher? Parce qu'on passe d'un
procès à l'autre. Ça ne finit plus, les procès.
C'est ça qui coûte cher, l'administration. On a réussi, ici
au Québec, avec un régime d'assurance-santé que le
gouvernement actuel est en train de bousiller, à dépenser, au
lieu de 8 % du produit national brut pour la santé, alors que les
Américains dépensent 50 % de plus, 12 %, et ils
réussissent, même avec 12 %, 50 % plus cher que nous autres,
à ne pas couvrir 30 % de la population. Pourquoi, avec un système
de litiges permanents devant les tribunaux?
Ça coûte 50 % plus cher l'assurance-santé aux
États-Unis en ayant 30 % des gens qui ne sont pas couverts. Revenons aux
choses essentielles. Regardons quand on a un régime qui marche au
Québec, qu'est-ce qui marche au Québec? La Société
de l'assurance automobile du Québec, ça marche,
créée par l'ancien gouvernement. On a fait en sorte que ce
régime soit le plus simple à administrer possible, de sorte que
le gouvernement qui avait voté contre, les députés
ministériels avaient voté contre lorsque ça a
été adopté dans cette Chambre, M. le Président,
aujourd'hui, siphonnent la caisse constamment. Ce qu'ils veulent siphonner,
entre 1986 et 1995, est tellement considérable qu'on pourrait assurer
tous les gens à la Société de l'assurance automobile
pendant quatre ans et demi avec la nouvelle ponction de la part du ministre des
Finances gratuitement. Quatre ans et demi gratuitement par la
Société de l'assurance automobile, on pourrait assurer les 4 000
000 de conducteurs d'automobile du Québec gratuitement pendant quatre
ans et demi, si on ne siphonnait pas la caisse comme le fait le ministre des
Finances.
Et le gouvernement pourrait prendre exemple sur une loi qui a
été faite par l'ancien gouvernement au lieu d'essayer de faire
des lois qui ne fonctionnent pas. Évidemment, ce n'était pas un
gouvernement d'hommes d'affaires. Ce n'étaient pas des gens,
comprenez-vous, qui, comme le sénateur Castonguay, qui était
contre le Sénat jusqu'à temps qu'il soit nommé, ce
n'étaient pas des gens comme Ghislain Dufour, spécialiste en
n'importe quoi. Il est rendu grand chef qui discute avec Ovide Mercredi,
spécialiste des questions autochtones. Il ne parle plus du
libre-échange, il ne vous parle plus de la concurrence avec les
États-Unis. Là, il est devenu le spécialiste des questions
indiennes. J'ai des nouvelles pour lui: le traité de paix au
Québec a été signé en 1701 par le gouverneur de
Callières. Alors, il pourra toujours allumer son calumet, Ghislain. Il
serait mieux de parler de choses qui sont de son ressort. Il n'a pas de
leçon à donner alors que, dans la caisse de la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, on voit le
résultat.
C'est pourquoi la proposition de l'Opposition, et c'est une proposition
bien simple au fond, mais importante. On dit quoi, essentiellement? Que le
ministre s'engage à tenir au plus tard le 8 juin prochain, et pour une
période de quatre jours, une commission parlementaire réunissant
les groupes suivants: Le Conseil du patronat, l'Association des entrepreneurs
en construction, l'Association des manufacturiers québécois, la
Corporation des médecins du Québec, le Conseil des syndicats
nationaux, la Fédération des travailleurs du Québec, la
Centrale des enseignants et des enseignantes du Québec, la
Fédération des infirmiers et infirmières du Québec,
la Centrale des syndicats démocratiques, la Fondation sur l'aide aux
travailleurs et aux travailleuses accidentés, le Centre d'aide aux
travailleurs et travailleuses accidentés de Montréal, la
Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Pourquoi? Qu'il vienne nous dire, au fond, comment il voit la solution aux
problèmes actuels.
Et deuxièmement, que le ministre s'engage à instituer une
enquête indépendante d'actuaires sur la gestion de la commission.
Je remarque à quel point les ministériels ont peur des
chiffres... à quel point ils ont peur des chiffres! Regardez, quand la
caisse de Société de l'assurance automobile du Québec, la
caisse de stabilisation, ça fait combien d'années que le
Vérificateur général demande pourquoi vous avez une caisse
de stabilisation? Qu'est-ce que vous voulez faire avec? Pas capables de le
dire, M. le Président. Pas capables de dire la caisse en surplus, pas
capables de le dire, puis la caisse en déficit, pas capables de le dire
non plus. C'est pourquoi la proposition est importante que le ministre s'engage
à instituer une enquête indépendante d'actuaires sur la
gestion de la commission. Il s'agit de milliers de demandes. Il s'agit de
milliers de cas. Et, que des changements dans l'administration peuvent avoir
une influence considérable concernant cette
administration-là.
Le mandat pourrait consister à examiner, on dit «le
processus d'évaluation des taux de co-
tisation, de l'estimation de la durée de la consolidation pour
tenter d'expliquer les écarts importants qui se sont produits, et enfin
de déterminer si la politique de capitalisation actuelle est compatible
avec les orientations prises par la Commission de la santé et de la
sécurité du travail». Parce que dans ces
questions-là, la capitalisation est une question fondamentale. On sait
à quel point les finances peuvent jouer là-dedans.
Je me rappelle, mon premier cours de statistique que j'ai eu, par le
professeur James Hodgson, de la Faculté des sciences sociales de
l'Université Laval, il m'avait dit, puis lui il l'avait appris lorsqu'il
avait été étudiant à Chicago pour faire son
doctorat en statistique, il avait dit une belle phrase qui se dit en anglais,
qui se dit mieux en anglais, parce que ça dit, les rimes se font mieux,
il dit: «Figures can not lie, but liars can figure.» Les chiffres
ne mentent pas, mais les menteurs sont capables de faire des chiffres.
Et c'est pourquoi, quand on a baissé les cotisations,
rappelez-vous de ce côté-ci de la Chambre, on avait dit à
tout le monde à ce moment-là que c'était une erreur
importante qu'on faisait. Mais, les libéraux voulaient tellement montrer
qu'ils étaient de bons administrateurs, ils baissaient les cotisations
pour essayer de montrer que, grâce à eux, sous une administration
incroyable, il était possible de baisser les cotisations à la
CSST. Bien, on a vu rapidement le résultat: déficit.
Déficit considérable, parce qu'ils ne savent pas compter, M. le
Président. Ils ne savent pas compter, ou bien il y a des gens qui sont
complaisants dans la comptabilité. Ça m'a frappé, moi,
qu'une revue, Time Magazine, la revue américaine Time,
récemment disait que les grandes fraudes qu'on a vues, les grandes
fraudes qu'on a vues dans les derniers mois, que ce soit la fraude de Maxwell
avec les fonds de pension, n'est pas possible sans la complicité de
grands bureaux de comptables, sans la complaisance de bureaux de
comptables.
Quand on a vu actuellement, regardons ce qu'on voit là par
exemple les... pas les faillites, mais des gens qui arrivent quasiment d'un
coup sec en difficulté financière, et puis on s'aperçoit
qu'ils sont en difficulté financière pour 1 000 000 000 $, 2 000
000 000 $. Quelles sortes de bureaux de comptables il y a là? De quelle
façon l'intérêt public est travaillé par les bureaux
de comptables? Hein. Ah non, non, non! Je suis un de ceux qui a
déclenché une commission d'enquête pour Madelipêche,
justement. Puis Ma-delipêche, sur 30 quelques recommandations, il y en
avait 2 qui concernaient les pêches, le reste concernait les institutions
fnancières, la comptabilité, les conflits d'intérêt,
puis les règles d'éthique dans les institutions
financières. Je regrette, M. le Président.
Et, M. le Président, dans ces questions-là, actuellement,
la capitalisation, facile d'engager des gens complaisants. Le
Vérificateur général du Québec, je ne trouve pas,
M. le Président, qu'en termes de vérification
générale que ça vaut le salaire qu'on paie. Pourquoi?
Parce que, comment ça se fait qu'à un moment donné on ne
voit pas que c'est sous-capitalisé? Pourtant... Comment ça se
fait? Puis, le ministre va arriver pour nous dire... C'est pour ça que
la proposition de l'Opposition, quand on dit d'avoir une étude
impartiale de firmes ou d'actuaires pour dire quelle est la situation sur le
plan de la capitalisation. C'est facile de trouver des gens de complaisance qui
vous baragouinent des simagrées sur le plan de la
comptabilité.
Mais, actuellement, l'intérêt public est en cause. Il
s'agit de l'argent qui touche beaucoup de citoyens. Tous les travailleurs sont
touchés par ce qui se passe à la CSST, et, actuellement je pense
qu'on a le droit d'avoir un portrait impartial. C'est ça que demande
essentiellement l'Opposition. Que les gens puissent leur dire qu'est-ce qu'ils
en pensent, des problèmes actuels, devant une commission, et puis
publiquement. Et puis de la même façon également, qu'on
fasse une analyse indépendante par des actuaires pour dire comment
ça se fait qu'on arrive à ce résultat-là.
M. le Président, je sais qu'il y a des gens là-dedans qui
se pensent toujours plus fins que le violon. Sauf que, quand on a un
déficit de cet ordre-là, 800 000 000 $ l'an dernier, puis
ça s'en va sur 1 500 000 000 $ cette année, il serait
peut-être bon d'avoir un petit peu d'humilité pour les taupes
ministérielles, M. le Président. Il serait peut-être bon
que les taupes ministérielles se fassent ajuster la vue, M. le
Président, parce qu'il y a quelque chose qui est fondamental
actuellement, ça va vouloir dire un déficit d'au-dessus de 2 000
000 000 $ dans l'espace de deux ans, M. le Président. À 2 000 000
000 $, est-ce possible, pensez-vous, M. le Président, d'être moins
arrogants, d'avoir un peu plus d'humilité, de constater que ce n'est pas
les chars, l'administration qu'on présente. Au contraire, ça fait
dur! Et les citoyens ordinaires, c'est évident qu'à deux heures
du matin le monde normal est couché, le monde normal est couché.
Il n'y a qu'ici, le Parti libéral qui fait passer une loi qu'il
prétend pour les travailleurs en pleine nuit. (1 h 50)
Je pense que, quand un gouvernement est fier des lois qu'il passe, il ne
les passe pas la nuit, il les passe en plein jour. Ceux qui passent les lois la
nuit, c'est parce qu'ils ne sont pas fiers de leurs lois. Ils les passent la
nuit. Ceux qui sont fiers de leurs lois, ils les passent en plein jour parce
qu'ils veulent que les gens les voient passer, entendent les débats et
puissent évaluer les discussions. Actuellement, ce n'est pas ça
qui se passe. Et c'est pourquoi c'est triste d'avoir une loi qui touche autant
de personnes passer en pleine nuit, à deux heures du matin!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur le même sujet,
je cède la parole à M. le député de Taschereau.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. C'est un peu la
coutume, en session intensive, d'entendre les discours à
l'emporte-pièce du député de Lévis.
Évidemment, pour la plupart d'entre nous, qui en sommes à notre
septième année comme député, ce n'est pas nouveau.
On se demande pourquoi le député de Lévis jette autant de
discrédit sur toutes sortes d'institutions dans notre
société. Pendant vingt minutes, il a beurré à peu
près tout le monde. Je me demandais ce qu'il avait contre le
Vérificateur général tout à coup et j'ai
retrouvé, M. le Président, dans mon dossier ici, un article de
décembre 1985, alors que le Parti québécois venait de
quitter le pouvoir, qui disait: «Pour la première fois, le
Vérificateur général refuse d'approuver les états
financiers du Québec. Le gouvernement péquiste a
sous-évalué le déficit de 2 000 000 000 $.» Ah bien!
Regarde donc ça! Ça vient de loin, cette petite hargne contre le
Vérificateur général qui a refusé, fin 1985,
d'approuver les états financiers du Parti québécois parce
qu'on avait sous-évalué le déficit de 2 000 000 000 $. Ce
n'est pas moi qui le dis, c'est Le Devoir du 18 décembre
1985.
M. le Président, que le député de Lévis ne
nous fasse pas de leçons sur notre façon d'administrer le
Québec quand le Vérificateur général lui-même
refuse de signer les états financiers de son gouvernement. Qu'il ne
vienne pas aujourd'hui essayer de beurrer le Vérificateur
général pour excuser les lacunes que ce même
Vérificateur général a dénoncées du temps du
Parti québécois.
M. le Président, je vous partais du cirque du
député de Lévis! Effectivement, il nous reproche de
travailler la nuit, mais on ne peut pas dire que ce qu'il nous donne comme
spec-table ressemble au Cirque du soleil. Le député de
Lévis ne parle pas seulement en Chambre. Il est venu dans mon
comté récemment. Il est venu dans mon comté, ça a
été repris par Le Soleil, et je peux vous dire que Le
Soleil a tracé tout un bilan de son intervention dans mon
comté. Il y a eu un gros 80 indépendantistes réunis au
Centre récréatif Saint-Roch, au profit de l'organisation
péquiste du comté de Taschereau. Quatre-vingt personnes, M. le
Président. Si on enlève... Ils sont à peu près
quinze à l'exécutif, la parenté du député de
Lévis... Je vais vous dire qu'il en restait à peu près 50!
M. le Président, c'est de toute beauté. Il faut que je vous conte
ça. Le député de Lévis, dans mon comté comme
en Chambre, il parle contre le libre-échange. C'est connu. Vous l'avez
entendu tantôt. Son chef est pour le libre-échange, le
vice-président du Parti québécois est pour le
libre-échange, le Parti québécois, dans son ensemble ou
presque, est pour le libre-échange, sauf le député de
Lévis. Et ce qui est amusant c'est que lorsqu'il est venu dans mon
comté, évidemment, il parlait contre le libre-échange. Et
là, il disait: Le seul envahissement qu'on a connu avec le
libre-échange, c'est celui des Québécois qui descendent
massivement acheter aux États-Unis. C'est exactement ce qu'il vient de
nous dire. Et là, ce qui est intéressant, M. le Président,
dans ces réunions de péquistes là, ça s'est tenu un
soir dans mon comté, un quidam a alors bondi de sa chaise pour
répliquer vivement au conférencier que son collègue,
Bernard Landry, avait été l'un de ceux qui avaient le plus
prêché en faveur du libre-échange. Imaginez, M. le
Président. Le député de Lévis vient dans mon
comté, rencontrer des péquistes, des péquistes se
lèvent pendant qu'il parle pour dire: M. le député de
Lévis, arrêtez de parler contre le libre-échange, vous
êtes pour, votre parti. C'est effrayant! C'est effrayant se contredire de
même. Et là, M. le Président, la soirée se voulait
un peu dans le ton des assemblées de cuisine de certaines campagnes
électorales. C'est fin, ça. Un animateur invitait à
répétition les gens à boire de la bière.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Leclerc: Non, non, non. Il faut la vendre, c'est au profit du
parti. Il faut la vendre, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant!
M. le député de Laviolette. M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, pourriez-vous demander au
député de Taschereau s'il aurait l'amabilité de parler du
projet de loi qui est devant nous?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant!
M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Bélisle: Je pense, M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur la question de
règlement.
M. Bélisle: Oui, quant à la pertinence, je pense
qu'il est très pertinent de bien expliquer dans quel contexte le
député de Lévis travaille la nuit, le soir, comme une
taupe, alors qu'il l'a mentionné tout au long de son discours, que nous
travaillons la nuit comme des taupes ou le soir. Alors, je pense que c'est
excessivement pertinent ce que le député de Taschereau est en
train de
nous expliquer, contrairement à ce que pense le
député de Laviolette.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant.
Alors, M. le député de Tasche-reau, vous pouvez tenter de mettre
en contradiction le député de Lévis en partant du texte
que vous avez entre les mains par rapport à l'intervention qu'il a faite
tout à l'heure, mais vous devez, évidemment, en vertu de
l'article 211, respecter la pertinence et le projet de loi 35, Loi modifiant la
Loi sur les accidents du travail. Allez-y, M. le député de
Taschereau, allez-y.
M. Leclerc: Vous avez raison, c'était le préambule
de mon intervention, et j'y arrive. Or, là, je continue
l'assemblée publique. Une violoniste a fait son petit numéro
musical suivi d'un poète venu lire sa littérature
séparatiste. Des jeunes gens vendaient des billets de tirage... Ah non,
ah non.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Taschereau, s'il vous plaît. M. le
député de Laviolette. M. le député de
Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant,
s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député de
Laviolette, question de règlement. Allez-y.
M. Jolivet: M. le Président, pourriez-vous demander au
député de Taschereau de se rendre à votre invitation,
l'article 211, pertinence. Nous parlons d'un projet de loi, et j'aimerais
l'entendre parler du projet de loi, M. le Président.
M. Bélisle: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: II est très important que le
député de Taschereau dépose le document en cette Chambre
pour le bénéfice de tous les gens qui sont présents en
cette Chambre ce soir.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): m. le
député de taschereau, votre intervention, en respectant la
pertinence. je vous l'ai rappelé tout à l'heure.
M. Leclerc: M. le Président, alors, je termine mon article
tout en vous offrant de le déposer si besoin se fait sentir, et
ça se termine: Des jeunes gens vendaient des billets de tirage durant le
discours de M. Garon. Et c'est ça qu'on avait envie de faire, M. le
Président, entre nous, en entendant le discours du député
de Lévis sur la CSST.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Leclerc: M. le Président, quand le député
de Lévis vient dans mon comté, les péquistes vendent de la
bière pendant qu'il parle et ils vendent des billets de tirage.
Ça vous donne une idée, M. le Président, du sérieux
de son discours.
M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous est
fort sérieux parce que et les employeurs et les employés au
Québec ont besoin d'une telle protection législative. On peut
s'imaginer, M. le Président, quel serait le marché du travail au
Québec si la CSST ou un organisme équivalent n'existait pas.
Et la CSST, non seulement couvre-t-elle les employés qui, dans
l'exercice normal de leurs fonctions, ont droit à une pleine et
entière couverture, mais elle couvre également les employeurs
qui, si la CSST n'existait pas, devraient s'assurer sur le marché
privé, avec les aléas que l'on connaît dans le
marché des assurances, avec, dans certains cas, des entreprises qui
auraient de la difficulté à trouver des assureurs pour assurer
leurs opérations et leurs employés.
Par conséquent, la CSST, ce n'est pas l'apanage seul des
travailleurs, mais c'est également un organisme fort important pour les
employeurs du Québec qui voient ainsi couvertes leurs opérations
commerciales et industrielles. (2 heures)
M. le Président, oui, la CSST c'est important et oui, il y a une
unanimité au Québec de gens qui disent qu'il faut régler
un certain nombre de problèmes pour corriger la situation
financière de la CSST. Évidemment, et les syndicats et le
patronat au Québec critiquent la CSST. Et c'est de bon droit, c'est de
bon aloi. Mais, M. le Président, lorsqu'on regarde ce qu'en pensent des
personnes neutres, des personnes qui ne relèvent ni du patronat ni du
syndicat, des personnes qui n'ont à défendre ni l'un ni l'autre,
on se rend compte que souvent le constat qu'ils font est encore plus
sérieux, plus grave, plus dramatique que pour le syndicat et le
patronat. Et c'est important d'en parler, M. le Président, parce qu'il
s'agit là d'intervenants neutres qui étudient la situation de la
CSST et qui alertent l'opinion publique et le gouvernement.
Et la députée de Chicoutimi a sans doute remarqué
l'éditorial ou le commentaire de Pierre Bergeron, dans Le Quotidien
du samedi 23 mai, qui n'y va pas, là, du dos de la cuillère
pour demander au gouvernement de prendre le taureau par les cornes et de
changer des choses à la CSST. On parle également du Devoir,
l'éditorial du 22 mai, qui, lui, va jusqu'à dire:
«Privatiser la CSST?» M. Frédéric Wagnière dit
dans La Presse:
«CSST: il faut donner le contrôle aux patrons» et
également dans Le Soleil on dit: «CSST: paris ouverts sur
le sauvetage.» Voilà tous des articles de fond qui alertent
l'opinion publique en disant: Les choses ne peuvent plus demeurer ce qu'elles
sont à la CSST et il faut faire quelque chose, ce à quoi s'est
attaqué le ministre résolument.
Mais quand on connaît le contexte légal, politique dans
lequel oeuvre la CSST, on peut comprendre pourquoi le ministre a d'abord
demandé au conseil consultatif, qui est un organisme paritaire comme
l'est également la CSST, de se pencher sur les divers problèmes
de la CSST. On pourra critiquer dans certains milieux que ça a pris un
peu de temps, mais c'était une démarche cohérente et
logique, compte tenu de l'aspect paritaire de la CSST, de confier à un
organisme également paritaire de suggérer un certain nombre de
recommandations au gouvernement, ce qui fut fait.
Malheureusement, on n'a pas pu, à l'intérieur de cet
organisme-là, en venir à une certaine unanimité autour de
recommandations et, par conséquent, le gouvernement, le ministre a
dû prendre ses responsabilités et décider. Et, en ces
matières, M. le Président, on ne peut faire plaisir à tout
le monde. Je lisais justement un article où il était bien dit que
le ministre ne pourrait pas, dans le dossier de la CSST, faire plaisir à
tout le monde et à son père, et que, par conséquent, il
devrait statuer. Et c'est Martine Corrivault, du Soleil, qui disait:
«Mais un ministre, fût-il ancien syndicaliste, ne peut contenter
tout le monde et son père. M. Cherry sait bien que, si rien de
sérieux n'est entrepris rapidement, ce sera non seulement le naufrage de
l'idée généreuse à l'origine de la CSST, mais aussi
la tempête et de nouveaux drames pour des gens qui ont perdu une partie
de leur santé à leur travail». Par conséquent, tout
le monde l'admet au Québec, on ne pourra pas faire l'unanimité
autour d'une réforme de la CSST, mais le ministre doit prendre ses
responsabilités, le gouvernement également, pour offrir
mini-malement un certain nombre de changements rapides et ponctuels pour faire
en sorte de résorber une partie de ces déficits qui
d'année en année s'accumulent.
Alors, M. le Président je voudrais mini-malement statuer sur la
fameuse étude actuarielle que nous demande l'Opposition. M. le
Président, il y a des actuaires compétents à la CSST. Ces
actuaires-là sont vérifiés par des actuaires externes; le
Vérificateur général a également des actuaires. M.
le Président, les actuaires vérifient les actuaires qui
vérifient les actuaires. Ce serait non seulement une perte de temps,
mais ce serait également une très grande dépense que de
demander encore à une autre firme d'actuaires de se pencher sur la
question du déficit actuariel de la CSST. Ce serait encore engager
probablement 100 000 $ ou 200 000 $, quand on sait que les actuaires
travaillent à 200 $, 250 $ de l'heure, ce serait engager des milliers et
des milliers de dollars de l'argent des contribuables pour se faire dire
à peu près la même chose. Il y a une unanimité
autour du fait que la CSST a des déficits considérables. On n'est
pas pour demander une étude additionnelle, comme gouvernement,
dépenser des honoraires professionnels substantiels pour se faire dire
que le déficit est de 10 000 000 $ de plus ou de 10 000 000 $ de moins
que ce que les actuaires précédents ont pensé. Ça
m'apparaît là, M. le Président, une redondance tout
à fait exagérée de l'Opposition de demander au
gouvernement du Québec d'engager encore d'autres actuaires pour faire ce
genre d'étude là.
M. le Président, il y a un certain nombre
d'éléments importants dans notre projet de loi, il y a un certain
nombre d'éléments dignes de mention. Vous savez qu'à la
CSST on cherche dorénavant à déjudiciariser le
régime. Il faut garder des éléments de type
quasijudiciaire, évidemment, lorsque les parties ne peuvent absolument
pas s'entendre et lorsque les montants sont importants, mais il faut
éviter que se créent, avec le temps, des automatismes qui font
que, chaque fois que vous avez une réclamation à la CSST, chaque
fois que vous avez un règlement de proposé, vous prenez toujours
le risque d'aller en appel parce qu'il n'y a pas vraiment de risque. Tout ce
qui peut arriver, si vous allez en appel, à ce moment-là, c'est
que vous gagnez un petit peu plus que ce qui vous avait été
d'abord offert. Par conséquent, ça incite un très grand
nombre de travailleurs à aller en appel, ça engorge les
procédures d'appel. Non seulement ça coûte
énormément cher en administration, mais également les
procédures d'appel deviennent tellement longues, M. le Président,
qu'on en arrive à un déni de justice. Et la Cour suprême a
d'ailleurs déjà tranché, il y a pas si longtemps, que, si
l'on veut vraiment justice, il faut qu'elle soit rendue dans des délais
raisonnables. Ça, tout le monde au Québec le demande et la seule
façon d'arriver à des appels entendus dans des délais
raisonnables, c'est de baliser très bien ceux qui peuvent aller en
appel, ceux qui ne peuvent pas aller en appel. Par conséquent, c'est
ainsi que des cas vraiment graves, vraiment sérieux seront
étudiés par cet arbitrage et que justice sera rendue dans le
meilleur intérêt et des travailleurs accidentés et de la
CSST.
M. le Président, la CSST, avec les années, est devenue
tellement grosse qu'il n'est pas illogique de penser à la doter d'une
direction bicéphale. Le président de la CSST, comme le
président d'Hydro-Québec, ce sont des gens qui ont seulement 24
heures dans une journée et ce n'est pas une mauvaise idée que de
confier la direction à une personne et l'exploitation à l'autre
personne. Dans la mesure où les rôles de chacun sont vraiment bien
définis, ça m'apparaît là une amélioration et
une aide à apporter à l'équipe de gestion, et c'est
pourquoi je supporte,
compte tenu de la grosseur du budget de la CSST, la direction
bicéphale.
Encore là, également, nous voulons permettre à
l'employeur d'avoir accès, dans certaines circonstances, à de
l'information se rapportant à une lésion. Si les employeurs
veulent faire une saine gestion de leurs dépenses de CSST, il faut
minimalement leur donner accès aux renseignements qui découlent
d'accidents de travail dans leur usine, dans leurs bureaux, dans leurs
entrepôts. Comment peut-on penser que des employeurs pourront
améliorer leur performance quant à la santé et
sécurité, quant à la prévention, quant au
traitement, au suivi à donner aux accidents dans leur entreprise si,
minimalement, on ne leur donne pas accès à des renseignements de
base quant aux lésions dont ont pu être l'objet des travailleurs
ou des travailleuses?
M. le Président, il y a beaucoup de choses qui auraient pu
également être proposées pour améliorer la CSST. Je
pense que le ministre n'a pas la prétention de tout régler
à la CSST. Je pense que l'objectif premier de notre loi, qui modifie la
loi sur la CSST, c'est de réorienter notre organisme d'État pour
faire en sorte de résorber les déficits tout à fait
inacceptables, tout le monde en convient, qu'elle doit supporter au cours des
dernières années, pour faire en sorte que les entreprises
québécoises n'aient plus, chaque année, à subir
d'importantes hausses de cotisation à la CSST. (2 h 10)
On parle souvent de mondialisation des marchés. On parle souvent
de compétition internationale. Si nous voulons que nos entreprises, que
nos travailleurs soient efficaces et compétitifs pour concurrencer les
Japonais, concurrencer les Coréens et concurrencer les
Américains, il faut que la somme d'argent ou la portion de budget, qui
est consentie à la CSST, qui est consentie aux assurances reliées
aux accidents du travail, soit comparable à ce qui se passe dans les
autres marchés, dans les autres pays. Il semble évident que nous
avons, au cours des dernières années, pris des tangentes
très dangereuses et il nous faut, à cet égard, ramener la
barque, avec un cap et avec un capitaine qui sait où on s'en va. J'ai
bon espoir que le projet de loi que nous étudions actuellement va nous
permettre de résorber dorénavant le déficit de la CSST. M.
le Président, je vous remercie.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Taschereau. Sur le même sujet, je cède la
parole à M. le député de Labelle. Vous avez droit à
une période de 20 minutes, M. le député.
M. Jacques Léonard M. Léonard: Merci, M. le
Président. Alors, à mon tour, je veux participer à ce
débat sur le projet de loi 35. C'est une loi qui modifie la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie. J'interviens dans ce débat, dans une saga de fin de
session, en pleine nuit, pour des projets de loi importants que le gouvernement
camoufle généralement durant ces périodes.
M. le Président, je pense que, comme tous les
députés dans cette Chambre, en tout cas ceux de notre
côté, nous avons eu, à de multiples occasions, à
rencontrer des personnes, des citoyens qui venaient dans nos bureaux de
comté nous expliquer leurs problèmes. Et, s'il y en a qui sont
dramatiques, ce sont bien ceux qui sont touchés par les accidents du
travail - absolument dramatiques - qui sont très gênés,
très impressionnés de venir dans un bureau de
député, mais qui n'en peuvent plus devant la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, et qui ont, comme
dernier recours, de se ramasser chez nous. Il s'agit de drames humains, de
drames personnels épouvantables, qui ont affecté leurs familles,
qui les ont affectés quand ils étaient dans leur pleine
capacité de travail, eux qui, du jour au lendemain, se retrouvent sans
être capables de rien faire, avec des blessures, impotents très
souvent. Je pense que nous avons tous vécu de ces rencontres qui nous
bouleversaient. Ils sont devenus, souvent blessés pour la vie, une
charge, un fardeau pour leur famille, sans espoir, très souvent, de s'en
sortir, et ils sont tombés dans des problèmes
d'administration.
Premièrement, les délais. Alors, là, les
délais, ça n'en finit plus: plus c'est grave, plus ça
prend de temps, un peu comme ceux qu'on avait lorsqu'il n'y avait pas
l'assurance automobile du Québec, où plus c'était grave,
plus ça prenait de temps, plus ça coûtait cher, moins
ça se réglait. Des délais impossibles, interminables. Des
démêlés, évidemment, avec la Commission, avec un
fonctionnaire par-ci par-là qui fait son travail, et le citoyen pense,
avec les circonstances qui entourent ses problèmes, qu'il est
persécuté par les fonctionnaires. Alors, des
démêlés avec la Commission, avec la commission d'appel. Ils
ne s'en sortent pas. Ils regardent, ils examinent leurs rapports
médicaux pour bien voir si vraiment ça correspond aux
problèmes qu'ils ont, aux maux qu'ils supportent. Tout cela fait partie
des drames humains. M. le Président, je pense que c'est un des
problèmes les plus importants auxquels on ait à faire face
à nos bureaux de comté, plusieurs fois par mois.
Pourtant, lorsque la CSST a été mise sur pied, il me
semble que c'était justement dans le but de prévenir de tels
problèmes. Mais nous en sommes là, il faut le constater. Il en
existe encore, des problèmes majeurs. Je pense qu'il faut dire que la
situation est mieux quand même que ce que c'était auparavant,
alors qu'il n'y avait pas cette institution et que le travailleur
qui était blessé s'en retournait chez lui subir son sort
alors que souvent l'employeur parfois le délaissait même.
Aujourd'hui, nous avons cette institution, c'est un progrès, c'est un
gain sur le passé, mais il reste des problèmes,
évidemment.
J'ai aussi, d'un autre côté, d'autres témoignages.
Le témoignage des employeurs qui trouvent que ça coûte
cher, trop cher, qui essaient d'être compétitifs et qui regardent
chacune des rubriques de leurs états de profits et pertes qu'ils
essaient de diminuer dans chacun des cas et, lorsqu'ils arrivent
là-dessus, c'est un élément qu'ils jugent
incontrôlable. C'est sûr que certains employeurs trouvent les taux
trop élevés, surtout dans le cas où ceux qui font des
efforts de prévention ne sont pas récompensés à
leur juste mesure pour les efforts qu'ils font. C'est donc un problème,
là aussi, particulièrement dans le contexte actuel.
Disons que ces situations allaient clopin-clopant, mais que cette
année nous avons eu un écho particulier, celui d'un
déficit considérable, de 792 000 000 $. Au début, il y
avait des problèmes d'administration à la CSST, je les ai
vécus quand j'étais au gouvernement. Ça s'est
résorbé graduellement. La CSST est une institution complexe qui a
été mise sur pied et dont l'administration a dû s'installer
au cours des années, mais je pense qu'on en était venu à
passer à travers, jusqu'à ces dernières années,
jusqu'en 1988-1989 ou 1990 même. Mais subitement, cette année,
nous avons un déficit considérable: 792 000 000 $, presque 800
000 000 $.
M. le Président, je me suis donc permis d'aller voir les
états financiers parce que cela m'intéressait de savoir comment
les choses s'étaient passées. J'ai deux états financiers,
1990 et 1991. Alors, le premier point qui m'a frappé en regardant
ça - parce que je suis allé tout de suite à l'état
des revenus et dépenses où il y avait ce fameux déficit de
792 000 000 $ et j'ai comparé les deux années - le premier point:
cotisation des employeurs. En 1990, 1 445 000 000 $; en 1991, 1 225 000 000 $.
Une baisse de 220 000 000 $ des revenus de cotisation provenant des employeurs.
C'est une baisse de 18 %, une baisse considérable, 220 000 000 $ de
moins, 18 % de moins. Alors, on peut penser qu'en termes de revenus c'est une
baisse considérable. Ça peut être avantageux, ça
veut dire que possiblement le reste des opérations devrait être
moins coûteux. Qu'est-ce que qui arrive au plan des dépenses?
Alors, les dépenses, elles, ont augmenté. Prestations
versées: il s'agissait de 1 150 000 000 $et, en 1991,1 286 000 000
$.
Alors, là, ça commence à changer. Les revenus
diminuent, les cotisations ont diminué, mais pourtant les prestations
ont augmenté. En fait, M. le Président, les cotisations des
employeurs en 1990 étaient de 1 445 000 000 $, mais les prestations
versées en 1990, de 1 150 000 000 $; il y a encore quand même
presque 300 000 000 $ de plus en termes de revenus. Mais, en 1991, les
cotisations 1 225 000 000 $ et les prestations versées 1 286 000 000 $.
Les prestations versées dans la seule année 1991 sont plus
élevées que les cotisations, alors qu'il faut faire face à
la réserve actuarielle. Je pense que les problèmes commencent
là. Les problèmes commencent là, il faut le dire. C'est un
point important. (2 h 20)
J'ai été voir dans la loi qui fixe les cotisations. C'est
la Commission qui fixe les cotisations. Donc, c'est la Commission qui est
responsable si les cotisations ne sont pas assez élevées pour
faire face aux prestations. Qui prend les décisions à la
Commission? Le conseil d'administration. Je suppose que c'est lui qui prend la
décision de fixer le taux de cotisation. Alors, qui compose le conseil
d'administration? C'est un conseil d'administration paritaire: employeurs,
syndiqués. Alors, je pense que nous avons une grave question à
nous poser là. Comment ça se fait qu'on n'ait pas établi
un taux de cotisation suffisant pour faire face aux obligations de la
Commission? Je pense que, ça, c'est une question à laquelle je
n'ai pas de réponse, à l'heure actuelle, M. le
Président.
Parce que j'ai essayé d'aller un peu plus loin. On vous a
donné des chiffres depuis le début du débat disant que le
taux de cotisation était passé de 2,75 $ à 2,50 $ les 100
$ en 1990, puis à 2,32 $ en 1991 et ce 2,32 $ avait été
réévalué par la Commission à 2,17 $ en termes
réels, à la fin de 1991, en raison de la récession et du
déplacement de l'activité économique. Petite question ou
remarque fort importante: je suis aussi allé voir ce qui se passait en
Ontario. Le taux, en Ontario, est de 3,18 $ des 100 $, 3,18 $. Il est plus
élevé qu'au Québec. Le président du Conseil du
patronat prétend que la structure industrielle de l'Ontario est
différente de la nôtre, qu'il y a plus de fonderies et qu'il y a
l'industrie automobile qui est là, alors que la nôtre est
fondée sur les services. C'est un argument qui peut valoir,
peut-être, pour quelques points, quelques sous, mais, à mon sens,
ça n'explique pas la différence entre 3,18 $ en Ontario et 2,17 $
ici, au Québec. Ça n'explique pas.
M. le Président, je pense qu'il y a une question drôlement
importante, intéressante, qui relève bien du débat,
à savoir pourquoi la Commission a baissé ses taux de cotisation.
Pourquoi? Alors que les prestations versées ont augmenté à
raison de 10 % - c'est déjà une augmentation importante - d'avoir
baissé, pour la même année, les cotisations de 18 %, il y a
quand même un problème.
Plus que ça, M. le Président. Allons un peu plus loin dans
cet état financier. L'augmentation de la réserve actuarielle, en
1990, elle a été de 475 000 000 $. C'est quand même assez
élevé. On peut se poser des questions. Pourquoi y a-t-il une
telle augmentation de la cotisation actuariel-
le, qui fait que les prestations versées et l'augmentation de la
réserve actuarielle dépassent de 200 000 000 $, au moins, et
même d'un peu plus, les cotisations perçues? L'augmentation de la
réserve actuarielle, en 1991, M. le Président, 640 000 000 $.
Cela veut dire, très probablement, qu'on est en train de faire des
réajustements pour les années passées.
Donc, je me suis interrogé sur la pertinence de mettre ce poste
à l'intérieur même de l'état des revenus et
dépenses dans l'année 1991, puisque cela affectait les
déficits antérieurs. Je pense que c'est une question pertinente
aussi que de la poser, celle-là. 640 000 000 $, en regard d'un
déficit de 791 000 000 $. Si ces 640 000 000 $ touchent surtout les
années antérieures, M. le Président, cela veut dire que le
déficit de cette année, compte tenu des opérations de
cette année, n'est pas de 792 000 000 $, mais qu'il serait,
paraît-il, plutôt de 284 000 000 $. Donc, s'il y a de ces
ajustements pour les déficits antérieurs, je pense qu'il faut
l'exclure lorsque l'on fait l'évaluation de l'année
financière 1991 de la Commission. Il faut l'exclure.
Poursuivons, M. le Président. Une autre augmentation de la
réserve actuarielle résultant de modifications aux
hypothèses et à la méthode de calcul: 13 000 000 $ en
1990, 113 000 000 $ en 1991. 113 000 000 $! 114 000 000 $ si on arrondit. C'est
un chiffre très important qui affecte de façon significative
l'excédent des dépenses sur les revenus des opérations
courantes. Je me suis interrogé sur le fait de savoir pourquoi le
Vérificateur n'avait pas qualifié son rapport et n'avait pas fait
une remarque sur son rapport étant donné qu'une telle
modification avait un impact significatif sur les résultats financiers
de la Commission.
Poursuivons, M. le Président. Je passe quelques lignes; j'arrive
au programme de prévention: 70 000 000 $ en 1990, 74 000 000 $ en 1991;
c'est une augmentation tout à fait normale. Allons plus loin, frais
d'administration, M. le Président: 189 000 000 $ en 1990, 211 000 000 $
en 1991 et, à la ligne immédiatement au-dessous, autres frais: 56
000 000 $ en 1990 et 78 000 000 $ en 1991. M. le Président, quand on
regarde ça, il faut comprendre aussi qu'il y a une note aux états
financiers qui nous amène à additionner un autre 35 000 000 $
pour savoir que les frais financiers de la CSST, les frais d'administration et
autres frais, qui sont aussi des frais financiers, coûtent 325 000 000 $
en 1991. C'est un taux de coût d'administration de 15 % par rapport aux
revenus, même plus, presque 20 %. 15 % sur les dépenses, 20 % sur
les revenus. C'est considérable, M. le Président. Il y a des
questions à se poser; 20 % de toutes les sommes perçues s'en vont
dans des frais administratifs. On exclut les programmes de prévention;
nous sommes strictement dans les frais administratifs. 20 % des revenus
perçus, 15 % des dépenses. Il faut constater qu'il s'agit
là de coûts très importants.
Il y a d'autres modifications dans cet état, M. le
Président. L'analyse de ces états financiers est fort
intéressante; on pourrait la poursuivre, aller plus loin et poser des
questions sur ces réserves actuarielles, mais j'arrêterai
là, simplement pour dire qu'il y a des questions à se poser en
termes d'analyse financière, et je reviendrai sur un point: Pourquoi
a-t-on baissé les taux de cotisation cette année? On dit, comme
je l'ai lu tout à l'heure: À cause de la récession
économique. Oui? Alors, ça nous amène à dire:
Est-ce que, dans cette période économique, alors que les taxes de
toutes sortes du gouvernement ont augmenté, il faut faire porter le
poids à ceux qui ont eu la malchance d'avoir un accident de travail?
Lorsqu'on fait le jeu des vases communicants, on a tripoté les taux de
cotisation à cause probablement de l'augmentation des taxes. Et qui paie
la note au bout? Les accidentés du travail. C'est eux qu'on clenche,
ceux qui peuvent très mal se défendre, ceux qui ne peuvent pas de
défendre, ceux qui sont les plus mal pris dans les entreprises; c'est
eux qu'on fait payer.
S'il y a des abus - et je pense que, dans tout système, on ne
peut jamais nier qu'il puisse se produire des abus - je pense que ce sont les
abus que nous devons cerner, et pas autre chose, et pas tout le monde, et pas
tout le système qu'il faut remettre en cause. Mais peut-être bien
qu'on a touché aux taux justement pour remettre le système en
cause, pour essayer de faire baisser les taux. J'ai regardé les articles
de ce projet de loi décrits dans les principes; les quatre premiers
paragraphes de ce projet de loi décrivent des mesures qui affectent les
accidentés directement eux-mêmes. Quant aux autres, il s'agit
simplement de modifications plutôt mineures, sous réserve, mais,
d'abord et avant tout, on a touché les accidentés. (2 h 30)
M. le Président, je ne peux pas ne pas relever aussi un
paragraphe, avant de terminer, qui me semble d'une arrogance
caractérisée: «Le président du Conseil du patronat
du Québec, M. Ghislain Dufour, a opposé un non catégorique
aux demandes des centrales syndicales qui réclament une enquête
publique et une commission parlementaire sur la dette de la CSST et son
déficit astronomique, qui a atteint 792 000 000 $ l'an dernier et
devrait être d'au moins 607 000 000 $ cette année.» Je suis
donc allé au telbec, parce que je me suis posé des questions
aussi. Et, dans le telbec, je pense que c'est encore pire. Dans le premier cas,
il a rejeté la demande de la CSN pour une commission d'enquête sur
le déficit de la CSST. Quant à la deuxième demande faite
par le FTQ, celle-là, elle vise la convocation d'une commission
parlementaire générale pour étudier le projet de loi 35.
«Une commission parlementaire sur invitation, de deux ou trois jours,
sera amplement suffisante
pour clarifier certains points du projet de loi, si tel est le
désir du ministre.» C'est M. le président du Conseil du
patronat qui décide que, oui, il y aura une commission ou que, non, il
n'y en n'aura pas.
M. le Président, nous avons fait des propositions très
claires au ministre pour qu'il ait notre collaboration. Je pense que c'a
été clair par mes collègues, établi très
clairement par mes collègues. Je m'en tiendrai à ce point. Il y a
des problèmes à la CSST et il faut une commission parlementaire
et une commission d'enquête.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je rappelle aux
membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du
principe du projet de loi 35 et je reconnais M. le député de
Gouin. M. le député, la parole est à vous.
M. André Boisclair
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Il est toujours
étrange pour les gens qui nous écoutent de voir qu'à 2 h
30, les parlementaires sont toujours réunis en cette Assemblée
pour débattre d'un projet de loi. Mon collègue de Lévis a
tenté, et je pense, a fait une démonstration assez
intéressante qui pouvait illustrer jusqu'à quel point cette
pratique connue - parce qu'on l'a peut-être même parfois
utilisée lorsqu'on était de l'autre côté de la
Chambre... Mais on sait fort bien, puis les parlementaires d'expérience
en cette Chambre savent fort bien que lorsqu'on discute d'un projet de loi
contesté, lorsqu'on discute d'un projet de loi où il n'y a pas
unanimité, lorsqu'on discute et lorsqu'on est au courant que les
discussions devant cette Assemblée, les discussions qu'on vous
présente, M. le Président, lorsque l'on sait qu'il y a des
débats et qu'il y a de grands débats, des débats de fond
qui opposent les gens, on sait très bien que c'est beaucoup plus facile
de faire adopter un projet de loi le soir tard, lorsqu'il y a peu de gens qui
nous écoutent, faire ça en catimini, en cachette, à
l'heure où la majorité des Québécois et
Québécoises sont sans doute au repos, en train de préparer
la journée du lendemain.
M. le Président, donc, cette mise en contexte et cette mise en
situation étant faite, il me semble important, malgré l'heure
tardive, d'intervenir à mon tour sur le projet de loi 35 et d'appuyer,
au meilleur de ma connaissance, ces propos de ma collègue, Mme
Blackburn, députée de Chicoutimi, qui est porte-parole de
l'Opposition officielle en matière de santé et
sécurité au travail. C'est elle qui a la responsabilité,
comme critique de l'Opposition, de discuter et de surveiller, finalement, les
agissements de la CSST.
Faut-il, d'une part, M. le Président, rappeler que le projet de
loi 35 est, finalement, un projet qui donne suite, bien sûr, à un
certain nombre de consultations qui ont été faites par le
ministre, mais rappeler que ce projet de loi ne vient pas régler
d'aucune façon les problèmes de fond qui sont soulevés au
sujet de la CSST. Parce que s'il y a bien un organisme public que les
parlementaires, membres de cette Assemblée connaissent bien, c'est bien
la Commission de la santé et de la sécurité du travail. Il
n'y a pas un lundi ou un vendredi où les députés, dans
leur comté, ne reçoivent pas de leurs concitoyens qui leur font
part des problèmes qu'ils peuvent avoir avec la CSST.
Particulièrement la question qui revient le plus souvent sur la table,
c'est cette hyperjudiciarisation de la CSST, les délais trop longs, les
problèmes avec l'expertise, la contre-expertise, les problèmes de
délais, les problèmes d'attente. C'est, finalement, M. le
Président, une des plaintes qui nous reviennent le plus souvent et, dans
un comté ouvrier comme le mien, M. le Président, c'est souvent ce
genre de récriminations qu'on nous apporte.
Donc, ceci étant dit, au-delà de cette expertise que
chacun des députés a pu développer au fil des ans en
rencontrant ses concitoyens, je pense qu'il s'agit de lire les notes
explicatives pour comprendre que, d'aucune façon, le projet de loi 35 ne
vient régler cette question de l'hyperjudiciarisation de la CSST. Mais
permettez-moi peut-être, M. le Président, d'aller un peu plus loin
et de parler, finalement, de ce qui est, à mon avis, le problème
de fond, le problème le plus important, qui est celui du déficit
de la Commission de la santé et de la sécurité du
travail.
Il faut rappeler, M. le Président, et c'est quand même
surprenant, le déficit du Québec sera supérieur à 4
000 000 000 $, qui est le déficit du gouvernement du Québec, mais
regardez bien que le déficit seul d'un organisme public, de la CSST - et
je me permets de vous citer les bons chiffres - pour 1991, le déficit de
la Commission atteint quelque 800 000 000 $. À l'heure actuelle, le
déficit accumulé, selon les dernières prévisions,
atteint déjà 500 000 000 $. Et si rien n'est fait pour
remédier à cette situation, le manque à gagner pourrait se
chiffrer à près de 1 000 000 000 $ à la fin de
l'année, d'où l'urgence d'agir. 1 000 000 000 $, 1 000 000 000 $
de déficit, alors que ces gens sont revenus au pouvoir en nous parlant
qu'ils voulaint maîtriser l'avenir, à un moment où ceux-ci
se sont faits les porte-parole des sains gestionnaires, alors que ceux-ci sont
venus nous parler, avec leurs grands diplômes de Harvard, du London
School... venus nous faire la leçon sur la façon de gérer
les deniers publics, sur la façon de gérer nos institutions, sur
la façon de gérer nos organismes.
Alors, au moment où ces gens sont revenus nous dire qu'ils
allaient non seulement maîtriser, mais bien assurer notre avenir, le
résultat depuis 1985 est assez renversant. 500 000 000 $ de
déficit accumulé. Si rien n'est fait,
1 000 000 000 $, et certains disent même 1 500 000 000 $. Donc, M.
le Président, je pense que, déjà, il y a un mythe qui est
effacé. Les bons administrateurs! Les sains administrateurs! Des
administrateurs compétents! Ceux qui allaient gérer en notre nom,
vous voyez ce que ça donne, M. le Président, comme
résultat! Une situation, un déficit de près de 1 000 000
000 $.
C'est bien sûr que dépendant du côté où
on peut se trouver, les gens auront différentes interprétations
sur les causes du déficit.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le
député de Lévis, une question de règlement?
M. Garon: De règlement, parce que...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement.
M. Garon: ...ce serait bon d'avoir le quorum. Si on est pour
veiller, veillons avec le quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les
députés.
Si vous voulez prendre place. Merci de votre collaboration. Combien
reste-t-il de temps à M. le député, s'il vous
plaît?
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Gouin, si vous voulez poursuivre, et je vous indique
qu'il reste 15 minutes à votre temps de parole. (2 h 40)
M. Boisclair: Merci, M. le Président. Donc, j'en
étais à souligner le fait que, dépendant du
côté où on peut se trouver alentour de la table, pour
expliquer, finalement, et essayer de trouver des solutions au déficit de
la CSST, il est très clair que les solutions et les propositions
varient, dépendant de quel côté de la table on se situe. Il
est clair que, par exemple, pour la question patronale, on impute le
déficit de la CSST à une conjoncture économique pour le
moins difficile, en soulignant le fait que les prestations versées par
la Commission de la santé et de la sécurité du travail
seraient reconnues comme une espèce de bonification ou une continuation
du régime d'assurance-chômage. Mais vous me permettrez, M. le
Président, de ne pas souscrire à cette thèse, compte tenu
que les économistes qui y travaillent sont bien à même de
faire des évaluations actuarielles et sont bien à même de
tenir compte et de faire des prévisions qui tiennent compte de la
situation économique.
La véritable question, le véritable débat, je
pense, qu'il est important de souligner lorsqu'on aborde le déficit
faramineux, pas loin du quart du déficit du gouvernement du
Québec, 1 000 000 000 $ si rien n'est fait, alors que le déficit
du gouvernement du Québec est supérieur, sera sans doute
supérieur à 4 000 000 000 $, on arrive - je le rappelle -
à 1 000 000 000 $ de déficit pour la CSST. Donc, le
véritable problème, M. le Président, et vous le savez,
nous l'assumons et nous le vérifions nous-mêmes par nos contacts
avec nos concitoyens, est essentiellement lié au processus
d'indemnisation des victimes d'accidents du travail. Vous savez comme moi que
la CSST est liée par la décision, par le diagnostic que fait le
médecin traitant lorsque, par exemple, vous êtes victime d'un
accident du travail. Vous savez fort bien et les membres de cette
Assemblée savent que si jamais un de leurs concitoyens, un de leurs
commettants est victime d'un accident du travail, il aura, d'abord, à
rencontrer un médecin qui, lui, pourra soumettre un diagnostic de
l'état de santé de la victime de l'accident et, ensuite de
ça, formuler un certain nombre de recommandations.
Cependant, la CSST conserve toujours le pouvoir de renverser la
décision du médecin traitant et la CSST a toujours droit d'avoir
recours à l'arbitrage médical. Mais non seulement il y a
l'arbitrage médical, mais, au bout de tout ce processus, la Commission
d'appel en matière de lésions professionnelles peut, elle,
à son tour, étudier une demande d'appel qui pourrait lui
être formulée.
Donc, il s'agit là de trois étapes très longues,
très coûteuses et qui sont sans doute de nature à augmenter
les coûts d'opération de la CSST, parce qu'il serait
intéressant, par exemple, de regarder combien il en coûte, pour
chaque dollar que la CSST verse, d'administration pour verser 1 $. La
démonstration a été faite, je crois, M. le
Président, qu'il s'agissait de sommes fort disproportionnées
lorsque l'on tient compte d'un certain nombre de règles de bon
fonctionnement de l'administration publique.
Alors, je vous soulignais donc, M. le Président, que ce processus
qui permet d'établir un diagnostic sur un état de santé,
tout ce processus qui en vient, finalement, tout ce processus d'indemnisation
est long et coûteux et n'est certainement pas de nature à
améliorer l'efficacité et le fonctionnement de la Commission de
la santé et de la sécurité du travail. Et ce qui est
d'autant plus surprenant, malgré ce constat, et je suis convaincu que
l'ensemble des parlementaires sont d'accord avec ce constat, de voir que, dans
le projet de loi que nous étudions ce soir, très peu de ces
constatations sont reprises, sont corrigées par des dispositions
concrètes qui pourraient certainement être en mesure
d'améliorer la situation. Pour votre information et vous savez comme moi
qu'en 1991, plus de 8000 demandes étaient acheminées en arbitrage
médical et le délai moyen pour obtenir l'avis de l'arbitre,
malgré le fait qu'il était prévu dans la loi un
délai d'environ 30 jours, était de sept mois. Donc, je pense que
la démonstration est faite des longs délais et des coûts
qui sont associés à ces longs délais.
Donc, M. le Président, le premier élément, le
déficit de la CSST; d'aucune façon, nous abordons cette question,
d'aucune façon nous tentons de la solutionner. Le projet de loi,
finalement, ne vient qu'apporter un certain nombre de dispositions et de
modifications qui ne sont certes pas d'augure à améliorer la
situation.
Un autre élément, M. le Président, lorsqu'on
discute du déficit de la CSST, vous comprendrez qu'il faut rapidement
étudier les taux de cotisation à la CSST. Si on refait une
espèce d'étude longitudinale, on recule à 1985, on
s'aperçoit que le problème du déficit de la CSST est
certainement lié à des décisions qui ont été
prises au conseil d'administration de la CSST. Il faut se souvenir que Mme
Forget, l'ancienne présidente de la CSST, elle-même, avait admis,
en commission parlementaire, qu'elle avait été forcée
d'accepter, suite aux pressions et aux demandes qui lui ont été
faites par la partie patronale, une diminution du taux moyen de cotisation.
Regardons, dans les faits, ce qu'il en est advenu, M. le Président.
En 1985, un taux moyen de cotisation de 1,88 $ des 100 $ assurables; en
1986, il monte à 2,05 $; en 1987, 2 50 $; en 1988, 2,75 $; en 1989, 2,75
$; et, surprise, en 1990, 2,50 $ et, en 1991, 2,32 $. Vous comprendrez
rapidement que cette décision - et il est surprenant, d'ailleurs - cette
décision forcée, imposée par la partie patronale... Mon
collègue, le député de Lévis, a bien parlé
de l'intervention qui a été faite par le président du
Conseil du patronat qui, lui-même, avait fait pression pour demander une
diminution du taux de cotisation. On voit que, malgré les discours
généreux et l'inquiétude que soulève le milieu
patronal à l'égard de la CSST, il faut bien comprendre que les
propositions qu'ils avaient mises de l'avant à l'époque font
certainement beaucoup plus partie du problème aujourd'hui que de la
solution. Et il serait certainement intéressant de voir ces
gens-là passer du discours aux actes et bien reconnaître qu'une
des grandes parties du problème, qui est le déficit de la CSST,
est essentiellement due à un manque de revenus, une diminution des
revenus de la CSST, essentiellement due, comme je vous l'expliquais, à
une diminution du taux moyen de cotisation, diminution demandée
par...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Shefford, vous avez une question de
règlement?
M. Paré: Je m'excuse, M. le Président, mais je
pense qu'il n'y a toujours pas quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les
députés.
Alors, nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi 35, et
je reconnais maintenant M. le député de Gouin, en lui indiquant
qu'il lui reste cinq minutes à son temps de parole. M. le
député.
M. Boisclair: M. le Président, vous me permettrez de
prendre quelques-unes des cinq minutes qu'il me reste et quelques-unes des
secondes qu'il me reste pour quand même vous souligner qu'il peut
paraître étrange de voir qu'il y a si peu de personnes
présentes; non pas parce que je m'attends à ce que l'ensemble des
collègues écoute avec beaucoup d'attention mon propos, parce que
l'heure se fait tardive, mais faut-il quand même leur rappeler que c'est
pas nous qui tenons à être ici, ce soir, et que s'il y a des gens
à qui il faut parler, c'est pas à l'Opposition. Qu'ils
n'adressent pas leurs récriminations à l'Opposition, qui
désire tout simplement, respectueuse de nos institutions, qui
désire s'assurer qu'il y a quorum en cette Chambre, mais plutôt
qu'ils aillent parler au leader du gouvernement, qui a décidé de
nous faire siéger jusqu'à 3 heures moins dix et sans doute
jusqu'à 4 ou 5 heures du matin. Alors, qu'ils n'adressent pas leurs
récriminations à l'égard des membres de l'Opposition,
qu'ils le fassent à l'égard de leur leader, qu'ils le fassent
à l'égard de leur whip adjoint, qu'ils le fassent à
l'égard des autres parlementaires responsables de la question.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, M. le député de Chauveau.
M. Poulin: Est-ce qu'on pourrait avoir la pertinence, s'il vous
plaît?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Monsieur, si vous voulez
poursuivre, M. le député. (2 h 50)
M. Boisclair: M. le Président, je tenais tout simplement
à souligner qu'on discute d'un projet de loi important, d'un projet de
loi qui, normalement, devrait attirer l'attention de l'ensemble des
parlementaires, et je suis surpris de voir qu'on a de la difficulté
à obtenir le quorum. C'est le commentaire que je tenais tout simplement
à apporter au moment...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous informe, mes
chers collègues, qu'il y a un article 32. Si vous voulez poursuivre.
M. Boisciair: Merci, M. le Président. Ce que
j'étais en train d'expliquer avant que mon collègue de Shefford,
avec beaucoup de pertinence, rappelle les membres de cette Assemblée
à l'ordre, leur demandant de faire respecter le quorum, j'étais
en train de vous expliquer qu'un des éléments qui est pertinent
lorsqu'on discute du déficit de la CSST est essentiellement la
diminution importante d'entrées de fonds à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail, qui est
essentiellement liée à une diminution du taux moyen de
cotisation, qui est passé
de 2,75 $ en 1988 à 2,32 $ en 1991. Donc, n'importe qui sera
capable d'appliquer une règle de trois et de comprendre l'importance que
cette diminution du taux de cotisation aura pu avoir sur l'importance du
déficit qui, rappelons-le, est maintenant prévu en 1991, un
déficit pour la seule année, de 800 000 000 $. On parle d'un
déficit accumulé qui pourra bientôt atteindre 1 000 000 000
$ ou 1 500 000 000 $.
Donc, M. le Président, en termes de gestion, en termes de saine
administration, je pense qu'il y a bien des gens qui, de l'autre
côté de la Chambre, auraient besoin de refaire leurs devoirs.
Et en parlant, M. le Président, de voir au-delà de cette
question et, surtout, en parlant de gens qui devraient renvoyer leur projet sur
des tables à dessin, en parlant de gens qui devraient refaire leurs
devoirs, je pense qu'un de ceux-là est celui à qui on pourrait
sans doute adresser la recommandation, c'est sans doute à notre
collègue, le ministre du Travail, qui a eu beaucoup de
difficultés, rappelons-le, à présenter ce projet de
loi.
M. le Président, le ministre s'était montré
favorable à notre recommandation et s'était lui-même
engagé en cette Chambre, à l'occasion d'une période de
questions, s'était montré favorable à ce qu'on puisse
discuter de l'ensemble de cette question en commission parlementaire, tel que
l'Opposition le réclamait en mai 1991. À une question que ma
collègue lui posait, ma collègue, députée de
Chicoutimi, le ministre s'était dit favorable et avait sans doute
reçu l'appui du caucus des députés du Parti
libéral, du parti ministériel qui l'appuyait certainement dans
ses propos.
Cependant, M. Dufour, qui, pourtant, n'est pas présent en cette
Chambre, qui n'est pas là pour influencer nos débats - il le fait
peut-être d'une autre façon, en utilisant de ses contacts
auprès d'autres instances encore plus élevées que celles
du ministre du Travail, le ministre seul pourrait nous en parier - mais une
chose est sûre, c'est que malgré les propos du ministre, une chose
est claire c'est qu'aujourd'hui nous nous retrouvons à étudier un
projet de loi alors qu'aucun engagement n'a été pris de tenir une
commission parlementaire, tel que le ministre s'était engagé
à le faire.
Le ministre, tout ce qu'il a réussi à faire, c'est confier
un mandat à un groupe de travail qui a, lui, soumis 20 recommandations
et, sur ces 20 recommandations, seulement 3 ont reçu l'accord des deux
partis. Alors, il a décidé de trancher lui-même, a
décider sans aucune consultation, de présenter un projet de loi.
Nous réclamons, et comme ma collègue, députée de
Chicoutimi, nous réclamons que la commission responsable de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail puisse
revoir l'ensemble des dispositions. Nous demandons que cette commission puisse
entendre les parties pour qu'elles puissent se prononcer et nous demandons aux
parlementaires de faire le travail que le ministre n'a pas été
capable de faire et que le gouvernement n'a pas été capable de
faire et, si le ministre et si le gouvernement ne sont pas capables de le
faire, je suis convaincu que les membres de la commission responsable de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail seront
capables, eux, de trouver les consensus, eux, capables de faire les bonnes
recommandations. Je suis convaincu que le ministre nous remerciera d'avoir
autant insisté pour que la commission puisse se prononcer sur cette
question. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député. M. le député de Richelieu.
M. Khelfa: Si vous me permettez, si le député me
permet de lui poser une question.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que, M. le
député... Alors, pas de permission. Alors, je reconnais le
prochain intervenant, Mme la députée des
Chutes-de-la-Chaudière, sur le projet de loi 35, à l'adoption du
principe. Mme la députée.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
C'est à mon tour, effectivement, d'intervenir sur l'adoption du principe
du projet de loi 35. Je tenais à intervenir aussi, M. le
Président, parce que le domaine de la santé et de la
sécurité au travail, le domaine de la prévention, c'est un
domaine auquel j'ai beaucoup touché, puisque j'ai oeuvré pendant
plusieurs années dans ce domaine-là avant d'être à
l'Assemblée nationale.
Alors, on se retrouve ici, ce soir, pour adopter le principe d'un projet
de loi qui vient modifier la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles et la Loi sur la santé et la sécurité du
travail.
C'est un projet de loi, M. le Président, qui nous est
présenté comme la solution miraculeuse, un petit peu comme la
trouvaille du siècle. J'entendais le ministre - en fait, c'est quand on
se réfère aux propos qui ont été prononcés
dans cette Chambre depuis le début de la soirée - M. le
Président, qui dit que c'est comme ça qu'il va sauvegarder le
régime, par le biais de ce projet de loi, régime qu'on s'est
donné au Québec, en matière de santé et de
sécurité au travail. Il va ainsi assurer une meilleure protection
des accidentés du travail. Le ministre nous l'a dit, c'est la solution
miracle. Les députés ministériels nous ont parlé
d'une pièce majeure qui va nous permettre de sauver notre régime
comme tel.
C'est pas évident, M. le Président. On peut se demander
comment le ministre en est arrivé à nous donner ce projet de loi,
à nous présenter
ce projet de loi. Est-ce que le gouvernement aurait enclenché une
véritable discussion et un véritable débat public sur le
sujet? Pourtant, non. On se rend compte, quand on regarde ça, que tout
ce qui a été fait dans ce dossier-là, c'est que le
ministre a demandé tout simplement un avis au Conseil consultatif du
travail et de la main-d'oeuvre. Il a reçu réponse, copie. Le
Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre a réfléchi.
Ils se sont parlé, ils ont discuté. On a remis un avis au
ministre, et le ministre a tout remis ça à son contentieux, et
ils ont abouti avec un projet de loi comme ça, qui nous est
arrivé comme ça. Donc, pas plus de consultations qu'il n'en faut,
M. le Président.
Pourtant, on sait - et ça a été mentionné
aussi, à plusieurs reprises, ce soir - qu'il y a beaucoup de
problèmes à la CSST. Il est régulièrement question
du déficit qui est de plus en plus gros. De notre côté, et
du côté ministériel, j'en suis aussi convaincue, on voit
régulièrement, dans nos bureaux de comté, des gens qui
font face au système ou à la lourdeur du système, des
accidentés du travail, des gens qui sont dans une position assez
difficile, qui sont plus vulnérables, qui ont de la difficulté
à se défendre et à passer à travers la lourdeur de
ce système-là.
De plus, M. le Président, ça fait près d'un an
maintenant que l'Opposition officielle demande qu'il y ait un débat
public sur la question, demande que les intervenants puissent se prononcer,
puissent discuter ensemble pour en arriver à une véritable
solution. Ça, évidemment, ça déborde de la solution
du ministre, ça déborde de l'avis demandé au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Quand on regarde d'un peu plus
près le projet de loi qu'on a devant nous, qui va corriger la situation
difficile de la CSST, on se rend compte, M. le Président - en fait, il y
a plusieurs articles dans le projet de loi - qu'à toutes fins pratiques,
le projet de loi vient modifier - la grosse partie du projet de loi, en fait -
la procédure d'évaluation médicale, prévoit qu'un
bureau d'évaluation médicale va remplacer l'arbitrage
médical, vient autoriser la Commission à exiger qu'un travailleur
se soumette à un examen médical concernant sa lésion,
établit les règles applicables lorsqu'un membre du bureau
d'évaluation médicale ne donne pas son avis dans le délai
imparti par la loi et permet aussi aux membres du bureau d'évaluation
médicale de donner son avis sur les questions qu'ils jugent
appropriées.
On dit aussi que le travailleur va pouvoir, dans certains cas, loger une
contestation au bureau d'évaluation médicale et accorde à
l'employeur, qui se voit imputer les coûts d'une lésion, le droit
de contester ces coûts. Tout ça se règle, en fait, toute
l'histoire du médecin traitant et du bureau médical, ça se
règle à l'article 224.
À l'article 224, M. le Président, j'ai été
voir ça et là, on nous dit très clairement, à
l'article 224, c'est un gros changement: «224. [...] La Commission est
liée par le diagnostic et les autres conclusions établis par le
médecin qui a charge du travailleur - c'est-à-dire le
médecin traitant - relativement aux sujets mentionnés aux
paragraphes 1° à 5° du premier alinéa»...
Ensuite de ça, on nous dit, à l'article 224.1 que:
«224.1 Lorsqu'un membre du Bureau d'évaluation médicale
rend un avis [...] dans le délai prescrit [...] la Commission est
liée par cet avis et rend une décision en
conséquence.» «[...] la Commission est liée par le
rapport qu'elle a obtenu du professionnel de la santé qu'elle a
désigné, le cas échéant.» (3 heures)
C'est la Commission qui va désigner le médecin. Autrement
dit, le médecin engagé par la CSST. Alors, on voit là, M.
le Président, que tout va se régler. Avant ça, le
médecin traitant faisait un diagnostic, son diagnostic était
prépondérant, et là, aujourd'hui, on vient de restreindre
de façon considérable le rôle du médecin traitant.
C'est ce qui a permis, d'ailleurs, aux centrales syndicales de dire que ces
mesures-là vont permettre à la CSST de régler de vieux
comptes, tant avec les médecins traitants qu'avec la Commission d'appel,
parce qu'elles viennent aussi les restreindre, et, de ce fait, vont toucher
directement les prestataires. Alors, c'est difficilement acceptable que le
médecin traitant, que le médecin qui est à la solde,
pardon, de la CSST, c'est lui qui tranche, en bout de ligne, M. le
Président.
Ce soir, on a dit à quelques reprises que c'était une
pièce législative majeure. J'entendais le député de
Saint-Maurice nous dire ça. J'entendais aussi la députée
de Kamouraska-Témiscouata qui nous disait, a son tour, que le projet
faisait consensus. Bien, vraiment, là, M. le Président, je suis
un petit peu étonnée, parce que, quand on parle de consensus...
Je m'excuse, M. le Président. Alors, quand on parle de consensus, c'est
plutôt dans le sens contraire. Je pense que, s'il y a consensus, c'est
plutôt à rencontre du projet de loi. Il y a quelques personnes,
évidemment, qui se sont prononcées. On dit: Le Conseil du
patronat, du bout des lèvres, a donné son appui. Effectivement,
quand on regarde le projet de loi, on se rend compte, par exemple, que les
voeux, à toutes fins pratiques, du Conseil du patronat ont quand
même été respectés.
C'est vrai que le déficit est inquiétant - là, il y
a consensus - que chacun y va aussi de sa présomption puis de sa
solution. Du côté du patronat, on nous dit que c'est les
travailleurs qui abusent, que les travailleurs fraudent le système,
qu'ils abusent et que c'est leur faute, finalement, si on a un déficit
qui est aussi important. Pour les syndicats, eux autres, on le sait, le
problème, ça découle de l'hyperjudiciari-sation, tout le
système des avocats, les avocasse-
ries, les coûts de ces avocats-là. Ça occasionne des
délais aussi. On sait que ces délais-là pénalisent
énormément les travailleurs qui sont concernés et, aussi,
ça occasionne des coûts additionnels.
Quand on regarde les propos de M. Diamant, qui est le président
de la Commission, lui, il s'en prend à la formule paritaire de la
Commission qui l'empêche de prendre des décisions. C'est plus
difficile quand c'est paritaire. Les gens sont obligés de s'entendre,
à toutes fins pratiques. Et pourtant, ce système paritaire a
été quand même souligné ce soir et il semble - en
fait, on l'a dit à quelques reprises aussi - que c'est ce qui
caractérise, en quelque sorte, le système
québécois. Alors, M. Diamant, de son côté, s'en
prend au système paritaire, il trouve que ça le bloque un peu
dans ses décisions et, d'autre part, des éléments à
la loi, comme dans le cas du diagnostic qui lie la CSST au médecin
traitant... Or, il semble que les voeux de M. Diamant vont être aussi
réalisés par le biais de ce projet de loi.
Il y a aussi, possiblement, d'autres raisons, M. le Président.
Plusieurs des membres de l'Opposition en ont parlé. On sait que le
déficit augmente depuis trois ans. Depuis trois ans, il y a une
constante hausse au niveau du déficit. En même temps, ça
coïncide avec la baisse des cotisations. Je sais que ça a
été quand même très bien expliqué, M. le
Président. Je pense que le ministre était là. Il a
assisté aux discussions et il devrait avoir pu faire un lien, lui aussi.
C'est assez étonnant, c'est assez impressionnant, puis c'est
questionnant aussi, M. le Président, quand on voit que, bon, depuis
trois ans, il y a une baisse au niveau des cotisations, donc des revenus de la
CSST. Quand il y a une baisse au niveau des revenus, bien, c'est possible qu'on
ne puisse plus arriver, à un moment donné. On est en
période difficile. C'est une mesure qui avait été
souhaitée, à l'époque, par la partie patronale. On sait
que Mme Forget, qui était présidente à ce
moment-là, en 1989, ne partageait pas, en fait, cette
recommandation-là. Elle l'avait dit elle-même que ça
venait, à toutes fins pratiques, des pressions du patronat.
Il y a aussi, M. le Président, des éléments qui
sont inquiétants au niveau de la gestion, par ailleurs, de la CSST.
Quand on regarde les contrats qui sont donnés en sous-traitance, il en a
été question aussi ce soir, un peu. On sait que,
dernièrement, le syndicat dénonçait, par le biais des
journaux, ces contrats qui sont alloués en sous-traitance dans un
département en particulier à la CSST, on parle de la division des
opérations et systèmes. Il s'agit ici de plusieurs millions de
dollars, M. le Président, et quand ça été
dénoncé par le biais des journaux, je peux vous dire que ce n'est
pas juste une rumeur qui a été lancée comme ça,
c'est quelque chose qui est verifiable, qui a été
vérifié, et je sais que le leader de l'Opposition y a fait
allusion aussi, tout à l'heure, mais on a en main la liste
complète, si on veut, des contrats qui ont été
alloués, des noms des gens qui ont reçu ces contrats.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
Je voudrais votre collaboration des deux côtés de la Chambre pour
permettre à votre collègue, Mme la députée de la
Chaudière, de pouvoir s'exprimer facilement.
Une voix: Des Chutes-de-la-Chaudière.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Les
Chutes-de-la-Chaudière, j'ai très bien compris, M. le
député. Madame, si vous voulez poursuivre. Je m'excuse de vous
avoir dérangée.
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Alors, ce
n'est pas seulement une rumeur et ça n'a pas été
lancé comme ça en l'air parce qu'on a en main les listes, la
liste des noms des gens qui ont reçu ces contrats-là, les
montants et le nombre de jours travaillés par chacune des personnes qui
a un contrat. Il y a des gens là-dedans qui ont des contrats dans ce
bureau-là, dans cette division de la CSST depuis plusieurs
années. Pourtant, au même moment, il y a des fonctionnaires
provinciaux, des gens qui sont engagés, qui sont fonctionnaires
permanents du gouvernement qui travaillent dans ces bureaux-là et qui
s'interrogent aussi fortement, qui aimeraient bien savoir comment ça se
fait qu'eux autres ont de la misère à avoir du travail à
effectuer dans le courant de la journée. Ils se disent tout à
fait compétents pour faire ces travaux-là et, en même
temps, on donne des millions comme ça en contrats.
Il y a aussi une autre question que j'aimerais aborder au niveau de la
prévention. Il faudrait regarder ce qui se passe au niveau de la
prévention, M. le Président. C'est bien d'en parler. C'est bien
de dire qu'il faut faire de la prévention, que c'est important, que
c'est rentable. C'est bien d'en parler. C'est bien de le mentionner. C'est bien
d'inciter comme ça les gens. Mais qu'est-ce qui se fait
concrètement? Je pense qu'il faut aussi poser des gestes. On sait
à quel point c'est important, la prévention, dans ce
domaine-là. On sait qu'il a été démontré
aussi que c'était rentable, que les entreprises qui ont pris la peine
d'entamer le processus, de mettre sur pied des programmes de prévention,
de faire respecter les règlements découlant de la Loi sur la
santé et la sécurité du travail dans les différents
postes de travail, on sait qu'il y a eu des résultats très
intéressants, des améliorations sensibles aussi qui ont
été notées.
On se rappellera, M. le Président, qu'en 1982, à partir de
1982, on avait divisé les différents employeurs au Québec
en cinq groupes prioritaires. Les trois premiers groupes, en fait, on
été forcés, un à un, par décret, de mettre
sur pied ces programmes de prévention et d'installer
un régime concernant... de suivre la loi et les règlements
en santé et sécurité au travail. Depuis 1985, M. le
Président, il n'y a plus rien qui se passe. Il y avait pourtant cinq
groupes et il y en a seulement trois, finalement, qui ont été
obligés, par décret, de prendre des mesures et de prendre des
procédures en matière de santé et de
sécurité au travail par le biais des programmes de
prévention. Donc, depuis 1985, plus rien ne se passe de ce
côté-là. Au niveau de cette obligation de prévenir,
de faire de la prévention sur le lieu de travail, disons qu'il ne se
passe vraiment plus rien. Il y a deux groupes qui restent en attente et qui
n'ont aucune obligation, deux groupes d'employeurs, ce qui fait un nombre quand
même important si on regarde le genre d'emplois par groupe. Alors, disons
que ces deux groupes n'ont aucune obligation présentement de mettre sur
pied ce genre de programme, n'ont aucune obligation, comme les autres
précédemment, de faire de la prévention. Ça, c'est
un point.
Un autre point aussi, M. le Président, c'est par rapport à
l'inspection et à la prévention. Je regardais le rapport du
comité consultatif en question. Le ministre a eu l'avis du
comité. On nous disait très clairement, par rapport à une
situation qui dure: «Conformément à l'article 249 de la Loi
sur la santé et la sécurité du travail, le coût de
l'inspection est à la charge du gouvernement du Québec.
Toutefois, le gouvernement ne verse plus régulièrement sa
part.» (3 h 10)
Alors, on sait qu'il y avait une action qui avait été
déposée en 1991 à la Cour supérieure, la CSST
contre le ministre des Finances - c'est assez édifiant - en vertu de
laquelle la Commission réclamait la somme de 19 053 200 $ au
gouvernement du Québec pour la période du 1er juillet 1985 au 31
décembre 1990. Par ailleurs, au 1er avril 1992, la Commission
évaluait à 55 404 900 $ le solde à recevoir du
gouvernement relativement aux coûts de l'inspection. Évidemment,
quand je dis 55 000 000 $, ça ne tient pas compte des crédits de
14 000 000 $ qui ont été présentés pour l'exercice
financier 1992-1993. Mais il reste que c'est une somme importante que le
gouvernement, à toutes fins pratiques, doit à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. D'ailleurs, la
recommandation du conseil consultatif est très claire à ce
sujet-là, M. le Président: Le coût de l'inspection devrait
être assumé par le gouvernement du Québec. Des deux
côtés, unanimité, et on répète, on
réitère que ces coûts d'inspection devraient être
assumés par le gouvernement. Pourtant, le gouvernement est en dette
envers la Commission, et on sait que l'action a été
déposée en 1991. Alors, ça vous donne une idée,
là. On a des manques à gagner, même le gouvernement ne paie
pas ses dettes à la Commission.
On peut se rendre compte qu'il y aurait beaucoup de questionnement,
qu'il y aurait beau- coup de rebrassage à faire, et c'est pour ces
raisons, M. le Président, que je ne crois pas que le projet de loi du
ministre vienne solutionner l'ensemble du problème, vienne guérir
le mal qui ronge le système de santé et sécurité au
Québec. C'est pour ça aussi, M. le Président, que j'appuie
la demande de ma collègue de Chicoutimi à l'effet que, oui, on
aurait besoin d'un débat public. Ça fait longtemps qu'elle le
demande. On en aurait besoin. Mais, pour les fins de ce projet de loi, je pense
que ce serait important que le ministre consente à recevoir en audience
les groupes, les intervenants visés, y compris la CSST parce qu'il y a
des questions à poser à la CSST, y compris aussi les groupes
d'accidentés du travail, les fédérations, les associations
d'accidentés du travail, les gens qui viennent nous rencontrer un
à un dans nos bureaux, bien sûr, mais aussi les gens qui ont une
expertise, qui ont une expérience du système et qui ont
vécu vraiment les lourdeurs du système.
Je pense que ce serait important que le ministre acquiesce aussi
à la demande de ma collègue, la députée de
Chicoutimi, à l'effet qu'il devrait procéder à une
véritable enquête administrative sur la gestion, sur ce qui se
passe à la CSST. Il y a plusieurs chiffres qui ont été
donnés, il y a plusieurs faits qui ont été
élaborés ici. Je pense que le ministre doit être tout aussi
conscient que nous du besoin. Alors, j'espère qu'il acquiescera à
la demande de ma collègue. Je peux vous dire que c'est très
faisable et c'est très intéressant quand on se donne la peine
d'inviter les gens à notre commission. J'entendais, ce soir, le leader
de l'Opposition officielle, et je pense qu'on vient de le démontrer - il
est 3 h 15, M. le Président, et on est encore ici - je pense qu'on vient
de démontrer que, oui, l'Opposition va utiliser tous les moyens
parlementaires qui sont mis à sa disposition pour en arriver à
entendre ces groupes-là.
Je pense que c'est important de le faire. C'est drôlement plus
intéressant, il me semble en tout cas, à mon avis, et pour le
ministre qui aura à subir les discours longs de l'Opposition pendant
très longtemps s'il ne se rend pas à nos voeux, je pense que
c'est beaucoup plus intéressant de rencontrer les groupes qui ont des
choses à dire, de les écouter. Je l'ai fait encore cet
après-midi avec la ministre déléguée à la
Condition féminine dans le projet de loi qui nous concernait et
ça a été effectivement beaucoup plus intéressant,
beaucoup plus rentable, de part et d'autre, d'entendre les gens
concernés que de parler très longuement et d'entendre longuement
les gens de l'Opposition dire les mêmes choses. Alors, je vous remercie,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière. Je suis prêt
à reconnaître le prochain intervenant. M. le député
de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez droit à 20 minutes.
M. André Boulerice
M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président.
Malgré l'heure tardive, vous comprendrez que je désirais
intervenir sur ce projet de loi. C'est un projet de loi important. Vous allez
me dire: Mais tous l'ont dit en cette Chambre, que c'était un projet de
loi important. Eh bien! je crois, M. le Président, que de le
répéter est utile et c'est utile de le répéter, M.
le Président, parce que comme-Dès voix: Ha,ha,
ha!
M. Boulerice: Je ne sais pas, M. le Président, ce qui fait
rire les gens dans cette Chambre. Ha, ha, ha!
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Boulerice: Est-ce que c'est parce que les
députés ne croient pas que ce projet de loi est important? Si
c'est le cas, à ce moment-là, je vais m'interroger: Pourquoi
sont-ils intervenus sur ce projet de loi? S'ils ne le croient pas, c'est un
désaveu face au ministre qui, lui, est présent dans cette
Chambre. Et même s'il est souriant, je vois qu'il prend le sujet au
sérieux, M. le Président.
Donc, je vous le disais, c'est un projet de loi important, et chacun
d'entre vous qui êtes intervenus l'a mentionné. C'est
effectivement important et je reprendrai, M. le Président, les paroles
de mon collègue, le député de Labelle: À chaque
fois que nous avons été confrontés à ce que nous
appelons dans le langage du métier - c'est-à-dire celui de
député - un cas de CSST, il se cachait effectivement à
chaque fois derrière ce cas - c'est-à-dire la personne qui se
présentait - un drame humain vraiment considérable, une situation
de détresse, une situation financière de détresse, et
très souvent, M. le Président, une situation morale
également, puisque je pense qu'il peut exister une causalité
entre les deux.
Je ne nie pas, M. le Président, qu'il soit urgent que l'on
regarde une loi aussi importante que celle-ci, qui est une loi qui modifie la
Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur
la santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie. Je pense qu'il est encore là légitime et
normal que l'on regarde une loi qui existait et que l'on tente d'y apporter des
modifications.
M. le Président, oui, c'est important. Je peux peut-être
convenir avec le ministre qu'il y a une certaine urgence, eu égard
à certains problèmes particuliers, de modifier la loi. Comme il
est important, M. le Président, vous le comprendrez, de faire respecter
le droit de parole des députés en cette Chambre et de demander
aux gens à l'arrière... Je crois que c'est l'article 32, M. le
Président, et je l'invoquerai.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je pense que ça
va, à date, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. En
effet, vous avez le droit... Non, non. Ce n'est pas l'article 32. Vous avez le
droit d'exiger de pouvoir faire votre intervention dans le respect des droits
prévus pour tous les parlementaires au règlement et à la
Loi sur l'Assemblée nationale. Allez-y, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Alors, M. le Président, je reprends la
dernière phrase avant que, malheureusement, on m'interrompe, et que vous
me rétablissiez dans mon droit de parlementaire. Je vais convenir comme
tous qu'il est important, je vais convenir qu'il peut y avoir urgence eu
égard à certains aspects, mais l'urgence, M. le Président,
ne peut pas justifier que nous adoptions une loi qui, à mon point de
vue, contient des imprécisions, contient de mauvaises
appréciations de la situation. C'est un projet de loi, M. le
Président, qui, s'il était adopté, à mon point de
vue encore une fois, ne va pas aider, au contraire, mais risque plutôt de
compliquer. C'est un projet de loi, M. le Président, qui, s'il
était adopté et devenait loi en vigueur, pourrait porter à
différentes interprétations qui seraient sans aucun doute
contestées. Il y aurait des actions devant les tribunaux, alors que le
projet de loi comme tel tente d'aller vers une déjudiciarisa-tion, ce
à quoi je souscris puisque j'ai déjà eu l'occasion de
m'exprimer sur ce sujet devant la Chambre des notaires qui avait
organisé un colloque assez intéressant là-dessus.
D'ailleurs, les notes sont disponibles au ministre. S'il le souhaite, je me
ferai un plaisir de les lui remettre. (3 h 20)
À ce moment-là, M. le Président, si on tente
d'aller vers une déjudiciarisation, ce qui nous apparaît, quant
à nous, éminemment souhaitable, et je pense que nous vivons dans
des sociétés où, effectivement, ce phénomène
de déjudiciarisation est extrêmement lourd, extrêmement
difficile et extrêmement gênant, mais si l'un des premiers effets
néfastes ou nocifs - peu importe le terme qu'on emploie de la loi - est,
finalement, d'amener une judiciarisation de la loi elle-même,
c'est-à-dire une contestation devant les tribunaux par différents
corps constitués, bien, je pense que l'on aurait fait fausse route.
D'où, M. le Président, mon insistance à dire au ministre:
Oui, je crois qu'il y a urgence mais, lorsqu'il y a urgence, un des dangers
peut être de précipiter, et surtout la précipitation a
peut-être été au niveau de l'écriture, et c'est
là que le bât blesse, M. le Président. Bien des questions
que l'on se pose légitimement, face à cette loi, ne trouvent pas
réponse, non pas parce que le ministre ne veut pas donner les
réponses, mais c'est que, malheureusement, il ne les a pas, ces
réponses, M. le Président. Il n'a pas les réponses.
Comment le ministre peut-il nous expliquer
qu'au niveau de la CSST, eh bien, c'est 20 % des budgets qui vont au
niveau de la gestion? Et si je me trompe dans mon estimation, je demanderai
à ma collègue, la députée de Chicoutimi et
porte-parole, de me corriger, mais je crois l'avoir bien évaluée.
C'est 20 %. Mais 20 %, c'est énorme, M. le Président. C'est
même beaucoup. Quand je vous dis: 20 %, c'est trop si je vous donne
l'équivalent de ces 20 % en millions de dollars. Ça
représente des millions de dollars. Ça représente
très exactement 280 000 000 $, et je suis persuadé que celles et
ceux qui nous écoutent, même si l'heure est tardive, parce qu'il y
a beaucoup de nos concitoyens qui sont attentifs aux travaux de la Chambre, si
je leur dis que 20 %... Ça fait sourire certains, mais je peux vous dire
que je viens d'une circonscription où il y a bien des gens qui
apprécient la télédiffusion des débats. Ils suivent
ça très attentivement. Donc, 20 %, c'est 280 000 000 $.
Le ministre, aussi, M. le Président, n'a absolument aucune
étude d'impact des mesures qui sont proposées à
l'intérieur de ce projet de loi. Ce serait quand même
intéressant que l'on puisse voir venir. C'est beau, un
énoncé théorique, mais si on n'a aucune indication quant
à l'application pratique et ses effets, vous allez quand même
convenir avec moi, M. le Président, et je suis persuadé que, par
devant vous, le ministre également va y souscrire, si on n'a aucune
étude de l'impact, c'est-à-dire du pratico-pratique... C'est beau
de se prononcer sur un concept théorique. C'est beau. D'ailleurs, M. le
Président, et vous me permettrez un très bref aparté, l'on
discute d'un concept qui est théorique, qui est celui dit de la
souveraineté, et on voit avec quelle insistance le parti
ministériel, et c'est à l'obsession même, essaie de
regarder chiffre par chiffre, à la décimale près, en
disant: Oui, mais les impacts.
M. le Président, si l'adoption d'une loi structurante pour une
société, pour une collectivité demande autant
d'études et autant de précisions, et si on est aussi soucieux
d'avoir ces moindres détails, on devra quand même convenir par
honnêteté qu'en tant que législateurs nous ne
légiférons pas uniquement sur l'étiquetage des
boîtes de conserve. Nous avons à prendre des décisions qui
affectent la vie quotidienne de plusieurs milliers de nos concitoyens et de nos
concitoyennes. Donc, se refuser d'avoir des études d'impact qui nous
permettent de mesurer les effets de la loi ou tout au moins de réussir
à anticiper quelques effets de la loi, eh bien, je pense que l'on fait
fausse route en tant que législateurs.
M. le Président, j'apprécie quand même que des
députés ministériels puissent transcender l'appartenance
politique et apprécier ma réflexion. Je leur en suis redevable.
M. le Président, il faut quand même également se dire
quelque chose. Si je remettais ce texte de loi à un de mes concitoyens
du Plateau-Mont-Royal ou à une concitoyenne du centre-sud,
c'est-à-dire à celles ou ceux qui sont déjà venus
dans mon bureau m'expliquer un de ces problèmes tragiques qu'ils vivent,
au niveau de la CSST, et que je leur demandais de lire ce projet que j'ai
devant moi, pour employer un vocabulaire courant, ce serait pour eux du
chinois. Je vais être obligé quand même de vous confesser
que, pour moi, je regardais le projet et que c'était un peu du
chinois.
Quand on vous dit à l'article 23: L'article 221 de cette loi est
modifié: 1° par le remplacement, dans la première ligne, des
mots «L'arbitre» par «Le membre du Bureau d'évaluation
médicale»... Je pourrais continuer à vous lire l'article 23
au complet. Si au moins on était capable d'avoir un texte, M. le
Président - on voit les amendements - mais le texte incluant les
amendements, donc un texte avec un corps, de façon à être
capable de voir ce que ça donne. Je vous avoue que c'est quand
même un petit peu difficile d'apprécier, quand on regarde un
document qui n'est en fin de compte qu'un document légal,
c'est-à-dire que c'est du juridique.
Toujours dans le discours du ministre, on parle de
déjudiciarisation. Je pense que ça doit également se
retrouver dans l'écriture des projets de loi, et là on ne le voit
pas, M. le Président.
Donc, cette loi, enfin, ce projet de loi, M. le Président, fait
l'objet de contestation. La contestation, M. le Président, et c'est
toujours là où ça devient dangereux, en démocratie,
se fait hors parlement. Elle s'exerce, il va de soi, par l'Opposition. C'est
son devoir, et je vois le ministre y concourir. Je sais fort bien que ses
nombreuses activités ne lui permettent pas, peut-être, une
écoute télévisuelle, mais il sait qu'à PBS,
actuellement, le réseau américain, il y a une excellente
série sur Disraeli, qui a été un grand parlementaire
britannique, et je lui rappelle cette phrase célèbre de Disraeli
qui était: The duty of the Opposition is to oppose. Je pense que cela ne
change pas et ne doit pas changer.
L'Opposition est prête, et je pense que ma collègue vous
l'a dit, je pense que le leader de l'Opposition vous l'a dit, M. le ministre -
je dis M. le ministre et j'ajouterais même cher ami - à
collaborer, mais je ne crois pas que ça nous soit possible, compte tenu
du contexte, et voire même souhaitable, compte tenu de l'écriture
et des critiques, de l'adopter, M. le Président, parce qu'il nous manque
- et je l'ai dit tantôt - une étude d'impact et,
deuxièmement, une chose qui est importante, une consultation,
c'est-à-dire une commission parlementaire qui pourrait réunir des
groupes. (3 h 30)
Je vais convenir avec le ministre qu'on n'ira pas à une
commission parlementaire où il y aurait 250, 275 groupes qui
souhaiteraient in-
tervenir. On a vécu des commissions de cette ampleur, et ce
serait peut-être nier l'importance de l'urgence de la loi. Mais, ne
serait-ce que l'Association des entrepreneurs en construction, l'Association
des manufacturiers québécois, la corporation des médecins
du Québec, le Conseil des syndicats nationaux. Et, ça pourrait
même être également la propre formation politique du
ministre, puisque, lors de leur dernière réunion, la formation
politique du ministre, c'est-à-dire les membres de cette formation
politique, en conseil général, ont demandé une commission
parlementaire au niveau de cette loi. Remarquez que je suis un peu surpris de
voir que le ministre n'ait pas écouté et entendu la voix des
militants de sa formation politique.
Donc, M. le Président, vous allez quand même comprendre
que, dans l'état actuel de nos discussions et surtout de la
rédaction, et vu surtout cette absence à l'intérieur de
cette enceinte qu'est l'Assemblée nationale où s'exprime la
démocratie, que, pour nous, nous ne pouvons accepter d'adopter ce projet
de loi.
Motion de report
Donc, M. le Président, je me vois dans l'obligation, et je pense
que c'est de bien remplir mon mandat de législateur, de faire une motion
de report dans trois mois, ce qui nous permettrait, M. le Président,
d'avoir le temps nécessaire pour avoir des études d'impact et
d'écouter les intervenants qui souhaitent venir nous faire part de leur
vécu et, dans le cas d'individus, de leur «ressenti»
personnel, ce qui pourrait énormément ajouter à
l'évaluation que nous ferons de cette loi et surtout à la
réécriture possible de cette loi via les amendements que nous
souhaitons et que le ministre, probablement, accepterait.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, en vertu de
l'article 240 de notre règlement, votre motion de report est recevable
et, en vertu de l'article 210 du même règlement, cette motion sera
débattue à l'intérieur d'un débat restreint de deux
heures. Et, je suspends les travaux pour quelques minutes, de sorte que nous
puissions, les leaders et moi, convenir de l'enveloppe du partage du temps de
cette période de deux heures. Je suspends les travaux quelques
minutes.
(Suspension de la séance à 3 h 33)
(Reprise à 3 h 38)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes, MM. les
députés, si vous voulez regagner vos banquettes, s'il vous
plaît. Avant que le débat sur la motion de report de M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques ne s'engage, je vous informe
de la répartition du temps de parole établie pour la durée
de ce débat d'une période maximale de deux heures,
c'est-à-dire un débat restreint.
Les deux groupes parlementaires se partageront également la
période consacrée audit débat. Les interventions seront
limitées à une durée maximale de 15 minutes chacune, sauf
celles d'un représentant de chaque groupe parlementaire, qui ne devront
pas excéder 30 minutes.
Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant,
à savoir M. le député de Joliette et leader de
l'Opposition officielle. Vous disposez d'une période maximale de 30
minutes, M. le député, comme je viens de l'indiquer.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: M. le Président, je vous remercie. Je ne
pensais pas, M. le Président, au moment où j'ai pris la parole
sur le projet de loi il y a environ de cela quelque chose comme trois, quatre
heures, reparler sur le projet de loi, mais mes collègues m'ont
convaincu de l'importance de faire comprendre au ministre du Travail, ce soir,
ou ce matin plutôt, de vouloir faire la lumière sur l'ensemble du
dossier CSST.
Je voudrais, dans un premier temps, rappeler, M. le Président, la
proposition que l'on a faite au ministre du Travail. Nous lui avons dit
très clairement qu'il se devait de nous permettre de questionner la CSST
sur sa gestion, sur son administration. Questionner la CSST, M. le
Président, ça veut dire s'enquérir des modes de gestion
puisqu'il en coûte au moins 20 %, me dit-on, pour la gestion, quelque 280
000 000 $ en administration de cette société d'État. (3 h
40)
M. le Président, en plus de ça, ma collègue des
Chutes-de-la-Chaudière m'a déjà remis un dossier, M. le
Président, qui démontre que cette structure donne
allègrement des contrats de consultation à l'extérieur, un
joyeux paquet de contrats qu'il serait intéressant de questionner. Et,
quand je dis à l'extérieur, c'est à l'extérieur des
ressources existantes à la CSST. Donc, M. le Président, le
ministre n'a pas cru bon, ni cet après-midi, ni depuis qu'on lui a
présenté la proposition, de nous répondre en ce qui
regarde la CSST. Il s'est contenté de nous dire que, bien sûr, le
Conseil du patronat devait être consulté, que les centrales
syndicales devaient être consultées, mais absence totale de
consultation de la CSST elle-même. Je ne comprends pas qu'ils ne voient
pas là un élément important pour clarifier le dossier:
demander à M. Diamant, P.-D.G. de la CSST, de venir expliquer des
choses, de venir expliquer comment il se fait qu'un tel déficit soit
aussi volumineux. Je ne comprends pas qu'ils ne permettent pas à ce
P.-D.G. de venir expliquer comment il se fait qu'il en coûte aussi cher
pour la gestion de la CSST. J'aimerais également pouvoir demander
à M. Diamant, selon lui: Qu'est-ce qui ne va pas dans cette structure?
Lui qui est placé à la tête de la gestion de cette
botte, à la tête de la gestion d'un budget quand même
fort important, fort imposant, qu'on ne puisse pas lui demander: Pourquoi
avez-vous, depuis quelques années, un tel déficit, comment
anticipez-vous le déficit cette année et qu'est-ce que vous
suggérez pour corriger ce dit déficit? Il me semble que le
ministre, d'autant plus qu'on lui a offert notre collaboration à ce
moment-là, aurait bien pu permettre, je pense, trois ou quatre heures de
discussion avec la direction de la CSST, avec ceux qui, quotidiennement,
administrent ces sommes, avec ceux qui, quotidiennement, gèrent la
procédure qu'il y a dans la loi pour l'indemnité ou
l'indemnisation des travailleurs accidentés. Demander à M.
Diamant, par exemple: Est-ce que, selon vous, M. Diamant, les employeurs ont
raison de dire que la faute est exclusive sur les épaules des
travailleurs? Est-ce qu'il est vrai que les patrons ont raison lorsqu'ils
disent que c'est la faute des travailleurs et que c'est la faute de la
complaisance médicale? il aurait été intéressant
d'entendre m. diamant nous dire ça, c'est lui qui l'administre, cette
boite, c'est lui qui vit quotidiennement les problèmes. pourquoi
refuse-t-il que m. diamant vienne nous dire que la structure actuelle conduit
à certains culs-de-sac, s'il faudrait corriger ou encore encadrer les
actions possibles du bipartisme existant? m. diamant pourrait répondre
à nos questions également en lui demandant: est-ce que les
syndicats, d'autre part, ont raison quand ils disent que c'est trop
judiciarisé, que c'est là une des sources du déficit? on
ne le saura pas. pourtant, c'est ce même gouvernement qui parlait
d'imputabilité, m. le président. je ne sais pas s'il s'en
rappelle. c'est ce même gouvernement qui disait que les présidents
ou les p.-d.g. des sociétés d'état devaient être
imputables devant les membres de l'assemblée nationale.
Quand on arrive à présenter des déficits de 700 000
000 $ ou 800 000 000 $, c'est quelque chose, ça. Pourquoi? Qu'a-t-il
à cacher pour ne pas permettre à M. Diamant de venir
témoigner devant la commission parlementaire? Pour quelle raison? Et je
vais lui poser des questions directes; il me connaît, moi. Est-ce que
c'est parce qu'il y a des «deals» avec certains groupes puis qu'il
ne veut pas que le P.-D.G. vienne faire la lumière sur ce qui se passe
présentement? Ce n'est peut-être pas ça, mais on est en
droit de se demander pourquoi. Est-ce que c'est parce qu'il a peur que M.
Diamant témoigne au grand jour et influence des décisions qui
seraient autres que celle que le Conseil des ministres a prise? Est-ce que
c'est ça? Je ne le sais pas. Est-ce que c'est parce que, dans cette
structure, habitués que nous sommes à des compromis de part et
d'autre, il a obtenu les compromis de part et d'autre et qu'il ne voudrait pas
qu'ils soient connus par M. Diamant? Je ne le sais pas.
Je serais surpris pourtant que ce soit ça, puisqu'il y autant de
monde patronal que syndical qui demande le retrait de la loi. Ce n'est
sûrement pas l'AECQ qui a appuyé M. Dufour, le représentant
du monde patronal, en cela parce que, eux, ils demandent un débat
public, large sur le fonctionnement de la CSST et sur ce qui se passe comme
tel, M. le Président. Est-ce que M. Diamant ne pourrait pas nous dire
que ce ne sont pas les syndicats non plus qui désirent cette loi,
puisque la majorité, à l'exception de la FTQ, je crois, demande
le retrait de la loi? Je ne vois pas pourquoi, à ce moment-là, si
l'ensemble, si les manufacturiers canadiens, si le monde patronal, si la CSN,
si la CSD, si la CEQ demandent le retrait de cette loi, il n'y a plus grand
monde à ce moment-là, vous ne faites pas une loi pour beaucoup de
monde, là. Quelle raison vous motive à ce moment-là
à ne pas nous permettre d'entendre, pour faire la lumière, les
dirigeants de la CSST? On légifère pour qui, M. le
Président? Ça doit être pour des personnes
impliquées.
Pourquoi refuse-t-on a ceux qui, quotidiennement, de 8 à 16 puis
probablement de 8 à plusieurs heures en soirée, de ces
dirigeants, de ces cadres-là... Qu'on ne puisse pas les entendre, je ne
comprends pas la raison. Je ne comprends pas pourquoi le ministre s'obstine,
s'objecte carrément à ce qu'on entende la direction
administrative de la CSST. On lui en donne l'occasion là. S'il nous
avait dit carrément après-midi: On va entendre M. Diamant puis
ses principaux acolytes, est-ce qu'on serait obligé de faire ce soir une
motion de report? On n'en aurait pas fait, et je peux vous dire que les
discours auraient été beaucoup moins longs. Mais on ne comprend
pas les motifs qui portent le ministre à refuser cette transparence,
cette transparence vis-à-vis des gens qui sont imputables devant
l'Assemblée nationale, devant les parlementaires élus. On ne
comprend pas. Qu'avez-vous à cacher? M. le Président, c'est la
question que je vous pose pour qu'elle s'achemine au ministre du Travail.
Qu'est-ce que le ministre du Travail a à cacher pour ne pas permettre
cette transparence, pour ne pas permettre à ceux qui sont imputables
devant l'Assemblée nationale de le faire? (3 h 50)
Je vous avoue que, personnellement, M. le Président, je n'arrive
pas à le saisir. Pourquoi s'objecte-t-il à ce qu'un groupe de
salariés accidentés puisse venir donner un son de cloche, M. le
Président, que ce ne soit pas nécessairement leur leader qui
vienne, que ce soient ceux qui sont impliqués dans des accidents, dans
des maladies professionnelles ou encore dans des rechutes et qui se sont
regroupés? Pourquoi ne pas leur permettre de venir nous dire ce qu'ils
vivent, ce qu'ils ont vécu, ce qu'ils vivent encore présentement
comme accidentés du travail? Pourquoi? Quel est le motif? Qu'est-ce qui
vous oblige à faire ça? Avez-vous donné votre parole
à quelqu'un pour dire que, pas de problème, ce que vous avez
écrit là ne changera pas
un iota? Qu'est-ce que vous recherchez comme ministre du Travail? M. le
Président, c'est la question que je lui pose. Qu'est-ce qu'il recherche
comme ministre responsable de ce programme? C'est un programme indispensable
pour les travailleurs québécois.
Savez-vous qu'est-ce qui va arriver, M. le Président, si on
laisse faire n'importe quelle folie dans ça? On va justifier, à
moyen terme, le fait d'amputer des services ou des bénéfices
à plusieurs travailleurs. Et ça ferait l'affaire de certaines
catégories de personnes, vous le savez, M. le ministre, vous avez
été du monde du travail, vous. On n'a qu'à laisser pourrir
des situations, puis on arrive devant des aberrations de 800 000 000 $ par
année, 700 000 000 $ par année. On justifie, a ce
moment-là, des coupures et des ponctions dans les programmes. Vous le
savez, ça. Ce n'est pas à vous que je vais apprendre ça.
Pourquoi alors, pourquoi alors ne pas prendre les précautions d'avoir
toutes les facettes du problème, d'avoir toutes les versions, les
versions des gens impliqués comme patrons, les versions des gens
impliqués comme salariés, des personnes victimes d'accident et
des personnes qui sont entre les deux, les gestionnaires.
C'est là que vous aurez le meilleur son de cloche, en voyant tout
l'appareillage des témoignages, en voyant toutes les tendances, en
voyant toutes les conceptions ou les perceptions de la gestion de cette
boîte. Et, dans l'espace de deux journées et demie à peine,
on peut avoir une idée globale de ce qui se passe à la CSST et,
à ce moment-là, comme législateurs,
légiférer avec une vision beaucoup plus globale.
Moi, je ne comprends pas pourquoi ça ne se fait, pourquoi on ne
permet pas cela, pourquoi on ne permet pas à des parlementaires d'avoir
l'ensemble du portrait, l'ensemble d'un portrait qui serait complet à ce
moment-là. Je ne le comprends pas. Et je répète ma
question: Que voulez-vous cacher? Si vous ne voulez rien cacher, quel est votre
avantage de ne pas faire connaître la vision globale du puzzle que
constitue la CSST présentement? À moins que vous vous soyez
liés? Je le répète. Et, si tel n'est pas le cas, si tel
n'est pas le cas, M. le Président, vous ne pensez pas qu'il serait
important, à ce moment-là, qu'on ait la vision des
administrateurs également?
Moi, j'ai toujours eu beaucoup de difficultés à m'imaginer
pourquoi un ministre... Je l'ai été, M. le Président. Moi,
j'ai occupé les postes de ce côté-là de la Chambre.
Qu'est-ce que ça change de permettre aux parlementaires de voir clair?
Qu'est-ce que ça change de le permettre à des parlementaires
élus qui, quotidiennement, reçoivent des appels dans leurs
bureaux de comté, qui, à chaque semaine, reçoivent cinq,
six, sept travailleurs accidentés, puis on est obligés de faire
signer des lettres nous autorisant à avoir accès à leur
dossier?
Vous savez que ça fait dur. Vous en avez des cas qui vous sont
relatés sur une base très régulière. Il faut que
ça change à la CSST. Mais il ne faut surtout pas y aller,
à mon point de vue - puis, c'est ma conviction profonde - avec des
petites «bisouneries», des petits correctifs qui risquent
carrément de mettre le programme en péril dans quelques mois ou
dans quelques années.
Il y en a qui se réjouiront à ce moment-là, en
disant: Bon bien, écoutez, la preuve en est faite, il faut sabrer dans
les bénéfices. Il est peut-être mieux qu'on prenne le
taureau par les cornes, et tout de suite, qu'on rectifie le tir, qu'on change
des choses, qu'on change des fonctionnements, qu'on modifie, au besoin, des
structures, qu'on s'interroge sur certains aspects des programmes et qu'on
regarde comment on peut s'impliquer, alléger et même diminuer les
coûts de l'application d'une telle loi, parce que ça n'a pas de
bon sens. Quand on regarde les coûts faramineux du déficit, qu'on
regarde le fait que le nombre d'accidentés ait diminué et que les
coûts aient autant progressé, M. le Président, ce n'est pas
vrai que c'est tous les travailleurs qui abusent du système; ce n'est
pas vrai, ça. Moi, ils ne me feront pas accroire ça. Il peut y en
avoir quelques-uns, mais c'est comme dans toute société; mais ce
n'est pas vrai que les travailleurs abusent tous du système. Ce n'est
pas vrai que c'est tous les médecins qui sont complaisants, ce n'est pas
vrai, ça non plus. Moi, vous ne me ferez pas rentrer ça dans la
tête. Il y a sans doute certains médecins qui sont complaisants,
mais je suis loin d'être sûr que c'est tout le monde. C'est comme
dans toute société, il y en a quelques-uns.
Si je vous disais qu'il y en a quelques-uns aussi dans vos experts que
vous engagez pour faire la contre-expertise de certains médecins? On
dirait qu'ils ont des directives. Ils font marcher un gars 20 secondes, 30
secondes, 1 minute, 2 minutes et: Va-t'en chez vous, je t'ai examiné!
Ils te font un rapport comme quoi tu es apte au travail. Il y a des gars qui,
dans mon propre bureau, moi, avaient de la difficulté à marcher
et la contre-expertise disait: Tu es correct. Ce n'est pas tout le monde,
ça non plus, je suis d'accord avec vous, mais il y en a quelques-uns de
cabotins de même aussi; ça, c'est clair.
M. le Président, je pourrais continuer et vous donner des cas,
des cas que j'ai dû pratiquement mettre sur la place publique pour venir
à bout de faire reconnaître l'erreur de la CSST. Souvent, quand il
arrive un système où c'est «bordélisé»
un peu, qui paie pour le fiasco global? C'est souvent d'honnêtes et de
bons travailleurs véritablement accidentés et
véritablement très amochés. Parce qu'on n'a pas su
s'arrêter, qu'on n'a pas su regarder ça froidement et globalement
et dire: On corrige notre tir parce qu'on ne peut plus continuer, sinon, chaque
année, il faudra couper dans les indem-
nités, il faudra couper dans les programmes de réinsertion
en emploi, il faudra couper dans divers avantages. On s'est demandé,
à un moment donné, comme député, en tout cas, moi,
je me suis posé la question: Est-ce que la CSST n'émet pas, en
première instance, des directives pour tout barrer, pour
décourager le travailleur accidenté de continuer à
être là-dessus? Mais, quand il ne peut pas travailler... Lundi,
dans mon bureau, j'avais un jeune accidenté du travail, depuis 1987. Je
vais conter l'histoire parce que ça m'a tellement frappé,
j'étais tellement, intérieurement, blessé de voir tout ce
système-là, que ça m'a révolté un peu.
Travailleur accidenté en 1987; rechute en 1989. M. le Président,
il n'est pas capable de marcher, le bonhomme; il avait de la misère
à être assis devant moi à force qu'il avait mal. Bien,
croyez-le ou non, parce qu'il a une maison de 80 000 $, il n'est pas eligible
à l'aide sociale au complet.
Une voix: C'est ça.
M. Chevrette: Ça, vous ne savez pas ça? Bien, vous
allez l'apprendre. Si vous n'avez pas ça dans vos comtés urbains,
vous allez apprendre que ça existe dans nos comtés ruraux. Parce
que l'homme a une maison de 80 000 $, il se voit amputer de 444 $ son aide
sociale, au lieu d'avoir 960 $, vous lui déduisez 444 $; là, il a
500 $ par mois, à peu près, pour vivre avec une femme et deux
enfants. Il est accidenté du travail et il a de l'aide conditionnelle.
Saviez-vous ça que ça existe? Savez-vous ça qu'il est
obligé de vendre sa maison et qu'il ne sera pas mieux après parce
qu'il va être obligé de manger sa maison avant d'avoir de l'aide?
C'est de même que ça marche. Si vous ne savez pas que ça
existe, apprenez-le. (4 heures)
Ce n'est pas pour rien qu'on demande une étude et un rapport
complet, détaillé de personnes neutres qui vont vous les
rapporter, ces cas-là. Ce n'est pas pour rien qu'on vous demande de
réfléchir et d'avoir devant nous les gars de la CSST qui
l'administrent. La personne, en plus de ça, son aide sociale de 520 $
par mois, inconditionnelle à part ça... Si tu obtiens quelque
chose de la CSST, lorsque tu auras passé à la CALP ou à la
Commission des affaires sociales deux ans après, parce que vous savez
que ça prend deux ans... Vous êtes-vous imaginé un jeune
couple, avec deux enfants, qui se retrouve dans un bureau de
député, à 520 $ par mois pour payer ses taxes de maison,
son électricité, son chauffage? Oui, 520 $ par mois pour payer
tout cela! Vous venez littéralement de briser une vie, de briser
même une vie de couple, parce que ça engendre des problèmes
de ménage. Ça, ça existe dans notre société,
ce problème-là. Je ne l'ai pas vécu il y a trois semaines,
il y a trois mois, il y a trois ans; je l'ai vécu lundi matin dans mon
bureau de comté. Et j'ai trouvé ça révoltant,
personnellement, M. le Président.
Et il faut le savoir ce qui se passe dans nos bureaux. Il faut vivre un
peu les problèmes que nos concitoyens vivent si on veut les
représenter ici et vous dire, à ceux qui ont la
responsabilité de gouverner: Voici les cas concrets qui nous sont
présentés. Comment je le règle, ce maudît
cas-là? M. le Président, je m'excuse du «maudit».
Comment je le règle? Je suis obligé de dire: Vends ta maison et
mange ce que tu vas obtenir pour la vente, indépendamment du temps dans
lequel doit s'effectuer la vente. Et quand tu auras fini ça, tu t'en
iras sur le BS. Et quand tu seras sur le BS, tu n'auras pas 520 $, tu auras 970
$ et tu auras un logement de 300 $, 400 $ et tu ne seras pas mieux que tu es
là. C'est des problèmes que l'on vit, ça, puis que l'on
traverse. Et la maison de 80 000 $, c'est l'évaluation, parce qu'il l'a
bâtie lui-même...
M. Jolivet: Puis en temps de récession, ça ne se
vend pas.
M. Chevrette: ...sa maison. Quand on voit ça, il me
semble, surtout quand on vient du monde du travail et qu'on a vécu un
paquet de problèmes - en tout cas au moment où on y était,
on criait fort en faveur de ces gens-là - qu'on peut au moins
céder sur la perspective de faire la lumière totale sur un
dossier. Je ne comprends vraiment pas l'obstination. Si elle ne vient pas du
ministre, c'est encore pire, c'est parce qu'elle viendrait du Conseil des
ministres. Et si c'est ça, si c'est ça votre humanisme pour
tâcher, M. le Président, de comprendre les gens, de s'attendrir un
peu sur leur situation, vous avez une drôle de conception de ce que c'est
que la gestion.
Ce n'est pas de dilapider les biens publics que je vous demande, ce
n'est pas pour enrichir les programmes qui sont assez généreux
présentement, ce n'est pas ça que je dis. On a une structure qui
est malade, on a un fonctionnement qui coûte très cher, on a
judiciarisé; oui, merci. On a peut-être du laxisme dans la gestion
et dans l'application de la loi; sans doute, mais y aurait-il moyen qu'on fasse
la lumière sur le tout? Une demi-journée de plus, mais qu'on
sache où on s'en va, par exemple, et qu'on puisse comprendre les
problèmes qu'on a à résoudre comme
députés.
Comme c'est là, M. le Président, moi, je vous avoue qu'il
y a des matins, je me demande ce qu'un député élu fait
dans son bureau de comté. Quand tu vois des cas comme celui que j'ai vu
lundi matin, tu te demandes qu'est-ce que ça donne. Tu te
décourages. Tu te dis: Comment ça se fait qu'on ne comprend pas
ça? Comment ça se fait que quelque chose d'aussi simple ne doit
pas être immédiatement envisagé? Qu'on se permette au moins
de regarder. Il me semble que ça se fait, ça. Il me semble que le
passé du
ministre du Travail devrait être garant du présent et du
futur, M. le Président. Ça fait des semaines et des mois qu'il
nous dit qu'il écoute. Et on arrive avec une proposition pour lui
permettre d'écouter tout et peut-être d'enrichir sa propre
réflexion. Ça serait intéressant de le savoir, quand la
CSN sera venue dire, par exemple: Voici ce que je pense du
«malfonctionnement» de la CSST. Et que la FTQ fasse pareil. Et que
le patron fasse pareil. Et que M. Diamant vienne dire... Et là, tu lui
demandes, comme responsable imputable devant l'Assemblée nationale,
à ce monsieur: Les syndicats disent ça, les patrons disent
ça; vous, votre perception de l'intérieur, c'est quoi, M.
Diamant? Est-ce que c'est parce qu'il y a eu trop de compromis entre eux et que
c'est arrivé à une aberration? C'est possible. Ce n'est
peut-être pas ça qu'il va nous dire, non plus. Il va
peut-être venir nous dire: On n'aurait pas dû baisser les tarifs il
y a deux ans. Je ne sais pas. Je ne connais pas les réponses, mais je
voudrais les savoir, moi. Et je suis persuadé que, lorsqu'on se sera
enrichis des positions de chacun, on sera beaucoup plus en mesure de
bâtir un projet de loi, de le bonifier, de faire en sorte que ce projet
de loi là colle beaucoup plus aux réalités. Parce que M.
le ministre du Travail, M. le Président, doit savoir, et je suis
sûr qu'il le sait, vous savez très bien que c'est dans des moments
difficiles que traverse une structure, surtout une structure de service, c'est
dans les moments difficiles qu'on en profite, M. le Président, bien
souvent, pour laisser pourrir davantage une situation, et ça justifie,
à ce moment-là, des coupures magistrales. On coupe des services
littéralement.
Et j'ai été à même de rencontrer, M. le
Président, des patrons, puis il y a des patrons qui m'ont dit, puis je
les ai crus... Vous allez me dire: Tu es bien naïf. Peut-être, mais
je les ai crus, moi. Ils ont dit: Au rythme où ça va là,
c'est le système, c'est le régime de sécurité et de
santé au travail qui va disparaître; c'est le régime qui va
disparaître. Si des patrons se disent ça, c'est parce qu'ils sont
renseignés. Ils savent très bien, ces gens-là, qu'en
Ontario ce n'est pas un régime semblable à ça, c'est une
assurance, vous le savez, et que ça coûte aussi cher qu'au
Québec. S'il y a une aberration ici et si on continue dans les
déficits, on va se ramasser où?
Motion d'ajournement du débat
Et pour permettre au ministre de réfléchir davantage, M.
le Président, je voudrais proposer l'ajournement du débat, compte
tenu de l'heure, pour qu'on puisse vraiment, à ce moment-là,
faire ce débat de jour, au vu et au su de tout le monde.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, sur l'ajournement
du débat, M. le leader de l'Opposi- tion officielle, en vertu de
l'article 101...
Une voix: ...motion d'ajournement du débat. Une voix:
Oui.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...vous avez un temps de
parole de 10 minutes. L'article 101 se lit comme suit: «L'auteur de la
motion et un représentant de chaque groupe parlementaire ont chacun un
temps de parole de 10 minutes.» Alors, vous êtes l'auteur de la
motion, vous avez droit à un temps de parole, comme je viens de
l'indiquer, de 10 minutes, un représentant de votre groupe a
également un temps de parole maximal de 10 minutes et, du
côté des ministériels, un représentant pourra
également intervenir pour une période de 10 minutes. Et, pour
répondre à votre question, à titre d'auteur de la motion,
vous avez droit à une réplique de 5 minutes.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, si j'ai proposé l'ajournement du débat à
ce stade-ci, il est 4 h 10 le matin, et je crois que ce débat est assez
sérieux qu'il mérite d'être compris par les travailleurs,
par les employeurs et même par les travailleurs mêmes de la CSST et
par les dirigeants de la CSST. M. le Président, ce n'est pas à 4
h 10 le matin qu'on va permettre à ces gens-là de comprendre
l'importance pour le monde du travail au Québec de discuter de ce sujet.
Ça n'a pas de bon sens, à 4 h 10 le matin, de continuer à
travailler sur un projet de loi sur lequel le ministre s'obstine, se refuse
à vouloir entendre tout le monde.
Moi, personnellement, ça m'est arrivé comme ministre
d'être en désaccord avec les vis-à-vis de l'Opposition.
Mais on a introduit dans le règlement la capacité de consulter
les gens, ce qu'on appelle des consultations particulières dans nos
règlements. Le ministre sait donc, au départ, qu'on ne va pas
«at large» permettre à tout individu, à tout groupe
de venir. On s'entend sur une liste, on négocie une liste entre nous et
on essaie de donner le droit de parole à peu près à ce
qu'il y a de plus important au niveau des groupes représentatifs dans
notre collectivité qui est touchée. (4 h 10)
Donc, M. le Président, à mon point de vue, la motion
d'ajournement du débat viendra permettre aux députés
ministériels, permettre au ministre de faire des appels demain matin,
d'appeler l'AECQ, par exemple, M. le Président. Je conseille au ministre
d'appeler l'AECQ. Ils vont lui dire que c'est l'occasion de faire un
débat, et le plus global possible, pour voir clair dans le dossier, M.
le Président, et avoir des points de vue intéressés, mais
des points de vue neutres, également, dans l'histoire.
Qu'on appelle les manufacturiers canadiens, M. le Président.
Qu'on demande aux manufacturiers canadiens s'ils ne veulent pas un débat
le plus large possible, dans les circonstances, s'ils ne veulent pas voir
clair, M. le Président, de A à Z, s'ils ne veulent pas avoir le
son de cloche public, pas en catimini, public, du D.G. de la CSST, M. le
Président. Qu'il le demande. Qu'il le fasse. Qu'il demande aux centrales
syndicales s'ils ne veulent pas avoir un débat important sur ce projet
de loi là. Pas une petite heure vite, là! Ils veulent qu'il y ait
un débat pour voir clair, parce que les salariés de toutes les
centrales syndicales... Et là-dessus il n'y en a sûrement pas une
qui veut voir amocher son régime, qui veut voir disparaître
éventuellement ce régime. Je suis sûr de ça. Je suis
sûr de ça, moi, qu'ils sont tous intéressés. Le
ministre devrait sauter sur cette occasion pour, demain matin, se permettre des
coups de fil.
D'ailleurs, il me semble que son passé syndical, et je le
rappelle là-dessus, son passé syndical... Je me plais à le
dire, son passé syndical, parce que, ordinairement, quand il voit autant
de groupes contre, son premier réflexe, c'est de dire: Ouais! Je suis
peut-être mieux de m'organiser pour que le projet de loi réponde
au moins à certaines aspirations.
On ne légifère pas pour le plaisir de
légiférer. On légifère pour corriger des
situations. Je suis persuadé, moi, que votre projet de loi, tel qu'il
est, c'est quasi l'unanimité; à l'exception d'une centrale
syndicale, c'est quasi l'unanimité contre. Ce n'est sûrement pas
normal, ça. Il y a quelque chose qui ne va pas. Il y a des
éléments, dans ce projet de loi là, qui ne correspondent
pas aux aspirations des travailleurs et même du patronat. Ils ne sont
peut-être pas contre pour tous les mêmes motifs. J'en suis. C'est
possible. C'est tout à fait normal, à part ça. À
plus forte raison, le ministre pourrait essayer de démontrer au public
en général, parce qu'on légifère aussi en fonction
du public qui va se voir appliquer ces lois...
Dites-moi que le public ne veut pas avoir le son de cloche des
dirigeants de la CSST. Dites-moi ça sans rire, derrière vos
micros, vous autres. Venez me dire que demain matin, là, le public,
l'entrepreneur à Joliette, là, sur le coin de la rue Gaspard, ou
sur le coin de la rue Sainte-Angélique ou dans le parc industriel, ne
veut pas avoir le son de cloche de M. Diamant. Vous allez me faire accroire
ça, à moi? Vous allez me faire accroire, à moi, que les
travailleurs, quand ils se font dire que c'est eux autres qui sont la
principale cause, puis les médecins, avec leur complaisance, qu'ils sont
les grands responsables, allez-vous me dire que les médecins
n'aimeraient pas entendre M. Diamant dire quelque chose là-dessus?
Allez-vous me dire que les entrepreneurs et les salariés n'aimeraient
pas se faire dire par M. Diamant quel est son point de vue, au lieu de les voir
se taxer l'un et l'autre de motifs qui sont opposés, M. le
Président?
Est-ce qu'il n'y a pas lieu de demander, par exemple, à M.
Diamant de nous dire, lui, non seulement sa perception par rapport aux deux
autres, mais également ses recettes comme administrateur, comment il
voit ça, lui, les solutions? Est-ce qu'on peut continuer longtemps
à faire ces folies-là de 700 000 000 $ ou 800 000 000 $ de
déficit par année?
M. le Président, moi je ne comprends pas. Je ne comprends pas et
je reviens sur le passé du ministre. Il a négocié dans sa
vie. Il a assisté à de la conciliation dans sa vie. Il a
assisté à de l'arbitrage dans sa vie. Il a assisté
à des revendications. Il en a préparé, des clauses pour
revendiquer au nom du monde. Mais, quand il rédigeait une clause de
revendication, il s'assurait de bien saisir le problème, de bien le
comprendre, et il savait... Dans une première demande, il allait
même un peu plus fort pour essayer d'obtenir exactement, au moins, ce que
ça lui prenait pour rédiger sa clause finale. Il a vécu
ça. Il a vécu la misère de certains travailleurs. Une
convention collective qui aurait été pourrie au point de
provoquer un «backlash», comme on dit en bon
québécois, est-ce qu'il ne se serait pas assis rapidement pour
éviter que ça foire? Est-ce qu'il ne se serait pas assis
rapidement pour éviter des problèmes majeurs? Est-ce qu'il ne se
serait pas assis pour dire: Écoutez, on va rouvrir ça, ça
n'a pas d'allure. Voici le fonctionnement. On s'en va vers un cul-de-sac.
L'utilisation effrénée de nos congés sociaux, dans une
convention collective, ça n'a plus d'allure. On va encadrer
ça.
Il a connu ça. Il a connu des avantages et des
bénéfices marginaux. Est-ce que le ministre du Travail, à
ce moment-là, ne doit pas se servir de son passé, de son
expérience passée, M. le Président, je pense, de la
notoriété qu'il s'est donnée, par son passé, pour
essayer de rédiger une législation, d'abord, en toute
connaissance de cause et, deuxièmement, qui colle aux
réalités et au vécu de 1992? C'est ça qu'on lui
dit, c'est ça qu'on lui demande. Il n'y a pas d'exagération dans
ce qu'on demande, M. le Président. Moyennant qu'il accepte de faire
toute la lumière, nous lui avons offert notre collaboration, M. le
Président. Et je prends à témoin la députée
de Chicoutimi qui, accompagnée de mon chef de cabinet et du chef de
cabinet de M. le leader du gouvernement, a discuté des
possibilités de collaboration entre parlementaires, pour essayer de
faire la lumière sur ce dossier.
M. le Président, on a fait abstraction de tout ce qu'on a
proposé. Il faut entendre des groupes, mais on ne veut pas entendre le
principal intéressé, qui est la CSST elle-même. C'est
ça que je ne comprends pas. On a donc bien peur de cette grosse bibite
là! Qu'est-ce qu'ils vont venir nous dire, si ce n'est, peut-être,
de venir nous faire comprendre qu'il y a de l'exagé-
ration des deux bords? Se faire dire ça, pour des parlementaires,
ça nous permettrait peut-être de tirer une ligne. C'est ça,
notre rôle. S'ils nous disent: Les centrales syndicales, elles ont raison
jusqu'à un certain point sur la judiciarisation, bien, on va chercher
à déjudiciariser, si c'est vrai. S'ils nous disent qu'il y a trop
de complaisance médicale puis que c'est confirmé par la CSST, on
va peut-être s'arranger avec la RAMQ puis on va peut-être
éviter qu'il n'y ait trop d'expertises en ligne, à coups de 100 $
puis de 150 $ puis 200 $ puis 500 $, 600 $, dans certains cas. Vous le savez.
Est-ce qu'on a peur de se faire dire ça? Je regarde le
député de Chauveau, qui a fait partie d'un comité portant
son nom. Faire partie de ça, l'analyse puis l'expertise des
coûts.
Une voix: Oui.
M. Chevrette: On attend quoi pour aller chercher le jus à
la CSST? Pourquoi la cachez-vous?
Une voix: Oui.
M. Chevrette: Avez-vous peur qu'on découvre que c'est un
éléphant blanc? Je ne sais pas, moi. Avez-vous peur qu'on
découvre que 20 % de gestion puis 280 000 000 $ d'administration, c'est
trop?
Une voix: Oui.
M. Chevrette: On vous le dirait. Si c'est trop, ce sera trop.
Puis si c'est juste correct, on dira que c'est juste correct. Mais si vous ne
nous donnez pas la chance de questionner, quel travail positif peut-on faire,
comme parlementaires? On vous offre deux perches consécutives pour que
vous vous accrochiez. Prenez-en donc une, au moins.
Une voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le
député Joliette. Alors, sur la motion d'ajournement de la motion
de report, M. le leader adjoint du gouvernement et député de
Mille-Îles.
M. Jean-Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, M. le Président. M. le
Président, tout simplement, sur la motion d'ajournement, pour ne pas
attaquer le fond de mon argumentation sur la motion de report, je pense qu'il y
a confusion, ici. Il y a réellement une confusion très
importante. Le leader de l'Opposition confond l'objectif du projet de loi avec
l'objectif qu'il souhaiterait que l'on puisse atteindre avec le projet de loi.
Je m'explique, M. le Président.
Ce qu'on nous dit depuis tantôt, c'est qu'on s'imagine, et je le
dis très franchement, très candidement, on s'imagine à
tort, du côté de l'Opposition, qu'avec le projet de loi 35
ça va être la panacée, le remède suprême
à l'ensemble du problème de la Commission de la santé et
de la sécurité du travail. Jamais le ministre du Travail n'a dit
cela, et le projet de loi 35 n'est pas, effectivement, la solution aux
problèmes très complexes que nous retrouvons à la CSST. (4
h 20)
II y a également, dans ce projet de loi, des mesures ponctuelles
très précises. Des mesures ponctuelles très
précises, oui, si je lis le projet de loi très attentivement. Je
lis ici la note explicative. Lorsque, dans le premier paragraphe, et c'est
l'article 38 de la loi, lorsqu'on donne accès à l'employeur, sans
frais, au dossier que la Commission possède au sujet de la lésion
professionnelle dont a été victime le travailleur alors qu'il
était à son emploi, je ne pense pas qu'un travailleur ou un
employeur, au Québec, ou qu'un syndicat ou qu'une centrale syndicale ait
à penser, ou que l'Opposition ou qu'un membre de l'Opposition qui lit le
projet de loi va s'imaginer qu'on va corriger, avec une telle disposition, un
déficit de 800 000 000 $. C'est une mesure ponctuelle qui est
nécessaire, certainement, pour une des parties qui contribue beaucoup au
régime de la santé et de la sécurité au
travail.
Également, M. le Président, je regarde un peu plus bas,
troisième paragraphe: «Le projet de loi prévoit de plus que
le travailleur pourra, dans certains cas, loger une contestation au Bureau
d'évaluation médicale et accorde à l'employeur qui se voit
imputer les coûts d'une lésion professionnelle le droit de
contester» les coûts qui lui sont imputés. Bon. Est-ce que,
par ces droits qui sont accordés à l'employeur de contester les
coûts qui lui sont imputés, on pense qu'on va régler toute
la série, la kyrielle de problèmes de substance qui existent avec
notre régime de santé et de sécurité au
travail?
Et, quand j'ai dit tantôt qu'il y a une confusion, oui, il y a une
confusion. L'Opposition, présentement, est en train de nous faire croire
qu'il y a une urgence. Oui, le problème est sérieux, oui, il faut
regarder attentivement, oui, il faut examiner. Mais ce n'est pas dans le cadre
de ce projet de loi que ça doit être fait. Nom de Dieu! Vous
auriez dû le demander il y a bien longtemps, qu'on fasse toute la
lumière là-dessus, puis qu'on la fasse par des moyens... Et j'en
parlerai tantôt, lors de ma motion de report. Parce que vous avez un
langage d'une totale incohérence en matière de contrôle de
gestion de finances publiques. Vous parlez des deux côtés de la
bouche et vous ne dites pas le même discours.
Je vois la députée de Taillon qui est ici, en cette
Chambre. Tantôt, lors de mon discours sur la motion de report, je lui
resoulignerai les paroles qu'elle a eues lors de l'adoption - ça n'a pas
été adopté - lors de la discussion en deuxiè-
me lecture du projet de loi 198, article 10: imputabilité. Elle
était contre. C'est votre critique, dans ce domaine-là. Vous
êtes contre le fait que les fonctionnaires, les hauts mandarins, ceux qui
devraient nous rendre des comptes, nous rendent des comptes et vous venez en
Chambre nous dire: Nous voulons entendre M. Diamant? Bien, voyons donc!
Accordez vos violons! Ne faites pas comme le député de
Lévis qui écoute des violons, quand il s'en va, dans une
soirée, entendre, peut-être, je ne sais pas, moi, une cinquantaine
d'indépendantistes dans le comté de Taschereau.
Une voix: Une réunion de famille.
M. Bélisle: Entendez-vous!
Dans ce contexte-là, il y a eu un compromis, M. le
Président, très honorable, correct, je pense, qui a
été conçu dans le but du projet de loi qui est là,
c'est-à-dire des mesures ponctuelles.
Le ministre du Travail a dit, le lundi 1er juin: On va faire une
journée de consultations particulières. On va faire une
journée. On va entendre le Conseil du patronat du Québec, la CEQ,
l'Association des entrepreneurs en construction du Québec, l'Association
des manufacturiers canadiens, section Québec, la FTQ, la CSN, la
Corporation des médecins. Oui, on respecte l'esprit du règlement
de l'Assemblée nationale, et, à ce moment-là, on entend
des gens qui ont des opinions particulières, des ajouts
supplémentaires, de l'information à donner au législateur,
au ministre du Travail, puis à tous les membres, des deux
côtés de la Chambre, en commission parlementaire. Mais, pour les
fins du projet de loi, ceux qui s'imaginent que l'on va, même en quatre
journées...
Parce que la proposition des membres de l'Opposition, M. le
Président, c'est, un, qu'ils ne comprennent pas le but du projet de loi,
et deuxièmement, qu'ils s'imaginent, eux, que c'est en quatre jours. Ils
veulent entendre tous ces groupes-là en quatre jours. Ils s'imaginent
qu'en quatre jours ils vont être capables de traiter avec sérieux
les problèmes suivants: l'existence du déficit, le volume du
déficit, comment on a atteint un tel déficit, le problème
de la parité entre les employeurs et les employés qui se
partagent les postes au conseil d'administration.
Est-ce que c'est une bonne chose qu'il y ait parité au conseil
d'administration? Dans un volet plus global, si on analyse notre système
de santé et de sécurité au travail, il faudrait
peut-être se poser la question. Concernant l'unicité du
système, est-ce qu'on veut aller réellement au bout de la
réflexion et la pousser, la réflexion, jusqu'au bout, et se
demander si on ne devrait pas fonctionner comme dans le système
scolaire, où on a deux systèmes qui fonctionnent très
bien, un qui «émule» l'autre, un qui force l'autre à
se surpasser? Est-ce qu'on veut tout simple- ment laisser le système
comme il est, et dire: Le système est là, et on ne se pose aucune
autre question parce que ça fait notre affaire, ça flatte, bien
entendu, les gens qui sont derrière nous politiquement,
c'est-à-dire nos alliances traditionnelles. Est-ce qu'on veut
réellement regarder le problème dans son ensemble? Est-ce qu'on
s'imagine que c'est comme ça qu'on va trouver la solution? Mais non, ce
n'est pas comme ça qu'on va trouver la solution. Moi, je pense que ce
n'est pas comme ça.
Alors, M. le Président, tout simplement, la motion d'ajournement
qui nous est proposée ne convient pas à la nature du projet de
loi 35, qui est rempli de certaines mesures ponctuelles, sept ou huit mesures
ponctuelles. Lorsqu'on parle des orthèses et des prothèses, on ne
parle pas du problème global de gestion du régime de santé
et de sécurité du travail au Québec. Ce n'est pas de
ça qu'on parle dans le projet de loi, et je pense qu'on crée une
illusion. On ne vise pas par le bon moyen la cible qu'on veut atteindre.
Possiblement que, de part et d'autre de cette Chambre, on veut atteindre le
même objectif, c'est d'avoir un régime de santé et
sécurité qui soit adapté aux travailleurs, adapté
aussi à nos entreprises, mais il faut au moins l'analyser dans un
contexte de globalité de notre économie.
Alors, M. le Président, je pense que, dans ce contexte-là,
de toute évidence, la motion d'ajournement présentée par
le leader de l'Opposition doit être battue, et je voterai contre cette
motion d'ajournement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député, de votre intervention. Sur cette même question, je
reconnais M. le député de Laviolette.
M. Jean-Pierre Jolivet
M. Jolivet: Merci, M. le Président. Le leader adjoint du
gouvernement nous a donné justement toute l'argumentation
nécessaire à cette demande d'ajournement de débat, M. le
Président. Je n'ai jamais compris pourquoi il refuserait de donner
à son ministre la chance d'aller plus loin, à moins que le
député, leader adjoint du gouvernement, ne nous incite à
dire: Écoutez, on va scinder le projet de loi en deux, une partie qui
concerne les questions ponctuelles, mais aussi l'autre partie, en
deuxième lieu.
Si le député, leader adjoint du gouvernement, nous incite
dans ce sens-là, on va le faire, M. le Président. Mais ce qu'on
recherche, c'est que le ministre, sur un sujet aussi important, prenne un peu
plus de temps pour trouver des solutions qui règlent le court terme -
parce qu'on est prêt - mais aussi le long terme. On ne doit en aucune
façon, M. le Président, en arriver à nous dire que le
contexte du projet de loi actuel n'incite pas à cette discussion,
d'autant plus que je pourrais rapporter au ministre qui est devant moi deux
occasions où, justement, par la
demande incessante de l'Opposition, on a réussi à
convaincre certains ministres du gouvernement actuel de prendre la
décision d'entendre des gens. (4 h 30)
Un des exemples qui me revient toujours à l'esprit, c'est en
1985, au moment où le gouvernement libéral a pris le pouvoir pour
la première fois. Le ministre de l'Éducation de l'époque
avait présenté un projet de loi de quatre articles. Et comme
j'étais responsable de ce dossier pour l'Opposition, j'ai lu le projet
de loi. J'ai demandé à la commission scolaire concernée si
elle était d'accord ou non avec ce projet de loi. Là, elle m'a
convaincu qu'elle devait être entendue. Et j'ai convaincu le ministre de
l'époque, le ministre des Affaires municipales d'aujourd'hui, d'entendre
la commission scolaire parce qu'elle disait: Le gouvernement, par le
ministère de l'Éducation, est en train de me spolier de l'argent
qui me revient pour donner un service à l'ensemble de la population
étudiante de mon coin.
Qu'est-ce qui s'est passé? C'est que nous avons entendu la
commission scolaire. Le ministre a accepté ces choses et, au bout de la
course, le projet de loi a été complètement remanié
au point, M. le Président, que les 4 articles dans le projet de loi sont
complètement disparus, ont été remplacés par 8
articles. Ces 8 articles-là n'avaient rien à voir avec les 4
articles précédents et la commission scolaire s'est sentie
soulagée, et le ministre aussi l'a été. Il m'a toujours
remercié de cette décision qu'on avait prise ensemble, d'en
arriver à prendre le temps d'entendre les gens.
Alors, ce qu'on demande au ministre, ce soir, c'est d'agir de la
même façon. Il y a des personnes... Je l'expliquais, dans mon
droit de parole sur le projet de loi lui-même, que des gens m'avaient
communiqué, par téléphone, ce matin, leur demande
incessante d'être entendus, ce que le ministre semble vouloir refuser et
que le leader adjoint du gouvernement semble nous refuser, non seulement
à nous, mais à l'ensemble, à tous les gens
intéressés par le sujet. Dans ce sens-là, M. le
Président, la demande d'ajournement du débat, c'est justement
pour permettre cette écoute attentive, ce désir d'aller plus
profondément dans le projet de loi. Si le leader adjoint du gouvernement
veut nous inciter pour régler son problème, dont il faisait
mention, de ponctualité à scinder le projet de loi, on pourra
l'examiner, mais notre recherche n'est pas là pour le moment. Ce que
nous recherchons actuellement, M. le Président, c'est du temps devant
nous, du temps pour convaincre le ministre, du temps pour que ma
collègue, la députée responsable du dossier, avec ses
autres collègues de la commission parlementaire, avec l'appui de la
collectivité, qui serait entendue en commission parlementaire... Cela
pourrait nous permettre, à ce moment-là, M. le Président,
de mieux saisir le problème.
Là, c'est la perche que nous tendons au ministre, que mon leader
de l'Opposition a proposée pour venir en aide, pour éviter que le
ministre prenne une mauvaise décision. Qu'est-ce qu'il y a de mauvais
à accepter ça, M. le Président? Ce serait la logique; il
me semble qu'à 4 h 30 du matin on pourrait aller se reposer et puis
reprendre de façon plus disposée, à 10 heures ce matin, le
travail pour la journée qui va perdurer dans le temps, parce qu'on aura
la chance et le devoir de travailler encore davantage dans les jours qui
viennent. Il me semble que ce n'est pas à être refusé, une
telle demande, M. le Président.
Contrairement au leader adjoint du gouvernement, je demande d'appuyer la
demande de mon collègue, le leader de l'Opposition, à l'effet
d'accepter cette demande d'ajournement, demande d'ajournement qui permettrait,
M. le Président, au ministre de mieux respirer, de mieux s'assurer qu'il
prend la meilleure décision. Lors de cette commission parlementaire qui,
je l'espère, va nous être accordée, pas pour nous, mais
pour les gens qui ont les besoins d'être entendus, nous aurons l'occasion
de convaincre le ministre et de poser les questions les plus pertinentes
possible pour que nous puissions mieux légiférer, M. le
Président, mieux, en termes de décision, prendre les moyens pour
y arriver.
Je rappellerais, M. le Président, ce que disaient les
libéraux, en 1985, qu'ils voulaient légiférer moins, mais
mieux. Mais j'ai l'impression, et j'aurai l'occasion dans d'autres projets de
loi d'en faire la mention, M. le Président... Quand on diminue la teneur
d'un projet de loi, mais qu'on l'augmente par les règlements, je vous
dis, M. le Président, que ça, ça m'inquiète
énormément, d'autant plus qu'ils nous ont fait de très
beaux discours avec Reed Scowen, à l'époque, et Paul Gobeil,
à l'époque, nous disant que ce n'était pas de même
qu'ils étaient pour agir. Je me souviens toujours du discours du 2
décembre de Mme la ministre responsable de l'Énergie, maintenant,
et qui était vice-première ministre, qui nous disait qu'ils
étaient pour légiférer moins mais mieux. Et ce n'est pas
ça qu'on a devant nous, M. le Président, nous avons devant nous
un projet de loi qui est, à notre avis et à l'avis de plusieurs,
un projet de loi qu'il faut modifier en profondeur si on veut arriver aux
objectifs que le ministre nous a fixés, pour arriver aux objectifs qu'il
veut, avec nous, fixer et pour lesquels, ma collègue l'a dit, nous
sommes d'accord pour l'aider à condition qu'il entende les groupes, sur
lesquels on pourrait s'entendre.
Mais ce n'est pas ça que le ministre nous donne comme
réponse, jusqu'à maintenant, et c'est pour cela que nous
proposons une motion d'ajournement qui a pour but de dire au ministre que nous
lui tendons une perche qu'il aurait intérêt à saisir
à ce moment-ci pouf peut-être le sauver des eaux tumultueuses dans
lesquelles il semble vouloir s'engouffrer, M. le Président.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette motion
d'ajournement du débat, je cède le droit de réplique
à son auteur, M. le leader de l'Opposition officielle et
député de Joliette.
M. Guy Chevrette (réplique)
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, si le ministre ne comprend pas l'objectif, je vais lui
demander de calculer. Il doit être capable de calculer. M. le
Président, bien sûr que le poids du nombre peut nous traverser. Il
y a un moment d'épuisement des droits de parole en vertu des
règlements et tout. Il va se retrouver en commission parlementaire et,
pendant huit heures, on peut très bien lui demander d'entendre la CSST,
d'entendre un groupe de salariés. Refuser 4 heures de consultations,
ça va lui coûter 8, 10, 12 heures. S'il n'est pas capable de
comprendre l'objectif, il peut au moins être capable de calculer. Je vais
être aussi franc que ça avec lui. Je ne sais pas si on se
comprend? Si on n'est pas capables de se comprendre, on doit être
capables, au moins, de calculer quelques heures. Vous savez très bien
qu'en commission parlementaire, à l'étude article par article, on
peut très bien faire des motions pour entendre des groupes. On va passer
huit heures à en entendre, des motions, pour avoir refusé
d'entendre un groupe qui est la CSST puis un groupe d'accidentés du
travail. Peut-être 12, M. le Président puis peut-être
même plus que ça, sur le libellé des articles, si on ne
clarifie pas. Je ne vois pas en quoi le gouvernement... c'est ça que je
n'arrive pas à comprendre, pourquoi qu'il y a une obstination,
exagérée, à mon point de vue, puis incompréhensible
en plus. C'est quoi que vous visez? Il faut que ce soit sérieux en
mosus, M. le Président, pour refuser d'entendre des dirigeants d'une
société qui sont supposés être imputables. Quels
motifs aussi sérieux que ça est-ce que vous avez? Quand vous vous
lèverez, au moins, dites-nous-le. Quelles sont les raisons qui vous
motivent pour ne pas entendre la CSST? Il me semble que ça se dit,
ça. Si vous n'avez rien à cacher, donnez-nous un motif,
dites-nous pourquoi vous ne voulez pas les entendre. Dites-nous pourquoi
ça ne serait pas intéressant, pour la commission, de les
entendre. Essayez de nous démontrer que ça n'a pas de bon sens
d'inviter les dirigeants de la CSST. Vous essaierez de concilier ça dans
vos réponses, par exemple, avec ce que vous prêchez, la
transparence, l'imputabilité. Je ne comprends pas. C'est peut-être
parce que vous n'avez pas gros de menu, puis ça vous prend du temps. On
va vous en faire, il n'y a pas de problème là-dessus. Les
règlements nous le permettent et on va le faire. Ça, il n'y a pas
de problème. Mais je ne trouve pas que c'est une façon
intelligente, personnellement, de collaborer sur un projet de loi. Je ne
comprends pas qu'on puisse motiver un ministre à vouloir s'entêter
alors qu'il pourrait avoir la collaboration spontanée uniquement sur le
plan de l'information. Je ne comprends pas. C'est ça qu'on offre, ce
n'est pas plus, ce n'est pas moins. Ce n'est peut-être pas clair, mais il
me semble que c'est assez clair. (4 h 40)
Ça fait sept ans que vous êtes dans le Parlement. On vous
dit: Imaginez-vous que l'échange qu'on vous propose comme
parlementaires, c'est d'entendre les dirigeants de la CSST, ça va
prendre peut-être quatre heures, trois heures et demie, quatre heures,
une demi-journée de session. De dix heures à une heure, c'est
trois heures. C'est trois heures. Vous allez obliger les parlementaires de ce
côté-ci de la Chambre à en utiliser peut-être 12,
peut-être 15? C'est évident, parce qu'on n'a pas eu un motif
à date, ça fait cinq, six heures qu'on discute, il n'y a pas eu
un motif d'invoqué, logiquement, de façon précise, pour
refuser d'entendre les dirigeants de la CSST. C'est quoi? Bien, si vous voulez
vous amuser, vous avez bien beau. Je comprends que vous avez deux groupes et
que vous pouvez vous succéder, de nuit, à deux groupes. Mais,
soyez sans crainte, même si vous en aviez trois, ce n'est pas grave
ça non plus. Ce que je peux vous dire, par exemple, si c'est ça
la collaboration parlementaire en vue d'améliorer un projet de loi pour
l'ensemble des travailleurs du Québec, c'est une très mauvaise
perception des choses. C'est une très mauvaise perception des choses, M.
le Président. Et ce n'est parce qu'il est cinq heures moins vingt du
matin, M. le Président, qu'on va lâcher, à ce
moment-là. Ce n'est pas ça. Je le dis très clairement. Je
tends la main. J'explique. Je vous fais faire des calculs. Mais là, si
en plus de ne pas comprendre, vous ne savez pas calculer, ça, ce n'est
pas de ma faute.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le leader de
l'Opposition officielle. Est-ce que la motion d'ajournement du débat est
adoptée? Vote enregistré. Qu'on appelle les
députés. (4 h 42 - 4 h 52)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je vais mettre aux voix la motion du leader de l'Opposition
officielle et député de Joliette, la motion d'ajournement du
débat. Que ceux qui sont pour cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme
Blackburn (Chicoutimi), Mme Marais (Taillon), M. Garon (Lévis), M.
Jolivet (Lavio-lette), M. Baril (Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour
(Jonquière), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin),
M. Paré
(Shefford), M. Boisclair (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion
(Mont...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Secrétaire adjoint: ...excusez, M. Boule-rice
(Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion (Montmorency), Mme Caron (Terrebonne),
M. Boisclair (Gouin), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Côté
(Rivière-du-Loup), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Cherry (Sainte-Anne),
M. Bélisle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Philibert
(Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis),
M. St-Roch (Drummond), M. Leclerc (Taschereau), M. Poulin (Chauveau), M.
Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Farrah
(îles-de-la-Madeleine), M. Messier (Saint-Hyacinthe), Mme Bégin
(Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin
(Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé
(LaFontaine), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Audet
(Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger
(Mégantic-Comp-ton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette
(Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. La-frenière (Gatineau), M.
MacMillan (Papineau).
Des voix: Bravo! Bravo! le secrétaire: pour: 17 contre: 32
abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion d'ajournement
du débat est rejetée. Nous poursuivons sur la motion de report et
je reconnais M. le leader adjoint du gouvernement et député de
Mille-Îles, en lui indiquant qu'il a un temps maximum de 30 minutes.
Reprise du débat sur la motion de report M.
Jean Pierre Bélisle
M. Bélisle: Merci, M. le Président. J'ai
indiqué tantôt, lors des quelques commentaires sur la motion
d'ajournement, que je réservais mes commentaires de substance sur la
motion de report et nous en sommes arrivés à discuter de la
motion de report du leader de l'Opposition. J'ai dit tantôt qu'il y avait
une confusion, une méprise quant au projet de loi 35 à l'effet
que l'Opposition pensait que l'on réglerait, avec le projet de loi 35,
l'ensemble de tous les problèmes du régime public
québécois que nous avons dans le domaine de la santé et de
la sécurité au travail. Ce n'est pas le cas parce qu'il y a des
mesures ponctuelles. J'écoutais tantôt la critique, la
députée de Chicoutimi, et même le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui nous disaient: Oui, il y a de bonnes mesures
dans le projet de loi. Il y a des choses urgentes qu'il faut faire dans le
projet de loi. Alors, de toute évidence ce que le ministre du Travail
propose présentement c'est d'y aller et d'appliquer ces mesures.
Maintenant, les commentaires du leader de l'Opposition ont été
les suivants. Il nous a dit: Nous allons tenter, au cours des consultations
particulières que nous allons faire, de vérifier... M. le
Président, je vous demanderais, c'est impossible quand le
député de Lévis se promène comme ça et qu'il
gesticule, là...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.
Alors, vous m'avez demandé le décorum. Je demanderais au
député de bien vouloir se conformer au règlement. M. le
député, si vous voulez poursuivre.
M. Bélisle: Lorsqu'on nous disait qu'on voulait
approfondir la gestion de la CSST, qu'on voulait faire une vérification
de la gestion, qu'on voulait contrôler la gestion de la CSST, je pense
qu'on est d'accord avec ça, mais il y a un problème
d'incohérence du côté de l'Opposition. Quand le projet de
loi 198 a été déposé dans cette Chambre, suite au
dépôt du projet de loi 197, le projet de loi 198
déposé par le député de verdun, un
député ministériel, à l'article 10 sur
l'imputabilité, où on voulait demander aux hauts fonctionnaires,
aux gestionnaires, aux mandarins de l'état de rendre des comptes, aux
commissions permanentes de l'assemblée nationale, hors de la
présence des ministres, pour donner plus de pouvoirs aux parlementaires
en cette chambre, on a eu droit de la part de l'opposition, sur le projet de
loi 198, à un discours - m. le président, vous vous en
souviendrez - de la part de la députée de taillon, en
deuxième lecture qui nous a dit: jamais, il n'est pas question de faire
l'imputabilité, et même elle a poussé l'audace, au nom du
parti québécois, à dire: vous savez, moi, en
matière de procédures, je ne m'y connais pas, mais je
réserve le droit, au nom de ma formation politique du parti
québécois, à ce que le leader de l'opposition, le
député de joliette, qu'on a entendu toute la soirée - une
bonne partie de la soirée, peut-être pas toute la soirée,
mais à deux reprises, ce soir - gesticuler et venir nous dire ici,
devant les caméras: nous voulons contrôler la gestion de la csst.
la députée de taillon nous a dit quand on a étudié
le projet de loi 198, le leader de l'opposition se réserve le droit de
venir contester, même la recevabilité du projet de loi 198; non
pas de contester le principe mais venir contester le droit
élémentaire d'un député ministériel, du
député de verdun, de déposer un projet de loi dans cette
chambre et de dire: ii faut qu'on ait comme principe à
l'avenir dans l'administration publique
québécoise, pour tout ministère, tout organisme
gouvernemental, toute régie, toute société d'État,
CSST, organisme gouvernemental, de rendre les hauts fonctionnaires imputables.
(5 heures)
Vous pensez que c'est crédible ce qu'on a entendu ce
soir? On a entendu le discours contraire ce soir. On a entendu le leader de
l'Opposition qui a essayé de nous faire croire que là il voulait
contrôler la gestion de la CSST de façon totalement non à
propos, impromptue, improvisée simplement pour faire du capital
politique à sa formation, au Parti québécois dans le cadre
d'un projet de loi où ça ne s'applique pas. Et les gens du Parti
québécois qui s'imaginent, comme le leader de l'Opposition, comme
la députée de Taillon, qu'on peut faire effectivement, M. le
Président, du contrôle de la gestion en entendant en commission
parlementaire, pendant quatre heures, certaines personnes de la CSST n'y
connaissent que dalle dans le contrôle de la gestion soit d'une
entreprise privée ou d'une entreprise publique. C'est la plus belle
preuve d'incompétence, M. le Président. C'est la preuve qu'ils
n'en ont jamais fait, de contrôle de gestion.
M. le Président, je ne peux pas penser que... Si on
prend un autre exemple pour le député de Joliette, le leader de
l'Opposition, qui est le critique en matière d'énergie:
HydroQuébec, société d'État par excellence au
Québec, c'est une machine administrative importante. Et, chez nous les
parlementaires dans cette Chambre, autant les parlementaires du
côté ministériel que les parlementaires du
côté de l'Opposition, du Parti québécois, il n'y a
personne qui a le contrôle et puis qui vérifie la gestion
d'Hydro-Québec. Il faut se rendre compte que, dans le budget du
Québec, qui frôle les 40 000 000 000 $, il y a 75 %, 3 $ sur 4 $,
30 000 000 000 $ sur 40 000 000 000 $ qui nous échappent. Ça nous
échappe littéralement.
M. le Président, moi, je n'ai jamais vu un
musée, un hôpital, je n'ai jamais vu effectivement une
société d'État venir rendre des comptes à des
parlementaires de cette Assemblée, parce que, nous, les parlementaires,
on ne s'est pas donné l'outil essentiel, c'est-à-dire la
règle d'imputabilité. Et, ce soir, le leader de l'Opposition, le
député de Joliette, tente de faire croire aux gens qui nous
écoutent, aux syndicats, CSN, FTQ, à tous les corps
intéressés à l'administration du régime public de
santé et de sécurité au travail, que, non, on pourrait
très bien faire du contrôle de gestion.
Au Québec, nous sommes une des 2 seules provinces
canadiennes sur les 10 provinces canadiennes qui ne font pas de suivi. Dans les
autres provinces, ils ont ce qu'on appelle le Comité des comptes
publics. Le Comité des comptes publics, c'est tout à fait simple,
M. le Président. Lorsqu'une dépense est engagée, lors-
qu'on décide, on approuve une dépense et qu'on confie un budget,
supposons, à un organisme public, que ce soit un musée, un
hôpital, un cégep, bon, une fois que la masse, l'enveloppe, le
montant d'argent est transmis à l'institution, le Comité des
comptes publics, lui, par la suite, fait un suivi de gestion. Il contrôle
la gestion de l'organisme. Il va voir: est-ce que c'est efficient, est-ce que
la dépense a été bien faite, est-ce que l'administration
interne est bien faite, conforme aux règlements, est-ce qu'il n'y a pas
de gaspillage, est-ce qu'il n'y a pas de fraude, est-ce qu'il n'y a pas de
complaisance? Tantôt, le député de Joliette parlait de
certificats médicaux de complaisance. Oui, il y a peut-être des
complaisances d'autres ordres également.
Mais, nous, dans cette Assemblée, notre processus,
c'est le suivant. On étudie les crédits budgétaires en
vrac. On ne fait pas d'étude détaillée des crédits
budgétaires. On ne fait pas de contrôle détaillé des
crédits budgétaires. On fait une approbation par mission, pour
200 heures de questionnement, de débats. Mais, pendant un an de temps,
on ne fait pas de reddition de comptes, on ne fait pas de suivi des comptes
publics comme ça se fait dans 8 provinces sur 10 et au gouvernement
fédéral. Nous, on ne fait pas ça ici. Il n'y a aucune des
commissions permanentes de l'Assemblée nationale qui fait ça. On
pense qu'on fait du suivi, puis du contrôle de gestion en faisant des
engagements financiers. Mais, mon Dieu! M. le Président, les engagements
financiers, vous pensez que c'est du contrôle de gestion? On s'assoit en
commission parlementaire et le président dit: Engagement 1. Bon,
engagement 1, où est le plus bas soumissionnaire? Là, le
député de l'Opposition, soi-disant qu'il fait du contrôle:
Bon, pourquoi ce n'est pas le plus bas, M. le ministre? M. le ministre, bien,
il commence: Ce n'est pas le plus bas à cause de telle chose. Bon,
approuvé. Bien, on approuve 750 000 $, 5 000 000 $, 10 000 000 $, 2 000
000 $, 3 000 000 $, puis on fait ça, M. le Président, au fur et
à mesure. Le contrôle, on n'en fait pas. Il manque un maillon dans
la chaîne. Et le discours de l'Opposition ce soir exemplifie l'absence de
ce maillon. Il y a un trou dans la chaîne. Il manque un lien dans la
chaîne parlementaire, dans nos responsabilités et dans nos droits
parlementaires.
Je me pose une question: Est-ce que c'est logique de penser
également que simplement par consultations particulières, en
faisant venir les associations syndicales, les associations patronales, est-ce
qu'on peut s'imaginer - à moins qu'on soit totalement candide et
naïf - qu'on va avoir toute l'information qui va nous arriver de
l'intérieur de la machine? Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'en entendant
M. Diamant, qui est le président, même s'il est de totale bonne
foi, pendant quatre heures de temps, on va avoir...
Je trouve ça merveilleux, ce que dit la
députée de Johnson; je vais faire la distinction, M. le
Président, pour le bénéfice de la députée de
Johnson. C'est de l'imputabilité par la tête, par le haut. On fait
venir celui qui est le responsable de la tête de la pyramide, de la
hiérarchie. Mais dites-moi une chose, M. le Président: Est-ce que
vous pensez, un moment, que ce serait peut-être aussi ou peut-être
même plus important de savoir de l'intérieur de la machine quelles
sont les activités gouvernementales, qui sont posées par les
fonctionnaires de la CSST, qui sont conformes aux règlements et à
la loi de la CSST, et celles qui ne le sont pas, mais venant de
l'intérieur? Moi, j'appelle ça l'imputabilité par la base.
On a deux sortes d'imputabilité. Nous, on n'est même pas rendus
à l'Assemblée nationale à l'imputabilité par le
haut, par la tête, parce que l'Opposition ne veut pas. Ce n'est pas
compliqué, ils ne veulent pas. Le discours officiel de l'Opposition, ils
ne veulent pas que les fonctionnaires, les cadres, les sous-ministres... C'est
le discours officiel de la députée de Taillon, critique du Parti
québécois, ils n'en veulent pas. Qu'on ne vienne pas me faire
accroire qu'ils en veulent, ils n'en veulent pas. Comment voudraient-ils qu'on
impose de l'imputabilité par la base? Je m'explique, M. le
Président.
Imputabilité par la base, pourquoi? Tout simplement pour briser
la règle et la loi du milieu. Je m'explique. Prenons un
département quelconque. Ça pourrait être aussi bien la CSST
ou ailleurs, 50 fonctionnaires dans un département. Est-ce qu'on peut
s'imaginer un court moment que, sur 50 fonctionnaires, il y en a 40, 45 qui
sont excessivement performants, dynamiques, qui remplissent bien leur devoir?
Oui, facilement, sans aucun problème. Est-ce qu'on peut s'imaginer qu'il
y en a qui sont peut-être un peu moins intéressés? Oui,
possiblement. Est-ce qu'on peut s'imaginer quel est l'incitatif pour une
personne fonctionnaire dans un département de divulguer des
activités ou des gestes de gaspillage? Exemple: il s'aperçoit que
telle dépense est faite inutilement. Prenons le cas de la CSST,
ça pourrait être le cas dans ce cas-là. Quelle est
l'incitation? Il n'y a pas d'incitation, M. le Président, parce que ce
fonctionnaire-là qui voudrait l'exprimer, il n'a pas de canal pour
l'exprimer. Il ne peut pas venir à vous, M. le Président, et vous
dire: Dans mon département, à tel endroit à la CSST,
ça ne fonctionne pas pour telle et telle raison. On ne suit pas la
norme. La norme est trop souple. On est trop permissif quand on l'applique.
Ça coûte trop cher. Les soumissions qu'on fait à tel
endroit, ça n'a pas d'allure. Les déplacements coûtent trop
cher.
Il ne le fera pas, M. le Président, pour une raison de base.
C'est que le milieu a une règle où il n'est pas
protégé. Le serviteur de l'État qui ferait ça,
celui qui voudrait faire avancer les choses, il se causerait un drôle de
préjudice à lui-même. C'est pour ça que vous n'en
voyez pas de personnes qui viennent de l'avant et qui veulent faire avancer les
choses, veulent améliorer la gestion de leur département ou de
leur secteur d'activité, que ce soit à la CSST ou ailleurs, parce
qu'ils n'ont pas de moyens de protection. (5 h 10)
Mais, M. le Président, je vais vous apprendre quelque chose ce
soir. Ça existe, des mesures de protection semblables, sauf que nous, au
Québec, a l'Assemblée nationale, on n'est pas rendus là
sur le plan de la réflexion. L'État de la Floride, l'État
du Connecticut, l'État du New Hampshire, l'État de la Californie,
le gouvernement fédéral américain ont tous une loi
semblable et puis, pas depuis hier matin, depuis 1978. Ça s'appelle en
anglais «The Whistle-Blower Act». Je vais vous la traduire en
français, traduction littérale: Loi favorisant la divulgation
d'activités gouvernementales non conformes, par laquelle quelqu'un
pourrait divulguer une information, un gaspillage, une mesure
inappropriée, un achat d'ordinateurs à tel endroit, une mesure de
contrat qui est accordé et qui ne respecte pas les règles, une
règle dans une loi qui est mal appliquée, une norme
d'évaluation médicale qui est mal suivie, qui entraînent
des coûts excessifs. Et ça, c'est du véritable
contrôle de gestion, mais ça n'existe pas dans notre
législation. Une telle mesure n'existe pas chez nous pour rendre
l'administration plus efficiente.
Alors, quand M. Chevrette, quand le leader de l'Opposition, quand le
député de Joliette nous dit: On va demander à M. Diamant,
je dis au leader de l'Opposition: C'est une parcelle de la
vérité. C'est pas ça, faire du contrôle de gestion.
Parce que l'ensemble de son argumentation, au leader de l'Opposition, c'est de
dire: Nous voulons régler les problèmes de base du régime
public de santé et de sécurité au travail des
Québécois avec le projet de loi 35. Je lui dis: Ce n'est pas avec
le projet de loi 35 que nous allons régler ça.
Je lui dis, deuxièmement: S'il s'imagine ou si les
députés du Parti québécois s'imaginent que nous
allons, en entendant M. Diamant et les gens de la CSST, obtenir l'information
nécessaire à la correction de l'administration et de la gestion
du régime de santé et de sécurité public, ils se
trompent. Ils vont faire de l'imputabilité par le haut. Je dis au leader
de l'Opposition: La position officielle du Parti québécois
là-dessus, c'est non; il n'est pas question qu'ils viennent rendre des
comptes à l'Assemblée nationale aux parlementaires. Alors, il
tient un double langage, il tient un double langage. Et je lui dis: Ça
serait beaucoup mieux qu'on se dote de bons outils et de bien le faire; pas le
faire à l'occasion, quand on sent que la maison est en feu, le faire
systématiquement, le faire à chaque six mois, s'en donner une
tâche régulière, faire des contrôles, le faire
nous-mêmes, on est capables de le faire. Il y a un tas de talents, dans
cette
Assemblée, des deux côtés de la Chambre. Je
m'imagine qu'on pourrait améliorer l'administration du service
public.
Vous savez, M. le Président, j'ai encore un goût amer de ce
que j'ai vécu au mois de décembre 1991 à
l'Assemblée, il y a quelques mois. Il y a quelques mois, le
député de Saint-Louis présentait le projet de loi 197, qui
était le pendant, M. le Président, du projet de loi 198. Vous
vous souvenez, M. le Président, du projet de loi 197? En
résumé, c'était pour dire: Sur une période de trois
ans, nous voudrions que le déficit du gouvernement du Québec
revienne à zéro. Pas à 5 %, 6 % du total des
dépenses de 40 000 000 000 $, pas ça, là; qu'il revienne
à zéro. Et le député d'Abitibi-Ouest, qui
était le leader adjoint dans cette Chambre pour le Parti
québécois à ce moment-là, a plaidé sur la
non-recevabilité de ce projet de loi là. Alors, on n'a même
pas débattu du bien-fondé du projet de loi, à savoir
est-ce que c'est une bonne chose ou une mauvaise chose d'avoir un
équilibre zéro? Est-ce que c'est une bonne chose de prendre les
revenus qu'on reçoit des citoyens en taxes et de les équilibrer
avec les dépenses? Est-ce que c'est souhaitable? Est-ce que le
gouvernement du Québec devrait avoir la même règle que
celle qu'il impose aux municipalités et aux villes du Québec?
Parce que les villes au Québec n'ont pas le droit de faire des
déficits. C'est ça, en réalité, le fond du
débat.
Mais non, le Parti québécois, l'Opposition, M. le
Président, comme le double langage de ce soir, ne nous a même pas
permis de faire ce débat-là. Je le sais, c'est moi qui ai
argumenté face au leader adjoint, le député
d'Abitibi-Ouest, du Parti québécois. Ils ont plaidé que ce
n'était même pas recevable, qu'on ne pouvait même pas
déposer le projet de loi, même pas parler sur le contenu,
même pas le déposer, en vertu de l'article 191. Parce qu'ils
disaient: Bien, écoutez, quand ça touche une question
d'engagement de fonds publics, là, c'est juste un ministre, un membre du
cabinet qui a le droit de présenter une telle chose. Je n'en reviens pas
encore. Je n'en suis pas revenu. On est rendus au mois de juin, M. le
Président, ça fait six mois, et je n'en suis pas encore
revenu.
Tout ça dans la même foulée du double discours. Vous
avez, d'un côté de la Chambre, M. le Président, un parti,
le Parti libéral du Québec, des députés qui
présentent un projet de loi en disant: Le déficit de
l'État, il faut le réduire à zéro. De l'autre
côté, le Parti québécois nous dit: Non, pas
recevable, on ne veut même pas en parler de ça, même pas en
discuter, il n'en est même pas question. Deuxième projet de loi
subséquent, 198, le numéro après. On veut rendre les hauts
fonctionnaires imputables. La députée de Taillon, qui est la
critique, se lève debout: II n'en est pas question. On se réserve
le droit, le leader de l'Opposition, de vous rentrer dedans et de demander
à ce qu'il soit déclaré non rece- vable.
Non, je ne dis pas n'importe quoi, M. le Président. C'est d'une
logique. J'espère que les gens qui nous écoutent ou les gens qui
écouteront le discours comprendront le véritable message, M. le
Président, que tente de nous transmettre le leader de l'Opposition.
C'est un message qui...
M. Boulerice: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, oui.
M. Boulerice: ...le leader adjoint souhaite qu'on
l'écoute, mais j'aimerais qu'on soit plus nombreux pour
l'écouter. est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous
plaît?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a une
demande de quorum que vous faites, M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques. Après vérification, qu'on appelle les
députés. (5 h 18 - 5 h 20)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Mille-Îles et leader adjoint du gouvernement, si
vous voulez continuer votre intervention. Je vous rappelle qu'il vous reste
huit minutes.
M. Bélisle: Merci, M. le Président. Tout
simplement, ce que j'essaie de véhiculer comme message - et je veux
qu'il soit compris ainsi, M. le Président - ce n'est pas un message de
partisanerie. C'est un message de ce que je retiens de sept ans à
l'Assemblée nationale. Quel que soit le gouvernement, quel que soit le
parti politique qui sera à la tête ou qui est à la
tête des destinées du Québec, si nous, les parlementaires,
ne comprenons pas l'importance du rôle que nous avons à jouer dans
le système démocratique dans lequel nous sommes élus,
où nous sommes les représentants de la population, et si une
formation politique vient dire et déclarer publiquement que, un, elle ne
veut pas d'un équilibre financier à zéro,
c'est-à-dire qu'elle maintient le principe des déficits, ce que
le Parti québécois a fait en refusant que l'on discute du contenu
du projet de loi 197 au mois de décembre, deux, qu'elle se refuse
à ce que l'on adopte un principe rendant tous les sous-ministres, les
fonctionnaires, les directeurs de département imputables à la
Chambre et aux députés et que, par surcroît, on se met un
voile devant les yeux en disant: On n'ira pas plus loin, on ne regardera pas ce
qui se fait ailleurs et on n'établira pas un pont, une sorte de relation
avec les gens qui travaillent, qui sont performants dans des
départements, dans des services publics, M. le Président, je
pense qu'on va toujours maintenir, effectivement, un certain degré
d'inefficience, volontairement, parce qu'on ne voudra pas corriger le
système. Mais, de ce côté-ci de la
Chambre, du côté du Parti libéral du Québec,
il y a des gens qui se refusent à une telle approche et qui veulent
totalement le contraire de la vision du Parti québécois, mais
totalement le contraire.
Quand le leader de l'Opposition nous dit, surtout sur un projet
semblable: Venez en commission parlementaire, on va entendre la CSST pendant
quatre heures, c'est de la poudre aux yeux. Ça ne donnera rien pendant
quatre heures de temps. Ce n'est pas comme ça qu'on fait du
contrôle de gestion. Effectivement, c'est de la foutaise de
parlementaires. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Ça ne
donne rien. Ce n'est pas ça, du contrôle de gestion. Ce n'est pas
ça, de l'administration publique. Ce n'est surtout pas ça. Ne
vous étonnez pas, M. le Président, si, dans votre comté,
il y a des citoyens qui vont vous dire: Comment cela se fait que le
déficit est de tant? Bien, c'est parce que, justement, il y a des
attitudes semblables, des positions, des politiques campées comme celles
du leader de l'Opposition et du Parti québécois sur
l'administration des finances publiques. Tant qu'on n'aura pas banni de telles
idées politiques de tout notre système politique, on va continuer
exactement à fonctionner de la même façon.
Moi, ce que je dis, M. le Président, c'est que le projet de loi
35 qui est là, ce sont des mesures ponctuelles. On n'a qu'à lire
le projet de loi. On s'aperçoit que c'est sur des mesures très
précises. Le délai d'attente n'est pas dedans. Il ne faut pas
s'imaginer, à un moment donné, quand on parle à des
employeurs dans nos comtés, qu'ils nous disent que tout va bien. Les
employeurs nous disent: Ce ne serait pas possible qu'il y ait un délai
d'attente d'une semaine quand quelqu'un a un accident de travail pour
vérifier s'il est réellement accidenté ou pas? Ça,
c'est une question qui nous est posée très, très souvent.
Bien, il ne faut pas s'imaginer qu'en écoutant la CSST pendant quatre
heures le ministre du Travail va être dans la position de dire: Bien,
oui, je vais prendre une décision. Je vais faire un amendement à
la loi. Le projet de loi 35 n'est pas prévu pour ça. Ça,
c'est peut-être une correction de fond au système, mais il faut
entendre les parties, il faut regarder, il faut examiner, il faut juger et
soupeser l'ensemble, effectivement, de la mesure. Le projet de loi 35, ce n'est
pas ça. Ce n'est surtout pas ça.
M. le Président, dans ces circonstances, la motion de report du
député de Joliette, du leader de l'Opposition, elle est nettement
inappropriée. Il y a méprise. Je m'excuse, M. le
Président, la motion de report du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques - la motion d'ajournement était tantôt
celle du député de Joliette - est inappropriée. Elle est
fondée sur une méprise fondamentale quant au caractère du
projet de loi 35. Le but visé, oui, il est partagé, mais les
moyens que le député de Sainte-Marie-Saint-
Jacques voudrait mettre de l'avant pour faire un contrôle de
gestion, s'il est sérieux, il va falloir qu'il fasse une bonne
réflexion là-dessus. Il va falloir qu'il se mette à
regarder ce qui se fait ailleurs et qu'il comprenne qu'il ne peut pas tenir le
langage qu'il tient, ce soir, faire partie de l'équipe du Parti
québécois s'il veut réellement faire du contrôle de
gestion, à moins qu'il faille absolument prendre tous les
députés de la formation du Parti québécois et les
envoyer directement en première année, effectivement, d'un bac en
administration dans une des universités reconnues du Québec pour
qu'ils apprennent c'est quoi, du contrôle de gestion. C'est
ça.
Je vous rappellerai, M. le Président, que même sur la
première étape du contrôle de gestion, c'est-à-dire
la vérification, ce qui n'est même pas du suivi de gestion, le
Vérificateur général du Québec n'a pas
été appelé entre 1976 et 1985 une seule fois, M. le
Président, une seule fois. C'était parce que le chef de
l'Opposition, le député de L'Assomption...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le
député de Mille-Îles. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques, je vous écoute.
M. Boulerice: Dans la foulée des vérifications,
est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le
député de Mille-Îles.
M. Bélisle: M. le Président, ce que je tentais de
dire... Je vous remercie, ça me donne l'occasion de faire une pause.
Ça me rafraîchit.
M. le Président, ce que je disais, c'est que, de 1976 à
1985, le chef de l'Opposition, le député de L'Assomption,
l'ex-ministre des Finances, pendant sept ans de temps, huit ans de temps, du
Parti québécois, a toujours refusé, s'est toujours
objecté à la première étape d'un contrôle de
gestion, c'est-à-dire permettre au Vérificateur
général du Québec, puis à ses 225 employés
qui nous coûtent une fortune par année et qui font un mosus de bon
travail de vérifier l'administration, puis l'efficience. Qu'ils ne
viennent pas nous faire accroire, M. le Président, que c'est dans le but
de faire du contrôle de gestion qu'ils veulent reporter le projet de loi.
Je vais voter contre la motion de report.
Des voix: Bravo!
Une voix: Jean-Pierre, je vote pour toi.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous rappelle que nous
sommes à débattre la motion de report de M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Je cède maintenant
la parole à Mme la députée de Johnson. Je vous rappelle
que votre intervention ne peut pas dépasser 15 minutes.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je suis bien contente
d'intervenir, même seulement pour 15 minutes, sur la motion de report de
mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Si
le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques a demandé un
report de 3 mois pour le projet de loi qui est à l'étude,
c'est-à-dire le projet de loi 35, c'est que nous avons, tous et chacun
de nous de l'Opposition, comme beaucoup de syndicats, de travailleurs
accidentés, beaucoup de gens de l'extérieur du Parlement, de la
difficulté à comprendre pourquoi on amène ce projet de loi
sans faire en sorte qu'on comprenne finalement l'ensemble de la situation.
Je n'ai jamais entendu autant d'incohérences que je viens d'en
entendre dans le discours du leader adjoint du gouvernement. Avant ses 30
minutes sur la motion de report, il a fait 10 minutes sur l'ajournement. Puis,
dans ses 10 minutes, il a dit: C'est une confusion totale. L'Opposition fait
une confusion au sujet du projet de loi. Là, je me suis dit: Ça y
est, le ministre a accepté de tenir la commission parlementaire. Je
pensais que c'était ça qu'il voulait dire. Mais non. Il a dit: Ce
n'est pas ça, il y a sept à huit mesures ponctuelles - je le lis,
parce que je l'ai pris en note - dans la loi et c'est ça qu'on voudrait
passer, pas autre chose.
M. le Président, dans son autre demi-heure, il a dit tout le
contraire. C'est-à-dire qu'il n'a pas dit le contraire, mais il a dit
que l'Opposition n'avait demandé d'entendre en commission parlementaire
que M. Diamant, qu'on avait demandé de commencer par le haut et de
commencer par M. Diamant.
M. le Président, je vais faire un effort pour
répéter ce que plusieurs de mes collègues ont donné
dans leur intervention ce soir. Ce n'est pas simplement de rencontrer et
d'écouter M. Diamant, ce n'est pas seulement ça que l'on veut. Ce
que l'on veut, c'est à la fois rencontrer les employeurs, les patrons,
parce que les patrons disent que c'est la faute des travailleurs si la CSST est
dans cet état pitoyable. On veut à la fois rencontrer les
syndicats pour que les syndicats puissent aussi nous éclairer sur, un,
de quelle façon ils voient ça. On veut aussi, bien sûr,
comme le leader l'a dit, rencontrer et écouter M. Diamant, qui est le
directeur de cette grosse boîte-là qu'est la CSST. (5 h 30)
M. le Président, moi, je refuse de blâmer le ministre dans
tout ça parce que, en mai 1991, le ministre avait accepté de
tenir la commission parlementaire. Mais, comme on a déjà vu ce
gouvernement faire une motion de guillotine vis-à-vis de l'Opposition,
je pense que c'est la même chose que le ministre s'est fait faire par sa
formation politique. Il s'est fait attacher les mains, il s'est fait mettre un
bâillon, parce que, en mai 1991, il avait accepté de tenir la
commis- sion parlementaire. Est-ce que M. Ghislain Dufour a gagné la
bataille sur le ministre? Est-ce que c'est ça, la vérité?
Est-ce que M. Ghislain Dufour, qui représente le patronat, a
gagné? Il a dit: II n'y aura pas de commission parlementaire? Je me
souviens d'un autre ministre qui s'est entêté comme ça, M.
le Président, je m'en souviens très bien, c'était le
ministre délégué à la Santé et aux Services
sociaux. Quand on a discuté de la loi concernant les ambulances, je me
souviens très bien, il a refusé complètement
d'écouter l'Opposition. Qu'est-ce qui est arrivé? Il a
été démis; premièrement, il a changé de
ministère, et, deuxièmement, aujourd'hui, on est pris avec un
déficit extraordinaire, on est obligés de refaire une loi pour
reprendre les cordeaux, pour reprendre les choses en main. J'espère que
le ministre va comprendre à temps le message que l'Opposition est en
train de lui faire.
Je veux aussi non seulement aider le ministre, parce que je pense qu'il
a ses responsabilités à prendre, mais je veux aussi aider
l'Opposition, aider ma collègue de Chicoutimi qui a plusieurs raisons -
et ce n'est pas seulement l'Opposition, je l'ai dit tout à l'heure -
pour lesquelles elle voudrait entendre les trois catégories que j'ai
mentionnées tout à l'heure, non seulement M. Diamant, comme le
leader adjoint s'est plu à essayer de faire accroire à la galerie
que l'Opposition officielle ne demandait de rencontrer que M. Diamant. Non, M.
le Président, c'est inexact, ce n'est pas ça que l'Opposition a
demandé. Mme la députée de Chicoutimi, qui est la
porte-parole en la matière, a des raisons très claires. Et comme
le leader adjoint du gouvernement n'a rien compris, je vais lui
répéter les raisons que la responsable du dossier a
données à maintes reprises; elle a même fait un
communiqué, en a parlé plus d'une fois. Premièrement,
compte tenu de la situation très sombre...
M. Boulerice: M. le Président, mes excuses...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant!
Un instant! Mme la députée de Johnson, si vous voulez retenir
votre intervention. M. le député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: M. le Président, encore pour rappeler
l'obligation qui existe pour les parlementaires d'être présents en
Chambre en nombre suffisant, je demanderais de vérifier le quorum.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés!
Mme la députée de Johnson, continuez votre
intervention.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. J'étais en
train de vous dire et de vous redire, parce que Mme la députée de
Chicoutimi vous l'a dit à plusieurs reprises, les raisons pour
lesquelles on
souhaitait avoir une commission parlementaire pour entendre les parties
dont je vous ai fait mention tout à l'heure.
Premièrement, parce qu'il n'y aucune mesure d'impact sur le
projet de loi 35 au moment où on se parle, puis les parties sont encore
à l'analyse des amendements. On est seulement rendu là. Et la
première, Mme la députée de Chicoutimi disait qu'il
faudrait une enquête administrative et actuarielle impartiale sur la
CSST. Elle voulait aussi avoir un regard sur le taux de cotisation. Est-ce
normal qu'on ait baissé le taux de cotisation?
Troisièmement, elle veut savoir le mode d'estimation de la
durée de consolidation. Il me semble que c'est normal qu'on puisse
savoir la façon que ça opère.
Quatrièmement, elle veut savoir les pratiques administratives de
traitement des réclamations. Ce n'est pas exactement ce que le leader
adjoint du gouvernement disait. Elle veut connaître aussi la gestion des
ressources humaines. La députée de Chicoutimi veut savoir quel
est le recours, à quelle fréquence, le recours à la
sous-traitance, et combien ça coûte.
M. le Président, vous voyez, avec tout ce que je viens de vous
nommer, que c'est tout à fait le contraire ou beaucoup plus que ce que
le leader adjoint du gouvernement a dit. C'est une pléiade de questions
qu'on se pose. C'est aussi le tripartite de la CSST, c'est-à-dire
employeur et patron, c'est-à-dire syndicat, c'est-à-dire Robert
Diamant, qui est le représentant officiel de la CSST, et c'est aussi
recevoir des cas patents, des gens qui souffrent à cause d'une situation
qui est aberrante. C'est tout ça qu'on voudrait entendre. La
députée de Chicoutimi, qui est reconnue comme une femme
consciencieuse...
Une voix: Oui.
Mme Juneau: ...qui fait un travail extraordinaire...
Des voix: Bravo!
Mme Juneau: ...et qui connaît ses dossiers, cette
femme-là a demandé, et avec raison... Je vous l'ai dit tout
à l'heure, ce n'est pas seulement l'Opposition officielle qui le
demande-Le projet de loi 35 ne fait pas l'unanimité; vous le savez
très bien parce que vous allez dans vos comtés tous les lundis
pour faire du bureau de comté. Et, quand vous faites du bureau de
comté le lundi, vous avez sûrement, tout autant que nous, les
membres de l'Opposition officielle, qui sommes des députés au
même titre que vous, quand nous faisons notre bureau de comté, des
plaintes. Moi, des fois, j'aurais envie d'appeler ça des lamentations
parce que les pauvres gens qui sont mal pris avec un accident du travail tel
que vous le racontiez tout à l'heure, des cas patents que le leader de
l'Opposition officielle vous a racontés. Quelqu'un qui, tout
dernièrement, s'est rendu à son bureau de comté pour lui
demander: Mais qu'est-ce que je vais faire? Je suis pris dans la machine et
j'ai l'impression de tourner en rond parce qu'à un moment donné,
il n'y a plus personne qui veut m'aider, il n'y a aucune porte qui veut
s'ouvrir. J'ai une femme, j'ai deux enfants.
M. le Président, ça n'a pas de bon sens. On l'a dit, que
ça n'avait pas de bon sens. Le leader adjoint du gouvernement parlait de
sept ou huit mesures dans la loi. Ce n'est pas ça dont on a besoin, des
mesures ponctuelles. Ce n'est pas seulement ça. Nous voulons avoir la
situation complète. Vous savez, quand on met un cataplasme sur une jambe
de bois, il n'y a rien là; ce n'est pas ça qu'il faut faire. Ce
n'est pas un cataplasme sur une jambe de bois quand l'autre jambe est mauvaise
aussi. Il faut faire une situation exacte du cas patent. Il faut faire un
examen complet de quelque chose qui ne va pas bien. C'est ça qu'on
demande. Puis, ne vous faites pas d'accroires, là; si on fait ça,
on le fait pour les gens qui sont pris dans le système. On le fait aussi
pour les payeurs de taxes parce que, s'il y a un déficit de 800 000 000
$, qui, croyez-vous, vont être obligés de payer? Les patrons, les
employés, les personnes qui ont des accidents du travail. Et la CSST,
elle va faire quoi? Il va falloir qu'elle ait une analyse complète, elle
aussi, de tout ce qui se passe à l'intérieur de sa boîte.
Puis nous, on veut savoir, on veut savoir complètement comment ça
fonctionne à l'intérieur de cette grosse boîte-là.
On veut savoir si ça a du bon sens que le bureau de révision
paritaire, ça coûte 16 000 000 $ annuellement. On veut savoir si
la CALP, qui a un budget de fonctionnement de 23 000 000 $ qui est
assumé par la CSST, on veut savoir si c'est ça ou si on pourrait
diminuer les coûts. C'est tout ça qu'on veut savoir, M. le
Président. (5 h 40)
Vous le savez, tout le monde se plaint de la CSST. Les patrons sont
mécontents, les employés, les travailleurs et travailleuses sont
mécontents parce que ça ne marche pas comme ça devrait
marcher. Puis le président, Robert Diamant, a entre les mains une grosse
bebelle qui ne marche pas. Ça fait que c'est ça. C'est tout
ça qu'on veut savoir. C'est tout ça qu'on veut savoir, et c'est
la raison pour laquelle on demande au ministre responsable, on demande au
gouvernement de pouvoir entendre notre requête, notre demande pour
recevoir en commission parlementaire les trois parties prenantes, les trois
parties de la CSST. C'est tout ça, et ce n'est pas ce que le leader
adjoint du gouvernement a dit, que c'est seulement M. Diamant qu'on veut voir.
On veut voir les trois parties. On veut rencontrer des gens qui vivent des
situations aberrantes et on veut connaître l'ensemble de la
situation.
M. le Président, c'est la raison pour laquelle le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques
a demandé trois mois de report, et je suis d'accord avec
ça.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Johnson. Toujours sur cette motion de report du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, je cède la parole
à M. le député de Taschereau. Vous disposez d'une
période maximale de 15 minutes.
Des voix: Bravo!
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci. M. le Président, contrairement à
la députée de Johnson, je ne peux pas dire que je sois heureux de
prendre la parole sur le débat de la motion de report. À cette
heure-là, vous comprenez, M. le Président, que si on...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.
M. Boulerice: Oui, M. le Président. Effectivement,
contrairement à la députée de Johnson, le
député de Taschereau n'a pas quorum. Alors, est-ce que vous
pourriez le vérifier, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés!
Allez-y, M. le député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Le moins qu'on puisse
dire, c'est que l'Opposition brille par la petitesse de sa
représentation en Chambre: ils sont un!
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Leclerc: M. le Président...
Une voix: II demande le quorum, par exemple.
Une voix: Une gang de un. Une voix: Un et demi: le
«boxer».
M. Leclerc: M. le Président, je disais mal comprendre la
députée de Johnson qui se disait heureuse de participer au
débat sur la motion de report. Évidemment, on peut comprendre
qu'elle puisse prendre certaines satisfactions dans ce jeu un peu
stérile, mais tout le monde comprendra dans la population que, si
l'Opposition avait voulu étudier cette loi, comme cela se fait
normalement, déjà elle aurait été
référée autour de 23 heures ou minuit en commission
parlementaire et, dès ce matin, après la période des
questions, on aurait pu commencer l'étude article par article.
C'eût été la façon normale et usuelle
d'étudier cette loi. Malheureusement, l'Opposition a
décidé de présenter des motions pour faire en sorte que
nous nous retrouvions tous ensemble si tôt ce matin, M. le
Président: motion de report, motion d'ajournement. Bref, manifestement,
l'Opposition n'a pas l'intention de collaborer avec le gouvernement pour
étudier cette loi.
L'Opposition a l'habitude de présenter des motions de report sur
des lois à grandes incidences financières. Je me rappellerai la
première que j'ai vue en cette Chambre, qui était une motion de
report sur la privatisation de la raffinerie de sucre. C'était il y a
déjà six ans, six ans et demi...
M. Boulerice: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le
député de Taschereau.
M. Boulerice: ...l'article 32, paragraphe 6, le décorum:
Les députés doivent être assis au fauteuil qui leur a
été désigné par le président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, chaque
député doit, vous le savez tous, être assis à la
banquette qu'on lui a assignée. S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Allez-y, M. le député de Taschereau.
M. Leclerc: Merci, M. le Président. M. le
Président, il vous faudra, un jour, statuer si l'article 32 s'applique
également en arrière de votre trône, parce qu'il y a
toujours trois ou quatre péquistes qui traînent en arrière
du trône. M. le Président...
Une voix: Au moins, pendant ce temps-là, il leur sort
quelque chose de la tête, c'est de la fumée.
M. Leclerc: M. le Président, je vous disais que
l'Opposition avait la fâcheuse manie de sortir ses motions de report sur
des lois à très grandes incidences financières. Le
député de Lévis s'en rappellera, une des premières
qu'on a eues ici, en 1986, fut une motion de report sur la privatisation de la
raffinerie de sucre. La raffinerie de sucre du Québec, le joujou du
député de Lévis, nous coûtait 1 000 000 $ par mois
de déficit. Chaque fois que les Québécois mettaient du
sucre dans leur café, chaque fois que les Québécois
s'achetaient du sucre pour faire des confitures, il résultait que le
gouvernement du Québec perdait de l'argent et ça coûtait
aux payeurs de taxes 1 000 000 $ par mois. Lorsqu'on a voulu privatiser
ça, l'Opposition a présenté une motion de report de six
mois. Elle voulait que ça nous coûte 6 000 000 $ de plus, le temps
d'étudier la possible privatisation. Plus ça allait, M. le
Président, plus le prix
du sucre descendait sur le marché mondial, de sorte que ça
aurait coûté encore plus cher, six mois plus tard, privatiser la
raffinerie de sucre. (5 h 50)
On peut faire le parallèle avec ce matin, alors que la CSST, on
l'a vu, tout le monde le sait, coûte 70 000 000 $ par mois en
déficit. Le gouvernement s'attaque au problème. Le gouvernement
recherche des solutions. L'Opposition dit: Prenez votre temps, prenons notre
temps. Trois mois de plus, trois fois 7, 21, 210 000 000 $, il n'y a pas de
problème, M. le Président; à 2 000 000 $ ou 3 000 000 $
par jour, on peut s'en payer, comme société, des motions de
report comme ça. Ils disent: Pendant ce temps-là, engageons des
actuaires à 250 $ l'heure pour vérifier les actuaires de la CSST,
les vérificateurs-actuaires de la CSST, les actuaires du
Vérificateur général et engageons tout ce beau
monde-là à 250 $ l'heure et ils vont nous faire des belles
études. Non, M. le Président, le gouvernement du Québec ne
cautionne pas cette attitude de l'Opposition et le gouvernement a l'intention
de prendre ses responsabilités maintenant, n'en déplaise à
l'Opposition officielle.
M. le Président, tous les observateurs indépendants le
disent: II faut agir dans le dossier de la CSST. Et je vous avoue que les
commentaires qu'a faits la députée de Johnson sur la CSST m'ont
un peu surpris parce que, malgré le débat actuel, il ne faut pas
oublier que la loi de la CSST, c'est une loi du Parti québécois,
ça, là. Ce n'est pas tombé du ciel un bon jour de mai. Ce
n'est pas une loi de 1970. Ce n'est pas une loi de 1986. C'est une loi du Parti
québécois, et la députée de Johnson - je l'ai
écrit - nous disait: «C'est une grosse bebelle qui ne marche
pas». Je l'ai citée. C'est elle qui a dit ça, M. le
Président. Ces gens-là ont fait une loi. Quelques années
plus tard, ils nous disent: C'est une grosse bebelle qui ne marche pas puis, au
même moment, ils font une motion de report pour reporter une disposition
législative pour améliorer une «grosse bebelle qui ne
marche pas».
M. le Président, il a beau être tard ou de bonne heure, je
dois vous dire qu'elle est dure à suivre. Puis là, en plus, elle
nous a dit, et je l'ai noté: «Tout le monde se plaint de la
CSST». C'est du monde, ça, tout le monde. C'est du monde. Puis
là, elle nous dit: Faisons une petite motion de report; dans le fond,
tout le monde se plaint de la CSST, c'est une grosse bebelle qui ne marche pas,
mais ça ne presse pas. Engageons des actuaires et prenons un autre petit
trois mois pour étudier la question. Ça fait six mois que le
ministre du Travail étudie la question, ça fait six mois qu'il y
a plein de gens au Québec qui se penchent sur le problème de la
CSST puis tout ce que l'Opposition a de brillant à sortir: Prenons un
petit trois mois de plus. Prenons un petit trois mois de plus, ça
coûtera 70 000 000 $ par mois, ce n'est pas grave.
Mais quand on regarde ce que les observateurs indépendants en
disent... Si la députée de Johnson peut me laisser parler, M. le
Président. Quand on regarde ce que les observateurs indépendants
en disent... Dans Le Quotidien, à Chi-coutimi - c'est toujours
bien le comté de la députée critique officielle du
gouvernement en cette matière, la députée de Chicoutimi -
M. Pierre Bergeron dit: «Les conséquences sont catastrophiques
pour les contribuables, les entreprises et l'État
québécois. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Le
déficit de la CSST, en 1991, s'est élevé à
près de 800 000 000 $.» Quand on a dans les mains, comme
gouvernement, une situation catastrophique, quand l'Opposition elle-même,
qui est l'instigatrice du projet de loi qui fait en sorte que nous sommes
devant une situation catastrophique, quand cette même Opposition qui
était, à l'époque, au pouvoir et qui a voté et
passé cette loi-là la qualifie de «grosse bebelle qui ne
marche pas», M. le Président, ça veut dire qu'il faut
changer des choses l'année même. Pas dans trois mois, pas dans six
mois, l'année même.
M. le Président, Frédéric Wagnière, dans
La Presse, le 23 mai, nous disait: «Après deux
années d'excédents budgétaires, la Commission de la
santé et de la sécurité du travail est à nouveau
dans le rouge et accumule un déficit de 750 000 000 $. Cela forcera
à augmenter de 30 % les cotisations des employeurs qui sont les seuls
à financer l'organisme au moment où on arrive à peine
à sortir de la récession.»
M. le Président, tous les observateurs sont unanimes: Nous sommes
devant une situation grave. Le Devoir, quant à lui, est encore
peut-être un peu plus cinglant, et Jean Francoeur disait, le 22 mai
dernier: «II n'y a plus de doute possible. Le plancher s'effondre sous
les pieds du régime québécois de la santé et de la
sécurité du travail.» M. le Président, c'est
sérieux, ce qu'en pensent les observateurs indépendants. Quand on
dit que le plancher s'effondre, on n'a pas trois mois pour faire les
réparations. Il faut se mettre à la tâche maintenant.
M. le Président, Le Soleil, à son tour, le 25 mai,
il y a une semaine, disait: «La Commission de la santé et de la
sécurité du travail est un grand navire en
détresse.» La députée de Johnson, le Parti
québécois nous disent: Le bateau coule, les amis. C'est une
grosse bebelle qui ne marche pas - dixit la députée de Johnson.
Prenons un petit trois mois, attendons que le bateau cale encore plus,
étudions encore la situation.
M. le Président, les employeurs, les travailleurs, les
observateurs indépendants, tous sont unanimes à dire que nous
avons un problème grave sur les bras. Peut-être ne sont-ils pas
tous unanimes quant aux moyens, peut-être ne sont-ils pas tous unanimes
quant aux solutions. D'ailleurs, un des éditorialistes disait que le
ministre ne pouvait pas, en ces matières, contenter tout le
monde. Partant de là, admettant le fait qu'il y a un
problème grave, admis de tout le monde, qu'il est des matières
comme celle-là où il est difficile de réconcilier tout le
monde, une voie seule s'offre au gouvernement: prendre ses
responsabilités, agir maintenant pour présenter à la
population un certain nombre de mesures pour améliorer la performance de
la Commission de la santé et de la sécurité du travail.
Voilà donc, M. le Président, pourquoi le gouvernement battra la
motion de report du Parti québécois.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Taschereau. Sur cette même motion de report, M.
le député de Lévis, vous pouvez faire 15 minutes. Allez-y,
M. le député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: M. le Président, il est possible que les
députés ministériels battent la motion du
député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, sauf que les
députés ministériels vont prendre leur biscuit aux
prochaines élections. C'est écrit dans le cimet, ça, et,
aussi, tout le monde le dit. Le député de Taschereau... Et,
d'ailleurs, ce n'est pas pour rien, M. le Président, que je lisais dans
Le Nouvelliste, le mardi, 26 mai 1992: «S'il quittait la politique
à l'âge de 50 ans, avec le nouveau régime, Maurice Richard
toucherait une rente annuelle de 19 000 $. En septembre 1996, le
député Maurice Richard atteindra l'âge de 50 ans. S'il
décidait de quitter la politique à ce moment-là - ce n'est
pas lui qui va décider, c'est les électeurs - après avoir
siégé durant tout près de 11 ans à
l'Assemblée nationale du Québec, il aurait alors droit à
une rente de retraite annuelle de 19 000 $ alors que, sous le régime
actuel, sa rente, à l'âge de 50 ans, serait de 12 000 $ par
année.»
M. le Président, c'est très pertinent parce qu'on est
justement dans les accidents du travail - la Commission de la santé et
de la sécurité du travail - il s'agit justement
d'indemnités aux travailleurs qui ont eu des accidents. Là, on
est dans le cas de députés qui n'ont pas eu d'accident du
travail, qui s'augmentent d'une claque leur pension de 12 000 $ à 19 000
$ à l'âge de 50 ans alors qu'on est dans une récession
économique. Alors qu'il y a une récession économique, M.
le Président, 4 200 000 000 $ de déficit au gouvernement du
Québec, CSST, 800 000 000 $ de déficit en 1991, 1 500 000 000 $
en 1992, on est en train de siphonner la Société de l'assurance
automobile du Québec de toute part et de tous côtés, un
gouvernement en banqueroute, un navire à la dérive, un bateau
sans capitaine sur une mer démontée, M. le Président. Et
on voit actuellement un premier ministre qui dort pendant que ses
«backbenchers» chantent le cocorico. Ils chantent le cocorico, M.
le Président!
Tantôt, le député de Taschereau parlait du sucre.
Bien oui! Aujourd'hui, le sucre au Québec est contrôlé par
BC Sugar, puisque Steinberg a vendu sa division du sucre à la
Colombie-Britannique qui, elle, a trouvé intelligent de l'acheter, M. le
Président. Le député de Taschereau est un acheteur ou sa
famille était des acheteurs de sucre. Pour faire des biscuits, ça
prend du sucre. Il est en conflit d'intérêts quand il parie de
cette question-là, M. le Président. (6 heures)
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Garon: Essentiellement, il est en conflit
d'intérêts, M. le Président. Aïe! Il avait peur,
essentiellement, du contrôle et de la protection qu'apportait aux
travailleurs une raffinerie de sucre au Québec, puisque c'était
essentiellement un secteur-témoin qui était au Québec.
Mais le Parti libéral, je me rappelle, dans les slogans, il y a quelques
années, quand il disait: Les libéraux donnent aux
étrangers...
Une voix: M. le Président, question de
privilège.
M. Garon: Bien là, le Parti libéral...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant,
M. le député de Lévis! Oui, M. le député de
Taschereau.
M. Leclerc: M. le Président, question... Une
voix:...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un
instant!
M. Leclerc: Question de privilège, M. le Président.
Je vous demanderais de rappeler le député de Lévis
à l'ordre, qui prétend que je suis en conflit
d'intérêts...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, ce n'est pas une
question... Je m'excuse, M. le député de Taschereau, ce n'est pas
une question de privilège, sûrement pas. Vous pensez à une
question de règlement. Ce n'est pas une question de règlement, je
m'excuse. Allez-y, M. le député de Lévis, continuez votre
intervention.
M. Garon: Je vous remercie, M. le Président. Je veux dire
que le député de Taschereau est là pour tuer le temps, on
le sait. Mais j'espère que, ce matin, quand il prendra son café,
il ne mettra pas de sucre dedans, parce que ce sera du sucre importé.
Grâce au gouvernement actuel, ce sera du sucre importé, un
gouvernement qui a préféré du sucre importé. Je
regarde le député qui présente le bill actuel et qui,
grâce à ce sucre importé, fera faire de l'esclavage
humain. Aujourd'hui, quand le Canada achète du sucre sur les
marchés internationaux, c'est un pays qui contribue à l'esclavage
humain parce que c'est le secteur actuellement où il est reconnu que
ceux qui font de la canne à sucre font l'esclavage des êtres
humains. Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, quand j'avais
fait un discours à l'Assemblée nationale justement en 1986 ou en
1987, j'avais dit, à ce moment-là, que les travailleurs gagnaient
0,25 $ par jour, les Haïtiens qui travaillaient en République
Dominicaine, du lever du soleil au coucher du soleil, 0,25 $ par jour, il me
disait qu'il m'avait à moitié cru et il était allé
en République Dominicaine et il avait eu un contact pour pouvoir aller
voir ce qui se passait. Il demandait aux travailleurs combien ils gagnaient.
Ils lui ont dit: 8 $ par mois. 8 $ par mois, je vous dis que c'est autour de
0,25 $ par jour. Quand on dit qu'il y a des augmentations de
productivité dans le sucre, la seule augmentation qu'il y a, c'est de
fouetter les gens davantage pour pouvoir leur donner les 0,25 $ par jour. La
seule augmentation possible. Et c'est ça que le Canada fait actuellement
en exploitant par sa politique sucrière l'esclavage dans le monde.
Gouvernement d'hypocrites que vous supportez. On va faire toutes sortes de
palabres sur l'Afrique du Sud, quand on supporte l'esclavage dans le monde par
ces politiques nauséabondes, minables, écoeurantes,
comprenez-vous? Dans le domaine du sucre, dont ce gouvernement-là est
responsable... Facile de parler, M. le Président. C'est comme les
questions de l'environnement, M. le Président. Et aujourd'hui, on a des
questions essentiellement de travailleurs, on parle de questions fondamentales:
il s'agit de la sécurité au travail, de la santé et des
accidents du travail.
M. le Président, si le député, ministre des
Transports, qui a de la misère à se tenir debout pour marcher
droit, mâcher de la gomme et marcher en même temps, pouvez-vous lui
demander...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Garon: M. le Président, pouvez-vous asseoir le
député, ministre des Transports, qui ne sait pas vivre et lui
demander de se fermer s'il n'a rien à dire comme d'habitude? M. le
Président...
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): S'il vous plaît! M.
le député de Lévis, continuez votre intervention. Le
ministre des Transports, auquel vous faisiez référence, est assis
à sa banquette et il vous écoute. Allez-y.
M. Garon: M. le Président, le ministre des Transports
devrait modérer ses transports, parce que, essentiellement, s'il y a
quelqu'un qui ne sait pas ce qu'il fait, c'est bien lui.
Des voix: Oh! Oh!
M. Garon: M. le Président, quant à ce projet de loi
là, c'est un projet de loi important qui concerne la santé des
travailleurs et la sécurité des travailleurs qui, dans les
entreprises, ont besoin d'une certaine sécurité. Quand on regarde
une caisse qui est en déficit de 800 000 000 $, il y a des raisons, et
quand on voit, par exemple, que l'administration a jugé bon de baisser
les cotisations en 1990, ça s'est fait, quoi? au pif? Pour des raisons
politiques, pour faire croire qu'il y avait une meilleure administration
gouvernementale alors que, même malgré des engagements, on disait
que, s'il y avait un déficit en 1990, on augmenterait les cotisations
et, en 1991, les cotisations ont encore baissé, M. le Président,
de 2,75 $ à 2,50 $ et à 2,32 $, ce qui voulait dire, en termes
d'indexation, exactement 2,17 $, M. le Président. Et aujourd'hui, on se
retrouve avec quoi? Avec un déficit épouvantable.
Alors, quand on parte de regarder ce qui se passe exactement, c'est le
même genre d'improvisation qui avait fait sans doute baisser les
cotisations en 1990. Et la présidente elle-même indiquait qu'elle
n'était pas d'accord avec cette baisse des cotisations. Aujourd'hui, je
comprends qu'on peut avoir des députés bouffons, des
députés bouffons, qui ne valent même pas le temps de la
Chambre; ils devraient voir comment ça coûte, le temps de la
Chambre en cette Chambre. Il est 6 heures du matin, une heure indue pour faire
des projets de législation, et je suis persuadé que, quand le
député, le ministre qui, actuellement, présente ce projet
de loi était dans les syndicats, il disait au gouvernement que
c'était épouvantable de légiférer à cette
heure-là. On légifère pour les travailleurs - il est 6
heures du matin - jour et nuit, alors qu'on a des projets de loi et une
administration pourrie à la CSST qui fait qu'il y a un déficit de
800 000 000 $. Alors qu'on disait qu'auparavant c'était bon, qu'on
pouvait baisser les cotisations, on se rend compte que c'était
improvisé, qu'on faisait n'importe quoi, et aujourd'hui on se dit qu'on
peut improviser encore une fois en inventant un projet de loi sans avoir les
études actuarielles et les concertations, les consultations qui
devraient être faites, M. le Président.
Le sanctionnement, M. le Président... J'entends le
député de Gatineau, vous savez, il passera pour quelqu'un qui
avait un cri, sauf que vous verrez dans le Journal des débats
qu'on ne verra pas grand-chose sous son nom. M. le Président, c'est
facile d'avoir des députés, beaucoup de députés en
cette Chambre sont rentrés sans être connus et vont sortir sans
être connus davantage. Pourquoi? Parce qu'essentiellement ils ne font pas
un travail sérieux sur les projets de loi qui sont
présentés en cette Chambre. Ils
contribuent par leur présence ici, aujourd'hui, à ce qu'on
fasse un débat insignifiant, en pleine nuit, avec des discours comme on
a entendus cette nuit, le député qui était là pour
tenir le temps.
M. le Président, on dit que ce n'est pas normal de
légiférer, et c'est pour ça, la motion de report,
essentiellement. Ce n'est pas normal de légiférer en fin de
session en pleine nuit sur quelque chose qui concerne tous les travailleurs du
Québec. C'est de même qu'on traite les travailleurs au
Québec avec le gouvernement actuel. On traite les travailleurs comme si
c'était des restants de fond de cour, comprenez-vous, comme si
c'était des déchets. Et on les traite avec quoi? Avec des projets
de loi à 6 heures du matin alors qu'ils auraient le droit d'être
travaillés avec des gens reposés, avec des études
normales, avec des gens qui veulent donner leur opinion dans des commissions
parlementaires, plutôt que dans le genre de brimbalages où on se
retrouve actuellement.
Je suis gêné, M. le Président, pour le ministre, qui
est pris dans une situation d'être en otage de son gouvernement, de
présenter un projet de loi à cette heure-là, alors qu'il
sait, comme représentant des travailleurs dans le domaine syndical, que
ce n'est pas de cette façon-là qu'on doit traiter les
travailleurs. C'est un domaine difficile, les accidents du travail, c'est un
domaine difficile. J'en ai vu, moi, plusieurs qui sont venus à mon
bureau de comté, plusieurs personnes qui ont eu des accidents du travail
qui sont venus à mon bureau de comté. Je dois dire que,
essentiellement, comme député de comté, on ne voyait pas
souvent des cas avant 1986 comme on en voit actuellement, des cas qui viennent
pour la CSST... M. le Président, s'il y a des députés qui
ne sont pas en état de siéger, êtes-vous capable de les
sortir?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le
député de Lévis, si votre intervention provoque certaines
réactions qui sont à peu près normales, comme ça a
été le cas suite à la dernière phrase, je
n'interviendrai pas. Votre intervention peut susciter des réactions.
À partir du moment où les réactions sont normales, elles
sont tolérables à l'intérieur de l'Assemblée.
Alors, continuez votre intervention, M. le député de
Lévis. Oui?
M. Jolivet: Question de règlement, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, sur quoi?
Allez-y.
M. Jolivet: Sur ce que vous venez de dire. M. le
Président, mon collègue a le droit...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Absolument.
M. Jolivet: ...en vertu de ce règlement de
l'Assemblée nationale d'intervenir sans que des personnes qui ne se
trouvent pas à leur banquette, en vertu de l'article 32, interviennent
indûment pour faire en sorte de nuire à mon collègue
pendant son allocution. Alors, je vous demanderais, M. le Président, de
demander aux gens de rejoindre leur banquette.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, là, vous
soulevez l'article 32, paragraphe 3. Vous avez raison. Ça, vous pouvez
exiger que chaque député regagne sa banquette. Alors, je demande
aux députés de le faire, et vous faites référence
à l'article 36, et vous avez raison de le dire: Aucun
député ne peut interrompre celui qui a la parole, sauf pour faire
un rappel au règlement, signaler le défaut de quorum ou attirer
l'attention sur une violation de droit ou de privilège. J'ai
indiqué au député de Lévis que son intervention
peut - et ça peut être même recherché par lui ou un
autre parlementaire - provoquer une réaction. En autant que la
réaction est normale, ça ne constitue pas une violation à
nos règlements ou à la Loi sur l'Assemblée nationale.
Allez-y, M. le député de Lévis. (6 h 10)
M. Garon: M. le Président, vous devriez lire les discours
des députés ministériels lorsqu'ils devaient siéger
trop tard. Le gouvernement, qui avait dit qu'il voulait légiférer
moins mais mieux, légifère beaucoup moins mais beaucoup plus mal.
C'est le résultat qu'on a en cette Chambre. Ne vous cassez pas la
tête, on va se revoir sur les prochaines tribunes, mais les travailleurs,
comprenez-vous, actuellement où on perd 100 000 emplois depuis un an au
Québec, où on perd des jobs, et où en plus il y a ceux qui
sont blessés dans les emplois, on veut les traiter plus
mina-blement.
M. le Président, c'est un projet de loi qui mérite
d'être étudié davantage qu'il l'est actuellement, d'une
autre façon qu'il l'est actuellement, et c'est pour ça la motion
de report du député de Sainte-Marie-Saint-Jacques,
essentiellement. Les travailleurs ont droit à plus de respect que
ça. Je regrette, je comprends que certains députés que
j'ai entendu tout à l'heure en cette Chambre, comme le
député de Taschereau... il a l'air à s'en foutre comme de
sa dernière chemise, des travailleurs du Québec, sauf que les
travailleurs ont le droit d'être traités mieux que ça. Ils
ont le droit d'être traités avec plus de respect que ça.
Ils ont le droit... Quand je vous parlais, tantôt, du chantier MIL Davie,
il y a 5000 cas, plus de 5000 cas, depuis 1986, d'accidents de travail, 5000
cas. Pas un cas ou deux cas, là, seulement dans une entreprise. Il y a
beaucoup de gens qui sont... Au cas où vous ne le sauriez pas,
même il y a eu des morts au cours des dernières années. Il
y a même eu des morts. Évidemment, il y a peut-être des
députés dans cette Chambre qui s'en foutent, hein.
Moi, je n'ai pas été élevé dans une
république de bananes. Je n'ai pas été élevé
dans une place, comprenez-vous, où la vie humaine ne compte pas, ou on
considère que c'est «expendable», comme ils disent dans
certains endroits, comprenez-vous. J'ai toujours été
élevé dans un endroit, l'Amérique du Nord, où on
considère que la vie humaine, c'est sacré, et qu'il y a une chose
qu'on doit faire... Puis, surtout d'être estropié, puis infirme
pour la vie, parce qu'il y a de la négligence dans des entreprises. De
quelle façon on va traiter ça, hein?
S'il y a un projet qui demande d'être étudié, c'est
un projet comme celui-là qui demande d'être étudié,
d'être étudié dans des conditions idéales, parce
qu'il y a des gens qui vont souffrir énormément d'une mauvaise
loi comme celle-là. C'est facile de dire qu'on abuse. Mais, moi, j'ai
appris une chose. Le député de Mille-Îles, qui est avocat,
le sait aussi quand, dans le domaine de l'assurance, des gens sont
touchés, le juge donne toujours le bénéfice du doute au
bénéficiaire, tout le temps.
Dans le projet de loi qu'on a devant nous, là, on n'a pas le
même sentiment. On a l'impression très forte que, quand le
bénéfice du doute-on apporte quelqu'un pour faire l'arbitre, puis
on le traite un peu à la bonne franquette, un peu rapidement, tandis
que, dans le domaine de l'assurance, dans le domaine privé, le juge
accorde toujours, en cas de doute, le bénéfice non pas à
la compagnie, toujours à l'assuré, parce que c'est lui qui
doit... parce que ce n'est pas lui qui spécifie les clauses. Ce n'est
pas lui qui détermine les règles; lui, il les subit. À ce
moment-là, comme il les subit, il doit avoir le bénéfice
du doute.
C'est pourquoi, M. le Président, un projet de loi comme
celui-là... puis je pense que la motion qui a été
présentée est une bonne motion, de prendre le temps qu'il faut
pour étudier ça non pas dans des marathons à 6 heures du
matin, comprenez-vous, M. le Président, mais qu'on étudie
ça en plein jour, normalement. Prendre le temps qu'il faut par respect
pour les millions de travailleurs qu'il y a au Québec qui peuvent
être assujettis à la loi, puis qui peuvent dépendre de la
loi, puis qui peuvent être pris dans des accidents du travail, puis
être pris pour leur vie entière dans une des séquelles
d'accident de travail, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Lévis. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Alors, M. le ministre du Travail, vous avez droit à une intervention de
15 minutes.
Des voix: Bravo! Bravo!
M. Normand Cherry M. Cherry: Merci, M. le Président. Bien
sûr, presque huit heures plus tard, je me réfère à
celui qui vient de céder la parole en disant qu'on ne devrait pas faire
ça à des heures indues. Je lui rappellerai qu'on est en
débat sur ce projet de loi depuis bientôt huit heures.
M. le Président, il me semble, à ce moment-ci, important
de rappeler certains faits qui ont tout le sens du débat que nous avons
entrepris de faire. Certains ont invoqué, comme si ce projet de loi
là se faisait à la vapeur, à la dernière minute, en
catimini, comme si tout ça, là, était caché ou
nébuleux. Je tiens à rappeler, M. le Président, que, dans
un premier temps, dès l'automne dernier - donc, on va reculer,
là, environ de huit mois en arrière - j'ai
référé le dossier de la situation de la CSST au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre.
Pourquoi j'ai choisi de l'envoyer, là? Dans un premier temps, M.
le Président, parce que la loi de la CSST en est une qui est
basée sur le paritarisme. Donc, j'ai pensé que le Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, où sont
représentés l'ensemble des partenaires, beaucoup plus large que
ceux qui sont à la CSST, l'ensemble patronal comme syndical au
Québec... Dans un deuxième temps, M. le Président, je l'ai
référé là à la demande des parties. Pas un
caprice du ministre, mais à la demande des parties, à la
suggestion des parties et, de façon plus insistante, à la
suggestion des parties syndicales. On m'a dit: M. le ministre,
référez-le au Conseil consultatif, offrez-nous ça à
un débat plus large et nous nous engageons à vous
présenter des recommandations de mesures législatives et
administratives pour corriger la situation de la CSST.
Durant cette même période, M. le Président, j'ai, en
cette Chambre, informé que si des groupes souhaitaient être
entendus devant le Conseil consultatif, si des groupes souhaitaient
présenter des mémoires au conseil consultatif, c'est avec plaisir
et empressement que je faciliterais la démarche de ces groupes. J'ai
même, à l'époque, vous vous en souviendrez, M. le
Président - le Journal des débats en témoignera -
suggéré à la formation de l'Opposition, à notre
collègue, la députée de Chicoutimi, responsable dans ce
dossier, que si elle souhaitait, personnellement, témoigner devant la
Commission pour y déposer un mémoire...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le
ministre! Un instant! M. le député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, puisque le ministre nous
donne la prestation d'un discours important, pourrait-on avoir le quorum?
M. MacMillan: Je m'excuse, on l'a, le quorum.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un ins-
tant! Un instant! Un instant!
M. MacMillan: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non, je suis
à vérifier le quorum. Non, non, je suis à vérifier
le quorum, je m'excuse. Il y a quorum, allez-y!
M. MacMillan: M. le Président, une question de
règlement. Les gens qui fument, en arrière de l'Assemblée
nationale...
Une voix: Sur quoi?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Non, non, je m'excuse, M.
le député de Papineau, ce n'est pas une question de
règlement. Je veux rappeler aux parlementaires qu'en vertu de l'article
36, tout député peut soulever la question de quorum comme tout
député peut invoquer également le paragraphe 3 de
l'article 32, à savoir que chaque député doit être
assis à sa banquette et on ne peut pas lui en faire reproche. Allez-y,
M. le ministre, continuez votre intervention.
M. Cherry: merci, m. le président. on reconnaît
l'habileté du député de laviolette, qui souhaitait que je
perde le fil de mon idée, en étant en train de rappeler à
cette assemblée...
M. Jolivet: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Laviolette.
M. Jolivet: M. le Président, en vertu du règlement,
il n'y a personne qui peut m'imputer quelque intention ou motif que ce soit.
Mon travail de représentant de l'Opposition m'indiquait qu'il fallait
demander quorum à ce moment-là.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le nis-nistre, je
venais tout juste d'indiquer que l'article 36 permet et permettait au
député de Laviolette de soulever le quorum. Vous ne pouvez pas
lui en faire reproche de quelque façon que ce soit. Continuez votre
intervention, s'il vous plaît.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Je disais donc, avant
que le député de Laviolette exerce son droit et demande le
quorum, que j'avais même offert à notre collègue, la
députée de Chi-coutimi, si elle souhaitait, au nom de sa
formation politique, présenter un mémoire au Conseil consultatif
du travail et de la main-d'oeuvre ou si elle souhaitait y témoigner
personnellement, que je faciliterais cette démarche parce que,
disait-elle, elle souhaitait une contribution de sa formation politique
à l'élaboration de recomman- dations, de mesures et
législatives et administratives dans la démarche qu'avait
acceptée le Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Vous
conviendrez, M. le Président, qu'elle ne s'est pas prévalue de
cette offre, n'a sollicité aucune entrevue et n'a déposé
aucun mémoire. (6 h 20)
Six mois plus tard, le Conseil consultatif du travail et de la
main-d'oeuvre, et avec déception, je l'ai déclaré, a
décidé de déposer, chacune des parties, ses propres
recommandations n'ayant été, d'aucune façon, capable de
faire unanimité pour respecter le mandat qu'elles avaient
sollicité, à savoir des recommandations de nature
législative et administrative. Devant ce constat d'échec des
parties et devant la non-contribution de la formation des gens d'en face, j'ai
décidé, dans le but de sauvegarder le régime de la CSST,
pour mieux protéger les travailleurs et travailleuses du Québec,
de déposer un projet de loi.
On m'avait prévenu, M. le Président, qu'on me ferait la
vie difficile. On m'avait dit que ce serait mon baptême. J'accepte. Ce
sont les règles du jeu, et je les accepte, M. le Président. J'ai
accepté les responsabilités qui sont celles que m'a
confiées notre formation politique. Je dépose un projet de loi et
j'ai offert d'entendre les groupes intéressés. J'ai offert
d'entendre des groupes qui me sont suggérés et j'en nommerai
certains: évidemment, les formations syndicales, à savoir...
M. MacMillan: Je m'excuse, question de règlement, M. le
Président. L'article 32 pour les députés, pour qu'ils
soient assis à leur place.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 32,
si les députés veulent reprendre leur banquette. S'il vous
plaît! S'il vous plaît! Oui, M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Bélisle: M. le Président, je pense que dans
cette Chambre, on doit démontrer une attitude digne d'un parlementaire,
et ce qui se passe quelquefois derrière votre dos, je sais que c'est
difficile pour vous d'avoir des rétroviseurs mais, nom de Dieu! que ce
n'est donc pas quelque chose de digne d'un parlementaire.
Une voix:...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît, M. le député! Alors, M. le ministre, si
vous voulez poursuivre votre intervention. Il vous reste sept minutes.
M. Cherry: Merci, M. le Président. Donc, durant les huit
heures qui ont précédé, en aucun moment les faits que je
viens de rapporter n'ont été soulevés par aucun des
intervenants de nos amis d'en face. Pourtant, ils sont la raison même de
ce projet de loi. On parle de collaboration. On ne fait qu'en parler parce que,
quand il est
temps de joindre le geste à la parole, on invoque les raisons que
nous avons, ensemble, eu à entendre dans les dernières
heures.
M. le Président, les travailleurs et travailleuses du
Québec ont droit de s'attendre, de la part de leurs législateurs,
devant la situation qui fait l'unanimité quant à sa
précarité, quant aux difficultés... Et, là-dessus,
il y a unanimité. Évidemment, ça diffère au niveau
des solutions et ça, c'est tout à fait normal. Un des
éditorialistes - et j'irai de mémoire, M. le Président, je
crois que c'est Jean Francoeur du Devoir - disait qu'il y aura
impossibilité de réconcilier les parties et que, dans ce
domaine-là, il est fort possible qu'il faudra que le ministre fasse un
bout de chemin seul.
M. le Président, j'accepte la responsabilité. J'ai
confié aux parties le mandat qu'elles m'ont demandé. Elles n'ont
pu mener à bonne fin l'exercice qu'elles avaient ensemble accepté
de faire. La situation commande que je dépose le projet de loi qui est
devant nous, et vous pouvez être assuré, M. le Président,
que dans l'esprit de collaboration qui m'a toujours animé, chaque fois
qu'il sera possible de faire cheminer ce dossier dans le respect de
l'échéancier qu'on s'est fixé, c'est avec collaboration
que je le ferai, mais en n'acceptant jamais qu'on soit détourné
de l'objectif de bien protéger les travailleurs et les travailleuses
accidentés du Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, je vais mettre
maintenant aux voix la motion du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui se lit comme suit: «Que la motion en
discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en
ajoutant, à la fin, les mots "dans trois mois".»
M. Chevrette: M. le Président, j'aimerais qu'on fasse
appel aux députés pour un vote nominal.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, l'appel nominal
du vote est demandé. Qu'on appelle les députés! (6 h 25 -
6 h 33)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il
vous plaît! Je mets aux voix la motion du député de
Sainte-Marie-Saint-Jacques qui se lit comme suit: «Que la motion en
discussion soit modifiée en retranchant le mot "maintenant" et en
ajoutant à la fin les mots "dans trois mois".»
Que ceux et celles qui sont pour cette motion veuillent bien se
lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme
Blackburn (Chicoutimi), M. Garon (Lévis), M. Jolivet (Laviolette), M.
Baril (Artha-baska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jon- quière), M.
Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré
(Shefford), M. Boule-rice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion
(Montmorency), Mme Caron (Terrebonne), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Côté
(Rivière-du-Loup), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Cherry (Sainte-Anne),
M. Bélisle (Mille-Îles), M. Cusano (Viau), M. Cannon (La Peltrie),
M. Philibert (Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon
(Saint-Louis), M. St-Roch (Drummond), M. Le-clerc (Taschereau), M. Tremblay
(Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Farrah
(îles-de-la-Madeleine), M. Messier (Saint-Hyacinthe), Mme Bégin
(Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin
(Montmagny-L'Islet), M. Gautrin (Verdun), M. Khelfa (Richelieu), M. Gobé
(LaFontaine), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Audet
(Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger
(Mégan-tic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouil-iette
(Champlain), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M.
Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Y a-t-il des
abstentions? Aucune abstention. le secrétaire: pour: 15 contre:
33 abstentions: 0
Reprise du débat sur l'adoption du
principe
Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion est
rejetée. Nous poursuivons sur la motion proposant l'adoption du principe
du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Je suis
prêt à reconnaître un prochain intervenant. M. le
député de Montmorency.
Des voix: Bravo!
M. Jean Filion
M. Filion: M. le Président, comme vous pouvez le
constater, ce projet de loi est un projet de loi tellement important que nous
allons certainement, tous et chacun de l'Opposition officielle, dire ce qu'on
en pense. La santé et la sécurité du travail, je pense que
c'est quelque chose de tellement important dans notre société
qu'on ne peut pas commencer à légiférer à la
pièce. J'écoutais le député de Mille-Îles,
tout à
l'heure, nous raconter qu'effectivement, actuellement, on
présente un projet qui, à toutes fins pratiques, ne règle
pas, au fond, tous les problèmes, et on le reconnaît. En
même temps, on le reconnaît et on dit: Pourquoi se poser des
questions si, effectivement, on n'a pas l'intention de régler les
problèmes?
La santé et sécurité du travail, la CSST,
l'organisme est en déficit, et je pense que ce déficit atteint
des proportions inacceptables. On ne peut plus, en tant que gouvernement
responsable, légiférer à la pièce,
légiférer de façon à régler partiellement
les problèmes et, surtout, avoir peur d'examiner à fond les vrais
problèmes qu'a cet organisme-là. Il est rendu, bien sûr, 6
h 40, mais je pense que nous allons continuer jusqu'à la fin, nous
allons démontrer à la population l'importance que le gouvernement
doit accorder à ce projet. Il doit s'arrêter et
reconsidérer une étude détaillée de toutes les
implications et des conséquences du projet de loi.
J'écoutais le député de Mille-Îles, tout
à l'heure, nous faire un beau discours sur la gestion, sur le
contrôle de la gestion. M. le Président, un déficit, ce
n'est pas très compliqué, ça se résume à
ceci: revenus moins dépenses égale déficit. À
partir du moment où on est face à un déficit et qu'on doit
commencer à regarder ce qui se passe, parce que le projet de loi, au
fond, ne vise qu'à mettre en branle des procédures pour
éliminer le déficit, comment voulez-vous qu'on ne se questionne
pas quand on regarde l'aspect des revenus de la CSST? Au cours des deux
dernières années, on a réduit les taux. On réduit
systématiquement les taux de revenus et on s'étonne - et on
s'étonne - de faire un déficit additionnel. En 1990, on avait un
taux moyen de 2,75 $ qu'on a baissé à 2,50 $. On a
créé un déficit en 1990 et, en 1991, encore une fois, on
réduit les taux. On se retrouve encore une fois avec un autre
déficit de tout près de 800 000 000 $. (6 h 40)
Alors, M. le Président, il faudrait qu'il y ait du
sérieux. Je pense que le principe de l'im-putabilité, c'est un
principe qui doit effectivement s'appliquer, et il y a des gens qui doivent
rendre compte. Actuellement, on est en train de légiférer des
mesures pour restreindre davantage l'application et la sécurité
des travailleurs, où on y va uniquement sur une partie du
problème, où on semble vouloir tout mettre sur la faute de la
personne qui a subi le préjudice. On semble dire qu'il y en a trop qui
subissent des accidents; c'est eux qu'on va pénaliser. M. le
Président, ce n'est pas ça. Le problème, à la CSST,
c'est un problème d'ensemble. On ne peut pas légiférer
à la pièce. Je pense qu'au niveau des revenus, juste là,
on est en train de réduire les contributions de la part des employeurs.
Et je pense qu'à ce niveau-là l'employeur va devoir faire sa
part.
Il y a un cas qui est arrivé dans mon comté,
récemment. On est venu m'expliquer qu'une entreprise de Toronto savait
et connaissait la problématique: dans l'usine, il y avait des gaz
toxiques qui s'échappaient. On laissait travailler les gens dans
l'usine, sachant très bien que ce gaz-là allait, à toutes
fins pratiques, rendre les gens malades. De façon
délibérée, l'entreprise, M. le Président, venait
d'entraîner des coûts sociaux à notre société
et venait d'accepter que des travailleurs soient malades, chez nous. Au fond,
on s'en foutait, M. le Président, parce que les patrons,
là-dedans, n'ont rien à assumer. C'est la CSST qui va s'en
occuper par la suite et la santé des travailleurs
québécois, bien, ce n'est pas important!
Je pense qu'il y a une conscientisation, M. le Président, autant
du côté patronat, qui doit s'exercer au niveau de l'assurance et
de la couverture des gens qui subissent des préjudices et des accidents
au travail.
M. le Président, moi, je pense qu'un projet de loi comme celui
qui nous est présenté actuellement, le projet de loi 35, n'est
que partiel, n'est que partiel et ne fait pas l'unanimité. Tous les
groupes, tous les intervenants le disent, et tout le monde demande une
enquête, un examen plus approfondi de ce qui se passe avec cette
CSST.
Alors, M. le Président, comment voulez-vous qu'on puisse accepter
de voter un projet de loi sans dire au gouvernement en place, qui agit d'une
façon improvisée et qui devient un peu, M. le Président,
avec les années, l'expert des déficits... Vous savez, M. le
Président, le déficit de la CSST de 800 000 000 $... Quand vous
commencez à regarder le déficit record auquel on vient d'assister
au niveau budgétaire, de 4 200 000 000 $, et qu'ils ont augmenté
la dette, la dette, de 5 000 000 000 $, juste dans l'année 1991-1992...
M. le Président, je pense que ce gouvernement-là commence
à avoir des problèmes sérieux de gestion et beaucoup de
plomb dans l'aile, effectivement. Je pense que là, il va falloir que ces
gens-là prennent au sérieux les commentaires venant de tous les
groupes et qu'ils s'assoient d'une façon responsable et qu'ils examinent
en détail les solutions à apporter et non pas une
législation à la pièce qui, à toutes fins
pratiques, ne corrigera pratiquement rien.
Alors, M. le Président, de l'Opposition officielle, nous allons
effectivement continuer à expliquer à la population que la
santé et la sécurité au travail, c'est très
important, et que les gens doivent avoir de l'information. Nous, notre
rôle, M. le Président, c'est justement de rester
éveillés et de questionner le gouvernement en place, de fournir
ces informations-là, M. le Président. C'est ce qu'on a fait toute
la nuit, M. le Président. On est restés éveillés et
on va continuer de l'être, effectivement, parce qu'on n'a pas le choix,
M. le Président. S'il fallait qu'on oublie le rôle qu'on doit
jouer, ce serait catastrophique.
Vous savez, M. le Président, j'ai une
expérience parlementaire encore toute récente, mais,
déjà, des quelques projets de loi que j'ai étudiés,
M. le Président, c'est phénoménal ce qui se passe. Vous
savez, quand on est rendu qu'un gouvernement vote sur des trous fiscaux, c'est
spécial. On reconnaît qu'il y a un trou dans la loi et on vote
pour le trou. C'est très très très spécial.
Imaginez-vous, M. le Président, s'il faut surveiller ce qui se passe
dans cette Chambre-là!
M. Chevrette: Je voudrais m'excuser auprès de mon
collègue. Je vous demanderais, M. le Président, de bien
vérifier le quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les
députés.
M. Chevrette: C'est ça.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): si vous voulez prendre
place. m. le député de montmorency, si vous voulez poursuivre
votre intervention, je note qu'il reste 12 minutes à votre
intervention.
M. Filion: Merci, M. le Président. On devrait en avoir
plus, mais on va prendre les 12 minutes qu'il nous reste. M. le
Président, je parlais de la législation qui se passe ici, en
cette Assemblée, et, tout à l'heure, le député de
Mille-îles, effectivement, qui est une personne très
consciencieuse et une personne qui, d'ailleurs, écrit des livres
très intéressants, semble-t-il...
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Fiiion: ...nous donnait un cours sur la bonne gestion du
gouvernement, comment ça devrait s'opérer. Il nous faisait un peu
la leçon, à savoir qu'il faut être consciencieux et
responsable et faire en sorte que ça se passe correctement dans cette
Chambre. Je lui rappellerais, M. le Président - et c'est ce que
j'étais en train de lui expliquer - qu'en cette Chambre son propre
gouvernement avait voté sur un trou fiscal avec la loi 170 sur la TVQ.
Et, tout récemment, j'étais en train d'étudier un projet
de loi, M. le Président, un deuxième, un projet de loi
privé, et là ce gouvernement-là nous présente -
écoutez bien, M. le Président - des clauses illégales, des
clauses qui, à toutes fins pratiques, vont être contestées
par les tribunaux. On nous en fait un beau projet de loi, on nous le
présente, et on dit: Votez pour ça; c'est, à toutes fins
pratiques, illégal, mais ce n'est pas grave. Ici, au gouvernement, on
peut légiférer, on a la souveraineté, on peut
légiférer sur n'importe quoi.
Alors, M. le Président, je pense que des leçons, on n'en a
pas beaucoup à avoir, des leçons, quand on est face à des
situations aussi cocasses et même ridicules que celle de voter sur un
trou fiscal et des projets de loi avec des clauses carrément
illégales et reconnues illégales par les tribunaux. Et la
jurisprudence est très éloquente à cet effet. Et quand je
l'ai présenté en commission, on m'a répondu: Non, non,
non. J'avais tort. Mais, actuellement, on est en train de l'étudier au
ministère de la Justice, et on va nous revenir avec ça.
Alors, de l'improvisation, M. le Président, vous en voulez, il y
en a. On en a plus qu'on en a besoin, et c'est ça, actuellement, que
l'Opposition est en train de décrier à travers ce projet de loi
là, le projet de loi 35. Un projet de loi qui doit être
repensé, où on doit faire intervenir les gens, tous les
intervenants, M. le Président, et qu'on fasse la lumière. Est-ce
qu'il y a des choses à cacher à la CSST? Pourquoi on nous
empêche de questionner le président? Pourquoi on nous
empêche de lui demander des informations sur sa gestion? M. le
Président, c'est une gestion qui, à toutes fins pratiques, est
complètement injustifiable.
M. Diamant ne fait pas des affaires d'or, M. le Président, et
c'est ça, notre problème à la CSST. S'il faisait des
affaires d'or, on n'en parlerait pas. Non seulement il ne fait pas des affaires
d'or, mais, actuellement, il est en train de changer les règles du jeu.
Lui, ou on ne sait pas trop qui, change les règles du jeu sans se poser
les vraies bonnes questions. Et, M. le Président, on ne peut pas
accepter, au nom des citoyens et des citoyennes du Québec, qu'on
compromette une couverture d'assurance aussi importante que celle de la
santé et la sécurité au travail. Et ces gens-là,
qui pensent déjà à leur retraite, il faudrait qu'ils
aillent plus loin, M. le Président. Je peux très bien comprendre
qu'ils aient le goût d'abandonner la politique parce que, effectivement,
les sondages ne les favorisent pas - ça, je peux comprendre ça -
mais de là à penser uniquement à bonifier un régime
de retraite ou de pension, il faudrait aussi s'assurer que les travailleurs et
les travailleuses du Québec... (6 h 50)
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. Je m'excuse, M. le
député.
M. Chevrette: ...vous allez être obligé, encore une
fois, de rappeler le quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais vérifier
s'il y a quorum, M. le député.
M. Chevrette: 18.
Une voix: C'est correct.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, si vous voulez poursuivre.
Des voix: Ha,ha, ha!
Une voix: II y a à nouveau quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je constate qu'il y a
quorum. M. le député, si vous voulez poursuivre.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Filion: Merci, M. le Président, de voir que les gens
sont encore intéressés à entendre ce qu'on a à
dire.
M. le Président, comme je le disais, j'étais en train de
parler, justement, des régimes de pension lorsqu'on m'a coupé la
parole, et je me disais qu'on devait avoir un souci aussi grand, face à
la sécurité des travailleurs au Québec, qu'on peut avoir
un souci important lorsqu'on parle de bonifier le régime de pension d'un
député.
M. le Président, si on avait ce même souci-là, on ne
serait pas, actuellement, en train de discuter d'un projet partiel, d'un projet
qui ne règle, à toutes fins pratiques, presque rien à la
problématique d'ensemble de la CSST. C'est là, M. le
Président, qu'on a un problème de comportement, au niveau du
gouvernement libéral, et je pense qu'on devrait, d'une façon
sérieuse, s'arrêter, écouter les gens, écouter ce
qu'ils ont à dire. Les gens sont conscients des problèmes, mais
il n'y a personne qui veut s'asseoir d'une façon responsable et faire en
sorte qu'on trouve des solutions ensemble et qu'on écoute ce qui se
passe.
M. le Président, on ne peut pas accepter un déficit de 800
000 000 $ en disant: On va faire un petit projet de loi, trois ou quatre
petites mesures. On ne règle rien, mais ce n'est pas grave. Ils vont
penser qu'on a réglé quelque chose, surtout lorsqu'on demande au
gouvernement de nous donner quelques heures pour qu'on puisse poser des
questions et qu'on puisse, au nom de la population, les rassurer qu'au fond il
fait du bon travail, le gouvernement en place.
Mais, qu'est-ce que vous voulez, le gouvernement ne veut pas. Il ne veut
pas ouvrir. Il ne veut pas laisser questionner les dirigeants, ceux qui sont
responsables. C'est vrai que, du côté du gouvernement en place, M.
le Président, ce sont les premiers à demander qu'on impute aux
hauts fonctionnaires des responsabilités. Mais, lorsque l'Opposition
demande à ces gens-là de les amener autour d'une table pour
qu'ils répondent à des questions, ce sont les premiers à
dire: Non, non, non, ne venez pas dire quoi que ce soit. On ne veut rien savoir
de ce qui se passe. Au contraire, ce qui se passe chez vous, gardez-le chez
vous, puis la transparence, nous, on n'est pas pour ça.
M. le Président, on doit être pour ça. On doit
être pour ça quand on parle de deniers publics, quand les gens ne
comprennent plus ce qui se passe avec leur surtaxation. Les gens sont
surtaxés, M. le Président, et ne comprennent pas où va
l'argent. alors, il faut donner la possibilité de faire des tribunes, de
faire des séances d'information, et que les gens puissent comprendre ce
qui arrive avec leur argent. 800 000 000 $ de déficit rajoutés
à un déficit record de 4 200 000 000 $, ça fait beaucoup
d'argent.
Une voix: Pour 20 000 000 000 de population.
M. Filion: Mais je vous dirais... Justement, je trouve ça
intéressant, ce que vous venez de dire. Quand vous regardez
l'évolution du déficit et de l'endettement, c'est
intéressant, ça, ce qu'on vient de soulever. Je vais prendre deux
petites secondes pour l'expliquer. Savez-vous, en 1984-1985, que l'endettement
était rendu à 27 944 000 000 $?
Une voix: Un détail.
M. Filion: Un petit détail. À combien vous pensez
qu'on est rendu aujourd'hui, M. le Président?
M. Chevrette: M. le Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
M. le député.
M. Chevrette: ...question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur la question de
règlement.
M. Chevrette: Oui. M. le Président, je pense que vous
aurez observé. À trois reprises, je vous ai fait signe, mais
là je fais appel à vous pour que vous puissiez faire respecter
l'article 32.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Vous avez raison. Alors,
selon l'article 32, en vertu du décorum, si les députés
veulent bien prendre les banquettes qui leur sont assignées.
Vous pouvez poursuivre, M. le député.
M. Filion: Merci, M. le Président. Je pense que le
gouvernement en place est resté avec des vieux clichés. Ils n'ont
pas mis à jour leur information financière. Je vais leur
permettre de le faire, avec mon exposé. Savez-vous qu'actuellement on va
être rendus à tout près de 55 000 000 000 $ d'endettement?
À 55 000 000 000 $ d'endettement sur huit ans, M. le Président,
le...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de quel
article, M. le député?
M. Chagnon: L'article 211.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Article
211, oui.
M. Chagnon: II serait peut-être intéressant de
demander au député de revenir sur le sujet.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, vous pouvez poursuivre votre discussion.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Filion: Le sujet, M. le Président, c'est le
déficit. M. le Président, le sujet, c'est le déficit. Je
comprends que le député de Saint-Louis ne comprend pas ce que
c'est qu'un déficit, mais je n'y peux rien, M. le Président.
C'est pour ça qu'il y a des décrochages partout. Mais des
déficits, ils ne comprennent pas ça. Mais il faudrait quand
même leur en parler, ils vivent dedans, puis c'est eux qui le
créent actuellement, le déficit, M. le Président, qui
crée de l'endettement. Ça va de soi, un déficit, ça
crée des dettes. Je n'y peux rien, M. le député de
Saint-Louis. Si vous ne comprenez pas ça, je n'y peux rien.
Alors, écoutez. À ce moment-là, M. le
Président, les experts du déficit ont réussi à
amener un déficit global de tout près de 55 000 000 000 $. De 55
000 000 000 $ au Québec. Et ils ont une augmentation moyenne depuis
qu'ils sont au pouvoir, écoutez bien, de 3 400 000 000 $. M. le
Président, 3 400 000 000 $, c'est la moyenne la plus
élevée. Sous le Parti québécois, on était
à 2 500 000 000 $. Alors, ces gens-là, M. le Président,
leurs informations financières ne sont plus à jour. Ils vivent
avec de vieux clichés, ils s'imaginent qu'ils ne sont pas au
gouvernement, puis ils n'administrent plus rien.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député! M. le député, si vous voulez prendre la
parole, je vous reconnaîtrai aussitôt que vous le voudrez. Si vous
voulez poursuivre, M. le député, il reste deux minutes à
votre intervention.
M. Filion: Merci, M. le Président. Je veux continuer dans
cette ligne-là du déficit, parce que le projet de loi - pour
revenir au député de Saint-Louis qui pense que je suis hors
d'ordre - est là pour corriger des déficits. Alors, M. le
Président, le gouvernement libéral, quant à moi, c'est
l'expert des déficits. Ils ont dépassé la moyenne du
passé qu'on avait, et de beaucoup, de près de 900 000 000 $ de
moyenne par année. C'est extraordinaire! Juste dans la dernière
année, ils ont pris un endettement de 5 000 000 000 $. C'est
fantastique. Alors, essayez d'expliquer ça à la population. Les
gens en ont ras-le-bol des déficits, comprenez-vous ça? Ils en
ont ras-le-bol. Et là, effectivement, on vous dit: Vous présentez
un projet de loi qui ne corrige rien...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous
plaît!
M. Chevrette: Question de règlement. M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, M. le député.
M. Chevrette: Là, M. le Président, ça fait
deux fois. La troisième fois, si on n'est pas capables de faire nos
discours sans avoir la paix, je vais vous demander d'ajourner les travaux,
point final.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je demande la
collaboration de tous les députés de cette Assemblée.
L'Assemblée nationale siège et je vous demande votre
collaboration. M. le député, si vous voulez poursuivre, il vous
reste une minute.
M. Filion: Merci, M. le Président. Maintenant que j'ai
fait la démonstration que le gouvernement libéral était
l'expert et le champion des déficits, je pense que j'ai terminé
à ce niveau-là, M. le Président, mais je vais simplement
terminer mon exposé, parce que le temps court et je sais qu'on est
limités dans le temps, en disant que ce projet de loi partiel doit
être, à toutes fins pratiques, remis sur une table pour qu'on
puisse discuter et vraiment arriver à de vraies solutions et que tout le
monde puisse y participer.
Motion d'ajournement du débat
Dans ce sens-là, M. le Président, j'aimerais
présenter une motion en terminant mon exposé. Cette motion se lit
comme suit: «Qu'en vertu des dispositions à l'article 100 du
règlement à l'Assemblée nationale le débat en
cours, M. le Président, sur la motion soit ajourné.» Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre motion est
recevable, M. le député de Montmorency. En vertu de l'article
103, vous avez un temps de parole de 10 minutes. La formation
ministérielle a un temps de parole de 10 minutes, un membre de la
formation de l'Opposition a un temps de parole de 10 minutes, et vous avez un
droit de réplique de 5 minutes. La parole est à vous, M. le
député, sur la motion d'ajournement du débat.
M. Jean Filion
M. Filion: Merci, M. le Président. Alors, compte tenu que
le projet de loi est sur le déficit, on veut régler le
déficit au Québec. C'est important pour ce gouvernement-là
de régler le déficit. Alors, M. le Président, les
déficits
actuellement, tant à la CSST qu'au gouvernement du Québec,
ne sont plus acceptables. La population attend des projets de loi
sérieux, des projets de loi où on va s'attendre effectivement
à des résultats concrets, des projets de loi où on va
sentir que l'administration publique et parapu-blique fait une saine gestion et
qu'on va enfin réussir à contrôler ces opérations.
(7 heures)
Le projet de loi 35, M. le Président, ce projet de loi là,
c'est unanime, il ne règle rien, et même le député
de Mille-Îles le reconnaissait tout à l'heure. Alors, à
quoi nous sert de légiférer si on ne règle rien? À
quoi nous sert de légiférer si on perd notre temps? À quoi
nous sert de légiférer, M. le Président, si on n'est
même pas capable d'écouter les gens qui ont des choses à
dire pour régler les problèmes?
Alors, M. le Président, je pense que là, si on est pour
légiférer pour légiférer et qu'on ne règle
rien et qu'au fond on ne fait qu'essayer de mettre une espèce de
diachylon sur le problème, sans vraiment s'asseoir puis aller voir,
à la source, les vraies origines et les corriger, alors, M. le
Président, on va se retrouver l'an prochain avec un autre déficit
record. Vous savez, M. le Président, on est dans la course à
relais des déficits records. C'est parti, M. le Président. Vous
savez, on a présenté un budget à 3 790 000 000 $, mais
laissez-moi vous dire que l'an prochain, ce déficit-là va
être beaucoup plus élevé. On sera encore en face d'un autre
déficit record. C'est l'évidence même.
Alors, M. le Président, comment voulez-vous que la population
puisse croire que le projet de loi 35 va, à toutes fins pratiques,
régler les problèmes en matière de santé et
sécurité et, en même temps, régler le
problème du déficit quand on continue à faire une
diminution des revenus au niveau des cotisations et qu'on ne questionne jamais
la gestion de la CSST, M. le Président? Il me semble que ça va de
soi. Quand on ne veut pas augmenter les cotisations aux entreprises, il reste
une solution à regarder, c'est au niveau de la gestion des
dépenses et de l'assurabilité des travailleurs. Alors, la
dépense est de deux ordres: l'ordre gestion administrative et l'ordre
assurabi-lité.
Alors, M. le Président, il faut regarder la question gestion.
Ça coûte une fortune et il y a des choses qui se passent à
l'intérieur qui doivent être expliquées. Il y a des choses
qui se passent à l'intérieur de cette boîte-là qui
doivent être mises à jour, et les gens doivent comprendre ce qui
se passe. M. le Président, le rôle de l'Opposition, effectivement,
c'est de faire en sorte que le gouvernement libéral soit un tantinet
responsable et qu'il donne des explications, qu'il fournisse des informations
et non pas se cacher derrière un projet de loi qu'eux-mêmes
reconnaissent qu'il ne règle absolument rien.
Comment voulez-vous, M. le Président, qu'on puisse appuyer un peu
cette démarche-là?
C'est impossible, M. le Président. On a passé la nuit
à l'expliquer à ces gens-là, et je pense qu'ils n'ont pas
encore compris, M. le Président. C'est dommage. Probablement qu'ils vont
comprendre lorsqu'on se présentera en élection. Les gens vont
dire: Bien là, on en a assez, effectivement. Vous ne comprenez rien. On
va essayer de vous démontrer sur le plan démocratique que,
effectivement, quand on ne veut pas comprendre, il y a une façon de
faire comprendre aux gens qu'ils sont insatisfaits.
Il faut faire un exercice, M. le Président, un exercice qui va
démontrer une volonté. On n'a rien. On ne sent rien. On ne sent
absolument aucune volonté de saine gestion, M. le Président. Tout
ce qu'on nous dit, c'est: Voici le projet de loi. Prenez-le ou ne le prenez
pas. Nous, la santé et sécurité au travail, pour nous,
ça se résume à quelques petits amendements et c'est tout.
M. le Président, on est face à un déficit qui n'a pas de
bon sens, un déficit qui demande des explications de long en large, des
explications où les gens vont comprendre ce qui arrive et ils vont
comprendre ce qui se passe.
Alors, pourquoi, M. le Président, ce gouvernement libéral
ne veut-il pas fournir d'information à la population? Qu'est-ce qu'il a
à cacher? Il faudrait qu'il l'explique, M. le Président, et c'est
ce qu'on lui demande. Il ne veut même pas consacrer quatre heures
à ce qu'on puisse questionner au nom de la population des gens
suppo-sément responsables qui nous diraient ce qui se passe à la
CSST. C'est vrai! On ne veut pas nous permettre cette
possibilité-là, M. le Président, et, pourtant, on a toutes
les raisons qui motivent notre intervention et qui motivent cette
position-là.
M. le Président, on ne peut pas subir, d'année en
année, déficit par-dessus déficit, et accepter que ce
soient toujours des déficits et qu'on ne se remette jamais en question.
Si le projet de loi, M. le Président, avait fait l'unanimité des
intervenants, si on n'avait pas reçu des informations de partout au
Québec nous disant que le projet de loi, effectivement, est bon et va
régler ce qu'on pense qui doit être réglé, on ne
serait pas en train de se battre et de faire comprendre au gouvernement
libéral que ce projet-là n'est pas bon.
Le projet n'est pas bon, M. le Président. Il faut toujours bien
le dire. Il faut toujours bien le commenter. C'est un projet de loi qui,
à toutes fins pratiques, ne règle rien. Le député
de Mille-Îles est d'accord. Il dit: Ce n'est pas grave. On va le voter,
puis après ça, on verra plus tard. Mais ce n'est pas comme
ça qu'on fait une saine gestion. Lui-même, qui est pour la saine
gestion, comment peut-il expliquer qu'on légifère pour rien?
Ça ne règle rien.
Alors, M. le Président, le député de
Mille-îles, j'ai bien aimé son exposé. C'est vrai qu'il
faut tendre vers la saine gestion, puis c'est vrai qu'il faut tendre vers
l'efficacité, puis c'est vrai
qu'il faut tendre vers l'affectation de ressources, M. le
Président...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Marquette, s'il vous plaît! M. le
député.
M. Filion: II est en train de faire ses exercices matinaux, M. le
Président. Je continue, M. le Président, parce que le dossier est
primordial, le dossier est capital, et le dossier doit être revu par le
gouvernement libéral. Le dossier doit effectivement attirer l'attention
de ce gouvernement-là. La santé et la sécurité au
travail, y a-t-il de quoi de plus important que ça? M. le
Président, notre économie est basée sur le travail. Le
produit national brut est basé sur le travail, M. le Président.
Si on n'est pas capables, chez nous, de se faire des lois où le
travailleur va se sentir en sécurité et que le travailleur va
sentir que son argent est utilisé d'une façon efficace, on a un
problème de société qui est majeur.
Là, on veut effectivement contrôler le déficit et on
ne fait rien. On ne fait rien, on apporte un projet de loi qui n'a aucun
résultat ou à peu près rien, M. le Président.
Alors, qu'est-ce qu'on va devoir faire pour que le gouvernement libéral
porte une attention aussi importante qu'il porte à son fonds de pension
aux travailleurs et aux travailleuses? Qu'est-ce qu'on va devoir faire pour que
ces gens-là soient sensibles aux représentations des gens? S'ils
accordent une attention importante au fonds de pension, ils se doivent
d'apporter la même attention aux travailleurs du Québec. Dans ce
sens-là, c'est pour ça qu'on s'est engagés cette nuit
à faire comprendre à ce gouvernement libéral l'importance
de la santé et de la sécurité au travail.
M. le Président, quand la personne est rentrée dans mon
bureau, puis elle a dit: M. Filion, vous savez, un employeur de Toronto nous
intoxique délibérément. Il le sait que notre usine
reçoit des gaz toxiques. Ils le savent, ils nous font travailler, et ils
s'en foutent, au fond, ces gens-là. Quand les gens vont être
malades, M. le Président, qu'est-ce qui va arriver? Ils vont tomber au
niveau de la CSST, et l'employeur de Toronto, lui, il s'en lave les mains.
Tiens, les Québécois, vous paierez les frais des maladies, puis
la CSST s'en occupera. Ils font des déficits, eux autres, puis ce n'est
pas important.
M. le Président, c'est important. C'est un projet de loi qui va
être remis aux oubliettes, et on doit se pencher sur toute la
problématique. Les entreprises de Toronto qui intoxiquent nos gens chez
nous délibérément, elles vont devoir comprendre qu'elles
aussi ont une responsabilité. Ce gouvernement doit comprendre la
responsabilité. C'est lui qui doit d'abord l'assumer pour qu'ensuite on
se retrouve avec un projet de loi beaucoup plus acceptable. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Montmorency. Sur la motion d'ajournement, en vous
indiquant, M. le leader adjoint du gouvernement, que vous avez un temps maximal
de 10 minutes.
M. Jean-Pierre Bélisie
M. Bélisie: Oui, M. le Président. Je commence
à le savoir, étant donné que c'est la deuxième
motion d'ajournement à laquelle nous avons le droit de participer sur ce
même projet de loi. C'est-à-dire que c'est la deuxième fois
que l'Opposition tente de revenir et de nous dire: Reportez le projet de loi.
Ajournez, ajournez le débat. Réfléchissez encore.
Ajournez, ajournez, ajournez! Mais il me semble, M. le Président, que
c'était très clair tantôt lorsqu'on leur a dit très
clairement, fermement: Non, non, non! Il n'y aura pas d'ajournement du
débat. Alors, quand même que vous reveniez une troisième,
une quatrième fois, sur une quatrième motion, c'est simplement de
faire des procédures dilatoires qui ne donneront strictement rien. Je
vous le répète, vous vous méprenez sur la nature du projet
de loi. Vous êtes naïfs. M. le Président, l'Opposition est
naïve de penser que le projet de loi 35 a pour but de corriger toutes les
imperfections, toutes les déficiences de notre régime public de
santé et de sécurité au travail. Ce n'est pas le but du
projet de loi 35. (7 h 10)
Le projet de loi 35 comporte des mesures ponctuelles, facilement
identifiables, qui n'ont rien à voir, qui n'ont pas la prétention
de corriger le déficit, de s'attaquer à la question de la
parité des parties, c'est-à-dire les patrons, les employeurs et
les syndiqués, au conseil d'administration. Le projet de loi ne
s'attaque pas à ça, le projet de loi ne s'attaque pas à
l'unicité du système, le projet de loi ne s'attaque pas au
problème fondamental: Devrait-il y avoir un système public ou un
système privé, deux systèmes parallèles? Non. Il
s'attaque à des questions aussi fondamentales que de dire: Est-ce qu'un
employeur a le droit, s'il se voit imputer des coûts par un
employé qui est atteint d'une maladie, d'un accident, d'avoir
accès à l'information dans son dossier? Ce n'est pas de midi
à 14 heures, là; on ne corrigera pas 800 000 000 $ de
déficit avec ça. Si vous ne comprenez pas ça, vous ne
comprendrez rien dans les projets de loi présentés à
l'Assemblée nationale.
Une voix: Ils ne comprennent jamais rien.
M. Bélisie: Et, en plus, lorsqu'on dit tout simplement
1000 $... bon, une réclamation de 1000 $, il n'y aura plus d'appel pour
les choses en bas de 1000 $, on n'a pas la prétention de tout corriger
avec ça. Le cheminement, la réflexion, le questionnement doit se
faire. Il faut qu'il se fasse. C'est absolument nécessaire.
J'ai écouté très attentivement, M. le
Président, le député de Montmorency nous parler... Il a
tenté de parler de gestion. Il ne s'est aucunement attaqué
à tout ce que j'ai dit, dans mes interventions
précédentes, sur le contrôle de la gestion.
L'incohérence fondamentale du Parti québécois, de son
parti et de son leader qui est là, le leader de l'Opposition, où
il représente une philosophie, une position politique qui n'a aucun
sens... sur le projet de loi 197, lorsqu'il a été
déposé au mois de décembre, je le répète
encore une fois, ils se sont opposés à la recevabilité du
projet de loi. Nous, on proposait, de ce côté-ci, ce n'est pas
compliqué, un déficit zéro, équilibre financier
zéro, pas de déficit. Vous et votre parti, votre position, pour
tous ceux qui nous écoutent, pour la postérité dans les
débats, c'est que vous êtes contre une telle approche. Vous n'avez
même pas voulu en discuter, du principe, même pas du principe. Non,
nous autres, on ne veut rien savoir de ça.
Le député de Montmorency pense qu'il est crédible
en disant: On va parler du déficit de la CSST, on va regarder ça
pendant quatre heures de temps. Le leader de l'Opposition, lui, pense,
s'imagine naïvement... La preuve, c'est qu'il n'en a jamais fait, de
contrôle de gestion. Je me demande, et je suis à peu près
convaincu qu'il n'a jamais eu d'entreprise à son nom, parce que s'il
avait eu une entreprise et s'il avait eu à faire du contrôle de
gestion, d'employés, d'efficience, d'actes posés, de
contrôle de coûts, il ne s'imaginerait pas que c'est en faisant
venir la tête de la pyramide qu'il va s'asseoir devant une table, puis il
va dire: M. Diamant, dites-moi donc, effectivement, ce qui ne va pas dans
l'entreprise. Ça, c'est comme si tu amenais ton gérant dans ton
entreprise et que tu lui disais: Raconte-moi donc tous tes petits bobos, et
c'est sûr, effectivement, que je vais te croire sur parole. Ça,
c'est de l'imputabilité par la tête. Ce n'est pas ça. Ce
n'est pas ça qui est en cause, ici. Il y a de l'imputabilité par
la base aussi.
M. le Président, je veux terminer sur une chose fondamentale. Je
pense que le député de Montmorency a voulu faire de la politique.
Je vais lui accorder la base d'une compétence que je pense qu'il doit
avoir, de dire-Une voix: Ah, c'est beaucoup!
M. Bélisle: ...comme il a dit tantôt, que le
déficit... comparer des pommes et des oranges, à 2 400 000 000 $
de moyenne, entre 1976 et 1985 du Parti québécois, et une moyenne
en valeur monétaire absolue, c'est de la foutaise.
Une voix: Oui.
M. Bélisle: II faudrait qu'il dise aussi que les revenus
budgétaires du gouvernement, à l'époque, entre 1976 et
1985, c'était 22 % du déficit des dépenses courantes que
vous faisiez, 21 %. Prenez le déficit de cette année, M. le
Président. C'est combien, le déficit de cette année? 3 800
000 000 $? Dans combien, effectivement, de budget de dépenses? Dans 40
000 000 000 $. 9,7 %, comparativement au record jamais battu, digne, du livre
des records Guinness que vous, le Parti québécois, avez
créé à 21 %, 22 %, 23 %, systématiquement.
Alors, ne comparez pas des pommes et des oranges. On ne compare pas la
même chose, là. Ne venez pas dire à la population du
Québec... Au contraire, dans les bonnes et les meilleures années
du gouvernement du Québec, entre 1970 et 1976, le déficit moyen
du Québec, du gouvernement du Québec en matière de
déficit gouvernemental, c'était 6 %, 5,5 % des revenus
budgétaires de l'État. Puis, ça, c'est le déficit
qui est accepté, le déficit d'immobilisation normale d'un budget
courant. Alors, ne venez pas nous dire: On va comparer en valeur
monétaire absolue 3,4 % avec 4 %. Bien, voyons donc! Un étudiant
de première année en économie, il va se faire caler,
effectivement, à son examen s'il répond comme ça. Il ne
répondra pas les bonnes affaires.
Alors, M. le Président, je répète: la motion
d'ajournement - c'est la deuxième - elle est dilatoire. Et si
l'Opposition pense qu'elle va faire un contrôle de gestion en consultant
de façon particulière M. Diamant, qui va s'asseoir comme un ange
devant elle à la commission parlementaire, à écouter ses
petites questions... M. le Président, l'Opposition, elle est naïve,
elle ne sait pas de quoi elle parle, elle ne connaît pas ce que c'est, la
reddition de comptes, elle ne sait pas ce que c'est, demander à
être imputable. De toute façon, ils sont contre parce que la
députée de Taillon, quand elle a parlé, en deuxième
lecture, sur le projet de loi 198 du député de Verdun, à
l'article 10... Nous autres, on la demande, l'imputabilité. Elle a dit,
au nom de son parti... Puis, quoi qu'en dise le leader de l'Opposition, quoi
qu'en dise le député de Montmorency puis quoi qu'en dise la
députée de Johnson, ils sont contre. Ils sont contre. Ils ne
veulent pas que les hauts fonctionnaires rendent des comptes aux
députés de l'Assemblée nationale du Québec, aux
membres de l'Assemblée nationale. Qu'ils ne viennent jamais faire
accroire à la population...
Je vois, M. le Président, le député de Montmorency
tourner la tête en signe de «non». Qu'il relise le discours
de la députée de Taillon. Vous allez comprendre, effectivement,
que vous n'êtes peut-être pas dans le bon parti puis que vous
n'êtes pas orienté pour améliorer les finances publiques du
Québec. M. le Président, ce n'est pas compliqué. Le leader
de l'Opposition, il peut se laver les mains comme ça, mais je peux vous
passer un papier que les citoyens du Québec, quand ils vont se rendre
compte qu'une des distinctions fondamentales entre les deux partis, c'est la
façon de concevoir l'administra-
tion des sous, des taxes qui sont perçues et qui sont mises dans
la caisse de l'État... Qu'est-ce qu'on fait avec? Mais, là, on en
a un autre exemple, effectivement. On veut faire un pas en avant. On n'a pas la
prétention de faire tout le chemin et de tout corriger mais, au moins,
le pas qu'on va faire, on va le faire dans la bonne direction et on n'attendra
pas, comme à la première motion de report, M. le
Président, trois mois, quatre mois, cinq mois, six mois pour commencer
à s'imaginer qu'en ayant des gens autour d'une table, les hauts
fonctionnaires qui sont là, le président... que le
président de la CSST va arriver puis qu'il va révéler
toute la vérité, comme si c'était effectivement du haut du
mont Sinaï. On révèle la vérité, la voix de
Dieu, puis là, on va tout découvrir, toutes les corrections,
toutes les mesures de correction qu'on doit apporter au système de
santé et de sécurité publique.
M. le Président, encore une fois, ça fait perdre le temps
de la Chambre, perdre le temps des parlementaires. Qu'on passe donc
effectivement à d'autres choses qui sont à l'agenda puis à
l'ordre du jour, puis, nous, du côté ministériel, on va
battre pour la deuxième fois une motion d'ajournement sur ce projet de
loi.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur cette motion
d'ajournement du débat, je reconnais maintenant M. le leader de
l'Opposition officielle et député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je vous avoue
qu'après avoir entendu le discours que je viens d'entendre, je ne suis
pas surpris de la lecture que j'ai faite, oui, de la postface du volume qu'il a
écrit, où il se décrit lui-même comme un excellent
orateur et un des plus articulés de la Chambre. L'autosuffisance ne
manque pas dans son cas, M. le Président, mais, moi, j'espère
qu'on le fera écrire par un autre sur notre propre personne pour ne pas
se citer soi-même. Premièrement.
Deuxièmement, M. le Président, je n'ai pas eu
d'entreprise, mais j'ai administré un des gros ministères de ce
gouvernement auquel j'ai appartenu - j'étais le ministre de la
Santé - et je n'ai pas eu à téter mes jobs; je les ai
gagnées honnêtement par mon travail, ma capacité de faire
puis mon savoir-faire, M. le Président. J'en connais, des aspirants
autosuffisants comme lui, qui vont en téter longtemps, des jobs, avant
d'en avoir une au Conseil des ministres, M. le Président. (7 h 20)
Troisièmement, M. le Président, j'ai écouté
cela, et on ne connaît rien, nous, en gestion. On ne connaît rien
en gestion, imaginez-vous! On ne sait pas quoi faire, M. le Président,
avec ça. On ne sait pas ce qui se passe dans la loi de la
CSST. Autosuffisance! Mon grand-père dirait «frais»,
et il ajouterait un autre mot en l'écoutant, M. le Président. Je
n'ai jamais vu un bonhomme aussi imbu de lui-même essayer de donner des
leçons de gestion. Une leçon de modestie, vous pourriez en
retirer une, par exemple, parce que la modestie, ça n'étouffe pas
et ça rend un gars plus sympathique aux yeux de ceux qui
l'écoutent. Quand on essaie de donner des leçons de savoir-faire
puis qu'on n'a même pas la capacité de gagner la confiance de son
propre parti puis qu'on est considéré comme arrogant à peu
près par tout le monde en cette Chambre...
M. le Président, des leçons de modestie, j'espère
que le député de Mille-Îles va en retirer une ce matin. Je
comprends que la nuit l'a forcé, mais j'espère qu'il va tirer une
leçon de modestie de la présente nuit. Ce n'est pas à dire
qu'on ne connaît rien dans les dossiers. Il serait peut-être mieux
de s'asseoir dans son comté et d'aller écouter les travailleurs
qui y vont, M. le Président. Il serait peut-être mieux aussi
d'essayer d'écouter quand un autre parle et d'essayer de comprendre,
s'il a suivi tous ces cours, lui, le plus articulé. Quand on parle d'une
moyenne, en somme d'argent, absolue d'un déficit qui a été
sortie par un économiste, lui, il l'a fait, le cours
d'économiste. Ce n'est pas un pseudo cours de droit pour donner des
leçons de savoir-faire aux autres.
M. le Président, je suis capable d'en prendre, mais je suis
capable d'en donner aussi. Puis des leçons de modestie en cette Chambre
par le plus imbu de lui-même qui transpire, qui dépasse même
le pourcentage d'autosuffisance alimentaire au Québec... Ce n'est pas
des farces, M. le Président. Je n'ai jamais vu de l'autosuffisance de la
sorte. Et c'est ça qui essaie de nous donner des leçons à
7 h 20 pour un projet de loi pour lequel il aurait suffi
précisément de les écouter, les hauts fonctionnaires dont
il parlait. Il nous reproche d'avoir empêché le
député de Saint-Louis de déposer un projet de loi en cette
Chambre. À ce que je sache, c'est la présidence de
l'Assemblée nationale. Lui qui est un homme de droit devrait savoir
qu'il ne doit même pas contester une décision de la
présidence de l'Assemblée nationale. C'est la présidence
de l'Assemblée nationale qui a jugé que c'était
irrecevable. Vous devriez remercier la présidence parce que vous auriez
l'air fou, à la suite du dernier budget de quelque 3 100 000 000 $ de
déficit, avec votre moyenne de zéro que vous fixiez dans votre
projet de loi.
As-tu vu, M. le Président, une pareille feuille au vent qui
s'excite parce qu'il a une réplique à faire plutôt que
d'essayer de comprendre et d'écouter ce qui se passe et d'assumer une
certaine cohérence dans les propos?
M. le Président, je suis heureux. Je serais prêt à
lui donner la parole des demi-heures et des demi-heures parce que, chaque fois
qu'il se
lève, je peux vous avouer que c'est le signe de l'arrogance qui
se répercute partout dans les caméras. Je suis à la veille
de vous montrer son livre et de vous faire lire la postface pour ceux qui ne
l'ont pas lue. D'habitude, quand tu écris un livre, tu fais
écrire un autre pour te vanter un peu. Lui, il n'a pas pris la peine de
ça, il s'est vanté lui-même. Mais tout ce qui se vante
s'évente, M. le député de Mille-Îles. Je peux vous
dire que vous êtes éventé à mon goût, en ce
qui me concerne.
M. le Président, nous allons voter pour la deuxième
motion, oui, de report, d'ajournement de cette Chambre parce que nous
considérons que vous auriez eu avantage à écouter les gens
de la CSST. Puis, si vous ne les écoutez pas, c'est parce que vous avez
des choses à cacher. Vous avez peur que la CSST vienne vous dire que
ça n'a pas de bon sens, des positions diamétralement
opposées dans une structure qui a 700 000 000 $ à 800 000 000 $
de déficit. Les rigoureux, sur le plan intellectuel, ceux qui se piquent
d'avoir beaucoup de rigueur et d'analyse, avez-vous peur que la CSST vienne
nous dire que cette structure-là ne peut pas fonctionner de façon
correcte, de façon harmonieuse, de façon rigoureuse? Avez-vous
peur que la CSST vienne dire que des oppositions dans un comité
paritaire font en sorte qu'on ne peut pas trouver des solutions correctes?
Avez-vous peur qu'on vienne vous dire que c'est trop judiciarisé, cette
histoire-là, et qu'on doit en débarquer des paliers
d'intervention pour que le travailleur puisse trouver une solution à son
problème dans les quelques semaines ou, tout au moins, les quelques mois
qui suivent? Avez-vous peur que la CSST vienne vous dire que ça n'a pas
de mosus de bon sens qu'un individu soit six ou sept mois en attente d'une
décision et qu'il se ramasse devant la Commission des affaires sociales
en bout de course puis que ça prend trois ans, puis que c'est inhumain
comme structure de fonctionnement? Avez-vous peur qu'on vienne dire
ça?
Les rigoureux intellectuels, réveillez-vous un peu et regardez ce
qui se passe dans vos bureaux de comté. Écoutez les citoyens
s'ils vous font confiance et, s'ils vont vous voir, essayez de comprendre qu'il
y a des solutions à trouver à ces problèmes majeurs.
On ne doit pas les trouver nécessairement dans les groupes
d'intérêts. On doit aussi permettre... Et ça, c'est de la
rigueur intellectuelle que de permettre à celui qui est au-dessus des
partis, qui sont pris avec des intérêts, c'est de la rigueur
intellectuelle que de vouloir les écouter, ces gens-là, parce
qu'ils ne sont pas partie prenante, ni d'un bord ni de l'autre. Quelqu'un qui
est rigoureux intellectuellement, il comprend ça. Quelqu'un qui est Imbu
de lui-même, il fait ce que le député de Mille-Îles
vient de faire. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le
député de Montmorency, en vertu de l'article 101, vous avez droit
à une réplique de 5 minutes sur votre propre motion
d'ajournement.
M. Jean Filion (réplique)
M. Filion: Merci, M. le Président. On a passé la
nuit à expliquer au gouvernement libéral l'importance du
déficit et d'un grand réaménagement de la CSST. On ne nous
écoute pas, on interprète nos chiffres. Aussitôt qu'on leur
dit qu'ils sont rendus les champions des déficits, ils n'aiment pas
ça, M. le Président. Je les comprends. La, on nous amène
dans des hypothèses de valeurs actuarielles, etc.
M. le Président, ce sont les champions des déficits au
Québec, et je le répète, parce que je vous le dis, le
dernier budget, 1992-1993, n'eût été le 1 200 000 000 $ de
transfert, de cadeau du fédéral - on ne sait pas d'où il
vient, une espèce de ballon politique de circonstance
référendaire - on serait rendu au-dessus de 5 000 000 000 $. Ce
n'est pas compliqué, hein!
Si vous regardez, M. le Président, les fonds qui s'en vont
à Hydro-Québec, qui ne sont pas dans les budgets, c'est le parti
de camouflage extraordinaire. D'une façon extraordinaire, ces
gens-là, M. le Président, camouflent tout. Ils passent ça
via Hydro-Québec. Ils sont allés chercher tout près de 150
000 000 $, hein, de frais de garantie. C'est sorti du budget. Ça
n'apparaît plus au budget. On s'organise, M. le Président, pour
aller percevoir avec des droits, au niveau des permis. Les gens se souviennent
des 30 $, M. le Président. C'est des chiffres qu'ils comprennent,
ça, les gens. Alors, on s'en va chercher un paquet d'argent d'une
façon indirecte et on nous réduit un déficit, en valeur
absolue, qui est encore le plus élevé.
M. le Président, ce sont les champions des déficits. Ils
ont un discours extraordinaire, théorique, ce sont des grands
pédagogues qui se lèvent et qui disent: Nous, on va tendre vers
zéro. On va tendre vers zéro, M. le Président. Et ils
tendent...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. Un instant,
M. le député de Montmorency.
Mme Bleau: M. le Président, je voulais appeler l'article
32, mais je pense qu'on m'a comprise avant. Je m'excuse.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des
députés et des députées qui ne sont pas à
leur banquette? Je vous demande de regagner votre banquette, s'il vous
plaît.
M. le député de Montmorency, si vous voulez terminer votre
intervention. Il vous reste une minute et quelques secondes.
M. Filion: C'est dommage, M. le Président,
que les députés libéraux ne prennent pas au
sérieux les travailleurs et les travailleuses du Québec. La
santé et la sécurité au travail, c'est important. On a un
déficit de 800 000 000 $. Il faut le corriger. Il faut s'occuper des
vrais problèmes. Pas juste le fonds de pension, M. le Président.
C'est des vrais problèmes, les déficits. C'est des vrais
problèmes, aussi, M. le Président, auxquels les gens doivent
avoir des solutions.
Ces gens-là, M. le Président, ne nous écoutent pas.
Ils n'écoutent pas la population qui veut savoir ce qui se passe. Nous,
on est là pour leur répéter et on va leur
répéter tant qu'ils ne comprendront pas.
Les déficits, ils doivent les tendre vers zéro. Ils
s'étaient engagés à les tendre vers zéro, mais ils
tendent actuellement vers des déficits records. Et on nous fait accroire
qu'on fait un contrôle de gestion. Bien, s'il y en avait un,
contrôle de gestion, M. le député de Mille-Îles,
là, à la CSST, s'il y en avait un, il n'y en aurait pas, de
déficit. Parce qu'un contrôle de gestion, c'est: tu
contrôles ton budget, puis tu poses des corrections, puis, quand
ça se passe, tu dis: Toi, là, t'as un problème, mon chum,
il faut que tu le corriges.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de
conclure, s'il vous plaît.
M. Filion: Tu ne t'es pas conformé selon le budget
prévu. Si tu t'étais conformé, tu ne serais pas
arrivé avec un déficit additionnel.
Alors, M. le Président, ce que je suis en train de dire,
là, c'est que ce projet de loi là doit être retiré
et qu'on doit, d'une façon sérieuse, responsable et
consciencieuse, nous amener quelque chose qui va vraiment régler le
problème de la santé et sécurité au travail au
Québec. Merci, M. le Président. (7 h 30)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Cette dernière
intervention met fin au débat sur la motion d'ajournement de M. le
député de Montmorency. Est-ce que cette motion est
adoptée?
M. Chevrette: Vote enregistré.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés, s'il vous plaît. (7 h 31 - 7 h 36)
Mise aux voix
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je mets maintenant aux
voix la motion de m. le député de montmorency. que les
députés qui sont en faveur de la motion d'ajournement du
débat sur l'adoption du principe du projet de loi 35 veuillent bien se
lever, s'il vous plaît.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Jo- liette), Mme
Marais (Taillon), M. Garon (Lévis), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril
(Arthabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron
(Abitibi-Ouest), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M.
Paré (Shef-ford), M. Boulerice (Sainte-Marie-Saint-Jacques), M. Filion
(Montmorency), Mme Caron (Terre-bonne), Mme Carrier-Perreault (Les
Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que ceux et celles qui
sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Dutil (Beauce-Sud), M. Elkas
(Robert-Baldwin), Mme Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac), M.
Bélisle (Mille-Îles), M. Picotte (Maskinongé), Mme Bleau
(Groulx), Mme Trépanier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert
(Trois-Rivières), M. Beaudin (Gaspé), M. Chagnon (Saint-Louis),
M. Hamel (Sherbrooke), M. St-Roch (Drummond), M. Tremblay (Rimouski), M.
Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Farrah (Iles-de-la-Made-leine),
M. Lemieux (Vanier), M. Messier (Saint-Hyacinthe), M. Richard
(Nicolet-Yamaska), M. Gauvin (Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M.
Forget (Prévost), M. Gobé (LaFontaine), Mme Hovington (Matane),
M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), M.
Parent (Sauvé), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette
(Champlain), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M.
MacMillan (Papineau).
Le Secrétaire: pour: 16 contre: 35 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
rejetée. M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, compte tenu des
échanges...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, s'il vous
plaît. Oui, allez-y, M. le leader.
M. Chevrette: M. le Président, compte tenu des
échanges que nous avons eus, nous pourrions nous entendre pour qu'il y
ait un intervenant, maximum, de chaque côté puis qu'il y ait un
vote sur division.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, est-ce que vous en
faites un ordre de la Chambre?
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que la motion est
adoptée? Alors, je suis prêt à entendre le prochain
intervenant. Mme la députée de Johnson. Vous disposez d'une
période maxima-
le de 20 minutes, Mme la députée. Des voix:...
Reprise du débat sur l'adoption du principe Mme
Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. M. le
Président, on a commencé le débat sur la loi 35 à
22 h 10, le 2 juin. On est rendu à 7 h 40...
Des voix:...
(7 h 40)
Mme Juneau: ...le 3 juin, puis ça, c'est sans arrêt,
là. Parce que...
Des voix:...
Mme Juneau: ...il faudrait bien dire qu'on a tenu le fort.
Pourquoi avons-nous été obligés de passer la nuit pour
essayer de convaincre le ministre responsable de la loi 35 du bien-fondé
des demandes de l'Opposition officielle, des demandes de la responsable du
dossier de la CSST? Toute la nuit, nous avons fait des efforts pour que le
ministre comprenne l'importance...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, Mme la
députée de Johnson. J'ai de la difficulté à vous
entendre. S'il y a des députés qui veulent laisser
l'Assemblée, là, qu'ils le fassent le plus tôt possible
puis en silence, de sorte qu'on puisse entendre l'intervention de Mme la
députée de Johnson. Des deux côtés de la Chambre,
s'il vous plaît. Allez-y, Mme la députée.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Je pense bien qu'il
doit y avoir de la fatigue dans tout ça, là, mais en tout cas
j'aimerais ça qu'ils entendent ce que j'ai à dire. Je trouve
important de faire mon intervention.
La question qu'il faut se demander, c'est pourquoi on a travaillé
toute la nuit pour en arriver à faire comprendre au ministre
l'importance de tenir cette commission parlementaire, M. le Président.
C'est qu'on se demande réellement ce que signifie, M. le
Président, l'entêtement du ministre du Travail. Pourquoi
s'entête-t-il à refuser cette commission parlementaire que nous
lui demandons, que nous lui avons demandé toute la nuit, que la
responsable, la députée de Chicoutimi, lui demande depuis fort
longtemps? Pourquoi? Est-ce qu'il y a quelque chose à cacher? Est-ce
qu'il y a quelque chose là-dessous qu'on ne peut, au moment où on
se parle, deviner ou en savoir qu'est-ce qui se passe? Qu'est-ce que le
ministre a à cacher? Qu'est-ce que le gouvernement libéral a
à cacher, puisqu'il refuse systématiquement de nous donner cette
commission parlementaire? Pourquoi? Pour qu'on puisse comprendre l'exactitude
des faits. Aïe! On ne joue pas avec une cabane à patates frites sur
le coin de la rue, là. On joue avec un déficit, à date, de
800 000 000 $...
Une voix: L'an passé.
Mme Juneau: ...l'an passé et, cette année, les
prévisions, c'est qu'on serait rendu à 500 000 000 $. Ça
veut dire qu'on va dépasser le milliard. Ce n'est pas exactement une
cabane à patates frites sur le coin de la rue. Je le redis. C'est
très important. C'est très important, ce qu'on demande.
Des voix:...
Mme Juneau: Et j'entendais le leader du gouvernement, M. le
Président, parler dans son intervention précédente. Il
disait que l'Opposition parlait des deux côtés de la bouche en
même temps. Je l'ai entendu; il l'a dit à peu près quatre,
cinq fois. Pourquoi nous dit-il ça? Il nous dit ça, M. le
Président, parce qu'on a osé. Il ne fallait pas. On a osé
demander au ministre responsable de tenir une commission parlementaire. C'est
juste ça. Puis il dit, à ce moment-là, qu'on parie des
deux côtés de la bouche. On dit que le projet de loi 35 ne
correspond pas aux attentes des uns et des autres. Il dit qu'on parle des deux
côtés de la bouche. Est-ce que, M. le Président, je dois
comprendre, nous tous devons comprendre que la CSD, qui exige l'intervention de
Robert Bourassa, notre premier ministre, pour retirer la loi 35, est-ce que la
CSD parle des deux côtés de la bouche? Il faudrait peut-être
qu'il nous donne une réponse.
J'ai un autre communiqué ici, M. le Président. La CSN, la
CEQ, la FIIQ, le SFPQ, le SPGQ, le SPEQ, tous les syndicats. Est-ce que ces
syndicats-là qui disent... Un projet de loi qui sent le règlement
de compte, disent les organisations syndicales. Est-ce que ces organisations
syndicales parient des deux côtés de la bouche en même
temps, parce que eux aussi, comme nous, comme l'Opposition officielle, croient
que ce projet de loi ne correspond pas aux attentes à la fois des
travailleurs et à la fois du patronat? Le patronat non plus n'est pas
satisfait, à la grande surprise peut-être du leader du
gouvernement, mais le patronat non plus n'est pas satisfait de la loi 35. Ce
n'est pas simplement les membres de l'Opposition officielle qui ont
travaillé toute la nuit pour faire entrer dans votre caboche
l'importance d'accorder une commission parlementaire. Pourquoi? Pour vous aider
en premier lieu. Et pour nous aider aussi nous; pour aider les principaux
intervenants, les travailleurs accidentés; pour aider les payeurs de
taxes, parce qu'à un moment donné il va falloir que ce trou
béant soit rempli. Et ce n'est pas avec la loi 35, simplement la loi 35,
comme le leader du gouvernement disait tout à l'heure avec ses sept ou
huit mesures, ce n'est pas simplement avec la loi
35 que nous pourrons régler le cas de la CSST. Nous voulons avoir
un éclairage plus important.
Nous souhaitons, tout comme les centrales syndicales qui
représentent les travailleurs accidentés du Québec, nous
voulons, tout comme ces gens-là qui sont principalement touchés
par les situations que vivent quotidiennement les travailleurs
accidentés, qu'on puisse les entendre. Et pourquoi? Pourquoi le
gouvernement que nous avons en face de nous, pourquoi ce gouvernement-là
refuse-t-il de tenir ces auditions-là pour renseigner les uns et les
autres et pour améliorer la loi qui semble ne pas faire l'affaire ni des
uns ni des autres? Qu'est-ce qu'il y a en dessous de ça? Qu'est-ce qu'il
y a? J'aimerais bien ça qu'on m'informe. Si le ministre a la
réponse pour satisfaire le besoin d'en savoir davantage, non seulement
de l'Opposition mais des principaux syndicats, de tous les syndicats, qu'il le
dise, qu'il se mette à table, qu'on puisse l'entendre, qu'on puisse
considérer que, si ces informations-là font en sorte que
ça remplit les besoins qu'on a, à ce moment-là, on va
comprendre, on n'insistera pas davantage, mais dites-le. On a travaillé
toute la nuit pour vous demander de tenir cette commission parlementaire, toute
la nuit! On aurait espéré que le ministre - moi, je l'ai connu,
le ministre du Travail, avant qu'il soit ici en Chambre; je vais vous dire
où je l'ai connu, je l'ai connu quand il représentait la
compagnie Bombardier et Bombardier, c'est chez nous. Quand il travaillait pour
Bombardier, ce n'était pas le même homme que j'ai devant moi
aujourd'hui, ce n'était pas le même homme. C'était un homme
qui se débattait comme un diable dans l'eau bénite pour faire
passer les besoins et les attentes de la compagnie Bombardier, ce qui veut dire
les travailleurs de Bombardier. Ce n'est pas le même homme que j'ai en
face de moi, aujourd'hui. Non.
C'est un homme qui s'est reculé et qui a laissé la place
à Ghislain Dufour, du Conseil du patronat, parce que, quand il a voulu
tenir sa commission parlementaire, M. Dufour est arrivé en avant de lui
et a dit: «No way». Il est allé voir ses amis du
gouvernement, puis c'est quoi qui est arrivé? Le ministre du Travail
s'est reculé, puis, aujourd'hui, il s'entête. Pourquoi? Qu'est-ce
qu'il y a en dessous de ça? Peut-il nous le dire? S'il y a une raison
valable, équitable, qu'il la dise. Sinon, qu'il nous accorde cette
commission parlementaire, on veut savoir ce qu'il y a en dessous de ça.
Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Johnson. Est-ce qu'il y a d'autres interventions?
Des voix: Non.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pas d'autres
interventions. Alors, est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du
projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les
maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, est
adoptée?
M. Chevrette: Surdivision.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur
division. M. le leader du gouvernement.
Renvoi à la commission de l'économie et
du travail
M. Bélisle: oui, m. le président, je fais motion
pour que ledit projet de loi 35 soit déféré à la
commission de l'économie et du travail pour étude
détaillée.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion
de déférence est adoptée?
Une voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le
leader adjoint du gouvernement, nous continuons nos travaux avec quel article
du feuilleton, s'il vous plaît?
M. Bélisle: Aucun autre, M. le Président, je fais
motion pour ajourner nos travaux à ce mercredi matin, 3 juin 1992,
à 10 heures.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, j'ajourne les
travaux à 10 heures ce matin.
(Fin de la séance à 7 h 50)