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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le mercredi 3 juin 1992 - Vol. 32 N° 29

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures onze minutes)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie, veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Nous allons entreprendre les affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi, M. le leader du gouvernement.

Présentation de projets de loi

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article b, s'il vous plaît, du feuilleton.

Projet de loi 218

Le Président: Alors, à l'article b du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 218, Loi concernant Club de curling de Montréal-Ouest inc. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

En conséquence, Mme la députée de Saint-Henri présente le projet de loi d'intérêt privé 218, Loi concernant Club de curling de Montréal-Ouest inc. Alors, est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Oui.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Pagé: M. le Président, je fais motion pour que le projet de loi d'intérêt privé soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée et pour que Mme la ministre déléguée aux Finances en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette dernière motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: L'article d, M. le Président.

Projet de loi 217

Le Président: À l'article d du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 217, Loi concernant Consolidated Bowling Ltd. Le directeur de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose donc ce rapport.

En conséquence, M. le député de Saint-Louis présente le projet de loi d'intérêt privé 217, Loi concernant Consolidated Bowling Ltd. Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Pagé: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi d'intérêt privé à la commission du budget et de l'administration, encore une fois, pour étude détaillée et pour que Mme la ministre déléguée aux Finances en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je vous invite à appeler l'article a.

Projet de loi 225

Le Président: À l'article a du feuilleton, j'ai reçu le rapport du directeur de la législation sur le projet de loi 225, Loi concernant Restaurant Belle-Ville inc. La Direction de la législation a constaté que les avis ont été faits et publiés conformément aux règles de fonctionnement des projets de loi d'intérêt privé. Je dépose ce rapport et, en conséquence, M. le député de Lévis présente le projet de loi d'intérêt privé 225, Loi concernant Restaurant Belle-Ville inc.

Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du

gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Pagé: M. le Président, je fais motion pour déférer le projet de loi d'intérêt privé à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée et pour que Mme la ministre déléguée aux Finances en soit membre.

Le Président: Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. Maintenant, au dépôt de documents, M. le ministre de la Justice.

Dépôt de documents

Rapport annuel du Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes

M. Rémillard: m. le président, j'ai l'honneur de déposer le rapport annuel 1990-1991 du secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes.

Le Président: Ce rapport est déposé. M. le ministre des Transports, maintenant.

Rapport d'activité du contrôle du transport routier de la Société de l'assurance automobile

M. Elkas: M. le Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport d'activité 1991 du contrôle du transport routier de la Société de l'assurance automobile du Québec.

Rapport de la Commission de la représentation

électorale du Québec sur la délimitation

des circonscriptions électorales

Le Président: Ce rapport est également déposé. Et moi-même j'ai l'honneur de déposer le rapport du président de la Commission de la représentation électorale du Québec concernant la délimitation des circonscriptions électorales. Donc, ce rapport est déposé.

Maintenant, dépôt de rapports des commissions. M. le président de la commission des institutions et député de Marquette.

Dépôt de rapports de commissions Étude détaillée du projet de loi 406

M. Dauphin: Oui. Merci beaucoup, M. le Président. J'ai donc l'honneur de faire rapport que la commission des institutions a siégé les 18 décembre 1991 et 28 mai 1992 afin de procéder à l'étude détaillée du projet de loi 406, Loi sur l'Institut québécois de réforme du droit. Le projet de loi a été adopté avec des amendements.

Le Président: Alors, ce rapport est déposé. Maintenant, dépôt de pétitions. M. le député d'Arthabaska.

Dépôt de pétitions

Fournir gratuitement les médicaments

et le matériel prescrit par un médecin

aux diabétiques de 50 ans et plus

M. Baril: Oui, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 1537 pétionnaires, citoyens et citoyennes du Québec.

Les faits invoqués sont les suivants: «Considérant que le ministère de la Santé et des Services sociaux défraie déjà les seringues pour les toxicomanes; «Considérant que la pauvreté chez les femmes de 50 à 64 ans vivant seules n'a pas changé depuis 1979, avec un taux de plus de 50 % et de 80 % chez les 65 ans et plus; «Considérant que plus de 60 % des retraités et préretraités vivent au-dessous du seuil de la pauvreté;»

L'intervention réclamée se résume ainsi: «Nous, de l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités...»

Le Président: Oui, M. le député, très bien. Je vais demander aux collègues, s'il vous plaît, leur collaboration. MM. les députés et Mmes les députées. Mmes et MM. les députés, s'il vous plaît. Vous pouvez poursuivre, M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Donc, je reprends.

L'intervention réclamée se résume ainsi: «Nous, de l'Association québécoise pour la défense des droits des retraités et retraitées - au féminin - section de Granby, demandons à l'Assemblée nationale de demander au ministre de la Santé et des Services sociaux que tous les médicaments et le matériel individuel prescrit par un médecin soient fournis gratuitement à tous les diabétiques de 50 ans et plus au Québec.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Merci, M. le député. Votre pétition est déposée. Alors, j'en appelle encore une fois à tous mes collègues, s'il vous plaît, pour qu'on puisse procéder dans l'ordre, s'il vous plaît. À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, mesdames, messieurs, s'il vous plaît.

Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, pour le bénéfice de celles et ceux qui nous écoutent, ce n'est pas

que la Chambre soit perturbée ce matin, c'est que vous venez effectivement de déposer un document important, la carte électorale du Québec. Vous comprendrez que chaque collègue a les yeux rivés sur la carte. Ils ne veulent pas la perdre. Alors, M. le Président, soit qu'on suspende trois minutes ou que vous invitiez les collègues à retirer leur carte et on en prendra connaissance un peu plus tard.

Le Président: Oui, eh bien, écoutez, je pense que c'est la volonté des collègues aussi que les documents importants déposés soient distribués immédiatement. J'apprécierais qu'on le regarde avec les yeux et non pas avec la bouche; ça serait plus simple pour tous ceux qui ont une intervention à faire.

Alors, M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: m. le président, ça a un lien entre les deux. si on disparaît... après avoir constaté qu'on disparaît, peut-être bien que ça va nous fermer plus vite.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Une dernière intervention, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Alors, qu'on poursuive, mais on retient que le PQ a peur de disparaître.

Le Président: Très bien. Alors, j'en appelle maintenant à la collaboration de tous les collègues, s'il vous plaît. Au niveau du dépôt de pétitions, nous continuons avec M. le député de Shefford. Alors, M. le député de Shefford.

Surseoir au projet de relocalisation

de l'Hôtel-Dieu de Montréal dans le

quartier Rivière-des-Prairies

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Je dépose l'extrait d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par 169 pétionnaires, citoyens et citoyennes de Montréal.

Les faits invoqués sont les suivants: «Attendu que M. Marc-Yvan Côté, ministre de la Santé et des Services sociaux, a publiquement annoncé récemment au conseil d'administration de l'Hôtel-Dieu qu'afin de doter la région nord-est de Montréal d'un hôpital il favoriserait la relocalisation de l'Hôtel-Dieu de Montréal dans le quartier Rivière-des-Prairies, alors que les immeubles actuels seraient convertis en 90 lits de soins de longue durée pour personnes âgées, en condominiums et en bureaux; «Attendu que l'Hôtel-Dieu, dont la fondation par Jeanne Mance remonte aux débuts de Ville-Marie, a grandi avec Montréal et demeure une institution implantée au coeur de Montréal qui dispense, encore aujourd'hui, des soins de haute qualité à un nombre considérable d'usagères et d'usagers; «Attendu que, selon des sources bien informées, les responsables du ministère, afin de privilégier la relocalisation de l'Hôtel-Dieu, auraient cavalièrement écarté d'autres projets qui auraient l'avantage de maintenir l'hôpital où il se trouve présentement; (10 h 20) «Attendu que le débat sur les soins de santé de la région de Montréal n'a pas été fait avec les bénéficiaires, la population et les groupes syndicaux qui oeuvrent en santé; «Attendu que l'ensemble des intervenants conviennent qu'il existe un besoin de soins de santé dans le nord-est de Montréal et que les sommes de 350 000 000 $ annoncées par le ministre pourraient servir à la rénovation des locaux actuels de l'Hôtel-Dieu tout en comblant les besoins de santé de la population du nord-est de Montréal;»

Et l'intervention réclamée se résume ainsi: «II est résolu de demander à l'Assemblée nationale: «1° de signifier au ministre de la Santé et des Services sociaux et aux autres instances du gouvernement Bourassa, ainsi qu'à celles des villes intéressées, notre vive opposition au projet de relocalisation de l'Hôtel-Dieu actuellement situé rue Saint-Urbain et avenue des Pins; «2° d'inviter fortement le ministre de la Santé et des Services sociaux à surseoir audit projet et à accorder aux citoyennes et citoyens concernés l'occasion d'examiner objectivement le dossier et de proposer des solutions alternatives. «Nous, soussignés, appuyons la pétition de la Coalition pour le maintien de l'Hôtel-Dieu au centre-ville, de sa vocation actuelle et de son statut universitaire.»

Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à l'original de la pétition.

Le Président: Votre pétition est déposée.

Il n'y a pas d'intervention portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

Nous allons donc procéder à la période de questions et réponses orales et je vais reconnaître, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.

Questions et réponses orales

Réaction du gouvernement aux textes d'entente à la conférence constitutionnelle

M. Parizeau: M. le Président, depuis plusieurs jours et encore hier, le premier ministre fait grand état du fait qu'il n'est pas au courant des documents, des textes d'entente à la conférence constitutionnelle et, dans ces conditions, se sert de ce prétexte pour ne pas commenter ce qui se passe à la table constitutionnelle.

Nous apprenons qu'hier quatre, dit-on, de

ses principaux conseillers constitutionnels sont allés à Ottawa justement chercher les textes. C'est peut-être pour cette raison que le premier ministre soulevait hier «un risque sérieux d'impasse», disait-il, parce que toujours, dit-on dans les journaux, «la réaction de ces quatre conseillers constitutionnels du premier ministre serait défavorable.»

Est-ce que je peux demander au premier ministre s'il a l'intention, puisque maintenant, il les a, les textes, de faire une déclaration en cette Chambre pour mettre l'Assemblée nationale et le public québécois en général au courant de ce qui se passe, d'ici... enfin, rapidement, quoi, d'ici quelques jours? Aujourd'hui, si c'est possible. Pourquoi le premier ministre, maintenant qu'il a tout ça en main, refuse-t-il de faire le point?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai mentionné, hier, que les textes ou les ententes ou les principes sur lesquels on était tombé d'accord, à Toronto, étaient examinés par les différents gouvernements. Ce ne sont pas des décisions définitives, elles n'ont pas été rendues publiques. Ça n'empêche pas des rencontres entre fonctionnaires comme il y en a régulièrement. Ce n'est pas la première fois que les conseillers constitutionnels du gouvernement ou du ministre délégué aux Affaires intergouvemementales canadiennes rencontrent des hauts fonctionnaires du gouvernement fédéral. C'est normal, alors, ils le font. Mais de là à dire que les propositions dont parle de chef de l'Opposition sont finales, sont définitives, ont fait l'objet de discussions des différents gouvernements ou du gouvernement fédéral, ça, c'est une tout autre question.

Nous aurons à nous prononcer. Encore une fois, je le répète. Hier, je l'ai dit, le gouvernement fédéral a accepté les principes, l'échéancier, la stratégie, si on peut dire, de la loi 150. C'est pour ça qu'il a amorcé toute une série de discussions et de rencontres à travers tout le Canada de manière à pouvoir faire des offres selon la loi 150, de manière qu'on puisse, comme je le mentionnais et comme le mentionne implicitement la loi 150, avoir un référendum sur des offres. Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est que, tant qu'on n'a pas les discussions, qu'on n'a pas le point de vue des gouvernements - là on avait le point de vue des ministres responsables à Toronto - je ne vois pas en quoi j'aurais à commenter des textes préliminaires, qui ne sont pas des textes définitifs.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, est-ce que je comprends bien le premier ministre qu'en somme il envoie des gens à Ottawa relever les textes, relever les ententes partielles qu'il peut y avoir? Il téléphone, sans arrêt, ou il reçoit des téléphones, à longueur de journée, si on le comprend bien ou certains de ses ministres, mais tout ça va être caché. Personne ne saura rien. On laissera, là, les gens «effervescer», les journalistes poser des hypothèses...

Oui, oui, je suis toujours à ma question. Est-ce que je comprends bien le premier ministre quand il dit: Bavardez, bavardez, dans les journaux, faites des hypothèses, moi, je sais ce qui se passe, mais je ne vous le dirai pas? C'est ça, la position du premier ministre?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le chef de l'Opposition dit que je suis constamment au téléphone et que les conversations téléphoniques sont secrètes ou sont discrètes. Je veux dire, je ne vois pas en quoi du moins sauf si je me trompe ou si je suis mal informé, les conversations téléphoniques entre premiers ministres devraient être rendues publiques. À moins qu'on n'ait les moyens de vérifier...

Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est: D'abord, je ne suis pas constamment au téléphone. J'ai retourné, à l'occasion, des appels téléphoniques de certains de mes collègues, et je le fais encore, pour discuter de questions constitutionnelles ou même de questions économiques. Ça, c'est normal. C'est dans la nature des choses, dans la nature de mes fonctions. Mais ce que je lui dis, c'est que les rencontres qui ont lieu font suite à d'autres rencontres.

C'est évident que mes hauts fonctionnaires - j'aurai l'occasion d'en discuter avec eux au cours des prochains jours - reçoivent des informations, c'est clair, sur les éléments d'entente qui ont pu avoir lieu, au niveau ministériel, à Toronto. Mais je dis au chef de l'Opposition que je ne vois pas en quoi je devrais faire des commentaires définitifs, dire telle et telle chose - je réponds sur des points précis qui sont demandés - mais que je devrais donner un avis définit sur des textes qui sont encore l'objet de discussions. C'est ça que je réponds au chef de l'Opposition. Il me semble qu'il ne devrait pas en être étonné.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Parizeau: Au cas où ça pourrait intéresser les Québécois, est-ce que le premier ministre pourrait nous dire, alors, sur quoi il se basait pour affirmer, hier, qu'il y a un risque sérieux d'impasse? Il se base sur quoi pour dire ça?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Si j'avais répondu qu'il n'y avait aucun risque d'impasse, le chef de l'Opposition aurait dit: Sur quoi il se base pour dire ça?

Le Président: Pour une question principale, maintenant, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.

Référendum pancanadien sur la question constitutionnelle

M. Brassard: M. le Président, la guillotine fait son oeuvre, à Ottawa, sur le projet de loi C-81 relatif à un référendum pancanadien sur la question constitutionnelle, dont le premier ministre connaît sûrement bien le contenu aujourd'hui. Il en a sûrement profité, même si va vite à Ottawa pour envoyer des émissaires, pour prendre connaissance du projet de loi. Le fax n'existe pas à son bureau.

En dépit d'amendements loufoques, le projet de loi C-81 demeure une escroquerie planifiée, un véritable détournement de la démocratie fondé sur la loi de la jungle et qui ne peut conduire qu'à un débat faussé et inéquitable, qu'à une immense opération de manipulation de l'opinion des Québécois, ce qui est d'ailleurs déjà commencé. (10 h 30)

Question au premier ministre: Maintenant qu'il connaît bien le projet de loi C-81, comment le premier ministre peut-il accepter que se tienne sur le territoire québécois, sur une question aussi cruciale que l'avenir politique des Québécois, ce qu'un éditorialiste du Soleil a qualifié de «partouse» référendaire, une opération antidémocratique qui constitue un véritable sabotage du droit des Québécois de décider de leur avenir? Comment peut-il, maintenant qu'il connaît le texte de loi, accepter que se tienne au Québec une pareille supercherie de la démocratie?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, admettons, au départ, qu'une consultation populaire n'est pas antidémocratique. Ça, on peut admettre ça de principe. Admettons, au départ, qu'une consultation populaire n'est pas antidémocratique. Quant aux modalités, il y a eu des amendements. Je veux dire, si ça regarde le Parlement fédéral, ça ne regarde pas l'Assemblée nationale. C'est pourquoi j'ai répondu la semaine dernière - le député de Lac-Saint-Jean me repose la même question que la semaine dernière, dans les mêmes termes - que le premier ministre du Canada a toujours dit que ce n'était pas son intention, et il l'a répété, de se substituer à la volonté de l'Assemblée nationale. J'ai répondu au député de Lac-Saint-Jean que notre référence - il peut y avoir des débats juridiques à cet égard-là - sur l'application de la loi ou les modalités référendaires, c'est la loi québécoise. Il me semble que j'ai répondu à cet égard-là, d'une façon très claire, la semaine dernière au député de Lac-Saint-Jean.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, Tartuffe n'aurait pas dit mieux. Oui, c'est une véritable «tartufferie».

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Brassard: Le premier ministre pourrait-il avoir la dignité élémentaire et un minimum de courage politique pour dire carrément non. Ça doit se dire de sa part? Dire carrément non à l'initiative fédérale et refuser de cautionner cette caricature grossière de la démocratie. Un peu de courage, M. le premier ministre! Dites non à ce que prépare le gouvernement fédéral et la Chambre des communes. Dites non!

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je cherche dans Molière, M. le Président, un personnage qui pourrait ressembler au député de Lac-Saint-Jean.

Des voix:...

M. Bourassa: On avisera. M. le Président, dans la loi qui est soumise au Parlement fédéral, je dois souligner au député de Lac-Saint-Jean que, dans l'article 3, si ma mémoire est bonne - je ne veux pas commenter une loi d'un autre Parlement; c'est aux députés à assumer leurs responsabilités, dans la mesure où la loi de l'Assemblée nationale prévaut - on dit que le référendum ne pourra s'appliquer qu'à certaines provinces, donc laissant clairement la possibilité - et ce n'est pas contradictoire avec les déclarations qui ont été faites par les autorités fédérales - au Québec de tenir son référendum selon ses propres lois. De toute évidence, le député de Lac-Saint-Jean n'a pas lu l'article 3 de la loi fédérale.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, il y a aussi Scapin dont on connaît les fourberies.

Une voix: Trop de culture.

M. Brassard: Oui.

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

M. Brassard: Ma question, M. le Président,

au premier ministre: Si la loi fédérale prévoit justement que certaines provinces soient exclues, pourquoi, dès maintenant, aujourd'hui même à l'Assemblée nationale et au peuple québécois, le premier ministre ne dit-il pas au gouvernement fédéral que son référendum ne pourra pas et n'aura pas lieu sur le territoire québécois? Ce n'est pas difficile à dire, ça! Si ça le permet, dites-le donc!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le député de Lac-Saint-Jean, je l'admets volontiers, s'affirme avec beaucoup de brio dans le rôle de saltimbanque.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: M. le Président, je n'ai pas invoqué Molière. J'invoque le dictionnaire.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: J'ai répondu au député de Lac-Saint-Jean, la semaine dernière, que nous voulions... J'ai invoqué le premier ministre du Canada, qui le comprenait et qui avait affirmé qu'il n'avait pas l'intention de se substituer aux Québécois dans leur volonté de décider de leur avenir - je ne pouvais pas être plus clair que cela - que notre objectif, c'était dans la loi 150. Nous voulions le respect de la loi 150. Que veut de plus le député de Lac-Saint-Jean, qui est maintenant converti à la loi, qui la défend partout, dans les manifestations, dans toutes les occasions? Maintenant que le député de Lac-Saint-Jean, avec tous ses collègues, est converti au respect de la loi 150, en permettant, évidemment, selon l'esprit de la loi, des amendements si les offres fédérales sont faites, tel qu'annoncé...

M. le Président, ces gens-là, qui veulent garder des liens avec le reste du Canada, à ce qu'ils disent, est-ce que le gouvernement fédéral et tous nos partenaires canadiens se seront rencontrés un grand nombre de fois, à discuter durant des jours et des jours, pour préparer des offres au gouvernement du Québec, puis, une fois qu'on aurait reçu des offres, on dirait: On n'en tient pas compte? Est-ce que c'est ça que vous voulez qu'un gouvernement responsable fasse, M. le Président?

On dit à nos partenaires canadiens: Nous attendons des offres. C'est dans le texte de la loi 150. Admettons qu'ils font des efforts considérables pour faire ces offres, et là le Parti québécois voudrait qu'on dise: Au diable! Au diable les offres, après tous ces efforts qui sont faits. Non, quand même, soyons réalistes. Soyons réalistes, M. le Président.

Le Président: En conclusion.

M. Bourassa: Alors, j'ai dit au député de

Lac-Saint-Jean, il y a deux semaines, la semaine dernière - je le lui répète aujourd'hui - que notre objectif est le respect de la loi 150 dans son esprit et dans sa lettre.

Le Président: Pour une question additionnelle.

M. Brassard: Est-ce que je dois comprendre que, dans les nombreuses conversations téléphoniques qu'il a eues avec son ami Brian, c'est ça qu'il lui a dit? Est-ce que vous lui avez dit, à M. Mulroney, que, quant au Québec, la loi fédérale ne s'appliquerait pas et que ce qui s'appliquerait, c'est la loi 150, le référendum sur la souveraineté, conformément aux traditions, aux coutumes et aux législations en matière de référendum au Québec? Est-ce que c'est ça que vous lui avez dit, carrément, directement et précisément, à l'occasion de vos nombreuses conversations téléphoniques?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'ai répondu que les conversations téléphoniques, normalement, entre chefs de gouvernement, ce sont des conversations privées. Si vous avez des complices qui peuvent vous informer sur le contenu de ces conversations-là, c'est votre problème.

Le Président: En question principale, M. le député de Laviolette.

Protocole entre le ministère des Forêts et la Société sylvicole de l'Outaouais

M. Jolivet: Merci, M. le Président. La Société sylvicole de l'Outaouais a été fondée en 1979. De 1979 à 1991, tout allait bien entre le ministère des Forêts et cette Société. Cependant, malheureusement, en 1991, la Société a refusé une allocation de plants à reboiser parce qu'elle considérait que c'était au-delà de ses capacités. Depuis ce refus, la Société se sent victime de représailles de la part des représentants du ministère des Forêts en région, qui lui imposent des coupures injustifiées pour ses travaux. Pour 1991-1992, c'est une perte de 18 000 $, puisque le protocole n'a finalement été signé qu'au mois de septembre 1991, et pour 1992-1993 le protocole n'a pas encore été signé. (10 h 40)

J'aimerais savoir de la part du ministre des Forêts s'il peut m'indiquer quand le protocole 1992-1993 sera signé entre le ministère des Forêts et la Société sylvicole de l'Outaouais.

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, grâce à l'entente fédérale-provinciale que nous avons signée dernièrement, les budgets de toutes

les sociétés sylvicoles, les organismes de gestion en commun à travers le Québec seront augmentés légèrement et, ceci, avec une programmation pour les trois prochaines années, en plus. Nous devrions finaliser cette semaine, M. le Président, la répartition des budgets de chacune des sociétés et de chacun des organismes de gestion en commun.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jolivet: Afin de faire cesser le harcèlement dont se dit victime la Société sylvicole de l'Outaouais, le ministre possède-t-il les moyens pour obliger ses fonctionnaires à respecter ce protocole qu'il va signer bientôt?

Le Président: M. le ministre des Forêts.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je serais bien surpris que les fonctionnaires utilisent du harcèlement envers quelque société que ce soit et, si ça se produisait, soyez assurés que je prendrai des mesures pour corriger la situation.

Le Président: Toujours en complémentaire.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre peut m'indiquer quels sont les recours qui appartiennent à une société comme celle de l'Outaouais lorsqu'elle se sent victime de coupures injustifiées de la part des fonctionnaires en région?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): M. le Président, je pense bien que la Société a comme recours de faire poser une question à l'Assemblée nationale par le député de Laviolette...

Une voix: Entre autres.

M. Côté (Rivière-du-Loup): ...entre autres. d'un autre côté, si ce cas est porté à mon attention personnelle, je me ferai un devoir de l'examiner et, comme je l'ai dit précédemment, de corriger la situation s'il y a lieu.

Le Président: En question complémentaire.

M. Jolivet: Est-ce que le ministre, à part la réponse qu'il me donne, peut m'indiquer s'il est possible, de la part des fonctionnaires en région, de couper un montant d'aide financière chez un propriétaire pour se rembourser des sommes qu'eux, les fonctionnaires, estiment être dues pour des travaux faits chez un autre propriétaire? Est-ce que c'est possible, ça?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Rivière-du-Loup): Écoutez, M. le Président, si les travaux n'ont pas été exécutés, je pense bien que les fonctionnaires sont en droit de réclamer l'argent qui aurait été versé, mais si les travaux ont été exécutés, je ne pense pas qu'on puisse agir de cette façon-là. Si le député de Laviolette veut me donner le cas précis, ça me fera plaisir de l'examiner, M. le Président.

Le Président: En question principale, Mme la députée de Johnson.

Restrictions budgétaires limitant le nombre d'implantations de prothèses

Mme Juneau: Merci, M. le Président. On apprenait, hier, que par souci d'économie plusieurs hôpitaux du Québec limitent l'implantation de prothèses de la hanche et du genou. Tous savent que les personnes âgées sont les premiers bénéficiaires de ces implantations. Ainsi donc, encore une fois, les gens âgés font les frais des restrictions budgétaires du gouvernement. Les médecins orthopédistes dénoncent vertement cette situation et ils ont d'ailleurs prévu une marche symbolique, samedi prochain, à Québec, afin de sensibiliser le ministre de la Santé et des Services sociaux. Est-ce que le ministre responsable de la Condition des aînés a l'intention, dans les plus brefs délais, de corriger cette situation inquiétante pour plusieurs personnes âgées en attente d'une prothèse de la hanche ou du genou?

Le Président: Alors, M. le ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable de la Condition des aînés.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai reçu un téléphone du Dr Girard, qui est un orthopédiste de l'Hôtel-Dieu de Québec et qui est à l'origine de cette marche symbolique qui se déroulera samedi prochain, à Québec, comme partout ailleurs à travers le Canada. Ce n'est pas un phénomène qui est unique à Québec, c'est dans l'ensemble du Canada, et il visait à me sensibiliser, M. le Président, à cette problématique vécue. Ce qui est extrêmement intéressant, c'est que ce médecin, en particulier, a oeuvré à Matane pendant un certain nombre d'années et il est donc pleinement conscient de cette problématique des régions de tout le Québec, lui-même ayant été inspiré par son travail en région et desservant maintenant, de l'Hôtel-Dieu de Québec, les gens de l'Est du Québec en particulier.

Il y a une problématique qui est là, avec des coûts de plus en plus élevés et qui fait l'objet d'une analyse à la demande des orthopédistes au niveau du ministère. Évidemment, on est toujours face à des contraintes sur le plan budgétaire qui sont réelles et auxquelles nous devons faire face chaque jour, avec des coûts assez substantiels. Évidemment, nous réussirons à

trouver une solution à nos problèmes pour peu que nous fassions, nous, l'effort du côté du ministère, mais que les orthopédistes aussi se mettent à la tâche pour faire des choix, des choix qui ne sont pas toujours faciles pour nous, comme ministère, mais qui ne seront pas faciles non plus au niveau des orthopédistes quant au choix qui s'offrira à eux, éventuellement.

Dans ce sens-là, nous allons continuer de travailler avec eux pour tenter de donner le meilleur service possible à l'ensemble des clientèles à travers le Québec, y compris aux personnes âgées, parce que ce n'est pas un problème spécifique aux personnes âgées, de manière plus évidente et plus importante au niveau des personnes âgées, mais on va examiner le dossier à son mérite.

Le Président: En question complémentaire.

Mme Juneau: est-ce que le ministre est prêt à s'engager à rencontrer les orthopédistes afin qu'ils l'informent des conséquences néfastes que peuvent entraîner ces restrictions au niveau des prothèses du genou ou de la hanche?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, j'ai promis au docteur qui m'a contacté, parce qu'il y en a un qui m'a contacté au téléphone, de le rencontrer et de discuter avec lui dès que j'aurai un peu de temps disponible. Vous comprendrez que les occupations qui m'amènent en Chambre de ce temps-là, avec plusieurs dossiers, sont assez accaparentes, merci. Mais dès que j'aurai pu, à la fin de la session, libérer un peu de temps, c'est avec plaisir que je le rencontrerai, et particulièrement lui, venant des régions, de la même manière que j'ai pu contacter dans mon voyage en Abitibi, à Amos en particulier, des médecins orthopédistes qui ont évoqué certaines problématiques à ce niveau-là. De la même manière, le problème de Québec, le problème d'Amos et le problème d'autres régions du Québec font en sorte que plus on en desservira dans les régions du Québec, moins des hôpitaux comme l'Hôtel-Dieu de Québec ou de Montréal seront engorgés, et ça évitera aux gens de se déplacer un peu partout à travers le Québec aussi. Ça aussi, c'est un autre aspect.

Le Président: Question complémentaire.

Mme Juneau: Est-ce qu'on peut espérer que les quotas qui sont imposés au moment où on se parle puissent prendre fin le plus tôt possible?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Ce n'est pas une question de quotas, M. le Président, c'est une question d'argent. Non, ce n'est pas une question de quotas, c'est une question d'argent. Vous, Mme la députée de Johnson, est-ce que vous dépensez plus que vous n'en gagnez? Non! C'est une question d'administration pure et simple. Est-ce qu'on peut demander à l'État de dépenser plus qu'il ne le fait maintenant, alors qu'on a même un déficit de plus ou moins 4 000 000 000 $? Est-ce qu'on peut demander aux citoyens du Québec de payer plus que les 12 700 000 000 $ actuellement? On a dit que nous avions atteint nos capacités de payer.

En termes clairs, il y a aussi des choix à faire pour les dispensateurs de services, et ils devront être de la partie pour faire ces choix de manière collective, et aussi sur le plan individuel. Des quotas, je ne suis pas intéressé à en avoir. Tout ce à quoi je suis intéressé, c'est qu'on puisse respecter la capacité des citoyens du Québec de payer. Dans ce sens-là, nous allons examiner la situation pour voir si, comme on l'a fait en cardiologie, comme on l'a fait en hémodynamique, comme on l'a fait dans d'autres domaines, on peut effectivement tenir compte de certaines particularités en termes de services à dispenser à la population avec la collaboration de ceux qui dispensent ces services-là, et très certainement pas de manière isolée au ministère.

Le Président: Une autre question complémentaire.

Mme Juneau: Une dernière complémentaire, M. le Président. Est-ce que les choix qui sont faits présentement ne pourraient pas être d'autres choix que ceux qui sont encore imposés aux personnes âgées?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je connais la générosité de Mme la députée de Johnson, elle est proverbiale. Dans ce sens-là, je lui dirai qu'évidemment je suis ouvert à toutes les suggestions qui peuvent nous permettre de faire des choix encore plus judicieux que nous ne le faisons maintenant, à l'intérieur des paramètres financiers que nous avons et à l'intérieur de notre capacité de payer. Si vous avez des bonnes suggestions quant aux choix à faire à l'intérieur de ces enveloppes, je suis très très ouvert.

Mme Juneau: Merci.

Le Président: En question principale, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue.

Implantation du système Clawson de triage des appels à Urgences-santé

M. Trudel: Le ministre de la Santé et des Services sociaux annonçait hier de nouvelles directives pour la Corporation d'urgences-santé

de Montréal, pour faire en sorte de remettre sur les rails, si cela peut se faire, tout le système préhospitalier de transport ambulancier dans la région de Montréal et de la ville de Laval. Le ministre a de plus annoncé qu'il donnait le feu vert à l'implantation d'un nouveau système de triage des appels dans la région de Montréal, le système Clawson. Par ailleurs, les infirmières qui jusqu'à maintenant effectuent ce travail de triage des appels urgents à la Corporation d'urgences-santé menacent de débrayer à tout moment et de ne plus faire le travail de réception et de triage des appels. (10 h 50)

Ma question au ministre de la Santé et des Services sociaux: Finalement, peut-il nous dire quand va être implanté le nouveau système Clawson de triage des appels urgents pour les ressources ambulancières dans la région de Montréal, et peut-il nous dire s'il a pris toutes les dispositions nécessaires pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de perturbation du service, pour répondre aux appels urgents pour des ressources ambulancières dans la région de Montréal et de Laval?

Le Président: M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, comme vous le savez, le dur dossier d'Urgences-santé est un dossier qui a été très largement discuté devant cette Assemblée et sur la place publique depuis 1989 et même 1988, et même avant, mais de manière plus importante et plus intensive depuis ce temps-là par des commissions parlementaires, par des sous-commissions de l'Assemblée nationale. Et j'ai entendu, et nous avons entendu comme Assemblée à peu près tous les intervenants, que ce soient des techniciens, des répartiteurs, des infirmières, les dirigeants d'Urgences-santé. M. le Président, il est clair que nous avons pris un certain nombre de décisions qui ont été déposées hier, qui sont donc publiques, et qui sont un ajustement aux directives expédiées au mois de juin 1991.

M. le Président, il est clair que ça implique une dissociation d'Info-Santé, et ce sont en particulier des infirmières. Il est clair que nous avons dit oui à Clawson et, dès que nous aurons signé le contrat, je me suis engagé à déposer le contrat Clawson, je vais le faire. Dans ce sens-là, M. le Président, il reste quelques petites négociations à terminer sur le plan des échéanciers, mais il est évident que, dans la directive que vous avez entre les mains, nous avons dit: Dissociation d'Info-Santé d'ici à deux mois, donc deux mois, maximum, et avec toutes les conséquences que ça peut supposer.

Ce que je peux souhaiter, et c'est très connu, c'est qu'il n'y ait pas de perturbation du service. Nous avons effectivement pris un certain nombre de mesures pour tenter d'éviter une perturbation du service. Mais, M. le Président, si des gens à l'intérieur décident de perturber le service, il sera toujours loisible à eux de le faire, mais, évidemment, ils se mettront devant des faits: que la loi 160 est toujours là, qu'elle s'appliquera avec la sévérité qu'on lui connaît aujourd'hui, avec toutes les conséquences que ça impose à ceux qui iraient à l'encontre de ces directives.

Le Président: En question complémentaire.

M. Trudel: Puisque le ministre invoque lui-même la possibilité de déposer ici le contrat avec Medical Priority Consultants, peut-il, finalement, indiquer à l'Assemblée nationale quel est le prix d'acquisition de ce système de triage des appels? Et peut-il nous garantir qu'avec ce système les ressources ambulancières dans la région de Montréal seront suffisantes pour répondre aux appels, avec ce nouveau système de triage des appels, et s'il n'y aura pas de nouvelles dépenses qui seront engagées, parce que le système va générer beaucoup plus de demandes, de réponses et de ressources dans la région de Montréal?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, c'est un petit peu étonnant, à l'occasion, d'avoir à entendre à nouveau ces questions alors qu'on a passé une multitude de temps, et pas uniquement le ministre, des spécialistes dans le domaine qui sont venus expliquer un certain nombre de choses, des spécialistes comme le Dr Frechette qui est un spécialiste reconnu et qui préside le comité de préhospitaliers à travers le Québec...

Quand on dit: Peut-il nous assurer qu'il y aura suffisamment - on va le dire en termes clairs - d'ambulances et de techniciens de disponibles pour répondre au nouveau système Clawson? M. le Président, il y a une chose qui est claire et évidente et que tout le monde a pu constater. Lorsqu'on compare le système que nous avons à Montréal avec le nombre d'ambulances, à peu près tout le monde en arrive à la conclusion qu'il y a trop d'ambulances pour ce que nous avons besoin. Et de venir poser une question, aujourd'hui: Y aura-t-il suffisamment d'ambulances sur le territoire de la Communauté urbaine et de Laval pour desservir les demandes? M. le Président, c'est oui, pour peu que chacune des personnes, que ce soit à la réception des appels, que ce soit au triage, que ce soit à la répartition, fasse son travail de la manière dont elle doit le faire. Et, dans la mesure, M. le Président, où on serait dans une situation où il y aurait une ambulance - parce que c'est ça, la crainte - qu'il y ait une ambulance qui soit envoyée à un endroit où il n'y en a pas besoin, M. le Président, je préfère qu'il y ait une ambulance qui revienne avec personne qu'une ambulance qui ne se rende pas à temps. C'est ça,

le principe de Clawson. Et, à ce n.oment-là, on sera en sécurité et on a les ambulances qu'il faut pour être capable de répondre à la demande.

Le Président: En question complémentaire.

M. Trudel: Sur la première partie de la question, le ministre peut-il informer l'Assemblée nationale du coût, du prix d'acquisition de ce nouveau système de triage des appels qui risque, comme il le dit lui-même, de nous amener à un appel, une ressource, une ambulance, malgré le type de ressources que nous avons actuellement et le risque de manque de ressources que nous avons dans la région de Montréal?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, qu'est-ce que le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue veut de plus, lorsque je lui dis que je vais déposer le contrat devant l'Assemblée nationale? Ça fait trois fois que je lui dis, M. le Président: Devant l'Assemblée nationale aussitôt qu'il sera signé. En voulez-vous plus? Il faut au moins qu'il se signe, avant de le déposer - vous devez comprendre ça - puis convenir d'un prix! Ça doit être compréhensible même par un député de l'Opposition!

Deuxièmement, lorsqu'il insiste, et même c'est presque de l'acharnement à souhaiter que le système ne fonctionne pas, c'est un peu ça que sous-tend la question... C'est un souhait caché que le système ne fonctionne pas, M. le Président, alors que tout le monde a dit qu'il fallait remettre Urgences-santé sur les rails. C'est ce que nous avons fait et que nous allons continuer de faire, malgré le fait que vous continuiez à supporter et à prétendre des choses qui sont fausses et que vous souhaitiez secrètement que des problèmes arrivent alors que, nous, on souhaite régler des problèmes.

Des voix: Bravo!

Le Président: Pour une autre question complémentaire.

M. Trudel: Au lieu de prêter des motifs à des membres de l'Assemblée nationale sur les intentions de ses parlementaires, pourquoi le ministre tient-il tellement à cacher le nombre de millions de dollars qu'il va investir dans un nouveau système de triage des appels à Montréal sans en connaître l'efficacité, pour une région comme Montréal, et compte tenu des ressources qui sont déjà en place? Qu'est-ce qu'il a à cacher en ne révélant pas le prix d'acquisition de ce système-là? Pourquoi ne veut-il pas le mentionner à l'Assemblée nationale?

Le Président: M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): Vous voyez, M. le Président, toute la quintessence de la logique du député dans cette question. M. le Président, il se lève et dit: Le ministre ne peut pas imputer des motifs au député qui se lève. En se levant, il dit: Qu'est-ce que le ministre a à cacher en ne voulant pas rendre public... alors que ça fait trois fois que je lui dis que je vais déposer le contrat avec le prix. Voyons donc! Soyez un peu plus sérieux.! Ça ne cache strictement rien, autrement que de régler des problèmes qui sont en voie d'être réglés à Urgences-santé et que vous ne souhaitez pas, d'ailleurs, qu'ils soient réglés. Ils vont l'être, les problèmes, malgré vous!

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le député de D'Arcy-McGee.

Admission à l'école anglaise des enfants d'immigrants venant de pays anglophones

M. Libman: Merci, M. le Président. M. le Président, sur les questions linguistiques, trop souvent au Québec des personnages se prennent pour le baromètre de l'opinion publique, prétendant, à tort, qu'ils parlent au nom de la majorité des Québécois. Le référendum de Rosemère était l'un de ces exemples, de même que plusieurs sondages qui ont toujours démontré qu'une majorité de Québécois sont prêts à accepter une plus grande accessibilité aux écoles anglaises pour les immigrants de langue anglaise.

Le ministre de l'Éducation du Québec a démontré beaucoup de courage et de tolérance, récemment, dans sa volonté de s'attaquer au déclin démographique dramatique du secteur des écoles anglophones, un déclin qui est même reconnu dans le rapport du groupe de travail du Parti québécois sur la communauté anglophone, qui sera rendu public bientôt.

Ma question s'adresse au ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française. By delaying the implementation of recommendation number one of the Chambers Report, does he not recognize that not only is he taking away thousands more students every year from an already diminishing school system, but by putting everything off until next year, he is creating a linguistic time bomb instead of clarifying to the majority of Quebeckers that the implementation of the first recommendation of the Chambers Report has a minimal, has a négligeable impact on the majority of Quebeckers, on the French school system in Quebec? Should that not be his preoccupation, telling Quebeckers that the first recommendation of Chambers has a négligeable impact on the French school system?

Le Président: M. le ministre responsable de

l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: Tout d'abord, le député de D'Arcy-McGee m'impute une responsabilité qui ne m'appartient pas. Ainsi que je l'ai dit à maintes reprises, il incombera au ministre de l'Éducation, qui a la responsabilité du chapitre 8 de la Charte de la langue française, de présenter en temps utile les recommandations appropriées au Conseil exécutif et éventuellement à l'Assemblée nationale sur la question soulevée par le député de D'Arcy-McGee. Et le ministre de l'Éducation, en bon homme d'équipe, consulte ses collègues qui ont des intérêts ou des implications dans la question dont traite le député de D'Arcy-McGee. Nous en traitons ensemble. Je pense que le député de D'Arcy-McGee conviendra que, dans une question aussi importante, le gouvernement peut légitimement se soucier des répercussions de cette question particulière sur d'autres questions également actuelles qui se posent dans le secteur linguistique. (11 heures)

Je mentionnerai, à titre d'exemples, la question du statut de villes comme Rosemère, la question de l'affichage, aussi de nature commerciale. Je pense que nous regardons ces questions dans une perspective d'ensemble pour voir les liens qu'elles ont entre elles, les implications qu'elles pourraient avoir sur l'ensemble de l'équilibre linguistique, et il me semble que cette façon d'agir est plus responsable que celle qui consisterait à courir après votre prochain congrès pour essayer de vous faire plaisir à tout prix.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: En question complémentaire.

M. Libman: II n'a pas répondu à ma question, M. le Président. Does he not admit that by delaying this decision, he is taking thousands of potential students out of an already dwindling school system? And should he not inform the public that this recommendation will have the most négligeable of impacts on the French school system? One percent is what the Chambers Report says. Does he at least confirm this statistic that it will only affect 1 % of the French school system?

Le Président: Alors, M. le ministre.

M. Ryan: I must repeat, in English this time, that this matter is not my responsibility, but that of the Minister of Education.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Libman: Alors, est-ce que le ministre de l'Éducation confirme le portrait statistique dans le rapport chambers que, si on accepte la première recommandation de ce rapport, l'impact sur le réseau scolaire francophone sera seulement de 1 %, 1 %, et que c'est ça qui devrait être leur responsabilité, d'informer le public que cet impact sera minime sur le secteur francophone?

Le Président: Alors, M. le ministre de l'Éducation.

M. Pagé: M. le Président, j'ai indiqué très clairement et je me suis référé à la diminution des inscriptions dans le réseau d'enseignement anglophone du Québec, passant de quelque 230 000 à 109 000 en moins de 15 ans. J'ai fait part de l'intérêt du ministère sur cette question, guidé et animé par une volonté de maintenir la qualité des services éducatifs dans ce réseau, qui est important et qui se réfère à un des peuples fondateurs du Québec.

Ceci étant dit, M. le Président, nous étudions actuellement différentes hypothèses. Chacune des hypothèses que nous étudions, non seulement elles sont analysées en fonction de leur impact, mais j'ai demandé à mon équipe de sous-ministres et de fonctionnaires de me donner le profil de ce que ça aurait été d'appliquer une telle mesure pendant cinq ans, aujourd'hui. Alors, l'ensemble de ces questions va être soumis à l'attention de mes collègues, au premier chef, évidemment, le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française, et ensuite les autres collègues indirectement concernés. Ces éléments-là sont donc pris en compte. Ça va être sérieusement étudié, analysé, et nous déciderons en conséquence, en temps opportun, tel que je l'ai indiqué.

Le Président: Alors, dernière question additionnelle.

M. Libman: Je demande au ministre de l'Éducation s'il confirme ce qui était marqué sur la page 5 du rapport Chambers, que la première recommandation va diminuer le réseau scolaire francophone de 1 %; seulement 1 %, c'est un impact négligeable. Est-ce qu'il confirme cette donnée qui est à la cinquième page du rapport Chambers?

Le Président: M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, je n'ai aucun motif de croire, de retenir ou de conclure que les statistiques prévues dans le rapport Chambers sont erronées. C'est une statistique parmi d'autres, qui sera prise en compte dans l'analyse du dossier.

M. Chevrette: M. le Président, est-ce que le ministre responsable...

Le Président: ...question additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: ...de l'application de la Charte de la langue française peut assurer cette Chambre qu'une politique linguistique n'est pas basée sur des pourcentages de participation scolaire, mais bien sur des volontés politiques et des buts bien précis?

Le Président: M. le ministre responsable de l'application de la Charte de la langue française.

M. Ryan: C'est évident qu'une politique linguistique doit tenir compte d'un grand nombre de facteurs. Il y a certains principes de base, il y a des objectifs politiques, il y a également des données socio-économiques et culturelles dont on ne saurait faire abstraction.

Une voix: Additionnelle.

Le Président: Une question additionnelle, M. le député d'Abitibi-Ouest, leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Oui. Est-ce que la ministre de l'Immigration peut confirmer en cette Chambre qu'effectivement, elle aussi, dans sa responsabilité ministérielle, elle connaissait exactement le portrait qualifié de statistique par le député de D'Arcy-McGee et, en conséquence, la ministre maintient-elle la position qu'elle a défendue hier, à savoir qu'elle ne peut pas livrer deux messages discordants à l'immigration à l'étranger?

Le Président: Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration.

Mme Gagnon-Tremblay: M. le Président, je ne peux pas infirmer ou confirmer les statistiques du rapport Chambers. Cependant, ce que je peux dire, c'est qu'il y a une volonté de la part du gouvernement libéral, de même que du ministre de l'Éducation et de la personne qui vous parle, de trouver des solutions pour que la communauté anglophone puisse continuer à s'épanouir, qu'on puisse avoir une communauté forte, une communauté dynamique qui puisse aider à bâtir un Québec meilleur. La communauté anglophone est une richesse, au Québec, tout comme les autres communautés culturelles au Québec.

Cependant, ce qui est important maintenant, c'est de se poser la question: Quels sont les meilleurs moyens pour que la communauté anglophone puisse maintenir son poids démographique au sein de la société québécoise? Est-ce que c'est en envoyant les enfants à l'école anglaise? J'ai émis des réserves que je maintiens aujourd'hui. Est-ce que c'est en retenant le plus possible nos jeunes de la communauté anglophone au Québec? Alors, tout près d'une vingtaine de recommandations ont été faites dans le rapport Chambers au ministre de l'Éducation. Ce dernier, comme il l'a bien mentionné, évaluera chacune de ces recommandations, soumettra au Conseil des ministres des recommandations, et nous nous baserons sur ces recommandations pour prendre les décisions finales.

Le Président: C'est la fin de la période des questions.

Il n'y a pas de vote reporté.

Motions sans préavis.

M. le leader adjoint du gouvernement. Pour une motion sans préavis, M. le leader adjoint du gouvernement.

Motions sans préavis

Motion proposant la nomination

de commissaires suppléants pour

entendre les appels interjetés devant

la Commission de la fonction publique

M. Johnson: M. le Président, permettez-moi de présenter la motion suivante au nom du premier ministre et conformément à l'article 122 de la Loi sur la fonction publique: Qu'il soit constitué une liste de commissaires suppléants pour entendre les appels interjetés devant la Commission de la fonction publique, en vertu de l'article 33 de cette loi, pour une période d'une année, à compter des présentes et que, consé-quemment, soit nommé Me Marc Boisvert...

Le Président: M. le leader adjoint, si vous voulez poursuivre.

M. Johnson: M. le Président, excusez-moi, en vertu d'un précédent qui a déjà été fixé ici, j'ai cru faire quatre motions, une pour chacune des personnes, mais je crois comprendre que des deux côtés de la Chambre il y aurait intérêt à ce que nous nous prononcions sur la liste qui comporterait les suivants, donc que soient nommés: Mes Marc Boisvert, François Fortier, André Ladouceur et Jean-Guy Ménard.

Le Président: Je vous remercie. Je vous informe que pour être adoptée cette motion doit, en vertu de l'article 106 de la Loi sur la fonction publique, être approuvée par au moins les deux tiers des membres de l'Assemblée. Elle sera donc suivie d'un vote par appel nominal. Donc, qu'on appelle les députés.

Mmes, MM. les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît! Veuillez prendre place, s'il vous plaît! Je vais mettre aux voix la motion présentée par le ministre délégué à la Fonction publique et président du Conseil du trésor au nom du premier ministre.

(Suspension de la séance à 11 h 5)

(Reprise à 11 h 10)

Le Président: Veuillez prendre place, s'il vous plaît!

Mise aux voix

Je vais mettre aux voix la motion présentée par le ministre délégué à la Fonction publique et président du Conseil du trésor, au nom du premier ministre, motion qui se lit comme suit: «Que, conformément à l'article 122 de la Loi sur la fonction publique, il soit constitué une liste de commissaires suppléants pour entendre les appels interjetés devant la Commission de la fonction publique en vertu de l'article 33 de cette loi, pour une période d'une année à compter des présentes, et que cette liste comprenne les noms suivants: Me Marc Boisvert, Me François Fortier, Me André Ladouceur et Me Jean-Guy Ménard.»

Alors, que ceux et celles qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît.

Le Secrétaire adjoint: M. Pagé (Port neuf), Mme Gagnon-Tremblay (Saint-François), M. Paradis (Brome-Missisquoi), M. Levesque (Bonaven-ture), M. Ryan (Argenteuil), M. Côté (Charles-bourg), M. Bourbeau (Laporte), M. Dutil (Beauce-Sud), M. Côté (Rivière-du-Loup), M. Vallières (Richmond), M. Vallerand (Crémazie), M. Elkas (Robert-Baldwin), M. Tremblay (Outremont), M. Rémillard (Jean-Talon), M. Rivard (Rosemont), Mme Robic (Bourassa), M. Middlemiss (Pontiac), Mme Frulla-Hébert (Marguerite-Bourgeoys), M. Johnson (Vaudreuil), M. Cusano (Viau), M. Pi-cotte (Maskinongé), Mme Robillard (Chambly), M. Blackburn (Roberval), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Bert hier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Savoie (Abitibi-Est), Mme Trépa-nier (Dorion), M. Cannon (La Peltrie), M. Philibert (T rois-Rivières), M. Chagnon (Saint-Louis), M. Hamel (Sherbrooke), M. Doyon (Louis-Hébert), M. St-Roch (Drummond), Mme Pelchat (Vachon), M. Paradis (Matapédia), M. Marcil (Salaberry-Soulanges), M. Lemire (Saint-Maurice), M. Poulin (Chauveau), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nel-ligan), M. Dauphin (Marquette), M. Kehoe (Cha-pleau), M. Fradet (Vimont), M. Lemieux (Vanier), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'Islet), M. Chenail (Beauharnois-Huntingdon), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Gobé (LaFontaine), M. Joly (Fabre), M. LeSage (Hull), M. Bergeron (Deux-Montagnes), M. Bordeleau (Acadie), Mme Boucher Bacon (Bourget), M. Au-det (Beauce-Nord), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M. Bradet (Charle-voix), Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (Limoilou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafre- nière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).

M. Chevrette (Joliette), M. Perron (Duples-sis), Mme Blackburn (Chicoutimi), Mme Marois (Taillon), M. Jolivet (Laviolette), M. Baril (Ar-thabaska), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Brassard (Lac-Saint-Jean), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Dubuc), M. Filion (Montmorency), Mme Caron (Terrebonne), M. Trudel (Rouyn-Noran-da-Témiscamingue), Mme Dupuis (Verchères), M. Beaulne (Bertrand), Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger (Anjou).

M. Libman (D'Arcy-McGee).

Le Président: Donc, que les députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever, s'il vous plaît. Y a-t-il des abstentions?

Le Secrétaire: pour: 94 contre: 0 abstentions: 0

Le Président: En conséquence, la motion est adoptée.

Toujours au niveau des motions sans préavis, maintenant. Je vais demander aux collègues qui doivent quitter de le faire le plus rapidement possible.

Mmes, MM. les députés, s'il vous plaît, le plus rapidement possible.

A l'ordre, s'il vous plaît! Je vais reconnaître, au niveau des motions sans préavis, maintenant, M. le ministre délégué à la Réforme électorale. M. le ministre.

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je ne sais pas si vous interpellez le ministre de la Santé et des Services sociaux, responsable des personnes handicapées, ou si vous interpellez le ministre à la Réforme électorale.

Le Président: Le ministre délégué à la Réforme électorale.

Motion proposant de confier au Directeur

général des élections le mandat de préparer

un rapport de faisabilité de l'informatisation

des listes électorales provinciales,

municipales et scolaires

M. Côté (Charlesbourg): Excusez-moi, M. le Président, je ne vous avais pas compris. Il me fait plaisir de déposer la motion suivante que vous me permettrez de lire, y compris les attendus, compte tenu de l'implication de cette motion. «Attendu qu'à plusieurs reprises, dans le passé, les membres de l'Assemblée nationale ont manifesté le désir de rationaliser les opérations et les coûts relatifs à la préparation des listes électorales et leur utilisation pour la tenue des

élections provinciales, municipales et scolaires; «Attendu que le Directeur général des élections, les municipalités et les commissions scolaires ont des besoins spécifiques en regard des listes électorales...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre, mes chers collègues, vous le savez, nous avons toujours besoin de votre collaboration. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Côté (Charlesbourg): Au cas où ça aurait échappé, M. le Président, je vais reprendre le deuxième attendu. «Attendu que le Directeur général des élections, les municipalités et les commissions scolaires ont des besoins spécifiques en regard des listes électorales et qu'il y a lieu de procéder à une étude de faisabilité en termes de qualité et de coût de l'informatisation des listes électorales provinciales, municipales et scolaires; «Attendu que, suite à la demande du ministre délégué à la Réforme électorale, il y a lieu de confier ce mandat au Directeur général des élections; «Attendu qu'en vertu des dispositions de l'article 485 de la Loi électorale l'Assemblée nationale peut confier tout mandat au Directeur général des élections; «Attendu que le Directeur général des élections doit, pour pouvoir remplir un tel mandat, être habilité à consulter les organismes municipaux et scolaires; «Attendu qu'il y a lieu d'assurer au Directeur général des élections la collaboration des autorités gouvernementales et des intervenants concernés aux différents paliers pour recueillir les données et renseignements requis pour la réalisation de ce mandat; «Attendu que le Directeur général des élections devra conclure toute entente qu'il jugera utile avec les organismes concernés aux fins de sa consultation;» «II est ordonné, sur recommandation du ministre délégué à la Réforme électorale: «Que soit confié au Directeur général des élections, conformément aux dispositions de l'article 485 de la Loi électorale, le mandat de procéder à une analyse de faisabilité la plus étendue possible, en termes de qualité et de coût de l'informatisation des listes électorales provinciales, municipales et scolaires; «Qu'aux fins de la réalisation de ce mandat le Directeur général des élections soit habilité: à consulter les organismes municipaux et scolaires visés; à requérir l'aide, l'assistance et la collaboration de toute personne ou de tout ministère ou service gouvernemental; à recueillir toutes les données pertinentes et jugées indispensables à l'étude; à conclure toute entente nécessaire avec les organismes. «Que le préambule fasse partie de la présente résolution; «Qu'au plus tard, le 31 mars 1993, le Directeur général des élections remette au président de l'Assemblée nationale un rapport sur la faisabilité de l'informatisation des listes électorales provinciales, municipales et scolaires, comprenant des données relatives aux coûts et aux bénéfices; «Que le président de l'Assemblée nationale dépose ce rapport devant l'Assemblée nationale dans les 15 jours de sa réception si elle siège ou, si elle ne siège pas, dans les 15 jours de l'ouverture de la session suivante ou de la reprise de ses travaux.»

Je joins à cela, M. le Président, le devis, le document de travail qui accompagne cette proposition.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre, de votre intervention. Sur cette même motion...

Une voix: Consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, très brièvement...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre droit de réplique.

M. Côté (Charlesbourg): ...après avoir travaillé en collaboration avec tous les parlementaires de cette Assemblée, avec les partis politiques pour faire en sorte qu'on puisse moderniser notre Loi électorale, notre Loi sur le financement des partis politiques, notre loi référendaire, il est apparu extrêmement important de faire en sorte que l'on puisse, au niveau de la loi sur le recensement, mettre en marche un comité impartial dirigé par le Directeur général des élections et qui a pour but, comme vous l'avez entendu tantôt, de nous faire un rapport très substantiel sur la faisabilité et les coûts que pourrait encourir la réalisation d'une liste informatisée impliquant à la fois le scolaire, le municipal et le provincial et la rendant disponible, au besoin, pour des élections fédérales.

Il y a très certainement des coûts qui sont reliés à l'implantation d'une telle liste, mais il y a aussi des économies assez appréciables puisque, comme vous le savez, sur la plan scolaire, on fait des listes, sur le plan municipal, on fait des listes, sur le plan provincial, on fait des listes, toujours avec des personnes différentes. Ce mandat demande au Directeur général de faire en sorte qu'on puisse avoir une liste unique et, par le fait même, suffisamment utilisable à tous les niveaux, donc à ces trois niveaux.

Ce que nous souhaitons, c'est obtenir pour le 31 mars 1993 ces résultats, de telle sorte

qu'on puisse, par la suite, saisir l'Assemblée des modifications nécessaires, dans la mesure où c'est abordable comme coût, et donc procéder et finaliser l'ensemble de ce travail qui est amorcé depuis déjà quelques années. Je remercie cette Chambre d'être unanime devant cette proposition.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre, de votre intervention, qui n'était pas votre droit de réplique, je m'en excuse. M. le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette.

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Nous... (11 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader, s'il vous plaît! M. le sergent d'armes, est-ce qu'on pourrait avoir un peu d'ordre en arrière, s'il vous plaît? M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Merci surtout de votre grande compréhension vis-à-vis de mon droit de parole.

Je voudrais, M. le Président, me joindre à cette motion et dire que nous la partageons. Nous serons d'accord, bien sûr, d'autant plus que je me souviens qu'en 1982 le Parti québécois avait fait une motion du genre ou une suggestion du genre, et je ne voudrais pas faire subir au ministre délégué à la Réforme électorale ce qu'il nous avait fait subir il y a environ 10 ou 12 ans de cela.

Une voix: C'est généreux, ça.

M. Chevrette: Au contraire, je pense que les idées ont mûri, elles ont évolué et, de plus en plus, on se rend compte que les opérations pompiers à la veille d'une campagne électorale, ça pourrait être très bien corrigé par une liste permanente, d'autant plus que de plus en plus de corps municipaux et scolaires utilisent des listes. On fait des référendums en double, en triple, on dépense de gros sous, et je pense qu'on pourra sans doute, je l'espère - je le souhaite, en tout cas - conclure une économie d'échelle sur le plan monétaire et faire en sorte que ces listes-là puissent servir aux différents corps constitués qui ont des élections et qui pourront véritablement bénéficier de ce service permanent, M. le Président, pour permettre enfin d'avoir une liste qui ne demande pas d'être remise en cause de fond en comble, s'il y a un référendum ou une élection.

Donc, M. le Président, je me joins au ministre et je vous dis que cette motion, quant à nous, est adoptée à l'unanimité.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, en vertu de votre droit de réplique, M. le ministre de la réforme électorale.

M. Marc-Yvan Côté (réplique)

M. Côté (Charlesbourg): Oui. Juste une petite correction, M. le Président. De mon point de vue, ce n'était pas en 1982, c'est davantage en 1978 ou 1979, puisque le porte-parole de l'Opposition, à l'époque, était l'ex-président de la Chambre, M. Jean-Noël Lavoie, et il a quitté en 1981. Il me paraissait important de remettre ça... Ça fait donc encore plus de temps.

Évidemment, vous aurez compris très facilement que, par les propos du député de Joliette, il voulait signifier au peuple tout entier que le Parti libéral s'était ravisé, avait évolué. Évidemment, je pense qu'un parti qui n'évolue pas est un parti condamné à rester dans l'Opposition. C'est ce que nous avons fait, dans ce cas-là, et je suis très heureux de souscrire à cette étude, qui nous permettra de prendre une décision finale, et des économies.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté à l'unanimité.

Alors, nous en sommes encore aux motions sans préavis. M. le ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Côté (Charlesbourg): Et responsable des personnes handicapées, M. le Président, puisque c'est à ce titre...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et responsable des personnes handicapées.

M. Côté (Charlesbourg): ...que je vous propose la motion suivante:

Souligner la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées

«Qu'au cours de cette Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, qui se déroule cette année du 1er au 7 juin, l'Assemblée souligne la volonté et la capacité de ces personnes de contribuer au bien-être de leur communauté et qu'elle réitère la nécessité, pour tous les acteurs de la société de faire en sorte que, dans le champ où elles exercent leurs responsabilités, les personnes handicapées puissent s'intégrer dans le respect de leurs différences.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce qu'il y a consentement?

Des voix: II y a consentement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Consentement pour débattre cette motion. M. le ministre, si vous voulez poursuivre.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. La carte du monde se transforme sous nos yeux chaque jour. Chaque jour, nous avons des reportages, concernant la cause environnementale, qui nous parviennent de Rio - tantôt de l'espace... Maintenant, c'est devenu une habitude presque chaque mois. Mais personne n'aurait pu prévoir, il y a 10 ans, l'ensemble des mutations auxquelles nous avons pu assister. De même, la réalité des personnes handicapées, leur degré d'intégration ainsi que les moyens mis à leur disposition pour favoriser cette intégration ont connu des transformations en profondeur. Cette année encore, j'aimerais m'associer aux organismes de promotion pour souligner la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, qui se déroule du 1er au 7 juin 1992.

Cet événement est une occasion privilégiée pour rappeler aux membres de cette Assemblée ainsi qu'à tous nos concitoyens que l'intégration sociale des personnes handicapées est un objectif qui nous concerne tous, et ce, tout au long de l'année. La Confédération des organismes provinciaux des personnes handicapées, COPHAN, a choisi le thème «L'accès, c'est un droit» pour inciter les gens à poser des gestes concrets pour permettre aux personnes handicapées de participer à tous les aspects de la vie québécoise. Au cours des prochains jours, les organismes promoteurs de la Semaine veulent faire comprendre à toute la population que la création d'une société accessible aux personnes handicapées relève de la responsabilité de tous.

L'intégration des personnes handicapées n'est pas le fruit du hasard. Elle est, en tout premier lieu, le résultat des efforts et de la volonté de ces personnes et de leurs proches, qui sont les premiers concernés. Elle est aussi le résultat de la contribution d'une foule d'autres citoyens, organismes et institutions. Sans eux, ce véritable changement social n'aurait pas été rendu possible. Pour sa cinquième édition, cet événement coïncide avec la décennie des personnes handicapées, proclamée par l'Organisation des Nations unies. Décennie fertile en changements, que nous avons d'ailleurs soulignée hier matin, en compagnie des membres de cette Assemblée, dans ce qui est communément appelé le «salon rouge».

Qui aurait pu se douter, il y a 10 ans, au Québec, de l'essor que prendrait la cause des personnes handicapées? Qui aurait pu prévoir l'effet de certaines modifications au niveau de l'accessibilité architecturale, de l'éducation, des transports, des services de réadaptation, de l'hébergement institutionnel sur la vie de tous les jours des personnes handicapées? Qui aurait pu mesurer l'impact de ces changements, de plus en plus visibles parmi nous? C'est à une véritable transformation des mentalités et des programmes que nous avons assisté au cours des dernières années. De quelques initiatives dispersées, nous sommes passés à des efforts collectifs. Des lois ont été adoptées, des orientations et des politiques ont été définies, des attitudes ont commencé, M. le Président, et ont beaucoup évolué. Nous trouvons de plus en plus normal de voir vivre et évoluer les personnes handicapées parmi nous.

À leur tour, ces personnes prennent confiance en elles, se sentant plus audacieuses et repoussent encore les limites qui paraissaient leur être imposées. Bien sûr, il reste encore beaucoup d'obstacles à franchir et de chemin à parcourir avant que les personnes ayant des incapacités ne vivent plus de restrictions dans le cours normal de leur vie. Divers organismes de promotion, dont ceux qui sont responsables de la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, expriment des attentes encore nombreuses dans différents secteurs dont, notamment, les transports, le logement, l'emploi, l'éducation et les loisirs. Dans chacun de ces secteurs, ils veulent inciter des décideurs à évaluer le niveau d'accessibilité des services, à rendre le public plus conscient des obstacles physiques et sociaux auxquels les personnes handicapées sont confrontées et à prendre des mesures concrètes pour minimiser ces obstacles.

Dans un contexte de contraintes budgétaires et de réaménagements, il m'apparaît encore plus important de se brancher sur les bonnes valeurs, de se rappeler que c'est l'amélioration de la qualité de vie de ces personnes dont il est question. Il y a toujours lieu de convier l'ensemble des acteurs et des réseaux de services à mobiliser tout le savoir, l'énergie et le dynamisme de leur organisation pour produire, au cours des années futures, une nouvelle vague de changements différente, adaptée aux besoins des années quatre-vingt-dix. J'ai confiance, M. le Président, en la capacité de tous les partenaires d'y parvenir.

Merci bien!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, sur la même motion, M. le député de Rouyn-Noran-da-Témiscamingue et vice-président de la commission des institutions. M. le député. (11 h 30)

M. Rémy Trudel

M. Trudel: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que l'Opposition va joindre sa voix à celle du ministre de la Santé et des Services sociaux et du gouvernement pour appuyer cette motion qui veut souligner la volonté et la capacité des personnes handicapées de contribuer au bien-être de leur communauté et de réitérer la nécessité, pour tous les acteurs de la société,

de faire en sorte que, dans leur champ respectif de responsabilité, ces acteurs puissent contribuer à la réussite de l'intégration des personnes handicapées, malgré leurs différences perceptibles ou non perceptibles, suivant les différents handicaps qui affectent les personnes concernées. Il est important, M. le Président, que l'Assemblée nationale manifeste, prenne note des progrès qui ont été accomplis au cours des 10 dernières années dans ce secteur... Et c'est avec fierté que, évidemment, je peux rappeler ici, M. le Président, que c'est le gouvernement du Parti québécois qui avait procédé à la création de l'Office des personnes handicapées du Québec, office dont le mandat de base est la défense et la promotion des droits des personnes handicapées. Également, au cours de l'histoire, cet organisme, l'OPHQ, a été chargé de dispenser un certain nombre de programmes en vue de faciliter l'intégration des personnes handicapées dans la société québécoise.

La maturité d'une société, M. le Président - et le ministre y touchait lui-même il y a quelques secondes - se mesure souvent à l'ampleur des moyens que nous mettons à la disposition de la collectivité pour que les personnes vivant avec une différence puissent s'intégrer harmonieusement à cette société et aussi puissent, de façon efficace, contribuer au bien-être des personnes et au développement de cette société elle-même. Au cours des 10 dernières années, le développement d'un réseau de centres de travail adapté, par exemple, et d'une politique ou d'éléments de maintien à domicile pour ces personnes, d'intégration au marché du travail, de développement d'un service de transport adapté pour ces personnes, aura permis, sans l'ombre d'un doute, M. le Président, avec cette volonté, au moment de la création de l'OPHQ au Québec, la volonté des Québécois et des Québécoises, de compter avec ces personnes qui ont une différence avec une autre majorité de personnes dans notre société et de reconnaître qu'elles peuvent avoir une contribution, ces personnes, inestimable dans notre société. Dans ce sens-là, l'ampleur des mesures que nous pouvons prendre dans notre société est une marque d'évolution de cette société, de la grandeur de cette société et du fait que nous plaçons au premier rang de nos priorités la santé et le bien-être des personnes, peu importe qu'elles vivent avec une différence, à un titre ou à un autre, au niveau de leur vie personnelle.

M. le Président, il faut également reconnaître, à l'occasion de cette motion et à la fin de cette décennie sur l'intégration de la personne handicapée qui a été promulguée par l'Organisation des Nations unies, le travail assez exceptionnel accompli par le mouvement associatif des personnes handicapées au Québec. En particulier, il faut rappeler très particulièrement le travail accompli par la COPHAN, la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, qui est toujours sur la brèche pour défendre et faire en sorte que la promotion des droits des personnes handicapées puisse s'exercer dans notre société. C'est un travail qui, souvent, s'est fait et continue à se faire dans des conditions matérielles difficiles. C'est sur une base du communautaire, de la volonté de faire en sorte qu'on fasse progresser la cause de l'intégration des personnes handicapées au Québec que la COPHAN, au cours des dernières années, au cours des 10 dernières années, a accompli son boulot, a accompli son travail avec un dévouement, dans certains cas, peut-être, pour certains politiciens, avec un peu trop d'acharnement. Mais il faut féliciter, justement, ce regroupement d'associations et les associations de personnes handicapées d'avoir et de continuer à lutter avec acharnement pour le développement non seulement des droits, mais de l'application de politiques en vue de l'exercice des droits de ces personnes dans notre société.

J'avais le bonheur, M. le Président, pas plus tard que lundi dernier, bien sûr, avec cette Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées dans notre société, de participer à une table ronde dans la région de l'Abitibi-Témiscamingue avec des représentants de ces associations et des représentants d'un certain nombre d'établissements de santé ou de services sociaux qui sont chargés, en particulier, de dispenser un certain nombre de services pour ces personnes, en vue, toujours, de faciliter leur intégration à la société. J'ai pu, M. le Président, tout en constatant les efforts énormes qui sont accomplis à plusieurs niveaux dans notre société, constater qu'il y a encore beaucoup de progrès à réaliser dans certains secteurs. Je soulignerais, pour les régions du Québec, les secteurs ruraux en particulier, où toute la question du transport adapté souffre encore d'énormes carences. Le législateur, le gouvernement, les parlementaires doivent s'attacher au fait que l'intégration de la personne handicapée au Québec, peu importe où elle se situe sur le territoire, ça doit être leur responsabilité. Il ne faut pas qu'à l'intérieur de cette catégorie des personnes handicapées il y ait deux catégories de citoyens, deux catégories de personnes, suivant que l'on demeure dans le milieu rural ou dans le milieu urbain, et que l'on supporte davantage, M. le Président, quant à moi, en particulier les municipalités au niveau de l'organisation du transport adapté au Québec dans l'ensemble des régions du Québec.

Je veux souligner aussi, M. le Président, parce qu'on me le rappelait à l'occasion de cette table ronde, tout en constatant le travail accompli, que les personnes handicapées sont encore souvent, dans bien des occasions, dans bien des situations, victimes de discrimination et que la quantité de ressources que nous mettons à leur disposition est souvent insuffisante pour réaliser une intégration harmonieuse dans notre société et contribuer au développement de cette société.

En particulier, au niveau des services externes de main-d'oeuvre, de placement en milieu de travail ou d'aide au placement en milieu de travail pour les personnes handicapées, on se rend compte que, dans certaines régions, il y aurait une différence de règles d'application par rapport aux personnes normales qui ont, au cours de leur carrière, à faire appel à de l'assistance professionnelle pour se dénicher un travail, et ainsi, encore une fois, contribuer ou participer à l'évolution de la société.

À cet égard, je veux souligner, en dernier lieu, le travail accompli par la Commission consultative sur la situation des personnes handicapées au Québec, qui a été mise sur pied par la Confédération des organismes provinciaux de personnes handicapées du Québec, et qui nous a déposé récemment un ensemble de recommandations. Je souhaite que le gouvernement en prenne bonne note et qu'un plan d'action soit effectivement mis au point pour répondre aux préoccupations de ces personnes qui ont fait l'analyse de la situation des personnes handicapées au Québec. Et je souhaite qu'à l'occasion de la fin de cette décennie et de la Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées nous donnions d'autres signes d'espoir à cette catégorie de personnes, M. le Président, qui souhaitent vivement contribuer à l'évolution de notre société et qui peuvent, avec les moyens dont elles disposent, effectivement contribuer de façon significative à son amélioration, à faire en sorte que notre société et l'environnement dans lequel elles vivent s'améliorent, parce qu'elles ont des capacités qu'il faut non seulement reconnaître en théorie, mais reconnaître en pratique. Et je souhaite que tous les employeurs du Québec puissent également contribuer au fait qu'un milieu de travail valorisant, c'est souvent une des façons de réaliser l'intégration de la personne handicapée et de surmonter les difficultés avec lesquelles doivent vivre ces personnes.

M. le Président, je conclus tout simplement en disant qu'il nous faut continuer à intensifier notre action en faveur des personnes handicapées. Il faut souhaiter que l'Office des personnes handicapées du Québec reprenne, en quelque sorte, aussi une vigueur, qu'on a peut-être perdue au cours des dernières années, pour la question de la défense et de la promotion des droits des personnes handicapées, et que les différents programmes que nous avons mis au point au Québec pour supporter l'intégration des personnes soient dotés de fonds suffisants pour en arriver à une intégration harmonieuse de ces personnes et qu'elles puissent effectivement contribuer au développement intégral de notre société québécoise. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): La motion proposée par le ministre responsable de la Condition des aînés, qui se lit comme suit: «Qu'au cours de cette Semaine nationale pour l'intégration des personnes handicapées, qui se déroule cette année du 1er au 7 juin, l'Assemblée souligne la volonté et la capacité de ces personnes de contribuer au bien-être de leur communauté et qu'elle réitère la nécessité pour tous les acteurs de la société de faire en sorte que, dans le champ où elles exercent leurs responsabilités, les personnes handicapées puissent s'intégrer dans le respect de leurs différences», est-elle adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Nous en sommes maintenant rendus aux avis touchant les travaux. M. le leader du gouvernement.

Avis touchant les travaux des commissions

M. Pagé: J'attendais que vous me reconnaissiez, M. le Président. Alors, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, à compter de maintenant jusqu'à 13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission des affaires sociales procédera à l'étude détaillée du projet de loi 15, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant l'application de la Loi sur les services de santé et les services sociaux et modifiant diverses dispositions législatives. (11 h 40)

J'avise de plus que, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit, à la salle du Conseil législatif, la commission de l'économie et du travail procédera à l'étude détaillée du projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie. Et voilà, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci. Vos avis sont déposés.

M. Gendron: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui? M. le leader adjoint de l'Opposition.

M. Gendron: Si vous le permettez, sur les avis. Je voudrais juste m'assurer... Est-ce que le leader du gouvernement vient d'annoncer que, pour ce qui est du projet de loi 35, à la commission de l'économie et du travail, il n'est pas question d'entendre en consultation particulière les intervenants sur lesquels il y avait eu une entente? Est-ce à dire qu'on laisse tomber...

M. Pagé: Si vous permettez, je vais vous répondre et vous pourrez...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, nous retenons, des nombreux échanges qui ont eu cours cette nuit sur le sujet, que nous vous avons offert, le ministre et le leader parlementaire du gouvernement ont offert à l'Opposition officielle la possibilité de déférer le projet de loi en commission parlementaire, premièrement; deuxièmement, de procéder à des auditions qui nous auraient permis d'entendre, entre autres, les syndicats concernés et les associations. Vous nous avez demandé qu'en plus il y ait une commission d'enquête ou une commission publique pour étudier la CSST, que c'était un tout. On vous a dit, nous, que, d'une part, nous étions prêts à convier, pendant un certain temps donné, limité dans le temps prévu, établi entre nous, la semaine prochaine ou même, dès cette semaine, entre autres, la CSN, la FTQ, bon, etc. Vous avez dit non. Ce qu'on veut, en plus, c'est une espèce de commission d'enquête, de commission rogatoire ou de commission publique. C'était à prendre ou à laisser. Alors, on a dit non. On a conduit la deuxième lecture du projet de loi. La deuxième lecture a été conduite à terme. Le projet de loi est maintenant à l'étude article par article. Il n'y a pas d'auditions. C'est tout. On vous l'a proposé, et ça a été non.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une dernière question, oui.

M. Gendron: Bien, je veux dire, là-dessus: Est-ce que le leader du gouvernement ne convient pas que c'était suite au refus de faire comparaître, dans les consultations particulières, la CSST comme telle pour venir s'expliquer? Là, devant le refus du ministre, oui, c'est exact qu'on a demandé un certain nombre de groupes, plus une commission indépendante qui ferait l'évaluation. Mais est-ce à dire que le leader du gouvernement vient de changer cette situation-là? Effectivement, en convoquant la commission parlementaire sur l'étude article par article, ça nous permettra, nous autres, de faire une série de motions préliminaires qui vont nous amener à exiger la convocation de ces mêmes intervenants-là. Vous savez ça et vous procédez pareil article par article aujourd'hui.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le leader du gouvernement, rapidement.

M. Pagé: Nous avons eu de nombreux échanges sur le sujet, il y a eu négociation entre nous, cette nuit, et ce qu'on a... La lecture qu'on doit en faire, nous vous avons offert formellement d'entendre, la semaine prochaine, les nombreux syndicats qui font le tour des bureaux de députés, puis qui sont venus nous voir, qui vous ont rencontrés, qui sont venus chez nous. C'est neuf groupes. On vous a dit: On va ouvrir la commission parlementaire pour neuf groupes. Vous avez dit: Neuf groupes, ce n'est pas suffisant. Il faut, en plus de ça, la CSST elle-même et, en plus de ça, on demande, nous demandons, nous avez-vous dit, une commission d'enquête publique.

Moi, je vous dis ceci. La réponse a été: C'est ça qu'on vous offre. Vous avez dit: Non, on veut plus. Alors, là, on a dit: Non, on procède à la deuxième lecture. C'est ce qu'on a fait. On a voté. En clair, quand on demande un cheval pour avoir un lapin, il arrive parfois qu'on n'a ni l'un, ni l'autre.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ceci met fin à cet échange.

Renseignements sur les travaux. Est-ce qu'il y a des questions sur les renseignements sur les travaux? Il n'y a pas d'information. Alors, ceci met fin à la période des affaires courantes. Nous en sommes maintenant aux affaires du jour. M. le leader du gouvernement.

Affaires du jour

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article 12 du feuilleton.

Projet de loi 19 Reprise du débat sur l'adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 12, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Je suis prêt à reconnaître un prochain intervenant, M. le leader adjoint du gouvernement et député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui. Je vous remercie, M. le Président. Il s'agit là d'un projet de loi qui m'intéresse au plus haut point, compte tenu de la région d'où je proviens et, également, compte tenu des anciennes responsabilités gouvernementales que j'ai exercées avec beaucoup de conviction, au moment où on m'a confié la responsabilité de ministre délégué à l'Aménagement et au Développement régional, responsable de l'Office de planification et de développement du Québec, organisme que, dans la loi du ministre, on fait disparaître, on fait sauter sans trop savoir pourquoi.

Nous avons, M. le Président, à évaluer, à apprécier le principe du projet de loi 19, intitulé Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Alors, j'ai rarement vu un projet de loi aussi flou, aussi ambigu, aussi peu significatif, qui ne nous apprend à peu près rien des intentions du

gouvernement. D'ailleurs, si on avait la chance de prendre une minute les notes explicatives, ce qui, normalement, à sa face même, pour un profane, permet à quelqu'un de se retrouver, ça dit ceci: «Ce projet de loi introduit dans la Loi sur le ministère du Conseil exécutif une section relative aux affaires régionales - un charabia indescriptible. Il prévoit que le ministre responsable de l'application de cette section élabore, propose et met en oeuvre une politique en matière de développement régional.»

Donc, c'est une loi qui nous indique qu'un jour un ministre aura la responsabilité de faire quelque chose, mais sur le comment, pas un mot. On n'a pas une phrase sur comment ça va s'opérationnaliser, comment ça va fonctionner - et j'y reviendrai dans quelques minutes - donc, un projet de loi plein de trous qui ne règle rien. On ne sait pas comment sera géré l'argent, on ne sait pas ce qui va arriver au personnel - et il y a du personnel qui est concerné. On sait, par contre, qu'à l'article 7 tout ce qui va suivre sera déterminé par décret et on nous demande d'adopter le principe d'un tel projet de loi.

Ce que j'indique, M. le Président, d'entrée de jeu, c'est que nous, on ne peut pas vraiment être contre le principe d'un projet de loi qui ne nous dit absolument rien sur ce que sera le contenu du projet de loi. On ne peut pas vraiment être contre, parce que contre le néant, c'est pas fort, on n'a pas beaucoup d'arguments. Mais je voudrais prendre quelques minutes pour quand même placer ça dans son contexte.

Où est l'orientation? On ne le sait pas. Où est le ministère? On ne le sait pas. Où est le livre vert? Il n'y en a pas eu. Où est le débat public? Il n'y en a pas eu. À un moment donné, ce qu'on sait, c'est que le gouvernement libéral a constaté qu'il s'en allait nulle part avec la façon dont il conduisait ce que j'appelle les différentes orientations en matière de développement régional. Il faut partir de ce constat-là, M. le Président, et faire la preuve - et je vais essayer de la faire dans les quelques minutes qui me sont imparties - que ce n'est pas un gouvernement qui a vraiment une bonne compréhension des régions du Québec, ce n'est pas un gouvernement qui a le souci des régions du Québec et ce n'est surtout pas un gouvernement qui a le goût de faire ce que j'appelle de la planification stratégique dans les régions du Québec, qui aurait comme conséquence de les redynamiser, de les relancer, de les redéployer.

Ce n'est pas pour rien que si on place ça dans son contexte, on titrait, il y a à peu près... Le 23 février 1991, on titrait ceci: «L'impasse du développement régional. Les sommets socio-économiques ont été victimes de leur propre succès.» On indiquait, M. le Président, d'une façon très claire, que, essentiellement, les conférences socio-économiques qu'on avait instaurées avaient été lancées dans la foulée des grands sommets lancés par le Parti québécois lors du premier mandat et, essentiellement, l'objectif, c'était de permettre aux représentants régionaux de dégager des orientations de développement, de dégager des créneaux ou des priorités sur lesquels le gouvernement devrait agir d'une façon plus particulière, plus spécifique. Je voudrais juste citer une phrase, dans cette évaluation-là, d'un document très bien fait - je suis sûr que le ministre responsable des Affaires régionales dans le futur en a pris connaissance: «Comme elles procédaient d'une large mobilisation de la population et qu'elles impliquaient étroitement députés et ministres des régions, les conférences se sont vite transformées en événements politiques majeurs, et même en spectacles, là où la télévision et la radio en assuraient la transmission.»

Je pense que c'est un article qui reflète la réalité. Cette tendance s'est accrue constamment à partir de 1986. On sait ce qui est arrivé avec l'élection du 2 décembre 1985. Effectivement, à partir de 1986, c'est devenu un show politique bien mené par l'ex-ministre responsable du Développement régional, ce responsable politique du Parti libéral qui en profitait pour venir faire une démonstration bien plus de visibilité politique, de force de bras, sans beaucoup de respect des priorités du développement régional. (11 h 50)

Mais je vais être très, très précis. Partons de ce qui s'est passé. C'est un constat d'échec de la politique libérale de l'ex-ministre responsable et du ministre actuel, et, à un moment donné, le ministre actuel décide d'enclencher une réforme importante. Et, pour enclencher sa réforme, il indique, à l'automne 1991, qu'il ne veut pas pénaliser les régions, qu'il faut procéder rapidement et il prend l'engagement de déposer un projet de loi rapidement. Est-ce que ça s'est passé de même, M. le Président? La réponse est non. On s'est traîné les pieds volontairement. On n'a pas bougé grand-chose, et tout l'argument pour faire ce que je vous indique était que les régions ne soient pas pénalisées par le budget 1992-1993, le budget dans lequel nous sommes, qui a été adopté dernièrement. Or, nous sommes au mois de juin 1992. On est en train de discuter de la loi. Elle est pleine de trous quant à sa mise en vigueur, quant aux modalités d'application, quant au transfert du personnel, et même les régions qui se sont activées le plus... Et je cite, à ce titre, l'exemple de l'Abitibi-Témis-camingue qui est une région qui pratique la concertation depuis plusieurs années, où je pense qu'il y a une seule table de concertation qui a au-delà de 1000 membres, M. le ministre. C'est la seule région qui a une table de concertation - qu'on appelait le CRD dans le temps et qui a été transformé, mais c'est toujours la même chose - qui a au-delà de 1000 membres sur une base volontaire. Et je pense que la concertation en Abitibi-Témiscamingue a été longuement

pratiquée avec des effets bénéfiques.

Je viens de vous indiquer que c'est probablement la région qui est la plus avancée dans le cheminement de la nouvelle mise en place de ce que le ministre appelle la politique concernant les affaires régionales. Et les concernés indiquent qu'au mieux il sera impossible de fonctionner avant l'automne 1992, avant la fin de novembre 1992, dans ce qu'on appelle le plan de mise en vigueur de la planification stratégique.

Si je vous indique ça, M. le Président, c'est uniquement pour faire savoir comment ce gouvernement-là, au cours de la présente année, aura réussi, par du tâtonnement, par une politique mal faite, mal préparée, sans trop d'objectifs précis, à sauver sur le dos des régions au-delà de 100 000 000 $. C'est ça, la réalité! Et si je reviens à l'article de Juneau, à un moment donné, quand il parlait de l'impasse du développement régional, il y avait quand même une phrase très «conséquentielle»: «Le ministre actuel a omis complètement de signaler le facteur le plus important qui a poussé le Québec à modifier son attitude, à savoir l'impasse budgétaire très grave dans laquelle se trouve le gouvernement. Le Trésor est a sec...» Et là il parle du gouvernement libéral actuel, de ces supposés bons «balanceurs» de colonnes, de ces super-gestionnaires qui ont un déficit d'au-delà de 4 000 000 000 $ et, grâce au fédéral, pour 1 000 000 000 $, ils ont été capables d'en camoufler un autre milliard. Donc, la raison principale pour laquelle on perd un an, on perd une année complète de mise en place, puis les régions sont pénalisées d'une somme équivalente - à peu près 100 000 000 $ au cours de l'année - c'est justement pour renflouer les coffres du Trésor sur le dos des régions du Québec. Et c'est notre responsabilité de le dire.

Le ministre responsable du projet de loi nous présente un projet de loi où, effectivement, ça fait le constat de l'échec de la politique de développement régional de son gouvernement. Cette réforme - et c'est peut-être ça qu'il est le plus important de toucher, parce que 20 minutes, ça passe rapidement - ne contient aucune décentralisation des pouvoirs. Et, moi, j'aime bien prendre les choses, dans la vie, M. le Président, pour ce qu'elles sont. Je suis capable de constater que le ministre responsable des Affaires régionales a quand même offert aux régions du Québec une table de concertation où, pour la première fois, il dit à cette table de concertation: Je vous offre de vous entre-déchi-rer pour partager un gâteau qui est de plus en plus petit, et je vais vous permettre dorénavant de faire une ventilation d'une somme de 3 000 000 $. Il laisse voir qu'enfin, pour la première fois, arriverait dans chacune des régions une somme d'argent importante pour relancer des activités significatives sur du développement régional bénéfique pour ces régions, structurantes et non toutes sortes de projets qui cultivent la dépendance chronique des régions, dans le genre de ce que, gouvernement après gouvernement, et en particulier le fédéral et les libéraux ont fait avec la belle Gaspésie du ministre jubilaire, fêté à répétition - avec raison cependant; on est toujours d'accord pour le fêter, parce que c'est tellement exceptionnel, 36 ans - mais ça donne une Gaspésie avec 40 % de chômage permanent, un ministre pendant 36 ans en Gaspésie. C'est ça que ça donne! Et c'est une dépendance chronique. Allez voir le monde, allez voir les jeunes, vous allez constater que c'est vrai. Ce n'est pas très structurant. On arrive constamment avec un nouveau programme, un nouveau projet, mais on tombe toujours dans le même résultat: quatre ou cinq mois d'emploi par année au maximum, sauf, bien sûr, pour les employés de la fonction publique et parapublique, que je ne blâme pas... Sans compter le dossier du Pin rouge...

Mais là, je ne veux pas me perdre dans toutes sortes de considérations. Donc, j'ai dit: Le ministre a donné suite, entre autres, à ce que j'avais appelé... La première réflexion majeure sur le développement régional du Québec s'est appelée le choix des régions. Effectivement, le choix des régions, que j'avais eu l'occasion de rendre public comme ministre responsable du Développement régional, a été la première réflexion un peu d'envergure autour des années 1981 et 1982. La table de concertation qui veut le mettre en vigueur, c'est exactement le CRCI, le Conseil régional de concertation et d'intervention, que j'avais préconisé à l'époque. Mais là, on est en 1992 et c'est pour ça que je prétends que le ministre a manqué 10 ans. Le gouvernement du Parti libéral a sauté 10 ans. Il a oublié que, dans les 10 dernières années, la concertation a débouché dans les régions sur plus de responsabilités décentralisées. S'agit-il d'une politique de décentralisation, M. le Président? La réponse, c'est non. Il n'y a rien de décentralisation là-dedans. Y a-t-il de l'argent neuf? Non. Y a-t-il des programmes plus performants qui leur permettront d'avancer, ces régionaux? La réponse, c'est non, encore. Il n'y a rien de neuf. On a changé PECEC, un programme qui marchait, pour PRECEP, qui ne marche pas, sans argent et, cette année, on va avoir eu une décision qui va coûter, au bas mot, 100 000 000 $ aux régions du Québec. On nous demande d'être de grands défenseurs de ce projet de loi. Moi, je serais un grand défenseur d'une vraie politique de développement régional décentralisé, qui probablement devrait atterrir au niveau des MRC du Québec, au moins sur le plan du territoire, parce que la région communautaire d'appartenance dans le futur, c'est la MRC. Et si, dorénavant, on privilégiait, comme lieu d'atterrissage, une véritable politique de décentralisation qui dirait, au niveau des élus de la MRC pour certaines affaires, au niveau du territoire pour d'autres: Voilà le partage que la société québécoise est en

train de faire pour que, dorénavant, les régionaux qu'on appelle, le milieu local, puissent prendre davantage de décisions qui tiennent compte de ce que vous êtes et de vos particularités, il y aurait, de ce côté, en tout cas en ce qui me concerne, un défenseur acharné parce que, là, on parlerait véritablement d'un début d'une vraie politique de décentralisation. Je pense que les régions sont mûres pour assumer des responsabilités réelles.

Par contre, est-ce qu'on peut envisager une espèce de fiscalité directe au niveau de la grande région? La réponse, c'est non. Parce qu'il n'y a pas de fiscalité directe, ne parlons pas de décentralisation, parlons de concertation, d'orientation et de dégagement de priorités. Moi, en ce qui me concerne, j'estime que les régions du Québec devront toujours jouer cette responsabilité-là. Mais on ne peut pas hypocritement leur faire accroire qu'elles ont des responsabilités autres que celles qu'il y a dans le projet de loi. Dans le projet de loi, je vous l'ai dit tantôt, M. le Président, c'est un projet de loi centralisateur qui dit: Dorénavant, je vais mettre une somme d'argent sur la table et, à 50 autour de cette table-là, essayer de vous attribuer quelles sont les priorités. Et moi, je reste le grand responsable, dorénavant, avec une structure branchée sur l'exécutif, donc le bureau du premier ministre. On sait ce que ça donne pour le Conseil permanent de la jeunesse. On sait ce que ça donne pour les jeunes du Québec, je veux dire, un taux de chômage effarant. Quand le premier ministre, en plus de l'ensemble de ses responsabilités, a trois ou quatre autres responsabilités... Et c'est un secrétariat, ça n'a pas du tout le même degré d'efficience et de support que celui que l'Office de planification et de développement du Québec pouvait donner aux régions du Québec. Enlevez l'OPDQ dans les 15 dernières années et essayez de me dire ce qui s'est fait comme développement réel dans les régions du Québec, vous allez voir que la liste va être courte. Ce n'est sûrement pas les ministères sectoriels et ce n'est sûrement pas... Quand le ministre fait miroiter... Parce que je l'ai entendu quand il est venu dans les régions du Québec: Dorénavant les ministères sectoriels auront une somme - écoutez le montant - de 500 000 000 $ à se partager pour tenir compte des particularités régionales. 500 000 000 $ provenant des ministères sectoriels. Allez-y voir! D'abord, est-ce que ça va avoir cours en 1992? Réponse: Non. La réforme va être trop tard. Tous les crédits budgétaires des ministères sectoriels sont votés. Tout est articulé. Pensez-vous qu'en novembre, quand les quelques tables de concertation dans la nouvelle structure proposée seront en exercice, ils pourront infléchir les orientations budgétaires d'il y a quatre mois, cinq mois, six mois? L'exercice budgétaire du gouvernement du Québec a commencé le 1er avril 1992, M. le Président. Donc, il y aura six mois d'argent de dépensé. Les orientations seront prises et il ne restera sûrement pas de crédits à orienter sur des problématiques régionales. (12 heures)

Autre élément que je voudrais toucher, c'est le magnifique résultat, comme mon collègue responsable du dossier l'avait adéquatement souligné. À 15 mois de la fin de l'entente Canada-Québec, seulement 21 % des sommes prévues ont été déboursés au niveau de l'entente de développement régional. J'entendais le ministre qui nous parlait des autres ententes sectorielles. Ce n'est pas de ça qu'on a parlé, nous. On a parlé de l'entente-cadre de développement régional. Il y a seulement 21 % des sommes qui sont dépensés.

Donc, on ne peut pas envisager, avec un tel succès qui correspond, en ce qui nous concerne, à un échec lamentable au niveau des régions du Québec, qu'à partir du moment où on va revérifier le modèle administratif, dorénavant les ententes-cadres vont mettre en évidence une vraie vision et une vraie stratégie gouvernementale en matière de développement régional. Vous ne pensez pas que ça va être le cas.

Moi, j'estime, M. le Président, que le ministre veut avoir les mains complètement libres dans son projet de loi. Le projet de loi va lui permettre à peu près de faire exactement ce qu'il veut, et on n'a aucune réponse, aucune réponse quant à ce qui va arriver au personnel. Comment ça va fonctionner? Qu'est-ce qui va arriver de l'argent résiduel? Parce que même si le ministre a affirmé, à quelques reprises: Oui, mais, moi, je vous donne la garantie que l'argent ne sera pas dépensé... Je le cite, là. Le ministre affirme que la partie de l'enveloppe non utilisée d'une année sera ajoutée à celle de l'année suivante. Or, le ministre a admis en commission parlementaire qu'il ne s'agissait que d'un engagement du gouvernement et non d'une obligation. Un, est-ce que c'est dans la loi? Bien non, ce n'est pas dans la loi. Comment le ministre pourrait-il - j'aimerais ça que, dans sa réplique, à un moment donné, il réponde à ça - comment peut-il prétendre que l'argent qui, selon la Loi sur l'administration financière, n'est pas affecté ne sera pas versé dans ce qu'on appelle les crédits périmés? C'est la règle de la Loi sur l'administration financière. Pour être capable de croire en ce qu'il nous a dit, il aurait fallu une disposition réglementaire dans la loi pour dire: Bon, bien, pour ce qui est des crédits de 3 000 000 $ dans les régions du Québec, si les crédits ne sont pas dépensés, effectivement, pour ce type de législation, compte tenu qu'on est des défenseurs des régions du Québec, il y a une modification à la Loi sur l'administration financière et les crédits périmés - on a vérifié - les crédits périmés ne s'appliqueront pas à la règle de la Loi sur l'administration financière.

De tout temps, M. le Président... Il connaît les règles, avec l'expérience qu'il a du Conseil du

trésor... Pourquoi il y a un fonds consolidé? Pourquoi il y a, à chaque année, vers la fin de septembre, octobre, des crédits périmés? C'est pour répondre directement à la politique budgétaire de ce gouvernement-là. Quand le gouvernement du Québec fait connaître les crédits budgétaires, il y a toujours un certain nombre de crédits qui sont prévus dans les crédits périmés. C'est la règle de la Loi sur l'administration financière. S'il n'y a pas de disposition qui nous le garantit, on ne peut pas croire de telles dispositions.

Essentiellement, moi, M. le Président, j'aurais aimé ça, sincèrement, appuyer un projet de loi qui nous aurait permis de voir et de lire une véritable politique de décentralisation articulée sur les régions, qui aurait permis de les ren-forcir, de les développer davantage et, surtout, de leur faire confiance. Moi, j'estime que, oui, il y a un niveau de solidarité, il y a un niveau de conscience régionale assez fort dans l'ensemble des régions du Québec pour aller plus loin que le statu quo, pour aller plus loin que ce que la plupart vivent depuis 1980, 1981. Après avoir arrêté la formule des sommets, un moratoire, après avoir mandaté un groupe de travail pour réfléchir là-dessus, conclusion, on arrive avec quoi? On arrive avec l'abolition de la seule instance qui a fait véritablement quelque chose de positif pour les régions du Québec, qui s'appelle l'OPDQ. On dit: Dorénavant, ça sera greffé à un secrétariat et on va vous inviter à partager une somme ridicule de 3 000 000 $. Il n'y a pas d'argent neuf, pas de programmes nouveaux. Donc, il y a trop de questionnement. Il y a trop de doutes pour être emballé, M. le Président, par un tel projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest de votre intervention. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 19. Je reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle et député de Trois-Rivières. M. le député, je vous cède la parole.

M. Paul Philibert

M. Philibert: Merci, M. le Président. Alors, il me fait extrêmement plaisir de m'adresser à mes collègues de la Chambre sur le projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Ce projet de loi est important. Il est la traduction législative de notre politique en matière de développement régional. C'est cette politique que je me propose d'aborder dans la première partie de mon exposé. Ensuite, M. le Président, j'aborderai plus spécifiquement le projet de loi 19 et les articles qu'il contient.

M. le Président, notre politique de développement régional a été élaborée à la suite d'une analyse de toutes les questions régionales. Le développement régional est, comme on le sait, complexe, et à plus d'un niveau. Il va de soi qu'il ne peut être question ici d'en faire entièrement le tour. Tout au plus, j'en relèverai les grands traits.

M. le Président, des problèmes que connaissent les régions actuellement, il est possible de dégager trois constats majeurs. Le premier est relatif à l'effritement progressif des secteurs d'activité économique sur lesquels reposait l'emploi dans plusieurs régions du Québec. Le deuxième est conséquent du premier et a trait à la fuite dans les grands centres des gens les plus instruits des régions. Enfin, le troisième a trait à la nature des interventions gouvernementales dans le domaine du développement régional depuis une trentaine d'années.

Je crois utile de dire un mot sur chacun de ces constats majeurs. Commençons par l'effritement progressif des secteurs d'activité économique sur lesquels reposait l'emploi dans plusieurs régions du Québec. Il est bien connu que ces secteurs étaient reliés aux activités primaires de notre économie, c'est-à-dire au secteur des ressources naturelles. Du début du siècle jusqu'au tournant des années soixante en passant par le boom de l'après-guerre, l'exploitation des ressources naturelles a été un gage de prospérité pour toutes les régions du Québec. Elle permettait à ces régions de vivre convenablement et d'assurer un niveau de vie décent à leur population.

Au milieu des années soixante, les choses ont commencé à changer. Les assises économiques de plusieurs régions ont été ébranlées. On a vu, notamment, l'industrie des pêches en Gaspésie connaître des difficultés importantes. On a vu également des régions mono-industrielles traverser une période extrêmement difficile. On se rappellera que ce sont ces difficultés qui sont à l'origine, d'ailleurs, de l'intervention du gouvernement dans le domaine du développement régional, avec la création de l'Office de planification et de développement du Québec, qui est, comme vous le savez, hautement concerné par le projet de loi 19 que nous avons devant nous aujourd'hui et sur lequel je reviendrai plus avant dans mon allocution.

Mais, pour l'instant, revenons à cet effritement économique de certaines de nos régions. M. le Président, je vais vous donner un exemple récent, celui de l'industrie de la forêt et en particulier de notre industrie des pâtes et papiers. Nous avons occupé des parts importantes du marché mondial. Les pâtes et papiers ont figuré longtemps au premier rang de nos exportations. Ce secteur d'activité comptait, à son sommet, près de 50 000 travailleurs dans toutes les régions du Québec, et du même coup, a constitué le pilier de l'économie de plusieurs de

nos localités régionales.

Aujourd'hui, on est pleinement conscient qu'une partie importante de notre industrie n'est plus concurrentielle. La récession qui s'achève a démontré que nous avons failli dans la modernisation de nos entreprises et que les difficultés inhérentes à la récession étaient plus profondes, et que, donc, les difficultés n'étaient pas conjoncturelles mais structurelles, tant et si bien qu'aujourd'hui les populations de plusieurs de nos régions sont confrontées à des situations extrêmement difficiles. Les entreprises ferment et d'autres envisagent de le faire. Le secteur des pâtes et papiers, M. le Président, n'est qu'un exemple, et on pourrait allonger la liste pour illustrer ce phénomène d'effritement économique de certaines régions du Québec. Tel est, M. le Président, le premier constat de la problématique du développement régional, et je voudrais maintenant aborder le second. (12 h 10)

Ce deuxième constat a trait à ce qu'on pourrait appeler la fuite de nos cerveaux dans les grands centres, celle des jeunes qui ont quitté les régions pour poursuivre des études supérieures et qui, à la fin de celles-ci, ont décidé de s'installer dans la périphérie ou dans les grands centres. Cette émigration n'a pas été sans effet sur les régions. Elle les a privées d'un potentiel inestimable dans la perspective de leur développement économique et même de leur survie économique. Il s'agit là d'une tendance lourde qui a contribué également à l'effritement des économies de certaines de nos régions. M. le Président, toutes les actions en matière de développement régional des trente dernières années ont visé et visent encore à contrer ces tendances lourdes qui affectent plusieurs de nos régions.

Ceci m'amène maintenant à considérer le troisième constat majeur, qui porte sur les interventions gouvernementales en matière de développement régional. Il est bien connu, M. le Président, qu'au milieu des années quatre-vingt nous avons amorcé, chez nous, une réflexion substantielle sur l'efficacité de l'intervention gouvernementale dans plusieurs domaines, y compris dans celui du développement régional. La rareté des ressources financières, à laquelle le gouvernement a été confronté, a généré une foule de questions sur l'efficacité de son action: maximiser les effets des deniers publics de plus en plus rares et, en même temps, favoriser un usage judicieux de ces deniers publics moins abondants. En fait, faire plus avec moins.

C'est dans cette perspective que nous avons été conduits à réexaminer l'intervention gouvernementale en matière de développement régional. Le projet de loi 19 que nous avons devant nous résulte précisément de cet examen, un examen qui a révélé un certain nombre de choses que l'on juge, aujourd'hui, extrêmement importantes pour l'avenir des régions, des économies de nos régions. Cet examen a d'abord montré que l'intervention gouvernementale avait quelquefois omis de considérer l'importance des dynamismes locaux et régionaux. Cette analyse a également démontré que la spécificité et la singularité des régions avaient été trop souvent ignorées.

M. le Président, nous avons décidé de corriger cette situation, en tenant compte du bilan de l'intervention de l'État dans le développement régional. À cette fin, notre formation politique a développé une approche que l'on retrouve, notamment, exposée dans le programme de notre formation politique, intitulée «S'ouvrir à demain». Notre approche contient un certain nombre d'orientations majeures, contenues dans le projet de loi 19 que nous avons devant nous. Ce projet de loi indique qu'il faut miser sur l'«entrepreneurship» local. M. le Président, il faut miser sur l'«entrepreneurship» local et régional pour asseoir notre intervention en matière de développement régional.

Les gens des régions, entrepreneurs, dirigeants locaux, sont, à notre point de vue, les plus aptes à orienter le développement économique de leur région, et ce, pour plusieurs raisons. La première est fort simple, M. le Président. Les gens de nos régions sont ceux qui ont le plus foi dans l'avenir économique de leur coin de pays. Ils sont aussi les plus au fait des forces et des faiblesses de leurs économies locale et régionale, et surtout, ils sont les plus au fait des potentialités exploitées, mais aussi de celles inexploitées de leur région. Une autre orientation majeure est la volonté ferme de rapprocher les citoyens des décisions, du pouvoir décisionnel, pour uniformiser les actions en vertu des spécificités de chacune des régions. À cet égard, notre action a consisté notamment - on s'en souviendra, M. le Président - à moduler l'action du gouvernement en fonction des besoins des régions. Cette modulation a donné, dans plusieurs cas, des résultats enviables et a permis une meilleure adaptation des interventions gouvernementales aux réalités régionales.

Récemment, notre gouvernement franchissait un autre pas en présentant une nouvelle stratégie en matière de développement régional. Le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation et responsable du Développement régional a, en effet, annoncé, à la fin de l'année 1991, un plan d'action visant la régionalisation des moyens financiers dont disposait jusqu'à maintenant l'Office de planification et de développement du Québec, mieux connu sous le nom de OPDQ, pour décentraliser, donc, en faveur d'instances régionales et donner à ces instances les moyens d'une implication plus soutenue dans leur développement, et les inciter à une présence plus marquée et plus impliquée dans l'essor économique local et régional.

M. le Président, le projet de loi que nous avons devant nous établit, en quelque sorte, les

assises juridiques de cette intervention régionalisée du gouvernement en matière de développement régional. Ce projet de loi fait suite à une volonté souventefois exprimée par le ministre et par le gouvernement. Au cours de sa tournée provinciale, notre collègue et ministre titulaire du développement régional a été à même de constater que le milieu était extrêmement réceptif à notre politique de développement régional. Actuellement, plusieurs des régions sont prêtes à signer les lettres patentes avec le ministre. Ce projet de loi montre que notre gouvernement est sensible aux besoins des régions, agit pour impliquer les régions au processus de décision et favorise l'essor de leur économie locale et régionale.

Le geste que nous nous apprêtons à poser aujourd'hui avec le projet de loi traduit un virage très significatif au niveau du développement régional. Il traduit, en quelque sorte, la fin d'une époque. Il est révolu, le temps où le gouvernement se substituait aux régions pour faire des choix. Ce sont dorénavant les régions qui feront les choix, les choix qui leur apparaissent les plus judicieux pour améliorer leur qualité de vie et leur développement économique et prendre en charge leur avenir.

C'est une nouvelle ère qui s'ouvre en matière de développement régional. De plus, le gouvernement a raison de rapprocher, comme il le fait, les décisions des citoyens des régions. Dans plusieurs de nos régions, il y a des citoyens et des citoyennes qui sont extrêmement dynamiques et solidaires dans leurs efforts en vue d'améliorer la qualité de vie de leur population. C'est pour cela, M. le Président, que je suis convaincu que notre gouvernement emprunte la bonne voie en matière de développement régional. À mon avis, l'intervention gouvernementale, qui mise sur la force du dynamisme local et sur la force des solidarités régionales, a toutes les chances d'être extrêmement bénéfique pour les régions et d'assurer le développement économique de ces régions.

En conclusion, M. le Président, je tiens à réaffirmer que notre gouvernement, avec ce projet de loi, emprunte une voie porteuse d'avenir pour les régions du Québec. Cette loi permettra à plusieurs de nos régions qui ont été éprouvées par l'effritement partiel ou entier des secteurs traditionnels d'activité économique de renouveler leurs bases économiques et industrielles avec force et dynamisme. Notre démarche en matière de développement régional correspond aux attentes du milieu et en est l'expression. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, m. le député. alors, nous en sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi 19. je cède la parole à ma collègue, mme la députée de terrebonne. mme la députée. (12 h 20)

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Je trouve ça vraiment déplorable, regrettable qu'encore une fois on ait manqué le bateau. On avait tout en main pour vraiment se doter d'une véritable politique régionale, mais on n'a pas pu la traduire dans les faits. Le député de Trois-Rivières nous disait que le projet de loi 19 est la traduction de notre politique régionale; je pense qu'il a peut-être lu ou entendu les discours du ministre, il a peut-être lu les textes de la réforme, mais il n'a sûrement pas lu le texte du projet de loi qu'on a devant nous. Parce que si c'est la traduction de la politique régionale, il n'y a rien dans le projet de loi 19. La plupart des articles nous annoncent uniquement l'abolition de l'OPDQ. C'est ça, une politique régionale, l'abolition de l'OPDQ!

L'autre élément, si c'est la traduction de la politique régionale, ça démontre que, pour le gouvernement libéral, une politique régionale, ça ne se fait pas en concertation avec le milieu. On impose une politique régionale. Et, ça, ça m'ap-paraît tout à fait aberrant. On ne peut pas faire du développement régional sans faire de la concertation; c'est l'élément de base. Il faut commencer par interroger les gens du milieu, demander ce qu'ils veulent et, ensuite, présenter un projet de loi qui traduise les volontés du milieu.

Non! On a décidé de ne pas faire de concertation. Pourtant, nous avions tous les éléments pour le faire. Je reviendrai tantôt sur les échecs économiques des sommets socio-économiques. Mais il y a eu un grand succès au niveau des sommets socio-économiques, c'est la concertation. Peu de résultats financiers, mais, effectivement, les régions ont appris à se parler. Elles ont réussi à communiquer entre elles. Si je pense, par exemple, aux deux régions que je représente, Laurentides et Lanaudière, c'était une nouvelle forme d'expression qui s'est traduite par des actions bien concrètes. Les gens se rencontraient régulièrement et il aurait été vraiment facile pour le ministre de rencontrer les tables de concertation qui étaient là par les sommets socio-économiques et, avec elles, d'élaborer une véritable politique.

On se souviendra que, lors des audiences de la commission Bélanger-Campeau, tous les intervenants des divers milieux étaient venus parler de l'avenir du Québec. Mais, lorsqu'on pense aux intervenants des régions, ils démontraient surtout la préoccupation qu'ils avaient de la place que les gouvernements feraient aux régions, dans un Québec souverain. Cet élément-là, on ne l'a pas retenu non plus. Tous les intervenants des régions, et de toutes les régions du Québec, sont venus dire à la commission Bélanger-Campeau: Nous voulons occuper une place importante dans cet avenir du Québec. La place qu'on leur donne, M. le Président, elle se résume à se concerter

sur un mince budget de 3 000 000 $ par région. Est-ce qu'on peut vraiment parler de politique régionale?

Évidemment, je suis de celles qui disent toujours qu'il faut commencer au moins par faire un premier pas. Devant le constat d'échec du plan d'action qui avait été déposé par le ministre Marc-Yvan Côté, en 1988, il fallait évidemment faire quelque chose. Et c'est le seul petit bout de mon discours, M. le Président, où je vais me permettre de rappeler les éléments de l'échec du plan d'action de 1988.

On sait que le programme PRECEP a remplacé le PECEC, qui était un programme beaucoup plus avantageux. Deux ans d'existence, les budgets de PRECEP ont diminué. Enfin, on abandonne le programme le 1er avril 1992. À 15 mois de la fin de l'entente Canada-Québec, seulement 21 % des sommes prévues étaient déboursés. On n'avait pas réussi a dépenser des sommes d'argent dans les régions. Les ententes-cadres de développement régional ne marchent pas, il y a un moratoire sur les sommets économiques. Je veux rappeler que ces sommets économiques avaient quand même permis une concertation, et ça, cet élément-là, il ne faut pas le négliger.

La modulation des programmes gouvernementaux, toujours attendue. Le 31 décembre 1991, le programme d'aide aux 15 MRC les plus défavorisées n'a effectué aucun déboursé. C'est évident que le plan de 1988, c'est un échec.

Le ministre - je ne doute absolument pas de sa bonne foi et je pense que le premier geste qu'il fallait faire, c'est évidemment celui-là - créait, en février 1991, un groupe de travail chargé d'examiner les mesures et de faire des propositions. Ce groupe de travail admet, évidemment, l'échec des sommets socio-économiques parce que, dans ces sommets, c'est évident que ce qu'on peut voir... Pour avoir participé au dernier sommet Lanaudière, en avril 1990, c'était très clair que ce n'était pas un projet collectif que les gens présentaient. On avait certains projets qui auraient pu se retrouver dans n'importe quel programme du gouvernement. Ce n'étaient vraiment pas des éléments pour le développement d'une région. L'aspect économique était vraiment un échec. Mais les gens avaient au moins appris à se parler, et c'est de là qu'il faut partir.

Le ministre dépose sa réforme, et j'avoue qu'au moment où il a présenté cette réforme le député de Trois-Rivières nous disait: Les milieux étaient réceptifs. Bien, c'est évident, M. le Président. Lorsque vous êtes assoiffé, dans le désert, et qu'on vous promet un petit peu d'eau, c'est évident que tout le monde est très réceptif et a vraiment hâte de participer à cette réforme. Les gens se sont mis vaillamment à la tâche et ont essayé de se rencontrer et de s'entendre sur une table de concertation, essayé de proposer de bonne foi une structure.

C'est là que la concertation a commencé à être un petit peu difficile, M. le Président, parce que les espoirs étaient tenements grands... Ils s'attendaient à une véritable décentralisation, donc les pouvoirs étaient très forts, et on a senti beaucoup de tiraillements entre les personnes qui avaient le pouvoir au niveau des municipalités et les personnes qui avaient du pouvoir du côté des groupes socio-économiques. Et les tiraillements étaient majeurs, jusqu'au moment où ils se sont aperçus que, finalement, des tiraillements pour une enveloppe de 3 000 000 $, des tiraillements pour une réforme qui, finalement, ne leur donnait pas une véritable décentralisation, c'était peut-être un peu futile. Et, évidemment, de bonne foi, les gens ont monté les structures et les structures continuent à se monter. Et ils continuent à espérer qu'on va leur donner une véritable politique de développement régional. On était en lieu de s'attendre que le projet de loi 19 vienne répondre à ces demandes-là parce que les structures vont être prêtes. Eh bien, non.

Si j'examine vraiment le projet de loi 19, c'est évident que, dans la plupart des articles, ce qu'on nous annonce, c'est uniquement l'abolition de l'OPDQ. Lorsqu'on fait une réforme, il ne m'apparaît pas nécessaire de détruire les seuls éléments qui sont positifs. Parce que l'OPDQ, c'était un élément positif dans nos régions; c'était dynamique, on obtenait des réalisations. Et il y aurait peut-être eu lieu de renforcer la participation de nos fameux conseils régionaux qui vont être mis sur place avec l'OPDQ plutôt que de repartir, de détruire cet élément-là, qui était quand même en place depuis plusieurs années et qui avait donné des résultats. Abolir un office pour se retrouver, finalement, avec un conseil régional qui sera, bien sûr, sous la direction, et ça, c'est un petit peu inquiétant et ça prouve, évidemment, qu'il n'y a pas de véritable décentralisation... On confie le développement régional au ministère du Conseil exécutif et le ministère du Conseil exécutif est présidé par le premier ministre. Le secrétaire général est d'office le sous-ministre du ministère et il possède, évidemment, des pouvoirs énormes. Ça me fait penser un petit peu, cette réforme-là, M. le Président, à la réforme de la santé qui a suscité exactement les mêmes espoirs. Sous la théorie d'une décentralisation, on se retrouve avec des structures, mais des structures sans pouvoir et un pouvoir encore plus centralisateur au niveau du gouvernement. C'est exactement le même principe, et on le retrouve dans la réforme de la santé comme dans le développement régional.

L'utilisation des mots, M. le Président, c'est toujours extrêmement important. Lorsque j'ai regardé le projet de loi 19, je n'ai pas pu m'empêcher de déplorer qu'on nous parle d'une loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Parler de

développement régional, c'est parier d'un projet d'envergure auquel tout le monde peut s'associer et c'est, effectivement, jeter un regard vers l'avenir. Parler des affaires régionales, bien, c'est parier des affaires courantes, comme on parie de toutes les affaires, les affaires municipales... C'est déjà une vision restrictive. Mais, lorsqu'on regarde les pouvoirs qu'on a remis au conseil régional, c'est, évidemment, plutôt d'affaires régionales qu'il va s'occuper et non pas de véritable développement régional. Donc, en ce sens, ça répond peut-être plus véritablement à l'action qui va être posée dans les régions. (12 h 30)

Le député de Trois-Rivières nous disait que la fuite de nos cerveaux, dans les régions... les cerveaux avaient fui vers les grands centres. Bien, j'avoue, M. le Président, que j'aimerais beaucoup que nos cerveaux au Québec fonctionnent davantage et, principalement ici, dans ce Parlement. Pour avoir une véritable politique de développement régional, il faut être imaginatif, il faut être à l'écoute des gens et il faut ne pas avoir peur de mettre des choses en place, de passer à l'action et non de se contenter de certaines petites mesures qui ne viennent absolument rien régler, au contraire, qui vont susciter, dans les années à venir, de la frustration, parce que les conseils régionaux n'auront pas de véritables pouvoirs. On nous pariait du programme politique «S'ouvrir à demain». Un programme, il faut qu'il se traduise dans l'action, il faut qu'il se traduise dans le projet de loi. Il ne se traduit toujours pas dans le projet de loi.

M. le Président, je pense que, dans les différentes réformes qu'on nous a présentées, que ce soit à l'éducation, à la santé, au développement régional, depuis trois ans, ce gouvernement démontre qu'il n'a aucune vision globale positive pour l'avenir du Québec. C'est normal, je pense, puisqu'ils n'ont pas en tête, pour notre avenir collectif, un véritable projet de société. Le Parti québécois, dont je fais partie, a effectivement une vision globale, puisque nous voulons un véritable projet de société, nous voulons la souveraineté du Québec. Lorsqu'on veut la souveraineté du Québec, c'est évident qu'on ne peut s'empêcher de penser au rôle que les régions du Québec devront jouer dans ce Québec souverain. Leur rôle sera encore plus important, M. le Président.

Donc, notre réflexion là-dessus, elle se fait, elle se fait depuis plusieurs années et elle se poursuit, et elle doit se poursuivre dans le milieu, avec les intervenants qui sont concernés. Lorsqu'on a un projet de société, on ne peut pas ignorer les régions. On sait à quel point les différentes régions du Québec sont dynamiques. On nous dit, de l'autre côté, qu'elles sont dynamiques, mais on n'utilise pas ce dynamisme. On ne l'utilise aucunement, M. le Président, parce que, si on l'avait utilisé, on serait vraiment arrivé avec un projet de loi qui nous aurait proposé une véritable réforme.

Décider que le développement régional, ça se limite aux affaires régionales, c'est déjà avouer l'échec de cette nouvelle réforme, et ça, c'est vraiment très regrettable, M. le Président, parce que tous les milieux étaient effectivement réceptifs, ils étaient prêts, ils étaient prêts à collaborer, ils étaient prêts à agir en concertation, ils n'avaient besoin que d'une écoute attentive du côté du gouvernement et que d'une volonté politique, que le résultat de cette écoute se traduise dans l'action. Dans toutes les réformes qu'on nous a présentées, il y a toujours eu cet échec, le problème entre le discours et l'action, de beaux principes, oui, mais la volonté d'agir ne se rend jamais jusqu'à la véritable action.

Dans les deux régions que je représente, Laurentides et Lanaudière, les gens du milieu sont venus nous faire part de leurs doléances, et je suis convaincue qu'à la lecture du projet de loi 19, parce qu'à ce moment-là ils n'avaient pas pris connaissance du projet de loi 19, leur déception va être encore beaucoup plus grande. Les sommets socio-économiques avaient permis et, principalement dans les régions qui entourent, qui constituent la couronne de Montréal, parce qu'on sait que ce sont des régions un peu particulières... Ce ne sont pas des régions qu'on peut considérer comme ce qu'on appelle, par exemple, si je pense à la Gaspésie ou à l'Abitibi, des régions naturelles. Ce sont des régions qui se sont formées à partir de personnes qui ont quitté le centre-ville de Montréal et qui ont décidé de venir habiter dans des régions urbaines ou semi-urbaines et de se développer différemment.

La concertation dans nos milieux était plus difficile au début, M. le Président. Elle ne pouvait pas se faire facilement parce que les intérêts étaient divergents, parce que vous retrouviez dans une même région des besoins extrêmement différents, et certaines luttes - il faut le dire, au début - entre le nord et le sud de certaines régions, puisque certaines régions, dans le passé, avaient réussi à se développer et que les nouvelles régions qui, elles, possédaient beaucoup plus de clientèle, se retrouvaient, elles, sans services.

Si je prends l'exemple de la région de Lanaudière, nous retrouvons, au nord, tous les services, mais de moins en moins de population; au sud, une croissance démographique explosive avec très peu de services. Et, malgré ces divergences, les dernières années ont permis à la région de Lanaudière de s'entendre sur des projets, ont permis à la région de Lanaudière de vouloir créer une véritable région d'appartenance, ce qui n'était pas le cas au tout début, et nous ont permis de regarder une véritable politique de développement. C'est évident que le sommet socio-économique d'avril 1990 a semé le désespoir

et la déception. Ce sommet s'était traduit par quelques projets, mais très peu de projets, M. le Président, et des projets qui sont loin d'être réalisés. À peine 15 % des projets promis sont réalisés deux ans après la tenue du sommet socio-économique.

Mais, malgré cet échet financier, nous avons décidé de continuer à travailler ensemble. Il y a deux semaines, les membres du Sommet économique permanent de Lanaudière se sont réunis et ont voté - et ce sera entériné à l'assemblée générale - sur le conseil régional qui pourra mettre en place la réforme. C'est évident que lorsque nous assisterons à cette assemblée générale, M. le Président, les membres pourront se rendre compte à quel point le ministre n'a pas rempli ses promesses, à quel point la réforme qu'il avait annoncée par le projet de loi 19 se traduit par bien peu de choses.

Je résume. Un pouvoir davantage centralisé au niveau du contrôle, l'abolition de l'OPDQ - on ne sait toujours pas ce qui va advenir de ces gens, M. le Président - et, enfin, un mince 3 000 000 $ par région à se partager. Et ce n'est pas avec 3 000 000 $ par région qu'on va pouvoir véritablement doter chacune des régions d'une véritable politique de développement régional. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Terrebonne. Nous en sommes toujours à l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Je reconnais Mme la vice-présidente de la commission de l'aménagement et des équipements et députée de Mégantic-Compton. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Parler des régions est pour moi un plaisir, plus qu'un plaisir, étant représentante de l'un, sinon du plus beau comté de la province: Mégantic-Compton. Étant représentante régionale, je suis à même de constater le dynamisme et le potentiel qu'on retrouve en région. Mais, parallèlement à ce dynamisme, je constate, et ce, de plus en plus, que les régions ne cessent d'évoluer.

Vous savez comme moi que ce phénomène n'est pas récent, mais on peut tout de même affirmer qu'il s'accentue davantage avec le temps. Un exemple qui peut facilement illustrer mon propos est sans doute la volonté de plus en plus grande des régions de se prendre en main et de décider de leur avenir économique. Cela, M. le Président, le gouvernement libéral l'a compris. La preuve, c'est le projet de loi 19 dont nous discutons le contenu en ce moment. (12 h 40)

Pendant les minutes qui suivent, M. le Président, vous me permettrez donc de donner les grandes lignes de ce projet de loi mis de l'avant par le ministre délégué au développement régional, un projet de loi qui saura, j'en suis certaine, répondre aux attentes les plus vives de toutes les régions du Québec. Mais avant d'aller plus loin, vous me permettrez d'expliquer les raisons qui ont encouragé mon gouvernement à aller de l'avant dans sa nouvelle stratégie en matière de développement régional.

En premier lieu, M. le Président, nous avons vu naître, depuis quelque temps déjà, une affirmation de plus en plus claire des dynamismes régionaux. Effectivement, nous avons décelé une volonté très nette des régions d'assumer davantage leurs responsabilités en ce qui a trait à leur développement économique. Puis, en second lieu, nous avons pris conscience que le rôle de l'État avait, lui aussi, évolué. Par le passé, on se souviendra que l'État était appelé à jouer un rôle très présent, un rôle qui a marqué, d'une façon particulière, toute une époque. Mais vous conviendrez avec moi qu'il y a quelques années, à l'époque de l'État-providence, les ressources financières de l'État n'étaient pas ce qu'elles sont devenues aujourd'hui. Nous assistions alors à l'édification d'un État entrepreneur et interventionniste. Aujourd'hui, les choses ont changé. Nous devons concevoir le rôle de l'État comme celui d'accompagnateur en raison de la rareté des ressources financières.

Ainsi donc, M. le Président, le gouvernement du Québec a décidé d'adopter une stratégie qui consiste à centrer les activités de l'État sur ses fonctions fondamentales. En d'autres termes, nous voulons responsabiliser les régions dans un contexte de concertation et de partenariat. M. le Président, cette stratégie d'action dont il est question dans le projet de loi 19 nécessite, tant de la part du gouvernement qu'au niveau des régions, des aménagements importants. Avant de les énumérer, je ferai un petit retour en arrière pour rappeler les objectifs de la reforme.

C'est ainsi qu'en février 1991 le ministre responsable du Développement régional a annoncé un moratoire sur les sommets socio-économiques régionaux. Ce moratoire a permis d'entamer un processus de réflexion sur les éléments d'une politique globale de développement régional. Cette réflexion, M. le Président, à laquelle a participé un groupe de travail composé de hauts fonctionnaires des ministères concernés par le développement des régions, a été menée de main de maître. C'est d'ailleurs à la lecture des recommandations de ce groupe de travail que des évaluations et des consultations ont été menées quelques mois plus tard et qui ont permis au ministre responsable du Développement régional de soumettre au Conseil des ministres, à l'automne 1991, des propositions visant le renouvellement de notre stratégie en matière de développement régional.

Cette nouvelle stratégie, M. le Président, je vous en présente à l'instant les grandes lignes.

Comme je le disais il y a quelques instants, la démarche d'accompagnement du dynamisme des régions nécessite des réaménagements, et le premier de ceux-ci est certes la mise sur pied de conseils régionaux de développement. Ce conseil est formé par les députés de la région, les élus municipaux, les agents socio-économiques de même que des représentants des organismes du milieu, et ces conseils régionaux de développement seront institués dans chaque région du Québec.

Concrètement, M. le Président, ces conseils devront assurer la coordination du développement régional en partenariat avec le gouvernement du Québec. Entre autres fonctions, ces conseils auront la responsabilité d'assurer la concertation des intervenants et de donner des avis au gouvernement. Ils devront également définir une stratégie de développement, c'est-à-dire identifier les priorités régionales et déterminer des axes de développement. Les conseils devront aussi assurer la coordination et le suivi d'actions et de programmes de développement sur leur territoire et gérer, conjointement avec le ministre délégué aux Affaires régionales, un fonds de développement qui sera attribué par le gouvernement à chacune des régions.

M. le Président, cette nouvelle stratégie de développement régional est également basée sur une importante régionalisation de 45 000 000 $, en voici d'ailleurs les détails. En appuyant notre volonté de responsabiliser davantage les régions du Québec, le ministre responsable du dossier a décidé que la majeure partie des budgets gérés jusqu'ici par l'Office de planification et de développement du Québec, l'OPDQ, seront déployés en faveur des régions du Québec. Ainsi, chaque région du Québec recevra un montant annuel moyen de 3 000 000 $. Quand la députée de Terrebonne disait qu'on avait aboli le PRECEP, les 3 000 000 $ vont être divisés comme ceci. Il y aura 300 000 $ pour le budget de concertation, pour tous les intervenants concernés dans le conseil de développement et 700 000 $ seront dévolus à l'aide aux industries, jumeau du programme PRECEP. Si les régions décident de se servir de ces 3 000 000 $ pour faire du PRECEP, le ministre a dit en commission parlementaire que les gens de la région pourront se servir des 3 000 000 $ pour faire du PRECEP. C'est ça, la décentralisation.

Ainsi, sur les 54 000 000 $ qui étaient gérés par l'OPDQ, le gouvernement régionalise donc 45 000 000 $ en faveur des instances reconnues dans les différentes régions du Québec. Le nouveau secrétariat aux affaires régionales disposera, quant à lui, d'un budget de 9 000 000 $. Cette somme servira à répondre à des besoins conjoncturels et permettra au ministre délégué aux Affaires régionales de réagir à des situations particulières dans les régions connaissant plus de difficultés. Il s'agit donc, vous conviendrez avec moi, d'une importante organisation des moyens financiers, afin d'optimiser les ressources dont dispose l'État pour le développement des régions.

Par ailleurs, à partir de l'exercice budgétaire 1992-1993, les ministères directement concernés par le développement régional seront ainsi appelés à identifier à leur budget un programme ou élément de programme sous l'appellation budget régionalisé. Cette régionalisation des crédits des ministères vise à atteindre, en période de croisière, 500 000 000 $ annuellement. Le député d'Abitibi-Ouest ridiculisait cette participation des ministères sectoriels. C'est évident que ça ne sera pas le mois prochain, mais on dit que, en période de croisière, ces 500 000 000 $ seront gérés par les régions ou décidés par les régions, la façon de les dépenser... L'affectation de ces ressources financières relèvera donc du ministère sectoriel concerné, en concertation avec chacun des conseils régionaux de développement et ce, dans le contexte de la signature d'une entente-cadre dont l'une des annexes consignera l'affectation des crédits des ministères.

Par ailleurs, ces budgets spécifiques proviendront de plus d'une quinzaine de ministères et organismes différents et contribueront ainsi à créer un plus grand impact sur le développement régional intégré des régions concernées.

Enfin, dans le cadre de la nouvelle stratégie de développement régional, mon gouvernement est fier d'annoncer que des délégués au développement régional représenteront le gouvernement du Québec dans les régions administratives. Ainsi, ces délégués directement rattachés au ministère du Conseil exécutif assureront la coordination interministérielle des activités de notre gouvernement. Ils relèveront directement du secrétaire général associé aux affaires régionales, ce qui démontre que nous, du gouvernement libéral du Québec, voulons inscrire les régions dans le processus décisionnel du ministère du Conseil exécutif. (12 h 50)

Entre autres fonctions, les délégués régionaux auront pour mandat d'harmoniser l'action des divers ministères en région. Cette fonction sera assumée par le biais de conférences administratives régionales. Ces dernières réuniront dans chaque région les représentants des ministères ou des organismes gouvernementaux. Par ailleurs, en plus d'être, en quelque sorte, des interlocuteurs officiels de l'administration gouvernementale, ces délégués auront à assurer la préparation et le suivi des ententes-cadres de développement. En effet, ces dernières continueront à être négociées et signées entre le gouvernement du Québec et les conseils régionaux. Les délégués auront ainsi à appuyer la démarche de concertation régionale, particulièrement en ce qui a trait à la définition d'axes de développement pouvant soutenir le développement de chacune des régions du Québec.

M. le Président, ce nouveau rôle des délégués doit principalement viser à responsabiliser davantage les instances régionales et non à se substituer à elles. Alors, le principe d'une démarche d'accompagnement des dynamis-mes régionaux sera appliqué, ce qui entraînera une régionalisation de certains programmes d'aide financière.

Voilà, M. le Président, qui résume l'essentiel de la nouvelle stratégie de notre gouvernement en matière de développement régional. M. le Président, si nous avons élaboré cette stratégie, cela ne veut pas dire pour autant que nous ne nous préoccuperons plus du développement régional au sens large, loin de là, car pour nous, du gouvernement libéral, le développement économique du Québec passe inévitablement par le développement des régions. Alors, le gouvernement continuera d'être un intervenant économique important dans les économies régionales. Cependant, le rôle qu'il exercera sera celui d'un partenaire des agents économiques. Il sera un allié. Ainsi, la démarche que l'on retrouve dans le projet de loi 19 vise purement et simplement à responsabiliser les régions dans un contexte de partenariat, car qui n'est pas mieux placé que les régions pour savoir et connaître leurs besoins.

En définitive, M. le Président, on peut affirmer haut et fort que ce projet de loi répond aux demandes des régions du Québec. Il y répond en ce sens qu'il les encourage dans leur démarche vers une plus grande autonomie, mais il y répond également parce qu'il fait en sorte que les sommes d'argent affectées par l'État et les intervenants régionaux soient de plus en plus utilisées de manière à combler les besoins des régions. C'est ça, M. le Président, être à l'écoute de la population.

Je m'en voudrais de terminer sans ajouter que ce projet de loi se situe dans la continuité des grands actes, de ce qui a déjà été fait. Depuis 1985, mon gouvernement a tenu a développer un esprit de concertation avec les régions. Aujourd'hui, avec les résultats que l'on connaît, je suis persuadée que c'est cette concertation qui a permis aux régions de préciser leurs besoins. Cette politique de développement régional se situe dans la continuité de la bonne gestion de mon gouvernement et c'est, pour moi, une raison de plus pour être très fière du gouvernement libéral. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Mégantic-Compton. Je cède la parole, sur ce même sujet, à Mme la députée de Johnson.

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Est-ce que je peux vous demander l'ajournement du débat?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion de Mme la députée de Johnson, la proposition d'ajournement du débat, est adoptée? Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Donc, le débat est ajourné. En conséquence, compte tenu de l'heure, les travaux de cette Assemblée sont suspendus jusqu'à 15 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 55)

(Reprise à 15 h 6)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place, mesdames, messieurs. Nous reprenons les affaires du jour. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je vous demanderais, s'il vous plaît, d'appeler, pour les fins de nos travaux, l'article 12.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 12, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Tel qu'avant la suspension des débats, je reconnais Mme la députée de Johnson.

Mme Carmen Juneau

Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. Ce projet de loi 19, qui contient 15 articles, je pense, semble être un projet de loi tout à fait ordinaire; peu d'articles, mais, en fait, ce projet de loi vient changer une décennie, pratiquement. Vous savez, dans toutes les régions du Québec, il existait un programme qui s'appelait le Fonds de développement régional et nous avions dans chacune de nos régions aussi l'Office de planification et de développement du Québec qui comprenait un certain nombre de personnes qui travaillaient à l'intérieur pour desservir chacun des comtés faisant partie de nos régions respectives.

Je ne pense pas, M. le Président, que le gouvernement ait été obligé de faire ce projet de loi, le projet de loi 19, parce que ça allait mal avec l'OPDQ ou le développement régional. Je pense que si on demandait à chacun des parlementaires ici quels étaient les services qu'ils recevaient dans chacune de leur région, en relation avec les besoins de leur comté et en relation avec les services qui étaient offerts au niveau de l'OPDQ et au niveau du Fonds de développement régional... Je ne crois pas me tromper en vous disant que les services étaient là et que les fonctionnaires travaillant dans ces deux entités étaient des gens qui connaissaient bien leur région et qui faisaient en sorte d'appuyer les demandes des municipalités ou des

députés qui faisaient, par ricochet, une aide aux demandes qui étaient faites par les municipalités de leur comté. Ce n'est certainement pas à cause d'une chose boiteuse, d'un instrument boiteux, d'un service qui n'était pas convenable. Je ne crois pas, M. le Président, parce que je pense que les régions, les personnes travaillant dans nos régions donnaient un excellent service, à la fois aux municipalités et aux députés responsables de ces comtés.

Nous avions à acheminer nos dossiers vis-à-vis de ces instances-là, et il y avait une analyse qui se faisait, et les relations étaient très courtoises, et nous recevions par le fait même les services auxquels nous avions droit. À notre grande surprise, il découlait... Il faut que je dise aussi, M. le Président, qu'il découlait de ces centres de services là les fameux sommets socio-économiques, dont chacune de nos régions a dû certainement profiter. Ces sommets socio-économiques, qui avaient lieu aux quatre ans, finalement... C'était un sommet, c'était une biennale, ensuite, c'était un sommet si le besoin du milieu se faisait sentir. Ces sommets socio-économiques avaient plusieurs volets, entre autres de pouvoir, pendant une année, une année, M. le Président, de travail... Les gens de toute une région, les pauvres comme les riches, les jeunes comme les plus âgés s'assoyaient à une même table pour trouver quel était le meilleur outil, le meilleur équipement qui ferait en sorte de développer son petit coin de pays, à la fois chez lui, et faisant en sorte que la collectivité de sa région pouvait profiter aussi d'un équipement ou d'un service à la population qui était inexistant. (15 h 10)

Au cours de cette année, où on s'assoyait tous ensemble, on faisait connaissance. Socialement, on se retrouvait, on partageait les mêmes idées, les mêmes idées pour dire: Bon, dans notre région, là, après concertation générale, on se rend compte que les manquements... Comme chez nous, M. le Président, une région extraordinaire en termes de tourisme et en termes de besoin d'équipements pour inviter chez nous cette belle visite qui laisse de l'argent et qui fait en sorte que l'économie tourne bien.

Donc, les gens de chez nous s'étaient assis pendant une année et avaient monté leur sommet. Ça a eu lieu en décembre - non, au printemps 1985. Au printemps 1985, le premier sommet de la région de l'Estrie. Nous avions travaillé une année avant, bien sûr, pour en arriver à une concertation. On avait fait du déblayage, bien sûr - parce qu'au début tu as 51 dossiers que tu dois traiter, et puis ça s'en vient dans l'entonnoir après discussion des uns et des autres - et nous en sommes arrivés à faire une demande globale de quelques dossiers qui restaient sur la table, et que tous et chacun autour avaient jugé les plus cruciaux, les plus importants pour un développement harmonieux de sa région.

C'était le lot de l'Estrie et nous en étions très fiers. Nous avions réussi à asseoir à la même table des gens qui ne s'étaient jamais parlé avant, et nous avions fait ensemble une concertation extraordinaire et c'avait abouti sur des projets bien concrets qui faisaient l'affaire des uns et des autres. M. le Président, la région au complet était très heureuse d'avoir pu, à la fois, se parler, à la fois décider ensemble de ce qu'elle souhaitait pour un mieux-être de notre région. C'est ainsi que nous avons travaillé pour obtenir ça.

Malheureusement, le Parti libéral, le gouvernement libéral est entré en fonction, et quelques années après son entrée en fonction voilà qu'on met un moratoire sur les sommets socio-économiques et sur les biennales. On acceptait, bien sûr, de tenir ceux qui étaient en liste, en selle, si vous voulez, mais ceux qui avaient déjà tenu cette activité ne devenaient plus éligibles et on mettait un moratoire sur tous les autres qui espéraient en tenir un parce qu'on voyait bien que c'était un «plus», un positif qui se passait dans les régions qui avaient cet avantage-là de pouvoir tenir un sommet socio-économique.

Malheureusement, M. le Président, le gouvernement libéral a décidé de mettre la hache dans les sommets socio-économiques. C'a commencé par un moratoire, soi-disant pour mieux comprendre et mieux définir les besoins. Et après ça on a dit: On verra, on va mettre un moratoire - si je me souviens bien. Ce ne sont peut-être pas les mots exacts que le ministre responsable avait utilisés à l'époque, mais il avait dit, en gros: On met un moratoire, nous verrons ce qu'on fera par après. On va tenir ceux qui sont préparés et après ça on verra.

Malheureusement, M. le Président, c'a été aboli. Les sommets socio-économiques, comme on les connaissait et comme chacun en tirait son profit, ont été abolis. Par le fait même, le rôle de l'OPDQ, qui est un service bien fait en région, et le rôle du développement régional devenaient - l'OPDQ au moins - caducs. Donc, à ce moment-là, le ministre responsable a décidé, avec la loi 19, de changer les règles du jeu. Mais, par contre, avant de changer les règles du jeu, il a tout aboli et il a mis le bâton et la carotte. Il a mis, à la face des régions, une possibilité de 3 000 000 $ par région; 45 000 000 $ en tout, divisé par 15 régions, ça nous donne 3 000 000 $ par région. Il a dit: Tiens! chaque région va recevoir 3 000 000 $, sauf... Ça, c'était en décembre. Une belle annonce! Ça paraît bien. Tu dis aux régions: 3 000 000 $ qui vont s'en aller chez vous; vous allez être les décideurs et ça va fonctionner! Tu sais ce que je veux dire? Quand tu as des régions qui ont besoin d'argent, tu sautes là-dessus, 3 000 000 $, tu es content. Même si tu ne sais pas trop où tu t'en vas, tu dis: Aie! il y a 3 000 000 $ dans une enveloppe pour nous autres. Hein! tu capotes quasiment. Tu dis: Aie!

notre région en a vraiment besoin, elle a le goût de faire des choses. Ils ont le goût de bouger, ils ont le goût de s'aider, ils ont le goût de se donner la main pour découvrir ensemble de meilleurs dossiers pour chez nous - pour chez nous comme pour d'autres régions, mais je connais mieux la mienne que les autres, bien sûr.

Donc, les 3 000 000 $ étaient là. Les gens étaient fougueux, ils voulaient faire quelque chose. Sauf que le ministre ne leur avait pas dit comment ils utiliseraient ça. Il n'a pas dit ça. Il n'y a pas eu d'orientations et il n'y a pas eu non plus de livre vert, comme on fait toujours lorsqu'il y a une chose nouvelle qui s'implante. Parce que c'est relativement nouveau. On n'a rien. On a mis l'argent, et on a dit: Bon! débattez-vous avec ça et, après ça, on reviendra. Après ça, où a été le débat public? Ça a failli virer au vinaigre, parce que les 3 000 000 $ étaient là, les gens voulaient avoir les 3 000 000 $, mais, là, on ne savait pas dans quel cadre. Seraient-ce les maires ou les préfets qui seraient responsables de ces fameux 3 000 000 $ là? Est-ce que ce serait les socio-économiques? Est-ce que ce serait les députés de la région? Mystère et boule de gomme! Nous n'avions pas, absolument pas de référence. Il y avait les 3 000 000 $. Et, aujourd'hui, regardez, on est rendu au 3 juin. Il a averti les régions au mois de décembre 1991. Là, il nous arrive avec le projet de loi 19, le 3 juin, six mois plus tard, après que les gens se sont essayés de voir qui pourrait bien être les maîtres d'oeuvre, être les parrains, si vous voulez, de ces 3 000 000 $ pour faire en sorte qu'on les utilise de façon sage, qu'on les utilise de façon à ce que les gens de notre région soient contents et qu'ils se sentent partie prenante dans notre région, qu'ils se sentent partie prenante à une décision importante d'utilisation de fonds publics.

Je dois dire que les gens de l'Estrie n'ont pas les pieds dans la même bottine, M. le Président. Ça fait longtemps que je sais ça. Ce sont des gens de concertation. Il y avait une table de concertation avant qui a été, bien sûr, transformée un tant soit peu aux exigences du ministre pour faire en sorte qu'il y ait, chez nous comme ailleurs... Mais, comme de raison, après que les municipalités eurent subi le coût épouvantable que ce gouvernement-là leur a donné sur la tête en changeant les règles du jeu de la fiscalité municipale, eux pensaient bien que, là, ces 3 000 000 $, ce serait eux qui les administreraient.

Chez nous, ça a été la foire. Je vous le dis, M. le Président, la foire. Tout le monde tirait la couverte sur leur bord - non, ce n'est pas toi, et oui, c'est moi, et ainsi de suite - pour finalement s'asseoir à la même table, et il en a découlé qu'il y a 36 personnes, finalement, qui font partie de cette fameuse régie ou - je ne sais pas trop comment - CRD que vous l'appelez, conseil régional de développement. Il y a sept maires, sept préfets, sept députés - ça doit être le «lucky seven» - et il y a 14 socio-économiques. Toute cette belle équipe-là, c'est dirigé par le président, Janvier Cliche, qui est un homme fort représentatif de notre région et qui s'implique dans plusieurs dossiers. (15 h 20)

Ce sont des gens de bonne volonté, qui veulent faire des choses, qui ont le goût de bouger, comme je disais tout à l'heure. Mais, M. le Président, ils n'avaient pas les cadres, ils n'avaient pas entre leurs mains les demandes, les exigences, les critères que le ministre voulait bien nous imposer. Ils n'avaient pas ça. On l'a, là. On est en train d'en discuter. Est-ce que ça va être tel quel qu'on va l'adopter? Est-ce qu'on va le modifier? On ne le sait pas, on vient de l'avoir.

Puis une politique faite à l'envers de même, comment voulez-vous que les gens aient confiance en ça? On ne sait rien de la politique. Le ministre n'a pas daigné consulter. Le ministre n'a pas daigné faire de débat public. Le ministre n'a pas présenté ses orientations au début du processus. C'est le monde à l'envers. Tu as l'argent? Je te reviendrai dans quelque temps avec les critères que tu as besoin de connaître. Sauf, M. le Président, que, là, il faut que tu te poses une question. Tu dis: Bon, bien, durant l'année où tu vas poser tes assises, l'argent, les 3 000 000 $ que tu as dans ton enveloppe, tu ne peux pas les distribuer. Il n'y en a pas de critères. Il n'y en a pas. Ça fait que ça veut dire que les gens de ma région, comme les gens de toutes les régions du Québec, vont connaître une année sèche, M. le Président. Il n'y aura pas un cent de dépensé, sauf les projets ad hoc, probablement, que le ministre acceptera, lui.

Mais, en région, comment voulez-vous que notre région soit fin prête à accorder, dès cette année, de l'argent, pendant que la structure n'est pas validée? Puis, dans bien des régions, ça a été pire que dans la mienne. J'ai dit: Le diable est aux vaches chez nous, mais il y en avait ailleurs. Je me suis informée à des collègues. J'ai dit: Comment ça va, chez vous, l'implantation de la nouvelle réforme Picotte, comme on l'appelle? M. le Président, ils ont dit: Bien, ça va mal chez nous aussi. Les gens ne s'entendent pas. On n'a rien. Ils ont été envoyés au front pas de fusil. Qu'est-ce que vous voulez faire? Pas de directives, rien. Ces pauvres gens font bien leur possible, mais ils se disent: Tout à coup qu'on fait quelque chose et que ça ne correspond pas aux volontés du ministre ou du gouvernement, alors, ça ne nous donne rien de travailler pour rien. On tire la couverte, on se chicane pour rien, et c'est supposé être un outil de concertation, pas un outil de «chicanation», comme on dit, pas un outil pour se battre, un outil pour se concerter.

Alors, M. le Président, on est un peu beaucoup troublés par un agissement comme

celui-ci. Ce n'est pas parce qu'on ne veut pas s'asseoir et se mettre à travailler ensemble, mais découvrir ensemble quelle était la meilleure façon de faire avancer les dossiers de notre région. On a bien une petite idée qu'on pourrait s'en aller dans le style tourisme, socioculturel et ainsi de suite. On a bien cette petite idée-là, mais on n'est pas au point parce qu'on ne savait pas comment le ministre souhaiterait que ça se passe dans notre région. Il faut qu'on ait son aval, vous le savez, à la toute fin, pour être capables d'ouvrir, finalement, cette fameuse enveloppe et de retirer quelques centaines de milliers de dollars pour la réalisation de ces projets.

Donc, M. le Président, ça va faire que, pour une année, je l'ai dit tout à l'heure, toutes nos régions vont sécher et elles n'auront pas un sou parce que ce n'est pas prêt. Ça veut dire que le gouvernement, les 45 000 000 $, il va les garder dans sa poche. Ça va retourner au fonds consolidé probablement, hormis, comme je vous le dis, que le ministre me sortirait un lapin de son chapeau aujourd'hui et qu'il me dirait: Bon, écoute, là, je n'ai pas pu te le dire, mais je vais te sortir ça. Tu sais, le magicien, là. Il sort un lapin, et il dit: Je vais tout te raconter ça. Si c'est ça, bravo! Je vais rapporter la réponse du ministre chez nous, et je vais dire: Regardez, j'ai questionné le ministre. Voilà ce qu'il dit. Vous allez être capables de partir avec ça. J'ai même des municipalités qui se sont adressées à la structure qui n'est pas encore tout à fait validée, mais ça semble vouloir prendre racine. Puis, il y a des maires qui s'y sont adressés pour obtenir un certain montant pour des choses très précises, entre autres, un parc économique dans Valcourt et Valcourt canton pour des gens qui vont se regrouper pour s'aider, afin de relever l'économie.

Vous savez, M. le Président, je l'ai dit à quelques reprises, c'est 14 % de chômage qu'on a en Estrie. C'est catastrophique! Il y a plusieurs entreprises qui ont fermé leurs portes. Donc, ce serait le temps de sortir quelques centaines de milliers de dollars ou quelques millions pour remettre ce train sur les rails. Si on avait eu une politique bien campée et que les gens seraient partis là-dedans en sachant où était la bonne voie à prendre, il n'y aurait pas eu une année sèche pour nos régions. Il y aurait eu une continuité et les gens auraient pu, tous ensemble, faire en sorte que des dossiers se réalisent dès cette année et améliorer la qualité de vie de nos régions.

M. le Président, je regrette mais, le projet de loi, ça ne fait pas mon affaire pour le moment et ça ne fait pas l'affaire des gens de ma région. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): alors, merci, mme la députée de johnson. nous en sommes toujours à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 19, loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Je reconnais Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Taillon. Mme la députée, je vous cède la parole.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Je pense qu'il serait intéressant que, d'entrée de jeu, je souligne les commentaires fort pertinents et fort judicieux de ma collègue de Johnson qui, depuis un long moment, a à discuter, à échanger, à négocier, à se concerter avec plus d'une trentaine de municipalités dans son comté. Quand elle nous explique ce que cela a comme effet, ce projet de loi, et ce que cela risque d'avoir comme effet, ce projet de loi, elle nous traduit ainsi un quotidien à ras le sol, mais qui concerne justement la vie des gens et qui fait en sorte que le projet qui est devant nous, présenté par le ministre responsable du Développement régional, finit par décevoir à peu près tout le monde, M. le Président, et particulièrement les intervenants sur le terrain.

Pendant le débat, je pourrai vous faire la démonstration qu'il a aussi cet impact fort négatif dans une région comme la mienne, la Montérégie, qui est différente, évidemment, qui est plus urbanisée qu'une région comme celle que représente ma collègue, la députée de Johnson, mais pour laquelle on est confronté aux mêmes enjeux et dans laquelle les acteurs sont aussi en désaccord, finalement, que dans d'autres régions à travers le Québec.

Avant d'aborder ces aspects un petit peu plus précis du projet qui est devant nous, j'aimerais me permettre de faire une réflexion sur ce que ça peut signifier, la notion de développement régional pour l'économie d'un pays et pour le bien-être des citoyens et des citoyennes qui habitent ce pays. Ce que ça veut dire, c'est que l'ensemble des sphères d'activité de notre vie collective doivent être le mieux coordonné, le mieux agencé possible. De la culture en passant par l'éducation, par la santé, par la distribution des services sociaux, par le tourisme, par les infrastructures de développement économique, par les parcs industriels, que tout l'ensemble de ces secteurs d'activité essaient de se coordonner pour que les décideurs concernés tirent ensemble, dans la même direction, et que chacun des citoyens et chacune des citoyennes qui vivent dans ces régions retire le maximum possible de bienfaits des décisions qui sont prises en matière sociale, culturelle, économique, etc. (15 h 30)

Le bien-être, je dirais le bien-être collectif dans ce sens-là, se définit par le fait de pouvoir avoir la meilleure qualité de vie possible. La meilleure qualité de vie possible, en commençant d'abord par un minimum de quantités à résoudre,

soit le pain et le beurre, soit l'emploi, parce que c'est là que ça commence. Si on croit que c'est utile, que c'est nécessaire d'améliorer la qualité de notre vie, on va d'abord s'assurer qu'il y a une base solide sur laquelle construire. Bon. Alors, tous les gestes que l'on pose à l'égard d'une politique de développement régional - et je tiens aux mots «développement régional» et non pas «affaires régionales», comme les mots qui sont utilisés par le ministre dans son projet de loi. Une politique, donc, de développement régional, c'est essentiellement une politique qui va tenter d'améliorer le mieux-être collectif des gens qui habitent un territoire. C'est ça, les fins d'une politique de développement régional.

Ce qu'on constate actuellement, au Québec, M. le Président, c'est que, dans tous les ministères qui sont concernés, chez tous les décideurs politiques du niveau national, on tire, chacun dans sa direction sans retrouver quelque part une cohésion dans la philosophie, dans les principes et, éventuellement, dans l'action, M. le Président. Puis, ce serait intéressant, si les collègues étaient là, de mentionner... Par exemple, au ministère de la Santé et des Services sociaux, nous avons fait une révision de la Loi sur les services de santé et les services sociaux dans son aspect de distribution et d'organisation de la distribution des services. On a donc tout révisé la façon dont on allait choisir les décideurs au niveau régional. On a donc mis en place des régies régionales. On l'a fait, il y a déjà quelques années, du côté de la main-d'oeuvre et, je dirais, de l'éducation populaire, de l'éducation aux adultes, en mettant en place des tables de concertation pour lesquelles on propose des changements en profondeur et pour lesquelles on propose, entre autres, la mise en place d'une nouvelle institution concernant la main-d'oeuvre, une Société de la main-d'oeuvre qui aura des assises régionales. Il y a, au niveau de la culture, au niveau du tourisme, des organismes issus du milieu, qui sont des conseils du tourisme, des conseils des loisirs, de la culture, donc, issus du milieu et qui sont constitués en organisations pour rendre des services aux gens et, parfois, pour essentiellement concerter les décideurs qui sont là.

Alors, si on faisait comme ça tout le tour des secteurs d'activité, on constaterait que ce gouvernement, M. le Président, manque de vision, de perspective et de coordination de l'ensemble de ses politiques pour une meilleure cohésion de ces politiques-là. Et, quand chacun des ministres tire dans sa direction, on s'imagine qu'au moins le ministre responsable du Développement régional - je précise, non pas des affaires régionales, parce que ça m'agace profondément ce qu'il veut qu'on change - devrait prendre, lui, un petit peu de distance par rapport à cela, avoir une vision d'ensemble un petit peu plus systématique et dire comment on va attacher les fils d'une organisation à l'autre, comment on va mieux se coordon- ner et, surtout, qui va devoir rendre des comptes à la population pour les gestes qui vont être posés sur une base locale et régionale - parce qu'on s'entend, on parle de développement régional.

Or, dans les faits - et c'est probablement un des plus grands reproches qu'on peut faire au projet qui est devant nous - il n'y a pas cette vision d'ensemble, cette perspective qui dirait: Voici comment et à quelles fins nous concevons le développement régional. Voici quels sont les interlocuteurs, voici quels sont les décideurs, voici quels sont les intervenants et voici comment nous souhaitons mettre de la cohésion à l'intérieur de cela, pour que les objectifs soient atteints avec la meilleure façon possible de le faire. On continue, quand on regarde ce qui se passe, d'avoir une vision morcelée de ce qui va se faire sur le territoire et de ne pas être capables de tirer de ligne.

Je vais vous dire, M. le Président, que cela est aussi le résultat d'une réalité à laquelle Québec est confronté à cause de son statut politique, ce qui fait hésiter très largement les gouvernements. Peu importe, d'ailleurs, de quelle formation politique sont issus ces gouvernements, notre statut politique fait en sorte que nous partageons déjà des pouvoirs avec un État central, le niveau fédéral, en matière de développement régional.

C'est peut-être moins vrai quand on regarde la santé ou l'éducation, parce que sont des champs d'activité qui sont clairement identifiés, qui sont de la responsabilité des provinces, donc, dans notre cas, de la responsabilité du Québec. Mais, à cause du pouvoir de dépenser qu'a le niveau central et à cause aussi du manque de clarté quant aux responsabilités de chacun des niveaux de gouvernement en matière de développement économique et, donc, en matière de transport, en matière de communications, en matière de tourisme, en matière d'aménagement du territoire, en matière d'infrastructures industrielles, à cause, donc, de ce manque de clarté quant aux responsabilités respectives de chacun des niveaux de gouvernement, le gouvernement de Québec se trouve sans arrêt en situation de négocier avec le partenaire fédéral qui, évidemment...

On pourrait constater par des exemples très précis, là où il y a eu des ententes entre le Québec et le gouvernement central, le gouvernement d'Ottawa, que la bureaucratie, la lourdeur, l'absence de volonté politique d'une réelle entente, parce que les champs d'activité sont mal partagés, on pourrait constater que ça donne des lenteurs dont font les frais nos concitoyens et nos concitoyennes, parce que, quand il y a lenteur, il y a absence d'action. Il n'y a donc pas d'investissements dans nos infrastructures qui sont nécessaires, peu importe dans quel secteur, je répète, tourisme, aménagement du territoire, transport ou autre chose.

Donc, et je reviens au fondement même de la question, le dilemme auquel est confronté le gouvernement actuel, auquel nous avons été confrontés et auquel d'autres avant nous l'ont été. C'est que nous sommes déjà dans une situation ambiguë, quant aux responsabilités en matière de développement régional, entre le gouvernement d'Ottawa et le gouvernement de Québec et, donc, lorsqu'on veut passer à un autre cran, si on veut, de partage de responsabilités et qu'on veut essayer d'avoir une vision claire de ce que serait l'aménagement nouveau des pouvoirs entre le niveau central à Québec et le niveau local ou régional, que ce soit au niveau de la ville, de la municipalité, ou de la MRC, de la municipalité régionale de comté, comme on sait que c'est déjà compliqué que d'avoir à départager les responsabilités et à les assumer, à cause de ce pouvoir omniprésent d'Ottawa dans sa capacité de dépenser, c'est évident que de passer à l'autre étape, qui est de dire: Maintenant je prends la moitié des pouvoirs que j'ai, parce que c'est la moitié dont je dispose comme gouvernement... Puis c'est vrai, peu importent nos options politiques. La moitié des pouvoirs que j'ai, maintenant je vais les repartager à nouveau avec un autre palier de décision. Comme on sait fort bien qu'on s'en irait vers une inefficacité, une incapacité d'agir, on arrive avec ce que nous présente le ministre responsable du Développement régional, on arrive avec des miettes, avec des grenailles, avec des concepts qui ne sont pas précis, avec des orientations qui ne sont pas claires, avec des niveaux de décision où on ne sait pas qui va décider sur quoi, dans quel secteur, sur quel territoire.

Puis il faut voir, actuellement, je dirais, le marchandage auquel on assiste dans toutes les régions du Québec sur qui va former l'instance régionale, qui va avoir le leadership de cette instance. Est-ce que ce seront des élus qui sont imputables devant leur population et qui ont des pouvoirs de taxation? Est-ce que ce seront des organismes communautaires, des organismes sociaux ou des organismes culturels, qui ont tout à faire, bien sûr, avec le développement régional, qui sont des entités en soi et qui ne relèvent pas du pouvoir local ou du pouvoir régional, mais qui ont des comptes à rendre à un niveau central, quand ce n'est pas à un niveau fédéral, lorsqu'il s'agit, entre autres, de groupes communautaires, parce que c'est comme ça qu'on met en place tout un tas de nouveaux services au Québec? Bien, on se retrouve devant un véritable marchandage de type marchand de tapis, où chacun tire sur la couverte. Pendant ce temps-là, qui paie la note de ça? Qui paie la note de ça? Ce sont nos concitoyens et nos concitoyennes, qui ne voient pas les ententes se réaliser, qui ne voient pas les investissements se faire. À cet égard-là, je pense qu'on ne se rend pas service, personne. (15 h 40)

Donc, le ministre est pris avec ce dilemme-là, et la façon, évidemment, de tracer la voie pour sortir de cela - ça fait déjà des années, ça fait déjà quelques décennies qu'un projet très clair est apparu, répondant à d'autres fondements, et appuyé sur d'autres assises - c'est de dire que le Québec devrait avoir l'ensemble de ces pouvoirs, l'ensemble de ces moyens pour se permettre de canaliser, d'orienter et d'agir en matière de développement régional, de développement de son territoire, et de mettre ces outils que sont les possibilités qu'offre la concertation au service des habitants de ce territoire.

Dans ce sens-là, la souveraineté permettrait de venir clarifier les responsabilités de bien loger les pouvoirs, et à mon point de vue, l'étape subséquente, c'est de voir ce qui doit, ce qui peut et ce qui mérite, ce qui peut s'administrer aux niveaux local et régional et faire en sorte de dégraisser le niveau central pour qu'effectivement dans les régions on redonne aux leaders, aux décideurs, aux élus locaux la capacité d'agir sur leur milieu, avec la capacité aussi d'aller se chercher les moyens d'agir sur leur milieu par les systèmes de taxation. Je pense que c'est dans cette seule voie qu'on sortira de l'imbroglio dans lequel on s'enfonce de plus en plus depuis des années, et je le répète, au détriment de nos concitoyens et de nos concitoyennes. Je reste convaincue que c'est la voie de solution pour nous permettre de mieux servir nos intérêts collectifs.

Cela étant dit, je voudrais revenir sur le projet qui est immédiatement devant nous. Je vais faire seulement quelques remarques. Je suis toujours étonnée du peu de temps dont je dispose pour faire mes interventions, peut-être parce que je m'emballe trop sur certains thèmes qui me tiennent particulièrement à coeur, mais enfin, revenons à cela. D'abord, je le mentionnais, le développement régional devient les affaires régionales. Alors, c'est déjà, M. le Président, évidemment, de donner la mesure dans les mots parce que les mots traduisent toujours quelque part quelque chose, une orientation, une philosophie des principes, et sont le porteur d'une vision. Passer du développement régional aux affaires régionales, cela vient dire déjà la façon très réductrice que l'on a d'envisager ce qu'est le développement régional, qui, à mon point de vue, devrait être beaucoup plus large que ça.

Il est évident qu'au niveau de la décentralisation des pouvoirs le projet de loi que nous étudions, M. le Président, ne prévoit absolument rien à cet égard. De toute façon, ce ne sont qu'une série de règles d'encadrement qui soulèvent beaucoup plus de questions - le projet de loi qui est devant nous - qu'elles n'apportent de réponses à cet égard. Donc, on ne sent pas, on ne voit pas, on ne peut pas constater la volonté de décentralisation, quel type de pouvoirs, dans quels secteurs, à quelle instance.

Le troisième élément de ma critique, M. le Président, c'est l'instance décisionnelle ou la composition de l'instance régionale. Là, mais alors là on nous dit que tout est à peu près possible. Et je peux en témoigner, M. le Président, puisque j'ai participé à ce processus de concertation. On nous dit que tout est possible, mais en même temps, que vous aimiez ça ou pas, les législateurs que sont les députés - parce que nous sommes d'abord des législateurs; certains d'entre nous sont à l'Exécutif parce qu'ils sont membres du gouvernement et sont membres du Conseil des ministres - vont être membres d'office de cette instance, et à tous les paliers, que ce soit l'assemblée générale, que ce soit le conseil d'administration, ou que ce soit l'exécutif. Bon. alors, là, on mêle les choux et les carottes, et sur un joyeux temps, m. le président. vous allez voir que, dans les faits, ça va mettre les gens dans des situations de conflits dont ils ne pourront sortir et qui vont envenimer les situations plutôt que de faire en sorte qu'ils soient des acteurs, des éléments positifs dans le développement régional. alors, on dit: que vous aimiez ça ou pas, vous allez prendre les députés. que vous aimiez ça ou pas, les élus que sont, d'autre part, les maires de municipalités, les préfets, les conseillers, eux vont avoir 50 % ou moins des voix dans cette instance. après ça, les autres, eh bien, allez continuer le marchandage, parce qu'on verra, selon les régions, selon les intérêts des uns et des autres, comment on redépartagera les autres fauteuils. après ça, on vous nommera, très nombreux, de 50, 60 à 80, 90, 100 personnes, membres de ces conseils, mais on vous donnera à peine - oui, m. le président, je vous remercie - quelques millions de dollars à gérer, dont vous continuerez le débat et les belles chicanes, c'est bien engagé, et nous, nous continuerons, le gouvernement de québec, à gérer les ententes que nous avons avec le gouvernement d'ottawa, et là, on parlera des vraies affaires, puisque, là, on parle de centaines de millions de dollars.

Remarquez qu'on livre la marchandise toujours à moitié dans ces cas-là, parce qu'on sait que les objectifs ne s'atteignent jamais, qu'on prévoit des ententes sur deux ans, trois ans, quatre ans, de l'ordre de 100 000 000 $, 200 000 000 $, 300 000 000 $, et c'est toujours la moitié qu'on réalise, c'est toujours à 40 %, 45 %, 50 % qu'on operationalise, qu'on livre la marchandise de ces ententes qu'on fait entre le Québec et Ottawa. Mais c'est là qu'est l'argent. Sauf que ce que nous dit le ministre, c'est: Ça, ce n'est pas votre affaire, c'est moi qui m'en occupe, ça continue d'être une responsabilité du gouvernement; les régions, elles, et les décideurs locaux se partageront ces modestes 3 000 000 $. Et vogue la galère! Alors, ça peut bien s'appeler, son projet de loi, les affaires régionales plutôt que le développement régional.

Je pense que ça ramène à leur juste mesure la vision et la perspective qu'a le ministre en nous présentant ce projet de loi, M. le Président, et vous comprendrez que nous aurons l'occasion, au moment de l'étude article par article, de défendre un point de vue qui est fort différent de celui que nous présente le ministre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Taillon. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous poursuivons l'étude du projet de loi 19 à l'adoption du principe, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales. Je reconnais Mme la députée de Matane.

Mme Hovington: Matane.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: Merci, M. le Président. C'est vraiment avec enthousiasme - et je dis bien «enthousiasme» - que j'interviens sur le projet de loi 19, le projet de loi qui introduit dans la Loi sur le ministère du Conseil exécutif une section relative aux affaires régionales. Il prévoit que le ministre responsable de l'application de cette section élabore, propose et met en oeuvre une politique en matière de développement régional. Ce projet de loi détermine, en plus, les diverses fonctions du ministre. Il prévoit l'abrogation de la Loi sur l'Office de planification et de développement du Québec et il édicté, en plus, les dispositions transitoires découlant de cette abrogation de l'OPDQ.

Le moins que l'on puisse dire, M. le Président, c'est que cette politique de développement régional lancée par le ministre arrive a point donné. En effet, nous arrivons à un aboutissement heureux et surtout un aboutissement concret de la longue histoire du développement économique régional du Québec. On se rappellera, M. le Président, que le concept de développement régional a permis aux différentes régions du Québec d'affirmer de plus en plus leurs compétences, leurs capacités économiques, leur esprit et leurs habitudes de concertation acquis dans la foulée des conférences socio-économiques régionales et aussi le souci accru des leaders régionaux de prendre en main, enfin, le développement de leur région.

C'est dans ce contexte que le gouvernement du Québec a choisi, après avoir évolué successivement comme État entrepreneur et comme État partenaire, de devenir de plus en plus un État accompagnateur, s'appuyant davantage sur le rôle primordial des milieux régionaux en matière de développement économique régional. Je me permettrai de rappeler ici que cette nouvelle

stratégie gouvernementale en matière de développement régional est le résultat d'une importante réflexion sur le sujet initiée par le ministre responsable du Développement régional qui, à la demande du premier ministre, mettait en place, en février 1991, le groupe de travail interministériel sur le développement régional, présidé par M. Pierre Bernier, chargé de mission auprès du secrétaire général du gouvernement, afin de revoir l'ensemble des actions gouvernementales en matière de développement régional. (15 h 50)

II importe, à ce stade-ci, de souligner que la nouvelle politique du gouvernement du Québec prévoit mettre à la disposition des milieux régionaux des budgets régionalisés - et ça, c'est nouveau, M. le Président - dans les principaux secteurs de l'activité socio-économique pouvant atteindre annuellement quelque 500 000 000 $ et, en plus, un fonds régional de développement d'environ 3 000 000 $ par région administrative.

Nous conviendrons qu'il s'agit là d'un virage important dans le développement économique des régions du Québec qui va dans le sens des volontés régionales maintes fois exprimées, plus particulièrement, souvenez-vous, dans le cadre de la commission Bélanger-Campeau, dont j'étais commissaire, et des états généraux du monde rural.

Voilà, M. le Président. Les régions sont invitées, plus que jamais, à se prendre en main, et nous joignons, nous, les actes aux paroles en mettant directement à leur disposition d'importants budgets, notamment au niveau du démarrage d'entreprises et du Fonds de développement régional. C'est du concret, M. le Président.

J'aimerais souligner qu'en premier lieu le gouvernement libéral reconnaît à la base que le développement régional, c'est la résultante de l'ensemble des mesures prises par les milieux régionaux, avec le partenariat de l'État, en vue de l'amélioration des conditions économiques, sociales et culturelles, et ce, dans le respect du milieu de vie des citoyens et des citoyennes du Québec. À cet égard, le gouvernement du Québec adopte, je le rappelle, comme stratégie d'action, le principe d'accompagnement du dynamisme des régions, accompagnement qui consiste à centrer les activités de l'État sur ces fonctions fondamentales et, surtout, surtout à responsabiliser les régions dans un contexte de concertation et de partenariat.

Il faut souligner, d'abord, que l'État doit veiller à la cohérence du développement du Québec dans son ensemble. Il doit dégager les orientations et les stratégies générales pour éclairer les actions des intervenants régionaux, optimiser ses interventions et rechercher surtout une plus grande harmonisation interne de ses programmes et actions en matière de développement régional. L'élaboration et la mise en oeuvre des mesures spécifiques découlant de la stratégie d'action pour le développement des régions seront donc maintenant la responsabilité des ministères sectoriels.

De plus, certains défis importants, identifiés par le ministère sectoriel - pensons, par exemple, à la déstructuration des milieux ruraux, pensons au développement industriel et technologique, à l'étalement urbain, à la complémentarité des régions et plusieurs autres - tous ces défis doivent être, au plus tôt, relevés. Ce mandat d'harmonisation et de coordination si important sera confié au secrétariat aux affaires régionales qui accompagnera la démarche des régions. La démarche d'accompagnement du dynamisme des régions nécessite des aménagements, tant au niveau gouvernemental qu'au niveau de la région, en fonction de l'évolution de leur rôle et de leurs nouvelles responsabilités. C'est normal.

Alors, les conseils régionaux de développement sont actuellement en formation autour des députés, des élus municipaux, des agents socio-économiques et des représentants des organismes du milieu. Ces conseils généraux de développement seront institués dans chacune des 15 régions administratives du Québec et, contrairement à ce qu'avançait la députée de Taillon, tout à l'heure, M. le Président, tout se fait dans l'harmonie. Celui de la Gaspésie s'est formé la fin de semaine dernière. Tout s'est fait dans l'harmonie, la solidarité la plus complète au niveau de la Gaspésie. Le conseil du Bas-Saint-Laurent se fera cette fin de semaine, et je suis sûre que ça se fera avec un degré de maturité aussi grand qu'on a vécu dans la Gaspésie, en fin de semaine dernière.

Ces conseils assureront la coordination du développement régional en partenariat avec le gouvernement du Québec. Ces conseils régionaux, en fait, auront de nombreuses fonctions dont, entre autres: assurer la concertation des intervenants; donner des avis au gouvernement; définir une stratégie de développement en identifiant les priorités régionales et les axes de développement, cette stratégie faisant l'objet d'une entente-cadre signée avec le gouvernement; conclure des ententes spécifiques avec les ministères ou organismes gouvernementaux pour réaliser les interventions prévues dans l'entente-cadre; assurer la coordination, le suivi d'actions, le programme de développement sur leur territoire; enfin, M. le Président, de gérer, conjointement avec le ministre délégué aux affaires régionales, un fonds de développement qui sera attribué à chacune des régions du Québec.

La concertation gouvernement-régions devra continuer de déboucher sur la signature d'ententes-cadres de développement. Les instances régionales profiteront alors des effets directs de la régionalisation des programmes de développement régional pour une somme d'environ 3 000 000 $ par région. Dans un premier temps, le conseil régional aura pour responsabilité de définir, donc, sous forme de planification strate-

gique, les axes et les priorités de développement de la région pour un horizon environ de cinq ans.

Ces axes de développement feront ensuite l'objet d'une négociation et d'une entente cadre de développement signée entre le gouvernement et le conseil régional. Les ministères et les organismes gouvernementaux seront alors associés aux négociations préalables et, surtout, à l'accord sur l'entente cadre, ceci afin de déterminer les modalités de leur contribution au développement de la région. Une rencontre statutaire annuelle entre le conseil régional et le ministre délégué aux Affaires régionales déterminera alors l'utilisation du Fonds de développement régional en tenant compte de l'entente déjà conclue.

Enfin, des ententes spécifiques pourront être signées en tout temps entre le conseil régional et un ou des ministères et organismes gouvernementaux. L'entente cadre précisera également la liste et les objets des ententes spécifiques qui seront développées ultérieurement. Et, comme je le disais précédemment, chacune des régions du Québec recevra un montant annuel de l'ordre de 3 000 000 $, après négociation d'entente à cet effet avec le gouvernement.

Le nouveau Secrétariat aux affaires régionales disposera, quant à lui, d'un budget de g 000 000 $ pour répondre à des besoins conjoncturels et aussi permettre au ministre délégué aux Affaires régionales de réagir à des situations particulières et exceptionnelles dans des régions qui connaissent le plus de difficultés, comme on le fait actuellement pour la Gaspésie et comme on le fait pour le Bas-Saint-Laurent.

Autre élément de nouveauté, M. le Président, à partir de l'exercice budgétaire 1992-1993, les ministères directement concernés par le développement régional seront appelés à identifier à l'intérieur de leur budget un programme ou un élément du programme sous l'appellation «budget régionalisé». Donc, une enveloppe spécifique aux régions. Cette importante régionalisation des crédits des ministères pourra atteindre, en vitesse de croisière, jusqu'à 500 000 000 $ annuellement, M. le Président, un demi-milliard de dollars.

L'affectation de ces ressources financières relèvera du ministère sectoriel concerné en concertation avec chacun des conseils régionaux de développement, dans le contexte, toujours, de la signature d'une entente cadre dont l'une des annexes consignera l'affectation des crédits des ministères.

Ces budgets spécifiques à impacts régionaux proviendront, de plus, d'une quinzaine de ministères et d'organismes différents et contribueront à créer un plus grand respect du développement régional intégré de toutes les régions concernées.

M. le Président, force est de constater que la nouvelle stratégie gouvernementale, en matière de développement régional, favorisera une réorganisation des moyens financiers afin d'opti- miser les ressources dont dispose l'État pour le développement des régions. La nouvelle démarche d'accompagnement du dynamisme des régions exigeait, à cet égard, la définition de nouvelles règles du jeu en faveur des régions et des responsabilités, aussi, qu'elles auront à assumer. C'est une réponse concrète, M. le Président, à cette volonté des régions de prendre en main leur propre développement.

En terminant, M. le Président, j'aimerais rappeler que, lors de la tournée provinciale effectuée au cours des derniers mois, nous avons pu constater un accueil excellent reçu aux propositions du ministre responsable du Développement régional, et dans toutes les régions du Québec. Ce signal très clair envoyé à nos communautés régionales et locales permettra, j'en suis convaincue, un redressement de l'«entrepre-neurship» dans nos régions, mais surtout permettra la démarrage de nombreuses entreprises, l'innovation, la technologie, la modulation de nos politiques, de nos programmes et, enfin, un soutien direct aux régions en difficulté, dont la Gaspésie.

Comme on le voit, M. le Président, le gouvernement libéral a mis en oeuvre un plan visant à faire en sorte que l'État puisse canaliser les forces du milieu et collaborer ainsi directement au développement de chacune des régions, mais dans le respect de leur spécificité, dans le respect de leurs particularités. Voilà, M. le Président, quelle est la nouvelle politique de développement régional de notre gouvernement, et j'en suis très fière. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Matane. Sur ce même sujet, je cède la parole, maintenant, à M. le député de Labelle. M. le député, la parole est à vous.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Nous avons devant nous deux projets de loi en un seul. Je dis bien deux projets de loi. Je vais simplement lire les notes explicatives, qui tiennent en deux paragraphes, parce que, en fait, il est fort simple, mais lourd de conséquences, comme projet de loi. (16 heures)

Le premier paragraphe dit: «Ce projet de loi introduit dans la Loi sur le ministère du Conseil exécutif une section relative aux affaires régionales. Il prévoit que le ministre responsable de l'application de cette section élabore, propose et met en oeuvre une politique en matière de développement régional. Il détermine de plus les diverses fonctions de ce ministre.»

En quelques mots, c'est résumer beaucoup que de dire, sur ces cinq lignes, les nouvelles fonctions d'un organisme qui sera dépendant du Conseil exécutif. Deuxième paragraphe, M. le Président, c'est celui-ci:

«Ce projet de loi prévoit de plus l'abrogation de la Loi sur l'Office de planification et de développement du Québec et il édicté les dispositions transitoires découlant de cette abrogation.»

Effectivement, il y a deux projets de loi, compte tenu de ces implications. L'abolition de l'Office de planification et de développement du Québec et la création d'une sous-section du Conseil exécutif, c'est cela, le projet de loi.

Bien, M. le Président, je voudrais d'abord traiter de cette abrogation de la loi de l'OPDQ ou de l'OPDQ tel quel. Je voudrais rappeler d'abord qu'après l'expérience traumatisante du BAEQ, qui s'était appliquée dans l'Est du Québec, le gouvernement a réfléchi considérablement, le gouvernement du temps avait réfléchi à toute la situation, toute la problématique du développement des régions du Québec et en était arrivé à la conclusion qu'il devait créer un Office de planification et de développement en même temps qu'à côté de cet Office il créait un Conseil de planification et de développement du Québec, où les personnalités, les élites politiques, les élites économiques et sociales pouvaient siéger pour conseiller le gouvernement. C'est, en fait, à la suite de l'explosion des structures de l'État du Québec, de ses mécanismes, mais, au fond, de la société québécoise, qu'on en était venu à la conclusion qu'il fallait créer un tel Office. Devant la croissance quelquefois désordonnée des ministères sectoriels, il était apparu nécessaire de créer un Office par lequel le gouvernement essayait ou essaierait d'entraîner la coordination de ses différentes actions sur le territoire du Québec et, en particulier, dans les régions, là où ses yeux étaient très loin de la réalité.

L'Office de planification et de développement du Québec s'est donc mis en place et a exercé différentes fonctions. Je voudrais les rappeler. D'abord, une fonction par laquelle il s'intéressait à la question de l'aménagement. Rappelons-nous que le gouvernement avait... que tous les gouvernements avaient été incapables d'adopter une loi de l'aménagement. Donc, il avait confié à l'Office, à l'OPDQ, la mission de constituer des schémas régionaux de développement. J'en sais quelque chose, j'ai été responsable de l'OPDQ des années 1977 à 1980. Il lui avait confié par la suite le soin de négocier, d'appliquer et de gérer les ententes avec le gouvernement fédéral. Rappelons-nous la pression que le gouvernement fédéral exerçait sur les ministères du gouvernement et sur le gouvernement du Québec, et c'est pour cela qu'on a confié à un organisme central, tel l'OPDQ, le soin d'administrer ces ententes de façon à éviter que le gouvernement fédéral ne dicte ses volontés à chacun des ministères du Québec qui auraient eu du mal à résister les uns après les autres, pris en ordre séparé.

L'OPDQ s'est intéressé, dans la foulée de l'aménagement, au développement régional et avait obtenu la création d'un fonds de développement régional. Lorsque nous avons été au gouvernement, en 1977, ce fonds a pris une expansion considérable et il accompagnait la gestion des ententes. Par ce fonds, on espérait faire la coordination des gestes posés par les différents ministères dans les régions et par le gouvernement dans son ensemble.

M. le Président, la dernière fonction qu'on a confiée à L'OPDQ, c'est une fonction de recherche et d'étude économique. Le gouvernement n'avait pas d'organisme qui faisait des études économiques et c'est l'OPDQ qui les a réalisées. En particulier, je souligne que c'est l'OPDQ qui a, le premier, souligné l'importance de la petite entreprise en matière de création d'emploi. cet organisme s'est bien acquitté de ses fonctions, je tiens à le dire, m. le président. je tiens à rendre témoignage aux fonctionnaires qui ont travaillé dans cet organisme, à ceux qui l'ont dirigé, qu'ils ont eu une très haute conception de l'état québécois et du québec en général et qu'ils ont mis en place des structures, des mécanismes, qu'ils ont formé toute une génération de fonctionnaires qui avaient cette conception de l'état québécois. je voudrais leur rendre hommage quant à leur dévouement au gouvernement, quant à leur dévouement à la population du québec. bien sûr, il y a eu des difficultés d'ajustement, c'est normal dans toute structure, surtout une structure qui se voulait horizontale alors que chacun des ministères développait sa problématique propre et sa propre dynamique. l'opdq était là pour renseigner le gouvernement, pour le conseiller et toujours en termes de rôle-conseil, donc, de l'aider à faire une meilleure coordination, autant dans ses grandes décisions que dans ses actions régionales.

M. le Président, L'OPDQ a vu son rôle transformé au cours des années, mais rappelons quelques-unes de ses grandes réalisations. J'ai parlé des ententes, j'ai parié de son rôle de recherche, ce sont des succès, mais au cours des dernières années c'est par l'OPDQ que l'on a organisé des conférences socio-économiques. L'OPDQ n'était pas seul mais, fondamentalement, c'est lui qui assurait toute la logistique de l'opération et, quand on dit logistique dans ce genre d'action, on sait quelle est son importance.

C'est lui qui a été à l'origine aussi d'ententes-cadres, de contrats de relance et je pense que ce que l'on peut dire, aujourd'hui, c'est qu'il a bien fait le travail qu'on lui a confié. Le problème depuis presque le début, dans bien des cas, c'est que les décisions d'orientation faisaient défaut, les décisions claires d'orientation, et que, très souvent, devant la nécessité de prendre une décision, le Conseil des ministres hésitait et reportait les décisions, ce qui n'a pas aidé l'OPDQ de façon concrète. Mais, en ce qui concerne le mécanisme, il était là.

Aujourd'hui, le gouvernement, qui n'a, si je

comprends bien, pas encore plus pris de décision quant à ses orientations, a décidé d'abolir l'OPDQ, parce que, effectivement, l'existence d'un organisme comme cela au sein de l'État, à qui on ne peut pas confier de mission claire parce qu'on n'en a pas soi-même, est un témoignage extraordinaire de l'absence d'orientation de l'État et qu'on ne peut pas le supporter. Donc, la décision facile: On l'abolit. C'est ce qu'on a fait. (16 h 10)

M. le Président, il est apparu très clairement, au cours de la tournée de la commission Bélanger-Campeau que, dans les régions du Québec, toutes les régions du Québec, et cela comprend tout le Québec parce que, lorsque l'on parle de développement régional, on parle de tout le Québec sous une autre dimension, une dimension plus territoriale, divisée en régions, bien sûr... Alors, au cours des pérégrinations de la commission Bélanger-Campeau, on s'est aperçu qu'il y avait une immense insatisfaction quant au développement régional. Le gouvernement a commencé à se poser des questions là-dessus. Nous avons eu l'occasion de voir un peu le fruit de ses réflexions par un mémoire qui a circulé et par les décisions qu'il a rendues publiques par la voix de son ministre de l'Agriculture, responsable du Développement régional. J'en arriverai, à ce stade, plutôt aux solutions; je pense, M. le Président, qu'il a été important de consigner le témoignage que je voulais rendre à l'OPDQ après toutes ces années, après ces 20 ans, parce que l'on parie maintenant de 1969 à 1992, pratiquement 23 ans, un quart de siècle, en quelque sorte, où il a servi le Québec.

M. le Président, le projet de loi qui est devant nous, il a été résumé dans ces cinq lignes que j'ai lues tout à l'heure et qui consistent, finalement, à démolir l'OPDQ pour créer une sous-section du Conseil exécutif. J'ai lu ces articles. J'ai lu ce projet de loi. J'ai lu le mémoire qui a circulé, mémoire qui ne devait pas sortir normalement, et j'en suis arrivé à la conclusion que, globalement, ce qu'on nous proposait nous amenait à une politique centralisatrice et non pas à de la décentralisation.

D'abord, je voudrais souligner le fait que ce secrétariat au développement régional, cette section relative aux affaires régionales, comme on dit, va relever directement du bureau du premier ministre, du Conseil exécutif, donc du premier ministre qui va mandater un de ses ministres, mais tout en gardant la responsabilité fondamentalement, puisque c'est le premier ministre qui sera responsable de l'application de sa loi et qui est responsable de l'application de la Loi sur l'exécutif. C'est un point important. C'est un point important pour la suite des choses. Je voudrais donc aller un peu plus loin.

Vous avez un premier ministre qui a différents ministres sectoriels, mais qui va confier à l'un de ses ministres la fonction de s'occuper des affaires régionales. Le gouvernement fonctionne avec des ministres sectoriels, des ministères sectoriels. Chacun a sa responsabilité et chacun est responsable devant l'Assemblée nationale de son ministère. Il doit répondre devant l'Assemblée nationale. Parallèlement à ces ministères sectoriels, on va créer un secrétariat aux affaires régionales, lequel aura droit de regard sur l'action des ministères sectoriels dans chacune des régions. Qu'on se rende compte de ce que cela veut dire: ou bien son droit de regard est efficace et, alors, ça veut dire qu'il met les ministères sectoriels sous sa coupe, ou bien il n'est pas efficace et, à ce moment-là, il ne mérite pas d'exister.

Mais ce que je viens de dire, c'est que nous créons là une situation conflictuelle, parce que, si vous avez un excellent ministre qui s'occupe de son ministère, il ne souffrira pas une double autorité quant aux gestes qu'il va poser, c'est-à-dire la sienne, de laquelle il doit répondre ici en Chambre, et ensuite de répondre à un ministre qui est chargé de la coordination des gestes posés dans les régions. C'est conflictuel. En termes de structure administrative, tous ceux qui connaissent la question vont admettre et doivent admettre que c'est conflictuel à terme, et, s'il y a conflits, qui vont se produire inévitablement, c'est le premier ministre qui va prendre le dossier et qui va régler la question. Donc, nous revenons à une centralisation, cette fois, sous la coupe même du premier ministre. Je dis que ce projet de loi consiste à centraliser l'action du gouvernement dans les régions.

Deuxième point que je voulais soulever, M. le Président, ce projet de loi établit une confusion dans les rôles. Lorsque le gouvernement dispose d'argent, par exemple, 75 000 000 $ pour distribuer dans les régions pour faire ou favoriser du développement régional, le gouvernement est responsable de ces fonds, il taxe. Il prend la décision d'aller chercher des taxes chez les citoyens et c'est lui qui, ensuite, distribue les fonds. Quand on crée, à côté de ce mécanisme qui est le fondement même de notre démocratie, un autre conseil qui, lui, ne taxe pas pour aller chercher ses fonds, et qui est supposé quand même prendre des décisions éclairées alors qu'il n'a pas à en rendre compte directement devant la population parce que ce n'est pas lui qui est allé chercher les fonds, je pense qu'on introduit une distorsion.

Plus que ça, M. le Président, le ministre propose que les députés siègent sur ce conseil en tant que députés des régions. Je vous souligne que le député relève de l'instance législative, alors que le ministre relève de l'instance executive. Il y a confusion des rôles. C'est très important, ce que je dis là. Le député, ce n'est pas lui qui a la responsabilité de dépenser des fonds, mais c'est pourtant lui qui va prendre des décisions sur ce plan-là. Le député est consulté par les ministres dans les gestes qu'ils posent

dans les régions, c'est tout à fait normal. Cela fait partie de la démocratie, mais ce n'est pas le député qui prend les décisions. On l'assigne d'office membre d'un conseil régional qui va prendre des décisions d'allocation de fonds. Je dis, M. le Président, qu'il y a confusion des rôles entre le législatif et l'exécutif. Ce que j'ai dit est très important en termes de structure de l'État et de fonctionnement de l'État.

Donc, à terme, nous aurons des situations conflictuelles, inévitablement. Dans le milieu, la question va se poser nécessairement quant à la légitimité des décisions qui seront prises, quant à la légitimité de ceux qui vont assumer ces décisions. S'ils ne sont que des gens qui conseillent la distribution des fonds, fort bien! Mais si c'est cela qui arrive, M. le Président, nous revenons à ce que je disais au point de départ: Nous sommes dans une opération éminemment centralisatrice, directement au bureau du premier ministre. C'est le contraire de la décentralisation. Je pense que le point d'arrivée de cette loi consiste en une centralisation absolue, directement au bureau du premier ministre.

M. le Président, je m'en voudrais de ne pas dire un mot de la façon dont ce projet de loi a procédé devant nous. Ce que j'ai en main et ce que tout le monde a au Québec, c'est une copie d'un mémoire au Conseil des ministres, lequel mémoire, normalement, doit être confidentiel. D'autant plus qu'il y a une partie qui doit être encore plus confidentielle, la dernière partie, qui est réservée et dans laquelle il est bien dit que c'est une partie confidentielle. Je me suis toujours interrogé sur l'arrière-scène qui a amené ce mémoire à couler pour servir des intérêts. Et puis, ce qu'il faut en comprendre - vous me faites signe que j'achève, M. le Président - c'est que, finalement, ce geste a été une façon d'impliquer les collègues, d'amener les collègues à se ranger, de faire une pression sur eux et, donc, c'est en quelque sorte un bris de solidarité. Je le pense parce que, quand je vois un tel document, avec ses conséquences sur le fonctionnement de l'État, je ne peux pas m'em-pêcher de penser qu'un tel document est passé à travers un Conseil des ministres sans qu'il y ait des objections fondamentales et très, très sérieuses, même quant à ses modalités de fonctionnement. M. le Président, ce document a été semé dans la chicane, il va récolter la chicane. Ma collègue, tout à l'heure a bien indiqué à quel point la distribution d'un maigre 3 000 000 $ qui consiste, finalement, en des sommes qu'on a déjà, fait ou sème déjà la zizanie dans le paysage régional. (16 h 20)

M. le Président, je trouve que ce projet de loi est un très mauvais projet de loi quant à ses principes fondamentaux, qu'il fait disparaître une institution majeure dont le Québec s'était doté il y a pratiquement 25 ans et qui avait fait ses preuves. On fait disparaître l'OPDQ pour créer un organisme qui sera conflictuel, et doublement conflictuel. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Labelle. Sur le même sujet, à savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales, en vous rappelant, M. le député, que vous disposez d'une période maximale de 20 minutes, je cède la parole à M. le député de Papineau.

M. Norman MacMillan

M. MacMillan: Merci, M. le Président. Il me fait surtout plaisir de pouvoir suivre mon collègue de Labelle et de parler du projet de loi 19. Mon collègue de Labelle nous parle de problèmes dans des régions et nous dit que les gens ne sont pas d'accord. Alors, moi, je réponds que, chez nous, dans l'Outaouais, tous les intervenants ont déjà accepté de se regrouper le 11 août prochain et de former le nouveau conseil régional de développement; et, ça, c'est dans le sens que tout le monde, tous les intervenants sont vraiment d'accord avec le projet de loi 19. Prochainement, même les municipalités urbaines de notre région de l'Outaouais seront prêtes à injecter des fonds pour pouvoir avoir une société de diversification pour pouvoir combler... surtout avec la décentralisation des pouvoirs qui semble s'en venir dans notre région de l'Outaouais. Alors, je pense que, encore une fois, le député de l'Opposition, comme son collègue de Lévis, a fait plusieurs affirmations qui étaient loin d'être exactes.

J'ai attentivement écouté et lu ses remarques pour m'apercevoir que le député de Lévis tentait de discréditer le gouvernement auprès des intervenants reliés de près ou de loin aux affaires régionales. D'abord, le député de Lévis a fait état de son expérience alors qu'il occupait le poste de ministre de l'Agriculture entre 1976 et 1985. À écouter le député de Lévis, M. le Président, j'en arrive d'abord à une conclusion fort simple: le député est profondément nostalgique de cette époque. Il est également nostalgique et prisonnier du passé, en ce sens que sa vision correspond à une époque donnée, à une conjoncture donnée, mais qui ne pouvait durer éternellement. C'est un peu pour cette raison qu'il est nostalgique des conférences socio-économiques. Cette formule, comme le rappelait le ministre responsable du dossier du développement régional, était fort valable dans le temps. En effet, les sommets socio-économiques ont permis aux différents intervenants du milieu de s'exprimer clairement auprès des gouvernements, d'établir des listes de projets ou de priorité de projets et, enfin, d'en arriver à des ententes avec le gouvernement du Québec en faveur du développement régional.

Mais, en 1992, la conjoncture a bien

changé. Les conditions ne sont plus celles qui prévalaient au milieu des années soixante-dix. Nous venons de traverser une crise économique passablement difficile et les régions ont été les premiers intervenants à essuyer les coups durs. Tout de même, le gouvernement libéral élu depuis décembre 1985 n'a pas perdu de temps et a mis en place un plan d'action en matière de développement régional qui a produit des résultats concrets dans toutes les régions du Québec, contrairement à ce qu'affirme le député de Lévis. Le gouvernement libéral a également agi sous le sceau de la concertation et de ¦'«entrepreneur-ship» avec l'ensemble des régions du Québec. Il a maintenu, pour un bout de temps, la structure des conférences socio-économiques, le temps de laisser le processus aboutir. Mais notre souci a d'abord été, avant tout, d'accélérer l'adoption des projets concrets afin que les régions puissent toucher de près lés réalisations de leur propre territoire.

Aujourd'hui, nous croyons que le temps d'une reforme est arrivé. Nous croyons que les bases du passé peuvent nous servir pour mieux édifier l'avenir. Nous croyons toujours au dynamisme des régions du Québec, et nous voulons transformer l'État initiateur en État accompagnateur pour la réalisation des projets qui seront le fruit d'une acceptation du milieu, d'abord et avant tout. Nous désirons également encourager l'esprit d'entreprise dans les régions; pour y arriver, l'État offre toute la disponibilité possible pour s'entendre, via les ententes-cadres, avec les milieux intéressés dans les régions.

Nous désirons également que d'autres partenaires se joignent à ce mouvement d'«entre-preneurship» en région. C'est ainsi que les caisses populaires, la Caisse de dépôt et placement ou les gestionnaires du Fonds de développement technologique participent activement à la mise en place de projets concrets en région. La réforme envisagée par le gouvernement libéral s'inscrit dans une continuité, à savoir que les régions seront, cette fois-ci, les maîtres d'oeuvre de leur développement.

Si nous en sommes arrivés à ce point, c'est parce que nous devons prendre pour acquis que le rôle de l'État a évolué dans le temps. Le ministre traçait justement un bilan du rôle de l'État en regard du développement régional depuis les 25 ou 30 dernières années. En effet, précisait-il, l'État a été obligé de s'impliquer de façon importante au cours des années soixante et soixante-dix pour véritablement construire toute une infrastructure que nous retrouvons, encore aujourd'hui, dans toutes les régions du Québec. Vous aurez compris que je fais allusion à cet accroissement de pouvoirs de l'État à titre de dispensateur de services auprès des citoyennes et des citoyens du Québec.

De façon parallèle, un mouvement de décentralisation et de déconcentration a marqué l'histoire du Québec au cours de 25 des 30 dernières années, parce que l'État croyait justifié que la région puisse avoir accès à des ressources de façon directe et étroite, en établissant des bureaux régionaux de l'ensemble des ministères un peu partout au Québec. Cette infrastructure est toujours vivante aujourd'hui, et notre rôle consiste à rationaliser les ressources disponibles, dans une conjoncture plus difficile sur le plan économique et où les ressources financières sont plus rares, tout en conservant ce titre de dispensateur de services de qualité en région.

C'est un peu ça que l'Opposition officielle ne comprend pas, M. le Président. Elle ne comprend pas qu'une certaine évolution a fini par produire des fruits en région. Elle ne comprend pas que l'ensemble des infrastructures de l'État québécois est à peu près construit et bien lancé, en région. Il nous reste à consolider les ressources disponibles et à orienter les directions en fonction de la marge de manoeuvre que nous pouvons prendre au fur et à mesure que la relance économique s'effectue.

Ainsi, la réforme de la politique en matière de développement régional précononisée par le gouvernement libéral repose d'abord sur un rôle d'accompagnateur qu'assumera l'État québécois. Il est clair que dorénavant il reviendra à l'État de créer les conditions nécessaires et un climat favorable à l'investissement et au développement économique en général dans les régions du Québec. Il sera également établi, en vertu du projet de loi 19, que les décisions seront prises par les régions elles-mêmes, afin de déterminer les orientations qu'elles désirent prendre et les réalisations qu'elles désirent voir naître.

Ce n'est pas rêver en couleur que de dire franchement à la population, M. le Président, que les ressources financières sont plus rares qu'elles ne l'étaient autrefois. C'est faire preuve de transparence, M. le Président, que de dire à la population québécoise qu'elle devra faire preuve d'une initiative plus grande et d'une plus forte volonté d'«entrepreneurship» pour jouir du même niveau de qualité qu'avant. Ce n'est pas mentir à la population, M. le Président, que de dire que l'État québécois sera toujours là pour assurer son soutien technique et financier auprès des régions afin de les aider a réaliser de grandes choses.

Le problème, avec l'ancien gouvernement du Parti québécois, M. le Président, c'est qu'il était imprévisible. Il était imprévisible sur le plan constitutionnel et il était imprévisible sur le plan économique, sur les plans culturel et social. C'est là une constatation majeure, surtout lorsque la population compte sur les gouvernements pour lui venir en aide lorsque les temps sont plus difficiles.

Pour vous convaincre de cette affirmation, je vous inviterais à relire un certain passage des énoncés budgétaires du ministre québécois des Finances depuis 1985. Pas un budget n'a échappé à cette priorité d'assurer le développement régional. Et les mesures que nous retrouvons

dans les différents budgets du ministre québécois des Finances sont issues des orientations et des énoncés de politique clairement établis par le gouvernement libéral. Donc, en ce sens, le travail réalisé par l'ensemble du gouvernement québécois en matière de développement régional est bel et bien cohérent, transparent et efficace, à un point tel que la majorité des intervenants reconnaissent le bien-fondé de la réforme telle que préconisée par le ministre responsable de ce dossier. (16 h 30)

L'Opposition officielle ne semble pas en mesure de comprendre que cette réforme n'est aucunement improvisée. Cette réforme a été précédée de consultations, de travaux de recherche et de prospection à travers l'ensemble des milieux intéressés de près ou de loin au développement régional, d'une part, et à travers l'ensemble du travail effectué par les ministères intéressés de près au développement régional. C'est ainsi qu'en vertu de cette réforme le travail de l'ensemble des ministères continuera de se réaliser et, de façon plus précise, les ministères devront identifier clairement un budget à la variable du développement régional.

L'impact de la réforme en développement régional sera énorme en région, bien sûr. Elles se verront attribuer un budget précis et seront véritablement les maîtres d'oeuvre quant à la gestion de ce budget. C'est là toute une nouveauté par rapport au passé, du fait que le ministre pouvait prendre à peu près n'importe quelle décision, avec ou sans consultation du milieu intéressé. Dorénavant, le ministre devra s'ajuster aux priorités que les régions elles-mêmes auront déterminées pour la réalisation de projets économiques, sociaux et culturels. D'ailleurs, le projet de la loi 19 identifie clairement les mandats qui seront confiés au ministre responsable du Développement régional. À l'article 3.25 de ce projet de loi, on peut lire notamment que le ministre devra «situer l'action du gouvernement en matière de développement régional en regard des orientations et priorités définies par les régions». L'Opposition officielle qualifie ce type de phrase d'une addition de mots sans contenu. Je regrette, M. le Président, mais il est évident que l'ancien ministre en matière d'Agriculture, qui était habitué à prendre des décisions dans son bureau, devrait, s'il devait le faire aujourd'hui, changer son fusil d'épaule et consulter le milieu.

De plus, en vertu de ce même projet de loi, le ministre accroîtra l'efficacité de l'action du gouvernement en matière de développement régional. Pour y arriver, il favorisera l'harmonisation des politiques et des interventions du gouvernement en ce domaine. Ce mandat est essentiel dans la mesure où plusieurs ministères du gouvernement québécois sont appelés à intervenir de près ou de loin dans le dossier régional. C'est en ce sens que le ministre sera appelé à trancher et à prendre des décisions au nom de l'harmonisation de ces politiques. Le ministre conseillera enfin le gouvernement sur tous les moyens, toutes les questions ayant trait au développement régional. Quoi de plus normal dans un gouvernement libéral où le travail d'équipe fait loi, M. le Président!

Le projet de loi définit plusieurs autres fonctions qui ont pour but de favoriser la participation des personnes et organismes dans différents secteurs d'activité en région. En somme, le ministre sera chargé de promouvoir l'accroissement de la responsabilité des intervenants qui s'intéressent de près ou de loin aux affaires régionales. Il définira avec eux les objectifs à atteindre en cette matière et les moyens à mettre sur pied pour la réalisation des projets qui tiennent à coeur aux régions du Québec. Le ministre pourra avoir la marge de manoeuvre nécessaire pour favoriser la concertation et la coordination de l'action gouvernementale en matière de développement régional. Il assurera également une complémentarité d'action dans l'ensemble des régions sur le développement économique régional.

D'autres de mes collègues parleront de ces instances décisionnelles en région, comme la mise sur pied des conseils régionaux, pour justement concrétiser cette concertation et cette coordination d'action. C'est là une innovation par rapport au passé, M. le Président. C'est cela que l'Opposition officielle ne prend pas. Elle voudrait voir les choses figées, une politique stagnante en matière de développement régional. Nous disons, de ce côté-ci de la Chambre, que beaucoup de réalisations ont pu voir le jour grâce aux processus de décision et d'action qui ont été mis sur pied à l'époque. Nous reconnaissons en partie le bien-fondé des politiques mises de l'avant par l'ancien gouvernement. Le ministre ne s'est pas gêné pour rendre hommage à tous ceux et celles qui ont occupé ce poste depuis les 25 ou 30 dernières années, c'est-à-dire ceux et celles qui ont été mandatés pour mener à bien la mission du développement régional. Mais l'Opposition fait toujours preuve d'ingratitude et de mesquinerie. Pour nous, il s'agit d'un pas en avant, et d'un pas de géant.

M. le Président, nous croyons fermement à la prospérité économique de chacune des régions du Québec, et l'État québécois fera tout son possible pour les aider à atteindre les objectifs qu'elles souhaitent. C'est au nom d'une meilleure maîtrise de leur avenir que le gouvernement libéral aidera les régions du Québec à améliorer la qualité de vie. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Papineau. Alors, je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales, et je suis

prêt à reconnaître le prochain intervenant, à savoir Mme la députée de Marie-Victorin. Vous avez droit, Mme la députée, à une période maximale de 20 minutes.

Mme Cécile Vermette

Mme Vermette: Merci beaucoup, M. le Président. Alors, M. le Président, effectivement, le projet de loi 19 apporte certaines modifications législatives, notamment en ce qui concerne le développement régional. Évidemment, à la suite de l'adoption du projet de loi, l'OPDQ disparaîtra et sera remplacé par des conseils de développement régionaux.

Pourquoi, en fait, changer ces formules qui ont fait leurs preuves dans le passé? Notamment, on sait très bien que l'OPDQ a plus de 35 ans d'existence, a favorisé dans bien des régions le rapprochement des différents intervenants tant du milieu des affaires que des milieux, en fait, social, culturel, communautaire, pour permettre de prendre des décisions qui convenaient à l'ensemble d'une région donnée, dans son devenir, dans son développement économique ou dans son développement culturel et social.

Bien sûr qu'il y avait certaines modifications à apporter. On a vu, au niveau des sommets socio-économiques, que la formule, en fait, demandait à être revérifiée, améliorée. Bien sûr. Mais nous savons aussi très bien que, depuis que le gouvernement libéral a pris le pouvoir, en 1985, il y a eu des modifications au niveau des sommets socio-économiques, et c'est devenu beaucoup plus, à ce moment-là, des grands shows politiques où on faisait des annonces importantes pour satisfaire un public, mais en réalité ça a donné très peu de performance, M. le Président.

Maintenant qu'on sait que dans deux régions on a réellement fini les ententes-cadres des régions avec Québec on s'aperçoit que, dans ma région, la Montérégie, seulement 43 %, en fait, des sommes qui avaient été promises et qui avaient été engagées pour différents projets au niveau du développement régional ont été dépensés. C'est très peu, M. le Président, je le constate, et je trouve aussi que la déception des intervenants est très importante face aux sommets socio-économiques, non pas parce que la formule, il fallait qu'elle disparaisse, mais parce que probablement ce gouvernement, les gens qui ont manipulé ces formules ont fait en sorte qu'il y a eu un «désapprouvement» et qu'il y a eu beaucoup de déception, M. le Président.

Alors, on connaît ce gouvernement. Quand quelque chose ne va pas, au lieu d'essayer d'améliorer la formule, bien, on change la structure. On déplace une structure pour en mettre une autre, et très souvent la structure qui est proposée est beaucoup plus coûteuse, ne favorise pas nécessairement la concertation, mais permet davantage, M. le Président, de faire ce qu'on pourrait appeler, dans un langage peut-être plus ou moins courtois, du favoritisme. On appelle ça des nids à patronage, quelquefois aussi, dans certains milieux.

Moi, je me pose ces questions: Pourquoi vouloir tant changer des structures pour en mettre d'autres qui appellent davantage de personnel et qui font appel à beaucoup plus de dépenses que les structures existantes qui sont déjà en place? Nous ne sommes pas les seuls, face à cette réforme, qui se posent de sérieuses questions, parce que d'une part nous n'avons pas nécessairement tous les éléments en main pour apporter vraiment notre assentiment hors de tout doute à ce que ce projet de loi puisse avoir un impact considérable dans le développement des régions. Il reste bien des choses qui n'ont pas été énoncées, qui n'ont pas été apportées par le ministre, et on sait très bien à quel point, aussi, il y a eu, entre le ministre des Affaires municipales, le ministre Ryan, et la ministre du développement de la science et de la technologie... Les deux ne se sont pas réellement entendus sur la proposition apportée dans le développement régional du ministre du Développement régional, le ministre Picotte. On voit bien que, même à l'intérieur du Parti libéral, même à l'intérieur du cabinet, il y a des réticences face à cette réforme apportée par le ministre. Et, même plus, la ministre du développement de la science et de la technologie disait: Écoutez, qu'est-ce que j'en ai à foutre, moi, du développement régional, quand j'ai à développer, en fait, une école ou à donner mon autorisation pour une école de développement au niveau technique ou autre? (16 h 40)

M. le Président, tout ça manque de vision, manque de perspective. Ce gouvernement a de la difficulté, en fait, à se donner un plan d'action global, à voir la globalité des choses, la globalité de la gestion, la globalité des différentes actions qui régissent le développement. On s'aperçoit encore une fois que le ministre lance, comme ça, très rapidement, une modification substantielle sans même... On se rappellera, en décembre, il n'avait même pas encore consulté les municipalités qui sont très concernées. Il faut se le dire, il faut se le rappeler, lorsque le ministre des Affaires municipales a apporté sa réforme, vous savez qui a fait les frais de cette réforme? Ce sont les municipalités. Et, encore cette fois-ci, de nombreux élus municipaux se posent des questions: Qu'est-ce qu'il va arriver avec cette nouvelle tendance, avec cette nouvelle réforme? Est-ce que, réellement, les choses vont continuer dans l'esprit qui était instauré à l'OPDQ ou est-ce que, tout simplement, on n'essaiera pas de modifier la formule pour favoriser certains projets tape-à-l'oeil, qui donnent beaucoup de prestige sur le plan politique, mais qui n'apportent rien, véritablement, dans le développement que s'était proposé une région donnée dans un plan d'ensemble? Et ça, oui, effectivement, ça préoccupe énormément les élus municipaux, les

préfets de comté aussi. on se pose des questions et les réponses ne viennent pas aussi rapidement, en tout cas, que les questions sont posées.

Et le ministre voudrait qu'on accepte d'emblée, en fait, cette réforme, en lui disant: On vous fait confiance, M. le ministre, vous savez très bien dans quelle direction vous vous en allez. Mais, par contre, M. le Président, on est obligé, pour savoir où le ministre s'en va, de faire du coulage, de laisser des documents apparaître de cette façon-là, non d'une façon officielle mais tout simplement par coulage. C'est assez inusité, en fait, quand un ministre est très fier d'une réforme ou sait réellement où il s'en va. Je pense que ce n'est pas réellement la façon, la procédure pour fonctionner.

Comment peut-on faire confiance à ce gouvernement en ce qui concerne, aussi, les définitions que veut se donner le ministre? Le ministre ne parle plus de développement régional mais il dit qu'il faut qu'on s'occupe des affaires régionales. Quand on pense aux termes «affaires régionales», c'est un peu comme si on avait une préoccupation: «voguer» à ses affaires, «vaguer» à ses affaires, occupations, obligations, en fin de compte. Et ce n'est pas exactement de la même façon quand on parle de l'ensemble des occupations et des activités d'intérêt public. C'est beaucoup plus «dilatant» quand on peut aller «vaguer» à ses affaires ou à ses occupations que d'en faire un principe et d'en faire une préoccupation. Je pense que c'est un état d'esprit qu'on est en train de développer avec cette réforme et qui laisse, en tout cas, des doutes quant à la façon dont elle sera appliquée, aussi, cette réforme.

On sait aussi très bien qu'il y aura un mandat à l'intérieur de cette réforme et qu'on confiera, en fait... Il sera comme une superstructure, en fait: un secrétariat qui sera sous la responsabilité du premier ministre. Alors, je ne sais pas si c'est ce qu'on appelle de la décentralisation, mais, quant à moi, quand on met un secrétariat au niveau du Conseil exécutif, c'est que, quelque part, en tout cas, on veut garder la mainmise. On veut bien donner des miettes au niveau des régions: 3 000 000 $, en fait, par région. Ce n'est pas de l'argent neuf, c'est déjà l'argent qui était à l'intérieur des budgets de l'OPDQ et, en fait, on se garde une mainmise sur la façon, à un moment donné, dont on pourra développer ou dont on pourra utiliser ces sommes d'argent. Alors, c'est plus de la déconcentration que de la décentralisation, à notre avis. Aussi, il faut faire attention, parce que les secrétariats, avec le gouvernement libéral, vous savez ce qui leur arrive. Beaucoup de secrétariats ont disparu et, dans le cas qui nous préoccupe à ce moment-ci, s'il fallait que le ministre, le premier ministre, en fait, considère qu'il existe trop de secrétariats et que c'est des dépenses qu'il considère comme trop substantielles, bon, décide d'éliminer ce secrétariat-là, on serait très mal pris, parce qu'il n'existe plus d'OPDQ. C'est excessivement dangereux. On s'en va sur des voies qui demandent, en tout cas, réflexion, M. le Président, et effectivement on ne peut pas d'emblée accepter le projet de loi tel qu'il est déposé actuellement.

On sait très bien le peu d'argent qui est mis dans les régions, et le peu d'argent et le nombre de personnes qui auront à prendre des décisions au niveau des projets risquent de causer bien plus de problèmes, au niveau du développement d'une région, que de favoriser la concertation. Pourtant, M. le Président, on se souvient qu'en janvier 1992 M. Roger Nicolet, au niveau des MRC, avait dit au ministre: Écoutez, pourquoi vous précipiter? Nous sommes en train de développer de la concertation, mais une véritable concertation, et c'est nous, les élus, qui sommes responsables, qui avons l'imputabilité devant notre électorat. C'est à nous que revient la responsabilité des décisions, mais non pas des gens qui n'ont aucune responsabilité vis-à-vis de l'électorat, aucune imputabilité.

Ça aussi, ça agace, en fait, les gens du monde municipal, la représentation au niveau de ces conseils. De quelle façon cette concertation-là va-t-elle se vivre? De quelle façon, en fait, les décisions au niveau des projets vont se prendre, M. le Président? Est-ce que le gouvernement aura toujours la mainmise et qu'il obligera, en fait, à prendre une direction? On ne le sait pas. On ne le sait même pas parce que le gouvernement n'a pas de politique d'ensemble. si, au niveau d'une région, le gouvernement était capable de respecter une région pour son plan d'ensemble pour, en fait, la vision de développement que cette région se donne en fonction de ses ressources et en fonction de ses besoins, bien, peut-être qu'on pourrait faire confiance, mais il n'y a rien qui nous dit que ça va aller dans ce sens, m. le président. le ministre se conserve toujours le droit de dépenser ces sommes d'argent, et beaucoup plus, m. le président, en fait.

Le Conseil du trésor considère que c'est un engagement du gouvernement, mais que ce n'est pas une obligation du gouvernement de rapporter les sommes d'argent qui n'auront pas été dépensées au niveau d'une région donnée. Écoutez, c'est assez impressionnant, une déclaration de cet ordre-là du président du Conseil du trésor, M. le Président. Et le ministre des Finances va dans le même sens. C'est tout de même impressionnant, quand on voit ces choses, et c'est inquiétant aussi, à savoir quelles seront les sommes d'argent qui seront véritablement imputées à une région donnée.

Pas de garantie du tout. On dit que c'est un engagement. Un engagement, oui, on prend l'engagement de... mais on peut réviser notre engagement. Il n'y a aucune obligation du gouvernement, et ça, voyez-vous, encore là, c'est

le flou de ce projet de loi. C'est ce qui fait qu'on demeure sur notre appétit et qu'on demeure aussi avec plein d'incertitude et, en fait, avec un questionnement des plus sérieux quant à l'avenir de ces conseils régionaux là, M. le Président. Alors, je pense, M. le Président, que, à l'heure actuelle, là où s'en va le gouvernement, et on sait très bien aussi que ce n'est pas la première fois que ce même gouvernement essaie d'apporter une réforme...

On a bien vu que le ministre Côté, en 1988, avait apporté une réforme à cinq volets. Ça s'appelait, cette réforme-là, les affaires régionales. Vous savez très bien ce qui est arrivé, en fait. Ça n'a pas fait long feu. Il n'y a rien qui est arrivé, en fait, avec la réforme. Alors, c'est pour ça que le ministre Picotte est obligé de revenir, de reprendre, si vous voulez, le travail qui a été inachevé de la part du ministre, de l'époque, des affaires régionales. Maintenant, bien, enfin on est revenu avec un autre projet, pensant que cette fois-ci ce serait beaucoup plus facile de faire passer ce projet, puisque, bon, en fait, le ministre du Développement régional, cette fois-ci, avec sa voix sans ambiguïté et sa voix qui dit: Écoutez, il n'y a pas de place pour la discussion... Moi, j'impose, à partir du mois d'avril, ma réforme et vous avez jusqu'en juin pour vous trouver un mode de fonctionnement. (16 h 50)

Évidemment, peut-être que de cette façon-là on peut arriver à obliger les gens à prendre des décisions, mais est-ce que c'est plus heureux pour autant et est-ce que le fonctionnement sera réellement à la hauteur de ce choix? Nous ne le savons pas. Il faudra le vivre, et ce n'est que l'usure qui nous démontrera, en fait, si la décision du ministre de mettre une pression indue au niveau des différentes régions du Québec était favorable à cet esprit de concertation qu'on veut développer, au Québec.

Vous savez à quel point, au moment où on se parle, le développement de nos régions, c'est crucial. C'est d'une importance capitale et vitale lorsqu'on sait que, de plus en plus, nos régions se vident parce qu'il y a justement, absence, d'abord, de fonds nécessaires pour le développement des régions. Quand on sait aussi l'absence de prise de décision dans certains domaines et qu'on voit à quel point des industries importantes ferment leurs portes, je pense que l'État a un rôle majeur à jouer comme leader et il devrait, au contraire, donner des sommes substantielles pour permettre le développement des régions et tout mettre en oeuvre pour que les régions fonctionnent. Mais, pour cela, il faut entendre les partenaires, il faut leur donner, à ces gens qui travaillent dans une région donnée... de s'asseoir à une même table, de discuter, de prendre des décisions pour le mieux-être de leur région et non pas pour répondre à des impératifs de gouvernement et s'ajuster en fonction des besoins d'un gouvernement.

M. le Président, c'est là, en fait, qu'on s'aperçoit qu'il y a de l'improvisation de la part du ministre du Développement régional et que, actuellement, nous ne sentons pas cette volonté de la part du ministre régional. C'est aussi pourquoi nous nous posons de sérieuses questions au niveau du projet de loi, et nous ne pourrons pas souscrire à ce projet de loi tant et aussi longtemps que ce sera aussi flou et qu'on n'aura pas non plus les modes, les façons de vivre de ce conseil régional de développement et de quelle façon aussi la mainmise, la centralisation du gouvernement se vivra, M. le Président. En fait, on a l'impression que, quand le gouvernement commence à avoir des problèmes budgétaires, d'essoufflement et de déficit, il est très prêt à transférer ses responsabilités. Il parle de décentralisation, mais il aurait fallu, en fait, y voir beaucoup plus tôt. Si on regarde ce qui a été fait avec le plan Côté, quand on s'aperçoit du peu d'argent qui était mis à la disposition pour le développement régional et le peu d'argent qu'on a dépensé - je n'ai qu'à penser au programme PRECEP qui a remplacé le PECEC - on s'aperçoit que les subventions ont diminué, pour disparaître complètement en avril 1992. On s'aperçoit aussi qu'au niveau des échanges entre le fédéral et le provincial il y a très peu d'argent qui a été dépensé pour le développement des régions.

Quand on pense aussi, M. le Président, aux antennes régionales de développement technologique, il n'en existe pas encore dans nos régions. Nous sommes toujours en attente de ces antennes régionales de développement technologique et vous savez à quel point c'est essentiel pour nos régions. Alors, M. le Président, dans un Fonds de développement technologique qui a été créé en 1989, pour une durée de cinq ans, vous savez combien d'argent on a dépensé? Seulement 40 000 000 $ sur les 350 000 000 $ prévus, M. le Président. C'est une honte! Ce gouvernement vient nous dire qu'il est préoccupé par les régions, qu'il change une structure pour une autre et que ça va améliorer le développement économique des régions; j'ai de la difficulté à le croire, M. le Président. Ce n'est pas uniquement en changeant des structures qu'on améliore une situation, mais c'est par une volonté de gouvernement d'apporter des solutions concrètes et de permettre aux régions de se prendre en main, non pas sous la tutelle du ministre et avec une centralisation qui remet en cause leur prise de décision, mais en leur donnant une véritable décentralisation, avec des pouvoirs et leur permettre, justement, d'aller dans le sens de leur avenir. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Marie-Victorin. Sur le même sujet, je cède la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Vous disposez d'une période de 20 minutes, Mme la députée.

Mme Louise Harel

Mme Harel: Je vous remercie, M. le Président. Il est vrai que ce projet de loi inquiète. Je constate qu'il n'inquiète pas que dans les régions. Il inquiète également à Montréal. Ce sont les inquiétudes qui s'expriment à Montréal dont je voudrais vous parler maintenant. Ce projet de loi inquiète parce qu'on n'y indique d'aucune façon comment on entend remplacer ce qu'on connaît actuellement et qui nous a bien servis. J'aimerais, dans le temps qui m'est alloué, en faire un bref bilan. Comment va-t-on remplacer ce qu'on connaît présentement, c'est-à-dire l'Office de planification et de développement du Québec, tel qu'on le connaît depuis des décennies à Montréal, avec l'expertise qu'on lui reconnaît? Par quoi va-t-on remplacer le secrétariat qui avait, au fil des années, pu accumuler une expertise... Encore une fois, je le dis et j'insiste, parce que cette expertise lui est, de façon très générale, reconnue par l'ensemble des décideurs et des intervenants montréalais. Quelle est donc, finalement, la structure qui sera mise en place pour que tout cela ne se perde pas et que, dans une période où Montréal est à ce point bousculé par des changements... Comment peut-on essayer de justifier tous ces changements de structure? C'est quelque chose d'absolument incroyable, absolument inimaginable.

Quand on pense qu'en l'espace de quelques années à peine, soit deux ans, la dégringolade du secteur manufacturier a été absolument vertigineuse sur l'île de Montréal. En l'espace de deux ans, c'est 42 000 emplois qui se sont perdus dans le secteur manufacturier. Et ça, évidemment, sans avoir à additionner toutes les autres fermetures qu'on a pu connaître. Dans le secteur de la chimie, pétrochimie, depuis une décennie, c'est 4 raffineries sur 10. Je passe évidemment sur la fermeture du chantier naval, le seul qui existait à Montréal, et on pourrait en ajouter une liste impressionnante.

Mais là n'est pas mon propos. Au moment où on assiste à cette progression sans précédent du nombre de personnes sans emploi sur l'île de Montréal... C'est quand même phénoménal. On a le championnat douteux de chômeurs qu'on remporte sur Saint-Jean, Terre-Neuve, et même sur la Nouvelle-Orléans, qui a pourtant le plus haut taux de chômage aux États-Unis. Eh bien, même à ça, Montréal détient encore ce record, comme je le dis, M. le Président, assez douteux, d'un taux de chômage plus élevé qu'à Saint-Jean de Terre-Neuve et qu'à la Nouvelle-Orléans. Au même moment on assiste, là, à cette situation-là qui est désespérante pour bien des gens.

D'un autre côté, de la part du gouvernement, il faut constater une accumulation sans précédent aussi des changements de structures. C'est quelque chose d'absolument incroyable. Prenez, par exemple, le ministre des Affaires municipales et de l'habitation qui a annoncé un groupe de travail qui va se charger de lui suggérer les modifications, éventuellement, de structures et autres modifications à opérer sur un territoire qui couvre 137 municipalités sur l'île et autour de ITle. Au même moment, le ministre responsable du développement économique de Montréal et président du Conseil du trésor annonce, de son côté, la création d'une société de développement technologique sur laquelle il va y avoir un conseil d'administration où vont siéger neuf personnes qu'il va nommer, qui va établir des priorités, n'est-ce pas, qui devrait établir des priorités de développement technologique, des priorités sur le même territoire où vont se retrouver les cinq sociétés régionales que découpe le projet de loi 19 qui est devant nous, sur le même territoire qu'étudie le ministre des Affaires municipales et de l'habitation, le même territoire où va se créer la société d'innovation technologique. (17 heures)

Alors, là, vous allez retrouver cinq autres sociétés régionales du ministre responsable du Développement régional, chargées annuellement de définir les priorités, et ça, c'est sans prendre en considération la nouvelle société du ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle, nouvelle société qu'il va créer par le projet de loi 408, qui devrait être déposé demain, et qui, elle-même, va redécouper différemment la main-d'oeuvre avec un projet de formation pour la main-d'oeuvre du territoire desservi, soit l'île, soit Laval, et d'autres sociétés pour la Montéré-gie.

Alors, il y a un enchevêtrement de changements de structures, un brassage, M. le Président, comme on n'a jamais vu jusqu'à maintenant, au moment où on aurait pourtant besoin d'un répit dans les changements de structures. On aurait surtout besoin d'un gouvernement qui sait où il s'en va et de ministres qui savent, avec le même leadership, dans quelle direction ils veulent s'en aller. C'est quand même étonnant, puis, là, je n'ajoute pas, M. le Président, à tout cela, la nouvelle Société de développement de la main-d'oeuvre du futur projet de loi 408, les sociétés régionales du projet de loi 19, la société Innovatech du projet de loi qui sera déposé ce soir, m'a-t-on dit, et le groupe de travail du ministre. J'ajoute à ça les grappes industrielles. Mais elles sont où dans tout ça, finalement? Elles sont où, finalement?

Plutôt que de penser en fonction d'une politique régionale pour essayer, justement, de renforcer notre structure industrielle là où on est fort, on est en train, M. le Président, de multiplier les structures, ce qui est, évidemment, inquiétant, d'autant plus, je dirais, à Montréal, encore plus que dans les régions parce que, en région, ça, je dois le dire et les féliciter, ce soir, je dois rendre hommage aux gens des régions parce que ça ne leur prend pas de temps

à se mobiliser quand il y a quelque chose qui se passe qui ne fait pas leur affaire.

On en a vu des exemples récents: le ministre de la Justice a laissé entendre, suite à des directives du Conseil du trésor, par exemple, qu'il allait fermer des bureaux d'aide juridique en Gaspésie, aux îles-de-la-Madeleine ou en Abitibi. Bien, ça n'a pas pris de temps, M. le Président, qu'il y avait des résolutions - j'en recevais des copies; c'était envoyé directement au ministre de la Justice - des municipalités, des organismes socio-économiques, de tout ce qui peut bouger dans ces régions.

On l'a bien vu avec un autre exemple qui nous est arrivé encore aujourd'hui quand, l'an passé, le Directeur général des élections, Pierre-F. Côté, a annoncé qu'il allait refaire la carte électorale du Québec et soustraire un comté dans la région, justement, de la Gaspésie et trois comtés sur l'île de Montréal. Je vous rappelle que, sur l'île de Montréal, on a augmenté légèrement de population depuis 10 ans et qu'il n'y avait aucune raison de faire disparaître trois comtés, l'équivalent d'une région comme l'Abitibi, d'un coup de baguette comme ça, M. le Président, avec 150 000 personnes qui ne sont plus représentées ici même, dans cette Assemblée. La Gaspésie avait légèrement diminué de population, mais avec - et il faut leur donner ce qu'ils ont, leur rendre hommage - toute la mobilisation dont ils étaient capables, ils ont pris d'assaut l'opinion publique, les médias d'information et ils ont obtenu immédiatement que le gouvernement les rassure sur le fait qu'ils allaient garder autant leur bureau d'aide juridique que leur comté que le Directeur général des élections les menaçait de couper.

Mais le danger, c'est l'anonymat de la grande ville, parce que, dans l'anonymat de la grande ville, c'est difficile de mobiliser; c'est difficile, ça prend plus de temps. Vous allez me dire qu'une fois que la machine est partie ça peut arriver au même résultat, mais ça prend plus de temps. C'est d'autant plus important d'avoir des organismes qui servent les intérêts des gens et des organismes qu'on connaît bien, M. le Président, puis c'est important de ne pas changer tout le temps.

Pensez, par exemple, au rôle stratégique qu'a joué l'OPDQ tel qu'on le connaissait, tel que le fait disparaître le projet de loi 19. Pensons au rôle stratégique que l'OPDQ a joué au cours des 20 dernières années dans le développement régional à Montréal. C'est absolument phénoménal. J'ai tenté, avec les moyens modestes qui sont les miens, d'en faire un très bref bilan, pour donner quelques exemples de ce à quoi c'a pu servir, M. le Président, et du fait qu'il n'y a aucune raison pour qu'on veuille faire disparaître ça sans savoir actuellement, pour Montréal, par quoi on va le remplacer.

Quand je parle du rôle stratégique que ça a joué, je pense, entre autres, au soutien financier, aux corporations de développement économique et communautaire, et il faut se rappeler que, pour l'est de Montréal, qui était très éprouvé par les fermetures d'entreprises, pour le sud-ouest de Montréal - on parle de Pointe-Saint-Charles, à ce moment-là, particulièrement, en fait, de toute cette bande de terre entre la Pointe-Saint-Charles et la Pointe-aux-Trembles, celle qui suit le fleuve de Montréal et qui a été industrialisée au début du siècle - il faut comprendre que c'est essentiellement là où il y a eu la déstructuration industrielle, la désindustrialisation, et c'est finalement par le soutien financier des premières corporations, créées il y a maintenant cinq ans, qu'a été rendue possible une politique de développement local.

Ce n'était pas évident, ça, je vous garantis. Ce n'était pas évident du tout, du tout, en 1985, quand Mme la députée de Taillon, alors ministre, avait de façon exploratoire lancé trois corporations à Pointe-Saint-Charles, dans le centre-sud et dans Hochelaga-Maisonneuve. Pourtant, maintenant, tous les gouvernements, toutes les administrations, tous les décideurs, tous les intervenants régionaux applaudissent à cette politique de développement local et tous les quartiers veulent obtenir leur corporation de développement économique et communautaire. Mais c'est grâce à l'OPDQ, à Montréal, que ça a été rendu possible.

La même chose, M. le Président, pour le premier million de dollars, et je me rappelle combien ce fut difficile d'obtenir ce premier million. Mais c'est encore l'OPDQ qui a mis l'argent en question dans la SODIM, la Société de développement industriel de Montréal. Ça a été les premiers projets de revitalisation industrielle, par, notamment, une subvention pour l'achat du parc Moreau, qui longe le quartier de Hochelaga-Maisonneuve et qui est devenu un parc industriel.

Avant, les parcs industriels, on ne les pensait qu'à l'extérieur des villes. Alors, les villes se mouraient, sur le plan de leur désindustrialisation, puis on allait ouvrir des parcs industriels en périphérie. C'est finalement grâce à l'intervention stratégique de l'OPDQ à Montréal que la Société de développement industriel de Montréal a pu voir le jour et a pu faire l'achat, par cette subvention, du premier parc industriel, puis on verra évidemment se développer par la suite toute une politique, encore une fois, de réindustrialisation des zones vétustés.

Je pense à la mise en valeur du Vieux-Montréal. C'est l'OPDQ qui a soutenu, qui a mis de l'avant ce projet de mise en valeur, bien avant le ministère des Affaires culturelles. Il aura fallu des années. Je dirais que la vision que l'OPDQ a du développement a, dans la plupart des cas, précédé les interventions des ministères. Ça a été le cas, je le rappelle, pour le Vieux-Montréal. Ça a été le cas également pour le dossier des parcs régionaux. Maintenant, Mont-

réal, et la région métropolitaine, et les Montréalais et les Montréalaises sont tellement heureux de pouvoir utiliser ces parcs régionaux, mais qui ont été initiés grâce à l'intervention de l'OPDQ.

Cette intervention de l'OPDQ a précédé une politique à long terme, en matière d'espaces verts, qui par la suite a été adoptée par la Communauté urbaine. (17 h 10)

D'autres exemples, M. le Président, là, à la connaissance que j'ai pu avoir de ces dernières années. Je pense à la Société du centre de conférences internationales de Montréal. C'est un projet qui avait été initié par l'OPDQ, ce projet de Société du Centre de conférences internationales de Montréal. C'est la seule grande ville internationale que le Québec a. C'est sa porte sur le monde. Il faut être fier, M. le Président, de ce que Montréal joue aujourd'hui même un rôle clé, stratégique, à ce grand rassemblement de l'univers à Rio, et il faut pouvoir avoir les équipements. On ne les aura pas ailleurs au Québec si on ne les a pas d'abord à Montréal. Il faut avoir ces équipements pour faire venir des visiteurs, et ces équipements doivent être aussi importants que ceux qui sont offerts dans d'autres grandes villes. Et c'est finalement cette société du Centre de conférences internationales de Montréal qui est en train de mener à terme l'important projet d'un centre de conférences à vocation internationale. Actuellement, le Centre de conférences de Montréal là, il est dépassé, hein. 10 000, 12 000 personnes pour une conférence, maintenant, c'est considéré comme les ligues mineures. Dans les ligues majeures, on en perd actuellement, des conférences internationales importantes. On en perd faute d'équipements adéquats. Et c'est finalement, il faut le reconnaître, l'OPDQ de Montréal qui avait initié ce projet de centre de conférences internationales.

Et faut-il encore parler des programmes PRECEP, des programmes qui ont supporté un démarrage d'entreprise? C'était d'autant plus important... Et, moi, je souhaite vraiment - je le lui dis s'il m'entend - que le ministre responsable du Développement régional réponde en commission parlementaire sur le sort qu'il entend réserver au développement régional à Montréal. Vous savez que les programmes de démarrage d'entreprise ont permis, en 20 ans, le démarrage de 594 projets d'entreprise, avec pourtant un modeste 35 000 000 $ de subventions. On parle de 594 projets d'entreprise. Donc, 35 000 000 $ de subventions ou de prêts, pour des investissements qui ont totalisé 226 000 000 $ et qui ont totalisé près de 8000 emplois entre à peine 10, 12 ans, M. le Président, à la fin des années soixante-dix et au début des années quatre-vingt-dix.

Alors, c'est important que ce coup de pouce qui était offert par ces programmes demeure. C'est d'autant plus important que c'est justement dans la ligne bien identifiée, celle qui est vétusté présentement, identifiée notamment par le Conseil des affaires sociales, le T, là, identifié par le Conseil des affaires sociales dans son étude sur le Québec cassé en deux, c'est-à-dire, finalement, la ligne nord-sud autour du boulevard Saint-Laurent et la ligne est-ouest, particulièrement autour de la rue Notre-Dame. C'est dans ce secteur-là que le support à la subvention était le plus élevé, et c'était d'autant plus important qu'il en soit ainsi que ça permettait le démarrage d'entreprises dans des quartiers qui, sinon, auraient été complètement négligés par les grandes entreprises qui, elles, cherchent à s'installer là où il y a souvent beaucoup plus de facilité.

L'OPDQ a réussi, à Montréal, à faire beaucoup avec, finalement, quand on regarde ça, là, assez peu d'argent et assez peu d'effectif. Et, moi, je veux en profiter aujourd'hui pour leur rendre hommage; rendre hommage à cette équipe qui a bien mérité, finalement, M. le Président, qu'on souligne sa contribution au développement de Montréal. Et ça m'apparaït important, à ce moment-ci où nous ignorons encore ce que seront les structures, comment le ministre entend concilier sa vision du développement régional en région avec celle du développement régional à Montréal. On n'en connaît absolument rien. Et, le danger, c'est un danger contre lequel je le mets vraiment en garde. Ce danger-là, c'est de penser une structure pour des régions puis, ensuite, par après, d'essayer de l'adapter au contexte montréalais. La région métropolitaine, ça ne peut pas être juste un contexte, M. le Président. C'est une métropole. C'est la seule métropole sur laquelle le Québec peut compter. C'est celle avec laquelle il doit se réconcilier, avec laquelle il doit renouer un nouveau contrat de manière à être d'attaque, M. le Président, sur les marchés internationaux, et de manière aussi à être d'attaque pour ne pas laisser s'enfoncer dans le chômage, dans la pauvreté, une très grande partie de la main-d'oeuvre qui a perdu son emploi sur l'île de Montréal. On parle actuellement d'au-delà de 225 000 hommes et femmes sans emploi sur 111e de Montréal. C'est plus de chômeurs réunis que dans toutes les provinces atlantiques, ça. Plus de chômeurs à Montréal, dans la ville seulement, que dans les provinces de Terre-Neuve, de Nouvelle-Ecosse, du Nouveau-Brunswick, de l'île-du-Prince-Édouard. Alors, il ne faut pas... Les structures, ce serait une grave erreur, une erreur profonde d'essayer de penser à un modèle pour l'ensemble du Québec, dans lequel on voudrait de force faire entrer l'île de Montréal.

M. le Président, je souhaite qu'on ait, en commission parlementaire, des réponses très précises sur comment le ministre entend assurer le maintien de l'expertise qui, je le rappelle, a été longuement développée au secrétariat de l'OPDQ à Montréal, qui va disparaître avec son projet de loi, comment il entend pouvoir con-

tinuer à offrir cette expertise aux Montréalais, à offrir une représentativité dans les centres de décision et comment, entre-temps, vont se prendre des décisions sur des projets importants. Je pense, entre autres, à celui du Centre de conférences internationales de Montréal, je pense à l'Institut de recherche en biologie végétale, qui était justement un des projets de l'OPDQ, je pense à la Maison des régions du Québec, à la mise en place de la Maison des régions et à tous ces autres projets qui étaient déjà engagés.

Je voudrais, M. le Président, avoir des réponses très claires du ministre. Alors, évidemment, dans les circonstances qui sont celles que j'ai décrites, il est évident, M. le Président, qu'on ne peut pas signer un chèque en blanc avec le projet de loi 19 et qu'on a l'intention de voter contre. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Sur le même sujet, à savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales, je cède la parole à M. le député de Jonquière. Vous avez droit à 20 minutes, M. le député.

M. Francis Oufour

M. Dufour: Oui, merci, M. le Président. Moi aussi, comme député venant des régions, je veux joindre ma voix à tous ceux et celles qui m'ont précédé pour parler d'un projet de loi qui, à mes yeux, présente un certain nombre d'interrogations et aussi un certain nombre d'écueils auxquels nous aurons à faire face au cours de sa mise en application.

J'ai entendu avec beaucoup d'attention les quelques rares interventions provenant du parti ministériel concernant ce projet de loi. Je suis heureux d'apprendre, mais pas convaincu, que ce projet de loi découle de nombreuses études et de consultations sur le territoire. Je suis obligé de constater, M. le Président, que le projet de loi qu'on a devant nous ne découle pas de consultations tel qu'on l'entend chez nous. Puisqu'il faut tout de même admettre une certaine part d'habileté, je dirais presque machiavélique, de la part du gouvernement, pour amener son projet de loi.

Comment ça s'est passé? De quelle façon on a amené ce projet de loi au Parlement? De quelle façon le ministre responsable du Développement régional a-t-il réussi à passer son projet à travers le Conseil des ministres? Il faut se rappeler d'abord qu'il y a eu, depuis quelques années, beaucoup d'efforts, de la part des gens de la région de Montréal, pour se doter ou pour demander un plan de relance qui toucherait l'ensemble de la région de Montréal. Après beaucoup de tergiversations, beaucoup de discussions et surtout beaucoup d'hésitations, parce que c'est un gouvernement qui hésite toujours, qui est toujours dans l'expectative, dans les suppositions, donc ce gouvernement a fini par aboutir d'un projet d'environ 400 000 000 $ pour l'ensemble de la région de Montréal.

Et ça, c'a amené justement le questionnement de la part d'autres ministres, en particulier du ministre responsable du Développement régional, à savoir ce qui arrive pour l'ensemble des régions du Québec. Et là, eurêka! on a trouvé la solution: II faut absolument qu'on aille dans les régions et qu'on trouve des sources de revenus pour ne pas qu'on mette en opposition les régions par rapport à Montréal. C'est vraiment, à mes yeux, la façon dont la situation s'est présentée et la façon dont on veut la solutionner. (17 h 20)

Je trouve que c'est machiavélique, puisqu'on prend les sommes d'argent... Il n'y a pas d'argent nouveau, il n'y a pas de sommes d'argent nouvelles, par rapport au projet de loi. On prend des sommes d'argent qui existent ailleurs, les 54 000 000 $, et on dit: On va les distribuer sur l'ensemble du territoire. Ça a eu pour effet... C'est quoi? Quel effet ça a eu dans les régions? C'est là que je dis que le plan est machiavélique, parce que, contrairement à ce qu'on aurait été en lieu de penser, que le développement des régions, d'abord, se ferait par les régions et pour les régions, la seule façon qu'on a trouvée, c'est de rebâtir ou d'essayer de jouer dans les structures. Voilà. Je pourrais dire: Le lion est lâché et laissons-les faire sur le territoire. On sait bien que, chaque fois qu'il y a des montants d'argent en cause, ça va amener des centres d'intérêt, ça va amener de la discussion et des parties de bras de fer. C'est ce à quoi on a assisté depuis le début de l'annonce de cette réforme. Et Dieu sait si les régions pourraient se passer de ça, pourraient se passer de ces discussions qui, dans le fond, ne mènent nulle part, si ce n'est qu'à des luttes de pouvoir stériles et à savoir qui va emporter.

Est-ce que, vraiment, on s'est occupé ou on s'occupe de l'avenir et des besoins des régions? Est-ce que, vraiment, on essaie de favoriser une partie de notre population? Il y a un constat qui touche l'ensemble des régions du Québec, et ça, on ne peut pas le nier: les régions souffrent d'un chômage chronique. Un des premiers agents de ce chômage ou un de ses premiers responsables, à mes yeux, c'est le gouvernement libéral qui, depuis au moins 35 ans - que je connais et que j'ai vécus - saupoudre sur l'ensemble du territoire du Québec des sommes d'argent, des subventions, des guidis-guidis pour trouver des remplacements à des travaux. Plutôt que de former de la main-d'oeuvre permanente, on forme, effectivement, une classe d'assistés sociaux et une classe de démunis, des classes de chômeurs.

Rappelons-nous qu'en 1960 c'étaient des travaux de chômage qui existaient, avec la

bénédiction du gouvernement fédéral, et, quand ça ne travaillait pas, après ça, l'assurance-chômage. C'était de même. Après ça, on a trouvé encore d'autres programmes. Et, là, on est rendu qu'on intervient dans les champs directs du gouvernement du Québec, et on n'entend pas un mot, pas un traître mot. C'est le fonds La Prade... On divise ça un petit peu partout. On saupoudre et on crée des chômeurs permanents. C'est ça qu'on a réussi à faire avec des programmes. Ça, c'est ce que j'appelle la faillite de ce gouvernement fédéral qui est venu agir sur notre territoire comme des sans dessein, comme des gens qui ne savaient pas où ils allaient, mais qui se sont donné une visibilité.

Ce que le gouvernement fédéral a fait, le gouvernement du Québec, malheureusement, s'apprête à le faire parce que, lui aussi, il veut aller par des subventions, lui aussi, il veut amener des petits montants d'argent pour essayer d'apaiser. Ce n'est pas fou, ce que le fédéral a fait, si on regarde au point de vue politique. Au point de vue, par exemple, de faire avancer une société, au point de vue de la situer au point de vue de son avenir, ça, c'est une autre paire de manches. Il faut être conscient de ça. Quand je regarde ce que le gouvernement du Québec s'apprête à faire avec son projet de loi, les petits montants qui sont en cause, est-ce que vous pensez que ça va virer la situation rapidement? Est-ce que vous pensez que ça va donner des réponses aux chômeurs?

Il faut se méfier d'un gouvernement qui, chaque fois qu'il a un problème, nous arrive avec des réformes de structures. Ce n'est pas la première fois. En 1988, le ministre responsable du Développement régional du temps, M. Marc-Yvan Côté - un gros ministre, il parle fort - ce qu'il nous proposait: des plans de relance, des plans de relance pour les régions. Il voulait réparer tous les chemins au Québec. Il ne savait pas quoi faire pour ce faire. Il allait fouiller un peu partout.

Une voix:...

M. Dufour: M. le Président, j'aimerais que vous rappeliez au député de Chauveau que, s'il veut parler, il a un droit de parole comme j'en ai un. Je n'accepte pas de me faire interpeller parce que j'ai écouté des députés ministériels qui ont discuté et je ne les ai pas interrompus, même si je n'étais pas d'accord avec...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! M. le député de Chauveau, s'il vous plaît! Vous avez, M. le député de Jonquière, raison de faire cette mise au point. Vous avez le droit d'intervenir sans être interpellé. Allez-y.

M. Dufour: M. le Président, je vous remercie... Ha, ha, ha! Ça fait que... Bon! En fait, le leader parlementaire nous tient informés qu'il va hériter d'une partie de Chauveau. Ça fait que... Espérons que ça sera un bon successeur ou un bon héritier de la suite des choses.

Ce que je disais, M. le Président, c'est que le gouvernement québécois, le gouvernement du Québec, actuellement, s'apprête, par ses actions, à faire exactement ce que le fédéral a fait sur le territoire, parce que, en faisant du saupoudrage, en faisant participer la population à ce saupoudrage-là, on la rend un peu complice, mais on ne trouve pas les vraies solutions aux problèmes. Imaginez-vous que les 3 000 000 $ qui vont être sur le territoire, ça va être une course effrénée et des parties de bras de fer régulières entre les partenaires pour savoir ce qu'on fait avec ça. Il y a tellement peu. C'est tellement peu. C'est une goutte d'eau dans l'océan. Ce n'est pas avec ça qu'on va réformer notre société. Ce n'est pas avec ça qu'on va dire qu'on amène des exemples qui vont permettre aux régions de mieux se battre et de mieux se développer.

Comment on aurait pu agir pour arriver à des fins tout autres qui sont vraiment les fins pour lesquelles un gouvernement existe, c'est-à-dire permettre aux régions de respirer, de prospérer et de se trouver des avenues nouvelles? On aurait pu le faire en concertation avec le milieu. N'oublions pas qu'il y a opération Dignité, et ça s'est fait avec des gens. Il y a, actuellement, des opérations qui ont été faites dans certaines régions, de concert avec l'Union des municipalités régionales de comté, qui ont essayé de trouver certains créneaux de développement, et qui se concrétiseront à la fin de cette semaine, ici, à Québec, à côté du parlement, où les régions viendront nous dire ou viendront vous dire ce qu'elles veulent, elles, comme développement, de quelle façon elles pourraient mieux se développer.

Je suis sûr qu'il y aura des contradictions avec ce qui se passe. Ce n'est pas les plans qui nous manquent à Québec pour développer nos régions. On le sait qu'il y a du chômage. On le sait que, dans la formation de la main-d'oeuvre, il faut agir. On le sait le taux de chômage. On n'a pas besoin d'un nouveau ministère pour nous dire c'est quoi le taux de chômage et c'est quoi les difficultés qu'on a en région. Il y avait de l'argent, en fait, de voté, il y a eu des sommets socio-économiques qui ont existé dans les régions. Il y a eu des sommes d'argent de votées. Ce n'est pas l'argent qui manque, c'est la volonté politique de dépenser cet argent pour essayer de donner les fruits escomptés. On ne l'a pas fait. On ne l'a pas fait. Moi, je déplore ça.

Qu'est-ce que les régions vont faire pour que le gouvernement soit à l'écoute? N'oublions pas que le ministère qu'on est en frais de mettre sur pied, il va être en tutelle. C'est un ministère qui va se rapporter directement au Conseil exécutif, donc il va être sous la tutelle du premier ministre. Est-ce que le premier ministre a le temps de s'occuper de toutes les régions? Je

veux dire, il peut bien s'en occuper, mais ce n'est pas son rôle. Son rôle, c'est de s'occuper de l'ensemble des parties, de s'occuper du tout, mais, quand ça arrive dans les parties, c'est quoi, là, qu'on trouve? C'est quoi qu'on cherche, à travers ça, à centraliser? Au contraire de la décentralisation, on centralise des décisions, on centralise la mainmise sur les régions, on centralise les pèlerinages parce que tout va être filtré, tout va être tamisé, tout va être contrôlé, et nos régions, elles n'auront pas cette chance de pouvoir faire valoir leur point de vue, si ce n'est qu'on va assister, bien sûr, à des discussions stériles qui n'amèneront pas grand-chose. Méfions-nous d'un gouvernement qui nous apporte des solutions toujours par des réformes de structures.

Tout à l'heure, j'écoutais le député de Papineau, M. MacMillan, qui nous informait que c'était un gouvernement qui était à l'écoute, et qu'il avait trouvé des solutions. Ça fait sept ans que le gouvernement est là. Il aurait dû commencer à trouver des solutions avant. En 1988, on nous annonçait avec grande pompe et avec beaucoup de sens publicitaire qu'il y avait des programmes qui s'appliqueraient à nos régions. Malheureusement, on ne verra jamais ce que ça a donné, comme on ne verra pas, pour aujourd'hui, ce que ça a donné, tous les investissements qu'on a mis dans le réseau routier. On peut se questionner très longuement et très fortement, il n'y a rien là. Mais, pourtant, c'était un engagement solennel. On a pris la peine de le faire, de l'annoncer, de dire: C'est comme ça que ça va se passer à l'avenir. Les régions continuent à souffrir, les régions continuent à manquer d'oxygène et, actuellement, il ne se passe absolument rien. Est-ce qu'on va accepter longtemps cette mainmise sur les régions par le gouvernement? (17 h 30)

Je pense que c'est le temps qu'on commence cette réflexion-là. Ce n'est pas par des réformes de structures, ce n'est pas en mettant de côté un organisme qui, possiblement, avait besoin d'être réexaminé, d'être amélioré, d'être soupesé. Mais, disons-nous que l'OPDQ, l'Office de planification et de développement du Québec, a joué un rôle primordial dans nos régions? Il a joué le rôle que le gouvernement a bien voulu qu'il joue. Si on ne lui a pas donné les sommes d'argent nécessaires pour intervenir, il faut s'en plaindre. Ce n'est pas l'Office qui est coupable, c'est le gouvernement qui est responsable. Ce n'est pas en changeant le mal de place qu'on vient de régler le problème. On vient peut-être, par exemple, pour le gouvernement qu'on a en face de nous, d'avoir encore un répit de deux à trois ans, parce que, pendant qu'on joue à peu près dans tout, on ne s'occupe pas de ce qui est important. On peut penser que les régions vont oublier que le gouvernement n'est pas à leur écoute, mais il y aura certainement un temps où les régions s'élèveront et diront à ce gouvernement: Assez, c'est assez! Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de jonquière. sur le même sujet, je cède la parole à m. le député de joliette et leader de l'opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je voudrais intervenir également dans ce débat parce que j'ai vécu, au niveau de ma région, certains malaises, certains problèmes dans la mise en application de la loi dite «réforme Picotte».

M. le Président, je pense que les gens, dans chacun de nos milieux au Québec, mêlent deux choses. Ils mêlent d'abord le développement économique régional et la régionalisation ou la décentralisation en région. J'ai été à même de me rendre compte, M. le Président, que l'expérience des dernières années, le pelletage des taxes dans la cour des municipalités a contribué à créer une trouille assez forte, assez grande chez les élus municipaux, si bien qu'au niveau de cette structure, qui n'est pas une décentralisation mais plutôt une déconcentration, on s'est rendu compte que, dans plusieurs milieux du Québec, les élus municipaux ont eu peur. Ça a été le cas dans mon coin, où ils visaient à aller chercher la majorité des voix autour de la table de concertation régionale. À mon point de vue, c'était bien mal comprendre le problème.

C'est deux choses, M. le Président, de voir un gouvernement décentraliser des pouvoirs, décentraliser des points d'impôt, décentraliser des responsabilités au niveau des régions, les remettre entre les mains d'une structure élective régionale et participer à une structure de concertation en vue d'assurer un meilleur développement économique régional. M. le Président, je pense que je ne suis pas le seul au Québec à avoir vécu ce genre de problématique, mais nous nous sommes expliqués avec les élus municipaux de notre région, et je pense qu'ils ont compris que c'étaient deux dossiers diamétralement opposés.

Mais, pour revenir à la réforme à laquelle nous sommes conviés de voter par le biais de la loi 19, je vous dirai, d'entrée de jeu, que ce n'est pas une décentralisation. C'est une déconcentration, parce que, en bout de ligne, en bout de course, le ministre se garde, bien sûr, le pouvoir de décider. C'est un pouvoir, bien sûr, plus grand qu'avant, je le concède, moi, je le reconnais, M. le Président, mais c'est un pouvoir de décision qui n'est pas ultime. La sanction ministérielle est obligatoire à tout projet et, ça, on appelle ça non pas de la décentralisation mais de la déconcentration. Je pense qu'on aurait eu avantage à expliquer davantage, justement, l'objectif de cette réforme. On remet entre les mains du monde décisionnel, du monde qui décide

au niveau des régions, on leur permet, on leur donne la possibilité d'arbitrer, de «prioriser» certains projets de développement économique. Je pense que cela, en soi, c'était recherché depuis un certain nombre d'années par les élus municipaux et par les décideurs économiques du milieu. On a pris le budget global au niveau national, et le budget global était de 45 000 000 $. On a dit: 3 000 000 $ par région. Une simple division mathématique!

Mais, M. le Président, si je posais la question au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie, qui est ici en cette Chambre, et si je lui disais: Est-ce que les besoins sont les mêmes d'une région à l'autre? Est-ce qu'on a, à la grandeur du Québec, les mêmes infrastructures d'une région à l'autre? Est-ce qu'on a les mêmes besoins d'un milieu à un autre, d'une région à une autre? Je ne suis pas certain, M. le Président. Il me semble qu'il aurait pu y avoir des balises, des critères pour tenir compte de la réalité. Ce n'est pas le cas.

Ce qui inquiète aussi les gens de la région, chez nous - et je le transmets ici comme je l'ai entendu - c'est que, présentement, il se dépense, bon an, mal an, 4 900 000 $, me dit-on, par an. Officiellement, il ne s'en dépensera que 3 000 000 $. Est-ce que ce sera révisé? Est-ce qu'on pourra influencer ces sommes? Est-ce que la coordination, parce qu'il m'apparaît que la structure relèvera, à toutes fins pratiques, du pouvoir exécutif... Est-ce qu'on pourra aller dans du hors-norme aussi exceptionnel que celui dans lequel nous permettait d'aller, par exemple, l'OPDQ? Voilà des questions que sont en droit de se poser les élus municipaux et les décideurs du milieu, sur le plan économique, social, culturel et communautaire.

Je pense qu'une des principales difficultés, pour les gens du milieu, c'est de comprendre que l'objectif d'une telle déconcentration, qui n'est pas une décentralisation, je le rappelle, c'est de faire comprendre qu'on se doit de mettre en commun, au niveau de notre région, de mettre autour d'une même table la majorité des décideurs du milieu. Je vous avoue que j'arrive mal à comprendre pourquoi on n'a pas saisi cette réforme dans le sens suivant: qu'on n'a pas pensé, dans plusieurs coins, dans plusieurs MRC, par exemple, que l'objectif, c'était d'asseoir à une même table tous ceux qu'on appelle les forces vives d'un milieu.

Il s'est vécu, à travers cette réforme, dans certains milieux, un certain «power trip». Il y en a qui ont fait du «power trip». J'ai assisté à des réunions, M. le ministre aussi. Il sait très bien ce que je veux dire. Je pense qu'à force de s'expliquer, à force de bien faire la distinction entre une décentralisation des pouvoirs et des services et une déconcentration sur son développement économique, je pense qu'on réussit à amener des gens à comprendre qu'on a intérêt, qu'on a avantage à s'asseoir tout le monde ensemble, à dégager le plus large consensus.

Il y a une formule qui a été retenue chez nous qui passera, bien sûr, au vote en juin prochain, le 30 juin prochain, qui vise précisément à créer le climat de confiance entre les deux groupes. C'est la double majorité. On a dit: Écoutez, on n'est pas là, ni un groupe, ni l'autre, pour essayer de s'avoir l'un, l'autre, de se flouer l'un, l'autre. On est là pour essayer de créer le momentum du développement économique qui sera le plus propice à notre région. On a avancé cette formule qui, j'espère, sera retenue, pour bien démontrer qu'on n'est pas là pour essayer de s'enfarger, de créer de l'endettement des municipalités quand on connaît les pouvoirs du monde municipal.

Il pourrait dire oui au sommet, puis dire non dans sa municipalité, et il pourrait dire oui dans sa municipalité et avoir un référendum, puis se faire battre. Il pourrait avoir un veto du maire, à part de ça, pour un certain temps. Je veux bien qu'on ait des ceintures et des bretelles et qu'on ait tout là, mais il ne faut pas paralyser le développement d'une région parce que, à mon point de vue, ce serait inopportun, inapproprié et contraire à l'esprit qu'on cherche tous, de toute façon, depuis plusieurs années, à créer autour de cette option, de cette orientation de développement économique régional. (17 h 40)

Je peux vous dire que je ne pense pas, dans ça, qu'il n'y ait personne de mauvaise foi pour le développement économique. Moi, je ne pense pas. Quand on s'en va s'asseoir autour d'une table en région, que tu sois député, que tu sois maire ou que tu sois président de chambre de commerce, président de corporation de développement économique ou bien président d'une association communautaire, tu t'en vas t'asseoir là pour essayer de présenter des projets, faire progresser l'économie de ton milieu, soit par la création d'emplois dans les services, soit par la création d'emplois dans le commerce, soit par la création d'emplois au niveau de l'industrie. C'est clair, ça, M. le Président. Et je suis surpris qu'on ait vécu ce débalancement dans certains milieux. J'ose espérer que ce sera temporaire, en tout cas, et qu'on pourra recréer ce climat de concertation, parce que l'avenir et le développement économique du milieu passent nécessairement par la concertation, M. le Président.

Avec la structure du monde municipal que nous avons - et Dieu sait si on en a, des municipalités au Québec, 1500 municipalités - il est évident qu'à travers une région, M. le Président, il s'agit de bâtir un tel type d'équipement dans une paroisse, et ça devient la locomotive pour les autres. Il faut comprendre qu'il y a des réseaux intégrés dans cela, qu'il y a des superstructures ou des structures à un endroit qui permettent précisément d'aider l'ensemble du territoire. Il y a une expression que les vieux utilisaient: Ce qui est bon pour le curé est bon

pour le bedeau. C'est donc dire qu'on pouvait, bien sûr... Par exemple, je pense à la région de Lanaudière. Si on développe le nord sur le plan touristique, c'est du voyagement à travers la région et le sud peut en bénéficier au niveau de l'hôtellerie, au niveau des restaurants, au niveau de la vente dans les commerces, au niveau des stations d'essence. Il y a une foule de services qui peuvent se développer en région, M. le Président, parce qu'on a précisément des infrastructures de développement, du développement structurant qui s'effectue dans nos régions.

Moi, je pense que, de ce côté-là, il y a une certaine compréhension qui commence à se dégager, qui commence à transcender les luttes de pouvoir qu'on peut avoir à une table de concertation régionale, parce qu'on n'a pas distingué - je le répète et j'en suis sûr, et le ministre pourrait sans doute me le confirmer - la décentralisation des pouvoirs de l'État. On mêle ce dossier de décentralisation des pouvoirs de l'État avec une concertation pour fins de développement économique. Et, tant qu'on ne démêlera pas cela, il y en a qui vont faire des luttes de pouvoir, qui vont faire des «power trips», comme je vous le disais tantôt, qui vont s'imaginer que tout contrôler, ça vient de régler le développement économique. Au contraire, on peut l'étouffer, parce que c'est souvent le secteur privé, M. le Président, qui vient présenter un projet, puis ça lui prend l'appui de son maire, ça lui prend l'appui de sa corporation de développement économique. Et l'inverse est aussi vrai. Il y a des municipalités qui ont des terrains à offrir, des territoires de développement à offrir mais qui n'ont pas l'argent pour les développer et qui font appel soit à des corporations de développement économique soit à du capital privé pour venir exploiter précisément ces espaces disponibles pour fins de développement économique.

Quand tu as compris cela, tu ne t'en vas pas à un sommet économique ou à une conférence économique pour faire une lutte de pouvoir; tu t'en vas là pour participer. Au-delà du fait que je considère que ce n'est pas une décentralisation totale mais que c'est une déconcentration, qui est désirée par plusieurs, je le reconnais, donc, à partir de là, il faut, quand on comprend la structure, qu'on y participe. Moi, c'est dans cet esprit-là que je pense qu'on doit regarder l'ensemble du dossier.

Le projet de loi, malheureusement, à mon point de vue, est trop muet. En tout cas, j'ai hâte de voir ce qu'on pourra faire en commission parlementaire, parce qu'il y a des règlements, il y a des attentes auxquelles on va faire allusion concrètement au niveau de l'étude article par article. On va sûrement demander au ministre d'expliciter, parce qu'il nous apparaît que, tel que libellé, il reste flou au niveau des orientations, il reste sujet à des diktats de décrets. En tout cas, la période de la commission parlementaire est faite pour ça, pour clarifier les choses, et nous y collaborerons au niveau de la commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader de l'Opposition officielle. Il n'y a pas d'autres interventions. J'arrive à la réplique de M. le ministre. Je vous rappelle, M. le ministre, que vous disposez d'une période maximale de 20 minutes pour exercer votre droit de réplique. Allez-y, M. le ministre.

M. Yvon Picotte (réplique)

M. Picotte: Merci, M. le Président. Je dois dire que l'Opposition officielle aurait eu avantage à s'inspirer du dernier discours que je viens d'entendre, celui du député de Joliette, M. le Président, en ce qui concerne la compréhension du développement régional, et à s'inspirer du député de Joliette, évidemment, parce qu'il a exactement bien ciblé les orientations pour le futur. Il a exactement bien ciblé ce que ça veut dire le développement régional, et j'aimais plus particulièrement ce que disait le député de Joliette, que, quand on est assis autour d'une table dans une région, s'il y en a un qui veut contrôler quelque chose au détriment de l'autre, c'est parce qu'il a oublié de constater que tous ceux qui peuvent amener quelque chose qui développe davantage son milieu, ce sont des partenaires importants. Il a oublié de constater ça, M. le Président. Je pense que c'est la formule idéale pour faire en sorte qu'en partenaires, sans obtenir et avoir de dicton en haut lieu, on puisse être en mesure d'avoir cette marge de manoeuvre importante pour développer son milieu tel qu'on le souhaite.

Bien sûr, il y a des gens qui vont trouver, M. le Président, qu'on n'est pas assez précis dans le projet de loi. C'est volontaire si on n'est pas précis dans le projet de loi. Arriver avec beaucoup de précisions dans le projet de loi, c'est justement faire ce dont s'inquiétait le député de Joliette et ce dont d'autres députés se sont inquiétés, plus particulièrement Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve. Si ma mémoire est fidèle, elle parlait des normes. Ça devra être hors norme, parce qu'on ne doit pas avoir, dans une région donnée, des normes identiques d'une paroisse à l'autre, d'une municipalité à l'autre, à cause de sa pauvreté. On pourrait édicter dans un projet de loi, M. le Président, tellement de principes et non seulement des principes, mais mettre tellement de balises avec tellement d'articles que, finalement, ce serait comme si c'étaient nous qui dictions le développement régional. C'est contraire à la philosophie. C'est ça qu'on a fait depuis des années et c'est ça qu'on ne veut pas faire, M. le Président.

Moi, je dois vous dire, cependant, que j'ai entendu deux sortes de discours ici depuis le début de l'étude de notre projet de loi, M. le

Président. J'ai entendu le discours de ceux et celles qui avaient eu - je ne dis pas le courage, parce que ça ne prenait pas du courage - le professionnalisme, comme députés, d'assister aux réunions, donc qui avaient une meilleure compréhension et qui savaient exactement ce que les gens du milieu souhaitaient. À cet égard-là, on peut faire une nette démarcation, M. le Président, avec les députés qui y ont assisté, d'abord de deux ordres. Ceux qui y ont assisté ont été beaucoup plus prudents dans leur intervention. C'est le cas du député de Jonquière, c'est le cas du député de Joliette et c'est le cas d'autres députés qui ont assisté à nos rencontres. Il y a aussi des députés qui ont assisté à nos rencontres et qui n'ont pas pris part au débat, parce que je pense qu'ils ont compris exactement ce que ça voulait dire et ce que c'est.

Mais, ce qui est impardonnable, M. le Président, ce sont les députes qui ont osé se lever ici à l'Assemblée nationale pour parler du projet et nous rabâcher - je ne sais pas si ça se dit bien comme ça, mais qu'ils l'écrivent comme ça, c'est ça que ça veut dire - tout simplement ramener des vieux points, des vieux principes ou des choses qu'on avait déjà validées, qu'on avait dites et puis qu'on avait déjà éclairées, M. le Président.

Mais, ce qui est impardonnable, M. le Président, c'est justement ces députés-là qui ont une nette méconnaissance du dossier, de par leur faute, M. le Président. On pourrait regarder ça facilement, hein. Le député d'Abitibi-Ouest, M. le Président, qui est un ancien ministre du Développement régional, lui, il n'a absolument rien compris. Ce n'est pas surprenant qu'il n'ait rien compris, il n'a même pas assisté. D'ailleurs, s'il avait entendu les commentaires de ses gens de son coin - parce qu'il n'était pas là et parce qu'il n'y a pas assisté - bien, peut-être, à un moment donné, qu'il aurait préféré aujourd'hui ne pas parler. C'est un discours de moins qu'il aurait eu dans son c.v. pour peut-être démontrer sa parfaite méconnaissance, malgré le fait qu'il ait été ministre du Développement régional, M. le Président. J'ai été passablement moins mesquin que lui dans mes tournées, parce que j'ai eu l'occasion de le louanger. J'ai eu l'occasion de le louanger.

Bien sûr, M. le Président, ça n'enlève rien à mes louanges, parce que je continue de croire que, oui, effectivement, tous ceux et celles qui ont passé par là ont fait faire des pas intéressants au développement régional. Je l'ai fait partout, autant pour mes collègues de l'Opposition qui ont assumé ces tâches-là que pour ceux qui étaient de mon parti. Puis, je pense que je continuerai de le faire, M. le Président, parce que, moi, je pense que oui, effectivement, ils ont fait faire un pas important au développement. (17 h 50)

Donc, je suis obligé de constater que le député d'Abitibi-Ouest, finalement, il a meublé du temps, ou il en a fait perdre aux autres, mais il a meublé du temps, en tout cas, pour sa formation politique. La députée de Terrebonne, M. le Président... Quand j'étais étudiant, moi, et puis que je parlais à des étudiants, quand j'étais professeur et que je parlais à des étudiants qui avaient une parfaite méconnaissance d'un dossier, je les traitais carrément d'ignorants. La députée de Terrebonne est complètement ignorante de cette situation-là. Elle a parlé, M. le Président, et elle ne savait pas... Effectivement, dans tout son discours, elle ne savait pas de quoi elle parlait. Elle se posait des questions qui sont répondues depuis déjà fort longtemps, M. le Président. Complètement ignorante, en lettres majuscules, d'une situation, M. le Président, complètement ignorante d'une situation. Évidemment, elle a été courageuse certainement de prendre la parole pour parler de quelque chose qu'elle ne connaissait pas. M. le Président, le moins qu'on puisse dire, c'est que la députée de Terrebonne est courageuse. On l'a vu par un certain geste qu'elle a posé dernièrement, où les gens l'ont dénotée de courageuse pour s'être retirée d'une loi qu'on a votée. Mais, je pense qu'elle s'est évaluée exactement à ce qu'elle valait, à ce moment-là, en décidant de ne pas y participer, M. le Président. On peut s'évaluer soi-même - elle a décidé de le faire, elle - et je pense qu'elle a été courageuse de le faire. Bien sûr, on doit au moins lui rendre cet hommage-là.

M. le Président, j'ai écouté la députée de Johnson aussi. C'est une autre que j'aurais bien aimé, moi, qu'elle accepte l'invitation que j'ai lancée pour participer dans sa région aux discussions. Elle n'était pas là. Aujourd'hui, elle s'interroge sur le nombre d'articles, pour montrer jusqu'à quel point c'est profond, c'est profond son discours, la députée de Johnson. Elle dit: Ça ne doit pas être un bon projet de loi parce qu'il n'y a pas beaucoup d'articles dedans. Imaginez-vous! C'est profond comme... C'est subtil et profond, M. le Président. Elle dit: On change l'OPDQ, puis on change le FDR. Il n'y en aura plus de ça. Il n'y en aura plus de ça, M. le Président? Le FDR reste là, mais au lieu qu'il soit administré par moi et qu'elle soit obligée de faire des courbettes parfois auprès de certains ministres pour obtenir des choses, elle va pouvoir les défendre intelligemment dans sa région. À condition qu'elle y participe, évidemment. Si elle fait comme elle a fait là, sans y aller, bien sûr que ce sera un membre inutile. Et peut-être qu'ils n'avaient pas besoin d'elle non plus. À ce moment-là, c'est peut-être pour ça qu'elle a jugé bon de ne pas y aller.

Elle dit: Le Fonds de développement régional n'est plus là, M. le Président. Il n'est plus là parce qu'on le leur remet entre les mains. Et elle est une partie intervenante, elle a un siège pour en discuter, pour faire valoir son point de vue, M. le Président. Et elle se ques-

tionne là-dessus. Quelle profondeur! Elle dit: il faut fonctionner en région. Elle dit: Avant, on avait un sommet permanent tous les quatre ans. On pouvait bénéficier d'un sommet permanent tous les quatre ans. Bien oui! Aujourd'hui, on a un sommet tous les ans, M. le Président. Tous les ans, il va y avoir un fonds qui va être là et elle va agir exactement de la même façon tous les ans.

Mieux adapté, mieux ciblé, une meilleure efficacité, M. le Président. Quelle profondeur! Mais elle n'était pas là, M. le Président. Comme elle n'était pas là, évidemment, elle a parlé de ce qu'elle ne connaissait pas. Elle a parlé encore des problèmes des élus municipaux, M. le Président. Le député de Joliette l'a très bien dit à la fin: Les élus municipaux, maintenant, je pense qu'ils ont compris la formule, M. le Président. Et c'est tellement vrai qu'il y a déjà six régions qui sont prêtes, qui sont en attente pour signer des lettres patentes avec celui qui vous parle pour mettre tout ça en marche. Elles se sont déjà entendues sur la proportion. Elle nous dit encore: Tout le monde, tous les élus municipaux se questionnent là-dessus. Bien sûr, il y a peut-être quelqu'un qui lui a parlé de ça quelque part, il y a déjà une décennie, et elle se souvient de ça, M. le Président, mais elle n'était pas là, donc elle ne sait pas de quoi elle parle.

J'ai malheureusement été obligé de ne pas être là à son discours, pour un certain temps, parce que j'étais appelé ailleurs, mais Mme la députée de Taillon était présente à la conférence de presse qu'a donnée mon collègue, M. Bour-beau, devant tout le monde du milieu pour annoncer que la Société montérégienne était celle qui était retenue par le grand consensus de tout le monde pour être la table de concertation. Elle était là. Elle ne s'est pas opposée. Elle n'a pas posé de question. Au contraire, elle a agi comme si elle était d'accord avec tous ceux qui étaient là. Peut-être que Mme la députée de Taillon a deux façons de se comporter. Devant le monde de son milieu, faire accroire qu'évidemment elle est d'accord avec eux, et, arrivée à l'Assemblée nationale, elle veut faire un peu de petite politique et essayer de charrier le gouvernement. C'est peut-être ça. Je ne sais pas comment le décoder. De toute façon, elle pourrait me l'expliquer à un moment donné, si elle souhaite bien me l'expliquer.

Si elle avait eu vraiment du courage, elle aurait pu, là, s'exprimer et dire devant les caméras de télévision, devant des journalistes qui étaient là, parce que c'était une conférence de presse: Moi, je suis opposée à ça, et voici les raisons. Ce n'est pas ça qu'elle a fait, M. le Président. Elle ne l'a pas fait parce que j'imagine que, devant ses commettants, elle est pour et que, quand elle est ici, elle s'imagine que les gens ne peuvent pas regarder les débats télévisés et, à ce moment-là, elle se prononce différemment. Est-ce qu'elle parle des deux côtés de la bouche en même temps? Je ne le sais pas. De toute façon, je n'ai pas à la juger, non plus. Mais c'est curieux, quand même, comme comportement. Elle a peut-être voulu meubler du temps. Ça arrive parfois dans l'Opposition - j'ai été dans l'Opposition, moi aussi - qu'il faille meubler du temps, ou faire perdre du temps, un des deux. Mais moi, comme je ne suis pas un gars négatif, j'aime mieux dire meubler du temps.

Le député de Labelle, lui, forcément, il n'était pas présent et, lui, il a analysé ça en grand pur et dur, celui qui connaît à peu près tout, les finances publiques et tout, qui dit: II va y avoir incompatibilité, il y a des gens qui vont être assis comme députés qui vont devoir prendre des décisions, alors que c'est le ministre qui doit engager des fonds, et, là, il va y avoir une zone grise. Ça, c'est ce que le député de Labelle a dit.

Le député de Labelle, il arrive au monde, évidemment, à ce moment-ci de nos discussions, parce qu'il a oublié de constater, parce que peut-être qu'il n'y a jamais participé non plus ou que ce n'était pas un grand partisan de la démocratie, que les députés, ils ne sont pas assis là rien que depuis que j'ai fait ma tournée régionale. On leur a donné un siège officiel, mais les députés étaient tous assis à leur siège dans les sommets. C'est curieux, ils n'étaient pas en conflit d'intérêts, dans les sommets. Là, ça va être un sommet qui va se faire permanent, tous les jours, les gens pourront faire un sommet entre eux autres, s'ils veulent, pour dépenser les 3 000 000 $ qu'on met à leur disposition, et, là, comme par hasard, il y a un conflit d'intérêts quelque part.

Je suis allé dans une biennale dernièrement. Le député de Lévis était assis à la biennale, il a pris la parole, il a dit des choses intéressantes et il n'était pas en conflit d'intérêts. Tout à coup, le député de Labelle, il sort de je ne sais pas trop quelle cuisse de Jupiter, il sort de je ne sais pas trop quel néant, il sort de vapeurs de je ne sais pas trop quoi - c'est peut-être son «Spray net» qui est trop fort, M. le Président - et, tout à coup, il décide, lui, comme par hasard, que, là, il y a un conflit d'intérêts. Ça fait quatre ans qu'on fait ça et personne ne s'en est aperçu. Pour moi, les vapeurs de son «Spray net» sont trop fortes, j'imagine, parce que je ne suis pas capable de comprendre ça.

C'est vrai que, lui, il n'est pas du même acabit que nous autres, ici, en Chambre. Lui, il n'est pas du même rang que nous autres. Lui, ce n'est pas pareil, c'est un gars qui connaît tout. Comme il connaît tout, ça nous rend pas mal plus vulnérables, nous autres, les petits ruraux qui ne connaissons pas grand-chose. Alors, on n'a pas, évidemment, le même standing, mais, en tout cas... Il y a quelque chose que je ne comprends pas, mais, de toute façon, comme je suis un rural, il dira sans doute, lui, que je ne comprends pas. Bien sûr! Mais je ne comprends

pas qu'on soit en conflit d'intérêts, comme député, quand on siège pour faire de la concertation pour développer son milieu.

J'ai entendu parler des ententes-cadres. Bien oui! Évidemment, j'ai passé le discours de Mme la députée de Marie-Victorin parce que, forcément, elle n'était pas présente et, forcément, elle mêle tout. Elle n'était pas présente et elle mêle tout. Je serais incapable d'ailleurs d'y répondre, je n'ai pas été capable de la suivre, M. le Président. Alors, je suis incapable d'y répondre, mais il faut que je souligne qu'elle a, au moins, meublé un temps de 20 minutes ici, à l'Assemblée nationale.

On a parlé, évidemment, des ententes-cadres. On dit: Ça ne fonctionne pas. Est-ce que je peux vous dire que, depuis 1987, M. le Président, il y a eu neuf ententes de développement. Je vais terminer par ça pour satisfaire au temps, parce qu'on aura, bien sûr, ensemble une commission parlementaire puis on pourra en discuter. Il y a eu neuf ententes-cadres de développement, il y a eu sept biennales, il y a eu 850 projets qui ont été soumis, il y a eu 718 projets qui ont fait un engagement financier et, pour les gens qui prétendent que ça a été trop peu et pas assez et qu'il ne s'est rien fait, M. le Président, est-ce que je pourrais vous dire que, de 1987 à aller jusqu'à aujourd'hui, peut-être qu'il ne s'est pas fait grand-chose dans les régions, mais il s'est dépensé, avec le milieu, avec l'OPDQ, avec les ministères, avec le gouvernement fédéral, en tout cas, l'ensemble des intervenants, 1 103 627 900 $. C'est ça qui s'est dépensé dans les ententes-cadres de 1987 à aujourd'hui. C'est vrai que ce n'est peut-être bien pas suffisant, M. le Président. On voudrait en faire bien plus que ça. Mais, entre dire que ça n'a rien donné, que ça ne donne rien et que ce n'est pas bon, M. le Président, il y a une marge. Alors, moi, je pense que j'ai trop de respect pour mes collègues pour traiter ça de façon aussi cavalière et aussi, M. le Président, légèrement.

Je pense que, moi, j'y crois au développement régional. J'ai rencontré beaucoup de députés dans cette Chambre, de ce côté-ci comme de l'autre côté, qui y croient au développement régional et, compte tenu que le pas additionnel qu'on voudra faire... Dans mes tournées, j'ai rencontré ça partout. On peut regarder les découpures de journaux. Il y a même des associations péquistes, dans la région de la Mauricie, qui m'ont félicité pour avoir apporté ça, parce que ça fait un pas de développement régional additionnel. (18 heures)

Alors, je dis, encore une fois, bravo à tous ceux qui y ont concouru, bravo à tous ceux qui comprennent que la concertation, c'est le développement de nos milieux et bravo, enfin, finalement, à tous mes collègues qui y croient et qui y ont cru et à tous mes collègues, autant du Parti québécois, qui ont occupé cette fonc- tion, que ceux de mon parti, qui ont occupé cette fonction-là, parce que je pense qu'ils ont été de grands développeurs régionaux en voulant ajouter, bien sûr, un pas additionnel à notre développement pour qu'on soit de moins en moins pauvres, pour qu'on ait de plus en plus d'exigences, en sachant que toutes les formules qu'on apportera, ce n'est pas ça qui va sauver l'univers entier, mais que ça sera un pas de plus pour aider des régions à avoir plus d'oxygène, M. le Président. Voilà! Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 19, Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales, est adoptée?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur division. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Pagé: Alors, M. le Président, je fais immédiatement motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

M. Pagé: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. Oui, M. le leader.

M. Pagé: De plus, M. le Président, j'avise cette Assemblée qu'aujourd'hui, donc, de 20 heures à 24 heures, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'aménagement et des équipements procédera à l'étude détaillée du projet de loi 19 dont nous venons de terminer l'étude en deuxième lecture, la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les affaires régionales.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le leader. Alors, il est 18 heures, et je suspends les travaux jusqu'à 20 heures ce soir.

(Suspension de la séance à 18 h 2)

(Reprise à 20 h 4)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, Mmes et MM. les députés, si vous voulez vous asseoir, s'il vous plaît. Nous reprenons les travaux de l'Assemblée à l'étape des affaires du jour. Avec quel article du feuilleton?

Mme Hovington: L'article 10, M. le Président.

Projet de loi 17 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 10 de notre feuilleton, M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Cependant, avant que nous entreprenions nos travaux de façon formelle, je vais suspendre pour qu'il y ait quorum.

(Suspension de la séance à 20 h 5)

(Reprise à 20 h 13)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'ordre, s'il vous plaît!

Tel qu'indiqué, nous entreprenons nos travaux à l'article 10 de notre feuilleton. M. le ministre de l'Éducation propose l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Je cède maintenant la parole à M. le ministre de l'Éducation, en vous rappelant, M. le ministre, que vous disposez d'une période maximale de 60 minutes pour votre intervention principale. M. le ministre de l'Éducation.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Merci, M. le Président. Lors de ma nomination comme ministre responsable du ministère de l'Éducation, il m'est apparu de première importance de rencontrer les multiples intervenants du réseau de l'éducation afin de discuter des problèmes qu'ils vivent, des problèmes auxquels ils sont confrontés quotidiennement et de voir avec eux comment y remédier. Ainsi, au cours des premiers mois, j'ai tenté de multiplier les rencontres avec les divers organismes représentatifs du milieu de l'éducation, que ce soit la Fédération des commissions scolaires du Québec, l'Association des commissions scolaires protestantes, les diverses associations représentant les personnels, les enseignants, les parents et, en fait, toutes celles et ceux qui sont directement concernés et impliqués dans la démarche éducative au Québec, quotidiennement.

J'ai invité, par ailleurs, tout le personnel du ministère à être attentif, à l'écoute du milieu en vue de chercher à bien identifier et surtout à bien comprendre les problèmes soulevés afin d'y trouver des solutions. Lors de ces multiples échanges, il ressortait que les mêmes problèmes revenaient, et ce, quels que soient les personnes ou les organismes rencontrés. Ces préoccupations étaient, dans un premier temps, tantôt centrées sur l'élève, comme la réussite scolaire, la pré- vention de l'abandon des études, l'évaluation des apprentissages, les mesures alimentaires en milieu défavorisé, la lutte contre la drogue ou l'abus d'alcool, les services aux élèves; tantôt centrées sur les enseignantes et les enseignants, telles les normes de compétence, la formation et les conditions de travail; tantôt centrées sur les parents, comme la relation entre l'école et la famille, le soutien des parents à l'éducation de leurs enfants; tantôt centrées sur les élus, les administratrices et administrateurs scolaires, telles que la mise à jour de la législation, l'assouplissement et la simplification des encadrements administratifs et pédagogiques.

En raison de l'acuité des problèmes identifiés, le ministère a lancé au cours de l'automne dernier un document d'orientation devant orienter et préciser les énergies de tous les intervenants au cours des prochaines années. Par la suite, j'ai eu l'opportunité de me convier à une tournée provinciale de consultation où il a été possible de discuter des différents volets de ce document d'orientation. Discuter avec les élèves, dans un premier temps. Je dois vous dire, M. le Président, que ça a été très enrichissant pour le ministre de l'Éducation. Discuter avec les parents qui sont concernés au premier chef dans la démarche éducative de leurs fils et de leurs filles. Échanger avec les enseignantes et les enseignants, les autres personnels, les élus, les administrateurs scolaires.

À la lumière de cette vaste consultation, j'ai eu l'occasion de participer avec mes sous-ministres et l'ensemble de mon équipe, finalement, dans chacune des régions, à l'élaboration d'un plan d'action bien concret, bien ciblé, proposant des modifications ou des approches différentes, modulées, etc., dans le cadre d'un plan d'action que je serai en mesure de rendre public incessamment.

D'autre part, parce qu'on sait que le ministère de l'Éducation travaille étroitement avec ses partenaires, et ça, c'est une tradition bien enracinée, divers comités conjoints ont été formés avec nos partenaires du milieu scolaire. Ces comités avaient comme mandat d'examiner la problématique particulière qui leur était confiée et de me proposer, comme ministre, des solutions concrètes.

M. le Président, le projet de loi qui fait l'objet de la présente intervention aujourd'hui constitue l'aboutissement partiel de l'excellent travail qui aura été effectué par l'un de ces comités dont le mandat spécifique était de rechercher des façons d'assouplir et de simplifier les encadrements administratifs et pédagogiques du réseau scolaire. Ce comité avait, entre autres, comme tâche d'identifier les éléments qui pourraient permettre d'accroître la marge de manoeuvre des commissions scolaires, tout en maintenant ou améliorant les mêmes services à offrir aux élèves. Il s'agit là d'un objectif qui me tient à coeur, et qui nous tient certes à tous, à

chacun et chacune d'entre nous, à coeur.

Il m'apparail important, ici, que je souligne la composition de ce comité, M. le Président, afin de bien comprendre que les modifications apportées par le présent projet de loi sont le fruit d'un effort commun du ministère et de l'ensemble de nos partenaires. Ce comité est composé, outre des représentants du ministère, des représentants de la Fédération des commissions scolaires du Québec, de l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, de l'Association des directeurs généraux des commissions scolaires, de l'Association des cadres scolaires du Québec, de la Fédération québécoise des directeurs et directrices d'école, de l'Association des administrateurs des écoles catholiques du Québec et de l'Association des administrateurs scolaires du Québec.

Au début de 1992, M. le Président, le comité a soumis un rapport précisant les principaux irritants identifiés au cours des travaux, de même que les pistes de solution que le comité recommande en vue de procéder à la décentralisation et à l'assouplissement souhaités. Ces propositions touchent divers thèmes dont les principaux sont les règles budgétaires, la Loi sur l'instruction publique, les régimes pédagogiques et les conventions collectives. De plus, elles s'adressent, ces recommandations, tantôt au ministère, tantôt aux commissions scolaires.

Dans l'ensemble, M. le Président, la grande part des propositions réfère soit aux règles budgétaires, aux régimes pédagogiques ou encore aux conventions collectives. Pour celles-ci, diverses démarches sont déjà amorcées pour atteindre l'objectif visé. Toutefois, il faut retenir que certaines des recommandations concernent directement la Loi sur l'instruction publique et c'est principalement la raison pour laquelle j'ai déposé le présent projet de loi. (20 h 20)

En résumé, M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur l'instruction publique afin d'assouplir les contrôles exercés par le ministre de l'Éducation sur certaines fonctions et responsabilités, certains pouvoirs des commissions scolaires et du Conseil scolaire de IHe de Montréal. C'est ainsi que le projet de loi, premièrement, abroge les dispositions de la loi qui font obligation aux commissions scolaires et au Conseil d'obtenir l'autorisation du ministre pour acquérir des biens ou encore effectuer des travaux sur leurs immeubles. Deuxièmement, le projet de loi remplace l'obligation de faire approuver par le ministre les plans et devis des travaux effectués sur les immeubles des commissions scolaires et du Conseil par l'obligation d'obtenir l'avis et le consentement du ministre. Troisièmement, ce projet de loi abroge, enfin, l'obligation pour les commissions scolaires et le Conseil de faire approuver par le ministre leur budget annuel de fonctionnement, d'investissement et de service de la dette, et d'obtenir de celui-ci l'autorisation pour adopter un budget qui prévoit des revenus supérieurs aux dépenses qui y figurent.

Par ailleurs, M. le Président, le projet de loi habilite la commission scolaire, sur demande motivée des parents d'un élève, dans les cas déterminés par règlement du ministre, à accorder une dérogation à l'âge minimum d'admissibilité à l'éducation préscolaire ou encore à l'enseignement primaire. D'ailleurs, M. le Président, j'aurai l'occasion, en terminant mon propos, de déposer ou de rendre accessibles aux membres de l'Opposition, notamment, les paramètres, les règles sur lesquelles nous entendons nous appuyer pour que l'école et la commission scolaire puissent décider de telles recommandations.

Le projet de loi habilite également le gouvernement à adopter des règlements pour déterminer les règles de majoration du montant de base pour le calcul du produit maximal de la taxe scolaire dans les cas de réunion ou d'annexion totale de territoires des commissions scolaires ou de cessation d'existence d'une commission scolaire régionale.

On sait que cette question est importante, puisque j'aurai complété, comme ministre de l'Éducation, au nom du gouvernement du Québec, le 1er juillet prochain, l'ensemble de la démarche d'intégration des ordres d'enseignement primaire et secondaire au Québec. C'est ainsi que nous serons passés de 202 commissions scolaires au Québec, l'an dernier, à 159 commissions scolaires complètement intégrées primaire-secondaire, de façon à favoriser un passage plus harmonieux entre le primaire et le secondaire, de façon à assurer une démarche mieux intégrée en fonction d'un objectif qui est celui de la réussite éducative.

Enfin, M. le Président, le projet de loi vient corriger certaines imprécisions relativement au pouvoir du ministre d'établir des règles budgétaires annuelles. Or, comme je viens de vous l'indiquer, ce projet de loi apporte des modifications à la Loi sur l'instruction publique relativement aux objets suivants: immobilisations, budget, dérogation à l'âge minimum d'admissibilité à l'école, calcul de la taxe dans les cas de réunion, d'annexion totale de territoires de commissions scolaires ou de cessation d'existence d'une commission scolaire régionale et l'établissement de règles budgétaires.

Pour la présentation plus détaillée de ce projet de loi, je suggère, M. le Président, que nous procédions en tenant compte de l'ordre des objets que je viens d'énumérer. En agissant de la sorte, ça nous permettra de regrouper les articles par thèmes, plutôt que de cheminer selon l'ordre chronologique des articles figurant au texte du projet de loi.

La problématique de l'acquisition des biens concernant, somme toute, les immobilisations. Actuellement, dans les cas où ça exige d'avoir un recours à un crédit remboursable sur plus

d'un an, une commission scolaire doit demander obligatoirement l'autorisation ministérielle pour acquérir, construire, agrandir, aménager, améliorer, transformer, reconstruire ou encore réparer ses immeubles, et ce, en vertu de l'article 268. Elle doit aussi recevoir l'approbation ministérielle pour acquérir des biens meubles de plus de 50 000 $. Or, les commissions scolaires mentionnent, à juste titre, et recommandent, somme toute, qu'une telle exigence soit éliminée, considérant qu'il est lourd et onéreux de demander à chaque fois l'autorisation ministérielle. Elles font valoir aussi qu'il y a d'autres contrôles administratifs en vigueur, plus particulièrement ceux relatifs aux règles budgétaires annuelles et aux emprunts à long terme.

Donc, la modification qui est proposée est purement et simplement de procéder à l'abrogation des articles 268 et 269. Par conséquent, la commission scolaire n'aura plus à demander l'autorisation du ministre pour réaliser des travaux sur ses immeubles ou acquérir des biens. Toutefois, dans les cas où le ministre alloue une subvention, la commission scolaire demeure tenue de respecter les conditions fixées par le ministre dans les règles budgétaires. De plus, le pouvoir d'autorisation du ministre relativement aux emprunts à long terme demeure, cela va de soi, et c'est normal qu'il en soit ainsi.

Actuellement, une commission scolaire, en référence à l'approbation des plans et devis des projets, ne peut effectuer ou faire effectuer sur un immeuble des travaux qui nécessitent l'élaboration de plans et devis, à moins que ces plans et devis n'aient été approuvés par le ministre. C'est la situation actuelle, tout ça. Le processus d'approbation, évidemment, entraînait jusqu'à maintenant, ou entraîne jusqu'à l'adoption de la loi, des délais supplémentaires dans la réalisation des projets et exige des contrôles administratifs qui contribuent, somme toute, à alourdir le système.

Au-delà de ces irritants qui nous ont été identifiés par les commissions scolaires, le libellé actuel de l'article 271 donne un pouvoir de tutelle au ministre quant aux caractéristiques physiques de l'école à construire ou à agrandir. Or, il nous apparaît que l'école appartient d'abord au milieu de vie, au quartier, au village. C'est à celui-ci de convenir avec les professionnels et les responsables concernés du choix de l'école et de ses caractéristiques physiques. Dans cette perspective, il nous semblait justifié de modifier l'article en question, et c'est ainsi que l'article 271 est modifié par le projet de loi, afin de remplacer le pouvoir d'approbation du ministre par une obligation de demander un avis quant aux plans et devis d'un projet.

Donc, dorénavant, les commissions scolaires devront soumettre leurs projets de construction et d'agrandissement au ministère pour avis seulement. Compte tenu de l'expertise du ministère dans ce domaine et considérant que celui-ci alloue des subventions dans la plupart des projets, il est justifié de maintenir une implication du ministère dans la préparation des projets, notamment quant aux caractéristiques fonctionnelles d'une école.

De plus, considérant qu'il s'agit d'un avis, il reviendra, somme toute, à la commission scolaire de prendre en compte ou non les commentaires du ministre ou du ministère, lesquels visent souvent à favoriser la réalisation dans le respect des budgets établis. Dans cette perspective nouvelle, il est bien entendu que la commission scolaire pourrait décider de réaliser un projet plus dispendieux. Mais, à ce moment-là, elle devra en assumer le coût à même ses propres revenus et prendre ainsi l'entière responsabilité de son geste auprès de ses commettants, c'est-à-dire celles et ceux qui élisent nos commissaires d'écoles.

Il est entendu que cette modification législative sera accompagnée d'une simplification des procédures, des processus et des contrôles administratifs en vigueur, notamment par la non-obligation de transmettre tous les projets au ministère. Les projets dont le coût des travaux est estimé à moins de 1 000 000 $ et ceux pour lesquels le ministère alloue une subvention correspondant à moins de 50 % du coût du projet ne seront plus soumis à cette exigence.

Concernant le budget, M. le Président, selon les dispositions actuelles de la loi, les commissions scolaires préparent et soumettent annuellement à l'approbation du ministre leur budget de fonctionnement, d'investissement et de service de la dette. Ce budget est sans effet tant qu'il n'a pas été approuvé par le ministre. En conséquence, le ministre doit donc émettre une autorisation de dépenser à la commission scolaire dont le budget n'a pu être approuvé, et ce, avant le 1er juillet. A chaque année, je dois signer - ça fait maintenant deux ans déjà - des autorisations provisoires de budget tant et aussi longtemps que le budget définitif de la commission scolaire n'est pas approuvé.

Le processus d'élaboration et d'approbation des budgets des commissions scolaires est lourd du point de vue administratif, puisqu'il exige dans une courte période que chaque commission scolaire ait transmis son budget et que celui-ci ait été analysé et approuvé, le cas échéant. On sait, d'autre part, M. le Président, que, pour préparer leurs prévisions budgétaires, les commissions scolaires doivent connaître les ressources dont elles disposeront. Dans le contexte actuel des finances publiques, on a vu que les décisions concernant les ressources financières dévolues au réseau scolaire sont de plus en plus liées à l'encadrement financier global du gouvernement.

Ces nouvelles contraintes retardent le moment où les commissions scolaires peuvent connaître les règles budgétaires, leurs paramètres de financement et le niveau de ressources qui en

découle. Ainsi, la période dont disposent les commissions scolaires pour préparer et transmettre leurs budgets au ministère pour analyse et approbation est de plus en plus courte. Par ailleurs, le processus d'approbation des budgets par le ministre, qui est déjà lourd du point de vue administratif, devient ainsi plus difficile à réaliser de manière raisonnable selon les échéanciers prescrits, et ce, sans créer de pressions indues au sein des commissions scolaires en attente. (20 h 30)

C'est donc dans ce contexte d'allégement des encadrements administratifs, M. le Président, que le projet de loi que je vous propose pour étude ce soir prévoit l'abolition de l'étape de l'approbation des budgets par le ministre. En effet, je pense que nous pouvons avancer que les objectifs qui étaient visés par l'étape de l'approbation des budgets peuvent maintenant être atteints par le biais d'autres procédures qui permettront toujours au ministre de l'Éducation du Québec de veiller à la bonne santé financière des commissions scolaires du Québec.

Il est certain que l'étape des prévisions budgétaires revêt une importance toute particulière pour les commissions scolaires dont la situation financière est difficile ou encore devient précaire. Il n'en demeure pas moins que l'adoption d'un budget non équilibré constitue une mesure d'exception. Approuver, pour moi, sous ma signature, un budget non équilibré, ce n'est qu'exceptionnel. Cette exception est encadrée par une autorisation expresse du ministre, qui est maintenue dans le projet de loi. Cette autorisation est elle-même assortie de conditions qui sont liées au retour à l'équilibre financier de la commission scolaire. En fait, à chaque fois que j'approuve un budget d'une commission scolaire, qui n'est pas équilibré, qui est déficitaire, il y a continuellement une disposition comme quoi la commission scolaire doit nous soumettre, à notre satisfaction, un plan de redressement financier.

Après plusieurs années de vécu autour des mesures mises en place quant à l'adoption du budget non équilibré, je pense qu'on peut affirmer que cet encadrement fonctionne bien et permet, autant aux commissions scolaires impliquées qu'au ministre, de remplir leurs obligations respectives. Ainsi, l'expérience des dernières années montre que les commissions scolaires en situation de déficit retrouvent leur équilibre financier dans un délai qui ne dépasse généralement pas quatre ans, et il y a donc un roulement notable dans la liste des commissions scolaires en difficulté financière. Généralement, ça dure trois ans, quatre ans et, plus souvent qu'autrement, le plan de redressement réfère à un redressement sur une base de deux années consécutives.

J'aimerais souligner, enfin, que, depuis plusieurs années, le réseau scolaire présente une situation financière globale stable et saine qui permet d'envisager avec confiance et sérénité les allégements qui sont proposés en cette matière ce soir. À cet égard, nous proposons que l'article 277 de la Loi sur l'instruction publique soit modifié afin de faire disparaître l'approbation du budget par le ministre, en la remplaçant par la transmission du budget au ministre. Toutefois, comme par le passé, le budget doit être transmis avant la date et dans la forme déterminée par le ministre. La modification proposée est à l'effet de conserver la nécessité d'obtenir l'autorisation du ministre pour adopter un budget où les dépenses excèdent les revenus, c'est-à-dire pour un budget déficitaire non équilibré.

Le nouvel article 281 établit, quant à lui, qu'une commission scolaire qui n'a pu adopter son budget avant le début de l'exercice financier est autorisée à dépenser pour un mois. Dans ce cas, cette autorisation, ça va de soi, est égale au douzième du montant des dépenses de l'année précédente. D'autre part, l'article 312 de la Loi sur l'instruction publique est modifié pour indiquer que le taux de la taxe scolaire est fixé après l'adoption du budget et non plus après l'approbation du budget par le ministre. Enfin, les articles 435 et 445 de la Loi sur l'instruction publique viennent préciser que les modifications déjà énoncées s'appliquent également au Conseil scolaire de l'île de Montréal.

Donc, si on réfère maintenant aux impacts, l'abrogation de l'obligation, pour les commissions scolaires et le Conseil de l'île de Montréal, de faire approuver par le ministre leur budget annuel viendra assouplir et simplifier les encadrements administratifs touchant nos commissions scolaires. De plus, comme le processus d'élaboration et d'approbation des budgets des commissions scolaires se faisait selon un échéancier de plus en plus serré, la suppression de l'étape de l'approbation des budgets par le ministre laissera plus de temps aux organismes du réseau pour préparer et transmettre leur budget au ministre.

La reconduction automatique, mais limitée du pouvoir de dépenser des commissions scolaires qui n'ont pu adopter leur budget avant le début de l'exercice financier constitue une autre simplification des encadrements administratifs. Le maintien de l'autorisation du ministre nécessaire à l'adoption d'un budget déficitaire me paraît un geste propre à simplifier le processus. Cette mesure s'appliquera uniquement, donc, aux commissions scolaires en situation financière délicate. Enfin, la commission scolaire pourra fixer son taux de taxe scolaire dès qu'elle aura adopté son budget. Elle n'aura plus à attendre l'approbation de son budget par le ministre.

Maintenant, M. le Président, je voudrais aborder avec vous pendant quelques minutes un sujet qui se veut délicat, très important, mais aussi un peu sensible: l'ensemble de la question de l'âge minimum d'admissibilité à l'école. On a eu l'occasion d'y référer à quelques reprises. Je me permets, ce soir, de vraiment placer dans

leur véritable contexte les modifications qui sont apportées au projet de loi.

M. le Président, les articles 1, 12 et 14 du projet de loi 17 traitent de l'âge d'admissibilité à l'école. Il est question de l'âge d'admissibilité au préscolaire et au primaire, ainsi que du passage, en cours d'année, du préscolaire au primaire. L'âge d'admission demeure 5 ans au 1er octobre pour le préscolaire et 6 ans au 1er octobre pour le primaire. Le projet de loi retient la dérogation comme mode d'admissibilité des enfants de moins de 5 ans ou encore de moins de 6 ans au 1er octobre.

Le projet de loi propose de confier dorénavant aux commissions scolaires la responsabilité d'accorder une dérogation à l'âge minimum d'admissibilité, tout en accordant aux parents un droit d'appel auprès du ministre de l'Éducation. Le processus actuel, M. le Président, d'octroi d'une demande de dérogation laisse finalement peu de responsabilités décisionnelles aux commissions scolaires, ainsi qu'au personnel enseignant et non enseignant de leurs écoles. En vertu du processus actuel, un parent peut, s'appuyant sur un rapport fourni par un professionnel, un psychologue, demander au ministre d'accepter que son enfant soit admis avant l'âge prévu, soit en maternelle ou encore en 1re année. Le ministre, lui, s'appuie évidemment sur le dossier qui lui est préparé, généralement par la direction régionale, en collaboration avec la commission scolaire et les parents.

Le processus actuel minimise les possibilités de collaboration et de concertation entre les parents et les équipes-école. Pour moi, M. le Président, l'équipe-école est un vocable qui reviendra régulièrement et même souvent. Pour moi, l'école, c'est le véritable carrefour de l'éducation au Québec, ce qui réunit autour des mêmes objectifs nos enseignants et nos enseignantes au premier chef, parce que c'est elles et eux qui articulent, qui font vivre, somme toute, l'éducation quotidiennement dans leurs classes respectives. C'est aussi ces professionnels non enseignants qui sont là pour s'inscrire en support et en appui à la démarche éducative. Pour moi, l'équipe-école, c'est aussi, évidemment, l'ensemble du personnel qui est soit de soutien, soit au niveau de la direction de l'école.

Dans le plan d'action, tel que je l'évoquais il y a quelques minutes, que je rendrai public incessamment, nous entendons appuyer l'ensemble de nos démarches visant à augmenter et accroître la réussite éducative de nos enfants québécois sur l'équipe-école. Ce genre de forum dynamique, progressif, audacieux est susceptible de rallier autour d'objectifs communs bien campés et bien établis une démarche qui est fondamentale dans une société comme la nôtre.

Je reviens donc à cette équipe-école qui devra assumer une responsabilité, maintenant plus grande, qui était généralement assumée, jusqu'à maintenant, par le ministre de l'Éducation lui- même. En fait, M. le Président, la loi actuelle n'offre pas toutes les garanties que les meilleurs intérêts des enfants soient en tout temps préservés. Dans un premier temps, les décisions sur les demandes de dérogation sont prises en dehors du contexte de la vie des enfants, puisque c'est moi, comme ministre de l'Éducation, qui dois signer, approuver, ratifier ces demandes de dérogation. Puis, vous le savez, M. le Président, et mes collègues le savent, l'éducation, ce n'est pas au 15e étage du complexe G que ça se vit, ni au 600, rue Fullum, à Montréal. La loi actuelle donc, n'offre pas toutes les garanties qu'on agit dans les meilleurs intérêts de l'enfant. Les décisions ensuite sont prises, et celles qui sont prises ne garantissent pas que toutes les avenues de réponse de l'école ou du milieu aux besoins spécifiques des enfants ont pu être explorées et prises en compte. D'ailleurs, le processus actuel compte plusieurs étapes qui ne permettent pas d'assurer une réponse rapide aux besoins des enfants. (20 h 40)

Donc, les modifications qui sont ainsi proposées visent à faire en sorte qu'on puisse transférer aux commissions scolaires un pouvoir jusque-là réservé au ministre de l'Éducation, soit celui d'accorder des dérogations à l'âge minimum d'admissibilité. Le projet de loi vient également baliser l'âge minimum auquel un enfant pourra accéder à l'éducation préscolaire ou encore à l'enseignement primaire. Il faudra avoir cinq ans ou six ans, selon le cas, au cours de l'année scolaire pour laquelle une dérogation est demandée. Le projet de loi propose ainsi d'établir la possibilité de passage, par dérogation, d'un enfant du préscolaire au primaire qui a atteint l'âge de 5 ans au 1er janvier. Enfin, toujours pour garantir que l'occurrence d'une raison humanitaire ou que la possibilité d'un préjudice grave à un enfant ne saurait être minimisée ni sous-estimée, le projet de loi introduit aussi une possibilité, pour un parent, de faire appel auprès du ministre de l'Éducation, en cas de refus d'une commission scolaire d'accorder une dérogation que le parent estime fondée.

Le projet de loi, d'ailleurs, annonce une réglementation qui viendra définir les motifs sous-tendant une demande de dérogation ainsi que préciser les renseignements et les expertises devant accompagner une telle demande. Ces modifications législatives à l'âge d'admissibilité au préscolaire et au primaire visent fondamentalement à raffermir le lien entre l'enfant et l'école, à permettre aux personnes, les parents, les membres de l'équipe-école, qui ont la meilleure connaissance de l'enfant, parce qu'ils sont beaucoup plus près de cet enfant que le ministre de l'Éducation peut l'être, malheureusement... Le ministre de l'Éducation aimerait être le plus près possible des 1 400 000 élèves au Québec, mais tout le monde est unanime à constater que c'est impossible. Donc, le premier objectif vise à

raffermir le lien, la relation entre l'enfant et l'école, enfant-école-famille-équipe-école.

En corollaire, elle se situe dans le sens de la démarche ministérielle de décentralisation des pouvoirs vers les commissions scolaires, en leur proposant des responsabilités accrues et des marges de manoeuvre additionnelles. Par voie de conséquence, également, elles entendent, ces modifications, résorber les attitudes réfractaires de certains milieux à des décisions qui sont prises ailleurs, qui étaient prises jusqu'à maintenant au niveau ministériel, et ça, M. le Président, c'est proposer, pour le mieux-être de l'enfant, un mode nouveau de collaboration entre les parents et l'équipe-école.

Si on réfère maintenant au calcul de la taxe dans les cas de réunion ou d'annexion totale de territoires de commissions scolaires, on sait, M. le Président, qu'à l'heure actuelle on a adopté, au cours des derniers mois, pas moins de 18 décrets autorisant tantôt la cessation d'existence de commissions scolaires régionales, tantôt la réunion ou l'annexion de territoires de commissions scolaires. En procédant de la sorte, M. le Président, le gouvernement vient permettre une continuité plus harmonieuse des projets et objectifs éducatifs du primaire avec le secondaire. De même, en ce faisant, on leur a permis une plus grande rationalisation des ressources des commissions scolaires, qui va entraîner très certainement une meilleure qualité des services à nos enfants.

Je me rappelle fort bien, M. le Président, pour avoir analysé un certain nombre de dossiers, qu'il nous apparaît très clairement démontré que cette démarche d'intégration nous permettra, dans plusieurs cas, de récupérer rien de moins que des millions de dollars pour les affecter au bénéfice de nos élèves, dans le cadre des services éducatifs qu'on a à assumer. En effet, l'article 308 de la Loi sur l'instruction publique garantit à chaque commission scolaire, dans le calcul de ses revenus autonomes, un montant de base de 150 000 $. Dans les présents cas de changements organisationnels, ces montants de base seraient réduits de façon significative, si on n'intervenait pas par la présente loi.

À titre d'exemple, dans la Beauce, où 6 commissions scolaires en formeront une seule au 1er juillet prochain, les pertes à titre de revenus autonomes seraient de 750 000 $, soit 5 fois 150 000 $, comme revenu de base. Donc, les modifications proposées visent à permettre au gouvernement de déterminer par règlement les règles de majoration du montant de base relatif aux revenus autonomes, suite à une réunion ou encore à l'annexion totale de territoires de commissions scolaires ou suite à la cessation d'existence d'une commission scolaire.

Les modifications à ces articles permettent également au gouvernement de déterminer par règlement la période où il y a lieu à majoration du montant de base. Il est donc primordial que la

Loi sur l'instruction publique soit modifiée rapidement afin d'éviter de déstabiliser ou d'affecter la situation financière de ces commissions scolaires. Ces modifications permettront non seulement de leur garantir une meilleure autonomie, une meilleure marge de manoeuvre, mais également d'assurer le maintien et même l'amélioration de la qualité des services à nos enfants.

Concernant maintenant, M. le Président, les imprécisions ou le caractère plus ou moins clair des fameuses règles budgétaires, lors de divers échanges que j'ai eus ou que des représentants de mon ministère ont entretenus dans le cadre de cette démarche de comité conjoint ou de comité de travail avec les différents intervenants du milieu de l'éducation, lors aussi des rencontres portant sur le plan d'action, nous avons été à même de constater que la Loi sur l'instruction publique souffre de certaines imprécisions relativement au pouvoir dont je dispose pour établir des règles budgétaires annuelles. En conséquence, le gouvernement propose de modifier la loi de manière à clarifier ces imprécisions qui sont, plus souvent qu'autrement, d'ordre technique.

De plus, je vous signale, M. le Président, mon intention de déposer en commission parlementaire deux amendements à ce projet de loi. Ces amendements visent, d'une part, à habiliter les commissions scolaires à offrir les services d'enseignement ou de formation en dehors des périodes d'enseignement, exemple, les cours de rattrapage le samedi matin, exemple, des périodes pour les leçons et les devoirs, qui n'étaient pas autorisés en vertu de la loi actuelle. Plusieurs commissions scolaires au Québec offrent des cours de rattrapage. Or, l'ensemble des avis juridiques que j'ai obtenus nous démontre que les commissions scolaires qui le faisaient jusqu'à maintenant se trouvaient placées dans une situation d'illégalité. Moi, j'appelle ça de la délinquance créatrice, mais j'entends profiter de l'étude du projet de loi article par article pour apporter des modifications de façon à valider ces actions combien positives de la part d'un certain nombre de commissions scolaires au Québec.

Ainsi, M. le Président, ces amendements viseront à habiliter les commissions scolaires à offrir des services d'enseignement ou de formation en dehors des périodes d'enseignement et, d'autre part, ces modifications viseront à leur permettre d'exiger une contribution financière pour l'organisation de ces services. Ces amendements contribueront, eux aussi, à assurer une plus grande autonomie aux commissions scolaires désireuses d'offrir de tels services aux personnes qui leur en feront la demande.

Si on se réfère, M. le Président, enfin, et je termine là-dessus, à l'entrée en vigueur du projet de loi, la présente loi entrera en vigueur dès son adoption, de telle sorte que les modifications introduites, à l'exception de celles relatives

à la dérogation de l'âge d'admission, seront applicables en 1992-1993, et tout le volet des dispositions portant sur les dérogations à l'âge d'admission s'appliqueront à compter de septembre 1993. Ce délai vise à permettre aux commissions scolaires de se donner les mécanismes, les outils nécessaires pour remplir adéquatement leurs nouvelles responsabilités. Elles visent aussi à ne pas perturber le processus d'admission des élèves pour l'année 1992-1993, qui commencera en septembre prochain, qui est en cours déjà depuis au-delà de deux mois.

Alors, en terminant, M. le Président, permettez-moi de souligner ici la contribution et l'intérêt des commissions scolaires qui sont à l'origine de la plupart des modifications que contient le projet de loi 17, et qui sont maintenant proposées pour adoption à l'Assemblée. Par ces modifications que j'espère voir adopter avant la fin de la présente session, la Loi sur l'instruction publique se trouvera améliorée dans le meilleur respect des droits des élèves. Et ça m'apparaît fondamental, nécessaire de le dire, de le réitérer et de le formuler continuellement: On doit recentrer chacune de nos interventions autour et en fonction de l'élève, c'est lui qui constitue, évidemment, notre avenir. Ces modifications aussi vont dans le sens d'un engagement que nous avons pris comme gouvernement, que nous sommes à mettre en oeuvre par des mesures comme celles proposées, c'est-à-dire reconnaître l'autonomie des commissions scolaires et tout faire, faire le maximum pour pouvoir décentraliser nos décisions de façon à rapprocher le plus près possible de l'élève la décision qui le concerne directement. Merci, M. le Président. J'invite donc mes collègues à voter en faveur du principe du projet de loi que je vous propose. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre de l'Éducation. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion du ministre de l'Éducation proposant l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Je reconnais maintenant M. le député d'Abitibi-Ouest, leader adjoint de l'Opposition officielle et critique en matière d'éducation. Je vous rappelle, M. le député, que vous disposez d'une période de 60 minutes. Allez-y, M. le député. (20 h 50)

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je voudrais d'abord, d'entrée de jeu, indiquer au ministre de l'Education qu'il m'apparaît exact qu'il s'agit de quelques modifications, à certains égards, intéressantes, à d'autres égards, un peu moins - au niveau du chapitre des dérogations, on y reviendra - mais globalement, l'esprit de ces modifications-là est dans le sens d'améliorer la Loi sur l'instruction publique, laquelle vieille loi a été profondément et largement modifiée par la loi 107.

Je vais y aller tout de suite, parce que j'ai peur que l'ex-ministre de l'Éducation nous quitte. C'est son droit le plus strict et il a peut-être des obligations ailleurs. Mais j'écoutais attentivement le ministre et ma pensée a été obligée de s'arrêter parce que je voyais le député de Sauvé, le député de Rimouski, le député de Sherbrooke, le député de Saint-Louis qui étaient ici et l'ex-titulaire, aujourd'hui ministre des Affaires municipales et de la Sécurité publique, qui se faisait un ardent défenseur, entre autres, des articles 268, 269 et autres. Or, aujourd'hui, le ministre de l'Éducation de la même formation politique vient nous dire: Non seulement je ne les modifie pas, mais ça n'avait tellement pas de bon sens que je les abroge. Je les abroge, ces articles-là.

Je voyais souvent les silencieux appuis du côté ministériel, qui ne disaient pas un traître mot, comme c'est la pratique habituelle en commission, mais qui m'écoutaient pendant des heures en se disant combien ça n'avait pas de bon sens que j'indique au ministre de l'Éducation qu'il se faisait dire par la Fédération des commissions scolaires qu'il s'agissait probablement du projet de loi le plus centralisateur qu'on n'avait jamais vu dans les 25 dernières années. Qui disait ça? M. d'Anjou, avec qui j'ai eu de bonnes relations, mais un copain, un ami du régime en place, un ami de l'ex-titulaire de l'Éducation, un libéral notoire - je n'ai rien contre ça, c'est son droit le plus strict - qui était obligé de venir nous dire en commission: C'est du jamais vu. C'est profondément centralisateur. Alors, ça me faisait rire parce que je suis convaincu qu'aujourd'hui les mêmes personnages, que ce soit le député de Sherbrooke, le député de Sauvé, le député de Saint-Louis, vont voter allègrement avec le ministre de l'Éducation d'aujourd'hui, mais ça va être pour poser exactement le geste contraire qu'ils posaient il y a deux ans avec la souveraineté suprême, dans le sens que l'ex-titulaire n'était pas censé faire d'erreur en éducation. C'était le maître à penser et, en conséquence, même si on lui disait que c'était très centralisateur, évidemment, nous étions dans les patates, nous ne savions pas lire. C'est nous qui ne comprenions pas. Ce n'était pas ça, le vrai problème, la vraie réalité. Alors, certains ont déjà dit: D'autres jours, d'autres façons de faire.

Mais je vais en venir plus précisément au projet de loi. Le ministre de l'Éducation, dans le fond, ce qu'il nous indique, M. le Président, c'est qu'il vient modifier la Loi sur l'instruction publique et, très sincèrement, je le dis d'entrée de jeu, afin d'assouplir des contrôles exercés tantôt par le ministre, tantôt par les commissions scolaires elles-mêmes, mais, pour la plupart des modifications, c'était sur des pouvoirs et des

fonctions qui n'auraient presque jamais dû être attribués en exclusivité au 15e étage du G ou au 600, rue Fullum. Ça fait gentil, aujourd'hui, de venir en Chambre et de dire, écoutez - là, je cite au texte, le ministre actuel de l'Éducation: II ne faut pas penser que les meilleures décisions en éducation se prennent toujours au 15e étage et au 600, rue Fullum. C'est drôle, c'étaient mes arguments avec l'ex-titulaire, pour lui dire: Pourquoi faut-il que tout vous passe dans les mains? Pourquoi pensez-vous que, s'il y a quelque chose, quelque part, qui ferait qu'une décision se prend, dont vous n'avez pas pris connaissance, elle serait inadéquate, inopportune, elle ne correspondrait pas au bien de l'élève? C'est quoi, cette thèse-là, de tout voir, de tout toucher, de tout palper et d'avoir la conviction que, si vous ne prenez pas connaissance de tout, l'éducation s'arrête, les commissions scolaires ne fonctionnent plus et il n'y a plus moyen d'opérer? C'était ça, la thèse. Là, bien, le même gouvernement, la même équipe libérale vient nous dire aujourd'hui...

Avez-vous remarqué comment le ministre de l'Éducation a commencé son projet de loi? Il a dit: Moi, depuis que je suis titulaire, j'ai eu beaucoup d'échanges. Il a employé l'expression «de multiples échanges avec beaucoup de monde». Je suis porté à lui donner raison là-dessus, parce qu'il y a tellement de choses qu'il nous a annoncées qui devraient être en vigueur depuis des mois et des mois, et qu'on attend toujours; entre autres, le plan de réussite scolaire pour contrer le phénomène grave du décrochage. Je me rappelle, quand il avait annoncé ça, le 6 septembre 1991 - bientôt un an - le 6 septembre 1991, j'étais très heureux, sincèrement, d'entendre un ministre de l'Éducation, au Québec, qui disait: Écoutez, ça n'a pas de bon sens qu'il y ait 36 %, 37 % ou 40 % de nos jeunes qui n'aient même pas un diplôme de secondaire V pour envisager l'avenir. Ce bel avenir, selon eux, dans une Constitution dont on voudrait se débarrasser - mais ça, c'est un autre point de vue - pour être en mesure de faire face au libre-échange, de faire face à la mondialisation, de faire face aux défis internationaux, à la compétitivité, toutes des belles notions qui exigent minimalement un secondaire V.

Et là, ces gens-là nous disaient que c'était grave, urgent, que ça n'avait pas de bon sens; le même ministre annonçait ça en septembre, puis, au moment où on se parle, à part d'avoir vu un chiffre budgétaire dans le discours du budget du toujours souriant et jovialiste député de Bona-venture, ministre des Finances, on n'a pas grand-chose à se mettre sous la dent concrètement. Moi, il y a des gens qui m'appellent, ils disent: C'est quoi, M. Gendron, le plan de réussite scolaire pour contrer le phénomène du décrochage? Eh bien, je leur dis: Écoutez, c'était février, c'était mars, c'était avril, c'était mai... À un moment donné, c'était avant le budget; à un moment donné, c'était après le budget. Après le budget, il a dit: II faut que j'attende la négociation avec la CEQ. Après la négociation avec la CEQ, je ne sais pas ce qu'il attend. Probablement la fin de l'année scolaire, mais il ne vient toujours pas.

Alors, pour revenir à mon propos, le ministre dit: Moi, j'ai consulté des gens, j'ai eu de multiples échanges, puis, là, je me suis rendu compte qu'il y avait des préoccupations en éducation qui étaient centrées sur l'élève: les apprentissages, le décrochage, la sous-alimentation. Je me suis rendu compte qu'il y en avait d'autres qui étaient centrées sur les enseignants - les personnels qu'on appelle ou les professionnels - d'autres sur les parents, d'autres sur les administrateurs. J'ai un problème, M. le Président, c'est que j'ai de la difficulté à comprendre pourquoi ça requérait tant d'échanges pour convenir que c'est bien sûr qu'en éducation il y a un certain nombre de problèmes qui, à leur face même, M. le Président, dans certains cas, trouvent leur point d'origine au niveau des préoccupations qui sont plus centrées sur les élèves. Dans d'autres cas, c'est bien sûr les personnels, dans d'autres cas, c'est les parents, puis, dans d'autres cas, c'est les administrateurs scolaires.

Mais ce qui m'a frappé, c'est qu'il concluait ceci comme première note d'entrée et, encore là, je le cite au texte: Constatant l'acuité des problèmes observés... Est-ce qu'il n'était pas membre du même gouvernement? Est-ce que ce gouvernement-là, malheureusement pour bien des éléments de la société québécoise, ça fait trop longtemps qu'il est là? Le gouvernement est élu depuis 1985 et là le ministre de l'Éducation, aujourd'hui, dit: Constatant l'acuité des problèmes observés... Puis, ça prend sept ans avant de bouger. Est-ce qu'on bouge d'une façon majeure? Est-ce qu'on bouge d'une façon significative? Est-ce que c'est des modifications en profondeur pour aller dans le sens souhaité par la Fédération des commissions scolaires, pour aller dans le sens de n'importe quel observateur le moindrement au courant de la situation éducative au Québec, à savoir qu'il y a davantage de décisions qui risquent d'être plus efficaces, efficientes pour l'élève, si elles sont prises à un niveau où, effectivement, la connaissance du milieu, des besoins et des particularités est mieux adaptée et plus évidente quand il s'agit de décideurs locaux? Ça, il me semble que c'est une vérité de La Palice, à moins d'être centralisateur abusivement, comme, en tout cas, l'ex-titulaire l'était comme ce n'est pas possible.

Il me semble qu'on n'avait pas besoin de virer le monde à l'envers pour tenir compte de ces réalités, et ça a pris bien du temps au ministre actuel. Je reconnais qu'il a voulu faire bouger beaucoup de choses, qu'il a voulu changer beaucoup de choses. Comme il avait affaire à un gouvernement qui n'est pas habitué à bouger, qui

n'est pas habitué à prendre des décisions, surtout avec un ex-titulaire qui possédait le contrôle total et la vérité totale absolue sur tout, y compris l'ensemble des créneaux en éducation, probablement qu'il ne devait pas y avoir de problème au Conseil des ministres si jamais l'ex-titulaire voulait rappeler certaines velléités de changer quelque chose. Ça doit être ça qui explique que ça a pris tant de temps. Mais est-ce qu'on vire, comme je l'ai dit tantôt, la cabane à l'envers, M. le Président? La réponse, c'est non. (21 heures)

Je n'ai pas l'intention, parce que le temps est précieux, de reprendre élément par élément. Mais le ministre a touché assez adéquatement à ce qu'il a appelé les principaux items de son projet de loi, en nous disant: Bon, eh bien, il y a quelques articles qui se rapportent au budget. Il y a quelques articles qui vont toucher les immobilisations scolaires. Il y a quelques dispositions d'articles qui vont toucher l'âge de l'admission à l'école et toute la dimension des dérogations concernant le préscolaire et la capacité, lorsqu'un jeune a atteint cinq ans révolus le 1er janvier, d'envisager d'accéder au niveau de la première année du premier cycle de l'élémentaire. Ça, on appelle ça le régime des dérogations. Il y a également des dispositions concernant les règles budgétaires, et il y a toute la question de la problématique de l'acquittement des biens.

Donc, le ministre a assez bien résumé son projet de loi. Je n'ai pas l'intention de revenir sur chacun des éléments. Je vais plutôt y aller de commentaires un peu plus généraux, et après ça, j'y irai d'une appréciation plus serrée sur quatre ou cinq éléments. Il faut rappeler, M. le Président, que ce projet de loi s'inscrit dans un contexte d'une demande constante et constamment répétée et reprise, parce que ça a l'air à être la seule façon de reprendre, c'est-à-dire de remettre vingt fois sur le métier le même message ou le même ouvrage avec ce gouvernement-là. Ils finissent par avoir un minimum d'écoute, et dans ce sens-là, c'est un projet de loi qui s'inscrit dans un contexte de mini-décentralisation de pouvoirs en éducation, réclamée par le milieu au moins depuis sept ans. Le milieu en réclamait probablement davantage depuis plusieurs années. Pourquoi je pars de sept ans? C'est que la grande modification à la Loi sur l'instruction publique, c'est quand même l'ex-titulaire qui a décidé de la faire. C'est dans ce sens-là qu'il y a eu un renforcement sans précédent, M. le Président, de plusieurs articles qui, à leur face même, auraient dû avoir une responsabilité beaucoup plus décentralisée.

D'ailleurs, la Fédération des commissions scolaires, récemment, M. le Président, a fait porter son congrès sur quel thème? Elle l'a fait porter sur le thème de la décentralisation, et elle a indiqué au ministre de l'Éducation, qui a été présent à quelques reprises à ce congrès-là, à cette assemblée générale annuelle, qu'elle trouve la bureaucratie monstrueuse. Je trouvais curieux d'entendre au «Téléjournal», si ma mémoire est bonne, le ministre de l'Éducation qui disait: Êtes-vous au courant, là? Il s'adressait, bien sûr, à l'ensemble des intervenants de la Fédération des commissions scolaires. Il disait: Êtes-vous au courant qu'au cours de cette année je vous ai envoyé, si ma mémoire est bonne, au-dessus de 750 instructions, missives. C'est le ministre de l'Éducation! En voulant dire: Ce que j'ai fait, vous savez bien que ça n'a pas de bon sens. Vous savez bien que ce n'est pas de même que ça devrait marcher.

Il s'adresse à ces gens-là, et puis il dit: Bon, bien écoutez, ce n'est pas la voie... Je comprends, le thème du congrès de la Fédération, c'est: On est tanné de votre bureaucratie monstrueuse. Brassons moins de papiers et occupons-nous de l'essentiel, l'enfant, a lancé hier la présidente de la Fédération des commissions scolaires du Québec, Mme Diane Drouin. On ne peut pas lui en vouloir. Il semble que ce qu'il y a de plus fondamental en éducation, c'est l'élève. Si on ne part pas de l'élève, on a des problèmes de compréhension des actions qu'on doit poser. là, vous avez une série d'articles: pagé élargira les pouvoirs des commissions scolaires. on y reviendra tantôt parce qu'à un moment donné il s'est écartelé un peu trop. il s'est écartelé pas mal parce qu'élargir le pouvoir des commissions scolaires, on ne peut pas tout chambouler le système. c'est tellement vrai que, dans un sondage, il y a quand même 40 % des commissions scolaires qui ont dit wo, wo, wo, là! revenir à une négociation locale pour tout, pour l'ensemble de la négociation, c'est exagéré. revenir à toutes sortes de situations de déséquilibre ou de disparités au niveau de l'éducation au québec, c'est quelque chose qui ne répondrait sûrement pas aux exigences d'une société moderne, mais qui a une responsabilité de s'assurer, de maximiser la chance égale à qui que ce soit, peu importe son milieu, ses origines, peu importe sa situation financière ou celle de ses parents.

Michel Pagé veut sortir l'éducation de la paperasse administrative. Donc, je ne veux pas être plus long là-dessus. Je viens d'indiquer, M. le Président, que, oui, les commissions scolaires ont accepté de relever le défi de la décentralisation, mais elles ont ajouté: sous réserve, toutefois, d'une réforme équitable de la fiscalité. Puis on pourra en parler lors d'un autre débat, parce que je ne peux pas tout faire ce soir.

Mais je voulais juste vous indiquer, d'entrée de jeu, que la Fédération des commissions scolaires catholiques du Québec avait décidé de faire porter son assemblée générale sur une réalité objective, en disant à M. le ministre de l'Éducation: Si vous voulez refaire de l'éducation une priorité au Québec, il ne s'agit pas uniquement d'avoir le discours. Il ne s'agit pas uniquement de poser certains gestes qui vont dans ce

sens-là. De temps en temps, ça prend ce que j'appelle une réalité législative d'une instruction qui démontre que le titulaire de l'éducation au Québec concrétise cette belle prétention que, pour lui aussi, le moment est venu de prendre le virage d'une véritable décentralisation et d'un plus grand respect des pouvoirs locaux.

Lors de cette assemblée, les commissions scolaires ont défini le cadre de décentralisation à négocier avec le gouvernement, en lui servant cependant une sérieuse mise en garde. La présidente a en effet insisté sur le fait que tout transfert de responsabilités ne devrait pas prendre, M. le Président, l'allure du pelletage improvisé de factures que ce gouvernement a servi au monde scolaire et au monde municipal, au cours des dernières années.

On est au courant. On sait qu'est-ce qu'ils ont fait avec le monde rural. D'accord ou pas d'accord, voici votre coût de factures pour la Sûreté du Québec. Qu'ils en aient besoin ou pas, que vous ayez une incidence de criminalité ou pas, ça, ça ne nous préoccupe pas. Voici la facture. Même chose pour la voirie tertiaire. Qu'il y ait déséquilibre, qu'il y ait une municipalité qui ait cinq petits ponts, cinq gros ponts, l'autre qui n'en a pas, on s'en fout. Les chemins, c'est à toi. Comme si ce n'est pas le Québec qui avait décidé de coloniser les régions du Québec. C'est le Québec qui a pris cette décision-là, de coloniser les régions du Québec.

Pourquoi je rappelle ça? C'est justement... On dit: Chat échaudé craint l'eau froide-Chaude? Chat échaudé craint l'eau froide. Non, non, M. le Président, induisez-moi pas en erreur. Je suis convaincu que j'avais bien cité l'adage populaire.

Une voix: Je m'excuse.

M. Gendron: Alors, je poursuis en disant que les commissions scolaires se sont fait avoir dans le transfert des équipements scolaires, et les municipalités se sont fait avoir à plusieurs égards. Donc, au congrès, la Fédération a avisé ce gouvernement-là et le ministre de l'Éducation: Ça va faire. On veut bien assumer plus de responsabilités, mais on ne veut pas juste des coups de pelle sans regarder où on garroche la neige. Et là, l'entrée du garage est pleine, puis on dit aux gens: Qu'est-ce qui se passe dans le garage? Plus moyen de voir, on l'a bouché.

Alors, dans ce sens-là, le message a été on ne peut plus clair. Une consultation récente, d'ailleurs, menée auprès des membres de la Fédération avait confirmé ce postulat que ces gens-là étaient aptes à assumer plus de responsabilités, mais à condition qu'on respecte certaines balises. Cette consultation avait également permis, M. le Président, d'identifier d'autres prérequis essentiels à la décentralisation. À titre d'exemples: le maintien de la qualité des services éducatifs de base sur l'ensemble du territoire, une formule de péréquation adéquate pour assurer l'équité entre les régions et un transfert graduel des pouvoirs décisionnels afin de maintenir une qualité constante de services.

Rapidement, ces éléments-là, ça veut dire qu'une décentralisation, ça a, règle générale, des bons effets. Mais ça n'a pas tous les mérites, si on ne tient pas compte qu'on ne peut pas faire toujours du mur à mur, M. le Président. On ne peut pas appliquer les mêmes politiques tous azimuts et avoir la conviction que ça va toujours faire, que ça va toujours s'arrimer, parce que le Québec de base n'est pas du même tissu social, économique que celui des grandes villes. (21 h 10)

Je le connais, le Québec de base, et le Québec des régions, et, en conséquence, M. le Président, si on n'a pas de formule de péréquation pour venir rééquilibrer, à certains égards, des disparités, il me semble que c'est se soustraire à sa responsabilité de gouverner adéquatement en se gardant des mécanismes de redistribution plus équitables de la richesse, d'un meilleur partage sur l'ensemble des territoires, et de faire attention, dans certains transferts d'enveloppes, de ne pas accentuer ces écarts. Règle générale, on parle, quand on parle comme ça, d'une formule de péréquation pour rééquilibrer.

On doit se demander si le projet de loi 17 vient répondre à toutes ces attentes du milieu. Je peux bien poser la question trois fois, mais la réponse, elle va venir rapidement, et vite, c'est non. Le projet de loi 17 ne vient pas répondre à l'ensemble des attentes du milieu, et j'ai trouvé honnête le ministre de l'Éducation de dire, dans sa présentation: II s'agit d'un aboutissement partiel à l'objectif de simplifier, d'assouplir, de responsabiliser davantage les élus locaux. Force nous est de constater qu'il le fait en partie, mais que d'autres efforts devront cependant être consentis pour y arriver, notamment au niveau des communications entre le ministère et le réseau scolaire, et ça, pas toujours, comme le ministre le disait lui-même, par paperasse, par instruction, pour éviter que l'an prochain il aille les voir et dise: Ça a changé beaucoup; au lieu de vous avoir envoyé 800 instructions cette année, je vous en ai envoyé 750. On ne sera pas vraiment plus avancé si le ministre reste dans ce climat-là. Jusqu'à date, je pense qu'il n'est pas dans cet esprit-là, contrairement à l'ancien titulaire. Il y a donc, à cet égard, nécessité d'assouplir davantage les contrôles du ministère, de réviser les mécanismes et les processus régissant la réglementation, les nombreuses instructions et les directives administratives de même que les informations et les nombreux rapports demandés au réseau, parce qu'on continue à demander de nombreux rapports au réseau de l'éducation.

C'est évident qu'il faudra consentir des énergies additionnelles également afin d'amélio-

rer, quand bien même ce ne serait que la compréhension des règles budgétaires qui sont complexes, difficiles, alambiquées à bien des égards. Et il n'y a à peu près personne qui ne se plaint pas de la complexité des règles budgétaires. On peut également, quant à nous, signaler notre inquiétude quant aux propos tenus par le ministre dans une entrevue accordée au Devoir. Dans cette entrevue-là... C'est là que j'avais mentionné, tantôt, que le ministre de l'Éducation s'était largement écartelé en disant qu'il accorderait des pouvoirs accrus aux commissions scolaires. Mais dans l'édition du 30 mai où le Devoir rapportait ses propos, il se réfère à un éventuel élargissement de l'assiette fiscale en faveur des commissions scolaires. Je ne peux pas faire un long débat là-dessus, parce qu'on aura probablement d'autres occasions de le faire.

Mais qu'est-ce que ça veut dire, M. le Président, pour un ministre de l'Éducation, surtout quand il fait partie du Parti libéral? On connaît ces gens-là à leurs actions passées. Il voudrait avoir un État le plus petit possible, le plus rapetissé possible, le moins interventionniste possible, peu importe le secteur dans lequel la problématique se pose. Moi, je ne peux pas accepter qu'en éducation on pense qu'on doive revenir aux années vingt en créant des disparités, des déséquilibres et en ne concevant pas que, si notre modernité ne nous permet pas d'assumer, comme État, l'ensemble des coûts au niveau du primaire et du secondaire, on fait partie d'une société régressive, malade, mal gérée, en difficulté, où les priorités ne sont pas à la bonne place. On ne peut pas avoir des beaux discours, recentrer l'école au niveau de l'élève, s'assurer que, de plus en plus, l'éducation au Québec soit une priorité, et avoir de beaux discours comme le ministre en a eus dernièrement en disant: Écoutez, on va regarder ça et on va élargir l'assiette fiscale. Comme si on pensait qu'on peut constamment jouer dans l'assiette fiscale et qu'il y aura toujours de la place, au niveau du contribuable, pour contribuer davantage, sans lui retourner des points d'impôt ou sans lui accorder des dégrèvements fiscaux.

Ce même gouvernement qui veut dire: On va regarder la possibilité d'élargir l'assiette fiscale au monde scolaire, il sait que le municipal l'utilise abondamment; lui-même, comme gouvernement, il l'utilise très abondamment avec la taxe de vente, la TPS, les pompages de taxes de ce gouvernement-là pour au-delà de 3 000 000 000 $ au cours des dernières années, même s'il se gargarise constamment: Ah! on n'a pas touché au contribuable. Voyons donc! Allez au restaurant, il vous a touché. Allez vous habiller, il vous a touché! Allez vous laver, il vous a touché! Allez chez le notaire, il vous a touché! Allez chez l'avocat, il vous a touché! Des souliers, il vous a touché! Des meubles, il vous a touché!

Quelle hypocrisie, quelle hypocrisie de penser... Non, le contribuable québécois, avec les rouges, les impôts n'ont pas augmenté. Voyons donc! D'abord, il n'y a plus personne qui travaille... dans bien des régions, 35 %, 40 % de chômeurs. Que tu poses n'importe quel geste de société de consommation, tu vas te faire «clen-cher». Tu te fais «clencher» par des politiques budgétaires de ce gouvernement-là. Donc, vous repasserez, vous repasserez avec votre belle théorie que vous n'avez pas touché aux contribuables. Voyons donc! En tout cas, lui, il se sent touché drôlement quand je le vois, le lundi, dans le bureau de comté.

Alors, je ne veux pas m'étendre là-dessus trop longuement, mais c'est quoi, le signal que vous venez de donner, M. le ministre de l'Éducation, par l'entremise du président de cette Chambre? C'est un autre signal de désengagement de l'État envers ses responsabilités en matière de financement de l'éducation. Le financement de l'éducation au Québec est une responsabilité de société, de gouvernement, d'État responsable. On ne peut pas constamment rejouer avec ça en disant: Vous en voulez un peu plus d'éducation dans votre milieu, vous paierez davantage. Je ne crois pas... On peut exiger davantage de qualité, M. le Président, en éducation - ça, j'espère qu'on va le faire à un moment donné, le débat - mais je ne crois pas que notre seule règle, pour qui que ce soit qui intervienne en éducation, ça soit celles et ceux qui se préoccupent constamment d'améliorer la qualité des gestes éducatifs, la qualité des apprentissages, la qualité de la rétention à l'école le plus longtemps possible, la motivation des jeunes à performer, la motivation des jeunes à rester à l'école, à réussir et à ce que l'école soit de moins en moins ennuyante. Ça, c'est nos responsabilités, qui que nous soyons, qui discourons sur des matières éducatives.

Cependant, pour ce qui est des dispositions administratives, parce que je voudrais toucher quelques remarques particulières d'une façon un peu plus exhaustive, c'est les modifications apportées. Ce sont des modifications qui, dans l'ensemble, nous apparaissent acceptables. On aura des réserves sur certaines d'entre elles, on questionnera davantage lors de l'étude article par article. Mais, moi, je n'ai jamais eu deux discours, M. le Président et je ne peux pas parler des deux côtés de la bouche. Lorsque je disais de l'ex-titulaire qu'il avait des dispositions réglementaires d'une centralisation abusive... Puis, aujourd'hui, on vient abroger les articles sur lesquels je disais: Ça n'a pas de bon sens. Je ne pourrai pas dire aujourd'hui que ça n'a pas d'allure parce que c'est un autre titulaire qui les présente. Voyons donc! Alors, je vais dire au ministre de l'Éducation actuel: Vous êtes sur la bonne voie. Vous êtes dans la bonne ligne de décentralisation minimale des responsabilités qui n'auraient jamais dû être au 15e, qui n'auraient jamais dû être au 600, rue Fullum. Alors, comme

vous restaurez, d'une certaine façon, la logique des choses, bien, on va être d'accord pour ce bout-là.

Le projet de loi introduit quand même des modifications substantielles au niveau d'une pratique, qui, encore là, grandit avec l'arrivée des libéraux au pouvoir, mais surtout de la sagesse pontificale, en éducation, où on a décidé, d'une façon presque abusive, d'instaurer un régime de dérogation. Le projet de loi 17 vient apporter une modification au régime des dérogations scolaires. On va regarder ça un peu plus concrètement parce que ce n'est pas une mince affaire. Ce n'est pas une mince affaire de dire: Ce qui se faisait, d'une façon de plus en plus importante et abusive au 15e étage, dorénavant, va se faire à un niveau où la connaissance de l'élève est meilleure. Là-dessus, je pense que le ministre avait raison, je n'ai pas le temps de chercher sa citation, mais il avait raison, il disait: Je ne connais pas ces élèves, moi. Donc, pourquoi c'est moi qui attribuerais, au 15e étage, des dérogations? Sur la base de cette logique, je ne peux pas être en désaccord parce qu'il m'ap-parait que c'est plus logique que ces décisions se prennent le plus proche possible du lieu, du vécu et de la connaissance que «des personnels» professionnels, enseignants et autres peuvent avoir des sujets concernés, c'est-à-dire des élèves. Mais là où j'ai un drame, c'est que la logique demeure la même. On instaure des règles et on se donne des mécanismes pour les contrer. On appelle ça d'un mot scientifique, intéressant, un noble mot qui veut dire: On va y déroger par des pratiques écrites. On appelle ça des dérogations. (21 h 20)

Je veux vous rappeler au moins que, chez nous, l'Opposition officielle, le Parti québécois, on a toujours eu à peu près le même discours là-dessus. Je voudrais citer quelques points de vue qu'on émettait sur les dérogations. La décision du ministre de l'Éducation de multiplier les dérogations à l'âge d'admission a créé un véritable fouillis dans le milieu scolaire et rencontre une opposition quasi unanime chez les intervenants concernés. La politique gouvernementale est mauvaise et doit être corrigée dans les meilleurs délais, a déclaré aujourd'hui le porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation et député d'Abitibi-Ouest, M. François Gendron. Le «aujourd'hui», c'était le 15 mars 1989!

Il y a d'autres intervenants qui nous disaient: La nouvelle formulation de la directive a créé des complications, et on pense toujours qu'il y a des dangers à accorder indûment des dérogations puisque le ministre lui-même, dans une étude que son ministère a conduite, a conclu que, lorsqu'un certain nombre de jeunes sont admis trop rapidement à l'école, ils se placent en situation d'échec scolaire potentiel plus que ceux qui sont admis lorsqu'ils ont l'âge requis.

Donc, multiplier le nombre de dérogations,

M. le Président, a comme conséquence grave de placer plus vite un plus grand nombre de jeunes dans des situations potentielles d'échec. Dans ce sens-là, il me semble que c'est une pratique, qu'il faut s'assurer que les règles auxquelles cette pratique sera assujettie soient des plus claires, des plus justes, des plus précises et n'ouvrent pas la porte à des hémorragies de dérogations. Ce n'est pas pour rien que la CEQ a réagi avec beaucoup de scepticisme et de doute en disant: Avant de confier cette responsabilité aux commissions scolaires ou au niveau de l'école, il va falloir être bien certain des balises que le ministre voudra donner.

À ce sujet-là, je lui avais indiqué qu'avant de se compromettre sur le fond du projet de loi, je voulais apprécier le règlement auquel il fait référence parce que, dans son projet de loi, il dit que les dérogations scolaires seront assujetties à un règlement que lui-même se donne l'opportunité de baliser, de rédiger et de préciser. Alors, moi, si je ne vois pas le règlement concernant la façon de procéder pour les dérogations scolaires, je ne suis pas plus avancé qu'avant. Je ne suis pas plus avancé qu'avant, puis je ne peux pas me prononcer sur le principe. Est-ce qu'on va multiplier les dérogations? Bien, ça dépend des règles. Ça dépend des balises. Ça dépend du règlement auquel le ministre va assujettir les commissions scolaires, Puis, là, au moment où je vous parle, M. le Président, je ne l'ai pas vu. Je ne l'ai pas vu. Je n'ai aucune idée des règles qui vont régir cette pratique. Quant à nous, très, très sincèrement, on préférerait de beaucoup l'instauration d'une mesure universelle, soit le report de la date d'admission à l'âge scolaire, à défaut de quoi on devrait, à tout le moins, prioriser davantage les jeunes de milieu défavorisé, dont les recherches prouvent qu'ils ont besoin de stimulation précoce au profit des élèves doués, à qui profite particulièrement l'actuel système de dérogation.

On ne peut pas, dans une société, avoir toujours un système qui nous conduit à la même place, à savoir qu'on le sait que les plus doués ont plus d'avantages, plus d'opportunités et plus de capacités. On est conscient de ça, puis on établit des règles pour renforcir ou développer davantage cette situation-là.

Une voix: Renforcer.

M. Gendron: Renforcer cette situation-là. Ça n'a pas de bon sens, M. le Président! Ça n'a pas de bon sens! Il faut s'assurer de temps en temps d'avoir des gestes et des règles qui permettent d'améliorer la situation chez celles et ceux où on a décelé qu'ils avaient besoin de plus de support, qu'ils avaient besoin de plus d'entraînement, d'initiatives. On appelle ça, dans le jargon scolaire, la stimulation précoce pour des jeunes qui, malheureusement, sont nés dans des poches de pauvreté ou dans des milieux défavo-

rises. Quand on sait qu'un ministre de l'Éducation est obligé, dans ses budgets, d'avoir 10 000 000 $, 15 000 000 $, 20 000 000 $ pour l'alimentation de leur ventre avant de penser d'alimenter leur esprit, ça vous donne une idée, M. le Président, combien il y a de jeunes qui sont placés dans des situations difficiles d'apprentissage. Et ça, il est urgent de corriger ça.

Donc, sur la dérogation, on doit être d'une prudence de Sioux. On va être d'une prudence de Sioux. On va regarder le règlement attentivement et on va se prononcer, à un moment donné, M. le Président. Mais, pour l'instant, je ne trouve pas que le ministre nous a donné les garanties que nous sommes en droit d'exiger.

Sur les fonctions et pouvoirs reliés aux ressources matérielles, la commission scolaire n'aura plus à obtenir l'autorisation du ministre pour acquérir, construire, agrandir, aménager ses immeubles, ni faire approuver les plans et devis. Je veux dire juste une phrase. Je me rappelle, encore là, ce qu'on disait à l'ex-titulaire. On disait: Oui, mais écoutez, là, s'ils veulent juste faire une réparation mineure, s'ils veulent juste... Parce que agrandir et aménager, dans certains cas, c'est mineur. Un aménagement ou un agrandissement, ça peut être mineur. Vous ne trouvez pas qu'à partir du moment où vous voulez confier une responsabilité, déléguer, vous dites dorénavant aux commissions scolaires: Je vous fais confiance, c'est vous qui aurez la responsabilité d'administrer ça, et que passer son temps à remonter au 15e ou à 600, rue Fullum, ça ralentissait drôlement le processus, ça l'alourdissait, au moins en timbres et en envoi postal de toute nature et en réplique? On envoie quelque chose, le ministère prend quatre, cinq mois à regarder ça, il retourne ça, puis il ne comprend pas et il demande des explications additionnelles. Quatre mois plus tard, on fournit des explications additionnelles, mais la construction n'est toujours pas autorisée, l'agrandissement n'est toujours pas autorisé, l'aménagement n'est toujours pas autorisé. Donc, c'est évident qu'à cet article-là, à sa face même, il y avait abus. Il y avait abus de système. Bon, elle devra, par contre, attendre l'avis du ministre avant d'effectuer les travaux nécessitant l'élaboration de plans et devis. Ça, je trouve ça légitime. On peut donc se demander si une commission scolaire pourrait compromettre un projet ou le retarder dans l'attente de l'avis du ministre, mais on regardera, lorsqu'on étudiera article par article, s'il n'y aurait pas lieu d'instaurer la notion de délai raisonnable.

Quant aux fonctions et aux pouvoirs relatifs aux ressources financières, les commissions scolaires et le conseil ne seront plus tenus de faire approuver par le ministre leur budget annuel de fonctionnement, d'investissement et de service de la dette, ni d'obtenir du ministre une autorisation pour adopter un budget qui prévoit des revenus supérieurs aux dépenses, donc des surplus. On maintient, cependant, celles relatives au déficit, ce qui est tout à fart compréhensible; compréhensible au niveau du déficit, logique au niveau du surplus, on les laisse aller.

Au niveau de la taxation scolaire, le gouvernement pourra dorénavant adopter des règlements pour déterminer les règles de majoration du montant de base pour le calcul du produit maximum de la taxe scolaire dans les cas de réunion ou d'annexion totale de territoire de commission scolaire ou de cessation d'existence d'une commission scolaire régionale, et on aura certaines questions à poser au ministre. Mais ça, c'est logique parce que, effectivement, enfin - enfin! - en 1992, le ministre aura terminé cette légitime préoccupation que nous avons eue au Québec de dire: Est-ce que le moment ne serait pas venu de demander à chacune des commissions scolaires de se responsabiliser davantage et d'assumer la totalité des ordres d'enseignement sur son territoire? C'est tout à fait logique de dire à une commission scolaire, puisqu'il y a quand même ce qu'on appelle des passerelles entre ses différents services, et il était important de dire à toutes les commissions scolaires du Québec: Pourquoi ne vous occupez-vous pas de l'ensemble de l'enseignement primaire et secondaire sur votre territoire? Et c'est ce qu'on a appelé communément l'intégration des ordres d'enseignement.

Pour ce qui est des règles budgétaires, on aura quelques questions, mais j'aime mieux le faire à l'étude article par article parce que ça nous donnera plus de temps d'échanger et d'y aller avec les précisions.

Je ne voudrais pas prolonger, M. le Président. Je voudrais tout simplement indiquer qu'en ce qui nous concerne on va accorder notre appui aux modifications à caractère, pas administratif, mais à caractère allant dans le sens de la décentralisation, comme je l'ai indiqué tantôt, puisque c'est des modifications qui, au chapitre d'immobilisation, budget, règles budgétaires et problématique de l'acquisition des biens, vont dans le sens qu'on a toujours défendu, vont dans le sens des revendications traditionnelles de la Fédération des commissions scolaires et des plus concernés. Et comme, nous aussi, on veut responsabiliser ces gens-là, il n'y a aucun problème à donner notre accord là-dessus. (21 h 30)

Pourquoi je ne peux pas donner mon accord globalement au projet de loi à ce moment-ci? Je l'ai dit tantôt. Donc, je ne peux pas dire que nous allons voter en faveur du principe du projet de loi, parce qu'un des éléments majeurs, selon nous, du projet de loi 17, c'est tout le régime de dérogation. Je vais en prendre connaissance. Je vais prendre connaissance du régime de dérogation. On verra si, effectivement, les règles sont balisées d'une façon très, très sévère afin de limiter cette pratique, parce que je suis en désaccord de faire ce qu'on a fait à un moment

donné; c'est quasiment devenu la pratique générale, l'ouverture aux dérogations, alors que ça devrait être beaucoup plus limitatif. Après qu'on aura examiné cette question-là, bien, on verra comment on se comportera pour les étapes subséquentes de ce projet de loi.

Voilà, M. le Président, les commentaires que je voulais faire, à ce moment-ci, comme porte-parole de l'Opposition officielle en matière d'éducation. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest et leader adjoint de l'Opposition officielle. Je vous rappelle que nous sommes à débattre la motion du ministre de l'Éducation proposant l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Sur ce sujet, je cède maintenant la parole à M. le député de Sauvé. Vous avez droit à une intervention de 20 minutes, M. le député.

M. Marcel Parent

M. Parent: Merci beaucoup, M. le Président. Le projet de loi que nous avons devant nous, le projet de loi 17, n'est certainement pas un projet de loi majeur. C'est un projet de loi qui a pour but de bonifier et d'améliorer ou d'actualiser la Loi sur l'instruction publique. C'est un projet de loi, M. le Président, qui va certainement plaire à l'Opposition. J'écoutais, tout à l'heure, les remarques de mon collègue d'Abitibi-Ouest qui nous rappelait les heures que nous avons vécues ensemble lors de la commission parlementaire, lorsque nous avons adopté le projet de loi sur l'instruction publique au Québec.

Ils ont, je ne dirais pas reproché, mais attiré continuellement l'attention du ministre sur une position centralisatrice. On disait que le ministre voulait avoir la mainmise sur tout. On disait que le ministre se donnait un grand pouvoir centralisateur. On disait que le ministre ne reconnaissait pas l'autonomie des commissions scolaires. Mais je me souviens aussi qu'à ce moment-là les gens de notre formation politique sont intervenus. Nous avions dit: Si le projet de loi veut refaire la Loi sur l'instruction publique et l'actualiser, si on veut réellement lui donner son sens, on doit se donner les outils nécessaires pour la contrôler et, au fur et à mesure que nous vivrons avec cette loi, nous l'améliorerons et nous l'appliquerons aux exigences du moment.

C'est cette pensée de cohérence qui a animé nos discussions et le travail que nous avons fait en commission parlementaire. Et aujourd'hui, le ministre de l'Éducation vient redonner partiellement - je dis bien «partiellement» - aux commissions scolaires une certaine autonomie que le projet de loi sur l'instruction publique ne leur reconnaissait pas. Plus d'autonomie dans certains dossiers, principalement le dossier de la dérogation à l'âge d'admission.

En ce qui regarde les acquisitions de biens par les commissions scolaires, l'approbation des plans et devis de construction, l'approbation des budgets, le calcul de la taxe et tout ça, nous étions bien conscients, à ce moment-là, que nous nous donnions des pouvoirs qui, normalement, auraient dû être dévolus aux commissions scolaires, mais si nous voulions donner une orientation aux commissions scolaires, si nous voulions tracer des paramètres de façon à ce que les commissions scolaires puissent prendre leurs responsabilités et orienter leur démarche ou leur intervention dans l'esprit de la Loi sur l'instruction publique, nous devions, à ce moment-là, garder un contrôle beaucoup plus général sur ces dossiers-là.

Aujourd'hui, à la suite du vécu, à la suite de l'expérience - il y a déjà plus de deux ans que cette loi-là existe - nous sommes en mesure de redonner aux commissions scolaires une certaine autonomie, une autonomie, je le reconnais, M. le Président, qui leur revient.

La Loi sur l'instruction publique, M. le Président, a régi les relations entre les commissions scolaires et le ministère de l'Éducation et aussi, ne l'oublions pas, les relations entre les commissions scolaires et leurs clientèles. Depuis octobre 1990, le ministre de l'Éducation a eu l'occasion d'examiner les relations entre ces différentes instances. J'ai d'ailleurs eu le privilège d'en discuter souvent avec lui, et ces contacts répétés ainsi que son travail l'ont amené à déposer ce projet de loi.

Ce projet de loi a un objectif global: alléger les procédures administratives et confier plus de responsabilités aux commissions scolaires comme elles le réclament, d'ailleurs, depuis plusieurs années. La Fédération des commissions scolaires réagissait par la voie des journaux, suite à l'invitation du ministre. En conférence de presse, le président s'est exprimé, et les quotidiens ont titré, à ce titre... Principalement, La Presse du 1er juin disait: «Les commissions scolaires relèvent le défi de la décentralisation». Et on pouvait aussi lire, dans Le Devoir du 30 mai: «Le ministre Pagé promet plus de responsabilités fiscales aux commissions scolaires». Le même jour, on pouvait lire aussi dans Le Soleil de Québec: «Pagé mise sur la décentralisation pour éliminer le décrochage». C'est donc une idée maltresse qui animait le ministre à ce moment-là, de décentraliser certains pouvoirs vers les commissions scolaires.

On rapporte aussi que c'est dans le cadre du plan d'action sur la réussite scolaire que le ministre de l'Éducation a décidé de présenter ce projet de loi. Il faut donc souligner que ce projet de loi fait partie d'un ensemble de mesures qui ne visent qu'une chose: la réussite du plus grand nombre. L'objectif visé par le ministre est clair: diminuer le taux d'abandon scolaire de 3 % par année durant les cinq

prochaines années.

J'ai eu aussi l'opportunité de discuter du processus de consultation avec le ministre en ce qui concerne ce projet de loi et, comme ce dernier le mentionnait tout à l'heure dans son exposé, ce projet de loi a été analysé, discuté, validé par bon nombre de représentants du monde scolaire. Et je vais vous en nommer quelques-uns: la Fédération des commissions scolaires, l'Association des commissions scolaires protestantes du Québec, l'Association des directeurs généraux de commissions scolaires, l'Association des cadres scolaires du Québec, la Fédération des directeurs et directrices d'écoles du Québec et l'Association des administateurs scolaires du Québec. Tous ces gens-là, tous ces groupes-là ont été consultés, et tous ces gens ont eu à donner leurs commentaires sur la situation, et c'est ce qui a incité le ministre à élaborer une suite de gestes concrets afin d'obtenir les résultats escomptés. Le projet de loi 17 est un de ces gestes et il vise à alléger la structure administrative.

Le ministre, M. le Président, était d'ailleurs cité comme suit dans le journal Le Soleil du 30 mai: «700 circulaires administratives dans une année, c'est trop.» Le projet de loi s'inscrit dans une continuité immédiate avec cette déclaration. Il vise simplement à décentraliser vers les commissions scolaires, en ce qui concerne les dérogations à l'âge minimum d'admission, les acquisitions de biens par les commissions scolaires, l'approbation des plans et devis de construction, l'approbation du budget, et le projet de loi touche aussi au calcul de la taxe dans le cas de réunion et d'annexion de commissions scolaires qui ont été impliquées dans un processus d'intégration.

Tous ces gestes, M. le Président, visent à rendre plus autonomes les commissions scolaires et à diminuer le nombre de formulaires de rapport. «750 formulaires dans une année, c'est trop», et ce projet de loi vise justement à simplifier, à alléger et à améliorer les relations des commissions scolaires avec le ministère, avec leur unité administrative régionale, avec leurs clientèles et avec leurs écoles.

Tous ces gestes visent enfin une seule chose. En fin de compte, c'est recentrer l'attention de l'éducation sur l'élève, sur la relation entre l'élève et l'enseignant. C'est ce que vise le plan d'action sur la réussite éducative. Le projet de loi 17 est un de ces outils nécessaires à la mise en branle de ce plan. D'ailleurs, les représentants directement touchés y souscrivent pleinement.

Quand on parle du plan d'action sur la réussite scolaire, il faut savoir que le ministre de l'Éducation y travaille depuis plus d'un an. Pour élaborer ce plan d'action, le ministre a parcouru la province, a multiplié les rencontres avec tous les représentants du monde scolaire. Des colloques régionaux ont eu lieu, et toutes ces données ont été colligées dans ce plan d'action qui devrait être lancé sous peu, d'ici quelques jours. Le ministre a réussi, par ses interventions, à stimuler l'intérêt de tous. Et pour avoir reçu des commentaires personnellement de ces gens du monde scolaire, je puis vous confirmer, M. le Président, l'engagement inconditionnel des gens du monde scolaire.

Quant au projet de loi lui-même, il contient des objectifs très spécifiques. Tout d'abord, M. le Président, il touche les dérogations quant à l'âge minimum d'admission. Confier cette responsabilité aux commissions scolaires confirme la pratique de qualité qui prévaut dans les commissions scolaires, diminue le nombre de circulaires et d'interventions, et donne aux commissions scolaires, le gouvernement le plus près de la clientèle, une autonomie dans ce domaine qui lui revient. (21 h 40)

Le projet de loi traite aussi des pouvoirs d'acquérir des immeubles. Auparavant, les commissions scolaires devaient obtenir l'assentiment du ministre; avec ces amendements, le processus s'en trouvera maintenant allégé. Il en va de même pour le budget. Auparavant, les commissions scolaires se trouvaient confrontées avec l'obligation de préparer un budget équilibré. Avec les amendements proposés, les commissions scolaires auront la possibilité d'adopter un budget excédentaire.

Clairement, en ce qui concerne le budget annuel, le réseau scolaire aura une latitude plus accrue. Et, bien entendu, ces allégements sont présentés dans le but d'appuyer l'autonomie du réseau scolaire.

Par contre, il va sans dire que le gouvernement conserve des moyens de contrôle. Le but du projet de loi est simple et sera atteint: confirmer l'autorité des commissions scolaires par ce projet de loi; le gouvernement, par la voix de son ministre de l'Éducation, appuie l'expertise du réseau scolaire, lui réaffirme sa confiance et lance la présente invitation de recentrer notre attention sur l'effort éducatif. À cet effet, M. le Président, je joins ma voix à celle du ministre et appuie sans réserve ce projet de loi, qui est d'ailleurs validé et attendu par le réseau scolaire.

C'est pour ça que j'invite, M. le Président, tous mes collègues de l'Assemblée nationale, autant de ce côté-ci de la Chambre que de l'autre côté, à voter favorablement en faveur de l'adoption du principe du projet de loi 17. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Sauvé. Sur le même sujet, je cède la parole à Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. M. le Président, le député de Sauvé l'a dit lui-même en début de discours, nous nous retrouvons devant

un projet qui n'est pas majeur. C'est réel. Nous sommes d'accord. J'avais précisé dans mon texte que le projet, c'est un projet mineur. Donc, nous sommes d'accord là-dessus, M. le Président.

Ce qui est étonnant, c'est qu'on aurait pu s'attendre, par exemple, à un dépôt d'un projet majeur puisque le ministre de l'Éducation a fait le tour du Québec au cours de la dernière année, a entendu les revendications des commissions scolaires, des enseignants, des parents, et qu'il a reconnu que le monde de l'éducation vivait des problèmes aigus. Donc, la nécessité de solutions précises pour répondre, de solutions majeures pour répondre à ces problèmes aigus. Donc, nous sommes en lieu de nous attendre à son fameux plan d'action qui tarde toujours.

Ce projet mineur de loi 17 cadre bien, par contre, avec le menu législatif qu'on nous offre depuis quelques jours. Il cadre bien par deux points, de légères modifications qui viennent corriger des projets de loi que ce même gouvernement nous a fait adopter il y a peu d'années. Et, au moment de l'adoption de ces projets de loi, autant les intervenants concernés que l'Opposition officielle avaient fait part au ministre concerné des inquiétudes qu'ils avaient et de la nécessité qu'ils auraient de légiférer. Nous nous retrouvons aujourd'hui devant cette prédiction.

Donc, premier point, comme tous les autres projets qu'on nous présente depuis une semaine, M. le Président, ce ne sont que des correctifs pour venir corriger des projets de loi qui avaient été mal faits.

Deuxième point, dans chacun des projets de loi qu'on nous dépose depuis une semaine, on nous parle de règlement sans nous donner le règlement. Je donnerai pour exemple: le dépôt du projet de loi, jeudi dernier, M. le Président, le projet de loi 33 sur les services de garde, où on nous a demandé de donner la bénédiction à ce projet sans avoir vu du tout les règlements, et tout le projet de loi 33 est bâti à partir du règlement. Même chose dans le cas de la loi 19 que nous avons étudiée ce matin, M. le Président, sur le développement régional, qui s'appelle maintenant affaires régionales, où on nous annonce un règlement qui déterminera les véritables conditions du développement régional. Encore là, M. le Président, l'Opposition officielle n'a pas vu le règlement sur le développement régional. Le ministre de l'Éducation vient tout juste de nous le déposer à la fin de son discours. Vous comprendrez qu'après n'avoir jeté qu'un bref coup d'oeil, n'avoir pu l'analyser au complet, nous ne pourrons nous prononcer immédiatement, ce soir, sur son règlement.

Donc, le projet de loi 17 nous apporte des modifications. Ce sont des correctifs qui sont nécessaires si on regarde les demandes qui avaient été exprimées lors de l'adoption du projet de loi 107. En effet, on avait démontré à ce moment que le projet de loi 107 donnait un contrôle tout-puissant au ministre de l'Éducation et on prévenait déjà le ministre que, dans la pratique, cela entraînerait des contrôles administratifs extrêmement difficiles à vivre pour les commissions scolaires. Le ministre actuel de l'Éducation l'a constaté, et c'est ce qu'il a appelé la paperasse administrative qui prenait beaucoup de place, et il a promis de réduire cette paperasse administrative. Donc, les correctifs qu'on retrouve dans le projet de loi 17 viennent apporter certaines corrections à cette paperasse administrative.

C'est évidemment des mesures qui réduisent ce qu'on appelait la «contrôlite» aiguë qui s'était instaurée depuis quelques années dans le système d'éducation. Tellement que, lorsqu'on rencontrait les directeurs d'école, lorsqu'on rencontrait les cadres, lorsqu'on rencontrait les commissaires, tout le monde nous disait: Nous n'avons plus le temps d'enseigner, nous n'avons plus le temps de poser des gestes éducatifs, nous sommes constamment en train de remplir des formulaires et de justifier des demandes administratives. Donc, les articles 4, 5, 6, 7 et 11 qui touchent les demandes par rapport au budget sont, évidemment, des améliorations tout à fait nécessaires.

Vous retrouvez aussi dans ce projet de loi, M. le Président, une mesure qui vient compléter le transfert qui avait été fait par l'ex-ministre de l'Éducation en refilant la facture aux commissions scolaires. Vous vous souviendrez que, sous le couvert de la responsabilisation, c'est le terme qu'on utilisait à ce moment, on avait transféré aux commissions scolaires une facture et on avait surtout transféré aux commissions scolaires des obligations. On leur remettait l'entretien des écoles, mais sans leur donner les budgets qui allaient avec et sans éliminer tout le contrôle du ministère de l'Éducation sur les plans et devis de cet entretien. Donc, les articles 2 et 3 viennent réduire ce contrôle sans toutefois l'abolir complètement et sans préciser le délai raisonnable, et je pense que, là-dessus, on devrait pouvoir s'entendre pour trouver une façon de donner une parfaite latitude aux commissions scolaires sur ce dossier.

Il y a, évidemment, un point majeur et c'est celui des dérogations. Vous savez, M. le Président, que l'Opposition officielle s'est toujours prononcée pour le principe de l'universalité, une mesure universelle et non des dérogations, qu'elles soient faites par le ministre de l'Éducation ou qu'elles soient faites par les commissions scolaires. D'ailleurs, c'était un engagement électoral, faut-il le rappeler, du gouvernement libéral pour les dérogations.

Nous souhaitions également que des mesures soient prises pour favoriser les jeunes de milieux défavorisés en donnant des services éducatifs à ces jeunes. Il faudra peut-être rappeler le rapport Bouchard, «Un Québec fou de ses enfants», qui ramenait cette mesure et qui proposait, pour améliorer même le décrochage

scolaire, d'offrir des services dans les milieux défavorisés aux tout-petits, c'est-à-dire à partir de quatre ans, de créer des préscolaires pour ces jeunes, d'offrir des services pour essayer de leur donner les outils qui leur manquent. Donc, on aurait également souhaité une mesure qui aille plutôt dans ce sens.

Nous nous retrouvons devant des dérogations. Et si on regarde la pratique des dernières années, on sait à quel point cette pratique a été difficile, surtout chaotique au niveau des premières années d'instauration de cette dérogation qui partait directement du bureau du ministre. Je me souviens très bien - à ce moment-là, j'étais attachée politique - à quel point le processus était long, et les parents attendaient des réponses. Souvent, l'année scolaire était commencée, ils n'avaient toujours pas la réponse. Cela amenait aussi une certaine iniquité puisque, pour présenter une demande, les parents devaient donner un rapport de spécialiste, rencontrer donc des psychologues, et certains parents n'avaient pas nécessairement les moyens de s'offrir les services de ces professionnels pour présenter leur demande. Et ce n'est pas évident que les jeunes qui avaient le talent pour commencer tout de suite avaient aussi l'argent pour présenter leur dossier. (21 h 50)

Est-ce que la mesure proposée va permettre d'améliorer cette iniquité? Je ne le sais pas, M. le Président, au moment où on se parle. À l'examen du règlement, peut-être aurons-nous la réponse, mais, au moment où on se parle, nous ne l'avons pas. Il s'agit de s'assurer que partout, au niveau de toutes les commissions scolaires, la qualité des services soit maintenue. Il s'agit de s'assurer qu'il n'y aura pas d'iniquité par rapport aux demandes qui seront présentées et que tous les parents, peu importe leur situation financière, pourront présenter cette demande de dérogation en toute justice. Vous savez, depuis plusieurs années, certaines personnes avaient trouvé, même, une autre façon de déroger. J'ai vu des exemples directement dans une commission scolaire de mon territoire, que je connais bien. C'est une pratique qui remonte à plusieurs années, où on avait trouvé une façon de déroger. C'est-à-dire qu'on se disait: II y a un âge pour entrer au niveau du préscolaire et il y a un âge aussi fixé pour entrer au niveau d'une première année, mais il n'y a pas d'âge pour entrer en deuxième année. Donc, certains parents, qui connaissaient mieux le système, qui étaient plus près des commissions scolaires ou qui étaient plus avantagés financièrement parlant, décidaient de faire suivre une première année privée à leurs jeunes et de les faire entrer dans le système en deuxième année, là où l'âge, finalement, n'avait pas une limite précise. C'était une façon, bien sûr, de déroger au système actuel.

Donc, M. le Président, je ne veux pas utiliser mon temps de parole plus longtemps. Je pense que nous avons clairement déterminé qu'au niveau des correctifs nous étions d'accord, au niveau des correctifs qui touchaient le budget, au niveau des correctifs qui vont permettre l'entretien des écoles et, bien sûr, améliorer la qualité des services. Au niveau des dérogations, évidemment, il y a toujours certaines questions.

En conclusion, M. le Président, j'aimerais peut-être rappeler au ministre de l'Éducation que nous attendons toujours avec impatience son plan d'action sur le décrochage scolaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée de Terrebonne. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, M. le ministre de l'Éducation, je vous cède la parole pour vous permettre de procéder à votre réplique. Allez-y, M. le ministre.

M. Pagé: M. le Président, purement et simplement, je prévois m'abstenir d'utiliser mon droit de réplique, le temps qui m'est alloué. J'aurai l'occasion de revenir en troisième lecture. Je vous propose donc que nous puissons procéder à l'adoption du principe immédiatement.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que la motion de M. le ministre de l'Éducation, proposant l'adoption du principe du projet de loi 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté, sur division. M. le leader du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'éducation

M. Pagé: m. le président, je fais motion pour que le projet de loi soit déféré à la commission parlementaire de l'éducation pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

M. Pagé: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article 18 du feuilleton, s'il vous plaît.

Projet de loi 25 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 18 de notre feuilleton, M. le premier ministre

propose l'adoption du principe du projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse. Alors, j'imagine, M. le leader du gouvernement, que vous allez exercer le droit de parole du premier ministre. Allez-y, M. le leader du gouvernement.

M. Michel Pagé

M. Pagé: Posez-moi des questions! Posez-moi vos questions! Alors, M. le Président, au nom du ministre responsable de la jeunesse, c'est-à-dire le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, il me fait plaisir de prendre la parole à cette étape de l'adoption du principe du projet de loi 25 qui, comme on le sait, a été déposé par le premier ministre il y a quelques semaines, un projet de loi qui vient modifier la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse.

Je pense que le moment est tout à fait privilégié pour qu'on puisse s'inscrire un peu en rétrospective et se rappeler que c'est le 23 juin 1987, il y aura bientôt cinq ans, que l'Assemblée nationale avait sanctionné la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse, créant ainsi le Conseil permanent. Depuis 1987, compte tenu du mode d'élection des 40 membres qui forment ce Conseil et de la durée de leur mandat, deux conseils ont été formés depuis 1987. Le premier en 1988 et le second en 1991.

On doit se rappeler que le Conseil permanent de la jeunesse a pour fonction de conseiller le ministre responsable, c'est-à-dire le premier ministre du Québec, sur toute question relative à la jeunesse. Ces jeunes qui sont, soit encore à l'école, qu'ils soient à l'école élémentaire, à l'école secondaire; ces jeunes qui sont au cégep, à l'université; ces jeunes qui, pour plusieurs, sont plutôt sur le marché du travail, ces jeunes qui ont déjà formé une relation de couple, ces jeunes qui veulent partir en affaires, qui veulent se former leur entreprise, ces jeunes, somme toute, sur qui une société comme la nôtre, une société en devenir, doit compter pour bâtir son avenir et ses lendemains.

Donc, c'est tout à fait indiqué et c'est tout aussi pertinent sinon encore plus aujourd'hui que le Conseil permanent de la jeunesse puisse être là pour assumer son mandat, faire réaliser ses études, formuler ses recommandations, d'autant plus que ces recommandations sont déposées, sont portées à l'attention ou formulées au premier citoyen de l'État québécois, c'est-à-dire le premier ministre du Québec. Récemment, d'ailleurs, le premier ministre demandait au Conseil de lui présenter un avis sur l'enseignement collégial.

De plus, et on sait, évidemment, que l'enseignement collégial au Québec fait l'objet d'une démarche de réflexion, d'analyse, d'évaluation de la part de ma collègue, Mme la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, et je suis persuadé que le Conseil permanent de la jeunesse sera en mesure, via les avis qu'il donne, qu'il a donnés et qu'il est susceptible de donner en référence à l'avenir de l'éducation au Québec, l'avenir de notre démarche éducative qui est fondamentale, finalement, dans la capacité que nous aurons, demain, d'assumer et de relever des défis parce que ces défis commanderont l'adhésion pleine et entière de cette jeunesse pour laquelle nous avons autant de fierté.

Donc, le Conseil donne des avis. Il est aussi susceptible de solliciter des opinions, donc, faire des analyses, des études. Le Conseil a pour mandat aussi de fournir de l'information au public et d'effectuer ou encore de faire effectuer les études ou recherches qu'il juge utiles ou nécessaires à l'exercice de son mandat et de sa responsabilité. On doit reconnaître, et je pense que c'est le moment privilégié pour le faire ce soir, que le Conseil n'a pas chômé. Le Conseil a littéralement fourmillé d'idées depuis sa création, des idées qui traduisent un dynamisme, une créativité dont la société n'a pas le moyen de se priver. D'ailleurs, la société doit profiter au plus haut point de ces avis pertinents puisqu'ils originent, ils puisent leur source chez celles et ceux qui sont visés, finalement, par les mandats du Conseil, c'est-à-dire nos jeunes.

Huit avis ont été produits depuis 1988. Cinq mémoires ont été présentés en commission parlementaire, deux rapports exhaustifs ont été réalisés, dont le plus important est, sans contredit «Les Couleurs de la jeunesse... noir sur blanc», résultat des audiences publiques sur la jeunesse de 1988, et source - et ça, il faut le dire - d'inspiration constante pour les ministères et les organismes sur les besoins et attentes des jeunes Québécois et des jeunes Québécoises.

M. le Président, je constate par l'adhésion, l'appui, l'acceptation, les propos de mes collègues qui sont pleinement d'accord par leurs commentaires, même s'ils n'ont pas encore le droit de parole, mais je les sens déjà brûler d'impatience et d'intérêt à endosser pleinement ces propos qui se veulent élogieux, somme toute, à l'égard du Conseil et du mandat qu'il a à assumer.

M. le Président, lorsqu'on se réfère à ces avis, de nombreux thèmes sont abordés, dans ces avis, ces mémoires et ces rapports. Citons la réforme de l'aide sociale, cette réforme qui a été mise en place depuis quelques années au Québec et où le gouvernement a été, je pense, de façon légitime, interpellé, interpellé par les jeunes Québécois et les jeunes Québécoises et, évidemment, par le Conseil permanent, en ce qui concerne la parité des services ou encore la parité des prestations versées, etc. Le désir, si on se réfère donc à ces nombreux avis, la place des jeunes et la présence des jeunes dans la fonction publique. Quelle sera la place de ces jeunes dans la fonction publique de demain, dans un contexte de sécurité d'emploi assez hermétique, assez cloisonné, dans un contexte parallèle de croissance quand même très limitée dans la

fonction publique? Et d'ailleurs, l'Office des ressources humaines du gouvernement du Québec et son équipe, dans le cadre d'un colloque de récente date, se questionnaient sur la relève des cadres et la relève des employés de l'État d'ici à quelques années. Encore là, le Conseil permanent de la jeunesse a ajouté sa voix, ses réflexions, ses analyses et ses perceptions. (22 heures)

La formation professionnelle a été au coeur des représentations formulées par le Conseil, lesquelles sont suivies non seulement par le ministre de la Main-d'oeuvre, mais aussi par le ministre de l'Éducation. Je peux prétendre, je peux soutenir que, dans le plan d'action que je rendrai public incessamment pour faire de la présente décennie la décennie de la réussite éducative au Québec, le Conseil permanent de la jeunesse se retrouvera très certainement dans des éléments d'action, dans des programmes, dans des interventions qui ont fait l'objet, évidemment, de positions adoptées par le Conseil. Le Conseil permanent de la jeunesse va se retrouver dans le plan d'action du ministre de l'Éducation. Même chose en ce qui concerne la réforme de la santé et des services sociaux, la relève culturelle, la politique culturelle, l'avenir constitutionnel du Québec, l'aide financière aux étudiants et aux étudiantes et, plus récemment, le développement de la main-d'oeuvre et le décrochage scolaire. Donc, c'est un organisme qui a un mandat, qui a des responsabilités et qui les assume très bien, il faut en convenir, et il faut en convenir ici, sur le parquet de l'Assemblée nationale du Québec.

Qui forme le Conseil permanent de la jeunesse? Ils sont 15 jeunes âgés entre 15 et 30 ans. Leur élection, ils la doivent à un collège électoral de 40 pairs formés à tous les deux ans et réunis à huis clos lors d'une rencontre de trois jours. Les 40 personnes du collège électoral sont, pour leur part, nommées par le gouvernement à partir d'une liste constituée dans le respect de la diversité de la jeunesse québécoise et à partir de toutes les candidatures de jeunes qui sont appuyés par, au moins, trois organismes jeunesse oeuvrant dans au moins deux secteurs distincts.

La loi actuelle précise, en effet, que la liste des candidatures au collège électoral doit comporter autant de femmes que d'hommes. Elle doit être respectueuse des groupes d'âge et des communautés culturelles. Elle doit assurer une représentation diversifiée des régions et des secteurs d'activité dans lesquels oeuvrent les organismes jeunesse, soit: affaires sociales, travail, entreprenariat, loisirs, éducation et, évidemment, culture.

Je suis assuré, M. le Président, que tous les membres de cette Assemblée, parce qu'on peut présumer de l'unanimité autour d'un sujet, d'une démarche aussi noble, ne pourront que se réjouir de l'intention du gouvernement de modifier la loi constitutive du Conseil permanent de la jeunesse afin de lui permettre d'assumer son mandat avec plus d'efficacité. Il est important de préciser, tout d'abord, que le projet de loi ne modifie pas le mode d'élection des membres du Conseil. C'est ainsi qu'on maintient la formule originale d'un collège électoral formé de 40 pairs nommés à partir d'une liste représentative de candidatures, les principales modifications concernant le prolongement de la durée du mandat des membres du Conseil et l'inclusion d'un nouveau secteur d'activité dans le champ d'application de la loi.

En ce qui regarde la durée du mandat des membres, le projet de loi propose qu'elle soit de trois ans au lieu de deux ans. C'est important puisque, comme on le sait, entre le moment où l'élection par leurs pairs est faite, entre le moment où le mandat s'amorce, le processus devant conduire à des orientations plus précises en termes d'analyses, d'études, de recherches, de documents à présenter, à faire valoir prend quand même un certain temps. L'expérience nous enseigne donc qu'il est préférable que le mandat soit de trois ans, et c'est dans ce sens-là que va le projet de loi.

Pour ce qui est du nouveau secteur d'activité, le projet de loi ajoute le secteur de l'environnement, un secteur qui est très, très important, un secteur qui est de plus en plus présent et qui continuera d'être de plus en plus présent dans notre quotidien, non seulement en termes de constat, mais en termes de sensibilisation, en termes d'efforts à déployer pour bien protéger notre coin de terre, notre coin de quartier, notre rue, notre village, notre province, notre pays, somme toute notre planète. Donc, il était tout à fait indiqué que nous profitions de l'ouverture de la loi pour ajouter le secteur de l'environnement aux autres secteurs d'activité des organismes jeunesse à l'article 19 de la loi.

On réfère aussi à une autre modification qui prévoit que la déclaration de candidature au collège électoral doit être appuyée par au moins trois organismes oeuvrant dans deux secteurs d'activité distincts. On ne pourra que se réjouir du fait que le Québec s'inscrit déjà dans la foulée d'une des recommandations qui seront soumises. À partir de ce qui s'est fait, à partir du travail du Conseil, on constate déjà que l'aboutissement de ce travail, ça ne demeure pas lettre morte dans des officines du gouvernement.

Lorsque je réfère à l'environnement comme mandat additionnel au niveau des responsabilités, on ne pourra que se réjouir du fait que le Québec s'inscrit dans la foulée d'une des recommandations qui seront soumises aux États membres de l'Organisation des Nations unies, dans le cadre de la Conférence sur l'environnement et le développement qui débute aujourd'hui même à Rio, et qu'on appelle le Sommet de la terre. Cette recommandation vise une plus grande participation des jeunes, celles et ceux qui auront à vivre demain avec les gestes que nous

posons aujourd'hui; notamment, une meilleure participation à l'élaboration des politiques nationales en matière de protection de l'environnement et de développement.

Les autres modifications viennent plutôt préciser certaines dispositions de la loi afin d'en faciliter l'application. Ainsi, l'article 20 de la loi fixe certains critères qui doivent guider le gouvernement dans le choix des membres du collège électoral. Parmi ces critères, on retrouve celui des communautés culturelles. Or, l'emploi de l'expression «communautés culturelles» s'est avéré, à l'usage, un peu ambigu et, pour certains, exclurait la communauté anglophone et les autochtones. C'est pourquoi le projet de loi remplace l'expression «communautés culturelles» par «communautés qui composent la société québécoise».

Par ailleurs, bien que la loi établisse clairement que le président du Conseil est nommé par le gouvernement et que les vice-présidents sont choisis par les membres du Conseil, elle ne précise pas le moment où le choix des vice-présidents doit avoir lieu. Le projet de loi précise donc que ce choix doit se faire lors d'une réunion convoquée à cette fin, et ce, après que le président ait été nommé par le gouvernement.

De plus, afin de faciliter la transition entre l'élection d'un nouveau Conseil et la nomination d'un président, le projet de loi permet au ministre de désigner un membre de l'ancien Conseil ou le secrétaire du Conseil pour exercer les fonctions de président pendant cette période.

Des modifications, M. le Président, sont également apportées à la loi quant aux modalités de tenue des réunions du Conseil. Le projet de loi précise que ces réunions se tiendront entre les mois de septembre et de juin. Cette modification permet plus de souplesse, particulièrement pour ces jeunes aux études - et j'en sais quelque chose - qui assument souvent d'autres obligations, dont celles souventefois d'un travail à temps partiel ou d'un emploi d'été.

Le projet de loi précise enfin que le mandat du président et des vice-présidents prend fin dès que le nouveau Conseil est élu. C'est normal qu'il en soit ainsi.

En conclusion, M. le Président, ce n'est pas un hasard si aujourd'hui encore un gouvernement du Parti libéral présente ce projet de loi, puisque tous ceux qui se sont succédé depuis des années ont toujours affirmé et traduit en des gestes concrets leur volonté de donner aux diverses composantes de la société québécoise une voix dans le processus d'élaboration des politiques et des décisions.

L'histoire des gouvernements de notre parti est en effet jalonnée de réalisations assurant un plus grand respect des droits et libertés des individus, quel que soit leur sexe, leur âge, leur origine, leur appartenance ethnique, ou encore leur statut. Pour ne citer que deux exemples, mentionnons la Charte des droits et libertés de la personne, adoptée en 1975, suivie en 1977 de la Loi sur la protection de la jeunesse. Deux législations qui, plus de 15 ans plus tard, font encore figure de proue sur la scène canadienne et internationale. (22 h 10)

Droits et libertés des individus, mais aussi une meilleure prise en compte des besoins et attentes des divers groupes qui composent notre société, laquelle s'est traduite par la création de structures-conseils pour fournir des avis au gouvernement. Ce fut d'abord le Conseil du statut de la femme, en 1973, suivi, en 1985, par le Conseil des communautés culturelles et de l'immigration; en 1987, le Conseil permanent de la jeunesse et, en 1988, le Conseil de la famille. Très bientôt d'ailleurs, le Québec sera également doté d'un Conseil des aînés, comme l'annonçait le discours inaugural du mois de mars dernier.

En plus de ces structures chargées de transmettre les opinions, les besoins et les attentes des individus qui composent des groupes spécifiques, le gouvernement s'est également doté de structures de coordination au sein du ministère du Conseil exécutif qui agissent en aval et en amont du processus de décision. Les secrétariats, dont le Secrétariat à la jeunesse, s'assurent ainsi que les besoins de leurs clientèles respectives sont considérés et pris en compte dans les projets de législation, politiques ou programmes, et surtout qu'une fois ces politiques et programmes adoptés ils produisent bel et bien les résultats escomptés.

En qualité de ministre de l'Éducation et extitulaire du ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, j'ai eu, à plusieurs reprises, le plaisir de constater le professionnalisme et le dynamisme du Conseil permanent de la jeunesse. Je n'ai qu'à me rappeler ces contacts, quelques mois ou peu de temps après la formation du Conseil, quand j'ai eu l'occasion de déposer ici, à l'Assemblée nationale, des politiques prévoyant un meilleur support des programmes, un meilleur support pour la relève agricole au Québec. On doit reconnaître et on doit constater aujourd'hui que ces éléments et ces interventions ont été éminemment structurantes pour permettre, entre autres, l'accès des jeunes à la propriété des fermes québécoises, l'accès aussi des conjointes, des épouses, des femmes en agriculture.

Je me réjouis aussi de voir, comme ministre de l'Éducation maintenant, combien et jusqu'où le Conseil permanent est sensible, préoccupé et surtout pertinent dans ses représentations, et, d'ailleurs, je me suis fait un devoir d'inviter ou d'adresser une invitation au président du Conseil permanent de la jeunesse pour être à mes côtés lors du lancement du plan d'action. En fait, le Conseil permanent remplit bien sa responsabilité. Comme ministre de l'Éducation, je peux en témoigner, parce que ma responsabilité comme ministre de l'Éducation, au nom du gouvernement

du Québec, au nom du premier ministre, M. Bourassa, c'est de faire en sorte qu'on puisse bâtir, élaborer, mettre en place non seulement un contexte, mais un véritable milieu dynamique, progressif, évolutif, tenant compte de l'individu, du jeune, qu'il ait 6 ans, qu'il ait 14 ans, qu'il ait 18 ans, peu importe.

On doit absolument, compte tenu des défis énormes que nous aurons à relever au cours des prochaines années, le défi des technologies, le défi de la globalisation, des échanges, le défi d'une planète qui devient de plus en plus petite en termes de connaissances, un monde où la connaissance n'a plus de frontières, l'avenir, la force et la vitalité du Québec, un Québec qui est en devenir, un Québec qui a confiance dans ses moyens.... Sa vitalité et son avenir dépendent de celles et ceux qui, aujourd'hui, sont sur nos bancs d'école, celles et ceux qui se préparent à aller à la maternelle, d'où l'obligation, pour notre gouvernement, pour l'ensemble de la société québécoise, d'être continuellement et constamment non seulement préoccupé, mais en contact étroit, soutenu et constant avec celles et ceux qui représentent les jeunes Québécois et Québécoises et, à cet égard, le Conseil perma-ment de la jeunesse s'acquitte très bien de sa responsabilité dans le cadre du mandat qui lui est dévolu. En bout de piste, M. le Président, ce sont les jeunes eux-mêmes qui en tireront le plus de bénéfices, finalement, du travail et de la responsabilité très bien assumée par le Conseil permanent.

Je propose donc l'adoption du projet de loi, M. le Président, en deuxième lecture. C'est évidemment avec beaucoup d'intérêt que j'anticipe pouvoir écouter les propos, les commentaires du député de Shefford, qui va certainement s'inscrire d'une façon un peu critique - d'une façon un peu critique, je connais le député de Shefford... Il est très délicat dans ses représentations comme député, ses représentations individuelles. Il déborde, il exagère, à l'occasion, dans ses propos ici, à l'Assemblée nationale, quand il se veut un peu plus critique. On voit que la ligne de parti passe au-delà de l'appréciation, du jugement qu'on lui connaît, et je suis persuadé déjà qu'il va nous entretenir, qu'il va nous dire que c'est bien, que c'est beau, qu'il faudrait faire plus. Mais avant qu'il succombe à la tentation, avant qu'il succombe à cette tentation de nous dire ou de questionner le gouvernement, parce que je suis persuadé qu'il va vouloir questionner le gouvernement sur ce que nous faisons par nos politiques, nos programmes et nos interventions pour la jeunesse québécoise, je me limiterai à lui dire et à lui rappeler avant qu'il intervienne qu'en ce qui concerne les organismes jeunes en général, cette année, ce sera 35 700 000 $ de subventions pour 501 organismes. Depuis 1985, il s'agit d'une hausse de 65 % des subventions et de 30 % du nombre d'organismes. Ça veut dire quoi, con- crètement? 35 700 000 $ consenti, payé par le gouvernement en termes de support et d'appui pour que les jeunes s'organisent, se prennent en main, aient les outils nécessaires pour faire valoir et se défendre. Seulement, ça, au niveau des organismes jeunesse en général.

Organismes communautaires jeunesse. Depuis 1985-1986, hausse de 131 % des subventions, M. le député de Shefford. J'espère que vous allez faire une motion, non pas de report ou de scission, mais une motion de félicitations pour le premier ministre, qui est responsable du Conseil permanent de la jeunesse. À ce chapitre, hausse de 58 % du nombre d'organismes subventionnés. Pour l'ensemble des programmes qui touchent la jeunesse, en 1990-1991, on avait accordé 593 000 000 $, au-delà d'un demi-milliard de dollars. En 1991-1992, c'est 691 000 000 $ que nous avons consentis dans la jeunesse, pour une hausse de 16,4 %. Près de 30 programmes touchant plus de 11 ministères ou organismes.

M. le Président, si on veut se référer... On va certainement nous parler des itinérants, entre autres, ces centaines de jeunes qui, malheureusement, n'ont pas de toit ou certains d'entre eux, d'ailleurs, qui préfèrent vivre sans toit, habitués qu'ils sont à un mode de vie, à un vécu quotidien où ils se sentent, c'est assez délicat de le dire, peut-être confortables. J'attends le député de Shefford sur l'itinérance.

L'aide aux organismes communautaires jeunesse depuis 1985-1986 est en hausse substantielle. Les maisons d'hébergement jeunesse, on sait que c'est souvent la première référence pour intervenir. En 1985-1986, seulement 700 000 $ étaient accordés à 16 organismes du genre. En 1991-1992, c'est 4 300 000 $ pour 34 organismes que le gouvernement supporte et appuie. Le gouvernement a pris le virage de la prévention à ce chapitre par le plan d'action en matière de jeunesse du ministère de la Santé et des Services sociaux, suite aux rapports Bouchard, Harvey et Jasmin. si on se réfère aux prêts et bourses, même chose; on a injecté 78 000 000 $ supplémentaires aux 370 000 000 $ prévus afin de satisfaire les besoins d'aide financière aux étudiants. depuis trois ans, le nombre de boursiers a augmenté continuellement. la bourse moyenne est en hausse de 21,1 %, pour se chiffrer à 3206 $ en 1991-1992. c'est là une aide directe à la poursuite des études postsecondaires. pour 1992-1993, c'est 8 % d'augmentation en ce qui concerne les bourses consécutives aux prêts; en 1991, c'était 234 000 000 $, en 1992, ce sera 252 000 000 $.

Si on se réfère maintenant à l'emploi et à l'entrepreneurship jeunesse ou jeunes, sixième hausse du salaire minimum depuis 1986. Plan d'action de janvier 1991 pour soutenir les PME parmi les moins de 24 ans. D'ailleurs, 58 % parmi les 24 ans travaillent dans les PME. Le tout suivi par une stratégie de développement économique. Tout le concept des grappes industrielles, la

qualité totale qui va convier, encore une fois, des milliers de jeunes à pouvoir non seulement nourrir des espoirs, mais les vivre, ces espoirs.

Politiques de développement régional où ça va de soi que les jeunes soient représentés. Nouvelle loi sur les normes de travail qui, entre autres, prévoit une meilleure protection pour les jeunes qui occupent un travail à temps partiel. Et on sait que c'est important pour nombreux et nombreuses d'entre elles et d'entre eux, de façon à arrondir les fins de mois pour payer l'université, le collège, ou des frais inhérents à leur vécu quotidien. (22 h 20)

M. le Président, c'est un projet de loi qui va dans le sens des représentations qui nous ont été faites par le Conseil. Au nom du premier ministre, au nom du gouvernement, je veux réitérer ma fierté comme Québécois, comme ministre et aussi comme ministre de l'Éducation, ça va de soi, à l'égard de la qualité du travail qui est effectué par le Conseil permanent de la jeunesse. Nous attendons rien de moins qu'un vote unanime sur cette question. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de l'Éducation et leader du gouvernement. Alors, nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse, et je cède la parole à M. le porte-parole en cette matière de l'Opposition officielle, M. le député de Shefford.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Vous allez me permettre de prendre un certain temps pour faire le tour de la situation globale de la jeunesse au Québec. Effectivement, je n'irai pas dans le sens du ministre, parce que vouloir regarder la situation maintenant et aller dans le même sens, avec les mêmes commentaires, sans donner l'image réelle et vouloir plutôt encenser le gouvernement actuel, ce serait regarder finalement avec des lunettes de bois ou des lunettes avec des vitres en rose, alors que ce n'est pas la réalité.

Il faut se la montrer, la réalité, telle qu'elle est, ici, dans cette Chambre, si on veut être capable de prendre les mesures correctes pour changer la situation. On ne peut pas dire que ça va bien. Ce serait faux, ce serait malhonnête et ce serait irresponsable. La situation des jeunes, elle est plutôt catastrophique. Donc, si ça ne va pas bien, est-ce qu'ici, parce qu'il y a un petit projet de loi qui est déposé, nous allons dire: C'est un pas dans la bonne direction. Ayez confiance, les jeunes, tout va bien dans le meilleur des mondes. La preuve, c'est que, des deux côtés de la Chambre, on le dit.

Je m'excuse. Ce n'est pas ce que je vais dire. Ce que je vais plutôt essayer de démontrer, c'est la situation réelle, catastrophique, et je vais essayer de proposer des choses parce qu'on ne peut pas accepter plus longtemps une situation aussi désastreuse. Mon Dieu, qu'on ne parle pas souvent de la jeunesse ici, dans cette Chambre! C'est pour ça que je vais probablement prendre plus de 15 minutes. Ça n'aurait pas de bon sens qu'une occasion qui nous est donnée comme ça, on n'en profite pas. Quelle occasion avons-nous de parler de nos jeunes et de l'avenir de nos jeunes, donc de l'avenir du Québec tout court?

On en a eu une en 1987, lorsqu'on a déposé la loi qui créait le Conseil permanent de la jeunesse, et on en reparle maintenant, on est en 1992, cinq ans plus tard. Entre-temps, on n'en parle pas parce que ce n'est pas un ministère. Donc, il n'y a pas d'engagement financier. Il y a l'étude des crédits une fois par année où on réussit à se poser deux et, si on est chanceux et si on va vite, trois questions.

Là, on a une occasion qui est importante et il faut en profiter pour qu'on parle de la jeunesse, qu'on se sensibilise aux difficultés que vivent nos jeunes et, ensuite de ça, essayer de se proposer des solutions collectivement. Non, ça ne va pas bien, on ne se le cachera pas. Le projet de loi 25, pour dire aux gens ce que c'est, c'est Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse. Je vais vous dire, ça ne créera pas beaucoup d'emplois et ce n'est pas ça qui va lancer beaucoup d'espoir pour nos jeunes.

Et ça, je ne le dis pas contre le Conseil permanent de la jeunesse. Je vais y revenir tantôt. Ce que je suis en train de dire, c'est que la jeunesse, la population comme telle attend bien autre chose, au moment où on se parle, par rapport à l'avenir qui semble bloqué pour nos jeunes. Je suis heureux d'intervenir, mais je vais devoir commencer par quelque chose de négatif: l'absence du premier ministre, qui est le ministre responsable de la jeunesse. Vous allez me dire: II est bien occupé à autre chose. Oui, il est bien occupé à autre chose, sauf que la plus grande richesse que le Québec possède, c'est la richesse humaine, sa jeunesse. C'est tellement important qu'on a dit: Ça doit être sous la responsabilité du premier ministre lui-même.

Mon Dieu, s'il y a une loi pour la jeunesse par cinq ans, est-ce que le premier ministre ne pourrait pas trouver le temps d'être ici?

M. Pagé: Question de règlement, M. le Président.

Le Président suppléant (M. Richard): M. le ministre.

M. Pagé: Je ne peux pas, à ce moment-ci, accepter l'allusion... D'ailleurs, ce n'est pas dans l'habitude du député de Shefford de tenir des propos semblables pour tenir compte et faire

valoir ou indiquer que le premier ministre ne pouvait être ici ce soir. C'est le premier ministre qui est responsable du Conseil permanent de la jeunesse. C'est le premier ministre qui rencontre le Conseil permanent de la jeunesse régulièrement. C'est le premier ministre qui prend connaissance lui-même des avis qui y sont donnés. C'est le premier ministre qui échange avec les ministres sur le sujet.

Je crois, M. le Président, que le député est non avisé de se référer au fait que c'est moi, comme ministre de l'Éducation, responsable aussi de la jeunesse québécoise à plusieurs égards, qui ai présenté ce projet de loi.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Paré: Oui. Juste pour dire qu'effectivement le ministre de l'Éducation a manqué le début de mon intervention, sinon il ne serait pas intervenu. J'ai dit que je comprends très bien que le premier ministre ne soit pas là, avec toutes ses occupations. Mais j'ai dit ma déception, et je le dis, qu'il ne soit pas là par rapport à un projet de loi qui relève du premier ministre. Je dois dire qu'il faut s'en occuper, de nos jeunes. Il y en a qui vont plus loin que moi, puis je dois vous dire que je partage leur opinion. Le nouveau président du Comité national des jeunes du Parti québécois dit que le premier ministre doit remettre à quelqu'un d'autre la responsabilité du dossier des jeunes, car son inaction a suffisamment nui aux jeunes du Québec, et ça, c'est une réalité. Il n'a pas le temps? Qu'il confie ça à quelqu'un qui, à temps plein, va s'occuper de ce qu'on a de plus important pour notre avenir, c'est-à-dire nos jeunes qui demandent qu'il y ait, enfin, des gestes concrets qui soient posés.

Ce qu'on nous amène ce soir, je m'excuse, ce n'est pas l'idée du siècle et ce n'est pas ça qui va faire qu'à partir de demain matin, quand on aura voté le projet de loi 25, il y aura des gestes, des programmes importants qui vont être lancés pour dire: Voilà, c'est plein d'espoir pour nos jeunes; votre misère est terminée. Ce n'est pas ça, la réalité, et c'est pour ça qu'il faut que le premier ministre, s'il décide que c'est important, s'en occupe davantage, sinon qu'il délègue à une autre personne qui aura plus de temps. Je le sais que c'est difficile administrer dans une situation comme on traverse, au niveau constitutionnel et au niveau économique, mais, bon Dieu! il faut s'occuper puis il ne faut pas délaisser ce qu'on a de plus important, notre jeunesse.

Qu'est-ce que le gouvernement de l'autre côté a fait depuis 1985 pour nos jeunes, concrètement, et qui fait qu'on a la situation qu'on connaît présentement? Ah! Il y a eu l'élection de 1985. C'était de toute beauté, tout était orienté sur la jeunesse. Le premier geste qu'on a posé en 1987 - l'élection était en 1985 - ça a été, effectivement, la création du Conseil permanent de la jeunesse, une loi pour créer un conseil. Je vous le dis, je ne suis pas contre le Conseil, et je vais y revenir tantôt. Je le disais tantôt, je vais y revenir et je vais en parler du Conseil, plus profondément. Mais le premier geste concret posé, ça a été de créer un conseil. Les jeunes étaient en droit de s'attendre à ça, mais à beaucoup et beaucoup d'autres choses.

En 1987, le Conseil a été mis sur pied, a été voté et, ensuite, il y a eu la tournée, les élections, les nominations et, finalement, la mise en place du Conseil. Qu'est-ce qui s'est passé ensuite? Bien, il s'est passé que la situation allait de mal en pis. Malgré une période de croissance économique, pour nos jeunes, tout allait de plus en plus mal. Finalement, malgré cette loi qui créait le Conseil permanent de la jeunesse, il y a une coalition pour un débat public sur la situation de la jeunesse au Québec qui s'est créée en décembre 1990, parce que, là, il y a des gens responsables dans le milieu, dont les organismes communautaires et bénévoles dont parlait le ministre de l'Éducation tantôt... Il y a une coalition, un regroupement qui s'est créé demandant qu'il y ait une commission d'enquête publique indépendante sur la situation des jeunes, parce que c'était devenu inacceptable. C'était titré, en juin 1991, donc ce n'est pas moi qui le dis, ce n'est pas mon invention: «Un gouvernement à risque pour les jeunes». Donc, cette coalition de plusieurs intervenants qualifiait le gouvernement libéral: «Un gouvernement à risque pour les jeunes». Et ça disait: Saviez-vous que 35 000 jeunes décrochent de l'école secondaire au Québec, que 10 000 jeunes sont itinérants à Montréal, que 50 000 jeunes sont exclus de tout statut social, que 11 150 enfants sont placés en famille d'accueil ou en centre d'accueil et que 112 000 personnes de 15 à 24 ans sont en chômage? Et là, ils demandaient une enquête publique. Ça, M. le Président, c'est en 1991, par un comité tout à fait apolitique, parce que rien d'autre ne s'était passé. (22 h 30)

Qu'est-ce que le gouvernement a fait ensuite pour aider les jeunes? - la loi en 1987; il n'a pas répondu à la commission d'enquête qui était demandée pour essayer de régler la situation globale des jeunes, qui était devenue intenable - bien, c'est ce soir, on nous amène un projet de loi, le projet de loi 25 qui vient modifier des choses au niveau du Conseil permanent de la jeunesse, qui sont plus techniques, qui sont quand même importantes, mais qui sont plus techniques que si c'était un plan global ou, encore mieux, une politique de la jeunesse telle que demandée par tellement de personnes, dont le Conseil permanent de la jeunesse lui-même.

Donc, on se ramasse ici ce soir, dans le deuxième geste législatif pour nos jeunes depuis 1985, qui est une modification au Conseil per-

manent de la jeunesse. Donc, ce n'est pas un plan d'action, puis ce n'est pas une politique. Et là, bien, on en est rendu là ce soir.

Ça, ça va nous amener, M. le Président, à regarder le projet de loi comme tel, très rapidement. Bien oui! Le projet de loi dit que les gens qui sont membres du Conseil permanent de la jeunesse vont être là pour trois ans au lieu de deux ans. Pas d'objection, M. le Président, absolument pas d'objection. Les gens qui sont là ont prouvé leur compétence, que ce soit ceux du premier Conseil ou du Conseil qui est là présentement, actuellement. Ces gens-là, chapeau! ils font un travail formidable. Le travail qu'on leur confie, ils le font avec un dévouement qui mérite d'être qualifié, qui est remarquable. Ces gens-là, je pense, font même plus que ce qu'on leur demande. Donc, qu'ils soient là trois ans pour plus de continuité, une période plus longue pour être capables de poursuivre ce qu'ils ont commencé, je pense que, trois ans, c'est tout à fait acceptable.

Ensuite de ça, qu'on change dans la loi «communautés culturelles» par «communautés qui composent la société québécoise», M. le Président, on ne revirera pas le monde à l'envers pour ça. Effectivement, si on veut que le Conseil soit très représentatif de l'ensemble des citoyens, peu importe où ils se retrouvent sur le territoire québécois, bien oui, il ne faut pas penser seulement aux Québécois tels qu'on se voit soi-même et les communautés culturelles, mais il faut penser à la minorité anglophone et aux autochtones. Bravo! Je ne peux pas être contre ça.

Qu'on vienne donner aussi la responsabilité d'aller voir dans un secteur qui est l'environnement, ça aurait dû être fait en 1987. On ne pourra pas être contre ça non plus. Est-ce que l'environnement n'est pas une préoccupation majeure quand on regarde la rencontre qui se passe présentement à Rio, quand on regarde les catastrophes, quand on regarde ce qui se passe, ici même au Québec, que ce soit les pneus de Saint-Amable, que ce soit à Saint-Basile-le-Grand avec les BPC, que ce soit la nappe phréatique qui est contaminée dans la ville de Mercier ou ailleurs, je dois vous dire: il y a même urgence. Les premières personnes très impliquées, très concernées, très inquiètes par rapport à la préoccupation de l'environnement, c'est notre jeunesse. Bien, qu'on permette au Conseil permanent de la jeunesse de s'occuper, de se préoccuper et d'avoir des contacts avec les groupes qui sont sur le terrain un peu partout avec cette préoccupation majeure par rapport à l'environnement, tout à fait d'accord. Je pense même que c'était un oubli, en 1987.

Donc, ce qu'on fait là, ce n'est pas un cadeau, c'est plutôt une correction qu'on est en train de faire. On ne peut pas faire en sorte que le Conseil permanent de la jeunesse, qui a une vision d'avenir et qui s'occupe de ceux qui vont prendre la relève et qui sont déjà pour nous, les Québécois, au moment où ils sont là comme jeunes, une richesse d'aujourd'hui, on ne peut pas faire autrement que de respecter leurs préoccupations. Et parmi les préoccupations majeures, il y a, bien entendu, l'emploi et l'inquiétude par rapport à toute la situation qu'on connaît, qu'il va falloir régler à un moment donné. Mais il y a aussi, et ils l'ont toujours exprimé, une question par rapport à l'environnement. Bien, bravo qu'on fasse ça!

L'autre modification qu'on apporte - et si je parlais juste de la loi, je vais vous dire que j'aurais presque terminé - c'est pour faire en sorte qu'on retranche des choses dans la loi actuelle. Leur mandat, en parlant des gens qui sont nommés au Conseil permanent de la jeunesse, on va enlever... Leur mandat prend fin - non, non, on rajoute plutôt - dès que les membres du nouveau Conseil ont été élus. Ce que ça veut dire - et on l'avait dénoncé - il y a eu un premier Conseil qui a été élu, en bonne et due forme, correctement. Et je veux leur rendre hommage, à des gens qui, pendant leur premier mandat, ont fait un travail extraordinaire. Je vais revenir tantôt sur ce qui a été publié, sur ce que ces gens-là ont produit pour être capables de guider le premier ministre et le gouvernement.

Mais quand est arrivée maintenant la fin du mandat du premier groupe, avec le deuxième groupe - c'était dans la loi - il devait y avoir une période de transition, comme on le retrouve dans toutes les sociétés d'État et dans les sociétés normales, une période de transition où on permet que ceux qui partent soient là jusqu'à l'arrivée des nouveaux avec une transmission d'informations, de documents et d'échanges. Bien non! Ça ne s'est pas produit. Le premier ministre a décidé de trancher et de dire: Vous ne vous rencontrez même pas. Vous avez fini votre mandat, allez-vous-en, vous ne rencontrerez pas les nouveaux qui rentrent.

Est-ce que c'est parce que le premier Conseil avait été trop critique? On peut se poser la question. Sauf que, je dois vous dire, le deuxième l'est aussi beaucoup et il n'a pas le choix. S'il n'était pas critique, il ne remplirait pas son mandat parce que les jeunes ont le goût de crier un peu leur désespoir et leur misère. Et c'est le Conseil permanent qui est le véhicule pour être capable de passer ce message. Le gouvernement a décidé de modifier la loi puisqu'il ne l'avait pas respectée et qu'il ne voudra peut-être pas la respecter dans le futur. Donc, pas de transition. Quand ils auront fini, ils auront fini et bonjour la visite! Et les nouveaux rentreront en recommençant à zéro.

En fait, c'est plutôt comme un aveu que le premier ministre n'avait même pas respecté lui-même la loi lors du changement de personnes au Conseil permanent de la jeunesse. Donc, c'est ça le projet de loi, en soi. C'est des modifications qui sont tout à fait acceptables. C'est même des

modifications qui - on ne pourrait pas bien bien refuser - étaient, elles, demandées, proposées par les membres du Conseil permanent de la jeunesse pour être plus efficaces. Donc, tout ça, plus le correctif que le premier ministre décide de se donner pour avoir plus de pouvoir par rapport au changement de personnes sur le Conseil permanent de la jeunesse lorsque le mandat d'un groupe est terminé.

Donc, ce n'est pas plus compliqué que ça, finalement, et ce n'est que ça. Ça ne change pas le monde mais ça nous permet, par exemple, de parler du Conseil permanent de la jeunesse, de la situation actuelle des jeunes et des propositions qu'on peut amener si on veut améliorer la situation des jeunes parce que, quand on améliore la situation des jeunes, c'est de l'espoir collectif qu'on se donne parce que c'est la relève de demain, mais c'est la richesse d'aujourd'hui, notre jeunesse, et il faut s'en occuper maintenant. Donc, c'est ça.

Le Conseil permanent de la jeunesse, je vous ai dit que j'y reviendrais, tantôt. Bien là, je vais en profiter, effectivement, pour rendre hommage et au premier groupe et aux gens qui sont en place présentement, à qui on donne une année de plus à la barre du Conseil permanent de la jeunesse. Ces jeunes qui ont été pris un peu partout au Québec, de tous les secteurs, en essayant d'être les plus représentatifs possible dans la composition de la commission, ont travaillé avec une compétence qui mérite notre admiration par rapport à tous les documents qu'ils ont produits. Et je vais en nommer quelques-uns.

Suite à une consultation, en 1989, le Conseil permanent de la jeunesse a déposé un document qui s'appelle «Les couleurs de la jeunesse... noir sur blanc», qui permettait de voir la réalité vécue des jeunes du Québec. Bon, bien ça, ça permettait de voir la réalité telle qu'elle était vue par les jeunes, telle que critiquée par le Conseil permanent de la jeunesse et avec des recommandations précises. Et, là-dedans, on a identifié des choses incroyables: Qu'on est dans une société qui s'appauvrit; que, pour être capable de changer les choses, il faut s'attaquer à la pauvreté et que la meilleure façon de le faire, et probablement la seule façon permanente et efficace, c'est par une politique de plein emploi. C'est ce qu'on retrouve là-dedans.

Et pourtant, on n'entend jamais parler de politique de plein emploi. Et pourtant, les politiques, surtout fiscales qui sont prises de l'autre côté, appauvrissent la situation. Et ça, on n'a qu'à regarder dans des documents qui viennent souvent de l'extérieur où on dit, et je peux vous citer: «Québec crée la pauvreté, entre autres par la réforme de l'aide sociale.» Parce que, quand on augmente toutes les taxes, quand on augmente les permis, quand on augmente la tarification, quand on augmente l'électricité, quand on met la taxe sur les vêtements, les chaussures, les textiles, sur les choses essentielles pour les familles, ce n'est pas une politique familiale. C'est une politique fiscale. Et là, on appauvrit les gens. Et quand on appauvrit les gens et quand on appauvrit la classe moyenne et pauvre, quand on appauvrit les familles, c'est sûr qu'il y a des victimes qui sont aussi les jeunes, les enfants et les adolescents. (22 h 40)

Bon, bien, on n'a pas répondu à ce qui était demandé par le Conseil permanent de la jeunesse. On n'a pas mis en application les recommandations qui étaient là-dedans et on était très critique là-dedans. On s'en est pris, entre autres, à la loi 37, en la dénonçant spécialement sur le partage du logement. Pourtant, le gouvernement n'a pas écouté. C'est le Conseil permanent de la jeunesse, c'est des jeunes qui ont consulté à travers tout le Québec, qui ont eu des réunions dans toutes les régions du Québec, qui ont produit un document avec des recommandations précises, dont celle-là et d'autres, et des critiques par rapport à des coupures du gouvernement très précises. Ils ont dénoncé, entre autres, le dégel des frais de scolarité, les coupures dans le programme Jeunes volontaires, les coupures dans le programme - parce que ça aussi, le développement économique, c'est important - Bourse d'affaires aux nouveaux entrepreneurs. Ils ont dénoncé les choses qui étaient des décisions gouvernementales là-dedans.

Le gouvernement n'est pas revenu sur ses décisions, n'a pas amélioré les lois. Donc, on continue de s'appauvrir collectivement. Pourtant, le document avait été produit par une équipe compétente, qui a produit quelque chose que le premier ministre aurait dû utiliser presque comme un guide, parce que c'est un guide, un guide de recommandations où on voit une vision réelle de la situation québécoise, de la situation vécue par nos jeunes du Québec, avec des recommandations pour améliorer leur situation.

Malheureusement, je n'ai jamais entendu le premier ministre le commenter. Je ne sais pas s'il l'a lu, mais je sais qu'il n'a pas répondu aux recommandations qu'on retrouve là-dedans. Pourtant, le Conseil permanent de la jeunesse, son rôle est de conseiller le premier ministre. C'est le premier document de cette envergure et de cette importance qu'ils ont produit. Après une consultation faite par les jeunes et pour les jeunes, le premier ministre aurait dû lire ça et appliquer des choses là-dedans qui feraient en sorte que nos jeunes seraient moins mal pris aujourd'hui, seraient moins en état difficile comme celui que les jeunes connaissent aujourd'hui.

Donc, c'est une des choses que les jeunes ont faites. Ce n'est pas tout. Dans tout ce qu'il ont produit, je dois vous dire, ils ont fait un travail exceptionnel. Dans un autre, très appréciable, d'avis, de recherches, de colloques, de

présentation de documents de toutes sortes, entre autres sur la formation professionnelle, sur la participation des jeunes à la fonction publique, sur une politique de la famille, sur la réforme de l'aide sociale, sur la réforme de la santé et des services sociaux, sur la réforme constitutionnelle, sur l'aide financière aux étudiants. Je dois vous dire, le Conseil permanent de la jeunesse a été partout. Partout où il se passait quelque chose, ils étaient là pour faire valoir le point de vue des jeunes. Ils ont été très critiques par rapport au gouvernement à peu près sur tout ce que je viens de citer.

Ils sont allés loin, à part ça, M. le Président. Les jeunes ont demandé qu'il y ait une véritable politique de la jeunesse. Pour eux autres, c'est indispensable. Ça a été demandé en 1990, nous sommes en 1992, on n'en entend même pas parler de l'autre côté. Au lieu de nous arriver avec une politique qui nous permettrait de voir les objectifs et les orientations de ce gouvernement par rapport à la jeunesse, on nous arrive avec des modifications au Conseil permanent de la jeunesse.

Je vous l'ai dit tantôt, je ne suis pas contre ça. Sauf que ce n'est pas ça. Ce n'est pas juste ça que ça prend. Le Conseil permanent de la jeunesse a demandé ces modifications, mais il en a demandé une encore bien plus fondamentale, bien plus majeure, c'est une véritable politique de la jeunesse. Vous savez, on élabore des politiques de la forêt, des politiques de l'environnement, des politiques de l'habitation, des politiques à peu près dans tous les secteurs. On dit: C'est majeur, c'est essentiel, c'est indispensable parce qu'on considère que c'est un secteur important. Est-ce que la jeunesse n'est pas importante? On ne se donne même pas de politique de la jeunesse, comme si ce n'était pas notre première richesse naturelle, une richesse renouvelable, une richesse productive et de mieux en mieux formée. Pourtant, on n'est pas capable, on n'a pas la volonté d'aider vraiment nos jeunes, et ça, dans un cadre très défini d'une véritable politique globale. Mais non, on a décidé que ce n'était pas ça, c'est un choix qu'on a fait et il faut le respecter.

Mais, le Conseil permanent, je dois vous dire, je vais vous citer des documents qui ont été produits, des études et des colloques qui ont été tenus par les jeunes du Conseil permanent de la jeunesse. Ça va vous montrer à quel point ces gens-là sont actifs, productifs et remplissent bien leur rôle de conseillers auprès du premier ministre. Leur grave problème, c'est qu'ils ne sont pas écoutés. Il n'y a pas de résultats par rapport à leurs demandes. Plus souvent qu'autrement, et je vais vous donner des exemples tantôt, les recommandations non seulement ne sont pas suivies, mais on fait tout à fait le contraire. il y a eu, comme je le disais tantôt, les audiences publiques sur la jeunesse en 1989, qui ont apporté ce volume, ce livre qui permettait au gouvernement, en 1989, de connaître la situation, l'image réelle de nos jeunes et les recommandations pour améliorer ça.

Malheureusement, on n'en a pas tenu compte. En 1990, dans un autre document conjoint, le Conseil permanent de la jeunesse s'est associé au document «Être jeune et parent». Il faut donner à nos jeunes le goût de valeurs fondamentales et la plus grande valeur fondamentale d'une société, c'est la famille. Il faut leur donner non seulement le goût de la famille - c'est quelque chose, ça, puis, de toute façon, je pense que c'est inné chez l'être humain - mais la capacité, à tout le moins, ne pas mettre trop d'embûches à la création d'un ménage.

Je dois vous dire qu'il n'y a rien présentement qui facilite ça. Il y a des difficultés d'accès à l'emploi stable au départ. Donc, quand il n'y a pas d'emploi, quand on regarde la situation du chômage, à l'heure actuelle, eh bien, les gens sont inquiets; ils sont inquiets pour eux, pour leur capacité même de se nourrir. Ils y pensent deux fois avant de fonder un foyer. L'organisation du travail n'est pas faite en fonction des familles.

Les services à la famille. Je le disais tantôt, on peut bien dire qu'on donne 8000 $ sur cinq ans au troisième enfant, mais ce n'est pas beaucoup par rapport à toutes les augmentations, spécialement pour les familles, les augmentations de taxes, la TPS, la TVQ qui s'ajoutent sur des choses essentielles, indispensables. Faites juste le calcul à savoir combien ça coûte pour nourrir, habiller, les couches, tout l'essentiel pour un enfant; vous allez vous apercevoir que ce n'est pas un cadeau, les 8000 $; ça ne couvre pas... C'est une réalité et ça, ils sont obligés d'en tenir compte.

La formation professionnelle en 1990. Oui, ces gens-là sont sensibles, sont vraiment informés des besoins des jeunes et ils ont produit un document, en 1990, «La formation professionnelle et les jeunes», dans un rapport très clair, très précis, qui dit, encore une fois, c'est quoi la situation vécue dans ce secteur-là et ce que le gouvernement devrait faire. Encore une fois, oui, on en parle puis on parle d'une politique globale de formation professionnelle; là-dedans comme dans le reste, on dit que la seule façon de le mettre en application, c'est le rapatriement total des pouvoirs par rapport au placement, à la formation, à l'assurance-chômage, à tout ce qui est soutien aux employés, à tout ce qui est soutien au placement en entreprises. Pour ça, il faut rapatrier d'Ottawa. C'est dit là-dedans et, pourtant, on attend toujours la politique. On est toujours en attente. C'était en 1990 et on est en 1992 puis, en attendant, il se gaspille des sous, mais il ne se fait pas de formation et de moins en moins de formation.

Les jeunes et l'avenir politique et cons-

titutionnel du Québec. Encore une fois, en 1990, les jeunes, même s'ils sont au service de toute la collectivité et des jeunes, même s'ils sont là comme conseillers spéciaux auprès du premier ministre qui est responsable du dossier jeunesse, sont allés dire au premier ministre et à l'ensemble de la population du Québec: II faut la souveraineté politique du Québec si on veut être capable de se donner une politique de plein emploi, si on veut être capable de se sortir de cette pauvreté, d'avoir la duplication qui coûte si cher et qui nous empêche d'avancer. Ils l'ont dit, les jeunes. Là-dessus non plus, le premier ministre ne les a pas écoutés.

En 1991, «Pour une politique québécoise de la jeunesse». C'est ça que je vous disais tantôt. On ne les écoute pas. C'était clair: ces gens-là ont sorti, en juin 1991, une véritable politique, ont demandé une politique québécoise de la jeunesse. Et je vais vous lire le télégramme que ces gens-là ont émis à ce moment-là. Je pense que ça vaut la peine.

Le communiqué de presse qui a été mis par le Conseil permanent de la jeunesse commençait par une citation qui mérite d'être, encore une fois, citée: «II nous faut continuer à édifier une société capable de répondre adéquatement aux besoins de ses citoyennes et citoyens et plus particulièrement de sa jeunesse qui demeure une de ses solides assises collectives». Et il citait M. Robert Bourassa, premier ministre, qui avait dit ça, le 20 juin 1991, après le lac Meech. Donc, suite à ça, tout enthousiastes, les jeunes ont demandé qu'il y ait une politique globale en matière d'habitation. Et on pouvait lire, malheureusement, dans le journal, que ce n'est pas ça que le gouvernement avait fait. (22 h 50)

Je cite le communiqué, en partie: «Québec, le 27 juin 1991. Faisant écho aux propos du premier ministre tenus à l'occasion de la fête nationale du Québec, le Conseil permanent de la jeunesse recommande au gouvernement du Québec de se doter d'une véritable politique à l'égard de la jeunesse. Selon le président du Conseil, M. Alain Perreault, le taux de chômage élevé chez les jeunes, l'importance du décrochage scolaire, l'absence de lien significatif entre l'école et le monde du travail, l'accroissement de la pauvreté et l'érosion des revenus des jeunes commandent une remise en question des actions gouvernementales destinées à la jeunesse, groupe qui compte pour plus du quart de la population québécoise.» M. le Président, c'est le président du Conseil permanent de la jeunesse que je suis en train de citer, et ça, c'était en juin 1991, il y a une année, où il expliquait la gravité de la situation. Ça n'a fait qu'empirer depuis une année, mais il faut dire que la politique n'a pas été mise en application non plus.

Et on pouvait lire dans les commentaires, toujours de M. Perreault: «L'absence de vision globale et à long terme contribue à la margi- nalisation des jeunes et renforce le cercle vicieux de la dépendance à l'égard de la famille et de l'État. On est tannés de faire le même constat d'échec, a-t-il poursuivi. Au-delà des voeux pieux, on veut de l'action.» C'est le président du Conseil permanent de la jeunesse qui disait ça. Et, dans sa sortie demandant une véritable politique, le Mouvement - attendez un petit peu - des étudiantes et des étudiants du Québec était tout à fait d'accord et recommandait la même chose. Le Conseil national des jeunes de la CSN appuyait une politique. Tous ces groupes, sous l'instigation du Conseil permanent de la jeunesse, disaient qu'on en a assez des belles paroles.

Devant la situation que je viens de décrire, il faut arrêter de placoter et il faut agir pour nos jeunes. Et ça, dans le cadre d'une politique globale, c'était demandé, je vous l'ai dit, il y a une année, en juin 1991. Pas de commentaires de l'autre côté. Il n'est pas question de politique. On ne veut pas en entendre parler. Ce n'est pas une idée de Roger Paré, député de Shefford. C'est le Conseil permanent de la jeunesse, à qui on est en train de donner, ce soir, une façon de fonctionner améliorée. Bien, si on est d'accord avec ça et si on dit qu'ils font une bonne job, parce qu'on les vante, il faudrait aussi les écouter. Il ne faudrait pas seulement leur permettre de déposer des beaux rapports qui deviennent des documents tablettes. C'est trop dommage parce que les jeunes méritent mieux que ça et parce que le contenu, ces rapports sont trop bien montés, trop bien structurés, trop réalistes pour ne pas appliquer les recommandations qui vont permettre de donner de l'espoir et une vie meilleure à nos jeunes.

En 1991, toujours, il y a eu le Forum jeunes et société. C'était en octobre dernier et c'était organisé par les jeunes eux-mêmes, le Conseil permanent de la jeunesse, et ce que disait toujours le président: On est tannés de faire le même constat; on veut de l'action. Ça, c'est en septembre qu'on disait ça. Et un dernier rapport, en 1992, celui-là, en mars 1992, c'est tout récent, ça ne fait pas longtemps: «Raccrocher l'école aux besoins des jeunes». Donc, quand on regarde ce que ces jeunes-là ont produit, les documents qu'ils ont déposés avec des études complètes, bien, les jeunes savent dans quoi ils vivent. Le Conseil permanent de la jeunesse les connaît, les solutions, il les propose. Ce qu'ils demandent, c'est qu'on les écoute, et les écouter ne veut pas seulement leur dire: On vous a compris, puis on trouve que vous faites une bonne job. C'est plutôt leur dire: On vous a entendus correctement, on a compris ce que vous nous demandez et on va mettre en application les recommandations que vous nous soumettez. Mais, malheureusement, ce n'est pas ça qui est en train de se passer.

Et le fait de ne pas les écouter, ça nous amène dans quelle réalité? Et là, je ne le dis pas

pour être négatif, parce que je me dis: II faut être réaliste; il faut regarder la situation telle qu'elle est, ensemble, collectivement, avec du courage, et, ensuite, proposer des solutions. Mais ce n'est pas en se disant, comme le ministre de l'Éducation l'a fait au début: On a fait tout ce qu'on a pu, et c'est vrai que c'est difficile, mais ça ne va pas si mal. Ça va très mal. Et ceci étant dit, on regarde où les problèmes se trouvent, puis là on prend nos responsabilités. Où se trouvent les problèmes de nos jeunes? Bien, je vais être obligé de vous en donner une petite description, M. le Président, je ne peux pas faire autrement. Je ne peux pas faire autrement; sinon, ce serait comme dire à l'ensemble de la société et à nos jeunes: Si vous pensez que ça va mal, vous vous trompez. Je ne peux pas leur dire ça parce que je serais un menteur et je ne tiens pas à être un menteur. Je dirais et je passerais le même commentaire à ceux qui ont produit des documents, que ce soit le Conseil permanent de la jeunesse dans tous les documents qu'il a produits, ou le rapport de M. Bouchard et compagnie qui a produit un document, «Un Québec fou de ses enfants», où on retrouve les mêmes constatations, les mêmes difficultés pour les jeunes et des recommandations très importantes qui, encore une fois, ne semblent pas vouloir être suivies ou, à tout le moins, pas très rapidement, alors que, là-dedans, on disait: II y a urgence d'agir. Parce que plus on retarde à aider nos jeunes, plus on risque d'avoir des adolescents et des adultes de demain qui, non seulement pour eux mais pour l'ensemble de la société, seront en état de problème, coûteront plus cher à l'État et seront moins heureux.

Mais, vous savez, M. le Président, la réalité, c'est que de décembre 1990 à décembre 1991, il y a eu une augmentation de 21 000 jeunes de moins de 30 ans sur l'aide sociale. Je ne le dis pas parce que ça me fait plaisir, je le dis parce que ça me fait mal. Il y a 130 000 jeunes de moins de 30 ans sur l'aide sociale, dans une société qu'on dit riche comme la nôtre en Amérique du Nord. Ça n'a pas de bon sens. Des jeunes en santé, aptes au travail dans la majorité ou la presque totalité des cas, 130 000 de notre jeunesse en pleine santé qui vivent de prestations d'aide sociale, mais on ne parle toujours pas de politique de plein emploi. Ça, c'est une augmentation... L'augmentation des jeunes sur l'aide sociale en une année, ça représente 40 % de l'augmentation des gens qui sont tombés sur l'aide sociale; c'est vraiment le terme, «tombés» sur l'aide sociale. L'augmentation, elle est très importante, elle est par dizaines de milliers, mais 40 % de l'augmentation, c'est des jeunes de moins de 30 ans. Ça veut dire que c'est les gens les plus pénalisés de la société ou les plus mal pris. Ce n'est pas normal. C'est des jeunes qui, normalement, sont formés parce qu'on a un système scolaire qui est supposé d'être adéquat et parmi les meilleurs au monde - en tout cas, c'est ce qu'on espère - ou il va falloir le corriger rapidement.

C'est des jeunes en pleine santé. Les jeunes, ça a toujours été l'avenir d'une société et, pourtant, c'est le groupe mal pris. La pauvreté touche 20 % des enfants québécois et 29 % des jeunes familles. Je prends des statistiques qu'on retrouve autant dans le rapport Bouchard, dans les livres du Conseil permanent de la jeunesse que dans Statistique Canada ou des chiffres de la Commission des affaires sociales, des chiffres officiels qui viennent d'être déposés. C'est ça, la réalité, il ne faut pas se la cacher. Il faut plutôt penser à la dénoncer pour être capable de modifier ça.

Il y a 36 % des jeunes qui abandonnent avant la fin du secondaire. Je dois vous dire que ça ne leur donne pas grand espoir quand on sait qu'au tournant du siècle, ça va prendre de 16 à 17 ans de scolarité pour être capable de travailler. Peut-être qu'en attendant beaucoup de ces jeunes ont des «jobines», comme on dit chez nous, dans des épiceries, des restaurants ou un peu partout; des «jobines»! Sauf qu'on ait des «jobines» à temps partiel ou pendant qu'on va à l'école, c'est quelque chose, mais qu'on ait ça et seulement ça pour préparer son avenir, c'est inquiétant. De 36 % à 40 % de nos jeunes ne finissent pas le secondaire. Et au collégial, c'est 40 %; à l'université, c'est le tiers. Ça veut dire qu'il y a des problèmes, il va falloir modifier des choses. Là, on le sait. C'est comme un patient qui va chez le médecin. Il faut d'abord faire le diagnostic pour, ensuite, ou opérer ou donner des médicaments. Ce qu'on est en train de faire, c'est le diagnostic; ça, c'est la réalité qu'on vit chaque jour, que nos jeunes subissent chaque jour.

Il y a 50 000 jeunes en difficulté qui sont présentement dans les services de la protection ou de la sécurité publique au Québec - c'est toujours pour les moins de 30 ans, ce dont je suis en train de parler - et il y en a 12 000 qui sont pris en charge par la DPJ. Non seulement pour ces jeunes, c'est comme un avenir bloqué, ou, en tout cas, c'est une jeunesse en difficulté, mais pour l'État, ça coûte beaucoup plus cher que si on avait des programmes d'appui à la famille qui soient plus adaptés à la situation actuelle. (23 heures)

Quand je vois que le nombre de voies de fait ou d'agressions sexuelles exercées par les jeunes a augmenté du simple au double de 1986 à 1989, en passant de 1900 à 3500, ça, c'est nos jeunes dans une société qui, d'après ce que je peux voir, est de plus en plus violente. Et les chiffres que je vous donne, qui sont pris dans les documents qui sont déposés, c'est de 1986 à 1989. Pourquoi je tiens à spécifier, à revenir sur ces années? Vous pourriez dire: C'est peut-être normal qu'en période de crise économique il

y ait plus de violence parce qu'il y a plus de pauvreté. Entre 1986 et 1989, on était en période de croissance économique, parce que la crise a commencé en 1990. Ça veut dire qu'en pleine période de croissance économique la violence a augmenté, nos jeunes ont continué d'avoir une vie plus difficile parce que, de l'autre côté, on n'a pas pris les mesures sociales et les politiques familiales nécessaires pour empêcher nos jeunes d'être dans ce courant de reprise économique. Imaginez-vous! Les chiffres sont pires aujourd'hui parce que, depuis deux ans, c'est la crise économique.

C'est ce qui nous prouve, toujours selon l'étude qui est faite par le ministère de la Santé et des Services sociaux, que 70 % à 80 % de nos jeunes consomment de l'alcool et plus de 20 % de la drogue. Je vais vous dire, ça, c'est inquiétant. C'est notre jeunesse. On dit qu'il y a 10 000 jeunes qui vivent dans une famille d'accueil et à peu près 8000, à Montréal, qui sont des sans-abri. Pour une communauté qui se dit très civilisée, qui se dit riche, qui est fière de ce qu'elle est... Et on peut être fier, à part ça, d'être Québécois et on peut être fier de notre métropole Montréal, qui fête ses 350 ans de découverte ou de développement. Mais non pas en pensant qu'il y a 8000 sans-abri, dans nos rues. Quand je parle de 8000, je parle de 8000 moins de 30 ans. C'est des jeunes qui devraient être en train non seulement de bâtir leur avenir, mais de bâtir notre société.

À la place, c'est l'itinérance et ça nous amène à des titres aussi peu reluisants, aussi inquiétants que ce qui était dans La Presse du mois de mai 1992, donc il y a quelques semaines à peine: «Québec, médaillé d'or dans l'indiscipline du suicide». C'est une réalité. Moi, je vais vous dire, je ne sais pas, je n'ai pas les solutions non plus, je ne les ai pas toutes, c'est évident, mais je vous dis que c'est significatif. Si c'était cette année seulement, ou 1991 - parce que, ça, c'est les derniers chiffres - je pourrais vous dire qu'il arrive quelque chose dans l'air et le contexte n'est pas facile.

Mais ça, c'est depuis quelques années. Ça fait quelques années qu'on a le championnat du suicide chez les jeunes. On ne peut pas accepter ça. Quand je regarde mars 1992, L'actualité, ça aussi, c'est une revue qu'en tout cas on peut considérer comme sérieuse, que beaucoup de gens lisent. «Le Québec a le record de l'abandon scolaire en Occident». Est-ce qu'on a pris les mesures nécessaires, spécialement dans les crédits qui ont été déposés dernièrement, pour que ça change? Là, je vous ai montré le portrait, l'état du patient et il n'est pas rose, il est comme ça.

Est-ce qu'on a pris et est-ce qu'on a annoncé pour l'année à venir quelque chose qui va faire qu'il y ait plus d'espoir pour nos jeunes que le projet de loi 25, qui va permettre, effectivement, au Conseil permanent de la jeunesse de probablement être plus efficace dans son rôle, et je reviens là-dessus, dans son rôle de conseiller spécial auprès du premier ministre, donc du gouvernement, mais pas son rôle d'ap-pliqueur, pas son rôle d'organisme qui va pouvoir élaborer des programmes, mais de conseiller, en vous rappelant ce que je vous ai dit tantôt par rapport à tous les documents qui ont été déposés. Les recommandations n'ont pas eu une écoute attentive et des résultats concrets dans l'application.

Donc, qu'on leur facilite le travail, bravo! Pour conseiller le premier ministre, il va falloir les écouter, non pas par des mesures comme les dernières qu'on vient de prendre. Vous avez vu, le Conseil permanent de la jeunesse a dénoncé et il était contre toute augmentation de frais de scolarité. C'a augmenté de 130 % dans deux ans et, cette année, parce qu'on a enlevé le plafond, dans des universités l'augmentation des frais de scolarité, c'est 25 % dans une période difficile où on demande à nos jeunes de poursuivre leurs études en s'endettant.

C'est un peu inquiétant pour nos jeunes. Nous, on était inquiets aussi, quand on était plus jeunes, de s'endetter. Les gens sont inquiets de s'endetter pour une maison et une automobile. Ça ne veut pas dire de ne pas s'endetter pour l'éducation, ce n'est pas le message que je veux passer. C'est ce qu'il y a de plus important pour les jeunes de bien se former, d'aller à l'école le plus longtemps possible et d'aller chercher le maximum de diplômes parce que, même si on dit que les diplômes ne garantissent pas d'emplois, au moins il y a une chose qu'il faut reconnaître collectivement et les chiffres le confirment aussi: Plus on a de diplômes, moins on est sur l'assu-rance-chômage, même s'il y en a. Les chiffres montrent, en termes de comparaison, que plus on a de diplômes, moins on est nombreux, en pourcentage, à être sur l'aide sociale ou à l'assurance-chômage ou en attente ou en recherche d'un emploi.

Au moins c'est ça. Ça veut dire de continuer, mais les mesures qu'on prend, ce n'est pas très rassurant. Et c'est pour ça...

Encore dernièrement, je regardais... Si vous prenez les journaux, vous le voyez comme moi, maintenant, c'est les jeunes qui sont inquiets: «Plus de 700 étudiants manifestent contre la remise en question de la gratuité dans les cégeps.» Je vous ai donné des chiffres tantôt où je vous disais que dans le décrochage, c'est 36 % au secondaire, 40 % au collégial et 33 % à l'universitaire. Est-ce que vous pensez qu'on va garder plus longtemps nos jeunes au collégial en enlevant la gratuité des frais de scolarité puis en leur amenant des dépenses de plus? Non. Moi, je ne pense pas. Ce n'est pas ce genre de mesure qui fera en sorte qu'on va intéresser davantage nos jeunes à demeurer à l'école. Il faut de la formation. On ne peut plus penser que ce n'est pas utile. Et ça, on a tous, des deux côtés de la Chambre, un message important à passer à nos

jeunes: II faut le plus de formation possible, il ne faut pas lâcher.

Mais, en même temps, le message que je passe au gouvernement de l'autre côté: Arrêtez d'augmenter la charge chez nos jeunes au niveau de l'éducation. Si on veut les encourager, si on veut les stimuler, si on veut qu'ils aillent plus longtemps à l'école, ce n'est pas en enlevant la gratuité dans les cégeps, ce n'est pas en augmentant les frais de scolarité de 25 % dans les universités qu'on va leur donner le goût et l'intérêt à la poursuite de leurs cours. Vous savez, il y a des décisions qui ont été prises et qui font en sorte que c'est souvent nos décisions qui découragent et démobilisent et les familles et les enfants, donc notre jeunesse.

Prenons des mesures importantes, devenons un peu enthousiastes, pas en ayant juste une vision de budget, mais en ayant une vision de société, en offrant quelque chose à nos jeunes, en leur donnant de l'espoir. Et ça, ça prend des politiques. Oui, ça prend des politiques. Et ce n'est pas des vains mots des politiques, ça veut dire qu'on se fixe des objectifs. Quand on se fixe des objectifs, on est un gouvernement responsable, on va chercher l'appui de l'ensemble des intervenants de la société, la participation et la collaboration des institutions et des entreprises. C'est comme ça qu'on bâtit une société, parce qu'on se fixe des objectifs, on implique les intervenants et on se donne les moyens d'atteindre nos objectifs. Là-dessus, le milieu est prêt comme il ne l'a jamais été. Au Forum pour l'emploi, qui a réuni des intervenants de l'ensemble du Québec, que ce soient les banques, les caisses, le Conseil du patronat, les chambres de commerce, les organismes communautaires, les entreprises, les PME, des milliers de personnes se sont mobilisées pour dire: On veut une politique de plein emploi, qui était commencée, soit dit en passant. Les sommets économiques, les MRC, toutes les structures ont été mises en place à partir de 1979-1980. Il y avait même en 1985, sous l'ancien gouvernement, un ministère du plein emploi et de la concertation. Malheureusement, ça a été aboli. Mais qu'on le ramène, qu'on ne se gêne pas pour ramener des bonnes choses.

La concertation, c'est comme ça qu'on va se développer, en se donnant des solidarités québécoises. Parce que le développement du Québec - et ça, c'est prouvé; même le ministre du Développement régional le dit maintenant - va se faire par les régions, et le développement des régions va se faire par les gens du milieu, par la capacité des gens de développer les richesses qu'ils ont dans leur milieu. Et quand je parle de richesse, je ne parle pas juste de forêt, de poisson et d'agriculture, je parle d'abord de la première richesse, celle qu'on retrouve entre les deux oreilles, la matière grise, et spécialement chez nos jeunes qui sont de mieux en mieux formés. Les Japonais l'ont compris, avec un petit territoire, sans richesses naturelles. Ils ont décidé d'investir dans ce qu'ils ont de plus important, leur jeunesse. On a l'impression, à regarder les lois qui sont passées ici, que la jeunesse, c'est une maladie passagère, en disant aux jeunes: Ne vous inquiétez pas, vous êtes jeunes, vous avez de la misère, vous allez en guérir parce que vous allez vieillir. Ce n'est pas vrai! La jeunesse, ce n'est pas une maladie, c'est une richesse. C'est non seulement la richesse de la capacité de la santé des jeunes, c'est la plus belle et la plus grande richesse collective qu'on ait. C'est une richesse qu'on doit aujourd'hui utiliser et qu'on doit aider à se développer. Quand ils sont bien développés et qu'ils sont enthousiastes, nos jeunes, ils battent des records, puis ils ont le goût de développer des régions. (23 h 10) on le sait, et c'est dans un autre document produit par le ministère de l'industrie, du commerce et de la technologie, celui-ci, qui prouve que 80 % de nos emplois sont créés dans des petites et moyennes entreprises, dans les villes, dans les villages, dans les communautés, dans les régions. mais, ça, ça veut dire qu'il faut avoir des programmes d'aide. il faut être stimulant, il faut avoir quelque chose. mais ce n'est pas par les dernières politiques qu'on voit où, très souvent, c'est plutôt décourageant qu'autre chose, qu'on va l'avoir. entre autres, dans le dernier budget on a annoncé des compressions, des coupures de 4 % des effectifs dans la fonction publique. ce n'est pas sûr qu'on va être regagnant. parce que qui va-t-on couper? ça va souvent être les derniers services qu'on a rentrés dans les régions ou les derniers embauchés. c'est qui, les derniers embauchés? c'est les femmes et c'est les jeunes parce que c'est les derniers rentrés sur le marché du travail. on va encore pénaliser ceux qui sont déjà en difficulté de placement. bien non! et les jeunes, là, ils sont imaginatifs. écoutons-les.

Je pense juste ici à la Fédération étudiante universitaire du Québec qui, le 17 mars 1992, il n'y a pas longtemps, a écrit au premier ministre, aux députés et à l'ensemble - vous en avez tous reçu des copies - des suggestions. Ces gens-là en ont, des idées, des suggestions. Entre autres, pourquoi pas un impôt postuniversitaire? Pourquoi pas un impôt postuniversitaire? Est-ce qu'on en a discuté de l'autre côté? Est-ce qu'on l'a regardé? Parce que ça, c'est plus équitable. C'est probablement même plus payant pour le gouvernement. C'est plus juste parce que ça voudra dire que le jeune va rembourser en fonction de ses revenus. C'est équitable, c'est juste, c'est moins inquiétant. Bien non! On ne l'a pas vu.

Les jeunes ont demandé l'adoption d'une loi qui encadrerait le processus de majoration des frais de scolarité, une loi qui viendrait encadrer plutôt que de laisser aller, comme on le voit. Je vous l'ai dit tantôt: 130 % d'augmentation en deux ans, les frais de scolarité. Cette année,

parce qu'on a enlevé le plafond, c'est 25 %. Écoutez! À nos jeunes qui ne travaillent pas et qui veulent s'instruire, est-ce qu'on va toujours leur dire qu'à un moment donné ce n'est plus accessible, l'éducation? Non. Ils ne nous disent pas qu'ils ne veulent pas collaborer, ils ne nous disent pas qu'ils ne veulent pas participer. Ils nous font même des suggestions et ils nous disent: On accepte ce qu'on a payé et qui nous a coûté si cher, 130 % d'augmentation en deux ans mais, pour l'avenir, est-ce qu'on ne pourrait pas savoir dans quoi on s'embarque? On est prêt à faire notre part, mais on dit au gouvernement: Faites la vôtre, investissez dans l'éducation.

Malheureusement, ce n'est pas ça qu'on fait de l'autre côté, c'est des coupures, quand on a vu les crédits qui ont été déposés et quand on voit le budget du ministre des Finances qui, malheureusement, ne nous amène pas beaucoup d'encouragement. Et la preuve que chaque ministre reconnaît que la situation est grave, c'est qu'on est obligé de poser des gestes qui sont des gestes curatifs ou des gestes de société en grave problème et non pas des gestes de société en développement.

Deux exemples. Deux exemples que je ne prends pas de moi, mais qui viennent de copies de presse, qui datent toujours des dernières semaines ou des derniers mois. Le ministre de l'Éducation m'a dit tantôt: Vous allez dire qu'on n'aide pas les jeunes, et il m'a donné des chiffres sur les groupes communautaires. C'est vrai. C'est vrai que les budgets ont augmenté, mais si le nombre de groupes communautaires a augmenté et qu'eux autres aussi font un travail extraordinaire, avec très peu de ressources mais beaucoup d'énergie et de bénévolat, si le nombre a augmenté et qu'on a été obligé d'augmenter les budgets pour les aider, c'est que les besoins sont rendus tellement grands que les groupes sont obligés de se multiplier pour être capables d'aider nos jeunes en difficulté. Bien, je comprends! À Montréal seulement, on distribue 12 tonnes de nourriture par jour. Douze tonnes de nourriture par jour à nos itinérants et à nos familles pauvres et le ministre de l'Éducation lui-même s'engage à nourrir 50 000 écoliers dans les écoles.

Une école, c'est fait pour donner de l'information, de la formation et préparer nos jeunes. C'est au niveau intellectuel, c'est au niveau d'une formation globale. Bien là, on est rendu que c'est devenu un endroit où on est obligé de nourrir nos jeunes parce qu'ils ont trop faim pour apprendre. Et ça, c'est le ministre lui-même qui le reconnaissait dans le programme qu'il a annoncé, où il faut nourrir à coups de millions. Mais pourquoi on est obligé de nourrir les enfants dans les écoles? En très grande partie, c'est que les parents, malheureusement, n'ont plus les moyens, n'ont plus les moyens de nourrir leurs enfants à force d'être taxés, surtaxés, de voir tout augmenter: la tarification de l'électricité, comme je vous disais tantôt, les taxes scolaires, les taxes municipales. Il va falloir arrêter de penser juste en termes de revenus et commencer à penser en termes d'investissements.

Pour ce faire, je vous donne juste deux suggestions, rapidement, M. le Président, parce que vous me dites qu'il me reste à peine quelques minutes. Donnons-nous rapidement ce qui est demandé par le Conseil permanent de la jeunesse depuis déjà deux ans: une véritable politique québécoise de la jeunesse qui va au moins montrer aux jeunes qu'on a une vision, qu'on a des objectifs, qu'on a des orientations et qu'on a le goût de leur proposer une démarche. Parce que, pour le moment, il n'y en a pas de démarche. Qu'on leur propose une démarche qui pourra inclure une politique familiale, qui pourra inclure une politique de formation pour les plus jeunes, d'aide en attendant que les familles puissent s'en sortir. Il faut qu'on ait cette politique qui est capitale.

La deuxième chose, c'est une invitation au premier ministre. Je comprends qu'il ne soit pas là ce soir. Je l'ai dit et je le répète, je le comprends. S'il n'a pas le temps, mais qu'il décide quand même de garder la responsabilité par rapport au dossier jeunesse, qu'il soit attentif aux recommandations que le Conseil permanent de la jeunesse va lui faire, parce que les recommandations qui sont contenues dans les documents que je vous ai montrés tantôt, M. le Président, c'est applicable, c'est réaliste, c'est réalisable, et c'est ce que les jeunes ont demandé. Et quand les jeunes demandent, qu'ils font des suggestions, quand on va leur répondre favorablement, on va avoir des alliés, on va avoir des gens qui n'auront pas le goût de se suicider, mais qui vont avoir le goût de bâtir une société.

Il faut écouter les gens du Conseil permanent de la jeunesse que je salue tout particulièrement, en finissant, en leur disant: Oui, on va voter pour le projet de loi, parce que vous l'avez demandé, parce que ça va vous permettre d'être encore plus efficaces. Moi, je vous dis, au nom de ma formation politique: Vous êtes des gens extraordinaires qui méritez notre appui, qui travaillez très fort et qui êtes toujours très présents. Je le dis, à toutes les fois où il y a une rencontre de jeunes, peu importe dans quel coin du Québec, vous êtes présents, parce que non seulement vous êtes là pour conseiller le premier ministre, mais vous êtes d'abord là pour écouter et identifier les problèmes des jeunes. Je vous dis: Chapeau! Je vous dis: Bravo! Continuez. Mais je ne veux pas qu'on soit juste des gens, à l'Assemblée nationale, qui passent leur temps à féliciter ceux qui identifient les problèmes, ceux qui identifient les besoins, ceux qui font des recommandations, je veux que nous soyons de ceux qui, conscients des problèmes, allons enfin nous décider à passer à l'action. Comme nous le

disait M. Perreault, le président du Conseil permanent de la jeunesse: C'est fini, le temps des belles paroles. Ce qu'on demande - et, là, je parle au nom du Conseil permanent de la jeunesse, parce que c'est le président qui le disait lui-même - à partir de maintenant, c'est: Fini, les discours, il faut passer à l'action. Et ces gens-là, ils ont raison. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Shefford, de votre intervention. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse. Je reconnais M. l'adjoint parlementaire du premier ministre et député d'Orford. M. le député, je vous cède la parole.

Des voix: Bravo!

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, merci. Je voudrais tout d'abord saluer l'honorable député de Shefford que j'ai écouté avec grand intérêt depuis plus d'une heure. Je vais essayer d'être beaucoup plus bref, M. le Président, et de m'en tenir à l'esprit même de la loi 25 qui est, en fin de compte, un projet de loi de 10 articles, plutôt simple, où nous voulons extensionner de deux ans à trois ans le nombre d'années pendant lesquelles les gens pourront siéger au Conseil permanent de la jeunesse.

Alors, l'honorable député de Shefford nous a fait un portrait de la situation complète du Québec. Le seul point que je voudrais relever, c'est celui de l'assurer et d'assurer les jeunes du Québec que le responsable des dossiers des jeunes au Québec, qui est le premier ministre du Québec, est à leur écoute. Pas plus tard qu'au mois d'avril il recevait les dirigeants du Conseil permanent de la jeunesse et il est à l'écoute constamment.

Vous savez vous-même, M. le Président, vous qui êtes à l'intérieur d'une formation politique où il y a une commission jeunesse, avec quelle facilité ces jeunes-là ont accès au premier ministre. Je peux vous dire, comme adjoint responsable des dossiers des jeunes, quelle facilité nous avons, avec des jeunes, de rencontrer le premier ministre et d'exposer les points de vue.

J'invite l'honorable député de Shefford à rester à l'écoute, les prochains mois. Je pense qu'on arrivera avec un bon nombre de mesures. Il a parlé d'un nombre d'études qui ont été faites, autant par le Conseil permanent de la jeunesse que par différents organismes sur différents sujets. Soyez assuré, M. le Président, que ces études-là, nous les avons compilées, nous en avons pris connaissance, et il y a un bon nombre de politiques qui seront mises en place dans les prochaines semaines, les prochains mois. (23 h 20)

S'il y a un sujet dont la société a à être fière, M. le Président, c'est bien notre jeunesse. Jamais ne passent inaperçues ses réussites, ses exploits, sa créativité, son dynamisme, son sens du civisme, et j'en passe. À l'opposé, il faut bien le reconnaître, toutes et tous se sentent concernés lorsqu'ils voient ou entendent parler de jeunes aux prises avec des problèmes scolaires, de chômage, de violence, de santé mentale ou de toxicomanie. Quelle que soit la situation, parents, amis et État sont tous mobilisés pour accompagner les jeunes dans leur démarche d'insertion sociale et professionnelle, pour prévenir le développement de phénomènes excessifs de marginalisation.

Et je vous avouerai, M. le Président, que je suis toujours un peu déçu quand j'écoute les gens de l'Opposition essayer de politiser un débat comme celui des jeunes. J'aimerais qu'il n'y ait pas de limite de parti, de ligne de parti, finalement, et que nous puissions discuter ouvertement sans cette ligne de parti. J'ai senti tout au long de l'heure qu'a prise l'honorable député de Shefford combien de fois il aurait voulu être d'accord avec le projet de loi, mais il était un peu lié avec cette ligne de parti. J'aimerais qu'on soit au-dessus, finalement, des politiques partisanes quand on parle des jeunes et qu'on regarde les problèmes tels qu'ils sont.

On doit ainsi se réjouir, M. le Président, de la présence d'un organisme, tel que le Conseil permanent de la jeunesse, qui fait un très bon ouvrage depuis l'arrivée au pouvoir, en 1985, des libéraux, auquel moment le Conseil permanent fut mis en place, et, je dois l'admettre, organisme qui est a l'écoute des besoins et attentes des jeunes. M. le député de Shefford parlait du document «Les couleurs de la jeunesse... noir sur blanc. Bien sûr que nous l'avons lu, j'étais personnellement présent au moment du lancement du volume, et c'est effectivement un livre de chevet, non seulement pour nous, mais pour les hauts fonctionnaires dans les différents ministères à qui on a demandé de colliger à l'intérieur de ce document le nombre de programmes qu'il y avait. Alors, soyez assuré que les avis du Conseil permanent de la jeunesse, qui sont reçus annuellement par le premier ministre, et à l'étude des crédits aussi nous en avons discuté, c'est un document de réflexion important au bureau du premier ministre.

Je voudrais aussi préciser. Encore une fois, le député de Shefford a, pendant plus d'une heure, mentionné un paquet de chiffres et combien ça allait mal chez les jeunes. Je voudrais lui dire qu'il y a une prise de conscience à la grandeur du Québec, chez les parlementaires et dans tous les niveaux, que ce soit scolaire, municipal, et nous invitons les jeunes, nous invitons les jeunes à prendre leur place à l'intérieur des structures gouvernementales, que

ce soit dans les CLSC... Nous venons de finir une session d'élections dans les CLSC, dans tout le régime de la santé. Je n'ai pas vu beaucoup de députés de l'Opposition essayer de faire élire des jeunes à ces différents postes électifs. Je sais que, de notre côté, nous l'avons fait et nous le ferons maintenant dans la décentralisation. Tous les députés ont été invités, de notre côté, à s'assurer que ces conseils régionaux aient des jeunes qui soient partie prenante du processus décisionnel de ces nouveaux organismes qui vont être très importants. Je n'ai pas vu cette même préoccupation de l'autre côté, peut-être quelques discours ici et là, mais, chez nous, des députés se sont impliqués personnellement pour faire avancer le processus décisionnel des jeunes dans la société.

M. le Président, je finirai, je vous l'ai dit, je veux m'en tenir à l'essence même du projet de loi 25 qui a, finalement, 10 articles, dont un qui est vraiment plus important que les autres, soit d'extensionner de deux ans à trois ans le mandat. Mais je veux juste rappeler aux gens qui nous écoutent ce soir qu'il y a eu 14 mesures dans le dernier budget, non seulement dans le budget, mais dans le discours de la trente-quatrième Législature. Il y a eu 14 mesures qui s'adressent directement aux jeunes, et je voudrais juste en citer quelques-unes.

Le plan d'action sur la réussite en éducation pour lequel le gouvernement consacrera plus de 42 000 000 $, qui a été annoncé par le ministre des Finances dans son dernier budget. Vous savez tous qu'il y aura aussi une commission parlementaire à l'automne sur toute la problématique de l'enseignement collégial, et nous sentons déjà un très grand intérêt, autant chez les jeunes de notre côté que chez les jeunes de l'autre côté, et partout, je pense, au Québec, il y aura une participation très grande dans cette réflexion en profondeur, 25 ans après la création des collèges. Il y aura la création de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre où nous allons impliquer, et avons impliqué, les jeunes dans son processus, un plan d'action pour soutenir le développement optimal des jeunes résultant des travaux des trois importants groupes de travail communément appelés Bouchard, Jasmin et Harvey, une importante étude sur le phénomène de la conciliation études-travail et son impact sur l'abandon scolaire. Cette étude a été faite par le Conseil supérieur de l'éducation, étude tout à fait pertinente et intéressante, M. le Président, sur ces jeunes qui pendant leurs études vont se chercher un ouvrage. Ce n'est pas un phénomène québécois, c'est un phénomène mondial en ce moment, et on a étudié dans une optique du Québec quelles étaient les conséquences de ce phénomène sociologique.

Nous avons aussi une prise de conscience, la modification de la Loi sur la protection de la jeunesse. Nous avons aussi une réflexion impor- tante sur le Québec des régions et les jeunes dans les régions, la politique culturelle qui sera annoncée à la fin de juin, un instrument très attendu pour la relève en culture. Le phénomène de la pauvreté, une réalité à laquelle doit faire face un nombre accru de jeunes.

Un soutien accru. M. le député de Shefford a parlé des jeunes familles et de toute la taxation. Je veux lui rappeler que depuis 1985, époque où on a pris le pouvoir, M. le Président, les jeunes couples à 19 000 $ de revenus payaient de l'impôt. Il faut maintenant chercher aux alentours, entre 27 000 $ et 29 000 $ pour les jeunes couples avec enfants avant de payer une seule cent d'impôt au Québec. Et ça, vraiment, non seulement c'est une politique fiscale, mais c'a été une politique familiale.

Il y aura aussi une réorganisation des programmes d'aide aux exploitations agricoles, de même qu'une nouvelle façon d'encourager la formation et, notamment, la préparation à la relève. M. le Président, il y a cinq ans, le gouvernement s'est donné, en matière jeunesse, une structure, soit le Conseil permanent de la jeunesse, structure qui fonctionne très bien. À l'usage, on s'est aperçu qu'il y avait quelques changements qu'il fallait apporter, la période où il y avait élections, les deux ans versus les trois ans. Mais, finalement, la structure a été bien pensée, elle fonctionne très bien, et je pense que même les gens que nous avons consultés avant de faire ce projet de loi, finalement, c'est leur réflexion que nous allons mettre dans ces 10 articles.

M. le Président, à titre d'adjoint parlementaire au premier ministre, je veux encore rappeler au député de Shefford et aux jeunes du Québec qu'ils ont eu une écoute attentive très grande, avec le Conseil permanent, auprès du bureau du premier ministre, en tout temps. Et à chaque fois qu'un groupe de jeunes a voulu rencontrer le premier ministre responsable des dossiers des jeunes au Québec, ils n'ont eu aucune difficulté. Le premier ministre les a rencontrés avec grand intérêt et a donné mandat à chacun de ses ministres de procéder avec d'importantes transformations et d'importantes études ont été faites. Encore une fois, j'invite le député de Shefford à nous suivre dans les prochains mois et les prochaines années. Il y a des transformations importantes, des actions importantes qui vont toucher les plus jeunes dans notre société. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Orford. Est-ce que la motion, proposant l'adoption du principe du projet de loi 25, Loi modifiant la Loi sur le Conseil permanent de la jeunesse, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le ministre des Affaires municipales.

Renvoi à la commission des institutions

M. Ryan: m. le président, je fais motion pour que le projet de loi 25 soit déféré à la commission des institutions pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le ministre des Affaires municipales.

Une voix: C'est un nouveau leader?

M. Ryan: Je vous demande d'appeler l'article 13.

Projet de loi 20 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le ministre, je vous remercie. À l'article 13, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements. M. le ministre des Affaires municipales.

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, je vais tenter d'être le plus clair, et le plus bref, et le plus concret possible. Il s'agit d'un projet de loi éminemment bienfaisant. J'entendais dire dans les corridors que l'Opposition s'apprêterait à faire une lutte farouche à l'encontre de ce projet de loi. Mais je suis sûr que lorsqu'elle aura entendu les explications que nous avons à lui offrir, elle se rendra compte de l'inanité de toute démarche obstructionniste à l'endroit d'un projet de loi aussi constructif. On va partir de la réalité et on va voir tout de suite la portée du projet de loi. (23 h 30)

II y a parmi nous, comme parmi la population, des amateurs de cinéma, de baseball, de théâtre, de hockey, d'endroits comme le parc Safari, par exemple, le parc Belmont, des endroits d'amusement, La Ronde à Montréal, etc. Le Cirque du soleil entre là-dedans, justement. Si vous allez à un spectacle présenté dans l'un de ces lieux, voici ce qui arrive actuellement. Disons que le promoteur fixe le prix du billet d'admission à 10 $. Là, vous avez 1 $ en droits sur le prix du billet. Ça, c'est ce qu'on appelle les droits sur les divertissements, 1 $. Ça porte le prix du billet à 11 $. En plus, est venue s'ajouter, l'an dernier, la TPS. C'est la taxe fédérale de 7 % sur les produits et services: 7 % de 11 $, ça fait 0,77 $. on est rendu à 11,77 $. là, normalement, après la décision annoncée par le ministre des finances, dans son budget de l'an dernier, devait venir s'ajouter à ce montant la tvq, la taxe de vente québécoise de 8 %; 8 % sur 11,77 $, ça faisait 0,94 $. vous additionnez le tout, votre billet vous coûterait 12,71 $, si on s'en était tenu aux décisions annoncées l'an dernier, 12,71 $.

Maintenant, plaçons-nous sous la nouvelle économie qu'est venu annoncer le discours sur le budget et que vient confirmer, en ce qui touche les droits sur les divertissements, le projet de loi 20 que nous discutons présentement. Alors, le prix du billet est toujours de 10 $ pour l'instant. Le 1 $ de droits sur les divertissements disparaît. C'est l'objet du projet de loi. Le 1 $ disparaît. Donc, vous passez à 10 $; il reste les 7 % de la TPS. Eux restent là. Ça, ça vient d'Ottawa. Nous n'avons pas de contrôle là-dessus. 7 % de 10 $, ça fait 0,70 $. Vous êtes rendus à 10,70 $. Là, il y a la TVQ qui vient s'ajouter. La TVQ, le ministre des Finances l'a portée de 8 % à 4 %. Alors, 4 % sur 10,70 $, ça fait 0,43 $. Vous ajoutez 0,43 $ à 10,70 $, ça fait 11,13 $.

Alors, voilà toute la signification du projet de loi que nous discutons ce soir. Le billet que vous auriez payé normalement 12,71 $, vous le paierez dorénavant, à condition que les promoteurs ne veuillent pas mettre la différence dans leur poche ou dans leur caisse, vous le paierez 11,13 $. C'est-à-dire que vous sauverez environ 12 % sur le prix que vous auriez normalement payé. voilà essentiellement... c'est un projet de loi qui est très simple, m. le président. voilà ce que ce projet rapporte et je pense que ce résultat est bon pour les spectateurs. je pense bien que toute personne raisonnable et responsable préférera assister à un concert où ça lui coûtera 11,13 $ plutôt que 12,71 $. si moi-même je veux aller à une partie de base-bail - des fois, certains commentateurs m'accusent d'avoir une certaine sympathie pour le baseball, je ne le nie pas - alors au lieu de payer 12,71 $, ça me coûtera 11,12 $ pour un siège d'une valeur moyenne. c'est généralement là que je me situe. alors, ça vaut la peine pour tout le monde. tous ceux qui se présentent à un lieu de divertissement, parmi les catégories que j'ai énumé-rées tantôt qui font partie de la loi actuelle, bénéficieront, par conséquent, il faut le dire en toute franchise, parce que je pense que, du côté de l'opposition, on n'a jamais la loyauté de l'admettre, à moins que je ne connaisse plus le sens que les dictionnaires donnent aux mots. là, vous êtes témoins et la démonstration est faite clairement d'une réduction du fardeau fiscal pour toute personne qui veut se présenter à un lieu d'amusement pour assister à un spectacle corn-

mercial.

Deuxièmement, c'est très bon pour les entreprises de divertissement. Les entreprises de divertissement voyaient venir avec une grande appréhension la fameuse TVQ venant s'ajouter à la TPS. Si on avait eu les trois ensemble, le fardeau fiscal sur un billet d'admission était rendu à un niveau de 27 % du prix de base, 27 % qui venaient s'ajouter en taxes. Alors, avec la mesure que nous prenons, le fardeau est réduit à 11,12 %. C'est une jolie réduction. Et j'ai hâte d'entendre les objections qu'on voudra formuler tantôt à rencontre d'une mesure comme celle-ci. C'est parfaitement clair, M. le Président. Je pense que personne n'est capable de contester la véracité de ces chiffres.

Maintenant, on nous dira du côté de l'Opposition: C'est beau, c'est beau; du côté du gouvernement, vous vous montrez magnanimes, mais avec l'argent des autres. Parce que le droit de divertissement de 10 %, là, c'est la municipalité qui le percevait. C'est bien facile pour le gouvernement de l'enlever dans un certain sens, parce que c'est des revenus qui allaient du côté de la municipalité. On peut nous dire: C'est bien facile de faire la charité avec le bien d'autrui. Ceux qui nous feraient cette critique seraient fondés de la faire. Mais si on se laisse aller à une telle critique, on présente seulement un côté de l'histoire. Si on regarde toute l'histoire, on va vite constater que le gouvernement a pris ses responsabilités à l'endroit des municipalités. Le gouvernement a voulu, fondamentalement, favoriser l'essor de l'industrie du divertissement au Québec en allégeant considérablement les charges fiscales qui pèsent sur le prix du billet d'admission. Mais, en même temps, il offre aux municipalités des compensations fort raisonnables et que je n'hésite pas à qualifier d'équitables.

Tout d'abord, quand nous avons fait la réforme de la fiscalité municipale l'an dernier, avec la loi 145, il y a eu des discussions pendant au-delà d'une année sur le document qui avait d'abord été présenté aux municipalités en décembre 1990 et, quand nous avons adopté la loi 145 en juin dernier, nous avions prévu dans cette loi-là que les droits sur les divertissements portant sur les lieux culturels seraient éventuellement abolis par le gouvernement. Ça, nous l'avions dit. Nous avions inséré dans la loi une disposition qui permettait au gouvernement de faire une exception. C'était explicitement mentionné, dans toutes les explications que nous avons données, que cette exception embrasserait les lieux où l'on présente des événements à caractère culturel. Et quand nous avons fait le réaménagement des sources de revenus octroyées aux municipalités, nous avons augmenté le rendement de certaines sources pour offrir une compensation équivalente à 40 % des revenus que les municipalités tiraient des droits sur les divertissements. Les revenus totaux que les municipalités avaient retirés de l'année précé- dente étaient d'à peu près 26 000 000 $, et nous avions estimé qu'en enlevant les droits sur les divertissements culturels nous ferions perdre aux municipalités 11 500 000 $, et, en compensation, nous avons augmenté le rendement de certaines taxes, en particulier les droits sur les mutations immobilières.

Les droits sur les mutations immobilières étaient facultatifs jusqu'à l'année dernière, puis là où une municipalité décidait de les instituer, elle pouvait établir un droit équivalant à la moitié de 1 % sur le prix de la transaction. Nous avons modifié la loi pour donner un peu plus d'espace aux municipalités. Nous avons dit: Pour le premier 50 000 $, ça va être la moitié de 1 %; entre 50 000 $ et 250 000 $, ça va être 1 %; et, au-delà de 250 000 $, ce sera 1,5 %. Je vous donne un exemple. Quelqu'un qui ferait une transaction, qui achète une maison, disons, de 100 000 $, sur le premier 50 000 $, il va payer 0,5 %, ça fait 250 $; sur l'autre 50 000 $, il va payer 1 %, ça veut dire qu'il va payer 500 $ plus 250 $, ce qui donne 750 $ dans les coffres de la municipalité, alors que, dans bien des cas, elle ne retire rien et que, dans la meilleure des hypothèses, elle pouvait toucher 250 $. il y en a qui ont dit: c'est bien beau - puis il y a des maires qui m'ont soutenu ça, des maires très importants - mais il n'y a pas de commerce immobilier; le commerce immobilier est tranquille cette année, il ne se passe pratiquement rien. mais savez-vous qu'hier soir, m. le président, je suis allé à mon appartement à québec et j'ai ouvert mon appareil de radio, ce qui m'arrive très peu souvent, et là, il y avait une ligne ouverte avec un représentant de la firme re/max de québec, ici. il racontait les activités de la firme re/max à travers le québec au cours des derniers mois. je n'en revenais pas, c'est des augmentations de 25 %, de 10 %, de 15 %, de 40 %, etc. je n'en revenais pas. le mouvement a beaucoup repris dans les immeubles existants. et vous savez que l'an dernier, grâce aux programmes d'aide à l'habitation du gouvernement, il y a eu pas mal de mouvement aussi du côté de l'habitation neuve. alors, de ce point de vue là - c'est un exemple que je donne, ça, très concret - nous leur avons donné des sources de revenus additionnels qui devaient compenser pour les 11 500 000 $ qu'elles allaient perdre par suite de l'abolition des droits sur les événements présentés dans des lieux classés comme culturels. (23 h 40)

Alors, il y a déjà ce montant-là. Je l'ai dit aux municipalités autant comme autant. On peut bien le demander deux ou trois fois, mais il a déjà été compris dans le règlement qui a été inscrit dans la loi 145. Mais si on calcule que les revenus étaient de 26 000 000 $ et disons que nous en avons donné 12 000 000 $ par les sources de revenus accrus, il reste 14 000 000 $ à trouver.

Or, dans le discours sur le budget, le ministre des Finances a annoncé ceci. Là, les droits sur les divertissements seront abolis à compter du 1er juillet, donc pour la deuxième moitié de l'année. Alors, pour la deuxième moitié de l'année, nous donnons aux municipalités une compensation de 6 500 000 $, ce qui équivaut à 13 000 000 $ pour l'année, et pour chacune des quatre années suivantes, 1993, 1994, 1995 et 1996, nous leur donnons une compensation de 13 000 000 $ par année. Ajoutez les 12 000 000 $ dont j'ai parlé tantôt aux 13 000 000 $ qui ont été annoncés par le ministre, à moins qu'on ne sache pas compter, ça fait 25 000 000 $, ça. Les revenus que les municipalités ont retirés, en 1991, des droits sur les divertissements étaient de 26 000 000 $. Alors, en fait de compensation... Avez-vous entendu des protestations des municipalités, M. le Président, après le budget de M. Gérard D. Levesque? Moi, je n'en ai pas entendu parce que les administrateurs municipaux sont des personnes réalistes. Ils ont vite fait leur calcul et ils se sont aperçu que le budget est une très bonne opération pour eux.

En plus de ce que je viens de mentionner, il y a deux autres choses qui étaient contenues dans le budget dont je n'ai pas eu l'occasion de parler jusqu'à maintenant, mais je pense que l'occasion est bonne pour le faire. Le ministre des Finances a institué, à compter de la présente année budgétaire, un programme spécial d'encouragement à la vie culturelle dans les municipalités de 5 000 000 $. Ça, c'est un programme qui consistera probablement en des subventions de contrepartie. Les municipalités qui voudront agir dans le domaine culturel, le gouvernement sera prêt à mettre une somme d'argent en compensation de celle qu'elles mettront. Alors, ce montant de 5 000 000 $ que le ministre des Finances a annoncé qu'il sera récurrent, c'est-à-dire qu'il va être inscrit dans la base de financement du ministère des Affaires culturelles, vient s'ajouter à la somme de 25 000 000 $ dont j'ai parlé. 25 000 000 $ plus 5 000 000 $, à moins que je ne sache pas compter, ça fait 30 000 000 $.

En plus, quand la TVQ a été annoncée l'an dernier, quand il a été annoncé qu'on la transférerait sur les services... Actuellement, elle existe déjà, la taxe de vente du Québec, nous la payons tous sur les biens. Il y avait les chaussures, les meubles et les vêtements qui étaient exemptés. Maintenant, c'est général depuis un an et, là, elle devait s'appliquer à tout le domaine des services, mais elle devait s'appliquer à 8 %. Le ministre des Finances avait dit: On va donner une certaine ristourne aux municipalités parce qu'elles vont payer la TVQ sur les biens et services qu'elles se procurent. On leur donnera une ristourne qui sera de l'ordre de 37 %, c'est-à-dire que sur toutes les dépenses qu'elles auront encourues pendant une année, au titre de la TVQ, elles auront droit à une ristourne de 37 % pour faire en sorte que l'effet de la TVQ sur les finances des municipalités soit à peu près neutre, qu'elles ne dépensent pas plus après la TVQ qu'avant.

Récemment, des calculs ont été faits et cette base-là a été portée de 37 % à 40 %. Ça a été annoncé dans le discours sur le budget. Déjà là, il y a des économies considérables pour les municipalités. En plus, la TVQ devait être à 8 %. En la réduisant a 4 %, en accordant un certain nombre d'exemptions en cours de route, savez-vous combien le ministre des Finances sauve aux municipalités pour l'année 1993? Une autre somme de 35 000 000 $ que les municipalités devaient prévoir dans leur budget de l'an prochain et qu'elles pourront soustraire de leur budget de dépenses parce qu'elles auront des exonérations qui découlent des mesures annoncées dans le discours du ministre des Finances. Alors, vous additionnez tous ces montants ensemble et je pense que le gouvernement tient la parole qu'il avait donnée aux municipalités quand il leur garantissait qu'une fois effectuée l'opération de la loi 145, il ne reviendrait pas avec d'autres mesures qui ajouteraient des charges à leur fardeau fiscal, mais qu'au contraire il instaurerait un régime de collaboration adulte, franche, loyale avec les municipalités. Je pense que le ministre des Finances en a fait la preuve dans son dernier budget. Moi, il m'incombe, comme ministre des Affaires municipales, vu que cette loi relevait de ma compétence, de demander à cette Chambre de renvoyer aux calendes grecques, c'est-à-dire d'abroger la loi qui permettait aux municipalités d'instituer des droits de 10 % sur le prix du billet d'admission à un spectacle. C'est une tâche très agréable que j'ai, plus agréable que celle que j'avais l'an dernier, en fait. Je suis bien content de m'en acquitter, comme je me suis acquitté de l'autre l'an dernier, sans récriminer, en aucune manière, parce que c'était pour le bien général.

Voilà, M. le Président, tout l'essentiel du projet de loi. Il y a d'autres choses qui sont de l'ordre des modalités. Les gens disent: Ça, les droits sur les divertissements, ça va tomber à compter du 1er juillet. Après le 1er juillet, si quelqu'un demande à l'acheteur d'un billet un droit de divertissement de 10 %, il sera un imposteur. Il faudra le dénoncer et il agira en violation de la loi. À partir du 1er juillet, ces 10 %, c'est fini.

En faisant ça, nous abolissons une taxe qui durait, savez-vous depuis quand? Depuis 1919. Depuis 73 ans. Et dans les villes de Montréal et de Québec, elle durait depuis 1915, je pense. C'avait commencé là. L'origine de cette taxe-là, au début, on se disait: II faut financer les hôpitaux, les crèches, les orphelinats, toutes ces choses-là. Et les gouvernements n'avaient pas beaucoup d'argent à l'époque. C'avait été institué d'abord pour fournir une contribution au fonds de financement des hôpitaux, des orphelinats, des

crèches, des services sociaux comme ils existaient à l'époque. Les plus anciens se souviennent de ça, ou ceux qui ont étudié l'histoire des institutions sociales au Québec s'en souviennent, nous avons eu une loi très importante en 1921. La loi qui a créé le régime d'assistance publique au Québec, une loi extrêmement importante dans l'histoire des lois sociales au Québec. À ce moment-là, on avait décidé que le produit de la taxe sur les divertissements devait aller en partie pour le financement des hôpitaux et en partie pour financer le rôle des municipalités en matière de service social.

Parce que pendant longtemps au Québec, l'assistance sociale a relevé des municipalités. Les plus anciens se souviennent de la crise des années trente qui avait mis les municipalités dans une situation financière extrêmement difficile. Montréal, en particulier, qui avait un taux de chômage très élevé, beaucoup plus élevé que tout ce que nous avons connu avec la récession des dernières années et celle du début des années quatre-vingt. Les municipalités avaient été obligées de s'endetter et de s'endetter pour empêcher leurs chômeurs de crever de faim. Alors, on avait dit, il y a ces petites sources de revenu qui pourront aider. Mais aujourd'hui là, c'est complètement insignifiant par rapport aux besoins beaucoup plus considérables de l'État. Il nous est apparu qu'à ce moment-ci de l'évolution de notre société, un revirement majeur s'imposait en matière de fiscalité.

Pendant les années qui ont suivi la dernière guerre mondiale, c'est-à-dire pendant près de 40 ans, pendant au moins 35 ans, les gouvernements au Canada se sont financés surtout avec les impôts directs. En particulier avec l'impôt sur le revenu des particuliers; également avec l'impôt sur les revenus des sociétés. On avait des tarifs, des taux de taxation variables suivant l'importance des revenus. Ces taxes sont encore très importantes dans le financement du gouvernement du Québec; également dans le financement de l'État fédéral.

Nous constatons au Québec - le ministre des Finances l'a souligné dans son budget - qu'il n'y a pas eu - je sais que ça choque l'Opposition qu'on rappelle ce fait, mais c'est un fait de base - d'augmentation de l'impôt sur le revenu depuis sept années consécutives au Québec. Et non seulement n'y a-t-il pas eu d'augmentation de l'impôt sur le revenu des particuliers, mais l'impôt sur le revenu des particuliers a été réduit. pEF' comme le ministre des Finances le rappelait l-jtrstement, quand nous sommes arrivés au pouvoir en 1985, une famille de deux enfants, qui gagnait plus que 10 000 $ par année, était obligée de payer de l'impôt sur le revenu. Savez-vous où est le seuil de non-imposition maintenant? C'est rendu à 26 000 $. Toute famille qui a deux enfants et dont le revenu est inférieur à 26 000 $ ne paie aucune forme d'impôt sur le revenu. Il y a eu des réductions pour les autres classes de contribuables également. (23 h 50)

Pour les sociétés dans l'univers de concurrence très vive où nous sommes entrés, les gouvernements ne peuvent pas se payer le luxe de taxer trop librement les sociétés. Pour quelles raisons? Deux raisons bien simples. Tout d'abord, si le fardeau fiscal est trop lourd, les entreprises marginales vont s'écraser, elles ne seront pas capables de faire face au fardeau, et l'expérience des dernières années nous enseigne que la proportion des entreprises qui sont marginales est très élevée, très élevée. Par conséquent, il faut que les gouvernements traitent les entreprises avec beaucoup de prudence parce qu'un fardeau fiscal trop lourd risque de les faire basculer dans les déficits, ensuite, évidemment, dans la faillite ou la liquidation.

Un deuxième facteur doit guider l'action des gouvernements, c'est le facteur de la concurrence avec les sociétés comparables. Si nous imposons aux sociétés au Québec un fardeau fiscal trop lourd, bien, la firme qui est installée à Lachute ou à Grenville, dans mon comté, que pensez-vous qu'elle va faire, M. le Président? Elle va aller s'installer à Hawkesbury, de l'autre côté. Puis, pendant les années plus grises qu'a connues le Québec, un très grand nombre d'entreprises sont ainsi parties de la région que je représente, moi, à l'Assemblée nationale. On traversait à Hawkesbury; il y a seulement un pont à traverser. Elles sont installées de l'autre côté, il n'y a pas de frontière, et j'espère personnellement qu'il n'y en aura jamais. Alors, elles s'installent de l'autre côté, puis même s'il y en avait une, elles vont avoir les mêmes firmes de comptables à leur service qui vont leur dire: Ça coûte moins cher de taxes l'autre côté, va là. C'est pour ça que le ministre des Finances a veillé, au cours des dernières années, à ce que le fardeau des entreprises ne soit pas plus lourd au Québec que dans la province de l'Ontario. Et, jusqu'à cette année, nous avions réussi à réduire l'écart entre les deux provinces, au chapitre des entreprises, à pratiquement zéro et, au chapitre des contribuables, de l'impôt sur le revenu des particuliers, à quelque chose comme 2 % ou 3 %. Là, je n'ai pas les dernières statistiques parce qu'il y a eu le budget de l'Ontario, il y a eu le nôtre, mais je pense que l'écart va avoir été diminué encore un peu, parce que l'Ontario s'est engagée dans un budget qui comporte des charges très lourdes.

Alors, de ce point de vue là, nous avons fait un gros travail et nous constations... En outre, il y a une troisième raison, c'est que, dans l'impôt sur le revenu des particuliers, même les revenus des sociétés, les gouvernements sont en butte à des pressions continuelles. Il y a les producteurs de ceci, les vendeurs de ceci, les résidents de telle place, les gens de telle catégorie d'âge, les gens de telle catégorie sociale,

qui vont voir leur député, leur ministre, le ministre des Finances: Donne-nous donc une petite exemption ici, donne-nous donc une petite exonération là, donne-nous donc un petit cas d'exception là. Et là, il y a tellement d'exceptions dans les lois d'impôt sur le revenu, il n'y a personne, à part des comptables ou des avocats très avertis, qui est capable de se retrouver là-dedans. Le nombre de personnes qui peuvent faire leur rapport d'impôt seules est de plus en plus limité. C'est tellement compliqué que vous risquez de vous appauvrir en faisant ça vous-même.

Puis les gouvernements se sont aperçus qu'on peut augmenter le taux d'impôt sur le revenu, mais le rendement n'est pas correspondant à cause de tous ce régime d'exceptions qu'il y a. Ça fait qu'on s'est dit, dans les pays développés, pas seulement au Canada, c'est une tendance qui est générale, on s'est dit: II faut trouver un autre moyen d'accroître les ressources fiscales des gouvernements; il faut y aller par des taxes qui vont toucher plus directement les dépenses des citoyens. C'est pour ça qu'on va de plus en plus vers les taxes à la consommation, quitte à dédommager des citoyens moins riches en leur donnant des crédits d'impôt qui vont faire qu'à toutes fins utiles ils seront exempts de ce fardeau. C'est ce que nous faisons au Québec, c'est ce que le gouvernement fédéral fait, c'est ce que font de plus en plus de gouvernements, M. le Président, et c'est ainsi que nous sommes allés, au Canada, vers un régime où la taxe de vente sur les achats à la consommation occupe une place beaucoup plus importante désormais et occupera peut-être une place encore plus importante à l'avenir. Alors, c'est ce que nous faisons avec cette mesure-ci, c'est un exemple, nous transférons ailleurs un fardeau qui n'avait plus sa place à cet endroit-ci, nous confirmons la tendance suivant laquelle les gouvernements orientent de plus en plus leur fiscalité du côté des taxes à la consommation. Puis il y a une chose qui nous sera évidente à tous et à toutes, je pense bien, c'est que celui qui est plus riche, il dépense plus, puis, dans la mesure où à peu près tout est taxé, bien, là, il va peut-être donner plus d'argent qu'il n'en donnait seulement avec l'impôt sur le revenu.

Moi, j'étais scandalisé de lire dans les journaux, de temps à autre, que des millionnaires ne payaient pas d'impôt sur le revenu. Vous avez lu ça comme moi, M. le Président. Des gens qui ont des revenus de 50 000 000 $, 100 000 000 $ par année, ils ont tellement de trucs dans leur sac, tellement de bons conseillers qu'ils s'arrangent, au bout de l'année, pour n'avoir pas une cent d'impôt à payer au gouvernement. Mais quand ils vont aller acheter un manteau de fourrure, quand ils vont aller se payer un repas de luxe dans un gros restaurant, quand ils vont aller passer une fin de semaine dans un endroit luxueux, quand ils vont s'acheter une Mercedes ou une Buick, ils vont payer ces taxes-là directement. Ils ne peuvent y échapper. Autrement, le marchand va payer l'amende. Ils vont se faire prendre par le collet. Je pense que c'est ça qu'il faut. Il faut que ceux qui dépensent plus fournissent davantage à la caisse de l'État pour que l'État puisse s'acquitter de ses obligations envers tout le monde.

Mais, dans le cas de l'industrie du divertissement, le gouvernement est très sensible aux difficultés de ce type d'industrie, en particulier les entreprises qui sont engagées dans le divertissement d'ordre culturel ou artistique. Déjà ces entreprises se financent en grande partie à l'aide de subventions du gouvernement. S'il fallait que, d'un côté, on les subventionne et que, de l'autre côté, on les surtaxe, ça n'aurait pas de bon sens, c'est vraiment multiplier les opérations artificielles, donner de la respiration artificielle d'un côté et, de l'autre côté, leur enlever l'espace pour respirer. On s'est dit: On va mettre un petit peu d'ordre là-dedans. La meilleure chose à faire, c'est de réduire le fardeau fiscal des entreprises de divertissement, de manière que l'activité soit plus abondante de ce côté-là. Si le fardeau fiscal est moins lourd, à moins que je ne sois complètement perdu dans la considération de ces choses, c'est évident que les gens vont être plus intéressés à y aller. Vous le savez, si on offre un produit à 10 $ au lieu de 12 $, toute la théorie économique nous enseigne qu'il y a plus de chances que le produit se vende à 10 $ qu'à 12 $.

C'est la même chose pour l'événement culturel. Dans la mesure où on peut garder le prix à un niveau plus raisonnable, dans la même mesure, il y aura plus de chances que l'activité abonde. Si l'activité abonde - ça, je voudrais le souligner à l'intention des municipalités qui ont fait des représentations au gouvernement à cet égard - s'il y a plus de monde au spectacle à Montréal et à Québec, si plus de monde se présente aux événements sportifs et culturels, ça fait plus de monde qui va engager aussi des dépenses reliées à leur participation à ces événements, les présences dans les restaurants, achat de programmes, dépenses de transport pour se rendre à l'événement, etc. On encourage le développement de l'activité. Je pense que, dans l'état actuel de notre économie, c'est ce qui est le plus nécessaire. Il faut que les gouvernements prennent les initiatives qui vont inciter de nouveau les citoyens à faire des dépenses raisonnables, à mettre en mouvement des activités de toutes sortes, que les promoteurs se sentent plus encouragés à promouvoir, à réaliser et à entreprendre, que les citoyens se sentent plus incités à répondre aux invitations que leur font les entreprises. Quand la roue tournera un petit peu plus vite et de manière un peu plus consistante, je pense qu'il y a bien d'autres problèmes qui seront réglés.

Avec les compensations que nous garantis-

sons aux municipalités, à l'aide du dernier discours sur le budget, je pense que tout le monde, sans exception, a raison de se réjouir de la politique annoncée par le gouvernement en ce qui touche les droits sur les divertissements. J'espère que nous pourrons examiner ce projet dans l'esprit constructs qui me semble s'imposer. J'espère que nous penserons surtout - c'est le but de ceci - à ces deux éléments fondamentaux, d'abord, le citoyen qui a besoin d'activités de divertissement pour que sa vie soit équilibrée, qui a besoin d'être encouragé à participer normalement à des événements de son choix. Vous remarquerez que le gouvernement ne fait pas de discrimination. Vous, vous aimez mieux une partie de baseball, l'autre aime mieux un concert, l'autre aime mieux un spectacle de ballet, l'autre aime mieux aller faire une visite au parc safari. Tout ça va être compris dans la mesure que nous annonçons aujourd'hui. Les droits sur les divertissements sont abolis pour toutes ces catégories d'événements. Il n'y en a pas qui sont classés comme étant supérieurs ou inférieurs par le gouvernement. C'est tout le secteur du divertissement qui sera appelé à bénéficier de cette mesure éminemment salutaire à ce stade-ci.

Cette mesure, encore une fois, constitue, dans mon esprit, un très heureux complément au travail qui a été commencé l'an dernier avec la loi 145. D'autres mesures viendront en temps utile établir clairement que le but du gouvernement, c'est d'établir avec les municipalités un partenariat responsable qui permette à l'un et à l'autre de promouvoir l'activité humaine dans tous les domaines, d'en partager les fruits équi-tablement entre les deux ordres de gouvernement, municipal et provincial, de manière que toute notre société fonctionne de façon plus heureuse et plus harmonieuse. Merci, M. le Président, (minuit)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Affaires municipales. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption de principe du projet de loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements. Je reconnais M. le vice-président de la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation et député de Jonquière. M. le député, la parole est à vous.

M. Francis Dufour

M. Dufour: M. le Président, je pense qu'on vient d'assister à une démonstration de la part du ministre des Affaires municipales qui est impressionnante et surtout surprenante et désarmante. À l'entendre parier, les abolitions de sources de revenu pour les municipalités c'est une très bonne chose; il va les asservir dans le futur à des subventions, il va les soumettre à des subventions. Donc, il y aura un contrôle encore plus fort sur ces municipalités, ce qui fait que ce sera des créatures sur lesquelles on aura la mainmise et on décidera ce qu'on voudra. Ça, ça me semble raisonner à faux. Si on l'écoute attentivement, il va finir par nous faire croire qu'on est plus riches cette année que l'an passé. Et pourtant, en 1985, lorsque le Parti québécois était au pouvoir, le budget du Québec était autour de 26 000 000 $. Après sept ans d'administration libérale, le budget est rendu - que j'aurais dû dire 26 000 000 000 $ - actuellement à 40 500 000 000 $. Si on met le transfert qu'on a fait aux municipalités et aux commissions scolaires, c'est pratiquement 42 000 000 000 $. Donc, une augmentation d'environ 60 %. Et on va nous faire accroire et on vient nous dire que les gens, ils sont plus riches. On a parié ex cathedra. Dieu le Père a parié. On a dit: C'est une bonne chose d'abolir des sources de revenu autonomes aux municipalités, on va remplacer ça par des subventions, et des subventions qui vont couvrir seulement la moitié de ce qu'on leur enlève. Et on dit que c'est une bonne chose. Ça va permettre aux gens d'aller aux spectacles et que ça coûte moins cher. Mais qui va nous faire accroire ça?

Voulez-vous on va faire un retour en arrière, les deux dernières années? Quels étaient les montants de taxe que les citoyens payaient pour aller à un spectacle? C'était 10 %, le fédéral n'était pas là. Entre-temps, le fédéral a réussi à s'introduire par une taxe de 7 %. Le gouvernement du Québec a décidé que, lui, il prenait 4 %. Il taxe la taxe parce qu'il ne s'en contente pas. C'est 4,28, donc, 11,28 au lieu de 10 % il y a deux ans. Et on dit aux gens du spectacle: Voyez comme vous êtes bien traités. Ça ne leur coûte pas moins cher aux citoyens, c'est 1,28 % de plus. Ce qui est pire dans tout ça et ce qui est plus aberrant c'est d'écouter le ministre des Affaires municipales qui dit: On ne peut rien faire avec Ottawa. Ottawa a décidé; on ne négocie pas, on se plie, on est à quatre pattes devant le gouvernement fédéral et on accepte qu'il vienne taxer la culture et nous autres on s'évacue du champ de la taxation et on prend notre trou. C'est ça qu'on a fait, c'est ça qui est inacceptable.

Le ministre aura beau avoir les discours qu'il voudra, il aura beau faire accroire ce qu'il voudra aux gens, une chose est certaine, on a dénoncé la loi 145 qui s'attaquait à la fiscalité des municipalités et c'est cette attaque qu'on a dénoncée. Le ministre, pas plus tard qu'il y a environ un mois, se réjouissait, lorsqu'on a étudié les crédits du ministère des Affaires municipales, que les gens n'aient pas réussi à monter suffisamment aux barricades pour faire trembler les colonnes du temple pour renverser le gouvernement. Je pense que c'était ronronner ou claironner un peu rapidement et faire un constat trop superficiel des effets pernicieux, des

effets bâtards, je pourrais dire, des taxes de la loi 145 qui s'attaque aux municipalités.

On voit bien aujourd'hui que ce n'est pas fini. On a commencé par enlever des sommes d'argent aux municipalités et on continue. J'avais dit, à ce moment-là: Je pense, M. le ministre, que vous devriez attendre une couple d'années avant qu'on puisse faire le constat de ce que vous a donné une action aussi à courte vue, et le transfert, non pas de responsabilités, le transfert de factures aux municipalités. Et c'est ça qu'on continue à faire. Vous savez, on peut bien avoir le pas tout seul, mais je pense que c'est dangereux, dans une démocratie, que tout le temps il y ait seulement une personne qui peut décider ex cathedra que tout ce qu'on fait c'est bien et tout ce que les autres font c'est mal, le bien et le mal. Avec le ministre des Affaires municipales il n'y a pas de choix, il n'y a pas de zone grise, c'est bien ou c'est mal. Nous on est le mal, lui il est le bien, même si, lorsqu'on regarde directement les actions qui sont posées, toutes les tractations qui sont faites autour des loi, il n'y a rien là! On l'a écouté tout à l'heure, sa loi c'est très bon. Si c'est bon, pourquoi est-ce que les unions municipales, l'Union des municipalités du Québec demande à être entendue sur la loi 20, sur la loi 22 et la loi 37? Probablement parce que les municipalités sont très contentes, très heureuses de ce qui se passe, et elles sont bien reconnaissantes envers le ministre des Affaires municipales, envers le gouvernement pour chaque jour faire leur génuflexion et venir en commission parlementaire pour louer les actions efficaces, raisonnables, amoureuses, je pourrais dire, du ministre des Affaires municipales envers ses municipalités qu'il aime tellement bien qu'il est en frais de les étouffer. C'est ça qui est en frais de se passer. Il aura beau nous dire: J'ai remplacé ça par ci, j'ai remplacé ça par ça, la taxe sur les immeubles. C'est drôle de remplacer des taxes qui leur appartiennent par d'autres. Il a dit: Écoutez un peu, ça faisait trop longtemps que ça durait, depuis 1917 que ces taxes-là existaient, la taxe sur les divertissements, et on l'abolit, et ce n'est pas plus grave que ça, on tourne la page, les municipalités ont juste à se plier.

Vous savez, dans tout ça, il y a des dangers. La loi 145 ce n'est pas le ministre des Finances qui l'a établie, c'est le ministre des Affaires municipales qui a voulu l'imposer, et c'est lui qui l'a fait. Moi, je commence à penser qu'il y aura des échéances à quelque part. C'est impensable que quelqu'un ait toujours raison envers et contre tous. Il peut bien ramer contre le courant, à un moment donné il va partir dans la tempête. Il faudra bien qu'il se rende compte qu'il est dans la tourmente et qu'il va aller dans la houle, il va finir par aller dans le remous. Vous savez ce que ça fait quand on entre dans un remous? Dans un remous on vire, on vire, on vire et on cale au fond. Et c'est ça qui va lui arriver au ministre des Affaires municipales parce que pour moi ce n'est pas vrai qu'on puisse dire au monde que c'est des bonnes actions qu'on a faites. On aura beau essayer de faire les démonstrations les plus savantes qu'on voudra, mais allons donc dire aux citoyens que ça leur coûte moins cher. Allons leur dire que taxer sur la consommation, sur les biens... bien sûr que la personne qui a plus de moyens va payer, mais vous savez que les personnes qui sont riches elles mangent juste trois repas par jour, comme les personnes qui sont pauvres peut-être qu'elles en mangent seulement deux. Elles mangent peut-être deux repas par jour, le riche en mange trois. Mais règle générale il y a plus de pauvres que de riches, donc il y a des chances que par les taxes sur la consommation on ne touche pas vraiment le coeur de ceux qu'on veut taxer. Et je ne pense pas que ces taxes-là, si c'est vrai, regardons par où on va aller chercher le plus de taxes, c'est toujours sur la classe moyenne. Ce n'est pas sur le riche, ce n'est pas sur le pauvre, c'est sur la classe moyenne. Ça c'est démontré depuis toujours, et on pourra bien nous accuser de ne pas savoir compter, mais, pour ceux qui savent compter, on a 4 000 000 000 $ de déficit régulièrement depuis les sept dernières années, la taxation avec l'Ontario, on a encore autant de différence qu'on avait il y a sept ans.

On a profité de conjonctures, on s'est flatté, on s'est gargarisé en disant: Voyez comme on est bon, voyez comme on est fin, voyez comme on est intelligent. La flagornerie ça finit toujours: crache en l'air tombe sur le nez. Je sais qu'il y a quelqu'un qui dit des fois: On crache des deux côtés de la bouche en même temps et ça crache dans le dos, mais j'ai beau essayer d'imaginer ça je ne l'ai pas trouvé. Mais je sais par exemple que quelqu'un qui crache en l'air ça lui tombe sur le nez, et je trouve que le gouvernement commence à en avoir pas mal sur la tête et pas mal sur la gueule des crachats, parce qu'il s'est flatté, il en a dit des choses. Aïe nous autres on connaît ça! Et je pense qu'à partir de maintenant, et déjà depuis quelques années, les citoyens commencent à se rendre compte que c'est un gouvernement de peureux, c'est un gouvernement soumis, un gouvernement qui ne gouverne pas, un gouvernement qui de moins en moins occupe de la place dans la société. C'est un gouvernement qui laisse les pauvres de plus en plus pauvres et en même temps c'est un gouvernement qui taxe de plus en plus, qui va chercher à travers les pauvres, pas nécessairement des revenus, mais coupe des services à des citoyens les plus démunis, ceux qui sont les plus sans défense. (Oh 10)

Vous savez, je sais qu'il y a beaucoup de citoyens qui se posent la question à savoir si le ministre des Affaires municipales pourrait changer quelque part. Est-ce que vraiment on peut

toujours railler ou prendre les gens pour ce qu'ils ne sont pas en croyant que nous, ça ne cause pas de problème? La réforme de la fiscalité municipale, le ministre en a parlé abondamment. Je peux lui en parler aussi quelque peu.

Vous savez comment le gouvernement se comporte avec les municipalité vis-à-vis de la taxation, vis-à-vis des taxes foncières? On avait reconnu un droit, c'était que les gouvernements, par rapport aux municipalités, se comportent comme des contribuables à part entière. Vous savez comment il s'est comporté, ce gouvernement-là, depuis les dernières années? Il a décidé d'abord qu'il payait moins d'impôt ou moins de taxes sur les réseaux d'éducation. Il a décidé qu'il payait moins cher. Il a aussi, en même temps, pris une action que je trouve déplorable parce que, non seulement il ne paie pas 100 % de ses taxes, mais, où il paie, il veut en payer le moins possible. J'ai justement un article ici qui dit que Hull doit rembourser 500 000 $ de taxes. C'est sur quoi? Sur les réseaux. Ça, c'est sur la prison. C'est la valeur foncière. Cégep de l'Outaouais et prison de Hull qui sont réduits de 50 % de taxation; cela prive la ville de Hull de 50 % de revenus concernant ces bâtisses. Et cette action-là qu'on fait à Hull, on la fait dans l'ensemble du Québec. Tantôt, on conteste les HLM, tantôt, on conteste le réseau scolaire, les hôpitaux, les écoles et on fait ça dans tout le Québec. Donc, en même temps qu'on enlève des sources de revenu aux municipalités, en même temps qu'on paie moins de taxes, qu'on ne paie pas 100 %, qu'on est de moins en moins contribuables à part entière, en même temps qu'on fait ça on coupe des sources de revenu et on voudrait que les municipalités viennent encenser, glorifier ce gouvernement. Je pense qu'à ce moment-là il faut raisonner et réfléchir.

On croit qu'il y a seulement ça en cause. Le gouvernement du Québec a décidé, dans les mêmes actions, de faire payer aux municipalités une partie de l'administration des corps policiers avec aucun service supplémentaire, avec aucun pouvoir de la part des municipalités sur leur corps policier. Il y a un principe fondamental élémentaire lorsqu'on dit «no representation without taxation». C'est clair que lorsque quelqu'un paie il a son mot à dire. Et, en allant chercher des sources de revenu ou des montants, des sommes d'argent des municipalités pour faire payer l'administration des corps policiers sans qu'en retour les municipalités aient leur mot à dire, ce n'est pas un transfert de responsabilités, c'est, hors de tout doute, à mes yeux et aux yeux de l'ensemble de la population, vraiment faire payer aux municipalités un service purement et simplement et ça, c'est déplorable.

Ce n'est pas la seule action que ce gouvernement-là a faite. On commence à faire payer pour les services policiers. L'an prochain, 1er janvier... On s'est promenés dans toute la grandeur du Québec pour dire qu'à l'avenir les municipalités vont prendre en charge leur réseau routier. C'est possible que ce soit une responsabilité municipale en partie, parce qu'il y aura toujours les routes intermunicipales, les routes à caractère régional qui sont l'apport du gouvernement. Mais changer une habitude ou une coutume qui dure depuis toujours, d'une façon unilatérale comme on l'a fait, sans s'assurer d'abord c'est quoi remettre le réseau routier en fonction, en état normal, c'est quoi, les prix, s'assurer aussi que les municipalités seraient capables d'exercer cette responsabilité nouvelle, il faut croire que... pas l'intelligence, mais les capacités de gérer, ça vient spontanément à des administrateurs municipaux puisque le ministre des Affaires municipales a décidé qu'à l'avenir les municipalités exerceront ce pouvoir-là. Est-ce qu'on s'est assuré, premièrement, que le réseau routier est en bon état? Est-ce qu'on s'est assuré que les municipalités ont le moyen de payer ces coûts-là, et est-ce qu'on s'est assuré qu'à l'avenir on pourrait être capable de le faire d'une façon décente? On sait que le gouvernement lui-même n'est pas acapable d'entretenir son réseau routier, malgré toutes les taxes qu'il a perçues dans les dernières années, des milliards qu'il est allé chercher dans les poches des contribuables. Il n'entretient pas son réseau. Puis il y a une partie qu'il va délaisser aux municipalités.

Qu'est-ce qu'on fait pour empêcher les gens de trop crier, pour empêcher un peu la montée aux barricades? Le ministre des Affaires municipales s'est assuré qu'il va avoir un montant d'argent disponible pour pouvoir récompenser ceux qui se comporteront comme il faut. Il y a des millions qui vont se promener dans les poches... Comme le Père Noël, il va se promener sur le territoire. Il va dire: Bien, si vous avez besoin, faites-moi la démonstration. Si vous êtes gentils, je vais en donner; si vous n'êtes pas gentils, je ne vous en donnerai pas. Savez-vous, ça ressemble à l'époque de Duplessis, ça! Dans le temps de Duplessis, c'était de même que ça se passait. On faisait des pèlerinages. On est revenu à cette époque-là. C'est surprenant d'avoir autant décrié la façon ancienne de procéder et qu'on revienne exactement dans les mêmes ornières et dans les mêmes façons de faire. C'est condamnable, et on voit bien que le gouvernement est essoufflé. Il n'y a pas d'autre méthode pour lui d'aller chercher du revenu que d'augmenter les taxes, de faire payer par les autres, de couper les services, trois méthodes qui sont irréversibles. Sept ans qu'on subit ça ici, sept ans que la population le subit, sept ans que nous, comme Opposition, on voit cette démarche implacable, je pourrais dire sans coeur vis-à-vis des gens, et tout le temps de la même façon, et tout le temps avec le genre supplice.

Vous savez, il y a des problèmes. Le ministre des Affaires municipales, au lieu de vouloir s'attaquer à briser ce qui existe, d'es-

sayer de débâtir la réforme de la fiscalité où il aurait pu faire oeuvre plus utile... Il aurait pu. Je pensais, M. le Président, que j'avais droit à une heure comme critique.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, vous êtes le représentant. Allez-y. Vous avez droit à une heure, en effet, M. le député de Jonquière. Je m'excuse, 60 minutes.

M. Dufour: II aurait pu, M. le Président, comme ministre des Affaires municipales, faire oeuvre utile, beaucoup plus importante, pour les municipalités. Avec toute la crédibilité que certaines personnes lui reconnaissent, il aurait pu s'attaquer aux vrais problèmes qui touchent les municipalités, aux vrais problèmes qui confrontent les régions, aux vrais problèmes qui confrontent l'ensemble de la population au lieu de faire des démonstrations savantes à l'effet que ça coûte moins cher quand je peux lui dire, dans deux mots, que les 7 %, les 10 % que les gens payaient voilà deux ans c'est rendu à 11 %, 11,28 %. Il ira dire ça aux gens du spectacle que ça coûte moins cher. Bien sûr que le Québec va en retirer un peu moins. Mais, effectivement, le spectacle, c'est 1,28 % de plus, ce n'est pas moins.

Et ça, vous savez ce que ça donne dans le système, dans une municipalité, ville comme Aima au Lac-Saint-Jean? C'est une petite municipalité. Mon collègue de Lac-Saint-Jean... La ville d'Aima, donnait au-dessus de 100 000 $. Et ça, je suis certain que mon collègue qui est critique aux Affaires culturelles va apprécier... une ville comme Aima trouvait le moyen de donner 100 000 $ pour une salle de spectacle qui donnait 21 spectacles dans l'année pour les citoyens non seulement d'Alma, mais aux alentours. Vous savez que, cette année... Vous savez c'est quoi la subvention pour la salle de spectacle? C'est zéro. Est-ce que c'est parce que les municipalités sont plus riches qu'avant ou bien c'est parce qu'elles sont plus pauvres? Pour la question, c'est y répondre. (0 h 20)

Le ministre aimait ça, le baseball. Je vais lui en parler. Vous savez, à un moment donné, ça ne fait pas tellement longtemps, le club de baseball de Montréal, les Expos, était en difficulté. Il avait besoin de fonds, d'entrée de fonds, puisque son propriétaire voulait vendre l'équipe et tout ce qui l'entoure. Il a eu un groupe d'hommes d'affaires, accompagnés de la ville de Montréal, qui se sont offerts à acheter les Expos. Et la ville de Montréal, bien sûr, reconnaît... On doit reconnaître que les Expos ne sont pas une grande équipe, mais son rayonnement dans l'ensemble de l'Amérique permet une certaine visibilité à la métropole québécoise. Je pense que son club de baseball, c'est un actif non seulement pour Montréal, mais pour le Québec. À ce moment-là, la ville de Montréal, par la voix de ses élus, a voulu s'engager à maintenir l'équipe de baseball dans la ville de Montréal. Pour ce faire, elle avait besoin d'une loi pour lui permettre d'investir 15 000 000 $ pour garder les Expos à Montréal. À ce moment-là, lorsqu'on a étudié le projet de loi, j'avais suggéré que 15 000 000 $, c'était le montant maximum que la ville de Montréal puisse engager. Ne nous leurrons pas, c'est plus que 15 000 000 $; si la ville de Montréal voulait, elle pourrait dépasser ces 15 000 000 $, et on n'aurait rien à dire puisque la loi lui permet de prêter plus ou de s'engager pour plus que 15 000 000 $ pour le maintien des Expos à Montréal.

Pourquoi la ville de Montréal pouvait le faire? Non seulement pour attirer le tourisme, non seulement pour amener des gens autour d'elle, pour avoir plus de visibilité, au point de vue publicitaire, pour encourager l'activité économique, mais aussi la ville de Montréal recevait, en frais de divertissement, 1 800 000 $ de revenu. Ce n'est pas compliqué, 1 800 000 $, ça pouvait couvrir les intérêts, et plus, des 15 000 000 $ que la ville de Montréal a avancés pour garder l'équipe de baseball à Montréal. Et ça, c'étaient les règles connues il y a trois ans. Et, en un tournemain, le ministre des Affaires municipales vient de faire disparaître la source de revenu. La seule façon qu'il a c'est de nous dire: II va peut-être en venir plus - c'est ce qu'on ne sait pas, c'est aléatoire - et au lieu de donner 1 800 000 $, ce sera environ 900 000 $, parce que, nous, on va couvrir 50 % des revenus que la municipalité avait. Et, rassurez vous! les quatre prochaines années, on va vous donner les 50 %. Donc, cette année, ça va coûter 6 500 000 $ pour l'ensemble du Québec; le reste, les quatre autres années, c'est 13 000 000 $. Comme si les coûts des municipalités, ça n'augmentait jamais. Il y a une indexation; elle n'est même pas prévue. Ce n'est pas une indexation, c'est 13 000 000 $; on appelle ça un plancher et un plafond. C'est 13 000 000 $, c'est à prendre ou à laisser.

Les coûts des spectacles, que je sache, ils ont augmenté. Les coûts des billets pour aller à une pièce de théâtre ne sont pas les mêmes cette année qu'il y a cinq ans, ça a varié. Le ministre, lui, il dit: Non, moi, j'ai coulé dans le béton que c'est 13 000 000 $ que vous aurez, et soyez bien contentes parce que vous ne perdez pas grand-chose, on vous en rajoute. On vous a rajouté de l'argent, ce n'est pas grave, ça. Ce n'est jamais grave, avec le ministre des Affaires municipales, c'est toujours bénin, ce n'est jamais une opération dangereuse, parce qu'il a décidé.

Il est allé à Oka. Vous savez ce qu'il a dit, là. Il y avait l'armée. Ils ont acheté des armes, un peu de tout; il n'y a rien là. Vous voulez vous promener à Châteauguay, M. le Président? On n'en entend jamais parler. Les gens, dans ce coin-là, pas de problème, le ministre veille sur

eux par la Sûreté du Québec. Mais quand on va voir ces gens-là... Vous irez, je vous invite à aller vous promener à Châteauguay. Allez parler avec les gens autour, vous allez voir ce qu'ils ressentent. Vous allez voir que le ministre des Affaires municipales, il peut peut-être nous tromper, nous, peut-être nous convaincre qu'il n'y a rien là, mais il ira voir ces gens-là. Et c'est de même dans tout. Il n'y a jamais de problème avec le ministre des Affaires municipales, il y a juste des solutions, des solutions spéciales parce qu'elles reçoivent sa bénédiction, c'est consacré, c'est nouveau, il faut l'accepter, c'est la bonne, il n'y en a pas d'autres. Il ne faut pas discuter de ça, c'est vraiment son attitude. Et ça devient, à un moment donné, je pense, déplaisant. Je pense bien que, de moins en moins, les gens vont se laisser convaincre par un ministre qui, d'un côté, dit: Ça ne coûte pas plus cher, et les gens, en recevant leur compte de taxe qui sont haussés de 20 %, de 30 % ou 50 %, pas pour l'ensemble... Ça ne se fait pas tout comme ça, là. Mais ces hausses-là, ça finit par faire mal et ça finit par être dérangeant.

Vous le savez, on l'avait dit, la loi 145 a des effets pernicieux, a des effets dévastateurs. Et ces effets-là se continuent de plus en plus et vont s'additionner et vont amener les gens à se questionner. Et j'avais dit, à ce moment-là, que, si les municipalités ne faisaient pas attention, c'est qu'au bout de deux ans, trois ans ce n'est plus le gouvernement qui sera responsable, ça sera les municipalités qui seront de mauvais administrateurs. Ça sera les municipalités qui seront responsables. Et il faut bien le constater... Il faut constater avec beaucoup de clairvoyance que, actuellement, les municipalités sont dans le colimateur du gouvernement du Québec et ont de moins en moins d'autonomie puisque le ministre nous dit qu'ils n'ont jamais enlevé rien aux municipalités. C'est un bel exemple. Il n'y a pas tellement longtemps le ministre nous disait qu'ils n'avaient jamais rien enlevé aux municipalités. Ils leur avait seulement donné des responsabilités. Et ça, ça s'est dit avec beaucoup de certitude. Puis je pense que c'est difficile de le contrarier au moment où il dit ça parce que ça semble vrai. Il a l'air vrai quand il dit ça. Simplement un fait qu'on a devant nous, la loi 20 qui nous est présentée ce soir enlève des choses aux municipalités. On leur enlève une source de taxation. C'est important pour une administration d'être autonome et de savoir d'où proviennent ses revenus, et de savoir aussi... Ça va complètement à l'encontre de la responsabilité de l'autonomie municipale.

Vous savez, lorsque la loi... En 1979, la loi 157 de la fiscalité municipale avait pour effet de responsabiliser les élus par rapport aux citoyens. Et on est en frais de tout mettre ça par-dessus bord. C'est ça qu'on est en frais de faire. On est en frais de donner des responsabilités supplémentaires sans source de revenu correspondante. Et ça, ça va vraiment à l'encontre des désirs et des volontés municipales. On aurait pu agir autrement. Le ministre des Affaires municipales aurait pu choisir, comme ministre responsable des municipalités, d'aller dans des dossiers différents. Il aurait pu s'attaquer au problème de l'étalement urbain. Il aurait pu s'attaquer à la construction, au logement. Et il pourra nous répondre: Oui, je le fais, mais dépendant de l'attitude d'Ottawa, encore là. C'est toujours dépendant d'autre chose. Il aurait pu décider de régler les problèmes que les municipalités ont avec l'évaluation. Ce n'est pas réglé, l'évaluation au Québec. Le problème de la réforme de la fiscalité, ce n'est pas réglé. Les problèmes que les municipalités rencontrent avec les industries, c'est loin d'être réglé. L'article 65.1 a autant de problèmes qu'au début de la loi. Ça n'a pas commencé seulement en 1979, l'article 65.1. C'est commencé depuis 1973. Ce n'est pas réglé, même si le ministre nous a dit à quelques reprises: Je vais m'attaquer à ça.

On a eu un mandat d'initiative de la commission de l'aménagement et des équipements. Et on a demandé au ministre des Affaires municipales, dans notre rapport, qu'il s'attaque à ce problème-là, un problème qu'on trouve crucial. Et on n'a pas de réponse. On ne sait pas quand on aura la réponse. Parce que là ça pourrait être de nature... Parce que c'était ça lorsqu'on avait fait la réforme de l'évaluation foncière. C'était pour donner plus de revenus aux municipalités. Mais là on se rend compte facilement que, depuis que le gouvernement est en place, ce n'est pas de leur en donner plus, c'est de prendre cette loi-là et de la ratatiner le plus possible pour en enlever le plus possible. Vous savez, même au congrès des évaluateurs municipaux, ils nous disent que c'est plus difficile de faire de l'évaluation parce qu'il y a des problèmes de baisse de marché. Comment les... (0 h 30)

Pourquoi on a de la difficulté, par exemple, à évaluer? Pourquoi la ville de Hull est obligée de rembourser 500 000 $ sur la prison et le cégep et la ville de Jonquière, 3 500 000 $. Parce que c'est pas les mêmes évaluateurs qu'on a à Jonquière puis Chicoutimi, les mêmes que dans la région de Hull. Donc, est-ce qu'on va dire que tous les évaluateurs ne sont pas bons et font de mauvaises évaluations ou si on va dire que c'est plutôt les barèmes, les normes sur lesquelles on s'appuie qui sont fausses, qui sont mal faites, ce qui fait que ça donne comme résultat que les évaluations ne sont pas correctes?

Ça, ça a pour effet d'enlever aux municipalités...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, M. le député de Jonquière. Oui, M. le député de Rimouski.

M. Tremblay (Rimouski): M. le Président,

question de règlement. Je demanderais la pertinence du débat. Le député de Jonquière, depuis tout à l'heure, nous parle d'évaluation foncière. On est sur le projet de loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements. Il est complètement en dehors du sujet. Je demanderais la pertinence du débat, s'il vous plaît.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je pense qu'à date, de façon générale, le député de Jonquière s'en tient au projet de loi, qui est très vaste. C'est une réponse à l'intervention principale du ministre. À date, je considère qu'il est pertinent. Continuez, monsieur.

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Président, de la justesse de votre jugement. Si le député de Rimouski avait été ici lorsque le ministre des Affaires municipales a parlé, il se serait rendu compte qu'il a été le premier à toucher la fiscalité et qu'il a parié de la loi 145. Ce dont je parle, c'est rattaché avec la loi 145. Je le dis, mais pas pour vous, vous avez compris, mais je le dis pour le député de Rimouski, à son profit, parce que, lui, il faudrait lui faire comprendre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Effectivement, de façon à ce que M. le député de Rimouski apprécie la justesse des propos du député de Jonquière, je vous demanderais de vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés.

Alors, allez-y, M. le député de Jonquière.

M. Dufour: Je vous remercie. J'étais à dire que le ministre des Affaires municipales aurait pu décider et choisir de s'attaquer aux vrais problèmes qui confrontent les municipalités, et, pour moi, le problème de la fiscalité municipale en est un de fait et en est un réel. Le ministre des Affaires municipales aurait pu choisir d'améliorer la fiscalité en appliquant ou en trouvant des normes qui permettent au gouvernement de mieux remplir son devoir de citoyen en payant ses taxes. Il a décidé de couper une partie de ses taxes et, en même temps, il a décidé de contester. Ces contestations-là se font dans toutes les régions du Québec, ce qui fait que le gouvernement paie de moins en moins de taxes et les municipalités sont obligés de les transférer, vous comprendrez. C'est facile à comprendre, c'est des vases communicants. Il y a moins de revenus, mais ça ne coupe pas nécessairement les dépenses des municipalités. Donc, les municipalités n'ont qu'une façon d'aller chercher des revenus, c'est de hausser les taxes de leurs citoyens. Un bel exemple de ça, ça, c'était pour les municipalités, mais le gouvernement ne s'est pas contenté de ça, il a dit: II faut que j'aille un peu plus loin. Au lieu de s'attaquer au problème de l'étalement urbain, il a décidé de le favoriser en coupant les subventions au transport en commun. Il y a eu une unanimité rare ou une rare unanimité concernant le transport en commun, où des intervenants sont venus, l'ensemble des intervenants - il n'y a pas des intervenants qu'on peut choisir - tous les intervenants sont venus nous dire en commission parlementaire qu'ils s'opposaient aux coupures de subventions au transport en commun. Le ministre a décidé d'y aller pareil. Et pourquoi il y est allé? Encore pour aller chercher, pour remplir un court de caisse, pour essayer de renflouer les coffres gouvernementaux. Et Dieu sait si ces coffres-là sont toujours taris.

Le gouvernement du Québec est presque... il est à la remorque du fédéral parce que plus il taxe, moins il a d'argent. Plus les revenus augmentent, moins il a d'argent et plus on crée du chômage, plus on cause des problèmes, et on aurait pu se forcer le coco pour trouver d'autre chose que taxer ou couper les taxes, les revenus aux municipalités pour améliorer leur sort. La loi 20 qu'on étudie ce soir, qu'on s'apprête à étudier va exactement dans le même sens. On recule devant Ottawa. Depuis sept ans, ça a été un recul constant vis-à-vis de l'intrusion du fédéral dans les champs de compétence du Québec. On n'a jamais vu un gouvernement aussi peureux, aussi peu actif vis-à-vis de sa perte d'autonomie ou vis-à-vis de l'intrusion d'un autre ordre de gouvernement à travers des actions qui se passent sur son territoire. Et on a l'a fait en disant: On ne peut rien faire. Donc, ça nous démontre que non seulement le gouvernement est peureux, mais que c'est un gouvernement impuissant; impuissant, puisqu'il ne peut pas, il n'y a jamais de discussion sur la place publique pour essayer de faire reculer le gouvernement. Les représentants qu'on a à Ottawa, c'est des serviteurs - je pourrais dire - à tout crin pour servir le fédéral, mais ils ne protègent pas beaucoup les intérêts québécois. Et, par rapport à ça, on va le chercher, on est en frais d'enlever le peu d'instruments qu'on avait.

Pourquoi les taxes sur les divertissements? Je trouve que ça fait mal aux municipalités. C'était la seule façon que les municipalités avaient de justifier, et d'une façon mathématique, à leurs contribuables que c'était bien et que c'était une bonne chose d'aider la culture. D'une part, les municipalités recevaient des montants d'argent que les gens venaient payer, non seulement les gens de la place, mais les gens autour. Donc, pour une fois, il y avait une espèce de répartition à caractère régional pour des activités qui se faisaient ou qui se tenaient dans un milieu donné. Et ça permettait, en retour, aux municipalités de décider, de choisir d'aller dans ces champs-là pour aider la culture,

pour aider les gens qui font la culture et, en même temps, favoriser l'éclosion de talents qui, j'ai peur, dans la futur, n'auront pas cette même chance. Les municipalités vont avoir peur de s'embarquer dans le domaine. J'espère que je me trompe. J'espère que les municipalités vont continuer à favoriser l'art sous toutes ses formes. Je le souhaite ardemment, mais je ne peux pas le garantir parce que, vous savez, le pain et le beurre c'est une chose; la culture, c'en est une autre. On peut avoir les deux, mais, s'il y a à choisir, c'est vivre ou aller un peu plus loin sans les moyens, à ce moment-là, posons-nous pas de questions.

Les municipalités, il y en a quelques-unes, déjà, qui ont décidé de couper dans la culture puisqu'elles ne peuvent pas le justifier ou qu'elles n'ont pas cette volonté. Si, d'une part, on leur enlève des moyens et qu'on leur donne d'autres obligations, des obligations supplémentaires, ne cherchons pas, les municipalités feront bien ce que l'autre gouvernement leur fait et les deux autres gouvernements leur font régulièrement, ils leur font la passe, parce que non seulement on augmente les taxes, mais aussi, en même temps, on coupe des services. Donc, on est pénalisé deux fois. Si, comme contribuables, les taxes augmentent et qu'on conserve nos services, on peut dire: On a une pénalité. Mais, si on fait les deux choses en même temps, on est pénalisé deux fois. (0 h 40)

Le ministre vient nous prétendre que taxer la consommation, ça favorise des activités économiques et ça permet aux riches de payer plus. Bien là, la démonstration n'est pas forte, forte, parce que les pauvres ou les gens qui sont plusieurs à table vont payer plus que une ou deux personnes. Moi, je pense qu'un riche, quel qu'il soit, peut payer des taxes, mais il pourrait en payer probablement plus si c'était mieux réparti. Pour moi, la source de revenus d'un gouvernement est bien plus sur l'impôt, pour une répartition de la richesse, que sur la taxe à la consommation. C'est tellement vrai que, pour la culture, c'est ceux qui en profitent qui paient des taxes. C'était ça, la taxe de divertissement. Le ministre a dit: Ce n'est pas une bonne taxe, mais ils la gardent pour eux autres. Si elle n'est pas bonne, pourquoi la prennent-ils? Si c'est une taxe désuète - et c'était ça, l'argumentation qu'ils nous ont présentée ce soir, la taxe de divertissement, c'est une vieille taxe, ce n'est pas bon - si elle n'est pas bonne, pourquoi le gouvernement du Québec la conserve? Il faudra bien qu'ils nous démontrent, là, si elle est bonne pour lui et qu'elle n'est pas bonne pour les autres, c'est quoi qui n'est pas bon. Est-ce que c'est parce que ce sont les municipalités qui vont la chercher puisque c'est meilleur parce que c'est le gouvernement du Québec ou Ottawa qui iront la chercher? Moi, je ne comprends pas. Si la taxe n'est pas bonne pour les municipalités, elle n'est pas meilleure pour le gouvernement.

On ne veut pas donner aux municipalités l'impôt sur le revenu. Les municipalités seraient peut-être contentes d'avoir de l'impôt sur le revenu. On a trouvé bon que ce n'était pas leur source de taxation. On a décidé que l'impôt sur le revenu, c'était leur principale source de taxation; la deuxième chose, c'étaient toutes les taxes immobilières. C'était ça, la principale source de taxation des municipalités. Il y a d'autres taxes, qui sont la taxe de vente immobilière, la taxe de bienvenue, qu'on appelle, qui est si mal nommée. Ça aussi, c'est une source de revenus. Ce n'est pas la seule. Il y a la taxe sur les permis. On va décider tantôt d'augmenter les amendes. On vient de décider que les municipalités, ce sont des perceptrices d'amendes, des collectrices d'amendes des citoyens, autrement dit. Moi, je trouve que c'est presque immoral. J'aurai l'occasion d'en parler avec le projet de loi 22. Mais je peux vous dire que je ne crois pas que tout ce qu'on a fait avec la loi 145 puisse se comparer avec la loi 157 de la fiscalité municipale qui, elle, vraiment, avait un but. On avait dit d'avance, le gouvernement avait dit d'avance pourquoi il le faisait. Il avait dit que, premièrement, il voulait augmenter l'autonomie des municipalités; deuxièmement, il voulait que les administrations municipales soient responsables de leurs actes. Et il avait obtenu les buts qui étaient recherchés. C'était tellement bien exprimé qu'après 10 ans, 12 ans, 97 % des revenus des municipalités provenaient de sources autonomes. Donc, au point de vue de l'Amérique et probablement d'autres parties, d'autres contrées dans le monde, le Québec était en avance et de beaucoup sur la façon, sur les moyens qu'il avait fourni aux municipalités pour mieux se gérer, pour mieux s'administer. Ça, c'était faire oeuvre utile puis faire oeuvre de responsabilité. Je ne prétends pas qu'il n'y avait pas de problème à travers cette réforme-là. Je ne prétends pas non plus qu'il n'y avait pas des correctifs à apporter. Mais on peut dire que c'est un grand pan de mur de ce qui avait été fait qu'on enlève et qu'on continue à éroder, à briser.

Et que deviendront les municipalités avec le temps, si on continue à éroder tous leurs pouvoirs, à leur enlever toutes leurs sources de taxation? Est-ce qu'on s'en vient avec l'argumentation à l'effet que les municipalités seront de moins en moins responsables, de plus en plus dépendantes par rapport au gouvernement? Est-ce que c'est ça qu'on veut? Est-ce que, si, d'une part, on leur enlève des responsabilités ou on leur enlève des sources de revenus et que, d'autre part, on les met plus dépendantes par des subventions, ça va faire de meilleures administrations, des meilleurs partenaires? On s'apprête à faire un pas un peu plus loin. On souhaite ardemment que le Québec finisse par devenir un pays. Est-ce que ça ne permettra pas... Est-ce qu'en déresponsabilisant les élus - c'est ça qu'on

fait quand on leur enlève les sources de taxation - on s'en fait des partenaires responsables? Est-ce que ce n'est pas une forme de centralisation à outrance? Est-ce qu'on n'est pas à retourner... On est à retourner, actuellement - je ne pose pas la question, je fais l'affirmation - à l'époque des pèlerinages, je ne dirais pas annuels mais ce sera mensuel, pour que les municipalités puissent avoir un peu d'oxygène pour respirer, pour mieux s'administrer, parce que le gouvernement a fait un mauvais choix, M. le Président. Il a décidé qu'il enlevait aux municipalités une source de taxation qui, selon les dires du ministre, n'était plus acceptable, puisque c'était une taxe qui avait été imposée en 1917, et, là, il a décidé qu'on devrait la remplacer par des subventions. C'est décidé. Il a dit que la taxe n'était pas bonne pour les municipalités, mais, lui, il s'en empare, donc elle est meilleure, ça devient une bonne taxe. C'est une source dite correcte pour le gouvernement du Québec, mauvaise pour les administrations municipales.

Je me pose des questions, si vraiment il est le défenseur des municipalités. Je me demande et je réfléchis là-dessus, régulièrement, à savoir si le ministre des Affaires municipales n'a pas trop de travail, si on ne lui a pas confié trop de responsabilités, parce qu'il cherche les à-côtés, il cherche les petites choses. Il cherche comment causer des problèmes et il n'a pas le temps de régler les vrais problèmes. Bien sûr qu'on a mis en consultation des cahiers aux municipalités pour essayer de trouver des solutions à certains problèmes, on fait certaines consultations. Et ça, c'est remis à plus tard, ce n'est pas pour cette année, c'est pour l'année prochaine, pour l'automne, comme si - il a dit qu'il était proche de l'éternité - c'était l'éternité, il peut prendre les problèmes, il sera toujours là pour les régler. Il sera toujours là pour donner des réponses. Il sera toujours là pour rassurer les gens.

En dehors de cette belle assurance, je demande au ministre des Affaires municipales, comme je le dis à la population: Est-ce que ça coûte moins cher aux citoyens pour demeurer dans leur municipalité? Est-ce que les citoyens ont les mêmes services, est-ce que les mêmes besoins sont comblés avec les revenus qu'elles ont, avec les moyens qu'elles ont à leur disposition? Est-ce que les gens ne se rendent pas compte que les augmentations de taxes successives qu'ils subissent par la faute du gouvernement, c'est une façon éhontée de pressurer le citron, de faire payer aux citoyens les désirs d'un gouvernement qui est dépassé, qui est fatigué, qui n'a pas de solution à donner, qui ignore, une fois pour toutes, les municipalités et qui ne les aime pas, carrément? S'il aimait les municipalités, il les traiterait différemment.

C'est pourquoi, M. le Président, je vous dis et je vous annonce que nous serons contre ce projet de loi. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Jonquière. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Saint-Jean. Je vous rappelle que vous avez droit à 20 minutes, M. le député de Saint-Jean. Allez-y.

M. Michel Charbonneau M. Charbonneau: Merci, M. le Président. Des voix: Bravo!

M. Charbonneau: Alors, j'ai le plaisir, ce matin, d'intervenir au soutien de l'adoption du principe du projet de loi 20 intitulé Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements. Je m'attacherai, dans un premier temps, à décrire les effets du projet de loi non pas en termes financiers, mais plutôt au plan juridique.

Pour bien comprendre, M. le Président, la portée d'un projet de loi qui abroge une loi existante, il va de soi qu'il faut connaître la teneur de cette dernière. C'est pourquoi je vais tenter de décrire ce que prévoit l'actuelle Loi concernant les droits sur les divertissements. À cette occasion, je m'attacherai à démontrer à quel point cette loi est vétusté et tout à fait inadaptée, dans ses concepts mêmes, à la réalité de 1992. Il a été dit, avec raison, que la taxe d'amusement, comme on l'appelle communément, n'a plus sa place au plan économique dans le champ des taxes à la consommation. En effet, ce champ est désormais entièrement occupé par les gouvernements du Québec et du Canada qui ont, maintenant, tous les deux, des taxes sur la fourniture de services, y compris les services de divertissement. (0 h 50)

A cet argument économique, j'ajouterai celui du caractère dépassé des dispositions législatives elles-mêmes pour justifier la nécessité de l'abrogation de la Loi concernant les droits sur les divertissements. Dans un second temps, j'exposerai le contenu même du projet de loi 20 pour expliquer comment s'effectuera concrètement l'abolition des droits sur les divertissements.

M. le Président, les textes qui forment la Loi concernant les droits sur les divertissements remontent, à toutes fins utiles, à 1919. Certes, il y a eu des modifications relativement importantes en 1965, lorsque le législateur a accordé aux municipalités le droit de disposer à leur guise des recettes de la taxe d'amusement, mais ces modifications n'ont pas altéré les dispositions de base qui concernent l'imposition et la perception de cette taxe. De même, l'an dernier, la loi 145 s'est principalement contentée d'ajouter des dispositions sans remanier celles qui existaient déjà. Tout cela fait que les municipalités appliquent essentiellement, en 1992, des textes qui datent du début du siècle. Les inconvénients de

cette situation sautent aux yeux comme je vais tenter de vous le démontrer.

Voyons d'abord, M. le Président, quelles circonstances donnent lieu au paiement du droit sur les divertissements. Comme on le sait, depuis le 1er janvier 1992, à la suite d'une modification apportée par la loi 145 de l'an dernier, le droit sur les divertissements n'est perçu que sur le territoire des municipalités locales qui ont adopté et mis en vigueur un règlement décrétant cette perception. Donc, sur un tel territoire, la loi prévoit qu'une personne ne peut assister ou prendre part à un amusement dans un lieu d'amusement sans avoir, au préalable, payé à la municipalité concernée un droit équivalant à 10 % du prix d'entrée. Cette règle comporte son lot d'imprécisions.

La première concerne le moment où la personne devient débitrice du droit. Autrement dit, la personne doit-elle payer le droit au moment de son entrée dans le lieu d'amusement ou au moment de l'achat de son billet si elle l'achète d'avance? La pratique, évidemment, veut que la taxe d'amusement soit payée en même temps que le billet. Mais la personne pourrait-elle invoquer que sa dette ne prend naissance, quant à la taxe, qu'au moment de son entrée dans le lieu d'amusement? En temps normal, cette discussion a peu d'importance, mais, dans le contexte où l'abolition de la taxe est prévue pour le 1er juillet 1992, cette imprécision de la loi est remise en lumière. En effet, une personne pourrait contester le fait qu'on lui réclame la taxe d'amusement sur le billet qu'elle achète avant le 1er juillet 1992 pour un divertissement qui aura lieu après cette date en prétendant que c'est le moment du divertissement qui compte et non celui de l'achat du billet. C'est pour écarter cette dernière interprétation que le projet de loi 20 contient une disposition spécifique à ce sujet, comme nous le verrons.

La deuxième imprécision que l'on retrouve dans la règle actuelle relative au paiement de la taxe d'amusement concerne la notion fondamentale du lieu d'amusement. Il n'est pas inutile, M. le Président, de citer ici la définition de ces mots que l'on retrouve au paragraphe 1° de l'article 1 de la loi. Ce paragraphe se lit comme suit: «Les mots "lieu d'amusement" signifient et comprennent un théâtre, une salle de cinéma, une salle de concert, une salle de musique, une salle de danse ou autres amusements, un cirque, une annexe d'exhibition, une ménagerie, un champ de baseball, un parc de jeux athlétiques, un parc d'amusements, une patinoire et autre endroit où une exhibition ou représentation est donnée ou une partie est jouée, et où un prix d'entrée est exigé ou perçu par la vente de billets ou autrement, sauf s'il s'agit d'une réunion de courses à laquelle aucun pari, gageure ou pool n'est vendu, reçu ou enregistré en vertu d'un système de pari mutuel.»

Comme on peut le constater, cette définition ne pêche pas par excès de concision, M. le Président. Elle relève d'une époque où la mode législative était à l'énumération d'exemples plutôt qu'à élaboration d'un concept. L'inconvénient d'une telle définition par enumeration, c'est qu'on risque évidemment d'oublier beaucoup de choses.

La troisième imprécision, c'est que le mot «amusement» lui-même n'est pas défini, alors que c'est un élément essentiel pour déterminer quand prend naissance l'obligation de payer le droit sur les divertissements. Par exemple, le fait de payer pour entrer dans un amphithéâtre, qui est un lieu d'amusement, pour assister à l'homélie d'un prédicateur donne-t-il lieu au paiement de la taxe d'amusement? Enfin, M. le Président, la combinaison des imprécisions de la règle actuelle et du principe qu'elle contient, selon lequel la taxe est liée à l'entrée dans un lieu, a fait que plusieurs municipalités se sont trouvées placées devant un trou juridique quant à la perception de droits sur diverses activités de loisir payantes qui se déroulent sur leur territoire: la descente de cours d'eau en canot pneumatique, par exemple, les croisières d'observation d'animaux marins, l'utilisation d'un appareil dans un parc d'amusement et la location de cassettes vidéo, pour n'en nommer que quelques-uns. Le moins qu'on puisse dire, c'est que la règle d'imposition et de perception du droit sur les diverstissements n'a vraiment pas suivi l'évolution des activités de loisir des Québécois.

Un autre aspect de la loi actuelle dont il faut parler, c'est celui des exceptions à la règle du paiement du droit sur les divertissements. On a vu auparavant que le lieu où se tient une réunion de courses n'est pas considéré comme un lieu d'amusement si aucun pari n'y est fait. On peut déjà s'interroger sur le bien-fondé de cette exception. Il y a également une exception en faveur de la participation active à un sport athlétique, dans la mesure où l'on peut faire la distinction entre un sport athlétique et un sport ordinaire, où l'on est capable de savoir à partir de quel degré d'effort la participation peut être considérée comme active.

Mais c'est surtout de deux autres exceptions que je veux parier. La plus ancienne se trouve à l'article 4 de la loi qui se lit comme suit: «Le droit est exigible dans tous les cas, sauf quand un amusement est donné sous les quatre conditions suivantes, à savoir: «a) Par des organisateurs et amateurs résidant au Québec, qui ne reçoivent aucune rémunération quelconque pour leurs services à cette occasion; «b) Dans une église ou une salle ouvrière ou paroissiale pour l'usage de laquelle aucun loyer n'est payé ni aucune autre rémunération accordée pour cette fin; cependant, n'est pas considéré comme une rémunération, le paiement,

par les organisateurs au propriétaire de la place d'amusements, du coût exact de l'éclairage, du chauffage et du nettoyage de la place d'amusements occasionné par la représentation; «c) Lorsque le total du revenu brut qui en revient est consacré exclusivement à des fins charitables, agricoles ou religieuses; «d) Quand cet amusement ne comprend pas de projection de films, pourvu que la personne, société ou association qui donne l'amusement ait auparavant demandé l'exemption requise du fonctionnaire municipal auquel il appartient d'accorder ou de refuser telle exemption. Cette demande doit être attestée sous serment, devant un officier du revenu, un notaire, un juge de paix ou un commissaire de la Cour supérieure.»

Comme vous le voyez, M. le Président, cette exemption, qui date du début du siècle, pouvait convenir à l'époque où les bingos paroissiaux constituaient à peu près le seul divertissement méritant un engagement fiscal aux yeux du législateur. Mais elle est totalement inadéquate de nos jours; notamment, elle n'est d'aucune utilité aux municipalités qui désirent, pour attirer ou conserver dans leur territoire un théâtre d'été, un cirque, par exemple, accorder une exemption ou une diminution de la taxe d'amusement au spectateur. (1 heure)

L'autre exemption dont je veux vous dire un mot est tout à fait récente puisqu'elle a été introduite par la loi 145 l'an dernier; il s'agit, M. le Président, de l'exemption en faveur des lieux d'amusement prévus dans un éventuel règlement gouvernemental. L'objectif qui était visé par le législateur était de permettre au gouvernement de déterminer les lieux d'amusement culturels. Cependant, quiconque a essayé de définir ce qu'est la culture peut comprendre pourquoi aucun règlement n'a été édicté en vertu de ce nouveau pouvoir. De plus, on se heurte au problème suivant: Comment justifier qu'un divertissement culturel, qui est présenté dans un lieu dont la vocation est d'accueillir de tels événements, soit exempté de la taxe d'amusement, mais qu'il ne soit pas exempté lorsqu'il est présenté dans un autre lieu comme un stade sportif? M. le Président, j'arrête ici mon exposé des éléments de la loi actuelle. Je crois avoir suffisamment démontré le caractère inadéquat de cette loi dans le contexte actuel et, par conséquent, le bien-fondé de son abrogation.

Je dirai maintenant quelques mots sur la façon dont le projet de loi 20 prévoit procéder à cette abrogation. Ce projet de loi fixe au 1er juillet 1992 la date de l'abrogation de la loi actuelle. Cependant, cette abrogation est assortie d'aménagements. D'abord, pour tenir compte du problème exposé plus haut quant à la question de savoir si la taxe d'amusement est due au moment du paiement du billet d'entrée ou au moment du divertissement, le projet de loi opte pour la solution qui tient compte de la pratique. Celle-ci veut que la taxe soit perçue lors du paiement du billet. En conséquence, dans le cas où le billet est acheté avant le 1er juillet pour un événement postérieur au 30 juin, le projet de loi 20 prévoit que le droit sur les divertissements demeure payable. Pour éviter que la taxe de vente du Québec ne soit perçue en même temps que la taxe d'amusement sur un tel billet, le projet de loi exclut exceptionnellement l'application de la TVQ dans un tel cas.

Ensuite, M. le Président, un autre aménagement qu'il importe de vous souligner, c'est que le projet de loi 20 prolonge au-delà du 1er juillet 1992 l'effet des dispositions de la loi et des règlements adoptés en vertu de celles-ci pour régir l'usage qui doit être fait des sommes perçues avant cette date. Par exemple, si le règlement de la municipalité prévoit que les droits sur les divertissements perçus par l'exploitant d'un lieu d'amusement sont remis à la municipalité dans les 10 jours qui suivent la tenue de l'événement, ce règlement continue de s'appliquer après le 1er juillet, si c'est nécessaire, pour la remise des droits perçus avant cette date.

Enfin, je veux mentionner, M. le Président, que le projet de loi 20 contient des dispositions ayant pour but de valider la perception de la taxe d'amusement qui a été faite depuis le 1er janvier 1992 sur le territoire d'une municipalité qui a omis d'adopter ou de mettre en vigueur, au préalable, un règlement décrétant cette perception. Il semble, en effet, que cette nouvelle obligation imposée par la loi 145 de l'an dernier ait été oubliée par un certain nombre de municipalités.

Voilà, M. le Président, qui conclut les remarques que je désirais formuler à l'appui de l'adoption du principe de la loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements. Je vous remercie, M. le Président, de votre bonne attention.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Saint-Jean. Alors, je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes au niveau de l'adoption du principe du projet de loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements. Je reconnais M. le député de Labelle.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: merci, m. le président. tout à l'heure, à mon écran de télévision, j'étais à mon bureau et j'écoutais le ministre des affaires municipales expliquer que la taxe...

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez une question de règlement?

M. Boulerice: Oui, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Une question de règlement.

M. Boulerice: Je suis persuadé que les observations de mon collègue sont importantes et j'aimerais qu'elles soient entendues par l'ensemble de cette Assemblée. Je vous demanderais de vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): De vérifier le quorum. Alors, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, effectivement, il n'y a pas quorum. Qu'on appelle les députés!

Alors, le quorum est maintenant vérifié. M. le député de Labelle, si vous voulez commencer votre intervention.

M. Léonard: Merci, M. le Président. Effectivement, je regardais dans mon écran de télévision tout à l'heure, vers minuit je pense, le ministre des Affaires municipales, qui m'écoute présentement, expliquer qu'il avait aboli la taxe d'amusement, la taxe sur les divertissements. Il a donné un schéma que je voudrais reprendre parce que je trouve ça amusant de voir comment les choses peuvent tout à coup glisser. Ça m'a même rappelé un petit adage qu'on se faisait entre nous quand on était à la petite école, où on disait: Tout ce qui brille n'est pas or. Or, l'or brille, donc, l'or n'est pas or.

Voici. Je reprends son schéma. Avant l'abolition, un promoteur de spectacles qui avait un billet de 10 $ ajoutait 10 %, donc il vendait son billet 11 $. Après l'annonce de la TPS et de la TVQ à 8 %, il a fait le calcul devant vous tout à l'heure, le ministre, puis il a dit: 10 $ le billet pour le promoteur plus 1 $ de taxe sur les divertissements, ça donnait 11 $ plus 7 % de TPS, ça fait 0,77 $; 11,77 $ plus 8 % de TVQ, 0,94 $, total: 12,71 $. Tout le monde s'est levé, évidemment, tout le monde s'est mis à manifester pour dire que ça n'avait pas de bon sens que le prix du billet monte ou que les taxes soient de 27 % sur le prix de base.

Donc, il y a eu tractation, il y a eu recul et tout ce qu'on veut et le dernier discours sur le budget a produit la situation suivante: le prix du billet au promoteur, 10 $, la TPS, 0,70 $, donc ça fait 10,70 $ après TPS, plus 4 % de TVQ, 0,43: 11,13 $. C'est ça, le billet au consommateur.

Donc, avant, la situation ou le prix était de 11 $. Après, maintenant, c'est de 11,13 $. Je ne chicanerai pas le ministre de dire que c'est à peu près le même prix, 11 $, 11,13 $, 1 % environ.

Là s'arrêtait son calcul à peu près parce qu'il a expliqué que finalement les municipalités avaient récupéré par ailleurs, etc., qu'il y avait eu une augmentation, un champ d'impôt sur les mutations immobilières. Je vois qu'il m'écoute et qu'il s'assoit à son siège en m'écoutant et en souriant. Je l'ai trouvé très rusé parce qu'on ne doit pas arrêter le calcul à ce point. Non. Justement, il faut le reprendre parce que l'augmentation du champ d'impôt des taxes sur les mutations immobilières coûte 12 000 000 $. Ça rapporte 12 000 000 $ à la municipalité, mais ça coûte 12 000 000 $ aux consommateurs. (1 h 10)

Alors, reprenons les calculs. 0,70 $ de TPS, le billet, 10 $. 7 % de TPS donne 0,70 $ par billet. Le calcul total, ça donne au consommateur, ça coûte au consommateur 18 200 000 $. Il faut le dire, ça, c'est exactement ça. Effectivement, c'est 70 % des 26 000 000 $, environ. Plus les 0,43 $ du 10 $, ce qui coûte aux consommateurs 11 200 000 $, qui sont payés en TVQ. Oui, mon calcul est exact. Je le supporterai. Le total, c'est 29 400 000 $ contre 26 000 000 $ auparavant, auxquels il ne faut pas oublier d'ajouter 12 000 000 $ d'augmentation de droits sur les mutations immobilières. Il ne faut surtout pas l'oublier, de sorte que le total total, c'est maintenant de 41 400 000 $ contre 26 000 000 $ auparavant comme coût aux contribuables consommateurs, etc., que l'on prend comme ponction à l'ensemble de la collectivité. Voilà, il faut vraiment faire ce calcul. Ça, c'est simplement en termes de calcul comptable.

En l'écoutant, j'ai dit: Non, non, je vais refaire ces calculs. Vraiment, c'est un peu gros, merci. Surtout qu'il s'agissait, par rapport à la loi 145, d'une justification a posteriori. Je voudrais que le ministre m'écoute parce que, lorsqu'il a vendu sa loi 145, il n'a pas parlé de l'abolition des taxes sur les divertissements. Ça a été évoqué, mais ce n'était pas une décision, il faut quand même le dire. Alors, le consommateur contribuable, d'une façon ou de l'autre, paie 41 400 000 $ contre 26 000 000 $ auparavant. Je pense que, quelle que soit la façon dont on le calcule, je suis prêt à en discuter avec le ministre du Revenu, d'ailleurs, qui est en train de converser avec son collègue, je crois qu'il va me donner raison. Alors, le ministre dit: Nous avons remplacé le tout par des subventions. Bon. Ou: Nous avons complété par des subventions de l'ordre de 13 000 000 $, des subventions pour quatre ans, ce qui ne constitue pas une assurance pour les municipalités à long terme, puisqu'il n'y a pas là de champ d'imposition, il faut bien le voir.

Je voudrais, M. le Président, aller un peu plus loin dans la démarche. Il faut se demander: Ces 41 400 000 $, où vont-ils? Où vont les 41 400 000 $? Où vont-ils? Alors, 12 000 000 $ aux municipalités contre les 26 000 000 $ qu'elles avaient auparavant... Évidemment, c'est complété par les subventions du ministère, et j'y reviendrai tout à l'heure. Mais voilà que le gouvernement du Québec, qui n'en tirait rien auparavant, retire maintenant 11 200 000 $. Bien oui, les 4 % de TVQ. 11 200 000 $, il avait zéro auparavant.

Et surtout, M. le Président, le fédéral, qui est un nouveau venu en la matière, lui, il retire 18 200 000 $. Vous allez comprendre qu'il faut qu'il paie son déficit. Mais il faut donc admettre que le fédéral nous fait payer son déficit, fait payer le monde du spectacle, à ce moment-ci. Auparavant, il retirait zéro. Il est allé chercher 18 200 000 $, le Québec, il avait zéro, il a 11 200 000 $ et les municipalités, 12 000 000 $. Total: 41 400 000 $. Ça coûte pas mal plus cher au consommateur contribuable, pas mal plus cher, de 26 000 000 $à41 400 000 $.

Voyez-vous, M. le Président, comment le ministre a bien vendu sa salade, tout à l'heure, en disant qu'ils avaient tout ajusté, que ça ne coûtait rien à personne, que les municipalités récupéraient tout? Voyez ce que je viens d'établir, c'est un calcul exact. J'espère, comme comptable, que je l'ai fait professionnellement. Je crois l'avoir fait professionnellement, je suis prêt à en discuter avec le ministre, je le verrai tout à l'heure. Mais j'irai plus loin, maintenant. Le ministre sourit, je vois bien. Il a bien vendu sa salade. Je l'ai trouvé rusé. J'ai trouvé ça fantastique, mais je n'ai pas pu laisser passer la chose, quand même.

Je voudrais dire quand même qu'il y a autre chose dans le dossier qui, comme législateurs, doit nous intéresser parce que, auparavant, les municipalités étaient intéressées à ce que des promoteurs de spectacles, de divertissements, etc., organisent des activités sur leur territoire. Oui. Parce que, en contrepartie des services de police qu'elles offraient, des services municipaux, d'annonces, de tout ce que vous voulez, donc des services municipaux en général, elles récoltaient les 10 % sur le prix du divertissement, donc elles rentraient dans leurs coûts, dans leurs frais. Et ça les intéressait de faire de telles activités, parce que, au-delà du fait qu'elles rentraient dans leurs coûts, il y avait des activités de nature culturelle qui se passaient sur leur territoire.

En leur enlevant ce champ, c'est remettre en cause leur implication dans de telles activités. Comprenez que, là, on vient de démolir, de retirer leur intérêt à faire des activités culturelles. C'est ça que je déplore le plus. C'est ça que je déplore le plus. Elles avaient un champ de taxation qui correspondait à cet intérêt. Tout était égal, et je pense que le législateur dans le temps, lorsqu'il leur avait donné ce champ d'imposition, avait pris une excellente décision qu'on n'aurait pas dû remettre en cause, mais qu'on a été amenés à remettre en cause à cause de l'intrusion du fédéral par sa TPS puis par le fait qu'on s'est, nous, harmonisés à la TPS fédérale, que le gouvernement libéral s'est harmonisé à la TPS fédérale en instaurant, en faisant sa réforme de la TVQ.

La question que je pose maintenant, c'est: Est-ce que le fédéral va venir s'occuper, lui, d'organisation de spectacles dans les municipali- tés? La réponse, c'est que c'est non. La réponse, c'est que ce n'est pas de ses affaires. La réponse, c'est que, si on voulait qu'il le fasse, ça serait un service mal rendu, mal organisé, parce que c'est un gouvernement qui est à Ottawa, qui ne s'occupe pas de ça, puis je pense qu'il n'y a personne qui souhaite qu'il s'en occupe parce que, au fond, ce n'est pas de ses oignons qu'il s'occupe d'organiser des spectacles, des divertissements. Écoutez, il est loin de son profit. Mais, pourtant, il va aller chercher 18 200 000 $ sur cette activité.

Deuxième question, est-ce que le gouvernement du Québec va s'en occuper? Il avait zéro avant. Il ne s'en occupait pas, il avait zéro. Mais, là, il tire 11 200 000 $. La réponse, c'est qu'il n'ira pas s'impliquer dans des organisations de spectacles, des organisations culturelles, des activités culturelles, en tout cas sûrement pas de cette façon. Ce n'est pas aussi clair que dans le cas du fédérai, parce que le Québec prétend, lui, donner des subventions. Ah! le grand mot. Il va donner des cadeaux de temps en temps, à la gueule du client, et là vous allez peut-être, dans certains cas, oui... Le ministre a même évoqué qu'il y avait des programmes de contrepartie. Il y avait ses 5 000 000 $, 5 000 000 $ qu'il a fait miroiter. Imaginez-vous! 5 000 000 $ pour la grandeur du Québec, s'il va en organiser des spectacles! Au fond, c'est 5 000 000 $ qui sont assez discrétionnaires, qui vont être donnés à condition que la municipalité en mette autant, donc qu'elle aille mettre 5 000 000 $ elle aussi, etc., toutes sortes de conditions, et vous venez de voir apparaître exactement la queue du dragon. En d'autres termes, le gouvernement, lui, va s'ingérer dans ces activités en autant que la municipalité paie autant que lui. Mais comme on sait qu'il ne peut pas, le gouvernement ne peut pas à tout bout de champ s'occuper de toutes sortes d'activités culturelles, ce ne sera que certaines activités. (1 h 20)

Donc, vous venez de démolir l'ensemble des intérêts du monde municipal de s'occuper d'activités culturelles, parce que vous les avez rendues très loin de la chose, vous leur avez enlevé l'intérêt financier qu'elles avaient à récupérer les coûts qu'elles encouraient à organiser des activités culturelles. Voyez-vous, c'est là où je trouve qu'on est en train de démolir des choses sans qu'il n'y paraisse, en utilisant quelques sophismes, je dirais des sophismes comptables, si ça existe. En tout cas, j'ai bien vu comment le ministre avait vendu, de façon très brillante, sa salade. Mais ce n'est pas exact. Je suis obligé de le ramener à la réalité. Tout à l'heure, il aura l'occasion de me répondre, j'en suis sûr. Mais le contribuable, le consommateur va payer dorénavant 41 400 000 $ contre 26 000 000 $ auparavant. Il n'aura rien de plus. Au contraire! Très probablement qu'il va avoir moins de services parce que l'essentiel de

ces 41 000 000 $, ça va aller pour 18 200 000 $ au fédéral, pour 11 200 000 $ à Québec, très loin des municipalités, et l'autre 12 000 000 $, ça ne sera pas du tout relié, en termes d'intérêt, à la culture.

Voilà, M. le Président, ce que je voulais dire. J'ai bien compris - je pense que j'ai encore quelques minutes - que le ministre avait glissé sur... Oui, j'ai encore beaucoup de temps, M. le Président. Alors, le ministre a glissé sur l'excellente réforme de son collègue, le ministre des Finances. Nous avons eu un vaste débat sur la question, une commission parlementaire. Je voudrais juste le ramener à des petits tableaux, qui ont été publiés, d'ailleurs, dans les journaux, qui sont pleins d'enseignements. Si le ministre veut que je lui en fasse parvenir des copies au cas où il n'en aurait pas... Je voudrais simplement le ramener à l'écart Québec-Ontario du fardeau fiscal du secteur privé. Je vois qu'il a eu la copie 1992, l'article de Normand Girard dans le Journal de Québec et le Journal de Montréal.

Mais ce qu'il est important, intéressant de constater dans ces tableaux, c'est que l'écart fiscal, au cours de ces années, est passé de 3,5 % en 1990 à 7,5 % en 1991... Pardon, je reprends. L'écart fiscal en 1990 était de 3,5 %, il est passé à 7,5 % en 1991 et à 9,3 % en 1992. Il a augmenté. Il a augmenté. Et là, le ministre a dit: Mais nous avons, dans le temps, baissé l'impôt sur le revenu. Dans le temps! Mais qu'est-ce qu'il a fait? C'est qu'il a augmenté les taxes de façon considérable. C'est devenu un peu plus compétitif sur le plan de l'impôt sur le revenu, nous le concédons. Nous le concédons. Mais, sur le plan des taxes, ça a été beaucoup plus que compensé. Et la preuve, dans le domaine de la taxation, il ne faut jamais oublier une chose, le contribuable vote avec ses pieds. Dans une municipalité, quand l'impôt foncier est trop élevé, les contribuables s'en vont, les nouveaux en tout cas, et quand ils peuvent vendre leur maison, ils s'en vont vivre dans une autre municipalité.

Que font nos contribuables consommateurs à l'heure actuelle? Ils vont acheter aux États-Unis! En grand nombre, en grande quantité. Il y a une concurrence féroce qui s'exerce présentement. À tel point que cela mine même les états financiers du gouvernement. Quelle est la somme des achats et des dépenses des contribuables québécois aux États-Unis à l'heure actuelle et quelle est l'implication de ces achats sur les revenus du gouvernement du Québec? C'est plusieurs, plusieurs centaines de millions. Personne ne peut les chiffrer. Personne ne peut les chiffrer parce qu'on ne sait pas exactement. Mais l'on sait qu'il s'agit de sommes considérables. Et là-dessus, ce qu'ils ont gagné, en termes d'impôt sur le revenu, ils l'ont perdu en termes de rendement sur les taxes à la consommation. Au moins! Parce que l'impôt sur le revenu est payé sur des salaires qui sont versés ici au Québec.

Donc, les entreprises versent des salaires et perçoivent à la source des impôts sur le revenu. Dans le cas de la consommation, vous ne les voyez pas parce que les achats sont faits aux États-Unis et personne ne sait combien l'on perd par ces achats qui ne se font pas ici. Très difficile à évaluer. Mais nous pouvons savoir qu'il s'agit de millions et de millions. Ce sont les gens qui se déplacent pour aller aux États-Unis.

Parlons maintenant de la contrebande. Elle existe dans le domaine des cigarettes, du tabac, de l'essence. Ça aussi, ça implique des sommes considérables, un manque à gagner considérable pour le gouvernement.

Alors, M. le Président, j'invite le ministre à beaucoup de modestie quand il parle de cette réforme des taxes à la consommation. Les effets sont majeurs sur l'économie, sont majeurs sur les équilibres financiers, sur le fardeau fiscal du secteur privé. L'impôt des sociétés dépasse de 310 000 000 $, ici au Québec, l'impôt des sociétés des Ontariens, des entreprises ontariennes. Les taxes à la consommation, 557 000 000 $; la tarification, 513 000 000 $; et l'impôt sur le revenu, malgré les fleurs qu'il s'envoie, 2 526 000 000 $ de plus ici, au Québec, qu'ailleurs.

Et je le ramène à son dernier devoir: les taxes municipales. Les taxes municipales, il faudrait en parler, M. le Président: 1 904 000 000 $ de plus ici, au Québec, qu'en Ontario. Il n'y a pas de quoi se vanter. Et l'écart s'est accru grandement en 1990; où c'était 1 362 000 000 $ c'est monté maintenant à 1 904 000 000 $. Je n'invente rien, M. le Président, ce sont les tableaux du ministère des Finances que j'ai obtenus de peine et de misère du ministre des Finances en commission parlementaire. Je les ai maintenant. Merci au ministre des Finances de finalement les avoir rendus, et merci, M. le Président, de votre attention.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Labelle. Alors, nous poursuivons l'étude du projet de loi 20 au niveau de son principe, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements, et je reconnais M. le président de la commission des institutions et député de Marquette.

M. Claude Dauphin

M. Dauphin: Merci beaucoup, M. le Président. J'aimerais donc maintenant vous parler des suites qu'entend donner le gouvernement du Québec à l'abolition des droits sur les divertissements pour les municipalités. Comme vous le savez, le ministre des Finances, M. Gérard D. Levesque, annonçait, le 14 mai dernier, l'abolition des droits de 10 % sur les divertissements actuellement prélevés par certaines municipalités lors de son discours sur le budget.

Il est sans doute bon, M. le Président, de

préciser dès le départ que cette décision gouvernementale ne touche pas l'ensemble des municipalités du Québec, mais seulement quelque 164 municipalités, dis-je, pour l'année 1992. Ces municipalités ne pourront plus percevoir ces droits qui sont, dans les faits, une taxe à la consommation. Le gouvernement se trouve donc à compléter la deuxième phase de la réforme des taxes à la consommation en instaurant une TVQ à 4 % pour l'industrie du spectacle et ainsi, en évitant un taux exagéré pour ce secteur économique fort important.

En effet, M. le Président, nous savons tous que l'industrie du divertissement devait faire face à un taux effectif de taxation de l'ordre de 13 % en 1990, soit les droits de 10 % prélevés par les municipalités et un 3 % additionnel de taxes indirectes résultant de l'effet combiné des taxes de vente fédérale et québécoise sur les produits achetés par cette industrie. Or, l'arrivée de la TPS du gouvernement fédéral a fait grimper ce taux à quelque 18,5 %, en incluant toujours les effets indirects. Face à ce taux déjà élevé, le gouvernement du Québec se devait de réagir non seulement de façon à s'assurer que l'introduction de la TVQ, pour ce secteur, n'alourdisse la charge fiscale exigée, mais aussi de manière à tendre vers le taux effectif de 13 % qui était en application avant l'entrée en vigueur de la TPS du gouvernement fédéral.

Il y avait là tout un défi à relever. Le gouvernement devait faire preuve de réalisme, puisqu'il s'agissait là d'une question de survie pour bon nombre d'entreprises de divertissement. Comme le taux de la TVQ pour les services a été réduit à 4 % et que le gouvernement a décidé d'abolir les droits de 10 % prélevés par les municipalités sur les divertissements, le taux effectif de taxation pour l'industrie du spectacle sera inférieur non seulement à la situation qui prévalait en 1991, suite à l'entrée en vigueur de la TPS, mais aussi, M. le Président, aux 13 % imposés en 1990.

En effet, le taux effectif sera inférieur à 12 %, soit plus précisément 11,78 % à partir du 1er juillet prochain. Il y a donc une amélioration sensible pour cette industrie génératrice d'emplois qu'est l'industrie du divertissement. (1 h 30)

Voilà, M. le Président, un beau défi que le gouvernement du Québec a su relever de brillante façon.

Maintenant, M. le Président, il était évident que le gouvernement ne pouvait rester indifférent au manque à gagner pour les municipalités attribuable à l'abolition des droits sur les divertissements. On ne pouvait se satisfaire d'une nette amélioration pour l'industrie du divertissement au détriment du milieu municipal. En effet, les municipalités perceptrices des droits sur les divertissements se trouvaient avec un manque à gagner de quelque 25 000 000 $, si on se fie aux montants mis comme recette par le munici- palités elles-mêmes à leurs prévisions budgétaires pour l'année 1990. Si on se base, par ailleurs, sur les montants réellement perçus, tels que vérifiés aux rapports financiers des municipalités pour cette même année, le montant en cause serait plutôt de l'ordre de 28 600 000 $. Ce montant, M. le Président, serait le plus élevé constaté jusqu'à maintenant, puisque, aux prévisions budgétaires de l'année suivante, soit en 1991, les recettes anticipées par les municipalités étaient de l'ordre de 27 400 000 $. De plus, M. le Président, à la lumière des rapports financiers reçus par le ministère des Affaires municipales pour cette même année, on constate une certaine baisse des recettes réellement perçues, puisqu'elles seraient de l'ordre de 26 000 000 $ pour 1991 au lieu des 27 400 000 $ prévus. quant aux prévisions de recettes maintenant pour 1992, les 164 municipalités prélevant des droits ont anticipé un montant de 26 400 000 $. bref, m. le président, si on faisait une moyenne de ces montants au cours des dernières années, on ne se trompe pas en affirmant que les municipalités se retrouveraient, à défaut de compensation, avec un manque à gagner de l'ordre de 26 000 000 $.

Outre cette constatation, il est bon de signaler que 75 % de ce montant de 26 000 000 $ sont perçus par deux villes seulement, soit Montréal avec environ 62 % de l'ensemble des droits et Québec avec environ 13 % des droits. En effet, 158 municipalités sur les 164 qui prélèvent ces droits sur les divertissements en 1992 se répartissent moins de 1 % de l'ensemble des recettes. il y a donc une très forte concentration des recettes perçues entre les mains des deux municipalités citées, soit montréal et québec. par ailleurs, m. le président, ceci ne veut pas nécessairement dire que ces recettes sont peu importantes pour les municipalités qui bénéficient de l'imposition de ces droits. en effet, pour certaines municipalités, les revenus des droits sur les divertissements peuvent représenter jusqu'à 1 % ou 2 % de leur budget, et même jusqu'à 15 % ou 20 % pour des municipalités que vous connaissez bien comme la municipalité d'hemmingford, je crois, qui est située dans le comté de mon collègue qui est juste derrière moi de saint-jean, pour son parc safari.

Dans un tel contexte, M. le Président, le gouvernement a donc le devoir de compenser pour le manque à gagner que devront subir les municipalités. Voilà pourquoi le ministre des Finances du Québec, M. Levesque, annonçait, dans son discours sur le budget du 14 mai dernier, un programme de compensation d'un montant de 6 500 000 $ en 1992 et de 13 000 000 $ pour chacune des années subséquentes, soit 1993 à 1996 inclusivement, pour un grand total de 58 500 000 $. Tout de suite, M. le Président, vous allez me dire que le montant de 13 000 000 $ ne correspond pas au manque à gagner des municipalités évalué, comme je le

mentionnais tantôt, à 26 000 000 $. La compensation pour une pleine année ne représente donc que 50 % du manque à gagner. Précisons, premièrement, que le montant de 6 500 000 $ pour 1992 ne couvre les pertes de recettes des municipalités qu'à compter du 1er juillet, soit pour les 6 derniers mois de l'année. Deuxièmement, pour bien comprendre le montant annuel de 13 000 000 $, il faut se rappeler que les municipalités ont déjà été partiellement compensées dans le cadre de la politique gouvernementale relative au nouveau partage de responsabilités Québec-municipalités.

Vous vous souvenez, M. le Président, que le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation, dont je signale la présence avec nous depuis le début de la soirée, déposait, le 14 décembre 1990, une proposition d'un nouveau partage des responsabilités entre le gouvernement et les municipalités. À cette occasion, il avait été proposé d'abolir les droits sur les divertissements. Un montant de 25 500 000 $ avait été estimé comme perte de recettes pour les municipalités, en se basant sur les prévisions budgétaires pour l'année 1990. Tout au long de l'hiver et du printemps suivant, des discussions se sont déroulées avec les municipalités qui se disaient en désaccord avec l'intention gouvernementale. À la suite de ces discussions, le ministre des Affaires municipales et responsable de l'Habitation, M. Ryan, annonçait, le 18 mai 1991, que seuls les droits à l'égard du secteur culturel seraient abolis. Dans un tel contexte, les municipalités disposaient toujours de 14 000 000 $ comme recettes perçues sur la partie non culturelle des droits sur les divertissements. Dans le cadre de ce nouveau partage des responsabilités, qui s'est concrétisé par l'adoption par l'Assemblée nationale du projet de loi 145 le 21 juin dernier, les municipalités ont alors été compensées pour la partie abolie, soit la partie culturelle. Elles ont déjà été compensées, M. le Président, par l'ajout de revenus additionnels alors prévus notamment pour les droits sur les mutations immobilières et par des compensations de plafonnement.

Comme les municipalités ont effectivement perçu en 1990 des recettes de quelque 28 000 000 $, il reste donc, M. le Président, à compenser pour les 14 000 000 $ toujours accessibles aux municipalités, soit 50 % de cette somme. Dans les faits, si on se fie au montant perçu au cours des dernières années, soit 26 000 000 $ en moyenne par année, le gouvernement se trouve à verser une aide de 13 000 000 $ par année, soit un montant équivalant, effectivement, à 50 % des recettes. Comme vous pouvez le constater, le montant annuel de compensation de 13 000 000 $ s'avère judicieux dans le cadre de la nouvelle politique gouvernementale pour le partage des responsabilités avec les municipalités.

Le ministre des Affaires municipales tra- vaille actuellement à trouver la formule de répartition du montant de 13 000 000 $ de façon à tenir compte de l'ensemble du contexte des municipalités touchées par l'abolition complète des droits sur les divertissements. En terminant, il devra tenir compte, dans sa recherche, d'un certain nombre de faits. Notamment, il est bon de préciser que le nombre de municipalités qui perçoivent des droits a varié au cours des années. En effet, en 1992, il y a 40 nouvelles municipalités qui perçoivent des droits alors qu'elles n'utilisaient pas ce champ de revenus auparavant. Par ailleurs, il y a 60 municipalités qui percevaient des droits en 1991 et qui n'en perçoivent plus en 1992. Il y a donc un va-et-vient de municipalités qui rend plutôt complexe l'exercice de détermination d'une formule de répartition des compensations.

M. le Président, ça termine mon allocution et je vous remercie de votre bonne attention.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Marquette, de votre intervention. Et, sur ce même sujet, soit à l'étape de l'adoption du principe du projet de loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant les droits sur les divertissements, je cède la parole à M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. M. le député, vous avez la parole.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Je vous remercie, M. le Président. On voit, dans votre ton, l'affection que vous avez pour ma circonscription qui, d'ailleurs, vient d'accueillir une nouvelle concitoyenne, c'est-à-dire madame votre mère. Et je me réjouis, M. le Président, d'accueillir Mme Bissonnet mère comme nouvelle concitoyenne. Et je ne doute pas quant à ses intentions de vote à la prochaine élection. Vous serez de bon conseil, M. le Président, j'en suis persuadé.

Ceci étant dit, M. le Président, dès la première lecture du projet de loi 20 que nous présente le ministre des Affaires municipales, je me suis forcément senti interpellé puisque j'assume, et vous le savez fort bien, la belle et noble tâche de voir au dossier des arts et de la culture. Et ce projet de loi a, M. le Président, de toute évidence, un impact considérable pour ce qui est du développement des arts et de l'accessibilité à la culture sur l'ensemble du territoire québécois. (1 h 40)

M. le Président, j'ai écouté avec intérêt les propos des députés ministériels qui ont tenté, je vais quand même vous l'avouer, avec très peu d'arguments convaincants - je dis très peu, je devrais dire sans aucun argument convaincant, quant à moi - de justifier le projet de loi que dépose le ministre, qui abroge les droits sur les divertissements. Ça a été, M. le Président, une avalanche de chiffres, un nombre x de municipa-

lités, alors qu'à mon point de vue le débat devrait être beaucoup plus élevé puisqu'il s'agit, et je le répète, des arts et de la culture qui sont, à toutes fins pratiques, le fondement même de notre existence et la raison première de notre présence ici, dans cette Assemblée nationale, puisque nous sommes une société distincte. Et nous sommes une société distincte à cause de notre langue qui est particulière sur ce continent et, forcément, de toute la culture qui la sous-tend.

M. le Président, avant d'aller au fond des choses, il me faut, au départ, faire un certain rappel. Au moment où je répliquais sur le discours sur le budget, je me voyais dans l'obligation de déposer une motion de censure où je blâmais ce gouvernement, M. le Président, d'avoir, à l'intérieur du budget présenté par le ministre des Finances et député de Bonaventure, renié, pour la septième année consécutive, son engagement solennel, lors de l'élection de 1985, de consacrer 1 % du budget de l'État aux arts et à la culture. Septième reniement consécutif. Le coq a chanté, M. le Président, et le gouvernement a renié pour employer un adage.

J'incluais, dans cette motion, aussi, M. le Président, et j'y reviendrai un peu plus loin dans mon discours, si vous me le permettez, l'insuffisance des fonds que le ministre additionnait aux crédits déposés par le ministre, président du Conseil du trésor, pour ce qui est du budget alloué aux arts et à la culture. Et je terminais, M. le Président, en blâmant, toujours sévèrement, ce gouvernement libéral - pas dans le sens philosophique du terme, vous l'avez entendu comme moi, mais dans le sens plutôt d'action, presque libertaire, M. le Président, quand il s'agit de la culture - de ne pas avoir appliqué, pour ce qui est du spectacle, la même donnée que pour ce qui est de l'édition - un dossier, d'ailleurs, où nous avons rudement bagarré - qui était l'exemption totale. Cela n'est pas fait.

Revenons, M. le Président, maintenant, sur le projet de loi 20 et regardons d'où ça part. Premièrement, et il ne faut pas l'oublier, ça part d'une intrusion du gouvernement fédéral canadien de taxer la culture sur l'ensemble du territoire canadien. C'est Ottawa qui a parti le bal de la taxation, en imposant sa TPS de 7 %. C'est le fédéral qui a commencé. Forcément, ça n'a pas été critiqué par nos amis d'en face puisque ça fait probablement partie de leur conception du fédéralisme asymétrique. Ça n'a même pas fait l'objet d'une offre de taxation puisque je regarde le député de Marquette, qui préside la commission sur les offres et qui me fait un peu penser à un réparateur de Maytag, comme nous dit la bonne publicité, parce qu'il attend les offres et les offres ne viennent pas; alors, ça le tient quand même pas tellement, tellement occupé. Donc, le fédéral s'est imposé dans un domaine de compétence exclusivement québécoise. Quand je le dis, je m'appuie, M. le Président, à la fois sur le rapport Allaire, qui est un document important pour ce qui est de la formation politique ministérielle, sur celui de la commission Bélanger-Campeau, sur le rapport Arpin, un rapport qui a été commandé par la ministre des Affaires culturelles et que nous avons eu l'occasion de discuter au cours d'une longue, mais passionnante, commission parlementaire à l'automne dernier.

Alors, le fédéral arrive avec 7 %. Forcément, puisqu'il faut s'harmoniser... La symétrie signifie, pour nos amis d'en face, l'obligation d'harmoniser au niveau de la taxation. Ottawa taxe, je taxe. Un peu comme la publicité: Tout le monde le fait, faites-le donc. Donc, le Québec annonce qu'il va imposer une taxe de 8 %. Alors, nous en sommes déjà, M. le Président, à un taux de taxation passablement élevé. Et, bien entendu, il y a la taxe sur le divertissement. Donc, on risquait un taux cumulé d'environ 27,5 %.

Forcément, immédiatement, mobilisation; notamment, la création d'une coalition sur les taxes sur le spectacle. Mais il faut quand même dire que la formation de cette coalition, au même titre que pour le livre, est venue au moment où Québec a taxé ou a annoncé son intention de taxer. Je dois quand même avouer que j'aurais préféré que l'offensive première soit donnée vers Ottawa qui n'a aucune, aucune juridiction dans le domaine de la culture. La culture appartient au Québec. Bon! Alors, ça ne s'est pas fait. Maintenant, la coalition dit que, après un gain, qui est une demi-taxation, elle ira vers le gouvernement fédéral. J'ose espérer qu'elle fera cette offensive face au gouvernement fédéral et j'offre ma collaboration pleine et entière, mais il faut également que ce soit fait parce que le fédéral n'a absolument aucun droit - je le répète, c'est peut-être la quatrième fois depuis le début de mon intervention que le dis, M. le Président, mais jamais je ne cesserai de le dire - Ottawa n'a absolument rien à faire dans la taxation.

Donc, M. le Président, on dit: Oui, mais il y a le 10 % de taxe de divertissement, il faudrait l'enlever. Nous - et, quand je dis nous, je parle de ma formation politique, je parle de mon collègue, député de Jonquière et porte-parole pour les affaires municipales, ancien maire et ancien président de l'Union des municipalités, donc, il connaît quand même le dossier très bien; je parle de mon collègue, le député de Labelle, qui est porte-parole pour les finances, qui est peut-être un homme de chiffres, mais qui est également un homme de lettres puisque je connais sa passion pour la culture, M. le Président, et vous la reconnaissez vous-même - nous nous sommes immédiatement campés en disant que, quant à nous, nous serions de préférence en faveur d'une non-taxation, c'est-à-dire une taxation au degré zéro, puisque zéro est un indice de taxation, des spectacles. Mais le gouvernement décide d'aller à 4 %. Bon! Je pense que mon collègue a fait une démonstration assez brillante au

niveau des chiffres - je ne vais pas la reprendre - mais là on se retrouve, par contre, avec un problème qui n'est pas réglé et qui ne sera pas réglé et qui, en fin de compte, illustre l'espèce d'illogisme qui peut exister dans le financement des arts et de la culture au Québec, et on pourrait même dire au Canada quoique ma défense de la culture est plutôt portée vers le Québec que vers le Canada.

Alors, M. le Président, durant toute cette commission parlementaire à laquelle je faisais allusion tantôt où on écoutait les intervenants qui intervenaient suite à la publication du rapport Arpin, on a entendu des municipalités venir dire qu'elles consacraient jusqu'à 3 %, presque en moyenne, et certaines municipalités, dont une d'ailleurs de la région de l'Abitibi - je suis persuadé que le député d'Abitibi-Est écoute attentivement - qui, elle, consacrait 5 %. D'où la municipalité, M. le Président, tirait-elle les revenus pour les réinjecter dans le domaine de la culture? C'était à partir de cette taxe sur le divertissement de 10 % qui était la seule taxe qui existait au niveau des arts et de la culture. C'était la seule. Il n'y avait pas le fédéral avant. Le Québec n'avait pas annoncé son intention d'inclure une taxe. Alors, les municipalités disaient: Nous voulons faire, nous avons l'intention de faire et le rapport Arpin, d'ailleurs, c'était sa recommandation no 78, disait: Que les programmes culturels ne fassent pas l'objet d'un délestage de la part du gouvernement dans le cadre d'un nouveau partage... (1 h 50)

M. Dufour: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le député.

M. Dufour: Je m'excuse d'interrompre mon collègue de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement?

M. Dufour: J'aimerais que vous constatiez le quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À votre demande, M. le député, je vais vérifier. Il n'y a effectivement pas quorum. Qu'on appelle les députés. (1 h 52 - 1 h 55)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi 20. M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous pouvez poursuivre votre intervention et je vous indique qu'il vous reste huit minutes.

M. Boulerice: M. le Président, je vous remercie d'avoir appelé le quorum, et je comprends votre tristesse de voir qu'en ce Parlement on n'aime pas et on ne s'intéresse pas à la culture. M. le Président, au moment où, à cause de la situation économique, il y a malheureusement, compte tenu des revenus des individus, des baisses significatives de fréquentation au niveau des spectacles, alors que l'on n'a pas atteint un pourcentage adéquat, c'est-à-dire au minimum 1 % du budget de l'État affecté aux arts et à la culture, je trouve malheureux qu'un ministre vienne abolir une taxe - oui, je suis malheureux qu'on abolisse une taxe - mais l'abolisse de façon telle qu'il ne compense absolument pas ceux qui bénéficiaient de cette taxe. On sait qu'avec cette taxe de divertissement les municipalités pouvaient s'engager à fond dans la culture. Ce ne sera que 6 500 000 $ qui seront remis et pour un plan triennal, après, de 13 000 000 $, alors que ce serait normalement 30 000 000 $ auxquels les municipalités devraient s'attendre, si on se fie aux calculs que nous avons. alors, comment pensez-vous, m. le président, que l'on va en arriver à une politique culturelle, que nous promet la ministre un peu comme si c'était la magna carta, dans laquelle on va demander aux municipalités d'investir davantage, de s'investir aussi - dans l'autre sens du terme - alors qu'on leur coupe des moyens d'intervention? m. le président, avec la maigre compensation pour tout l'ensemble du territoire - parce que c'est quand même au-delà de 160 municipalités qui pouvaient agir au niveau culturel en injectant ces sommes - juste à titre d'exemple, comment pensez-vous que va pouvoir continuer de fonctionner le conseil des arts de la communauté urbaine de montréal, qui est un organisme subventionnaire extrêmement important à montréal et auquel on doit d'ailleurs des réalisations importantes? comment pensez-vous, m. le président, que la grande région de la capitale nationale va essayer de soutenir les arts, alors qu'ils n'ont plus cet argent? et je sais pertinemment que le maire de la capitale était tenté de former un conseil des arts de la communauté urbaine de québec. au moment où il y a une taxation de 11 % - parce qu'il y a toujours la fédérale et celle du québec - au moment où le québec se désengage encore, mais sur le dos des municipalités qui faisaient des efforts considérables, alors que l'augmentation du budget consacré aux affaires culturelles ne touche absolument pas le soutien à l'artiste et aux régions, et qu'on ajoute un maigre petit 5 000 000 $ qui, dispersé pour l'ensemble du territoire québécois, ne va signifier que des grenailles, comment pensez-vous, m. le président, que le québec va réussir à assurer son caractère de société distincte à travers le soutien des arts et de la culture? et comment pensez-vous, m. le président, que l'on va pouvoir régler ce qui est apparu évident à cette commission parlementaire, qui était l'immense scepticisme du milieu de la culture ou des milieux de la culture, si vous

préférez, face à une volonté du gouvernement d'agir avec énergie dans le domaine de la culture? Comment allons-nous contrer cette espèce de - et je cherche le mot - de sentiment de «désabusion» que les artistes ont envers ce gouvernement...

Une voix: Désabusement. (2 heures)

M. Boulerice: Désabusement, désamusement. Désamusement et désabusement, oui effectivement, comme me font remarquer certains de mes collègues. Alors que je crois que le premier inspirateur devrait être le gouvernement du Québec, puisque c'est à lui qu'appartient, en premier lieu - et en totalité d'ailleurs - le soutien des arts et de la culture.

Donc, le projet de loi 20, M. le Président, n'est tout simplement qu'un autre délestage, un autre pelletage dans la cour des municipalités, à qui on dit: Faites-en, allez-y, gênez-vous pas, on compte sur vous. Vous êtes à une table de concertation, c'est extraordinaire. Et finalement, on ne veut pas leur concéder les moyens, ou lorsqu'ils en ont, on leur enlève les moyens. Mais, par contre, on ne donne rien d'équivalent en retour, leur permettant de poursuivre dans une action qui est souhaitée par tous. Parce que nous accusons au Québec, malheureusement, même si, dans l'ensemble, beaucoup de municipalités font des efforts - et j'ai été personnellement témoin des interventions de maires de municipalité - mais nous accusons malheureusement au Québec d'immenses retards par rapport à l'implication des municipalités dans le domaine des arts et de la culture. Quand on regarde l'implication des municipalités dans des pays telle la France, telle la Grande-Bretagne, telle l'Italie, telle l'Allemagne, telle l'Espagne, pour ne citer que ces pays - on s'aperçoit que malheureusement chez nous, ce n'est pas une tradition. Elle commençait à naître tranquillement et on aurait pu dire, dans quelques années, qu'il y avait une tradition d'implication et que le discours culturel faisait partie du discours d'un maire d'une ville. Mais on va ruiner ces chances, parce que, aux municipalités, on dit: Allez-y, mais par contre, pour ce qui est d'y aller, ne comptez pas sur nous pour vous donner un coup de main. Et les moyens que vous aviez, on vous enlève. Et il n'est pas question de vous compenser.

Triste fin de parcours pour la culture dans les municipalités, M. le Président. Je vais conclure là-dessus, puisque vous me faites signe, ça s'appelle projet de loi 20. Ce n'est pas l'autoroute 20 de la culture. On met les municipalités dans un cul-de-sac, et c'est triste. Mais ce n'est pas étonnant, c'est un gouvernement qui n'aime pas la culture et ne s'intéresse pas à la culture, M. le Président. Je vous remercie de m'avoir écouté, et surtout soutenu, durant tout le long de ce discours.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants? M. le ministre des Affaires municipales, si vous désirez répliquer, il n'y a pas d'autres interventions. Vous avez le droit, M. le ministre, pour votre réplique, à une période de 20 minutes.

M. Claude Ryan (réplique)

M. Ryan: Ça ne durera pas 20 minutes, M. le Président, ce sera très bref. Je voudrais simplement relever des propos que j'ai entendus sur les lèvres du député de Labelle, tantôt. Je crois qu'il est parti. Je le comprends, parce qu'à cette heure-ci... Il écoute à la télévision, c'est très bien.

Quand il a parlé de l'impact financier du projet de loi que nous discutons ce soir, je pense qu'il a déformé la réalité, parce qu'il a comparé des pommes avec des oranges. J'ai soutenu - et il a été obligé de convenir de l'exactitude des chiffres que j'ai avancés - pour la personne qui fréquente un spectacle, le coût qu'elle devra payer par suite de l'adoption du projet de loi 22 sera moins élevé, sensiblement moins élevé. J'ai même établi le taux de réduction à peu près à 12 %. C'est incontestable, parce qu'il suffit de lire le projet de loi pour s'en rendre compte. Et cette partie-là de l'exposé, le député de Labelle n'a pas osé la mettre en doute. Mais il nous dit: La même personne qui va bénéficier d'une réduction de 12 % sur le prix de son billet pour aller à la Place des Arts - je veux faire plaisir au député de Saint-Jacques - 12 %, le député de Saint-Jacques l'admet aussi. J'espère qu'il n'y a pas de problème entre nous là-dessus. Il dit: Elle va le payer quand elle va acheter une maison, à Lachute, à Saint-Jérôme, à Montréal ou à Mascouche. Il y a eu des ajustements dans les droits sur les mutations immobilières. C'est un autre domaine. Ça ne fait pas partie du tout du projet de loi 22, ni de la mesure qu'on institue à propos des droits sur les divertissements. C'est une autre chose.

Nous avons dit que nous avons ajusté les droits sur les mutations immobilières. Ils étaient facultatifs au Québec. À part de ça, le maximum qu'une municipalité pouvait imposer, c'était de 0,5 % sur le prix de la transaction. Je suis content que le député de Labelle arrive parce que je vois que son sourire indique qu'il est d'accord avec moi! On a augmenté les droits sur les mutations immobilières. On les a rendus obligatoires partout. On les a mis au même niveau qu'en Ontario. On n'a pas fait de choses renversantes. Au même niveau qu'en Ontario. Et grâce aux ajustements que nous avons institués, il y a des revenus additionnels; je pense que c'est rendu à 80 000 000 $ qui vont dériver de cette source. C'est évident que les 80 000 000 $... Ce n'est pas le Crédit social qui est au pouvoir à Québec, là, c'est le Parti

libéral. On n'émet pas de monnaie, nous autres. Il faut aller la chercher là où elle se trouve.

Ces revenus additionnels proviendront évidemment des montants additionnels que débourseront ceux qui ont assez d'argent pour acheter des propriétés, surtout des propriétés à prix plus élevé que la petite moyenne. En fait, on le reconnaît, c'est un déplacement de responsabilité. C'est un déplacement. C'est évident. Quand nous avons dit aux municipalités: Là, il y en a pour 400 000 000 $ que nous ne sommes plus capables de vous donner sous forme de subvention, c'est évident que nous impliquions qu'elles devraient le trouver par elles-mêmes si elles voulaient maintenir le même niveau de dépenses qu'auparavant. Il y en a plusieurs qui ont été sages, qui ont coupé sur les dépenses. Et c'est un des objectifs de la réforme, ça. Celles qui n'ont pas pu couper au complet sont obligées de se prévaloir de la taxation parce que leur capacité d'emprunt ne peut pas être utilisée pour des déficits de fonctionnement.

Je pense qu'on est d'accord là-dessus. Il n'y a pas de problème. Mais on ne peut pas dire... Je demande au député de Labelle... Là, nous discutons du projet de loi 22, qui porte sur l'abolition des droits sur les divertissements, mesure éminemment bienfaisante à la fois pour le consommateur de divertissements et pour les entreprises qui offrent des spectacles à la population sur une base commerciale. Ces entreprises-là vont bénéficier d'une marge de réduction dans le prix que doit payer le client, qui est inscrite dans la mesure elle-même.

Pour cette raison, je suis convaincu que les milieux du divertissement et la population en général sauront apprécier ce que l'Opposition comprend très bien, mais ne veut pas admettre en public, parce qu'elle est peut-être un petit peu trop professionnellement oppositionniste!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le ministre. est-ce que la motion du ministre des affaires municipales proposant l'adoption du principe du projet de loi 20, loi abrogeant la loi concernant les droits sur les divertissements, est adoptée.

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée? Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 15 de notre feuilleton.

Projet de loi 22 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 15 de notre feuilleton, M. le ministre des Affaires municipales propose l'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux.

M. le ministre des Affaires municipales, vous avez droit à une période maximale de 60 minutes pour votre intervention principale. On vous écoute, M. le ministre.

M. Ryan: Est-ce que je pourrais vous demander une suspension de deux minutes?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le ministre.

M. Ryan: Je veux simplement éliminer les documents qui sont sur mon pupitre et qui se rapportent au projet de loi précédent.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Votre demande est acceptée. On suspend pour quelques minutes, M. le ministre.

(Suspension de la séance à 2 h 9)

(Reprise à 2 h 13)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, nous reprenons nos travaux. Nous sommes à étudier la motion du ministre des Affaires municipales proposant l'adoption du principe du projet de loi 22.

M. le ministre, tel qu'indiqué tout à l'heure, vous avez droit à 60 minutes. Allez-y!

M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, le projet de loi dont nous abordons l'étude permettrait à l'Assemblée nationale d'apporter plusieurs modifications substantielles à diverses dispositions de la Loi sur les cités et villes et du Code municipal du Québec qui régissent l'activité des élus municipaux et des organismes décisionnels qu'ils

constituent.

Ainsi que vous le savez, des rapports fréquents de consultations ont lieu entre le gouvernement et les deux unions qui regroupent les municipalités du Québec, c'est-à-dire l'Union des municipalités du Québec et l'Union des municipalités régionales de comté et les municipalités locales du Québec.

La table Québec-municipalités sert de forum privilégié pour ces consultations qui ont eu lieu fréquemment entre les unions et le ministère des Affaires municipales. Au cours des derniers mois, la table Québec-municipalités s'est réunie à plusieurs reprises, et j'ai eu le plaisir, à l'occasion de ces réunions, de saisir la table Québec-municipalités des modifications qui sont proposées dans le projet de loi dont nous allons discuter. Et je crois pouvoir affirmer en toute vérité que les modifications que nous proposons d'apporter à notre législation municipale répondent à des attentes explicites des municipalités et, dans bien des cas, elles viennent apporter une réponse à des attentes qui s'exprimaient depuis de nombreuses années.

Quand je dis ceci, je ne veux pas prétendre que le ministre actuel serait plus fin que ceux qui l'ont précédé, pas du tout. Mais certaines questions demandent à mûrir avant de pouvoir faire l'objet de modifications législatives, et je suis heureux de constater qu'un certain nombre de problèmes ont suffisamment mûri pour que nous puissions en faire la matière de modifications législatives qui sont de nature à améliorer, de manière significative, les conditions dans lesquelles les élus et les administrateurs municipaux s'acquittent de leurs responsabilités au Québec.

Parmi les modifications que nous apportons à notre législation municipale, je vais mentionner les principales. En premier lieu, le montant maximal des amendes que peuvent instituer les conseils municipaux pour des infractions aux règlements municipaux n'a pas été ajustés depuis un bon bout de temps. La limite actuelle des amendes que peuvent imposer les conseils municipaux est de 300 $. C'est évident qu'un montant de 300 $ aujourd'hui n'est pas suffisant si on pense que certaines infractions vont porter sur des règlements en matière environnementale, en matière de circulation, en matière de tenue des propriétés et de respect des règlements d'urbanisme, par exemple. Il est évident qu'un montant de 300 $ ne répond pas du tout aux exigences d'aujourd'hui. Dans le cas des individus, le montant maximal de l'amende sera porté à 1000 $ et, dans le cas des sociétés, des compagnies, il sera porté à un montant sensiblement supérieur. Ça, c'est un premier point.

Je pense qu'avec ces dispositions, ce n'est pas que nous voulions encourager en quelque manière que ce soit les municipalités à se lancer à la chasse des auteurs d'infractions sur leur territoire, mais il est normal, quand un conseil municipal croit devoir édicter un règlement en matière d'urbanisme ou d'environnement, par exemple, qu'il s'attende à ce que ce règlement soit observé et qu'en cas d'inobservance du règlement il puisse appliquer une sanction qui soit proportionnée à la gravité de l'infraction. Je pense qu'avec les ajustements que nous apportons, ajustements en vertu desquels, dans le cas des entreprises, le montant maximal pourrait être deux fois supérieur à celui qui sera applicable dans le cas des individus. J'ai mentionné, pour les individus, un montant maximal de 1000 $; pour les entreprises, ce montant maximal sera de 2000 $. Je pense que ce sont des chiffres raisonnables, qui témoignent d'un souci fort compréhensible d'adaptation aux réalités d'aujourd'hui.

En matière de placement, les municipalités ont souvent des placements à court terme à faire. Tu sais, les paiements de taxes, ça arrive à deux périodes de l'année. C'est, en général, au début de l'année et au cours de l'été. Les municipalités ont beaucoup plus de liquidités à ce moment-là. Elles doivent éviter d'investir toutes ces sommes dans des placements à long terme parce qu'elles devront faire face à des obligations pendant tout le cours de l'année. Alors, actuellement, elles sont autorisées à acquérir des valeurs à court terme du gouvernement du Québec, du gouvernement canadien, de certaines entreprises du gouvernement du Québec comme Hydro-Québec, par exemple, mais elles ne sont pas autorisées actuellement à acquérir des titres à court terme d'autres municipalités, de régies intermunicipales ou d'organismes inter ou supra-municipaux. (2 h 20)

Avec le projet de loi que nous présentons, les municipalités seraient habilitées à acquérir des titres de placement également d'autres municipalités et d'organismes inter ou supramu-nicipaux. Ça, c'est un avantage considérable qui permettra aussi de rapprocher, dans bien des cas, les placements à court terme des municipalités des institutions qui les environnent. Je pense que c'est une amélioration très sensible, que je suis très heureux de parrainer à l'occasion de l'examen de ce projet de loi.

En matière de régime d'assurance, les municipalités sont assujetties aux dispositions législatives concernant les appels d'offres. S'il s'agit, par conséquent, d'un contrat d'assurance dont la valeur dépasse un montant de 5000 $, par exemple, elles doivent faire appel à des propositions sur invitation, et si le montant dépasse 25 000 $, elles doivent procéder par un appel d'offres public.

En matière de contrat d'assurance, si la municipalité prend un contrat de trois ans, le marché de l'assurance évolue très vite. Une année, le prix de la prime qu'on doit payer descend parce que les sinistres survenus l'année précédente ont été à un niveau très faible; une

autre année, ça peut monter beaucoup. Si la municipalité est obligée, à l'expiration de chaque contrat, de procéder par appel d'offres, il arrive qu'elle peut se trouver prise dans un chassé-croisé de mouvements vers le haut et vers le bas, qu'elle se trouve à être perdante. Dans ce cas-ci, on lui permettrait, après une première période, de renouveler un contrat d'assurance sans passer par appel d'offres, pour une période limitée cependant. Un renouvellement pourrait se faire de cette manière. De même, si un contrat d'assurance était pour une durée de moins de trois ans, il pourrait également être renouvelé sans passer par la procédure d'appel d'offres, de manière à éviter que la municipalité soit exagérément exposée aux aléas très réels et souvent très coûteux du marché en ces matières.

Plusieurs municipalités, au cours des dernières années, ont senti le besoin de se protéger contre certaines catégories de risques en épargnant de l'argent, en se disant: Plutôt que d'aller sur le marché de l'assurance, on va mettre des sommes de côté afin de faire face à des risques dont l'occurrence est très improbable, mais contre lesquels il est raisonnable qu'une administration sérieuse veuille se protéger. Alors, ça a très bien fonctionné dans le cas... Il y a des municipalités qui ont de tels régimes depuis des années. Ça fonctionne très bien, et elles estiment avoir sauvé de l'argent. Ça, c'est un privilège que les municipalités ont; elles peuvent mettre de l'argent de côté et l'utiliser pour telle forme de dépense qui consisterait à se dédommager pour un risque qui aurait pu les frapper. Rien n'interdit de faire ça et beaucoup de municipalités le font. Mais des municipalités, en particulier l'Union des municipalités du Québec, qui représente les municipalités qui ont un statut de ville ou de municipalité urbaine, nous avaient dit: II faudrait permettre également aux municipalités de se regrouper ensemble, de se doter de régimes communs d'assurance, de mettre, en somme, leurs risques en commun, de manière à pouvoir augmenter leur protection et de manière à améliorer, aussi, les conditions financières dans lesquelles cette protection est assurée. On ne peut pas permettre aux municipalités de créer une compagnie d'assurances sans les assujettir, si elles veulent poursuivre cette fin, à la loi générale qui régit les assurances au Québec. Ce n'est pas exactement ce que poursuivent les municipalités. Elles ne veulent pas former une compagnie d'assurances qui vendrait de l'assurance à des particuliers ou à des entreprises. Elles nous ont demandé la possibilité de se doter de fonds communs de protection pour les municipalités contre certains risques qu'il leur appartiendrait de définir à cette occasion.

Nous avons examiné cette demande des municipalités, de concert avec l'Inspecteur général des institutions financières. L'Inspecteur général des institutions financières s'est montré très rigoureux. Il a la responsabilité de veiller à la solidité financière des institutions qui fournissent des services d'assurance ou d'épargne ou de gestion de placements à la population du Québec et il est normal qu'il se montre très exigeant en ces choses. Il me fait plaisir de vous assurer, M. le Président, que nous avons pu inscrire dans le projet de loi 22 des dispositions en vertu desquelles les municipalités pourront se regrouper pour des fins d'assurances mutuelles. Et les conditions que nous avons mises dans le projet de loi répondent - en suis-je convaincu - aux conditions dans lesquelles fonctionnent les municipalités et devraient permettre à celles qui le voudront - ce sera libre, évidemment, aucune municipalité ne sera jamais obligée d'adhérer à un tel régime - celles qui le voudront pourront se regrouper pour se doter de conventions d'assurances réciproques qui leur permettront de se donner elles-mêmes, dans des conditions économiques, dans des conditions que j'appellerais d'autogestion, de prise en responsabilité de leur propre protection, dans des conditions qui satisferont, en même temps, aux exigences tout à fait compréhensibles de l'Inspecteur général des institutions financières.

Je n'en dis pas davantage pour l'instant, mais je pense qu'il y a longtemps qu'on travaillait sur le sujet et que nous avons pu, grâce à une collaboration très étroite entre les municipalités, l'Inspecteur général des institutions financières et le ministère des Affaires municipales, mettre au point un projet qui me paraît fort défendable. Évidemment, nous avons reçu certaines représentations des entreprises d'assurances, qui nous ont dit qu'elles ne voudraient pas que les municipalités se soustraient aux réalités du marché en ces choses. Il y a bien des risques pour lesquels les municipalités intéressées à se doter d'un fonds réciproque de protection devront continuer à recourir aux services qui sont offerts par les différentes entreprises et par les courtiers. Mais avec ces dispositions que nous introduisons dans le projet de loi 22, les municipalités pourront, si elles le veulent, se protéger contre certains risques, par le moyen de la formule de la convention d'assurance mutuelle.

Les règles actuelles du droit municipal ne semblent pas permettre la conclusion d'un contrat de crédit-bail dont l'objet serait un meuble acquis par voie de soumissions publiques ou sur invitation. En effet, le contrat de crédit-bail nécessite l'intervention d'un tiers, le crédit-bailleur, envers lequel l'adjudicateur n'est aucunement lié. Les administrations municipales se montrent de plus en plus intéressées à recourir à cette formule d'acquisition de biens immeubles; jusqu'à maintenant, la législation ne leur permet pas de le faire. Nous pensons que le moment est venu d'élargir les dispositions de notre législation municipale de manière que cette formule très répandue d'acquisition de propriétés immobilières puisse être rendue accessible aux municipalités. Il nous fera plaisir, à l'occasion de

l'examen du projet de loi en commission, de donner aux députés toutes les précisions nécessaires à ce sujet.

Une question qui fait couler beaucoup d'encre depuis longtemps, c'est la question des exigences de la loi en matière d'octroi de contrats de services ou d'achat de marchandises ou de biens. En vertu de la loi actuelle, comme les députés le savent, une municipalité est libre d'octroyer un contrat d'une valeur de moins de 5000 $ sans passer par des soumissions publiques. Si elle veut octroyer un contrat d'une valeur allant de 5000 $ à 25 000 $, là, elle doit procéder par appel de propositions, c'est-à-dire qu'elle peut retenir une liste limitée de fournisseurs, leur écrire, les inviter à soumettre des propositions entre lesquelles elle devra choisir la plus avantageuse pour la municipalité. Et quand le contrat envisagé doit dépasser la somme de 25 000 $, la municipalité doit procéder par voie d'appel de soumissions publiques, c'est-à-dire qu'elle doit publier un avis dans les journaux invitant les fournisseurs intéressés à lui soumettre une proposition, à déposer une soumission. La municipalité est obligée, ensuite, de choisir la soumission qui a été faite au prix le plus bas, pourvu qu'elle réponde à toutes les exigences du devis qui a été présenté.

Il m'est arrivé souvent, depuis que je suis ministre des Affaires municipales, d'être obligé de trancher dans des cas où il y avait trois soumissionnaires, par exemple, un qui soumissionne - je vais vous donner un exemple - pour 200 000 $, un autre pour 205 000 $, un autre pour 201 000 $. Souvent, il est arrivé que le soumissionnaire à 201 000 $ est un résident de la municipalité qui rend toutes sortes de services, tandis que les deux autres sont des étrangers qui viennent d'ailleurs. Souvent, on m'a demandé: Nous permettriez-vous d'octroyer le contrat au deuxième soumissionnaire parce que, dans notre cas, ça vaut beaucoup plus que les avantages du contrat? À chaque reprise, sauf dans un ou deux cas très exceptionnels, j'ai refusé, parce que le principe de l'octroi du contrat au soumissionnaire le plus bas est un principe très important, auquel nous ne devons déroger que dans des conditions tout à fait exceptionnelles. Si on allait ouvrir les digues de ce côté, je pense qu'au bout d'un an ou deux il ne resterait plus grand-chose du principe, qui est une règle de base dans le fonctionnement administratif de nos institutions publiques, pas seulement municipales, mais québécoises également. (2 h 30)

Cependant, les seuils que définit la législation actuelle ne correspondent plus aux réalités d'aujourd'hui. Les seuils que nous avons, de 5000 $ et 25 000 $, sont dépassés par la réalité d'aujourd'hui, et le temps est venu de les ajuster aux conditions dans lesquelles les administrateurs municipaux doivent s'acquitter de leurs devoirs en 1992. Et c'est pourquoi nous avons inséré dans le projet de loi des dispositions qui apporteront des améliorations très importantes.

J'ai bien mentionné, tantôt, le montant de 5000 $ va rester là, le montant de 5000 $ reste tel quel, mais le 25 000 $ est modifié. Dans le cas des municipalités de moins de 50 000 habitants, ce montant-là est porté à 50 000 $. Ça veut dire qu'une municipalité pourra procéder par appel de propositions pour un contrat allant de 5000 $ à 50 000 $ au lieu de 25 000 $ comme actuellement. Et si la municipalité a une population de plus de 50 000 habitants, le seuil sera de 100 000 $ au lieu de 25 000 $ comme actuellement, c'est-à-dire qu'elle pourra octroyer un contrat d'une valeur de 100 000 $ sans être obligée de passer par un appel de soumissions publiques, en se contentant de recourir à l'appel de propositions.

Je pense qu'il s'agit d'une autre disposition qui permettra d'assouplir considérablement la gestion des affaires municipales et paradoxalement, dans bien des cas, de réaliser des économies appréciables. Parce qu'aucun régime n'est parfait. Le régime actuel entraîne souvent des coûts inflationnaires parce qu'il entraîne un déploiement de formalités dont la lourdeur ne correspond pas toujours à la nature exacte du problème qu'il faut résoudre. Alors, ici, nous apportons des ajustements dont je suis convaincu que les députés voudront reconnaître le bien-fondé et l'utilité éventuelle.

Moi, j'ai été surpris d'apprendre que les municipalités possèdent des pouvoirs assez limités en matière d'achats en commun. Deux municipalités peuvent s'entendre pour procéder à des achats en commun. Trois municipalités, également, peuvent former une entente à cette fin, rien ne les empêche de le faire. Mais à plusieurs reprises, ces dernières années, les municipalités ont émis le désir, surtout les municipalités affiliées à l'Union des municipalités du Québec, de pouvoir effectuer certains achats par l'entremise de leur Union légitimement reconnue, c'est-à-dire l'Union des municipalités du Québec. Elles ne peuvent pas le faire actuellement parce que l'Union des municipalités du Québec - le député de Jonquière en conviendra, lui qui en a déjà été le président - n'est pas habilitée à prendre des initiatives de cette nature. On m'informe qu'en matière, par exemple, d'achat d'énergie, il pourrait y avoir des économies très appréciables à réaliser si certaines initiatives pouvaient être prises par des municipalités, par le truchement de l'Union des municipalités du Québec.

Je ne sais pas quelle serait la mesure d'adhésion à de semblables initiatives. On nous a fait valoir que l'Union des municipalités du Québec pourrait jouer un rôle très utile à cet égard, et nous ouvrons volontiers la porte à des initiatives de ce genre. Avec le projet de loi, nous permettrions autant à l'Union des municipalités du Québec qu'à l'UMRCQ de prendre des

initiatives de cette nature, pourvu que ce soit, évidemment, avec l'assentiment d'un nombre minimum de municipalités et que l'adhésion à de semblables initiatives soit laissée à la libre décision des municipalités concernées. Alors, le projet de loi contient des dispositions à cette fin, et je crois que, encore ici, on ouvre des avenues intéressantes pour la collaboration intermunicipale.

Une autre chose qui a été portée souvent à mon attention, ce n'est pas grand-chose. Actuellement, une municipalité peut faire des emprunts temporaires pour rencontrer des dépenses d'administration courante et aussi pour rencontrer les dépenses qu'occasionne ou qu'autorise un règlement d'emprunt. Mais il arrive des cas où une municipalité reçoit une lettre d'un ministre qui lui dit: Je vous annonce que dans le cadre du programme AIDA, nous allons vous octroyer une somme de 100 000 $. Là, la municipalité veut procéder à l'engagement d'un ingénieur pour procéder à des travaux de recherche pour trouver des sources d'eau ou pour commencer à préparer des devis en vue de l'amélioration du réseau d'aqueduc ou dégoût. Puis elle ne peut pas le faire, actuellement; elle ne peut pas le faire actuellement parce que tant que cet argent-là n'est pas entré, elle n'est pas autorisée à emprunter sur une simple promesse.

Or, nous savons, par la jurisprudence, qu'une lettre d'un ministre qui engage le gouvernement est effectivement un engagement pris au nom du gouvernement. Des décisions judiciaires ont été rendues à cette fin et, vu cette doctrine qui est maintenant reçue communément, il nous apparaît qu'il serait normal, lorsque la municipalité a reçu la lettre du ministre, qu'elle puisse aller à la banque ou à la caisse populaire ou à une autre institution financière et contracter un emprunt à l'intérieur de cet engagement qui a été pris par le gouvernement parce que, souvent, les retards qui surviennent en ces choses entraînent des coûts considérables.

Je pense aux travaux en matière d'égout et d'aqueduc. Ça, ça se fait surtout en été. Des fois, si la lettre du ministre arrive, par exemple, au mois de juin, il faut faire les travaux immédiatement et que le chèque ne vient qu'au mois de septembre, si la municipalité n'a pas une certaine marge de manoeuvre, ça peut arriver qu'on soit obligé de reporter les travaux à l'autre année puis, à ce moment-là, les coûts devant être encourus se révèlent supérieurs au montant même de la subvention. Puis là, il faut mettre les pieds à terre, il faut se dire: On fait ces subventions pour rendre service aux municipalités, il faut que le «red tape», là, la bureaucratie cède à la réalité, qu'on se mette dans des conditions qui permettent d'être le plus utiles puis le plus aussi efficaces en traitant avec les municipalités.

Alors, il y a des améliorations de cette nature qui seront permises par l'adoption du projet de loi. On permet également aux municipalités de se doter d'instruments plus développés en matière d'enlèvement des déchets. On avait contesté le pouvoir des municipalités de se procurer certains instruments nécessaires, certaines catégories de sacs, par exemple, pour la cueillette des déchets, etc. Là, elles pourront faire des choses de cette nature, ici. On leur donne la possibilité d'avoir un accès plus facile à la technologie la plus récente en matière, par exemple, de gestion des déchets ou d'enlèvement des déchets, en particulier; c'est un domaine dans lequel les municipalités sont très actives.

Enfin, nous diminuerons le nombre de documents que les municipalités sont tenues, de par la loi, de fournir au ministre quand elles sollicitent une approbation pour une chose ou l'autre. Je n'en reviens jamais de la très grande quantité d'exigences qui sont contenues dans notre législation municipale, à l'endroit des municipalités, en matière de fourniture de documents à l'intention du ministre. Il y a beaucoup trop d'exigences de ce côté-là et là, nous proposons de modifier autant la Loi sur les cités et villes que le Code municipal, de manière que les municipalités ne soient tenues de fournir au ministre que des documents strictement nécessaires et que le ministre possède, par ailleurs, la faculté d'exiger certains documents, s'il les juge nécessaires. Il y a beaucoup de documents qu'on exige, actuellement, qui sont fournis au ministre, par ailleurs. Ce n'est pas nécessaire de les exiger deux ou trois fois dans la même législation. Il y a d'autres documents qui ne sont pas rigoureusement nécessaires. Il y a toutes sortes de règlements municipaux que le ministre est appelé à approuver. Il y en a certains qui requièrent une documentation très simple, d'autres requièrent plutôt une documentation plus abondante. Le ministre pourra déterminer les renseignements dont il aura besoin. On pourra se dispenser d'un grand nombre des formalités que requiert la législation actuelle, autant la Loi sur les cités et villes que le Code municipal.

Voilà, M. le Président, les principales dispositions que contient le projet de loi 22. Je suis convaincu, pour l'avoir déjà entendu dire par les porte-parole autorisés des municipalités, que les améliorations nombreuses que nous proposons, par ce projet, d'apporter à la Loi sur les cités et villes et au Code municipal seront très appréciées des municipalités, seront de nature à faciliter l'exercice de leurs fonctions par les élus municipaux. Et nous entendrons volontiers les représentations que voudront faire autant les députés que les milieux concernés dans le cadre de l'étude en commission parlementaire, de manière, si possible, à améliorer encore ce projet de loi afin de le rendre encore plus utile et plus acceptable à ceux qui devront vivre les dispositions qu'il définit.

Alors merci, M. le Président, de cette

période que vous nous avez accordée. Je suis convaincu que mon collègue, le député de Jon-quière, se fera un plaisir de souscrire aux propositions que véhicule le projet de loi, et s'il n'y souscrivait point, nous nous réservons le droit de lui répondre. (2 h 40)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Nous sommes à étudier la motion de M. le ministre des Affaires municipales proposant l'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux. M. le député de Jon-quière, vous avez droit, en votre qualité de représentant de l'Opposition officielle en cette matière, à une période maximale de 60 minutes. Allez-y, M. le député.

M. Francis Dufour

M. Dufour: Oui, je vous remercie, M. le Président, et vous me permettrez au début de mon allocution de dénoncer quelque peu, et avec véhémence je devrais dire, la façon dont le Parlement opère lorsque commence la session intensive. Et c'est à chaque fois la même chose. On oblige les parlementaires à travailler la nuit, à des heures indues, avec des pressions qui ne sont pas justifiées puisqu'il n'y a pas péril en la demeure, si ce n'est qu'il y a une mauvaise planification des travaux par le gouvernement, si ce n'est qu'on décide de se payer un peu d'agrément ou de plaisir, et en fait on s'autoflagelle sur la place publique, et on discute de projets de loi importants à l'insu de la population.

La population ne peut pas suivre nos travaux à 2 h 45 pour savoir ce qu'on dit sur le projet de loi 20, 22, 45 ou 150. Ça ne me dérange pas, mettez tous les numéros que vous voudrez, il y a de la folie furieuse là-dedans! Moi je trouve que c'est irraisonnable, c'est irrationnel, c'est illogique, c'est antidémocratique. Et on fête les 200 ans du Parlement, et on bafoue les règles, parce que ça n'a aucune maudite allure! Ça fait deux nuits actuellement que les parlementaires ne dorment pas. Et on a un devoir, c'est de donner un point de vue, donner une critique sur des projets de loi qui sont déposés. Pourquoi est-ce qu'on n'aurait pas pu déposer ces projets de loi avant? Pourquoi on n'aurait pas pu le faire en première lecture? Pourquoi on n'aurait pas pu agencer les travaux d'une façon telle qu'on aurait pu travailler dans des façons normales? Donc, c'était le premier point de vue que je voulais exprimer au départ, et je trouve que les règles parlementaires c'est des règles fofolles, et je n'invite surtout pas les gens à nous copier, parce que c'est la plus mauvaise façon, c'est le plus mauvais côté des règles parlementaires qu'on applique actuellement, lorsque la fin de session arrive.

Quant au projet de loi lui-même, M. le Président, je peux vous dire que j'ai beaucoup d'interrogations le concernant. D'abord, puisqu'il faut appeler les choses par leur nom, il faut bien se rappeler que la loi 145 a eu pour effet d'enlever des revenus aux municipalités. Et, à ce moment-là, le ministre avait promis, ou s'était engagé à revoir les règles des amendes pour permettre aux municipalités de se remplumer. Et c'est ça qu'on voit, c'est ça qui se produit, c'est que ce projet de loi ne fait que confirmer l'engagement du ministre des Affaires municipales lors de la discussion du projet de loi 145, à l'effet de hausser les amendes pour que les municipalités puissent avoir des sources de revenus différentes, qui sont de nature à changer un peu ou à améliorer leur état financier.

Il demeure que les augmentations sont très fortes. On part d'un côté de 300 $ pour aller de 1000 $ à 2000 $, pour une première infraction, ça c'est pour des matières pénales, une infraction à un règlement municipal, et la deuxième amende de 2000 $ à 4000 $. Donc, c'est des montants énormes et, sous le couvert qu'on n'a pas augmenté les coûts, bien, là, on vient d'en profiter et on donne encore un coup. Et vous remarquez que toujours le discours du gouvernement: Ça ne coûte rien, ça ne coûte à peu près rien. Mais c'est des augmentations de plus que le triple. C'est quelque chose, il faut le faire. Quant aux amendes de stationnement de 10 $ à 30 $, et de 25 $ à 75 $ pour la circulation... donc, ça triple. Il n'y a rien la, l'argent ça ne compte pas, parce que ce n'est pas plus grave que ça, les gens ont juste à payer, ils n'ont rien à dire, et on ne dérangera pas grand-chose, les municipalités ont des droits, ça fait quelques années qu'on n'a pas touché à ça. Il faut bien qu'on permette aux municipalités d'aller se chercher des revenus. Ça part des amendes de 300 $, pour la première «shot», puis on va tomber à 1000 $, à 2000 $ et pour une récidive, je le répète, de 2000 $ à 4000 $. C'est évident que, si on veut avoir des amendes plus élevées pour des cas très précis, disons-le, mais qu'on l'applique pour tous les cas, ça me semble excessif et ça me semble, aussi, un problème assez important auquel on aura à faire face.

Les municipalités vont devenir des per-ceptrices d'amendes et, à ce moment-là, j'ai toujours pensé que les amendes étaient supposées avoir un effet dissuatif sur les gens et la façon qu'on le fait, c'est pas ça, c'est pour apporter des revenus aux municipalités pour permettre d'obtenir des revenus supplémentaires. Ce qui fait que, moi, je trouve qu'au point de vue moral, c'est pas tout à fait correct. Je pense pas que les gouvernements doivent fonctionner en voulant «poigner». Le gouvernement, quel qu'il soit, ne doit pas agir comme le surveillant pour essayer de «poigner» un coupable. Ça, ce n'est pas une façon démocratique puis ce n'est pas une manière civilisée de traiter ses citoyens. Ça va être celui-là qui va le «poigner».

On sait ce qui se passe dans les municipalités, quand le corps policier qui applique ces amendes-là, la plupart du temps, quand il est de bonne humeur, les coffres de la municipalité vont pouvoir se grossir. Mais quand le corps policier va être en négociations ou autrement, les coffres vont dégonfler. Ça fait qu'on donne encore un pouvoir plus grand à un groupe, dans notre société, qui est déjà pas si mal traité.

L'adjudication des contrats, c'est évident que le ministre des Affaires municipales veut hausser le seuil de 50 000 $ à 100 000 $ pour les municipalités de 50 000 habitants et plus et, de 0 à 50 000 habitants, ils vont avoir le droit, sans soumission, juste par appel d'offres, ils peuvent aller jusqu'à 50 000 $. Vous comprendrez que 100 000 $, bien sûr, il y a une contrainte de 50 000 et plus. Il faut qu'on passe par appel d'offres, appel de soumissions et autres. Pour les municipalités, ça représente un avantage certain. Mais la question qu'on doit se poser: Est-ce que ça rend mieux service aux contribuables de la municipalité? Parce qu'il peut y avoir du favoritisme qui se pose. C'est ce qui se passe aussi. Si on passe juste par appel de soumissions, 100 000 $, on fait ça 10 fois dans l'année, c'est 1 000 000 $. on le fait 20 fois, c'est 2 000 000 $. ça fait que c'est de tendance à augmenter assez rapidement, et on aura certainement à questionner par rapport à ça. quant à la question du crédit-bailleur à un contrat, on verra bien, dans l'étude du projet de loi, ce qu'on pourra faire.

Il y a une question qui nous pose un problème, c'est la façon dont on veut procéder pour protéger les municipalités contre des dommages. En 1984, si mes souvenirs sont exacts, les municipalités ont rencontré certaines difficultés pour s'assurer contre certains dommages. À ce moment-là, il y a eu une concertation, sûrement, entre les différents assureurs, et les risques ont été déclarés très grands, ce qui a eu pour effet d'augmenter, d'une façon énorme, les coûts aux municipalités pour se doter d'assurances. Ça a multiplié, dans certains endroits, par trois et par quatre; ce qui fait que les montants d'assurance pour les municipalités, ça coûtait 110 000 $ pour s'assurer, ça a coûté, pour un an, 400 000 $, 450 000 $. (2 h 50)

II y a un phénomène qu'il faut constater, c'est que les municipalités avaient le pouvoir d'accorder un contrat d'assurance pour un an seulement. Donc, il faut se mettre dans la peau de l'assureur qui, lui, est obligé d'assumer de grands risques pour un an; donc, il ne peut pas le répartir sur un certain nombre d'années, ce qui a eu pour effet d'augmenter les coûts d'une façon importante. Le projet de loi introduit une période de trois ans, ce qui fait que les municipalités pourront s'assurer pour trois ans et, pour moi, ça aura sûrement comme résultat de baisser les coûts pour les assureurs et les coûts pour les municipalités.

Le ministre propose, en plus, le pouvoir de s'auto-assurer ou, on appelle ça la réciproque, ça peut être une mutuelle, je ne sais pas trop comment l'appeler, réciproque, pour moi, ce n'est pas un mot familier, mais je comprends la mécanique. Les municipalités pourront se faire un fonds commun pour pouvoir garantir des dommages qu'elles pourraient subir. Ça, c'est nouveau. Il y a des municipalités actuellement qui le font. Les municipalités qui le font, cependant - j'écoutais le ministre tout à l'heure - ça se fait par loi. Montréal, Québec, Longueuil, dernièrement on a accordé à ville de Saint-Laurent le pouvoir de se faire un fonds pour pouvoir se protéger. Et c'a été entériné par la loi. Est-ce que les municipalités ont le droit de le faire elles-mêmes sans passer par la loi? Je ne vois pas pourquoi on l'a fait avec la loi de ville de Saint-Laurent. Dans le bill privé dernièrement, ils se sont donné un fonds, et c'était 1 % par année de leur budget qu'ils pouvaient mettre en garantie ou dans un compte spécial. Et c'a été accordé dans la loi. Moi, je n'ai pas fouillé si les municipalités ont le droit de le faire elles-mêmes, mais je sais que Longueuil, c'est dans sa charte. Je sais que Montréal, c'est dans sa charte. Je sais que Québec aussi, c'est la même chose.

Donc, là, on pense et on veut leur permettre de se doter de fonds communs et passer par l'intermédiaire des unions municipales. Je pense qu'il y a une question fondamentale qu'il faut se poser, c'est: Est-ce que les unions, c'est dans leur responsabilité? Est-ce que c'est la bonne façon de le faire? Parce qu'il faut croire que ça pourrait se faire différemment. Est-ce que ça ne pourrait pas se faire sur une base régionale, plutôt que sur une base de l'ensemble du territoire du Québec, si on est pour le faire? Parce qu'il y a quelque chose. À chaque fois qu'on applique ou qu'on se dote d'un système, ceux qui, normalement, sont les dépositaires de ce système-là, ils retirent des sommes ou des montants qui leur permettent de couvrir des coûts, mais en même temps, qui leur permettent de s'approprier des fonds supplémentaires. Ça aura pour effet, à mes yeux, d'augmenter la force des unions... Oui.

Le Vice-Président (M. Lefebvre):...

M. Léonard: M. le Président, mon collègue dit des choses très intéressantes, je pense qu'il serait important que les députés de la majorité ministérielle l'entendent.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés. (2 h 52 - 2 h 56)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Allez-y, M. le député de Jonquière. Vous pouvez continuer votre intervention.

M. Dufour: Je vous remercie, M. le Prési-

dent. Voyez-vous, ça confirme ce que j'ai dénoncé tout à l'heure, les curieuses de règles qu'on applique lorsque commence la session intensive. Parce que si on voulait faire respecter le quorum, on siégerait à peu près une minute sur deux. Ce qui veut dire que sur le temps qu'on parlerait, ce serait toujours pour appeler le quorum. Et je comprends les parlementaires. À trois heures du matin, ce n'est pas une heure pour écouter des discours. Je pense que pour celui qui le fait, ça lui demande un effort. Celui... pour l'entendre, c'est probablement plus onéreux. C'est plus difficile. C'est aussi vrai pour celui de la part du gouvernement que pour celui qui a à critiquer ou à poser un regard sur les projets de loi qui nous sont présentés.

Ce que je veux rappeler pour la suite des choses, c'est qu'on parle dans ce projet de loi de confier ou de permettre à un ensemble de municipalités de se doter d'un fonds d'auto-assurance concernant des dommages qui peuvent se produire dans les municipalités et regrouper ces conditions-là à l'intérieur des unions municipales. Ça peut être l'Union des municipalités régionales de comté, comme l'Union des municipalités du Québec.

Donc, le ministre dit: C'est intéressant. C'a de l'allure. Il a même pu... Il nous dit: J'ai l'approbation du directeur général des institutions financières. Ça, c'est nouveau. Ce n'est pas marqué dans le projet de loi. Le directeur des institutions financières voit ça d'un bon oeil. Mais moi, la question que je pose, et que je vais poser: Est-ce que c'est vraiment le rôle de l'Union des municipalités du Québec d'agir comme un «broker» sur le marché des assurances? C'est ça, la question fondamentale. Et si les deux unions se dotent du même service, ça veut dire qu'il y a un intérêt. Est-ce que c'est l'intérêt des municipalités membres ou l'intérêt des unions? Ça peut être les deux. Mais est-ce que c'est normal que nous, comme législateurs, on favorise les unions pour se ramasser des fonds pour agir sur le territoire du Québec? Est-ce que c'est ça, dans les lettres patentes, qui régit ces unions-là? Est-ce que c'est ça, le but qu'on a visé, lorsqu'on a fondé ces unions-là?

Parce qu'il faut bien se comprendre, là. Ce n'est plus une coopératire pour défendre des unions. À mon point de vue, c'était pour défendre les intérêts des municipalités. Si c'est une coopérative de services, c'est d'autre chose. Il faudra bien qu'on se pose la question clairement pour savoir... pour bien comprendre ce qu'on fait. Parce que les montants qui seront collectés ou qui seront mis dans un fonds commun, comment ça va se gérer? Si la municipalité en sort, de quelle façon elle pourra le faire? Et, pour moi, ça représente certaines embûches qu'on devra questionner d'une façon très précise. C'est nouveau. (3 heures)

Le deuxième point que je soulève, c'est la question de la coopérative d'achat. Bien oui, c'est intéressant que l'ensemble des municipalités puissent se mettre ensemble pour acheter en commun. Mais au moment où on parle de développement régional, où on parle que les régions se vident, perdent leurs éléments, au moment où on dit que l'activité économique sur le terrain diminue, est-ce que c'est le temps, c'est ça la question, est-ce que c'est le temps de prendre cette capacité de dépenser des régions pour l'amener dans un pool commun qui aura pour effet encore de favoriser un plus grand ensemble au détriment de plus petits ensembles? Et ça, ça me semble un peu contradictoire puisque, d'une part, on veut favoriser l'abaissement des coûts, et l'autre attitude qu'on a d'aller non pas par soumissions, mais par appel d'offres sur des montants de 50 000 $ à 100 000 $, ça va avoir pour effet d'augmenter les coûts. Donc, d'un côté, le ministre des Affaires municipales, dans sa grande cohérence, dit aux municipalités: Je vais permettre que vous alliez sur un marché local, jusqu'à 100 000 $, juste par téléphone. Ça, ça va augmenter les coûts. Donc, il ouvre la porte. Et, de l'autre côté, il dit: II faudrait bien que les municipalités diminuent leurs coûts. Donc, on va leur permettre de faire un pool commun et on va acheter ça à l'extérieur. Moi, ça me semble un danger. Il va falloir qu'on le regarde d'une façon un peu plus spéciale, il va falloir creuser ça.

Et le ministre nous dit: J'ai rencontré les unions, moi, j'ai négocié avec les unions. L'Opposition n'est pas là. Il discute avec l'Opposition et il dit: Aïe! on se comprend. Depuis quand est-ce qu'on se comprend? Ça fait seulement un an. Est-ce que le ministre a des choses à se faire pardonner? Est-ce que le ministre a des choses à se faire pardonner par rapport aux unions? Parce que là, il a une grande compréhension, il les écoute et il suit leurs recommandations. L'an passé, où étaient les unions et où était le ministre? La carotte et le bâton. Ce n'est pas le bâton du pèlerin, là, faisons attention, là, c'est la carotte et le bâton. L'an passé on les a bâtonnés et là, on va les ramener dans le giron en leur donnant des petites affaires, en leur donnant des choses et en leur disant: Vous êtes des gens responsables. Là, ils deviennent responsables et l'an passé ils ne l'étaient pas. Maintenant qu'on les a siphonnés, on va leur dire comment aller siphonner les autres. L'exemple entraîne.

C'est ça qu'on est en frais de faire. On est en frais de leur dire comment on va aller chercher l'argent, comment on va les poinçonner à quelque part. Moi, je trouve que c'est dangereux. Le ministre nous invite, bien sûr, à dire qu'il faudrait bien accepter ça. Si le député... Ce n'est pas une menace, je comprends que... À l'âge que j'ai là, ça fait longtemps que j'ai perdu mes craintes, mais il nous dit: Si le député n'est pas d'accord avec nous...

Mme Marois: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Mme la députée de Taillon.

Mme Marois: ...je sais qu'il est un peu tard, ou tôt, selon le point de vue où on se place, mais j'aimerais que l'on vérifie le quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés. (3 h 5 - 3 h 12)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous poursuivons l'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux. M. le député de Jonquière, si vous voulez poursuivre votre intervention.

M. Dufour: Merci, M. le Président. Je vais continuer sur la même lancée, à savoir le questionnement, la façon dont le ministre des Affaires municipales se réjouit concernant le dépôt de ce projet de loi vis-à-vis des assurances et des achats regroupés. On peut dire que oui... Et il a fait référence, bien sûr, à la table Québec-municipalités, où il y a des rencontres et des discussions. Là, il semble y avoir un climat de collaboration extraordinaire. Le ministre est heureux de nous apporter le projet de loi, de nous le déposer, en disant: Ça rencontre des désirs des municipalités.

Savez-vous, M. le Président, à ce moment-ci de cette question, je m'interroge sérieusement à savoir qu'est-ce qui pousse le ministre des Affaires municipales...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je demanderais la collaboration des collègues. Le député intervient sur un projet de loi très important et j'ai de la difficulté à l'entendre. Je vous demanderais votre collaboration, malgré l'heure qu'il est. Si vous voulez poursuivre.

M. Dufour: M. le Président, en tout cas, je vous invite à surveiller et à écouter comme il faut ce qui se passe parce que je pense que j'ai des droits et j'espère que vous allez les faire respecter.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Jonquière, je suis ici de façon très spécifique pour protéger vos droits, et c'est ce que je vais faire. Ne soyez pas inquiet de ce côté-là.

M. Dufour: Merci, M. le Président. Je vous fais confiance. Vous savez, le ministre des Affaires municipales est rendu à un point tel, avec l'Union des municipalités, qu'ils vont main dans la main. C'est le bonheur parfait, on est sur la même longueur d'onde et il va passer des lois qui vont faire plaisir aux unions municipales.

D'abord, je dois rappeler que le ministre des Affaires municipales est déjà et avant tout le ministre des municipalités et non pas le ministre des unions municipales. C'est l'interlocuteur par lequel il passe pour essayer de rencontrer les besoins et les désirs des municipalités parce que ça serait difficile, malgré que ça ne serait pas impossible dans son cas, de rencontrer les 1500 municipalités une par une. Je suis sûr que, s'il se donnait ça comme défi, il finirait par le faire.

Il aime écouter les confessions. Il aime être un peu partout. Il va visiter... Je suis sûr qu'il pourrait le faire. Mais il passe par le canal des unions municipales, et je le comprends. Mais seulement, il faut faire attention. Aujourd'hui, il est tellement à l'écoute des municipalités qu'il va falloir le protéger, même sur les erreurs qu'il pourrait être porté à faire. C'est là qu'est le problème. Il va falloir regarder ce qui amène le ministre à être aussi ouvert à des propositions des unions municipales. Parce que le but des unions municipales, à mon point de vue, ce n'est pas de se grossir, ce n'est pas d'essayer d'apporter des éléments qui remplacent, qui se substituent aux municipalités. Il faudra le regarder sérieusement. Il faut comprendre que, dans les régions, il y a des besoins et ces besoins-là, sûrement, devraient être mieux comblés sur le terrain régional que sur le terrain du Québec en son entier. Donc, il faudra l'examiner sérieusement, il faudra le débattre et je vous dis d'avance que j'ai des objections sérieuses concernant ce projet qui est avancé par le ministre.

À l'intérieur du projet de loi, il y a des éléments que le ministre a omis, ou ii a trouvé que ce n'était peut-être pas important, mais je trouve qu'il y a un endroit où c'a toujours été adopté par règlement. Vous savez, lorsque les municipalités se dotent d'assurances collectives, c'est pour longtemps. C'est assez rare qu'une municipalité établisse un plan de fonds de pension ou d'assurance collective pour un an, pour deux ans ou pour trois ans. À ce que je sache, les municipalités qui se dotent d'un plan comme ça, c'est pour toujours. Et le ministre permet, par le biais de ce projet de loi, d'établir ces fonds d'assurances collectives par résolution au lieu de les établir par règlement. Et vous savez - je fais appel à votre compétence puisque vous avez été aussi dans le domaine municipal - qu'une résolution, ça se change par une résolution, et un règlement se change par un règlement. C'est très différent puisque, à ce moment-là, le règlement, il y a des avis de publication, et ça permet à la population d'en prendre connaissance et d'en discuter avant de l'adopter. Et ça, c'est les fonds des citoyens qu'on engage dans des fonds collectifs d'as-

surance. Donc, si c'est des fonds qu'on engage, ça mérite sûrement qu'on regarde pourquoi on veut le faire par résolution plutôt que par règlement.

C'est un élément important. On ne peut pas escamoter ça. Il va falloir qu'on le regarde très sérieusement, et on verra s'il y a des choses qui sont correctes ou pas correctes par rapport à ça, mais je vous dis que j'ai des restrictions au moment où je le lis dans le projet qui nous est présenté.

Il y a un autre élément aussi que le ministre n'a pas touché, c'est l'élément des contrats. Vous savez, il y a une disposition municipale qui dit que, lorsqu'une municipalité veut confier un contrat à un professionnel ou veut engager des sommes d'argent pour des dépenses, le trésorier est obligé de donner un certificat à l'effet que la municipalité possède le montant qu'elle engage. C'est évident qu'il y a un problème qui s'est posé depuis quelques années puisque, souvent, les municipalités caressent des projets. Et, pour savoir les montants que ça va coûter, c'est normal de confier un contrat à un professionnel, de faire faire l'évaluation des coûts, même d'aller en appel d'offres avant de soumettre le projet aux citoyens de la municipalité. Donc, dans ce projet de loi, il sera permis à une municipalité, sur approbation du ministre, d'engager des fonds pour engager des professionnels pour préparer des plans et devis pour engager des dépenses dans le futur ou pour préparer un règlement d'emprunt. Voilà, en gros, ce que ça touche, comme projet de loi.

Ce n'est pas un projet de loi volumineux. Il y a 69 articles. Je vous dis d'avance qu'on sera très prudents dans l'étude de ce projet de loi. Il y a un élément dont je n'ai pas parlé et que je ne veux pas passer sous silence. Je sais actuellement, et le ministre ne nous a pas donné l'information, que l'Union des municipalités du Québec a demandé à être entendue en commission parlementaire lors de l'étude du projet de loi 20, le 22... Le 37, ce n'est pas le ministre des Affaires municipales, donc, ça sera une autre paire de manches. Mais je vous dis que je me fais l'interprète, même si je sais d'avance que l'Union des municipalités va venir nous dire: Oui, oui, on est pour le projet de loi. Même si j'ai été président de l'Union des municipalités, je suis rendu à... Moi, je ne suis plus président de l'Union des municipalités, je ne suis plus maire. Il faudra que les gens comprennent que je suis un député, et mon rôle, c'est de protéger l'intérêt du gouvernement et l'intérêt des contribuables de toutes les municipalités du Québec. Et je ne suis pas au service de l'Union des municipalités du Québec, ni de l'Union des municipalités régionales de comté, mais des citoyens et des citoyennes du Québec. (3 h 20)

Donc, même si je sais que c'est pour venir nous dire oui et pour approuver le ministre, ça ne change pas mon opinion. Il faudra bien qu'ils viennent nous donner des explications. Mais si le ministre accepte de rencontrer l'Union des municipalités, je suis convaincu qu'il y aura d'autres demandes. Je sais déjà qu'il y a une autre demande qui est susceptible de nous parvenir, qui concerne les assureurs. Même s'il y a des éléments qui nous semblent tentants, qui nous semblent intéressants, il faudra tout de même qu'on prouve que - et il faut faire attention - les projets de loi ou les articles qu'on va accorder, les pouvoirs qu'on va accorder ne sont pas dans l'intérêt des unions des municipalités, ne sont pas nécessairement dans l'intérêt des municipalités, mais sont vraiment dans l'intérêt des citoyens et des citoyennes du Québec. Si on peut trouver, à l'intérieur de ce projet de loi, des façons de renforcer les régions, je pense que là on pourra ajuster le discours du gouvernement avec ce qu'il nous a proposé comme loi en disant: Le pouvoir des régions... il faut les administrer, il faut qu'elles se prennent en main. Ça sera possiblement... À l'intérieur du projet de loi, on pourrait trouver des éléments qui pourraient s'additionner et permettre à des régions de mieux gérer leur patrimoine, donc, ce qui leur appartient, parce que les taxes qui sont payées par les citoyens d'une façon locale, à mon point de vue, doivent être dépensées, autant que possible, d'une façon locale et, à ce moment-là, chacun y trouve son intérêt. Et ça, c'est l'intérêt des contribuables, ce n'est pas l'intérêt de M. le maire ni des conseillers municipaux qui, eux, pourraient peut-être vouloir favoriser quelqu'un pour favoriser leur élection plutôt que penser à l'intérêt des contribuables.

Vous savez, on a tendance régulièrement - et ça, malheureusement, on le fait souvent -c'est qu'à la minute où quelqu'un est investi d'un titre ou d'un pouvoir par élection, il pense que tout lui est permis. Moi, j'ai vécu une expérience que je veux vous souligner, la semaine dernière et aller jusqu'à hier soir, où on parlait d'un projet de 300 000 000 $. Je vous passe un papier que, pour ceux qui étaient autour de la table, ça semblait un projet de 300 $. L'argent des contribuables, ce n'est pas grave. Je trouvais qu'on avait mis de la pression pour passer le projet de loi. Ça a été adopté sur division. Si ça avait été son propre argent, est-ce qu'on l'aurait fait de la même façon? Est-ce qu'on n'aurait pas creusé un petit peu plus? Ça, c'est des questions que je me pose. On a tendance, trop souvent, à oublier ceux et celles qu'on représente.

Pour ce projet de loi, je vous dis - et j'avertis d'avance - que l'opinion, que l'attitude de l'Opposition... On sera contre le projet de loi; le ministre aura à nous faire la démonstration que c'est un bon projet de loi et que ça joue pour l'ensemble des contribuables du Québec, mais pas pour se faire une bonne jambe avec les unions municipales et avec les municipa-

lités, pour racheter tous les mauvais coups qu'il a faits dans les deux dernières années. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député, de votre intervention. Est-ce qu'il y a un droit de réplique? Alors, il n'y a pas de droit de réplique? Il n'y a pas d'autre intervenant? Est-ce que la motion de M. le ministre des Affaires municipales... Est-ce qu'il y a un droit de réplique, M. le ministre?

M. Ryan: Oui, mais je ne l'exercerai pas.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est très bien. Est-ce que la motion du ministre des Affaires municipales proposant l'adoption du principe du projet de loi 22, Loi modifiant la Loi sur les cités et villes, le Code municipal du Québec et la Loi sur les dettes et les emprunts municipaux, est adoptée?

Des voix: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission de l'aménagement et des équipements

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission de l'aménagement et des équipements pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion du leader adjoint est adoptée? Adoptée? Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Je vous demanderais d'appeler l'article 23 de notre feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 31 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 23, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi 31, Loi concernant le régime de retraite pour certains employés du Centre hospitalier de l'Université Laval et le régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec. M. le président du Conseil du trésor.

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Merci, M. le Président. Le projet de loi dont je propose aujourd'hui l'adoption du principe vise à permettre au CHUL, le Centre hospitalier de l'Université Laval, d'effectuer des modifications au régime de retraite de certains de ses employés et à la Commission des écoles catholiques de Québec d'effectuer également des modifications au régime de retraite pour certains des employés de cette Commission. Comme ces modifications entraînent des coûts additionnels, le projet de loi propose aussi que le financement en soit assuré au moyen d'une partie des surplus actuariels accumulés par ces deux régimes.

Pour ce faire, M. le Président, il est nécessaire de déroger aux dispositions de l'article 125 de la Loi sur le RREGOP, le régime de retraite des employés du gouvernement et des organismes publics, qui prévoit que toute modification à un régime complémentaire de retraite régi par la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, la CARRA, doit être à la charge exclusive des employés.

Je tiens d'abord à préciser, M. le Président, qu'il s'agit de deux régimes complémentaires de retraite qui existaient avant l'entrée en vigueur, le 1er juillet 1973, du RREGOP et auxquels les employés qui y participaient à cette date ont choisi de maintenir leur adhésion.

Par ailleurs, je souligne que mon collègue, le député de Viau, notre whip, a présenté, en décembre dernier, le projet de loi 196 qui a été adopté en décembre - oui, le 18 décembre - et qui visait à harmoniser et à bonifier le régime de retraite de certains employés de la CECM, la Commission des écoles catholiques de Montréal, au moyen, cette fois aussi, des surplus actuariels accumulés. Il ne s'agit donc pas ici, aujourd'hui, d'une première.

M. le Président, c'est d'abord dans un but d'harmonisation avec la Loi sur les régimes complémentaires de retraite que des modifications ont été ou doivent être apportées au régime de retraite pour certains employés du CHUL et au régime de retraite pour certains employés de la CECQ. Ainsi, cette harmonisation implique, pour les deux régimes, les modifications suivantes: l'introduction de la notion de prestations minimales, c'est-à-dire une disposition qui prévoit que la participation financière d'un employé ne peut excéder 50 % de la valeur des prestations auxquelles lui-même ou un autre bénéficiaire acquiert droit; deuxièmement, la modification des prestations payables en cas de décès, avant ou après la retraite, notamment afin de prévoir qu'au décès d'un retraité son conjoint a droit, à moins d'y avoir renoncé, à une rente égale à 60 % du montant de la rente de retraite.

Une seconde série de modifications, M. le Président, visent à bonifier les dispositions des régimes concernés, toujours au moyen des surplus

actuariels accumulés. Il s'agit de permettre d'abord au CHUL de modifier le régime de retraite pour certains de ses employés afin de prévoir que toutes les rentes payables seront indexées, à compter du 1er janvier 1991 jusqu'au 31 décembre 1993, de l'excédent du taux d'augmentation de l'indice des rentes déterminé par la Loi sur le régime de rentes du Québec sur 3 %. C'est donc une indexation qui, dans notre jargon, est de IPC 3 %. De plus, ces rentes pourront, sur autorisation de la Commission administrative des régimes de retraite et d'assurances, être indexées annuellement pour une ou plusieurs années, selon ce même taux, si une évaluation actuarielle du régime démontre qu'il existe un surplus suffisant pour en assumer la totalité du coût.

Deuxièmement, M. le Président, il s'agit d'autoriser la Commission des écoles catholiques de Québec à modifier le régime de retraite pour certains de ses employés afin d'y prévoir la baisse du taux de cotisation de 7,5 % à 7,25 % et aussi le remplacement, dans le calcul du montant de la rente de retraite anticipée, de l'équivalent actuariel par une réduction de 0,5 % par mois, calculée pour chaque mois compris entre la date à laquelle la rente anticipée est accordée et la date normale de la retraite.

En dernier lieu, M. le Président, il s'agit d'introduire, toujours dans le régime de certains employés de la CECQ, le droit à la retraite sans réduction à compter de 62 ans ou après 32 années de service, si la prise de la retraite a lieu entre le 1er janvier 1990 et le 30 juin 1993. Cette mesure pourra, sur autorisation de la CARRA, être prolongée pour des périodes qui n'excèdent pas trois ans si une évaluation actuarielle du régime démontre qu'il existe un surplus suffisant pour en assumer la totalité du coût. C'est là, M. le Président, les quelques commentaires que je voulais faire valoir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Alors, sur ce même sujet, je reconnais maintenant madame...

M. Léonard: M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député.

M. Léonard: S'il vous plaît. Avant que ma collègue ne commence son intervention, est-ce que vous pourriez vérifier le quorum, s'il vous plaît?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, suite à votre demande, qu'on appelle les députés! (3 h 30 - 3 h 36)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez vous asseoir. Merci. Nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 31, Loi concernant le Régime de retraite pour certains employés du Centre hospitalier de l'Université Laval et le Régime de retraite pour certains employés de la Commission des écoles catholiques de Québec.

Je reconnais Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Taillon.

Mme Pauline Marais

Mme Marais: Je vous remercie, M. le Président. Comme vous l'aurez constaté par l'intervention du président du Conseil du trésor, il s'agit, encore une fois, et c'est souvent le cas de telles lois, d'une loi hautement technique et qui concerne des régimes de retraite complémentaires. D'ailleurs, c'est un projet qui est semblable à un autre qui avait été étudié à l'Assemblée nationale en décembre dernier, au moment où on avait adopté une loi qui concernait le personnel non enseignant de la Commission des écoles catholiques de Montréal. Donc, dans ce sens-là, nous n'avions pas marqué d'opposition à ce moment-là.

Je n'ai donc pas l'intention, je le répète, de reprendre chacun des éléments techniques que nous a présentés le président du Conseil du trésor. Je me contenterai de rappeler, M. le Président, qu'au moment de l'étude en commission parlementaire, article par article, j'aurai l'occasion de questionner, évidemment, chacun des éléments de la loi pour nous assurer, d'abord, que les consultations ont bien eu lieu, que les personnes concernées ne sont pas lésées par les changements et, devant des réponses qui, j'imagine, seront positives et permettront donc de vérifier la conformité des articles qui sont là, nous accepterons sans doute le projet de loi. Je suis donc d'accord, M. le Président, pour le recevoir maintenant.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Alors, est-ce que la motion présentée par M. le ministre délégué...

M. Johnson: Droit de réplique, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre droit de réplique, M. le président du Conseil du trésor.

M. Johnson: ...tant qu'à faire. Oui, brièvement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le président du Conseil du trésor, c'est parce que je voyais que vous ne vous leviez pas. C'est pour ça que j'ai procédé. Alors, si vous voulez faire votre droit de réplique, c'est bien à vous.

M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: M. le Président, simplement pour répondre à l'avance à une question qu'a soulevée la députée, à savoir sa préoccupation peut être de s'enquérir des désavantages que les employés auraient à subir. Je réindique ici, évidemment, que le projet de loi vise à bonifier les prestations de retraite, les droits des conjoints survivants; qu'en général, en vertu de la loi, s'il y a une bonification, ça doit être supporté exclusivement par les participants au régime et que le projet de loi que nous amenons ici vise précisément à faire en sorte que ce ne soit pas cette situation qui prévale, mais bien celle qui assurera le financement à même les surplus actuariels qui se sont dégagés, d'une part, de ces régimes. Pour l'avenir, s'il y avait des coûts, ces coûts seraient à la charge des organismes concernés et non du gouvernement, ni même, certainement, exclusivement à la charge des participants, comme autrement on pourrait s'y attendre. C'est donc dans l'intérêt de la distribution au profit des participants que ce projet de loi est amené.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion de M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi 31 est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Adopté. M. le Président, je vous demanderais d'appeler l'article 26 de notre feuilleton.

Projet de loi 37 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 26, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi 37, Loi concernant la prolongation des conventions collectives et la rémunération dans le secteur public.

M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. (3 h 40)

M. Daniel Johnson

M. Johnson: Je vous remercie, M. le Président. Je vous souligne qu'il s'agit ici d'une redite ou d'une répétition d'un exercice que nous avons déjà connu l'an dernier, suite à la conclusion d'ententes avec les syndiqués du secteur public, et le projet de loi vise, pour toutes sortes de raisons techniques, à donner une suite juridique à l'entente.

Je rappelle qu'au printemps, l'an dernier, nous avions conclu avec les organisations syndicales une entente qui visait à faire en sotte que, de façon très réaliste, nos partenaires syndicaux contribuaient à résorber les écarts financiers et budgétaires. À cet égard, le scénario qui avait été retenu et convenu prévoyait un gel de la rémunération pour les six mois qui suivaient la fin de la convention collective. Pour qu'on se comprenne et qu'on simplifie, en janvier dernier, la prolongation était effectuée à l'égard de la convention collective qui se terminait alors le 31 décembre 1991. Pour une durée de six mois, il y avait cette prolongation. Évidemment, aucune augmentation de salaire n'était prévue. Mais il devait y avoir augmentation sur échelle de 3 % au 1er juillet qui vient, 1992, et le maintien du forfaitaire de 1 % qui était versé sur chacune des paies, qui devait l'être pendant 26 paies, pendant 52 semaines, de juillet 1991 au 30 juin 1992; donc, gel de la rémunération et prolongation pendant six mois, augmentation en fin de période et maintien du paiement de 1 % forfaitaire jusqu'à la conclusion d'une nouvelle entente.

À cette époque, nous croyions qu'une reprise économique et que les paramètres généraux d'inflation et de croissance permettraient de rencontrer - c'était raisonnable de s'y attendre à l'époque - cette facture de 3 % plus 1 %. Mais inutile de venir ici témoigner des quelques derniers mois, des ralentissements que l'économie nord-américaine a connus, nous n'y avons pas échappé, de telle sorte que, à titre d'exemple, l'inflation qu'on pouvait envisager pour juillet prochain comme étant de l'ordre de 4 % s'avère plutôt de l'ordre de 2 %. Ça peut être une bonne nouvelle, de juguler l'inflation, d'assurer la stabilité des prix, mais c'est une mauvaise nouvelle au titre des finances publiques lorsqu'on est engagé à verser 4 % d'augmentation de salaire et que les revenus n'augmentent que de l'inflation, ou à peu près, au rythme de 2 %.

C'est ces facteurs, notamment, combinés à

l'absence de croissance et à la moindre croissance que prévu qui ont eu un impact considérable sur les finances publiques et m'ont amené à revoir encore une fois, en février dernier, nos partenaires syndicaux pour leur proposer de recalibrer, réaménager l'engagement qui devait être actualisé et exécuté en juillet prochain. j'ai d'abord tenté de convaincre nos partenaires syndicaux que les 3 % plus le 1 % de forfaitaire pouvaient être réaménagés sur deux ans à raison de 1 % et 1 % six mois plus tard et 2 % en milieu de période; ça n'a pas été accepté. j'ai, par la suite, tenté de plus ou moins respecter - plus plutôt que moins - le taux d'inflation observé afin d'assurer une protection du pouvoir d'achat; donc, des augmentations sur deux ans de l'ordre de 2 % plus 2 %. là aussi, compte tenu de l'engagement qui avait été contracté, qui n'a jamais été nié, il y avait une insistance réelle, du côté syndical, à amener le gouvernement à verser à tout le moins les 3 % qui étaient prévus pour juillet prochain, quitte à ce que la contestation s'engage ou le litige s'ensuive sur la disposition que nous pourrions faire du 1 % et sur la période de prolongation.

C'est donc, éventuellement, M. le Président, une augmentation de 3 % qui est consentie pour juillet prochain, une prolongation d'un an des conventions collectives, c'est-à-dire jusqu'en juin 1993, et de deux ans, je le souligne tout de suite, dans le cas des employés qui sont représentés par la CEQ, la Centrale de l'enseignement du Québec. Quant au forfait de 1 % qui devait continuer à courir, ce paiement sera suspendu pour une période de neuf mois. Il n'y a pas, évidemment, d'effet rétroactif à l'expiration des neuf mois, de telle sorte qu'à compter du 1er avril 1993, dans la plupart des cas, le paiement de 1 % sera restauré et intégré dans les échelles de traitement. Par ailleurs, tous les employés auront droit, et ceux qui y ont droit conservent ce droit, à une progression dans leur échelle et voient donc leur rémunération augmenter en conséquence. Les ententes qui touchent toutes les augmentations dont nous pourrions disposer dans le cadre des relativités de l'équité salariale sont également respectées. Les masses dégagées pour la rémunération au mérite sont maintenues.

C'est afin de donner suite à cette entente de principe que je soumets aujourd'hui le projet de loi à la considération de l'Assemblée. De façon plus précise, M. le Président, la loi vise à autoriser les organismes qui y sont définis et les associations de salariés à convenir du report de la date d'expiration de leur convention collective et permettre que la durée d'une convention collective ainsi prolongée dépasse trois ans.

Le projet de loi prévoit les augmentations maximales des taux, échelles de salaires et primes devant prévaloir dans ces ententes, c'est-à-dire un maximum de 3 % le jour suivant la date d'échéance des conventions collectives, et ce, pour les neuf premiers mois, ces taux, échelles et primes pouvant être majorés d'au plus 1 % pour au moins les trois mois qui suivront cette période de neuf mois.

Le projet prévoit qu'à défaut d'une telle entente de prolongation - c'est la disposition opérante - la date d'expiration des conventions est reportée d'un an. Je répète, c'est en cas où il n'y aurait pas entente. Pour obtenir les paramètres salariaux qui sont prévus au projet de loi, les parties doivent s'entendre à ce sujet, à défaut de quoi il n'y a pas, évidemment, d'ajustement salarial de cette nature.

Le projet de loi prévoit la cessation du versement du montant forfaitaire de 1 % dès le 1er juillet 1992, tel que je l'ai indiqué, ou à une autre date selon le moment où expirent les conventions collectives - parce qu'elles n'expirent pas toutes nécessairement le 30 juin prochain - dès lors qu'il a été versé, ce 1 %, pour une période d'au moins un an.

Je note, M. le Président, que le personnel syndiqué de quelques organismes est exclu. Tout d'abord Hydro, dont les principales conventions collectives viennent à échéance à la fin de 1992, et non pas en juin prochain, lesquelles conventions comprennent des clauses de réouverture sur les salaires en fin de période. Deuxièmement, la Société des alcools, où la loi 149, que nous avons adoptée l'an dernier, n'a pas encore trouvé son application et portera l'échéance des conventions collectives pour certaines unités d'accréditation en juillet 1993, et pour d'autres en décembre 1993. Troisièmement, la Sûreté, dont l'échéance de la convention est le 31 décembre 1992 et, finalement, la SEPAQ, la Société des établissements de plein air du Québec, où une négociation est présentement en cours.

Pour ce qui est des personnes qui ne sont pas comprises dans une unité de négociation, c'est-à-dire les administrateurs d'État, dirigeants, membres d'organismes publics, les cadres et l'ensemble du personnel non syndiqué de la fonction publique, le projet de loi fixe la majoration maximale de leur rémunération à 3 % pour la période du 1er juillet 1992 au 31 mars 1993, de même pour les taux et échelles de salaires et les primes. Toutefois, ces derniers seront à nouveau haussés d'un maximum de 1 % à compter du 1er avril 1993 et ce, je l'ajoute, pour une période d'au moins trois mois.

Le projet de loi oblige de plus toute personne ou conseil d'administration habilité à déterminer la rémunération des cadres ou des non-syndiqués des organismes publics visés par la loi à prévoir pour ceux-ci les mêmes mesures, ou leur équivalent, pour une période minimale de 12 mois en 1992, 1993 ou 1994, selon le cas. Cette souplesse s'explique, M. le Président, par l'intention du gouvernement de respecter les conventions collectives en vigueur. Et souvent, dans un organisme donné, la rémunération de certains cadres et celle des non-syndiqués est ajustée selon celle des syndiqués. Le même principe

s'applique pour le personnel d'un cabinet ministériel, pour le personnel de cabinet de l'Assemblée nationale et pour le personnel d'un député.

Quant aux députés, ils verront leur rémunération évoluer de la même manière que celle d'un cadre supérieur classe IV de la fonction publique. Les députés recevront donc, six mois plus tard, ce que reçoivent les cadres, c'est-à-dire, en janvier 1993, 3 % et, au 1er octobre 1993, le 1 %.

Pour ce qui est des juges, M. le Président, le projet de loi ferait en sorte que leur traitement serait majoré selon les mêmes paramètres et au même moment que celui des employés des secteurs publics et parapublics auxquels ils sont liés, c'est-à-dire les cadres. À propos des juges, M. le Président, j'ajouterais que nous devons souligner que le début des travaux du comité chargé d'étudier leur rémunération en vertu de la loi, régimes de retraite et autres avantages sociaux, est reporté du 1er juillet 1992 au 1er juillet 1993. (3 h 50)

Pour ce qui est de la rémunération des professionnels de la santé, comme elle est basée de façon générale sur des objectifs tarifaires et des tarifs, le projet de loi propose des augmentations maximales de ces tarifs et objectifs tarifaires de 3 % pour la période du 1er décembre 1992 au 31 août 1993 et de 1 % le 1er septembre 1993. Les taux et échelles de traitement ainsi que les primes, dans le cas des médecins salariés, évolueront de la même manière.

Les pharmaciens qui exercent en centre hospitalier verront leur rémunération évoluer de la même façon que celle des salariés des organismes publics à compter de juillet. Il est important de préciser qu'en ce qui concerne les objectifs tarifaires et les tarifs il s'agit là de paramètres maximaux. En effet, il n'est pas exclu que le ministère de la Santé et des Services sociaux puisse conclure des ententes avec des associations de professionnels afin de rationaliser la fourniture de services assurés suivant la Loi sur l'assurance-maladie. Il est aussi prévu que les dates d'échéance des conventions collectives qui lient les titulaires de permis de services d'ambulance et les associations de salariés pourront être reportées, de sorte que leur durée pourra excéder trois ans.

Le présent projet de loi contient aussi des dispositions particulières pour les ingénieurs du gouvernement qui, comme on le sait, M. le Président, voyaient leur rémunération fixée par la Loi sur le plafonnement provisoire de la rémunération dans le secteur public. La convention collective qui en a résulté prévoyait l'octroi de 3 % au 1er juillet 1992 et le maintien de l'allocation d'un montant forfaitaire de 1 % à cette date. Dans le but d'harmoniser la rémunération des ingénieurs avec celle de l'ensemble des groupes de la fonction publique, le projet de loi modifie la loi 149 en retirant aux ingénieurs l'octroi du montant forfaitaire de 1 %, mais en maintenant l'augmentation de 3 % au 1er juillet 1992.

Par ailleurs, dans les ententes entre le gouvernement et les organisations syndicales, nous nous sommes engagés à proposer à l'Assemblée, pour adoption, des dispositions législatives qui permettent de prolonger de deux ans le délai de rachat pour le service antérieur des participants au RREGOP. De plus, l'entente avec la CEQ fait en sorte que le coût du Régime de retraite des enseignants cesse d'être partagé 50-50 et le taux de cotisation des participants et participantes est fixé définitivement au taux applicable pour l'année 1992. Je proposerai donc des modifications pour donner suite à cette entente, qui est survenue après le dépôt du présent projet de loi, et je transmettrai aux parlementaires, à titre d'information, copie de ces modifications qui seront proposées lors de l'étude détaillée en commission.

En terminant, M. le Président, je tiens à souligner le réalisme et l'esprit de collaboration dont ont su faire preuve les organismes syndicaux et tous leurs membres au cours des derniers mois en acceptant ainsi la réouverture de l'entente du printemps 1991. En plus de certaines économies générées au chapitre salarial, la prolongation des conventions permet aux parties d'enclencher et de conclure des discussions qui portent sur des aspects significatifs des services publics en dehors d'un cadre traditionnel de négociation.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le président du Conseil du trésor. Sur ce même sujet, je reconnais Mme la présidente de la commission des affaires sociales et députée de Taillon. Je vous cède la parole.

Mme Pauline Marois

Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président. Effectivement, nous nous engageons dans l'étude du projet de loi 37, qui concerne la prolongation des conventions collectives et la rémunération dans le secteur public. En fait, je rappellerai qu'effectivement ce projet de loi vise à permettre aux organismes publics et aux associations de salariés de convenir de la prolongation de conventions collectives actuellement en vigueur. Dans le cas où il n'y aurait pas entente, le projet impose la prolongation d'une année des conventions collectives. Le projet de loi prévoit aussi qu'à compter du 1er juillet prochain, et ce, jusqu'au 31 mars 1993, les salariés ne peuvent être augmentés de plus de 3 % et d'un autre 1 % pour la période allant du 1er avril 1993 au 30 juin 1993. Par la suite, ce montant forfaitaire serait intrégré aux échelles, M. le Président.

Alors, j'aimerais qu'on se rappelle que le...

C'est le jour de la Saint-Valentin, en fait, c'est le 14 février dernier que le président du Conseil du trésor avait eu la bonne idée de proposer aux travailleuses et aux travailleurs des secteurs public et parapublic de revenir sur une entente qui avait été signée au printemps 1991. Cette entente prévoyait un certain nombre d'engagements qui traitaient, entre autres, du prolongement des conventions collectives, bien sûr, de gel des salaires, par contre, pour une certaine période, d'augmentation salariale de 3 % mais applicable le 1er juillet 1992, du versement d'un forfaitaire de 1 % de juin 1991 et jusqu'à la signature d'une nouvelle convention collective, et comportait aussi un engagement du gouvernement de revoir la législation sur la négociation. Ça, c'était l'engagement, en fait, qui avait été signé par le président du Conseil du trésor et qui était remis en question le 14 février dernier.

Cette proposition du président du Conseil du trésor avait soulevé, d'ailleurs, l'ire des centrales syndicales et venait risquer aussi de briser les fragiles acquis lorsque les travailleurs et travailleuses avaient accepté de signer les conventions l'année précédente, en toute bonne foi, et allant bien en deçà de tout ce qu'on avait connu jusqu'à maintenant dans le cadre de telles négociations. Alors, cette réouverture, un peu et beaucoup cavalière, de la part du ministre s'est même traduite dans le livre des crédits où, avant même qu'on ait ou négocié ou déposé un projet de loi comme celui qui est devant nous, M. le Président, on avait pris pour acquis, le président du Conseil du trésor avait pris pour acquis, dans le dépôt des crédits, que c'est sa proposition, sa décision qui serait retenue et, donc, avait intégré à l'intérieur du livre des crédits, du document, donc, qui concerne l'ensemble des dépenses du gouvernement du Québec, avait intégré cette remise en question de l'entente, ce qui nous est apparu absolument inacceptable, M. le Président, puisque, si on veut présenter une image complète de la situation financière du Québec, on ne peut pas prendre sur soi de modifier un contrat signé puis de dire: Ce contrat-là n'existe plus et voici, moi, maintenant, comment je l'envisage. Mais c'est ce qu'avait fait le président du Conseil du trésor au moment du dépôt du livre des crédits.

Alors, cette décision unilatérale de remettre en question l'entente, évidemment, a amené la création ou le renforcissement de la coalition intersyndicale qui était formée de la CSN, de la FTQ, de la Fédération des infirmiers et infirmières du Québec, du Syndicat de professionnels et du Syndicat des fonctionnaires du gouvernement du Québec. La coalition, devant cette décision fort cavalière, je le répète, de la part du président du Conseil du trésor, a décidé de présenter une contre-proposition au gouvernement, et c'est au terme d'une négociation à laquelle n'étaient absolument pas astreints les représentants et les représentantes des travailleurs et des travailleuses, M. le Président.

Cependant, ils se sont disciplinés et ont «contre-proposé» certaines modifications, et ils ont donc accepté de négocier et de rouvrir, tout compte fait, l'entente et en sont arrivés à une nouvelle entente le 11 mai 1992. Cette entente prévoit et je le répète, c'est le maintien de l'augmentation de 3 % à compter du 1er juillet 1992, tel que prévu dans l'entente précédente, la suspension du forfaitaire de 1 % de juillet 1992 pour le reporter à avril 1993, et vous allez voir, M. le Président, que cela a des conséquences financières pour les gens qui ont accepté une telle proposition, et, enfin, la prolongation d'un an des conventions collectives.

Le président du Conseil du trésor a, à ce moment-là aussi, pris un engagement, à savoir celui que l'on tienne un débat public sur la fiscalité, comme l'a demandé et exigé l'ensemble de la coalition, appuyé en cela, d'ailleurs, par beaucoup d'organismes sociaux et d'organismes économiques qui croient aussi, et comme nous le croyons, M. le Président, utile que nous ayons une discussion en profondeur sur les choix auxquels nous voulons procéder à l'égard de la fiscalité, donc des prélèvements d'impôt, finalement, M. le Président. Il nous apparaît que la forme que va prendre ce débat est importante. Nous attendons, à cet égard, que le président du Conseil du trésor nous indique comment il compte procéder pour ce faire. (4 heures)

Mais j'aimerais rappeler, cependant, du même souffle, aux membres de cette Assemblée qu'il y a deux ans il y a des choix majeurs qui ont été faits. Et, dans ce sens-là, même si je pense qu'il est toujours pertinent que ce débat ait lieu, il demeure que nous partons avec des balises qui sont encore toutes nouvelles. Et on pense, entre autres, à ce virage majeur qui fait que l'on passe d'une fiscalité essentiellement orientée sur l'impôt sur le revenu à une fiscalité qui va être orientée davantage sur les biens et les services. On sait tous les débats que nous avons eus depuis un long moment quant à l'implantation de la TVQ sur les services, à laquelle nous procéderons dans les semaines qui viennent, d'ailleurs. Et ce virage a été pris il y a deux ans, M. le Président. Donc, je dirais que ça vient un peu contraindre le débat, même si on peut, évidemment, toujours le remettre en question. Et ce virage a été pris sans que nous ayons pu avoir l'information pertinente quant à l'impact qu'une telle réorientation allait avoir sur l'économie québécoise. On commence à avoir des données un peu significatives et un peu intéressantes de la part du ministre des Finances, mais c'est récent, M. le Président. Et, au moment où on a débattu de ces grandes orientations, nous n'avons pu bénéficier d'informations qui nous auraient semblé pertinentes pour de tels choix. Cela étant dit, nous questionnerons le président du Conseil du trésor et ses collègues du gouvernement pour qu'ils nous indiquent dans quelle forme et à quel

moment nous pourrons procéder à ce débat sur la fiscalité tel qu'on s'est engagé, du côté gouvernemental, à le faire.

Je disais tout à l'heure, M. le Président, que cette nouvelle entente prive, cependant, les travailleuses et les travailleurs de certains montants qui leur auraient été versés si l'entente précédente, de l'année dernière, avait été intégralement respectée. En effet, nous évaluons que c'est environ 125 000 000 $ dont risquent d'être privés les travailleuses et les travailleurs, M. le Président, ce qu'on pourra se faire confirmer, évidemment, au moment de l'étude article par article, par le président du Conseil du trésor, à moins qu'immédiatement il ne me donne l'information à cet égard, au moment de sa réplique. C'est ce qui explique, évidemment, que le ministre des Finances, lui, a dû modifier ses chiffres au discours du budget puisque, comme le président du Conseil du trésor avait tenu en compte le fait qu'il remettait en question l'entente et avait conclu, lui, à un résultat différent de celui auquel il est finalement arrivé, c'a amené le ministre des Finances à revoir, lui, ses prévisions et à devoir augmenter le niveau de ses dépenses de l'ordre de 225 000 000 $ au budget, ce qu'avait escompté, évidemment, le président du Conseil du trésor.

Le ministre rappelait, effectivement, que la Centrale des enseignants et enseignantes du Québec a choisi de faire bande à part. Le 22 mai dernier, cependant, elle a convenu aussi d'une entente avec le gouvernement. Cette entente prévoit l'augmentation salariale de 3 % qui sera accordée le 1er juillet et une autre de 1 % le 1er avril 1993. Evidemment, on parle aussi de prolongement des conventions collectives et, dans ce cas-là, de deux ans. Par contre, pour ce qui est des augmentations de la deuxième année, ceci demeure à négocier.

De la part de la Centrale, de la CEQ qui avait choisi une formule qui lui était propre, mais avec, je pense, une approche très sage, tout compte fait, dans son projet de négociation, il y a aussi des gains du côté du chapitre de l'équité salariale. Et on introduit une obligation de tenir une liste de rappel pour les employeurs, de même qu'un droit de regard sur l'utilisation d'une somme assez substantielle, de l'ordre de 42 000 000 $, qui était prévue dans le dernier budget et qui concerne l'amélioration de la réussite scolaire, M. le Président.

Il faut que les membres de cette Assemblée constatent, que nous constations ensemble que l'ensemble des personnes impliquées dans les relations de travail, particulièrement dans les secteurs public et parapublic au Québec, a fait preuve d'une très grande maturité. Après les expériences que l'on a connues beaucoup plus difficiles par le passé - je suis persuadée que vous vous en souviendrez, M. le Président; si ce n'est pas le cas, d'autres de vos collègues de cette Chambre s'en souviennent - après des expériences, je dirais, difficiles, on a appris, je crois, à s'apprivoiser mutuellement et à faire en sorte qu'on soit sensibles à la conjoncture, à la mauvaise conjoncture, si on veut, dans laquelle sont plongés des milliers de nos concitoyennes et de nos concitoyens. À cet égard, il y a eu manifestement une bonne volonté d'exprimée de la part des représentants des travailleuses et des travailleurs. À cet égard, je crois qu'il s'agit du résultat de longues expériences, d'expériences pénibles parfois, mais qui nous amènent sûrement à une plus grande maturité et qui, j'espère, auront une influence aussi pour la suite des choses, M. le Président.

Le projet de loi, évidemment, respecte donc le contenu de ces ententes. Le ministre, lorsqu'il nous l'a présenté dans son intervention, a noté évidemment qu'il y avait un certain nombre d'autres conditions de travail d'autres groupes dans notre société qui étaient concernées par le projet de loi 37. Je n'y reviendrai pas, mais je voudrais soulever, cependant, le fait qu'il y a une contrainte dans la loi qui prévoit que soient étendues aux groupes qui n'auraient pas conclu d'entente certaines conditions adoptées par la majorité des travailleuses et des travailleurs, ou le prolongement de certaines conditions, sans qu'il y ait eu entente avec la totalité des groupes concernés.

Sur le plan des principes, M. le Président, il m'apparaît difficile d'accepter l'imposition de conditions de travail à ceux et à celles qui n'auraient pas réussi à conclure une entente. Peut-être le président du Conseil du trésor, dans sa réplique, pourra-t-il me dire si effectivement il a réussi dans tous les cas - j'ai essayé, en l'écoutant, de tirer des conclusions à cet égard - et avec tous les groupes de travailleuses et de travailleurs, s'il y a eu entente ou si, dans les faits, les conditions auxquelles on fait référence dans le projet de loi 37 seront imposées à certains groupes. Cela pourrait, évidemment, conditionner notre appui au projet de loi, parce qu'il nous apparaît que c'est quand même majeur et, à partir du moment où les ententes ont eu lieu, il n'y a pas catastrophe et urgence en la demeure et, dans ce sens-là, puisque le projet ne fait que les constater, finalement, ces ententes, peut-être le temps permettrait-il, si jamais c'était le cas, de pouvoir conclure, justement, des ententes avec d'autres groupes qui pourraient être concernés.

Alors, voilà pour les commentaires que je voulais faire à ce moment-ci de nos travaux, M. le Président. La commission parlementaire nous permettra d'étudier le projet de loi plus en profondeur, de mieux comprendre les tenants et les aboutissants de chacun des articles de la loi. J'aimerais bien, évidemment, M. le Président, si le président du Conseil du trésor pouvait accéder à mes demandes, obtenir réponse aux questions que j'ai soulevées. Ceci nous permettrait sûrement d'accélérer, bien sûr, nos débats et nos

discussions, et me permettrait, de mon côté, de donner un aval au projet de loi, si c'était le cas. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous remercie, Mme la députée de Taillon. M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique, vous avez droit à votre réplique. Allez-y, M. le ministre.

M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: Très bien, M. le Président, sur deux aspects. Le premier, qu'ont relevé plus d'une fois, depuis le 14 ou le 15 février, la députée de Taillon et certains de ses collègues, que, à l'occasion du dépôt du livre des crédits, nous aurions inscrit, évidemment, une économie budgétaire qui présumait d'une entente autour des paramètres suggérés le 14 février, c'est-à-dire une économie de 350 000 000 $, une renégociation totale de l'entente autour des paramètres initiaux suggérés: 1 % en juillet, 1 % en décembre et 2 % en juillet 1993. (4 h 10)

J'ai toujours indiqué - je continue à répondre toujours dans le même sens - que, s'il y a une offre gouvernementale qui est en voie d'être discutée, on doit, comme gouvernement, la refléter dans nos documents officiels, ne pas faire semblant qu'on parle d'autre chose. C'est ce qui explique, évidemment, que nous avions indiqué aux crédits, à l'époque, le montant d'économie que suggérait notre proposition, en présumant qu'elle serait acceptée. N'ayant pas été acceptée, évidemment, on corrige le tir, on l'indique. On indique que ça coûte 227 000 000 $ de plus que l'économie de 350 000 000 $ qu'on aurait crue, donc pour un net de 123 000 000 $, effectivement. C'est au discours sur le budget qu'on a eu l'occasion de redresser les chiffres et d'en profiter pour indiquer qu'il fallait financer ça, comme je l'avais toujours indiqué, par d'autres mesures de compressions budgétaires, de compressions d'effectifs.

Je profite de l'occasion pour relever au passage les déclarations des représentants du Syndicat de professionnels du gouvernement du Québec ou du Syndicat des fonctionnaires provinciaux du Québec, aujourd'hui, qui s'étonnent des compressions d'effectifs, du gel de l'embauche dans la fonction publique. Ils devraient être les derniers surpris. Ce sont les premiers à qui j'ai dit, en février, qu'à défaut de pouvoir conclure une entente qui nous permettait de réaliser des économies de quelque 300 000 000 $ on devrait prendre d'autres mesures pour diminuer la masse salariale: diminuer les effectifs, diminuer les activités, diminuer les voyages, diminuer... Alors, c'est ce qu'on annonce. Aujourd'hui, ils viennent s'insurger contre ces faits-là. Ils disent qu'on ne peut pas et payer les 3 % et brimer les travail- leurs en réduisant les effectifs. Je leur ai dit, il y a longtemps, que c'était ça qui arriverait. Alors, il ne faut pas déchirer sa chemise devant une réalité qui est celle de respecter la capacité de payer de nos concitoyens.

Deuxième aspect important que la députée a relevé à la fin de son intervention: est-ce qu'on est en train d'imposer un modèle ou quoi que ce soit à nos travailleurs avec lesquels on ne s'entend pas et est-ce qu'il y en a avec lesquels on ne s'est pas entendu? À charge de vérifier dans le fin détail dans certaines sociétés d'État, etc., quel est l'état de la situation à ce moment-ci, j'indique qu'à l'égard de la fonction publique, du réseau de la santé et du réseau de l'enseignement et de l'éducation, à ma connaissance, à ce moment-ci, et à celle de mes collaborateurs, seul le cas de 21 ou 22 perfusionnistes... Ce sont ces techniciens qui opèrent les machines coeur-poumons artificiels. Donc, sur des effectifs de plus de 300 000 personnes, il y a 22 personnes avec lesquelles on ne s'est pas encore entendu, à l'heure où on se parie, c'est ce qu'on m'indique. Alors, 22 sur quelque 300 000, vous me permettrez de croire que ce n'est pas trop mal comme moyenne au bâton.

L'effet de la loi qui est devant nous, s'il n'y a pas d'entente, est d'octroyer aux travailleurs visés 3 % d'augmentation, mais non le 1 %, évidemment, qui est prévu 9 mois plus tard. Mais la loi prévoit toujours qu'on pourra s'entendre d'ici ce temps-là, auquel cas, évidemment, le 1 %, s'il y a entente, sera également versé. Ça, c'est en vertu du principe, M. le Président, que c'est toujours préférable de s'entendre, qu'il y a toujours quelque chose à aller chercher. Évidemment - et les ingénieurs l'ont su la dernière fois et Hydro-Québec il y a un petit moment - il est toujours préférable de s'entendre parce que, si le gouvernement, en bout de ligne, légifère, il ne peut pas légiférer sur la base de la dernière mésentente. Il doit légiférer sur une base qui, je dirais, incite les gens à pouvoir s'entendre et donc à aller chercher des paramètres additionnels, des hausses qui pourraient être consenties par libre négociation plutôt que d'attendre que le gouvernement décrète une hausse. C'est évident que le système serait totalement déséquilibré et stérile si on devait légiférer des hausses de salaire alors qu'on tente, justement, de conclure des ententes pour conclure une hausse de salaire.

Alors, c'est l'état des réflexions à ce moment-ci, que suscitent les commentaires de la députée, dans ce cas-ci. En commission parlementaire, on aura à discuter du détail de ces choses-là. Ça risque d'être bien pointu, mais on sera bien assistés de part et d'autre par des collaborateurs qui en font leur pain quotidien, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion du ministre délégué à l'Administration et à la Fonction

publique et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi 37, Loi concernant la prolongation des conventions collectives et la rémunération dans le secteur public, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Johnson: M. le Président, je fais motion pour que ce projet de loi soit déféré à la commission du budget et de l'administration pour étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion de déférence est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Je vous demanderais d'appeler l'article 21 du feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 28 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 21 de notre feuilleton, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor propose l'adoption du principe du projet de loi 28, Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal. M. le ministre... M. le député de Labelle.

M. Léonard: Je suis convaincu, M. le Président, que le président du Conseil du trésor va être très heureux que je demande qu'on vérifie le quorum pour entendre le discours important qu'il doit donner maintenant sur Innovatech.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Quorum vérifié. Qu'on appelle les députés. nous reprenons nos travaux à l'article 21 de notre feuilleton et je cède la parole à m. le ministre délégué à l'administration et à la fonction publique et président du conseil du trésor. vous avez droit à 60 minutes, m. le ministre. vous n'êtes pas obligé de le faire. (4 h 20)

M. Daniel Johnson

M. Johnson: On verra, M. le Président, on verra. L'honorable lieutenant-gouverneur a pris connaissance de ce projet de loi et il en recommande l'étude à l'Assemblée. Ce projet de loi a pour but de créer la Société Innovatech du Grand Montréal dont l'objectif est de relever la capacité d'innovation technologique dans le Grand Montréal et d'améliorer ainsi la compétitivité et la croissance économique du Québec.

Ce projet de loi fait suite au plan stratégique du Grand Montréal que le gouvernement a rendu public en décembre dernier. Ce plan a constitué un virage majeur. Pour la première fois, en effet, le gouvernement se donnait une vision globale et à long terme du développement de la région montréalaise. Pour la première fois également le gouvernement osait mettre de côté des solutions temporaires et palliatives pour s'attaquer aux problèmes de base de l'économie montréalaise, en privilégiant des mesures capables d'assurer la relance et un redressement durable de l'économie, car les difficultés que rencontre l'économie montréalaise ne sont pas conjoncturelles; elles sont structurelles.

Le recul du Grand Montréal ne date pas d'hier. Il était déjà perceptible à la fin des années cinquante lorsque s'est amorcé le déplacement du secteur financier vers la capitale ontarienne, puis s'est ajouté l'affaiblissement du secteur manufacturier encore trop marqué par la prédominance d'industries traditionnelles. Les politiques gouvernementales, quelquefois inadaptées aux transformations de l'économie, ainsi que des facteurs politiques, linguistiques, constitutionnels ont aussi pesé sur l'évolution de l'économie montréalaise.

Ce serait donc s'illusionner, dans ce contexte, M. le Président, de penser qu'une réanimation provisoire de l'économie apporterait une solution durable. Le Grand Montréal a déjà trop perdu de temps dans des développements quelquefois spectaculaires mais coûteux. Il est impérieux maintenant d'avoir une vision à long terme et de susciter des changements qui entraîneront un redressement durable de l'économie du Grand Montréal.

Ce serait tromper la population de lui laisser croire qu'il suffirait d'accélérer la construction de certains travaux de voirie pour relancer l'économie montréalaise, mais je n'ai cessé de répéter que des mesures immédiates sont indispensables pour réduire la pression du chômage. Le plan stratégique du mois de décembre en contient, d'ailleurs, plusieurs. J'ai annoncé la mise en oeuvre de certaines d'entre elles, il y a une dizaine de jours.

Mais, à l'heure de la mondialisation de l'économie où la concurrence est impitoyable et où les défis majeurs à relever nous amènent à voir plus loin que le bout de notre route, il faut maintenant que la grande région de Montréal soit en mesure d'affronter la concurrence mondiale et de rivaliser avec les autres grandes régions urbaines de taille. Pour ce faire, elle doit renouveler sa base économique, en privilégiant

les industries d'avenir où elle dispose d'avantages comparatifs. C'est dans cet esprit, M. le Président, que le gouvernement a décidé de faire du Grand Montréal un centre d'innovation et de commerce international. il est aisé de constater, partout dans les pays industrialisés, que l'innovation technologique est devenue un facteur déterminant de développement. La région de Montréal dispose d'atouts majeurs en matière d'innovations, mais elle se doit de faire davantage. La relance de l'économie passe donc inévitablement par une augmentation de sa capacité d'innovation technologique et une plus grande ouverture vis-à-vis des marchés internationaux. Il faut que nos entreprises accordent beaucoup plus d'importance à l'amélioration des technologies et à la mise au point de nouvelles, si elles veulent demeurer compétitives. Il faut que nos centres de recherche et nos universités intensifient leurs efforts en matière de recherche et développement, et qu'ils multiplient les liens avec les entreprises afin que la région de Montréal puisse rivaliser avec les autres régions urbaines.

Le gouvernement du Québec a déjà adopté diverses mesures pour encourager les entreprises, les centres de recherche et les universités à privilégier davantage l'innovation technologique, mais il reste encore des progrès à faire. C'est pourquoi le gouvernement a convenu de franchir un pas de plus en créant un nouvel organisme appelé Innovatech du Grand Montréal dont la principale mission sera d'accroître la capacité d'innovation technologique sur le territoire du Grand Montréal et d'améliorer ainsi la compétitivité et la croissance du Québec.

Innovatech sera une société publique. Sa formation nécessite donc l'adoption d'une loi dont le projet a été déposé à l'Assemblée nationale le 14 mai dernier. Dotée de crédits de 300 000 000 $ durant une période de 5 ans, Innovatech constitue sans doute une des entreprises les plus audacieuses lancées par le gouvernement du Québec en vue de soutenir l'innovation technologique de Montréal.

La Société Innovatech. S'y retrouvent quatre grands principes. Premièrement, l'économie du Grand Montréal a besoin d'une impulsion-choc, d'un effort substantiel, soutenu, centré sur l'innovation technologique pour assurer une revitalisation de la base industrielle. Le montant de 300 000 000 $ qui sera consacré à Innovatech représente une contribution majeure et d'autant plus significative dans le contexte budgétaire que l'on connaît.

Deuxièmement, les instruments d'intervention doivent être flexibles et souples de manière à compléter efficacement les mesures et les programmes gouvernementaux existants. Le champ d'intervention devrait déborder du cadre traditionnel de la recherche et du développement pour couvrir, entre autres, la qualification de la main-d'oeuvre, les transferts technologiques et la diffusion des produits.

Troisièmement, les milieux impliqués dans l'innovation technologique doivent participer directement à la définition des orientations et aux décisions. Les acteurs devraient être les décideurs. L'action gouvernementale aura d'autant plus de portée qu'elle répondra adéquatement aux besoins des divers milieux innovateurs de la région, étant entendu, par ailleurs, que l'objectif ultime consiste à soutenir des initiatives offrant des perspectives réelles dans l'avenir.

Et, finalement, la concertation entre partenaires innovateurs, qu'ils soient du secteur privé ou public, est essentielle. Pour en tirer les meilleurs résultats, l'innovation exige la coopération entre les entreprises et l'établissement de liens étroits entre les centres privés et les institutions universitaires.

C'est à partir de ces principes, M. le Président, que le projet de la Société a été élaboré. La Société aura donc pour mission de promouvoir et de soutenir les initiatives propres à relever la capacité d'innovation technologique sur le territoire du Grand Montréal. Pour la réalisation de sa mission, la Société pourra notamment, dans le cadre des orientations gouvernementales, susciter, accueillir et évaluer les initiatives susceptibles de renforcer la capacité d'innovation technologique sur le territoire du Grand Montréal; associer à ces initiatives des partenaires du secteur privé et du secteur public et favoriser la concertation entre eux; participer financièrement à la réalisation de ces initiatives; favoriser la participation financière de particuliers, de sociétés et de personnes morales aux initiatives qu'elle soutient; sensibiliser la population du Grand Montréal à l'importance des initiatives qu'elle soutient en l'informant des réalisations qu'elles rendent possibles; conseiller le ministre sur les politiques et stratégies relatives à l'innovation technologique sur le territoire du Grand Montréal et lui proposer les moyens de les mettre en oeuvre.

M. le Président, la Société jouira d'une large autonomie. Il lui reviendra, par exemple, de définir elle-même, par règlement soumis à l'approbation du gouvernement, les critères d'admissibilité des initiatives qui lui sont présentées, la forme, les modalités et, le cas échéant, les limites de sa participation financière. La Société pourra également décider elle-même des aides financières de moins de 5 000 000 $.

Il importe, par ailleurs, que les activités de la Société s'inscrivent dans le cadre des orientations gouvernementales pour l'ensemble du Québec. À cette fin, le projet de loi stipule que la Société devra informer les ministres concernés des initiatives qu'elle entend soutenir parmi celles qui sont admissibles.

La Société sera habilitée, dans le cadre de sa mission, à conclure une entente avec toute personne, société, organisme ainsi qu'avec le gouvernement, l'un de ses ministères ou organis-

mes. Elle pourra aussi, conformément à la loi, conclure une entente avec un gouvernement au Canada ou à l'étranger, l'un de ses ministères ou organismes, une organisation internationale ou un organisme de cette organisation. Il en sera de même avec la Communauté urbaine de Montréal et toutes les municipalités dont le territoire est compris dans le Grand Montréal. Une telle entente pourrait, à l'occasion, déroger à la Loi sur l'interdiction de subventions municipales.

Les affaires de la Société seront administrées par un conseil d'administration composé de neuf membres provenant des milieux de la recherche, de l'enseignement universitaire et collégial ainsi que de nos entreprises. Les membres seront nommés par le gouvernement. Trois représentants gouvernementaux seront délégués comme observateurs auprès du conseil d'administration. Dans un souci d'accroître l'autonomie de la Société, le projet de loi prévoit également que le président-directeur général de la Société sera nommé par le conseil d'administration.

Pour remplir la mission qui lui est confiée, la Société recevra du ministère des Finances un montant maximal de 300 000 000 $ pour une période de 5 ans. La Société fera connaître ses besoins financiers au gouvernement. Ainsi, elle transmettra, avant le 15 décembre de chaque année, son plan de développement pour l'exercice financier suivant. De même, elle fournira au ministre, pour approbation par le gouvernement avant le 15 décembre de chaque année, ses prévisions budgétaires pour l'exercice financier suivant, selon la forme et la teneur qui seraient déterminées. (4 h 30)

La Société Innovatech du Grand Montréal sera dissoute en mars 1997, à moins que le gouvernement n'y pourvoie autrement. Le projet de loi prévoit que le gouvernement pourrait autoriser un organisme ou une personne morale qui aurait des objets similaires à poursuivre la mission qui était confiée à cette société, en vertu de la présente loi.

M. le Président, la Société Innovatech du Grand Montréal entend être un outil de tout premier plan à la disposition des gens de la région métropolitaine de Montréal pour accélérer la relance de son économie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Labelle. Je vous rappelle, M. le député de Labelle, qu'en vertu de l'article 209 vous avez droit à une intervention de 60 minutes.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Merci beaucoup. M. le Président, nous avons aujourd'hui, devant nous, un projet, la Société Innovatech, qui va surtout agir dans le domaine de la recherche et du développement. C'est ce qu'il faut comprendre de la loi qui est devant nous. Je voudrais rappeler, M. le Président, et en profiter aussi pour faire un bref survol des activités de recherche qu'il y a eu au Québec et au Canada.

Faut-il le rappeler, dès le départ, que les activités de recherche, de développement, dans des termes modernes, représentent une activité humaine par excellence. C'est celle de la réflexion et du questionnement que les humains ont toujours nourris en face de l'avenir. Qu'ils soient enfants, adultes ou même dans un âge avancé, tous se posent des signes. Et c'est, au fond, la recherche-développement, le signe et la fonction de l'intelligence.

M. le Président, il y a eu beaucoup de choses d'écrites là-dessus. Il y a beaucoup de littérature. J'ai découvert un texte que j'ai trouvé particulièrement pertinent à nos débats aujourd'hui, et c'est celui de M. Fernand Labrie, un chercheur de l'Université Laval, dont je voudrais vous lire quelques extraits. Je vais d'ailleurs m'inspirer largement de son texte pour cette réplique à ce projet de loi.

La science est la clé du succès global d'un pays. Le Dr Luigi Rossi Bernardi, président du Conseil national de recherche d'Italie, exprime clairement le rôle crucial que la grande majorité des citoyens accordent à la recherche. Je cite. «En bout de ligne, la division entre la richesse et la pauvreté repose sur la possibilité de créer et d'utiliser la science. De fait, après mûre réflexion, la science fait, à elle seule, la différence entre les pays industrialisés riches et les pays pauvres. Rien d'autre. Différentes formes de gouvernement, différents régimes économiques, différentes cultures, différentes religions, différents climats et la disponibilité de matières premières ne peuvent, de fait, expliquer pourquoi seulement quelques pays ont pu atteindre un haut niveau de développement. «La vérité toute crue que nous oublions trop souvent est qu'un standard de vie élevé dépend du niveau du développement scientifique et technologique. De fait, les domaines d'importance capitale comme la santé publique, la sécurité nationale, la productivité et le développement industriel et, donc, la puissance économique et l'influence de toute nation à travers le monde reposent sur le niveau de la science contrôlée par ce pays».

M. le Président, voilà un texte très important qui définit ce que représentent la recherche et le développement pour tous les pays que nous connaissons et, en particulier, les pays de l'OCDE et les pays occidentaux. M. le Président, nous devons, avant tout, faire un bilan de ce qui s'est fait ici, en ce qui concerne la recherche-développement. Nous visons dans le continent nord-américain, à proximité des États-Unis, avec des relations très suivies aussi avec l'Europe, mais d'autres qui s'étendent au reste du monde. Mais, en particulier, il faut dire que la proximité

des États-Unis nous a amené quelques problèmes et cause quelques problèmes, ici, en termes de perception, ainsi que la domination scientifique des États-Unis. L'association étroite entre le Canada et les États-Unis a offert des avantages sociaux et économiques majeurs au Canada, tout en développant chez nous l'illusion que ce succès était acquis et mérité. La force scientifique, technologique et financière des États-Unis a fait en sorte qu'une multitude de filiales américaines se sont installées au Canada, apportant avec elles toutes les connaissances de technologie de pointe requises au succès de leurs entreprises installées sur le territoire canadien.

Toutefois, le rôle des Canadiens pendant cette longue période a été trop souvent ou même trop généralement limitée à fournir une main-d'oeuvre peu spécialisée et des matières premières obtenues à faible coût, mais de grand volume. Le Canada a donc trop longtemps vécu dans l'illusion de posséder la technologie de pointe requise pour une économie compétitive, ce qui a enlevé le stimulus nécessaire à nos universités, à nos gouvernements et à nos entreprises pour développer nos propres scientifiques et nos propres technologies.

Avec le libre-échange, cette illusion d'un pouvoir que nous ne possédions pas vraiment est subitement disparue et la réalité toute froide s'est dressée devant nous: de protecteurs et pourvoyeurs de sciences, technologies et emplois, les Américains sont subitement devenus nos compétiteurs, comme d'ailleurs tous les autres pays du monde qui sont des acheteurs potentiels, mais également des concurrents. Notre seule façon de faire des affaires avantageuses et profitables dans le futur sera donc d'inventer et de fabriquer des produits meilleurs que ceux disponibles dans les autres pays et ce, à meilleur coût et avec une meilleure qualité.

En même temps que nous bénéficions des avantages de la proximité des Américains, en même temps ceci nous causait des problèmes, en même temps aussi nous suivions leur propre périple en ce qui concerne la recherche et développement. En fait, les Américains ont investi de façon massive dans la recherche-développement à partir de la guerre. Et ils ont eu de la difficulté à réorienter vers l'industrie leur recherche-développement axée vers la guerre, alors que quelques années après le conflit mondial, au début des années soixante notamment, les Japonais et les Allemands ont investi massivement en recherche-développement en tournant leurs efforts surtout vers l'industrie et beaucoup moins, sinon pas du tout, vers l'armement, vers la défense, de sorte qu'aujourd'hui, dans les années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, ces deux pays, notamment, ont pu prendre un essor considérable vers la recherche-développement.

Quoi qu'il en soit, M. le Président, nous suivons ce périple des Américains à l'heure actuelle. Nous en sommes dépendants plus que de tout autre pays dans le monde et, en même temps, il faut constater que les États-Unis, toutes proportions gardées, en ce qui concerne la recherche-développement, sont maintenant au quatrième rang dans le monde. (4 h 40)

Le Québec a fait des efforts, j'y reviens, mais, par ailleurs, nous n'avons pas fait tous les efforts qu'il fallait faire et surtout je crois qu'il faut noter à partir des États-Unis ce qui se passe au Canada. Sur ce plan, je voudrais citer un article fort percutant de M. Claude Piché, de La Presse, daté du 18 avril 1992, dont on se rappellera sûrement, pour ceux qui l'ont lu, et qui s'intitule: «Une tragédie dont personne ne parle». 11 a surtout parlé du canada et du québec. il faisait référence à des statistiques qui venaient d'être publiées. on apprenait dans ces statistiques que le canada a consacré, en 1991, 9 700 000 000 $ à la recherche et développement. ce montant représente une hausse de 6 % sur l'année précédente. mais, derrière ces chiffres impressionnants, dit m. piché, se dissimule une tragédie nationale. le dossier du canada en matière de recherche scientifique et industrielle, d'innovation technologique, de développement de nouveaux produits est tellement pitoyable que cela fait peur. il fait un certain nombre de considérations, par exemple: pour chaque dollar que le canada consacre à la recherche et au développement, l'allemagne en investit 6 $, le japon 12 $, les états-unis 18 $. calculé autrement, le japon consacre 3,5 % de son produit intérieur brut à la recherche et au développement, l'allemagne, 2,9 %, les états-unis, 1,9 %, le canada, lui, tire de l'arrière avec 1,4 %. on peut voir dans certaines publications scientifiques que l'on considère que, pour faire de la recherche-développement, il faut, tout d'abord, pour se doter de l'infrastructure nécessaire, 0,5 % du pib, pour assumer le coût des infrastructures de base. donc, lorsque l'on compare ces pourcentages, il faut tenir compte de cette soustraction en termes d'infrastructures pour mieux évaluer les véritables efforts qui vont à la recherche directe.

Or, plus une économie est de taille modeste, dit M. Piché, plus elle a besoin d'investir dans l'innovation, la technologie, la recherche, le développement. C'est ce qui explique, par exemple, qu'un pays comme la Suède, bien que trois fois moins peuplé que le Canada, compte autant de chercheurs. Le Canada fait exactement le contraire de ce qu'il faut. La plupart des pays dynamiques augmentent leurs investissements en recherche et en développement. Les Japonais, en 10 ans, ont quintuplé leurs dépenses dans ce dossier. En 1980, ils y consacraient 28 000 000 000 $ ou 2,1 % de leur PIB, l'an dernier, c'était 125 000 000 000 $.

Qui plus est, le Canada est un des rares pays industrialisés à diminuer ses investissements

en recherche et développement. En 1985, les Canadiens y consacraient 1,44 % de leur PIB; quatre ans plus tard, ils affichaient un piteux 1,35 % et, avec les chiffres annoncés cette semaine, pour 1991, ils remontaient à 1,41 %. Ce qu'il faut conclure, c'est la stagnation.

Et le Québec, maintenant, dans tout cela, fait encore pire figure que l'ensemble du Canada; avec un taux de 1,15 %, il affiche un des pires scores pour les pays industrialisés. M. le Président, on peut prendre en exemple le secteur forestier, qui est quand même l'une de nos grandes industries ici, et nous comparer avec la Finlande: la Finlande, 5 000 000 d'habitants, compte 800 chercheurs spécialisés en foresterie; le Québec, qui compte 7 000 000 d'habitants, compte deux fois moins de chercheurs. Ce n'est pas tout, M. le Président. Les Québécois ne s'intéressent pas à la recherche, ou pratiquement peu, dans le secteur de la forêt: 40 % des emplois de chercheurs sont occupés par des spécialistes venus de l'extérieur. Je n'ai rien contre, mais cela indique, cependant, que les Québécois eux-mêmes s'intéressent peu à la recherche. Ils font, évidemment, des choses intéressantes chez Bombardier, chez Northern Telecom, au Conseil national de recherches, chez SNC, dans des entreprises pharmaceutiques, dans des centaines d'entreprises, dans des universités, dans plusieurs universités, mais, la réalité, de conclure M. Piché, triste, brutale, incontournable, c'est qu'il ne s'en fait pas assez, et de très loin.

M. le Président, voilà pour ce constat. Je pourrais aligner aussi d'autres constats et les reprendre d'une autre façon, je pense que c'est important. Les sommes consacrées à la recherche scientifique et au développement expérimental se sont élevées à 2 200 000 000 $ en 1989 et affichent une croissance de 9,8 % par rapport à 1988, soit 5 % en termes réels. La part québécoise de l'ensemble des dépenses de R-D au pays a atteint sa valeur la plus élevée depuis 1979, s'établissant à 25,2 %, alors qu'elle s'élève à 51,6 % pour l'Ontario, le plus haut niveau pour cette province ayant été en 1981.

Le ratio R-D-PIB a très peu progressé, passant de 1,40 % en 1988 à 1,44 % en 1989, en raison, en particulier, de la croissance nominale de 6,6 % du PIB pour cette dernière année. Ainsi, le ratio R-D-PIB stagne sous 1,5 % depuis 1985 alors qu'il avait atteint un sommet, à ce moment, de 1,47 %. Mais on doit cependant prendre note que ce ratio a connu une baisse en Ontario, durant la même période, passant de 1,87 % en 1985 à 1,64 % en 1989, mais c'est encore au-dessus du Québec malgré cette baisse marquée.

La stagnation R-D-PIB du Québec est particulièrement frappante en regard du plan d'action 1988-1992 présenté par le gouvernement en juin 1988. De 1,5 % en 1987, prévu par le plan, le ratio, qui était en réalité de 1,45 %, devait augmenter de 0,1 % par année pour s'établir à 2 % en 1992. C'était le plan de 1988. Et, selon ce scénario gouvernemental, il aurait dû se situer à 1,7 % en 1989. 0,1 % représente environ 150 000 000 $ d'investissement, ce qui équivaut à un sous-investissement de R-D de 400 000 000 $ en 1989 par rapport au plan d'action.

Les dépenses du gouvernement fédéral expliquent une part importante du plafonnement de l'effort de recherche au Québec puisqu'ils ont tout simplement été gelés dans la province entre 1987 et 1989, ce qui correspond à un recul en termes réels. La part du Québec dans ces dépenses a chuté de 21 % à 19 % entre ces deux années. Une augmentation de cette part à 26 %, soit le poids démographique du Québec, ou une injection de 175 000 000 $ réduirait de près de la moitié le sous-investissement de la recherche-développement par rapport au plan d'action. Par ailleurs, il est étonnant de constater que, sur la période 1980-1985, les dépenses fédérales au Québec ont crû de 21,2 % en moyenne annuellement contre 12,1 % en Ontario. Cela a d'ailleurs fait monter la part du Québec de ces dépenses de 14,9 % en 1979 à 20,2 % en 1985, alors que la croissance de ces dépenses n'a été que de 2,5 % en moyenne par année au Québec sur la période 1986-1989, contre 6,7 % en Ontario. Et il faut conclure que le fédéralisme coopératif n'est pas toujours rentable.

M. Baril: M. le Président, je m'excuse auprès de mon collègue, j'aimerais ça si vous pouviez...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant, un instant. Oui, M. le député d'Artha-baska.

M. Baril: J'aimerais ça, M. le Président, vu l'importance du projet de loi, que vous vérifiiez le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle le député. Allez-y, M. le député de Labelle. (4 h 50)

M. Léonard: merci, m. le président. pour sa part, le gouvernement du québec a haussé sa contribution à la recherche-développement de 13,1 % en 1989 par rapport à 1988. on peut aussi contraster cette performance avec celle de l'ontario qui a augmenté, elle, sa contribution de 28,8 % en 1989. entre 1986 et 1989, la hausse annuelle moyenne a été de 19,2 % en ontario, contre 8,4 % au québec, si bien que l'ontario a maintenant rattrapé le québec à ce chapitre, avec 210 000 000 $ contre 207 000 000 $ pour le québec.

Cette tendance se répète aussi dans le secteur de l'enseignement supérieur. De 1986 à 1989, la croissance annuelle moyenne du financement de la R-D par ce secteur a été de 3,2 %

seulement au Québec, contre 10,3 % en Ontario. Le gouvernement du Québec est en partie responsable de cette piètre performance puisqu'elle a vraisemblablement pour cause le sous-financement chronique des universités québécoises. l'évolution du financement de la r-d par les entreprises est beaucoup plus encourageante puisque le taux de croissance est largement supérieur au québec, avec 16,2 %, qu'en ontario, où cette croissance a été de 1,7 %, un écart qui est apparu d'ailleurs en 1987. cependant, le ratio r-d industrielle exécutée par le secteur privé est resté stable à environ 0,8 % depuis 1985; il est de 0,84 % en 1989, la hausse du financement du secteur privé ayant été accompagnée ou provoquée par une baisse de la contribution du gouvernement fédéral à la r-d industrielle. notons que le ratio ontarien a chuté de 1,15 % à 0,97 % sur cette même période.

En conclusion, malgré la croissance appréciable du financement par les entreprises, le Québec plafonne depuis 1985 dans la part de sa production qu'il consacre à la recherche et au développement. Le gouvernement fédéral est le grand responsable de cette situation, mais le sous-financement du réseau universitaire et la croissance modeste de ses dépenses de R-D font porter aussi au gouvernement du Québec une bonne partie de la responsabilité du retard considérable qui s'est creusé par rapport aux objectifs qu'il s'était lui-même fixés dans son plan d'action. Et, M. le Président, nous avons obtenu, en commission parlementaire, un tableau important sur ce plan par rapport au Fonds de développement technologique et à Innovatech Grand Montréal, qui est encore à l'état de projet. Le Québec a effectivement introduit des mesures fiscales pour appuyer les risques financiers qui étaient pris par les entreprises en R-D, avec des crédits d'impôt de 40 %. On a pu établir que le fédéral, les imposant ou les déduisant avant, lui-même, de donner ses propres crédits, cela équivalait à les taxer et donc à les réduire et réduisait la portée de ces crédits d'impôt.

Par ailleurs, le Fonds de développement technologique, lancé en 1988 avec 300 000 000 $, auxquels on a ajouté un autre montant de 50 000 000 $ ultérieurement, donc 350 000 000 $, ne se dépense pas, et c'est cela, le problème. À chaque année, on a mis dans les crédits quelque 60 000 000 $, mais, après trois ans, il n'y a que 39 278 000 $ qui ont été transférés vers les ministères, qui ne sont pas nécessairement encore tous déboursés; malheureusement, nous n'avons pas cette assurance, mais, admettons qu'ils soient complètement déboursés, il s'agit de 39 278 000 $ sur une somme qui devrait être beaucoup plus considérable. Nous, le gouvernement - pas nous, mais les gens d'en face, le gouvernement - avait investi ou a consacré 350 000 000 $ au Fonds de développement tech- nologique. Après trois ans, c'est 39 000 000 $, même pas 40 000 000 $ qui sont déboursés. On nous parle des engagements, mais les engagements, c'est vraiment beaucoup plus loin.

M. le Président, si on veut vraiment aussi évaluer ce qui se fait et ce que l'on promet sur ce plan, l'on doit considérer ce qui est apparu dans les comptes en ce qui concerne le projet de Société Innovatech. Or, sur ces 300 000 000 $, qu'est-ce qu'il y a? En 1992-1993: c'est 10 000 000 $; en 1993-1994: 15 000 000 $; et, en 1994-1995: 25 000 000 $. 50 000 000 $ sur ces trois ans, alors qu'on a prévu 250 000 000 $. Est-ce qu'il se dépensera 100 000 000 $ en 1995-1996 et 150 000 000 $ en 1996-1997? Ça me paraît gros, compte tenu des performances mêmes qu'on a trouvées dans le Fonds de développement technologique.

De sorte que ce dont on parle c'est une somme totale de 650 000 000 $. Depuis le plan de 1988, cependant, il s'est investi 39 000 000 $. Alors, c'est comme si on faisait des vases communicants, qu'on agitait de gros chiffres alors que la réalité elle est mince, maigre, pénible à constater.

Nous avons fait le tour en commission parlementaire, avec le ministre de l'Industrie et du Commerce, au sujet de ces fonds, mais il y a peu de réponses pratiques, peu de réponses concrètes. Et je comprends qu'en ce qui concerne Innovatech, comme la Société n'est pas créée, il n'y a rien de précis encore. Ce sont des montants globaux, mais minces en ce qui concerne les trois prochaines années, 50 000 000 $: 10 000 000 $, 15 000 000 $ et 25 000 000 $. Alors, on parlait d'un éléphant, on a accouché d'une souris.

M. le Président, je ne peux pas ne pas aborder une question qui touche les universités en ce qui concerne la recherche. Il est évident que les universités sont au centre de la recherche-développement et que les relations avec l'industrie doivent être suivies. Alors, dans Le Devoir du mois de mars 1991, il y a eu un article fort important sur cette question, un article qu'on intitulait «La recherche, orpheline de l'État, l'université, grande victime du virage politique». Ce qui était dit dans ce texte est très éclairant, M. le Président. Je réfère ceux qui m'entendent à ce texte paru dans Le Devoir. Je crois que c'est le 24 mars, je le cherche, le 24 mars 1991... 26 mars 1991. Merci. J'en citerai quelques extraits, parce que, si on ne pouvait pas investir des sommes considérables dans l'industrie, au moins il aurait fallu investir dans les universités qui, elles, attendaient de l'argent de façon considérable avec les problèmes de financement qu'elles avaient connus.

Le virage technologique tombe en panne faute de carburant, c'est-à-dire faute d'argent, dit l'auteur. L'industrie a une excuse, son taux de croissance a été considérable. Mais, malgré tout l'industrie finance un peu plus de la moitié

de la recherche québécoise et en exécute près des deux tiers. Ce sont les universités cependant qui sont la grande victime du récent capotage technologique québécois parce qu'en 10 ans la part des universités dans le financement de la recherche a diminué de moitié, et on ne peut interpréter ces coupures que comme une volonté de l'État - les coupures dans le financement des universités - d'asservir la politique scientifique à la politique économique. La seule politique clairement discernable dans la mise au régime des universités, selon le sous-ministre adjoint au ministère de l'Enseignement supérieur et de la Science, c'est la volonté de l'État lui-même d'orienter, de concert avec l'industrie, la direction que doit prendre la recherche.

Devant une telle politique, où l'université en est-elle réduite à prendre ses fonds de recherche? Pas dans ses fonds propres qui dépendent presque totalement du financement de l'État, la fonte des fonds universitaires depuis 10 ans a réduit de moitié le taux d'autofinancement de la recherche universitaire et a doublé la dépendance des universités par rapport aux dollars industriels. (5 heures)

On a ce son de cloche au ministère, à l'Université McGill, à l'UQAM, où l'on dit exactement la même chose et où l'on souligne, par exemple, que l'effet le plus pervers de cette stagnation, c'est de conduire les institutions à ne financer - je cite - «que le "top" de la crème des chercheurs» avec de l'argent industriel. Devant l'obligation de livrer rapidement la marchandise, les chercheurs n'embauchent que des professionnels et les apprentis chercheurs restent sur le carreau. Du coup, c'est la relève scientifique québécoise qui fout le camp. La tranche médiane des chercheurs, les scientifiques réguliers de bonne qualité, qui publient dans des revues de bon niveau, ceux qui initient d'ordinaire le plus grand nombre d'étudiants et de diplômés à la recherche, ceux-là en arrachent. De part et d'autre, on souligne que le manque d'argent pour la recherche n'est pas que le résultat simple des temps difficiles que nous traversons. «La principale cause, dit quelqu'un de l'UQAM, c'est l'absence de politique globale de la recherche et la dernière en liste, c'était le livre blanc de Camille Laurin, qui remonte pratiquement au déluge.» Comme politique scientifique, c'est loin.

Voilà pour le Québec, M. le Président. Alors, que nous offre le gouvernement face à cette problématique? Bien sûr, il y a le Fonds de développement technologique. Il y a maintenant ce projet de société Innovatech. Mais ce projet comporte certaines données. Le ministre l'a expliqué tout à l'heure, je voudrais donc y revenir maintenant, de façon plus concrète. Dans ce plan de redressement durable, appelé «Pour un redressement durable», dans ce document «Pour un redressement durable», appelé «Le plan stratégique du Grand Montréal», on trouve une proposition qui touche une société, et nous en voyons l'aboutissement dans ce que nous avons aujourd'hui.

M. le Président, je prendrai deux points, majeurs, à mon sens, en ce qui concerne ce projet de loi. Ce projet de loi consiste à créer une société avec certaines modalités de fonctionnement, comme il convient, mais une société dont le territoire est limité. On l'appelle, on limite ce territoire au Grand Montréal, qui consiste en le territoire de I He de Montréal, de l'île Laval, de la couronne nord et sud, en comprenant Vaudreuil-Soulanges. La question qu'on peut se poser par rapport à ce territoire, c'est: Pourquoi est-il limité? Pourquoi est-il limité de façon aussi restreinte alors qu'en fait la recherche-développement se fait à 80 % sur ce territoire déterminé? On crée une société à 300 000 000 $ pour faire de la recherche-développement sur ce territoire, mais qu'en est-il et qu'arrivera-t-il de l'autre 350 000 000 $. On nous répondra que peut-être Innovatech sera admissible aussi au fonds de développement technologique. S'il ne l'est pas, cela veut dire que les 350 000 000 $ sont exclus et, donc, que là où se fait 80 % de la recherche, on n'aura que 300 000 000 $; la moitié, même pas la moitié des sommes.

M. le Président, je pense que cela relève d'une conception douteuse de la recherche-développement. La recherche-développement est intégrée, elle touche tout le Québec et, effectivement, le bassin où se fait la recherche-développement, c'est dans la région montréalaise. Le fait de limiter cette société au territoire de Montréal, même s'il est agrandi, même si on l'appelle le Grand Montréal, pose une question, non seulement de principe, mais de pratique. De principe, parce que le coeur de la recherche est là et que cette recherche-développement doit être intégrée avec ce qui se fait même ailleurs au Québec. Cela va d'ailleurs dans le sens des intérêts de cette région et, à mon sens, ce n'est pas ce qui est fait présentement.

Un des éléments qu'il faut considérer, au-delà de cette théorie des grappes dont on parle beaucoup, et qui est remise en cause d'ailleurs aux États-Unis par des chercheurs réputés, c'est que la recherche-développement se fait beaucoup plus... Ça n'exclut pas les grappes, mais elle se fait beaucoup plus la diffusion des connaissances. Ce qu'on appelle en anglais «the knowledge spill over», beaucoup plus. Cette conception a été mise au point au cours des années quatre-vingt, quatre-vingt-dix, et elle est beaucoup plus riche d'enseignement parce que, finalement, elle démontre que les sociétés où il y a une économie industrielle diversifiée progressent beaucoup plus rapidement que là où l'économie est monoindustrielle... Prouvée et qui remette jusqu'à un certain point en cause cette théorie des grappes, bien qu'elle ne l'exclue pas corn-

plètement.

Dans le cas d'une société qu'on limite de façon géographique comme ce qu'on vient de faire, je pense que le Québec aura des problèmes ultérieurement, parce qu'on aura divisé le Québec en deux: l'un où la recherche est prédominante et un autre, avec un autre type de recherche. Je pense que cette discrimination va jouer à l'en-contre des intérêts du Québec, mais à rencontre aussi de la région de Montréal. J'aimerais que le ministre s'exprime sur ce point, parce que ça me paraît très important.

L'autre point que je voulais soulever, M. le Président, c'est celui de savoir que c'est le président du Conseil du trésor qui est responsable de cette loi. J'ai été très surpris de l'apprendre. Même si cela avait été dit dans le document qu'il a publié avant Noël, il reste que le ministre qui est responsable de la recherche-développement ici au gouvernement, c'est le ministre de l'Industrie et du Commerce. Le ministre de l'Industrie et du Commerce, c'est lui qui est responsable de la recherche-développement, c'est lui qui est responsable du Fonds de développement technologique, parce que, un jour, étant donné que ce Fonds de développement technologique était au Conseil exécutif, j'ai dit que M. Bourassa en était responsable et qu'il était lui-même responsable de ce que les fonds ne se dépensaient pas. Quelqu'un a souligné qu'il avait passé le «buck» comme on dit... qu'il avait passé le dossier, pardon, je retirerai ce mot, au ministre de l'Industrie et du Commerce.

Alors, qu'est-ce qui arrive maintenant en ce qui concerne ce dossier? La moitié du dossier va donc se retrouver dans les mains du président du Conseil du trésor. Donc, un dossier divisé en deux. Est-ce qu'il y a des problèmes qui se posent là? J'y reviendrai. Mais je dirai surtout ceci: c'est qu'en tant que président du Conseil du trésor, le ministre qui est devant nous est le contrôleur du gouvernement. Lorsque l'on est contrôleur, on n'est pas en même temps quelqu'un qui est dans l'action. Ce sont deux fonctions séparées, de telle sorte qu'il est en situation potentiellement conflictuelle avec son rôle vis-à-vis ses fonctions de ministre responsable de la société Innovatech. Le président du Conseil du trésor a une fonction horizontale dans le gouvernement et pas du tout une fonction de responsabilité sectorielle précise, même si elle s'applique sur un territoire donné. Je dis qu'il est en situation potentiellement conflictuelle et je pense, quand je le dis comme cela, il est en situation conflictuelle. (5 h 10)

M. le Président, les échos que nous avons ne sont pas très gais là-dessus. C'est qu'il y aurait une querelle de bornage entre le président du Conseil du trésor et le ministre de l'Industrie et du Commerce. Alors, c'est une chose qui se dit un peu partout, une lutte de pouvoirs. Je comprends qu'ils ont eu des relations auparavant, que les piètres résultats de l'administration du ministre de l'Industrie et du Commerce dans son ministère et lorsqu'il était à la SDI, notamment, ne sont pas sans relation avec les anciennes responsabilités de l'actuel président du Conseil du trésor qui, lui, était ministre à l'époque et qui porte aussi la même responsabilité de la maladministration à la SDI.

Alors, M. le Président, je pense que ce à quoi nous assistons c'est, finalement, au résultat d'une partie de bras de fer entre deux ministres qui se sont partagés les responsabilités. La seule chose qui nous intéresse, M. le Président, c'est de savoir qu'une telle situation ne sera pas dommageable à la recherche-développement au Québec, que les points que je viens de soulever ne nuiront pas à la recherche-développement au Québec. Bien sûr, nous sommes pour le fait que le gouvernement investisse des sommes considérables en recherche-développement. Et même les 300 000 000 $ ne sont pas suffisants encore là.

M. le Président, je pense que, en dernier point, la question qui se pose, c'est de savoir si une telle société est le mécanisme efficace qui va amener le gouvernement à dépenser, à débourser ces fonds. C'est ça, la question. On peut avoir des hésitations là-dessus. Je comprends que le gouvernement, ayant fait une faillite de son Fonds de développement technologique, qu'il ne dépense pas après trois ans, essaie de trouver d'autres dispositifs, d'autres mécanismes, d'autres structures pour réussir, cette fois. Je pense que nous devons lui donner cette chance de le prouver.

Il a déposé devant nous un projet de loi sur lequel on peut se poser des questions, effectivement. C'est un projet de loi assez sec, merci. Ça parle beaucoup, beaucoup de structures. Ce n'est qu'à l'article 23 qu'on trouve les missions et pouvoirs de la Société, où c'est un peu plus précis, où l'on comprend davantage ce dont il s'agit. Mais le mécanisme lui-même, la question qui se pose en ce qui le concerne, c'est: Sera-t-il efficace pour dépenser les fonds, pour investir dans la recherche, pour établir les relations université-entreprises-gouvernement en ce qui concerne la recherche, pour que cela bouge une fois pour toutes, pour que, finalement, on décolle de ce 1,4 qu'on a en recherche et qu'on atteigne les 2,0? Le ministre de l'Industrie et du Commerce parlait des 2,5; la réalité, c'est 1,4.

M. le Président, je voudrais aussi souligner une chose en passant parce qu'il a parlé de quatre critères qu'il utiliserait, en particulier des milieux impliqués qui doivent participer à la société Innovatech. J'ai bien remarqué qu'à la page 35 de son document, il avait indiqué les organismes ou les intervenants suivants: les entreprises, les syndicats, les universités, les milieux de la recherche et les collèges. Nous avons constaté que les syndicats étaient sautés

dans le projet de loi, donc un changement important. Est-ce qu'ils sont exclus définitivement? Je pose la question au ministre pour savoir pourquoi ils ne sont pas mentionnés dans l'article du projet de loi en ce qui concerne les membres qui vont être admissibles à siéger au conseil d'administration.

M. le Président, il est bien tard pour discuter de ce projet de loi. Il a été amené à 4 h 30 du matin. Je considère... Bien tard dans la soirée, et le ministre de l'Agriculture, qui me sourit largement, dit qu'il est de bonne heure. Effectivement, très tôt dans la matinée. Je trouve, M. le Président, qu'ayant siégé depuis 10 heures hier matin, l'Assemblée nationale aborde une question majeure, très importante, à 4 h 30 du matin, avec un projet de loi qui est supposé nous donner, nous doter d'un mécanisme pour stimuler la recherche-développement dans la région de Montréal.

Je voudrais dire une chose en terminant. Nous avons d'énormes réserves sur ce projet de loi que nous espérons éclaircir en commission parlementaire. La question qui est intéressante, c'est que le gouvernement a l'intention d'investir 300 000 000 $, de doter cette société Innovatech de 300 000 000 $. Fort bien! Fort bien! Alors, ce qu'on peut en dire, présentement, c'est qu'au moins, au plan des intentions, il y a un geste. Personne ne peut être contre la vertu et donc, sur ce plan, en deuxième lecture, nous allons appuyer le projet en avertissant le ministre que nous avons des réserves quant à sa société, quant à la structure de sa société, quant à ses modalités d'opération, et nous verrons plus tard, en commission parlementaire. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Labelle, de votre intervention. En vertu de votre droit de réplique, M. le président du Conseil du trésor et ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. M. le ministre.

M. Daniel Johnson (réplique)

M. Johnson: M. le Président, très brièvement, pour reprendre certaines des réflexions et commentaires du député de Labelle. D'abord, je le remercie de sa contribution à dresser le portrait, l'importance que revêt également la recherche et le développement à l'égard du développement économique. J'ai trouvé que les sources auxquelles il s'abreuvait sont de toute première qualité et que la façon dont il en a parlé a ajouté au débat.

J'ai également pris note, évidemment, de la confiance implicite que le député manifeste à l'endroit du gouvernement dans l'appui qu'il compte apporter à cette étape-ci de nos débats pour appuyer, donc, ce projet de loi dans la mesure où, effectivement, il y a des engagements réels du gouvernement qui ont été formulés tout autant par un comité ministériel, au nom du gouvernement, que par les énoncés budgétaires du ministre des Finances. Et je me permets, comme président du Conseil du trésor, de confirmer également que ces sommes sont là pour être dépensées.

Quant au reste, dans le désordre, l'heure à laquelle on peut appeler un projet de loi ne m'apparaît pas être un obstacle pour le député de Labelle pour se prononcer, pour exercer son droit de parole. Je constate avec tout le monde qu'il est ici pour s'exprimer. Alors, qu'on s'exprime à 10 heures ou 22 heures, 16 heures ou 4 heures, de toute évidence, ça ne change rien. Les gens intéressés sont toujours là et peuvent donc s'exprimer.

Quant au territoire qui est visé, c'est la première fois que j'entends, de l'Opposition, que le territoire est trop petit. J'ai été habitué, depuis le 17 décembre dernier et même avant, de me faire dire que le territoire du Grand Montréal était bien trop grand; mais, là, je viens d'apprendre qu'il est bien trop petit. Alors, je prends acte de cette nouvelle approche en cette matière de la part de l'Opposition.

Ce que je veux dire, évidemment - et c'est là qu'on se rejoint - c'est qu'il soit trop petit ou trop grand, une fois qu'on a délimité ce territoire-là, on doit constater que c'est là que se déroulent la vaste majorité des activités de recherche et de développement de pointe, d'innovation au sens large, au Québec, et qu'en conséquence non seulement - et je fais le lien avec Innovatech et le Fonds de développement technologique - cette grande région bénéficie-t-elle de retombées considérables de la part du Fonds de développement technologique, dont les engagements sont largement supérieurs, à ce moment-ci, aux déboursés, comme c'est la nature des choses dans ces matières-là, mais elle bénéficiera également, cette région, de 300 000 000 $ additionnels qui viennent compléter ce que le Fonds de développement technologique peut apporter. Compléter dans le sens que si un projet n'est pas autrement admissible comme projet mobilisateur au Fonds de développement technologique, si les facettes du projet ne sont pas admissibles au crédit d'impôt à la recherche ou à quelque autre forme de subvention qui est disponible dans nos différents programmes, c'est alors que la société Innovatech, si le projet est admissible selon les critères qu'elle déterminera, pourrait l'appuyer financièrement. C'est donc un ajout net au titre de la recherche et du développement, et non pas un conflit quelconque qu'on pourrait prétendre y voir.

Autre conflit, celui-là encore plus imaginaire que réel, celui qui existerait entre le député d'Outremont et moi-même. Le ministre de l'Industrie et du Commerce et le président du Conseil du trésor, le ministre membre du comité ministériel permanent du développement du Grand

Montréal et le président que je suis de ce comité, apparemment, si j'écoute le député de Labelle, ce sont des choses, cette querelle de bornage, qui se disent dans les milieux qu'il fréquente. M. le Président, je vous annonce que, moi, je ne fréquente pas ces milieux-là. Je ne connais personne qui les fréquente. Alors, on va rester comme ça, évidemment, sur nos positions. Le député aura beau invoquer toutes les sources possibles, imaginables, il est le seul à les connaître, de toute évidence. (5 h 20)

Quant au reste, M. le Président, je reprends tout de suite le commentaire sur la présence syndicale sur le conseil d'administration. C'est pour fin de rédaction, quant à moi. Dans un document d'une centaine de pages, on peut, évidemment, aller dans le détail et, sans faire de la littérature, être passablement complet avec notre prose. Dans un document, enfin, dans un texte comme celui qu'est un projet de loi devant l'Assemblée nationale, j'aurais aimé qu'on comprenne qu'un membre du conseil d'administration qui émanerait du milieu syndical ne peut pas émaner d'ailleurs que du milieu de l'entreprise, par ailleurs, au sens large. Ce n'est pas une table de concertation que ce conseil d'administration, mais bien un lieu où les gens auront à décider de l'admissibilité d'un projet d'innovation technologique, et l'origine des gens, alors que nous avions, effectivement, indiqué que ça pouvait être le milieu syndical, entreprise, recherche et développement, enseignement supérieur et universitaire, a été resserrée sans exclure qui que ce soit qui, autrement, évidemment, en vertu du document que nous avons publié, pouvait être compris comme étant un candidat éventuel.

M. le Président, je vous remercie de l'attention. Merci de l'attention de mes collègues à cette heure tardive. C'est, évidemment, avec un plaisir anticipé que j'envisage nos discussions en commission parlementaire.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique. Est-ce que la motion présentée par M. le ministre délégué à l'Administration et à la Fonction publique et président du Conseil du trésor proposant l'adoption du principe du projet de loi 28, Loi sur la Société Innovatech du Grand Montréal, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

Renvoi à la commission du budget et de l'administration

M. Johnson: M. le Président, je fais motion de déférer ce projet de loi à la commission du budget et de l'administration pour son étude détaillée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: Je vous demanderais d'appeler l'article 16 de notre feuilleton, M. le Président.

Projet de loi 23 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 16, M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés. M. le ministre de l'Agriculture.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Ce n'est sûrement pas nous qui sommes habitués dans le monde rural, M. le Président, et surtout à cette heure non pas tardive, mais un peu tôt le matin. Habituellement, les agriculteurs et les agricultrices du Québec commencent à besogner à cette heure-là. Donc, on ne se plaindra pas, bien sûr, d'étudier les projets de loi agricoles en fonction de l'heure. Au contraire, c'est à ce moment-là, généralement, qu'on peut rejoindre peut-être notre clientèle plus facilement.

M. le Président, le projet de loi 23 modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche ainsi que certaines dispositions de la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés est proposé pour répondre à des besoins imminents. Ces amendements veulent essentiellement apporter des solutions d'ordre pratique à divers problèmes survenus au cours des deux dernières années. Il corrige, bien sûr, également certaines dispositions pour les rendre plus appropriées aux circonstances.

Rappelons d'abord qu'il existe une loi sur la mise en marché des produits agricoles, au Québec, depuis 1956 et qu'après plusieurs modifications faites au cours des années une refonte totale était apportée en 1990. Cette révision donnait suite aux recommandations d'un comité d'étude créé à cet effet, le comité Prégent. Ce comité avait d'abord rencontré les associations et groupements intéressés aux problèmes de la mise en marché de produits agricoles, qu'il s'agisse des organismes de producteurs, syndicaux et coopératifs, ceux des transformateurs et divers autres intermédiaires ou encore des associations

de consommateurs. Après avoir considéré les nombreuses représentations qui lui ont été faites, le comité proposait diverses réformes qui ont été introduites dans un nouveau projet de loi. Ce dernier, bien sûr, M. le Président, a ensuite été examiné en commission parlementaire, et plusieurs associations intéressées y ont fait de nouvelles représentations qui ont été examinées avec attention.

C'est donc dire, M. le Président, que la loi actuelle est le fruit d'une vaste consultation et, dirais-je même, d'une grande concertation. C'est ainsi qu'à cette occasion nous avons ajouté tout le secteur de la pêche commerciale à la loi, de telle sorte que les pêcheurs peuvent maintenant utiliser, s'ils le désirent, la formule des plans conjoints pour mieux organiser ou établir les conditions de mise en marché de leurs produits. Déjà, des pêcheurs de homards des îles-de-la-Madeleine se sont prévalus de ce mécanisme et en sont à leur deuxième convention.

Nous avons également introduit de façon formelle dans la loi le concept de la concertation. Plusieurs associations ou groupements de personnes visés par les plans avaient, en effet, souligner la nécessité de ne pas s'astreindre à cette formule de plan conjoint qui a plus de 30 ans, proposant d'ajouter un moyen complémentaire, axé sur les besoins nouveaux des années quatre-vingt-dix. À l'écoute du milieu et conscients des changements majeurs qui se font et qui s'annoncent dans l'économie québécoise, canadienne et mondiale, nous avons donné suite à cette demande sous la forme des chambres de coordination et de développement. Bien sûr, M. le Président, ces chambres ne veulent pas remplacer les plans conjoints, bien au contraire. Elles peuvent, cependant, ajouter une dimension nouvelle à l'organisation des structures de mise en marché, complétant, lorsque les circonstances s'y prêtent, l'action des plans et, lorsque possible, la confrontation peut être remplacée par la concertation. Ce qui est beaucoup mieux, M. le Président.

Certes, il ne s'agit pas d'un concept nouveau puisque bien des éléments de politique de concertation étaient déjà en place, mais je crois que, dans bien des cas, une structure souple, polyvalente et pratique peut aider tant des producteurs que des intermédiaires à établir ensemble des règles qui pourront ouvrir ou développer des marchés pour nos produits. La graine est semée, et j'entends continuer à en promouvoir, dis-je, M. le Président, l'utilisation.

Toutefois, M. le Président, même si cette refonte de la loi a été faite après une vaste consultation il y a moins de deux ans, divers éléments récents requièrent déjà d'y apporter quelques amendements. Est-il nécessaire de souligner la gravité du débat qui s'est accru, particulièrement l'an dernier, entre les producteurs de lait quant à l'équité et au partage des marchés et des revenus provenant de la vente du lait? Devant l'ampleur que prenait le différend et l'impossibilité, pour les organismes de producteurs, de le régler eux-mêmes, j'ai créé, en juin 1991, un groupe de médiation spéciale composé de mon sous-ministre, M. Guy Jacob, du président de l'Union des producteurs agricoles, M. Jacques Proulx, et du secrétaire général de la Coopérative fédérée du Québec, M. Mario Dumais. Ces médiateurs avaient pour mandat de proposer une solution globale aux différends existant entre les groupes de producteurs de lait, soit ceux détenant majoritairement des quotas de lait de consommation et ceux ayant surtout des quotas de lait industriel, concernant les règles, les modalités et les délais pour mieux répartir les recettes de vente de lait au Québec.

On se rappellera, M. le Président, les débats difficiles et douloureux qui se sont faits pendant de longs mois, dans toutes les régions du Québec, entre divers groupes de producteurs de lait, sur le sujet d'un partage plus équitable des revenus provenant d'un lait de qualité égale. Ces débats menaçaient non seulement les mécanismes de mise en marché ordonnés, mis en place et développés après tant d'efforts depuis des décennies, mais également l'accord fédéral-provincial qui est considéré si important par les producteurs pour la stabilité de leurs revenus.

Il fallait agir rapidement et efficacement et, M. le Président, c'est ce que j'ai fait en intervenant auprès des principaux groupes de producteurs intéressés, et en confiant aux médiateurs spéciaux le mandat qui leur a été donné.

Après avoir rencontré à maintes reprises les nombreux groupes de producteurs en cause, les médiateurs ont déposé un rapport le 31 août dernier. Ils recommandaient une série de propositions de façon à en arriver progressivement à un quota unique et à un prix unique au Québec le 1er août 1996. J'y prévois, en plus, la mise en place d'un programme d'aide financière pour les producteurs les plus affectés par l'application de ces recommandations. Les recommandations des médiateurs ont ensuite été soumises au référendum de l'ensemble des producteurs de lait, tant de consommation que de transformation, et ces derniers les ont approuvées par une majorité de 71 %. L'appui des producteurs est donc majeur, et je comprends, M. le Président, que la Fédération des producteurs de lait du Québec, qui administre le plan conjoint, a déjà pris les moyens appropriés pour la mise en application progressive de ces recommandations.

Compte tenu de l'urgence de la situation et de l'importance d'établir les règles pour assurer l'ordre dans ce secteur majeur de notre économie agricole et du milieu rural, j'avais préparé, M. le Président, un avant-projet de loi intitulé Loi concernant l'application du plan conjoint (1980) des producteurs de lait du Québec, afin de mettre en oeuvre le rapport des médiateurs pour les fins de cette loi spéciale. Elle voulait régler

tant le problème dont je viens de faire état ainsi que celui de l'écrémage, également débattu à la même époque. Il n'a pas été possible, toutefois, de le présenter en temps utile à la dernière session de l'Assemblée nationale, mais la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec a pu rendre des décisions de nature intérimaire sur des règlements qui lui étaient présentés par la Fédération et qui permettaient d'entreprendre des mesures urgentes appropriées. Des procédures ont alors été entreprises devant les tribunaux judiciaires, et un jugement a récemment été rendu confirmant les pouvoirs et la procédure utilisée par la Régie dans ce dossier. Toutefois, les mesures prises ne sont pas suffisantes pour que toutes les recommandations des médiateurs s'appliquent, particulièrement quant à une compensation qui devrait être versée à certains producteurs. Alors, j'y pourvois, M. le Président, en proposant les amendements nécessaires à la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche ainsi qu'à la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés. (5 h 30)

Ainsi, en vertu des dispositions proposées par ce projet de loi, un office de producteurs tel que la Fédération des producteurs de lait du Québec pourra, par règlement, accorder une aide financière à des producteurs en vue de favoriser la restructuration des conditions de production de leurs produits. Cette aide pourra être accordée aux producteurs et productrices les plus affectés par des changements profonds qui peuvent frapper leur industrie.

Pour remplir cette obligation, M. le Président, l'office des producteurs pourra constituer un fonds spécial à cette fin et imposer à des producteurs une contribution à cet effet. Cette production spéciale pourrait être exigée, bien sûr, de l'ensemble des producteurs et productrices ou d'une certaine catégorie d'entre eux, déterminée par règlement sujet à l'approbation de la Régie des marchés agricoles et alimentaires.

Ces moyens nouveaux sont d'ordre général et pourront être utilisés par tout office de producteurs qui pourrait avoir intérêt à y recourir. Par ailleurs, la Régie des marchés agricoles et alimentaires pourra tenir compte d'une telle réglementation d'un office de producteurs de lait lorsqu'elle fixe le prix du lait de consommation par ordonnance en vertu de la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés.

L'ensemble de ces mesures devrait permettre à la Fédération des producteurs de lait de prendre les moyens pour régler le litige entre les producteurs qu'elle représente conformément aux propositions des médiateurs et à la volonté d'une large majorité de producteurs.

M. le Président, il y a un problème d'une autre nature que le projet veut régler. C'est celui causé par l'ambiguïté du texte de loi actuel quant aux obligations d'une personne qui trans- forme un produit visé par un plan conjoint provenant de ses propres terrains. Cette entreprise est-elle alors astreinte aux obligations résultant du plan pour sa production? Il ne s'agit pas d'une situation nouvelle. Depuis le début des plans conjoints en 1956 et à diverses occasions au cours des années, c'est une question qui s'est posée en général et on a considéré que cette production était visée par le plan conjoint, tout comme celle du producteur qui ne transforme pas le produit.

C'est ainsi que, dans plusieurs secteurs, les produits visés par les plans conjoints et faits, entre autres, par des entreprises de transformation ont été l'objet de règlements des offices de producteurs, même s'il n'y avait pas alors de vente du produit. Il y a plusieurs exemples, M. le Président, tels ceux de la volaille, du porc et du lait. À la suite, toutefois, du jugement rendu par la Cour supérieure mettant cette règle en doute, nous avons voulu préciser les effets d'un plan en ajoutant une disposition spécifique à ce sujet dans la loi lors de la refonte de 1990. En effet, il est actuellement prévu que la personne ou société, qui est à la fois un producteur du produit visé par le plan et engagée dans la mise en marché de ce produit, est assujettie aux droits et obligations de l'un et de l'autre.

Cependant, d'autres jugements rendus ultérieurement par les tribunaux judiciaires ont semé des doutes sérieux sur les effets de cette disposition. On considère, entre autres, que, puisqu'il n'y a pas de vente de produit dans ces circonstances, il n'y a pas de mise en marché du produit et, en conséquence, le plan conjoint ne s'applique pas à cette production.

La même expérience a été vécue dans la province de l'Ontario où, à partir d'un texte législatif similaire, les tribunaux judiciaires ont refusé de l'interpréter de la façon recherchée. On peut parler, évidemment, de l'affaire Campbell Soup qui a eu lieu en Ontario. La loi de cette province a ensuite été modifiée pour exprimer d'une façon explicite qu'un plan conjoint et les règlements qui en découlent peuvent viser toute la production, qu'elle soit faite par un producteur, intégré ou non, et même s'il transforme son produit.

C'est également, M. le Président, ce que nous avons voulu préciser en 1990 et que nous confirmons par le texte proposé, tant à l'article 1 qu'à l'article 8 du présent projet de loi. Il faut ajouter, bien sûr, que, si une entreprise se trouve dans une situation particulière pouvant justifier une exemption à la règle générale, la Régie des marchés agricoles et alimentaires a déjà les pouvoirs nécessaires pour en tenir compte. Chaque cas est alors examiné au mérite.

Il faut prendre en considération les problèmes sérieux que l'interprétation actuelle des tribunaux peut apporter aux offices de producteurs et à une application efficace des plans

conjoints. Dans certains cas, ce pourrait être la fin de plans conjoints en vigueur depuis de nombreuses années puisqu'ils deviendraient, en pratique, inopérants. Un examen des productions visées par des plans conjoints qui se sont réalisés par des transformateurs indique bien l'importance du sujet. Ainsi, dans le cas des oeufs de consommation, c'est 60 %; dans celui des oeufs d'incubation, c'est 65 %; pour le poulet et le dindon, c'est environ 15 %, tandis que, pour le veau de lait, c'est 75 %; dans le cas du porc, c'est 25 %; les fruits et légumes, 30 %; les pommes de terre et les pommes, 25 % et 30 % respectivement. Dans le secteur forestier, il est plus difficile de l'établir puisque les données ne sont pas toujours disponibles. Cela pourrait varier entre 10 %et30 %.

De plus, M. le Président, il serait facile actuellement, pour des entreprises, de contourner les plans conjoints, par exemple, en signant une série de baux avec des producteurs proclamants alors qu'elles produisent sur leurs terres, comme on le dit si bien. Comment, alors, assurer un contingentement adéquat et équitable d'une production si certains producteurs, fussent-ils également transformateurs, en sont automatiquement exemptés?

Et que dire de la situation dans le secteur laitier où plus de la moitié des producteurs sont coopérateurs et ne vendent donc pas leur lait à un acheteur? Comment garantir nos engagements, pris dans les accords fédéraux-provinciaux, de limiter nos productions à une quantité prédéterminée dans les secteurs du poulet, du dindon, des oeufs et du lait? Les amendements proposés apportent les précisions nécessaires pour éviter à l'avenir toute ambiguïté à ce sujet.

Le secteur forestier est toutefois différent de l'agriculture, M. le Président, parce que la Loi sur les forêts prévoit déjà que les entreprises détenant des contrats d'approvisionnement et d'aménagement sont soumises à des mécanismes de contrôle de la production en fonction du rendement soutenu de la forêt. C'est ainsi que les propriétaires de terrains boisés de 800 hectares et plus, d'un seul tenant, c'est-à-dire un seul bloc, doivent déposer au ministère les plans d'aménagement et que les coupes seront autorisées en tenant compte des règles du ministère et conformément à ces plans d'aménagement. La recherche d'une production rationnelle et d'une mise en marché ordonnée dans le cadre des plans conjoints est donc déjà prévue dans le cadre de cette loi, d'où l'exception que je fais à la règle générale et qui est indiquée à la disposition pertinente du projet de loi. Elle s'applique, bien entendu, seulement à l'entreprise qui récolte le bois et le transforme dans une usine qu'elle exploite.

Par ailleurs, diverses mesures étaient introduites dans cette loi en 1990 cherchant à éviter, pour les administrateurs de plans conjoints, des situations de conflit d'intérêts.

L'article 89 de la loi stipule présentement à ce sujet que l'administrateur d'un office chargé d'appliquer un plan ne peut être administrateur d'une entreprise de transformation ou de commerce du produit visé, sauf si cette entreprise en fait également la production. Ainsi, il suffit qu'une telle entreprise soit engagée dans la production visée par le plan pour éviter la déchéance prévue a la loi. Il serait inutile, M. le Président, de conserver cette mesure telle qu'elle apparaît actuellement dans la loi puisqu'elle permet, dans les faits, de perpétuer le conflit d'intérêts.

Pour remédier à cette situation, je propose donc de préciser le texte pour qu'il soit clair qu'un producteur doit d'abord choisir entre ces deux fonctions conflictuelles. Ou bien il abandonne ses fonctions à l'office des producteurs, ou celles qu'il occupe dans l'entreprise engagée dans une activité reliée au produit visé. La même personne ne doit pas se trouver des deux côtés de la table de négociation.

Je propose également, M. le Président, des modifications qui concernent l'organisme gouvernemental prévu à cette loi. Ainsi, j'ajoute une disposition qui permettra au Conseil des ministres de nommer auprès de la Régie, pour une période déterminée, des régisseurs additionnels qui seront chargés particulièrement de régler les litiges résultant des décisions prises dans le cadre de la Loi sur le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et concernant les remises de taxes municipales et scolaires. Il est prévu un appel des décisions du ministre auprès de la Régie et, comme c'est la première année d'application de cette disposition de la loi, il est actuellement impossible d'établir le nombre d'appels qui pourront être logés. S'il est trop grand ou s'il y en a plusieurs provenant des régions éloignées, il y aurait avantage, tant pour le contribuable que pour les instances municipales et scolaires, que ces affaires soient réglées dans des délais raisonnables.

De plus, comme les autres organismes et ministères, la Régie doit pouvoir imposer et percevoir des droits sur les requêtes qui lui sont formulées ou sur les services qu'elle rend à divers organismes. Les montants seraient déterminés par règlements qui seront mis en vigueur conformément à la loi et aux règlements.

En terminant, M. le Président, la Régie a son siège social sur le territoire de la Communauté urbaine de Montréal et elle doit avoir un bureau sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec. Elle a également des bureaux à l'extérieur de ce territoire dans un but de rationalisation de ses opérations. La Régie veut regrouper son personnel et, afin de lui fournir toute la souplesse nécessaire, il y a lieu de prévoir qu'elle puisse avoir un bureau ailleurs, dans la région de Québec, que sur le territoire de la Communauté urbaine de Québec.

M. le Président, je propose des amende-

ments à la loi qui corrigent des erreurs de référence et qui en améliorent le texte sur le plan de la légistique. (5 h 40)

Dans un autre ordre d'idées et à la demande de divers organismes administrant des plans conjoints, ainsi que de l'Union des producteurs agricoles, il apparaît nécessaire d'assurer une meilleure coordination entre les dispositions de la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et la Loi sur les producteurs agricoles. Cette loi, également, a été modifiée en 1990 en y ajoutant des dispositions qui permettent à une association accréditée, l'Union des producteurs agricoles dans le présent cas, de prévoir que les producteurs regroupés en corporation ou en société ont deux votes plutôt qu'un seul au cours de leur assemblée générale. C'était le voeu émis par l'assemblée générale des producteurs visés. Or, puisque la presque totalité des plans sont administrés par des organismes affiliés à l'UPA, les assemblées générales tenues en vertu de ces deux lois se tiennent en même temps. Il y a lieu d'éviter la confusion qui pourrait résulter d'une situation où les mêmes producteurs devraient voter de façon différente, selon les sujets, au cours de ces assemblées. Je propose donc le même régime de vote dans l'une ou l'autre de ces lois.

Je suis assuré, M. le Président, que ces modifications permettront de résoudre des problèmes importants qui sont survenus depuis deux ans, qu'elles aideront l'ensemble des producteurs et productrices agricoles et forestiers, ainsi que les pêcheurs qui désirent se prévaloir de cette formule de plan conjoint pour établir les conditions d'une mise en marché de ces produits qui soient mieux ordonnée.

M. le Président inutile de vous mentionner que, bien sûr, nous avons travaillé de concert avec l'UPA, avec les organismes concernés, avec le ministère des Forêts. Cette loi-là, d'ailleurs, était en demande depuis deux ans et, finalement, de par les accords de principe d'un peu tout le monde, jusqu'à temps que nous ayons réussi à attacher tous ces fils-là... C'est la raison pour laquelle nous la présentons à ce moment-ci. Nous souhaitons qu'elle soit votée lors de la présente session. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous en sommes sur le projet de loi 23 quant à l'adoption du principe. M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril: Oui, M. le Président. À 5 h 45 du matin, la journée est de bonne heure. On m'avait dit que ces deux projets de loi là seraient appelés vers minuit, mais je sais que, durant une fin de session, on ne sait jamais quand tu vas parler. Mais on nous demande d'être présents, puis d'être sur place. J'y suis. Mais, avant de commencer, j'aimerais que le gouvernement soit là et je demanderais le quorum, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les députés. (5 h 45 - 5 h 52)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre place, s'il vous plaît. Alors, nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 23 et je cède la parole à M. le député d'Arthabaska.

M. Baril: Merci, M. le Président. Le projet de loi 23 vient modifier les dispositions relatives à l'application des plans conjoints à l'égard des personnes engagées directement ou indirectement dans la production, la transformation et la mise en marché d'un même produit, et il prévoit les cas où certains producteurs auront droit à deux votes lors d'un référendum et des assemblées générales. Le projet de loi prévoit des modifications afin de permettre la mise en oeuvre du rapport du groupe de médiation dans le dossier du lait. Ainsi, un office de producteurs pourra accorder une aide financière à des producteurs affectés par la restructuration de leur industrie, imposer une contribution spéciale aux producteurs et établir un fonds spécial. Le projet de loi prévoit également que la Régie tienne compte de cette aide financière, de la contribution spéciale et du fonds spécial lorsqu'elle fixe le prix du lait.

Avant, M. le Président, de parler davantage du projet de loi, j'aimerais faire une sorte de rétrospective sur les dernières années en matière agricole. Si on regarde les grands événements qui ont marqué le milieu agricole en 1991-1992, il y a plusieurs grands événements qui ont fait en sorte que le milieu agricole actuellement est dans une période, je pense, des plus difficiles que nous ayons connue depuis de nombreuses années. D'abord, il y a eu tous les grands débats qui ont entouré les négociations du libre-échange et l'application de ce traité de libre-échange avec les États-Unis. Il y a, évidemment, les négociations du GATT qui ne sont pas terminées et qui remettent en cause nos offices de producteurs. Actuellement, par le biais de cette loi, on essaie de les renforcer ou de les redéfinir, et peut-être que, dans un an, deux ans ou trois ans, ces mêmes offices ne pourront plus s'appliquer chez nous à cause des négociations du GATT.

Il y a également le conflit du lait qui a, je pense, perturbé depuis environ deux ans toute l'industrie laitière au Québec, la principale industrie chez nous. Et ce conflit, je pense que c'est celui qui a fait le plus mal à la classe agricole parce que les groupes de producteurs se sont affrontés, se sont confrontés, et il continue même actuellement, aujourd'hui encore, à y avoir des divergences d'opinions entre les producteurs de lait. Il y a eu aussi tout le débat entourant l'application des plans conjoints, des offices de

commercialisation, le débat entre le système coopératif et le milieu syndical. Également le point principal qui est la cause des problèmes des producteurs laitiers, c'est la diminution ou la baisse de consommation de gras provenant des produits laitiers. Et, si les personnes qui, depuis trois, quatre, cinq ou six ans, ont mis tout en branle une publicité, une propagande anti-produits laitiers, contre supposément cette fameuse maladie ou ce taux de cholestérol élevé, si ces personnes-là étaient le moindrement conscientes du tort qu'elles ont fait à l'économie québécoise, j'espère au moins qu'aujourd'hui elles en auraient des remords. L'automne dernier, je participais au congrès du Conseil de l'industrie laitière et il y avait une dame qui représentait l'Association des consommateurs du Canada, qui elle-même mentionnait le tort, j'oserai dire irréparable, à toute l'industrie laitière de cette sorte de phobie du cholestérol. Et de plus en plus aujourd'hui on s'aperçoit que, suite à des études, ce n'est pas du fait que tu boives ou que tu manges des produits laitiers que ton taux de cholestérol va augmenter d'une façon dangereuse.

On vit présentement un marasme extraordinaire dans l'industrie du sirop d'érable. Et, à ce niveau, c'est surprenant de voir que le gouvernement du Québec ne semble pas vouloir s'impliquer à fond pour essayer de trouver une solution à ces surplus d'un produit qui est unique en Amérique du Nord et qu'on ne semble pas être capable d'écouler sur le marché. Les producteurs de sirop d'érable se sont donné un plan conjoint qu'ils ont de la difficulté à mettre en place. Il faut reconnaître ça. Il faut reconnaître que la banque de sirop d'érable, qui était responsable de ces surplus de sirop d'érable, l'a transféré à une fédération des producteurs de sirop d'érable qui n'avait pas les moyens de supporter cette quantité énorme de sirop. Et c'est une des raisons, entre autres, pourquoi ils ont une difficulté énorme à mettre en place le plan conjoint.

Et ça me rappelle le début des années soixante-dix lorsque les producteurs d'oeufs ont essayé de mettre en place leur plan conjoint des producteurs d'oeufs. Et je me souviens que le président de l'époque, M. Ovila Lebel, s'était même fait casser les jambes à coups de batte de baseball par des personnes, des intervenants qui ne voulaient absolument rien savoir du plan conjoint dans les oeufs, parce qu'on se souvient, c'était les grosses compagnies, entre autres, qui contrôlaient complètement la production d'oeufs et qui exploitaient littéralement les agriculteurs et les agricultrices. Et c'est pour cette raison que c'était eux qui étaient en arrière et qui défendaient avec acharnement l'implantation des plans conjoints dans les oeufs. Je pense que les producteurs acéricoles vivent ce même phénomène que les producteurs d'oeufs ont connu dans les années soixante-dix.

Il y a également le désengagement de l'État dans le support à l'agriculture, qui fait aussi, je pense, un tort marqué dans la situation financière des agriculteurs et des agricultrices. Entre autres, qu'on nomme juste la prime à l'établissement. On se souvient l'automne dernier de tout le débat qui a entouré la prime à l'établissement, soit le 15 000 $ qui est versé à une personne qui veut s'établir en agriculture. Le ministre a modifié cette prime pour l'appliquer sur un versement, l'échelonner sur trois ans au lieu de seulement une année. Et on connaît le débat que ça a entraîné. Mais je reviendrai un peu plus tard sur l'autre projet de loi quand on parlera de l'Office du crédit agricole.

Il faut aussi mentionner, je pense, que ce qui a entraîné tout ça, c'est le manque de vision, le manque d'orientations, le manque de projets d'avenir. Le gouvernement ne semble absolument pas savoir quoi faire, où amener l'agriculture. Depuis cinq ans, six ans, depuis sept ans bientôt que le Parti libéral est au pouvoir et on regarde les conséquences de son arrivée au pouvoir: une chute de revenus de 21 % depuis 1985, avec une chute des investissements de 41 % depuis 1985 et une perte d'emplois directs, en agriculture, de 29 % des travailleurs agricoles. (6 heures)

Donc, si on résume ça, M. le Président, il ne faut pas s'en faire pourquoi, il ne faut pas poser la question, à savoir pourquoi les agriculteurs, les agricultrices sont tellement inquiets, sont tellement dans une situation instable parce que, avec tout ce que je viens de vous nommer, on ne sait absolument pas, eux, les agriculteurs, les agricultrices ne savent absolument pas où orienter, comment investir et quand investir parce qu'il n'y a pas de leader. Il n'y a pas de leader au Québec qui est capable, actuellement, ou qui a la volonté de dire: L'agriculture, aujourd'hui, elle est située à tel endroit et notre objectif, notre projet d'avenir, c'est de l'amener à tel endroit.

De 1976 à 1985, quand le Parti québécois est arrivé au pouvoir, on a donné un élan considérable à l'agriculture, qui a été marquée par des investissements majeurs, par des créations d'emplois et une augmentation de notre degré d'autosuffisance, d'une façon tout à fait remarquable. Il y a un paquet d'usines de transformation qui ont mis sur le marché différents nouveaux produits et ça a fait en sorte que l'agriculture, tous les gens qui parlaient de l'agriculture, autant les gens des villes que des paroisses, étaient fiers de parler des agriculteurs, étaient fiers de parler de ce secteur économique qui est très rémunérateur d'emplois et, aussi, qui donnait cette fierté aux hommes et aux femmes qui en vivent d'avoir la satisfaction d'être reconnus comme un groupe important dans la société et de pouvoir participer au développement de l'économie québécoise.

Trop souvent, depuis une année, entre au-

très, on s'aperçoit, avec tous les points que j'ai relevés, qu'il y a eu toutes sortes de débats qui ont amené, en sorte, que les agriculteurs et les agricultrices se sont pratiquement, pour certains d'entrés eux, sentis de trop au Québec. Le ministre n'est pas complètement indifférent à tout ce malaise, à cause de ces différentes interventions, à cause du manque de leadership de son gouvernement. Et, quand il n'y a pas de guide, quand il n'y a pas de leader en avant, M. le Président, vous savez comme moi que c'est beaucoup plus difficile de rassembler des hommes et des femmes alentour de toi pour être capable de remonter ce secteur économique.

Mais aussi, depuis tout le débat qui entoure les négociations du GATT, il y a eu systématiquement, différentes personnes qui ont fait en sorte d'essayer de démolir les offices de commercialisation. Ils ont parlé de situations qu'ils ne connaissaient absolument pas, absolument pas. Et, ici, je fais référence, entre autres, au journaliste Alain Dubuc, de La Presse, une personne que j'avais toujours appréciée, parce que, quand Alain Dubuc était responsable de la chronique économique de La Presse, c'était une personne tout à fait objective. Il faisait des articles, c'était tout à fait recherché, on voyait qu'il y avait beaucoup de recherches et ses chiffres étaient difficilement contestables. Maintenant que M. Dubuc est rendu directeur en chef du journal La Presse, il a dû probablement endosser les orientations du journal La Presse, et j'irais jusqu'à dire qu'il a un peu beaucoup vendu son âme parce qu'on s'aperçoit que ses idées ont complètement changé - que ce soit au niveau du projet constitutionnel - on s'aperçoit qu'il a beaucoup plus tendance à démolir le Québec et à rapetisser le Québec que de donner exactement ce qu'il en est.

Je reviens au niveau des offices de commercialisation. En date du 20 février 1992, M. Dubuc s'est permis de commenter les offices de commercialisation. Et je ne vous lirai pas tout l'article, M. le Président, parce que ce serait long, mais il commentait, entre autres, que les offices de commercialisation participaient a augmenter le prix à la consommation et, si l'alimentation au Québec était aussi chère qu'elle est là, présentement, c'était uniquement à cause des offices de commercialisation.

Il y a eu aussi Jean-Robert Sansfaçon, du journal Le Devoir, qui, lui, a été encore beaucoup plus sévère dans son analyse sur les offices de commercialisation. Il a été... je dirais, il a erré davantage. Quand j'ai lu cet article-là, j'en étais, M. le Président, j'en étais désabusé, je n'en suis pas revenu. Je traduisais ça en disant: C'est pareil comme si quelqu'un m'avait demandé de faire un article, un editorial, sur une opération à coeur ouvert et que j'aurais décidé de l'écrire. Mon article aurait été aussi fol, aussi non fondé que l'article de Jean-Robert Sansfaçon, dans le journal Le Devoir. Et on disait, ici, juste quelques passages: «Chaque année, nos gouvernements versent des milliards et des milliards de dollars pour maintenir un système de production qui ne profite, en bout de ligne, qu'aux agriculteurs.» Et, plus loin, on dit: «Nos producteurs contrôlent donc tout le marché et les prix sont décrétés par une régie gouvernementale qui les indexe automatiquement à chaque augmentation des coûts de fabrication.» Et ici, M. le Président, il faut absolument ne pas connaître le fonctionnement de la Régie pour dire que c'est augmenté automatiquement. Et il nous compare, il compare les agriculteurs au monopole d'Hydro-Québec, Bell Canada et Vidéotron. Ça n'a pas de bon sens. Il dit, en parlant des agriculteurs: «Les producteurs de volaille, les producteurs laitiers et les producteurs d'oeufs sont les seuls groupes au pays à profiter de revenus pleinement indexés, même en temps de crise.» Et si on regarde ça, au niveau des producteurs de lait, ils ont obtenu une augmentation des prix, voilà à peine trois semaines, un mois - le temps passe vite - à peine trois semaines, un mois, quand on sait que ça faisait plus de deux ans que les producteurs laitiers n'avaient eu aucune augmentation du prix du lait. Il y avait eu une augmentation qui avait été décrétée au mois de juillet 1991, mais cette augmentation avait été allouée uniquement aux transformateurs et aux détaillants. Les producteurs de lait n'ont eu aucune augmentation de leur revenu en 1991. Et, à partir de ces extraits que je viens de vous lire de l'éditorialiste Jean-Robert Sansfaçon, qui s'en vient nous dire que le prix du lait est indexé pleinement à chaque occasion, c'est absolument ne pas connaître ce que c'est exactement les plans conjoints et toute l'élaboration des coûts de production. Et, bien entendu, M. le Président, c'était dans l'optique de donner raison à la position fédérale, du gouvernement canadien, de défendre plus ou moins nos offices de commercialisation au niveau des négociations du GATT.

Vous savez, à plusieurs reprises, le ministre Pierre Biais, que ce soit à Ottawa, que ce soit à l'étranger, que ce soit au Québec, disait - il a toujours dit - qu'il défendait nos systèmes, nos piliers de l'agriculture québécoise qui sont nos offices de commercialisation, nos assurances agricoles, le financement agricole. Et à la dernière assemblée de la Fédération des producteurs de lait, lui-même est venu dire aux producteurs: Eh bien! Écoutez un peu, je ne suis pas sûr que ça va passer. On continue à vous défendre, mais c'est de moins en moins certain qu'on va avoir gain de cause aux négociations du GATT. Deux jours après ou le lendemain, il est allé à Ottawa, suite à la rencontre qui avait eu lieu avec le président de la Communauté économique européenne, M. Jacques Delors, qui, lui - je ne sais pas quel moyen il a utilisé - est venu dire à Ottawa, devant le premier ministre Mulroney, bien entendu - un petit coup de pouce ou un

petit coup de main entre personnalités, ça ne fait pas tort, comme on dit - il est venu dire que le Canada avait une bonne position, une position défendable et qu'il défendait bien les intérêts de l'agriculture canadienne et de l'agriculture québécoise, pendant que ce même M. Delors... Au mois de février dernier, il y avait un grand article dans le journal Le Devoir où lui-même, M. Delors, mentionnait que «la position du gouvernement canadien aux négociations du GATT était indéfendable, insoutenable. Parce qu'il défendait, il disait, entre autres: On ne peut pas vouloir rouvrir nos marchés et les fermer en même temps. Mais, comme je le disais, M. Mulroney a réussi à lui soutirer ça publiquement et, tout de suite après, le ministre Pierre Biais, qui dit à peu près n'importe quoi, tout de suite est revenu sur sa décision et a dit: On a encore beaucoup d'espoir, c'est fondé et on vous défend. Pourtant, la veille, il était venu dire devant tous les producteurs que les carottes étaient cuites et qu'il fallait déjà penser à d'autres choses.

Ce qui est regrettable, M. le Président, c'est qu'à chaque fois qu'on parle du coût de l'alimentation qui est élevé, à chaque fois qu'on en parle, immédiatement, on accuse le producteur, comme si le producteur agricole était le seul maillon de toute la chaîne du secteur agroalimentaire. À chaque fois qu'un produit quelconque augmente, on dit toujours: C'est la faute du producteur agricole. Et j'aimerais, M. le Président, vous donner juste quelques chiffres. Quand on regarde comment le producteur agricole en bénéficie. L'augmentation des prix des aliments - ici, j'ai un tableau - c'est le prix à la ferme et le prix de détail entre 1980 et 1989, et ça provient de la Banque royale; donc ceux qui veulent vérifier mes chiffres, ce ne sont pas mes chiffres à moi. Et si on regarde le prix de détail du porc, entre 1980 et 1989, a augmenté de 0,39 $, tandis que l'augmentation du prix à la ferme a augmenté de 0,062 $. Et à chaque fois que le porc augmente, on dit toujours que c'est à cause de la production. Le prix du maïs, le prix au détail a augmenté de 94,5 % et le prix à la ferme a diminué de 0,13 % - a diminué, M. le Président. Par contre, le prix au détail a augmenté de 94 %. Au niveau du beurre, le prix au détail a augmenté de 66,13 % tandis qu'à la ferme il a augmenté de 51,33 %. Au niveau du lait, le prix au détail a augmenté de 89,3 %, tandis qu'à la ferme il a augmenté de 44,73 %, à peu près juste la moitié. Au niveau des fromages, le prix au détail a augmenté, entre 1980 et 1989, de 86,4 % et à la ferme, le prix a augmenté pour le producteur de 49,7 %. Et le poulet a augmenté, au prix de détail de 0,727 $ et à la ferme, de 30,9 %. Et après on viendra me dire, M. le Président, que c'est toujours à cause du producteur agricole si les consommateurs, les consommatrices paient trop pour leurs produits. Il faudrait bien comprendre que, avant que le produit arrive sur la table, il a passé à différen- tes étapes, et le producteur, à partir des chiffres que j'ai donnés, est loin d'être le seul à profiter de ces augmentations. (6 h 10)

II y a une autre étude qui a été faite par le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec en 1989. Cette étude a été réalisée... Sur l'achat de 100 $, peu importe la personne qui achète pour 100 $ d'alimentation, il y a 52 $ sur 100 $ qui vont au niveau de la distribution. Ce sont les détaillants grossistes qui prennent 52 $ à chaque fois que vous dépensez 100 $ d'alimentation. Au niveau des fournisseurs d'intrants, il y a à peu près 12 % - 11,92 % - sur les 100 $ qui passent pour compléter ce que les producteurs doivent acheter en engrais chimiques, en alimentation ou en différents produits, comme de la machinerie agricole. Et il y a 25 % qui vont au niveau de la chaîne de transformation. Il y a 6,48 $ au niveau des coûts du producteur, pour lui, uniquement, au niveau de l'exploitation de son entreprise, de son financement. Sur les 100 $ que chaque personne achète pour s'alimenter, il reste exactement 2,36 $ au producteur agricole pour vivre et faire vivre sa famille. 2,36 $, M. le Président, sur 100 $ et à chaque fois on dit toujours que c'est le producteur qui bénéficie largement des augmentations que les consommateurs doivent payer en plus.

Le ministre a parlé tout à l'heure du conflit dans le lait. C'est vrai que ce conflit-là était présent, il est encore présent aujourd'hui. Et il y a des personnes dans le système qui n'aident pas non plus, absolument pas, à régler cette situation-là. Et quand je dis qu'il y a des personnes qui n'aident pas à régler ce conflit-là, il y a, entre autres, un M. Alain Paquet qui est directeur ou président, je ne sais pas, de l'Association des consommateurs du Québec qui, encore dernièrement, donnait une conférence de presse. Ça a passé au Téléjournal de Radio-Canada, entre autres. Et l'image que cet événement a créée, c'est invraisemblable, M. le Président. Ça se résumait ainsi: À cause de la dernière augmentation que la Régie a accordée sur le prix du lait, on voyait un producteur laitier qui arrosait ses champs dans un épandeur, dans un réservoir à purin et, à cause de son surplus de lait, arrosait ses champs. Et on arrivait à la conclusion que si le prix du lait était moins cher à la consommation, les producteurs n'auraient pas besoin de jeter leur lait et, encore une fois, on mettait la faute sur les offices de commercialisation, soit sur les systèmes de quotas.

Je me demande, M. le Président, réellement, qui défend ce monsieur... Ce M. Paquet représente qui, représente quoi? S'il est responsable ou s'il représente l'Association des consommateurs, je me demande quels consommateurs il représente. Parce que, donner une image semblable de l'agriculture, il faut complètement être déconnecté de la réalité et ne pas connaître le

système. J'aimerais ça rencontrer ce M. Paquet sur une tribune quelque part et je pense qu'on se parlerait un peu. Je pense qu'on se parlerait un peu parce que donner une vision, une image de l'agriculture comme il l'a donnée, c'est invraisemblable. Il faudrait se souvenir que dans le passé, pendant qu'il n'y avait pas de système de quotas, il y avait des surplus. Les producteurs, c'est vrai qu'ils produisaient et ils sont encore capables de produire. Mais, il y avait des surplus de beurre et des surplus de fromage que les consommateurs devaient payer par des subventions gouvernementales pour entreposer ces fameuses montagnes de poudre et montagnes de beurre et écouler ça à rabais sur le marché international.

Il ne faut pas avoir pour deux cents de logique de penser comme ce cher M. Paquet de l'Association des consommateurs pour dire à la population que le prix du lait, d'abord, est trop cher, selon lui et que c'est uniquement à cause des producteurs.

J'aimerais ça lui poser la question, puisqu'il semble être contre les offices de commercialisation: Quand est-ce que ce même monsieur de l'Association des consommateurs du Québec se lève pour dénoncer la hausse vertigineuse, souvent, de la salade? Il n'y a pas d'office de commercialisation dans la salade. Ma femme me disait encore dernièrement qu'une pomme de salade était rendue, il y a 15 jours, à 1,69 $. Il y a un mois, elle dit qu'on payait ça trente sous la pomme et, des fois, tu en avais deux pour 0,25 $.

L'Association des consommateurs n'a pas dénoncé ça. Pourtant, il n'y a pas d'office de commercialisation là-dedans. Quand les fruits et légumes, à quel prix on les paie, les fruits et légumes? Il n'y a pas d'office de commercialisation là-dedans. Ça vient d'ailleurs. Ça vient de l'Ontario, ça vient des États-Unis, ça vient d'un peu partout. Pourquoi elle ne dénonce pas ça? Fruits et légumes, les prix, ça varie comme la température, comprends-tu, même plus souvent que la température. Ils ne dénoncent pas ça. Qui il protège, ce M. Paquet là? Qui il représente? L'Association des consommateurs du Québec, ça représente qui, ça? Donc, j'aimerais ça que ce monsieur-là commence à s'informer sur les vraies causes des prix à la consommation et peut-être, j'espère, si au moins il est en mesure de comprendre ça, peut-être qu'il changerait un petit peu son fusil d'épaule.

Et, dans tout le débat du libre-échange, dans tout le débat de négociations du GATT, on a toujours parlé, on a toujours dit: II va falloir, les agriculteurs, que vous soyez plus productifs. Si vous voulez être compétitifs, soyez encore plus productifs parce que nos produits à la consommation chez nous sont plus cher qu'aux États-Unis. Et là, il y a du monde qui s'en vont l'autre bord pour acheter leurs produits sur le marché américain parce que, supposément, c'est bon marché; ils s'en vont à Plattsburgh, entre autres. Et quand on sait qu'il y a des gens de Boston qui montent, eux autres aussi, à Plattsburgh dans leur même pays pour profiter des mêmes avantages. Puis, durant ce temps-là, nos gens s'en vont acheter l'autre bord. Par contre, quand ils reviennent chez nous, ils sont bien contents de profiter de nos systèmes sociaux, par exemple, entre autres. (6 h 20)

Donc, avant de blâmer toujours uniquement les agriculteurs, il faudrait voir aussi qu'il y a une augmentation de la productivité à augmenter au niveau de la transformation et au niveau du détaillant. Il y a énormément à faire à ce niveau-là. Je donne souvent l'exemple: À Prin-ceville, chez moi, il y a une usine, il y a une usine d'abattoir de porcs, une grosse usine d'abattoir. Le salaire moyen, alentour de 18 $ l'heure. Ces gens-là, je suis bien content pour eux autres, 18 $ l'heure; ils ont une bonne convention collective parce que c'est une vieille entreprise. Quand on regarde au niveau américain, le salaire moyen, à peu près, dans les mêmes abattoirs, c'est 8 $ l'heure - 10 $ de moins. Quand des gars comme Paquet chiâlent contre les producteurs, est-ce qu'ils pensent aux travailleurs qui sont là et qui sont des consommateurs? Si on veut être compétitifs pour le prix du porc, entre autres, encore davantage compétitifs - malgré que nous le sommes, mais on veut être encore davantage compétitifs - eux autres aussi vont avoir des questions à se poser; eux autres aussi vont avoir des questions à se poser. On dit, au Québec, que les détaillants grossistes se prennent une marge d'opération sur un produit, je l'ai donnée tout à l'heure, de 52 %; aux États-Unis, on dit que ça varie entre 25 % et 30 %. Là aussi, il y a une marge; il y a une grosse marge à faire, là. On a fait faire une étude, je ne l'ai pas eue, je l'ai fait venir, j'ai hâte de lire ça, comme de quoi, supposément, au niveau de toute la chaîne de distribution, on est très compétitifs avec les Américains et que ce n'est pas eux autres le problème. J'ai bien hâte de voir ça, de lire cette étude-là, dans quel sens elle a été faite.

Donc, tout ça pour vous dire, M. le Président, que je pense qu'il y a des points qui doivent être rétablis et il y a un support qui doit être donné à l'agriculteur, au milieu agricole pour qu'il arrête de se sentir coupable. Il est accusé de tous bords, tous côtés et il n'y a pas assez de personnes qui se lèvent, qui sont capables de prendre les tribunes, qui ont l'avantage de pouvoir parler aux consommateurs, de parler à différents intervenants pour leur démontrer que, Tellement, effectivement, ils sont un maillon important de la chaîne, il n'y a pas uniquement eux qui ont la responsabilité de pouvoir nourrir la société en général.

Les agriculteurs, le secteur agricole a démontré, dans le passé, qu'il était capable de

relever des défis et le secteur agricole a démontré qu'il était capable de diminuer ses coûts de production, d'être compétitif. Ça a été démontré depuis des générations. Juste, entre autres, depuis les 10 dernières années au niveau des producteurs de lait, leur production a augmenté, dans un rapport que je lisais dernièrement, de 49 % dans 10 ans; de 49 % et on vient leur dire: Ce n'est pas encore assez, les petits gars! Vous n'êtes pas productifs. C'est le secteur de toute l'économie qui a augmenté sa productivité d'une façon plus remarquable et on vient encore leur dire: Vous n'êtes pas productifs. Des fois, j'ai l'impression que quand les agriculteurs et les agricultrices se lèvent le matin, qu'ils s'en vont à l'étable pour faire leur train, à peu près à cette heure-ci - ou il y en a que ça fait une heure qui sont partis déjà - qui doivent commencer à se dire: Coudon, ça me «donne-t-u» quelque chose de me lever, moi? Ça a dû leur coûter un peu de regarder dehors, de regarder dans le chemin pour voir s'ils ne seraient pas accusés par quelqu'un.

Donc, je pense que, sur ce point, l'ensemble de la société a des responsabilités envers cette classe, cette importante classe de la société et qu'on doit les soutenir parce que l'agriculture, c'est un secteur important de l'économie québécoise. L'agriculture a passé par toutes sortes de situations, elle a toujours réussi à s'en sortir avec, bien entendu, le support de l'ensemble de la collectivité.

Je reviens, M. le Président, parce que je ne veux pas prendre tout le temps qui m'est réservé pour ce projet de loi, je comprends que ce n'est pas facile, je comprends que les députés, surtout les députés de ville, commencent à avoir leur quota! Je comprends ça, donc je ne veux pas faire un débat. Je vous demande surtout de ne pas vous faire défendre par M. Paquet parce que vous allez être très mal défendus. Mais je vais revenir au projet de loi et si on regarde, M. le Président, entre autres, à l'article 6, on dit que cet article «permettra à la Régie, par règlement, de déterminer des droits, honoraires, frais et dépens applicables aux demandes qui lui sont soumises et aux services qu'elle rend». On sait qu'avant, quelqu'un qui avait affaire à la Régie, c'était sans frais, c'était gratuit et, maintenant, la Régie pourra, par règlement, définir le prix ou le coût d'une telle intervention.

Et je trouve ça difficile, parce que, d'abord, c'est un genre de taxe déguisée. On sait qu'avant, c'est le gouvernement qui finançait tout le fonctionnement de la Régie. Et avec cette loi, maintenant, la Régie devra imposer des frais pour entendre différentes causes. Et je suis loin d'être certain, loin d'être convaincu que, dans certains cas, ça n'empêchera pas le développement du secteur agro-alimentaire. Et je vais donner un exemple, entre autres. Vous allez prendre... Il y a souvent des petits producteurs qui demandent... Il faut qu'ils passent devant la

Régie pour obtenir un permis pour transformer d'une façon artisanale leurs produits, les produits laitiers, entre autres.

On voit souvent des demandes qui sont faites à la Régie pour obtenir un permis. Je ne me souviens pas si on appelle ça un permier fermier ou bien un permis artisanal. En tout cas, il y a souvent des demandes qui sont faites. Comment ça pourra être évalué? À quel coût cela reviendra à un individu, à un particulier, de faire une demande pour obtenir un tel permis? Et je crains, je crains sincèrement, M. le Président, que ça pourra empêcher des producteurs d'obtenir ce permis qui est essentiel pour opérer ou transformer sur place, transformer à la ferme le produit de son entreprise. Et on sait que le gouvernement a cette facilité d'aller chercher dans la poche des citoyens indirectement ce qu'il ne veut pas faire directement. Et on donnait les chiffres. Mes collègues en ont parlé souvent. Juste dans la dernière année, je crois, c'est plus de 1 000 000 000 $ que le gouvernement va chercher des Québécois et des Québécoises d'une façon tout à fait indirecte.

Donc, j'ai beaucoup de réserves sur cet article qui va obliger, par règlement... Parce qu'on ne connaît pas les coûts... On ne connaît pas les coûts qui sont rattachés, mais c'est la Régie qui déterminera par règlement. À l'article 7, encore une fois, le gouvernement veut accorder à certains producteurs... Il veut changer le mode de vote. Mais c'est la Régie qui fera ça par règlement. C'est encore la Régie qui définira les règlements: quel mode, quel genre de référendum sera tenu ou de quelle façon le référendum sera tenu, quel producteur a droit à tant ou tant de votes. Et on dit aussi que l'importance du vote de certains producteurs sera changée. Nous ne connaissons pas les producteurs qui détiendront deux votes. Et la Régie déterminera par règlement les catégories de producteurs qui détiendront deux votes. Donc, c'est encore une fois par règlement, M. le Président, que la Régie va fonctionner.

Le ministre a parlé tout à l'heure des pa-petières qui ne veulent pas ou ne se sentent pas impliquées dans l'application des plans conjoints au niveau de la coupe du bois. Mais, sur ça, je reviendrai en commission parlementaire. (6 h 30)

À l'article 11, cet article est de même nature que l'article 7, mais certains producteurs ont le droit à deux votes lors d'une assemblée de producteurs. La Régie désignera encore par règlement les producteurs qui auront droit à deux votes. Et aussi l'article 7 crée deux statuts de producteurs. Ces statuts ne sont pas définis dans la loi. Cela, selon nous, est inacceptable et dangereux, puisqu'un organisme gouvernemental pourra, par voie de règlement, changer les règles habituelles de la démocratie syndicale. Et je pense que c'est excessivement dangereux, encore une fois, que le gouvernement laisse le pouvoir à

la Régie de décider par règlement ce qu'il adviendra de l'application des catégories de producteurs.

Il y a également à l'article 14 qui dit: «Pour favoriser la restructuration des conditions de production d'un produit agricole, tout office peut, à l'égard du produit visé par le plan qu'il applique, accorder par règlement, une aide financière aux producteurs qui satisfont aux conditions que détermine le règlement.» Les articles 14, 15, 16, 17 et 22, entre autres, ça, c'est des articles qui reviennent, des articles qui étaient dans l'avant-projet de loi qui avait été déposé avant les fêtes dernières, au mois de décembre, pour essayer de régler le conflit du lait. On ramène ce qu'on n'a pas pu faire à cette époque. On n'a pas ramené tout le projet de loi, mais on ramène des articles, dans celui-là, qui vont faire en sorte que la Régie va donner des droits à des offices ou à la Fédération des producteurs de lait de percevoir des sommes d'argent pour être capable de rembourser... pas de rembourser, mais d'appliquer sur une autre catégorie de producteurs pour lesquels ces sommes-là ont été perçues.

Et, au mois de décembre dernier, suite au dépôt de l'avant-projet de loi qui devait, ce projet de loi... l'objectif, c'était de mettre en application le rapport de médiation dont le ministre a parlé tout à l'heure. J'avais écrit au Bâtonnier du Québec, au Barreau pour qu'il me fasse connaître son opinion sur les conséquences d'un tel projet de loi. Et le ministre... D'ailleurs, ça, c'est en date du 20 décembre, et le Barreau avait quand même été assez rapide à faire connaître une réponse sur ce projet de loi. En tout cas, au début de février, le Barreau se permettait d'écrire directement au ministre de l'Agriculture pour lui faire part de toutes les inquiétudes et de la situation qui était, selon lui, à bien des articles, tout à fait abusive au niveau de l'application de cet avant-projet de loi.

Donc, je dis que, présentement, à l'intérieur de la loi 23, le gouvernement ramène en place des articles qui vont faire en sorte, qui vont enlever, supposément, paraît-il, des droits acquis à certaines catégories de producteurs. On sait très bien que tout ce débat-là n'est pas fini. Il va se continuer, et je trouve dangereux que le gouvernement se permette, dans ce projet de loi, de présumer d'une future décision d'un jugement. Parce que c'est certain, le ministre est conscient, tout ce problème-là, ça va finir devant la cour, devant les tribunaux, un jour, c'est évident. Il connaît le groupe de producteurs qui défendent leurs droits et, même s'ils ont perdu en cour une première fois, ce n'était pas sur le fond du dossier qu'ils y allaient, c'était uniquement sur la forme, et sans doute que ces personnes-là vont se reprendre.

J'ai eu, à cet effet-là... le ministre a reçu deux demandes, une de la part du Regroupement provincial pour le maintien des droits des producteurs de lait. En fait, il a fait une demande pour que ces personnes-là soient entendues avant l'étude du projet de loi, pour les raisons que je vous ai énumérées aussi. Et il y a la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec qui, également, a fait une demande au ministre pour être entendue. Elle désire être entendue en commission parlementaire pour faire connaître son opinion sur différents articles de ce projet de loi là, parce qu'eux contestent le fait que, pour régler supposément un problème de producteurs laitiers, le rapport de médiation propose, suggère que ce soit compensé par l'augmentation du prix du lait au litre. On évalue, on présume que le lait pourrait augmenter de 0,01 $ à 0,02 $ par année pour compenser... qui s'appliquerait, c'est-à-dire, aux revenus des producteurs de lait de transformation pour qu'on arrive à un prix égal, d'ici 1996, je crois, pour que les deux laits soient exactement au même prix. Évidemment, la Fédération nationale des associations de consommateurs du Québec conteste cette application-là.

Aussi, en date du 27 mai 1992, on pouvait lire, et ça m'a assez surpris: Le lait est trop cher, selon l'UPA, l'ACEF et la FNACQ, la Fédération nationale, ce que je viens de dire. J'ai été surpris quand j'ai lu ce titre, parce que je me suis dit: Le président de l'Union des producteurs agricoles était membre du comité de médiation avec le directeur de la coopérative, M. Dumais, et le sous-ministre en titre, M. Jacob, qui préconise de rapprocher le prix des deux laits par le biais d'une augmentation du prix du lait à la consommation. Et M. Proulx, en date du 27 mai dernier, disait que le prix du lait est déjà trop cher.

Donc, si le prix du lait est trop cher, comment vont-ils pouvoir justifier devant la Régie une augmentation de 0,01 $ à 0,02 $ pour essayer de régler un problème que, je pense, on ne s'est pas pris de la bonne façon pour le régler. Les gens étaient sans doute de bonne foi, mais on ne s'est pas pris de la bonne façon pour le régler.

Ici, en passant, quand on lit l'article, en toute honnêteté, il faut donner justice aussi à l'article. On parle entre autres que si le prix du lait est trop cher, c'est à cause des fameuses ristournes que les transformateurs sont obligés de donner aux détaillants. Il y a beaucoup de consommateurs qui ne savent pas, puis il y a beaucoup de producteurs aussi qui ne savent pas que les laiteries sont obligées de donner jusqu'à 0,10 $ et 0,16 $ le litre pour se permettre d'avoir un espace dans les chaînes d'alimentation. Et ce 0,14 $, 0,15 $ ou 0,16 $ dont le détaillant profite, il ne diminue pas le lait pour autant. Il I empoche directement dans ses revenus; il additionne ça complètement dans ses revenus, et c'est additionné aux revenus que déjà la Régie des marchés agricoles lui accorde par la formule légale d'augmentation des prix du lait.

Ici, en passant, comment se fait-il, pour ceux qui m'écoutaient tout à l'heure, que ce cher M. Alain Paquet de l'Association des consommateurs du Québec, je ne l'entende pas souvent dénoncer ça? Je ne l'entends pas souvent dénoncer ce système de ristourne là qui est odieux. C'est rare qu'il en parle. C'est pour ça que je vous dis: Qui représente-t-il et qui défend-il? C'est les consommateurs qui sont attaqués directement par cette formule de ristourne ou de marché noir, de paiement en dessous de la table auquel les laiteries sont obligées de se soumettre si elles veulent avoir un espace de tablette pour avoir l'autorisation et la permission d'exposer ou de vendre leurs produits dans une telle chaîne.

Donc, il va y avoir beaucoup de questions évidemment, M. le Président, qu'on va regarder en commission parlementaire pour essayer de voir comment on peut améliorer le projet de loi. Je réitère, au nom de ces deux associations-là, entre autres... Je fais la demande au ministre, avant l'étude article par article, d'entendre, d'écouter ces personnes-là. Ce ne sera pas long. Même si on donnait une heure à chacun des organismes, ils vont nous dire ce qu'ils pensent du projet de loi, et ça pourrait nous aider à mieux bonifier ce projet de loi. J'espère que le ministre aura son ouverture d'esprit habituelle pour répondre positivement à la demande de ces deux groupes-là, qui sont en droit de venir devant les élus de l'Assemblée nationale, qui sont en droit de venir devant leur Assemblée pour faire connaître leur droit ou leur compréhension de ce projet de loi qui aura des conséquences pour les deux groupes, entre autres, qui veulent venir. S'il y en a d'autres qui veulent s'ajouter à ces associations-là, moi, je n'aurai pas d'objection, ça me fera plaisir de les entendre.

Donc, sur ce, M. le Président, on verra après l'étude article par article ce que l'Opposition fera de ce projet mais, pour l'instant, je me garde la troisième lecture pour prendre une position définitive.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Arthabaska, pour votre intervention. Alors, en vertu de votre droit de réplique, M. le ministre de l'Agriculture. (6 h 40)

M. Yvon Picotte (réplique)

M. Picotte: M. le Président, je n'ai pas l'intention de répliquer à tout ce qu'a dit le député d'Arthabaska. J'aurai l'occasion de le faire en commission parlementaire. Je voudrais cependant préciser tout de suite deux points: Je n'ai pas l'intention de recevoir avant la commission parlementaire, ni avant, ni pendant, ni après, les deux associations qui en ont fait la demande. J'ai déjà demandé à un de mes attachés politiques et à M. Prégent, de la Régie, de rencontrer, évidemment, l'Association des consommateurs qui, demain matin, rencontrera M. Prégent et M. Lacoursière. Et ce matin même, à 10 heures, la Fédération des producteurs de lait rencontrera évidemment M. Prégent et M. Lacoursière.

J'offre cependant au député la possibilité d'être présent à cette rencontre-là, s'il le souhaite, ou son recherchiste, pour lui faire rapport. Je lui offre ça. Je pense que je connais déjà, moi, les doléances de ces gens-là, l'Association des consommateurs. Je suis un peu d'accord avec ce qu'a dit le député d'Arthabaska. Le M. Paquet en question, lui aussi trouve évidemment que le lait coûte trop cher. Et ils ont tellement d'autres choses dont ils pourraient discuter et parler, M. le Président, sur les augmentations possibles avec tout ce qui se passe dans notre société.

Je ne pense pas que ce soit en voulant ou en essayant de détruire des plans conjoints ou de gestion de l'offre, comme on le fait, qu'on va se discipliner dans nos domaines. Ce n'est pas là-dessus que des consommateurs pourraient profiter, à un moment donné, d'un désengagement de quelque producteur que ce soit ou de l'abolition de plans conjoints. Je pense bien que les producteurs, à long terme, ne pourraient pas bénéficier de ça. Je n'ai pas l'intention d'écouter ce genre de doléances. Mais évidemment, il y a des gens qui les écouteront. Alors, j'offre évidemment à des collègues de la commission de l'agriculture, et à mon collègue d'Arthabaska, lui-même ou l'un de ses représentants, d'entrer en communication avec les gens de mon bureau. Dès ce matin, 10 heures, il y aura une rencontre avec la Fédération des producteurs, et demain on rencontrera l'Association des consommateurs.

M. le Président, j'espère qu'on pourra étudier le projet de loi article par article dans les meilleurs délais. Je vous donnerai d'autres exemples et d'autres explications que le député d'Arthabaska souhaite avoir, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 23, Loi modifiant la Loi sur la mise en marché des produits agricoles, alimentaires et de la pêche et la Loi sur les produits laitiers et leurs succédanés, est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le ministre...

M. Baril: Sur division.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur division.

M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Picotte: Vous comprendrez, M. le Président, que celui qui vous parle n'est pas familier au rôle de leader adjoint. Sur la recommandation de la talentueuse, et jeune, et jolie Christine... Elle m'a demandé de vous mentionner que je fais motion pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation pour étude détaillée, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation.

M. Picotte: Je vous prierais, M. le Président, d'appeler l'article 20.

Projet de loi 27 Adoption du principe

Le Vice-Président (M. Bissonnet): L'article 20. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation propose l'adoption du principe du projet de loi 27, Loi sur la Société de financement agricole et modifiant d'autres dispositions législatives. M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, je vous cède votre droit de parole.

M. Yvon Picotte

M. Picotte: Merci, M. le Président. Dans une période où l'économie en général, et plus particulièrement l'économie agricole, vit des modifications profondes, alors que des approches traditionnelles ne réussissent plus à soutenir le développement et la prospérité, il devient impérieux de réajuster notre tir, et surtout de se donner des moyens d'intervention souples, avec lesquels il sera possible de faire face à des situations dont les dimensions réelles sont encore inconnues.

Le projet de loi visant à créer la Société de financement agricole s'inscrit dans cette approche. Cette Société, qui succède à l'actuel Office du crédit agricole du Québec, poursuit le mandat assumé par ce dernier depuis 1936. Cependant, le cadre légal et réglementaire en est profondément modifié, permettant ainsi d'atteindre l'objectif souhaité de souplesse et d'adaptation rapide aux multiples défis qui confrontent aujourd'hui le secteur agricole.

Pour bien comprendre toute la portée de ce projet de loi, je crois nécessaire de rappeler ici l'évolution de l'Office du crédit agricole depuis ses débuts. Créé en 1936 pour répondre aux besoins en capitaux des agriculteurs du Québec, alors mal desservis par les organisations en place, l'Office a continué au fil des ans à jouer un rôle toujours plus important en matière de développement des entreprises et du secteur dans son ensemble.

Durant les premiers 25 ans de son existence, le programme de financement de l'Office, basé uniquement sur le prêt hypothécaire à long terme, n'a pas changé. Cette longue période sans heurt correspondait en fait à la stabilité des autres composantes de la société. Cependant, la Révolution tranquille du début des années soixante s'est également manifestée dans le secteur agricole. L'introduction de nouvelles technologies, la spécialisation grandissante des fermes, entre autres, ont amené l'Office à offrir de nouvelles formes de financement.

En 1962, c'était le crédit à moyen terme qui était offert aux agriculteurs et agricultrices, et en 1972, le crédit à la production. Ces deux derniers programmes étaient développés avec la participation des banques et des caisses. L'Office se réservait le rôle de garantir les prêts.

En 1978, M. le Président, des modifications importantes étaient de nouveau apportées au programme québécois Financement agricole, le prêt tandem était institué. On a assisté alors à un partenariat complet entre l'Office du crédit agricole et le secteur privé, c'est-à-dire les banques et les caisses. Par ce système, le problème d'approvisionnement en fonds du Trésor québécois était résolu. Désormais, l'Office continuerait à évaluer des demandes des entreprises agricoles mais, plutôt que de consentir directement des prêts, il garantirait ceux consentis par le secteur privé. On a aussi, à cette époque, augmenté considérablement le plafond des prêts afin de mieux répondre aux besoins des agriculteurs et agricultrices face à une explosion de la valeur de leurs entreprises.

En 1986, M. le Président, une autre étape importante était franchie, celle de l'amendement apporté à la Loi favorisant la mise en valeur des exploitations agricoles. Cette modification a fait passer de 8000 $ à 15 000 $ la subvention de l'établissement des jeunes. En plus de permettre l'établissement de quatre personnes par entreprise, elle reconnaissait la participation de l'épouse comme partenaire à part entière dans l'entreprise agricole.

En 1987, un effort de rationalisation juridique a été réalisé en regroupant, sous une seule loi et un seul règlement, les huit lois et les multiples règlements adoptés depuis 1936. À cette occasion, une orientation importante a été donnée au programme Financement agricole du Québec. Une bonification additionnelle d'intérêt pour les jeunes possédant un certain niveau de formation académique professionnelle a été mise en place. Par ce geste, le gouvernement recon-

naissait toute l'importance des ressources humaines dans le développement d'entreprises capables de relever les défis technologiques et économiques auxquels l'ouverture inéluctable des marchés nous confronte.

Des changements profonds de la structure agricole québécoise, amorcés au cours des années soixante, sont à la base de cette évolution de plus en plus accélérée du contenu des programmes de Financement agricole. Pour bien saisir l'importance de ces changements, il faut se rappeler qu'au début de cette période, l'entreprise agricole québécoise appartenait encore à un modèle unique, principalement laitier, mais avec des activités connexes qui assuraient une diversité et une certaine stabilité des revenus.

En 1971, la valeur moyenne des fermes financées par l'Office était de 39 500 $ et leur passif moyen était de 21 000 $. Le nombre de producteurs laitiers au Québec était, à ce moment-là, de 38 000. Vingt ans après, en 1991 - 20 ans après, ce n'est pas beaucoup, M. le Président - la valeur moyenne des fermes financées par l'Office atteint l'importante somme de 490 000 $, alors que le passif moyen se situe à 235 000 $. Dans les deux cas, c'est plus de 10 fois la valeur de 1971, alors que le taux d'inflation n'a évolué que par un multiple de 4. La valeur réelle des fermes en dollars constants s'est donc multipliée par trois. Pour ce qui est du nombre de producteurs laitiers, ils sont environ aujourd'hui 13 500, soit trois fois moins que 20 ans plus tôt. Ces quelques chiffres auxquels je pourrais ajouter de nombreuses autres données illustrent bien les changements majeurs survenus dans la structure de nos entreprises agricoles. Ces nouvelles entreprises intègrent des techniques toujours plus complexes. Elles appellent aussi des modes de gestion plus raffinés et des marges d'erreur plus étroites. En conséquence, le financement de ces entreprises, tant en termes de développement, d'opération que de transfert, doit dorénavant pouvoir se réaliser à partir de programmes souples et articulés. Ce besoin est d'autant plus vrai que l'évolution des entreprises, sommairement démontrée ici, est loin d'être terminée, et bien malin celui qui pourrait déjà en fixer tous les contours.

Je termine cette brève rétrospective en mentionnant l'intervention que j'ai moi-même pilotée, à mon arrivée, comme ministre responsable du secteur de l'agriculture, à l'automne 1990. De façon non équivoque, nous avons choisi de consolider l'orientation déjà prise en faveur de la formation des personnes. C'est pourquoi, désormais, la subvention à l'établissement est liée à un niveau plus adéquat de formation. Ce virage majeur a connu d'ailleurs, et j'en suis très heureux, un appui complet de la part des représentants des agriculteurs et agricultrices de même que celui de la relève. Une augmentation significative, c'est-à-dire plus de 25 % du nombre d'admissions au programme de gestion et d'exploitation de l'entreprise agricole dans les cégeps du Québec pour l'automne 1992, témoigne bien de la justesse des orientations déjà prises et de ses impacts positifs pour le futur. (6 h 50)

L'Office du crédit agricole a toujours joué un rôle de premier plan dans l'économie du secteur agricole. Avec un en-cours de prêt de 2 000 000 000 $, l'Office finance actuellement un peu plus de 50 % de la dette globale du secteur de la production agricole québécoise. Il y a actuellement 20 000 fermes clientes de l'Office. Chaque année, c'est plus de 4000 nouveaux prêts qui servent au transfert, à l'achat ou à la consolidation des fermes. Des budgets annuels d'environ 120 000 000 $ ont supporté bon an, mal an, les divers programmes d'aide de l'Office du crédit agricole au cours des cinq dernières années.

L'implication majeure de l'Office dans le secteur de la production agricole est largement démontrée. Elle illustre bien le rôle essentiel qu'il a joué et qu'il continue de jouer dans le développement économique du secteur. L'environnement économique actuel est cependant totalement différent de celui qui a prévalu jusqu'au début des années quatre-vingt. Durant les décennies précédentes, malgré des changements à la structure du secteur et à son environnement, tous les programmes d'intervention ont évolué sans modification profonde. Aussi, il n'est pas étonnant de voir que plusieurs institutions en place, dont l'Office du crédit agricole, n'ont pas jugé nécessaire de revoir le cadre réglementaire et leur approche de fonctionnement.

Durant la dernière décennie, cependant, l'environnement économique du secteur agricole a été marqué de changements rapides et profonds. Par exemple, on a connu une instabilité importante des taux d'intérêt. À l'été 1980, le taux préférentiel des banques à charte était de 12,25 %. Un an plus tard, il dépassait largement le cap des 20 % et demeurait à un niveau avoisinant pour une année complète. Passant sous la barre de 10 % en 1987, il frôlait les 15 % au printemps de 1990, pour se situer présentement à 7,75 %. De telles fluctuations ne s'étaient jamais vues durant les décennies antérieures. Le mouvement ascendant de la valeur des terres agricoles, amorcé à la fin des années cinquante, s'est arrêté au début des années quatre-vingt pour * connaître un mouvement inverse qui vient tout juste de se stabiliser. Le milieu rural québécois représente aussi, depuis quelques années, des points de rupture jamais connus.

À l'échelle internationale, M. le Président, des surplus chroniques de production ont entraîné une concurrence ruineuse entre les pays qui ont voulu à la fois protéger leur marché intérieur et augmenter leurs exportations. Les négociations du GATT qui s'achèveront bientôt, je l'espère, risquent de bouleverser totalement, à moyen terme, les règles antérieures du commerce

international et les approches traditionnelles du support à l'agriculture. Il nous faut, dès à présent, réinventer les façons de faire, refaire des choix et relever les défis nombreux d'un avenir désormais plus incertain. Cette nécessité de faire des choix stratégiques m'a d'ailleurs amené à convoquer les divers intervenants du milieu à un sommet sur l'avenir de l'agriculture qui se tiendra du 11 au 13 juin prochain, c'est-à-dire la semaine prochaine, M. le Président.

Malgré les nombreux amendements apportés aux programmes québécois de financement depuis 1936, le cadre légal et réglementaire est demeuré sensiblement le même. Dès le début, et en accord avec la philosophie du temps, on a enchâssé dans la loi et les règlements une multitude de normes administratives décrivant des façons de faire, comme par exemple, des cellules de remboursement... des cédules, excusez, de remboursement, des techniques d'évaluation et autres éléments qui, normalement, se retrouvent dans les politiques administratives internes d'une organisation. Le regroupement des huit lois et des multiples règlements en un seul, réalisé en 1987, n'a pas enlevé cet encadrement rigide des opérations administratives. Bien au contraire, dès l'été 1989, moins d'un an après sa mise en application, une trentaine de modifications devaient être apportées au texte réglementaire pour l'adapter à des pratiques administratives plus rationnelles. Dans un cadre légal plus articulé, ces ajustements auraient pu être faits beaucoup plus rapidement par de simples modifications aux politiques administratives de l'organisme sans qu'il ne soit nécessaire de mettre en branle tout l'appareil gouvernemental.

Malgré ces retouches, le cadre légal actuel demeure extrêmement lourd, et on y retrouve toujours un enchevêtrement d'articles portant sur la mission et les pouvoirs de l'organisme, mêlés aux normes et aux conditions détaillées des programmes à administrer de sorte qu'une modification, même minime, exige encore de faire appel aux instances centrales du gouvernement, avec tous les délais qui y sont reliés.

Le projet de loi actuel propose un cadre où, essentiellement, on retrouve dans la loi la mission et les pouvoirs généraux de l'organisme alors que les termes et conditions des programmes sont regroupés dans des règlements distincts, où le volet financement est complètement séparé du volet aide à l'établissement. Le principal avantage de cette approche articulée, M. le Président, est de permettre, dans un contexte changeant, comme on l'a expliqué précédemment, une adaptation beaucoup plus rapide des programmes en même temps qu'une gestion beaucoup plus simple. De même, si des nouveaux programmes s'avéraient nécessaires pour faire face à des problèmes nouveaux ou à des conjonctures sectorielles difficiles, il serait facile de les adapter sans avoir besoin de changer la loi. Par exemple, des prêts aux syndicats de machinerie, aux agriculteurs et agricultrices à temps partiel seront rendus possibles dans le cadre de cette nouvelle loi.

Dans ce projet, on propose également un nouveau nom pour ce qui a été jusqu'ici un des organismes les plus liés au développement de l'agriculture du Québec. En effet, d'une part, le vocable «office» se réfère davantage à une régie administrative qui fixe des normes et, à cet égard, le cadre légal de l'organisme a, jusqu'à présent, respecté cette orientation. D'autre part, le rôle reconnu de l'Office du crédit agricole en est un fondamentalement de financement et de développement. L'Office est identifié comme l'un des quatre piliers de développement de l'agriculture québécoise, et ce, à juste titre, car depuis plus d'un demi-siècle le financement agricole a été le principal outil de développement du secteur agricole.

Il m'apparaît important d'appeler les choses par leur nom et de donner à cet organisme un vocabulaire plus en accord avec sa mission réelle et les exigences normales de son fonctionnement. C'est pourquoi «Société de financement agricole» devient la nouvelle appellation de cet organisme voué au développement de l'ensemble du secteur bioalimentaire du Québec.

M. le Président, ce projet de loi et les nouveaux règlements qui suivront immédiatement son adoption proposent, à toutes fins pratiques, une reconduction des programmes actuels de financement. Ce n'est qu'après avoir consulté les parties concernées que nous pourrons proposer des changements au programme actuel ou l'ajout de nouveaux programmes. Ainsi, la formule de la garantie totale des prêts et ouverture de crédits par le gouvernement est reconduite. Un niveau de «subventionnement» et les plafonds actuels des prêts sont également maintenus. Il en est de même des aides à l'établissement des jeunes et de la formule très appréciée du partenariat avec les institutions privées de financement, représentées plus particulièrement par les caisses populaires et les banques.

Cependant, le cadre plus général de la loi que je dépose permettra à la nouvelle Société d'utiliser des outils et des approches de financement plus souples et mieux adaptés aux besoins et aux structures des entreprises agricoles modernes. Cette loi permettra aussi d'offrir des choix qui pourront réduire les coûts du financement. J'apporte comme exemple l'obligation actuelle faite à nos emprunteurs d'obtenir leur prêt à un taux fluctuant rattaché directement à celui du taux préférentiel.

Il m'apparaît tout à fait normal que le gestionnaire d'une entreprise agricole ait la possibilité de faire des choix quant à la stabilité du taux de ses emprunts sur une période plus longue. Pour un entrepreneur, ce genre de décision est stratégique pour la rentabilité de son entreprise. Avec la conjoncture actuelle, les bas taux d'intérêt, on peut penser que beaucoup

d'agriculteurs et agricultrices souhaiteraient obtenir des prêts à taux fixe pour des périodes de quelques années, ce qui n'est pas possible présentement.

En résumé, le projet de loi de la Société de financement agricole, en plus du fait qu'il modifie le nom de l'Office du crédit agricole du Québec, propose une transformation complète du cadre légal et réglementaire rigide qui a toujours soutenu les programmes de financement agricole du gouvernement du Québec. Le cadre proposé est similaire à ceux d'autres organismes de développement économique comme la SDI, par exemple, qui ont besoin de s'adapter rapidement à des conjonctures économiques, à des structures d'entreprise et à des outils de financement variés et changeants.

Ce projet de loi correspond également aux engagements que j'ai déjà pris envers les producteurs et productrices agricoles du Québec lors du dernier congrès de l'UPA, en décembre 1991, à l'effet qu'aucune modification importante au contenu des programmes agricoles du gouvernement du Québec ne serait faite sans consultation préalable des organismes. Or, un sommet regroupant tous les partenaires du bioalimentaire est prévu pour le mois de juin, je l'ai mentionné tantôt. C'est après cet événement et selon les choix qui seront faits que des changements plus substantiels aux programmes actuels pourraient être envisagés. Nous aurons alors un véhicule moderne pour les mettre en place et ainsi répondre adéquatement aux besoins changeants de l'agriculture et des producteurs et productrices agricoles au Québec, M. le Président. Merci.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Sur ce projet de loi 27, je reconnais M. le député d'Arthabaska. M. le député d'Ar-thabaska, vous avez la parole. Nous vous écoutons.

M. Jacques Baril

M. Baril: Oui, M. le Président. J'ai une heure?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Monsieur, question de directive, vous avez, en tant que porte-parole, une heure. C'est effectif.

M. Baril: Bon! Merci bien, M. le Président. En prenant connaissance de ce projet de loi, j'ai été un peu en arrière et je me suis référé au 17 novembre 1987, et je pouvais lire, ce qui m'a étonné... Le ministre de l'agriculture de l'époque, M. Michel Pagé, avait modifié la Loi sur le financement agricole, à l'automne 1987, et M. Pagé commençait son discours en disant: «Mme la Présidente, c'est avec beaucoup de fierté...» Probablement qu'il s'adressait à la députée de Bellechasse, qui était vice-présidente. «Le lieutenant-gouverneur a pris connaissance...» Ce n'est pas ça. «C'est avec beaucoup de fierté que j'aborde, en Chambre, au moment de la deuxième lecture, ce projet de loi qui vient proposer une réforme majeure, une refonte du régime québécois de financement agricole. On peut convenir sans prétention qu'on s'apprête, par l'adoption de ce projet de loi, à écrire une page très importante et susceptible de marquer l'histoire de l'agriculture au Québec et son développement.» (7 heures)

Ça ne fait même pas cinq ans, ça. Et si on regarde de quelle façon le ministre a marqué l'agriculture québécoise, avec son projet de loi... Je vous ai donné des chiffres, tout à l'heure dans le projet de loi précédent et, durant la même période, ça a occasionné une chute de revenus de 21 % au niveau de agriculteurs, avec une chute des investissements de 41 % et une perte des emplois de 29 %.

Donc, ce qui devait être un chapitre, une page majeure du développement de l'agriculture québécoise, aujourd'hui on déchire cette page d'histoire pour nous en ramener une autre. Ce projet de loi 27 institue la Société de financement agricole, qui remplace l'Office du crédit agricole du Québec. Je ne ferai pas de plat, de drame sur le changement de nom de l'Office; que ça s'appelle l'Office ou une société, en autant que cet organisme pourrait atteindre ou voudrait garder les mêmes objectifs qu'il avait dans le passé, je m'en réjouirais. Par contre, M. le Président, il y a d'autres choses qui m'inquiètent beaucoup plus que le changement de nom de cette société.

Le projet de loi 27, qui contient 52 articles, remplace une loi de 160 articles et actuellement les modalités, les conditions d'octroi de l'aide financière sont inscrites dans la Loi sur le financement agricole. Mentionnons les opérations de crédit, prêts ouverture de crédit, prêts spéciaux, la contribution au paiement de l'intérêt, la réduction du taux d'intérêt et la subvention pour rétablissement des jeunes agriculteurs. Mais, pour les changer, le gouvernement doit modifier la loi et ainsi passer par l'Assemblée nationale. Tous les programmes que l'Office administre présentement sont inscrits dans la loi et, pour en modifier l'application ou modifier des programmes, le gouvernement est obligé de passer par cette Chambre, ici, pour le faire; d'abord, pour que les députés en prennent connaissance, c'est ce qui devrait être fondamental et, par la suite, pour donner la chance aussi à ceux et celles qui veulent se faire entendre sur certaines modifications.

Le projet de loi 27 enlève toute cette procédure puisque les programmes seront établis par règlement par le gouvernement. L'article 14 stipule: «pour la réalisation de son objet la Société accorde une aide financière dans le cadre des programmes établis par règlements du gouvernement.» Tout à l'heure, sur l'autre loi précédente, on donnait à la Régie des marchés

agricoles, à peu près tous les pouvoirs de réglementation ou on se donnait des pouvoirs de fonctionnement par règlement. Ça, M. le Président, je trouve que ce n'est absolument pas acceptable dans notre système parlementaire, c'est absolument injustifiable. Je suis certain que mes collègues qui sont ici présents aiment ça discuter et aiment ça entendre parler des lois, comprenez-vous. C'est notre rôle en tant que parlementaires d'abord de décider.

J'ai été moi-même, évidemment, du côté gouvernemental et j'aimais ça quand on discutait des lois et ça nous permettait, au moins, d'avoir notre mot à dire, de faire connaître nos impressions. Tandis qu'un décret ou un règlement, c'est accepté par le Conseil des ministres, tu n'entends jamais parler de ça, tu passes ça dans la Gazette officielle du Québec. La Gazette officielle du Québec, pour ceux et celles qui ont lu ça ou qui n'ont jamais lu ça, je dois vous dire que ce n'est rien d'intéressant et que ce n'est rien de motivant. Tu n'amènes pas ça pour lire en vacances.

Donc, le gouvernement enlève ce droit aux parlementaires, ce privilège qui est accordé aux parlementaires de vérifier ou de modifier différentes mesures par le biais de cette Assemblée. On voit que le pouvoir législatif perd des prérogatives énormes au profit du pouvoir exécutif.

Pour cette raison, entre autres, nous allons voter contre ce projet de loi parce qu'on est élus pour faire des lois et puisque les règlements, on ne voit absolument rien des règlements qui sont acceptés par le pouvoir exécutif, qui est le Conseil des ministres.

M. le Président, je dois vous dire que c'est tellement vrai ce que j'avance là que dernièrement, au mois d'avril, dans un journal qui est fourni par les syndicats de gestion à leurs membres des syndicats de gestion, on pouvait lire, ici, en ce qui touchait à l'Office du crédit agricole: «Des modifications à l'admissibilité». On dit: L'Office du crédit agricole, depuis quelque temps, resserre de façon importante l'accès au crédit pour l'ensemble des agriculteurs. On sait que l'Office du crédit agricole a été créé, je pense, il y a 36 ans, comme le ministre disait tout à l'heure, pour pallier à un manque ou à un besoin d'argent qui, souvent, est conjoncturel de la part des agriculteurs. Et, souvent, l'entreprise privée, les institutions financières privées, pour différentes raisons dans le passé, ne voulaient pas prêter aux agriculteurs et aux agricultrices. Et l'Office a été, justement, pour pallier à cet effet négatif de la part de l'entreprise privée.

Aujourd'hui, je dois vous dire, M. le Président, que c'est un peu l'inverse parce que l'entreprise privée, les institutions financières privées, que ce soient les caisses ou les banques, sont beaucoup plus ouvertes au support à l'agriculture que le gouvernement actuel ou l'Office du crédit agricole, et c'est ce que mentionnait ici le conseiller en gestion de ce syndicat de gestion. On disait: Maintenant, l'Office ne finance l'achat de quotas pour récupérer la coupure que sur une durée de trois ans.

Et, tout à l'heure, on parlait de coupures de quotas de lait. Juste pour l'information de ceux qui ont bien l'amabilité de m'écouter, une ferme moyenne au Québec, à cause des coupures de lait qui sont occasionnées à cause de la baisse de consommation, ça coûte à un producteur de lait moyen entre 20 000 $ et 25 000 $ qu'il doit racheter du quota, juste pour maintenir son revenu de l'année dernière. Il n'a pas fait un cent de plus là, mais ça coûte entre 20 000 $ et 25 000 $ par année, depuis quelques années, au-dessus de 12 % de coupures depuis un certain temps; il y en a une autre au moins de 5 % qui s'en vient pour le mois d'août, on parle même de 7 %. Donc, ça coûte entre 20 000 $ et 25 000 $ juste pour maintenir son revenu de l'année précédente.

Si on regarde l'Office du crédit agricole, il prête seulement pour une durée de trois ans. Ça a comme conséquence qu'il y a bien des producteurs qui, juste avec un financement sur trois ans, ne sont pas capables de le rembourser; donc, l'Office dit: Tu n'es pas capable de rembourser, tu deviens une ferme pas rentable; on ne te prête pas. Donc, actuellement, dans la période qu'on vit, tu as seulement les grosses fermes qui sont en bonne situation financière qui peuvent acheter du quota pour maintenir leurs revenus de l'année précédente et, surtout, ça affecte les jeunes qui viennent de s'établir et dont la marge financière est moins élevée que les autres, bien entendu.

Donc, le système actuellement profite à grossir ceux qui sont plus gros et à faire diminuer ceux qui, eux, devraient grossir pour être là encore demain. L'Office finance l'achat des quotas pour l'expansion sur une durée maximale de cinq ans. Quand tu achètes du quota, pas pour maintenir ton revenu, quand tu achètes pour te développer, il te finance pour cinq ans. Il est maintenant impossible de refinancer des comptes à payer, et ça, l'Office du crédit agricole, son rôle premier est justement de pallier à un besoin, à une situation conjoncturelle et, actuellement, l'Office ne remplit pas ce rôle-là.

Lors de l'établissement, la durée maximum d'un prêt d'établissement a été ramenée à 15 ou 16 ans et, M. le Président, en plus de ça, dans l'amendement qui a été fait, dans la modification qui avait été faite en 1987, l'Office du crédit agricole avait changé aussi sa méthode de calcul et il incluait, dans les dépenses courantes, l'amortissement des bâtisses et de la machinerie. Et c'est le seul secteur économique où une institution financière ajoute la dépréciation des équipements et des bâtisses sur une dépense annuelle. Et ça arrivait très couramment que ça occasionnait le fait... Ça occasionnait très

souvent que la ferme devenait automatiquement pas rentable. Et, si on regarde les grosses compagnies qui, à chaque année, diminuent, enlèvent, soustraient pour fins d'impôt l'amortissement de leurs bâtisses puis elle ne mettent pas plus l'argent en banque pour autant, et, quand tu arrives au bout de 15 ou 20 ans, le gouvernement est obligé de subventionner pour les moderniser, ces entreprises-là. Mais la classe agricole, l'Office a appliqué une politique qui ne s'applique pas ailleurs. (7 h 10)

Lors de l'établissement du conjoint, il est dorénavant impossible d'effectuer un refinancement. Lors d'un transfert d'une société ou d'un particulier à une compagnie, il est maintenant impossible de transférer les prêts effectués avant si on ne transfère pas les fonds de terre à la compagnie.

Ici, M. le Président, je pourrais donner plusieurs... Je pourrais prendre le temps de vous expliquer ça plus à fond, et je suis certain que ça informerait de mes collègues qui sont présentement présents et ça les informerait surtout... Je vois qu'il y a beaucoup de députés de villes, de milieu urbain, et ça les informerait davantage sur les difficultés qu'un agriculteur, une agricultrice peut vivre maintenant dans les campagnes avec toutes les complications. Mais je les invite à venir en commission parlementaire parce que, moi, vous savez... Il est rendu 7 h 10, la journée commence, mais là, ça fait deux jours qu'on n'a pas arrêté. Ça fait que je vais avoir pitié de vous autres et je vais essayer d'avoir pitié de moi-même.

Comme vous pouvez le constater, ce sont des changements importants qui, comme toujours le conseiller en gestion disait, peu à peu affecteront chacun d'entre vous et, de plus, l'Office du crédit agricole a pu effectuer tous ces changements d'interprétation sans changer la loi ni les règlements. Eux autres le spécifient. Pourtant, tout était bien défini dans la loi, ce que l'Office doit faire ou ne doit pas faire. Maintenant, avec la loi 27, l'Office pourra, en n'importe quel temps, parce que c'est lui qui définira par règlement quel... Il administrera ce que le gouvernement lui donnera par règlement, et il me semble, ici, que c'est grandement le temps. Il invitait les agriculteurs, les agricultrices. Il est grandement le temps, comme producteurs, de vous mobiliser contre ces nombreuses modifications sinon, à moyen terme, cela va résulter en la disparition de l'accès au crédit agricole subventionné.

Donc, vous pouvez voir, M. le Président, ce n'est pas uniquement le député d'Arthabaska qui a des réserves sur le projet de loi, et cette information-là avait été transmise aux producteurs bien avant que le projet de loi dont on discute actuellement ait été déposé.

Si on regarde, M. le Président, le Parti libéral lorsqu'il était dans l'Opposition, et comme je m'en souviens, critiquait le gouvernement du Parti québécois de faire trop de règlements, et affirmait que des gens étaient perdus dans la réglementation. Je me souviens quand ce gouvernement-là a pris le pouvoir et, en 1985, il avait fait toute une campagne électorale à l'effet de dire: On va déréglementer, et ils ont formé des comités de déréglementation parce qu'ils avaient, à un moment donné, publicise je ne me souviens plus combien il y avait de milliers et de milliers de pages de règlements au Québec et que l'ensemble des citoyens ne s'y retrouvait plus. Bien, c'est toujours... L'histoire se répète. Ce gouvernement, actuellement, il y a deux projets de loi de suite qu'on vient de discuter, et tout va se faire par règlement.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet):...

M. Baril: M. le Président, vous savez, il ne faut pas être méchant, et je vais réfléchir profondément à ce que je dis, mais vous ne devriez pas applaudir comme vous faites là, parce que le projet de loi qu'on est en train de passer la, ça brime vos droits de parlementaires, messieurs et mesdames, et vous devriez davantage vous lever chacun votre tour et prendre au moins vos 20 minutes pour dénoncer votre gouvernement...

Des voix: Ah!

M. Baril: ...sur l'attitude qu'il utilise présentement par ce projet de loi de vous enlever, à vous autres, des droits de parlementaires qui vous sont dévolus, et c'est un privilège en tant que parlementaires que vous avez de discuter des lois, de les étudier et d'essayer de les modifier. Et ces droits-là, on vous les enlève par le biais de ce projet de loi, et vous serez les premiers tout à l'heure à le regretter et à en payer des coûts.

La situation de l'agriculture, M. le Président, a tellement perdu de son intérêt au niveau de la relève agricole, au niveau des jeunes, que le nombre d'établissements de jeunes en agriculture est passé de 2465, en 1988, à 1895, en 1989, et à seulement 1593, en 1990, soit une baisse de 35 % en deux ans seulement. Et ce n'est pas par des mesures comme on fait présentement qu'on va davantage encourager la relève à s'établir sur les fermes.

Ainsi, dans ce projet de loi, puisque le ministre se donne le pouvoir d'aller récupérer des sommes d'argent ou des subventions qui auraient... de l'aide financière qui aurait été accordée aux agriculteurs, se donne le moyen d'aller récupérer si ces sommes d'argent là n'ont pas été dépensées pour les fins auxquelles elles avaient été accordées. Et on se souvient que le ministre avait échelonné, ou étalé sur trois ans

la prime à l'établissement, parce que, justement, paraît-il qu'il y avait des jeunes qui se sauvaient avec cette prime à l'établissement, qui avaient investi sur d'autres choses.

Je demande au ministre, est-ce que le ministre va maintenant rétablir le versement de la prime à l'établissement dans un seul versement puisque là il se donne... La raison pourquoi il l'échelonnait sur trois ans, c'était parce qu'il voulait se donner le moyen de voir un peu ce que les jeunes faisaient avec leurs primes, pour ne pas qu'ils partent comme je l'ai déjà dit avec le silo, ou bien un bout de drain, ou bien un bout de grange, qu'ils ont investies, dans leur poche d'en arrière. Parce que c'est un peu ça que le ministre pensait qu'ils faisaient.

Donc, puisqu'il avait étalé ça sur trois ans pour prévenir des pertes potentielles au niveau des deniers publics, comme il disait, est-ce que le ministre va rétablir le versement de la prime à l'établissement dans un seul versement?

Je vais, M. le Président, d'abord, je vais vous faire plaisir à vous, et sans doute à mes collègues, mais je les invite fermement à étudier ce projet de loi. Je les invite à venir en commission parlementaire pour essayer de faire comprendre au ministre que le rôle premier du député, c'est de voter des lois, et non des règlements. Et le fait que le gouvernement, encore une fois, va tout chambarder et puis tout va se passer par réglementation, qu'on n'aura rien à voir là-dedans, je vous invite, mesdames et messieurs, je réitère mon invitation, je vous invite à venir en commission parlementaire pour questionner le ministre et pour lui demander, d'abord, qu'il nous les dépose. Est-ce que les règlements sont prêts? Qu'il nous dépose les règlements. Au moins, il me semble que ça serait fondamental de connaître au moins les règlements avant de discuter, ou avant d'adopter cette loi-là. Il me semble que ça serait fondamental. Ça serait notre rôle, dans notre système démocratique, dans notre système parlementaire, de connaître les règlements avant de discuter de la loi. Parce que, après qu'elle sera votée, on n'aura plus rien à voir dans le fonctionnement de cette nouvelle société de financement agricole. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet):...meci, m. le député d'arthabaska. alors, m. le ministre de l'agriculture, en vertu de votre droit de réplique.

M. Yvon Picotte (réplique)

M. Picotte: Merci, M. le Président. Ça sera bref, M. le Président, parce que j'ai l'intention de répliquer à plusieurs points à mon collègue au début de l'étude article par article de notre commission parlementaire. Mais, ça ne me surprend pas, évidemment, la réaction de mon collègue, pour une raison bien simple: c'est une loi-cadre, M. le Président. Et toute loi-cadre amène toujours ce même genre de discussions entre nous, qui fait en sorte que quand on fait une loi-cadre, M. le Président, bien sûr, on donne des pouvoirs réglementaires.

Et quand j'entendais le député tantôt dire, bien, on multiplie les règlements, M. le Président, je pense que c'est le contraire. Le fait de se donner une loi-cadre va éliminer pas mal de règlements parce qu'on a 140 quelques sortes de règlements à l'Office du crédit agricole. C'est beaucoup trop, et ce qu'on ne peut pas suivre, M. le Président.

Maintenant, il ne faut pas non plus... Faut faire attention, pour ne pas induire les gens en erreur en disant: Les règlements, il n'y a personne qui peut voir ça, M. le Président. Les règlements, là, on les fait voir, et, moi, de plus en plus, depuis que je suis ministre de l'Agriculture, M. le Président, les endroits où je le fais de temps en temps, faire voir les règlements, en plus de la Gazette officielle du Québec, je le fais voir dans la Terre de chez nous qui rentre dans tous les foyers d'agriculteurs. Et, j'ai trouvé cette méthode-là, et Dieu sait qu'il y a des gens qui m'en ont félicité parce que ça arrive directement aux agriculteurs. Donc, il y a des moyens qu'on peut se donner, M. le Président, mais ça prend quatre mois. Je pense bien qu'il y a des gens qui peuvent vérifier ça. Mais, de toute façon, ça peut être, bien sûr, une façon différente de le voir. Je ne nie pas ça, puis je ne contesterai pas ça au député d'Arthabaska. Mais je pense que ça va nous rendre beaucoup plus efficaces, beaucoup plus rapides, et ça va donner un meilleur rendement.

Et, je dois vous dire d'ailleurs qu'on a consulté, à quelques reprises, et non seulement à quelques reprises, mais on a fait en sorte aussi de discuter avec le comité de financement de l'UPA, des gens qui sont très aguerris à ça. Et le président de l'Office du crédit agricole parlait encore ce matin à M. D'Amours à cet effet-là, et je pense que c'est très bien reçu, même à l'intérieur de ça, pour améliorer la situation.

M. le Président, j'avais omis aussi de vous dire, et je termine par ça, que le lieutenant, l'honorable lieutenant-gouverneur avait pris connaissance de ce projet de loi, et il en recommande l'étude à l'Assemblée. Alors, voilà, M. le Président, pour la réplique. (7 h 20)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion de M. le ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation proposant l'adoption du principe du projet de loi 27 est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté, M. le ministre de l'Agriculture.

M. Picotte: Je réitère les mêmes qualificatifs que j'ai employés tantôt.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Un instant! Adopté sur division. M. le ministre de l'Agriculture.

Renvoi à la commission de l'agriculture, des pêcheries et de l'alimentation

M. Picotte: Je réitère les mêmes qualificatifs que j'ai apportés tantôt au sujet de celles qui nous aident à nous faire nos travaux pour vous dire que je fais motion pour que ledit projet de loi soit déféré à la commission de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation pour étude détaillée, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

M. Picotte: M. le Président, rendu à cette heure-là, je voudrais souhaiter une bonne fin de soirée à nos collègues et je fais motion pour que nos travaux soient ajournés à jeudi, 4 juin 1992, à 10 heures. Bonne fin de soirée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté. Alors, les travaux de cette Assemblée sont ajournés à ce matin, 10 heures.

(Fin de la séance à 7 h 21)

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