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(Dix heures huit minutes)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir
quelques instants. Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Nous allons procéder aux affaires courantes. Il n'y a pas de
déclarations ministérielles. Présentation de projets de
loi. Dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions. Mme la
députée de...
Dépôt de rapports de commissions Mme Hovington:
Matane.
Le Président: ...Matane et vice-présidente de la
commission de l'éducation.
Étude détaillée du projet de loi
17
Mme Hovington: Merci, M. le Président. M. le
Président, j'ai l'honneur de déposer le rapport de la commission
de l'éducation qui a siégé les 4 et 10 juin 1992 afin de
procéder à l'étude détaillée du projet de
loi 17, Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique. Le projet de loi a
été adopté avec amendements.
Le Président: Votre rapport est déposé. Je
vais demander l'attention de tous les collègues, s'il vous
plaît.
Maintenant, au niveau du dépôt de pétitions, M. le
député de Shefford.
Dépôt de pétitions
Tenir des audiences publiques sur le projet
d'agrandissement du site d'enfouissement
de Sainte-Anne-de-la-Rochelle
M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je
dépose l'extrait d'une pétition adressée à
l'Assemblée nationale par 780 pétitionnaires, citoyennes et
citoyens des comtés de Shefford, Brome-Missisquoi et Johnson.
Les faits invoqués sont les suivants: «Considérant
que le site d'enfouissement de Sainte-Anne-de-la-Rochelle a fait une demande
d'agrandissement pour l'importation massive de déchets;
«Considérant que deux ruisseaux traversent le site
d'enfouissement, l'un tributaire de la rivière Saint-François,
l'autre de la rivière Yamaska Nord; «Considérant que ce
site d'enfouissement, dans sa partie ouest, est contigu à une zone
d'habitation mixte, c'est-à-dire résidentielle, commerciale et
agro-touristique, de la municipalité de Saint-Joachim-de-Shefford
n'étant desservie par aucun service d'aqueduc, qu'il est situé
à 3 km de la prise d'eau potable de Warden, dans le bassin versant du
parc de la Yamaska et du réservoir Choinière près du
complexe touristique de Bromont, et à 4 km de la rivière Yamaska
Nord; «Considérant que l'importation d'une telle masse de
déchets laisse planer des doutes sérieux quant à la
qualité de l'eau de la région ainsi que sa valeur agricole et son
attrait touristique; «Considérant l'opposition des conseils
municipaux de Bonsecours, canton de Shefford, Law-renceville, Maricourt, MRC de
la Haute-Yamaska, Racine, Saint-André-d'Acton,
Saint-Étienne-de-Bolton, Saint-Joachim-de-Shefford, Stukely-Sud, Warden
et Waterloo à ce projet; «Considérant l'opposition de
milliers de citoyens à cet agrandissement;»
L'intervention réclamée se résume ainsi:
«Nous, soussignés, demandons à l'Assemblée nationale
d'intervenir auprès du ministre de l'Environnement afin qu'il y ait la
tenue d'audiences publiques sur le projet d'agrandissement du site
d'enfouissement de Saint-Anne-de-la-Rochelle et qu'un moratoire soit
décrété sur l'ensemble des demandes d'agrandissement de
sites d'enfouissement et d'ouverture de nouveaux sites d'enfouissement de la
région.»
Je certifie que cet extrait est conforme au règlement et à
l'original de la pétition. (10 h 10)
Le Président: Votre pétition est
déposée. Maintenant, M. le député de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue.
Surseoir au projet de relocalisation
de l'Hôtel-Dieu de Montréal dans
le
quartier Rivière-des-Prairies
M. Trudel: M. le Président, je dépose l'extrait
d'une pétition adressée à l'Assemblée nationale par
2038 pétitionnaires, citoyens et citoyennes de Montréal.
Les faits invoqués sont les suivants: «Attendu que M.
Marc-Yvan Côté, ministre de la Santé et des Services
sociaux, a publiquement annoncé récemment au conseil
d'administration de l'Hôtel-Dieu de Montréal qu'afin de doter la
région nord-est de Montréal d'un hôpital il favoriserait la
relocalisation de l'Hôtel-Dieu de Montréal dans le quartier
Rivière-des-Prairies, alors que les immeubles actuels seraient convertis
en 90 lits de soins de longue durée pour les personnes
âgées, en condominiums et en bureaux; «Attendu que
l'Hôtel-Dieu, dont la fondation par Jeanne Mance remonte aux
débuts de Ville-
Marie, a grandi avec Montréal et demeure une institution
implantée au coeur de Montréal qui dispense, encore aujourd'hui,
des soins de haute qualité à un nombre considérable
d'usagères et d'usagers; «Attendu que, selon des sources bien
informées, les responsables du ministère, afin de
privilégier la relocalisation de l'Hôtel-Dieu, auraient
cavalièrement écarté d'autres projets qui auraient
l'avantage de maintenir l'hôpital où il se trouve
présentement; «Attendu que le débat sur les besoins de
santé de la région de Montréal n'a pas été
fait avec les bénéficiaires, la population et les groupes
syndicaux qui oeuvrent en santé; «Attendu que l'ensemble des
intervenants conviennent qu'il existe un besoin en soins de santé pour
le nord-est de Montréal et que les sommes de 350 000 000 $
annoncées par le ministre pourraient servir à la
rénovation des locaux actuels de l'Hôtel-Dieu tout en comblant les
besoins de santé de la population du nord-est de
Montréal;»
L'intervention réclamée se résume ainsi, M. le
Président: «II est résolu de demander à
l'Assemblée nationale de signifier au ministre de la Santé et des
Services sociaux et aux autres instances du gouvernement Bourassa, ainsi
qu'à celles des villes intéressées, notre vive opposition
au projet de relocaliser l'Hôtel-Dieu actuellement situé coin
Saint-Urbain et avenue des Pins, à Montréal, et, finalement,
d'inviter fortement le ministre de la Santé et des Services sociaux
à surseoir audit projet et à accorder aux citoyens et citoyennes
concernés l'occasion d'examiner objectivement le dossier et de proposer
des solutions alternatives.»
Je certifie que cet extrait est conforme à notre règlement
et à l'original de la pétition.
Le Président: Votre pétition est
déposée.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
Nous allons donc procéder à la période de questions
et réponses orales. Je reconnais, en première question
principale, M. le chef de l'Opposition.
Questions et réponses orales Définition
de la souveraineté
M. Parizeau: M. le Président, la loi 150 que le
gouvernement a fait voter dit, à l'article 1: «Le gouvernement du
Québec tient un référendum sur la souveraineté du
Québec entre le 8 juin et le 22 juin 1992 ou entre le 12 octobre et le
26 octobre 1992. «Le résultat du référendum a pour
effet, s'il est favorable à la souveraineté, de proposer que le
Québec acquière le statut d'État souverain un an, jour
pour jour, à compter de la date de sa tenue», c'est-à-dire
au plus tard le 26 octobre 1993.
La souveraineté du Québec est définie, à
l'article 3 de la loi, comme la capacité exclusive du Québec par
ses institutions démocratiques de faire ses lois, de prélever ses
impôts sur son territoire et d'agir sur la scène internationale
pour conclure toute forme d'accord ou de traité avec d'autres
États indépendants et participer à diverses organisations
internationales.
Cette définition, M. le Président, c'est celle non
seulement de la loi 150, c'est celle de la commission Bélanger-Campeau.
Elle existe dans le programme du Parti québécois depuis plusieurs
années. Est-ce que le premier ministre reconnaît que partisans ou
adversaires de la souveraineté du Québec la définissent,
au fond, exactement de la même façon? Est-ce que le premier
ministre reconnaît que, s'il y a une chose sur laquelle on s'entend entre
Québécois, c'est sur la définition de la
souveraineté?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Encore la Constitution, mais disons que ce matin il
y a une approche un peu différente. Sur le concept de la
souveraineté, toutes les discussions qu'on peut avoir sur la
souveraineté à l'ancienne ou sur la souveraineté de
l'avenir et sur la souveraineté partagée - c'est un peu le sens
ou les interrogations du chef de l'Opposition - il a donné une
définition classique, de manuel, théorique, je veux dire, qui a
été reprise dans le texte de loi. C'est évident, c'est la
souveraineté traditionnelle, classique. Mais, M. le Président, il
est bien dit dans les préambules de la loi 150 ou dans les
considérants... Et le chef de l'Opposition a déjà dit
qu'il avait voté contre la loi à cause des considérants.
S'il a voté contre la loi à cause des considérants, c'est
donc qu'il considère qu'ils ont une certaine valeur. Il est écrit
dans ces considérants que le gouvernement garde son droit d'initiative
et qu'il doit dans ses décisions tenir compte des intérêts
supérieurs du Québec, comme je le dis très souvent.
J'ai toujours soutenu que le Québec ayant le droit à
l'autodétermination... Le chef de l'Opposition ne peut pas contester
cette affirmation. On l'a eu en 1980, ce droit; on l'a exercé, ce droit
à l'autodétermination, on a décidé de rester
à l'intérieur de la Fédération canadienne. Donc,
dans ce contexte-là, on peut travailler sur des formules de
fédéralisme renouvelé ou de souveraineté
partagée qui se trouvent à permettre de bâtir le
Québec sans détruire le Canada.
Le Président: En question complémentaire.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que la
définition de la souveraineté, telle qu'elle apparaît dans
la loi que le premier ministre a
fait voter en cette Chambre... Cette définition de la
souveraineté non seulement est celle de tous les Québécois
à l'heure actuelle, mais correspond exactement à la
définition de la souveraineté dont le Secrétaire
général des Nations unies disait à Montréal,
récemment, qu'elle s'applique déjà à 175 pays,
bientôt probablement à 200. Est-ce que le premier ministre
reconnaît qu'au fond cette définition de la souveraineté,
sur laquelle nous nous entendons tous, n'est pas la formule du passé,
autrement je suis certain qu'il ne l'aurait pas présentée dans
son projet de loi, que c'est la formule de l'avenir?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, il n'y a pas 175 pays qui
ont demandé leur admission aux Nations unies ou qui font partie des
Nations unies. Il y en a 178. Oui, mais...
Une voix:...
M. Bourassa: Oui, bien, justement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: Et, M. le Président, les trois derniers qui
ont été admis aux Nations unies, c'est la Croatie, la
Slovénie et la Bosnie-Herzégovine. Je ne sais pas si on veut
prendre ces pays...
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Bourassa: Si on veut prendre...
Le Président: S'il vous plaît! Alors, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je ne sais pas si on veut
prendre ces pays comme référence du côté de
l'Opposition. Alors, je dis au chef de l'Opposition qu'on peut avoir un
débat... Il sait lui-même l'origine du mot
«souverain», «souveraineté». On sait que
ça origine au XVIe siècle, du temps des rois, les souverains, la
souveraineté, pouvoir absolu de la monarchie. Ça, c'est l'origine
du mot «souverain» au XVIe siècle ou au XVIIe
siècle.
Je dis que, de ce côté-ci de la Chambre et notamment pour
celui qui vous parle, nous cherchons des formules qui tiennent compte des
nouvelles tendances sur le plan international, du développement des
forces centrifuges sur le plan socioculturel, donc essayer de garder cette
identité nationale, en même temps que du développement des
forces centripètes sur le plan économique. Donc, nous voulons
rassembler sur le plan économique en gardant l'identité
nationale, avoir un fédéralisme, ou un
néo-fédéralisme, ou une souveraineté
partagée sui generis, tenant compte...
Des voix: Oh!
Le Président: Alors, en conclusion, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: M. le Président, pourquoi le Québec ne
serait-il pas capable d'innover pour associer la culture et l'économie
dans le sens des intérêts supérieurs de la nation? (10 h
20)
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Parizeau: M. le Président, au sujet de cette
souveraineté partagée que le premier ministre promène
depuis quelque temps, est-ce qu'il est conscient... Est-ce qu'on lui a fait
rapport de ce qui s'est passé en cette Chambre avant hier, où il
a été établi que le député de Viger, qui est
à la commission d'accession à la souveraineté... Le
député de Viger disait: Bien, la souveraineté
partagée, on l'a déjà. Est-ce que le premier ministre a
été mis au fait que le député de Vanier disait la
même chose et ajoutait «c'est le statu quo», et que le
ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales, en cette Chambre,
avant hier, nous disait «mais la souveraineté partagée, on
a ça depuis 125 ans, c'est le fédéralisme canadien»?
Est-ce que le premier ministre est en train de nous dire que l'avenir, c'est le
passé?
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: ...jamais personne de sérieux n'a soutenu
qu'il y avait contradiction entre souveraineté partagée et
fédéralisme. Il n'y a pas contradiction. J'ai cité,
à cet égard, M. Jacques Delors. Ça va être
intéressant de suivre le débat qui a cours actuellement en Europe
sur les transferts de souveraineté, sur la notion de déficit
démocratique, comme quoi... Je pense que ça va être
intéressant pour le chef de l'Opposition d'en prendre connaissance parce
que lui-même veut avoir une union monétaire commune, sans
transférer la souveraineté.
Des voix: Ah! Ah!
M. Bourassa: il veut confier le pouvoir aux technocrates...
Une voix: La magie.
M. Bourassa: ...alors que nous, nous voulons respecter la
démocratie. Nous voulons admettre
la nécessité d'un marché commun, d'une union
économique, en plus des autres valeurs communes, mais nous voulons
appuyer cette union économique d'une autorité politique pour que
les démocrates puissent exercer le pouvoir, et non des technocrates
anonymes.
Alors, ce que je dis au chef de l'Opposition, c'est qu'il n'y a pas de
contradiction entre la souveraineté partagée et le
fédéralisme, mais que la formule d'avenir, comme le disait M.
Delors, c'est de plus en plus cette souveraineté partagée qui
implique des transferts de souveraineté, lesquels peuvent s'appliquer
avec une forme de fédéralisme.
Et c'est ça qui nous éviterait - je termine, M. le
Président - à nous, comme société
québécoise, tous ces coûts de transition, détruire
pour reconstruire par la suite avec des coûts de transition
imprévisibles qui peuvent être minimes, qui peuvent être
très importants. Et comme on a le droit à
l'autodétermination, on n'est pas obligés, M. le
Président, de briser le système - étant donné qu'on
possède ce droit à l'autodétermination - et
d'éliminer les coûts de transition avec une formule dynamique qui
protège l'avenir des Québécois.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Président: Toujours en complémentaire.
M. Parizeau: M. le Président, dois-je en conclure alors
que, quand le premier ministre prépare et fait adopter le projet de loi
150, et qu'il dit aussi clairement qu'un référendum sur la
souveraineté se tiendra au plus tard le 26 octobre 1992, et que dans un
an, jour pour jour, si le résultat est favorable à la
souveraineté, le Québec deviendra un pays souverain, le premier
ministre ne croyait pas un mot de ce qu'il a mis dans son projet de loi?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Contrairement au chef de l'Opposition, nous avons
voté pour le projet de loi, M. le Président, alors que vous avez
dit, il y a un an, à quelques jours près, que vous
préfériez des élections à un
référendum. C'est vrai. Ah! c'est encore le cas! Ah! On prend
note, M. le Président.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, on doit prendre le projet de
loi 150 comme un tout et non pas prendre un article par rapport à un
autre. On doit prendre la loi 150 comme un tout. La loi 150 propose deux choix,
on le sait bien. Elle propose deux choix. Et le chef de l'Opposition
connaît quel est le premier choix du gouvernement.
Le Président: Alors, pour une question additionnelle, M.
le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: M. le Président, est-ce que le premier
ministre se rend compte que, quand il dit que la loi présente deux choix
- d'ailleurs, ce n'est pas deux choix, parce que s'il parle de deux choses,
c'est un choix, la loi propose un choix - elle ne propose pas un choix, la
loi... L'article 1 dit: Le gouvernement du Québec tient un
référendum sur la souveraineté. Rien d'autre, rien
d'autre. C'est ça que dit le projet de loi. Ah! il y a les
considérants mais, comme disait le premier ministre, il n'y a pas si
longtemps en cette Chambre: Pourquoi vous êtes-vous attachés
à ce point aux considérants? Maintenant, on comprend pourquoi.
Mais il n'y a pas de choix dans la loi 150.
Est-ce que le premier ministre reconnaît que ce que la loi 150
propose, indique qui va se produire, c'est un référendum sur la
souveraineté, qu'un an après, jour pour jour, si le
résultat est favorable, le Québec deviendra un pays souverain et
que la souveraineté est définie de façon parfaitement
claire dans son projet de loi? Est-ce qu'il est au moins d'accord avec
ça?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je félicite le chef de l'Opposition pour sa
connaissance du dictionnaire. Il a raison, il y a deux options, deux options
dans la loi 150, c'est plus précis. Il sait fort bien quelle est
l'option préférée par le gouvernement, mais je lui
répète encore que, parce qu'il y a deux options dans le projet de
loi, il est légitime pour nous de privilégier une option qui
suppose, évidemment, si on va au bout de notre logique et si les
circonstances et les événements le permettent, un amendement
à la loi 150 permettant un référendum sur des offres.
Ça, je l'ai toujours dit que c'était reconnu.
D'ailleurs, on n'a qu'à lire l'addenda que j'ai signé
à la commission Bélanger-Campeau, de même que les autres
addenda du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes ou du
ministre responsable de la Sécurité publique. Mais ce que je veux
dire au chef de l'Opposition, et je l'ai toujours dit, c'est que la loi 150 est
un tout. Elle se réfère à une définition
théorique de la souveraineté, mais nous devons l'adapter. Nous
devons adapter cette loi 150 et ses éléments à la
réalité dans laquelle nous sommes parce que le Parti
libéral a toujours reconnu comme étant évidemment
déterminé, lucide, mais réaliste; réaliste,
contrairement, peut-être, à certains de nos amis d'en face.
Le Président: En question principale, M. le
député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
Nouvelle proposition du gouvernement
fédéral sur la réforme du Sénat
M. Brassard: M. le Président, dans une ultime tentative
visant à dénouer l'impasse à la table
multilatérale, Ottawa a formulé, comme on le sait, une nouvelle
proposition sur le Sénat. Selon cette proposition, on ajouterait des
sénateurs pour les provinces de l'Ouest, ce Sénat proposé
par Ottawa serait à l'essai pendant cinq ans, et le Québec
n'aurait pas droit de veto puisque ce Sénat pourrait être
réformé en 1997, selon la règle de 7-50; bref, un
Sénat biodégradable...
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: ...dont voudra sûrement faire état le
premier ministre Mulroney, au sommet de Rio, comme preuve de l'engagement du
Canada en matière de protection de l'environnement.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Brassard: Ma question au ministre: Est-il vrai, est-il exact
que le premier ministre du Québec a donné son accord à la
proposition d'Ottawa sur ce Sénat biodégradable, comme l'affirme
le ministre Benoît Bouchard, qui boude aujourd'hui?
Le Président: M. le ministre délégué
aux Affaires intergouvernementales canadiennes.
M. Rémillard: M. le Président, je veux rassurer le
député de Lac-Saint-Jean, on n'a pas de texte juridique, encore
une fois. Il se réfère à des déclarations de M.
Bouchard; j'avoue que je n'ai pas vu ces déclarations, mais simplement
pour lui dire qu'on n'abandonnera pas le droit de veto. Qu'il se rassure, au
départ. Alors, on ne répétera pas 1981 et 1982. (10 h
30)
Des voix: Oh!
M. Rémillard: On ne répétera pas ça.
Alors, toute formule... Je vois le leader qui veut jouer du violon sur le droit
de veto du Québec, M. le Président.
Des voix: Ah!
M. Rémillard: Bien oui! Tout le monde l'a vu. Il joue du
violon sur le droit de veto du Québec. Oui, oui.
Une voix:...
M. Rémillard: Bon!
Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Un
instant! S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, je reconnais une seule personne qui a le droit de
parole, et c'est le ministre.
M. Chevrette: Pour une fois, il a daigné baisser la
vue.
Des voix: Ah! Ah!
M. Rémillard: M. le Président, le leader de
l'Opposition n'a pas besoin de baisser la vue, il l'a déjà
très basse.
Des voix: Ha, ha, ha! Des voix: Bravo! Bravo! le
président: alors, m. le ministre, s'il vous plaît. ;
M. Rémillard: M. le Président, nous avons
déjà dit qu'on n'avait pris aucun engagement en fonction d'aucune
formule, que ce soit cette formule ou d'autres. On est prêt à
regarder lorsqu'on aura des textes juridiques pour nous faire part de certaines
informations. On regarde avec beaucoup, beaucoup d'attention, mais on
n'abandonnera pas le droit de veto du Québec.
Une voix: II n'a pas répondu à la question. Le
Président: En question complémentaire.
M. Brassard: donc, m. le président, est-ce que je dois
comprendre que ce que le ministre nous dit, c'est que benoît bouchard est
un menteur?
Le Président: M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, je ne
connais pas cette déclaration de M. Bouchard. Et de dire que quelqu'un
est un menteur, c'est un gros mot; habituellement, le député de
Lac-Saint-Jean a plein d'humour- il vient de nous le prouver encore ce matin,
M- le Président - mais, normalement, il ne prend pas ces mots. Alors, je
crois qu'il devrait plutôt utiliser d'autres expressions. Mais, pour ma
part, je ne connais pas ce que M. Bouchard a dit.
Tout simplement, je vais vous répéter que, pour le
gouvernement du Québec, il n'est pas question de répéter
ce que vous avez fait en 1981 et d'abandonner le droit de veto du
Québec.
Le Président: En question principale, Mme la
députée de Chicoutimi.
Retrait du projet de loi 35 sur la CSST
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, le projet de loi 35, loi modifiant la loi sur la CSST,
même modifié est rejeté par tous les intervenants, à
l'exception du Conseil du
patronat. Cette loi consacre le retour à la médecine de
papier pour quelque 200 000 travailleurs et travailleuses qui, annuellement,
sont victimes d'un accident. Le ministre du Travail a-t-il l'intention de
retirer le projet de loi tel que le demandent la FTQ, la CSN, la CEQ, la CSD,
la FSSA? Bref, toutes les associations de travailleurs et de travailleurs
demandent le retrait du projet de loi. Est-ce que le ministre a l'intention de
le retirer?
Le Président: M. le ministre du Travail.
M. Cherry: M. le Président, je remercie ma collègue
de sa question, surtout quand elle me permettra de clarifier des choses qui
sont véhiculées et qui ne concordent d'aucune façon avec
la vérité. Quand, M. le Président, il est invoqué
que le projet de loi aura comme résultat de recréer des
médecins de papier, dans un premier temps, M. le Président, il
n'y a rien dans ce projet de loi là qui va dans le sens qui est dit.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Cherry: Le projet de loi 17 voté par la formation d'en
face en 1979 et repris par le projet de loi 42 en 1985 avait eu comme
résultat, disait-on, de sortir les médecins de la CSST. On
réalise, quelques années plus tard, qu'on les a remplacés
par des avocats. C'est ça qu'on a fait avec ce projet de loi là.
D'aucune façon, M. le Président, celui qui vous parle... Le
médecin auquel je veux que la loi se réfère, c'est un
médecin spécialiste qui pourra, dans les meilleurs délais,
décider du diagnostic approprié pour qu'on puisse, le plus
rapidement possible, donner aux travailleurs ou aux travailleuses
accidentés les soins dont ils ont besoin pour qu'ils puissent rejoindre
leurs objectifs premiers: un, avoir des soins de qualité et, deux,
réintégrer leur emploi le plus rapidement possible. C'est
ça, le projet de loi, M. le Président.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question complémentaire.
Mme Blackburn: Le ministre...
Une voix: Oh! le brave.
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Mme la députée... S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Question complémentaire, Mme la députée de
Chicoutimi.
Mme Blackburn: Le ministre serait-il le seul à avoir le
pas? Les principaux concernés disent que c'est une mauvaise loi. A-t-il,
oui ou non, tel que le demandent les travailleurs et les travailleuses,
l'intention de retirer son projet de loi qui ne corrige en rien les
problèmes d'hyper-judiciarisation non plus que les problèmes
d'alourdissement? Et il a ajouté au processus un alourdissement, en
ajoutant des médecins au Bureau de révision paritaire. Il
alourdit, il judiciarise encore. Est-ce qu'il a l'intention de retirer son
projet de loi ou a-t-il l'intention de le rentrer dans la gorge des
travailleurs, tel qu'il est en train de le faire?
Le Président: M. le ministre.
M. Cherry: M. le Président, le projet de loi, on s'en
souviendra, et notre collègue de Chicoutimi l'évite
soigneusement, pendant six mois, à la demande des parties, à leur
demande, j'ai référé l'ensemble du dossier au Conseil
consultatif du travail et de la main-d'oeuvre. Ils avaient pris l'engagement de
me proposer des amendements de nature administrative et législative. Ils
ont pris six mois pour, finalement, me dire: On ne peut pas s'entendre. Voici
chacun notre liste d'épicerie et, le gouvernement, prenez votre
responsabilité.
Quelqu'un a déjà écrit récemment, M. le
Président, que dans ce dossier-ci, à cause de
l'impossibilité des parties de s'entendre, il faudra que le ministre du
Travail, pour sauvegarder le régime, fasse un bout de chemin seul. M. le
Président, c'est pour protéger les accidentés du travail
au Québec, pour sauvegarder le régime, pour assurer qu'on va
mettre fin à l'hémorragie des déficits et qu'on va
protéger les travailleurs et les travailleuses accidentés. M. le
Président, j'ai l'intention de maintenir et de continuer à
cheminer avec les parties, mais le projet de loi 35 ne sera pas
retiré.
Des voix: Bravo!
Le Président: En question principale, M. le leader de
l'Opposition.
Demande d'évacuation des chantiers
d'Hydro-Québec à Laforge 1 par les Cris
M. Chevrette: Les Cris de la Baie James ont sommé
Hydro-Québec et ses 5000 travailleurs qui sont à l'oeuvre
à Laforge 1 de quitter les lieux. Dans un premier temps, j'aimerais
savoir les motifs de cette confrontation, M. le Président. Au premier
ministre.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II y a eu un communiqué qui a
été publié par Hydro-Québec, hier, comme quoi elle
n'avait pas l'intention d'évacuer les chantiers. On annonce que les
négociations, on m'a donné note... Le leader parlementaire m'a
fait ¦prévenir, juste avant le début de la période
des
questions, qu'il serait intéressé à me poser une
question là-dessus. On me dit que les parties discutent encore, qu'un
délai a été demandé par les représentants
des Cris, mais que, de toute manière, il n'est pas question que les
travaux soient interrompus.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: En question complémentaire.
M. Chevrette: ...je vais reprendre ma question: Quels sont les
motifs de confrontation?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, l'article 77 est clair.
Les questions ne peuvent être fondées sur des suppositions, viser
à obtenir un avis... Vous pouvez poser des questions sur le
problème, l'effet du problème, ce que ça engendre, mais
les motifs, c'est une question d'interprétation.
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse.
Le Président: Alors, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: Sur la question de règlement, le leader est
mêlé autant que la réponse l'a été. Les
motifs... Il y a une raison pour laquelle les Cris somment Hydro-Québec
d'évacuer les lieux. Quelles sont ces raisons? Il me semble que
ça prend... Le dictionnaire des synonymes, le «Petit Robert»
explique tout ça, les synonymes. (10 h 40)
Le Président: Alors, à la question... S'il vous
plaît! M. le député, s'il vous plaît! À la
question, M. le premier ministre. M. le député de Masson, s'il
vous plaît, je vous rappelle à l'ordre. Alors, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le leader parlementaire est
bien au courant. Il a posé des dizaines et des dizaines de questions sur
les tensions qui peuvent exister entre les Cris et les représentants
d'Hydro-Québec. Là, soudainement, ce matin, il sait que l'on
discute depuis plusieurs mois ou plusieurs années des
conséquences de l'application de la Convention de la Baie James, de
l'impact sur l'environnement, des compensations financières sur les
présumées conséquences sur l'environnement. Le leader
parlementaire est bien conscient que ces problèmes-là existent
depuis un certain nombre d'années ou un certain nombre de mois, que les
Cris contestent. Il me semble que ce n'est pas une nouvelle pour lui quand on
voit toutes les représentations qu'ils font à l'intérieur
comme à l'extérieur du Québec. Alors, il y a des
difficultés dans l'interprétation de la Convention de la Baie
James. Donc, il y a des protestations, il y a des négociations qui sont
faites et, là, ils ont décidé d'organiser une
manifestation. Elle est annoncée comme étant très paisible
et on m'a dit il y a quelques minutes qu'un délai a été
demandé par les représentants des Cris pour poursuivre la
négociation. Alors, il me semble que pour aujourd'hui le leader
parlementaire de l'Opposition devrait être satisfait.
Le Président: En question complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, dans le cas de Laforge, ce
n'est pas un projet qui est à l'étude, qui est en discussion,
c'est un projet qui est commencé depuis cinq ans. Depuis cinq ans. Puis
il y a des milliers de travailleurs sur place, M. le Président. Est-ce
que le gouvernement peut nous dire, peut assurer que les travailleurs pourront
paisiblement continuer leur travail?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le leader parlementaire pose la question sans tenir
compte, encore une fois, des réponses que j'ai données. J'ai dit
que la réalisation des projets se trouve... Oui, oui, depuis... Raison
de plus. Je ne comprends pas la logique du leader parlementaire. Raison de
plus, si les projets existent depuis cinq ans, c'est qu'il y a eu des impacts,
et eux contestent certains de ces impacts en invoquant des perturbations et en
invoquant la nécessité d'avoir des compensations
financières. Autrement, ils ne pourraient pas demander des compensations
financières s'il n'y n'avait pas de projet. Alors, le leader
parlementaire ne peut pas dire que ça fait cinq ans. C'est
évident que c'est à cause du fait que ça fait cinq ans que
le problème est posé. Je suis convaincu que maintenant le leader
parlementaire va comprendre.
Le Président: En complémentaire toujours.
M. Chevrette: m. le président, ce que je n'arrive pas
à comprendre et que le premier ministre devrait expliquer à la
population du québec, c'est ceci: la convention de la baie james a
été signée, des compensations financières ont
été données. m. le président, on en est
rendus...
Le Président: Oui, en tout cas, je comprends que c'est une
question. Alors, allez-y avec la question.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Les compensations
financières, le premier ministre sait très bien que ça a
été donné lors de la signature de la Convention de la Baie
James, que c'est dans la réalisation même de l'entente. Si j'ai
posé la question, M. le Président, c'est pour savoir: Est-ce que
le premier ministre entend encore céder au chantage, donner des
subventions, puis se ramasser encore avec un fardeau
fiscal plus lourd pour l'ensemble des Québécois? Le
Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Petite politique! Petite politique!
Des voix: Oui, oui. Une voix: À son niveau.
M. Bourassa: M. le Président, le gouvernement... le
dossier...
Le Président: Un instant! À l'ordre, s'il vous
plaît! S'il vous plaît! M. le premier ministre.
M. Bourassa: m. le président, on connaît les
complexités du dossier autochtone. vous-même, vous avez pris
certaines décisions là-dessus. au dernier conseil national, vous
êtes allés au point de désavouer les propos de votre chef
sur la question des autochtones. bien oui, m. le président, je me
souviens du député de lac-saint-jean qui avait trouvé
très durs les propos du chef de l'opposition vis-à-vis des
autochtones.
Une voix: Bien oui.
M. Bourassa: Oui. Ah oui! M. le Président, c'est...
Une voix: II n'a pas demandé à Claude Morin.
Le Président: S'il vous plaît!
M. Bourassa: Non, mais je dis au leader parlementaire sur cette
question, qui est un dossier très complexe, qu'il peut en parler avec le
conseiller du Parti québécois, M. David Cliche. Il a bien connu
M. David Cliche, qui est conseiller du Parti québécois sur les
questions autochtones. Alors, ce serait peut-être utile, à
l'occasion, d'en discuter avec lui avant de faire de la petite politique sur un
dossier comme celui-là.
M. Chevrette: Dernière additionnelle, M. le
Président.
Le Président: Alors, une dernière question
additionnelle.
M. Chevrette: M. le Président, je ne croyais pas que 5000
emplois pouvaient être pris aussi à la légère par le
premier ministre.
M. Pagé: Question de règlement, M. le
Président.
Le Président: Alors, sur une question de règlement,
M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, vous venez de voir un
très bel exemple d'une faille ou d'un manque au règlement et, par
surcroît, ça vient de la part du leader parlementaire de
l'Opposition.
Je pense que le premier ministre a démontré très
clairement sa préoccupation pour les emplois. Les travailleurs sont en
sécurité, le chantier est ouvert. Qu'est-ce qu'il demande de plus
ce matin? Il devrait féliciter le gouvernement et il devrait
saluer...
Le Président: Alors, M. le premier ministre. M.
Bourassa: M. le Président...
Le Président: Écoutez, écoutez, je peux
comprendre... Bon. Si vous avez une question... Vous avez fait une affirmation
qui, à mon sens, peut être interrogative d'une certaine
façon. Il est évident que vous ne pouvez pas faire un
commentaire, et que je ne peux retourner au premier ministre pour donner une
réaction. Alors, si vous avez une question, je vous écoute, mais
sans commentaire.
M. Chevrette: ...fait sans question.
Le Président: Non, non. Écoutez, vous
considérez que vous aviez fait un commentaire, un commentaire qui
pouvait être interrogatif, d'une certaine façon, à
l'égard du premier ministre. Alors, ce commentaire-là ne devrait
pas exister en fait, mais il a été fait comme tel. Alors,
à ce moment-ci, je dois donner la réponse au premier ministre,
s'il y a lieu. Ou, si vous avez une question, je vous écoute. Vous avez
une question? Une dernière question complémentaire.
M. Chevrette: M. le Président, 5000 emplois
menacés, avec du chantage qu'il y a eu sur Grande-Baleine et du chantage
ailleurs au Québec. Ce que je veux savoir clairement, c'est: Est-ce
qu'ils ont l'intention de prendre les mesures nécessaires, M. le
Président, pour assurer le maintien des emplois en permanence à
LA1?
Le Président: Très bien. Alors, M. le premier
ministre.
M. Bourassa: J'ai répondu tantôt que les travaux
n'étaient pas interrompus, que la sécurité des
travailleurs était assurée. La légèreté, M.
le Président, elle n'est pas de ce côté-ci, elle est dans
la question du leader parlementaire.
Le Président: Alors, en question principale, M. le
député de Salaberry-Soulanges.
Fermeture de l'usine d'Union Carbide à
Melocheville
M. Marcil: Merci, M. le Président. On sait qu'en 1981 la
compagnie Elkem, une compagnie norvégienne, a fait l'acquisition de la
compagnie Union Carbide, à Melocheville. Dans une revue justement, le
président de cette compagnie, à l'époque, déclare
qu'il veut continuer l'offensive internationale de la compagnie de façon
à assurer l'emploi en Norvège. En 1989, la haute direction de la
compagnie rencontre ses travailleurs et ses travailleuses de l'usine de
Melocheville pour les assurer qu'il n'y aura aucun danger de fermeture advenant
une augmentation de la productivité dans l'usine. En 1990, en octobre,
la haute direction du bureau-chef à Oslo fait parvenir une lettre de
félicitations aux travailleurs et aux travailleuses de l'usine de
Beauharnois: un record mondial de production a été atteint
grâce à l'augmentation sans précédent de la
productivité de l'usine québécoise. Nous savons que, cette
usine, 80 % de sa production est pour le marché domestique.
En 1991, la compagnie annonce, le 13 février, la fermeture de
l'usine de Melocheville. Donc, 160 travailleurs perdent leur job. M. le
Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie et du
Commerce. J'aimerais savoir du ministre quelles sont les démarches que
le ministère de l'Industrie et du Commerce a entreprises dans ce
dossier? Et quelles sont les perspectives d'avenir de cette usine-là,
considérant que c'était l'usine la plus moderne et la plus
productive de la compagnie mère Elkem?
Le Président: Alors, M. le ministre de l'Industrie, du
Commerce et de la Technologie.
M. Tremblay (Outremont): Alors, j'aimerais remercier mon
député de Salaberry...
Le Président: Alors, s'il vous plaît. À
l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): C'est difficile pour l'Opposition de
comprendre ce terme, parce que pour la deputation ministérielle, quand
on travaille ensemble, on travaille en équipe. Alors, ils ne peuvent pas
comprendre ce que le mot veut dire.
Alors, merci beaucoup au député de Sala-berry-Soulanges,
ainsi qu'au député de Beauhar-nois-Huntingdon...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Tremblay (Outremont): ...qui, depuis de nombreux mois,
s'intéressent à ce dossier, c'est-à-dire depuis le mois de
juin 1991. Également, on parle des représentants des syndicats et
des travailleurs et des travailleuses et de l'équipe du ministère
de l'Industrie, du Commerce et de la
Technologie.
J'ai rencontré, le 11 mai dernier, le président du
Syndicat des métallos et nous avons fait le point sur les discussions
passées, c'est-à-dire des rencontres avec des Coréens, des
acheteurs potentiels du produit final, des rencontres avec les
Norvégiens, propriétaires de l'entreprise, des discussions avec
les partenaires potentiels, compagnies brésiliennes,
Société générale de financement et Elkem et nous
avons convenu de la stratégie suivante: premièrement, de demander
au président de Sidbec-Dosco, de concert avec le président des
métallos, de vérifier auprès des représentants de
la sidérurgie canadienne, c'est-à-dire Dofasco, Stelco, IPSCO,
Ivaco et Algoma d'intervenir auprès de la direction d'EIkem pour lui
suggérer de favoriser un approvisionnement canadien.
Deuxièmement, nous avons convenu, avec les représentants
des travailleurs, de discuter avec les représentants de l'entreprise sur
la possibilité d'encourager la réouverture de l'usine... (10 h
50)
Une voix: M. le Président...
Le Président: Oui, alors en conclusion, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): ...le plus rapidement possible.
Troisièmement, de faire parvenir des lettres...
Une voix:...
M. Tremblay (Outremont): M. le Président, si ce n'est pas
important pour l'Opposition...
Le Président: Écoutez! Écoutez! Alors, s'il
vous plaît! Un instant, un instant, un instant! À l'ordre, s'il
vous plaît! Alors, j'ai une question de règlement. M. le leader de
l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, la question d'importance
pour l'Opposition, si vous voulez faire des conférences de presse, il y
a des places; il y a des questions et des réponses et il y a des
règles de procédure pour les réponses. Quand c'est une
question plantée de même et que le ministre se prépare par
écrit, qu'il dépose son document, on est capable de lire.
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Effectivement, écoutez, il y a des règles
à suivre. Il y a un temps de réponse qui est accordé pour
le ministre, qui doit être quand même relatif à l'importance
de la question, mais pas illimité non plus. Alors, j'inviterais le
ministre à conclure. J'apprécierais, dans ce cas-là, qu'on
n'ait pas d'interpellation non plus, la présidence verra à
demander la conclusion au ministre. Alors, pour quelques secondes, M. le
ministre, en conclusion.
M. Tremblay (Outremont): Je pensais, M. le Président,
à la suite...
Le Président: En conclusion, en conclusion, M. le
ministre.
M. Tremblay (Outremont): ...de la visite des travailleurs avec le
député de Labelle, qui démontre un intérêt
soudain pour le dossier, qu'il aurait peut-être pu la poser, lui, la
question. Il ne l'a pas posée. Alors, ils ne sont pas
intéressés aux travailleurs...
Le Président: Très bien! Alors, M. le ministre,
s'il vous plaît! M. le ministre! S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, pour une question complémentaire, M. le
député de Salaberry-Soulanges.
M. Marcil: Merci, M. le Président.
Le Président: Un instant, là! S'il vous
plaît! Alors, question complémentaire.
M. Marcil: On s'aperçoit que l'arrogance du leader...
Le Président: Non, non! écoutez, M. le
député, s'il vous plaît! M. le député, je
vous reconnais en question complémentaire. Allez-y, s'il vous
plaît, pour une question complémentaire, pas autre chose.
M. Marcil: Merci...
Une voix: Inversement professionnel.
M. Marcil: Oui, inversement professionnel.
Le Président: Écoutez! Votre question.
Une voix: Laissez-le parler, «câline».
M. Marcil: M. le Président, comment peut-on, comme
société, faire en sorte qu'une entreprise
québécoise, qui est reconnue comme étant la meilleure au
monde en termes de qualité de production, en termes d'autres
productions, lorsque 80 % de sa production est écoulée sur le
marché nord-américain... Que peut-on faire, lorsqu'une entreprise
qui appartient à des étrangers la maintient fermée au
détriment des emplois québécois, compte tenu qu'on veut
protéger les emplois en Norvège? C'est la question: Est-ce qu'on
peut trouver un moyen pour faire en sorte de les obliger à vendre, si la
nécessité l'exige?
Le Président: Alors, M. le ministre.
M. Tremblay (Outremont): Alors, M. le Président, c'est une
situation qui est regrettable; c'est une entreprise à la fine pointe de
la technologie, qui est très importante pour le développement
économique du Québec. Dans ce sens-là, nous sommes en
pourparlers avec l'entreprise pour finaliser des ententes. Les dirigeants
reviennent au Québec le 15 juin. On attend leur réponse. Je
voudrais assurer le député qu'il n'y aura aucun effort de
ménagé pour assurer la réussite de cette entreprise et,
surtout, le rappel le plus rapidement possible...
Une voix: C'est ça.
M. Tremblay (Outremont): ...des travailleurs et des
travailleuses.
Le Président: En question principale, M. le
député d'Anjou.
Document de consultation sur la
restructuration du réseau de
l'aide juridique
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie. M. le
Président, le ministre de la Justice a, à maintes reprises,
répété en cette Chambre qu'un document de consultation
visant à restructurer le réseau d'aide juridique serait
déposé. Toutefois, à la vitesse à laquelle nous
assistons au démantèlement du réseau d'aide juridique, on
se demande si cela ne sera pas plutôt un plan pour la création
d'un nouveau régime d'aide juridique qui devra nous être soumis.
Ma question, M. le Président, au ministre de la Justice: Le ministre
s'engage-t-il à déposer d'ici à l'ajournement
d'été de la présente session son document de consultation
afin que soit amorcée une réorganisation réfléchie
plutôt que la rationalisation aveugle, pour ne pas dire le
démantèlement progressif du réseau, auquel nous assistons
présentement?
Le Président: M. le ministre de la Justice.
M. Rémillard: M. le Président, tout d'abord, je
dois dire qu'il n'y a pas de démantèlement de l'aide juridique
d'aucune façon. Aucun bureau permanent d'aide juridique n'a
été fermé. M. le Président, certains bureaux qu'on
appelle des bureaux volants, c'est-à-dire des bureaux qui ont
été ouverts...
Une voix:...
M. Rémillard: M. le Président, là, le leader
de l'Opposition fait le volatile. Il est volatile...
Le Président: S'il vous plaît! Écoutez! S'il
vous plaît! M. le leader de l'Opposition... S'il vous plaît! M. le
leader de l'Opposition, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît! M. le leader de
l'Opposition, si vous avez une question, je vous prierais de vous
adresser à la présidence ou de faire une question de
règlement. Alors, respectez les règles comme tous les
collègues, s'il vous plaît! Alors, M. le ministre de la
Justice.
M. Rémillard: M. le Président, je veux tout
simplement dire que le leader de l'Opposition, comme on dit à
Baie-Saint-Paul, chez nous, il a la danse de Saint-Guy.
M. Chevrette: M. le Président, question de
règlement.
Des voix: Ah! Ah!
Le Président: Oui, un instant. Question de
règlement.
M. Chevrette: M. le Président, que le paon prenne son
envol, mais qu'il réponde à la...
Le Président: Non, non, non. Écoutez. Non, non,
non, non. Ce n'est pas une question de règlement, vous le savez fort
bien.
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît! Alors, M. le ministre, à la question du
député d'Anjou.
M. Rémillard: Alors, M. le Président, ce sont des
bureaux qu'on appelle des bureaux volants parce qu'il s'agit...
Le Président: Juste en avant de moi, s'il vous
plaît, je vous rappelle à l'ordre. La parole est au ministre.
Alors, M. le ministre.
M. Rémillard: M. le Président, ce sont des bureaux
qu'on appelle volants parce que ce sont des avocats des bureaux permanents qui
vont dans des points de service. C'est une entente qui a été
faite avec plusieurs CLSC, où vous avez des avocats d'aide juridique qui
vont donc là pour offrir le service. Et c'est vrai que dans le
Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie, il y a des bureaux, donc, volants qui
ont été fermés pour un temps. Ils vont rouvrir, M. le
Président. Je n'ai jamais accepté que ces bureaux soient
fermés. Il y a eu une décision du conseil d'administration qui a
été prise à ce niveau-là et j'ai fait en sorte que
ces bureaux rouvrent. J'ai eu les représentations, d'ailleurs, des
députés, entre autres, le député des
îles-de-la-Madeleine, les députés aussi de la
Gaspésie qui sont intervenus, avec raison. Et je n'ai jamais
accepté que ces points de service puissent être coupés.
Et, M. le Président, quant au document d'information que nous
préparons, oui, nous préparons un document d'information et nous
allons tenir une commission parlementaire. Nous allons tenir une commission
parlementaire sur l'aide juridique à la fin novembre pour qu'ensemble on
puisse faire le point et prendre la décision qui s'impose.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, c'est la fin de la période de
questions.
Il n'y a pas de votes reportés.
Motions sans préavis.
Avis touchant les travaux des commissions. M. le leader du
gouvernement.
Avis touchant les travaux des commissions
M. Pagé: Alors, M. le Président... Il y a beaucoup
de circulation, M. le Président.
Le Président: Mmes, MM. les députés, le
leader du gouvernement faisait justement remarquer hier qu'au moment des avis
touchant les travaux des commissions, ce qui devrait intéresser tous les
collègues, puisque c'est l'horaire de la journée qui devrait vous
préoccuper... Alors, je vous demande votre collaboration pour avoir les
avis, pour que le leader puisse les donner en toute quiétude. Alors, M.
le leader du gouvernement.
M. Pagé: Alors, M. le Président, j'avise cette
Assemblée qu'aujourd'hui, à compter de maintenant jusqu'à
13 heures, de 15 heures à 18 heures et de 20 heures à minuit,
à la salle du Conseil législatif, la commission de
l'aménagement et des équipements poursuivra l'étude
détaillée du projet de loi 20, Loi abrogeant la Loi concernant
les droits sur les divertissements. (11 heures)
J'avise de plus qu'après les affaires courantes, donc à
compter de maintenant jusqu'à 13 heures et de 15 heures à 18
heures, à la salle Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission des
affaires sociales procédera à l'étude
détaillée du projet de loi 408, Loi sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre.
J'avise de plus que, de 20 heures à minuit, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'économie et du travail
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi 28, Loi sur la Société Innovatech du Grand
Montréal.
J'avise qu'après les affaires courantes jusqu'à 13 heures,
et si nécessaire de 15 heures à 18 heures, à la salle
Louis-Joseph-Papineau, la commission du budget et de l'administration
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi 16, Loi modifiant la Loi sur la Caisse de dépôt et placement
du Québec.
J'avise de plus que, de 20 heures à minuit, à la salle
Louis-Hippolyte-LaFontaine, la commission des affaires sociales
procédera à l'étude détaillée du projet de
loi 21, Loi modifiant la Loi sur les normes du travail et d'autres
dispositions
législatives.
C'est donc dire que la commission des affaires sociales siégera
ce matin et en après-midi pour étudier le projet de loi 408, et
ce soir, de 20 heures à minuit, pour étudier le projet de loi
21.
Le Président: Oui, Mme la députée de
Hochelaga-Maisonneuve.
Mme Harel: M. le Président, à ce moment-ci de nos
travaux, j'ai une question à poser au leader sur les affaires
courantes.
Le Président: Oui. Écoutez, très bien. Alors
ceci mettait fin aux avis touchant les travaux des commissions.
Aux renseignements sur les travaux de l'Assemblée, je cède
la parole à Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.
Renseignements sur les travaux de
l'Assemblée
Mme Harel: Alors, M. le Président, comment se fait-il que
le leader ait choisi d'appeler la loi 408, créant la
Société québécoise de développement de la
main-d'oeuvre, seulement ce matin et cet après-midi et qu'il ait
préféré poursuivre avec la loi 21 sur la fête du
Canada ce soir? Est-ce que ça indique une priorité dans le menu
législatif du gouvernement? Pourquoi cesser l'examen du projet de loi
408 dans le courant de la journée, M. le Président, à la
fin de cet après-midi?
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, le fait de demander aux
députés d'étudier le projet de loi 408 article par article
témoigne de notre volonté de voir le projet de loi 408
adopté, premièrement. Deuxièmement, si je me
réfère aux nombreuses interventions où beaucoup de gens
ont eu l'occasion de s'exprimer sur l'autre projet de loi portant sur la
fête du 1er juillet, la loi 21, si je me réfère aussi au
fait que tout le monde semble être unanime à constater que c'est
un projet de loi qui a quand même une envergure ou une portée
très limitée, je suis en droit de présumer qu'en quatre
heures on puisse avancer, et beaucoup, ce qui permettrait de revenir demain
matin, probablement, ou à une séance subséquente au 408 et
le compléter, convaincu que vous aurez avancé dans les deux
heures que vous aurez à compter de maintenant jusqu'à 13 heures
et les trois autres heures que vous aurez entre 15 heures et 18 heures, ce qui
donne cinq heures de contribution participative positive de la part des
députés des deux côtés pour faire en sorte que ce
projet de loi corresponde le plus exactement aux réalités
régionales et aux besoins de la main-d'oeuvre. Pour ce qui est du 1er
juillet, bien, il faudrait s'y rendre si on veut se reposer cette
journée-là!
Le Président: Alors, il n'y a pas d'autres questions? Ceci
met fin aux affaires courantes.
Maintenant, aux affaires du jour, M. le leader du gouvernement, si vous
voulez m'indi-quer l'article qui fera l'objet de nos travaux.
Affaires du jour
M. Pagé: Alors, M. le Président, je vous invite
à appeler l'article 4 du feuilleton.
Projet de loi 9 Adoption du principe
Le Président: À l'article 4 du feuilleton, M. le
ministre de la Santé et des Services sociaux propose la motion
d'adoption du principe du projet de loi 9, Loi modifiant la Loi sur
l'assu-rance-maladie. Je cède la parole à M. le ministre de la
Santé et des Services sociaux.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. Le projet de loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie,
que j'ai déposé le 14 mai dernier, s'inscrit dans le cadre d'un
plan visant à rationaliser les services sociaux et de santé. Il
fait également suite à une consultation publique sur l'ensemble
de la question du financement de ce réseau.
Permettez-moi de rappeler, pour le bénéfice de nos
auditeurs et de ceux qui suivront et qui animeront ces débats au cours
des prochaines heures, que la commission parlementaire des affaires sociales a
tenu au cours du mois de février un débat majeur sur les
coûts et le financement de la santé et des services sociaux. Le
temps était alors venu d'interpeller le citoyen sur les arbitrages que
la société québécoise devait faire pour concilier
de façon équitable la nécessité de ralentir la
croissance des dépenses de santé et de services sociaux tout en
continuant de fournir les services auxquels les citoyens sont en droit de
s'attendre.
Il importe en effet de garantir à tous les citoyens, ceux
d'aujourd'hui comme ceux de demain, économiquement avantagés ou
démunis, une égalité des chances d'améliorer leurs
conditions de santé et de bien-être. Le bien-être de nos
enfants, ces citoyens de demain, exige qu'ils aient, eux aussi, la
capacité financière qui leur permettra d'avoir accès aux
services sociaux et de santé que leur état nécessitera.
C'est dans cette perspective que la commission parlementaire a permis de faire
un large consensus sur le problème de financement public dans le domaine
de la santé et des services sociaux.
Alors que plusieurs intervenants avaient eu l'impression que ce
problème était conjoncturel,
il est clairement ressorti de cette commission qu'il s'agissait d'un
problème structurel. Parmi les éléments de ce
problème, l'on convient généralement qu'il y a,
premièrement, une excellente performance du Québec au chapitre du
contrôle des coûts du régime public de santé, ce qui
est expliqué en grande partie par un contrôle serré de la
rémunération des professionnels de la santé, mais aussi de
l'ensemble des travailleurs.
On convient, par ailleurs, que la limite absolue du rythme de croissance
des dépenses publiques de santé et de services sociaux est
l'augmentation de la richesse collective. Cependant, cette limite est encore
trop élevée par rapport aux objectifs budgétaires à
moyen terme du gouvernement, objectifs qui visent à cesser de s'endetter
pour financer les dépenses courantes, évitant ainsi de faire
assumer à nos enfants et à nos petits-enfants une partie du
coût des services que nous consommons aujourd'hui.
Il faut donc réduire le rythme de croissance des dépenses
sociosanitaires afin de respecter la capacité de payer de la
collectivité pour des services public. Et cela est d'autant plus
important pour le Québec que le Québec est, avec la Suède,
au second rang de tous les pays de l'OCDE pour ce qui est du haut niveau des
dépenses de santé par rapport à la richesse collective. Le
seul pays qui dépense plus est les États-Unis et encore faut-il
savoir ce que ça produit comme système.
Rappelons que ces objectifs budgétaires résultent d'un
déficit relié aux opérations courantes qu'il faut
éliminer et d'une dynamique de croissance des revenus inférieure
à celle du produit intérieur brut, explicable, pour l'essentiel,
par la réduction des transferts fédéraux. Cette
réduction représentait, pour le financement des programmes
établis, un montant accumulé de 1 700 000 000 $ en 1991-1992,
dont 1 200 000 000 $ uniquement pour la santé et les services
sociaux.
Depuis 1990-1991, le gouvernement fédéral a
décrété un gel du montant par habitant de ces transferts
au titre du financement des programmes établis. Avec la poursuite de ce
gel jusqu'en 1994, la part du fédéral dans le financement de la
santé descendra de 37 % en 1990, sous les 30 % en 1994, alors qu'elle
était à 46 % en 1978. Après 1994, cette part continuera de
s'amoindrir, les transferts fédéraux devant être
indexés de 3 % de moins que le produit intérieur brut.
Est-il besoin de rappeler, M. le Président, qu'au milieu des
années soixante le gouvernement fédéral et les
gouvernements provinciaux, dont le Québec, ont pris un engagement de
collaborer au développement et au maintien d'un système de
santé? Cet engagement s'est traduit par des arrangements fiscaux
où le gouvernement fédéral s'engageait à compenser
en partie les écarts de capacité fiscale des provinces. En
contrepartie, les provinces se sont engagées à respecter les
normes énoncées dans la loi canadienne sur la santé. Ces
normes, ce sont notamment l'universalité, l'intégralité et
l'accessibilité des services de santé. Aujourd'hui, on doit subir
le désengagement progressif du gouvernement fédéral sans
pour autant pouvoir se soustraire de quelque façon que ce soit des
exigences de la loi canadienne sur la santé ni obtenir que cette loi
soit adaptée au contexte des années quatre-vingt-dix.
Pour compenser le désintéressement fédéral
de ses engagements historiques, il aurait été nécessaire
que le gouvernement augmente de façon majeure les revenus provenant des
impôts et des taxes, ce qui aurait risqué de compromettre la
croissance et la compétitivité de l'économie du
Québec. Ce faisant, il aurait pu s'ensuivre une réduction des
revenus gouvernementaux servant notamment à financer le coût des
services publics de santé et de services sociaux et à intervenir
sur des déterminants de la santé, comme l'éducation,
l'emploi et la pauvreté. (11 h 10)
Outre le premier consensus sur la question du financement, un second
consensus s'est dégagé lors de cette commission parlementaire,
celui d'intervenir en priorité sur l'amélioration de l'efficience
et de l'efficacité du système sociosanitaire. Pleinement en
accord avec cette priorité, le gouvernement a annoncé un plan de
rationalisation de la production et de l'utilisation des services sociaux et de
santé. Ce plan a été élaboré en consultation
avec les établissements et avec les professionnels de la
santé.
M. le Président, des mesures seront mises en place dans le cadre
du plan de rationalisation pour favoriser un ralentissement permanent du niveau
et du rythme actuel de croissance des dépenses assumées par le
secteur public. Une première mesure est la création, dès
1992-1993, d'un fonds de soutien à l'innovation destiné
principalement aux établissements, tel que demandé par ceux-ci.
Ce fonds leur servira pour favoriser le développement continu de projets
d'amélioration, d'efficience et d'efficacité.
Une seconde mesure sera la mise en place au ministère de la
Santé et des Services sociaux d'un processus permanent
d'évaluation des services assurés. Ce processus vise à
adapter les services assurés à privilégier en fonction de
l'évolution des besoins, à établir les rapports
coût-efficacité des différentes interventions
médico-hospitalières et à proposer des ajustements
à apporter à la couverture des services.
Enfin, vu la réponse positive des intervenants lors de la
consultation sur les coûts et le financement de la santé et des
services sociaux, des travaux se poursuivent relativement à la
création d'un fonds général de la santé et des
services sociaux, mais ils ne seront pas complétés avant quelques
mois et, donc, pourraient être effectifs pour la prochaine année
budgétaire.
M. le Président, les mesures de contrôle des
coûts qui seront mises en place ne se limiteront pas aux
précédentes, car lors de la commission parlementaire sur le
financement des services sociaux et de santé plusieurs organismes nous
ont fait part de leur inquiétude sur les contrôles permettant de
s'assurer que les utilisateurs des services assurés sont effectivement
ceux ayant droit à la gratuité des services. Il faut
reconnaître que le seul fait de présenter sa carte
d'assurance-maladie valide donne accès aux services médicaux sans
que le porteur de la carte n'ait à démontrer qu'il en est le
détenteur. Conscient de cette situation, j'avais déjà
proposé d'apposer la photographie du détenteur sur cette carte.
Cette mesure sera donc mise en place et les dispositions législatives
sont incluses au projet de loi modifiant la Loi sur les services de
santé et les services sociaux et diverses dispositions
législatives. D'ailleurs, le projet de loi a subi hier, en commission
parlementaire, la dernière étape d'approbation des articles qui,
à l'occasion, ont pu être adoptés sur division. Quelques
articles ont été adoptés sur division, le reste
l'étant de manière unanime.
J'admets volontiers que l'article 94 en particulier, sur la photo sur la
carte, a fait l'objet d'un accord sur division, puisque l'Opposition souhaitait
voir des pénalités accrochées à l'utilisation pour
d'autres fins que celles de la santé et des services sociaux, donc des
pénalités très sévères. Elle s'ajoutera donc
à l'abandon du renouvellement automatique des cartes
d'assurance-maladie. De plus, les établissements de santé seront
habilités à exiger la carte d'assurance-maladie comme preuve
d'admissibilité aux services, et le projet de loi
précédent en contient les dispositifs afférents. Ces
mesures permettront, si l'utilisation inadéquate des cartes
d'assurance-maladie est importante, de réduire les délais
d'attente des résidents du Québec et d'alléger la pression
sur les coûts.
Enfin, toujours dans un souci d'une utilisation parcimonieuse des fonds
publics, j'ai demandé qu'on entreprenne des études afin
d'évaluer les bénéfices que pourrait rapporter le
remplacement des cartes d'hôpital par la seule carte
d'assurance-maladie.
Le plan 1992-1993 comporte, par ailleurs, des améliorations
d'efficacité et d'efficience en établissement représentant
quelque 35 000 000 $ sur une base annuelle. Cette somme s'ajoute à
l'effort demandé aux établissements au titre de la non-indexation
des dépenses non salariales de leur budget de 1992-1993. Cette
non-indexation permettra de réaliser des économies de 37 000 000
$ qui seront réallouées pour amorcer le virage tant
demandé par vous tous, et il y avait quasi-unanimité, à
travers le Québec et la commission, vers la prévention et pour
créer un fonds d'innovation.
Pour les professionnels de la santé, un objectif
d'économie de 50 000 000 $ sur une base annuelle a été
fixé et il doit se réaliser par une pratique professionnelle plus
efficiente. Les fédérations médicales concernées,
la Corporation des médecins et l'Association des conseils des
médecins, dentistes et pharmaciens se sont engagées à
collaborer à l'identification des mesures visant à atteindre
l'objectif fixé. Un programme est prévu pour restreindre la
consommation des tranquillisants du groupe des benzodiazépines. La
consommation prolongée de ces médicaments est souvent inutile car
ils n'ont des effets sur l'amélioration de la santé que dans un
nombre restreint de situations. À partir de 1993, ils seront
progressivement transférés sur une liste à utilisation
limitée. Il sera ainsi possible d'éviter, à moyen terme,
des dépenses de 20 000 000 $ qui ne servaient pas à
améliorer l'état de santé des Québécois et
des Québécoises.
À ces interventions s'ajoutent des mesures d'économie de
36 900 000 $ qui étaient prévues aux crédits du
ministère et de la Régie de l'assurance-maladie du Québec,
dont la révision de la contribution des personnes
hébergées, le resserrement des modalités de remboursement
des services hospitaliers hors Canada et la réévaluation des
tarifs de services hospitaliers demandés aux non-Canadiens.
Pour 1992-1993, l'ensemble des mesures précédentes
permettra de réduire les dépenses de 77 000 000 $. À ce
rythme de croisière, il s'agit d'une somme de 142 000 000 $. Ces
économies, à court terme, s'ajoutent à celles qui
découlent, à moyen terme, de la réforme de la santé
et des services sociaux qui est la pierre d'assise pour améliorer
l'efficacité et l'efficience du système sociosanitaire et ainsi
mieux répondre aux besoins de la population sans augmenter
indûment les coûts que doit assumer la collectivité.
Cependant, le montant que toutes ces mesures permettront
d'économiser ne s'avère pas suffisant pour solutionner l'impasse
budgétaire anticipée dans la santé et les services
sociaux. Le manque à gagner sera au minimum de 200 000 000 $ par an pour
chacune des cinq prochaines années. C'est pourquoi le gouvernement
n'avait d'autre choix que d'aborder la révision du panier des services
assurés de même que son financement, ce que prévoit le
projet de loi actuel.
Toutes les organisations au monde doivent, M. le Président,
constamment s'adapter, sinon elles sont vouées à
disparaître. Après 20 ans, une organisation publique ou
privée qui ne révise pas son panier de services en regard de
l'évolution de l'utilité de ses services et de sa capacité
à les produire serait elle aussi vouée à l'échec.
Il ne saurait en être autrement pour notre système de santé
et des services sociaux. Cette adaptation, cette révision du panier des
services assurés se fera, au Québec, dans l'optique d'une
rationalisation qui doit respecter les principes qui sont à la base du
régime public de santé et de services sociaux.
Mais, avant d'aborder ces principes, il faut
rappeler que cette question avait été approfondie lors de
la commission parlementaire sur le financement. Alors que certains intervenants
exprimaient leur opposition à toute révision du panier des
services, d'autres ne l'excluaient pas. Toutefois, personne n'avait pu faire la
démonstration que les possibilités d'amélioration
d'efficience et d'efficacité permettraient, à elles seules, de
dénouer l'impasse budgétaire anticipée.
M. le Président, en révisant le panier des services
assurés, le gouvernement a eu comme préoccupation première
d'améliorer l'efficience et l'efficacité des programmes de
santé. Les objectifs visés en matière de santé
exigeaient, d'une part, que les citoyens démunis ou vulnérables
soient protégés et, d'autre part, que les mesures de
rationalisation n'aient pas d'impacts négatifs sur la santé des
Québécois et des Québécoises. (11 h 20)
Aussi, quel que soit le programme visé, la révision du
panier des services n'affectera pas les plus démunis de notre
société, soit les prestataires de la sécurité du
revenu et les personnes âgées recevant le montant maximal du
supplément de revenu garanti. De plus, des clientèles
particulièrement vulnérables verront les services assurés
maintenus dans certains programmes.
La révision des services assurés ne porte que sur trois
programmes complémentaires de la Régie de l'assurance-maladie du
Québec, soit les services optométriques, les services dentaires
aux enfants et les médicaments pour personnes âgées. Cette
révision s'est faite dans un esprit de partenariat avec les
représentants des associations et des ordres des optométristes et
des dentistes qui ont, tour à tour, soumis des propositions
concrètes contribuant à préciser les mesures de
révision.
Abordons, si vous le voulez bien, premièrement, les services
optométriques. Pour le premier programme, celui des services
optométriques, le projet de loi et la réglementation qui
l'accompagne prévoient, M. le Président, que ces services sont
assurés pour les prestataires de la sécurité du revenu,
pour les bénéficiaires de moins de 18 ans et pour ceux de plus de
40 ans. Les services optométriques seront cependant à la charge
des usagers s'ils ont entre 18 et 40 ans inclusivement.
Cette révision, non seulement ne s'applique-t-elle pas aux
couches socio-économiques les plus démunies de notre
société, mais en plus elle n'affectera pas les personnes
hébergées en établissement ainsi que les handicapés
visuels desservis par les centres de réadaptation offrant des services
à leur intention. À cet effet, le ministère de la
Santé et des Services sociaux prendra des dispositions
particulières qui ne sont pas contenues au projet de loi afin de
maintenir gratuits les services optométriques que requièrent ces
personnes.
Le gouvernement s'est assuré de conserver une couverture pour les
jeunes de moins de 18 ans, soit un âge où le dépistage des
problèmes de vision doit s'effectuer. Par ailleurs, au-delà de 40
ans, les problèmes de santé oculaire commencent parfois à
apparaître, dont principalement celui du glaucome. En maintenant la
couverture des services assurés pour ces personnes, il demeurera
possible de prévenir le développement de cette maladie et de
faire en sorte que la révision des clientèles assurées des
services optométriques n'aura pas d'effets sur leur santé.
Quant aux 18 à 40 ans, ce sont ceux dont la vision est la plus
stable et change le moins vite. Sur 2 800 000 personnes ayant entre 18 et 40
ans, moins de 570 000 personnes se sont prévalues du programme de
services optométriques, soit un seul Québécois ou
Québécoise sur cinq. C'est un montant moyen de 35 $ par usager
qu'il en coûte pour les services optométriques et 70 % des usagers
paieront ce montant au moins. Demander cette contribution est loin d'être
déraisonnable.
Enfin, il faut reconnaître qu'il n'y a jamais eu de
gratuité complète des coûts de correction de la vision.
L'achat de verres correcteurs n'a jamais été assuré et
représente un montant nettement plus important que le coût global
de l'examen de la vision.
J'aimerais à ce moment-ci, M. le Président, remercier de
manière très sincère l'Ordre et l'Association des
optométristes qui, dans ce débat, n'ont pas craint de proposer au
gouvernement des mesures qui allaient affecter la vie quotidienne de leurs
membres. Ils ont pris les devants pour offrir au gouvernement, connaissant la
situation financière du Québec qui les concerne, eux aussi, comme
indh/idus, ils ont pris les devants pour proposer un certain nombre de choses,
et leur attitude, je le dis tel que je le pense, a fait en sorte que nous avons
pu aller beaucoup plus loin dans le respect de la capacité de payer des
citoyens. En s'assoyant à la table avec eux, très rapidement nous
avons pu convenir de la protection du public avec l'Ordre et convenir avec
l'Association des optométristes de certaines modalités qu'elle a
fait accepter par ses membres, pas de gaieté de coeur, je pense qu'il
faut bien l'admettre. Lorsque vous êtes dans une situation où vous
pouvez perdre 38 000 000 $ de chiffre d'affaires et que vous convainquez le
gouvernement que, dans la mesure où on aurait des assurés de 18
à 64, il y avait des risques au niveau des personnes au-delà de
40 ans, je pense qu'ils ont fait très honnêtement leur travail et
qu'ils ont respecté la capacité de payer du gouvernement du
Québec, et qu'ils ont montré aux autres qu'une corporation
professionnelle ou qu'une association de professionnels pouvait s'asseoir
à une table et collaborer et contribuer au mieux-être des finances
du Québec sans pour autant mettre en péril la protection du
public quant aux problèmes reliés à la vision.
Deuxième élément majeur de ce dossier: des services
dentaires aux enfants. M. le Président, le second programme pour lequel
j'ai mentionné qu'il y a une révision est celui des services
dentaires aux enfants. Malgré la présence, depuis 14 ans, d'un
programme entièrement gratuit de soins pour les enfants de 12 ans et
moins, l'état de santé dentaire des enfants du Québec
demeure inférieur à celui relevé ailleurs. Des
études confirment que dans des pays comme les États-Unis, et dans
des provinces telles l'Ontario et la Colombie-Britannique, où il n'y a
pas de programme public de services dentaires, les enfants ont un état
de santé dentaire supérieur. D'autres études indiquent que
les enfants québécois en milieu défavorisé ont une
santé dentaire moins bonne que les autres enfants. La gratuité
des services dentaires a donc moins profité aux personnes
démunies qu'aux personnes mieux nanties.
La présence d'un programme public de santé dentaire ne
constitue pas l'unique moyen d'amélioration de la santé dentaire.
Une réorientation s'imposait et elle s'articule sur les trois principes
suivants: premièrement, diriger le système public vers des
clientèles devant faire l'objet d'interventions particulières,
soit principalement celles en milieu défavorisé;
deuxièmement, accentuer le virage vers la prévention en
santé dentaire, notamment par des interventions en matière
d'éducation et d'information; troisièmement, pour les groupes de
bénéficiaires qui sont en mesure de le faire, favoriser une
responsabilisation individuelle de la prise en charge de leur hygiène
bucco-dentaire.
M. le Président, le projet de loi et la réglementation qui
l'accompagne maintiendront l'accessibilité au programme public de soins
dentaires pour les enfants de moins de 10 ans et pour les prestataires de la
sécurité du revenu. Par ailleurs, le programme de
prévention en santé dentaire du ministère de la
Santé et des Services sociaux sera identifié: 4 000 000 $
additionnels y seront injectés et destinés prioritairement aux
clientèles en milieu défavorisé. Par ces mesures,
l'État aura donc pris en charge à la fois l'éducation
à l'hygiène bucco-dentaire et les soins dentaires des enfants
jusqu'à un âge où ils auront acquis de bonnes habitudes
d'hygiène.
Pour les enfants de 10 ans et plus, le coût des services dentaires
devra donc être à la charge de leur famille, à moins qu'ils
ne soient prestataires de la sécurité du revenu. Ce coût
est en moyenne de 75 $ par enfant et par année. Pour les deux tiers de
ces enfants, le coût annuel est égal ou inférieur à
ces 75 $. Mais le coût que les familles québécoises
assumeront sera moindre que cela dans la mesure où elles assumeront
leurs responsabilités de favoriser une hygiène bucco-dentaire
plus intensive qu'actuellement.
Et cela, M. le Président, j'ai la certitude que les familles
québécoises le feront avec différents programmes de
prévention qui seront ajoutés en CLSC, donc en première
ligne, y compris avec la collaboration des cabinets de dentistes.
Ici aussi, M. le Président, je veux remercier l'Ordre des
dentistes qui n'a pas craint de s'asseoir à la table, de faire les mises
en garde qui s'imposaient au gouvernement quant à des gestes qui
pourraient être posés et qui pourraient avoir des effets à
long terme. L'Ordre a parfaitement et totalement joué son rôle. Et
l'Association des chirurgiens-dentistes aussi, puisque je suis très
heureux de communiquer à cette Assemblée que nous avons
signé, à 9 h 30 ce matin, une entente avec les
chirurgiens-dentistes qui effectivement nous permettra de faire ce que nous
faisons dans le projet de loi, avec leur accord. Ce n'est pas l'enthousiasme.
Lorsque vous vous faites couper une partie du programme, vous ne pouvez pas
être enthousiastes, mais eux aussi comprenant la situation
budgétaire difficile, comprenant qu'il y a à travers le
Québec un mouvement où tout le monde doit s'associer à ce
nécessaire exercice de redressement des finances publiques du
Québec, eux aussi, l'Ordre et l'Association, se sont assis avec le
gouvernement et nous avons convenu de ce que nous vous annonçons
aujourd'hui. (11 h 30)
Une voix: Bravo!
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, je
mets en garde tous les oiseaux de malheur qui pourraient commencer à se
promener au cours de cette journée un peu partout, tentant de
prétendre à des effets catastrophiques de certaines mesures; je
les mets en garde puisqu'il n'y a rien de plus sacré pour moi que
l'ordre qui doit protéger, effectivement, l'ensemble des
Québécois et des Québécoises quant à ces
choses. Évidemment, je le dis en toute honnêteté, ces gens,
à la fois en optométrie et dans le dentaire, auraient
préféré que nous maintenions intact le système que
nous connaissons aujourd'hui, mais comprennent très bien dans quelle
situation nous nous trouvions et ils nous ont conseillés quant à
ce que nous devions faire.
Troisième dossier, médicaments pour personnes
âgées. Enfin, M. le Président, le troisième
programme pour lequel j'ai annoncé une révision est celui des
médicaments pour personnes âgées. Dans ce programme, le
gouvernement est conscient que le coût global pour une personne peut
être élevé, d'où la nécessité de
maintenir un régime public. Même une contribution de l'usager,
sans qu'il y ait de montant maximal, pourrait restreindre
l'accessibilité des usagers. Par ailleurs, de multiples indices laissent
entrevoir une mauvaise consommation de médicaments chez ce groupe et il
y a trop d'exemples concrets d'une consommation abusive. Des études, en
plus, ont démontré que 15 % à 20 % des personnes admises
en centre hospitalier le sont pour une consomma-
tion inadéquate de médicaments. Celle
réalisée à l'hôpital de l'Enfant-Jésus,
à Québec, est éloquente sur cet aspect. Il y a donc place
pour de la rationalisation et l'utilisation de la gratuité de ce
programme n'est pas sans avoir d'effet sur une responsabilisation des personnes
concernées.
M. le Président, c'est dans cette optique que le projet de loi et
la réglementation introduisent une contribution financière de
l'usager au montant de 2 $ pour chaque médicament faisant l'objet d'une
ordonnance ou d'un renouvellement d'ordonnance. Cette contribution sera
limitée à 75 ordonnances ou renouvellements d'ordonnances, ce qui
représente un montant maximum de 150 $ par année. Elle ne sera
cependant pas exigible des usagers lorsque le pharmacien donnera à
l'usager une opinion pharmaceutique, ce geste s'inscrivant dans l'objectif
d'une utilisation plus rationnelle des médicaments. Les objectifs de
rationalisation des dépenses de santé nécessitaient de ne
pas requérir de contribution pour cet acte. Je m'explique.
Après de nombreux mois, nous avons signé, il y a quelques
semaines, une entente avec l'Association québécoise des
pharmaciens propriétaires. Nous avons convenu d'introduire dans cette
entente des gestes professionnels que le pharmacien poserait et de le
rémunérer pour les actes posés par ce professionnel et,
ainsi, l'inciter à être moins un vendeur de pilules, mais
davantage un conseiller pour les gens qui vont le voir. Il y a donc
reconnaissance de ces actes, d'un certain nombre d'actes, à titre
expérimental, donc pour la durée de la convention, pour faire en
sorte que le pharmacien, qui est un professionnel et qui connaît l'effet
des médications, qui connaît aussi très souvent, puisqu'il
est fréquenté par une personne qui a des habitudes, qui sait donc
qu'une mixité de médicaments amène une malconsommation ou
peut être à l'affût d'une surconsommation de
médicaments qui aurait des effets dévastateurs chez les
personnes...
Donc, pour protéger la santé des individus, nous avons, il
y a quelques semaines, signé cette convention collective pour faire
affaire avec le professionnel. J'ose espérer que dans l'avenir, avec les
pharmaciens privés du Québec, nous irons encore davantage dans ce
sens-là pour faire en sorte de reconnaître le professionnel, et
puisqu'il s'agit de santé des individus, je pense que nous sommes dans
la bonne voie.
Par ailleurs, le bénéficiaire ne sera pas sujet à
cette contribution s'il reçoit le montant maximal du supplément
du revenu garanti, ou s'il a atteint le nombre maximal d'ordonnances et de
renouvellements d'ordonnances et qu'il présente une preuve d'exemption
que lui a émise la Régie. Ainsi, quelque 77 700 personnes
âgées, les plus démunies sur le plan financier, seront donc
exemptées d'une contribution financière. Pour les autres, en
demandant uniquement 2 $ par ordonnance ou renouvellement d'ordonnance et en
introduisant une contribution maximale de 150 $ le gouvernement a
répondu à plusieurs préoccupations.
Une première consistait à demander un montant vraiment
restreint par ordonnance, ce qui a été fait en fixant à 2
$ la contribution. Cette contribution ne représente, globalement, que 10
% du coût moyen des ordonnances. Une seconde préoccupation
consistait à maintenir l'accessibilité aux personnes dont
l'état de santé exige un nombre élevé d'ordonnances
et de renouvellements d'ordonnances. En établissant une contribution
maximale de 150 $ par an, cette accessibilité est maintenue car il
n'aurait pas été approprié d'imposer une charge
financière dépendant de l'état de santé.
Une autre préoccupation, M. le Président, qui devait
trouver une réponse appropriée était de maintenir
l'utilisation d'un pilulier hebdomadaire pour les personnes qui en ont vraiment
besoin. Pour ces personnes, l'obligation de débourser 2 $ par semaine
par médicament, sans qu'il y ait de limite, n'aurait pas
été équitable. Avec trois médicaments par semaine
le coût annuel aurait été de plus de 300 $ par
année. La contribution de 150 $ maintient donc l'accessibilité
à ces services.
Mais permettez-moi, M. le Président, de mentionner sur cet aspect
que des mesures sont en cours pour revoir l'utilisation du pilulier
hebdomadaire. Si, en 1988, ils ne représentaient que 5,2 % des
ordonnances, ils en représentaient 16,2 % en 1991, soit trois fois plus,
trois ans plus tard. La nouvelle entente conclue avec l'Association des
pharmaciens propriétaires du Québec comporte une mesure
particulière pour rationaliser l'utilisation du pilulier hebdomadaire et
le rendre accessible aux usagers qui en ont besoin. À cet effet, cette
entente précise les situations où le pilulier hebdomadaire est
requis, ce qui devrait se traduire par une réduction de 30 % du nombre
d'ordonnances ou de renouvellements faits sous forme de piluliers.
Pour les usagers ayant un besoin réel de piluliers, le
gouvernement a tenu à maintenir ce service accessible, ce que permet la
limite de contribution annuelle telle que mentionnée
précédemment. Par ailleurs, cette contribution aux coûts
des médicaments ne s'appliquera évidemment pas aux 55 000
personnes hébergées en établissement. Leur perte
d'autonomie a nécessité leur hébergement dans le
réseau public et les établissements continueront d'assurer la
gratuité des médicaments que requiert leur état de
santé.
Aussi, pour les 775 000 aînés du Québec, 17 %
d'entre eux continueront de bénéficier d'une gratuité
complète. Pour les autres aînés, excluant ceux qui ne se
prévalent pas du programme, la contribution moyenne ne sera que de 70 $
par année. Dans l'ensemble, cette révision maintiendra
l'accessibilité des personnes âgées au
programme de médicaments tout en les sensibilisant aux
coûts de ce programme.
M. le Président, le projet de loi comprend en outre plusieurs
autres dispositions. Une première permet de déterminer par
règlement les services de réfraction que rendent les
médecins et qui ne doivent pas être considérés comme
assurés. Cette disposition vise à traiter de façon
équitable le citoyen qui se présente chez un médecin pour
y recevoir des services d'examen de la vision et celui qui se présente
chez un optométriste pour des raisons similaires. (11 h 40)
Un second exemple de dispositions à caractère transitoire
prévoit que toutes les personnes âgées devront
temporairement débourser la contribution prescrite au programme de
médicaments et qu'elles seront remboursées ultérieurement
par la Régie en fonction du montant qu'elles auraient effectivement
dû payer. La période transitoire sera des plus restreintes, car le
rythme accéléré des discussions entre la Régie de
l'assurance-maladie du Québec et Santé et Bien-être Canada
fait qu'il sera possible, d'ici à deux semaines, d'entreprendre la
transmission des preuves d'exemption aux personnes recevant le montant maximal
du supplément de revenu garanti.
M. le Président, je me dois de porter à votre attention
qu'après ces ajustements du panier des services assurés le
régime public québécois pourra toujours se comparer
avantageusement aux autres régimes. Sur le plan international, 90 % des
citoyens des pays de l'OCDE, excluant les États-Unis, doivent contribuer
aux coûts de leurs médicaments. Une contribution est
demandée dans des pays souvent cités en exemple pour leurs
valeurs sociales: la Finlande, la Suède, la Norvège. Et, sur le
plan canadien, une vue d'ensemble permet de constater que quatre provinces,
dont les trois plus riches - l'Ontario, la Colombie-Britannique et l'Alberta -
n'ont pas de programme public universel de soins dentaires aux enfants et que
celui du Québec est comparable aux programmes des autres provinces. Dans
les services optomé-triques, quatre provinces n'assurent pas tous les
groupes d'âge. Enfin, le Québec est parmi les plus
généreux au chapitre des médicaments pour les personnes
âgées.
Les rationalisations qui viennent d'être apportées auront
un impact moindre que celles qu'apportent d'autres provinces. En effet, la
province de Nouvelle-Ecosse vient d'annoncer qu'elle désassurera les
services optométriques aux personnes de 20 ans jusqu'à 64 ans.
Celle de la Saskatchewan vient d'annoncer une mesure similaire pour les 18 ans
et plus. Cette province vient aussi de porter de 25 à 35 % la proportion
du coût des médicaments que l'usager devra assumer, sans qu'il n'y
ait de montant maximal à cette contribution ni que l'on exempte les plus
démunis. La contribution demandée au Québec
représente uniquement 10 % du coût moyen d'une ordonnance, ce qui
est nettement moindre. Le Nouveau-Brunswick, pour sa part, désassurera
complètement les médicaments pour les personnes
âgées qui ne reçoivent pas le supplément de revenu
garanti. En substitut, il a offert à ces personnes la possibilité
de prendre un régime privé d'assurance qui coûterait
près de 600 $ par an, par personne. Ce coût est sans commune
mesure, vous l'admettrez avec moi, avec ce qui sera demandé à nos
aînés du Québec.
Dans l'ensemble, les trois mesures de révision du panier des
services assurés permettront de réduire les dépenses de
1992-1993 de 77 800 000 $, excluant les effets prévisibles sur la
réduction de la consommation de médicaments, lesquels sont de
l'ordre de 17 500 000 $. Elles permettent donc de porter à 172 000 000 $
les économies réalisables en 1992-1993 dans la santé et
les services sociaux.
M. le Président, les mesures de révision du panier des
services assurés ne modifient que de 0,6 % le financement du
régime public de santé et des services sociaux au Québec.
Aussi, on peut sans aucun doute affirmer qu'elles ne constituent pas une
réorientation significative du régime public de santé. Il
s'agit tout au plus d'un ajustement à la marge, qui était devenu
nécessaire. De telles mesures de rationalisation s'imposaient afin de
répondre à la problématique actuelle. Elles respectent les
principes du régime et elles comportent des précautions qui se
comparent avantageusement a celles que l'on retrouve ailleurs. Les
contributions demandées ne constituent pas un risque financier important
pour les usagers. Le rythme de croissance des dépenses publiques de
santé et de services sociaux devait être réduit et
ajusté à la capacité financière du gouvernement et,
donc, des citoyens.
Il fallait restreindre l'illusion de gratuité des services
assurés et la consommation inappropriée qui peut en
découler. Le temps était venu aussi d'adapter les services
assurés en fonction de l'évolution des besoins de la
société québécoise et de se doter de services
à la juste mesure de nos moyens. Reporter les échéances de
ces ajustements aurait risqué de compromettre le maintien des fondements
mêmes du régime actuel.
Si des intervenants au débat sur le financement ont
mentionné que la gratuité des services est peut-être le
pire ennemi de l'accessibilité, c'est qu'ils craignent que, sans remise
en question immédiate du régime actuel, la cohésion
sociale ne s'effrite et que l'on ne s'achemine alors vers un éclatement
complet du régime. Le défi de la prochaine décennie est
d'adapter le système de santé et des services sociaux aux besoins
les plus urgents, tout en s'assurant qu'il évolue à
l'intérieur de la capacité de payer de la société
et du gouvernement. Ce défi est de taille; les dirigeants de la
collectivité ne doivent pas s'y soustraire.
M. le Président, le gouvernement a entrepris d'assumer ce
défi. Il l'a entrepris en se préoccupant du maintien des
fondements du régime actuel qui sont l'accessibilité aux services
que leur état requiert pour tous les citoyens, l'universalité, en
tenant compte d'une équité de chances entre les personnes malades
et celles bien portantes. Aucun obstacle financier à
l'accessibilité aux services des personnes démunies ne
résulte du projet de loi, celles-ci étant exemptées des
mesures prévues. La collectivité continuera à partager les
risques reliés à la maladie, le gouvernement ayant tenu compte de
la charge financière qui aurait résulté d'un état
de santé précaire et ayant limité la contribution qui,
autrement, aurait pu être requise des personnes âgées.
Le gouvernement ne pouvait certes pas reléguer à un second
plan les préoccupations du citoyen payeur. Sollicité de toutes
parts par les impôts et les taxes que prélèvent les
gouvernements tant fédéral que provincial, que municipal, que
scolaire, il demande que le gouvernement utilise de façon efficiente et
efficace les fonds publics en s'assurant qu'ils servent effectivement au
bénéfice de citoyens qui ont des besoins réels. Ce citoyen
demande également que le gouvernement n'augmente pas les taxes et les
impôts, compte tenu du lourd fardeau fiscal qu'il doit déjà
supporter. Les mesures précédentes s'inscrivent dans cette voie
et permettent de répondre à cette préoccupation bien
légitime de sapait.
Le gouvernement ne pouvait pas ignorer une autre préoccupation
tout aussi importante que la précédente, celle d'être
équitable en regard des générations futures, des citoyens
de demain qui n'ont pas actuellement droit de parole dans les décisions
à prendre. Il se devait de prendre les actions qui s'imposaient pour
restreindre, dans la mesure du possible, le passif que nous leur donnerons
comme legs.
En terminant, M. le Président, voici, dans un débat qui
s'amorce, que je souhaite le plus serein possible, une vision sereine, non
partisane d'une décision difficile, difficile parce qu'on a l'avantage
d'être habitués, dans nos cultures politiques, depuis un certain
nombre d'années, davantage habitués à ce que les femmes et
les hommes politiques donnent qu'à les voir enlever des choses aux
citoyens. C'est une décision qui est gouvernementale, qui s'inscrit avec
des préoccupations, une décision très
équilibrée, puisqu'elle interpelle l'individu, elle interpelle la
collectivité, elle interpelle le citoyen consommateur, bien sûr,
elle interpelle le citoyen décideur lorsqu'on fait appel aux
établissements sur le plan de la gestion, de l'efficience et de
l'efficacité et elle interpelle aussi le citoyen dispensateur de
services que sont les professionnels. (11 h 50)
Nous avons donc choisi une solution équi- librée, faisant
appel au sens des responsabilités des individus et de la
collectivité, et montrant très nettement et très
clairement, et ça réjouira très certainement le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue parce que,
là-dessus, nous sommes d'accord que l'un des problèmes
fondamentaux - et qu'un fédéraliste dise ça, à ce
moment-ci, dans un débat constitutionnel qui est assez chargé,
merci, ce n'est pas nouveau. Je l'ai dit, je continue de le
répéter et je n'ai pas changé d'idée: Une bonne
partie de nos problèmes relèvent d'un désengagement
honteux de la part du gouvernement fédéral, et pas uniquement des
conservateurs puisque ça a commencé avec l'idole des
Québécois qui était Pierre Elliott Trudeau en 1984, un
désengagement honteux qui, aujourd'hui, nous fait nous retrouver
à Québec dans nos responsabilités avec des
décisions difficiles à prendre, mais que nous devons prendre. Il
y a pour 1 200 000 000 $ jusqu'à maintenant de part de
responsabilité du gouvernement fédéral et on peut
s'interroger sur le fait que, n'ayant plus d'argent pour nous faire respecter
les conditions de base du régime canadien de santé et de services
sociaux, il lance à gauche et à droite une série de
programmes qui, eux, lui permettent de trouver des sous.
Je veux tout simplement dire, en terminant, que ce message, pour la
première fois depuis Meech, pour la première fois depuis
l'échec de Meech, j'aurai l'occasion, jeudi matin, le 18 prochain, de le
dire très fort à une conférence
fédérale-provinciale des ministres des Finances et des ministres
de la Santé. J'ai reçu hier, avec mon collègue des
Finances, le mandat du Conseil des ministres d'aller porter ce message, et de
le faire dans la tradition des revendications historiques, avec la connaissance
que nous avons du dossier. Et il est clair que ceux qui, à Ottawa ou des
autres provinces, s'attendent à une petite réunion calme, comme
habituellement dans le passé, auront très certainement une bonne
partie de leur plan dérangée, et on va leur dire la
vérité et les implications que ça implique pour le
Québec et les choix politiques et difficiles que nous avons à
faire découlant de tout cela. Mais une chose est certaine, M. le
Président, c'est un rendez-vous, le 18, à ne pas manquer, que je
ne voudrais manquer pour tout l'or au monde, malgré le fait qu'il y ait
devant cette Chambre des pièces législatives extrêmement
importantes. À chacun sa part, à chacun ses efforts.
Et, M. le Président, c'est un projet de loi
équilibré qui sera critiqué, qui l'a été et
qui le sera. Je le sais, dans un régime parlementaire, c'est à
ça qu'on doit s'attendre, et, M. le Président, je suis
prêt, au nom du gouvernement du Québec, à faire face
à cette musique et à défendre chacune des mesures
impliquées dans ce projet de loi pour le bien-être des
générations futures et des finances du Québec et, aussi
même, des usagers du système québécois de
santé et de services sociaux. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre de
la Santé et des Services sociaux, de votre intervention. Je rappelle aux
membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'étude de
l'adoption du principe du projet de loi 9, Loi modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie, et je cède la parole à M. le
vice-président de la commission des institutions et député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. M. le député, la parole
est à vous.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. Le projet de loi 9, un
titre bien simple, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Le
débat s'engage ce matin, M. le Président, et il sera virulent. Je
ne peux concevoir, M. le Président, et allons directement au sujet... Ce
n'est pas l'appel lénifiant et honteux du ministre de la Santé et
des Services sociaux dans la présentation de ce projet de loi qui va
nous retenir de montrer la véritable situation de notre système
de santé et de services sociaux, des causes qui font qu'aujourd'hui il
est obligé de se présenter devant l'Assemblée nationale.
Et, en vérité, M. le Président, ce que le ministre de la
Santé et des Services sociaux fait formellement ce matin, il vient dire
à 1 800 000 Québécois et Québécoises: On
vous augmente vos impôts, on vous augmente vos taxes.
Là, M. le Président, il faut être clair, il faut que
la situation soit bien précise pour les gens qui nous écoutent,
pour les gens qui entendent parler de ce débat depuis un bon nombre de
mois. Les mesures qui sont proposées en amendant la Loi sur
l'assurance-maladie, ce que ça signifie, c'est qu'il y a 1 800 000
Québécois pour qui le gouvernement ne paiera plus pour quelque 78
000 000 $ de dépenses qui étaient jusqu'à maintenant
assurées par le régime d'assurance-santé au Québec.
Attention, quand le ministre de la Santé et des Services sociaux vous
dit: Ah! écoutez, sur des dépenses d'à peu près 2
000 000 000 $ à la Régie de l'assurance-maladie du Québec
pour des services assurés, pour les médecins, pour l'examen de la
vue, pour les dentistes, pour les services dentaires aux enfants, pour les
services jusqu'à maintenant accessibles et gratuits pour les personnes
âgées, c'est une «mesurette», c'est seulement 78 000
000 $! M. le Président, ce qui va sortir de votre poche et ce qui va
sortir de la poche de 1 800 000 Québécois, c'est bien
au-delà de ce montant.
Alors, première constatation, ce n'est pas avec l'espèce
d'appel qui est lancé ce matin par le ministre de la Santé et des
Services sociaux en disant: On ne fait que s'ajuster en quelque sorte au plus
mauvais régime qui existe dans d'autres provinces. Et, nous, on
désire, au Québec, s'aligner sur ce qu'il y a de plus mauvais. On
ne prend pas nos responsabilités et on ne dit pas qu'on veut aller de
l'avant, qu'on va continuer d'être une société progressive,
qu'on va continuer à se donner solidairement, universellement une
politique qui va faire en sorte, comme le choix qu'on a fait en 1971, M. le
Président... On va choisir, donc, de se financer, peu importe la
condition des personnes. On va se financer. On va se donner une mutuelle.
M. le Président, soyons encore une fois très clairs. Ce
que le ministre de la Santé et des Services sociaux du gouvernement
libéral nous annonce ce matin, c'est au minimum que dans vos poches,
citoyens et citoyennes du Québec, pour les parents, pour les personnes
âgées, pour les gens entre 18 et 40 ans, pour les soins dentaires,
pour les soins optométriques, pour l'examen de la vue et pour les
médicaments aux personnes âgées, on vient de vous imposer
une dépense supplémentaire d'au minimum 150 000 000 $.
Alors, les gens comprennent aujourd'hui, avec ce projet de loi, que
l'espèce de discours souriant, l'espèce de discours
lénifiant, encore une fois, du ministre des Finances, le 14 mai dernier,
en annonçant triomphalement qu'à nouveau on n'a pas
augmenté les impôts pour les Québécois, que cette
déclaration était, M. le Président, contraire à la
vérité, contraire à la réalité.
Comment se fait-il que le gouvernement en arrive à proposer cette
mesure? Le ministre a rappelé que ce projet de loi arrive après
la tenue d'une commission parlementaire que nous avions nous-mêmes
réclamée et qui s'est tenue, il y a quelques mois, autour de la
situation du financement de nos services de santé et de nos services
sociaux. Oui, bien sûr, M. le Président, on va refaire l'histoire,
peut-être pas sous l'angle et avec les lunettes rosés que le
ministre a prises ce matin, pour saisir bien comme il faut quelle est la
situation sur le plan du financement et quelle est l'état de la
situation par rapport à la décision collective que nous avons
prise, les Québécois et les Québécoises en 1971, de
nous donner un régime universel, accessible et gratuit au sens, M. le
Président, où nous avons décidé d'être
solidaires, au Québec; que peu importe notre condition
financière, notre condition matérielle, nous allions avoir
accès à des services et que ça allait être
financé collectivement. La gratuité, qu'on ne vienne pas nous
écorcher les oreilles avec cela, on le sait qu'il n'y a rien de gratuit,
mais dans une société progressiste on peut décider que,
collectivement, on va se serrer les coudes et qu'on va se financer des services
en rapport avec une des dimensions, évidemment, les plus fondamentales
pour un individu, son état de santé, peu importe sa condition.
C'est une mesure de progrès social. C'est ça qui est remis en
question ce matin, M. le Président. (12 heures)
Alors, revenons donc sur ce débat sur le financement des services
de santé et des services
sociaux au Québec qui amène aujourd'hui le ministre
à dire: Eh bien, on va vous en mettre pour 78 000 000 $. Mais il y a
pire que ça, M. le Président, il y a bien pire que ça. Le
ministre dit: II y avait un consensus qui s'était établi. Ce que
nous posons ce matin comme geste, en désassurant, en sortant de notre
police d'assurance la couverture, l'assurance pour l'examen de la vue, pour les
soins dentaires pour les enfants de plus de 10 ans et en faisant payer les
personnes âgées pour avoir accès à leurs
médicaments...
Le ministre dit: II y a eu un consensus. C'est largement la faute du
gouvernement fédéral si on est pris dans cette
situation-là. Ça, M. le Président, je dis: Ce n'est pas le
discours lénifiant et honteux du ministre de la Santé et des
Services sociaux ce matin. Ça, c'est la partie honteuse du débat,
M. le Président, la partie véritablement honteuse pour un
gouvernement qui ne cesse de nous enfoncer dans la gorge que le régime
fédéral, que le fédéralisme, avec tous ces
qualificatifs qu'on a inventés au cours des dernières semaines,
c'était un bon régime pour les Québécois, qu'on
peut en arriver à des arrangements, qu'on peut monter des patentes qui
fassent en sorte que ce régime-là nous fait du bien, les
Québécois.
M. le Président, je ne peux pas m'empêcher de rappeler les
propres mots qui étaient employés par le ministère de la
Santé et des Services sociaux, par le ministre de la Santé et des
Services sociaux, par le gouvernement du Québec sur le
désengagement du fédéral. Qu'est-ce que ça veut
dire, ça, le désengagement du fédéral, pour que les
gens nous comprennent? Ça veut dire que le régime de
l'assurance-santé, quand on a à payer nos professionnels, quand
on a à se donner des services...
On paie des taxes à Ottawa, M. le Président. On en paie un
joli paquet! On en paie à une hauteur de 25 000 000 $. Est-ce que
ça revient, cet argent-là? Bien, dans le domaine de la
santé et des services sociaux, le ministre a mentionné le
chiffre. L'argent qu'on donne à Ottawa, qui s'est donné une loi
lui-même, le gouvernement fédéral, pour s'assurer que dans
toutes les provinces il va y avoir une couverture minimale de services, eh
bien, il faut qu'il nous en revienne! C'est à nous autres, cet
argent-là! 11 ne nous en retourne plus que pour 37 % de l'ensemble des
coûts de notre système de santé au québec, dont le
coût de ces services se chiffre à une hauteur de quelque 12 000
000 000 $.
M. le Président, le gouvernement fédéral, cette
grande formule du fédéralisme rentable, du
fédéralisme qui est supposé protéger l'ensemble de
nos acquis sociaux, fait en sorte qu'au cours des dernières
années c'est 1 700 000 000 $ qu'on a gardés à Ottawa
à même nos impôts. Quand les gens se posent des questions,
là, ils disent: Comment ça se fait qu'on en arrive à cette
situation-là? Comment ça se fait que notre bon gouvernement
fédéral... Comment ça se fait que cette belle formule, que
cette bonne formule du fédéralisme est si bonne pour les
Québécois et les Québécoises? Bien, là, il
faut se dire, ce matin, franchement, honnêtement, ouvertement: Eh bien,
le fédéralisme, là, le beau Canada qu'on vous vante, ce
matin, il vous coûte 150 000 000 $ de vos poches.
Quand on envoie 25 000 000 000 $ à Ottawa, M. le
Président, et qu'il n'en revient pas une juste proportion au
Québec, qu'est-ce qu'on est obligé de faire, au-delà des
beaux discours? Ce qu'on est obligé de faire, on est obligé de
couper dans les services aux enfants, dans les services d'examens de la vue et
dans les services pour l'accès aux médicaments pour les personnes
âgées.
M. le Président, la réalité terrain, ce que tout le
monde vit quotidiennement au-delà des grandes déclarations
pompeuses, c'est qu'on se fait siphonner de l'argent. On vient
littéralement siphonner de l'argent aux Québécois et aux
Québécoises: 25 000 000 000 $ par année par cette grande
formule du fédéralisme rentable ou supposément rentable
pour les Québécois et les Québécoises, puis la
résultante, c'est qu'eux autres se sucrent le bec en passant, ils
ramassent ce qu'ils ont à ramasser de nos poches, ils se lancent dans
des programmes de dépenses qui sont... mais sans aucune
préoccupation, mais sans aucune honte, en disant: Nous, le pouvoir
illimité de dépenser, on l'a. Puis on a également le
pouvoir illimité de vous taxer. Puis, pour ce qui est des services
communs que les provinces ont décidé de se donner, que le
Québec a décidé de se donner, ça, vous savez, M. le
Président, on n'en a que faire!
Nous, on a une loi C-3 qui dit: Vous êtes obligé de donner
telle quantité de services, tel niveau de service. Bien, dispensez-les,
ces services, dans les provinces, puis quant à l'argent qu'on collecte,
nous autres, on l'organisera bien comme on veut l'organiser. Bien, c'est
ça, M. le Président! Ce qu'il faut que les gens se disent, c'est
qu'il y a une relation directe de cause à effet. On est obligé de
demander au Québec, au ministre de la Santé et des Services
sociaux de nous faire un discours, en disant: On s'est arrangé, on s'est
arrangé pour la plupart des secteurs. On a monté une patente,
là, avec les optométristes. On a monté une autre entente
avec l'Ordre des dentistes, l'association des dentistes au Québec. Pour
les personnes âgées, là, on a monté quelques
accommodements.
Mais pourquoi est-on obligé de faire tout ça, M. le
Président? Bien, c'est parce que, pour la seule année 1992-1993,
le gouvernement fédérai a renié ses engagements et qu'il a
décidé de «puncher» nos impôts pour servir
à d'autres folies, en disant: Vous autres, au Québec, là,
demandez-en donc plus aux contribuables, demandez donc aux citoyens de payer
davantage
pour leurs services, de payer davantage pour des choses qui
étaient assurées collectivement, puis, nous, on va continuer,
vogue la galère, à vous monter un brillant déficit. Des
brillants gestionnaires! Un déficit, bon an mal an, autour de 30 000 000
000 $. Y a-t-il quelqu'un qui croit encore au gouvernement
fédéral, avec toutes les promesses qu'il a faites, puis les
engagements que le déficit allait baisser? Ils sont rendus à 450
000 000 000 $, et au-delà, de déficit accumulé. Pendant ce
temps-là, les chantres du beau Canada, les chantres du
fédéralisme rentable, de cette belle et grande formule qui
protège les Québécois, qui les assure d'une
sécurité pour leur programme de santé, qui leur assure la
sécurité pour leurs vieux jours... Pendant que ces chantres se
promènent encore dans les clubs de l'âge d'or, et qu'ils disent
encore, ça revient: Attention! Attention! là, qu'est-ce qui va
arriver avec votre pension de vieillesse si on sort du gouvernement
fédéral? Eh bien! si on sort du régime, M. le
Président, c'est la bonne façon de les conserver.
On le voit ce matin, ce qui nous arrive parce qu'on est resté
dans cette patente, dans cet arrangement tout croche pour les
Québécois et les Québécoises, parce qu'on n'a
jamais voulu répondre de façon positive aux demandes que
même Jean Lesage faisait le 26 juillet 1961, en disant: Donnez-nous donc
nos points d'impôt. L'argent qu'on paie à Ottawa, on est capable
de le contrôler. On est capable de se donner des mesures de
solidarité sociale. Et, ces mesures-là, on va les décider
nous-mêmes et on va les financer parce que, ça, ça fait
partie de la grande tradition de la société
québécoise, de cette espèce de Révolution
tranquille que nous avons faite.
Pour ceux et celles qui pensent qu'en 1971 le choix avait
été facile de se donner un régime universel de
solidarisation sociale autour de notre régime d'assurance-maladie au
Québec, ce n'était pas plus facile qu'aujourd'hui, M. le
Président. Au contraire! Il fallait donner un coup de barre. Mais nous
étions liés par une espèce de mouvement qui faisait en
sorte qu'on disait: Nous autres, les Québécois et les
Québécoises, on va se donner un régime de
solidarité.
M. le Président, un des témoignages les plus remarquables
devant la commission parlementaire des affaires sociales, au mois de
février, à l'occasion du débat sur le financement des
services de santé et des services sociaux, ça a été
celui de M. Norbert Rodrigue, actuel président de la Conférence
des CRSSS du Québec et ex-président de la CSN, et homme d'action,
et homme engagé, et qui est un reflet de notre solidarité
québécoise. La déclaration de M. Rodrigue, elle
était simple, lapidaire, et elle reflétait bien ce que la
majorité des Québécois et des Québécoises
pensent, j'en suis convaincu. M. Rodrigue disait essentiellement: C'est un
suicide collectif de toucher à la dernière pièce qui
représente tout le mouvement de solidarité sociale que nous avons
au Québec en désassurant, en réduisant la couverture des
services que nous avons choisi de financer universellement et qui donne
accès gratuitement, au sens de financé par tout le monde au
Québec. C'est un geste suicidaire. (12 h 10)
M. le Président, Normand Rodrigue n'est pas reconnu comme un
homme qui exagère; il n'est pas reconnu comme un homme qui fait des
déclarations à tout vent, sans réfléchir. C'est un
homme qui a été et qui est toujours sur le terrain, qui est
toujours dans l'action et qui, j'en suis convaincu, ne posait pas cette
affirmation en tant que président de tel type d'organisme ou de tel
autre organisme, dû au fait qu'il a déjà été
président de la CSN. Non, M. le Président, c'était un
appel du coeur, un appel d'un Québécois. Il disait: Regardez donc
d'où il vient, votre mal. Examinez donc la situation en toute
objectivité et adoptez donc les remèdes qui sont
nécessaires, compte tenu du mal qui a été
diagnostiqué.
M. le Président, quand le ministre de la Santé et des
Services sociaux dit, dans son propre document, que le désengagement du
fédéral, cette grande formule, lui, qui se dit un
fédéraliste ébranlé, je vais tomber à terre
s'il suit ses déclarations, le désengagement du
fédéral, M. le Président - ce n'est pas moi qui parle,
c'est le gouvernement, c'est le ministre de la Santé et des Services
sociaux - inacceptable, injuste, incohérent. Le ministre nous annonce,
à la fin de sa présentation du projet de loi, ce matin, qu'il va
se rendre, le 18 juin, après l'adoption de ce projet de loi qui coupe
des services assurés aux Québécois, qu'il va se rendre
à Ottawa pour leur piquer une crise. Là, je tombe à terre,
pour prendre l'expression populaire. Là, je tombe à terre, c'est
le cas de le dire. Là, la grande mesure... Aïe! Pour les gens qui
nous écoutent, il y a toujours bien un bout à tout. Jean Lesage,
le 26 juillet 1961, est allé dire au nom des Québécois et
des Québécoises: Rendez-nous notre butin. Maurice Duplessis avait
dit ça pendant 20 ans. Jean Lesage, ce père de la
Révolution tranquille, qui dit: Écoutez bien, en matière
de sécurité sociale, tout ce qu'on veut avoir, c'est: Donnez-nous
nos points d'impôt, l'argent qu'on vous envoie de nos poches.
Le ministre de la Santé et des Services sociaux, 30 ans plus
tard, 40 ans plus tard dans les Maritimes, quasiment, 30 ans plus tard, il dit:
Ah! Attention, attention! Je vais me rendre, le 18 juin, et j'ai fait une
entente avec le ministre des Finances, je vais aller à Ottawa et je vais
faire: Beu! Beu! Beu! Ah là! M. le Président, je suis
impressionné, mais impressionné. Là, je me confonds, je me
repens devant le ministre de la Santé et des Services sociaux et devant
la colonne vertébrale de ce gouvernement. Du même coup, il nous
dit: Je vais aller vous «puncher»
78 000 000 $ dans vos poches, ça va vous en coûter, au bas
mot, 158 000 000 $, mais, attention, que Benoît Bouchard se le tienne
pour dit, le 18 juin, j'irai à Ottawa et je leur dirai: Je pense que
c'est de votre faute et vous devriez nous rendre notre butin, nous rendre notre
argent. Mais là, M. le Président, dans quelle sorte de monde
qu'on vit? Qu'est-ce que c'est que ces déclarations, mais
incohérentes? Un jour, un jour, nous serons appelés à
juger ces déclarations. Nous serons appelés à juger de
cette attitude. Nous serons appelés à juger de ces gestes. Et le
ministre de la Santé et des Services sociaux, à qui on ne peut
pas tout reprocher, a déjà eu des déclarations pas mal
plus vertébrées, a déjà eu des déclarations
pas mal plus corsées, a déjà eu des positions qui nous
semblaient, mais pas mal plus soutenables. Mais que là, aujourd'hui, il
vienne nous dire: Voyez-vous, dans la foulée de la réforme que je
vous ai proposée, maintenant, citoyens payeurs, c'est vous qui passez
à la caisse et, en même temps, je vous dis que je vais aller
à Ottawa pour leur dire: Bien, c'est votre faute, et je pense que vous
devriez nous donner l'argent qui nous revient.
Essentiellement, il y a un point, 1 800 000 personnes au Québec
qui vont payer davantage parce qu'on a un gouvernement qui ne se tient pas
debout, parce qu'on a un gouvernement qui ne réclame pas et qui n'exige
pas et qui, surtout, n'a jamais été capable d'obtenir notre butin
et qui ne l'obtiendra jamais dans la formule actuelle. Alors, ça, il va
falloir s'en souvenir. Quand on va se faire, encore une fois, les chantres
d'une formule qui nous protège, où le gouvernement
fédéral veut tellement notre bien que je vous parie qu'il va
finir par l'avoir, M. le Président, on va se souvenir que le geste
concret du projet de loi 9, c'est de faire en sorte qu'on nous retire ces
services que nous avions créés, que nous avions
décidés et qui étaient une mesure de solidarité
sociale. C'est pour ça que Norbert Rodrigue disait: Dans le fond, le
projet de loi 9 - on le voyait bien venir - essentiellement, M. le
Président, c'est une mesure de désolidarisation sociale.
Le ministre des Finances peut bien faire - malgré tout le respect
qu'on doit avoir envers le ministre des Finances comme doyen de
l'Assemblée nationale - une blague en disant: Bof! 35 ans, vous savez
c'est très relatif, c'est comme le petit 2 $ à Marc-Yvan. Ce
n'est pas le petit 2 $ qui compte. Ce n'est pas l'ensemble des petites... Ce
n'est pas les petites «mesurettes» qu'on semble vouloir nous faire
avaler. Non, M. le Président, il y a une attaque fondamentalement
vicieuse des principes fondamentaux de notre régime de santé et
de services sociaux.
Et là, M. le Président, c'est pour ça qu'il faut
parler tellement de cette question. Qui touche à notre argent? Qui le
garde au passage? Et qui ne rend pas aux Québécois, aux
Québécoises, parce que la formule empêche de le rendre, cet
argent pour se donner ces services de santé et services sociaux? C'est
essentiellement le gouvernement fédéral. Et le gouvernement, ici,
à l'Assemblée nationale, dit: Bien, écoutez bien,
là, comme on n'a pas la pleine responsabilité sur la collection
de nos impôts, on n'a pas la pleine responsabilité en
matière de lois à l'Assemblée nationale, bien, on est
obligés de se plier à ça.
Non, M. le Président, c'est un raisonnement qui ne marche pas.
C'est un raisonnement auquel les Québécois et les
Québécoises vont devoir un jour songer encore bien davantage et,
quand on voit ce que ça veut dire sur le terrain de la pratique, on
connaît bien maintenant la réponse qu'on va se donner
collectivement, nous le souhaitons, dans quelques mois. En matière de
geste de solidarité sociale, d'autres gouvernements vont arrêter
de saboter ce que nous avons bâti depuis 30 ans au Québec.
Le ministre ajoute par ailleurs, proprement sur le terrain du
Québec, qu'il nous faut en arriver à un meilleur contrôle
du niveau des dépenses de santé publique au Québec, que la
santé et les services sociaux, ça nous coûte cher, que
ça nous coûte trop cher, M. le Président. Non, ça,
M. le Président, je ne peux adhérer non plus à cette
déclaration-là. Surtout que le ministre de la Santé et des
Services sociaux ajoute: Voyez-vous, en termes de fiscalité, on ne peut
pas charger davantage aux Québécois. Mais quelle sorte de
mathématique particulière, hors du monde de Pythagore, se sont
inventée le ministre de la Santé et des Services sociaux et le
ministre des Finances? Pour eux autres, une piastre qui sort de ta poche,
là, si ce n'est pas en impôt et en taxes, ça ne sort pas de
ta poche. Ça vient du Saint-Esprit, cette affaire-là! Ça
ne sort pas par en bas, M. le Président, ça tomberait comme par
en haut. Ça ne vient pas de la paye que l'on retire à chaque
semaine. Parce que ce n'est pas le gouvernement qui choisit de contrôler
ses dépenses et d'administrer dans un geste collectif des services, bien
voilà, on ne paie pas, on ne paie plus.
Donc, vous n'avez pas une augmentation de votre fardeau. Bien voyons
donc! C'est un raisonnement qui ne marche pas, M. le Président. Les
parents qui ont des enfants au-dessus de 10 ans savent bien que, depuis trois
semaines, quand ils vont chez le dentiste et qu'on leur dit «on a un
traitement, on a une intervention à faire sur l'une ou l'autre des dents
de vos enfants», il faut qu'ils sortent l'argent de leur poche. Il faut
bien... Ce n'est pas un petit 2 $ qu'ils sortent. Ce qu'ils vont sortir, les
parents, pour les soins dentaires, c'est 24 000 000 $. Ça ne tombe pas
du ciel, cette histoire-là. Ça sort de quelque part. C'est un
raisonnement de gouvernement de pygmées. C'est un raisonnement qui fait
en sorte de dire: On continue de vous cacher la vérité. On ne va
plus payer, on ne va plus se solidariser sur ces aspects au Québec et,
là, on va se lancer dans une entreprise où ça va
être: Qui peut se
sauver de la désassurance? Qui peut continuer d'avoir des
services collectivement couverts par notre régime d'assurance-maladie au
Québec? Est-ce que ça nous coûte trop cher, M. le
Président, pour nos dépenses de santé au Québec?
(12 h 20)
Les informations qui ont été données par le
gouvernement dans son document «Un financement équitable à
la mesure de nos moyens» quand il nous reste des moyens, là,
ça nous indique la situation contraire, ça. Ce n'est pas vrai,
cette déclaration, M. le Président. Je dis «pas
vrai», c'est un mot qu'on ne peut pas employer, ici, à
l'Assemblée nationale. Ça me semble contraire à la
réalité. Quelle est la proportion du produit intérieur
brut que l'on consacre à nos dépenses publiques de santé
au Québec? Produit intérieur brut, il y a d'excellents articles
de M. Picher, dans La Presse, ces jours derniers, pour savoir ce que
c'est, le produit intérieur brut. Grosso modo, c'est l'ensemble des
dépenses que l'on fait dans une société. C'est quoi la
partie de l'ensemble des dépenses qu'on consacre pour notre
régime public de santé et des services sociaux? 7,8 %. Mais ce
qui est important, c'est de regarder pour une personne, pour l'ensemble des
personnes au Québec, quel est le total des dépenses de
santé? Bon, expliquons ce jargon.
Il y a un certain nombre de services qui sont couverts, donc, par la Loi
sur l'assurance-maladie au Québec. On finance ça de
différentes façons; par des employeurs qui contribuent à
la caisse et l'autre partie des impôts généraux qui sont
perçus par les citoyens. Mais ce n'est pas l'ensemble des services qui
sont couverts.
Bon, donnons un exemple, reprenons celui que le ministre donnait
lui-même: Quand je vais ajouter cette prothèse visuelle en passant
d'abord chez l'optométriste ou l'ophtalmologiste, eh bien, c'est une
dépense de santé, puisque j'ai à payer de ma poche ces
lunettes que je me suis procurées chez les spécialistes en cette
matière au Québec. Ça fait partie, ça... Je dois
additionner cette dépense-là à la dépense que je
fais et qui est payée par le gouvernement du Québec.
La part de l'ensemble des dépenses de santé au
Québec qui est payée par le gouvernement à même nos
impôts, est-ce que c'est hors de contrôle, M. le Président?
Est-ce que c'est rendu qu'on est dans une situation où ça a
explosé et que, là, «the sky is the limit»
là-dedans? Non, non, non, M. le Président, absolument pas, il ne
faut pas faire accroire ça aux gens. C'est 7,8 % de notre produit
intérieur brut de nos dépenses. L'ensemble de nos dépenses
qu'on fait pour toutes catégories, c'est 7,8 % qui sont consacrés
à nos dépenses de santé. Est-ce que ça, M. le
Président, en matière de dépenses publiques, là, en
matière de dépenses publiques, je le répète... Il y
a 77 % de ces dépenses qui sont financées par le trésor
québécois, peu importe les sources. Je ne regarde pas les sources
de financement.
Est-ce qu'on est en dehors du grand monde? Est-ce qu'on est en dehors de
ce qui se passe dans l'ensemble des pays industrialisés qui ont à
peu près le même niveau de développement que nous et qui
sont regroupés dans un organisme qu'on appelle l'OCDE? Non, M. le
Président. L'ensemble des dépenses pour les soins de santé
dans les pays industrialisés, l'ensemble de ces dépenses sont
financées en moyenne à 80 %, exactement 79,3 %, par l'argent du
public. Au Québec, combien est-ce qu'on en met là-dedans? On en
met, M. le Président, 77 %. On n'est pas en dehors de la
«track». On n'est pas en dehors de ce que d'autres
sociétés ont choisi en matière de financement des
dépenses de santé et des services sociaux. De faire accroire
qu'on doit absolument réduire le fardeau de l'État en
matière de financement de nos programmes de solidarité sociale en
santé et services sociaux, c'est hors de la réalité, M. le
Président. Ce n'est pas ça qui est décrit. Même que
d'aucuns, M. le Président, pourraient vous dire, et là, c'est
bien davantage illustratif: Bien écoutez, là - un peu comme le
raisonnement du gouvernement - écoutez, on n'est plus capables de payer
les taxes, on n'est plus capables de payer des impôts, on en a jusqu'ici.
Ah! ça, on le sait qu'on en a jusqu'ici. Ça, on le sait qu'on en
a jusqu'ici. Parce que l'ensemble des taxes, de la tarification et autres
charges qui sont faites aux citoyens par HydroQuébec, par exemple,
depuis cinq ans, fait en sorte qu'on en a, mais là ce n'est plus
jusqu'ici, M. le Président, c'est jusqu'ici, là. De temps en
temps, on lève la tête un peu pour voir si on va survivre la
semaine prochaine, comme diraient bien des... Je vais reprendre une expression
qui a longtemps été employée dans la région de
l'Abitibi-Témiscamingue, on se demande quelle partie du chèque,
de la pièce de la paie est la plus valable. Est-ce que c'est le talon de
chèque qui est en train de s'allonger avec les déductions, ce qui
fait en sorte que le chèque est rendu juste de cette longueur-là?
C'est souvent ce qui se produit.
Mais, M. le Président, est-ce que ça nous coûte
moins cher quand on paie ça de nos poches par rapport au fait qu'on se
finance ça collectivement? On a un sacré bon exemple, M. le
Président. On a un sacré bon exemple, ça s'appelle les
États-Unis. Ce n'est pas petit, comme pays industrialisé,
mettons, hein? Ce n'est pas petit. Ce n'est pas un exemple là,
cependant, sur le plan de la solidarité sociale. C'est pour ça
que nous autres, on a choisi, en 1971, de se serrer les coudes et de dire: Les
plus démunis et les familles qui, souvent s'endettaient pour toute leur
vie parce qu'une mère, parce qu'un père, parce qu'un enfant avait
eu la malchance d'avoir un accident, une malformation ou avait dû
être hospitalisé, subir une opération... On le sait. Il y a
bien des Québécois et des Québécoises qui nous
écoutent, et même dans cette Assemblée, M. le
Président, qui ont connu cette situation-là. Parce
qu'on était dans une situation difficile au plan
économique, qu'on était plus démunis, bien, on s'endettait
pour le restant de la vie, on hypothéquait la vie ou le
développement de la famille parce qu'on ne s'assurait pas collectivement
que la santé nationale était une priorité et que nous
allions financer ça.
Aux États-Unis, M. le Président, ils n'ont pas encore
choisi ce régime-là. Alors, là, c'est supposé
être le summum, le nec plus ultra du contrôle des dépenses
parce que, voyez-vous, des soins de santé aux États-Unis, si vous
en avez besoin, eh bien! vous mettez la main dans votre poche puis vous les
financez. Un peu comme on va faire pour les yeux, pour les dents et puis pour
l'accès aux médicaments pour les personnes âgées.
Est-ce que ça leur coûte moins cher, M. le Président? M. le
Président, aux États-Unis, il y a 37 000 000 de personnes,
minimum, qui n'ont aucune couverture d'assurance privée pour les soins
et les services de santé. Il y a, bien sûr, ce programme qui
s'appelle Medicaid, pour les gens les plus démunis, et le programme
Medicare, pour les gens en haut de 65 ans. Mais, pour la masse des
Américains qui sont obligés de payer de leur poche des assurances
ou de payer carrément de leur poche des services assurés, est-ce
que ça leur coûte moins cher parce qu'ils sont dans un
système où ils n'ont pas choisi la solidarité sociale?
Bien, M. le Président, quand je vous disais que, nous, on
consacre 7,8 % de nos dépenses aux services de santé et aux
services sociaux, aux États-Unis, ça leur en coûte tout
près de 12 % de l'ensemble des dépenses. Merveilleux
régime! Le président Bush disait, sans ses élans de
campagne électorale, que jamais il ne choisirait d'édifier un
régime comme le régime de la santé et des services sociaux
que nous avons au Québec et au Canada, parce que c'est un système
qui relevait de la gangrène sociale. Bien, la gangrène sociale,
M. le Président, félicitations pour les Américains, parce
que ça leur coûte 4 % de l'ensemble des dépenses plus cher
qu'au Québec par rapport à tous les services qui sont
actuellement assurés ici, au Québec!
M. le Président, là, ce qui est démontré
clairement maintenant, c'est que plus grande est la part des dépenses de
santé qui sont financées par le système public, par le
gouvernement, moins ça nous coûte cher collectivement. Mais
comprenez-vous, M. le Président, ce qui est en train de se passer avec
les mesures qui sont présentées ce matin? Là, je vous
donne un exemple très concret de ce que ça veut dire, parce que,
parfois, dans la population, on dit: Bien, le PIB, la part des dépenses,
et vous autres avec vos grands chiffres, vous finissez tous par nous
mêler et, au bout, on est toujours obligé d'en sortir plus de
notre poche. Ça, c'est vrai. C'est la conclusion. Je vais vous donner un
exemple concret de ce que ça veut dire. (12 h 30)
Pour les services dentaires aux enfants de plus de 10 ans, il y a une
entente qui existe avec les professionnels, les dentistes, qui dit qu'à
chaque fois qu'on se rend chez le dentiste et qu'on a à passer un examen
et, ça va de soi dans bien des situations, à procéder
à une consultation et également à un traitement sur ce
qu'on appelle les deux surfaces de la dent. Ça, c'est l'examen type.
Quand l'enfant est entré avec les parents, qu'il est ressorti avec les
conseils du professionnel en matière dentaire, eh bien, il y a une
facture qui est envoyée à la Régie de l'assurance-maladie.
Et ça, M. le Président, ça coûte en moyenne 32
$.
Mais là, à partir du 14 mai dernier, le même enfant,
les mêmes parents se présentent chez le dentiste: Bonjour! Oui,
c'est pour l'examen et également pour les soins curafrfs
nécessaires pour mon enfant. Il a quel âge, votre enfant? Il a 12
ans. Ah! Bien voyez-vous, depuis minuit, le 14 mai, le gouvernement n'assure
plus. Ce n'est plus dans la police d'assurance. Passons les explications que le
professionnel de la santé peut donner. Très bien, on est en
matière de prévention, on est en matière également
de curatif pour les enfants. Le même examen est fait. Et en sortant,
petite facture, chèque ou argent à sortir de votre poche. Combien
est-ce qu'il va vous charger, M. le Président? Combien il va vous
charger, là, pour votre enfant? Combien il va charger à partir du
14 mai? Combien, dorénavant, on va charger? Demandez ça au
ministre de la Santé et des Services sociaux qui a signé une
entente à 9 h 30 ce matin. On va lui demander de déposer ici la
recommandation de l'Association des chirurgiens dentistes du Québec sur
les frais qu'ils vont charger aux parents qui vont aller faire examiner leur
enfant et pour qui on va faire des travaux sur une dent, sur deux surfaces.
Ça va être en moyenne 59 $, M. le Président; 59 $. J'ai
fait l'expérience moi-même.
Je suis allé chez le dentiste après le 14 mai et j'ai
demandé au dentiste: Voulez-vous me montrer, pour mon enfant que je vais
vous amener la semaine prochaine et qui a plus de 10 ans, combien vous allez me
charger? Allez-vous me charger 32 $? Parce que 32 $, c'est ce que vous chargiez
à la Régie de l'assurance-maladie du Québec parce que vous
aviez un contrat collectif. Bien, il dit: Non. Ce n'est pas ça. Parce
que la recommandation de notre Ordre, en termes de tarif, c'est entre 37 $ et
67 $. Bien, j'ai dit: En moyenne, donnez-moi un chiffre, là. Exactement
le chiffre que je viens de vous mentionner, M. le Président. Il va vous
charger 59 $. Ça, c'est une dépense privée. Quand on la
payait publiquement, quand on la finançait collectivement, cette
mesure-là, parce qu'on avait une entente globale, on payait 32 $.
Là, on va payer 59 $, M. le Président. On va payer 59 $ pour
cette même visite.
Est-ce que quand on privatise, quand on
désassure, est-ce que ça va nous coûter moins cher,
M. le Président? Allez vérifier, là. Allez
vérifier. Je ne peux pas vérifier tous les termes de l'entente
que le ministre a annoncée il y a quelques secondes avec l'Association
et l'Ordre des dentistes, avec les dentistes au Québec. Mais sur la
charte des prix, sur les recommandations de charge, vous pouvez être
sûr que ça va vous coûter tout près du double de ce
que vous payez actuellement, de ce qu'on paie actuellement. Bien, c'est
ça, la démonstration très concrète, pour les gens
qui nous écoutent, de ce que ça veut dire, le projet de loi 9, et
de ce que ça va vouloir dire dorénavant, et de ce que ça
veut dire très concrètement quand on dit: Quand on finance
ça de façon collective, ça nous coûte bien moins
cher. Les dépenses publiques, M. le Président, sont encore le
meilleur moyen de contrôle. Les dépenses publiques, le financement
public demeurent le meilleur moyen de contrôle des dépenses en
matière de santé et de services sociaux au Québec.
Alors, le geste qui est posé ce matin, ce n'est pas un geste qui
va nous amener, M. le Président, à avoir un meilleur
contrôle sur les dépenses et à abaisser les coûts des
services de santé, les coûts totaux en santé et services
sociaux au Québec, c'est le contraire. La démonstration, c'est
que c'est exactement le contraire. Quand on choisit de faire ça
individuellement, chacun dans notre coin, et de reporter notre
responsabilité, de pelleter ça dans la cour des autres, eh bien,
ce qui arrive, M. le Président, c'est qu'on augmente l'ensemble des
dépenses de santé.
Est-ce que ça, ça fait en sorte, comme conclusion, qu'il
demeure plus de revenus dans les poches des contribuables pour d'autres types
de dépenses, pour des investissements ou pour du développement
économique? Vous savez bien que non.
Alors, quand le gouvernement se targue de dire: Ah bien, écoutez,
parce que la capacité de payer est rendue à son maximum, eh bien,
ça va faire en sorte que, en adoptant ce régime de financement
privé des services, on va réduire, on va mieux contrôler
nos dépenses de santé, les dépenses publiques, on va
atteindre un cap, on va atteindre un sommet. Mais ça ne contrôle
pas du tout, mais pas du tout l'ensemble des dépenses de santé au
Québec pour les Québécois et les Québécoises
et, surtout, ça en laisse moins dans les poches des
Québécois et des Québécoises. Avant ça,
collectivement, on prenait 32 $ pour aller chez le dentiste, pour les enfants
de plus de 10 ans, et, maintenant, on va en prendre en moyenne 59 $.
Alors, dans ce contexte-là, M. le Président, ce n'est pas
une mesure de contrôle, puis ce n'est pas une mesure de stimulation, puis
ce n'est pas une mesure qui fait en sorte qu'il en reste plus dans nos poches
pour les employer à d'autres fins et faire en sorte qu'on puisse
assurer, au total, et qu'on puisse assurer, au bout de la course, qu'il y ait
plus de Québécois et de Québécoises qui
travaillent. Parce que l'autre partie du scandale, M. le Président -
vous le savez très bien, il y a juste le ministre de l'Industrie et du
Commerce qui a réussi à le dire jusqu'à maintenant - le
drame, M. le Président, c'est parce qu'il y a 30 % de
Québécois et de Québécoises qui ne peuvent plus
contribuer au trésor commun, parce qu'ils n'ont plus d'emploi, parce
qu'ils ne détiennent pas, dans notre société, un poste
rémunéré qui fait en sorte qu'ils vont payer des
impôts, qu'ils vont verser des taxes à la consommation. Ça,
c'est le véritable drame.
Est-ce que, en désassurant les services, on va faire en sorte
qu'il va rester plus d'argent pour créer de l'emploi? Non seulement
fausse théorie, mais la réalité nous montre exactement,
mais très exactement le contraire. Alors, M. le Président, donc,
un gouvernement qui dit que c'est la faute des autres, un gouvernement qui dit:
On demeure dans ce régime-là quand même, un gouvernement
qui dit que, comme principale mesure pour nous faire avaler la pilule - c'est
le cas de le dire - il va se présenter le 18 juin à Ottawa pour
leur dire: On n'aime pas bien, bien, ça... puis si vous pensez que vous
allez avoir une petite réunion tranquille de deux journées et
demie, je vous préviens, ça peut durer une journée et
trois quarts, deux jours, puis je vais faire un discours, je vais élever
la voix et, par ailleurs, aux Québécois et aux
Québécoises, on dit: Vous voyez bien, là, par ailleurs, on
est obligé de couper dans les services de santé et les services
sociaux, et c'est ainsi, M. le Président, que, pour 600 000
Québécois entre 18 et 40 ans, eh bien, maintenant, on va se
présenter chez le spécialiste de l'examen oculaire au
Québec, de l'examen des yeux, et là, on va être
obligé de payer et on va aller vous chercher 17 500 000 $ dans vos
poches.
M. le Président, même encore là, à
l'intérieur de la mesure, voulez-vous bien m'expliquer comment le
gouvernement peut accepter, dans les mesures aménagées pour aller
«puncher» ces premiers 17 000 000 $ dans la poche des
Québécois et des Québécoises, sur quel raisonnement
il peut se baser pour dire: Entre 18 ans et 40 ans, ça vous allez payer
de votre poche, peu importe votre revenu, peu importe votre revenu? Hein, si
vous avez le bonheur d'avoir 17 ans ou le bonheur d'avoir 42 ans, peu importe
votre revenu, si vous avez un revenu de 150 000 $ et que le temps a fait en
sorte que vous êtes dans votre quarante-deuxième année,
présentez-vous chez votre optométriste, présentez-vous
chez votre ophtalmologiste, il va procéder à l'examen et
ça va être couvert par l'assurance. (12 h 40)
M. le Président, si vous avez entre 18 et 40 ans et que vous
êtes sous le seuil... vous avez un revenu qui vous place sous le seuil de
pauvreté,
il va dire: «Ah! Ah! Vous avez le malheur d'être entre 18
ans et 40 ans et, peu importe votre revenu, que vous soyez démuni et que
vous soyez sous le seuil de la pauvreté, que vous ayez eu des
difficultés, que vous soyez dans le groupe des 30 % qui n'ont pas
d'emploi et qui ne contribuent plus au trésor public au Québec,
eh bien, eh bien, l'ensemble des petits 32 $, des petits 2 $, mais surtout,
dans ce cas-là, des petits 32 $, on va faire en sorte qu'on va aller
vous chercher 17 000 000 $ dans vos poches. Ça, c'est une taxe, c'est
clair, ça, c'est une taxe, 18-40 ans.
Et là, au Québec, on vient d'introduire comme un nouveau
principe. Ce qui distingue les contribuables au Québec, M. le
Président, ce n'est plus leur revenu. Non, ce n'est plus leur revenu.
C'est l'âge. Là, c'est entre 18 et 40 ans, et peu importe le
revenu.
Un bon nombre de groupes dont les centrales syndicales au Québec
réclament depuis un bon moment, et avec justesse, un débat sur
l'ensemble de notre régime fiscal, parce que, constatant les
écarts grandissants qui se dessinent entre ce qu'il faut sortir de notre
poche comme contribuables individuels et contribuables personnes morales, les
entreprises, il y a comme un déséquilibre assez évident
qui se présente. Le ministre de la Santé et des Services sociaux
a même donné son aval, en quelque sorte, à ce que ce
débat puisse se tenir. Mais, en même temps, M. le
Président, en même temps, au Québec, on s'est donné
un régime dit progressif, c'est-à-dire que, quand tu gagnes 150
000 $ par année, bien, tu en paies un petit peu plus parce que tu en as
plus dans tes poches qui te revient et parce que tu as des revenus à
cette hauteur, puis pour la personne qui en gagne moins, qui est au seuil de la
pauvreté, qui est à 26 000 $, 30 000 $, 32 000 $, on en demande
un petit peu moins. Au-delà de ce débat sur l'équilibre
des contributions entre les contribuables individuels et les entreprises, eh
bien, on a une progressivité dans les taxes et dans les impôts que
l'on demande aux citoyens et aux citoyennes de verser, suivant leur revenu.
Eh bien, là, M. le Président, il y a un nouveau principe
en matière de santé et de services sociaux. C'est curieux,
là, maintenant, c'est l'âge qui va distinguer les citoyens, M. le
Président. C'est l'âge qui va distinguer si vous devez payer chez
l'optométriste pour les examens de la vue, peu importe votre revenu.
Mais c'est complètement à l'envers de notre tradition
québécoise et du régime qu'on a voulu installer. Peu
importent les déséquilibres qui existent et qu'on peut examiner
dans d'autres forums, M. le Président, il y a un principe fondamental,
c'est: Plus tu as de revenus, plus on te demande de contribuer à la
cause de la solidarité sociale. Puis, franchement, M. le
Président, au Québec, on n'a pas de leçon à
recevoir de personne en matière de solidarité sociale. On a une
histoire qui nous indique qu'on est capables de se serrer les coudes dans les
situations difficiles et qu'on est capables de se donner des régimes qui
font en sorte que les plus démunis de notre société, les
gens qui vivent des situations plus difficiles, les gens qui sont dans des
situations de détresse, on ne les laisse pas tomber. On n'est pas des
lâcheurs au Québec. Mais, essentiellement, la mesure qui est
proposée ici, c'est une mesure de lâcheurs, M. le
Président. C'est une mesure qui arrive à faire en sorte qu'on
veut briser la solidarité sociale.
Le plus bel exemple qu'on peut donner, c'est que, maintenant, la
contribution exigée des personnes en matière de services de
santé et de services sociaux, c'est basé sur l'âge. Alors,
j'allais quasiment dire, M. le Président: Ne vous dépêchez
pas d'avoir 18 ans, d'avoir 19 ans; dites à vos enfants de ne pas se
dépêcher. S'il y a un moyen à quelque part, peu importent
vos revenus, M. le Président, celui de votre voisin ou celui de votre
voisine, ne vous dépêchez pas d'avoir 19 ans. Et pour ceux qui ont
passé le cap, M. le Président, peu importent leurs revenus,
essayez d'arrêter l'horloge du temps, pour ne pas que ça
dépasse le cap des 40 ans. Écoutez, M. le Président, c'est
parce que le gouvernement a choisi maintenant de faire en sorte que les
contributions exigées des citoyens et des citoyennes, ce soit
basé sur l'âge. Mais voulez-vous bien m'expliquer, M. le
Président, d'où ça sort, ce nouveau principe-là, de
progressivité, de progression dans les paiements qu'on a à faire
dans nos régimes de solidarité sociale.
Même chose pour les services dentaires, M. le Président.
Même chose pour les services dentaires. Mais, là, il y a aussi
d'autres faits qui sont troublants quand on nous dit, dans ce projet de loi
là, qu'il y aura 500 000 enfants issus des familles
québécoises pour qui on va devoir débourser 24 500 000 $.
En réalité, je vous l'ai démontré tantôt dans
l'illustration de la part des dépenses publiques et des dépenses
privées, où ça coûte beaucoup plus cher lorsqu'on
est en matière de dépenses privées et ça augmente,
effectivement. Donc, la résultante des dépenses totales de
santé, bien, il y a 24 500 000 $ de services qui ne sont plus
assurés, mais on peut avancer, sans l'ombre d'un doute, qu'on vient
d'aller taxer les parents des enfants de plus de 10 ans au Québec d'un
autre 50 000 000 $. C'est 50 000 000 $ qu'on vient de vous
«puncher» dans vos poches avec le projet de loi 9. On appellera
ça comme on voudra. Quand tu sors 1 $ de ta poche sous forme de
contribution à l'État pour des services collectifs ou que tu le
sors pour des services privés parce que l'État choisit de se
pousser, parce que l'État décide de fuir, bien, M. le
Président, c'est 50 000 000 $ qu'on va aller chercher dans vos poches en
matière de couverture, pour la santé dentaire de nos enfants.
Mais, M. le Président, quand on avait
choisi, au Québec, d'assurer ces services-là, c'est parce
qu'il y avait une situation problématique quelque part. C'est parce
qu'on avait examiné la situation. Est-ce qu'on était dans une
situation idéale, au Québec, quant à la santé
dentaire de nos enfants? Bien non, M. le Président. Bien non, M. le
Président. Nous avions et nous avons toujours un très mauvais
bilan en matière de santé dentaire, chez les enfants.
On avait accompli des progrès, on a accompli un certain nombre de
progrès. Bien sûr, il faut le noter. Mais, dès le moment
où, entre 1983 et 1989, on constatait une augmentation des examens et
des services de prévention, alors, donc, que ça augmentait, on se
rendait plus fréquemment, avec ce régime, chez notre dentiste en
matière de prévention et en matière d'examen qui nous
amène à donner des conseils à la famille et aux enfants.
Eh bien, on a observé, pendant la même période, M. le
Président, une baisse de 10 %, une baisse de 10 % de... C'est ça,
grosso modo, 10 % des soins de restauration. Bien, c'est évident, hein,
M. le Président? Quand on investit avant le mal, quand on investit avant
le dommage, bien, on réussit à contrôler le dommage
possible et l'apparition de ce dommage-là.
Les taux de carie, M. le Président, les taux de carie au
Québec. Ça, c'est une bonne mesure pour illustrer que le
régime qu'on s'était donné, ça avait apporté
des résultats, des résultats positifs. Entre 1977 et 1984, M. le
Président, le taux de carie a chuté de 34 % chez les enfants du
Québec. Beaucoup plus que cela. On nous a souvent appelé, dans
certains cercles, M. le Président, le peuple le plus
édenté de l'Amérique du Nord, parce qu'on a une tradition,
souvent, d'arracheurs, au Québec, hein? J'en arrache. Et on n'est
peut-être pas très porté sur la prévention, sur les
mesures qui faisaient en sorte qu'on pouvait avoir, avec un certain nombre de
mesures d'hygiène buccale, d'avoir une bonne santé dentaire. La
résultante de cela, c'est que le taux de carie augmentait, le taux de
problèmes, au niveau de la santé dentaire, augmentait. Eh bien,
on arrachait. M. le Président, la perte de dents imputable à la
carie, chez les enfants de 13 ans, était de 16 % en 1977; 16 % en 1977.
Quand on a décidé de se donner un régime où nous
allions financer les examens et, du même coup, investir dans la
prévention au niveau des dents des enfants - on le rappelle, M. le
Président, 16 % en 1977 des pertes de dents qui étaient
imputables à la carie chez les enfants - c'est tombé, croyez-le
ou non, à très exactement 12 % en 1984, et ça ne compte
plus en 1990, M. le Président, que pour à peu près 1 %,
très exactement 0,7 %. 0,7 % des dents qui sont enlevées de la
bouche des enfants, maintenant, au Québec, statistiques de 1990, sont
dues au fait de caries qui sont apparues chez ces enfants. (12 h 50)
M. le Président, on dirait qu'on vit dans un monde que le
gouvernement observe à l'envers. Il observe la réalité du
mauvais bout de la lorgnette. Il pelleté dans la cour des individus les
responsabilités, en disant: Moi, je veux contrôler le total des
dépenses publiques en matière de santé, parce qu'on en
paie trop, de ces dépenses de santé au Québec. C'est faux,
on a vu la démonstration. Cela va avoir pour effet de faire augmenter
les dépenses totales en santé au Québec et, en même
temps, on va arrêter, en matière de santé dentaire, la
progression que nous avions observée au cours des dernières
années en matière de santé pour les dents des enfants, des
adultes de demain, au Québec. Et pour tout ça, on fait ça,
M. le Président, parce qu'on a demandé au ministre de la
Santé et des Services sociaux de faire la job de bras, d'aller chercher
ces millions de dollars dans les poches des Québécois et des
Québécoises parce que, par ailleurs, on est incapable de
contrôler notre propre argent qu'on envoie à Ottawa.
M. le Président, le discours lénifiant et honteux du
ministre de la Santé et des Services sociaux ne passera pas comme une
lettre à la poste. Nous allons, au cours des prochaines heures, faire la
démonstration qu'il s'agit d'un mauvais choix, qu'il s'agit
essentiellement, le projet de loi 9, d'une mesure de désolidarisation
sociale. C'est une attaque quasi inqualifiable, inacceptable à une des
caractéristiques les plus fondamentales de notre société
québécoise. Quand on commence par un petit 2 $, quand on commence
par rayer de la couverture des soins dentaires les enfants de 10 ans et plus,
lorsqu'on raye en vertu d'un principe tout à fait inacceptable à
notre société la couverture pour l'examen de la vue pour les gens
entre 18 ans et 40 ans, vous savez très bien, M. le Président,
que ça n'arrêtera pas là. Il s'agit, aujourd'hui, pour le
gouvernement, de faire tomber la première pierre de l'édifice de
la solidarité sociale que nous avions bâtie au Québec, en
matière de santé et de services sociaux.
M. le Président, on ne sera pas complices de cette entreprise de
destruction. Nous allons utiliser l'ensemble des moyens qui nous sont permis
par la procédure parlementaire, et nous allons, et je conclus
là-dessus, M. le Président, dire aux Québécois et
aux Québécoises que, essentiellement, pour le geste
d'aujourd'hui, première étape de la destruction des fondements de
notre régime de santé et de services sociaux, c'est qu'on vient
d'aller chercher de nouvelles formes de tarification, beaucoup plus que 78 000
000 $. Ce n'est pas avec le discours du ministre de la Santé et des
Services sociaux, qui nous dit qu'il va se rendre le 18 juin à Ottawa
pour leur dire d'arrêter leurs folies, que, nous, on va cesser la lutte
sur ce terrain parce que c'est inacceptable dans la tradition de
solidarité des Québécois et des Québécoises,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Sur le même sujet,
M. le député de Notre-Dame-de-Grâce.
M. Gordon Atkinson
M. Atkinson: M. le Président, c'est avec un grand regret
que je dois vous faire part de mon opposition au projet de loi 9, un projet de
loi qui modifie la Loi sur l'assurance-maladie. Alors que j'appuie l'initiative
du gouvernement de tenter de garder les dépenses de la santé sous
contrôle, il me semble que ce projet de loi manque le but voulu.
Quand le ministre a présenté le projet de loi 120,
j'étais heureux de voir l'emphase qu'on avait mise sur la
prévention et la promotion de la santé. Ces concepts ont
été reconnus dans toutes les publications sur la santé
depuis les années soixante-dix, mais ils ont été
très lents à se faire accepter dans les cercles médicaux
et politiques. Les coupures dans les programmes dentaires ainsi que dans les
services fournis par les optométristes résulteront par des gains
à court terme, mais, à long terme, de quel coût
seront-elles? Les véritables montants économisés sont
minimes dans l'ensemble du budget de la santé.
The aspect which concerns me the most is, of course, the 2 $ dispensing
fee charged to seniors for prescription médecine. While I am glad that
the Minister has raised the issue of overmedication of seniors, I cannot agree
to legislation which places the burden on the consumer instead of where it
belongs, on the professional.
Le problème de l'abus de médicaments est très
sérieux. D'après un rapport publié en 1991 par le
ministère de la Santé et des Services sociaux, «Vers un
nouvel équilibre des âges», la moitié des personnes
âgées à qui ils ont parlé avaient fait une erreur en
prenant leurs médicaments. À cause de cela, ils ont eu des effets
secondaires tels que confusion, perte d'équilibre et de coordination.
Ces effets secondaires sont une importante raison pourquoi tant de personnes
âgées doivent être hospitalisées. Le rapport fait
état de ce que 20 % des admissions aux unités gériatriques
sont liées directement aux effets secondaires des médicaments. En
raison des effets secondaires de l'abus des médicaments, leur
métabolisme ainsi que les fonctions des reins et du foie sont plus
lents. Les personnes âgées courent plus de risques d'une
réaction sérieuse et d'en mourir. Finalement, le rapport dit que,
après les médicaments pour le coeur et l'hypertension, les
tranquillisants et les sédatifs sont les médicaments les plus
généralement prescrits.
What can we do about this shocking situation? I agree wholeheartedly
with the recommendations put forward by the Ministry in its 1991 report. The
recommendations could be summed up in one word: education. Education of health
professionals, such as doctors, nurses, social workers and others who come in
contact with the elderly. It is an absolute priority. Health professionals are
often unaware of the side effects and particular intereaction of medications.
Pharmaceutical companies must also take responsibility for this state of
affairs. As published recently, the Annals of Internal Médecine
reported the results of a study conducted at the University of California.
The study looked at the prescription drug ads which appear in professional
journals. They found that the ads contained little information on side effects
or risks, had little educational value and could even lead to the prescribing
of inappropriate drugs.
Tel que je l'ai mentionné, les tranquillisants et les
sédatifs sont prescrits régulièrement aux personnes
âgées. Ceci est probablement dû au fait que la
dépression et la solitude sont les problèmes les plus communs
chez les aînés. Prescrire une pilule est plus rapide et plus
facile que de prendre le temps d'écouter et de conseiller. Nous devons
changer la mentalité des pilules pour des maladies qui domine toujours
notre système de santé. Nous devons également voir
à changer la structure des honoraires des médecins afin que les
médecins prennent le temps de parler avec leurs patients. Nous devons de
plus éduquer nos personnes âgées, nos familles et le public
en général. (13 heures)
Thé 2 $ user fee will not accomplish any of these goals. In fact,
the climate of distrust and fear created by Bill 9 will make it much more
difficult to get seniors to reexamine their usage of medication in a rational
way. Furthermore, the fee will create hardship among a certain sector of the
elderly. Yes, it is true that other countries and provinces require seniors to
pay a portion of their medication bills, and that this portion is often higher
than what is being proposed. However, we must also keep the current economic
situation in mind. This additional imposition comes on top of the federal GST
and provincial QST, increased municipal taxes, increases in nursing home cost
and other factors which play havoc with the fixed incomes of many seniors.
A 2 $ fee may sound like a small amount which would not hurt anyone, but
I can assure you, Mr. President, that for some seniors the impact will be large
and negative. My office has received dozens and dozens of calls from seniors
who are confused, angry and scared because of Bill 9. Many of these seniors
receive weekly prescriptions because of the number of medications which have
been prescribed. For these seniors, the additional fees could easily run to 12
$ or 16 $ a week. This represents a substantial amount for seniors on fixed
incomes. Yes, they are reimbursed at the end of the year if the total cost
exceeds 150 $, but they must
first pay up front and, Mr. Speaker, this is unacceptable.
Une autre façon de garder ces dépenses sous contrôle
est par l'usage de médicaments génériques. Dans son
mémoire présenté à la commission des affaires
sociales, l'Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques
déclarait qu'en changeant pour un système de remboursement
basé sur le meilleur prix disponible, nous pourrions économiser
presque 40 000 000 $ annuellement. D'autres provinces, telle l'Ontario, qui ont
adopté ce système font des économies importantes. Je pense
que nous devrions regarder dans cette direction avant de prendre une
décision qui créera plus d'épreuves à nos personnes
âgées. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Notre-Dame-de-Grâce. Et, suite à cette
intervention, nous allons suspendre jusqu'à 15 heures.
(Suspension de la séance à 13 h 2)
(Reprise à 15 h 10)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez
prendre place. M. le leader adjoint du gouvernement.
Motion d'ajournement du débat M. Daniel
Johnson
M. Johnson: M. le Président, lorsque nous avons suspendu
nos travaux, nous en étions à l'adoption du principe du projet de
loi 9. Je propose l'ajournement du débat.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le leader
adjoint du gouvernement propose d'ajourner le débat en ce qui a trait
à l'adoption du principe du projet de loi 9. Est-ce que cette motion
d'ajournement du débat...
M. Chevrette: M. le Président, si j'ai bien compris...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: ...les desirata du leader adjoint du gouvernement,
il met fin au débat sur la loi 9?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Non. Il demande
l'ajournement du débat.
Une voix: ...la motion est débattable?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui. La motion est
débattable. 10 minutes, 10 minutes et 10 minutes, pour un autre de la
formation ministérielle, et un droit de réplique de 5
minutes.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Donc, M. le Président, d'abord, je suis
surpris qu'on arrête le débat sur une loi aussi importante que la
loi 9. C'est une loi que le gouvernement, vous vous rappellerez, a fait adopter
en catastrophe, non pas adopter, mais a présenté dans son budget
en catastrophe, celui-là même qui a amené une petite carte
au ministre des Finances, si je me souviens bien, le soir du budget...
M. le Président, vous avez remarqué le ministre des
Finances, des souliers tout neufs, lisait son budget et il ne voulait pas
annoncer les 2 $ pour les prescriptions des personnes âgées. Il ne
voulait pas annoncer que les soins dentaires, dorénavant, pour les
jeunes 10-18 ans, seraient imposés. Il ne voulait pas annoncer non plus
que, pour les soins optométriques, on mettrait une tarification
là-dessus, mais, M. le Président, ces gens-là, non
contents de l'avoir annoncé dans le budget en pleine fin de session,
veulent faire adopter cette loi-là.
On la commence ce matin vers les 11 heures et voilà qu'en plein
cours du débat sur le principe on nous dit: On arrête ce
débat-là. Il faudrait au moins que le gouvernement nous dise si
c'est parce qu'il a changé d'idée, si c'est parce qu'il a
décidé de ne pas faire adopter la loi, si c'est parce qu'il a
décidé de reporter cette étude de nuit, qu'il y a moins de
personnes âgées qui écoutent les propos sur ce projet de
loi 9. Est-ce que c'est parce qu'il voudrait que les parents de jeunes enfants
apprennent exactement ce qui va leur arriver, lorsqu'ils iront chez le dentiste
avec leurs petits mousses?
Une voix: Ils vont écouter pareil...
M. Chevrette: Est-ce parce que les baby-boomers
québécois, qui avaient la gratuité dans les examens
optométriques devront dorénavant payer? M. le Président,
moi, je dois vous avouer qu'on ne comprend rien de ce côté-ci de
la Chambre. On se demande qu'est-ce qui se passe. Là, je suppose qu'on
veut revenir à la loi 35, se promener, donner l'impression qu'on
travaille sur plusieurs sujets. Il me semble que la logique veut, M. le
Président, que, quand on a un sujet sur la table, on vide le sujet, et,
moi, personnellement, je suis prêt, M. le Président. Nous
étions ici, nous autres, trois de nos collègues, pour exposer
notre point de vue sur la loi 9. D'ailleurs, nous sommes presque aussi nombreux
qu'eux, si vous l'avez remarqué. Donc, M. le Président...
Des voix: Ah!
M. Chevrette: Oui, puis, pour le prouver, appelez donc le
quorum!
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, qu'on appelle les
députés!
Si vous voulez prendre place.
Nous poursuivons l'étude de la motion d'ajournement du
débat proposée par M. le leader adjoint du gouvernement, et je
vous indique, M. le leader de l'Opposition officielle, qu'il reste 8 minutes
à votre temps de parole.
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Je disais donc que
nous nous étions préparés pour bien expliquer la
portée de ce projet de loi. Vous savez, on a été
habitués à des taxes, depuis 1989, M. le Président. C'est
quelque chose comme 3 400 000 000 $ de taxes, M. le Président. Des
taxes, ça nous est passé de chaque bord des oreilles; quand
ça n'a pas été l'électricité à plus
de 20 %, c'a été... Vous vous rappellerez le dégel des
frais de scolarité; c'a été ce qu'on a appelé la
taxe Ryan sur la police; il y a une nouvelle taxe qui s'en vient bientôt,
M. le Président, sur les chemins de voirie, le transport en commun, la
TVQ, la TPS, le double de la taxe scolaire. Franchement, on pensait qu'on avait
atteint le fond du baril...
Une voix: Ils ont doublé les amendes partout.
M. Chevrette: ...que les quotas étaient atteints. Donc, M.
le Président, qu'est-ce qui est arrivé? On s'est dit: Ils vont
arrêter. En plein discours du budget, voilà que le
président du Conseil du trésor arrive avec des petits cartons, et
il glisse ça au ministre des Finances, et il dit: Annonce ça.
C'est là qu'on nous a annoncé les 2 $ à Marc-Yvan, qu'on a
appelé, c'est-à-dire les 2 $ par prescription. On a aussi
pénalisé sur les soins dentaires et pénalisé sur
les soins opto-métriques. Donc, M. le Président, c'est de ce
débat-là dont il était question et sur lequel on avait
commencé à discuter depuis ce matin.
M. le Président, j'ignore les motifs. Je le répète,
j'ignore les motifs pour lesquels le président du Conseil du
trésor a fait cela. Si c'était pour nous donner l'impression
qu'on allait se décourager et qu'on n'en parlerait pas, je voudrais lui
indiquer tout de suite qu'il se trompe. Il fait erreur, il fait fausse route.
S'il ajourne à 16 h 30 et qu'il revient sur le sujet, on va reprendre.
S'il s'amuse de même durant la soirée, on sera là. S'il
préfère faire ça de nuit, on sera là quand
même. On court des chances qu'il y ait quelques personnes
âgées, parce qu'il y en a qui n'ont pas les 2 $ pour payer,
précisément, leur prescription. M. le Président, il y en
qui n'ont pas les 2 $. Vous riez, mais il y en a qui n'ont pas les 2 $. Et il y
a des parents...
Oui, puis les petites cartes qui devaient arriver dans trois semaines,
on leur annonce leur petite carte pour juillet. Des gens de parole, M. le
Président! Des gens de parole! Des gens qui ont carrément
renié tout, tout, tout leur engagement, M. le Président. Ce sont
des gens qui ne respectent pas leurs engagements.
M. le Président, nous autres, on nous avait dit: Préparez
le menu législatif de la journée, préparez vos
interventions, nous parlerons de la loi 9. Donc, M. le Président, on
peut bien jouer aux fous avec les parlementaires, mais ce n'est pas vrai qu'on
va se laisser avoir. Moi, je peux vous dire que j'aurais pu faire mon
intervention sur le fond; je suis obligé de la faire sur la forme,
présentement. Le président du Conseil du trésor ne veut
plus qu'on discute en cette Chambre de la loi 9. Et ce que je ne comprends pas,
c'est que ça leur prend la loi pour la présente fin de session.
C'est ce qu'on nous a dit quand on l'a appelée.
Rappelez-vous, aux questions, en Chambre, hier, M. le Président,
aux renseignements sur les travaux de la Chambre, le leader du gouvernement, le
député de Portneuf, a dit: Ça me la prend, la loi 9. Il ne
nous a pas dit pourquoi, parce que, ordinairement... Ça fait plusieurs
années que vous êtes ici, vous. Vous vous rappelez. Vous en avez
passé, quelques nuits, de ce côté-ci de la Chambre. Vous
étiez assis, plus précisément, à ma gauche, en
arrière. Et vous avez vu comment ça se passait. On dit que
ça nous la prenait. Mais, vous savez, vous, comme président...
D'ailleurs, ce n'est pas pour rien que vous êtes là, c'est parce
que vous aviez un peu plus de sagesse que certains autres.
Donc, qu'est-ce qu'on faisait sur le budget? Sur le budget, quand le
ministre des Finances se lève, puis qu'il annonce une taxe, elle a
valeur de taxe à minuit, le soir. Normalement, la loi peut être
adoptée en juin, en juillet. En autant qu'elle le soit avant le prochain
budget, c'est légal. Dans les circonstances, ils veulent l'avoir
absolument à cette session-ci. Il faudrait peut-être dire pourquoi
à la population. Il y avait, M. le Président... Parce que
ça ne faisait pas partie du budget au début. Rappelez-vous que le
projet de loi 9 a été déposé en cette Chambre le
14, en après-midi, vers 14 heures, alors que le discours du budget, lui,
a été lu le soir, vers 20 heures. (15 h 20)
Ils ont essayé de ne pas faire annoncer une mauvaise nouvelle par
le ministre des Finances, puis ils ont été tout surpris, parce
que j'avais soulevé une question de privilège, vous vous
rappelez, en cette Chambre, M. le Président. Puis, je leur avais dit que
c'était la première fois que je voyais une loi rétroactive
à son dépôt, puis que la Régie de
l'assurance-maladie demandait aux dentistes et aux optométristes de
collecter une certaine tarification dès le lendemain matin, alors qu'on
ne pouvait pas présumer de l'adoption d'une loi en cette Chambre.
C'est ça qui s'est produit, M. le Président. Mais on sait
que les médecins spécialistes sont allés devant les
tribunaux, et je me suis permis de lire ce que le juge a écrit. Le juge
leur a dit, à toutes fins pratiques: Vous avez raison, mais vous vous
présenterez devant les tribunaux, et vous obtiendrez justice selon les
tribunaux.
Dans ce jugement-là, qu'est-ce qu'il est dit? Il est dit qu'on ne
peut pas imposer une tarification avant qu'elle ne soit votée. On leur
dit, M. le Président: C'est inaccoutumé qu'un projet de loi soit
déposé, fasse référence et oblige à une
rétroactivité au moment où la loi est
déposée, parce qu'on ne peut pas - je le répète -
présumer de l'adoption telle quelle d'une loi. Si le ministre
était un tant soit peu sensible ou si son groupe avait peut-être
un lobby assez imposant, il pourrait peut-être décider que les
prescriptions, c'est 0,50 $ ou c'est 1 $ alors que, dès le lendemain
matin du dépôt - ce n'est pas une loi adoptée, ça -
on leur faisait collecter 2 $ pour les prescriptions et tant pour la visite
chez le dentiste, tant pour la visite chez l'optométriste. À
supposer qu'on arrive en commission parlementaire et qu'on modifie ces tarifs,
avez-vous vu, sur le plan administratif, quel chaos, quel chiard ça
pourrait être? Retourner 1 $ à tout le monde qui a eu un...
à chaque prescription ou retourner la moitié du coût au
parent de l'enfant qui a eu des soins dentaires ou, encore, chez
l'optométriste.
M. le Président, ça pourrait arriver si on modifie le
projet de loi, si on réussit à les convaincre, s'ils ont un petit
peu de coeur au ventre, si on réussit à les convaincre que trop,
c'est trop. On pourrait peut-être réussir ça. Si ce n'est
pas nous autres, de l'intérieur de cette Chambre, parce que c'est le
poids du nombre, ici, qui a raison... Ce n'est pas le poids de la raison, c'est
le poids du nombre qui a raison en cette Chambre. Donc, M. le Président,
on ne sait jamais, le lobby extérieur ou les groupes de pression
pourraient peut-être les sensibiliser, les amener à s'attendrir un
peu sur le sujet, puis qu'on fasse en sorte de modifier cela. C'est un peu
ça qu'on veut expliquer. De toute façon, avec une motion de
suspension des travaux ou d'ajournement du débat, on nous prive, en
plein jour, de discuter d'un sujet qui intéresse la population du
Québec.
Donc, moi, je vous dis, en terminant, que j'ose espérer que ce ne
sera pas un débat de nuit, mais si on ramène le débat,
qu'on le ramène en plein jour pour qu'on puisse expliquer à nos
personnes âgées du Québec, aux parents, aux familles
québécoises ce qui leur arrive avec le gouvernement actuel.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
leader de l'Opposition officielle. Alors, en vertu de votre droit de
réplique, vous n'utilisez pas votre... Je vous permets d'exercer votre
droit de réplique de 5 minutes.
M. Daniel Johnson (réplique)
M. Johnson: Brièvement, M. le Président. Ce qui est
en cause, ici, c'est le choix du gouvernement de procéder avec un autre
débat, immédiatement, et dès qu'il sera terminé, ce
qui est envisagé, c'est de rappeler le débat sur l'adoption du
principe du projet de loi 9.
Alors, la question de savoir si ça va être en pleine nuit
ou non, ça ne dépend pas du gouvernement, M. le Président.
Ça dépend de l'Opposition.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, est-ce que la
motion d'ajournement du débat proposée par M. le leader adjoint
du gouvernement est adoptée? Adopté.
M. Chevrette: Sur division.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Adopté sur
division. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: M. le Président, je vous demanderais d'appeler
l'article 37, s'il vous plaît.
Projet de loi 35
Prise en considération du rapport de la
commission qui en a fait l'étude
détaillée
et des amendements déposés
Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'article 37 du
feuilleton, l'Assemblée prend en considération le rapport de la
commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 35, Loi
modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi
sur l'assurance-maladie ainsi que les amendements transmis par M. le ministre
du Travail en vertu de l'article 252 du règlement. Alors, je
déclare recevables les 37 amendements.
M. Chevrette: Pardon?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je déclare
recevables les 37 amendements transmis par M. le ministre du Travail. Y a-t-il
des interventions sur ce rapport ainsi que sur les amendements du ministre?
Alors, M. le ministre du Travail.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Nous voilà
rendus à l'étape de la prise en considération du rapport
de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 35. Ce
projet de loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail et la Loi sur l'assurance-maladie est composé de 99 arti-
des dont près de 70 sont de concordance.
Je vous rappelle que les changements proposés dans ce projet de
loi ont pour but de déjudiciariser le système d'indemnisation des
travailleurs et des travailleuses accidentés, de désengorger le
processus de révision et d'appel des décisions et, par le fait
même, d'humaniser davantage le système. Ce projet de loi vise
aussi à favoriser une meilleure gestion des programmes d'indemnisation
des accidents et des lésions professionnelles.
La commission de l'économie et du travail qui avait mandat
d'étudier chacun de ces articles a débuté ses travaux le 3
juin dernier. Après avoir siégé durant 17 heures,
l'étude de l'article i a finalement été amorcée. il
n'a pas été possible, compte tenu du comportement de
l'opposition, de compléter l'étude détaillée du
projet de loi 35.
M. Chevrette: Question de règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, question de
règlement, M. le leader de l'Opposition officielle.
M. Chevrette: M. le Président, le ministre n'a pas
à qualifier un comportement quand on est a l'intérieur des
règles contenues dans notre règlement. S'il veut qu'on qualifie
son comportement, on va le faire tout de suite. Ça se joue à
deux, ce jeu-là. M. le Président, ce n'est pas une place pour
être bouffon. Quand on utilise les règlements de
l'Assemblée nationale, puis qu'on est tout à fait conformes, on
n'a pas à taxer de comportement qui entrave les travaux. On est
très, très responsable, on sait ce qu'on fait avec cette
loi-là, et on le fait à l'intérieur des règles
normales du Parlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du
gouvernement.
M. Johnson: J'ai entendu le mot à mot et revu le mot
à mot de ce que le ministre a dit. il n'a pas qualifié le
comportement, il a dit: Le comportement, c'est-à-dire la façon de
se comporter, les choses à faire et les moyens qui ont été
choisis ont fait en sorte, évidemment, selon le ministre, que ça
a donné des résultats x ou y. ii n'a pas dit que c'est un
comportement irresponsable, ou illégal ou amoral. il a dit: le fait est
que c'est le rôle de l'opposition et la façon dont l'opposition a
joué son rôle qui ont mené évidemment à ce
que le ministre a décrit. il n'y a aucun jugement de valeur sur le
comportement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez
poursuivre votre intervention, M. le ministre.
M. Cherry: Merci, M. le Président. En effet, en 20 heures
de travaux, et ça s'est déroulé dans le respect du
rôle des uns et des autres, on n'a été en mesure
d'étudier que les cinq premiers articles de ce projet de loi.
Tel que convenu, j'ai déposé en commission parlementaire
une série d'amendements visant à bonifier ce projet de loi, dont
les principaux sont: le travailleur, victime d'une maladie professionnelle
alors qu'il est âgé d'au moins 55 ans, ou celui qui est victime
d'une autre lésion professionnelle alors qu'il est âgé d'au
moins 60 ans, qui accepte un emploi convenable, disponible chez son employeur,
pourra récupérer sa pleine indemnité de remplacement de
revenu si son employeur met fin à cet emploi dans les deux ans suivant
son entrée en fonction.
Deuxièmement, un travailleur aura droit au remplacement d'une
orthèse ou prothèse endommagée involontairement lors d'un
événement imprévu et soudain attribuable à toute
cause survenant par le fait de son travail. Le recours au comité
spécial des présidents pour l'examen des maladies
professionnelles pulmonaires est maintenu - c'est un retour au statu quo, le
maintien de deux comités qui examinent ces questions.
La composition de la liste des médecins experts que la Commission
pourra désigner sera soumise annuellement à l'approbation du
conseil d'administration de la CSST. La Commission de la santé et de la
sécurité du travail, suite au recours à l'expertise du
professionnel de la santé qu'elle désigne, pourra soumettre le
dossier pour analyse au Bureau d'évaluation médicale. Le Bureau
d'évaluation médicale devra rendre son avis dans les 30 jours et,
à défaut, la Commission de la santé et de la
sécurité du travail sera alors liée par l'expertise du
professionnel de la santé désigné. (15 h 30)
Pour les litiges de 1000 $ et moins, le droit d'appel à la
Commission d'appel en matière de lésions professionnelles sera
maintenu, lorsque la contestation portera sur l'existence d'une lésion
professionnelle ou sur le fait qu'une personne est un travailleur.
L'enquête et l'audition seront maintenues à la Commission d'appel
en matière de lésions professionnelles, ce qui constitue le statu
quo pour la CALP.
De plus, conformément à l'article 252 du règlement
de l'Assemblée nationale, j'ai déposé de nouveaux
amendements se résumant ainsi: le Bureau de révision, saisi d'une
demande de révision, transmettra celle-ci à un conciliateur si
les parties y consentent. À défaut d'entente entre les parties ou
si le bureau de révision refuse d'entériner l'entente, le bureau
pourra tenir une audition si une partie le demande ou si le bureau l'estime
nécessaire. Autrement, le bureau de révision disposera de la
révision selon le dossier.
Il est aujourd'hui impérieux et capital d'assurer la sauvegarde
du régime de santé et de
sécurité du travail et ce, dans un cadre financier
acceptable. La Commission de la santé et de la sécurité du
travail, on le rappelle, a enregistré un déficit de 792 000 000 $
en 1991 et un autre de 607 000 000 $ est anticipé pour l'année
1992. Notre régime de santé et de sécurité du
travail est, en soi, unique en Amérique du Nord. La législation
qui l'encadre est jeune et il convient d'ajuster ces mécanismes. Avec la
présentation du projet de loi 35, le gouvernement du Québec
exprime clairement sa volonté de sauvegarder le régime de
santé et de sécurité du travail tout en maintenant et
protégeant les bénéfices auxquels ont droit les
travailleurs et les travailleuses du Québec. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre du
Travail, de votre intervention. Alors, nous en sommes à la prise en
considération du rapport du projet de loi 35, et je reconnais Mme la
députée de Chicoutimi, lui indiquant qu'elle a un temps maximum
de 30 minutes pour son intervention.
Mme Jeanne L. Blackburn
Mme Blackburn: Merci, M. le Président. M. le
Président, nous en sommes à l'étape de la prise en
considération du rapport de la commission parlementaire de
l'économie et du travail qui avait la responsabilité d'examiner
le projet de loi 35, loi intitulée Loi modifiant la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie. Je comprends la brièveté de la
présentation du ministre. À sa place, je serais fort
gênée, j'en ferais au moins autant. J'essaierais de parler le
moins possible pour ne pas trop attirer l'attention sur ma personne. Je le
comprends.
M. le Président, le ministre, avec une impudence
consommée, prétend que son projet de loi vient
déjudiciariser, vient humaniser - humaniser - et vient
désengorger. Le ministre ne nous a jamais, mais jamais,
présenté de façon très structurée, selon des
méthodes fiables, des chiffres ou des mesures susceptibles
d'entraîner les effets qu'il dit. Au contraire, ça va avoir comme
effet de judiciariser, d'alourdir le processus et de déshumaniser. Mais
comme on n'est pas ici en train d'examiner le projet de loi, mais bien la prise
en considération du rapport, je vais reprendre les quelques
éléments du discours ou de la présentation faite par le
ministre.
Le ministre nous dit: Tel que convenu, j'ai déposé les
amendements. M. le Président, on ne peut pas dire n'importe quoi,
surtout quand il y a des personnes qui ont assisté à cette
commission. On ne peut pas dire n'importe quoi. Nous avons fait une motion pour
demander, inviter poliment le ministre à déposer ses amendements
vendredi après-midi, et il a refusé. Il a refusé. Alors,
ce n'est pas tel que convenu. Il a l'air de faire preuve de beaucoup de
générosité, tel que convenu. M. le Président, non
seulement avons-nous déposé une motion l'invitant à
déposer ses amendements, mais on s'est même engagé, la
motion étant adoptée, à commencer l'étude article
par article du projet de loi en invoquant le fait qu'ayant les amendements en
main ça nous permettrait de procéder rapidement. Il a
refusé. Nous avons quand même commencé l'examen du projet
de loi article par article. Mais, tenez-vous bien, sur le premier article, on
n'est pas d'accord; on l'adopte sur division, parce que c'est,
évidemment, toute la vérification, la possibilité pour
l'employeur imputé d'avoir accès au dossier. Nous l'avons
adopté sur division. Le deuxième article, c'est un article de
concordance. Nous avons reporté, ça se fait
régulièrement. Le troisième article, tenez-vous bien, le
ministre présente son article, il lit les documents
préparés, il explique son article. On échange pendant 20
minutes, et je lui dis: Vous n'avez pas d'amendement là-dessus? Il dit:
Oui, mais il n'est pas prêt. Vendredi après-midi, il nous laisse
discuter pour nous annoncer qu'il n'y a pas d'amendement; non seulement il y
avait un amendement, mais l'amendement n'était pas prêt et il nous
laissait discuter sur le projet de loi. Est-ce que c'est ça, un travail
sérieux et bien préparé? M. le Président, je vous
le demande. Alors, quand il prétend et qu'il impute à
l'Opposition la responsabilité qu'on n'ait pas pu étudier le
projet de loi article par article, le ministre essaie, encore une fois, de
cacher la vérité. Je pense que c'était important de le
rappeler ici.
M. le Président, la façon de procéder de ce
gouvernement viole les règles les plus élémentaires de la
démocratie. Le ministre, qui fait partie de ce gouvernement mais qui,
avant d'entrer à cette Assemblée nationale, était
dirigeant d'une association syndicale, a le comportement le plus
antitravailleur que nous retrouvions dans cette Chambre. C'est ça qui
est inacceptable, et il me semble que le ministre doit en porter la
responsabilité. Hier, le ministre est sorti furieux de cette Chambre.
Moi, je le comprends. Probablement qu'il n'était pas très
heureux. Tous ses amis l'ont laissé tomber, et pour cause. Et pour
cause, tout ce qu'il a défendu hier, il l'oublie aujourd'hui, et tout ce
qu'il a défendu hier, il l'a surtout défendu sur la base du
respect des travailleurs et des travailleuses, j'en suis convaincue, et sur le
respect de la démocratie. Tout ce beau discours s'est envolé.
Est-ce que c'est par goût de vouloir joindre le club de l'extrême
droite du gouvernement libéral? Peut-être. Peut-être, je ne
vois pas d'autre explication.
M. le Président, le projet de loi 35 est un projet de loi mal
préparé, mal rédigé, écrit et
rédigé par la CSST, et la CSST est inspirée par le Conseil
du patronat. Le ministre va dire: Elle lance n'importe quoi, elle dit n'importe
quoi. Aurez-vous remarqué - et là, j'entends le prési-
dent du Conseil du trésor qui dit la même chose - que le
seul organisme à ne pas avoir demandé de modifications à
la loi 35, c'est le Conseil du patronat? Ce qui faisait dire, d'ailleurs, dans
Le Devoir d'aujourd'hui, à M. Guy Taillefer, journaliste: Tout le
monde est contre, à l'exception du Conseil du patronat, qu'appuie, en
revanche, le Conseil du patronat avec un enthousiasme à peine
déguisé. Le seul appui du ministre, c'est le Conseil du patronat.
Moi, je me dis que, comme ex-syndicaliste, je m'interrogerais un petit peu. Une
loi antitravailleur qui sera adoptée sans consultation, sauf les
tractations de nuit, les tractations dans les coulisses, les tractations en
arrière, dans les petites salles en arrière de la salle du
Conseil exécutif où nous siégions, ou encore dans le
bureau du premier ministre, sans transparence, des tractations de coulisse qui
auront amené... Évidemment, parce qu'ils l'ont informé, et
le ministre a déposé pas moins de 35 amendements. Et, tout de
suite, j'annonce notre position. Sur les 35 amendements...
Une voix:...
(15 h 40)
Mme Blackburn: 37, vous avez raison, M. le Président. Il y
a 37 plus les deux qui ont été adoptés en commission,
ça en fait 39, sur un projet de loi qui en compte 98, alors que, de son
aveu même, il y a 70 des articles qui étaient des articles de
concordance. Ça veut dire que, là, il nous apporte 37
amendements, plus les 2 qui ont été adoptés, ça
fait 39. Je suis d'accord avec 12 de ces amendements, et l'Opposition endosse
et appuiera 12 des amendements du ministre qui ramènent le statu quo en
ce qui concerne le mandat de la CALP, la Commission d'appel en matière
de lésions professionnelles, et qui rétablit dans ses fonctions
le comité chargé d'examiner les questions touchant les maladies
pulmonaires.
En ce qui a trait aux autres modifications qui, dans une certaine
mesure, bonifient le projet, nous pourrions être d'accord, sauf que le
projet, ce projet de loi, son fondement est vicié parce qu'il part d'un
mauvais diagnostic et, évidemment, les solutions qu'il apporte viennent
biaiser la problématique. C'est pourquoi, même si les quelques
amendements, pas tous, viennent bonifier le projet de loi, je ne peux pas
endosser ce projet de loi, sauf pour ce qui a trait aux dispositions qui
ramènent le statu quo, parce que les principes qui sous-tendent ce
projet de loi sont fondés sur des préjugés à
l'effet que le déficit de la CSST est attribuable aux abus des
travailleurs, est attribuable à la complaisance des médecins et
à la générosité du système.
Le ministre m'a dit: Je n'ai jamais dit ça. Il ne l'a jamais dit,
mais il ne l'a jamais démenti, ce qui a permis à tous les
détracteurs de la CSST d'entretenir ce discours de manière telle,
M. le Président, que vous et moi, mes collègues aussi, de l'autre
côté de la Chambre, et beaucoup de Québécois et
Québécoises ont fini par le croire, parce que celui qui aurait eu
le plus de crédibilité pour démentir une telle situation,
c'est le ministre. Le ministre n'a non seulement pas dénoncé ces
accusations, mais, par le projet de loi qu'il parraine, il endosse ces
accusations. Il endosse les accusations.
Le ministre aurait dû, à tout le moins, ça
m'apparaissait minimal, amener, obliger la Commission de la santé et de
la sécurité du travail à lui fournir des données
mesurables, quantifiables, qui auraient pu démontrer que c'était
exact qu'il y avait abus des travailleurs et qu'en corrigeant ces abus, on
aurait pu diminuer le déficit de la CSST. Nous avons
réclamé, à de multiples reprises, ces données de la
part du ministre, et la CSST et le ministre sont incapables de fournir des
données chiffrées, M. le Président. Ils sont incapables de
nous dire comment ils ont mesuré à la fois les abus, leur nombre,
s'il y en a, et les économies réalisées. Alors, tout le
projet de loi et sa philosophie reposent, j'allais dire, sur un
préjugé et, évidemment, sur un malentendu.
Le ministre disait encore en Chambre ce matin: C'est pour le bien des
travailleurs. Moi, M. le Président, si j'étais en train de
défendre le bien de quelqu'un qui descend dans la rue... Parce que
là, les travailleurs sont dans la rue actuellement. Ils étaient
à Québec ce matin, ils sont à Montréal cet
après-midi et ils vont continuer. Si c'est ça l'appui que vous
recevez, moi, je m'interrogerais. Moi, je suis en train de faire le bien de
quelqu'un, votre bien, M. le ministre, là. Est-ce que vous seriez en
train de me sortir de la Chambre? Normalement, non. J'aurais votre appui si
c'était vraiment le cas. Si c'était vraiment le cas, j'aurais
votre appui.
Alors, demandez-vous pourquoi les travailleurs sont dans la rue.
Serait-ce qu'il y a seulement le ministre pour comprendre où se trouve
le bien des travailleurs? C'est surprenant. C'est surprenant. Tous les
travailleurs, ce sont des imbéciles, leurs représentants
syndicaux, la même chose, et tous les syndicats, c'est à jeter au
panier. Les seuls qui aient la crédibilité et la confiance du
ministre: la CSST et le Conseil du patronat.
Il me semble que ça ne représente pas tout le
Québec, et la loi est majeure parce qu'elle touche annuellement,
annuellement, là, 150 000... C'est plus que ça. C'est 180 000
à 200 000 travailleurs accidentés. Et là, on adopte une
loi à la vapeur, en bâillonnant l'Opposition, en bâillonnant
tous les organismes qui ne partagent pas l'avis du ministre. On empêche
que la lumière soit faite sur ce projet de loi. Parce que, quand vous
voyez... Vous devez toujours vous poser cette question, j'imagine.
Quand quelqu'un fait tout en son pouvoir pour éviter que la
lumière soit faite sur une question, quelle qu'elle soit, qu'est-ce que
vous
vous demandez? Vous vous demandez: Où est l'intérêt?
L'intérêt de qui cela sert-il d'éviter qu'on entende le
monde? Dans ce dossier, l'intérêt, c'est d'éviter qu'on
fasse la lumière sur les causes profondes du déficit de la CSST,
qui ne sont pas, tel qu'on veut le faire voir, dues aux abus des travailleurs
ou à la complaisance des médecins, mais qui sont dues
également à la diminution de la cotisation des employeurs, qui
sont dues à un certain nombre de décisions où on est
allés en appel sur appel, sur appel, pour repousser les
décisions, ce qui a engorgé les systèmes, qui sont dues
également à une mesure qui était en soi relativement
bonne, celle de la cotisation personnalisée, mais qui a eu comme effet
de diminuer les accidents de moins de 14 jours. Mais tout ça, nous
aurions certainement pu faire la lumière sur une partie de ces
éléments, de ces facteurs identifiés comme étant
responsables du déficit de la CSST. Si nous avions eu une consultation,
c'est ça que nous aurions pu au moins entendre.
Le ministre aurait pu se retourner envers la CSST. Il aurait pu demander
à la CSST: Vos mesures, auriez-vous l'amabilité, avec tout le
personnel que vous avez, de me les chiffrer? Croyez-moi ou croyez-moi pas, on
s'en va adopter une loi qui est supposée corriger le déficit de
la CSST. Il n'y a eu aucune évaluation sur les effets réels quant
à la diminution du déficit de la CSST. Une chose qu'on sait
cependant, et ça, on voit très rapidement, là, c'est que
ça va diminuer considérablement les droits des travailleurs. On
revient à la médecine de papier.
Le ministre va dire: C'est des spécialistes, les médecins
embauchés par la CSST. Bravo! Ils sont quand même à la
solde de la CSST. Ils sont payés par la CSST. Et moi, quand je me paie
un spécialiste, généralement, souvent, il a tendance
à partager mon avis. Et vous le savez. Quand je m'offre un
spécialiste, il partage généralement mon avis, ce qui fait
que, en arbitrage médical déjà, et ça ne relevait
pas de la CSST, là; l'arbitrage médical relevait, relève
encore, jusqu'à l'adoption de la loi, du ministère du Travail. En
arbitrage médical, 50 % des appels qui allaient en arbitrage
médical étaient jugés irrecevables. Les appels qui montent
à la CALP en matière d'arbitrage médical actuellement, 70
% étaient, en partie ou totalement, rejetés. On confirmait le
diagnostic de première instance, et là, c'est rendu à 75 %
des plaintes qui s'en vont à la CALP qui sont rejetées et
estimées non fondées.
M. Chevrette: Je voudrais m'excuser auprès de ma
collègue, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, M. le leader.
M. Chevrette: C'est une loi importante, et pour permettre aux
gens du gouvernement d'apprendre ce qu'il y a dans leur loi, j'aimerais que
vous appeliez le quorum.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): On vérifie
ça. Alors, qu'on appelle les députés. (15 h 48 - 15 h
49)
Mme la députée, si vous voulez poursuivre. Je vous indique
qu'il reste 15 minutes à votre temps de parole.
Mme Blackburn: M. le Président, je disais donc que le
ministre n'était pas obligé de parrainer ce projet de loi. Il
aurait dû exiger de la CSST qu'elle lui fournisse les informations
chiffrées quant aux préjugés, ce que j'appelle, moi, des
ragots, à l'endroit des travailleurs et des travailleuses
accidentés, qu'il fasse la démonstration qu'il y avait vraiment
un abus et qu'il mesure l'ampleur et, par voie de conséquence, les
économies réalisées. Le ministre ne l'a pas
demandé, il ne l'a pas obtenu.
Le ministre n'était pas obligé d'endosser le projet de
loi. Il aurait pu le recevoir, le déposer, demander une consultation. Il
y a de ses collègues qui fonctionnent comme ça, puis on ne leur
en veut pas parce que c'est une loi complexe. Évidemment, avant de
comprendre la totalité des différentes dispositions... Ça
fait appel à trois lois, ça doit faire 1000 articles, trois lois.
C'est relativement complexe. (15 h 50)
Alors, moi, je comprends. Il aurait pu le déposer. Je ne l'aurais
pas déposé en cette facture-là, mais, évidemment,
c'est son choix. Mais il n'était pas obligé de refuser la parole
à tout le monde là-dessus. Il aurait été beaucoup
plus sage de faire confiance à ses ex-collègues de la FTQ, de la
CSN qui ne sont pas devenus complètement incompétents, parce que
plus là-dedans. Il n'était pas obligé de passer sur le dos
de tout le monde pour adopter ce projet de loi, parce que ce projet de loi, qui
plus est, risque non seulement de créer des problèmes aux
accidentés, parce qu'on crée une médecine de papier mais,
qui plus est, n'aura pas ou peu d'effet sur le déficit de la CSST,
d'où une conclusion: il n'y a plus d'urgence. C'est mal foutu, c'est mal
fait. Il n'y a pas d'évaluation, il n'y a pas d'appréciation des
bénéfices qu'on va retirer au plan financier de ce projet de loi,
et on affecte lourdement le travailleur.
Le ministre aurait dû exiger de la CSST qu'elle chiffre les
données avancées, et il aurait dû surtout s'assurer que le
projet de loi responsabilise toutes les parties, toutes les parties sans
distinction. Son projet de loi ne contient aucune, aucune, mais aucune
disposition pour responsabiliser l'employeur ni aucune, aucune disposition pour
réduire la voracité de la CSST, sa propension à
l'hypercentralisation et sa propension à vouloir tout réglementer
jusqu'aux virgules. Il n'y a rien dans le projet de loi, mais
rien dans le projet de loi, qui va venir corriger cette situation.
Le ministre a apporté 39 amendements sur un projet de loi qui en
contient 99, évidemment, avec l'article qui prévoit la date
d'entrée en vigueur. Alors, il les a apportées, ces
modifications. En ce qui concerne la Commission d'appel en matière de
lésions professionnelles, à sa face même, le projet de loi,
c'est un déni de justice. C'était un précédent.
Ça ne se voit nulle part ailleurs dans les tribunaux administratifs,
nulle part, mais nulle part. Il n'y avait pas d'équivalent au
Québec. Et s'il a reculé, vous le savez... Si vous ne le savez
pas, on peut vous l'apprendre. La Commission des droits de la personne lui a
indiqué que, vraisemblablement, on pourrait contester les dispositions
de ce projet de loi, parce que contraire aux droits de la personne, contraire
aux droits de la personne. Il a donc dû retraiter, ce qui explique une
bonne partie des 12 amendements qu'il a apportés. Les 12 amendements, on
aurait eu 12 articles de moins dans le projet de loi si le ministre avait
examiné son affaire comme il faut avant de l'amener ici en Chambre.
Alors, c'a permis ça. C'a permis également un certain
assouplissement à l'article 5 en ce qui a trait aux prothèses, le
remboursement de prothèses brisées à l'occasion du
travail. Assouplissement? On pense que c'a pu améliorer... Mais la
mesure la plus odieuse, la plus odieuse et la plus inacceptable de ce projet de
loi, c'est celle qui touche les travailleurs accidentés et malades du
travail de 55 et de 60 ans.
La disposition qui est actuellement dans la loi prévoit que ces
travailleurs, selon qu'ils sont accidentés du travail ou
considérés handicapés par une maladie professionnelle,
reçoivent l'indemnité de remplacement du revenu de la CSST
jusqu'à 65 ans. À partir de 65 ans, ça diminue de 25 % par
année jusqu'à 68. Et là, ils n'ont plus rien.
Évidemment, ce sont les autres, les autres revenus comme la pension de
vieillesse, la Régie des rentes et les fonds de pension, s'ils en ont,
qui remplacent ce revenu-là.
Cette disposition avait été adoptée sur la base
d'un certain nombre de principes, puis, évidemment, de constatations,
particulièrement celles à l'effet qu'un travailleur de 55 ans, de
façon générale, a beaucoup de difficulté à
se trouver un travail, et de façon certaine, lorsqu'il est
handicapé. Tous, nous le savons. La disposition qu'il y a
là-dedans vient créer quatre catégories de travailleurs
accidentés. C'est curieux comment ce projet de loi, tout son fondement
est biaisé. La disposition à l'article 53 qui vient modifier les
dispositions de la loi est libellée essentiellement de manière
qu'elle fait obligation au travailleur d'accepter un emploi convenable, mais
elle ne fait pas obligation à l'employeur de le reprendre. On fait bien
attention... Pas d'obligation à l'employeur. On a surtout
évité de créer des obligations à l'employeur, alors
que nous savons tous, et c'est un des principaux facteurs qui expliquent les
coûts de la CSST, que les employeurs ne veulent pas reprendre leurs
travailleurs accidentés. Ils font tout en leur pouvoir, dans la
très grande majorité des cas, pour l'envoyer sur le bras de la
CSST. Ils ne veulent pas réintégrer leurs travailleurs
accidentés. Ils ne font pas ce qu'on appelle de la prise en charge.
La loi n'a rien réglé. Elle dit au travailleur qui a 55 ou
60 ans et qui a des handicaps à la suite d'un accident ou d'une maladie
du travail: Tu seras obligé d'occuper un emploi. Si ton employeur, dans
l'entreprise qui était la tienne, te congédie... Là, le
président du Conseil du trésor pourra être heureux de
ça, mais il pourrait aussi écouter, et il verrait peut-être
que ça aura des effets sur la CSST. Mais comme ce n'est pas le
gouvernement qui paie... Si l'employé est congédié
à l'intérieur de deux ans, il retrouve l'indemnité de
remplacement du revenu, en sa totalité. S'il est congédié
deux ans et un jour, là, M. le Président, faites attention si
jamais ça vous arrive, parce que, là, vous n'aurez droit
qu'à la différence - il y a une différence - de
compensation de l'indemnité du revenu, du remplacement du revenu. Si le
même travailleur accidenté, son employeur ne veut rien savoir et
dit: Écoute, tu es gras dur, va-t'en, trouve-toi une autre petite
jobine. Moi, je ne peux pas te reprendre, j'ai mes conventions collectives, je
n'ai pas de poste, j'ai besoin de gens productifs. Tu as fourni ton effort de
guerre, rentre chez vous. Là, lui, il va avoir droit à toute son
indemnité.
L'autre travailleur, lui, il dit: Moi, je vais tout faire pour me
trouver un petit travail, n'importe où, quand même ce serait 50 %
de ce que j'avais avant, la CSST va compenser le reste. Moi, je me trouve un
emploi. Ce travailleur-là, il pourra rester 2 ans, 3, 4, 5 ans, il ne
perdra pas ses droits. Il aura toujours droit à l'indemnité de
remplacement du revenu. La pénalité ne s'applique que si vous
réintégrez un emploi chez votre employeur. Là,
évidemment, vous avez tous ceux qui ne seront pris nulle part et eux,
évidemment, ils ont l'indemnité totale.
On vient de créer quatre catégories de travailleurs
accidentés, mais on vient d'ouvrir la porte à ce qui nous semble
être une disposition, compte tenu, évidemment, de la
difficulté d'appliquer une telle mesure qui prévoit quatre
catégories de travailleurs accidentés... La prochaine mesure,
c'est que ça va être comme tous les travailleurs
accidentés, que vous ayez 55, 56, 60, 62, 63 ou 64 ans, ça va
être tout le monde. Vous êtes réintégrés par
votre employeur dans un emploi, on vous compense le reste ou vous n'avez rien.
Ça va être exactement comme pour tous les autres travailleurs de
moins de 55 ans.
Le résultat, c'est qu'une telle disposition, qui est prise
à rencontre des travailleurs de 55
et 60 ans, ça affecte les années où ils peuvent
constituer un fonds de pension. Ça les amène directement sur
l'aide sociale, sur la sécurité du revenu. Ça va en faire
des gens qui vont vivre en dessous du seuil de la pauvreté
jusqu'à ce qu'ils meurent, jusqu'à ce qu'ils terminent leurs
jours, jusqu'à 80, 90 ans parce qu'ils n'auront pas pu, pendant les
meilleures années, continuer à bonifier un fonds de pension,
s'ils en ont un, et parce que les dernières années de leur vie,
leur seul revenu sera constitué en partie de l'indemnité de
remplacement du revenu, la CSST, si tel est le cas. Ça pourra être
0 $ comme ça pourra être 10 000 $, ça dépend
évidemment de l'écart. Pour d'autres, ça va être
à 100 %. Mais la mesure ouvre la porte à l'abolition totale des
dispositions qui voulaient prendre en compte l'incapacité, pour tout
travailleur de 55 ans ou de 60 ans, de se retrouver un emploi,
particulièrement lorsqu'ils sont handicapés. (16 heures)
C'est un projet de loi odieux, antitravailleur, adopté par un
gouvernement qui - c'est son droit - a un préjugé favorable
à l'endroit du Conseil du patronat. C'est son droit le plus strict,
là-dessus, je n'ai pas de problème, mais au moins qu'il fasse
mesurer, qu'il se fasse donner une évaluation, qu'il l'exige de la CSST,
qu'elle lui présente l'évaluation des facteurs qui ont
entraîné le déficit de la CSST, l'évaluation des
revenus ou des avantages tirés par le présent projet. C'est comme
minimal. On s'attendrait qu'un gouvernement qui se targue d'être bon
administrateur... Il doit y avoir quelques actuaires là-dedans, il doit
y avoir des gens qui réfléchissent un peu. Le minimum, c'est
qu'on ne s'en aille pas comme ça, exclusivement sur la base de ragots,
bâtir un projet de loi qui affecte lourdement, lourdement les droits des
travailleurs et les droits des travailleuses accidentés et, qui plus
est, ne changera rien, sinon qu'il viendra alourdir le fonctionnement de la
CSST.
Regardons une plainte qui rentre à la CSST. La plainte est
à la CSST. Elle s'en va à un comité d'évaluation:
d'abord, le médecin; ensuite, c'est l'agent d'indemnisation qui prend sa
décision, décision, soit de contester le diagnostic du
médecin, et là, la CSST dit: J'ai des experts, ou tu t'en vas au
bureau d'évaluation médicale. Alors, le bureau
d'évaluation médicale, si on lui donne les ressources, ça
va bien. Si on ne lui en donne pas, il a 30 jours, il ne le donnera pas. Donc,
c'est la médecine de papier qui rentre en ligne. Et là, la
médecine de papier, du moment où elle dit: Le diagnostic du
médecin, il est bon... Prenons, dans le cas où le diagnostic de
la CSST, du médecin de la CSST confirme celui du travailleur, là,
vous allez avoir la conciliation. Vous allez avoir la CSST - remarquez bien,
là - la CSST, la conciliation, le médecin de la CSST ou le BEM,
ou le bureau d'évaluation médicale. Vous allez avoir le bureau de
révision paritaire, la conciliation avant le bureau de révision
paritaire, parce que là, il va prendre en considération l'appel,
il va dire: Vous pouvez aller à la révision ou non... à la
conciliation. Mais, avant ça, il y a la révision
administrative.
Alors, vous avez CSST, vous avez le médecin, le médecin de
la CSST, vous avez le bureau d'évaluation médicale. Je le vois,
là, le président de la Commission sait ce qu'on dit... Parce
qu'ils ont réussi à augmenter les différentes
étapes, les différentes étapes de quatre, parce qu'il y a
la reconsidération administrative qui, elle, pourrait être
contestée. Il y la conciliation qu'on a établie à trois
niveaux. Et là, vous avez des allers-retours, et le médecin, la
médecine de papier, ce médecin, il va pouvoir se prononcer sur
toutes les questions prévues à l'article 212 - et je vous fais
grâce du détail, il y en a cinq - même si le médecin
de l'accidenté ne s'est pas prononcé là-dessus. C'est un
recul de 20 ans.
Mais le plus odieux, je le rappelle, dans ce projet de loi est dans la
façon de faire de ce gouvernement. C'est antitravailleur et c'est
antidémocratique. La démocratie, on n'invoque pas ça juste
quand ça fait notre affaire, pour entendre les gens nous louanger.
Ça doit inspirer chacun des gestes et chacune des décisions,
particulièrement du Parlement, du Parlement, parce que nous sommes
élus sur une base démocratique et notre responsabilité,
c'est de faire respecter la démocratie en cette Chambre.
Depuis que je suis en cette Chambre, décembre 1985, à 20
reprises, le gouvernement a imposé le bâillon pour empêcher
que la lumière soit faite sur des projets de loi qui, toutes les fois,
affectent les contribuables du Québec. En ce qui concerne cette loi,
c'est 200 000 travailleurs, travailleuses accidentés par année.
Ces gens-là ne méritaient pas d'être entendus. Je les vois
dans les galeries, là. Vous les avez aussi certainement vus dans les
bureaux. Ce ne sont pas tous des gens malades qui n'ont rien compris au
système. C'est ça que vous êtes en train de leur dire; il y
a juste moi qui comprends. Alors, la façon de faire du gouvernement est
odieuse, est antidémocratique et, quand on se targue de faire des belles
fêtes du Bicentenaire de la démocratie au Québec, il y en a
qui n'ont pas suivi. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Chicoutimi. Alors, M. le ministre, en vertu de
l'article 253, vous pouvez intervenir pour un maximum de cinq minutes, et je
vous cède la parole. M. le ministre du Travail.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Rapidement. En cinq
minutes, bien sûr, je ne peux pas répondre à toutes les
choses qu'a pu dire notre collègue de Chicoutimi.
Dans un premier temps, pour la démocratie, elle a sans doute
préféré, parce qu'elle n'avait
que 30 minutes, oublier de soumettre que j'ai, dans un premier temps, en
échange des bureaux des leaders, soumis la liste de neuf organismes que
je souhaitais que nous entendions, dont les centrales syndicales, les
organismes patronaux, l'ordre... Je l'ai fait, mais vous l'avez refusé.
Vous avez ajouté d'autre chose.
Dans un deuxième temps, M. le Président... Je pense que
j'ai été respectueux des 30 minutes de madame. Je m'attendrais
à la même chose. Quand vous parlez d'humaniser le système,
il me semble, M. le Président, que de permettre à l'agent
d'indemnisation de reconsidérer sa décision, lorsqu'il
réalise qu'il a fait une erreur, ce que la loi que nos voisins d'en face
ont votée ne permettait pas. La seule façon, pour un travailleur
qui se sentait lésé... Il était obligé d'aller en
appel, même si son agent d'indemnisation reconnaissait qu'il
s'était trompé. Ça, c'est la loi que nos amis d'en face
ont votée. Donc, il me semble que, ça, c'est une façon
d'humaniser la loi, dans un premier temps, de la déjudiciari-ser.
Également, M. le Président, permettre, à toutes les
étapes du processus - elle me reproche d'ajouter des étapes - la
conciliation pour permettre à l'accidenté de pouvoir, lui, en son
nom, parler de son dossier plutôt que de laisser ça dans les mains
d'autres, M. le Président, plutôt que ça soit des avocats
ou des gens spécialisés.
Il me semble que l'accidenté, quand on va dans les
journées de bénéficiaires, c'est ça qu'il
réclame, M. le Président. Pas ceux qui envahissent les bureaux.
Ceux qui envahissent les bureaux, ce n'est pas ça qu'ils
réclament, M. le Président. Mais les accidentés,
là, ceux qui veulent pouvoir, de temps en temps, parler en leur nom, eux
autres souhaitaient ça. C'est pour ça qu'on a mis la
conciliation. Et, d'ailleurs, le seul endroit où, jusqu'à
maintenant, la conciliation existe, c'est aux dernières étapes,
ce qui était la CALP. Tous ensemble, nous avons applaudi les
performances magnifiques de la CALP. Dans ses premiers mois d'existence, 74 %
des dossiers traités par la CALP au niveau de la conciliation ont
été améliorés. Donc, on se dit: Si c'est bon
à la dernière étape, il me semble que plus on va
insérer ça dans le processus, plus ça va permettre
d'améliorer les chances de désengorger, de déjudiciariser,
d'humaniser le régime, M. le Président. Ça me semble
tellement élémentaire! Donc, il me semble que ça,
là, il faut invoquer ces choses-là.
Quand on parle, M. le Président - et c'est notre collègue
qui vient de dire ça - de médecins de papier... Et elle a
ajouté: Quand je prends un spécialiste, je prends un
médecin, il va me donner le diagnostic que je veux. Je m'excuse,
là! J'ai un peu plus de respect pour les professionnels de la
santé, les médecins spécialistes. Parce que, M. le
Président, prenons le même bureau de spécialistes. Je
prends comme exemple - merci, il me reste deux minu- tes - l'Institut de
physiatrie de Montréal, qu'on reconnaît, qui représente
environ 50 % de tout ce qu'il y a comme spécialistes en physiatrie au
Québec. Si c'est le travailleur qui décide de s'y
présenter, on va reconnaître son diagnostic comme étant
excellent. Si la CSST désire avoir une opinion d'un médecin
traitant de l'Institut de physiatrie de Montréal, si je me prête
aux propos de madame, il répondra... Toute sa conscience
professionnelle, toutes ses compétences puis sa connaissance pour
traiter le dossier seront en fonction de qui le paie?
M. le Président, je vous avoue que, personnellement, j'ai
beaucoup plus de respect pour les médecins spécialistes, que de
dire... Avant de donner un diagnostic au point de vue de la santé, de
donner un diagnostic au point de vue de la sorte de traitement qu'il faut
donner à l'accidenté, qui va d'abord se poser la question: Qui
est-ce qui me paie, pour savoir à quel degré il est malade ou
pas? M. le Président, je ne peux souscrire à une approche comme
celle-là. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
ministre du Travail, pour votre intervention. Mme la députée de
Kamouraska-Témiscouata.
Mme France Dionne
Mme Dionne: Merci, M. le Président. M. le
Président, ce n'est pas la première fois que j'interviens en
cette Chambre sur le projet de loi 35 et, la dernière fois,
c'était il y a deux jours; on parlait de la motion sur le projet de loi.
Cette fois-ci, M. le Président, je vais amener des
éléments différents de ce que j'ai amené
jusqu'à maintenant, qui, je pense, peuvent être
intéressants dans le débat. Et, tout d'abord, M. le
Président, j'aimerais me référer aux paroles de la
députée de Chicoutimi qui est, bien sûr, critique en
matière de santé et de sécurité du travail et,
depuis le début du débat, M. le Président, la
députée de Chicoutimi nous prête des intentions d'avoir des
préjugés contre les travailleurs et les travailleuses
accidentés. Elle dit que nous disons que c'est leur faute si le
système a des problèmes. (16 h 10)
M. le Président, est-ce que vous avez entendu un
député de ce côté-ci de la Chambre parler de cette
façon-là? Est-ce que vous avez entendu ça une fois, M. le
Président? Non, vous ne l'avez pas entendu, et on n'en parle pas parce
qu'on n'y pense pas. On dit que le système doit être
amélioré. On dit qu'il doit être amélioré
partout en province. On dit que les travailleurs et les travailleuses
accidentés ont droit à une rapidité dans l'exercice du
système, et je pense que... Si je regarde tous les exemples des gens qui
sont venus dans mon bureau de comté, M. le Président, qui ont
demandé pour avoir une
réponse rapide du médecin et de la CSST, qui ont dit qu'il
y avait eu des erreurs, ils ont droit à une rapidité
d'exécution. Ils ont droit d'avoir leur compensation. Ils ont droit de
voir le spécialiste rapidement, et ça, un peu partout à
travers la province. Alors, dans ce sens-là, je pense que le projet de
loi qui est devant nous, il est important. Il est urgent qu'on fasse des
ajustements au système. Ce qu'on recherche, en fin de compte, c'est un
meilleur équilibre et une plus grande équité au niveau du
système.
M. le Président, il faudrait rappeler des choses aussi, parce que
les gens qui nous écoutent, peut-être qu'ils sont confus à
partir des paroles de l'Opposition au sujet des bénéfices. Il
faut se dire une chose. Le calcul des indemnités demeure
inchangé. Vous savez, le 90 % du net qui était accordé
dans le passé, il demeure dans le moment, M. le Président. Le
calcul se fait toujours en tenant compte du maximum assurable, qui est,
actuellement, de 44 500 $. Ça, c'est de l'argent sonnant, et on n'a rien
changé là-dedans, M. le Président. Il faudrait que ce soit
clair et que... Écoutez, de l'autre côté, je pense que les
exemples que je donne doivent les embêter.
M. le Président, il y a un des points que j'ai mentionnés,
tout à l'heure, qui est important parce qu'en région, on le voit,
ça. Quand il y a une erreur au niveau d'une décision d'un agent
de la CSST, avant ça, il fallait aller en révision. Maintenant,
l'agent pourra corriger, reconsidérer sa décision dans les 90
jours suivant celle-ci. C'est important que ça puisse se faire, et je
suis bien heureuse que le projet de loi nous apporte ces
amendements-là.
M. le Président, vous le savez, on l'a dit et je pense qu'on doit
le répéter, notre régime, il est basé sur le
paritarisme. Il est unique en Amérique du Nord, et ce caractère
distinctif demeure, M. le Président. Je vais citer l'éditorial de
Jean Francoeur du 14 mai 1992 de cette année. Justement, il citait M.
Clément Godbout, qui doit être connu, je pense, dans le monde
syndical. Voici ce qu'il disait: «Si on a pris 50 ans pour avoir une
réforme en indemnisation, après 7 ans d'application, on peut bien
faire certains ajustements pour rectifier le tir sans pour autant rejeter les
bases mêmes de cette réforme.» Ça, c'était
Clément Godbout qui parlait et c'est de l'éditorial de Jean
Francoeur du 14 mai dernier, M. le Président. C'est pour dire qu'il y a
des gens qui regardent le système, qui regardent le projet de loi et qui
sont convaincus qu'il faut apporter certaines améliorations.
M. le Président, quand le député d'Anjou a
parlé sur le dossier, il y a deux jours, il a fait des comparaisons
entre les taux de cotisation. Les taux de cotisation, on parlait de 2,50 $, au
Québec, comparativement à l'Ontario, mais quand on parlait de ces
taux-là, ce qu'il a oublie de dire et qu'il ne dit pas dans cette
Chambre - et j'ai l'impression qu'il ne dit pas ailleurs - c'est que c'est un
taux moyen, ça, pour 1992, 2,50 $.
Je vais vous donner des exemples de taux qui sont chargés, parce
que quand on parie des taux, l'Opposition nous dit: Bien, vous avez juste
à augmenter les taux. On va corriger le problème de financement.
Augmentez les taux, il n'y aura pas de problèmes. Dans le secteur
primaire, M. le Président, prenons l'exploitation forestière. Le
taux, il n'est pas de 2,50 $, il est de 8,88 $. Vous allez me dire: II y a eu
des belles années dans le système forestier et dans l'industrie
forestière, mais ces temps-ci, les années sont moins belles.
Prenons au niveau de la pêche côtière, 14,35 $. On est loin
des 2,50 $. Je ne sais pas si M. le député de Duplessis, qui est
en avant de moi, avec la connaissance qu'il a du secteur des pêches,
pourrait vraiment accepter que les taux augmentent de 30 %. Je ne pense pas,
parce que c'est déjà cher et on a déjà de la
difficulté dans le secteur des pêches.
Ce qui est assez cocasse, M. le Président, c'est que le secteur
où les taux sont les plus bas, c'est l'exploitation d'un bureau
d'avocat, soit 0,49 $, M. le Président, et le secteur où les taux
sont les plus élevés, c'est les travaux de démolition.
Est-ce que les gens sont riches dans le secteur de la démolition? Je ne
le sais pas, sauf que les taux sont à 21,94 $. On est loin des 2,50 $ du
taux moyen, M. le Président. Alors, il y a des taux de cotisation qui
sont chargés et qui sont quand même au-dessus des 2,50 $. Alors,
quand on regarde ça, on se dit: La solution pour régler le
problème, est-ce que c'est dans l'augmentation de 30 % des taux? Bien,
je ne pense pas, parce que c'est déjà élevé dans
des secteurs fragiles comme les pêcheries et la foresterie. Alors, le
projet de loi vient bien à point puisque... On propose d'autres
modifications. On propose la rapidité, et je pense que les taux de
cotisation, comme je vous l'ai montré, ne sont pas la
réponse.
D'autre part, M. le Président, il faut se dire une chose, hein?
Il y a certaines personnes qui trouvent le projet de loi tout à fait
inacceptable. On a entendu ça à quelques endroits. L'Opposition
l'a dit, mais il y a même certaines centrales syndicales qui trouvent que
ce n'est pas acceptable, ce projet de loi. Mais il est certain d'une chose,
c'est qu'ils sont partie prenante des décisions de la CSST; oui, parce
que c'est un système paritaire, mais elles ne sont pas partie cotisante,
toutefois, de la CSST. Il faut le rappeler, la CSST est financée
à 100 % par les employeurs. Par contre, il y a des choses
intéressantes et, là-dessus, je pense que les centrales
syndicales peuvent faire du bien au niveau de la prévention. D'ailleurs,
il y a des montants d'argent qui sont versés aux centrales syndicales
pour faire de la formation et de l'information. D'ailleurs, cette année,
c'est-à-dire pour l'année 1991, il y a au-dessus de 3 000 000 $
versés par la CSST pour faire de la formation et de l'information. C'est
important de
le faire, mais peut-être pas n'importe quelle information, parce
qu'on peut voir que dans certaines régions du Québec...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): je demanderais votre
collaboration pour que madame puisse poursuivre son intervention. mme la
députée.
Mme Dionne: Oui, M. le Président. Alors, je disais
qu'effectivement, avec les montants d'argent qui sont versés au niveau
de la CSST, on pouvait faire de l'information et de la formation. D'ailleurs,
il y a sûrement de la bonne information qui est faite. Toutefois, il y a
des informations qui sont données aux travailleurs et qui sont
inquiétantes. Je vais juste vous montrer, M. le Président, ici,
ce papier qui vient d'une des centrales syndicales pour vous dire qu'il y a des
bonnes informations, mais il y en a aussi qui sont biaisées dans le
domaine.
M. Beaulne: M. le Président.
M. Bourassa: Mme la députée, je m'excuse. M. le
député, vous avez une question à la présidence?
M. Beaulne: Oui, M. le Président. Je constate qu'il n'y a
pas le quorum. Alors, je vous demanderais de demander...
M. MacMillan: M. le Président, question de
règlement, s'il vous plaît. Est-ce qu'on peut dénoncer les
gens qui se cachent en arrière...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! J'ai une question de quorum. C'est prioritaire. Alors,
qu'on appelle les députés. (16 h 17 - 16 h 20)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, nous poursuivons
la prise en considération du projet de loi 35. Si vous voulez prendre
place, merci. La députée de Kamouraska-Témiscouata avait
la parole, et je lui indique qu'il reste deux minutes à son
intervention. Mme la députée.
Mme Dionne: Merci, M. le Président. Je sais qu'avant que
vous appeliez le quorum, on avait beaucoup de députés ici, en
Chambre, de l'Opposition, qui sont sortis pendant quelques instants, le temps
que vous appeliez le quorum. Là, maintenant, ils reviennent un par un en
cette Chambre.
M. le Président, je reviens à mes propos de tout à
l'heure sur les montants qui sont accordés, qui sont versés aux
syndicats pour faire de l'information et de la formation. Je vous en ai
parlé tout à l'heure, mais on sait fort bien que les montants
d'argent qui sont versés sont, avant tout, des compensations qui doivent
être versées le plus possible aux travailleurs et travailleuses
accidentés, un peu partout à travers le Québec, et c'est
ça qui est important. Ce montant-là, dans le moment, on est
inquiet, puisque la CSST est en déficit. Est-ce qu'on va pouvoir
continuer de verser les montants d'argent comme on le fait jusqu'à
maintenant? C'est là-dessus qu'il faut veiller pour que le
système reste en vigueur, puisque c'est un système unique en
Amérique du Nord.
Les montants d'argent qui sont versés, M. le Président,
c'est des montants qui sont importants et quand je vous disais, il y a deux
jours, qu'on se demande si la lenteur du système, à qui ça
rapporte vraiment, il est certain qu'il y a du monde qui travaille dans ce
système-là. Je regarde le montant des honoraires versés.
On regarde ça. On regarde les honoraires versés pour les bureaux
de révision paritaire. Prenons, par exemple, la CSD. En 1991, 167 000 $
d'argent versé. Alors, c'est quand même important. La CSN, 604 000
$; la FTQ, 1 067 000 $. C'est de l'argent qui ne va pas aux travailleurs et
travailleuses accidentés, qui va à des gens dans le
système qui prennent du temps pour faire du travail au niveau de chacune
des étapes du système.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure,
rapidement.
Mme Dionne: M. le Président, les objectifs de la loi 35,
c'est d'humaniser, de désengorger et de déjudiciariser le
système. Dans ce sens-là, je vais voter avec le ministre sur le
projet de loi 35, puisqu'il améliore le système, j'en suis
convaincue. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, sur ce même
sujet, la prise en considération du rapport sur le projet de loi 35, M.
le leader de l'Opposition officielle et député de Joliette.
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le
Président, tout d'abord, je voudrais, par votre intermédiaire,
dire à la députée de Kamouraska-Témiscouata que le
quorum, en cette Chambre, il est assumé par le pouvoir. Quand il y a des
commissions parlementaires, c'est 13 députés, vous incluant.
Ça doit être assez important, quand on décide de mettre un
bâillon en cette Chambre et d'enlever le droit de parole aux
parlementaires, d'être au moins présents, puis d'assumer sa
responsabilité première de quorum. J'espère qu'elle sera
à son banc tout l'après-midi, comme elle a pu faire remarquer que
nous sortions de temps à autre. Les cloches, quand elles sonnent, c'est
parce qu'ils n'ont pas 13 députés en cette Chambre sur 90. C'est
ça, M. le Président, l'heure juste.
Deuxièmement, je la regardais plaider en faveur de cette loi et
elle citait Clément God-
bout, ex-collègue du député de Verdun... Une
voix: Sainte-Anne.
M. Chevrette: ...Sainte-Anne, M. Cherry, ancien
délégué syndical de la FTQ. Le ministre du Travail actuel
connaît bien M. Godbout, qui était cité tantôt. Hier,
qu'est-ce que disait M. Godbout avec la CSN? Il ne l'a pas dit avant-hier. Il
l'a dit hier, parce qu'il a pris connaissance des 37 amendements du ministre.
Hier, la FTQ, la CSN disaient: Cette loi n'a pas d'allure. Il nous faut la
retirer. C'est ça que disaient les centrales syndicales, hier, dont les
ex-collègues du député de Sainte-Anne, actuel ministre du
Travail. Donc, il faut citer les choses correctement et dans leur vrai
contexte.
Deuxièmement, M. le Président, cette loi-là, elle
ne corrige rien. Elle ne corrige rien, elle ne met que certains
«plasteurs» comme ils disent, des diachylons sur des bobos. Mais,
fondamentalement, vous vous refusez de regarder globalement la situation
à la CSST. Je n'ai pas entendu un traître mot de ce ministre sur
les frais d'administration de la CSST. C'est plus de 280 000 000 $, M. le
Président, pour gérer une boîte. Vous ne trouvez pas que
ça commence à faire, ça? C'est 20 %, M. le
Président, la gestion, à peu près, à la CSST. 20 %,
M. le Président, de la gestion. Vous n'êtes pas au courant? Vous
vous informerez du propre budget de votre popre société dont vous
vous occupez.
Deuxièmement, M. le Président... Qu'est-ce qu'il a, M. le
président du Conseil du trésor? S'il veut parler, il peut se
lever. À son tour.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît.
S'il vous plaît.
M. Chevrette: Non non, non non, si vous voulez parler, vous avez
le droit...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, c'est M. le
leader de l'Opposition officielle qui fait son intervention, et je vous
demanderais de la collaboration. S'il y a des députés qui veulent
intervenir, ils interviendront à leur tour. M. le leader, si vous voulez
poursuivre.
M. Chevrette: M. le Président, plus que ça.
L'actuel ministre du Travail dit: C'est vous autres qui n'avez pas voulu les
écouter. Je vais vous raconter ce qui s'est passé, moi. On est
allé offrir notre collaboration à ce charmant souriant ministre
qui nous avait présenté une liste de huit ou neuf groupes. On a
dit: Oui, on est d'accord avec tes neuf groupes. Ça «peut-y»
être plus clair, ça? On était d'accord avec les neuf
groupes. Mais on a dit: Ajoute également le P.-D.G. de la CSST pour
qu'on puisse le questionner sur sa gestion de 280 000 000 $.
«C'était-u» trop demander que d'entendre les syndicats,
d'entendre le patron et de faire venir M. Dia- mant? C'est ça qu'on vous
a proposé. Il a dit: Parce que vous exigez Diamant, les neuf autres, je
ne les entends pas. Il se lève de son banc. Sur le plan de
l'honnêteté intellectuelle, c'est grave! Il dit que c'est de notre
faute si on n'a pas entendu les neuf. M. le Président, c'est une preuve
de manque de jugement flagrant ça. Parce qu'on voulait en ajouter un, il
a pénalisé les neuf groupes qui seraient venus lui dire
carrément ce qu'on lui dit depuis des heures et des heures, et on va
continuer à lui dire pendant des heures et des heures, M. le
Président. C'est ça qui est arrivé sur la
consultation.
Troisièmement, M. le Président, ce projet de loi
là, qu'est-ce qu'il fait concrètement? Qu'est-ce qu'il fait
concrètement? Qu'est-ce qu'il donne comme outil pour corriger la
situation? D'abord, le médecin qui va recevoir le patient n'a plus
grand-chose à dire. C'est ça que ça veut dire dans ce
projet de loi là. Quand on sait qu'il y a des mesures administratives
à la CSST, si vous en recevez dans vos comtés, vous devez savoir
ce qui se passe un peu. Il y a même eu des directives pour bloquer
littéralement, à peu près, toutes les premières
décisions. Saviez-vous ça, vous autres? Ça ne
dépend pas du travailleur, ça. Ça ne dépend pas de
son médecin, ça. Ça dépend des directives
administratives pour pousser les règlements le plus loin possible. Le
travailleur en question qui ne reçoit pas son indemnité,
qu'est-ce qu'il fait? Il faudrait que Mme la députée sache
ça, et d'autres, aussi, là, parce que c'est du monde qui doivent
être comparables qui vont vous voir. Ils vous disent: Ça n'a pas
d'allure, je n'ai plus de revenu, et la CSST me dit qu'elle ne se rend pas
à ma demande. Il ne peut pas y aller, son médecin de famille dit:
Je te donne trois semaines, et tu ne peux pas retourner au travail. Je ne veux
pas. Il faut que tu ailles en physiothérapie et, en
physiothérapie, c'est dans trois mois.
Savez-vous ce qui se passe concrètement sur le terrain, vous
autres? Vous ne parlez pas au même monde que nous autres certain! C'est
ça, fondamentalement, qui se passe, M. le Président. Puis, plus
que ça, quand la CSST le bloque, qu'est-ce qu'il fait? Il s'en va voir
les gens de la Sécurité du revenu et ils lui font signer un petit
papier conditionnel. Je te donne le BS conditionnel, M. le Président.
S'il a le malheur d'avoir une maison de 4000 $, 5000 $ de plus que
l'évaluation qui est permise, il est coupé. Je l'ai
raconté dans cette Chambre, moi, un des cas pathétiques que j'ai
eu à vivre pas plus tard que la semaine dernière. Un individu,
dont la maison est évaluée à quelque 80 000 $, une femme,
deux enfants. Il s'est ramassé à 444 $ par mois pour manger,
payer ses taxes, payer son électricité, son chauffage, habiller
ses enfants. Vous trouvez ça normal, vous autres? Pas nous autres. On ne
se chauffe pas du même bois que vous autres là-dessus. C'est
clair. On trouve ça aberrant, fou comme balai.
En plus de ça, la contre-expertise par la CSST. Combien de gens
sont venus dans mon bureau, me dire: Je suis allé voir le médecin
de la CSST. Il m'a fait marcher 20 secondes de même, 10 secondes de
même et viens-t'en me retrouver et va-t'en chez vous. Sur le rapport
médical, il est apte au travail, quand on sait qu'il y a des gars qui
ont payé des 200 $ d'expertise pour aller voir des spécialistes.
(16 h 30)
C'est ça qui se passe dans le concret. Ce n'est pas ça que
vous corrigez. Vous allez plutôt concrétiser et perpétuer
ce genre d'examens là en payant des médecins pour faire
l'arbitrage. C'est ça, concrètement. Ce n'est pas une correction
du système ça, M. le Président. Qu'il y ait certains
abuseurs, soit! Il y en a partout dans la société, mais
allez-vous bâtir des règles générales pour 1 %, 2 %
ou 3 % d'abuseurs? C'est ça que vous faites. C'est ce qu'ils ont fait,
M. le Président, dans tous les secteurs. On interprète que tout
le monde est fraudeur dans la société, que tout le monde est
parasite du système, que tous les médecins sont complaisants et
qu'on judiciarise.
Là, il dépose ce projet de loi là. Il ne savait
même pas l'article 1. Tous mes collègues qui ont assisté
à la commission... Le ministre ne comprenait même pas la teneur de
l'article 1. Il disait: Je promets des amendements. Il en a
déposé 37. S'il était si bon que ça, est-ce que ses
anciens collègues de la FTQ auraient demandé le retrait? M. le
Président, il y a Ghislain Dufour qui dissimule à peine son
enthousiasme parce qu'il est d'accord.
Puis des tarifs... On a le droit de dire des choses en cette Chambre,
mais j'écoutais la députée de
Kamouraska-Témiscouata trouver ça abominable que les bureaux
d'avocats ne paient que 0,49 $ et qu'il y a des secteurs qui payaient 0,15 $.
Bien, corrigez-le, rendez ça plus équitable. Ce n'est pas
ça que vous faites dans le projet de loi. Vous ne touchez pas aux
tarifs. Vous allez vous lever et ce sera 0,49 $ encore l'an prochain dans les
bureaux d'avocats. La moyenne était de 2,75 $ il y a quelques
années et vous l'avez baissée à 2,25 $, ce qui a
rapporté 2,17 $. C'est ça concrètement, c'est 2,17 $.
C'est ça les chiffres que nous donne la CSST.
S'il vous plaît, quand on veut corriger un système, quand
on veut mettre de l'ordre de a à z, d'abord, on commence par
écouter les gens. On dit: Comment on peut s'en sortir? On leur demande
des suggestions. On leur demande de nous faire des recommandations. À la
lumière de cela, on rédige une loi. Ce n'est pas ce qui s'est
fait, M. le Président. On rédige une loi. Elle n'est pas
correcte. On gazouille dans les passages et dans les corridors pour essayer
d'arriver avec des amendements. On dépose 37 amendements et on dit au
Parlement: Tu n'as pas un mot à dire. Bien, écoutez, je pense que
vous allez trouver le temps long, mais vous allez nous entendre parler.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. leader de
l'Opposition officielle et député de Joliette. Alors, sur la
prise en considération du projet de loi 35, je reconnais maintenant M.
le député de Duplessis. M. le député de Duplessis,
la parole est à vous.
M. Denis Perron
M. Perron: Merci, M. le Président. Nous sommes
actuellement en face de l'étude du rapport de la commission
parlementaire qui a siégé sur la loi 35 la semaine
dernière et quelques heures cette semaine, ce que nous de l'Opposition
officielle à l'Assemblée nationale considérons comme une
loi inique, une loi antitravailleur, antitravailleuse, une loi qui va
permettre, encore une fois, un retour en arrière par un retour à
remettre sur le dos des travailleurs et des travailleuses le fardeau de la
preuve, d'une part, et, d'autre part, presque un retour à ce qu'on
appelle les docteurs de compagnie.
M. le Président, les patenteux de l'Armée rouge ont agi,
encore une fois, sans tranparence, parce que ça ne les étouffe
pas, sans aucun sens de la démocratie de notre système
parlementaire et de la démocratie qu'on devrait appliquer envers le
peuple québécois, ça ne les étouffe pas non plus.
Le plus bel exemple que nous ayons, c'est lorsque la semaine dernière
nous étions en commission parlementaire, et même suite aux
tractations, aux négociations plutôt qui avaient été
faites entre la députée de Chicoutimi et le ministre du Travail
lui-même, ce dernier a refusé, en commission parlementaire, et ce,
de façon catégorique avec ses collègues libéraux,
d'entendre des organismes, des représentants et représentantes
d'organismes que nous avions choisis, et même le gouvernement
était d'accord à ce qu'on les entende. Tout à coup,
probablement à cause de Ghislain Dufour du Conseil du patronat,
probablement à cause de certains rouges qui font partie du Conseil des
ministres, on s'est ramassé avec personne en commission parlementaire.
Donc, le projet de loi n'a pas pu être étudié de
façon concrète et de façon correcte non plus.
Il y a des organismes syndicaux comme, par exemple, la CSN, la FTQ et la
CSD qui nous ont transmis des mémoires puisqu'ils ne pouvaient pas se
faire entendre. On a eu l'occasion de regarder tous ces
mémoires-là, et ce que je peux vous dire, M. le Président,
c'est qu'en aucun temps on ne retrouve l'aveu des syndicats du Québec
qu'ils sont d'accord avec le projet de loi en question. Lorsqu'on dit que les
syndicats seraient d'accord, comme le mentionnait la députée de
Kamouraska-Témiscouata tout à l'heure... Elle parlait de
Clément Godbout, qui est un ami personnel du ministre et un ami
personnel à moi, parce que je suis un ancien syndiqué
affilié à la FTQ. Lors-
qu'on l'entendait déclarer ce que disait Clément God bout,
bien, M. le Président, je me demande ce que ça veut dire ici.
Lorsqu'on dit, en date de ce matin, ici, dans le journal: «La CSN et la
FTQ s'insurgent plus que jamais contre le projet de loi 35», alors, qu'on
ne vienne pas nous faire des accroires, de l'autre côté, à
ce niveau-là.
D'autre part, M. le Président, je voudrais vous souligner ici
quelques interventions qui ont été faites, justement en
commençant par la députée de Kamouraska, et ce,
après le dépôt de la loi 35. Cette dernière
déclarait, en date du 3 juin dernier: En agissant par voie
législative et en prenant ses responsabilités afin de sauver le
régime - imaginez-vous, on sauve le régime - le gouvernement
libéral veut ainsi assurer une meilleure protection et offrir des soins
d'une plus grande qualité et d'une plus grande efficacité, tout
en favorisant le retour au travail du travailleur ou de la travailleuse. Elle a
mentionné, dans son allocution de tout à l'heure, les
pêcheurs. C'est vrai que ça coûte énormément
cher aux pêcheurs pour faire partie de la CSST. C'est vrai que ça
coûte beaucoup plus cher que ce que paient actuellement les entreprises
de façon régulière. Mais, cependant, la loi 35 ne vient
pas corriger; rien, d'aucune espèce de façon, par rapport aux
problèmes vécus par les pêcheurs et par les
propriétaires de bateaux, et par les travailleurs et les travailleuses
d'usine. Et, M. le Président, on ne peut pas permettre en cette Chambre
que les libéraux et les libérales puissent dire à peu
près n'importe quoi sur le dos des travailleurs et des travailleuses. m.
le président, tout ça pour vous dire que toutes les
déclarations qui ont été faites - c'a même paru dans
un communiqué de presse qui émane directement de l'aile
parlementaire libérale, de la part du député de
saint-maurice, de la part, du député des
îles-de-la-madeleine, de la part de la députée de
kamouraska-témiscouata, de la part du député de drummond -
ce sont des déclarations qui, tout simplement, jettent de la poudre aux
yeux dans la population du québec envers ces hommes et ces femmes qui
sont actuellement dans le besoin. m. le président, lorsqu'on entend les
discours des libéraux et des libérales, on se rend compte d'une
chose: c'est que ghislain dufour, le p.-d.g. du conseil du patronat, ne ferait
pas mieux en cette chambre, mais il est très bien
représenté par tout ce que nous avons comme libéraux
à l'assemblée nationale.
M. le Président, ce projet de loi a été
déposé en cette Chambre le 14 mai dernier, et il n'a
été appelé que la semaine dernière en commission
parlementaire. Et nous qui voulions entendre les parties, soit la CSN, la FTQ,
la CSD, la FATA, le Conseil du patronat, même qu'on voulait entendre
Ghislain Dufour, l'ami du ministre, celui qui est devenu l'ami du ministre
après avoir passé à travers... Puis, ça, je le
regrette énormément, M. le Président, qu'un ancien
collègue de la FTQ, le ministre du Travail actuel, prenne aujourd'hui la
responsabilité de présenter un projet de loi 35 qui n'a ni queue
ni tête. Comme ancien travailleur syndiqué et comme ancien
président de la FTQ, M. le Président ça... Je le regrette
énormément, puis il est devenu, il est en train de devenir la
risée de tout le monde.
Lorsqu'on parle du gouvernement libéral et des
représentants et représentantes du gouvernement libéral,
on se rend compte que ces derniers et ces dernières se cachent
derrière des paravents. Ils en ressortent de temps à autre, mais
ils ont les oreilles bouchées parce qu'ils ne veulent entendre personne.
La loi 35, ce n'est pas n'importe quoi. La loi 35 que nous avons en face de
nous touche actuellement bien plus les travailleurs et les travailleuses que le
patronat. Bien plus! Et si le ministre avait voulu corriger les choses de
façon correcte, tout ce qu'il avait à faire, c'était de
faire les choses correctement, en ce 200e anniversaire de nos institutions
parlementaires, puis de permettre la transparence directement en commission
parlementaire pour qu'on puisse entendre les représentants et les
représentantes d'organismes, non pas pour rendre le projet de loi pire
qu'il ne l'est actuellement, mais pour le bonifier. (16 h 40)
J'ai eu l'occasion, M. le Président, de travailler sur la loi 17
et la loi 42. Je sais que ça n'a pas été facile. Je sais
que ces lois-là ne font pas en sorte de corriger l'ensemble des
problèmes, mais si on veut corriger et bonifier un projet de loi, on ne
recule pas en arrière. On fait un pas en avant, deux pas en avant et
c'est avec les travailleurs et les travailleuses et leurs représentants
et représentantes qu'on peut faire ces choses-là. Ce n'est pas en
faisant ça en catimini, en fin de session, avec le rouleau compresseur
qui nous est imposé par le gouvernement libéral, et ce n'est pas
la première fois. Ça fait maintenant presque 20 fois, en l'espace
de six ans, que ce gouvernement nous impose la guillotine sur des projets de
loi comme ceux-là.
Lorsque nous, en tant que ministériels, de 1976 à 1985,
nous avons imposé la guillotine à 11 reprises, ce que je peux
vous dire, c'est que c'était sur des lois importantes, c'était
sur des lois où les travailleurs et les travailleuses étaient
d'accord, c'était sur des lois où la très grande
majorité de la population du Québec était d'accord. On
peut parler de la loi 67 sur l'assurance automobile. On peut parler aussi de la
loi 101 sur notre langue maternelle. On peut parler de toutes sortes d'autres
lois qui ont été passées. Même la loi 17, vous
étiez contre, même la loi 42, vous étiez contre en grande
partie. Je parie du gouvernement libéral et je parie de l'Opposition
libérale du temps. Vous avez même défendu la 17 et la 42,
lorsque vous étiez syndiqués, lorsque vous étiez
syndicalistes. Mais,
aujourd'hui, qu'est-ce que vous faites? Vous faites en sorte de
déboussoler tout le monde et d'apporter une loi qui n'a ni queue, ni
tête à l'Assemblée nationale, M. le Président.
Et là, comme je le disais tout à l'heure, encore une fois,
on nous arrive en fin de session et, à la dernière minute, comme
c'est leur habitude, à la dernière minute, on veut nous passer un
projet de loi et nous le faire avaler. Mais, M. le Président, de notre
côté, ici, les hommes et les femmes que nous sommes, nous sommes
d'abord et avant tout des Québécois et des
Québécoises qui veulent protéger les travailleurs et les
travailleuses du Québec. On n'est pas là pour protéger le
ministre du Travail, on n'est pas là pour protéger les
institutions libérales. On est là pour protéger l'ensemble
de cette population qui en a besoin.
Comme les rouges ont actuellement des problèmes avec leur
épine dorsale qui est déviée, qui est même
égrenée dans certains cas, des problèmes même avec
des disques, parce qu'ils refusent presque systématiquement de se lever
debout devant cette Assemblée nationale, nous, on se demande, de ce
côté-ci, comment ils peuvent faire actuellement et si ces
gens-là ne devraient pas faire appel à la CSST, dans les
conditions où ils sont et où elles sont. Mais, avec la loi 35,
ils ne pourront même plus y faire appel de la façon que c'est
parti là.
Tout ça pour vous dire, M. le Président, que, dans
l'ensemble, le gouvernement libéral a la tête dans le sable, les
oreilles bouchées. Il dit n'importe quoi, même en attaquant
l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale, qui fait ses
devoirs de parlementaires. Là-dessus, M. le Président, avec les
moyens que nous avons, en conclusion, nous ferons tout ce que l'on peut contre
ce projet de loi là dans les règles parlementaires, parce que ce
projet de loi là est une insulte à nos institutions
parlementaires, est une insulte aux travailleurs et aux travailleuses. Merci,
M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): merci, m. le
député de duplessis, de votre intervention. sur ce même
sujet, mme la députée de marie-vic-torin.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Alors, M. le Président, effectivement, nous
avons été bâillonnés sur le projet de loi 35, parce
qu'il y avait beaucoup à dire, et nous ne sommes pas les seuls, de ce
côté-ci, à avoir beaucoup à dire sur ce projet de
loi qui touche effectivement 200 000 travailleurs et travailleuses du
Québec. Ce matin, j'écoutais à la radio... la
première chose, quand je me suis réveillée, c'est qu'il y
avait une majorité de travailleurs qui étaient sur la côte
d'Abraham, justement, et qui manifestaient et qui démontraient leur
solidarité...
Une voix:...
Mme Vermette: Oui, effectivement, parce que dans le mouvement
syndical il y a beaucoup de solidarité. Ils démontraient leur
solidarité en ce qui concerne les problèmes de la CSST,
même si c'était aussi un problème relié avec les
ambulances, M. le Président.
Mais, tout ça pour vous dire aussi que toute la semaine, à
la radio, le ministre Cherry a gagné le prix bolo. Il n'y a pas une
journée de la semaine où il n'a pas mérité le prix
bolo. C'est vous dire, monsieur, comment on le voit, le ministre, actuellement.
Ce n'est même pas une «cherry», ce n'est même pas une
cerise, mais c'est un bolo.
Or, c'est tout à fait différent de ce qu'on pensait d'un
ministre du Travail. On s'attendait à autre chose, d'autant plus que ce
ministre venait du milieu syndical. Alors, on était appelés, en
tout cas, en droit d'attendre que ce ministre ait une compréhension et
qu'il défendrait, avec toute la vigueur qu'on lui connaît en
Chambre, lorsqu'il doit répondre aux questions de notre collègue
qui est responsable du dossier et députée de Chicoutimi... Il est
d'une vigueur, M. le Président, incroyable lorsqu'il doit
répondre pour se défendre et défendre aussi, en fait,
l'image qu'il doit reproduire.
Mais, au-delà de l'image, on était en droit de s'attendre
à un projet de loi substantiel pour défendre les droits des
travailleurs, la reconnaissance de ces droits pour les travailleurs, M. le
Président. Peine perdue! En fait, on s'aperçoit que le ministre
change facilement de camp, qu'actuellement il a un petit peu, comme on pourrait
dire, renoncé à ses origines et que, pour lui, sa
préoccupation première maintenant est de combler un
déficit qui est à la CSST, qui a monté d'une façon
dramatique au cours des trois dernières années, qui a
passé 3 000 000 000 $ durant les trois dernières années.
C'est un rythme de croisière assez impressionnant, effectivement.
Si j'avais été ministre, j'aurais voulu mettre de l'ordre,
effectivement, à l'intérieur de la CSST, M. le Président.
C'est normal. C'est tout à fait normal de vouloir dire: On va mettre un
contrôle au niveau des dépenses. Mais il y a une propension de ce
côté, en fait, de l'autre côté de la Chambre, de la
part de ce gouvernement, à faire assumer les déficits, à
faire assumer les contrôles budgétaires par les principaux
concernés: les travailleurs. En fait, on s'aperçoit, avec la loi
9, la Loi sur les services de santé et les services sociaux, encore une
fois, que ce sera le consommateur qui devra assumer les problèmes
économiques dans le domaine de la santé.
Je trouve ça tout à fait inacceptable. C'est que ce
gouvernement a la politique du bouc émissaire. Une fois qu'il a
trouvé le coupable, il va le déplumer jusqu'à n'en plus
finir et il ne lui reste plus rien sur le dos, M. le Président.
C'est
ça, la façon de gérer de ce gouvernement. En fait,
c'est de refiler le problème à d'autres. Et dès qu'il a
identifié un coupable, là, il est correct. Il n'a plus de
problèmes. Là, il a vraiment été très
responsable, il a trouvé le coupable. C'est ça la
responsabilité de ce gouvernement-là, être capable de
trouver un coupable.
La FATA, ce n'est pas tout à fait la façon qu'elle voit
ça, par exemple. La FATA, c'est un organisme très important qui
défend les intérêts et qui vient... C'est une fondation
pour aider les travailleurs et les travailleuses accidentés, M. le
Président. Savez-vous ce que la FATA déclarait ce matin? Selon la
FATA, le ministre du Travail, Normand Cherry, et le P.-D.G. de la CSST, Robert
Diamant, doivent démissionner, car ils causent un tort
irréparable aux victimes d'accidents du travail en voulant faire adopter
le projet de loi 35, M. le Président. C'est tout de même assez
important, un organisme de cet ordre-là qui, pas hier, pas avant-hier,
mais ce matin, réclamait la démission du ministre, M. le
Président! On se fait mettre le bâillon parce qu'on
considère que l'Opposition fait de l'obstruction et que, finalement, on
n'avait pas raison non plus de demander d'entendre les parties.
Et tout ça, vous savez pourquoi? Parce que, à un moment
donné, on s'est dit: Écoutez, c'est bien beau. Oui, c'est vrai,
il faut entendre les travailleurs, il faut entendre les syndicats, il faut
entendre les professionnels de la santé, mais, ici, il faut entendre les
gestionnaires, parce que, eux aussi, ils ont à répondre de leur
gestion devant les parlementaires. Là, ça n'a plus
fonctionné. Plus rien n'a fonctionné. C'était une fin de
non-recevoir. On a mis fin au débat, et on s'est fait imposer le
bâillon, M. le Président.
Ce n'est pas tout à fait la façon la plus
élogieuse... Je ne sais pas s'il négociait ses conventions
collectives de cette façon-là, quand ça devenait trop
litigieux ou, en tout cas, quand il y avait des comptes à rendre, il
s'en allait puis il fermait la boutique, mais en tout cas, en ce qui concerne
le projet de loi 35, ce n'est pas la façon la plus heureuse et la
façon de protéger les travailleurs et les travailleuses du
Québec, M. le Président.
Je vais continuer avec le communiqué de la FATA, M. le
Président. Le ministre Cherry s'est fait le complice de ce que plus d'un
ont qualifié de «frame-up» pour justifier l'adoption
d'amendements modifiant la loi sur les accidents et maladies du travail qui
augmentent le pouvoir des employeurs et de la CSST au détriment des
droits des victimes. J'entendais la députée de
Kamouraska-Témiscouata qui disait: Écoutez, l'Opposition n'a rien
compris parce que cette loi-là va favoriser les droits des travailleurs.
Ou bien elle ne sait pas lire, ou bien elle n'écoute pas les
concernés. Il y a quelque chose à quelque part. La dichotomie,
elle ne vient pas de notre côté, à mon avis. La dichotomie
est de ce côté-là à l'heure actuelle, puis ils ont
vraiment des problèmes, ils ont un handicap sérieux au niveau de
l'audition, M. le Président! (16 h 50)
Ils devraient commencer à utiliser la CSST pour aller voir au
moins ce qu'ils ont comme problème au niveau auditif. C'est une maladie
du travail dans leur cas, M. le Président, mais ça va prendre du
temps avant qu'ils puissent se faire entendre parce que, savez-vous comment on
procède à la CSST pour combler le déficit ou bien pour
cacher, en fait, les problèmes qu'ils peuvent avoir au niveau de la
finance? On envoie tout le monde en appel. Ça fait que c'est le fun. Ce
n'est pas un problème. C'est pour ça aussi qu'on a engorgé
autant les tribunaux, en fait, d'appels, parce que tout le monde... La
première fois, on envoyait tout le monde en appel. 75 % n'étaient
pas justifiés d'aller en appel, M. le Président. C'est pour
ça que, finalement, la CAMLP a toujours gagné, parce qu'à
quelque part il y a eu un abus, mais l'abus n'est pas venu des travailleurs,
l'abus n'est pas venu des médecins traitants. C'est la façon dont
ça a été érigé en système au niveau
de la CSST, de procéder pour camoufler sa gestion tout simplement, M. le
Président.
Ça, on voulait bien vérifier comment on pourrait y
remédier, et la façon que certains avaient proposée,
c'était de faire deux choses très indépendantes avec la
CSST, c'est-à-dire de scinder la CSST et d'en faire, une fois, une
partie qui ne s'occuperait que de la prévention et l'autre partie qui
s'occuperait davantage de la réparation des lésions
professionnelles. Là, on voudrait nous dire qu'avec la loi 35 on va
régler tous les problèmes des travailleurs et des travailleuses.
On voudrait nous dire aussi que l'Opposition a fait une très mauvaise
loi, que l'Opposition, à l'époque où elle était au
gouvernement, c'est elle qui a fait en sorte que c'est engorgé
actuellement, que c'est pour ça qu'il y a un si gros déficit
à la CSST.
M. le Président, ça fait sept ans qu'ils sont au
gouvernement. Le déficit s'est accumulé, depuis trois ans,
à un rythme épouvantable, qui fait peur, et non pas parce que les
travailleurs et les travailleuses font de l'abus, comme on voudrait le laisser
croire. Ce gouvernement a un esprit pervers à l'endroit de la
population. Il est toujours en train de nous faire passer, de faire passer la
population pour des voleurs, comme si les gens ne sont que des abuseurs de
système, comme les médecins traitants. Parce qu'il a un lien
privilégié avec son patient, automatiquement, il va abuser du
système, puis il va surprotéger son patient. Donc, en fait, il
faut prendre le médecin de l'employeur. On revient au médecin
d'entreprise et, là, on pense qu'on va régler le problème,
que c'est la solution, M. le Président.
C'est incroyable d'avoir un esprit aussi simpliste, aussi
rétrograde alors qu'on vit dans
l'ère moderne et même de «Star Wars». C'est
vraiment un grand trou noir, M. le Président. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. En vertu du règlement et
conformément à l'article 253, M. le ministre, vous pouvez
intervenir 5 minutes après l'intervention de Mme la
députée.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Bien brièvement,
notre collègue qui vient de me précéder se questionnait
sur ma façon de négocier, est-ce que je me sauvais quand
c'était le temps. Je veux simplement lui rappeler - et elle m'en offre
l'occasion - que, dans les 25 années où j'ai été
impliqué dans la négociation chez Canadair, j'ai réussi
à négocier 12 renouvellements de convention collective sans la
perte d'une heure d'emploi et, durant cette même période, j'ai
été candidat élu et réélu 7 mandats
consécutifs, M. le Président. Donc, les milliers de travailleurs
et de travailleuses de Canadair connaissent très bien ma façon de
fonctionner.
Dans un deuxième temps et, bien rapidement - j'ai à peine
cinq minutes - je voudrais juste rappeler... Et là, nos collègues
d'en face qui ont le coeur sur la main pour protéger tout le monde
devraient porter une attention un peu plus particulière à
l'explication que je vais donner. Depuis le début des difficultés
économiques au Québec, c'est par milliers et par milliers, pour
ne pas parler de dizaines de milliers de travailleurs et des travailleuses qui
ont accepté, contre leur volonté, mais ils n'avaient pas le choix
pour maintenir leur emploi, des gels de salaire dans le secteur privé,
des diminutions de salaire et de bénéfices, dans certains cas,
pour maintenir leur entreprise compétitive. Dans les coûts de
production que présentaient ces entrepreneurs à leurs
travailleurs pour qu'ils acceptent de se serrer la ceinture, de renoncer
à des bénéfices et des avantages qu'ils ont, sont inclus
là-dedans les coûts de la CSST.
Le député de Duplessis dit: Tout ce que vous avez à
faire, augmentez les coûts encore. Donc, on va encore les suivre. On va
encore augmenter les coûts. L'employeur va se revirer de bord, puis dire:
Vu que mes coûts de la CSST viennent d'augmenter et que vous voulez que
je demeure compétitif, bien, je vais encore vous couper davantage.
Brillante façon de protéger les travailleurs et les travailleuses
syndiqués au Québec!
M. le Président, quand on a à coeur les
intérêts des travailleurs et des travailleuses au Québec,
surtout dans le secteur privé, qui tous les jours doivent se battre
contre la compétition, il est important qu'on tienne compte, il me
semble, d'une donnée aussi élémentaire que
celle-là. Quand ça n'a pas encore saisi l'esprit des gens d'en
face, M. le Président, vous comprendrez que tout le reste de la
discussion tient à très peu. Si, eux, ça ne les
intéresse pas de protéger les petits, M. le Président,
celui qui vous parle va le faire au nom du gouvernement du Québec.
Merci, M. le Président.
M. Perron: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Duplessis.
M. Perron: En vertu de l'article 212.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article
212.
M. Perron: Le ministre a parlé du député de
Duplessis... 213 plutôt.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Attendez. On va vous
lire l'article 212, si vous voulez vous calmer tout le monde: Tout
député estimant que ses propos ont été mal compris
ou déformés peut donner de très brèves explications
sur le discours qu'il a prononcé. Alors, je vous permets de très
brefs propos, M. le député.
M. Perron: C'est bien l'article 212, M. le Président. Le
ministre a fait allusion tout à l'heure, dans son allocution, à
ce que j'avais dit lorsque je suis intervenu, à l'effet que j'avais
mentionné d'augmenter les coûts de la CSST. Je voudrais rappeler
au ministre qu'en aucun temps je ne suis intervenu dans ce sens-là, et
je n'ai même pas parlé de l'augmentation de coûts et de la
diminution de coûts. En aucun temps! C'est à vous d'écouter
ce que j'ai dit.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très bien. Alors,
vous avez donné vos explications. Nous poursuivons le débat sur
la prise en considération du rapport sur le projet de loi 37. Je
cède la parole à M. le député de Masson.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Si le
député de Duplessis n'a pas parlé des taux, moi, je vais
en parier un peu parce que je crois que le bobo, c'est le taux, ou dites-le de
façon inverse si vous voulez: Le taux, c'est le bobo. Et ça
résume très bien ma pensée. Je m'assoirais tout de suite
si j'étais sûr qu'on m'a compris et ce serait final.
Pourquoi légiférer sur la CSST? Pourquoi? Pourquoi
légiférer? Parce qu'il y a un déficit très
élevé, les bénéficiaires reçoivent un
service inadéquat, insuffisant et un service qui traîne en
longueur. Il y a un gros problème dans cette chose tripartite,
c'est-à-dire gouvernementale, patronale et syndicale. Il n'y a pas
d'entente. Donc, s'il y a un gros déficit, qu'on a peur que
la CSST ne continue pas à opérer comme elle doit
opérer et qu'il y a un problème dans cette société
tripartite qui doit prendre des décisions, il faut que le gouvernement
se mette en arbitre devant tout ça, le gouvernement élu,
majoritaire, le gouvernement en place. Il faut que le gouvernement
libéral fasse quelque chose pour trancher pour qu'il y ait des
résultats.
On ne peut pas, M. le Président, avoir un système qui s'en
va vers la ruine et ne pas agir. Ce serait irresponsable. Bien sûr, quand
il y a des parties adverses, partie patronale, partie syndicale qui
s'affrontent, jamais l'un et l'autre ne seront d'accord ou rarement, il y a
beaucoup de conflits. On nous apporte une loi ici et on dit: Ça fait
longtemps que l'on attend. Voici une loi qui va venir guérir les
problèmes que nous avons.
M. le Président, l'Opposition, jouant son rôle, a
regardé cette loi que le Parti libéral nous amène. On
regarde la loi. Nous avons des responsables de lois ici, Mme la
députée de Chicoutimi. Nous faisons ensemble un caucus, nous
discutons du contenu de cette loi, et après une étude
sérieuse ensemble, on en déduit que cette loi ne s'attaque
qu'à une partie du problème et se base sur les affirmations de la
partie patronale plutôt que sur les demandes de la partie syndicale. Pour
nous, cette loi-là ne fait que freiner les services aux
accidentés, puis elle trouve des moyens encore de retarder le processus
du règlement des besoins des accidentés du travail. (17
heures)
On pourra nous dire, de l'autre côté: Vous n'avez pas
compris la loi qui est devant vous. C'est bien possible. Moi, je ne me pense
pas le Phoenix de l'Arizona, M. le Président, mais lorsqu'on est
plusieurs ensemble qui regardons ça et qui arrivons à la
même conclusion, et que nous n'avons pas trouvé, sauf le patronat,
quelqu'un pour soutenir que cette loi règle le problème, on se
croit en grande sécurité, c'est le cas de le dire, de dire que,
dans cette loi-là, il n'y a pas suffisamment pour faire les correctifs
voulus devant la situation dramatique de la CSST.
Bon! Devant ça, on fait quoi, M. le Président, quand on
est une Opposition responsable et rationnelle? Bien, on regarde devant nous et
on demande au responsable, au gouvernement libéral incorporé, on
leur dit: On a une bonne volonté politique de régler avec vous ce
problème parce que le projet, tel que vous nous l'avez
présenté - là, on peut dire: même avec les
amendements que vous nous avez fournis - on le considère inacceptable
pour les travailleurs et les travailleuses. Nous le considérons comme
tel. C'est bien sûr que, de l'autre côté, on me dit: II est
bon. Nous, on dit: II n'est pas bon! On croit vraiment avoir raison, parce
qu'on se sent appuyé par tout ce qui est à l'extérieur et
on se pense l'orifice à son de ceux qui ne sont pas dans cette Chambre
pour essayer de vous faire dire que ce projet-là, s'il n'a pas de
correctifs plus qu'il n'y en a là, c'est impossible, on votera non
jusqu'au bout! Ça a pris une guillotine, M. le Président, la
Révolution française pour faire passer ce projet de loi
là!
C'est pourquoi, en commission parlementaire, on a demandé,
très calmement et assez jovialement, par moment, même, assez
jovialement, M. le Président, par moment, de recevoir ceux qui
connaissent le milieu du travail, les syndicats, les différents
syndicats. On a demandé... on voulait recevoir le patron, le patronat,
M. Dufour lui-même. Je me souviendrai toujours, j'ai dit: Pourquoi vous
ne nous amenez pas ce petit pain qui sort du four, afin qu'ensemble nous le
dégustions? Il a dit: Qu'est-ce qu'il dit le pain, quand il sort du
four? Il dit: Quand on le tranche, il diminue! On voulait le prendre tranche
par tranche, ce projet de loi, et essayer de mettre un peu plus de beurre
dessus pour les accidentés. Mais non, M. le Président! Ils ont
même refusé le beurrier. Ils ont même refusé le
beurrier! Alors, dans ce cas-là, comment vouliez-vous... Ça me
fait penser à Corneille, Horace et Curiace, la majorité
l'emportant toujours. Et Horace de dire: «Que voulez-vous qu'il fit
contre trois?» M. le Président, qu'on le secourût. On ne
peut pas, un Curiace, David et Goliath, nous sommes 30, vous êtes
92...
Une voix: 90.
M. Blais: ...90, oui, c'est correct. Ils sont 92, vous en avez
perdu 2? C'est vrai, les deux partielles! M. le Président, je suis
tellement habitué de les perdre que je n'y repensais plus, M. le
Président, je m'excuse!
Mais ça demeure que ce projet de loi là... On dit qu'on va
monter. Le taux effectif qui a été payé, c'est 2,17 $. Il
avait été baissé à 2,32 $ après avoir
été à 2,75 $, il y a trois ans. À 2,75 $, on voyait
venir un déficit. Il y a de l'irresponsabilité quelque part. On
voyait venir, à 2,75 $, un déficit; il s'en venait, le
déficit. On le baisse à 2,32 $. C'est très, très
rare qu'un rendement de 2,75 $, qu'on prévoit qu'il ne sera pas assez
haut pour ne pas avoir un déficit, qu'on le baisse à 2,32 $. Il
dit: On va le baisser à 2,32 $, le déficit va être
comblé. La présidente, Mme Forget, à l'époque, a
bien averti le gouvernement libéral. Elle a dit: Vous êtes un peu
enclins à essayer de favoriser le côté patronal. Vous
essayez de leur faire des petites douceurs en baissant leur taux, mais sur le
dos de qui? C'est pour ça que je dis que le taux, c'est le bobo. Moi,
j'en parie, du taux. En Ontario, le taux, ce n'est pas le bobo. En Ontario,
c'est 3,18 $. Grimpez ça, il n'y en a plus, de déficit. À
3,18 $, juste comme en Ontario, il n'y en a plus, de déficit. En deux
ans, il n'y en a plus.
S'il y a des problèmes avec certains travailleurs, c'est
possible. S'il y a des problèmes
avec certains médecins, c'est encore possible. Mais la
philosophie que sous-tend ce projet de loi, c'est que tous les
accidentés quasiment sont des menteurs, sont des frimeurs - c'est
absurde! - et que tous les médecins sont des gens complaisants. Il doit
y avoir un petit peu de sens professionnel. On sait bien que, depuis quelque
temps, on dit qu'il y a une baisse dans le professionnalisme à travers
tout le continent. C'est possible. C'est possible. Mais c'est impensable, M. le
Président, qu'on dise que tous les professionnels sont rendus des
complaisants envers la fraude. Il y a une limite à mal juger les
gens!
Quand on veut se défiler d'une responsabilité, comme ce
projet de loi le fait... Ce projet de loi, c'est un projet de loi où le
Parti libéral en place se défile de ses responsabilités et
essaie de trouver une baisse du déficit sur le dos des travailleurs
accidentés. Et les syndicats le savent, et tout le monde le dit.
Même M. Le Hir et l'AECQ, qui ne sont pas directement du
côté syndical, ont des restrictions sur ce projet de loi
là. Alors, c'est très simple. On sait qu'un cent, ça donne
6 000 000 $ par année, et là on dit qu'on va monter à 2,50
$. Ça va donner 218 000 000 $ de plus. On prévoit un
déficit qui s'en va vers 1 000 000 000 $. Alors, s'en allant vers 1 000
000 000 $, si on va chercher 218 000 000 $ seulement du côté
patronal, on voit bien qu'à la base on manque son coup.
Ce projet de loi est mal foutu, M. le Président. Il faudrait
d'autres penseurs du côté libéral pour qu'on remette sur
les rails les revenus de la CSST. C'est des penseurs qu'on devrait avoir de
l'autre bord et non pas des dépenseurs. Je vous remercie, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
député de Masson, de votre intervention. Alors, sur ce même
sujet, je reconnais Mme la députée de Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. M. le
Président, lorsque je suis partie ce matin, au tout début de la
journée, pour m'en venir à mon travail, ici, à
l'Assemblée nationale, il était aux alentours de 8 heures.
Lorsque je suis arrivée à l'extérieur de mon appartement,
j'entendais un boucan, des bruits terribles, comme si... Je ne savais pas trop
ce qui se passait quand je suis sortie de l'appartement, tremblement de terre
ou quelque chose... mais non, c'était sur la Grande Allée. Il y
avait une parade, ou je ne sais pas si on peut appeler ça une procession
sur la Grande Allée. C'étaient les travailleurs qui faisaient une
manifestation dès 8 heures ce matin, une manifestation extrêmement
importante parce que, aussi loin que ma vue pouvait porter, il y avait des
automobiles, il y avait des ambulances, il y avait des camionnettes, il y avait
de tout, avec une identification sur chaque auto, avec des klaxons qui se
faisaient entendre pour dire à la population en général
l'insatisfaction par rapport à ce qui se passait ici, en Chambre,
à l'Assemblée nationale. J'ai compris très vite le boucan
qu'il y avait en bas, M. le Président. J'ai compris très vite.
Oui, ils étaient contents. Je comprends qu'ils étaient contents!
C'étaient des gens très déçus du comportement du
gouvernement, très déçus de sa façon de
fonctionner, en plus de ça.
Vous savez très bien, M. le Président, vous comme moi, qui
êtes un parlementaire de longue date - nous avons été
élus ensemble, vous et moi, en 1981 - que lorsqu'un gouvernement met la
guillotine sur une loi, vous savez très bien ce que ça veut dire.
Ça veut dire que le parti de l'Opposition n'a plus un mot à dire,
n'a plus le droit d'intervenir sur les articles compris dans le projet de loi
en question, n'a pas le droit non plus de dire que telle ou telle chose, tel
article, on l'aurait modifié pour l'améliorer. On n'a plus le
droit de faire ça. C'est ça, la règle parlementaire. (17 h
10)
Et dans un projet de loi aussi important que le projet de loi 35, qui
touche à des milliers de travailleurs accidentés, M. le
Président, c'est loin d'être drôle. Parce que si, nous, on
nous oblige à nous taire, eux, ça les étrangle, et je vais
vous expliquer pourquoi. Ça les étrangle d'une certaine
façon, M. le Président, les travailleurs et les travailleuses
accidentés, parce que si la CSST ne reconnaît pas, c'est eux qui
auront le fardeau de la preuve. C'est eux qui auront à prouver que la
CSST se trompe, que la décision qui a été prise est
incorrecte, ne correspond pas. Et c'est eux qui auront à défrayer
les coûts. Et quand une personne a un accident, qu'elle est
obligée d'aller à l'hôpital, qu'elle est obligée de
se faire traiter, il y a quand même ses responsabilités familiales
qui existent toujours. Ce n'est pas parce que, une journée, tu as un
accident que ça t'empêche de payer ton téléphone,
ton loyer ou l'épicerie pour faire manger les enfants durant la semaine
et les comptes qui entrent. Et avec les comptes de taxes que ce
gouvernement-là a transférés de poche, c'est-à-dire
dans les municipalités, les comptes ne sont pas moindres, les taxes ne
sont pas moindres. Il n'y a plus une cent qui entre en fin de semaine pour
payer tout ça. Ces gens-là auront à faire le fardeau de la
preuve. Ils auront à partir, monter rencontrer un médecin expert
qui coûte environ, au moins, 200 $, hein! pour faire un examen pour
essayer de prouver que la CSST se trompe. Et, pendant ce temps-là,
n'oubliez pas, il n'y a pas d'argent qui entre dans leur foyer, pas d'argent!
Ils s'en vont à l'aide sociale. Le bureau de l'aide sociale est à
peu près à 1000 pieds de mon bureau, dans mon comté. Ils
s'en vont là; ce n'est pas possible, sinon conditionnellement, puis,
encore là, ça
prend encore quelque temps avant d'amener les gens à prendre la
décision de les aider con-ditionnellement avant qu'une décision
ne soit prise.
Alors, nous, on a la guillotine, on ne peut pas parler, mais ces
gens-là, eux, sont étranglés. Ils sont
étranglés, et il n'y a pas seulement eux. En plus de souffrir
parce qu'ils ont été blessés - et Dieu sait que personne
ne souhaite être malade, être blessé ou avoir un accident;
il n'y a personne qui court après ça. On est tellement bien quand
on est en forme, qu'on peut gagner de l'argent et qu'on est fiers du gain qu'on
a eu. On est tellement bien - alors, ces personnes-là sont
obligées de faire la preuve que la CSST ne leur a pas donné
toutes les possibilités de se faire entendre et de faire prouver par
leur médecin que ce qui est arrivé, ça dépend bel
et bien de ce qui est arrivé lorsqu'elles occupaient leur poste dans
telle ou telle entreprise.
M. le Président, c'est bien pire que pour nous, ici, le
bâillon qu'on reçoit ou la guillotine. Donc, la parade de ce
matin, que j'ai entendue, je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas seulement
l'Opposition... Ça fait longtemps que je le sais, mais vous êtes
toujours portés à dire que s'il y a une brèche quelque
part, c'est l'Opposition qui s'empresse de sauter dedans. Ce n'est pas que
l'Opposition, c'est tous les travailleurs qui essayaient de faire comprendre
aux uns et aux autres que rien ne va plus ici, à l'Assemblée
nationale. Rien ne va plus.
En plus de cette parade-là, M. le Président, que j'ai vue
et entendue ce matin, j'ai eu de multiples téléphones à
mon bureau de comté. J'ai demandé à ma secrétaire
du bureau de comté. Elle m'a appelée cet après-midi et
elle a dit: Le téléphone ne dérougit pas. Elle a dit: Ce
sont tous des gens qui veulent que tu prennes position, parce que c'est
épouvantable tout ce qui est en train de se dire et de se faire à
l'Assemblée nationale. J'ai eu un téléphone d'une personne
qui représente des centaines de travailleurs au CHUS, à
Sherbrooke. Elle représente des centaines de travailleurs, et elle dit
que c'est inacceptable, le projet de loi 35 que le gouvernement s'apprête
à nous faire passer, sans la volonté de l'Opposition ni des
travailleurs et des travailleuses accidentés. Elle a dit à ma
secrétaire: On retourne 30 ans en arrière avec cette
loi-là. Elle a dit aussi: II semblerait - en tout cas, c'est ce qu'on
perçoit - que le gouvernement, avec ce projet de loi, prétende
que tous les médecins et tous les travailleurs et travailleuses, c'est
des fraudeurs. Elle a dit: C'est ça que ça nous donne comme
impression. Elle a dit: Tu me connais depuis longtemps, est-ce que j'ai l'air
de quelqu'un qui veut frauder quelqu'un d'autre? Elle a dit: Penses-tu que tous
les médecins, c'est des fraudeurs? Écoutez, si vous voulez
répondre à ça, je pense que ce n'est pas exact. C'est loin
d'être exact.
Et, en plus de ça, j'ai eu des téléphones de gens
de Lennoxville, de Sherbrooke, de Bromp-tonville, de Saint-Denis, de Stoke -
c'est des municipalités de mon comté. Ce sont des gens qui m'ont
appelée de Windsor, où je demeure; il y a la grosse usine Domtar,
à Windsor, et il arrive de temps en temps qu'il y ait des accidents,
là aussi. Ces gens-là se sentent laissés pour compte. Ces
gens-là ont l'impression que vous les laissez tomber comme un chiffon.
Vous les laissez tomber, et ils ont l'impression aussi que ces beaux discours
que vous faites, parce que vous dites que vous protégez les familles,
que vous aidez les jeunes familles et que vous aidez n'importe quelle couche de
la société, ils ont l'impression que le discours est loin des
actes. C'est ça qu'ils ont l'impression. Ils ont l'impression
d'être des chiffons qu'on laisse tomber, qu'on laisse choir sur le
plancher, et qu'ils sont obligés de faire la preuve que c'est vrai que
ce dont ils souffrent, la maladie professionnelle ou l'accident qu'ils ont eu,
ça dépend du travail qu'ils occupaient avant.
Mon collègue de Masson l'a dit à deux ou trois reprises.
Je l'ai entendu tout à l'heure. La responsable du dossier l'a dit aussi,
M. le Président, à maintes et maintes reprises. La
vérité, dans tout ça, c'est que, si le gouvernement avait
accepté qu'on puisse regarder ensemble et faire en sorte que les
amendements corrigent les problèmes que l'on vit dans la loi de la CSST,
la loi 35, je pense que c'aurait été un bienfait pour les uns et
les autres.
Aussi, M. le Président, en terminant, juste, je vais redire ce
que les autres ont dit: C'est le taux qui est la principale marge qui fait en
sorte que la CSST n'arrive plus dans ses paiements, et c'aurait dû
être corrigé. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Johnson, de votre intervention. Alors, je rappelle aux
membres de cette Assemblée que nous sommes à l'étape de la
prise en considération du rapport de la commission de l'économie
et du travail sur le projet de loi 35, et je reconnais M. le
député d'Iberville.
M. Yvon Lafrance
M. Lafrance: Merci, M. le Président. M. le
Président, nous en sommes rendus, comme on le sait, à la
dernière étape de l'étude du projet de loi 35,
après avoir passé une nuit complète où on a
été forcés d'imposer le bâillon, comme on le sait.
Nous réalisons tous, M. le Président, que c'est une loi
très importante, en matière d'accidents du travail et de maladies
professionnelles, sur la santé et la sécurité au travail,
et la Loi sur l'assurance-maladie pour nos travailleurs et travailleuses du
Québec.
Tout le monde, je pense, est unanime à dire qu'il y a dans ce
dossier un problème majeur qui demande une solution rapide, efficace et
durable. Malheureusement, on s'attendait à avoir une
concertation sincère avec l'Opposition, qui n'a pas voulu
coopérer et qui, de toute évidence, ne désire toujours pas
le faire. De bonne foi, M. le Président, notre gouvernement a
présenté une solution globale visant à corriger la
situation qui est actuellement vécue à la Commission de la
santé et de la sécurité du travail. Le Parti
québécois a démontré qu'il ne veut pas collaborer,
comme je l'ai dit, dans le cadre des travaux à l'Assemblée
nationale, pour faire en sorte que cette loi franchisse normalement les
étapes législatives. De l'autre côté de la Chambre,
on a préféré multiplier les interventions pour entraver et
retarder indûment nos travaux parlementaires.
Nous désirons, d'abord et avant tout, bonifier une loi, faite au
temps du Parti québécois, et, aujourd'hui, ce même Parti
québécois décrit donc sa propre loi. M. le
Président, j'en suis arrivé à penser que le crédit
politique d'être associé à des contestataires, pour eux,
l'emporte sur le bien-être de la majorité silencieuse. Notre
gouvernement est responsable et rappelle que gouverner, ce n'est pas essayer de
plaire à tout le monde, mais plutôt protéger, densifier et
sauvegarder l'intérêt de la majorité. Mme la
députée de Johnson mentionnait des téléphones. J'ai
téléphoné...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Shefford, vous avez une adresse à la
présidence?
M. Paré: Oui. Juste pour dire à mon collègue
qu'on est tellement prêts à offrir notre collaboration qu'on
aimerait que ses collègues offrent leur collaboration en venant
l'écouter dans la Chambre.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, il y a une
demande de quorum. Je vais vérifier. Qu'on appelle les
députés. (17 h 18 - 17 h 20)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place. Nous poursuivons avec l'intervention de M. le député
d'Iberville, et je lui indique qu'il lui reste cinq minutes de droit de parole
à son intervention. M. le député, on vous
écoute.
M. Lafrance: Merci, M. le Président. Je disais donc que
Mme la députée de Johnson a mentionné avoir eu de nombreux
appels à son bureau de comté. Mais, pour ma part - je ne dis pas
que ce n'est pas possible, c'est peut-être ça - j'ai
téléphoné quatre fois aujourd'hui au comté, dans
mon comté, et on m'a confirmé qu'il n'y avait pas eu un seul
appel sur ce sujet, soit dit en passant.
Le ministre du Travail a été très ouvert aussi, M.
le Président, à toutes les propositions aux amendements. La
preuve, on l'a vue encore en début de session cet après-midi,
alors qu'on a déposé pas loin de 37 amendements. En somme, nous
avons respecté les règles normales qui doivent guider nos travaux
parlementaires en suivant de près le code de procédure de cette
Assemblée nationale, mais l'Opposition officielle s'est
entêtée à multiplier les embûches afin qu'une
solution globale, durable et efficace ne soit pas trouvée par le
gouvernement pour régler ce dossier litigieux de la CSST.
De plus, M. le Président, je souligne que des organismes se sont
prononcés en faveur de ce projet de loi tandis que d'autres intervenants
en émettaient, il va de soi et c'est normal, des réserves.
Là encore, je dis que notre tâche a consisté à
bonifier des lois, à sauver le régime de la CSST comme il est
présentement et à penser à l'intérêt
général de la majorité. Parmi les intervenants qui se sont
prononcés en faveur de ce projet de loi, mentionnons la
Fédération des travailleurs du Québec, qui s'est dite
favorable à l'adoption de ce projet de loi, même si certains
correctifs, selon eux, doivent y être apportés.
Lorsque l'Opposition officielle élève la voix pour dire
que les intervenants ne se sont pas faits entendre dans le cadre de ces travaux
à l'Assemblée nationale, la réplique, pour M. le ministre,
est fort simple. Le ministre a rencontré chacun des intervenants majeurs
dans ce dossier, et le processus de concertation s'est poursuivi pendant
plusieurs mois avant que ne soit élaboré un cadre
législatif cohérent qui se tienne. De plus, M. le
Président, je tiens à préciser que le ministre
était disposé à tenir des consultations
particulières sur ce projet de loi. La liste des organismes
présentés par le gouvernement n'a manifestement pas plu à
l'Opposition officielle. Je vois que vous me faites signe qu'il me reste
très peu de temps. Permettez-moi de vous mentionner ces neuf groupes qui
avaient été suggérés par le ministre.
Premièrement, l'Association des entrepreneurs en construction du
Québec, l'Association des manufacturiers canadiens, section
Québec, le Conseil du patronat du Québec, la Corporation
professionnelle des médecins du Québec, la
Fédération des travailleurs et des travailleuses du
Québec, la Confédération des syndicats nationaux, la
Centrale des syndicats démocratiques, la Centrale de l'enseignement du
Québec et, finalement, le Conseil provincial des métiers de la
construction du Québec.
Au lieu de cela, M. le Président, l'Opposition officielle a
présenté une série de motions dilatoires pour retarder le
processus législatif qui ont eu pour conséquence de paralyser les
travaux parlementaires durant près de trois jours. Mais, nous, nous
avons préféré continuer et bonifier un système, un
système que je qualifie comme étant le plus progressif en
Amérique du Nord, dont nous sommes très fiers. Nous avons voulu
bonifier pour équilibrer la loi, pour une meilleure équité
de tous les travailleurs et travailleuses du Québec.
J'aimerais m'attarder quelques instants sur les amendements du ministre
au projet de loi 35. À la lumière de ces amendements, on verra
que le gouvernement désire, d'abord et avant tout, sauvegarder le
régime, assurer des soins de qualité par des médecins
spécialistes, et faire en sorte que le travailleur puisse
réintégrer le marché du travail.
D'autre part, ces amendements doivent être compris dans un
objectif - je dis bien global - de réduire le déficit de la
Commission de la santé et de la sécurité du travail. M. le
Président, je vois que vous me faites signe que mon temps est
déjà terminé. Je m'étais proposé de
souligner six amendements majeurs. J'assume que mes collègues auront
l'occasion de le faire pour moi. Mais j'aimerais, en terminant, vous faire
remarquer qu'il y a environ 177 000 travailleurs bénéficiaires
des programmes de réadaptation...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure,
M. le député, si vous voulez conclure rapidement!
M. Lafrance: ...et de réintégration au
marché du travail qui sont impliqués, m. le président. je
conclus donc en vous disant, m. le président, que gouverner, ce n'est
pas essayer de plaire à tout le monde. c'est impossible, mais c'est
d'identifier...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va, M. le
député, votre temps est terminé. S'il vous plaît!
Merci.
Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, Mme la
députée de Johnson.
Mme Juneau: M. le Président, en vertu des règles de
procédure de notre Assemblée, est-ce que je peux poser une
question en vertu de l'article 212, s'il vous plaît?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article
212 - je vais vous lire l'article 212 - «Tout député
estimant que ses propos ont été mal compris ou
déformés peut donner de très brèves explications
sur le discours qu'il a prononcé. Il doit donner ces explications
immédiatement après l'intervention qui les suscite. Elles ne
doivent apporter aucun élément nouveau à la discussion, ni
susciter de débat.» Alors, ce n'est pas une question. C'est
peut-être... Si vous voulez faire une... donner de brèves
explications, il faut que ce soit en conformité avec l'article 212.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. C'est que je faisais
l'intervention précédant la sienne.
Et il a semblé mettre en doute le fait que j'aie reçu des
téléphones. Il l'a dit dans son intervention...
Une voix: Voyons donc!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! Je suis prêt à reconnaître le
prochain intervenant, M. le député de Bertrand. (17 h 30)
M. François Beaulne
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Je ne peux
évidemment passer sous silence les derniers commentaires de mon
collègue d'Iberville lorsqu'il mentionne que le Parti
québécois ne collabore pas à l'élaboration des
projets de loi. Ce n'est pas parce que l'Opposition a décidé, sur
un projet de loi parmi une vingtaine qui ont été à
l'étude au cours des deux dernières semaines... que nous
décidons, parce que nous ne sommes pas convaincus ni du
bien-fondé ni de la façon dont ce projet de loi a
été piloté en Chambre et en commission qu'on peut appeler
ça de l'obstruction systématique. Mes collègues qui m'ont
précédé ont souligné l'importance, pour les
travailleurs et les travailleuses qui sont visés par ce projet de loi,
de ces implications.
Pour ma part, M. le Président, je pense qu'il est important de
mener ce débat jusqu'à son dénouement ultime pour une
raison bien simple. C'est que, si on laisse le projet tel que libellé
à l'heure actuelle, on a l'impression que le gouvernement essaie de
cacher sous le tapis les raisons véritables qui entraînent le
déficit de la CSST, qui devient comme une sorte de cancer qui risque,
à moyen terme, de miner non seulement la capacité de cet
organisme de jouer son rôle, mais également de jeter un
discrédit sur tous ceux qui y participent de bonne foi.
À cet effet, après avoir lu attentivement le projet de
loi, j'en suis arrivé à la conclusion personnelle, et ce,
indépendamment de ce que peuvent dire mes collègues, d'une part
ou d'autre de la Chambre, qu'il y a quelque chose d'insidieux dans ce projet de
loi, et cet élément insidieux, c'est le fait qu'on semble
attribuer à la mauvaise foi à la fois des
bénéficiaires et des médecins traitants le déficit
qui s'accumule à la CSST, et on passe sous silence la contribution
patronale comme si tous les patrons qui contribuent à la CSST se
comportaient de façon angélique.
Je représente un comté majoritairement de professionnels
et d'entrepreneurs. Il y a des entrepreneurs, il y a des patrons qui se
conforment aux normes les plus strictes. Il y en a qui sont conscients des
implications de mettre sur pied des programmes de prévention efficaces.
Il y en a qui sont conscients, également, des incidences qu'un manque de
prévention, que
l'utilisation d'équipements défaillants peut
entraîner sur les coûts des services offerts par la CSST, et ces
entrepreneurs sont intéressés à ce qu'on aille jusqu'au
fond du problème, qu'on en découvre les racines pour qu'une fois
pour toutes on puisse identifier la source véritable des
problèmes. C'est ce que l'Opposition a essayé de faire depuis une
semaine que ce projet de loi est à l'étude. Si on a
demandé que des groupes soient écoutés, ce n'est pas
simplement pour que des gens viennent déposer ou exprimer notre
côté de la médaille, mais c'est pour qu'on puisse
évaluer les différentes considérations qui doivent
constituer le portrait global d'un problème que personne ne semble
pouvoir régler.
Il y a un autre aspect, M. le Président, que j'aimerais souligner
ici, c'est celui qui semble se dégager du projet de loi,
c'est-à-dire que la CSST s'érigerait à la fois comme juge
et partie dans les démarches d'indemnisation. Je reviens
précisément de Saint-Amable où on donnait une
conférence de presse, cet après-midi, sur le sort qui a
été réservé aux travailleurs
bénévoles, aux pompiers bénévoles qui avaient
participé à éteindre le feu il y a deux ans. Depuis deux
ans, la CSST, l'IRSST, le ministère de la Santé, le
ministère du Travail se renvoient la balle pour une facture de 75 000 $
à 100 000 $ que coûterait le suivi de la santé des
travailleurs à partir des échantillons de sang et d'urine qui ont
été prélevés il y a deux ans.
On m'apprenait heureusement, aujourd'hui, que des tests sanguins
effectués sur des souris ont révélé que le sang
pouvait être conservé de façon congelée pendant deux
ans et que ça pouvait quand même servir à faire les tests
nécessaires. Je suppose qu'il va falloir que des tests soient refaits
sur des souris pour savoir si le sang peut être congelé
au-delà de deux ans.
Cet exemple, M. le Président, reflète, à mon avis,
le danger de laisser la CSST s'ériger à la fois comme juge et
partie dans une cause. Pourquoi toutes ces tergiversations entre les
différents organismes, entre les différents ministères,
sur quelque chose qui apparaissait tout à fait normal? Je vous ferai
remarquer qu'il y a une question, ici, de double poids, double mesure. Alors
que tous les intervenants concernés ont refusé de donner suite
aux analyses d'échantillons sanguins qui ont été
prélevés il y a deux ans, par contre, on a effectué de
façon immédiate tous les prélèvements et les
analyses sur les travailleurs qui, eux, engagés par le ministère
de l'Environnement, ont participé au nettoyage du site de pneus.
M. le Président, je pense que cet exemple illustre bien comment
un projet de loi qui n'est pas précis, qui ne donne pas les garanties
suffisantes quant au processus de contestation des décisions de la CSST,
comment un projet aussi vague et mal formulé que celui-là peut
ouvrir la porte à toutes sortes d'abus et d'aberrations. C'est la raison
pour laquelle nous insistons pour que ce projet de loi soit débattu de
fond en comble, pour qu'on puisse en arriver à des solutions à
long terme d'un problème qui s'aggrave de jour en jour.
M. le Président, j'entendais tout à l'heure mon
collègue, le député d'Iberville, qui disait que gouverner,
c'est prendre des décisions. Bien sûr, gouverner, c'est prendre
des décisions. On le sait, on a été nous-mêmes neuf
ans au pouvoir. Ça ne veut pas dire que, pour gouverner, il faut
nécessairement prendre des décisions à
l'em-porte-pièce, surtout sur des projets de loi qui concernent la vie
et la santé à long terme des travailleurs. Il y a des milieux de
travail qui sont parfaitement inoffensifs. Il y en a d'autres où les
substances qui sont manipulées, où le type de travail qui est en
cause est beaucoup plus dangereux, est beaucoup plus à risques. Dans ces
cas-là, il est important de prévoir que des indemnisations
adéquates, qui ne résultent pas d'une judiciarisation à
outrance du système, puissent être réglées dans des
délais normaux. Je ne reviendrai pas sur tous les exemples qui ont
été donnés par mes collègues quant aux abus qu'un
projet aussi mal formulé que celui-là peut engendrer, mais je
vous rappellerai simplement que nous avons tous un intérêt
collectif à mettre le doigt sur le véritable problème au
sein de la CSST, parce que, non seulement les travailleurs et les
bénéficiaires en souffriront les conséquences, mais
également les entrepreneurs qui se conforment aux normes les plus
strictes et qui sont prêts à insérer dans le milieu du
travail des normes adéquates pour protéger leurs travailleurs et
pour augmenter la productivité de leur usine.
Il y va de l'intérêt de tout le monde de mettre le doigt
sur le véritable problème, et je ne pense pas que la façon
dont le gouvernement s'y prend jusqu'ici soit la bonne, puisqu'on n'a pas
été capable au cours des nombreuses heures sur lesquelles nous
tergiversons sur ce projet de loi, personne ici dans cette Chambre n'a
été capable de dire, d'une façon claire et précise:
Voilà le véritable problème à la CSST. Voilà
les véritables causes de la CSST, mais par contre on s'apprête
à cacher tout ça sous le tapis et à introduire, à
coup de bâillon, un projet de loi qui laisse planer un doute dans
l'esprit de la population du Québec quant aux véritables
responsables du problème que vit présentement la CSST.
Je trouve que cette façon de procéder est non seulement
injuste, mais elle est inefficace et, surtout, elle est dangereuse pour la CSST
elle-même à long terme. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Bertrand. M. le leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: Oui, M. le Président. À la suite d'une
entente avec l'Opposition, j'aurais un avis à donner concernant les
travaux de la commis-
sion du budget et de l'administration. le vice-président (m.
bissonnet): vous pouvez donner votre avis. consentement? consentement. je vais
suspendre les travaux pour quelques instants.
(Suspension de la séance à 17 h 39)
(Reprisée 17 h 41)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place. Alors, je vous remercie, ceux qui sont assis.
Alors, nous poursuivons la prise en considération sur le rapport
de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 35. Je
reconnais le prochain intervenant, M. le député de Shefford.
M. Roger Paré
M. Paré: Oui, merci, M. le Président. Eh bien, je
tenais à intervenir quelques minutes aussi sur le rapport de la
commission et essayer de clarifier certaines choses, d'abord, sur la
façon de faire du gouvernement. Ce qu'on avait entendu, il y a quelques
années, en disant «nous allons légiférer moins et
mieux», je dois vous dire qu'à chaque jour on s'aperçoit
davantage que c'est le contraire. On légifère d'une façon
inacceptable de l'autre côté.
Seulement, regardez les amendements. Quand on regarde un projet de loi
où on amène 35 amendements sur 99 articles et que ces amendements
sont apportés par obligation suite à des demandes, soit de la
Commission des droits de la personne, soit la Commission d'accès
à l'information, je dois vous dire que c'est inquiétant, comme
société, de voir un gouvernement pas capable de préparer
un projet de loi qui soit acceptable par la Commission des droits de la
personne et la Commission d'accès à l'information. Heureusement
qu'on les a, ces commissions-là, au moins, pour faire reculer le
gouvernement, parce qu'autrement il n'écoute rien, il n'entend rien et
il ne veut surtout pas consulter. C'est inquiétant de
légiférer comme ça. Quand vous dites... J'écoutais
mon copain du comté voisin de chez moi dire qu'on n'offre pas notre
collaboration, ça ne devrait pas être permis en Chambre de pouvoir
dire n'importe quoi aussi, parce que ça fait une année que
l'Opposition, par la voix de la porte-parole, la députée de
Jonquière...
Une voix: Chicoutimi.
M. Paré: ...de Chicoutimi, excusez....
Une voix: Ne pars pas de chicane.
M. Paré: C'est dans le même coin! ...deman- de
à ce qu'on écoute les gens, qu'il y ait consultation, qu'il y ait
discussion et que l'on regarde la situation de la CSST au Québec.
Ça fait un an, et on a eu la réponse du ministre ici même,
en Chambre; vous n'avez qu'à regarder le Journal des débats
et vous allez voir. Vous allez vous apercevoir que le 21 mai dernier, c'est
le ministre lui-même qui a dit, en réponse à une question
de ma collègue, qu'il n'est pas question qu'il y ait de consultation.
«C'était-u» assez clair? Tout le reste, c'est de la frime.
Vous direz n'importe quoi, ça fait un an qu'on demande qu'il se passe
quelque chose et, le 21 mai, les masques sont tombés et le ministre
lui-même a dit en Chambre, ici: II n'est pas question qu'on consulte qui
que ce soit. Donc, je dois vous dire... On dira n'importe quoi, la
collaboration, nous, on l'a offerte et on le voulait vraiment, parce qu'il y a
trop de victimes, il y a trop de gens concernés par ce projet de loi
pour qu'on passe ça à la vapeur ici.
Encore une fois, c'est la guillotine. La session est ouverte depuis le
mois de mars. C'est quoi, cette idée, d'attendre à la
dernière minute, apporter en juin un projet de loi, refuser toute
consultation et refuser même toute discussion en commission parlementaire
sous le beau prétexte que c'est urgent? Si c'était si urgent,
pourquoi on n'a pas commencé à en parler au mois de mars, au mois
d'avril, qu'il a fallu attendre au mois de juin pour justifier qu'on
n'écoutera pas le monde? Écoutez, ne prenez pas les gens pour des
imbéciles.
En plus, on sait que la CSST a des problèmes. Tout le monde le
sait. Mais quand on se met à regarder et à essayer de voir c'est
quoi le déficit réel, c'est quoi les causes du déficit,
bien, il y a des gens qui disent qu'il y a trop d'avocats là-dedans, on
a trop judiciarisé, d'autres vont vous dire - surtout vous autres, de
l'autre côté - c'est à cause des victimes. Mais essayez
donc de faire la différence entre des victimes et des coupables.
Habituellement, quand on est victime d'un accident, on n'est pas coupable. On
subit. Mais on met ça sur le dos des victimes, de l'autre
côté. D'autres vont dire qu'il y a exagération. Mais, on
regarde tout ça. Finalement, personne n'est capable de le dire. Est-ce
que ça ne serait pas le temps qu'on évalue ça
correctement? Parce que quand on regarde ça, là, et on s'imagine
qu'on va avoir corrigé, on n'aura pas trouvé les coupables et on
n'a même pas évalué les impacts du projet de loi.
Probablement qu'à l'automne il y aura un autre projet de loi pour
corriger celui-ci. Ça, je mettrais ma main au feu et, de toute
façon, ce n'est pas nouveau, c'est tout le temps comme ça.
On légifère mal, ici, et l'année suivante il y a
l'air d'avoir beaucoup, beaucoup de législation; on est en train de
corriger ce qu'on a mal fait l'année précédente. Je suis
convaincu qu'à l'automne on va être ici pour corriger ce projet de
loi là. Même le président de la CSST évalue
probablement que les impacts du projet de loi, ça pourrait
être une économie de 10 000 000 $ à 15 000 000 $. 10 000
000 $ à 15 000 000 $ sur 800 000 000 $, vous allez avoir corrigé
quoi? Et les 800 000 000 $, on les interprète de toutes les
façons. Et on ne nous a pas expliqué pourquoi on avait
baissé les cotisations au cours des dernières années alors
que le déficit, lui, allait en augmentant. J'ai l'impression que ce
serait normal qu'en commission on ait le temps d'étudier ça et
d'amener les vrais correctifs parce que la CSST, c'est un instrument essentiel
et indispensable dans une société moderne. Qu'on ait une
protection pour les victimes d'accidents de travail, si c'est essentiel et
indispensable et on juge qu'il y a des problèmes, bien, on ne
légifère pas de cette façon-là sans avoir
évalué les impacts, sans avoir regardé la cause du
déficit. Et là, on s'aperçoit déjà, à
regarder ça, qu'on a été obligés d'amener un tiers
à peu près des amendements - 35 amendements sur 99 articles -
parce qu'on s'est aperçu que ça ne respectait pas notre
Commission des droits de la personne et notre Commission d'accès
à l'information.
Donc, déjà on est obligés de modifier le tiers des
articles et, là, on n'a pas d'étude d'impact. On nous met la
guillotine et on aura rien corrigé. On n'aura rien corrigé, sinon
de compliquer la vie des victimes d'accidents de travail. Il va y avoir autant
de choses juridiques là-dedans. Et probablement que ça va nous
amener des coûts d'augmentation pour les employeurs. Mais pour les
victimes, par exemple, c'est évident qu'on va avoir compliqué les
choses, rendu ça plus difficile, plus compliqué, plus long.
Comment on peut penser économiser quand on vient compliquer les choses,
quand ce n'est même pas clair et on ne peut même pas en discuter?
Et ça, on trouve ça inquiétant. Et quand vous dites, de
l'autre côté, qu'on refuse la collaboration, il va falloir que
vous fassiez la différence entre la collaboration et l'acceptation de
choses qu'on juge injustes.
Il y a une différence majeure entre la bonne solution et la
collaboration. On vous a offert notre collaboration pour écouter des
groupes, mais pas ignorer des groupes qui sont essentiels. Quand on refuse
d'entendre des représentants des victimes et on refuse d'entendre la
CSST elle-même, bien, je dois vous dire qu'il manque des morceaux
importants dans le puzzle pour être capable d'avoir l'image globale et
totale de la situation. On vous a offert, il y a une année, de le faire.
On vous l'a offert à nouveau en commission parlementaire. Vous avez
refusé. Je dois vous dire que c'est une erreur que vous faites. Je suis
convaincu que c'est une erreur et ce projet de loi là ne peut pas,
à notre avis, venir corriger les lacunes dans ce qu'on a
découvert, où il semble y avoir des lacunes pour plusieurs
raisons.
Premièrement, on n'a pas identifié correc- tement
c'était quoi, les problèmes. Il n'y a personne qui est capable de
le dire. D'un côté, on dit que c'est quelque chose et de l'autre
côté que c'est le contraire, et au milieu la CSST nous dit: C'est
un peu des deux. Mais voyons donc! Il faudrait être capable d'identifier
d'abord les faiblesses, ensuite de trouver les bonnes solutions et les
retrouver dans le projet de loi avec une bonne étude pour être
capable de voir les impacts. Quand on n'a pas ça, bien, on
légifère mal et on va avoir des résultats qui vont nous
amener à légiférer à nouveau à l'automne,
probablement avec plus de déceptions, avec des choses qui vont
s'être compliquées, d'abord pour les victimes, et les gens vont
continuer à critiquer la CSST. (17 h 50)
On ne s'est même pas entendus sur le déficit, et ça,
je pense qu'il faut le répéter. À un moment donné,
j'ai même l'impression que de l'autre côté on a fait
exprès pour donner des images, pour lancer des messages et des messages
qui sont faux. Assez qu'on voyait des manchettes et on entendait des gens dire:
Aie, le déficit est 850 000 000 $, il va dépasser le 1 000 000
000 $ cette année, si ça continue. Dans la tête des gens,
je comprends, c'était paniquant et pour une société, c'est
inquiétant. Mais comment on l'explique les 800 000 000 $ ou le 1 000 000
000 $, parce qu'on ne le sait même pas, et il y a une différence
entre les deux? Dans la tête de bien des gens, c'est comme si
c'était un déficit annuel. Ce n'est pas ça. C'est un
déficit qui a grossi et qui est rendu là parce qu'on n'a pas pris
les mesures quand c'était le temps. Mais là, à un moment
donné, il faudrait qu'on dise la même chose, il faudrait qu'on
soit clairs. On n'est pas clairs et parce qu'on n'est pas clairs, même
pas dans le projet de loi, on nous passe la guillotine et on veut le passer
à la vapeur.
Je dois vous dire, M. le Président, qu'on est prêts
à vous offrir notre collaboration, au ministre et au gouvernement.
Emmenez-en, une vraie consultation et un projet de loi. Mettez-le de
côté celui-là, faites une vraie consultation qui
commencerait maintenant et qui se poursuivrait au cours de l'été
et de l'automne et, au lieu d'amener une loi correctrice à l'automne,
bien, on votera sur une bonne loi qui viendra corriger les lacunes de la CSST
et qui ne viendra pas pénaliser les victimes d'accidents de travail, qui
ne viendra pas amener des augmentations parce que, quand on
légifère mal, il y a des coûts à ça. Les
coûts, ça va être tout le monde, y compris l'employeur par
ses cotisations, mais spécialement les victimes d'accidents de travail
parce qu'on va avoir compliqué la vie de ces gens-là, on va les
avoir insécurisés. Parce que, là, le fardeau de la preuve,
ils l'ont sur leurs épaules et, en plus, on s'en prend au médecin
traitant. Moi, je pense qu'il n'y a pas deux sortes de médecins au
Québec, il y a des méde-
cins qui s'occupent de leurs patients, et arrêtons de diviser les
gens pour mieux régner, M. le Président. Donc, c'est inacceptable
ce projet de loi là.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci de votre
intervention. M. le député de Louis-Hébert. Oui, oui.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président, la journée a
été longue pour vous comme pour nous, je le constate.
M. le Président, ce que nous avons devant nous, c'est un projet
de loi qui vise à réformer la situation à la CSST sur
laquelle tout le monde s'entend qu'elle ne peut plus durer. Le bateau de la
CSST est en train de couler, de littéralement couler sous le poids d'un
déficit qui frise le 1 000 000 000 $. On ne rit pas. C'est 1 000 000 000
$ à peu près, et ce sont des estimés conservateurs.
Là, l'Opposition nous dit: Prenons le temps qu'il faut, regardons
ça comme il faut, prenons le temps que le bateau coule comme il faut,
après ça, on se retrouvera avec quoi? C'est quoi un bateau qui
est coulé? C'est une épave. Une épave, ce n'est pas
très utile.
Le ministre a décidé qu'il ne voulait pas de la CSST comme
une épave. Dans les circonstances, il a dit: Je vais agir, je vais
prendre le gouvernail, je vais choisir le cap où je m'en vais, je vais
lever les voiles, puis je vais mettre tout le monde à l'oeuvre, et c'est
là qu'on s'en va. Ça, évidemment, ça ne fait pas
l'affaire de l'Opposition.
Quand ils nous disent: Légiférer mal, ça
coûte cher, je pourrai vous dire, M. le Président, qu'ils ont
raison, puis, s'il y a une affaire qu'ils connaissent, c'est bien ça.
Ils savent exactement de quoi ils parlent parce que la situation dans laquelle
on est dans la CSST, c'est eux autres qui l'ont faite. Quand j'entends les
députés de l'Opposition dire: Mal légiférer,
ça coûte cher; il ne faudrait pas faire ça, on a affaire
à des experts, je suis prêt à les croire. Je suis
prêt à les croire parce qu'ils savent où ils s'en vont
là-dedans. Ils ont fait leurs preuves. 1 000 000 000 $ de
déficit, M. le Président. C'est évident que ça ne
peut plus continuer. C'est évident que ça ne peut pas continuer.
La seule chose qui garde la CSST en vie, c'est qu'elle ne peut pas faire
faillite parce que le gouvernement est derrière, parce que n'importe
quelle entreprise avec un déficit actuel et prévisible de cet
ordre-là serait purement et simplement en faillite, et il y aurait une
grosse pancarte à la porte «à vendre». Personne n'en
voudrait; je vous l'annonce tout de suite. C'est ça que serait la
situation.
Le ministre a le courage de dire: C'a assez duré! Je n'essaierai
pas de plaire à Pierre, Jean ou Jacques; je vais prendre les mesures qui
me paraissent les mesures justes, les mesures nécessaires, les mesures
rapides pour donner le coup de barre qui s'impose. C'est évident. C'est
évident qu'on a le grand défaut actuellement de ne pas demander
la permission à l'Opposition. Voulez-vous, Mmes et MM. de l'Opposition,
nous permettre de légiférer, s'il vous plaît? Avec votre
accord, on va faire un petit bout de chemin puis, si vous ne voulez pas, on va
s'écraser.
M. Chevrette: Dans son intervention, il y a tellement de fond,
que j'aimerais que ses collègues puissent l'entendre. Voulez-vous
appeler le quorum?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): II y a un appel de
quorum. On va vérifier.
Une voix: M. le Président, on reconnaît...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît, un quorum est demandé. Alors, qu'on appelle les
députés! (17 h 54 - 17 h 56)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place. M. le député de Louis-Hébert, si vous voulez
poursuivre votre intervention.
M. Doyon: Oui, M. le Président. Avec le temps que je viens
de perdre, et c'est malheureux, M. le Président, il reste quelques
minutes tout simplement pour se rendre à 18 heures. Évidemment,
on a le droit d'appeler le quorum, mais je vous signalerai que quand je dis des
vérités semblables, évidemment, ça blesse,
ça fait mal, mais c'est la pure vérité. Le gouvernement a
décidé de prendre les mesures qui s'imposaient et c'est le
ministre qui a ce mérite-là. Il a le défaut, le ministre,
de ne pas s'aplatir, de ne pas demander la permission à l'Opposition, de
leur demander pour voir si ça fait leur affaire, si on peut aller
jusque-là, s'ils pourraient nous donner leur nihil obstat et leur
imprimatur pour qu'on puisse, s'il vous plaît, légiférer de
façon à sauver ce qui est une institution absolument essentielle
au bien-être des employés, des gens qui travaillent, des gens qui
gagnent leur vie et qui, parfois, se blessent en gagnant leur vie, parce que le
seul objectif qu'on a, M. le Président, c'est de protéger la
santé des ouvriers, des employés et des gens qui doivent
travailler très durement.
Est-ce qu'on est plus avancés demain matin si, en voulant garder
un statu quo qui ne peut plus durer, on se retrouve devant
l'impossibilité d'assumer les coûts? La CSST, ce n'est pas la
sécurité du revenu, ça. C'est un système qui permet
de se faire soigner, de revenir au travail dans une job qui nous convient.
C'est ça que le ministre a expliqué très clairement.
Évidemment, si on veut passer en moyenne 76,1 jours sur le
régime de la CSST, ça devient un moyen comme un autre de
vivre et de remplacer parfois l'assurance-chômage ou d'autres sources de
revenus. Mais ce n'est pas ça, le but de la CSST. Le but de la CSST,
c'est permettre aux employés, aux ouvriers d'aller voir un
médecin qui va évaluer le mal, qui va le diagnostiquer, qui va
trouver le remède et qui va permettre une réadaptation pour un
retour au travail dans un emploi convenable. (18 heures)
Tout le monde s'entend que la situation ne peut plus durer à la
CSST. Moi, s'il y a une chose que je me reproche, comme membre du Parti
libéral actuellement, c'est d'avoir attendu si longtemps pour agir. On
aurait dû agir avant, M. le Président. On aurait dû agir
avant parce que la situation dans laquelle on est actuellement est une
situation qui est allée en se détériorant, en empirant.
L'Opposition ne la trouve pas encore assez mauvaise. Elle voudrait qu'elle
continue. Et c'est pour ça qu'elle fait des motions de report, des
motions de scission, des motions d'ajournement. Il va en avoir tant et plus, M.
le Président! Je regrette, mon temps est terminé.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Votre temps n'est pas
terminé. Je dois vous interrompre. Il est 18 heures.
M. Doyon: Consentement, peut-être.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et vous pourriez
utiliser les cinq minutes qui vous restent à une autre occasion.
M. le leader adjoint du gouvernement. M. le leader adjoint du
gouvernement. M. leader adjoint du gouvernement.
M. Johnson: Oui, M. le Président, après entente,
j'aimerais souligner ici que j'avise cette Assemblée que, ce soir, de 20
heures à minuit, à la salle du Conseil législatif, la
commission du budget et de l'administration poursuivra l'étude
détaillée du projet de loi 26, Loi modifiant diverses
dispositions législatives concernant l'administration des lois
fiscales.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vais consulter
également les leaders quant au vote sur la prise en considération
du rapport sur le projet de loi 35. Est-ce que vous pourriez faire une... Je
pourrais vous rencontrer immédiatement après la suspension des
travaux?
Une voix: Oui, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui, ça va?
Alors, compte tenu de l'heure, je suspens les travaux jusqu'à 20
heures.
(Suspension de la séance à 18 h 1)
(Reprise à 20 h 6)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez prendre
place, s'il vous plaît.
Alors, l'article 37. L'Assemblée reprend le débat sur la
prise en considération du rapport de la commission de l'économie
et du travail sur le projet de loi 35, Loi modifiant la Loi sur les accidents
du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie, ainsi que
sur les amendements transmis par M. le ministre du Travail en vertu de
l'article 252 du règlement. Nous en étions à la
suspension, et j'indique à M. le député de
Louis-Hébert et président de la commission de la culture qu'il
reste 5 minutes à son intervention. M. le député, la
parole est à vous.
M. Doyon: Merci, M. le Président. J'en étais, tout
à l'heure, à expliquer très brièvement, parce que
j'ai disposé de quelques minutes à peine, que le gouvernement
avait dû mettre un holà à ce qui s'annonçait et qui
était devenu un désastre financier, effectivement. La CSST a
accumulé déficit par-dessus déficit. C'est dû
à des dispositions législatives qui ont permis ce genre d'abus.
Appelons les choses par leur nom, il y a eu des abus. Il y a eu des
excès qui étaient à l'intérieur des normes
législatives, mais qui ont donné les résultats qu'on
connaît maintenant.
Qu'est-ce que l'Opposition, devant la situation catastrophique qu'on
connaît actuellement, nous propose? Elle nous propose de reporter dans
six mois l'étude de la situation pour apporter les correctifs qui
s'imposent. M. le Président, on doit réaliser que six mois de
délai, c'est au moins 400 000 000 $ à 500 000 000 $ de
déficit supplémentaire. Ça, c'est la proposition
constructive de l'Opposition. L'Opposition ne cherche pas à
guérir ou à solutionner le problème; elle cherche à
le faire durer dans le temps en espérant que, par l'opération du
Saint-Esprit, par l'effet de la pensée magique, tout ça va se
solutionner, va disparaître et que, dans six mois, finalement, on n'aura
pas besoin de donner le coup de barre qui s'impose.
M. le Président, il est du devoir d'un capitaine de vaisseau,
quand le vaisseau s'enligne sur les récifs, sur les écueils, de
donner un coup de barre. C'est ce que le ministre fait. Il donne le coup de
barre. Il le donne peut-être un peu raide; ça brasse
l'équipage. Quand on se relègue, ça brasse
l'équipage, mais est-ce qu'on est mieux de ne pas brasser trop, trop
l'équipage et de se retrouver avec un navire qui coule? Est-ce que c'est
ça qu'on désire? On a 1 000 000 000 $ de déficit
accumulé, prévisible. L'Opposition nous propose six mois de
report, avec un déficit augmenté, cumulatif d'une autre somme de
500 000 000 $. On sera à 1 500 000 000 $. Il n'y a rien là. Les
déficits, ça ne leur fait pas peur.
On avait 4 000 000 000 $ de déficit en 1983-1984. On vivait
très bien avec ça. Ce qui fait que 40 % de notre revenu, de ce
qu'on retire de taxes et d'impôt passe à la dette nationale.
Alors, du côté de l'Opposition, on est fort à l'aise
avec les déficits. Ça ne les dérange pas. Cependant, M. le
Président, comme député ministériel, comme
responsable de la chose publique au Québec, le gouvernement se doit
d'agir. Il se doit de le faire rapidement parce que la situation est urgente.
Ce n'est plus le temps des atermoiements, ce n'est plus le temps des
tergiversations; c'est le temps de l'action. Ce n'est plus le temps de discuter
et de faire l'affaire de tout le monde, parce qu'on ne fera jamais l'affaire de
tout le monde. C'est impossible. Les dernières personnes dont le
gouvernement pourra faire l'affaire - M. le Président, vous ne
l'apprendrez pas, je vous le donne en mille, je vous le donne en dix mille -
les dernières personnes pour lesquelles le gouvernement va faire
l'affaire, c'est les membres de l'Opposition. Mission totalement impossible.
(20 h 10)
On reconnaît que cette mission-là est impossible. On ne s'y
attaque donc pas. Mais on s'attaque aux problèmes, on décide de
les régler en disant: C'est bien de valeur que ça ne fasse pas
l'affaire de l'Opposition, puis après tout, pourquoi tant s'en faire,
parce que c'est les derniers qui seront satisfaits de quelque mesure
gouvernementale qui émanera de ce côté-ci de la Chambre. On
a réalisé ça depuis un bout de temps, M. le
Président. Ça va faire 11 ans que je suis dans ce Parlement. Je
commence à savoir un peu comment ça marche. Alors, de faire
l'affaire de l'Opposition, c'est rêver en couleur, c'est poursuivre
l'impossible, c'est essayer d'aller au-delà de ce qu'un gouvernement est
capable de faire.
Tout ce que le gouvernement veut faire, actuellement - et je suis
convaincu qu'on va réussir parce que la volonté politique est
là - c'est de régler le problème, de faire en sorte que la
situation s'améliore. Elle ne sera pas totalement parfaite, mais on va
avoir donné une ligne directrice, des objectifs vers lesquels on
s'aligne, qu'on désire atteindre, et il est bien dommage que
l'Opposition nous fasse des mesures dilatoires l'une après l'autre:
motion de report; on va avoir des motions d'ajournement, motion de scission.
Tout va y passer, M. le Président, et, après 27 heures,
imaginez-vous qu'on avait fait un ou deux articles. Alors, il ne faut pas s'en
faire.
Donc, j'invite mes collègues à réaliser que c'est
tout simplement une mesure dilatoire et nous allons, évidemment, voter
contre.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Louis-Hébert, de votre intervention. Alors, je
rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à
l'étape de la prise en considération du rapport de la commission
de l'économie et du travail sur le projet de loi 35, et je reconnais Mme
la présidente de la commission des affaires sociales et
députée de Taillon. Mme la députée, la parole est
à vous.
Mme Pauline Marois
Mme Marois: Je vous remercie, M. le Président.
J'écoutais avec attention le député de Louis-Hébert
qui nous disait qu'après plus d'une vingtaine d'heures, 27 heures,
disait-il... Non, d'abord on va replacer les faits là. C'est
après 17 heures de travail en commission, M. le Président, et
quand on a commencé à étudier les articles, parce que nous
avions commencé à étudier les articles, les uns
après les autres, les amendements que le ministre devait
présenter n'étaient pas prêts, M. le Président. Mais
il essaie de nous convaincre que c'est l'Opposition qui empêche qu'on
avance dans l'étude de ce dossier qui concerne, oui, la vie, pas
seulement de travailleuses et de travailleurs, mais de leur famille aussi.
C'est de ça dont on parle ici. Il peut bien se gargariser et se dire:
C'est des mots sur des papiers, ce n'est pas comme ça. Ce n'est pas de
ça dont on parle.
Bon. Alors, ça, c'est premièrement par rapport à ce
qu'a dit le député de Louis-Hébert. On va en ajouter une
deuxième, M. le Président. Il nous dit: C'est urgent, et
l'Opposition utilise des mesures dilatoires pour ne pas procéder. C'est
faux, M. le Président. Depuis un an, ma collègue responsable du
dossier et d'autres avant elle demandent à cette Assemblée que
nous tenions une commission, M. le Président, pour entendre les
intervenants, pour évaluer les problèmes que vit, effectivement,
l'organisation qui s'appelle la Commission de la santé et de la
sécurité du travail, mais, je dirais, par les problèmes
qu'elle vit, surtout étudier les effets négatifs sur les
problèmes des accidentés du travail, M. le Président. Un
an! On trouvait ça urgent. On trouvait ça même très
urgent, M. le Président. Refus de la part du gouvernement de
procéder à ces audiences, M. le Président.
On commence l'étude du projet de loi, oui, avec lequel on est en
désaccord, M. le Président. Le député de
Louis-Hébert nous dit qu'on sera les derniers à être en
désaccord. Alors, peut-être bien qu'il pourrait aller faire un
petit tour à Montréal ce soir pour voir si on est tout seuls,
hein, pour essayer de constater combien il y a de travailleuses et de
travailleurs qui vont marcher dans la rue parce qu'ils sont en désaccord
avec la loi qui est devant nous. Alors, il devrait peut-être être
un petit peu vigilant, M. le Président, sortir un peu de cette
Assemblée et aller constater et voir ce qui se passe dans la rue.
Ce matin, il y avait des gens qui sont des accidentés du travail
ou qui sont des gens qui les défendent, qui étaient dans les rues
à
distribuer des tracts pour essayer d'expliquer leur position et de
sensibiliser le ministre alors qu'il en est encore temps, M. le
Président, et qu'il retire le projet de loi. Nous assurons au ministre
la pleine et entière collaboration de l'Opposition. Mais on va parler
des vraies affaires, par exemple, M. le Président, et on va faire venir
le vrai monde qui est concerné par ça, parce que ça aussi,
on l'a demandé au gouvernement et au ministre responsable. On lui a
demandé d'entendre les groupes concernés, une liste bien
fermée. On a souhaité que s'ajoutent deux autres groupes: au
premier chef, la Commission de la santé et de la sécurité
du travail. De quoi aurions-nous l'air? On aurait fait venir toutes les autres
organisations syndicales ou patronales, mais on n'aurait pas fait venir les
principaux dispensateurs du service, les principaux responsables de
l'opérationalisation, de la mise en oeuvre de la loi. On aurait eu l'air
ridicule, M. le Président. Alors, on a demandé que la CSST soit
ajoutée et soit ajoutée aussi l'Association des travailleurs
accidentés. Il me semble que, quand on parle d'accidents du travail,
j'imagine que l'Association des travailleurs accidentés, ça doit
être assez pertinent de la faire venir. On n'avait pas
exagéré. On n'avait pas demandé d'allonger la liste de 10,
15, 12 organisations.
À cela, le ministre a dit: Vous voulez en ajouter? On
n'écoutera personne. Bon! Du tout ou du rien! C'est de la vraie
comédie, M. le Président. On n'a jamais voulu entendre les
organisations syndicales et patronales. On n'a tellement pas voulu les
entendre, qu'on a concocté des amendements, parce qu'on le sait qu'il y
en a de concoctés, on les a vus. Là, on se rend compte qu'ils
sont tellement mal faits, ces amendements, qu'on doit les retirer. Le ministre
est conscient de ça, et il le sait. La Commission des droits de la
personne, entre autres, sur la CALP, la fameuse Commission d'appel en
matière de lésions professionnelles, s'est montrée en
désaccord avec ce qui était là. Donc, l'amendement va
être retiré. Peut-être bien que, oui, il y a urgence; c'est
évident. Mais peut-être bien, aussi, qu'on n'est pas tout à
fait prêt pour répondre à l'urgence et que, consulter
encore, pas pendant des mois, pas pendant des années, pendant quelques
semaines, ça permettrait de clarifier un peu les concepts. Ça
permettrait aussi d'aborder, dans le fond, ce qu'on ne dit jamais, mais la
raison pour laquelle, la loi, on finit par comprendre ce pourquoi elle a
été faite, elle a été bâtie. En fait, ce
qu'on ne dit jamais - et le député de Louis-Hébert, lui,
tantôt, l'a un petit peu abordé dans son intervention - ce qu'on
ne dit jamais, c'est que, dans le fond, on croit que les travailleurs ont
abusé, et on croit que les médecins ont été
complaisants d'une façon significative et importante, mais on n'ose pas
le dire.
Bien, si on le pense, qu'on le dise parce que ce qu'on fait dans la loi,
c'est ce qu'on ne dit pas ouvertement. Mais, dans les faits, on sait que c'est
à cela qu'on s'attaque. On a conclu que les travailleurs abusaient et
que les médecins étaient complaisants. On ne veut même pas
entendre les gens qui sont concernés pour savoir si on peut
évaluer l'ampleur de ce phénomène-là.
Peut-être cela existe-t-il chez un petit nombre? Habituellement, la loi
des moyennes, elle joue là comme ailleurs, M. le Président. Il y
a des gens qui abusent dans tous les systèmes, partout, mais la grande
moyenne des gens se trouve en situation de difficulté, dans le cas
présent, et utilise le système aux fins pour lesquelles il a
été mis en place. À l'autre extrême, il y a des gens
qui en auraient énormément besoin, qui en auraient besoin plus
que les autres, mais qui se font exploiter, qui se font rejeter et qui se font
marginaliser. C'est ça, la vraie réalité, sauf qu'on a
fait en sorte, on imagine - et on le voit et on le constate par les articles
qui sont dans le projet de loi - qu'effectivement il y ait des abuseurs en
nombre significatif et les médecins sont des complices. On dit: Nous, on
va introduire des nouveaux éléments dans la loi, qui vont venir,
un, alourdir le processus, pas résoudre les problèmes et, encore
une fois, culpabiliser au premier chef les gens qui sont concernés et
qui ont besoin des services.
Alors, l'Opposition ne fait pas de l'opposition gratuitement, pour se
faire plaisir, M. le Président, parce qu'il n'y a jamais, mais jamais
personne, j'espère, jamais, dans cette Assemblée, qui souhaite le
pire à qui que ce soit. Je crois effectivement que de se traîner
les pieds, de n'avoir pas fait son travail va faire qu'on va appliquer le pire
en adoptant la loi qui est devant nous. On ne sera pas les seuls à
être en désaccord, et nous ne sommes déjà pas les
seuls à être en désaccord puisque des milliers de
travailleuses et de travailleurs l'ont dit au ministre, vont continuer à
le dire au ministre. (20 h 20)
Alors, ce qu'on lui demande, M. le Président - et moi, ce soir,
parce que nous en sommes à l'étape de l'étude du rapport
de la commission - ce que j'aurais aimé que l'on fasse, c'est
d'étudier le rapport qui nous aurait été
présenté et qui aurait dit: Voici les gens que nous avons
entendus, et voici ce qu'ils nous ont démontré et qui prouve que
le projet de loi comporte des erreurs, comporte des orientations qui ne
répondent absolument pas aux problèmes qui sont
identifiés; et il y en a, des problèmes, bien sûr! Mais
voilà de quelle façon nous croyons que l'on pourrait proposer des
améliorations à la loi pour les corriger, les vrais
problèmes, M. le Président. C'est ceux-là que j'aurais
aimé qu'on étudie ici, ce soir, plutôt que de me faire dire
que l'Opposition ne comprend rien, que l'Opposition ne connaît rien et
que l'Opposition fait de l'obstruction systématique. Pas du tout, M. le
Président! Nous avons été les premiers à deman-
der qu'on aborde l'ensemble de ce qui concerne la santé et la
sécurité au travail depuis au moins un an. Et je vais vous dire
plus que ça, M. le Président, la première commission
parlementaire à laquelle j'ai participé après avoir
été élue, en septembre 1989, ce n'était pas le
ministre actuel qui était responsable, c'était l'ancien ministre
du Travail, M. Séguin, qui a quitté maintenant le gouvernement.
On a questionné le ministre, et il s'était engagé à
ce que, dans la révision de la loi, la première chose que l'on
fasse, ce soit d'entendre les parties, M. le Président. Et le ministre
actuel s'était engagé à la même chose. Est-ce qu'il
n'a pas réussi à convaincre son gouvernement? C'est ça
qu'elle nous dit, M. le Président. Dans ce sens-là, je pense que
ça vaudrait la peine qu'il réfléchisse un peu, qu'il
prenne encore un peu de temps pour proposer une loi qui corrige vraiment les
problèmes qui sont vécus et qui permette que justice soit rendue
pour les travailleuses et les travailleurs, M. le Président. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, Mme la
députée de Taillon et présidente de la commission des
affaires sociales. M. le ministre, conformément à l'article 253,
je vous permets d'intervenir pour un maximum de 5 minutes, suite à
l'intervention de Mme la députée.
M. Normand Cherry
M. Cherry: Merci, M. le Président. Notre collègue
d'en face dit «pas encore.» Ça ne sera pas long, mais je
pense qu'il y a quand même des choses qu'il est important, il me semble,
de reprendre, par rapport à l'intervention précédente.
Dans un premier temps, quand on parle qu'il n'y a pas eu de
consultations, que les gens n'ont pas pu se faire entendre, il me semble que
c'est important de rappeler qu'à la demande des parties j'ai
confié au Conseil consultatif du travail et de la main-d'oeuvre, qui a
pris six mois... C'est à sa demande, et les organisations sont
présentes, M. le Président, la CSN, la FTQ, le Conseil du
patronat, les parties décisionnelles de la CSST se sont
retrouvées. Pendant six mois, M. le Président, ils avaient
accepté de siéger ensemble pour faire, à celui qui vous
parle, leur engagement - c'était des recommandations de nature
législative et administrative - ce qu'ils n'ont pas fait. Donc, invoquer
qu'il n'y a pas eu de consultations, me semble, M. le Président,
éviter de parler de ce qui a précédé et pour la
durée dont je vous parle.
Dans un deuxième temps, la collègue
précédente invoquait que ce n'est pas 20 heures, mais bien 17
heures. Je veux simplement lui rappeler qu'après 17 heures en commission
parlementaire nous abordions l'article 1.
Dans un troisième temps, M. le Président, ça me
semble important de soulever que 95 % des réclamations de la CSST sont
acceptées sans aucune forme de contestation. Trop souvent on a
l'impression que ça, là - j'ai entendu ça cet
après-midi - ça implique 200 000 personnes. Tantôt, on a
dit: Les accidentés et leurs familles. Il me semble qu'il est important
de rappeler que 95 % des réclamations de la CSST ne font l'objet
d'aucune contestation. Il me semble que c'est important de souligner ça
pour ne pas décrire la CSST comme la méchante vilaine qui ne veut
pas payer tout le monde. 95 %. Donc, il me semblait, M. le Président,
que c'étaient des correctifs qui se devaient d'être
apportés pour qu'on tienne le débat à l'intérieur
du contexte qui est celui du projet de loi que nous discutons. Ça
termine mes remarques, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, merci, M. le
ministre du Travail, de votre intervention. Nous poursuivons sur ce même
sujet. Mme la députée de Terrebonne, je vous cède la
parole.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Le ministre, s'il
voulait corriger, aurait pu aussi ajouter qu'après 17 heures en
commission parlementaire, oui, on était rendus à aborder
l'article 1, mais le ministre n'avait même pas déposé ses
propres amendements sur sa loi, M. le Président. Ça aussi, c'est
important de le dire.
M. le Président, ça fait un an que l'Opposition officielle
demande une enquête, demande de faire toute la lumière. Le
gouvernement a refusé d'entendre le président de la CSST qui
était directement concerné. Le gouvernement a refusé
d'entendre l'Association des accidentés du travail, directement
concernée, elle aussi. Le gouvernement a refusé d'analyser les
conséquences réelles de la diminution des cotisations des
employeurs sur le déficit. Le gouvernement a refusé de
vérifier les coûts exorbitants de l'administration de la CSST. Le
gouvernement, en fait, a décidé que le déficit
était imputable uniquement aux travailleurs et aux travailleuses
accidentés.
Les travailleurs sont dans la rue. Ils ne sont pas en accord avec le
projet de loi 35, et c'est notre devoir de parlementaires d'utiliser tous les
moyens qui sont à notre disposition pour contrer ce projet de loi, M. le
Président. La loi 35 ne vient aucunement régler le
problème des accidentés du travail et si, effectivement, il y a
peu de problèmes pour les accidentés qui font leur demande, les
problèmes, on le sait, sont lorsqu'on retourne les travailleurs alors
qu'ils ne sont pas guéris, qu'on les retourne dans le milieu de travail
et qu'ils se retrouvent avec des rechutes. Ils sont là, les
problèmes, M. le Président.
Les coûts de l'administration de la CSST ne
seront pas modifiés par la loi 35, et la partie du déficit
qui est provoquée par la baisse des cotisations des employeurs, la loi
35 ne vient pas la corriger non plus. Le gouvernement a refusé
d'entendre les travailleurs en commission, M. le Président. Quelques
députés nous ont dit que les travailleurs ne s'opposaient pas,
qu'ils ne recevaient pas d'appels dans leur bureau, qu'ils ne recevaient pas de
contestation.
Alors, moi, M. le Président, j'ai décidé de vous
lire, de passer le message d'une accidentée du travail qui subit le
système depuis trois ans et qui centre bien le problème, je
crois, M. le Président. «Madame, je vous écris aujourd'hui
pour vous demander votre aide, et je n'en ai pas honte. Je ne sais plus que
penser. Je crois qu'en tant qu'être humain dans la société
je dois avoir droit à un certain respect, et c'est de cela que je vais
vous parler aujourd'hui. «Je vous demande d'intervenir, car je suis
lésée dans mes droits puisque je ne crois pas avoir, dans le
moment, le respect de l'être humain auquel j'ai droit. J'ai beau
posséder un numéro de dossier, ce n'est pas une raison suffisante
pour qu'on me traite en numéro ou comme une chose sans émotions.
J'ai l'impression que si j'avais commis un meurtre je serais mieux
traitée par le système que dans le moment présent. Moi, en
tant que victime, que patiente, je dois faire face à bien des
obligations qui me demandent beaucoup de discipline et d'éthique
professionnelle. Je n'ai jamais manqué un seul de mes rendez-vous, j'ai
toujours suivi à la lettre les directives de mon médecin
traitant, et j'y mets surtout beaucoup d'énergie et de coeur afin de
pouvoir m'en sortir, mais j'ai bien l'impression que tout ça ne compte
pas. «Je fais face à la machine administrative, où il n'y a
pas de place pour les émotions. Je suis un numéro, et je dois
subir tous les délais du système et me taire. J'ai beau me payer
des expertises, un avocat pour faire reconnaître mon état depuis
mon accident qui remonte à il y a trois ans, j'ai l'impression que je
suis constamment aux prises avec des délais. Tous ces délais,
ça finit par être frustrant, et je qualifie ça comme une
forme de harcèlement moral, sans oublier les pertes financières,
évidemment. «Je passe des journées entières dans
l'attente d'une réponse, d'une lettre, d'un téléphone,
mais en vain. Et si, par hasard, je dois sortir parce qu'à un moment
donné j'ai besoin d'air et que j'ai trop mal au coeur, je reçois
des lettres du type "Nous avons tenté de vous rejoindre et vous
n'étiez point là." Ça fait mal. (20 h 30) «Et
lorsque je reçois une convocation pour une nouvelle évaluation
médicale - parce qu'on m'en a fait passer - il est toujours noté:
Le respect de ce rendez-vous est essentiel pour qu'on puisse donner justice et
suite à vos réclamations. Donc, je m'y conforme. Et est-ce qu'on
se conforme, de l'autre côté, à mes rendez-vous? Pas
toujours. Ça devient pas mal dégradant de passer
évaluation par-dessus évaluation sans jamais obtenir gain de
cause. «Lorsque je fais venir une copie de mes évaluations,
environ deux ou trois pages, j'y trouve plein d'erreurs au sujet des dates. On
dit même des choses que je n'ai pas mentionnées. C'est ça,
du respect? Où est l'éthique professionnelle dans tout ça?
Je me pose de sérieuses questions. «Quand j'arrive enfin devant le
Bureau de révision et que, là, mon avocat m'annonce qu'on ne
dispose que de 30 minutes à me consacrer après autant de mois
d'attente, je trouve ça tout à fait inacceptable.
«J'explique mon problème, je l'expose, et la personne qui est
là en face de moi écoute, prend à peine quelques notes.
Moi, en tant que payeur du système, ça me fait mal au coeur de
voir ça. Je ne comprends pas. On pourrait même remplacer cette
personne par un magnétophone. J'ai l'impression que ça ne ferait
aucune différence. «En février dernier, suite à
cette visite au bureau de révision où j'avais, il faut le
rappeler, payé expertise, avocat, mon physiatre s'était
même déplacé pour expliquer mon cas. J'ai pensé
qu'enfin on m'avait comprise. À chaque jour, sans m'en rendre compte,
j'allais vérifier, espérant enfin la réponse tant attendue
et, tout ce temps, je n'avais pas de revenu. J'espérais que, cette
fois-ci, ce ne serait pas comme la dernière fois et que j'aurais enfin
une réponse plus rapidement, mais je me suis bien trompée car le
système, lui, n'a pas changé. «En avril dernier, je n'en
pouvais plus et j'étais très découragée. Je ne
pense pas mériter un tel traitement. Enfin, je recevais une lettre qui
m'annonçait que la décision était à nouveau
reportée. Encore des délais, une nouvelle demande d'expertise et
d'évaluation. Oui, je m'y suis conformée. J'ai eu un moment de
découragement. J'ai voulu tout abandonner, mais je me suis dit que, dans
la vie, il fallait poursuivre lorsque nous avions raison. Il fallait se battre
jusqu'au bout. Alors, je vais continuer. Je ne suis pas un numéro. Je ne
serai pas traitée comme un numéro, et je vais continuer mes
droits. Je trouve que je paie très cher et je commence à trouver
que je paie beaucoup trop cher. Moi, en tant que victime et payeur de taxes,
j'espère avoir encore des droits. Où sont-ils?»
M. le Président, si j'ai pris la peine de la lire, c'est qu'elle
reflète une réalité, une réalité que vivent
les travailleurs et les travailleuses accidentés, une
réalité dont on ne parle jamais de l'autre côté de
la Chambre. M. le Président, puisque le gouvernement a refusé de
les entendre, je me suis fait un devoir d'au moins en faire entendre une qui
pouvait parler au nom de tous les autres, M. le Président. Je vous
remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Terrebonne. M. le ministre, en vertu du
règlement, vous pouvez exercer votre droit de réplique de 5
minutes.
M. Cherry: Bien rapidement et bien simplement, M. le
Président, c'est une question volontaire, bien sûr, vu que notre
collègue vient de faire lecture d'une lettre. S'il était possible
qu'on puisse aider la personne, est-ce qu'elle accepterait de la déposer
en cette Chambre afin que je puisse y répondre et voir si on peut faire
quelque chose pour l'aider?
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, Mme la
députée, je tiens à vous informer qu'en tant que
députée vous n'êtes pas obligée de déposer
cette lettre, mais s'il y a consentement pour que vous la déposiez, vous
pouvez le faire ou, si vous voulez la faire parvenir au ministre de
façon personnelle, ça vous regarde.
Mme Caron: M. le Président, cette lettre était
indiquée, et j'ai demandé l'autorisation à la personne
pour la lire puisqu'elle m'avait dit qu'elle était personnelle et
confidentielle. Je dois, par exemple, dire au ministre que j'ai
déjà commencé les démarches, effectivement, pour
faire avancer son dossier.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est très
bien.
M. Cherry: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.
M. Cherry: J'informe ma collègue qu'elle pourra compter
sur la collaboration habituelle des gens du cabinet chez nous.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, c'est très
bien. J'imagine que vous allez vous rencontrer plus tard.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député d'Anjou.
M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le
Président. M. le Président, j'étais membre de la
commission qui a étudié le projet de loi 35. Suite à la
levée de boucliers générale qu'on a pu constater suite
à la présentation du projet de loi 35, cette levée de
boucliers n'a fait que s'amplifier et non pas diminuer. Les manifestations sont
encore plus nombreuses, sont encore plus virulentes face à ce projet de
loi qui est présenté. Or, on pourrait s'attendre que, suite
à ce mouvement de la part de différents intervenants
touchés par ce projet de loi, le ministre puisse reconsidérer sa
décision
Au contraire, on n'a qu'à regarder la réaction que le
ministre a faite en Chambre aujourd'hui, suite aux questions de ma
collègue de Chicoutimi, et on voit que le ministre en a fait une affaire
personnelle. Ce projet de loi doit passer. Ça en est rendu quasiment une
obsession. Il faut que ça passe coûte que coûte, et le
débat n'est plus rationnel. Il fait la sourde oreille. Il n'est plus
prêt à entendre quoi que ce soit, et ce seront les travailleurs
qui devront vivre avec ce projet de loi et avec cette loi, qui sera
adoptée, malheureusement.
On peut s'étonner un peu de la façon cavalière avec
laquelle on a fait la réforme d'une institution telle la CSST. En effet,
M. le Président, la CSST, Commission de la santé et de la
sécurité du travail, et la loi qui gère cette Commission
et gère les recours devant cette Commission revêtent une
importance capitale pour les travailleurs du Québec. Et, comme je l'ai
déjà mentionné dans mon discours précédent,
malgré certaines frictions qu'il a pu y avoir lors de
l'élaboration de la CSST, de la Loi sur les accidents du travail, les
travailleurs avaient quand même acquis un grand respect pour cette
institution et pour l'importance aussi de toute la CSST. Donc, on aurait pu
s'attendre, M. le Président, à un certain respect ou à
certaines précautions, de la part du ministre, quant à la
façon de traiter ce projet de loi et, au moins, de nous permettre de
l'examiner attentivement.
Au contraire, M. le Président, dès le début de
cette commission, nous n'avons pu faire entendre aucun intervenant. Le ministre
nous a donné une liste d'intervenants qu'il se disait prêt
à écouter, mais, malheureusement, prétextant une condition
que nous aurions imposée à l'audition de ces témoins, il
s'est par la suite réfugié dans un mutisme absolu, disant:
Écoutez, si vous aviez voulu, j'aurais pu les faire écouter.
Maintenant je ne les ferai plus écouter, je n'écouterai plus
personne. On a perdu à peu près deux jours à essayer de
faire entendre raison au ministre pour faire entendre les intervenants. Le
ministre nous répondait, suite à ces motions, qu'il avait
déjà depuis plusieurs mois rencontré différents
intervenants.
M. le Président, je vous soumets que ce n'est pas parce qu'on a,
d'une façon informelle, rencontré des gens plusieurs mois avant
la présentation d'un projet de loi, que, quand on est rendu à
l'étude détaillée de ce projet de loi, ça dispense
de faire entendre des gens, parce que les gens... Quand je parle des gens, je
parle de nombreux intervenants. Ils étaient et ils sont toujours
inquiets relativement à cette réforme en profondeur. Cette
réforme en profondeur, je reviendrai là-dessus. En profondeur,
oui, mais disons quant à l'étendue de cette profondeur, on
pourrait en parler longtemps. Donc, les gens étaient inquiets, voulaient
être entendus. Même si le ministre avait déjà son
idée bien arrêtée quant à la façon de faire
cette réforme, je pense
que les règles élémentaires d'une justice naturelle
exigeaient qu'au moins il donne l'apparence aux gens de les écouter,
qu'il donne au moins la possibilité aux gens de faire voir leurs griefs
et de leur faire part de leurs préoccupations. On a senti une totale
indifférence du ministre à cet effet-là.
Ce qui me fait encore plus peur, Mme la Présidente, c'est la
façon dont ce projet de loi a été amendé. On
n'avait aucun amendement, en commençant les travaux de notre commission,
et, pourtant, le ministre nous disait bien qu'il y en a certains qui
viendraient. Il n'y en avait aucun et, à la dernière
journée de travaux de notre commission, on est arrivés en vrac,
avec une suite d'amendements, et on a eu une heure, Mme la Présidente,
pour tenter de mettre en relief ou d'évaluer l'impact de ces amendements
sur la loi. Il est impossible en une heure d'étudier l'impact d'une
trentaine d'articles amendés sur un projet de loi qui en compte environ
90. C'est complètement inconcevable. (20 h 40)
Donc, on nous arrive avec un fait accompli, une réforme, et on
dit: Ça y est, ça va être ça, il faut vivre avec. Si
on regarde le rapport de la commission, on a procédé à
l'étude uniquement de six articles, je crois. Six articles seulement ont
été vus par cette commission. Donc, pour ce qui est du reste, eh
bien, on va adopter ça en vrac, et on va dire aux travailleurs
simplement: Maintenant vivez avec ce ramassis d'articles qui ont
été pondus à la sauvette.
On essaie de blâmer l'Opposition pour cet état de fait. M.
le Président, l'Opposition est tout à fait consciente qu'il faut
agir dans le dossier de la CSST. C'est vrai qu'un déficit de 500 000 000
$, c'est tout à fait inacceptable, sauf que la CSST et le ministre du
Travail auraient pu le prévoir depuis bien longtemps. Les taux de
cotisation de l'employeur étant trop bas, et plus bas que ceux de
l'Ontario, il était tout à fait prévisible que la
situation financière de la CSST continuerait toujours de se
détériorer. . Alors, maintenant, on nous arrive en disant: II y a
urgence, il faut passer ça, ça presse, et on bouscule tout. On
nous arrive en toute fin de session avec un projet de loi d'une telle
importance, et on nous dit maintenant: Ça y est, allez-y, et si
ça ne fonctionne pas, ça sera votre faute. Mais les travailleurs
ne sont pas dupes. Les travailleurs réagissent à cette
façon de procéder et ils continueront de réagir,
malgré l'adoption malheureusement inévitable de ce projet de
loi.
Alors, on a fait, pour faire cette réforme, M. le
Président, la constatation la plus facile, c'est-à-dire trouver
un coupable, et le coupable, il était tout choisi d'avance.
C'était le travailleur. Alors, sans prendre le temps, M. le
Président, de faire vraiment une étude approfondie... Nous avions
demandé, nous, une consultation indépendante, une étude
indépendante pour vraiment faire la lumière sur toute la question
de la CSST parce que plusieurs aspects, plusieurs questions méritaient
d'être évaluées avant de faire une réforme de la
CSST, en particulier les cotisations, le problème de
l'hyperjudiciarisation. C'est quelque chose de très complexe qui aurait
demandé beaucoup de temps et qui aurait demandé aussi une
approche globale.
Non, M. le Président. Ce qu'on a fait tout simplement, on a dit:
Le travailleur est fautif, en plus d'être accidenté. Un
accidenté est, par définition, une victime. On ne choisit pas
d'être accidenté. On est accidenté suite à un
événement imprévisible. C'est ça un accident.
Alors, maintenant, M. le Président, on dit à l'accidenté:
Tu as la malchance d'être un accidenté et en plus tu vas payer le
prix. Il va falloir que tu te battes contre la bureaucratie, contre les
différents recours de la CSST pour faire valoir ton droit.
M. le Président, je vois mal comment on peut faire accepter
ça à la population, comment on peut faire accepter ça aux
différents intervenants. On dit que le système est trop
généreux. On dit que le médecin traitant est trop
complaisant. On dit que les travailleurs abusent du système. Il s'agit
qu'on trouve un ou deux cas de parasites et on traite tout le monde de
parasite. On traite tout le monde comme des parasites.
M. le Président, s'il y avait un aspect de la CSST qui
était gage d'une certaine équité pour le travailleur, qui
était justement l'assurance qu'il avait que son médecin traitant
avait un rôle prépondérant dans toute l'évaluation
médicale - c'est important pour le travailleur - c'était son
médecin. Il avait confiance en ça. Maintenant, on bouleverse
ça. Maintenant, c'est le médecin de la CSST qui va avoir un
rôle dominant, et ça va être le travailleur qui devra
remonter toutes les pentes et tous les obstacles qu'on va lui mettre sur son
chemin pour justement avoir droit à une évaluation
médicale équitable.
Alors, M. le Président, je pense que, dans toute réforme
d'une institution telle la CSST, l'aspect humain ne doit jamais être mis
de côté. Ce ne sont pas des numéros. Ce ne sont pas des cas
abstraits. Ce sont des êtres humains qui vivent déjà une
situation éprouvante. On doit toujours considérer l'aspect humain
de la personne avant de faire une quelconque réforme. Je pense que dans
tout ce projet de loi, M. le Président, cette considération est
tout à fait absente. C'est pour cette raison que je vais voter contre ce
projet de loi, et j'espère qu'il ne sera jamais adopté.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Anjou. Alors, sur ce même sujet, la prise en
considération du rapport de la commission de l'économie et du
travail sur le projet de loi 35, je reconnais M. le leader adjoint de
l'Opposition officielle et député d'Abitibi-Ouest.
M. le député, on vous écoute.
M. François Gendron
M. Gendron: Mes hommages, M. le Président. Si j'interviens
sur le projet de loi, ce n'est pas tellement parce que le projet de loi 35 est
important, mais parce que la cause est importante. Si on replace les choses
dans leur contexte, je veux bien qu'on soit rendu à l'étape de
l'adoption du rapport de la commission parlementaire mais, dans le fond, il n'y
en a pas eu, de commission parlementaire, pour le vrai. Il n'y a pas eu de
commission parlementaire sur le projet de loi que nous connaissons aujourd'hui,
donc, je ne peux pas être très long et commencer à
pérorer sur ce qui s'est passé en commission parlementaire. Il
n'y en a pas eu, de commission parlementaire sur le rapport de la commission
qu'on demande aux parlementaires d'adopter.
Mais, essentiellement, M. le Président, je pense que si on veut
faire un débat honnête pour des questions aussi importantes il
faut partir de la réalité des choses. Et la réalité
des choses, c'est: Est-ce que, oui ou non, le projet de loi 35 constitue un
projet de loi qui aurait respecté les droits traditionnels des
travailleurs et des travailleuses accidentés, d'une part, et, d'autre
part, aurait appliqué des mesures observables, visibles, qui nous
auraient permis de convenir qu'il y a des chances de régler une
situation aberrante? Moi, comme payeur de taxes, quand je sais ce que ça
me coûte, surtout avec ce gouvernement-là, c'est évident
que je ne peux pas être insensible à un déficit de 800 000
000 $ et à un déficit potentiel de 1 000 000 000 $. Il n'y a
personne de raisonnable et de responsable, compte tenu du niveau de taxation
que nous vivons au Québec, qui peut dire: Ça, ce n'est pas mon
problème, je m'en lave les mains. Donc, je ne veux pas me laver les
mains de ça, et je serais déçu de ma formation politique
si je sentais que son attitude, c'est de dire: II n'y a pas de problème,
et ils ont beau arranger ça, et ça va se régler tout seul.
Mais ce n'est pas dans ce contexte-là que j'interviens. Et, d'aucune
façon je ne peux accepter... Encore là, ceux qui ont comme
mission de se lever, de l'autre côté, pour les quelques-uns qui se
lèvent, et parce que le ministre dit que c'est beau et bon, il faut dire
que c'est beau et bon sans regarder la réalité.
Regardons quelques faits. Est-ce que le projet de loi 35, dans sa
première forme, a été, tout compte fait, assez bien
accueilli? La réponse, elle est claire, elle est unanime, elle venait de
partout, c'est non. C'est non, et pour le vrai. Moi, écoutez, ma chambre
de commerce, que je sache, ce n'est pas trop protravailleur accidenté -
et je ne les blâme pas, ils ont d'autres missions -mais ils disent: Le
projet de loi 35, dans la forme qu'on voit, on n'en veut pas, ça n'a pas
d'allure, ça ne répond pas à l'objectif de contrer
éventuellement le déficit, surtout qu'on le fait presque
exclusivement sur le dos des travailleurs et des travailleuses - 800 000 000 $
- ce qui n'a pas de bon sens. Ça fait six mois, de ce
côté-ci de cette Chambre, qu'on vous dit: M. le ministre, mettez
vos culottes, faites quelque chose! Enlevez vos bobettes, faites quelque chose!
Ça ne se peut pas qu'on soit pendant six, sept mois dans la même
situation et qu'on arrive à un moment donné...
Une voix: Surtout pas vos «bobettes», vous! Une
voix: On n'est pas habitué d'agir.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, moi, je vais
suspendre...
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...l'Assemblée
quelques instants. Je vais suspendre pour quelques moments.
(Suspension de la séance à 20 h 48)
(Reprise à 20 h 51)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): alors, si vous voulez
prendre place. m. le député d'abi- tibi-ouest, je vous informe
qu'il vous reste 7 minutes pour votre intervention.
M. Gendron: M. le Président, une chose est certaine, c'est
que la plupart des intervenants, lorsqu'ils ont pris connaissance du projet de
loi 35, ont convenu que ce n'était pas un projet de loi qui
répondait aux objectifs que le ministre pourrait avoir, de poser des
gestes qui permettraient d'apporter des correctifs. Je voudrais juste, à
titre d'exemple, citer entre autres, quand la Centrale des syndicats
démocratiques, à ce que je sache... Moi, ce n'est pas pour porter
un jugement sur les autres centrales syndicales, je connais ce monde-là
et, règle générale, c'est des gens qui s'acquittent de
leurs responsabilités. Le ministre devrait le savoir, il a
travaillé dans ce milieu-là.
Mais l'ensemble des centrales syndicales a convenu que ce n'est pas un
projet de loi qui permettrait d'apporter les modifications dans le sens d'une
meilleure bonification pour les travailleurs, d'une part, et, d'autre part, de
sécuriser et de garantir les possibilités que ce
déficit-là soit contré. Donc, je veux juste illustrer que
la CSD, ce n'est pas le syndicat le plus revendicateur; ce n'est pas le
syndicat qui, règle générale, y va à
l'emporte-pièce sans aucune nuance. La CSD exige l'intervention du
premier ministre du Québec. Moi, je sais ce que c'est quand les gens
sont obligés de s'adresser non plus au ministre porteur du ballon,
mais
directement au premier ministre. Règle générale, la
tradition parlementaire indique par là qu'il y a là un
degré d'insatisfaction majeure important, et c'est la lecture qu'il
faisait.
Revenons quelques minutes en commission. Le ministre décide
d'apporter 35 amendements à son projet de loi. Donc, il me semble qu'on
vient de régler au moins, sans aucune démagogie de part et
d'autre, que le projet de loi ne devait pas être aussi convenant, aussi
dans le sens de ce qu'il faut faire pour apporter les correctifs que l'on
souhaite. Quand, dans un projet de loi d'une centaine d'articles, on le modifie
au tiers et là, immédiatement après avoir
déposé le tiers d'un nouveau contenu de projet de loi, on dit:
«C'est fini, c'est fini, nous, nous avons la vérité, on est
convaincu que ce que nous avons déposé correspond aux objectifs
que l'on poursuit», ça n'a pas de sens, M. le Président,
mais c'est ça qui est arrivé.
Là-dessus, vraiment, moi, je suis très renversé de
l'attitude du ministre, ex-leader syndical, quand, surtout... Si j'avais le
temps, mais ce n'est pas en 10 minutes qu'on a le temps... Quand il dit:
«Moi, ce qui me préoccupe, c'est les travailleurs, puis c'est les
travailleuses», bien, ce n'est pas ce qu'il démontre. D'abord,
premièrement, il faudrait qu'il change de parti - il y a un
problème au Parti libéral - pour démontrer que c'est
vraiment des gens qui s'occupent des travailleurs et des travailleuses. Mais
ça, je n'ai pas envie de rediscuter de son appartenance politique. Mais,
au-delà de ça, moi, ce que j'ai dans les mains pour
apprécier, c'est le projet de loi. Le tiers est amendé et il dit:
Vous ne le regarderez même pas et ça ne vous regarde pas.
Là, aujourd'hui, ce qu'on voit, c'est que l'ensemble des
centrales syndicales, l'ensemble des syndiqués, l'ensemble des
travailleurs conviennent qu'il y a des dispositions dangereuses. Il dit: Au
moins, si on avait le mérite de les apprécier. Si on avait pu au
moins regarder avec les parlementaires un petit peu ces amendements-là
et en débattre... Le ministre a dit: Non, il n'est pas question d'en
débattre. Moi, mes amendements, je sais que j'ai la pleine et
entière vérité. À ce que je sache, il n'est pas
ex-titulaire de l'Éducation. On avait appris que l'ex-titulaire de
l'Éducation, lui, il avait le monopole de la vérité et,
après lui, c'est fini. C'étaient les jugements
suprêmes.
Une voix: Le bon Dieu!
M. Gendron: Mais là, il y a un bout pour que l'ensemble
des collègues parlementaires de l'autre côté de la Chambre
déteigne à ce point pour qu'à un moment donné,
après qu'ils ont parlé, tout doit s'arrêter et ils ont la
vérité. Très sérieusement, M. le Président,
ma collègue responsable du dossier et l'équipe de l'Opposition
officielle, depuis des mois, nous avons réclamé un débat
public, nous avons réclamé une enquête administrative et
actuarielle impartiale sur la Commission de la santé et de la
sécurité du travail pour, effectivement, apporter des correctifs
plus objectifs, plus neutres. Non, ce n'est tolerable pour personne, un
déficit de 800 000 000 $, 850 000 000 $ et peut-être de 1 000 000
000 $. Ça n'a pas de bon sens. Il faut regarder ce qui se passe. Mais
est-ce qu'aujourd'hui, parce que ça n'a pas de bon sens, on va se
revirer de bord et, rapidement, on va «clen-cher» les travailleurs
et les travailleuses?
J'entendais le ministre... Moi, j'ai eu l'avantage, avant de venir en
politique, de travailler avec ces gens-là pendant trois ans. Ces
gens-là se rappellent quand je travaillais avec eux autres au niveau de
Multi-Média. Pendant trois ans, j'ai travaillé avec les
accidentés du travail. Le ministre, tantôt se targuait... Il dit:
Écoutez, il me semble que c'est important de dire que 95 % des dossiers
se règlent sans contestation. Je ne veux même pas
apprécier. Est-ce 95 %, 92 %? Mais il a pas mal raison. Vous avez pas
mal raison, pour le vrai. Mais vous avez raison où? Vous avez raison sur
les choses évidentes.
Moi, je me casse une jambe. C'est évident, le rapport est net. La
jambe est cassée. J'ai une pénalité, c'est-à-dire
un manque de travail comme capacité d'exercer le métier que
j'exerçais, pour trois mois ou deux mois. Pas de problème! Mais
tout le reste, toutes les maladies professionnelles, les maux de dos, ça
ne finit plus, vos folies.
Moi, ça fait 16 ans que je suis député et les cas
que je reçois, c'est à faire brailler qui que ce soit. Des
lenteurs à n'en plus finir. J'en ai des cas. C'est la septième
contestation. Les travailleurs viennent ici à Québec. Je les vois
sur l'avion régulièrement, à toutes les semaines, parce
que je suis obligé de le prendre, puis mon collègue de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue pourrait dire la même chose. Qu'est-ce
que tu viens faire? Le médecin de la CSST veut me voir. Et, souvent, je
remonte avec eux autres. Qu'est-ce qu'il t'a fait? Il m'a demandé
d'où je venais. Bon, je viens de La Sarre ou de Rouyn. T'a-t-il
examiné? Pas du tout. Il m'a parlé deux minutes, dans le bureau,
deux, trois minutes de discussion: Penche-toi...
Une voix: Penche-toi.
M. Gendron: ...il regarde un peu, oui... Non, pas pour ce que
vous pensez, «penche-toi»!
Des voix: Ha, ha, ha! Une voix: Ça recommence.
M. Gendron: Ha, ha, ha! Non, sérieusement, d'aucune
façon, je ne peux pas convenir qu'il s'agit d'examens
sérieux.
Une voix: Bien non.
M. Gendron: Je ne peux pas convenir qu'il s'agit d'examens
sérieux. Le ministre du Travail devrait savoir que, contestation
après contestation, ça finit par coûter cher.
Essentiellement, je pense qu'il faut être assez sérieux pour
convenir que ce n'est pas le rôle d'une société et d'un
parti politique de convenir qu'il faut absolument engraisser un régime
encrassé d'avocasseries. Ce n'est pas compliqué, ça. Un
régime encrassé d'avocasseries qui n'en finissent plus, mais,
comme par hasard, toujours sur le dos des mêmes. Toujours sur le dos des
travailleurs, toujours sur le dos des familles. Ça, ça
coûte cher. Quand même il y en aurait 1 %, M. le ministre, votre
responsabilité, ça serait de regarder ça.
Le drame, il est là. Ce n'est pas compliqué. C'est dans
ces multiples révisions inutiles mais, comme par hasard, qui conduisent
toujours à la même place: Tu es apte à retourner au
travail. Alors que, moi, je les vois, ils sont défaits, ils sont
complètement invalides et on leur demande de retourner au travail. Ils
contestent. Ça, ça coûte des fortunes et ça nous
place où on est rendus, et on aurait pensé - je conclus - que,
premièrement, les amendements auraient été au moins dans
ce sens-là. Or, ce n'est pas le cas, M. le Président. C'est
pourquoi nous, de ce côté-ci, on a une job à faire et on va
la faire, parce que c'est un projet de loi qui n'a pas d'autre alternative
qu'être retiré et repris. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Abitibi-Ouest. Alors, sur cette même question, je
reconnais Mme la députée de Verchères.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Le ministre du Travail
nous a présenté un projet de loi qu'on appelle le projet de loi
35 et, dans le titre, à aucun moment il n'y a le mot, nulle part, le mot
«financement», et il aurait dû le mettre. Parce que si on ne
veut pas se cacher la vérité, se donner l'heure juste, il y avait
un problème sérieux de financement à la CSST et on s'en
allait vers le 1 000 000 000 $ de déficit, 791 000 000 $
enregistrés l'an dernier, M. le Président. Et, sous le couvert...
pour ne pas l'annoncer, pour ne pas le dire d'une façon franche, on dit
qu'on vient essayer de solutionner le problème des travailleurs
accidentés, et on l'appelle Loi modifiant la Loi sur les accidents du
travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la santé et la
sécurité du travail et la Loi sur l'assurance-maladie.
M. le Président, moi, je pense qu'il va falloir, après ce
projet de loi là, si le ministre continue à s'entêter de
vouloir le présenter, que le gouvernement l'appuie et que ce projet de
loi devient effectivement loi, M. le Président, je pense qu'on ne pourra
plus appeler ça la CSST, Commission de la santé et de la
sécurité du travail. Il va falloir qu'on appelle ça la
commission de l'insécurité des travailleurs, parce que,
là, à aucun moment je pense que ce projet de loi là ne va
faire en sorte de régler le problème. (21 heures)
Qu'il y ait un problème de financement et qu'on dise: II y a une
hémorragie, ça ne peut continuer comme ça, Je pense que
tout le monde est unanime pour le reconnaître et dire que ça ne
peut pas continuer comme ça; sinon, ça peut compromettre tout le
programme, en fait. C'est un programme que, je pense, dans une
société civilisée, on se doit d'avoir et on se doit que
cette Commission soit en bonne santé financière aussi, mais pas
au détriment de la santé des travailleurs.
Il y a un article de journal ici, qui dit que le remède est
fondé sur un mauvais diagnostic. On a fait quoi? Le ministre a d'abord
identifié... Comme ma collègue, porteur du dossier, la
députée de Chicoutimi, le disait si bien, il a trouvé
trois problèmes, qu'il disait, au financement de la CSST. Il a dit: Les
travailleurs accidentés abusent du régime de santé et de
sécurité au travail. Le deuxième problème, il
disait que les médecins traitants étaient trop complaisants, puis
que le système était trop généreux. Si on regarde
ça, donc, ce n'est que la faute des accidentés.
Il y a trois facteurs qui font, M. le Président, que,
financièrement, une société ou une compagnie puisse
être en difficulté financière: ou ça dépense
trop, ou il n'y a pas assez de fonds qui rentrent, ou il y a un
troisième facteur, c'est peut-être mal administré.
Là, on semble dire qu'il en sort trop pour ce qui rentre comme fonds.
Donc, le robinet, vous savez, ça ne coule pas égal. Le robinet
n'arrive pas à remplir le bain parce que le bouchon n'a pas
été mis. Mais à aucun moment on ne voit que ce
problème-là sera solutionné en essayant de remplir les
coffres ou de solutionner ce problème monétaire, si vous voulez,
ou ce problème de financement sur le dos des travailleurs. Pensez-vous
sincèrement... Est-ce que le ministre peut penser, M. le
Président, qu'il peut aller chercher tout près de 1 000 000 000 $
en jouant un petit peu plus serré, en cédant moins et en coupant
les allocations à des travailleurs accidentés? Je pense que c'est
de l'illusion pure et simple.
Ce que demande l'Opposition, en même temps qu'on retrouve une
unanimité et de l'Opposition et des syndicats, c'est le retrait de ce
projet de loi. On ne dit pas qu'il n'y a pas de problème. On dit: Le
problème est tellement grave qu'il faudrait le retirer et prendre le
temps de bâtir un projet de loi ou une loi capable de solutionner ce
problème-là.
Le ministre a le culot, M. le Président, de nous dire: Humaniser,
désengorger et déjudiciari-
ser le système. Humaniser. Comment peut-on penser... Puis il ose
dire... Et c'est justement l'inverse. Comment peut-on penser, comment ose-t-il
mettre le mot «humaniser» quand on voit qu'il part avec la fausse
impression que c'est la faute des travailleurs, que c'est la faute des
accidentés, que c'est la faute des médecins qui sont trop
tolérants. Ce n'est pas ça qu'on vit dans nos comtés, et
ce n'est pas là qu'il est, le problème. Il nous parle
d'humaniser. Mais comment peut-il dire un mot pareil? Désengorger. On
est convaincu, M. le Président, qu'en multipliant les échelons,
au lieu de désengorger, ça va bloquer d'une façon
systématique et, ça, ce n'est pas que nous qui le disons, de
l'Opposition. La CSN et la FTQ prévoient qu'au lieu d'alléger le
système de santé et de sécurité du travail le
projet de loi viendra plutôt l'alourdir, car il crée des instances
supplémentaires: conciliation, bureau d'évaluation
médicale, dossiers médicaux soumis aux Bureaux de révision
paritaire, et j'en passe. M. le Président, on dirait que le ministre
s'est appliqué à dire des mots dont il ne connaît pas le
sens ou qui vont tout à fait à rencontre de ce que son projet de
loi aura comme effet concret dans la réalité.
Et son autre mot, c'était «déjudiciariser».
Comme je l'ai dit tantôt, il n'y a pas que nous; la CSN, la FTQ sont tous
d'accord pour dire: Retirez, M. le ministre, ce projet de loi, il ne
réglera rien, il va plutôt aggraver la situation.
M. Dufour: M. le Président, est-ce qu'on pourrait demander
le quorum selon nos règlements?
Le Vice-président (M. Lefebvre): à votre demande,
m. le député de jonquière, je vais vérifier. qu'on
appelle les députés. il y a maintenant quorum. mme la
députée, si vous voulez poursuivre votre intervention, et je vous
indique qu'il reste 3 minutes à votre temps de parole.
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Alors, mes craintes,
et je ne peux pas les dire d'une façon plus sincère, M. le
Président, c'est que tout ce système ne règle rien et
qu'en plus, ça décourage les accidentés, qui sont
déjà pris dans un système tellement complexe, tellement
lent, que souvent ils ont le temps de perdre après quelques
années ce qu'ils ont mis des années à accumuler. C'est
tellement lent, ces révisions où le système est
engorgé. Ils ont l'impression qu'ils sont pris dans un tunnel duquel ils
ne sortiront jamais. Et ce projet de loi là, nos craintes, c'est que
ça vienne empirer la situation.
Simplement, je terminerai, M. le Président, en disant que ce que
je dénonce aussi, c'est cette manière de faire du gouvernement.
Pour un projet de loi aussi important, qui touche directement la qualité
de vie de nos travailleurs au Québec, le gouvernement n'a même pas
permis à l'Opposition d'étudier article par article en commission
parlementaire, ils nous ont mis le bâillon en plus. Ils ont
peut-être discuté en catimini, par en arrière. Il
semblerait que la tactique était: Diviser pour mieux régner. Pour
pouvoir être capable de la passer le plus vite possible en catimini, ils
ont refusé que ces organismes soient entendus en commission
parlementaire. Ils ont refusé à l'Opposition l'opportunité
de faire un travail sérieux.
Je terminerai, M. le Président, en citant une phrase que mon
père m'avait dite lorsque j'étais petite: Si tu ne veux pas
travailler, n'empêche donc pas au moins les autres de le faire. C'est ce
qui s'est produit en commission parlementaire, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée, de votre intervention. Sur ce même sujet, nous
sommes à l'étape de la prise en considération du rapport
de la commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 35, et
je reconnais M. le vice-président de la commission des institutions et
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. M. le
député, je vous cède la parole.
M. Rémy Trudel
M. Trudel: Merci, M. le Président. On est à
l'étape de l'étude du rapport de la commission qui est
censée avoir étudié le projet de loi 35. M. le
Président, vous m'avez vu circuler pendant plusieurs heures au cours des
derniers jours parce que j'étais, moi-même, comme responsable et
porte-parole en matière de santé et de services sociaux,
occupé avec le ministre de la Santé et des Services sociaux
à discuter d'un projet de loi de 477 articles pour faire en sorte qu'on
puisse regarder de quoi il en retournait de ce projet de loi là. On a
passé, avec le ministre de la Santé et des Services sociaux, du
matin à 11 heures jusqu'à minuit le soir pendant huit longues
journées, ce qui fait en sorte que j'ai, dans les premiers jours, moins
suivi un peu le débat sur le projet de loi 35. (21 h 10)
Alors, lorsqu'on a terminé cette commission et qu'on m'a
indiqué qu'on était rendus à l'étape de la prise en
considération du rapport, j'ai dit à Mme la députée
de Chicoutimi: Eh bien! maintenant, je vais analyser les travaux qui se sont
déroulés à la commission parlementaire chargée
d'étudier le projet de loi pour voir les amendements, pour voir les
discussions qu'il y a eu. Alors, j'ai demandé à Mme la
députée de Chicoutimi: Est-ce que vous voulez me donner le
rapport de la commission parlementaire qui a étudié le projet de
loi 35? Elle a dit: Quel rapport? Quel rapport? Il n'y a pas eu de rapport, il
n'y a pas eu de discussions. Bien, comment ça? Un projet de loi aussi
important, là. Ça fait au moins six mois au minimum que,
dans mon comté, tant du côté des entreprises que du
côté des travailleurs, on dit: On va corriger enfin la situation
à la CSST? Est-ce qu'on va apporter des amendements? Est-ce qu'on va
améliorer la loi actuelle, parce que c'est un fouillis monumental? Vous
me dites, Mme la députée, qu'il n'y a pas de rapport, que, ce
soir, nous allons nous retrouver, à l'Assemblée nationale, pour
discuter du rapport de la commission parlementaire de l'économie et du
travail qui était supposée étudier le projet de loi 35? Il
n'y a pas eu d'étude.
M. le Président, c'est inconcevable. On dirait que le slogan,
chez ce gouvernement, c'est: On veut tellement votre bien qu'on va finir par
l'avoir. On le veut tellement qu'on va finir par l'avoir, votre bien. Le
dernier groupe qu'on n'avait pas encore «punché», c'est les
travailleurs accidentés, c'est les travailleurs, c'est les travailleuses
dans les entreprises du Québec. M. le Président, ils ne sont pas
tous pareils dans ce gouvernement. Des consultations, des auditions
particulières et des auditions publiques, j'ai eu l'occasion de passer
des heures innombrables, innomables, quasiment, avec le ministre de la
Santé et des Services sociaux qui présentait un projet de
réforme. On a lutté. On a exigé. On réussi à
faire plier le ministre de la Santé et des Services sociaux pour qu'on
écoute quelquefois le monde. Écouter le vrai monde dans ce
Parlement-là, M. le Président.
Quand on nous dit dans les journaux: Bien, voyez-vous, le
problème, là, c'est qu'on est pris avec un problème de
déficit de 800 000 000 $. Bien, on essaie d'établir un
véritable diagnostic, en premier lieu, avec les concernés. Je
tombe à terre, M. le Président, quand je suis informé
qu'on a refusé systématiquement à l'organisme
administratif que l'on se paie tous, aux administrateurs de la mutuelle
d'assurance en matière de santé et de sécurité au
travail, on a refusé systématiquement d'entendre la CSST. Me
voyez-vous, M. le Président, en train d'étudier le budget de la
Santé et des Services sociaux, au Québec, et que le ministre
dise: Bien, la Régie de l'assurance-maladie, au Québec, ça
n'a pas d'affaire. On ne regardera pas ça. Quand même! Ça
ne dépense que 2 000 000 000 $. Bien, c'est ça qui s'est
passé. On a refusé systématiquement d'entendre les
principaux concernés.
Pour peu qu'on regarde le dossier lui-même de la santé et
de la sécurité au travail, au Québec, et de
l'administration de notre régime d'assurance qu'on s'est donné,
ce n'est pas un régime d'assistance, ça, ce n'est pas un
régime de transfert de paiements, c'est un régime qu'on s'est
donné solidairement, au Québec, en disant: Quand il y a des
travailleurs et des travailleuses qui participent à la production
nationale du pays, quand ils ont la malchance d'avoir des accidents, on ne les
laissera pas dans la dèche. On ne les laissera pas traîner sur le
trottoir. On ne vivra plus des situations désastreuses de pères
et de mères de famille qui étaient obligés, pour tout le
restant de leur vie, de vivre dans des situations de déchéance
inacceptable pour une société. On s'est dit: On va se donner un
régime et on va donner une juste indemnisation pour ceux et celles qui,
compte tenu de leur travail...
M. le Président, quand vous vivez dans une région comme
l'Abitibi-Témiscamingue, quand vous vivez à Rouyn-Noranda, quand
vous fréquentez quotidiennement, quand on n'est pas pris, ici, avec un
gouvernement qui va finir par nous arracher les derniers biens que l'on a dans
notre poche et qu'on rencontre des mineurs, des travailleurs sous terre
à journée longue, là, on comprend l'utilité d'une
Commission de la santé et de la sécurité et d'un
régime de santé et de sécurité au travail. On
comprend aussi que cette espèce de machine à tracasseries, cette
espèce de machine à problèmes, c'est rendu un obstacle.
Cette machine est elle-même un obstacle à un juste
dédommagement pour les travailleurs qui ont subi des dommages et qui ont
la malchance, parce que ces travailleurs et ces travailleuses participent
à l'évolution nationale et au développement du
Québec dans de grandes régions comme
l'Abitibi-Témiscamingue, en travaillant au niveau de l'extraction des
ressources naturelles... Quand on regarde la somme de problèmes qu'on
retrouve dans cette Commission, en plus, au niveau de la présentation
d'un projet de loi qui veut, en théorie, corriger de ces
problèmes, on n'ose même pas prendre le nombre d'heures
nécessaires pour écouter les représentants de ces
travailleurs, qu'on entend aussi sur la place publique. Je ne l'invente pas. Le
ministre est capable de lire comme moi. C'est un gars issu de ce
monde-là. Les propres regroupements de travailleurs, les syndicats
disent: Retirez-nous donc ça, ce projet de loi là. Il y en a des
problèmes, oui, ils le reconnaissent, mais retirez-moi ça parce
qu'on ne fait pas ça à la vapeur. Vous allez vous créer,
nous allons nous créer plus de problèmes qu'on va en solutionner
avec ce projet de loi là.
M. le Président, pour peu qu'on regarde le dossier, il semble
où le véritable problème? Ça, c'est partout la
même philosophie qui est appliquée dans ce gouvernement. On
établit de façon factice ce que ça devrait coûter
pour le service. On s'est pété les bretelles pendant longtemps
dans ce gouvernement en disant aux employeurs: Regardez bien, nous autres les
bons administrateurs du gouvernement libéral, nous autres, on va vous
baisser le taux de cotisation; on va vous baisser ça. En 1989, on a su
que la présidente, Mme Forget, cette grande administratrice, a dit: On
va vous baisser ça à 2,50 $, puis après ça, on a
baissé ça à 2,32 $. C'était 3,18 $ en Ontario, puis
après ça on a dit: Aïe! il y a un déficit de 800 000
000 $. Bien oui, mais vous avez mal administré la Mutuelle, vous avez
mal fixé les taux de cotisation. La résultante: II y a un
problème de 800 000 000 $ qu'on a créé de
toutes pièces, M. le Président. Qu'on se compare aux
autres provinces, qu'on se compare aux autres milieux en cette
matière-là.
Alors, on dit maintenant que la solution, c'est de couper
l'admissibilité. On va faire en sorte d'en indemniser le moins possible.
Ce n'est pas un régime pour les travailleurs et les travailleuses qui
ont des accidents, c'est un régime qui fait en sorte qu'on voudrait
comme créer le maximum de tracasseries administratives pour faire en
sorte qu'il y en ait de moins en moins d'admissibles.
M. le Président, les mineurs de l'Abitibi-Témiscamingue ne
pardonneront jamais qu'on tripote dans leur régime, qu'on ne les ait pas
écoutés. Les travailleurs forestiers de
l'Abitibi-Témiscamingue n'accepteront jamais, avec les nombreux maux de
dos qui les affectent, avec les problèmes qu'ils vivent au niveau de
leur santé, qu'un gouvernement dise: On va vous passer une loi, puis on
ne vous écoutera pas, puis vous vous débrouillerez avec un bureau
d'arbitrage médical qui va décider de votre avenir.
M. le Président, quand on est sur le terrain, puis qu'on
rencontre des travailleurs et des travailleuses, ils ne nous croient pas
lorsqu'on leur dit: Mais, écoutez, ils n'ont pas voulu vous
écouter, ils n'ont pas voulu entendre votre appel. Quand on est pris
avec des cas de santé et de sécurité au travail dans nos
bureaux, devinez à qui on fait appel? On fait appel à la FATA,
à ce regroupement, à cette fondation des travailleurs
accidentés. C'est eux qui pour les 5 %, pour les 8 %, nous aident
à passer à travers, soutiennent moralement les travaileurs et
travailleuses, les empêchent de tomber dans la
déchéance.
M. le Président, on n'a pas le droit de réviser un
régime aussi fondamental pour les travailleurs et travailleuses du
Québec sans d'abord les écouter. Le ministre du Travail a une
expérience dans ce domaine. Il est capable de dire ouvertement: Moi, du
fond de mon coeur, je voudrais d'abord les écouter, je voudrais d'abord
sentir ce que les travailleurs et travailleuses ont besoin et qu'on
établisse un régime équitable pour les gens qui ont la
malchance d'avoir des accidents du travail. Je suis sûr que s'il
écoute son coeur, il va retirer 35. Merci.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député, de votre intervention. Sur ce même sujet, M. le
député de Jonquière.
M. Francis Dufour
M. Dufour: Merci, M. le Président. Vous comprendrez que je
suis heureux puis malheureux aussi de venir ajouter ma voix à celles de
mes collègues pour dénoncer l'action que le gouvernement
s'apprête à faire. Pourquoi je ne l'ai pas fait avant? C'est que
j'étais pris en commission parlementaire, et avec ce gouvernement on est
habitués de travailler très dur pour essayer quelque peu de les
infléchir et d'améliorer leur loi.
Ils avaient bien dit, lors de l'élection de 1985, qu'ils
gouverneraient plus et ils feraient le moins de lois possible. Bien, tant
mieux, s'ils en font moins, parce que chaque fois qu'ils en font une, ils la
font de travers, ils la font mal, ils ne sont pas sérieux. À
chaque fois, à chaque fin de session, remarquez, le scénario est
toujours le même. On passe les lois les plus avilissantes, les plus
mauvaises, celles qui s'attaquent à l'essence même de la vie des
Québécois et des Québécoises, la vie des
travailleurs et des travailleuses. (21 h 20)
Ce n'est pas la première fois que l'Opposition se fait mettre le
bâillon. Dans presque 99 % des cas, c'a été lorsqu'on s'est
attaqué aux travailleurs et aux travailleuses. Et ça, il s'agit
juste de regarder, l'an passé, les heures d'ouverture et de fermeture
des magasins, qui réglait tous les problèmes de la terre, mais
qui a enlevé un droit sacré à ceux qui travaillent et qui
a favorisé les grandes chaînes au détriment des petits
marchés. C'est dans la fin de session qu'on l'a passé.
Cette année, on se ramasse avec une loi qui touche encore les
travailleurs et les travailleuses, une loi avec laquelle on est obligés
de vivre. Vous savez, comme député, on a souvent rencontré
des personnes ou des gens qui sont aux prises avec la CSST, qui ont des
problèmes de maux de dos ou autre et qui sont obligés,
après de nombreuses démarches, de s'adresser à leur
député pour essayer de régler leur cas. Ce n'est pas
facile. Ce n'est pas facile, c'est vrai. Il y a possiblement de l'abus de la
part des travailleurs, mais est-ce qu'il n'y a pas de l'abus de la part des
employeurs?
Moi, j'aurais aimé mieux, M. le Président, que ce projet
de loi nous parle des vrais problèmes. La prévention, c'est de
ça qu'on aurait dû parler. Ça, c'est la première
cause. Des coûts de cette corporation, c'est ça la première
cause. On ne fait pas assez de prévention. On ne fait pas assez appel au
jugement et aux habiletés des travailleurs. Trop souvent, l'employeur
expose ses employés à des conditions anormales qui causent des
lésions, qui causent des problèmes seulement à ceux qui
leur permettent de s'enrichir ou de s'engraisser.
Il ne faut pas se surprendre de ce qui se passe. Le vrai problème
qu'on a devant nous, c'est que le gouvernement, depuis sept ans, parce qu'il a
dit: Nous, on est des bons administrateurs, nous, on sait où on va... On
y va, mais on s'est rendu compte rapidement qu'on sait qu'ils y vont, mais ils
ne savent pas où ils vont et comment ils vont y aller. Mais on sait une
chose. Leur réputation de bons administrateurs, je peux vous dire que je
me la passe où beaucoup de monde pense qu'on doit se le passer. Ce ne
sont pas des administrateurs.
C'est des gens qui administrent à la petite semaine, du cas par
cas, à la petite journée, et qui se laissent aller au gré
des flots, et quand ça va bien, c'est évident, n'importe qui peut
tenir les cordeaux, quand le cheval ne s'emballe pas. Tout le monde est
correct. La minute qu'il y a un petit problème, oh, ça doit
être quoi... les assistés sociaux sont regroupés dans ce
coin-là. Si ce sont les travailleurs, allons-y encore une autre fois.
Et, chaque fois, c'est la même recette. On coupe et on augmente les
taxes. C'est ce qu'on a fait depuis toujours.
Pourquoi la CSST a un problème de 800 000 000 $ de court de
caisse? Ce n'est pas compliqué. Ce n'est pas nous autres qui nommons les
présidents de cette corporation-là. C'est le gouvernement qui a
nommé. Mon collègue y a fait allusion, tout à l'heure. On
ne le dit pas assez. On nomme des gens, puis on leur attache les deux mains en
arrière du dos et on leur dit quoi faire. La CSST s'administrait comme
il va. On a décidé, parce qu'on veut se comparer à
l'Ontario, et là, on commence à avoir notre voyage. Il faut
baisser les cotisations. On est rendu plus bas qu'eux autres.
Mais ça fait quoi? Pas parce que les travailleurs, ils abusent.
C'est le gouvernement qui n'a pas de vision. Il a deux yeux bouchés. Il
faudrait qu'il regarde pourquoi les causes et les raisons. On ne conteste pas
les cotisations, quand on fait des projections, et qu'on sait que ça
n'arrivera pas. Mais il y a probablement, par exemple, une vision à
court terme qui veut que c'est la meilleure façon d'aller cogner et
d'aller frapper dans le coeur du problème et de forcer la CSST, pour
amener des correctifs qui, dans le fond... Le remède, on va jeter le
bébé avec l'eau du bain.
C'est ça qu'on est en train de faire. Pourtant, on aurait pu
prendre d'autres méthodes. D'abord, on aurait pu s'ajuster. Tant qu'on
veut se copier avec l'Ontario, puis on fait des mamours à ce
coin-là, bien, copions-les, puis mettons notre taux à la
même chose qu'eux autres. Deuxième élément, bien
oui, parce que vous l'avez baissé bien trop. Voyons, arrêtez de
baisser quand les autres, ça ne marche pas. Vous en avez des actuaires.
Il paraît que vous savez compter. On sait comment ça se fait des
chiffres, là. Vous savez, les chiffres ne mentent pas, mais il y a des
menteurs qui chiffrent. Vous savez ça, M. le Président.
Dans la question qui nous préoccupe, si on avait pris
l'intérêt de la CSST, on aurait pu - d'abord, on n'a pas
baissé les cotisations - essayer d'aller à la racine du mal. Ce
n'est pas vrai que c'est juste à cause des travailleurs. Avez-vous
remarqué que, depuis sept ans, on n'a pas vu beaucoup de
démonstrations des employeurs en face du Parlement? Parce qu'on sait
avec qui ils couchent. Les problèmes? Toujours à la même
place, toujours les plus démunis, les gens qui sont les plus
vulnérables dans la société. C'est ça qu'on fait,
et on continue encore ce soir. Est-ce qu'on va voir, à un moment
donné, une certaine lueur, ou on va voir un gouvernement responsable
devant nous? Est-ce qu'on aura un jour un gouvernement responsable de ses
actions et qui n'essaiera pas toujours d'entasser le problème sur le dos
des... de la même façon, de la même manière. Il n'a
pas d'imagination, ce gouvernement; ça, c'est un des problèmes.
Pourquoi est-on obligé de passer le bâillon? Parce qu'on ne veut
pas affronter les gens. Vous savez, on vit la même chose dans tous les
domaines. Dans le domaine municipal, le gouvernement n'est pas chaud, chaud
pour rencontrer des groupes. Il n'est pas chaud, chaud.
Tout à l'heure, j'ai dit qu'ils ne voyaient rien, mais ils ont
les oreilles bouchées, aussi. Ils sont affligés de deux grandes
maladies. Ils pourraient peut-être aller faire un tour à la CSST.
Peut-être qu'ils sauraient ce que c'est, par exemple, avant d'être
payés, ce qu'il faut qu'ils fassent, des démonstrations, et de
quelle façon ils doivent passer par les médecins. Peut-être
que les médecins... Quant à moi, les psychiatres, ce sont des
médecins. Peut-être que ce gouvernement pourrait avoir des
cotisations, parce qu'il est sourd, il est muet, il est aveugle et il ne fait
pas sa job; ça fait qu'ils doivent avoir mal au dos aussi. Ils ont tous
les malaises, ils ont passé toutes les maladies, ils sont
affligés à peu près des sept péchés
capitaux. Non seulement Hs n'écoutent pas, mais ils se permettent, par
exemple, de prendre des décisions sans aller sur le terrain et sans voir
ce qui se passe.
Je trouve que c'est malheureux. On a parlé de... le
président de l'Assemblée nationale, M. le vice-président,
je suis sûr que vous aussi... On a dit, puis on s'évertue depuis
le début de l'année à dire: C'est le 200e anniversaire de
nos institutions parlementaires. On fait des belles fêtes, et on dit:
Regardez comme c'est beau! On veut se donner en exemple au monde. On est une
des plus vieilles démocraties dans le monde, on est fier de ça.
Et vous pensez que le gouvernement est en train de se rehausser en imposant le
bâillon? Vous pensez que c'est de même qu'on va rehausser
l'institution démocratique? Moi, ça me désole quand je
vois ça. Et c'est toujours dans le même temps, toujours...
Là, ce n'est pas pire, on fait ça de bonne heure. Normalement,
c'est entre minuit et 7 heures, le matin.
Une voix: Et ce n'est pas fini.
M. Dufour: Là, ce n'est pas pire, on fait ça en
plein jour. Il y a quelques personnes qui... Mais dans les grosses chaleurs, il
n'y a pas beaucoup de monde qui soit préoccupé par ce qui se
passe, excepté les gens vraiment intéressés.
Vous savez, M. le Président, j'ai accepté de parler sur ce
projet de loi parce que je trouve qu'on bafoue les règles
parlementaires; c'est dans
ce sens-là. Et, en les bafouant, qu'est-ce qu'on fait? On essaie
de bâillonner non seulement l'Opposition mais les gens qui élisent
ce gouvernement-là, qui élisent le gouvernement. Pensant se
protéger, ils sont en train de nourrir des gens qui, dans le fond, ne
les ont jamais compris, ne les écoutent pas et, surtout, ne les aiment
pas. C'est de même qu'on voit la façon dont ce gouvernement se
dirige. Et souhaitons que le temps approche pour qu'on puisse s'en
débarrasser. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Jonquière, de votre intervention. Je rappelle
aux membres de cette Assemblée que nous en sommes au rapport de la
commission de l'économie et du travail sur le projet de loi 35. Je
cède la parole à M. le député de Dubuc. M. le
député de Dubuc, je vous cède la parole.
M. Gérard R. Morin
M. Morin: Merci, M. le Président. À la veille du
dépôt du projet de loi 35, tant au niveau de l'Assemblée
nationale qu'au niveau des intervenants les premiers concernés, soit du
monde des travailleurs, les gens de la Commission ou même du
côté patronal, je pense qu'il y avait une certaine satisfaction
mêlée d'un certain scepticisme ou d'appréhension. Pourquoi
cela, M. le Président? C'est parce que, d'abord, on sait que cette
loi-là a pour effet d'en modifier trois autres, soit la Loi sur les
accidents du travail et les maladies professionnelles, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail et la Loi sur
l'assurance-maladie. Donc, c'est presque ce qu'on appelle communément un
bill omnibus. Un projet de loi qui a pour effet d'en amender ou d'en modifier
trois, ça constitue un projet de loi important. (21 h 30)
L'aspect qui est aussi un peu plus inquiétant, c'étaient
les conclusions, les recommandations issues du Conseil consultatif du travail
et de la main-d'oeuvre qui s'était vu confier un mandat de la part du
ministre pour essayer de produire des recommandations qui pourraient inspirer
le ministre dans l'élaboration de son projet de loi. Alors, c'est pour
ça que la satisfaction à l'approche du dépôt de ce
projet de loi a fait place à beaucoup d'inquiétude puisque les
seuls éléments qui semblaient faire consensus étaient
à l'effet que l'objectif majeur, c'était de tenter de diminuer
l'augmentation sans cesse du déficit qui approchera sous peu le 1 000
000 000 $ si rien n'est fait.
Un autre aspect aussi, une autre situation qui est malheureuse, c'est,
évidemment, les délais un peu trop longs qui, je pense, vont
à l'en-contre de l'intérêt du travailleur accidenté
ou mêlé à une situation de santé reliée
à son travail. Alors, ces deux éléments-là
faisaient consensus. Donc, diminution du déficit et diminution des
délais qui sont abusifs, finalement, pour tout le monde, mais ça
se termine là. Là, c'est terminé, il n'y a plus rien qui
marche parce que c'est à partir des causes, les causes de la situation
qui vont nous inspirer sur les correctifs à apporter. Comme on ne
s'entend nullement sur la cause du présent déficit, vous
comprendrez que les recommandations qui sont faites, que ce soit à
l'intérieur du projet de loi ou à partir des recommandations du
Conseil de la main-d'oeuvre, auxquelles je faisais allusion tout à
l'heure, c'est incroyable, j'ai de la misère... Je n'ai pas eu
l'opportunité d'approfondir le dossier comme ma collègue
porte-parole, puisque j'étais pris moi-même en commission
parlementaire au niveau de projets de loi touchant les affaires municipales.
Mais c'est incroyable, M. le Président, comment il peut y avoir des
recommandations contradictoires. C'est nullement surprenant, aujourd'hui, que
le ministre ait accouché d'un tel projet de loi. De là la
nécessité d'un débat.
Pourtant, l'Opposition, depuis plus d'un an, a tenté d'obtenir
auprès du ministre la tenue d'un véritable débat public,
mais les demandes de l'Opposition sont restées lettre morte. Ce n'est
que la semaine dernière, suite à une question de ma
collègue lors de la période de questions, que le ministre a enfin
déclaré qu'il n'y aurait pas de débat public.
Évidemment, ça en a surpris plusieurs. Mais le scandale, M. le
Président, c'est qu'en plus de refuser un débat public sur un
projet de loi contesté par tout le monde, le ministre est allé
même jusqu'à décider qu'il n'y aurait même plus de
débat à l'Assemblée nationale, c'est-à-dire que,
lors de l'étude du projet de loi en commission parlementaire, il a dit:
II n'y a plus de place pour le débat public entre les intervenants et,
à l'Assemblée nationale, c'est terminé aussi. Ça,
c'est presque de l'abus de pouvoir. Je n'aurais jamais cru que le ministre
irait jusque là. Au-delà du contenu du projet de loi comme tel,
qui est contesté par tout le monde, même le Conseil du patronat,
qui est un des premiers alliés du ministre, comme le disait un article
récemment, appuyait le projet de loi du bout des lèvres.
Alors, M. le Président, il faut dénoncer sans aucune
hésitation l'attitude du ministre, d'autant plus que parmi les
recommandations du Conseil consultatif de la main-d'oeuvre, il y avait
même des recommandations qu'on trouvait là-dedans qui laissaient
place à des études additionnelles. Je vais vous donner l'exemple
de deux, entre autres, concernant l'indemnité, où on recommande
d'étudier d'autres alternatives avant de réduire les
indemnités de 90 % à 80 % du salaire net. Tout de suite
là, c'est la recommandation de la commission parce que,
évidemment, entre les positions syndicales et patronales, il y avait
divergence. La commission propose d'aller plus loin et d'étudier des
alternatives. Alors, je pense qu'il y avait tout lieu de croire que le ministre
s'en inspirerait pour dire: O.K. S'il n'y avait pas eu lieu de mettre en branle
une
consultation ou un débat public, à tout le moins en
commission parlementaire, il aurait pu permettre à l'Opposition et
à d'autres intervenants de se faire entendre pour que des
échanges soient faits sur ces recommandations, qui de par
elles-mêmes disent implicitement au ministre qu'il ne peut pas adopter
son projet de loi dans l'immédiat sans aller plus loin sur le plan de la
consultation. Il y a une autre recommandation de la commission qui va à
peu près dans le même sens, soit celle qui dit qu'une étude
d'impact soit tenue sur la privatisation des 14 premiers jours. Bon. Alors, je
pense que le ministre, même à travers les contradictions, les
oppositions des recommandations de cette table de travail, aurait fort bien pu,
à tout le moins, faire preuve d'ouverture d'esprit lors de la commission
parlementaire et écouter les gens.
En dernier lieu, M. le Président, ce qu'il faut dénoncer,
c'est, bien sûr, l'orientation qui inspire le ministre dans le contenu de
ce projet de loi. On sait, de toute façon, qu'il ne réglera rien.
Je suis un peu beaucoup scandalisé parce que j'ai déjà
été mêlé dans un milieu de travail, de près,
à des situations, et on a l'impression que plus la Commission de la
santé et de la sécurité du travail prend de
l'expérience, plus les choses se compliquent. Normalement, il y a
toujours une période où on prend de l'expérience,
où toutes les choses se tassent, la procédure, mais à ce
niveau-là, on dirait que plus les années passent, pire c'est; on
ne s'y retrouve plus.
M. le Président, tant et aussi longtemps que les orientations de
la partie ministérielle seront celles d'un gouvernement qui a des
préjugés dans le sens que le système actuel est trop
généreux, que le médecin est trop complaisant envers le
travailleur, que les travailleurs eux-mêmes abusent du système,
que le ministre impute à l'augmentation de la durée de
l'indemnisation une part importante du déficit... Évidemment
qu'à partir de tels préjugés, M. le Président, il
ne faut pas se surprendre que tout le monde conteste le projet de loi et qu'en
plus... Moi, j'en reviens - vous allez dire que je radote un peu - que le
ministre, en plus de refuser un débat public... Mme la
vice-présidente de la commission de l'équipement, reposez-vous,
vous avez assez travaillé ces derniers jours. Si vous voulez être
en forme quand on va reprendre.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Morin: Alors, ceci dit, M. le Président, c'est que
c'est un scandale. L'an passé, je me souviens d'avoir vécu la
même situation au niveau de la loi 145 sur la fiscalité
municipale, où le ministre des Affaires municipales avait
décidé qu'il n'y avait plus de place pour la consultation et la
discussion. À toutes les fins de session, c'est la même chose. Le
ministre dit: Pas de débat public. On en sait assez. Il n'y a personne
qui s'entend. Mais à l'Assemblée nationale, c'est terminé,
on n'a plus besoin de votre opinion, et le projet de loi va passer sans vous.
Alors, je vous remercie, M. le Président, c'est un bel exemple d'abus de
pouvoir.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Dubuc, pour votre intervention. Alors, sur ce
même sujet, nous en sommes à l'étape de la prise en
considération du rapport de la commission de l'économie et du
travail sur le projet de loi 35, et je reconnais M. le président de la
commission de l'aménagement et des équipements et
député de Lévis.
M. Jean Garon
M. Garon: Merci, M. le Président. En attendant mon tour
pour prendre la parole, j'étais en train de lire un article du Globe
and Mail sur le programme de défense que vient de
présenter le ministre de la Défense à Ottawa, M. Marcel
Masse, et je comprends pourquoi le gouvernement libéral à
Québec et le gouvernement conservateur à Ottawa marchent autant
la main dans la main. Ce sont deux gouvernements déconnectés. Le
gouvernement à Ottawa, pendant qu'on parle, nous, d'une loi sur les
accidents du travail où le ministre ne veut entendre personne, à
Ottawa, eux, ils parlent d'un programme du ministère de la
Défense de 4 300 000 000 $ pour acheter 50 hélicoptères en
Angleterre pour faire la lutte aux sous-marins soviétiques, alors que le
pacte de Varsovie est détruit. C'est des gens qui sont une
génération en retard, M. le Président. Il faut se prendre
au sérieux quand on voit des gouvernements qui se prennent au
sérieux comme ça, M. le Président. (21 h 40)
Essentiellement, j'étais dans cette commission-là, je
pensais que le ministre, qui venait du domaine du travail, aurait... surtout,
comme a dit le député de Jonquière, en cette année
du 200e anniversaire du Parlement de Québec, ne voudrait pas passer -
parce que vous savez, on peut avoir des élections, maintenant, n'importe
quand -passer à l'histoire comme quelqu'un qui aurait passé une
loi avec la guillotine et qui aurait refusé d'entendre...
Essentiellement, quand on a demandé d'entendre des gens en commission
parlementaire... Vous savez, la démocratie, c'est d'entendre le monde,
c'est de ne pas penser que les gens qui ne sont pas au Parlement ne comprennent
rien. Je ne comprends pas ça, moi, parce que, vous savez, le ministre
quand il est nommé ministre, il n'en sait pas plus la veille que le
lendemain... ou le lendemain que la veille, si vous aimez mieux. Il n'a pas la
grâce d'état, comme on disait autrefois. Il n'est pas plus fin le
lendemain.
Normalement, il devait être un de ceux qui disent qu'il faut
écouter les citoyens. Il a refusé d'entendre la CSST. La CSST,
ça doit les con-
cerner, c'est leur déficit dont on parle. Il n'a pas voulu: Non!
Moi, je n'ai pas besoin de les entendre. La Confédération des
syndicats nationaux? Il n'a pas voulu les entendre. Le Centre d'aide aux
travailleurs et travailleuses accidentés de Montréal? Non! Je ne
les entends pas. Je n'ai pas besoin de savoir ce qu'ils veulent dire. La
Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec?
Non! Il dit: Je n'ai pas besoin d'entendre ça. Pourtant, lui, il
travaillait pour eux autres. Non, non! Il dit: Je les connais. Ils n'ont rien
à dire. La Centrale des syndicats démocratiques? Non, je les
connais, eux autres aussi. Je ne veux pas savoir ce qu'ils ont à dire.
La Fondation pour l'aide aux travailleurs et travailleuses accidentés?
Non. Il dit: Ça ne m'intéresse pas. Le Conseil du patronat?
J'aurais compris, là. Mais il a dit: Eux autres non plus. Je ne veux
rien savoir. L'Assemblée des travailleurs et des travailleuses
accidentés? Non! Je ne veux pas l'entendre.
Là, on a dit: Bon. Peut-être qu'il a quelque chose à
dire. On a commencé les articles. À un moment donné, au
tout début, M. le Président, au deuxième ou
troisième article, j'écoute parler le ministre et, tout à
coup, il nous dit: II va y avoir un amendement. Il venait de nous expliquer
l'article, mais, après peut-être une demi-heure de discussion, il
dit: II va y avoir un amendement. Alors, je demande la parole au
président et je lui dis: L'explication que vous nous avez donnée
tantôt, c'est sur l'article avant l'amendement ou après
l'amendement? Ah bien! Il dit: Je vous ai donné l'explication sur
l'article avant l'amendement parce que l'amendement, actuellement, ils sont en
train de le discuter. Je ne sais pas ce que ça va être.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Garon: J'ai dit: Écoutez, là. Je veux bien
comprendre qu'on peut être à «Parler pour parler»,
jase-jase, parle-parle, mais là, on perd notre temps, au fond, parce que
vous êtes en train de nous donner une explication sur un article qui va
être changé, puis vous nous dites qu'il va être
changé. Vous n'êtes pas au courant de l'amendement parce que vous
n'êtes pas là. C'est vos bureaucrates qui mènent, mais vous
voulez qu'on parle de l'article pareil, qu'on l'adopte en sachant que ce ne
sera pas cet article-là.
M. le Président, là, ce n'est pas ça, le
parlementarisme. Si c'est ça, le 200e anniversaire, ne gaspillons pas
d'argent. Le 200, la petite montagne de terre, là... Je passais pour
aller manger, le midi. Je vois une petite montagne de terre. Je dis: Qu'est-ce
que c'est ça? Je revire de bord, ils avaient monté la petite
montagne de terre, puis ils avaient mis «200». C'est beau.
«200». C'a fait travailler au moins quelqu'un pour faire la petite
montagne de terre. Excepté que... mettre «200» pour montrer
que le
Parlement est rendu où il en est, puis avec des motions de
guillotine, quand on parle au fond de tous les employés du Québec
essentiellement. Puis, quand on se rend compte, quand on regarde les chiffres,
que la première chose... Il nous compare toujours à l'Ontario, le
gouvernement, tout le temps. L'Ontario, c'est le barème. Bien là,
là-dedans, ils n'ont pas voulu nous parler de l'Ontario. Pourtant, quand
on regarde l'Ontario, on se rend compte... Alors que chez nous, les primes
diminuaient, puis ils se gargarisaient en disant qu'ils étaient des bons
administrateurs, ils baissaient les primes au Québec en augmentant le
déficit. La prime qui était de 2,75 $ en 1989 n'a pas
été indexée; elle a diminué à 2,50 $ en
1990, à 2,32 $ en 1991, le taux moyen de cotisation. En Ontario, en
1989, c'était 3,12 $, 3,18 $ en 1990, puis on n'a pas encore le chiffre
pour 1991, le taux moyen. mais ça va sans doute être 3,25 $, 3,30
$, quelque chose comme ça, pendant qu'on est à 2,32 $. ça
veut dire, au fond, que la prime pour les accidents du travail au québec
est à peu près 50 % meilleur marché qu'en ontario.
Une voix: C'est ça.
M. Garon: 50 %. Ce n'est pas des pinottes. À peu
près 50 % meilleur marché qu'en Ontario. Puis, après
ça, on se dit: Elle est en déficit, la société; il
faut baisser les services aux employés. Moi, je trouve ça, M. le
Président, écoeurant. Je trouve ça écoeurant parce
que, quand on compare les taxes, on dit: Nous autres, il faut payer autant de
taxes qu'en Ontario. Quand il faut payer, par exemple, telle chose: En Ontario,
ils paient. Mais quand arrivent les primes pour les entreprises, pour les
accidents du travail, là, par exemple, c'est 50 % meilleur marché
qu'en Ontario. Et là, après ça, on dit: II va falloir
diminuer. Sauf que le ministre, je ne lui souhaite pas que ça lui arrive
à lui, parce que c'est demain matin que ça peut lui arriver
à lui, un accident. Pas un accident du travail. Ce n'est pas ici; en
poussant des crayons, on ne fait pas souvent d'accident, excepté qu'il
peut avoir un accident demain matin. Il ne sait pas, demain matin, s'il ne sera
pas paralysé. Il ne sait pas, demain matin, s'il n'aura pas une crise
cardiaque. Il ne sait pas, demain matin, si, lui-même, ça ne lui
arrivera pas. Et je n'aimerais pas qu'il soit traité comme il veut
traiter les employés d'entreprises.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
À ma droite, si vous voulez aller discuter, vous savez qu'il y a des
endroits pour ça. M. le député, si vous voulez
poursuivre.
M. Garon: Alors, M. le Président, je n'aimerais pas qu'il
soit traité comme il veut traiter les employés d'entreprises.
Vous savez que, dans ces domaines-là, ce n'est pas facile. Je sais
à quel point on dit que les maux de dos, par
exemple, c'est difficile. J'ai connu quelqu'un très bien, dans ma
famille, qui avait mal au dos, qui s'est retrouvé, finalement, à
passer d'un médecin à l'autre, et ils ne trouvaient pas la cause.
À un moment donné, il a dit au médecin: Trouvez-moi
quelque chose, parce que j'ai trop mal au dos, ça n'a pas de bon sens!
Il est entré à l'hôpital et la personne, quelques mois
après, était morte. Comprenez-vous? Les maux de dos, quand on dit
qu'on ne sait pas ce que c'est, c'est peut-être bien du caprice... Moi,
je n'en connais pas beaucoup, de gens qui se promènent d'un
médecin à l'autre parce qu'ils n'ont rien à faire, qu'ils
veulent se faire examiner. Il y en a peut-être bien, mais ils ne doivent
pas être très nombreux, M. le Président.
Et, essentiellement, quand on dit aujourd'hui qu'on veut appliquer les
normes sans entendre personne, j'imagine que ces gens-là ont quelque
chose à dire; tous les gens au Québec sont concernés, tous
les employés d'entreprises. Quand on regarde les taux d'accidents
également, on se rend compte que les travailleurs forestiers, il y en a
plus que de gens dans la fonction publique ou de gens dans le commerce. Et il y
en a, là aussi, qui ont des accidents du travail. J'ai vu, aux chantiers
maritimes de Lauzon, quand l'échafaudage est tombé, par exemple,
et qu'il y a des gens qui sont morts, ils n'avaient pas choisi d'être sur
un échafaudage fragile qui tomberait. Ce n'était pas leur choix
à eux. Je regarde le chantier le Lévis: 5100 cas dans trois ans,
1989, 1990, 1991. Ce n'est pas quelques cas. C'est beaucoup de cas. J'ai
visité des «shops». J'ai été assez longtemps
député pour en visiter, des «shops», en visiter de
nombreuses «shops».
J'ai vu des endroits, je me rappelle, dans un moulin à papier,
quand je voyais le bois et les pitounes qui se promenaient et qui brassaient.
L'employé aurait dû être attaché, et il
n'était pas attaché. S'il tombait là-dedans,
c'était fini. Il tombait dans les bûches puis dans l'appareil. Je
vais vous dire, il sortait en viande hachée à l'autre bout,
certain. Pourquoi? Ce n'était pas normal. Qu'il ait voulu la porter ou
non, ça devrait être obligatoire. Pas d'affaire à
travailler dans ces conditions-là, parce que c'est trop dangereux.
Les accidents du travail, il y en a. Quand les gens vont dire: Oui, il
peut y avoir de la négligence. Certainement qu'il peut y avoir de la
négligence! On n'est jamais prudents à 100 %. Mais on n'est pas
imprudents, habituellement, volontairement ou involontairement. Et c'est
pourquoi une question comme celle-là devrait prendre le temps qu'il
faut. Il n'y a pas urgence. Ils vont vous dire qu'il y a un déficit.
Bien oui! Mais si on commençait par mettre un taux comparable à
celui de l'Ontario et, après ça, dire: Améliorons
l'administration de la CSST, parce que tout le monde peut dire que ça
doit sûrement être améliorable. Mais il y a des gens qui
viennent de différentes tendances, les patrons et les employés;
et il faut essayer de trouver une façon qui va faire en sorte que tout
le monde va être satisfait d'en arriver à un juste milieu sur le
plan de l'administration, où les droits des gens vont être
préservés.
Vous savez, M. le Président, ça va faire 16 ans que je
suis député cet automne, mi-novembre. Avant 1986, je vais dire
avec vous, des cas de la CSST dans nos bureaux, dans mon bureau, en tout cas,
je n'en voyais quasiment jamais; des cas de la Société de
l'assurance automobile, je n'en voyais quasiment jamais. Aujourd'hui, il y a
des lundis où, un cas sur deux, c'est la CSST et la
Société de l'assurance automobile. Et rarement en bas d'un cas
sur trois, de gens qui viennent se plaindre de la façon dont ça
marche à la CSST et à la Société de l'assurance
automobile. Et, en même temps, qu'est-ce qu'on constate? On siphonne des
centaines de millions. Même, on parle de 2 000 000 000 $ entre 1986 et
1995 à la Société de l'assurance automobile. Pourquoi?
Pour avoir coupé qui? Les mères de famille, les personnes
âgées et les étudiants. Pas les plus forts de notre
société. Ceux qui sont les plus fragiles.
Puis, actuellement, quand on regarde qui va souffrir de ça, ce
n'est pas les gens qui ont de l'argent. C'est ceux qui sont des
salariés, ceux qui peuvent être pénalisés le restant
de leur vie. Et on ne devrait pas en traiter à la légère,
dans un débat qui n'a pas eu lieu, dans un débat qui est une
farce lorsqu'on parle du rapport de la commission. Il n'y en a pas eu, de
rapport de la commission, essentiellement...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez
conclure...
M. Garon: ...parce que la commission n'a pas étudié
les articles; les amendements sont apparus comme une oeuvre du Saint-Esprit, M.
le Président. Je vous remercie. (21 h 50)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): C'est terminé, M.
le député? Alors, sur ce même sujet, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Mme Denise Carrier-PerreauK
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
Comme nous en sommes à la prise en considération du rapport de la
commission qui a siégé sur le projet de loi 35, je tenais
absolument, moi aussi, à prendre part au débat ce soir, puisque
j'ai participé à cette commission, j'ai assisté à
la commission.
Quand je me dis: Bon, on prend en considération le rapport, je
trouve ça toujours assez spécial de prendre en
considération un rapport où les membres de la commission,
à toutes fins pratiques, n'ont pas pu réellement étudier
le projet de loi, n'ont pas pu réellement participer à
l'amélioration du projet de loi puisque, comme
vous le savez, M. le Président, rien n'y a fait. Après
plusieurs tentatives des membres de mon groupe, de ma collègue de
Chicoutimi et des membres de la commission qui font partie de l'Opposition
officielle, après plusieurs tentatives, après plusieurs demandes
de rencontre des groupes concernés, des travailleurs, des syndicats et,
pourtant, pour plusieurs de ces groupes-là - neuf, si je me rappelle
bien - le ministre avait donné son accord pour qu'on puisse les
rencontrer.
On le sait, là, l'Opposition officielle, à chaque fois
qu'on a essayé de faire comparaître un de ces groupes, d'amener le
ministre à accepter de rencontrer les groupes concernés, bien, on
s'est vu devant un échec total. Le gouvernement a fait la sourde
oreille. Le ministre a fait non seulement la sourde oreille, mais il est devenu
aussi complètement muet pendant plusieurs jours, M. le Président.
Je peux vous dire que je trouve ça assez spécial de dire que,
pour prendre en considération un rapport, à tout le moins,
ça aurait été intéressant de pouvoir faire quelque
chose, de pouvoir participer, de pouvoir apporter des éléments
nouveaux qui auraient permis de corriger cette loi.
Le projet de loi 35, M. le Président, c'est un projet de loi qui
est fort contesté, on le sait, qui est loin de faire l'unanimité.
Les syndicats, les travailleurs accidentés sont plus qu'outrés de
la façon dont le gouvernement s'est comporté. Ils ne comprennent
pas du tout, je pense, où le gouvernement veut en venir avec ce projet
de loi là. Le ministre a beau nous dire qu'il faut... D'ailleurs, ce
n'est pas seulement le ministre, là. C'est le langage constant des
députés ministériels qui assistaient à la
commission et qui se sont exprimés à l'occasion, dans cette
Chambre. On nous dit qu'il faut humaniser le régime, désengorger,
déjudiciariser. Or, on se rend compte, quand on regarde de plus
près, que si c'est ça le but, bien, on vient de passer totalement
à côté, parce que quand on pense à
désengorger, à humaniser et à déjudiciariser et
qu'on regarde le projet de loi, on se rend compte qu'au contraire, M. le
Président, on vient, quelque part, alourdir les procédures. Pour
ce qui est du désengorge-ment, de la déjudiciarisation, bien, il
semble que les lobbies des avocats ont vraiment remporté.
Or, on a beau nous dire ça, on se rend compte que le projet de
loi ne rencontre pas du tout les propos qui sont exprimés. On nous dit
aussi, M. le Président... le ministre lui-même nous disait qu'il
le fait, son projet de loi, que grâce à ce projet de loi
là, il va sauvegarder le régime. Il faut absolument continuer
d'assurer la protection des travailleurs. Bien, je vais vous dire, M. le
Président, je pense que le ministre n'a pas fait ses devoirs. Je suis
convaincue, d'ailleurs - ce n'est pas je pense - que le ministre n'a pas fait
ses devoirs parce que s'il s'imagine, le ministre, qu'il va vraiment
sauvegarder le régime des accidents de travail, de la protection des
travailleurs de cette façon-là, bien, M. le Président, je
vais dire comme on dit chez nous: II se met un doigt dans l'oeil et pas
à peu près.
Tout ce qu'il fait, le projet de loi, finalement, M. le
Président, il vient enlever quelque part quelque chose d'important: la
présomption favorable envers le travailleur. Le travailleur, avant, on
le sait, avait la possibilité de venir en appel et d'avoir
prépondérance, si on veut, par le biais du diagnostic du
médecin traitant. Alors, ce qui arrive, c'est que, dans ce projet de loi
là, on crée un bureau d'évaluation médicale. On
vient donner la possibilité à la CSST d'engager des experts, et
le médecin traitant vient de perdre sa prépondérance,
à toutes fins pratiques. Alors, le médecin qui va prendre la
décision, qui va donner le diagnostic final, c'est le médecin qui
va être embauché par la CSST, le médecin qui va être
à la solde de la CSST. On se rend compte par là que le
travailleur vient de perdre sa présomption, son préjugé
favorable, comme ça se fait dans d'autres lois au niveau du travail.
J'étais, tantôt, à la commission des affaires
sociales, où on a un projet de loi sur les normes minimales. On le sait
qu'au niveau des normes minimales, c'est à l'employeur de faire la
preuve qu'il a réellement raison, que le travailleur est de mauvaise
foi, etc. Le travailleur, normalement, a au moins un préjugé
favorable. Alors, par ce projet de loi là, moi, je me rends compte
qu'à toutes fins pratiques, ça vient profiter à qui?
Sûrement pas aux travailleurs, M. le Président. C'est un projet de
loi qui, à mon sens, va totalement à rencontre du bien des
travailleurs.
À qui il profite, le projet de loi, M. le Président? Je
m'interroge. Je reste toujours perplexe quand je vois des projets de loi comme
ça qui nous arrivent, qu'on nous donne des explications qui veulent dire
quelque chose et qu'on se rend compte que le projet de loi arrive à
faire d'autres choses et qu'on essaie de comprendre le bien-fondé, parce
qu'on se rend compte aussi que c'est loin de faire consensus, que les gens ne
sont pas d'accord avec la mesure gouvernementale. C'est un projet de loi qui
est fort contesté. Alors, quand on est au gouvernement, quand on est
dans l'Opposition, on est en droit de se demander: Mais où le
gouvernement veut-il en venir avec ça? À qui ça profite,
le projet de loi, M. le Président?
J'ai relu à peu près l'ensemble des notes que j'avais sur
le dossier, les commentaires, et je me rends compte qu'en bout de ligne, c'est
à la CSST que ça profite. C'est à la CSST parce que
ça donne à la CSST un pouvoir d'embaucher un médecin, de
trancher. Si je dis ça, M. le Président, c'est que quand je
relisais les propos de M. Diamant... M. Diamant est venu au dépôt
des états financiers, par exemple, en 1991, où il s'est vraiment
exprimé longtemps et où il faisait allusion à des facteurs
comme la formule paritaire, entre autres. On sait que la CSST, c'est une
organisation paritaire, qui est basée sur le paritarisme. M.
Diamant était très embêté par ce genre de
décision qui doit se prendre de façon paritaire avec les
travailleurs et les employeurs qui, chacun de leur côté,
négocient et discutent. Alors, M. Diamant, comme gestionnaire, comme
président de la CSST, semble embêté, profondément
embêté par le paritarisme qu'il y a à la CSST. Il nous
disait, d'ailleurs, que ça l'empêchait de prendre des
décisions, ça empêche la CSST de prendre les
décisions qui s'imposent et, entre autres, on sait que le cas du
diagnostic qui lie la CSST au médecin traitant est aussi quelque chose
qui fait problème à la direction de la CSST.
D'ailleurs, M. Diamant s'était aussi prononcé à un
autre moment; il faisait un sondage à un moment donné
auprès des patrons qui révélait que les dirigeants pensent
que le dossier santé et sécurité est un dossier qui se
gère au même titre que tous les autres dossiers de l'entreprise.
On dit toujours que c'est un sondage qui a été effectué
auprès des patrons, et M. Diamant en faisait le commentaire: Les
dirigeants interrogés croient également que la prise en main de
ce dossier leur revient.
C'est bien évident, M. le Président, qu'à partir du
moment où on a dans l'esprit que le paritarisme, que la façon de
procéder, cette façon de faire où les travailleurs ont le
droit de s'exprimer par le biais de leur syndicat, vient déranger, si on
veut, le système, parce qu'on ne peut pas prendre les décisions
qu'on veut, ça vient déranger et la CSST dans ses droits de
gérance et les patrons dans leur droit de gérance, parce que, ce
faisant, M. Diamant reconnaît que c'est les dirigeants qui devraient
prendre les décisions en matière de santé et
sécurité au travail. Mais quand on regarde le projet de loi, M.
le Président, on vient de se rendre compte à quelque part que le
paritarisme à la CSST pèse plus lourd dans un sens que dans
l'autre. On peut dire ça parce qu'on se rend compte que le projet de loi
va vraiment à rencontre des travailleurs et profitera vraiment à
la CSST parce que c'est eux autres qui vont pouvoir trancher à certains
niveaux. Ils vont engager le médecin qui va trancher sur les
décisions. Ils ne sont plus liés au diagnostic du médecin
traitant. Alors, ça profite à la CSST. (22 heures)
C'est un projet de loi, finalement, qui a été écrit
par le contentieux, à toutes fins pratiques, de la CSST. C'est un projet
de loi à l'image, j'imagine, de la direction de la CSST que le ministre
nous a présenté, sauf que c'est assez étonnant, par
exemple, de voir que le ministre a embarqué là-dedans, lui qui
vient du milieu syndical. Il me semble que le ministre aurait dû se
rendre compte qu'il y a quelque chose de malsain qui se passe à ce
niveau-là et que cette décision-là, ce projet de loi
là va tout à fait à rencontre des travailleurs, va plus du
côté de la CSST et est favorable à l'employeur.
Je sais, M. le Président, plusieurs me l'ont mentionné,
c'est connu et ça fait consensus, qu'il y a beaucoup de problèmes
à la CSST. Mes col-lèques en ont parlé, tout le monde en
parte d'ailleurs, et on dit: Le régime est menacé d'extinction,
si on veut. C'est vrai qu'il y a des problèmes à la CSST. Nous
aussi, de l'Opposition officielle, on en convient. M. le Président, on
en convient, et c'est d'ailleurs pour ça que ma collègue, la
députée de Chicoutimi, avait demandé qu'il y ait non
seulement une commission avec des audiences pour rencontrer les groupes, mais
elle avait demandé aussi une enquête actuarielle sur la gestion,
sur l'administration de la CSST. On sait que les taux ont été
baissés. C'est un problème de baisser les taux. Ça va de
soi que, si on baisse les recettes, on a un problème en bout de ligne
à équilibrer nos budgets. Alors, baisser les taux, c'est
sûrement un des problèmes.
M. Chevrette: M. le Président, je voudrais m'excuser
auprès de ma collègue.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Mais vous comprendrez, M. le Président, que,
pour une loi qui va affecter 1 000 000 de travailleurs et plus, ça
nécessite au moins un quorum en Chambre.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés!
(22 h 1 - 22 h 2)
Le Vice-Président (M. Lefebvre) Vous pouvez continuer
votre intervention, Mme la députée. Allez-y.
Mme Carrier-Perreault: Je vous remercie, M. le Président.
On dit qu'il y a beaucoup de problèmes à la CSST. Ma
collègue de Chicoutimi avait demandé une enquête
actuarielle, une enquête sur la gestion de la CSST. Des problèmes,
on peut en identifier déjà quelques-uns. Je sais que mes
collègues en ont mentionné, mais je voudrais le faire, moi aussi,
M. le Président.
Par rapport aux taux, on sait qu'il y a un problème, parce qu'on
a baissé les taux, d'une part, depuis trois ans. Bien sûr,
là, on fait une tentative, on remonte, mais il y a aussi un
problème au niveau des taux. Il y a un problème de gestion aussi
à la CSST, on le sait, beaucoup de contrats sont donnés en
sous-traitance, et on peut s'interroger et on voudrait fouiller un peu de ce
côté-là aussi. Il y a un problème aussi avec le
manque de volonté, si on veut, de la CSST à enclencher le
mécanisme au niveau de la prévention dans les deux secteurs dans
lesquels ça n'a pas été enclenché. M. le
Président, vous me faites signe. Je ne sais pas, est-ce que vous me
faites signe que mon temps est
terminé?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, madame.
Mme Carrier-Perreautt: On pourra se reprendre en troisième
lecture, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, madame.
Mme Carrier-Perreault: De toute façon, c'est pour
ça que je tenais à m'exprimer parce que c'est très
difficile de faire une adoption de rapport de commission quand la commission,
à toutes fins pratiques, à mon avis, n'a pas fait son travail. Je
vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme. la
députée. Il n'y a pas d'autres interventions? Cette
dernière intervention met fin au débat sur le rapport de la
commission de l'économie et du travail concernant le projet de loi 35,
Loi modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies
professionnelles, la Loi sur la santé et la sécurité du
travail et la Loi sur l'assurance-maladie.
Conformément à l'article 253 du règlement, une
réunion des leaders parlementaires a été tenue pour
l'organisation de la mise aux voix de ces amendements. Seront mis aux voix:
premièrement, les amendements proposés par M. le ministre aux
articles 29, 30, 31, 43, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54 et 95; deuxièmement,
les amendements proposés par M. le ministre aux articles 10, 13, 15, 18,
19, 23, 26, 34, 35, 45, 47, 57, 58, 76, 82, 83, 84, 84.1, 87, 89, 89.1, 90, 91,
91.1, 93.1 et 94; troisièmement, l'ensemble des articles du projet de
loi ainsi amendés seront mis aux voix; quatrièmement, seront mis
aux voix les autres articles du projet de loi qui n'ont pas été
adoptés par la commission de l'économie et du travail ainsi que
le titre du projet de loi et ses intitulés; cinquièmement, le
rapport de la commission de l'économie et du travail ainsi
amendé, le cas échéant, sera mis aux voix.
Alors, MM. les leaders, je suis prêt à procéder tel
qu'indiqué.
M. Chevrette: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le leader de
l'Opposition officielle.
M. Chevrette: Étant donné que vous êtes
prêt à procéder, nous aussi, mais par voie nominale.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, qu'on appelle les
députés! (22 h 5 - 22 h 13)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et
MM. les députés, si vous voulez regagner vos banquettes,
s'il vous plaît!
Alors, tel qu'indiqué précédemment, je vais
maintenant procéder aux cinq mises aux voix concernant le projet de loi
35.
Mise aux voix d'amendements proposés par le
ministre
Je mets aux voix, dans un premier temps, les amendements proposés
par M. le ministre aux articles 29, 30, 31, 43, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54 et
95. Que les députés qui sont en faveur de cette motion
d'amendement veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Bourbeau (La-porte), M.
Côté (Rivière-du-Loup), Mme Frulla-Hébert
(Marguerite-Bourgeoys), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Johnson (Vaudreuil), M.
Cusano (Viau), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Bert
hier), M. Maciocia (Vi-ger), M. Maltais (Saguenay), M. Cannon (La Pel-trie), M.
Philibert (Trois-Rivières), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata),
M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil
(Sala-berry-Soulanges), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski),
M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Fradet
(Vimont), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme
Bégin (Belle-chasse), M. Bélanger (Laval-des-Rapides), M. Gauvin
(Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M. Khelfa
(Richelieu), Mme Hovington (Matane), M. LeSage (Hull), M. Borde-leau (Acadie),
M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger (Mégantic-Compton), M.
Camden (Lotbinière), M. Brouillette (Champlain), M. Bradet (Charievoix),
Mme Cardinal (Châteauguay), M. Després (LJmoi-lou), Mme Loiselle
(Saint-Henri), M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M.
MacMillan (Papineau).
M. Chevrette (Joliette), Mme Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson),
Mme Marois (Taillon), M. Garon (Lévis), Mme Harel
(Hoche-laga-Maisonneuve), Mme Juneau (Johnson), M. Dufour (Jonquière),
M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Léonard (Labelle), Mme Vermette
(Marie-vïc-torin), M. Paré (Shefford), M. Morin (Dubuc), Mme Caron
(Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Dupuis (Verchères), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou).
M. Libman (D'Arcy-McGee).
Le Secrétaire: pour: 65 contre: 0 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, les amendements
proposés par le ministre du Travail aux articles 29, 30, 31, 43, 48, 49,
50, 51, 52, 53, 54 et 95 sont adoptés.
Mise aux voix d'autres amendements proposés par
le ministre
Je mets maintenant aux voix les amendements proposés par M. le
ministre aux articles 10, 13, 15, 18, 19, 23, 26, 34, 35, 45, 47, 57, 58, 76,
82, 83, 84, 84.1, 87, 89, 89.1, 90, 91, 91.1, 93.1 et 94.
Que les députés qui sont en faveur de cette motion
veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Bourbeau (La-porte), M.
Côté (Rivière-du-Loup), Mme Frulla-Hébert
(Marguerite-Bourgeoys), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Johnson (Vaudreuil), M.
Cusano (Viau), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Houde (Bert
hier), M. Maciocia (Vi-ger), M. Maltais (Saguenay), M. Cannon (La Pel-trie), M.
Philibert (Trois-Rivières), Mme Dionne (Kamouraska-Témiscouata),
M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Pelchat (Vachon), M. Marcil
(Sala-berry-Soulanges), M. Thérien (Rousseau), M. Tremblay (Rimouski),
M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin (Marquette), M. Fradet
(Vimont), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau (Saint-Jean), Mme
Bégin (Belle-chasse), M. Bélanger (Laval-dès-Rapides), M.
Gauvin (Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M. Forget (Prévost), M.
Khelfa (Richelieu), Mme Hovington (Matane), M. LeSage (Hull), M. Borde-leau
(Acadie), M. Parent (Sauvé), Mme Bélanger
(Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M. Brouillette
(Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal (Cnâteauguay), M.
Després (Limoi-lou), Mme Loiselle (Saint-Henri), M. Lafrenière
(Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan (Papineau).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que les
députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme
Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon
(Lé-vis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Juneau (Johnson), M.
Dufour (Jonquière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M. Léonard
(Labelle), Mme Vermette (Marie-Victorin), M. Paré (Shef-ford), M. Morin
(Dubuc), Mme Caron (Terre-bonne), M. Boisclair (Gouin), M. Trudel
(Rouyn-Noranda-Témiscamingue), Mme Dupuis (Ver-chères), Mme
Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou).
M. Libman (D'Arcy-McGee).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des
abstentions?
Le Secrétaire: pour: 45 contre: 20 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, les amendements
proposés par le ministre aux articles 10, 13, 15, 18, 19, 23, 26, 34,
35, 45, 47, 57, 58, 76, 82, 83, 84, 84.1, 87, 89, 89.1, 90, 91, 91.1, 93.1 et
94 sont adoptés. (22 h 20)
Mise aux voix des articles amendés
Je mets maintenant aux voix l'ensemble des articles du projet de loi
ainsi amendés. Que les députés qui sont en faveur de cette
motion veuillent bien se lever.
M. Johnson: Même vote, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Même vote.
M. Chevrette: M. le Président, ça ne nous
intéresse pas pour le moment.
Des voix: Oh!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, que ceux et celles
qui sont en faveur de cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Bourbeau (Lapor-te), M.
Côté (Rivière-du-Loup), Mme Frulla-Hé-bert
(Marguerite-Bourgeoys), M. Cherry (Sainte-Anne), M. Johnson (Vaudreuil), M.
Cusano (Viau), Mme Robillard (Chambly), Mme Bleau (Groulx), M. Houde
(Berthier), M. Maciocia (Viger), M. Maltais (Saguenay), M. Cannon (La Peltrie),
M. Philibert (Trois-Rivières), Mme Dionne
(Kamouraska-Témiscouata), M. Doyon (Louis-Hébert), Mme Pelchat
(Vachon), M. Marcil (Salaberry-Sou-langes), M. Thérien (Rousseau), M.
Tremblay (Rimouski), M. Benoit (Orford), M. Williams (Nelligan), M. Dauphin
(Marquette), M. Fradet (Vimont), M. Richard (Nicolet-Yamaska), M. Charbonneau
(Saint-Jean), Mme Bégin (Bellechasse), M. Bélanger
(Laval-des-Rapides), M. Gauvin (Montmagny-L'lslet), M. Gautrin (Verdun), M.
Forget (Prévost), M. Khelfa (Richelieu), Mme Hovington (Matane), M.
LeSage (Hull), M. Borde-leau (Acadie), M. Parent (Sauvé), Mme
Bélanger (Mégantic-Compton), M. Camden (Lotbinière), M.
Brouillette (Champlain), M. Bradet (Charlevoix), Mme Cardinal
(Châteauguay), M. Després (Limoi-lou), Mme Loiselle (Saint-Henri),
M. Lafrenière (Gatineau), M. Lafrance (Iberville), M. MacMillan
(Papineau).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Que les
députés qui sont contre cette motion veuillent bien se lever.
Le Secrétaire adjoint: M. Chevrette (Joliette), Mme
Blackburn (Chicoutimi), M. Biais (Masson), Mme Marois (Taillon), M. Garon
(Lévis), Mme Harel (Hochelaga-Maisonneuve), Mme Juneau
(Johnson), M. Dufour (Jonquière), M. Gendron (Abitibi-Ouest), M.
Léonard (Labelle), Mme Ver-mette (Marie-Victorin), M. Paré
(Shefford), M. Morin (Dubuc), Mme Caron (Terrebonne), M. Boisclair (Gouin), M.
Trudel (Rouyn-Noranda-Té-miscamingue), Mme Dupuis (Verchères),
Mme Carrier-Perreault (Les Chutes-de-la-Chaudière), M. Bélanger
(Anjou).
M. Libman (D'Arcy-McGee).
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a des
abstentions?
Le Secrétaire: pour: 45 contre: 20 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, l'ensemble des
articles du projet de loi ainsi amendés sont adoptés.
Mise aux voix des articles non adoptés par la
commission
Je mets maintenant aux voix les autres articles du projet de loi qui
n'ont pas été adoptés par la commission de
l'économie et du travail ainsi que le titre du projet de loi et ses
intitulés.
Que les députés qui sont en faveur de cette motion
veuillent bien se lever.
M. Chevrette: Même vote.
M. Johnson: Même vote, M. le Président.
Le Secrétaire: pour: 45 contre: 20 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, la motion est
adoptée. Les autres articles du projet de loi qui n'ont pas
été adoptés par la commission de l'économie et du
travail ainsi que le titre du projet de loi et ses intitulés sont
adoptés.
Mise aux voix du rapport
Dernier vote. Je mets, finalement, aux voix le rapport de la commission
de l'économie et du travail tel qu'il a été amendé
par les votes précédents, à qui a été
confiée l'étude détaillée du projet de loi 35, Loi
modifiant la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles,
la Loi sur la santé et la sécurité du travail et la Loi
sur l'assurance-maladie.
Que les députés qui sont en faveur de cette motion
veuillent bien se lever.
M. Johnson: Même vote, M. le Président. M.
Chevrette: Même vote.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, le rapport est
adopté.
L'Assemblée reprend maintenant le débat sur...
Des voix:...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Excusez-moi. Allez-y.
Oui, oui, même résultat. Allez-y, M. le secrétaire.
Le Secrétaire: pour: 45 contre: 20 abstentions: 0
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci. Alors, le rapport
est adopté.
Nous continuons les travaux de l'Assemblée...
Des voix: Chou! Chou! Chou!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je suspends les
travaux.
(Suspension de la séance à 22 h 26)
(Reprise à 22 h 28)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Mmes et MM. les
députés, si vous voulez reprendre vos places, s'il vous
plaît. Nous reprenons les travaux de l'Assemblée avec quel article
du feuilleton, M. le ministre des Communications?
M. Cannon: M. le Président, je vous prierais d'appeler
l'article 4 du feuilleton, s'il vous plaît.
Projet de loi 9 Reprise du débat sur l'adoption
du principe
Le Vice-Président (M. Lefebvre): À l'article 4 de
notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du
principe du projet de loi 9, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Le
débat avait été ajourné par M. le leader adjoint du
gouvernement, M. le président du Conseil du trésor, lequel
n'avait pas débuté son intervention. Alors, je suis prêt a
reconnaître le premier intervenant, Mme la députée de
Johnson.
Mme Carmen Juneau
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Ce matin, lorsque le
leader du gouvernement a appelé le projet de loi 9, le ministre
titulaire de la Santé et des Services sociaux a commencé son
intervention par cette phrase. Il a dit: Mise en garde aux oiseaux de malheur
qui s'exprimeront aujourd'hui. Il a commencé son intervention comme
ceci, ce matin: Mise en garde aux oiseaux
de malheur qui s'exprimeront aujourd'hui. Inutile de demander qui
ça pourrait être, ces oiseaux de malheur là, sinon les gens
de l'Opposition, M. le Président. Mise en garde aux oiseaux de malheur
qui s'exprimeront aujourd'hui.
M. le Président, des taxes nous tombent sur la tête, des
impositions de toutes sortes nous arrivent, et il faudrait qu'on applaudisse.
Il faudrait qu'on dise que le ministre est un superbonhomme. Il faudrait qu'on
le félicite parce qu'il a imposé des taxes de toutes sortes.
Pourtant, M. le Président, quand toute cette réforme de la
santé a commencé, c'était une réforme, disait-on,
pour améliorer la qualité des services et placer le citoyen au
centre des préoccupations. Ça, M. le Président, ça
n'a pas fait défaut. Ils sont au centre des préoccupations dans
ce sens de les taxer et d'aller chercher dans leur poche, encore une fois, de
l'argent tout en diminuant les services, le contraire de ce qu'on avait
annoncé. Dans ce cas-ci, M. le Président, on va aller chercher,
chez les personnes de 65 ans et plus, 35 800 000 $.
Une voix: C'est un vol.
Mme Juneau: On va aller chercher aussi 24 500 000 $ pour la
désassurance des services dentaires et 17 500 000 $ pour la
désassurance des services optométriques dans ce cas-ci. Je n'en
nomme que quelques-uns, M. le Président. Et voici l'annonce qu'on
faisait: placer les citoyens au centre des préoccupations de ce
gouvernement.
M. le Président, je ne suis pas sûre que les gens... (22 h
30)
M. Garon: M. le Président, on n'entend rien.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, vous avez
raison.
Une voix: J'ai de la misère à l'entendre et je suis
à côté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je demanderais aux
députés de permettre à Mme la députée de
Johnson de pouvoir s'exprimer sans être interrompue ni
dérangée. Allez-y, Mme la députée.
Mme Juneau: Merci beaucoup, M. le Président. On discute
d'un projet de loi extrêmement important, parce que le projet de loi sur
la santé et les services sociaux est un projet de loi extrêmement
important. Donc, ce serait aussi important que les collègues puissent
écouter ce qu'on a à dire là-dessus; et, s'ils ne veulent
pas écouter, au moins qu'ils s'asseoient tranquilles et fassent semblant
d'écouter.
M. Trudel: M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui, M. le
député.
M. Trudel: Est-ce que vous pourriez, même à cette
heure-ci, pour écouter l'intéressant discours de la
députée de Johnson, vérifier le quorum, s'il vous
plaît?
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les
députés, s'il vous plaît! (22 h 32 - 22 h 34)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, allez-y, Mme la
députée de Johnson, si vous voulez continuer votre
intervention.
Mme Juneau: Merci, M. le Président. Les finances du
gouvernement ne sont pas à leur meilleur. Tout ce qu'on a trouvé
à faire, c'est de couper dans les services et de couper des pauvres gens
qui vont être pris avec un problème toujours grandissant,
c'est-à-dire moins de services et des coûts
considérablement élevés.
Vous savez, quand un gouvernement est obligé de couper des
services qu'on reçoit depuis nombre d'années, ça fait
pitié, M. le Président. Et pour nous faire avaler la pilule,
c'est le cas de le dire, on va charger 2 $ à chaque fois que des
personnes âgées vont aller chercher des prescriptions à la
pharmacie. Ce 2 $, ou 4 $, ou 6 $, selon le nombre de médicaments qu'ils
auront à aller chercher à la pharmacie, ces pauvres gens n'ont
pas toujours cet argent-là pour aller les chercher. Il a mis cette
mesure-là le soir même du budget, c'est-à-dire le 14 mai
dernier, alors que personne ne s'y attendait, alors que personne ne croyait que
ce serait aussi rapide. Même le leader de l'Opposition a soulevé
une question principale en Chambre parce que ça ne s'était jamais
vu, une chose pareille. Il l'a fait annoncer dans le discours du budget et ce
n'était même pas écrit dans le discours du budget; on a
refilé au ministre des Finances, le soir du 14 mai, un petit billet sur
lequel c'était écrit qu'à partir de minuit un 2 $ par
prescription serait dorénavant chargé à toutes les
personnes de 65 ans et plus. Ça a fait une espèce de boum tout
à coup qui est tombé sur la tête de ces pauvres gens.
Même pas les principaux intéressés, pas plus que les
pharmaciens n'avaient été avertis de la rapidité avec
laquelle on mettait une telle mesure, M. le Président. Assez que le
ministre lui-même, le lendemain ou quelques jours après, a
été obligé d'annoncer qu'il y aurait des mesures pour
éviter que les pauvres gens, les pauvres parmi les pauvres, soient
obligés de sortir ce 2 $ tout de suite, le soir même du budget,
pour aller chercher les médicaments.
Vous savez, M. le Président, lorsque le ministre de la
Santé a dit: La Régie de l'assuran-ce-maladie remettra un
certificat... Je vais appeler ça un certificat de pauvreté parce
qu'il va remettre une carte, un certificat de pauvreté aux gens de 65
ans et plus qui reçoivent la pen-
sion du gouvernement avec le supplément. Ceux qui
reçoivent le supplément au complet auront droit à ce
certificat de pauvreté qu'ils vont aller présenter à la
pharmacie, à leur pharmacien pour avoir leurs médicaments sans
être obligés de débourser les 2 $ en question.
Vous savez, M. le Président, je pense que c'est hier ou
avant-hier - les journées sont tellement longues que, des fois, on se
trompe de journée... Hier ou avant-hier, dis-je, j'ai appelé
à la Régie de l'assurance-maladie, et la personne qui m'a
répondu a été obligée d'aller demander à une
autre personne parce qu'elle ne savait pas trop comment c'était pour se
passer. Imaginez! elle ne savait pas trop comment c'était pour se
passer. J'ai dit: II semblerait que c'est vous qui allez servir ou sortir un
certificat pour les gens de 65 ans et plus qui reçoivent le
supplément garanti sur leur chèque de pension. Elle a dit:
Attendez un instant, je vais aller vérifier. Elle a dit: Oui, c'est
exact. Après quelques minutes, elle est revenue au
téléphone, elle a dit: Oui, c'est exact. J'ai dit: Quand vont-ils
l'avoir? Elle a dit: Je pense que ça va être dans le courant du
mois du juillet. Je pense que ça va être dans le courant du mois
de juillet qu'ils vont avoir leur certificat de pauvreté. Mais
après ce certificat de pauvreté là, M. le
Président... J'ai dit: En attendant, que vont-ils faire? Elle a dit: Ils
vont aller chercher leurs médicaments, ils vont payer pour, 2 $ par
médicament; s'ils en ont 3 sortes, ça fait 6 $; s'ils en ont 5
sortes, ça fait 10 $ - pour remplir la prescription. Après
ça, elle a dit: Ils vont ramasser leurs reçus parce que
probablement qu'ils vont en avoir besoin pour se faire rembourser. J'ai dit:
Quand vont-ils être remboursés. Elle a dit: Probablement au mois
de novembre. Probablement au mois de novembre, imaginez-vous! Comment
voulez-vous que les gens sur le terrain sachent à quoi s'en tenir?
Comment voulez-vous que ces pauvres gens qui ne savent pas où aller,
quand nous, on a de la difficulté à avoir des informations...
Vous savez ce que c'est, téléphoner à la Régie de
l'assuran-ce-maladie? La ligne est toujours occupée, toujours
occupée, ce sont des gens débordés. Bien oui, mais si
ça marche à hue et à dia comme ça et qu'ils ne
savent même pas, eux, quel travail ils ont à faire parce que le
ministre a oublié de les informer, comment voulez-vous que ça
fonctionne comme du monde? (22 h 40)
M. le Président, j'ai rencontré à plusieurs
reprises et j'ai eu plusieurs lettres de personnes qui trouvent ça
inacceptable tout autant que nous, de ce côté-ci de la Chambre, la
façon dont le gouvernement est intervenu dans cette mesure-là. Je
vais parler principalement de la mesure des 2 $ par prescription, par
médicament, pour les personnes âgées. Depuis que cette
mesure-là a été mise de l'avant, on a attaqué
l'universalité et on attaque aussi l'accessibilité. La personne
qui ne les a pas, les fameux 2 $ à débourser, ou les 4 $ à
débourser, qu'est-ce qu'elle va faire, vous pensez? Elle n'ira pas les
chercher, ses médicaments. Il y a un pharmacien qui m'a raconté
qu'il y avait une dame âgée qui avait
téléphoné - elle avait 74 ans, m'a-t-il dit - pour deux
sortes de médicaments. Bien, il a dit: Madame, vous allez être
obligée de payer les 4 $ pour vos médicaments. Elle a dit: Ah
bien! d'abord, laissez faire. Mais comme les pharmaciens connaissent leur
monde, il savait que les médicaments que cette dame-là prenait,
c'étaient des médicaments extrêmement importants, question
de survie pour cette dame-là. Et comme il connaissait la famille, il a
jugé bon d'en avertir un de ses enfants, qui n'était même
pas de la même ville que cette pauvre dame. Finalement, le garçon
a dit: Allez porter les médicaments à ma mère et
envoyez-moi le compte, je vais les payer, les 4 $. Mais ça, c'est quand
les relations sont bonnes entre parents et enfants; les jeunes peuvent
peut-être prévoir d'aider leurs parents pour leur venir en aide.
Mais quand les relations sont moins bonnes, quand il n'y en a pas d'enfants
pour venir en aide aux parents, cette pauvre dame-là, si elle avait
été toute seule, qu'est-ce qu'elle aurait fait? Elle ne les
aurait pas eus, ses médicaments. C'est bien simple, elle ne les aurait
pas eus, ses médicaments.
Le ministre disait, ce matin: C'est pour éviter qu'il y ait des
personnes âgées qui abusent des médicaments. Il donnait
l'exemple, il disait: Cette année, on a eu entre 15 % et 20 %
d'admissions à l'hôpital, pour intoxication par
médicaments. Moi, j'en ai déduit qu'il devait y avoir 15 %
à 20 % de médecins qui avaient fourni des prescriptions qui
n'avaient pas de bon sens à des gens qui n'en avaient pas autant besoin!
C'est ça que j'en ai déduit. Si les gens prennent des
médicaments, si les gens se rendent à la pharmacie pour aller
s'acheter des médicaments, c'est parce qu'ils ont eu une prescription.
Qui donne les prescriptions, M. le Président? Est-ce que c'est les
personnes âgées qui sont capables d'aller se chercher des
médicaments sans prescription, toutes seules? Est-ce qu'elles vont les
chercher sans avoir de prescription? Non! Elles ont besoin qu'un professionnel
de la santé leur prescrive des médicaments. S'il y en a eu de 15
% à 20 % qui se sont ramassés à l'hôpital, c'est
parce qu'il y a de 15 % à 20 % de professionnels qui en ont donné
trop, de médicaments. Au lieu de charger 2 $ aux personnes
âgées, qu'on charge 2 $ ou 5 $ à chaque fois que le
médecin va donner des pilules en trop; peut-être qu'ils vont
«slaquer»; peut-être qu'ils vont arrêter la mesure.
Ça serait peut-être une idée, au lieu de le charger
à ces pauvres gens qui ne sont pas responsables. Mais quand on veut
frapper, on frappe sur les plus faibles. C'est ça qui arrive.
Les fameux semainiers, les «dosettes» qu'on appelle plus
communément, M. le Président. Les gens qui sont en
résidence pour personnes âgées,
chaque semaine, pour qu'ils ne fassent pas d'erreur quand ils en ont
deux ou trois à prendre, ou trois ou quatre par jour, des
médicaments, des pilules à prendre... Ce n'est pas des gens qui
prennent toujours des médicaments, qui n'en ont pas besoin, ce n'est pas
vrai, ça. Ça, c'est un mythe. Et je n'ai pas retrouvé non
plus, nulle part, dans le rapport des 22 experts qui avait été
commandé par ce gouvernement, qui a été finalisé et
remis au ministre de la Santé et des Services sociaux - il l'a
présenté en Chambre en décembre, l'année
passée - une obligation de charger aux peronnes âgées
chaque fois qu'elles vont aller se chercher des médicaments.
Ce que j'ai lu, par contre, dans cette partie-là - si ma
mémoire est fidèle, c'est à la page 22, si je me souviens
bien - c'était inscrit qu'il y aurait lieu de sensibiliser, de faire
connaître aux personnes âgées pourquoi elles prennent telle
sorte de médicaments, pourquoi le médecin leur donne telle autre
sorte de médicament. Ça, ça aurait été une
mesure qui n'aurait pas coûté cher à personne et qui aurait
fait en sorte que les aînés puissent comprendre les raisons et les
côtés négatifs de la prise de tel ou tel médicament.
Ça, ça aurait été au moins une mesure constructive.
J'ai l'impression, en tout cas, j'ai comme l'impression que le rapport qui a
été fabriqué par ces 22 experts-là, le ministre, ou
il ne l'a pas lu ou il ne s'en souvient plus. Parce que je n'ai pas vu encore
de mesures qu'il aurait mises de l'avant, qui étaient inscrites dans ce
livre, ce rapport-là, qui, je dois le dire, a été bien
fait. Ça a été fait par des gens qui vivent des situations
et c'a été bien fait.
J'ai eu d'autres cas extrêmement inquiétants aussi qui
m'ont été racontés. Un pharmacien aussi, qui
répondait à des personnes âgées au niveau de leurs
prescriptions. Quand elles ont su que ça coûtait, je ne sais pas,
10 $ pour leurs cinq prescriptions, elles ont refusé de les prendre et
ont retourné les médicaments au comptoir. Le pharmacien,
connaissant encore le cas de ces personnes-là, a appelé au CLSC
et a averti les gens que les personnes refusaient de prendre leurs
médicaments parce qu'elles n'avaient pas les moyens de les payer. Il
faut se rendre à l'évidence, c'est des choses qui existent, des
choses qu'on vit quotidiennement à travers le Québec, et ces
pauvres gens, c'est ces gens-là qui vont souffrir de ne pas prendre les
médicaments qui leur sont en quelque sorte vitaux, M. le
Président.
On m'a raconté aussi que certains pharmaciens
s'inquiétaient du choix qu'ils sont obligés de faire, parce que
quand tu as quatre ou cinq sortes de médicaments ou couleurs de
médicaments, ils sont obligés de choisir. Il y a un pharmacien
qui me disait: Je leur dis: Tu n'as pas le montant d'argent pour payer les 2 $,
est-ce que tu veux avoir moins mal ou bien si tu veux dormir cette nuit?
Dis-moi lequel tu veux cette semaine puis, la semaine prochaine, je te donnerai
l'autre. Ça n'a pas de maudit bon sens, M. le Président, faire
des affaires de même! Ça n'a pas de bon sens parce que c'est
toujours ces personnes-là, finalement, qui vont payer les frais de
prendre ou de ne pas prendre les médicaments que leur spécialiste
ou que leur médecin leur a recommandés.
Vous savez, la coalition pour la protection ou l'AQDR et le
Comité provincial des malades, finalement, tous les groupes, la FADOQ -
il y a même les syndicats aussi qui sont intervenus - ont fait des
actions collectives; ils ont fait signer des pétitions lors du Salon
famille, santé, loisir à Montréal. Ils ont fait une
conférence de presse; ils sont allés rencontrer le premier
ministre. Mais, à ce qu'on m'a raconté, le premier ministre
semblait ne pas trouver ça bien épouvantable: Juste un petit 2 $,
tu sais, ce n'est pas grave, juste un petit 2 $. Mais, mon Dieu! M. le
Président, juste un petit 2 $ quand tu en as trois ou quatre à
faire remplir à toutes les semaines pour les semainiers, puis disons
à tous les mois, si tu as à refaire ta prescription à tous
les mois. Ce qui arrive, c'est qu'ils demandent d'allonger le temps de la
prescription pour que ça coûte moins cher. C'est des choses de
même qui se passent. Ça n'a pas de bon sens, M. le
Président, c'est inacceptable de savoir que, encore une fois, c'est les
personnes âgées qui font les frais de la désassurance pour
leur médicaments.
Mais ce n'est pas la première fois. Je lisais dans un document
qui a été préparé aussi par la coalition que,
à bien des égards, c'est toujours eux finalement qui paient les
frais de la musique. Regardez, ça ne fait pas bien bien longtemps
encore, il y a eu un coût qui leur a été imposé,
c'est-à-dire une augmentation de 9 % des chambres en centre d'accueil.
C'a été le 1er avril, M. le Président, ça ne fait
pas longtemps. Le 1er avril, ils ont été obligés de payer
cette augmentation-là. Après ça, il y a eu des coupures
dans les services complémentaires que sont, bien sûr, les soins
dentaires, les soins optométriques, dans cette loi-là. Ensuite,
on a adopté le principe du ticket orienteur. Vous vous souvenez, quand
on a parlé de la réforme de la santé, le ministre
responsable disait: II ne faut pas appeler ça un «ticket
modérateur», c'est un «ticket orienteur». Puis, c'est
bien de valeur, s'il y a des personnes qui se rendent à l'hôpital
puis qui devraient aller au CLSC, eh bien, il va falloir qu'elles
défraient les 5 $ en question. On sait que, des fois, ça arrive
que des personnes de 65 ans et plus - ça peut arriver à tous les
âges - puissent faire une erreur et se rendre à l'hôpital
pour un traitement pendant qu'elles peuvent l'avoir par le CLSC; elles seront
obligées de payer encore. Et ce fameux 2 $, M. le Président,
c'est à l'universalité qu'on a touché.
Cette année, c'est 2 $. Ce n'est peut-être pas gros, comme
le premier ministre semblait le
penser lorsqu'ils ont été le rencontrer. Non, 2 $, ce
n'est peut-être pas beaucoup, mais qui nous dit... Parce qu'ils ne
reviendront pas avec une loi chaque fois qu'ils vont vouloir augmenter le
coût, ils vont revenir puis ils vont dire: Bien, cette année,
c'était 2 $; puis l'année prochaine, ça va être 5 $;
puis une autre année, ça va être un autre coût. M. le
Président, c'est ça, la crainte qui existe parmi les gens, parmi
la population. C'est ça: Ils vont augmenter puis ils n'auront pas besoin
de revenir ici, devant la Chambre.
Donc, pour la coalition, c'est non à la menace dans la
gratuité et l'universalité des soins de santé; c'est non
au rôle de bouc émissaire des aînés quant à la
surconsommation de médicaments; c'est non à l'appauvrissement des
personnes aînées; c'est non a l'imposition d'un tarif de 2 $ sur
les médicaments. On dit aussi: On ne se laissera pas faire.
J'espère, M. le Président, qu'on va faire tout ce qu'il faut pour
essayer de faire en sorte que le ministre responsable de la Santé change
d'idée concernant les personnes âgées et qu'elles ne seront
pas obligées de payer les frais, ces 2 $ en question. Merci, M. le
Président. (22 h 50)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur le même sujet,
je cède la parole à M. le député de Rousseau. Vous
avez droit à 20 minutes, M. le député.
M. Robert Thérien
M. Thérien: Merci beaucoup, M. le Président.
D'abord, j'aimerais vous souligner que je suis très heureux de parler
sur la loi 9 qui, à mon point de vue, est une loi responsable.
D'entrée de jeu, M. le Président, j'aimerais souligner la
faiblesse des arguments de la députée de Johnson qui, à
mon point de vue, est une députée présente dans son
comté, qui fait son travail. Moi, je tiens à lui dire que je n'ai
pas eu un téléphone de personnes âgées. Pas un. Et
j'en parlerai tantôt. J'en ai eu d'optométristes, j'en ai eu de
pharmaciens, mais je n'ai pas eu un téléphone. Je parlerai
tantôt...
Une voix:...
M. Thérien: M. le Président, je pense que j'ai
été très respectueux envers la députée de
Johnson, je vais quand même essayer de lui démontrer... J'aurais
aimé qu'elle dépose les nombreuses lettres qu'elle dit avoir eues
de personnes concernant les 2 $. Mais je voudrais quand même parler du
fond de la loi, parce que ce n'est pas ça que la députée
de Johnson a fait, elle a même parlé des centres d'accueil.
Tantôt elle disait: On s'attaque aux plus pauvres. Je veux juste lui
rappeler qu'à l'époque de son gouvernement, on imposait
l'allocation familiale. Imaginez-vous, M. le Président! On imposait les
couples qui gagnaient 11 000 $. Maintenant, c'est rendu 26 000 $. Imposer des
gens qui ont deux enfants et qui gagnent 11 000 $, c'est ça, s'attaquer
aux pauvres. Ce n'est pas de charger 2 $ et le remettre après, M. le
Président. Je pense qu'elle confond la réalité. Et vous
avez vu, M. le Président, en 20 minutes, aucune argumentation de fond
sur la loi qui parle de rationalisation. Et ça, c'est important. C'est
très important.
Donc, cette loi-là, c'est une loi sur le financement du
système de santé, mais aussi sur la capacité de payer des
Québécois. Et ça, c'est fort important. Et ça,
c'est un mot qu'a de la misère à entendre l'Opposition. En fait,
la loi parle du mérite et du bien-fondé de certains
contrôles. C'est l'approche qu'on vise. Mais le mot
«contrôle», c'est un mot que les gens de l'Opposition ne
comprennent pas, et je vais vous donner des exemples.
Au niveau des assistés sociaux, lorsqu'on est arrivés et
qu'on a mis un certain contrôle, tout le monde s'est levé et a
dit: Ah! atteinte à la liberté. Mais celui qui paie, lui, n'est
pas atteint dans sa liberté, M. le Président? Il n'est pas
atteint, lui, dans sa liberté? Je vais vous donner un deuxième
exemple. On vient de parler d'une loi de la CSST. Heureusement qu'on aide les
travailleurs blessés, mais il faut passer des lois plus rigoureuses pour
éviter de payer ceux qui ne le sont pas.
Je vais vous parler d'un domaine que je connais bien, le transport.
Imaginez-vous ce qu'on a fait en transport! On a enlevé les
contrôleurs routiers. On les a enlevés, M. le Président, et
on chialait sur la détérioration des routes. Le mot
«contrôle», c'est un mot que ces gens-là ne
comprennent pas. Il faut contrôler les deniers du gouvernement, M. le
Président. C'est de ça qu'on parle. C'est une ébauche,
c'est une capacité, c'est une rationalisation. On ne vise pas de
pénaliser les personnes âgées. On ne vise pas les personnes
qui ont besoin de tel ou tel service. On rationalise des services, M. le
Président.
Je veux juste rappeler à ceux qui nous écoutent que le
système de santé au Québec, M. le Président, et
vous le savez, est complexe, vaste, et je dirais encore plus, M. le
Président, généreux, très généreux.
La preuve, il y a beaucoup d'autres pays, dont nos voisins, qui sont venus
observer notre système de santé et ils le trouvaient trop
généreux pour l'appliquer chez eux. Donc, M. le Président,
quand on parle de 2 $, qu'on parle de désassurer de tel âge
à tel âge, c'est une atteinte au système, à la
liberté? M. le Président, il faut être sérieux.
Il faut se rappeler aussi que, lorsque le gouvernement libéral a
institué aussi ce régime généreux, on était
en pleine période de prospérité. La richesse était
croissante. Rappelez-vous, M. le Président, il est arrivé dans
les années quatre-vingt, et je ne serai pas démagogue, mais c'est
arrivé en même temps que le gouvernement
du Parti québécois, la crise économique où
le principal problème, c'est la redistribution de la richesse
collective, M. le Président. Les revenus sont moindres, il faut
redistribuer, mais il faut redistribuer aux bonnes personnes. C'est ça,
l'enjeu; c'est ça, l'objectif. Étant donné que les
revenus... Ce n'est pas juste depuis les années quatre-vingt-dix que les
revenus sont moindres, depuis les années quatre-vingt, et le
système a continué d'être généreux.
Donc, si le système est plus généreux, il faut
prendre l'argent qui est moindre et le donner aux bonnes personnes. C'est
ça que le projet de loi dit. M. le Président, ces deux facteurs
viennent d'un accroissement du chômage, et ce n'est pas juste le
Québec et le Canada qui vivent ça. Le nombre de
bénéficiaires de l'aide sociale s'est accru, donc, les
dépenses du gouvernement sont plus grandes. On aurait pu faire comme
ceux d'en face, augmenter indûment le déficit, mais ça n'a
pas été notre choix, M. le Président. Ça a
été de le maintenir, ça a été de le
maintenir.
M. le Président, dites donc à la députée de
s'asseoir ou d'éviter ses commentaires. Elle va avoir l'occasion de
parler tantôt, et je suis convaincu qu'on l'écoutera comme on le
fait d'habitude.
Cette situation nous a amenés, en 1985-1986, à commencer
à réfléchir sur notre système de santé.
Cette réflexion majeure a commencé avec l'ex-ministre, Mme
Thérèse Lavoie-Roux, aujourd'hui sénatrice, et nous a
amenés à certaines constatations. Parmi celles-ci, d'abord, le
coût évolutif des dépenses dues au vieillissement. On sait
que ça va coûter plus cher parce que le besoin est plus grand. Par
contre, la capacité de payer est moindre. Donc, on a convenu que le
paiment possible, ce serait l'IPC ou 3 %. On a convenu qu'on ne pouvait pas
mettre à l'intérieur du système plus que l'IPC, sinon on
ne pourrait pas maintenir le système. On hypothéquerait -
ça, c'est important - les générations à venir. On
peut bien penser ce qui se passe au bout de notre nez, mais nos enfants, nos
petits-enfants souhaitent avoir le même système
généreux et universel qu'on a. Quand j'entends parler des 2 $ qui
menacent ça, M. le Président, je suis éberlué,
surtout d'une personne qui dit défendre les personnes
âgées. Mais qui vont être les personnes âgées
de demain? C'est les jeunes d'aujourd'hui, M. le Président, qui
méritent, eux, qu'on conserve pour eux cette
générosité du système.
Donc, le temps des choix était venu. Il a fallu faire des choix.
Et faire des choix, M. le Président, en politique, c'est un geste
responsable. Ce n'est pas de remettre ça sur d'autres
générations qui est de démontrer notre
responsabilité. C'est de les faire maintenant, justement, pour assurer
que les générations futures puissent bénéficier des
mêmes services dont moi je bénéficie. Donc, le premier
choix, c'est de conserver ce qui est essentiel à la population, chose
qui s'est faite. Il n'y a personne de l'Opposition qui est capable de se lever
et de dire, de sa chaise, que les services dits essentiels et universels ne
sont pas conservés. Je ne l'ai pas entendu, M. le Président. Vous
ne l'entendrez pas non plus. Il a fallu regarder dans les services accessoires,
et c'est là que le choix du ministre s'est fait, que j'épaule
à 100 %, parce que ça considérait la capacité de
payer et l'avenir des futures générations.
Donc, on les a faits, ces choix: maintenir les services essentiels,
augmenter la production des établissements - C'est bon, à un
moment donné, qu'on s'assoie et qu'on regarde si les
établissements sont productifs. Ça aussi, c'est un moyen de
contrôle. Comme je vous ai dit, M. le Président, il y a des mots
qui n'existent pas dans le vocabulaire de certains partis. Le mot
«contrôle» - et une contribution minimale pour des services
complémentaires. Je mets au défi les députés qui se
promènent dans leur comté. Combien de fois j'ai entendu dire par
des citoyens, non pas nécessairement des citoyens libéraux: Quand
est-ce que vous allez contrôler le système de la santé?
Quand est-ce que vous allez mettre la carte avec la photo? J'ai hâte de
les voir quand on va mettre la carte avec la photo. Ils vont se lever tout
insultés en disant qu'on brime la liberté des gens. Je suis
sûr, M. le Président, que, dans votre comté qui est un
comté semblable au mien, les gens ont hâte que le gouvernement
mette ses culottes et qu'il responsabilise le citoyen. C'est un premier geste.
(23 heures)
II y a eu des discussions avec les professionnels, et les discussions
ont été ouvertes. Le ministre les a pris de front parce qu'il y
avait des choix à faire et, ces choix-là, il ne les a pas faits
en catimini, il les a faits ouvertement. Il y avait un besoin d'argent
identifié. Il ne s'est pas caché face aux professionnels pour
dire: Écoutez, peut-être... Il y avait une nécessité
d'argent qui était de 135 000 000 $, cette année, et de 211 000
000 $ pour l'an prochain. Ce n'est pas caché. Il a discuté avec
les professionnels. Est-ce que vous avez eu des manifestations dans vos bureaux
de comté? Peut-être qu'ils n'étaient pas contents parce
qu'ils étaient pris de face; ils n'étaient pas pris de
derrière, ils étaient pris de face.
Qu'est-ce qu'elle a, cette loi-là? C'est quoi, les mesures? On
regarde au niveau des optomé-tristes. On désassure les 18
à 40 ans. On avait des choix. Après l'analyse et, comme on en
parlait tantôt, ce choix-là s'est fait à partir
d'études d'experts. Donc, les 18 à 40 ans, c'est une
clientèle à risques moindres. Je n'en ai pas entendu parler
tantôt; la députée de Johnson n'a pas parlé de
l'effet que ça donnait. Quel effet ça aurait pu donner? Et quel
effet ça va donner, que les 18 à 40 ans puissent contribuer un
petit peu pour se conserver des services lorsqu'ils
auront dépassé 40 ans? C'est ça, M. le
Président, qu'on ne réalise pas. C'est le choix qu'on a fait, de
18 à 40 ans, pour les conserver pour plus tard. Moi, je peux vous dire
qu'à part les opto-métristes... Et les optométristes qui
sont venus me voir étaient aussi très ouverts dans leurs
discussions. C'est vrai aussi qu'ils ont peut-être senti que
l'application se faisait rapidement, mais Dieu sait combien de fois le
gouvernement est accusé de ne pas appliquer ses politiques assez
rapidement. Je pense que ça va se faire en douceur.
Les dentistes. Les 10 ans et moins continuent d'être couverts.
Quel service extraordinaire que le Québec maintient! Là aussi, il
y a un geste de responsabilité pour les parents au niveau de
l'alimentation. Ce n'est pas juste le gouvernement qui doit agir dans le
domaine de la santé, il y a ceux qui entourent les enfants, les
écoles, mais en particulier les parents.
J'arrive, M. le Président, au fameux 2 $ des 65 ans et plus.
Tantôt, elle voulait qu'on charge le 2 $ aux médecins.
Écoutez, c'est évident que les prescriptions sont signées
par un professionnel, mais vous savez que les personnes âgées, si
elles refusent de prendre un médicament ou moins de médicaments,
pour 2 $, vous avez là une réponse. Ce n'est pas le 2 $...
Surtout, avec une limite de 150 $, surtout avec un remboursement pour ceux qui
n'ont pas la capacité de payer, il est où, le problème? Je
ne vous dis pas ça à travers mon chapeau, je n'ai reçu
aucune lettre. À travers la visite que je fais de façon
hebdomadaire dans mes clubs de l'âge d'or, les discussions de table, les
gens ne s'inquiétaient pas pour le 2 $; même, on me disait: II est
temps qu'on mette une mesure, il est temps. Ça, on ne le souligne pas
assez souvent, ceux qui sont proactifs là-dedans, parce que souvent on
s'aperçoit qu'il y a des gens qui abusent. Je ne veux pas les pointer du
doigt, ceux qui abusent, ils sont dans un contexte souvent pas facile,
d'angoisse de la maladie, de la solitude. Il y a toutes sortes de raisons pour
que les gens puissent prendre des médicaments de façon
additionnelle. Mais nous, on dit que ceux qui en prennent trop ou ceux qui
pourraient réduire leur consommation, contribuez à un service qui
a été généreux envers vous et qui va continuer de
l'être. C'est ça qui est important. Surtout, à ces gens de
65 ans et plus à qui on demande une contribution, aidez-nous à
préserver ce système qui a été cher pour vous, mais
qui sera cher aussi pour nos enfants. C'est ça, M. le Président,
qui est important.
Ces efforts de rationalisation, c'est important dans la
société dans laquelle on vit. C'est un exemple que le ministre de
la Santé a fait par le dépôt de cette loi-là. Il y
en aura peut-être d'autres dans l'avenir, si la capacité de payer
n'est pas atteinte par les Québécois. Ça, c'est important,
M. le Président. Il ne faut pas donner ce qu'on n'a pas. Ça,
c'est un mot, c'est simple; c'est simple d'administrer, M. le Président.
Il y a une colonne d'entrées et une colonne de sorties. Quand il en sort
trop, il faut arrêter ça. C'est ce qu'on fait. On ne l'a pas juste
fait dans ce domaine-là. J'entends les gens qui sont contre telle loi,
telle rationalisation, tel contrôle. C'est quoi, leurs mesures pour faire
rentrer la colonne, là? Où on la rentre, cette colonne-là,
le plus? On ne parle jamais du plus, on parle toujours de la vertu. Mais le
calcul est simple. Ça se calcule par une addition ou par une
soustraction.
Les 2 $, M. le Président, ce petit effort de contribution, je
pense que c'est une décision sage. Ce n'est jamais une décision
intéressante de charger 1 $, 2 $, mais c'est un besoin de le faire. Et
c'est ça que je vous dis: le ministre, par le dépôt de sa
loi, a démontré, justement, toute sa clairvoyance. Ceux qui
pensent que l'argent descend du ciel, c'est faux. C'est faux. Et la
clairvoyance, c'est aussi la capacité de gérer, et déposer
une loi, c'est aussi d'être responsable. Et sa responsabilité fait
en sorte que son choix s'est arrêté sur des services
complémentaires. Pas essentiels, M. le Président! Et c'est
ça que je veux vous rappeler.
Est-ce qu'il y a d'autres services qui sont désassurés?
Est-ce qu'il y a des services en moins quand on sait que la population est
vieillissante et nécessite un effort financier additionnel? Il n'y a
personne qui est capable de dire ça ici. Qu'on demande une meilleure
performance dans les établissements, c'est tout à fait important;
le peuple du Québec nous a donné la gérance de ces
établissements-là, et on demande, justement, un. certain
contrôle. Est-ce que ces gens-là refusent de contrôler les
deniers publics? On l'a vu dans certains systèmes, que ces
gens-là refusaient de contrôler. Se fier à la bonne foi des
gens, ça va, sauf qu'il y a une limite, et cette limite-là a
été peut-être atteinte.
Le gouvernement a pris la responsabilité de ne pas augmenter son
déficit au-delà de 4 000 000 000 $ et, pour ce faire, il a
demandé, dans à peu près tous les ministères, une
certaine rationalisation, chose qui s'est faite. Je pense que le choix qui
s'est fait, et j'en suis même convaincu, le choix qui s'est fait dans le
domaine de la santé, ça a été un choix judicieux,
un choix qui respecte les générations futures, un système
à la mesure de la capacité de payer des Québécois.
Ceux qui n'ont pas vu là-dedans le besoin de rationalisation, M. le
Président, ces gens-là manquent de lucidité. Il y a une
rationalisation fort importante.
Vous m'indiquez, M. le Président, malheureusement, qu'il me reste
peu de temps, mais juste pour vous dire: Si on veut révolter les gens
par ces 2 $, si on veut révolter les gens en disant qu'ils ont moins de
services au niveau de l'optométrie et au niveau du dentiste, je peux
vous dire que ça m'inquiète pour les générations
futures si ces gens-là n'ont pas vu ça. Et je
veux dire au ministre toute mon admiration pour ce courage qu'il a eu de
déposer cette loi-là, et je veux lui dire, en terminant, tout mon
appui à cette loi-là. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Rousseau. Je vous rappelle que nous sommes à
débattre la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 9,
Loi modifiant la Loi sur l'assurance-maladie. Je reconnais maintenant Mme la
députée de Marie-Victorin. Vous avez droit à une
intervention de 20 minutes, Mme la députée.
Mme Cécile Vermette
Mme Vermette: Je vous remercie beaucoup, M. le Président.
Alors, M. le Président, 20 minutes, je pense que je n'en aurai pas
suffisamment, d'une part, pour faire certains constats par rapport à ce
nouveau projet de loi et, d'autre part, pour relever, en fait, certaines
affirmations du député de Rousseau que je considère tout
à fait d'une aberration la plus totale. Parce que je me suis posé
une question, à savoir: Est-ce qu'il est présent, M. le
député, au moment où se passent les débats en
Chambre, ou à certaines commissions parlementaires? Parce que je vais
lui dire un certain nombre de choix que fait son gouvernement. (23 h 10)
Premièrement, le choix de la TVQ et, deuxièmement, le
choix de la TVQS, sur les services, à partir du mois de juillet. Ils ont
choisi de taxer. Oui, M. le Président, des mesures qui touchent les
familles du Québec: les vêtements, les souliers, la nourriture.
Ils ont choisi d'augmenter les frais de scolarité, M. le
Président. Ils ont aussi choisi d'augmenter les frais
d'Hydro-Québec, M. le Président, les frais
d'électricité. Oui, ce gouvernement a choisi de siphonner la
caisse de l'assurance automobile, M. le Président. Et pas des petits
mouvements, des petites sommes d'argent, M. le Président, des millions
qui y sont allés. C'est des choix, oui, effectivement, que ce
gouvernement a faits M. le Président. Et, en plus, M. le
Président, il est en train de nous dire qu'ils sont en train de
contrôler le déficit, alors qu'on sait très bien qu'ils ont
dépassé le déficit, M. le Président. Seulement
cette année, on va les dépasser, les 4 000 000 000 $. Les
prévisions budgétaires que le ministre des Finances a
déposées, on s'en va vers un déficit accru
accumulé, M. le Président. C'est incroyable que ce
député, le député de Rousseau... En tout cas, je ne
sais pas s'il est présent ici ou s'il est conscient de ce qui se passe
en Chambre, M. le Président, mais des choix faits de cette
façon-là, j'aime autant m'en passer, M. le Président, et
j'aime autant...
Oui, effectivement, les discours que nous faisons parce que nous
essayons de protéger nos concitoyens et nos concitoyennes et les gens
à faibles revenus, M. le Président. Tous les autres aussi, mais
particulièrement les gens à faibles revenus et aussi les gens les
plus défavorisés à tous égards, M. le
Président. Que ce soit dans le domaine de la santé, que ce soit
dans le domaine de l'éducation, dans le domaine culturel, M. le
Président, là où il y a les parents pauvres, les parents
faibles d'une société à cause de certaines vues, options
d'un gouvernement, oui, nous défendons leurs intérêts.
C'est ce à quoi nous essayons aussi de réveiller ce
gouvernement-là, à avoir un côté un peu plus
humanitaire, à avoir une vision un petit peu plus de solidarité
sociale.
Ce à quoi fait appel ce projet de loi, M. le Président, en
fait, ça remet en cause la solidarité sociale qu'on avait
établie avec l'assurance-maladie. Et ça, c'est important, parce
que c'est un pilier, justement, de ce contrat social qu'on a établi
entre l'État et ses sujets, M. le Président. En fait, le
député de Rousseau essayait de nous dire, essayait
d'accréditer qu'on n'était plus capables de se payer ce
système-là, de se payer ce système de solidarité
sociale, M. le Président, parce qu'on était pratiquement,
à l'écouter parler, au bord de la faillite. Moi, je ne comprends
pas qu'un député ministériel vienne dire tout haut et
proclamer très fort que son gouvernement ne sait tellement pas
administrer qu'ils sont rendus au bord de la faillite, puis qu'il faut qu'ils
aillent chercher un petit 2 $ dans la poche des vieux pour essayer de s'en
sortir, M. le Président. Ce n'est pas tout à fait glorieux de la
part d'un député. Ce n'est pas tout à fait glorieux, M. le
Président. J'aurais aimé, en fait, qu'il apporte d'autres
arguments.
J'aimerais lire un passage d'un editorial du Devoir où M.
Jean Francoeur disait: Le débat a mis en lumière le fait que les
dépenses publiques consacrées au recouvrement de la santé
et à l'adaptation sociale n'ont rien d'exorbitant. Mais c'est tout
à fait contraire à ce que le député de Rousseau a
dit tantôt, M. le Président, mais complètement contraire!
On essaie, depuis le début de ce débat, d'accréditer dans
la pensée du public qu'effectivement on n'était plus capables de
se permettre le système de santé tel que nous le connaissons
à l'heure actuelle. Il est dit, il est affirmé, M. le
Président, que c'est la meilleure façon de contrôler nos
coûts, cette façon de procéder. Quand c'est le libre
marché, quand on laisse ça à l'entreprise privée,
aux professionnels - non pas qu'ils sont des voleurs ou qu'on aimerait dire que
ces gens-là sont plus profiteurs que d'autres, M. le Président -
c'est les lois des marchés qui s'appliquent. À ce
moment-là, les prix augmentent, M. le Président, parce qu'ils ont
à faire face à des dépenses d'ordre plus individuel plus
grosses que quand c'est collectif. Et on l'a vu justement dernièrement
avec les soins dentaires, M. le Président, parce que, lorsqu'on
était à l'intérieur du régime, et même si les
jeunes avaient plus que 10 ans et qu'ils se faisaient suivre par un dentiste,
en fait, pour un
examen au niveau de la prévention, ça coûtait 32 $.
Maintenant, ils viennent de négocier et, dorénavant, les parents
qui assument la santé dentaire de leurs enfants et qui veulent vraiment
s'en aller dans la voie de la prévention devront débourser
maintenant 54 $ ou 56 $, M. le Président. Alors, c'est beaucoup plus
onéreux lorsqu'on laisse les soins de santé dans les mains
d'entrepreneurs privés que lorsqu'on est capable de les contrôler
sur le plan collectif, M. le Président.
Le député de Rousseau essayait de faire
complètement la preuve inverse, la preuve contraire en disant:
Écoutez, c'est épouvantable parce que ça nous coûte
cher, il y a de l'abus partout. Mais les seules personnes qui font de l'abus,
c'est les consommateurs, M. le Président. Il n'a sûrement pas
écouté le ministre de la Santé et des Services sociaux
qui, au début de la réforme, en tout cas, s'est
évertué à éveiller chez les ministériels de
son gouvernement que lui, en fin de compte, il ne s'en ferait pas passer de la
part des professionnels, qu'il les mettrait à l'ordre et que,
finalement, on était pour arrêter d'assommer le consommateur,
d'assommer, en fait, les bénéficiaires, puis que tout le monde
devrait faire sa part, M. le Président.
Moi, j'aimerais bien que le ministre dépose les ententes qu'il a
signées ce matin avec les pharmaciens et les dentistes. Ce serait
intéressant de voir si c'est toujours le même discours qu'on
entend de la part du ministre et quels sont les résultats de ces
ententes. Pourquoi maintenant arriver à ces ententes alors qu'on s'est
précipité, avant même que le discours du budget ne soit
déposé? Déjà, on appliquait la règle des 2 $
au niveau des personnes âgées, M. le Président. On
était pressé, préoccupé à un point tel qu'on
a fait un accroc parlementaire pour aller chercher dans la poche de nos
personnes âgées, nos beaux petits vieux, nos petites vieilles qui
sont vraiment correctes dans notre société, aller leur chercher
un beau 2 $. On s'est dit: Eux autres, ce sont des abuseurs de
médicaments.
C'est vrai qu'on constate qu'il y a un abus au niveau de la consommation
des médicaments, j'en suis, mais est-ce parce que les personnes
âgées considèrent les médicaments comme des bonbons,
M. le Président? Ce n'est pas vrai. C'est que, quelque part, il y a des
gens qui leur prescrivent... C'est que quelque part, à
l'intérieur de nos institutions, on ne fait pas... On n'a pas
suffisamment de personnel pour s'occuper des personnes âgées.
C'est triste quelquefois d'aller dans des centres d'accueil, dans des centres
où il y a des personnes âgées, de voir la façon dont
ces personnes sont traitées. Et c'est sur le dos de ces personnes qu'on
voudrait nous laisser croire qu'il faut aller chercher les 78 000 000 $ qui
vont combler une part du déficit dans le domaine de l'assurance-maladie,
M. le Président? Je ne pense pas. Je crois qu'il aurait fallu cibler les
bonnes personnes aux bons endroits. Ça aurait été beaucoup
plus heureux.
D'ailleurs, cette réforme au niveau des 2 $ chez les personnes
âgées s'est faite complètement dans la totale confusion.
D'ailleurs, les gens ne savent pas comment ce sera appliqué. Ils vont
recevoir... maintenant, ils vont recevoir une carte, tous ceux qui ont 65 ans
et plus, qui ont besoin d'aide. Alors, ils recevront une carte. Ils devront
aller à la pharmacie, payer 2 $ non pas pour l'ensemble de la
prescription, mais sur chaque prescription.
Alors, en moyenne, les personnes âgées consomment
suffisamment de médicaments, différentes formes aussi et
plusieurs prescriptions de médicaments. M. le Président, moi
aussi, je suis comme le ministre là-dessus. Je trouve qu'il faut qu'on
mette un terme à la surconsommation de médicaments chez les
personnes âgées. Je suis tout à fait en accord avec
ça. Je vais toujours le dénoncer parce que c'est incroyable, le
nombre de tranquillisants qu'on fait absorber aux personnes âgées,
à un point tel qu'on vit le syndrome de la porte tournante dans nos
hôpitaux, et ça, ça nous coûte cher, M. le
Président.
Savez-vous ce qui se passe? C'est que la personne âgée,
à un moment donné, consomme tellement de médicaments, que
ce soient des psychotropes ou quelquefois des tranquillisants, qu'elle tombe
à terre, elle se brise une hanche. Ça nous coûte
très cher, ça. Et là, les coûts s'engendrent tout
simplement parce qu'on ne prend pas le temps de les écouter, parce qu'on
ne prend pas le temps de leur donner suffisamment d'attention. Mais ça,
M. le Président, ce n'est pas 2 $ qui vont changer le comportement et
les attitudes. C'est beaucoup plus que ça. C'est une prise de conscience
sociale. Mais j'ai peine à voir et à comprendre que ce
côté-là, cette conscience sociale, ce retour aux valeurs,
au sens des valeurs, ça n'appartient pas... ça ne fait pas partie
du domaine du gouvernement.
On préfère avoir une attitude punitive,
c'est-à-dire que, tout de suite, le bâton... tout de suite il faut
que, les gens, on les assomme, qu'on vienne chercher dans leur poche des
montants d'argent, un petit 2 $ par ci, un petit 2 $ par là. Si vous
cumulez les petits 2 $ qu'on est allé chercher au cours des
dernières années dans la poche des contribuables, vous allez vous
apercevoir qu'au bout de l'année, ça fait un montant substantiel.
Pour les gens à faibles revenus, pour les gens à revenus moyens,
M. le Président, je peux vous dire que ça fait, au bout de la
ligne et au bout de l'année, un trou dans le budget. (23 h 20)
En ce qui concerne les personnes âgées, en ce qui concerne
les personnes âgées au niveau des médicaments,
j'écoutais encore le député de Rousseau qui disait:
«C'est-u» niaiseux de penser, quasiment 2 $, que ça va
empêcher une personne âgée d'aller chercher ses
médicaments! M. le Président, il ne faut pas comprendre
l'attitude
des personnes âgées, il ne faut pas avoir
côtoyé des personnes âgées, parce que les personnes
âgées ont une fierté. Elles n'aiment pas afficher leur
pauvreté, à un point tel qu'elles pourraient se priver de
médicaments, non pas parce qu'elles n'ont pas les 2 $, mais parce que ce
serait comme afficher leur pauvreté. Je ne pense pas que ce soit une
façon de traiter décemment nos personnes âgées. Il y
a d'autres façons, et on aurait pu revenir au même point, avec les
mêmes objectifs qui sont de diminuer la consommation de
médicaments chez les personnes âgées. Je trouve qu'on a
passé complètement, mais complètement à
côté du problème en ce qui concerne, en tout cas,
l'utilisation des médicaments.
L'autre point, M. le Président, oui, les soins optiques. En fait,
on a décidé comme ça, d'une façon arbitraire,
indépendamment des revenus, que, dorénavant, entre 18 et 40 ans,
on devra assumer les frais d'examen au niveau des soins optiques. Encore une
fois, où est la logique de ce gouvernement? Les mesures changent, les
règles changent selon, en fin de compte, la couleur de la chemise que
portent les différents ministres de ce gouvernement.
C'est inconcevable. Il n'y a pas de constance. Dans la même loi,
trois modifications et trois façons d'assumer cette modification: une
dans la pire confusion en ce qui concerne les 2 $ pour les personnes
âgées. Les pharmaciens ne savaient même pas comment ce sera
appliqué. On ne sait même pas de quelle façon, quand ils
vont recevoir leur carte, qui va finalement les rembourser, quand ils seront
remboursés, M. le Président. Tout ce qu'on sait, par exemple,
c'est qu'il y a une personne qui doit payer. C'est la personne
âgée, M. le Président. Ça, c'est clair. On n'a
même pas attendu à minuit, au moment où le budget a
été déposé. On l'a fait par voie de
communiqué, avant que le budget soit déposé. On avait
tellement peur de ne pas avoir nos 2 $ qu'on a pris tous les moyens
nécessaires pour y aller. Donc, un, dans la confusion.
Deuxièmement, au niveau des soins optiques, là, par
exemple, on s'est dit: Oui, entre 18 et 40 ans, là, on fait payer tout
le monde. On ne se préoccupe même pas, en fait, de leur
capacité de payer. Savez-vous où il y a plus de chômage
actuellement? Savez-vous où c'est le plus difficile pour arriver, M. le
Président? C'est pratiquement chez les 18-40 ans. Les baby-boomers, il
n'y en a plus beaucoup, en fait, entre 18 et 40 ans, des gens qui ont
suffisamment d'argent pour se payer pas mal tout ce qu'ils veulent, M. le
Président. Allez donc voir notre jeunesse à l'heure actuelle. Ils
sont laissés sur le carreau. Il y a un taux de chômage
épouvantable chez les jeunes. Ils sont vis-à-vis de rien. On
augmente leurs frais de scolarité et, maintenant, on leur dit: Bien non,
vous autres, vous n'avez plus de problèmes parce que votre vue est assez
stable. Indépendamment de l'âge, tout le monde va payer, tout le
monde dans la même galère, tout le monde dans le même
bateau.
C'est assez particulier. Pourtant, au niveau des médicaments, on
aurait pu faire la même chose. Pourquoi ne l'a-t-on pas fait? Au niveau
des soins dentaires, on n'a pas fait de distinction à ce
niveau-là. Moi, j'ai de la misère à suivre le
raisonnement. Il y en a un que c'est en fonction de l'âge, il y en a
d'autres que c'est en fonction des revenus et, à un moment donné,
là, c'est selon le nombre de prescriptions, parce que vous avez 65 ans
et plus. C'est difficile à suivre, ce gouvernement-là. On a
vraiment de la difficulté. On a surtout de la difficulté à
faire ressortir le dénominateur commun.
Quels sont, en fait, les objectifs visés par ce gouvernement, la
ligne directrice pour atteindre ces objectifs? Oui, le député de
Rousseau l'a bien dit. C'est une question de colonne, mais la seule place
où on trouve la colonne dans ce gouvernement, c'est quand on parle de
chiffres comptables. On essaie d'en voir chez le premier ministre, de la
colonne, et je peux vous dire qu'il n'en a pas beaucoup, de la colonne, M. le
Président. C'est malheureux que le seul objectif soit: On a un
déficit. Le ministre du Travail: On a déficit à la CSST,
800 000 000 $ de déficit. Le problème, on l'a trouvé chez
le travailleur. Il fait trop d'abus. Ça fait que, dorénavant,
lui, par exemple, au niveau des soins, quand il aura des problèmes de
santé, de maladie ou d'accident du travail, il devra faire la preuve de
sa maladie, il devra faire la preuve de son incapacité physique ou
autre, M. le Président.
C'est assez particulier de la part d'un gouvernement de toujours frapper
sur la tête des mêmes personnes, de toujours frapper sur la
tête des contribuables, M. le Président. C'est particulier. Nous
avons été élus pour défendre les
intérêts, justement, de nos électeurs et de nos
électrices, pas pour les étrangler, M. le Président, pas
pour aller leur siphonner tout ce qu'ils peuvent avoir dans leurs poches, M. le
Président. Chez certains, ils n'ont même plus d'argent de poche,
M. le Président. Il ne leur reste plus rien, M. le Président. On
viendra nous dire, encore une fois, que ce gouvernement fait des choix
éclairés, des choix pour favoriser le contribuable. Mais, M. le
Président, c'est risible, une telle attitude.
Les changements au régime d'assurance-maladie, en ce qui concerne
les soins dentaires, de 10 à 16 ans maintenant, M. le Président.
On peut bien en parler. C'est sûr... C'est sûr qu'entre 10 ans et
16 ans, chez certaines familles, elles sont capables de s'occuper, en fait, de
la prévention parce qu'elles ont suffisamment... elles ont un peu plus
d'argent que d'autres. Oui, en fait, on a développé cette
préoccupation d'hygiène dentaire chez les familles et chez nos
enfants, M. le Président, mais il y a tous les autres: les gens à
revenus moyens, très, très faibles, ou les familles à
revenus, je veux dire, à revenu décent pour une famille, avec
toute la
pléthore de taxes qu'on se voit imposer... Parce que ce sont
toutes des taxes indirectes. Jamais le ministre des Finances ne dira qu'on a
augmenté le pouvoir de taxation, M. le Président. Le gouvernement
ne fait que des taxes indirectes. Le gouvernement n'arrête pas. Quels que
soient les changements, en fait, qu'il apporte au niveau des différentes
lois qui nous ont été proposées au cours de cette fin de
session, M. le Président, il n'y a qu'un seul coupable, il n'y a qu'un
seul payeur; c'est toujours le même, M. le Président, c'est le
contribuable. Merci, M. le Président. (23 h 30)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée de Marie-Victorin. Sur le même sujet, à
savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 9, Loi
modifiant la Loi sur l'assurance-maladie, je cède la parole à Mme
la députée de Saint-Henri. Vous avez droit à 20 minutes,
Mme la députée.
Mme Nicole Loiselle
Mme Loiselle: Merci beaucoup. Merci, M. le Président. S'il
est un dossier dans lequel le gouvernement fait preuve de transparence et
d'étude complète dans le cadre de la mise en place par le
gouvernement libéral de la réforme de la santé, c'est bien
celui de la santé. Le projet de loi 9 sous-tend des principes
fondamentaux qui font partie de la politique libérale en matière
de santé et de services sociaux. Tout d'abord, à l'égard
du projet de loi lui-même, soulignons qu'il prévoit que les
coûts des services optométriques ne seront assumés par la
Régie de l'assurance-maladie du Québec que pour le compte de
certains bénéficiaires. De plus, en vertu de ce même projet
de loi, il précise le pouvoir du gouvernement de déterminer par
règlement quels sont les services dentaires à assurer. Une autre
mesure consiste en l'obligation, pour certains bénéficiaires, de
payer une contribution en matière de services pharmaceutiques, et
prévoit les conditions et modalités relatives à la
fixation de cette contribution, à son paiement et, le cas
échéant, à son remboursement par la Régie. Ce
projet de loi, à lui seul, répond de façon conforme aux
grands principes qui sous-tendent la réforme de la santé et des
services sociaux.
Le gouvernement, M. le Président, ne s'en est pas caché,
il existe bien une problématique du financement des dépenses
publiques de santé et de services sociaux dans un contexte financier
québécois qui n'est plus le même par rapport à celui
des années d'il y a environ 25 ou 30 ans. Le ministre d'alors parlait de
problématique structurelle de l'économie et des finances
publiques par rapport aux dépenses effectuées au chapitre des
services sociaux et de santé au Québec, le problème
étant d'autant plus sérieux qu'il touchait à la fois les
dépenses et leur financement, et qu'en plus il se caractérisait
par une ampleur grandissante.
Pourtant, M. le Président, le rôle de l'État
québécois est toujours assumé de la même
façon que lors de la création du programme universel de
l'assurance-maladie, sauf que les modalités ont dû être
modifiées au fil des ans. Le contexte économique, je le
répète, n'est plus le même que celui d'1 y a 25 ou 30 ans,
où on vivait dans un contexte de prospérité qui ne
semblait pas avoir de limite. Que l'on souligne simplement que depuis le
début des années quatre-vingt au moins deux crises
économiques ont secoué la structure même de nos finances
publiques québécoises. Le Québec est bel et bien à
l'heure des choix dans le contexte de financement de système de
santé et de services sociaux.
C'est également, M. le Président, dans cette perspective
que le ministre de la Santé a évoqué qu'il existait un
écart entre le rythme à moyen terme de croissance des
dépenses sociosanitaires et ta capacité du gouvernement du
Québec de supporter ces augmentations. Cet exemple peut s'appliquer
à peu près à n'importe quel service en matière de
santé et de services sociaux. D'un autre côté, le
gouvernement tient à garder intacte la qualité des services
offerts dans le réseau des services de santé et des services
sociaux. En somme, M. le Président, je le répète, assurer
l'accessibilité aux services pour tous les citoyens du Québec et
l'universalité, en tenant compte d'une équité de chance
entre les personnes malades et bien portantes, voilà ce qui constitue
les paramètres de la politique libérale en matière de
santé.
De plus, le projet de loi 9 est bien conforme aux lignes du dernier
discours sur le budget pour l'année 1992-1993. Le ministre
québécois des Finances parlait alors de réduction des
coûts de santé de 135 000 000 $. L'approche retenue, si on se
réfère au budget, a été de maintenir la couverture
des services essentiels à la santé, et ce, à
l'intérieur des limites permises par la loi canadienne sur la
santé, d'augmenter la productivité des établissements et
de demander une contribution pour certains services complémentaires.
C'est précisément sur ce dernier principe que porte
aujourd'hui le projet de loi 9. M. le Président, je vous rappelle que le
gouvernement libéral a décidé également d'appliquer
une justice en matière de santé et de services sociaux. Par
exemple, le ministre a déjà établi que les 80 000
bénéficiaires du programme de supplément de revenu garanti
seront officiellement exemptés du versement de 2 $ exigé pour
l'exécution d'une ordonnance ou d'un renouvellement de prescription.
Cette déclaration, le ministre l'a faite en Chambre le 19 mai dernier en
précisant que, dès que le gouvernement fédéral lui
aurait fait parvenir la liste de ces bénéficiaires, une lettre
leur sera envoyée, ce qui leur permettra de ne pas débourser les
2 $.
Comme le disait le ministre de la Santé et
des Services sociaux en Chambre tout récemment, permettez-moi de
le citer, M. Côté disait: «Je déplore que certains
alarmistes aient pu tenter de faire peur aux personnes âgées
lorsque cette question est venue à l'actualité, parce que,
dès le départ, le plan de financement des programmes
complémentaires de santé visait à protéger les plus
démunis de notre société.»
Des voix: Bravo!
Mme Loiselle: Un des effets du projet de loi 9 contribuera
certainement à ce que le gouvernement puisse récupérer une
certaine somme d'argent sur les budgets actuellement dévolus aux
ordonnances de certaines clientèles. Mais comme je le disais tout
à l'heure, M. le Président, c'est un contexte économique,
financier difficile qui confronte le Québec et qui nous oblige à
certains gestes au nom de la rigueur et de la saine gestion des fonds
publics.
M. le Président, on peut avoir plusieurs attitudes devant les
décisions d'un gouvernement qui décide d'assumer un leadership en
matière de finances publiques. La première consiste à
faire comme l'Opposition officielle et s'élever contre toute mesure qui
vise à faire économiser une part des budgets consacrés
à la santé et aux services sociaux par le gouvernement du
Québec. La seconde attitude, c'est de voir, dans les gestes posés
par ce même gouvernement, comme celui du projet de loi 9, un effort
réel de rationalisation pour éviter le désastre. Les
sommes en cause prennent une proportion moindre lorsqu'on regarde l'ensemble
des budgets alloués aux affaires sociales.
M. le Président, il faut être lucide et s'apercevoir qu'au
cours des dernières années il y a eu escalade astronomique des
coûts de santé, et que l'État québécois doit
continuer à assumer un rôle majeur dans ce domaine. Si le
gouvernement ne posait aucun geste pour rationaliser l'ensemble des
dépenses publiques, il laisserait en héritage à nos
enfants et à nos petits-enfants des déficits insurmontables, ce
qui aurait pour effet de compromettre leur qualité de vie et leur
avenir. C'est un peu cet état d'esprit qui a guidé le
gouvernement dans l'élaboration du projet de loi 9, modifiant la Loi sur
l'assurance-maladie.
Il ne s'agit aucunement de remettre en cause les grands principes des
programmes de santé et de services sociaux au Québec. Il s'agit
simplement de s'ajuster à la réalité et de faire en sorte
que la qualité des services offerts à la population ne soit
amoindrie d'aucune façon et que les finances publiques
québécoises ne soient pas déstabilisées à un
point tel que nous en perdrions le contrôle. C'est dans ce cadre
financier et budgétaire que le gouvernement a décidé
d'aller de l'avant avec le projet de loi 9. Nous le faisons, M. le
Président, pour nos enfants et dans un contexte d'améliorer la
qualité de vie des citoyennes et des citoyens du
Québec. Merci beaucoup. Des voix: Bravo!
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, mme la
députée de saint-henri. je suis prêt à
reconnaître le prochain intervenant, m. le député de
joliette et leader de l'opposition officielle.
M. Chevrette: Oui, M. le Président. Je propose
l'ajournement du débat. Je voudrais également faire part à
la Chambre, avec la collaboration du ministre des Communications, de l'entente
qui est intervenue à l'effet que, compte tenu de l'heure, nous
terminions cette phase d'adoption des principes après la période
de questions, demain, avec un intervenant de chaque côté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, est-ce que la
motion d'ajournement du débat, dans un premier temps, est
adoptée?
Des voix: Adopté.
M. Cannon: Elle est adoptée, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que vous souhaitez
en faire un ordre de la Chambre?
M. Cannon: Oui.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous êtes d'accord
avec l'information fournie par M. le leader?
M. Cannon: Effectivement, M. le Président, une
intervention d'un député de l'Opposition officielle, suivie de
l'intervention d'un député du côté
ministériel et, ensuite, nous procéderions au vote sur le
principe du projet de loi 9. Alors, si vous voulez en faire un ordre de la
Chambre, s'il vous plaît.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Vous souhaitez qu'on en
fasse un ordre de la Chambre? C'est chose faite. Alors, est-ce qu'il y a
d'autres...
M. Cannon: M. le Président, je...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): ...travaux à
appeler? M. le ministre des Communications.
M. Cannon: Je fais donc motion, M. le Président, pour que
soient ajournés les travaux de la Chambre au vendredi 12 juin, à
10 heures.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, les travaux de
l'Assemblée sont ajournés à vendredi matin, 10 heures.
(Fin de la séance à 23 h 37)