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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le vendredi 4 septembre 1992 - Séance extraordinaire

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Dix heures huit minutes)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Si vous voulez vous asseoir, mesdames et messieurs les députés, s'il vous plaît.

Affaires du jour

Nous reprenons les travaux de l'Assemblée, ce vendredi 4 septembre, à l'étape des affaires du jour. À l'article 1 de notre feuilleton, l'Assemblée reprend le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je suis prêt à reconnaître le premier intervenant, à savoir M. le ministre des Affaires municipales. M. le ministre, vous avez droit à une intervention de 20 minutes.

Projet de loi 44

Reprise du débat sur l'adoption du principe M. Claude Ryan

M. Ryan: M. le Président, l'adoption par l'Assemblée nationale de la loi 150 prévoyant la tenue d'un référendum au plus tard le 26 octobre 1992 remonte déjà à plus d'un an. Mais il s'est produit, depuis ce temps, des événements très importants qui nous obligent à revoir non pas l'objectif même d'une consultation populaire sur l'avenir politique du Québec, mais le sujet précis sur lequel doit porter cette consultation.

Selon la loi 150, le référendum devait en effet porter sur la souveraineté du Québec, mais en vertu du projet de loi 44 que nous débattons présentement, la consultation populaire porterait plutôt sur l'entente constitutionnelle survenue en août 1992 entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral en vue du renouvellement du fédéralisme canadien. Certains soutiendront que ce changement trahit l'intention exprimée il y a un an par la commission Bélan-ger-Campeau et l'Assemblée nationale. Je soutiens, au contraire, que cette modification, tout en étant fidèle aux orientations sans cesse reprises par le gouvernement jusqu'à ce jour, fournira également à la population du Québec l'occasion de se prononcer directement sur les fruits des négociations intensives qui se sont poursuivies au cours des dernières semaines sur la modification de notre système fédéral.

Pour mesurer la portée du projet de loi 44, il faut d'abord évoquer brièvement le contexte dans lequel fut adoptée la loi 150. À cette époque, le Québec demeurait profondément blessé à la suite du rejet de l'accord du lac Meech. Les perspectives de renouvellement du fédéralisme canadien apparaissaient plutôt minces. On parlait volontiers d'options plus radicales. Il devenait de plus en plus courant, dans les milieux qui suivent ces questions de près, de penser que les choix du Québec devraient dorénavant se résumer à deux choix majeurs: soit le renouvellement du fédéralisme canadien, soit la souveraineté, c'est-à-dire l'indépendance politique. Le rapport de la commission Bélanger-Campeau le disait clairement, et le premier ministre du Québec, dans l'addendum qu'il avait inséré au rapport, indiquait clairement que nous devions rechercher avec loyauté les perspectives d'avenir suivant ces deux voies majeures.

Nous savons tous qu'au cours des derniers mois le chef du gouvernement n'a cessé de rappeler que le premier choix de son gouvernement favorisait nettement la recherche d'un avenir plus intéressant et plus solide pour le Québec à l'intérieur d'un système fédéral canadien renouvelé qu'à l'extérieur, c'est-à-dire dans la voie d'une aventure dont personne n'est en mesure de définir toutes les implications éventuelles.

Le premier ministre l'a rappelé à maintes reprises. Combien de fois nous l'avons entendu dans cette Chambre et sur toutes sortes de tribunes? Il a rappelé que c'était la première option de son gouvernement. Que, dans ce contexte, le gouvernement se soit employé, au cours des derniers mois, à multiplier les contacts et les échanges avec les autres gouvernements canadiens et avec les différents milieux qui forment la société québécoise et la société canadienne, afin d'explorer les perspectives d'amélioration du système politique canadien, je pense qu'il faudrait être absolument coupé de la réalité pour lui en tenir le moindre grief. En agissant ainsi, le gouvernement du Québec a exercé la responsabilité qui lui incombait et accompli le mandat qu'il avait obtenu de la population en 1989.

Il est vrai que, dans la loi 150, l'objectif était de tenir un référendum sur la souveraineté, c'est-à-dire sur l'indépendance politique complète du Québec, mais il a toujours été clair dans mon esprit et, je pense bien, dans l'esprit de mes collègues de l'Assemblée nationale, que la loi 150 avait été conçue de cette manière afin d'indiquer sans ambiguïté une date limite au-delà de laquelle, en l'absence de perspectives satisfaisantes dans le cadre de l'option fédéraliste, il faudrait être prêt à inviter la population à se prononcer sur l'option plus radicale de l'indépendance politique. (10 h 10)

C'est ça qui était le vrai sens de la loi 150. Si, au 26 octobre 1992, il n'y avait rien d'autre à envisager, nous étions liés par la loi 150 à un engagement de consulter la population sur la souveraineté du Québec, mais il était clair, pour

qui lisait la loi attentivement et tous les attendus qui l'accompagnent, que, dans l'hypothèse où les perspectives positives de renouvellement du fédéralisme canadien seraient réalisées avant le 26 octobre 1992, il faudrait bien que la population en soit saisie.

Or, c'est ce qui est arrivé. Fidèle à l'orientation profonde du parti qu'il représente dans cette Chambre, le gouvernement s'est appliqué, au cours des derniers mois, à explorer sincèrement et loyalement toutes les avenues possibles de renouvellement du fédéralisme canadien. Tout en s'abstenant, jusqu'à ces derniers temps, de participer à des négociations formelles avec les autres gouvernements, il n'a cessé de maintenir des contacts avec eux, de discuter, d'échanger, de brosser des perspectives de solution possibles. Il s'est montré disposé à échanger en tout temps avec tout interlocuteur sincère et capable d'agir. À mesure que le temps s'écoulait et que l'on se rapprochait de l'échéance définie par la loi 150, on a vu les échanges se faire plus directs, plus concrets, plus constructs aussi et, je dirais, plus vrais et plus réels.

Je suis très heureux que, dans le reste du pays, on ait constaté que cette échéance fixée par le Québec n'était pas une échéance fictive ou artificielle, mais qu'elle signifiait quelque chose. Ce n'est qu'après s'être assuré qu'il y aurait vraiment des propositions concrètes à examiner que le premier ministre décidait, il y a quelques semaines, de revenir à la table de négociation avec les autres chefs de gouvernement du Canada. En acceptant de revenir à la table de négociation, le premier ministre faisait un geste très important. D'une part, il prenait un risque considérable. Il risquait de se retrouver, comme c'est arrivé souvent dans le passé à d'autres chefs du gouvernement du Québec, en face d'interlocuteurs incapables de comprendre les objectifs et les aspirations du Québec. À ce moment-là, il aurait été obligé de revenir les mains vides. Mais il faisait aussi, et je lui en sais gré, un acte de confiance dont doivent être capables, dans les situations décisives, les chefs politiques éclairés et généreux.

La politique est très souvent un lieu où l'on assiste à des calculs sordides, des calculs où chacun essaie de s'enrichir aux dépens de l'autre, souvent au détriment du bien général. Mais la politique peut aussi être, lorsque les chefs politiques le veulent, un lieu où l'on procède à des échanges sincères et loyaux en vue de la recherche d'un bien supérieur. C'est dans cet esprit que M. Bourrassa est allé à la rencontre des autres chefs de gouvernement du Canada. C'est dans cet esprit, nous a-t-il rapporté, qu'il a été accueilli par ses collègues des autres provinces et du gouvernement fédéral. C'est également dans cet esprit de dialogue et de recherche du bien supérieur de tout le Canada qu'il a négocié avec ses collègues une nouvelle entente entraînant le renouvellement substantiel du fédéralisme canadien sur un grand nombre de sujets.

Les pourparlers entre les chefs de gouvernement n'ont certes pas réglé tous les problèmes. Personne n'a cette prétention. Ils ont cependant produit des améliorations nettes et substantielles dont nous devons prendre acte dans cette Chambre. Je les résumerai brièvement, les gains que nous accomplissons. J'aurai l'occasion, dans d'autres circonstances, d'élaborer davantage sur des points qui relèvent davantage de ma compétence immédiate, des gains que nous faisons dans le secteur de l'habitation, par exemple. Nous aurons l'occasion d'en parler.

Je voudrais évoquer brièvement les gains majeurs que nous faisons à la lumière d'un résumé que donnait, il y a quelque temps, le président du Regroupement Économie et Constitution, M. Claude Beauchamp. Alors, parmi les gains qui découlent de l'entente constitutionnelle d'août 1992, relevons les suivants. D'abord, la reconnaissance claire et nette de la société distincte du Québec dans une clause qui servira à interpréter la Constitution. Deuxièmement... Oui, puis nous vous le prouverons en temps et lieu. Deuxièmement, un droit de veto, un droit de veto sur tous les transferts de pouvoirs provinciaux qui pourraient se faire en faveur du Parlement fédéral, avec droit de retrait pour le Québec, compensation financière assurée. Ça, c'est un point qui était dans l'accord du lac Meech, qui est confirmé dans l'entente constitutionnelle du mois d'août.

Troisièmement, un droit de veto sur la formule d'amendement à la Constitution. On ne pourra plus à l'avenir modifier la Constitution du Canada sans que le Québec ait donné son consentement. Il n'y aura plus de possibilité de répétition de ce qui s'est produit en 1982. Un droit de veto sur les changements aux institutions nationales que sont la Chambre des communes, le Sénat et la Cour suprême; un veto des sénateurs francophones sur les législations fédérales en matière linguistique et culturelle; un minimum assuré à perpétuité de 25 % des sièges à la Chambre des communes, peu importe l'évolution démographique qui se produira. En matière de pouvoirs, des ouvertures importantes sur plusieurs secteurs. On peut minimiser, de l'autre côté de la Chambre, les ouvertures dans le domaine de la formation et du placement de la main-d'oeuvre, mais je pense qu'on ouvre, de ce côté-ci, des perspectives extrêmement importantes pour l'avenir.

La constitutionnalisation éventuelle de l'accord sur l'immigration est également un pas significatif. Et je mentionne encore une fois qu'en matière de logement, le gouvernement fédéral contracte chaque année, seulement dans le secteur du logement social, des engagements de plus de 500 000 000 $ qui permettent de donner à des foyers, vivant dans des conditions économiques difficiles, une habitation convenable.

Bien, si l'accord se réalise, est confirmé par la population, cette responsabilité et les sommes qui l'accompagnent devront être dévolues au Québec. Nous aurons le droit de le réclamer, et le gouvernement fédéral devra tenir compte de la volonté exprimée par le gouvernement du Québec.

Il y a bien d'autres éléments de l'entente qui seront soulignés par d'autres intervenants dans ce débat, mais la question qui se pose à nous, aujourd'hui, M. le Président, est la suivante: Devant des résultats comme ceux-là, est-ce qu'il serait sérieux et logique de procéder directement à un référendum sur la souveraineté, alors que l'option préférentielle du gouvernement, qui représente la majorité de la population dans cette Chambre, en vertu d'un mandat légitime, est le renouvellement du fédéralisme canadien? Je pense bien que nous avons le devoir, le devoir strict de soumettre au jugement de la population l'entente qui a été conclue par les chefs de gouvernement. Si nous allions faire un référendum sur la souveraineté, qu'adviendrait-il de cette entente? Ça aurait été un exercice vain, un exercice futile. Je pense qu'il suffit de poser la question pour se rendre compte que non seulement nous avons le droit, mais nous avons le devoir de procéder à une modification de la loi 150 de manière que la population du Québec puisse être consultée sur les résultats des négociations qui ont eu lieu au cours des derniers mois. Et ces résultats ouvrent la porte à des développements nouveaux. Ils ne règlent pas tous les problèmes, comme je l'ai dit, mais ils nous donnent des garanties de fond dont nous avions besoin pour continuer de fonctionner à l'intérieur du système fédéral canadien. Ils nous ouvrent des possibilités de développement.

Et je mentionnerai seulement un exemple, M. le Président. Là, nous avons obtenu que le droit de veto que nous avions perdu, en grande partie à cause de l'imprudence extraordinaire dont fit montre le gouvernement du Parti québécois, en avril 1981, alors qu'il reconnaissait le principe de l'égalité des provinces, il l'a reconnu sous sa propre signature et, deuxièmement, sans mettre aucune nuance, sans consulter la Chambre. Je me souviens très bien, nous avons été saisis de ça par les journaux. Le premier ministre du temps, M. Lévesque, était allé signer ça un soir à Ottawa, sans en parler à personne. Là, nous l'avons restauré, le droit de veto. Il revient intégralement, mais nous aurons en plus, pour plusieurs modifications à l'avenir, la règle du 7-50, qu'on appelle.

Cette règle du 7-50, ça veut dire ceci: c'est que sur un grand nombre de sujets, il ne faudra pas l'unanimité de toutes les provinces pour procéder à une modification, il suffira de l'accord de sept provinces, représentant plus de 50 % de la population. Mais si une décision était prise en vertu de cette règle, transférant, par exemple, disons, la compétence en matière d'enseignement universitaire au gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec pourrait se retirer de cet amendement-là et dire: Nous conservons notre compétence, et exiger la part des dépenses qu'encourrait le gouvernement fédéral qui devrait être transférée au gouvernement du Québec.

Alors, en vertu de cette entente-là, nous avons un contrôle sur toute modification éventuelle à l'équilibre constitutionnel canadien. Deuxièmement, nous disposons d'une règle plus souple pour les cas où le reste du pays voudrait se donner certaines modifications qui répondraient à ses besoins. Je comprends, quand on a une province comme l'île-du-Prince-Édouard, par exemple, ou Terre-Neuve, qu'elles n'ont pas la population, elles n'ont pas non plus les ressources pour se doter de tous les services dont peuvent se doter des provinces comme l'Ontario et le Québec. Et moi, je comprends qu'elles soient enclines à recourir au gouvernement fédéral pour un certain nombre de choses. Mais en retour, quand elles devront le faire et que le gouvernement fédéral pourra se sentir justifié d'intervenir, nous autres, nous pourrons dire: Merci, non merci, nous sommes capables de faire la tâche nous-mêmes et nous la ferons. (10 h 20)

Si l'Opposition est capable de démontrer que ces affirmations que nous faisons sont fausses, nous écouterons volontiers sa démonstration. Mais si elle est incapable de le faire, elle devra reconnaître, à son corps défendant, que nous avons enregistré des progrès considérables à l'aide de cette entente du mois d'août. Je suis confiant que lorsque l'entente sera soumise au jugement de la population du Québec, celle-ci saura reconnaître que sans fermer les voies de l'avenir, sans fermer la porte à de nouvelles améliorations éventuelles dont nul ne peut prévoir, pour l'instant, la nature et la portée, l'entente nous donne les garanties de fond dont nous estimions avec raison avoir besoin pour continuer de fonctionner avec confiance, sérénité et dans un esprit construct à l'intérieur du système fédéral canadien. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le ministre. sur le même sujet, à savoir la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 44, loi modifiant la loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du québec, je cède la parole à m. le député de shefford. vous avez droit à 20 minutes, m. le député.

M. Roger Paré

M. Paré: Oui. Merci, M. le Président. Je vais parler vite parce qu'il y a tellement de choses à dire là-dessus. Premièrement, ce qu'il faut dire, c'est que le projet de loi 44, contrairement à ce qu'on laisse entendre, ce n'est pas un petit changement, mais c'est un change-

ment fondamental, majeur. Comme on dit en termes populaires: Ça vire bout pour bout! Parce que là, ce n'est plus un référendum sur la souveraineté, c'est tout à fait l'inverse, c'est un référendum sur du fédéralisme renouvelé mais plus centralisateur qu'on n'a jamais connu. Et ça, on y reviendra lorsqu'on étudiera la question et les textes qui ont été déposés. Mais pour ce matin, la loi 44, ce que ça dit - et c'est là-dessus qu'il faut discuter - maintenant, on va s'entendre sur un référendum où la proposition va être un nouveau fédéralisme centralisateur par rapport à la souveraineté qui avait été proposée dans la loi 150.

Pour bien comprendre ce qui se passe, M. le Président, il faut reculer en 1980 et arriver à aujourd'hui. Rappelons-nous, en 1980, les Québécois ont dit: non. Les gens d'en face, qui nous disent aujourd'hui que c'est une bonne entente et tout ça, n'oubliez pas, c'est les mêmes personnes qui nous disaient qu'un non veut dire un oui. Un non veut dire un oui, imaginez-vous! Rire du monde, c'est ça. Comment un non peut vouloir dire un oui alors que c'est tout à fait l'opposé, que c'est tout à fait contradictoire? Donc, on nous a fait accroire n'importe quoi, comme on tente de nous en faire accroire encore aujourd'hui.

Donc, on nous a dit: Un non veut dire un oui. Votez pour un non et vous allez voir, il va y avoir modification à l'avantage des Québécois. Qu'est-ce qui s'est passé? Avançons toujours dans le temps. On arrive au rapatriement unilatéral de la Constitution par le gouvernement d'Ottawa. Ottawa a décidé de nous imposer une nouvelle Constitution faite en catimini. Vous vous rappellerez «la nuit des longs couteaux», où le Canada anglais s'est rallié contre le Québec. Et on nous impose une nouvelle Constitution tellement inacceptable, M. le Président, que les deux premiers ministres actuels, M. Bourassa et M. Mulroney, ont dit: II faut refaire les devoirs parce que c'est inacceptable. Ils disaient même: II faut réparer l'affront fait au Québec. Ça, c'est M. Bourassa et M. Mulroney qui disent ça: II faut réparer l'affront qui a été fait au Québec en 1982 d'une façon unilatérale, alors que le gouvernement de ce temps n'a jamais accepté, parce qu'on n'a jamais signé cette Constitution. Donc, rapatriement unilatéral fait d'une façon inacceptable. Et pourtant, lorsqu'à Ottawa on a fêté, on a signé cette Constitution inacceptable, il y avait de ces ministres actuels, de l'autre côté, qui sont allés applaudir, qui étaient présents parce qu'ils étaient contents de ça, même si le chef actuel a dit que c'était un affront au Québec. Ensuite, il y a eu des négociations par l'ancien gouvernement du Parti québécois et par le gouvernement libéral actuel, négociations qui n'aboutissaient pas parce que c'est impossible de s'entendre: il y a deux peuples dans ce pays, ça prend deux pays.

Mais ça n'a pas abouti. Est arrivée l'en- tente du lac Meech en 1987. L'entente du lac Meech, encore une fois, c'est bon de le dire et de se le rappeler, l'entente du lac Meech, c'était le minimum des minimums. Jamais le Québec n'avait demandé si peu. Qui a dit ça? Encore une fois, les premiers ministres actuels. Vous vous rappellerez de ça. Meech, c'était le minimum des minimums. En bas de ça, c'est un recul, c'est inacceptable. Et, pour moi, c'était déjà un recul, Meech; ce n'était pas suffisant pour pouvoir se développer dans tous les secteurs, social, économique et culturel.

Mais il y a eu l'entente. Première erreur stratégique et de négociation du gouvernement libéral. En toute vapeur, on est réunis ici, à l'Assemblée nationale, pour voter l'entente du lac Meech en juin 1987. C'était urgent. Il fallait qu'on soit les premiers. Puis, ensuite de ça, bien, on a attendu les autres. Erreur stratégique. C'est tellement une erreur stratégique que le ministre Rémillard, le ministre de la Justice actuel, a dit: On ne se refera pas prendre une deuxième fois. Cette fois-ci, on sera les derniers à signer l'entente, parce qu'on s'est trompés la dernière fois.

Puis on l'avait dit: Ne faites pas de coup vite, vous allez vous attacher comme une saucisse, puis vous allez être dépendants des autres provinces; ne faites pas cette erreur. On l'a faite. Très mauvais négociateurs. Ça a commencé avec Meech, l'entente du lac Meech.

Nous, il fallait, en toute vitesse, à toute vapeur, ratifier à l'Assemblée nationale l'entente du lac Meech. On l'a fait puis, ensuite de ça, bien, on a laissé les autres décider pour nous, et ça a fait ce que ça a fait: finalement, l'échec du lac Meech, rejeté par des gouvernements, le Manitoba et Terre-Neuve. Mais, selon les sondages, c'était rejeté très majoritairement par l'ensemble des Canadiens, de toute façon, des autres provinces.

Qu'est-ce qui est arrivé suite à l'entente du lac Meech? Vous vous rappellerez - et c'est bon de le dire, il faut que les Québécois s'en rappellent - une déclaration du premier ministre du 23 juin 1990. Il faut s'en rappeler. Il disait: En outre, c'est la position de mon gouvernement de négocier dorénavant à 2 et non à 11 avec le gouvernement canadien. On pouvait dire: Bien, c'était le lendemain de l'échec de Meech, il s'est défoulé. Sauf que, le 6 novembre 1990, il devait être revenu sur ses deux pattes. Bien, là, il a déclaré, à l'ouverture des travaux de la commission Bélanger-Campeau: «Pour moi, l'échec de l'accord du lac Meech avait pour effet de discréditer le processus de révision constitutionnelle existant au Canada. On ne peut plus faire confiance, désormais, aux mécanismes de négociation et de révision constitutionnelle à 11 gouvernements.»

C'est notre premier ministre qui a dit ça, puis il n'était pas forcé de le dire. C'est discréditer, cette façon d'aller négocier de 1 à 11,

on est toujours perdants. Il nous disait ça.

Mais, suite à ça, on a mis sur pied la commission Bélanger-Campeau où on a entendu des centaines et des centaines de Québécois, des spécialistes venir nous dire que le système actuel n'était pas viable. C'est le système actuel qui n'est pas viable, parce que n'oubliez pas que la crise économique qu'on vit, les 13 % de chômeurs qu'on a, l'économie qui tombe, ce n'est pas dans un système souverain, c'est dans le système fédéraliste actuel. Donc, c'est la réalité qu'on est en train de vivre.

Les gens nous ont dit: Tant qu'il y aura dédoublement, chevauchement de compétences, jamais on ne pourra se donner, ni au Québec ni à Ottawa, des programmes pour relancer l'économie. C'est ce que les économistes sont venus nous dire. À tout le moins, si vous refaites une Constitution fédéraliste, il ne faut plus qu'il y ait de dédoublement, il ne faut plus qu'il y ait de chevauchement, sinon c'est l'inefficacité et le gaspillage. Ce qu'on nous propose, c'est pire que ça n'a jamais été, on va être en négociations perpétuelles par des ententes administratives renouvelables à tous les cinq ans. (10 h 30)

Donc, il y a eu la commission Bélanger-Campeau. Ensuite, la loi 150. La loi 150 qu'on modifie ce matin, elle était claire: au plus tard le 26 octobre 1992, un référendum sur la souveraineté du Québec. Ensuite, le rapport Allaire, encore une fois où le premier ministre actuel a son mot à dire - c'est son parti - le rapport Allaire qui est arrivé exactement dans la même ligne que la commission Bélanger-Campeau: il faut qu'il y ait au moins 22 secteurs qui soient exclusifs au Québec. Mais exclusifs! Pas comme on nous propose dans l'entente: exclusifs, non exclusifs! On «va-t-u» arrêter de rire des gens si on veut être un peu crédible? Un oui veut dire un non, exclusif veut dire non exclusif, ça veut dire le partage. Voyons donc! Arrêtez de croire Robert, puis regardez dans le «Petit Robert», vous allez peut-être comprendre la signification des mots, il est temps. Donc, le rapport Allaire.

Ensuite, qu'est-ce qui est arrivé? Bien, là, il est arrivé les offres fédérales de septembre 1991. Levée de boucliers au Québec, inacceptable, c'est une camisole de force pour le Québec. Est arrivé le rapport de la commission Beaudoin-Dobbie. Levée de boucliers générale encore une fois, de tous les milieux, inacceptable, une camisole de force pour le Québec!

Arrive l'entente du 7 juillet dernier, encore une fois. Sauf que, là, on approche de la date fatidique. Il y en a qui commencent à amollir, mais toujours les mêmes. Même le premier ministre lui-même a dit que cette entente, dans sa formulation telle qu'elle était, elle est inacceptable. Et là, il y a eu des discours de M. Bourassa qui a dit que jamais il n'acceptera un Sénat égal pour le Québec, c'est un recul trop dangereux, c'est la fin de la reconnaissance de deux peuples fondateurs. Jamais un Sénat égal, M. Bourassa nous l'avait dit, il nous l'avait promis. Jamais il n'accepterait une société distincte qui serait contrainte par la promotion et le développement de ses minorités parce que, si on fait ça, c'est au détriment de la majorité.

Donc, il y en a d'autres qui avaient fait des engagements aussi, l'autre qui l'accompagnait à la table de négociation, le ministre de la Justice et des Affaires intergouvernementales canadiennes, qui nous disait que jamais le Québec n'accepterait, dans une nouvelle constitution, que ça se fasse seulement par entente administrative renégociable, c'est le chaos économique.

On s'est dit: Bien, il n'y pas de danger. Avec tout ce qu'ils ont dit et tout ce qu'ils ont fait, ils n'iront pas négocier. Alors, malgré tout ça, sans rien respecter, sans rien respecter, le premier ministre, malgré ce qu'il avait dit que jamais il ne retournerait dans cette façon de négocier à 11, est retourné à 17. Malgré qu'il disait que l'entente du 7 juillet, ce n'était pas bon, il n'y avait pas de garantie, il n'y avait même pas l'ombre de l'essence de Meech, il est retourné pareil. On s'est dit: II a fait des déclarations et le ministre de la Justice aussi, ils ont fait des déclarations qu'ils n'accepteraient pas un Sénat égal, qu'ils n'accepteraient pas une société distincte amoindrie et qu'ils n'accepteraient pas des négociations perpétuelles d'ententes administratives. En plus, on s'est dit: II y a la loi 150 et il y a le rapport Allaire, on peut leur faire confiance. Quelle déception! Il a cédé sur toute la ligne. Il y est allé, il y est allé. Ce n'est pas l'entente d'un peuple qui s'est négociée, ce n'est même pas l'entente d'un parti, ce n'est même pas l'entente d'un gouvernement - ça, c'est dangereux, en démocratie - c'est l'entente d'un homme.

La preuve que c'est l'entente d'un seul homme, c'est que, lorsque M. Bourassa était à Ottawa, en train de négocier, personne ne pouvait parler au Québec parce que personne du Conseil des ministres ne savait ce qu'on négociait. On apprenait en même temps que tout le monde ce qu'on avait perdu dans le jour. Aucun des ministres du Conseil des ministres ne pouvait dire: L'entente veut dire telle chose. On nous a dit: On va attendre le retour de M. Bourassa, qu'il nous explique. Le Parti libéral, ça a été la même chose: On va attendre le retour de M. Bourassa, il va nous expliquer, et on verra ce que lui a décidé. Mais il n'a rien respecté, ni son parti, ni son Conseil des ministres, pas son gouvernement, pas la loi 150. La preuve, c'est que la loi 44 on est en train de la modifier. Il n'a pas respecté les jeunes et il n'a même pas respecté ses propres principes et ses engagements. Il n'a rien respecté, et ça, c'est incroyable.

Puis là, qu'est-ce que vous voulez? On nous arrive avec la loi 44, qui dit que le prochain référendum va porter, non pas sur la souverai-

neté, mais sur l'entente constitutionnelle. Effectivement, de quoi va-t-on parler au cours des prochains mois? On va parler de cette entente, pour prouver aux Québécois qu'elle n'est pas bonne, qu'elle est dangereuse, que c'est un recul à tous les niveaux. Donc, oui, ça va porter là-dessus, et on va inviter les Québécois à dire non à cette entente. Nous, on ne jouera pas le jeu des gens d'en face, le jeu que ces gens-là ont joué en 1980 en disant qu'un non veut dire un oui et qu'un oui veut dire un non. Un non, ça va vouloir dire un non et un non par rapport à cette entente qui est proposée aux Québécois. Cette entente n'est pas acceptable. On dira aux Québécois: Dites non à cette entente, cette entente d'un seul homme qui n'a respecté ni son parti, surtout pas les Québécois et même pas son Conseil des ministres. Dites non à cette entente inacceptable parce que ce n'est pas assez.

Si on dit oui, on s'embarque ad vitam aeternam avec une camisole de force qui nous ratatine. Il ne faut pas dire oui à ça parce que ce n'est pas acceptable. Il faut dire non et ce que ça voudra dire à Ottawa: On n'accepte pas cette entente, et au gouvernement: Vous allez retourner négocier, avec l'appui de la population qui n'accepte pas si peu. C'est ça que ça veut dire.

Ne rêvons pas en couleur, n'allons pas penser qu'on va pouvoir recommencer ça ad vitam aeternam, hein? Je lisais dans le journal de ce matin, ça vaut la peine de lire juste un paragraphe: «Le Québec a obtenu le maximum», dit Marc Lalonde. Est-ce qu'il y a plus fédéraliste? Lui, il l'a dit: Je vais être du comité du oui. Puis, en même temps, ce qu'il dit - puis, n'oubliez pas ça - «ceux qui pensent que le Québec pourrait aller chercher plus dans une autre négociation constitutionnelle rêvent en couleur. Le Québec a obtenu le maximum, croyez-moi, je connais assez le Canada anglais.»

Alors, à ceux qui vous disent, l'autre côté, que ce qu'on a là, c'est un minimum, qu'on va aller en chercher plus, c'est faux! Arrêtez de mentir à la population! C'est faux! Même M. Castonguay, qui est membre du comité du oui, aussi, nous a dit que, quand on commence une négociation, ce qu'il y a sur la table, c'est le maximum. Tout ce que ça peut faire pour le Québec, c'est de diminuer. On en a eu la preuve, hein? On a quasiment tout perdu dans l'entente, quand M. Bourassa a décidé de retourner, malgré ses engagements. Là, c'est Marc Lalonde qui nous dit: On est allé chercher le maximum. Alors, même ce que vous avez là, ne rêvez pas en couleur. Tout ce que ça peut faire, c'est encore de diminuer. Puis, c'est vrai, parce qu'on a laissé tomber tout ce qu'on avait comme force.

M. Bourassa avait la chance d'avoir l'appui de son parti, l'appui de la loi 150, l'appui de la commission Bélanger-Campeau. Qu'est-ce qu'il a fait? Lui-même, lui-même, dans les semaines qui ont précédé, il a dit: II n'y en aura pas, de référendum sur la souveraineté. Voyons donc! On s'en va négocier. On a la loi 150. On a la chance de l'utiliser comme force de négociation pour aller en chercher un peu plus. Il dit: La loi 150, inquiétez-vous pas, le Canada anglais, ce que je veux, c'est une entente avec vous autres. Il n'y en aura pas, de référendum sur la souveraineté.

Le samedi précédant la négociation, les jeunes libéraux ont dit: Nous, on veut le respect de notre programme, le rapport Allaire. Qu'est-ce qu'il a fait, M. Bourassa? Bien, il les a réprimandés publiquement. Au lieu d'utiliser la force de la jeunesse québécoise à l'intérieur de son parti, il les a réprimandés comme des enfants. Au lieu d'utiliser ce pouvoir, cet appui que ces jeunes lui donnaient, il les a ridiculisés. Il les a chicanés, puis il a même utilisé sa vice-première ministre. Voyons donc! Arrêtons de rire de la population du Québec. Faisons confiance à notre jeunesse. On ne l'a pas fait du tout. Bien, voyons donc! On s'est mis en état de faiblesse, puis là, on se prépare à signer une entente qui nous met en état, mon Dieu, presquement d'hibernation, puis on nous dit, en même temps: Mais inquiétez vous pas! Quand on va négocier des ententes administratives, bien là, on sera plus forts. Bien, voyons donc! M. Castonguay vous l'a dit, M. Lalonde vous le dit - des gens qui sont fédéralistes: Vous avez eu le maximum et, dans l'avenir, vous allez avoir encore moins.

Quand on lit tout ce que tous les gens disent au Québec, présentement, c'est unanime. C'est un recul. Les conseillers, les spécialistes, les autres partis politiques, qui, au Québec, maintenant, dit que c'est bon? Le chef du gouvernement, l'autre côté, avec ceux qui, effectivement, sont du parti - puis ils répètent -et Ghislain Dufour qui a toujours défendu, de toute façon, les multinationales, puis les grandes entreprises qui ont très souvent leur siège social en Ontario. Mais tous les autres, y compris - puis, quand on regarde le journal, ce matin, on s'aperçoit qu'ils sont nombreux - un nombre grandissant de libéraux qui trouvent que ça n'a pas de bon sens.

Je pourrais vous les nommer, mais je dois vous dire, vous le savez autant que moi, que ce soit M. Allaire, que ce soient deux autres personnes de l'exécutif dont un qui l'a annoncé et l'autre qui devrait l'annoncer aujourd'hui. Des membres de l'exécutif, des gens qui ont travaillé avec acharnement et avec confiance disent qu'ils ne peuvent pas accepter ça. Même le député de libéral de Drummondville, M. St-Roch, qui dit qu'après avoir parlé à M. Bourassa personnellement, à deux reprises, puis après avoir vu les textes, il n'est pas capable d'accepter ça pour l'avenir des Québécois. Bien, imaginez-vous! Il n'a même pas le Parti libéral, dans sa totalité, qui est capable de défendre ça. Il y en a qui l'ont dit, puis d'autres qui vont le dire bientôt: C'est inacceptable! Là, on nous dit: Bien oui,

mais c'est pour la paix sociale et pour passer à autre chose, le développement économique. C'est complètement le contraire, et c'est ça qu'on va expliquer aux Québécois lors de la campagne référendaire qui s'en vient. Quelle stabilité allons-nous avoir et quelle paix sociale allons-nous avoir? C'est tout à fait le contraire, c'est tout à fait le contraire. Quand on dit que c'est dangereux, cette entente-là, ça veut dire que ça va venir rouvrir le dossier linguistique. Ça va venir rouvrir un dossier qui a amené tellement de problèmes au Québec. La paix linguistique était revenue grâce à la loi 101. (10 h 40)

Bien, maintenant, c'est clair et net, on va rouvrir ce dossier. Le premier ministre dit le contraire, l'autre côté, mais je dois vous dire qu'il est le seul à dire ça. Clyde Wells, le premier ministre de Terre-Neuve, a dit quoi, lui? Je l'accepte, parce que la société distincte, ça ne veut rien dire. Aucun pouvoir de plus au Québec. J'accepte ça maintenant, parce que ça va être soumis à la clause Canada et ça va être soumis à l'obligation de faire la promotion... S'occuper de la promotion du développement, de la vitalité de la minorité anglophone au Québec. Ça veut dire quoi? Bien, c'est clair et net, ce n'est pas du français qu'on va le faire, c'est de l'anglais. Il est tout tranquille. Tous les spécialistes ont dit que c'était un recul par rapport à la société distincte, et même, déjà, il y a des gens qui ont dit: Ne vous inquiétez pas, on veut utiliser ça maintenant pour aller en appel. Bien voyons! ça «peut-u» être plus clair? Donc, on vient non pas ramener, non pas conserver la paix au Québec, la paix sociale, on s'en vient rouvrir un dossier qui est tellement sensible qu'on connaît tout ce que ça a amené comme problèmes. Au niveau des autochtones, est-ce que ça va régler le problème des guérites, des casinos et des bingos? Absolument pas, ça va venir com-plexrfier, parce que, maintenant, on va reconnaître les gouvernements autochtones. Et est-ce qu'on va relancer l'économie? Qu'est-ce que Québec a été chercher pour être capable de relancer l'économie? Absolument rien, au contraire, on vient de constitutionnaliser les dédoublements, les chevauchements. On vient de faire en sorte que les chevauchements, le gaspillage, l'inefficacité, vont être multipliés et constitu-tionnalisés.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure s'il vous plaît.

M. Paré: Cette entente est inacceptable, et c'est pour ça qu'on va voter contre la loi 44 qui fait en sorte qu'on ne respecte pas les Québécois. Et n'oublions pas que ces gens-là nous faisaient accroire qu'un non voulait dire un oui. Si, aujourd'hui, ils nous disent que c'est bon, soyons très prudents, soyons très vigilants, les gens du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Shefford. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Roberval et ministre du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. M. le ministre, vous avez droit à 20 minutes.

M. Gaston Blackburn

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Il y a de ces occasions, dans la vie d'un député, qui sont toujours extrêmement importantes, et le débat dans lequel nous sommes est particulièrement important pour la population du Québec. Alors, donc, il me fait plaisir, M. le Président, de m'adresser à cette Assemblée en ma qualité de député du comté de Roberval, bien sûr, et ministre régional du Saguenay-Lac-Saint-Jean et titulaire du ministère du Loisir, de la Chasse et de la Pêche. Les prochaines minutes me permettront à moi aussi d'expliquer l'importance de modifier la loi 150 votée en cette Assemblée par notre gouvernement, et qui prévoit un référendum sur la souveraineté du Québec.

Avant d'aller plus loin, M. le Président, je crois qu'il est important de procéder à un bref historique de ce qui s'est déroulé au plan constitutionnel au cours des dernières années. Tous se souviendront qu'en 1980, les Québécoises et les Québécois ont voté non lors du référendum. La population avait alors décidé de demeurer à l'intérieur du pays, le Canada, et, surtout, avait décidé de se développer au sein de la Fédération canadienne. En 1987, les premiers ministres de toutes les provinces canadiennes concluaient un accord constitutionnel dans lequel le reste du Canada reconnaissait, entre autres, le caractère distinct du Québec et lui redonnait le droit de veto que nos amis de l'Opposition, ces ardents défenseurs des droits du Québec laissaient tout bonnement tomber en 1982. Et c'est important de ne pas l'oublier, parce que je sais que ça fait mal à l'Opposition, durant tout ce débat, de leur rappeler ces moments historiques.

En 1990, bien que la majorité des provinces aient été d'accord avec cette entente, plus connue comme l'accord du lac Meech, nous avons été plongés dans une crise constitutionnelle dont le dénouement semble enfin proche. Je rappelle, M. le Président, qu'à ce moment précis, notre premier ministre avait déclaré qu'il revenait à la population du Québec, et à elle seule, dorénavant, de prendre les décisions et de faire les choix qui s'imposaient concernant son avenir politique et constitutionnel. M. Bourassa a toujours respecté ce qu'il a dit à cet égard. De plus, le Québec fut absent des discussions constitutionnelles jusqu'à ce que les autres provinces acceptent de négocier sur la base des acquis de Meech. Comme vous pouvez le constater, M. le Président, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts depuis 1980, depuis que les Québécoises et les Québécois ont décidé que le Canada était le pays idéal pour assurer leur avenir.

M. le Président, à ce moment-ci, il faut parler de l'évolution de notre société, tant du point de vue intellectuel que politique. Il est vrai que cette Assemblée a voté la loi 150. Il est vrai que cette loi prévoit la tenue d'un référendum sur la souveraineté. Mais, depuis ce temps, comme je l'ai dit plus tôt, le dossier constitutionnel a beaucoup évolué. Il a fait un pas en avant, un pas important. Nous avons maintenant une entente remarquable, habilement négociée par le premier ministre du Québec, considéré à juste titre comme l'homme de la situation, quoi qu'en dise les opposants, une entente des plus acceptables qui permet au Québec de faire des gains importants sur des aspects qui nous préoccupent de façon particulière. Voilà pourquoi, M. le Président, nous devons proposer au peuple québécois ces offres qui répondent aux besoins et aux demandes traditionnelles du Québec. Voilà pourquoi nous devons modifier la loi 150 pour que tous les Québécois et les Québécoises aient l'occasion, l'opportunité, voire même la chance de se prononcer sur leur avenir constitutionnel.

Peut-on blâmer le gouvernement de vouloir expliquer les choix qu'il a faits et les conséquences d'un déchirement avec nos voisins? Je ne le crois pas, très sincèrement. On peut bien faire, comme le font depuis pas mal de jours l'Opposition et certains opposants, de la démagogie; ils le font bien. On peut bien colporter toutes sortes de choses à propos de cette entente, comme le fait depuis plusieurs jours le Parti québécois; je ne crois pas que cela aurait pour effet de bonifier le débat, au contraire. On sent bien que l'Opposition n'a qu'une seule idée en tête - et c'est important de ne pas l'oublier - soit celle d'empêcher la population québécoise de connaître véritablement ce que comportent ces offres.

Pour l'Opposition, il vaut mieux dire n'importe quoi que de laisser les Québécoises et les Québécois décider de leur avenir. Évidemment, il est plus facile de dire aux gens que ce qu'il y a dans cette entente n'en vaut pas la peine, qu'il n'y a rien là-dedans, que le Québec s'est fait avoir. Faites-nous confiance, clame le Parti québécois. Comment peut-on accorder notre appui, comment peut-on accorder notre support à un parti dont le seul et unique objectif, c'est le démembrement du Canada, sans aucune condition? Ce n'est pas compliqué, ce parti n'est pas capable de donner des indications de ce que sera demain avec la souveraineté, le budget de l'an 1, quelle monnaie on va utiliser - plusieurs formules sont proposées - l'insécurité dans laquelle nous serions plongés. Économiquement, par exemple, cette option aurait des conséquences au mieux imprévisibles. L'éclatement d'une fédération ne peut se faire sans de sérieux problèmes, et surtout quand on essaie de camoufler cet éclatement par des formules plus ou moins applicables.

Depuis quelques semaines déjà, les ténors souverainistes utilisent toutes les tribunes imaginables afin de berner - je dis bien «afin de berner» - la population. Il faut, M. le Président, dire «Garde!» aux Québécoises et aux Québécois contre ces démagogues, contre ces alarmistes. Je le sais, je l'ai vu dans ma région, celle du Saguenay-Lac-Saint-Jean, que vous connaissez bien, où le Parti québécois a tenté, lors d'une rencontre où il n'a même pas réussi à faire tout à fait salle pleine - à peu près 1000 personnes - où étaient présents le chef du Parti québécois, M. Parizeau, le chef du Bloc québécois, M. Bouchard, tous les ténors souverainistes, pour plusieurs de la région... Toutes les organisations avaient été mises à contribution. Et réussir à remplir à peine une salle de 1000 personnes, c'est une indication; et cela dans un coin de province où, prétend-on, comme on le pense à tort, la cause souverainiste est gagnée d'avance. Mais j'ai une petite nouvelle pour vous. Lorsque nous expliquerons le contenu de l'entente - et c'est ce que nous commençons à faire dès aujourd'hui - lorsque la population sera à même de reconnaître les gains considérables du Québec, nos concitoyens, et particulièrement ceux que je représente, diront oui, un oui à notre épanouissement économique et culturel dans le Canada. Mais, pour cela, il faut leur soumettre cette entente.

M. le Président, lorsque nous parlons de démocratie, nous n'avons pas de leçon à tirer de l'Opposition. Ce parti ne veut pas que la population se prononce sur ces offres, parce qu'il sait pertinemment bien qu'elles sont acceptables, parce que cette entente marque un pas en avant très important, et non un recul, comme le disait le chef de l'Opposition dans cette Assemblée, hier. Tout le monde, y compris l'Opposition, pleurait, en 1990, lors de l'échec de Meech. Maintenant que nous avons tous les éléments compris dans Meech et même plus, voilà qu'il n'est plus question de répondre positivement à ces offres; ce n'est plus suffisant, ça ne fait pas leur affaire. Il ne faut pas se questionner longtemps sur ce que désire vraiment l'Opposition. Ce n'est sûrement pas une entente, c'est la dernière des choses qu'elle désire. Ce qu'il faut se demander, et c'est ce que veut la population du Québec, et cela... Elle veut une entente, M. le Président, et c'est très clair, une entente qui respecte ses droits, sa culture et qui assure son avenir. (10 h 50)

L'entente du mois d'août répond à ces aspirations. Tout d'abord, le Québec est reconnu comme société distincte. N'est-ce pas ce que nous demandions depuis plusieurs années déjà? Même l'Opposition réclame tout haut cette reconnaissance qui va nous permettre de jouer un rôle dynamique, tout en faisant la promotion de notre statut particulier. Nous l'avons obtenu, mais encore, on veut laisser croire qu'on aurait pu aller beaucoup plus loin.

Parlons un peu du droit de veto. Nous en avons obtenu pas moins de cinq. Tout d'abord, le Sénat. Le Québec jouit maintenant d'une double majorité au Sénat en matière de langue et de culture. Ce veto absolu procure au Québec toute la sécurité dont il a besoin afin de préserver et de promouvoir son identité culturelle. Qu'il s'agisse du Sénat, de la représentation à la Chambre des communes, de la composition de la Cour suprême ou de la participation des nouvelles provinces à la procédure de modifications constitutionnelles et au Sénat, le Québec possède un véritable droit de veto, quoi qu'en dise l'Opposition. En aucun temps, le Parti québécois n'a réussi à en obtenir autant des autres provinces. Pourtant, il a déjà eu le temps de le faire, lors de son passage au pouvoir. Et on va nous blâmer d'en être venus à une entente?

M. le Président, l'entente que nous avons conclue a reçu l'accord unanime de toutes les provinces, de tous les premiers ministres. Déjà, d'avoir réussi cela, c'est tout un exploit. Lorsque M. Bourassa s'est rendu au lac Harrington, on savait que ce ne serait pas facile de faire avancer la cause du Québec. À force de travail, le premier ministre a fait comprendre la position du Québec à ses homologues des autres provinces. La marge de manoeuvre, on l'a vu, était alors fort restreinte. On ne nous donnait pas grand chance d'en arriver à cet accord. Mais, voilà, c'est fait! C'est une réalité, et c'est important de prendre en considération, et surtout, au cours des prochaines semaines, de dire à la population du Québec d'être très prudente et, surtout, d'être à l'écoute.

Évidemment, il est facile pour les amis d'en face de prétendre qu'on aurait pu faire beaucoup mieux. Mais cela, on ne le saura jamais. Le parti que je représente fièrement ne prétend pas qu'il s'agit d'une entente parfaite. Nous sommes cependant conscients que nous étions partie prenante d'une négociation où se trouvaient plusieurs intervenants dont l'objectif était d'obtenir le meilleur pour sa province. À cet égard, le Québec peut dire: Mission accomplie!

Il ne faudrait pas non plus croire que cette entente constitue une fin en soi. Je crois, M. le Président, que nous continuerons notre évolution puisque cette entente va nous permettre d'obtenir d'autres gains. On pourrait comparer l'entente à un solage, une base solide sur laquelle nous bâtirons un avenir prometteur pour notre population. J'ai entendu, maintes fois, des commentaires négatifs. Sur l'entente, on nous dit qu'il va falloir encore négocier certaines ententes, notamment sur le partage des pouvoirs, et que cela risque de s'éterniser. Oui, c'est vrai qu'il va falloir, bien sûr, continuer ces négociations. Ce processus de négociations va se poursuivre, c'est tout à fait normal. Mais, contrairement aux indépendantistes, nous saurons avec qui négocier, et ça, c'est clair. Car vous le savez, je ne suis pas du tout certain que nous aurons beaucoup d'intervenants autour d'une éventuelle table de négociation suite au démantèlement du Canada. Voilà ce qu'on peut appeler nager dans l'incertitude. Et c'est le lot du Parti québécois, et c'est le lot qu'il propose à la population québécoise. Avec qui allons-nous négocier? Sur quelle base? Il est assez clair que cela est plutôt obscur.

Et comme si ce n'était pas suffisant, M. le Président, voilà qu'on désire dissocier souveraineté et indépendance d'un non aux offres constitutionnelles. Mais qu'est-ce que cela veut dire? Je vous le demande. Peut-on dire non à des offres, mais continuer à dire oui au Canada? Il faudrait se brancher. Il faudrait savoir ce que l'on veut. Pour la nième fois, le Parti québécois va tenter de mêler les cartes; c'est sa spécialité. À les voir hier, la mine déconfite, on sentait, et dans la façon de s'exprimer et dans le ton qu'ils emploient, l'alarme qu'ils ont de la situation. On est en train de leur glisser le tapis en dessous des pieds. Donc, dire non aux offres sans dire oui à l'indépendance. De notre côté, cela est clair: on dit oui à l'entente, oui au Canada, oui au développement de notre province.

En terminant, M. le Président, je tiens à réitérer que nous ne pouvons pas passer à côté de cette entente. Sans être parfaite, elle va nous permettre de réaliser de grandes choses. Pour cela, il faut qu'on soumette ces offres à la population du Québec et c'est cela, j'en suis convaincu, qu'elle désire ardemment. Alors, merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Westmount.

M. Richard B. Holden

M. Holden: Merci, M. le Président. Au cours du mois d'août, le Parti libéral du Québec a fait un virage de 180 degrés; moi aussi, j'en ai fait un! La différence, M. le Président, c'est que les libéraux se sont tournés vers le passé, tandis que, moi, j'ai choisi l'avenir. Les libéraux se sont réfugiés chez leur grand frère, à Ottawa, tandis que, moi, j'ai décidé de demeurer au Québec. Et l'avenir du Parti libéral du Québec semble dépendre de Clyde Wells, Don Getty, Ovide Mercredi; le mien est attaché au peuple québécois.

M. le Président, j'ai regardé avec des centaines et des milliers d'autres Québécois le triste spectacle d'un Jean Allaire applaudi, il y a 18 mois, rejeté aujourd'hui parce qu'il refusait de jouer le jeu des tireurs de ficelles. Il faut donner crédit à Me Allaire et aux jeunes libéraux qui persistent à s'opposer aux offres malgré des pressions inouïes.

Clearly, Mr. Speaker, the federalists within the Liberal Party have won the day. But for how long? Last year, the hero was Jean Allaire. Next

year, perhaps it will be Jean-Guy Lemieux. For the moment and for the present, there is only one voice in the Liberal Party and that is the Premier's voice. Mr. Speaker, the Premier is just buying time. He knows, we all know that Que-beckers will not be satisfied for long with the crumbs they are getting under this latest deal.

Pendant le congrès libéral, j'ai vu le ministre de la Santé dire que le Parti libéral n'avait pas renié Allaire. Il disait que le paquet fédéral était une étape vers Allaire. Si tel est le cas, M. le Président, il faut le dire à Clyde Wells. Parce que je l'ai vu, lui aussi, et lui, il disait que, pour lui, cet accord, c'est final. Le Québec doit décider oui ou non, une fois pour toutes, s'il veut rester dans la Confédération canadienne. (11 heures)

Mr. Speaker, this deal will not satisfy Québec for even one year. As soon as the negotiations over the unemployment insurance break down - and they certainly will - this so-called «unity package» will fall apart and we will all be back into recriminations and ultimatums, and the whole debate will start once again.

Pourquoi obliger tout le monde à subir d'autres déceptions et de nouveaux reproches et accusations? Ce n'est pas juste envers le Canada et c'est injuste pour les Québécois. Soyons honnêtes, M. le Président, disons non tout de suite. Au fond, les gens du reste du Canada vont être soulagés parce que, eux, ils croient qu'ils ont fait d'énormes sacrifices pour nous plaire. Admettez, admettez, vous autres en face, que, pour vous, ce n'est qu'un début. Soyez francs avec le reste du Canada. Les naïfs cherchent la solution Deschamps, «le Québec indépendant dans un Canada uni», mais cela, ça n'existe que dans les monologues et les rêves.

M. le Président, mon approche à la question référendaire et aux offres, c'est plutôt juridique. Le gouvernement, dans ce cas particulier, est le demandeur et, donc, il a le fardeau de la preuve et il doit établir la validité de toutes et chacu-nes de ces offres. Et puisque le fédéral a décidé que le paquet dans son entier doit être soumis à la population, il doit satisfaire le tribunal, c'est-à-dire le peuple québécois, que chaque anneau de la chaîne tient. Autrement, la solidité est brisée et la cause tombe en miettes.

Mais avant d'analyser les failles dans la chaîne, examinons l'ancre à laquelle elle est attachée. Ce n'est plus le Canada formé par Macdonald et Cartier, dignes représentants des deux peuples fondateurs. Non, M. le Président, c'est un nouveau pays que je n'accepte pas, un pays à 10 ou à 12 ou à 17 ou à je ne sais pas à combien. Le Canada que j'aimais est devenu un pays chicanier et querelleur. Je ne suis pas un ennemi du Canada, je suis un ami du Québec.

M. le Président, l'élément le plus faible de la cause du gouvernement, c'est la soi-disant réforme du Sénat. Un pays qui se veut attaché au système parlementaire britannique ne peut pas accepter une institution aussi bizarre que celle proposée dans le paquet fédéral. L'idée même est totalement étrangère à nos moeurs et à notre concept de représentation basé, autant que possible, sur l'égalité de chaque citoyen et citoyenne. Comment expliquer, M. le Président, que l'île de Montréal, avec 1 800 000 d'habitants, va avoir, disons, 2 sénateurs et que l'île-du-Prince-Édouard, avec ses 175 000 habitants, va en avoir 6. C'est inconcevable et c'est inacceptable.

Mr. Speaker, the section of the package which deals with the Senate is, in my view, the worst and most unacceptable part of this entire proposal. It is not what the Triple-E supporters and advocates wanted, it is unacceptable to women's groups all across Canada, and it undermines the concept of the two founding nations, which is the basis of the country. To put it crudely, Mr. Speaker, the new Senate is a dog's breakfast.

As recently as July 17th, the Premier, his office at least, was saying that Mr. Bourassa was opposed to a Senate based on equal representation from each province. What in the world happened to Mr. Bourassa when he joined the expanded negotiating table? He bought into a deal which reduced Quebec's weight in the Senate from 24 % to 9 %. That is some deal and some negotiator! He also agreed to water down Quebec's protection of the French language and culture by accepting that francophone Senators from Nouveau-Brunswick and Ontario and from the West would take part in the so-called double majority.

Non seulement le Québec pourrait perdre tout contrôle sur ces sujets vitaux mais s'il s'agit de garder une majorité québécoise parmi les sénateurs francophones, c'est les anglophones du Québec qui vont payer les frais, parce que le gouvernement du Québec éliminerait le ou les sénateurs anglophones pour combler le déficit.

Liberals will tell you that the 25 % guarantee of the Commons seats makes up for the loss of Senate seats. That Mr. Speaker, is a snare and a delusion. Québec has always had more than 25 % of the Members of the House of Commons. In fact, in the Trudeau Government of 1970, the Québec representation in the House of Commons was 28 %, and at that particular moment that majority brought in the War Measures Act. As far as I am concerned, Quebec's 25 % back in the War Measures Act was no help to Québec at all.

As I said earlier, Mr. Speaker, the case for the Government is only as strong as its weakest link. It is difficult for me to decide which of the elements of this particular package is flimsier, because there is a multitude of deficiencies. Take for example the distinct society clause, Mr. Speaker. It is going to cause an incredible amount of trouble and litigation, and

it is not going to lead to better relations between the minorities and the majorities.

Les gouvernements autochtones, M. le Président, qu'on veut laisser aux juges, vont créer des problèmes innombrables: problèmes sociaux, problèmes financiers, et surtout des réclamations et espérances que ni les gouvernements ni les juges ne peuvent satisfaire.

M. le Président, je termine avec un voeu, c'est que la population du Québec, qui est fatiguée de se faire parler de la Constitution, mette sa fatigue de côté pour quelques semaines. Qu'elle écoute calmement les arguments de part et d'autre.

I say to you, Mr. Speaker, and through you to the people of the rest of Canada, that the people of Québec will not be fooled by window dressing. This whole exercise by Joe Clark and by his band of Premiers and Native leaders is an exercise in smoke and mirrors. In fact, when they came up with the package on July the 7th, they were not at all sure whether Québec would buy into it or not. And Quebeckers never dreamed that their Premier would actually be hoodwinked into accepting it. But he was and he did.

So now it is up to the citizens, Mr. Speaker, to do what the Premier should have done: to say no. No to legislation by judges and courts; no to a foreign notion of equality of the provinces; no to everlasting negotiations and interminable squabbling over unemployment insurance, culture, immigration, telecommunications, regional development and a host of other subjects, and no to the end of the Canadian dream of a bicultural country founded by two great peoples, the English and the French.

To say no, Mr. Speaker, one does not have to be a sovereignist or a federalist, one has only to be a reasonable, rational Quebecker who realizes that this package is a recipe for disaster.

This time, Mr. Speaker, no means no. Merci, M. le Président. (11 h 10)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je vous rappelle que nous sommes à débattre la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je cède maintenant la parole à M. le député de Saint-Hyacinthe. Vous avez droit à une intervention de 20 minutes, M. le député.

M. Charles Messier

M. Messier: Merci, M. le Président. J'apprécie vivement l'occasion qui m'est offerte aujourd'hui de m'adresser à mes collègues de l'Assemblée nationale sur la modification que nous apportons à la loi 150.

C'est pour moi une occasion privilégiée de faire valoir les mérites de l'entente intervenue entre les premiers ministres à Charlottetown. J'ai l'intention de procéder à cette démonstration des mérites de l'entente constitutionnelle à travers un bref rappel de l'histoire.

On se souvient, M. le Président, qu'en 1985, nous avons été élus avec un programme politique contenant plusieurs volets, dont un volet constitutionnel. On s'en rappelle fort bien. Si on devait rapidement procéder, ou résumer ce volet constitutionnel d'un programme politique sur lequel la population du Québec nous a fait confiance en 1985, on pourrait dire qu'il s'agissait de réparer l'injure faite à notre société au cours du rapatriement unilatéral de la Constitution en 1982. Cette injure pourrait être réparée moyennant la satisfaction de certaines conditions que nous posions pour réintégrer la grande famille canadienne. Ces conditions, elles sont connues. Ce sont la reconnaissance de la société distincte, l'obtention de garanties touchant la sécurité culturelle, notamment au niveau de l'immigration.

La limitation du pouvoir fédéral de dépenser, c'est un point très important, une formule d'amendement qui permet au Québec de s'opposer à toute modification constitutionnelle allant à rencontre de ses intérêts. Enfin, un droit de participation au processus de sélection et de nomination des juges à la Cour suprême du Canada. On s'en souvient, M. le Président, que ce sont ces conditions qui avaient été acceptées en 1987, à l'occasion de la signature du lac Meech. On se rappelle aussi que l'Assemblée nationale avait entériné cet accord. On se rappelle surtout que deux Législatures provinciales avaient refusé d'entériner cet accord, entraînant par cette occasion sa perte ainsi qu'un profond sentiment de rejet au sein de la population.

Faisant face à la situation, notre gouvernement a mis en place une stratégie de négociation basée sur l'obligation de résultats, et dans laquelle s'insère la loi 150 que nous modifions aujourd'hui. La stratégie de notre gouvernement consistait à créer un rapport de force susceptible de nous permettre d'obtenir des offres acceptables de la part du reste du Canada. Jusqu'à ce jour, la stratégie a fonctionné. Nous avons des offres, et notre échéancier a été respecté par nos partenaires canadiens.

Cela dit, nous franchissons, avec cette modification à la loi 150, un pas de plus dans la stratégie en vue d'obtenir le maximum de gains pour la population que nous représentons. Ce pas de plus intervient évidemment à la suite de l'entente intervenue entre le premier ministre québécois et ses homologues canadiens. Il trouve sa raison d'être dans les gains obtenus pour le Québec, au cours de cette négociation, par notre premier ministre, M. Bourassa.

Ces gains, ils sont hautement significatifs. On doit d'abord dire que le Québec a obtenu au

cours de cette négociation et dans cette entente plus que le lac Meech. Il faut le dire sans réserve, et je vais vous le démontrer, M. le Président. Cette entente constitutionnelle n'est rien de moins qu'un Meech plus, et elle constitue un Meech plus pour plusieurs raisons. La première raison tient évidemment au fait qu'on retrouve dans cette entente les points convenus dans l'accord du lac Meech - cela va de soi - ce qui veut dire que, dans cette entente, nous avons la reconnaissance de la société distincte, une représentation de 33 % des juges de la Cour suprême, des garanties touchant notre sécurité culturelle, notamment au niveau de l'immigration, des balises au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral et, finalement, des formules d'amendement qui permettent au Québec de s'opposer à toute modification constitutionnelle allant à rencontre de ses intérêts. Enfin, il y a, on le sait, plusieurs veto contenus dans l'entente. Ainsi, on voit bien qu'en ce qui concerne les conditions de Meech nous les avons dans cette entente. Elles sont là, très présentes, et pratiquement dans les termes formulés à l'époque.

Mais il y a plus que cela dans cette entente. C'est pourquoi nous qualifions cette entente de Meech plus. Dans cette entente, il y a des gains appréciables au chapitre de la représentation du peuple québécois dans les institutions canadiennes. L'entente contient des modifications importantes au niveau de la Chambre des communes et au Sénat.

Voyons d'abord celles concernant la Chambre des communes. À la suite de cette entente, le Québec aura 18 nouveaux sièges à la Chambre des communes; il gagne ainsi 18 sièges de plus. La proportion de sièges réservés au Québec passe ainsi de 25 % à 27 %. Il s'agit là d'un gain qui est loin d'être négligeable lorsqu'on considère le rôle et le poids de la Chambre des communes dans la prise de décision au niveau de nos institutions canadiennes. La Chambre des communes est le lieu par excellence où se prennent des décisions politiques qui touchent l'ensemble des Québécois et des Québécoises. Ainsi, une telle augmentation de la représentation québécoise dans cette enceinte constitue un gain appréciable pour le peuple québécois. Évidemment, nos adversaires ignorent ou veulent ignorer ce gain. Ils analysent ces gains et d'autres à partir d'une situation ou d'une conception archaïque de la souveraineté, comme le disait il y a quelques jours notre premier ministre.

L'archaïsme de leurs propos apparaît également tout aussi évident dans leur évaluation des gains que nous avons obtenus au Sénat. Les ténors de l'Opposition nous ont accusés d'avoir accepté le principe de l'égalité des provinces au Sénat. Mais, comme le disait le premier ministre du Québec, M. Bourassa, il y a quelques jours, c'est d'autres avant nous qui ont accepté ce principe. À cet égard, la démarche de notre gouvernement n'est pas différente de celle des gouvernements qui nous ont précédés, y compris le gouvernement Lévesque, qui est à l'origine du beau risque.

Mais revenons à la Constitution canadienne, et en particulier au Sénat, ce Sénat à l'intérieur duquel nous allons détenir, à la suite de cette entente, un veto absolu en matière de langue et de culture, beaucoup moins de pouvoirs que ne l'auraient souhaité les provinces de l'Ouest, mais aussi, il faut le dire, beaucoup moins de pouvoirs qu'à la Chambre des communes qui, comme je l'ai dit auparavant, demeure le lieu par excellence des décisions politiques qui affectent notre population. De plus, il faut dire qu'au niveau de la Chambre des communes nous avons non seulement obtenu 18 sièges de plus, mais également la garantie constitutionnelle d'être représentés par au moins 25 % des sièges à la Chambre des communes, et cela, indépendamment de notre poids démographique. Il s'agit là d'une autre nouveauté par rapport à Meech, une nouveauté qui représente une police d'assurance et une reconnaissance explicite du caractère distinct du Québec. Enfin, il s'agit d'une nouveauté qui assure un rôle important à la population québécoise dans la conduite des affaires canadiennes.

Mais il faut également souligner, au chapitre des institutions canadiennes, que l'entente contient une garantie pour le Québec, c'est-à-dire une discrétion pour choisir le mode de sélection des sénateurs. Encore là, il s'agit d'une nouveauté par rapport à Meech qui est loin d'être négligeable si on l'examine, comme les autres, dans la perspective de la souveraineté partagée qui est celle de notre formation politique, également partagée dans les coins les plus dynamiques de notre planète.

M. le Président, notre conception de la souveraineté, c'est-à-dire la souveraineté partagée, est une conception de structure politique adaptée à notre temps. Elle n'est pas, comme celle de nos adversaires, héritée des siècles passés. Elle est inscrite au coeur des grandes tendances de notre temps, les tendances, faut-il le préciser, les plus dynamiques et les plus actuelles en matière de partage de pouvoirs et de délégation de pouvoirs, ou encore de souveraineté. (11 h 20)

M. le Président, notre conception de la souveraineté partagée, telle qu'elle s'exprime dans cette entente conclue par les premiers ministres, répond aux besoins de notre temps et est adaptée à la réalité et aux contraintes tant géographiques qu'économiques dans lesquelles nous évoluons aujourd'hui. C'est parce que nous sommes convaincus que nous franchissons aujourd'hui un pas de plus dans notre stratégie visant à faire en sorte que ces gains qui dépassent largement l'entente du lac Meech soient inscrits dans la Constitution canadienne. J'ai bien dit, M. le Président, un pas de plus, c'est-à-dire que

nous sommes extrêmement soucieux d'éviter une reproduction de l'épisode de Meech. Ce souci est présent dans tous nos gestes, y compris dans celui que nous posons aujourd'hui avec cette modification à la loi 150.

Comme vous le savez, M. le Président, cette modification vise à permettre aux Québécois et aux Québécoises de se prononcer sur les offres qu'ils ont reçues à travers cette entente. Cette modification respecte l'esprit de la loi 150. La possibilité de tenir une consultation populaire sur les offres provenant du reste du Canada est implicite dans le texte de la loi 150. Ainsi, contrairement à ce que disent nos adversaires, nous sommes pleinement fondés de procéder, comme nous le faisons aujourd'hui, avec cette modification à la loi. Nos adversaires tentent de démontrer le contraire, et je pense qu'ils ont tort de le faire. Or, un seul regard sur notre programme politique, y compris le rapport Allaire, suffit à montrer que nous sommes plus légitimes de procéder comme nous le faisons aujourd'hui. De ce côté-ci de la Chambre, la question ne se pose même pas; elle se pose seulement du côté de l'Opposition officielle.

C'est sans doute, M. le Président, ce qui explique, en bonne partie - et on l'a vu malheureusement hier - les écarts de langage que les observateurs attentifs de la scène publique ont constatés chez nos adversaires. Ces écarts de langage, plutôt indignes, de ceux et celles qui aspirent un jour à la gouverne dans notre société ne devraient pas être tolérés ici, en cette Chambre. La population, sur un autre point, n'est pas dupe devant la démagogie que l'on constate chez certains des ténors de l'Opposition depuis quelque temps. Mais il faut juste imaginer qu'on est sur la loi 150; lorsqu'on va être dans le débat référendaire, ça va être, d'après moi, épouvantable.

J'en arrive maintenant, M. le Président, au terme de mon allocution, et j'aimerais conclure en réaffirmant que, de cette entente, il y a des gains appréciables pour le Québec, que ces gains marquent un progrès réel par rapport à la situation qui existe et que, si elle est ratifiée par l'ensemble de ceux qui ont contribué à sa réalisation, la population du Québec en sera d'autant plus fière parce que cette entente représente un Meech plus. C'est une entente hautement appréciable à la lumière de contraintes tant géographiques qu'économiques et financières dans lesquelles évolue aujourd'hui le peuple québécois.

En terminant mon allocution, M. le Président, j'ajouterai que je suis fier d'appartenir à un gouvernement et à un parti capable de servir aussi bien que nous l'avons fait les intérêts supérieurs des Québécois et des Québécoises. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Saint-Hyacinthe. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Joliette et leader de l'Opposition officielle.

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. M. le Président, vous aurez remarqué que la loi qui est déposée devant nous stipule que l'on enlève le référendum sur la souveraineté pour le remplacer par un référendum sur les offres. Donc, M. le Président, quand notre formation politique disait qu'on devait parler des offres, c'est précisément le gouvernement qui nous y amène, puisqu'il modifie la législation en disant: Vous ne ferez pas un référendum sur la souveraineté, comme je m'y étais engagé, vous allez faire un référendum sur les offres que j'ai concoctées à Charlottetown dernièrement.

Donc, il faut parler des offres, on n'a pas le choix, M. le Président. C'est le législateur lui-même qui nous amène à parler des offres. Le prototype de discours que nous allons entendre, M. le Président, tout au cours de ce débat, c'est: C'est mieux que rien. C'est à peu près le résumé qu'on peut faire. Je viens d'écouter le député de Saint-Hyacinthe: C'est mieux que rien, ça aurait pu être pire. Ça te fait toute une argumentation, quand on a fait rêver les Québécois, M. le Président, sur leurs aspirations à coups de millions et ça, en pleine récession économique.

Bélanger-Campeau, ça a coûté plus de 5 000 000 $. Les deux commissions parlementaires qui siègent sur la souveraineté et sur les offres, ça a coûté plusieurs millions. Quand on pense que le Canada également, en même temps, a dépensé des dizaines et des dizaines de millions pour que les Canadiens, eux, s'expriment et ça faisait partie... Les Québécois s'exprimaient. 27 000 000 $, la commission Spicer. Combien de millions avec Castonguay-Dobbie, Beaudoin-Dobbie? Beaudoin-Edwards, combien de millions, M. le Président? Combien de millions dans la propagande du Canada 125? Des centaines de millions de dollars ont été dépensées, M. le Président, en pleine période de récession économique où on frôle les 13 % de chômage pour dire aux gens: Nous allons remodeler en profondeur le Canada. Nous allons faire en sorte - et ça, c'est le premier ministre de la TPS qui parle - que les Québécois réintègrent la Confédération canadienne dans l'honneur et l'enthousiasme. Donc, ce ministre de la TPS allait chercher dans les poches de ceux qui manquaient d'ouvrage et faisait de la propagande à tour de bras, en pleine période de récession, sans qu'aucun programme de relance d'emploi ne soit fait par ce gouvernement.

Ici, au Québec, il y a eu, comme je l'ai dit, Bélanger-Campeau, qui a coûté plus de 5 000 000 $. Bélanger-Campeau, qui en arrivait à la conclusion... C'est vrai qu'il y avait deux courants. Moi, je ne le nie pas. Il y avait un courant qui disait - et très majoritaire à l'épo-

que - devant la commission Bélanger-Campeau, la forte majorité des groupes qui sont venus s'exprimer sont venus dire: Écoutez, on est capable d'assumer la totalité de nous pouvoirs. On est capable de gérer et d'administrer la totalité de nos impôts. On est capable aussi de signer nos traités. C'est ça que disaient la majorité des groupes. Les autres groupes qui venaient disaient ceci: II faut des changements en profondeur. Il faut des changements en profondeur. Ça a donné naissance au rapport Allaire, dans la formation libérale, qui ne demandait pas moins qu'une vingtaine et plus de pouvoirs exclusifs au Québec. Tout le monde se disait: Bon, eh bien, là, on va le remodeler pour que ça marche. On va faire en sorte que les dédoublements cessent. On va faire en sorte de rapatrier les pouvoirs pour qu'on puisse se gérer. Mais il y avait une volonté, autant dans le groupe majoritaire que dans le groupe minoritaire, de transformation profonde. C'est ça qui est arrivé au Québec à coût de millions, je le répète.

On nous arrive aujourd'hui, M. le Président, et on renie la signature même. Le premier ministre renie sa signature du document Bélanger-Campeau. Il renie le rapport Allaire auquel il a adhéré, auquel il a amené sa formation d'ailleurs à adhérer. M. le Président, il nous présente des offres. Puisqu'il faut en parler, on va en parler.

Les Québécois nous avaient dit: Le Sénat, là, c'est vétusté, c'est dépassé, ça. Depuis 1967, nous autres, on a mis ça dehors. D'autant plus que, rappelez-vous à l'époque, c'était facile d'avoir l'opinion de mettre le Sénat dehors. Ils s'amusaient avec des cloches, au Parlement d'Ottawa. Ça se conduisait comme des bouffons, au gouvernement d'Ottawa. On maintient le Sénat, M. le Président. Ce n'est pas ça que les Québécois nous ont demandé, de maintenir un Sénat. Ils nous ont dit: dehors. Ça coûte 100 000 000 $ et plus. Ça n'a pas d'allure. C'est dépassé comme formule de gestion, comme le disait notre député de Westmount tantôt. C'est dépassé comme formule.

Non, M. le Président, on prend le Sénat et on dit: Le Québec aura six sénateurs, comme l'île-du-Prince-Édouard. Un gros gain! Sur le plan politique, c'est toute une victoire! On passe de quelque 28 % à 8 %. C'est tout un gain! C'est sur ça qu'il va falloir se prononcer le 26 octobre, M. le Président, une dégringolade de 20 % comme poids politique. Puis ils appellent ça une victoire? C'est mieux que rien? Ça aurait pu être pire? Si ça avait pu être pire, qu'est-ce qu'il y aurait eu au lieu? On en aurait eu un sur le total de 66? C'est quoi, cette histoire-là, M. le Président? C'est inacceptable.

Mais ce qu'il y a de plus inacceptable, en plus que le poids politique a baissé de quelque 20 % à 8 %, savez-vous c'est quoi, M. le Président? Savez-vous qu'on va continuer à payer 25 % pour le Sénat, nous autres? Ça, vous ne l'analysez pas. Il va falloir que vous le disiez, le 26 octobre. Si vous votez pour ces offres, si vous votez pour cette entente, le poids politique du Québec va baisser de 28 % à 8 %, puis vous allez continuer, mes «coqs d'Indes», à payer 25 %. C'est ça fondamentalement que vous avez négocié? Vous êtes d'excellents négociateurs! Franchement, vous êtes solides! Franchement, c'est du solide ça, négocier un Sénat dont le poids politique baisse et dont le poids financier du Québec est maintenu à 25 % des coûts du Sénat. C'est grave ça, M. le Président. C'est ça qu'il faut dire le 26 octobre. Ah! ça aurait pu être pire, comme disait le député de Saint-Hyacinthe. S'il avait fallu que ça soit pire, imaginez-vous, M. le Président, on paierait le Sénat tout seul et on n'aurait pas de délégués. Voyons! (11 h 30)

M. le Président, dans les pouvoirs, dans la récupération des pouvoirs, certains membres du Parti libéral, et je les ai écoutés religieusement toute la nuit, dans mon bureau, ici... Ils ont récupéré six pouvoirs exclusifs, les mines, les forêts - je vois le ministre des Forêts - et je me suis permis de lire l'Acte de l'Amérique du Nord britannique, la Constitution canadienne. Les forêts, au cas où vous ne l'auriez pas encore découvert, on a ça depuis 1867. Là, on vient de découvrir dans le Parti libéral que c'est un pouvoir exclusif qu'on a obtenu, M. le Président. Bien, il fallait se rendre compte qu'on l'avait. Mais, qui plus est, une bonne entente, savez-vous que pour pouvoir l'exercer de façon exclusive, M. le Président, il va falloir conclure une entente? C'est pas des farces. Une très bonne négociation. J'ai le pouvoir exclusif depuis 1867, j'en obtiens l'exclusivité, puis je suis obligé de négocier une entente, imaginez-vous, avant de pouvoir l'exercer. D'excellents négociateurs, vous êtes fantastiques! J'ai négocié pendant 16 ans dans ma vie puis, avoir signé une convention de même, ils ne m'auraient jamais rengagé.

M. le Président, les mines. Ils viennent de découvrir que les mines, c'est un pouvoir nouveau exclusif. C'est marqué dans la Constitution canadienne qu'on a ça depuis 1867. Vous n'avez rien obtenu là. Peut-être que vous venez de le découvrir, vous autres, mais c'est marqué noir sur blanc dans la Constitution canadienne. Le loisir, c'est noir sur blanc dans la Constitution canadienne. Ne venez pas nous dire ici béatement que vous venez de découvrir que c'est un pouvoir exclusif que le fédéral vient de vous donner. On a ça depuis 1867. Je pourrais continuer, M. le Président. Les six soeurs. Le monde municipal. Vous venez de découvrir qu'on a ça depuis 1867. Arrêtez de dire que c'est un nouveau pouvoir que vous venez d'obtenir. Ça a l'air fou un petit peu, ça. Je pense qu'on n'a pas le droit comme Parlement, ici, de ne pas savoir que la Constitution canadienne nous donne l'exclusivité des pouvoirs sur les six pouvoirs qu'ils nous donnent.

M. le Président, très bons négociateurs. C'est drôle. Puis, vous allez être obligés de signer des protocoles d'entente pour exercer un pouvoir exclusif que vous avez depuis 1867! Vous êtes forts! Vous êtes forts! Ce n'est pas croyable. Incroyable, mais vrai. Franchement!

M. le Président, plus que ça. Le premier ministre disait: II faut absolument qu'on arrête les dédoublements, quand il parlait du rapport Allaire. Il faut récupérer des pouvoirs. Ça n'a plus d'allure d'avoir deux ministères de l'Éducation, deux ministères de la Santé, deux ministères de l'Environnement. On paie en double des fonctionnaires, on paie en double de l'administration. On est obligés d'imposer des TVQ, des TPS. On est obligés de pelleter dans la cour des commissions scolaires des doubles taxes... On a doublé les taxes scolaires au Québec. La taxe sur la police, la taxe sur la voirie, la taxe sur le transport en commun, l'électricité qui a augmenté de 25 %. Il nous faut, disait le premier ministre... Lui, n'énumérait pas sa série de taxes, le premier ministre de la TVQ, mais il disait: II faut absolument qu'on aille chercher de l'argent en évitant les dédoublements. Les dédoublements, M. le Président, sont tous maintenus. Ce sont des ententes administratives qu'il devra y avoir, valables que pour cinq ans, et si ça va bien dans les négociations. Qu'est-ce que nous avaient dit les Québécois devant la commission Bélanger-Campeau? Trouvez des solutions durables, arrangez-vous pour que les chicanes finissent, arrangez-vous pour qu'on ne tergiverse plus dans les négociations, arrangez-vous donc pour qu'on puisse avoir des solutions qui règlent les problèmes de façon définitive, M. le Président.

Dédoublements tous maintenus, négociations constitutionnalisées. Là, au lieu de se chicaner en négociations, M. le Président, parce que ce n'était pas dans la Constitution, ça va être marqué qu'on va pouvoir se chicaner parce que ça va être marqué qu'on va être obligés de négocier. Puis, si on ne s'entend pas, il n'y a pas de mécanisme pour régler. C'est brillant, ça, M. le Président. Excellents négociateurs.

Je vois le ministre du Travail devant moi. Aurait-il signé des clauses de convention collective sans avoir, lui, prévu un mécanisme en cas d'impasse dans les négociations pour le régler? Aurait-il fait cela? Il se serait fait «fouter» dehors de Canadair, M. le Président, même si, aujourd'hui, il y en a peut-être qui sont heureux de voir qu'il n'est plus là. Mais ça ne se fait pas. Quand on signe des conventions collectives du genre, on prévoit des mécanismes de fin dans des conflits.

Je continue sur le dédoublement des services, M. le Président, parce que ça, c'est un des points cruciaux. Comme on maintient le dédoublement des services, les coûts, un petit chèque d'allocations familiales du fédéral, un petit chèque d'allocations familiales du provincial, un chèque de rentes du Québec, un chèque de pension de vieillesse. Vous êtes-vous imaginé ce que ça coûte, tout ça? Ce n'est pas éliminé. C'est maintenu. Ah! il pourra peut-être y avoir des ententes administratives - si on s'entend, M. le Président, si on s'entend.

Je vois le ministre de la Santé, M. le Président. Dans l'époque référendaire, ils sont allés chercher de l'argent pour faire taire ça. On nous annonce qu'en 1996 il n'y aura pas une cent de paiements de transfert en santé. Il n'y en aura plus en 1996. M. le Président, comment ça se fait qu'on n'a pas obtenu, pour 1996 au moins, l'exclusivité, puisqu'ils ne paieront plus? Ah non! il va devoir respecter les standards nationaux. Il essaiera de faire quelque chose et il ne sera pas capable. C'est ça qui est dans l'entente qu'ils ont négociée, M. le Président. Ils n'ont rien réglé, absolument rien, dans le transfert des juridictions.

Hier soir, le ministre de la Main-d'oeuvre disait qu'il avait tout obtenu. On a une lettre de M. Trefflé Lacombe qui dit clairement: L'assurance-chômage, ce n'est pas transféré; qui dit très bien à ses fonctionnaires: Ça va être long, c'est nébuleux, il y a de l'interprétation.

Vous disiez que vous aviez obtenu de quoi en immigration. Le premier ministre lui-même, et Benoît Bouchard ensuite, disaient: Ce n'est pas fini, les pourparlers continuent en immigration. Donc, il n'y a pas d'entente, si j'ai bien compris. On continue la négociation. On est en train, par supercherie, de nous faire croire qu'il y a une entente. M. le Président, c'est grave, tout cela. C'est grave, tout cela.

On laisse se promener dans le décor deux textes, un texte français et un texte anglais, qui ne disent pas la même chose. Et avec raison. Il ne faut pas que ça dise la même chose, M. le Président, parce que si les Anglais voyaient ce qu'il y a dans le texte français, peut-être que ça ne marcherait pas, et l'inverse. On laisse se promener dans le décor des textes qui ont des nuances non seulement de forme mais de fond. Et ça, M. le Président, c'est grave sur le plan de la probité intellectuelle de laisser deux textes dire des choses différentes. Et les anglophones du Canada ne se prononceront pas sur la même chose qu'ici. Qu'est-ce qui va arriver après, dans l'interprétation juridique, M. le Président, quand il y a six juges de la Cour suprême... Six juges de la Cour suprême, M. le Président. La tour de Pise, là, six contre trois. Et on découvre, M. le Président...

Vous savez, M. Bourassa s'étirait les bretelles pour dire qu'à la Cour suprême il avait gagné trois juges. Il faut relire maintenant l'entente; c'est bien plus faible que c'était. Maintenant, c'est prévu que c'est les membres du Barreau québécois qui peuvent être juges du Québec. Donc, un avocat de Terre-Neuve qui est membre du Barreau québécois, M. le Président, pourrait être juge. C'est clairement établi, ça. On a même fait un relevé. Ils seraient quelque

100 avocats en dehors du Québec, qui sont membres du Barreau québécois, qui exercent ailleurs, et qui pourraient devenir juges. Plus que ça, M. le Président, on découvre dans l'entente sur les juges qu'ils ne sont pas obligés de les prendre si la liste ne satisfait pas. Ils en nomment par intérim. Je connais ça, des intérims, moi, dans un gouvernement. Ça peut être des années, ça, des intérims dans un gouvernement, M. le Président. C'est ça qui est dans l'entente. C'est ça qui est dans l'entente textuelle. Je l'ai lu, formellement, M. le Président. Et au niveau de la Cour suprême, rien.

Au niveau des autochtones, M. le Président, je vois le suave ministre des Affaires intergouvernementales, vous savez, qui, avec beaucoup de simplicité, toujours, se présente devant nous et nous dit: Jamais, jamais le gouvernement du Québec n'acceptera le pouvoir des juges dans les litiges opposant le Québec aux autochtones. C'est des traités, c'est des ententes ou c'est des conventions. Il a répété ça à Anjou. Il a répété ça devant le Barreau canadien. Il a répété ça à plusieurs reprises. Grande surprise, M. le Président, sur quoi on aura à se prononcer le 26 octobre prochain? C'est que si les négociations ne sont pas bonnes dans les cinq premières années, même s'il y a eu un peu de bonne foi, bien, ce sera un juge qui va décider. Un juge va décider que le Québec doit, par exemple, créer des enclaves territoriales sur son territoire. Donner le pouvoir aux juges pour faire ça? Ce n'est pas des gouvernements de juges, ce sont les élus du peuple qui ont le devoir et le pouvoir de conclure des ententes sur le plan constitutionnel, M. le Président, avec les peuples. Et deux peuples, ça traite d'égal à égal par des traités, par des ententes, par des conventions.

Et si on va plus loin dans ce qu'on appelle les clauses contextuelles, M. le Président, on peut lire que même la Baie James peut être remise en question. Et, ça, c'est grave. Ça, c'est très grave, M. le Président. Ce qui a été élaboré entre deux groupes, entre le gouvernement du Québec et le peuple autochtone pour la Convention de la Baie James, ce qui était un peu une première - c'est fantastique, ça - ça pourrait être remis en question, M. le Président. (11 h 40)

Moi, je pense que ça n'a pas de bon sens. La campagne référendaire va nous permettre de sensibiliser le monde, de sensibiliser la population, de faire en sorte que les gens sachent exactement ce à quoi les ont convié le premier ministre de la TVQ et le premier ministre de la TPS. Il faut qu'ils sachent que ces deux hommes qui ont endetté réciproquement la province et le pays ont concocté quelque chose qui s'apparente beaucoup plus à de la poudre aux yeux.

Fondamentalement, les Québécois qui sont venus s'exprimer, ils sont venus, M. le Président, s'exprimer pour dire qu'ils voulaient des changements en profondeur ou bien le rapatriement de la totalité des pouvoirs. Quand on se contente... ça aurait pu être pire, ce genre de phrase là. C'est mieux que rien. Bien, M. le Président, on n'incarne pas la volonté des Québécois, de tous les gouvernements québécois antérieurs. On n'incarne pas la volonté du peuple. On n'incarne pas le consensus qui s'était dégagé au Québec de régler une fois pour toutes et en profondeur pour éviter les interminables chicanes, pour éviter les interminables collisions de négociations perpétuelles, parce que chacun n'y retrouve pas son compte.

Le ministre Rémillard disait, en conclusion, M. le Président: II faut apprendre que la meilleure façon, sur le plan constitutionnel, de régler les choses, c'est de donner au gouvernement qui est le plus près l'ensemble des pouvoirs. Nous étions d'accord avec lui. Lui a changé de cap; nous, pas. Je vous dis, M. le Président, à une entente aussi faible, à une équipe de négociation qui a mangé la claque, comme on dit en bon québécois, de façon si magistrale, on ne peut que dire non. Merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Joliette et leader de l'Opposition officielle.

M. Ryan: Est-ce que le député de Joliette accepterait que je lui pose une question?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le ministre, l'article 213, qui vous permettrait, en temps régulier, de poser... de demander cette question au député de Joliette, est suspendu en vertu de la motion. Alors, je vais maintenant reconnaître... Un instant! Oui.

M. Gendron: je pense que vous avez raison. le leader du ministre des affaires municipales, son propre leader, a suspendu cette règle. alors, on regrette beaucoup.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, je suis prêt à reconnaître le prochain intervenant. Est-ce qu'il y a d'autres intervenants?

Une voix: Oui.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): alors, m. le député de charlesbourg et ministre de la santé et des services sociaux. m. le député de charlesbourg.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. Nous avons donc amorcé, depuis quelques jours, depuis ces dernières heures, une étape extrêmement importante qui consiste à apporter des amendements à la loi 150 en

parfaite conformité avec ce que le premier ministre du Québec a toujours dit et ce qui a toujours été l'interprétation de la partie gouvernementale. Importante puisqu'elle vient remettre en perspective tout ce qui s'est passé antérieurement et qui devra se passer au cours des prochaines semaines, des prochains mois, et qui conditionnera l'avenir non pas du Canada, mais l'avenir du Québec.

On a beau dire, on a beau faire, surtout lorsque l'Opposition dite officielle du Québec s'arroge le droit d'être contre à peu près tout ce qui se passe, tout ce qui bouge, et de manière plus spécifique dans le dossier constitutionnel. Il y a longtemps que j'ai perdu, quant à moi, M. le Président, mes illusions à l'endroit de mes amis d'en face quant au dossier constitutionnel. De tous ces partenaires de circonstance, qui vibreront aux mêmes créneaux dans les prochaines semaines, le réveil risque d'être bien pénible pour certains, surtout qu'un non n'est pas un oui à l'indépendance.

Je veux en profiter, dès à présent, pour féliciter Jean Allaire. Nous aurions voulu infiltrer le PQ que nous n'aurions pas fait mieux, puisque nous devons nous rendre compte qu'après une journée de présence sous le chapeau du non de Jean Allaire, il a réussi à faire reculer ce parti sur son idée fondamentale qui est celle de l'indépendance.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Donc, 1-0 pour Jean Allaire contre le chef du Parti québécois.

Dans tout cela, bien sûr, se profile dans la garde-robe Lucien, l'ineffable Lucien, qui est en attente d'une prise réelle de pouvoir pour pouvoir exercer sa totale et pleine splendeur. Il pourra toujours invoquer qu'il y a des mariages de raison qui peuvent facilement se justifier, le temps d'une cause, sauf que la cohabitation est tellement grossière ici qu'elle dépasse l'entendement, qu'elle frise la supercherie de haute voltige et l'opportunisme éhonté. Nous y reviendrons, M. le Président, puisque nous aurons amplement le temps au cours des prochains mois.

Ce qui m'apparaîl aujourd'hui important d'invoquer entre-temps, c'est qu'on va donc s'embarquer dans un processus hautement démocratique dans les prochaines semaines, où la population du Québec va être appelée à se prononcer - et c'est elle et elle seule qui décidera - sur des offres formelles, concrètes et tangibles. Avouons-le très honnêtement si nous voulons être pris au sérieux. Avouons-le. Nous, de notre côté, aurions espéré davantage, mais c'est une négociation, et une négociation ne se fait pas seule. La vision qu'ont les anglophones du pays n'est pas en parfaite harmonie avec celle que nous avons. Lorsqu'on parle de dualité, il nous faut avoir le respect des autres, mais aussi respecter les autres. Ce sont là des principes fondamentaux d'une négociation et d'une vision commune d'un Québec fort avec ses moyens à l'intérieur d'un Canada qui, lui aussi, nous apporte ses bénéfices.

Il faut en convenir, pour le commun des mortels, pour celui qui observe tout cela de l'extérieur des officines gouvernementales, pour l'homme et la femme de la rue qui en ont ras le bol d'entendre parler de constitution, il n'est pas facile de s'y retrouver. Il faut, au minimum, avoir le respect de ces gens-là, qu'ils soient du oui ou du non, qu'ils aient des tendances pour le oui ou le non, que nous ayons un minimum de décence dans les propos que nous allons tenir quant au fond, d'un minimum d'honnêteté intellectuelle pour être capable de véhiculer la vérité, et strictement la vérité, et de la portée de ce que nous allons faire au cours des prochains jours.

M. le Président, oui, il s'en est passé des choses depuis quelques mois, depuis quelques années et surtout depuis Meech. Il est important de rappeler à la population du Québec ce que nous avions obtenu dans Meech, puisque Meech avait été largement partagé par une très grande majorité des Québécois à l'époque, y compris des nationalistes très identifiés et qui avaient retrouvé en Meech la fierté que nous cherchons tous d'être Québécois à l'intérieur du Canada et d'être Québécois canadiens, et nous l'avions atteint, à ce moment-là, avec Meech.

Voici pourquoi nous l'avions atteint, M. le Président. Parce que la reconnaissance du Québec comme société distincte était là; parce que les pleins pouvoirs en immigration, quant à l'intégration économique, sociale et culturelle des immigrants du Québec, étaient là; parce que la possibilité pour le Québec de se soustraire de tout programme fédéral futur et cofinancé dans les domaines provinciaux et d'obtenir, du même coup, compensation financière pour lui, permettait d'agir librement; parce que de changements à la Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec sur les plans, notamment, de son existence, de ses pouvoirs et le fait de garantir la présence de trois juges québécois sur neuf, nous l'avions; parce qu'un droit de veto sur toutes les nouvelles modifications à la Chambre des communces, au Sénat et à la Cour suprême, nous l'avions; parce qu'une protection absolument sûre de s'opposer à toute tentative de diminution des pouvoirs de l'Assemblée nationale, nous l'avions, M. le Président.

Oui, je le dis et je le répète, Meech, à une époque encore pas si lointaine, a constitué une base très acceptable au Québec dans les revendications historiques du Québec. Un début plus important que tout ce que nos prédécesseurs d'en face n'ont jamais réussi à obtenir avec la menace de l'indépendance, avec le beau risque, avec un chef charismatique et qu'ils n'ont jamais... avec une ferveur populaire qui les supportait qu'ils n'ont réussi à obtenir du gouvernement fédéral

dans une négociation. Au contraire, M. le Président, il faut le répéter. Au contraire, ce qu'ils nous ont laissé, ce n'est rien. Même, ils ont accusé des pertes très significatives, en particulier au niveau du droit de veto qui nous a conduit dans l'impasse dans laquelle nous nous sommes retrouvés sur le plan d'une négociation où, pour retrouver le droit de veto, nous avions besoin de l'unanimité. (11 h 50)

Oui, je suis fier de ce que nous avons fait dans Meech. Je l'étais et je le suis toujours, malgré les beaux discours de tous et chacun d'entre vous et des ténors qui vous suivent, qui, partout à travers le Québec, depuis trois ans, ont tenté de discréditer l'opération, mais sans jamais renier le fond. Le fond de Meech est demeuré, et il est dans l'entente que nous avons, du 28 août dernier. Il peut bien y avoir de beaux esprits dans votre parti, à l'extérieur, qui interprètent à leur manière et selon leurs propres convictions, de manière différente, Meech. Meech demeure Meech, et Meech est un acquis pour le Québec, y compris dans l'entente du 28 août dernier. Si vous étiez fiers, à l'époque, vous avez encore raison d'être fiers, même si vous êtes péquistes. Ça, vous devez avoir l'honnêteté minimale de dire aux Québécois que Meech est toujours là, que nous en sommes toujours fiers, que c'est un plus pour le Québec, et que nous continuerons de bâtir sur le plus. Voilà pour Meech, M. le Président.

M. le Président, il y a plus que Meech. C'est ça aussi la vérité, et cette vérité-là fait mal. Elle fait mal à ceux qui ont tenté pendant de nombreuses années, et qui ont rêvé, du temps de leur opposition, du rêve de l'indépendance, tout en voulant cacher l'indépendance aux Québécois - étant leur but ultime - pour louvoyer et tenter de faire croire aux Québécois que c'était un bon gouvernement qu'ils voulaient nous donner, alors que l'objectif premier a toujours été l'indépendance du Québec.

M. le Président, oui, il y a plus que Meech dans l'entente du 28 août, et je vais le dire et continuer de le dire partout à travers le Québec. Qu'il suffise de penser que le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre des communes et ça, même si la population du Québec passe en dessous de ce seuil. Qu'est-ce que ces beaux esprits d'en face, en particulier le député de Lac-Saint-Jean, ont à nous dire lorsqu'on dit que nous avons 18 députés de plus à la Chambre des communes? Il dit: Si on est pour avoir 18 Benoît Bouchard, on est aussi bien de ne pas en avoir. Eh que c'est plaisant à entendre. Benoît Bouchard qui a été un de ceux qui ont supporté le oui en 1980, au référendum. Quel respect de ceux qui étaient avec vous à l'époque. Quel beau respect des Québécois qui ont été élus par la population, et qui ont un mandat direct de la population pour défendre les intérêts du Québec à la Chambre des communes à Ottawa, selon une perspective qui est la leur, qui est celle canadienne, tout en défendant les intérêts du Québec. Des Benoît Bouchard, je suis intéressé à en avoir d'autres à Québec: 18, ce ne sera pas de trop pour être capable de continuer à travailler pour revendiquer ce à quoi on a droit.

Mais plus jamais un seul Lucien Bouchard qui nous a littéralement fourrés, toutes les fois qu'il a été dans une situation de décision, que ce soit comme ambassadeur du Canada à Paris. Rappelez-vous le Sommet des pays francophones, comment est-ce qu'il a isolé et tassé le Québec pour faire place au gouvernement du Canada à l'époque. Rappelez-vous qu'il est le père de la Loi sur l'environnement. Même si, aujourd'hui, il se cache, il est le père de la Loi sur l'environnement qui isolait le Québec, ou tentait d'isoler le Québec au niveau de son application et de son importance. Vous préférez avoir des Lucien Bouchard? Je vous le laisse. Probablement que vous avez déjà d'autres idées, compte tenu du fait que votre chef actuel est dans de sérieuses difficultés sur le plan de l'appréciation, et que vous caressez le désir d'en avoir un qui semble un peu plus vendable que d'autres.

M. le Président, ça démontre véritablement ce que vous êtes et ce que vous cherchez. M. le Président, de dire qu'une garantie de 25 % des députés à la Chambre des communes à Ottawa à vie n'est pas un gain pour le Québec, c'est être malhonnête intellectuellement. Il y en a d'autres, et on va vous le répéter pendant tout ce débat, pendant les deux prochains mois, partout à travers le Québec, là où il faut, pour vous mettre à votre place. Qu'il suffise de penser, M. le Président, au droit de veto que les sénateurs francophones ont à Ottawa. Qu'est-ce que ces beaux esprits ont à nous dire? Des droits de veto sur des questions linguistiques et culturelles. Qu'est-ce que ces beaux esprits ont à nous dire? Danger. Ils vont être noyés parmi les francophones des autres provinces. Ils ont vu le danger. Le danger ne vient plus des Anglais, le danger vient des francophones des autres provinces. C'est extraordinaire! Quelle belle vision d'ouverture, quel beau pays vous allez construire! Quelle belle vision, bien non, les francophones des autres provinces, du Nouveau-Brunswick, les francophones de l'Ontario, de la Saskatchewan. Quantité négligeable, on n'a pas besoin de s'occuper de ça, c'est juste des francophones canadiens. Ce n'est pas des francophones québécois. Quels beaux esprits, quelle ouverture! René Lévesque devrait être très fier de vous entendre à ce moment-ci.

M. le Président, d'autres, et il y en a... Regardez tout simplement au niveau des autochtones. Ils sentent, ils le sentent, ils ont un «feeling» que d'exploiter la cause autochtone au moment où nous traversons des périodes difficiles, en particulier avec les gens de Château-guay, les gens de Kanesatake, et avec les Cris,

que d'exploiter ce filon des autochtones, c'est payant au Québec politiquement. Ça pourrait être payant, amener quelques votes pour être capables de faire triompher l'idée, alors que la générosité de René Lévesque était totalement différente. Elle était ouverte à la reconnaissance de ce que sont les autochtones et de ce qu'ils doivent être chez nous, et c'est cette reconnaissance-là que la Constitution canadienne modifiée va leur reconnaître. Que le Québec soit indépendant ou pas, est-ce qu'il y aura toujours des autochtones au Québec? Est-ce qu'il y aura toujours des Inuit? Comment est-ce que vous allez régler le problème alors que vous prenez des positions qui sont bassement électoralistes et qui visent à mettre dans les urnes des votes aujourd'hui pour tenter de vous faire gagner? Oui, cette générosité, René Lévesque, on va très certainement finir par vous en parler.

M. le Président, oui à Meech plus. Meech plus est l'entente du mois d'août. C'est une entente généreuse d'une vision et d'un respect des deux peuples qui ont fondé ce pays, y compris le Québec, et une ouverture aux autochtones qui étaient là avant nous. C'est une ouverture généreuse, et l'histoire sera aussi généreuse vis-à-vis de ceux qui ont cette générosité et qui sont prêts à aller sur la place publique pour la défendre. M. le Président, il y a plus, il y a Meech, il y a plus que Meech. Il y a de l'ouverture, de la générosité pour être capable de fonder ce pays, et un Québec fort à l'intérieur du Canada. Il y a plus que ça.

Quand j'entends, M. le Président, Larose, Daoust, Pagé, quand je les entends, M. le Président, venir critiquer l'entente et qu'on parle de main-d'oeuvre, formation de main-d'oeuvre et de rapatriement des pouvoirs, et que j'entends ce monde-là nous parler de duplication, est-ce que ce n'est pas un secteur en particulier où, M. le Président, c'est clair et où l'intérêt supérieur de ceux qui demain se chercheront un emploi, de ceux qui aujourd'hui perdent un emploi et pourront avoir des cours, M. le Président, pour se reformer, se réorienter et être capables d'être ceux qui vont être actifs sur le marché de l'emploi au Québec... Est-ce que cette entente-là n'est pas un plus pour le Québec? Oui, elle est un plus, elle est un plus! Et je suis scandalisé d'entendre des gens comme Larose, Daoust, Pagé, et je pourrais en mettre d'autres... M. le Président, pouvez-vous rappeler le député de Lévis à l'ordre.

Une voix: II vient d'arriver.

M. Côté (Charlesbourg): m. le président, il y a un plus très évident de mise en commun, d'élimination des duplications dont les profits vont se faire sentir à tout le monde. et, dans ce sens-là, prenons-en d'autres. prenons le développement régional. oui, prenons l'habitation, prenons les loisirs. et la question qu'aurait voulu poser mon collègue d'Argenteuil au député de Joliette tantôt, expert constitutionnaliste, lorsqu'il parlait en particulier des Affaires municipales et du Loisir, c'était de lui demander de donner l'endroit exact et la citation de la Constitution canadienne de 1867 où il retrouvait ces pouvoirs. Et, dans ce sens-là, M. le Président, qu'il aille voir pour l'habitation aussi et il viendra nous donner ultérieurement les réponses. (12 heures)

M. le Président, il est clair, il est clair que nous sommes engagés dans un débat constitutionnel où la force du Parti libéral du Québec et de ce gouvernement, c'est clair, c'est de l'ouverture. L'ouverture contre la fermeture. Non, une certaine ouverture tactique, tactique, M. le Président. Tactique, lorsque l'on voit le député de Westmount, tactique lorsqu'on voit l'ouverture, les bras grands ouverts de ceux qui, à l'intérieur du Parti libéral, se sentent mal à l'aise avec une décision démocratiquement prise par le parti. Les bras grands ouverts, mais c'est très circonstanciel. La véritable générosité et la véritable ouverture, on les voit devant l'attitude de textes d'ouverture aux anglophones, d'ouverture aux communautés culturelles, d'ouverture aux autochtones. C'est ça, la véritable situation, et elle vous fait mal. Et c'est ça, la vérité, et on va continuer de la dire partout à travers le Québec.

M. le Président, le balancier sera cruel, cruel, aujourd'hui, surtout lorsqu'on voit un parti qui, hier, était résolument indépendantiste, s'allier avec des nationalistes fédéralistes pour dire qu'un non à l'entente n'est pas un oui à l'indépendance. À croire que Claude Morin est revenu, le stratège du Parti québécois, de l'accession à l'indépendance par étapes, tout cela, bien sûr, contre rémunération, avec l'engagement de le déclarer à l'impôt.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Côté (Charlesbourg): Et lui aussi, ce Claude Morin, on le considère encore comme un intello suffisamment crédible pour émettre son opinion et être considéré comme un expert, tout en avouant, il faut bien se le rappeler, qu'il aura fallu 15 ans à Nixon, aux États-Unis, pour retrouver une certaine virginité et 15 jours à peine, au Québec, pour que la presse redonne à Claude Morin sa presque virginité d'antan. Le grand éclat de rire, c'est nous qui revendiquons de l'avoir aujourd'hui.

Quand on prend connaissance, sondages obligent, du taux de confiance accordé par la population au chef du Parti libéral par rapport au chef du Parti québécois, il y a de quoi s'esclaffer doublement, sachant que l'ami Lucien est dans la garde-robe et qu'il attend, sachant que l'ami Lucien a tout un beau programme économique à proposer aux Québécois et qu'il en a fait largement la démonstration à Ottawa, et

qu'il l'a carrément dit qu'il était à Ottawa pas pour défendre les intérêts du Québec mais pour saboter le système canadien, et c'est ce qu'il a réussi à faire. C'est ce même chef de l'Opposition officielle qui s'est déjà fait le prophète de malheur en prédisant un refus catégorique du Canada, comme s'il le souhaitait dans le fond de son âme. Pourtant, aujourd'hui, la réalité est tout autre. Elle fait mal au coeur à ceux qui n'ont d'autre objectif que de détruire le système actuel.

Je termine, M. le Président, en disant à ces gens d'en face: Comment les croire aujourd'hui? Comment les croire? Comment croire le député de Lac-Saint-Jean qui, il y a quelques années, était derrière Pierre Marc Johnson à défendre un assouplissement de la thèse du PQ par rapport à l'indépendance? Comment croire le député de Lac-Saint-Jean d'aujourd'hui?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Si vous voulez conclure...

M. Côté (Charlesbourg): Alors que le député de L'Assomption d'aujourd'hui a voulu devenir chef, lui-même pensait s'opposer parce que, sur le plan du programme du parti, il n'était pas d'accord avec lui. Où sont les vrais, aujourd'hui? Où sont ceux qui disent la vérité à la population et qui n'ont pas d'autre intérêt que de défendre les intérêts du Québec? Ils se trouvent de ce côté-ci de la Chambre. Alors, eux ont toujours le goût du pouvoir. M. le Président, merci.

Des voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous rappelle que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 44...

Une voix: Nous autres, on ne met pas les poignards dans le dos. On les met en plein coeur.

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): ...Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je reconnais M. le député...

Des voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): À l'ordre, s'il vous plaît!

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît, à l'ordre! Je reconnais M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Garon: M. le Président, pour pas que le député de Pointe-aux-Trembles soit dérangé, j'aimerais que vous fassiez respecter...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député...

Une voix:...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Oui.

M. Garon: En vertu du règlement, je demanderais que les députés soient assis à leur place pour pas que...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Très bien. Alors, en vertu de l'article 32, à la demande du député de Lévis, je demanderais aux députés de reprendre les banquettes qui leur sont assignées par la présidence. Je tiens à vous dire, M. le député de Lévis, que je fais tout mon possible pour maintenir l'ordre dans cette Assemblée, et c'est ma première priorité. M. le député de Pointe-aux-Trembles.

M. Michel Bourdon

M. Bourdon: M. le Président, quand Brian Mulroney a été élu premier ministre du Canada en 1984, il a parlé de ramener le Québec dans le giron constitutionnel canadien dans l'honneur et l'enthousiasme. On a eu, hier, à la période de questions, et on vient d'avoir, pendant 23 minutes, des exemples précis qu'on veut nous ramener dans le giron constitutionnel canadien dans l'injure, les mensonges, les demi-vérités et les roublardises. La performance que vient de nous donner le député de Charlesbourg, M. le Président, est du niveau d'une taverne, quand des Québécois de toute allégeance discutent après avoir bu cinq, six bières. Ce n'est pas du niveau intellectuel qu'il convient de maintenir dans cette Assemblée, M. le Président. Ce que je veux dire quand je dis cinq, six bières, je parle de grosses bouteilles de bière, parce que le député de Charlesbourg nous a distribué, à la Maurice Duplessis, une pluie d'injures et de déclarations folichonnes, je dirais même presque bouffonnes, M. le Président. Il dit, par exemple, le slogan du niveau de la taverne, que ce qui a été obtenu est le lac Meech plus.

Je n'ai pas l'intention de faire le tour de toute l'entente, M. le Président, juste de dire que, dans le lac Meech, le Québec avait un droit de veto sur toute réforme des institutions fédérales et que, là, on se retrouve à 8 % ou 9 % de sénateurs dans un Sénat dont la composition n'était même pas mentionnée dans l'accord du lac Meech. Ça faisait partie des choses qui n'auraient pas pu se réaliser sans l'accord exprès du Québec.

M. le Président, le député de Charlesbourg est responsable de la Loi électorale du Québec. Comment peut-il se réjouir d'une proposition qui ferait qu'à l'île-du-Prince-Édouard il y aurait un

sénateur par 26 000 de population et qu'au Québec il y aurait un sénateur par 1 200 000 de population? Je pense, M. le Président, que la simple lecture du «transcript» des propos du ministre et député de Charlesbourg va nous donner une idée jusqu'où la démagogie peut aller quand on a quelque chose d'impopulaire à défendre.

M. le Président, je suis un député de ITle de Montréal et, sur l'île de Montréal, il y a quelque chose qui est un enjeu fondamental au Québec depuis des décennies: c'est à quel groupe linguistique les immigrants vont s'identifier et s'intégrer. C'est ce qui a fait, M. le Président, que mon parti a souscrit à l'énoncé de politique de la ministre de l'Immigration quand elle a établi clairement une chose qui fait consensus au Québec, c'est que, si on veut rester une société à majorité francophone, les immigrants doivent s'intégrer à l'école française et doivent pouvoir, par la suite, travailler en français. L'une des questions que les propositions sur la table soulèvent, M. le Président, c'est: Est-ce que ces propositions pourraient mettre en cause la loi 101?

Je voudrais, M. le Président, lire des extraits - pas longs - du texte qui est devant nous, notamment le nouvel article 2 de la Constitution qui dirait: «Toute interprétation de la Constitution du Canada, notamment de la Charte canadienne des droits et libertés, doit concorder avec les caractéristiques fondamentales suivantes», et on en cite plusieurs. Et à d, on dit: «L'attachement des Canadiens et de leurs gouvernements à l'épanouissement et au développement des communautés minoritaires de langue officielle dans tout le pays». Fin de la citation. Et, après ça, M. le Président, au paragraphe 2°, on dit: «La législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte.» Le premier ministre nous a dit hier, M. le Président, que fait de même, vu que l'article sur la promotion de la société distincte ne fait plus partie du premier paragraphe de l'article 2, mais est devenu un deuxième paragraphe, que ses experts, que ses juristes l'ont assuré que le nouveau texte qui nous est proposé ne pourrait pas mettre en cause la loi 101. (12 h 10)

Je ne suis pas convaincu par cet argument et je pense que les gens qui nous écoutent peuvent être confondus par une logique aussi ténue. La vérité, c'est que l'entente prévoit de nouveau qu'on aura, au Québec, le gouvernement par les juges, que ça soit pour la langue de travail, que ça soit pour la langue d'enseignement pour les filles et les fils d'immigrants ou que ça soit sur quoi que ce soit qui est prévu dans la Charte de la langue française, à laquelle les Québécois sont attachés.

M. le Président, faut-il rappeler que le premier ministre a cru que l'affichage était du pouvoir du Québec jusqu'à ce que la Cour suprême en décide autrement? Qu'est-ce qu'il a fait quand les juges ont décidé que l'affichage devait se faire de telle ou telle façon? Il a invoqué la clause «nonobstant» et il a adopté une loi 178 qui ne fait l'affaire de personne.

Alors, la question est simple. Les Québécois sont attachés, et en particulier à Montréal, à l'idée que les immigrants devraient s'intégrer à la société québécoise francophone en toute amitié pour notre minorité anglophone. Qu'est-ce qu'on nous dit dans ce texte? Bien, c'est que, comme il faut garantir l'épanouissement et le développement de l'autre minorité linguistique - il y en a deux au Canada, française dans certaines provinces, anglophone au Québec - bien, un juge, un matin, pourrait décider par jugement qu'en matière de langue d'enseignement, c'est le libre choix total qui doit s'établir au Québec, soit plus que même ce qui était mis de l'avant dans le rapport par ailleurs excellent de Mme Chambers.

Alors, M. le Président, le gouvernement a le fardeau de la preuve là-dessus et doit répondre aux citoyens dont le choix n'est pas fait, ceux qui ne sont pas automatiquement pour le oui ou pour le non, autrement dit, pour ceux que le discours du député de Charlesbourg laisse froid parce que leur idée n'est pas faite. Est-ce que la loi 101 pourrait être mise en cause par les textes qu'on a enfin décidé de distribuer dans l'après-midi d'hier? La question est fondamentale pour la majorité des Québécoises et des Québécois. Qu'est-ce qui pourrait arriver à la langue d'enseignement, à la langue de travail, en vertu de la proposition qui est faite et sur laquelle les Québécoises et les Québécois auront à se prononcer le 26 octobre prochain? Le premier ministre nous dit: N'ayez crainte. Bon, je pense qu'il faudra, d'ici peu, trouver un moyen d'établir clairement le droit dans cette matière. Est-ce que l'entente peut mettre en cause la loi 101 sur la langue d'enseignement, entre autres? Là-dessus, le gouvernement devra nous répondre, M. le Président, autrement qu'en disant que quand une partie de paragraphe devient un nouveau paragraphe, il n'y a plus d'inquiétude à entretenir.

M. le Président, ça m'apparaît important parce que la langue d'enseignement pour les immigrants, sur ffle de Montréal principalement, fait partie du consensus et du contrat social. Les Québécois pensent que c'était une sécurité de décider, il y a 15 ans, que les filles et les fils d'immigrants iraient à l'école de la majorité francophone. Est-ce que l'entente dont on nous vante les mérites, la proposition que les Québécoises et les Québécois auront à décider le 26 octobre prochain, pourrait amener un juge à changer ça? Je pense que le gouvernement a le fardeau de prouver qu'il a raison de ne pas être inquiet.

Je pense que c'est également un peu indécent de dire que dès que la moindre objec-

tion est soulevée à ce que les juges décident du nouveau palier de gouvernement qui sera le gouvernement des nations autochtones, que n'importe qui qui ose discuter une disposition qui est discutable se range dans les racistes et ceux qui attaquent les autochtones d'une façon vicieuse. M. le Président, le gouvernement nous dit que la proposition qu'il y a devant nous est bonne.

Il y a eu une des dispositions de cette proposition qui dit que le droit inhérent des autochtones à l'autodétermination, après cinq années de négociation, pourra être décidé par des juges. M. le Président, je n'invente rien. Je voudrais lire ici le paragraphe b du fameux article 2 qui dit: «Le fait que les peuples autochtones du Canada, qui ont été les premiers gouvernants du territoire, ont le droit de promouvoir leur langue, leur culture et leurs traditions et de veiller à l'intégrité de leur société et le fait que leur gouvernement forme un des trois ordres de gouvernement du pays.» Fin de la citation.

M. le Président, il n'y a personne, de ce côté-ci de la Chambre, qui est contre qu'il y ait un ordre de gouvernement, dans le pays que nous habitons actuellement ou dans le pays dont nous prônons l'émergence et la naissance, le Québec, qu'il y ait un ordre de gouvernement autochtone. Il n'y a personne qui met ça en question. René Lévesque avait piloté à l'Assemblée nationale une déclaration de principe reconnaissant le droit des premières nations au Québec à s'autodéter-miner selon des modalités à convenir.

M. le Président, notre désaccord ne porte pas sur la réalité de gouvernements autochtones, mais sur la façon de les établir. Nous pensons qu'il est tout à fait inacceptable qu'un ordre de gouvernement puisse être créé par une décision d'un juge. M. le Président, à cet égard-là, je voudrais, quand il se sera calmé, rappeler au député de Charlesbourg qu'à l'intérieur de la province de Québec actuelle, les ordres de relation et les juridictions respectives des gouvernements que le Québec contrôle, que sont les municipalités, je ne sache pas que ce soit des juges qui en décident. Dans le cas de la réforme de la fiscalité municipale, c'est le gouvernement de Québec qui a pris des décisions que, d'ailleurs, nous avons contestées. Les questions que pose la proposition qui nous est faite sont les suivantes: Un juge pourrait-il décider, par hypothèse, que les gouvernements autonomes des premières nations, qu'il y en a qui aurait le contrôle des installations hydroélectriques de la Baie James? M. le Président, ce n'est pas une question qui est théorique, ça. Elle est pratique et elle touche au projet hydroélectrique du premier ministre, sur lequel il a fondé une bonne partie de sa carrière politique.

Or, le texte qu'on a devant nous pourrait permettre à un juge de prendre une telle décision. Maintenant, les autochtones ont fait des gains dans les négociations constitutionnelles auxquelles nous avons assisté. Nous ne sommes pas de ceux qui négligent les talents de négociateur d'un Ovide Mercredi. Il a bien négocié. Il a fait de bonnes alliances, puis il a négocié pour les peuples qu'il représente. On ne lui reproche d'aucune manière... On est heureux que les peuples autochtones aient eu un meilleur négociateur que le peuple québécois. C'est ainsi qu'on doit apprécier les résultats de la proposition qui nous est faite.

Est-il acceptable qu'une société comme la nôtre dise que des gouvernements vont exister sur son territoire, vont exercer des pouvoirs, je suppose, fiscaux et autres, et que ça, c'est un juge, si les négociations n'aboutissent pas, qui va établir quelle forme ces gouvernements-là vont avoir? Est-ce que le ministre des Affaires municipales aurait accepté que la ville de Montréal soumette à un juge la question de savoir quel impôt foncier va être pompé par cette municipalité-là, comme par des centaines d'autres, pour assumer le transfert de factures que la réforme du ministre des Affaires municipales a confiées. Mais non, on a dit: C'est des relations de gouvernement à gouvernement puis, sur le territoire, ici, c'est le gouvernement du Québec qui a le pouvoir de prendre des décisions. (12 h 20)

Ce que le programme de mon parti politique dit, M. le Président, c'est que par traité et par entente nous allons nous entendre avec les premières nations sur leur droit à l'autodétermination et les modalités pratiques leur permettant de l'exercer. Il n'y a pas autre chose dans notre position. On ne veut pas jouer sur l'exaspération des gens de Châteauguay ou de ceux d'Oka. On dit seulement que si on a un nouveau niveau de gouvernement au Québec - et on est d'accord qu'il y en ait un, on est d'accord que les premières nations puissent s'exprimer de cette manière - c'est par négociation qu'on doit y arriver, parce que les Québécoises et les Québécois n'élisent pas les juges. Ils élisent des députés pour prendre les décisions politiques, et c'est contraire à tout notre système de droit de dire que, sur la langue de travail comme sur la langue d'enseignement pour les immigrants, comme pour qui contrôle l'hydroélectricité à la Baie James et de quelle façon les gouvernements autonomes des premières nations vont opérer... Les Québécois n'admettent pas cette idée de se cacher derrière les juges pour qu'un juge décide à la place de ceux que la population élit pour prendre des décisions.

Je pense, M. le Président, que ce sont là de vastes questions qui sont posées et qu'il faudra y répondre d'ici au 26 octobre. Pas y répondre d'une façon démagogique pour plaire à ceux de nos concitoyens qui, spontanément, sont pour le oui ou pour le non - ça, c'est un grand nombre de personnes - mais, dans le fond, pour répondre aux questions des personnes qui se disent:

L'entente dont on nous dit que c'est mieux que rien - ça, c'était l'argument au congrès libéral, dans les corridors; ce n'est pas «vargeux», excusez l'expression, mais c'est bien mieux que rien - est-ce qu'elle peut nous faire reculer en termes d'intégrité territoriale? Et l'intégrité territoriale, M. le Président, ce n'est pas une notion théorique. Qui est propriétaire des 20 000 000 000 $ d'installations hydroélectriques que les Québécois ont installées à la Baie James? Une question éminemment pratique. Dans quelle langue les filles et les fils d'immigrants vont-ils étudier? Dans quelle langue les gens parlant français au Québec ont-ils le droit de travailler? Ces questions-là, M. le Président, on nous propose de confier aux juges le soin d'en décider. Et on a vu déjà que, quand la population n'est pas d'accord avec les décisions des juges, elle demande aux élus d'en rendre compte. Mais ce ne sont pas les élus qui ont à en rendre compte.

Je pense donc, M. le Président, que d'ici au 26 octobre le gouvernement doit nous répondre précisément sur les questions opportunes que nous posons, et qui sont les suivantes: Est-ce que la loi 101 est en cause dans cette entente? Est-ce que la Cour suprême pourrait prendre des décisions qui bifferaient des dispositions de 101 comme la langue d'enseignement pour les immigrants? Est-ce que le gouvernement peut nous expliquer pourquoi il a accepté que les juges décident des pouvoirs d'un nouveau niveau de gouvernement, qui serait celui des premières nations, et dont le ministre des Affaires constitutionnelles nous avait dit que c'était absolument inacceptable? Bien, qu'on nous dise ce qui en est pour que les gens dont l'opinion n'est pas faite et qui sont importants décident en toute connaissance de cause si c'est une entente qui fait juste ne pas nous donner grand-chose ou si ce n'est pas plutôt une entente qui pourrait nous faire reculer? Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Pointe-aux-Trembles, de votre intervention. Sur ce même sujet - nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 44 - je cède la parole à M. le député de Hull. M. le député, la parole est à vous.

M. Robert LeSage

M. LeSage: M. le Président, c'est avec un grand plaisir que j'interviens aujourd'hui en cette Chambre afin d'appuyer un amendement à la loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Cette loi, M. le Président, a été adoptée le 20 juin 1991, rappelons-nous. Mais avant d'aller plus loin, permettez-moi de situer le contexte qui nous amène aujourd'hui à rediscuter de cette loi.

Depuis 1985, plus précisément le 2 décembre, le gouvernement libéral, mon gouvernement, dont je suis fier, s'est mis à la tâche de convenir avec les gouvernements fédéral et provinciaux les termes de son adhésion à la loi constitutionnelle de 1982. À cette fin, le gouvernement du Québec a fait connaître ses cinq conditions. L'accord constitutionnel de 1987 a traduit les termes de l'entente intervenue au lac Meech entre le Québec, Ottawa et les neuf autres provinces en regard des cinq conditions posées par le Québec. Mais malgré cette entente unanime entre les 11 gouvernements, l'accord n'a pas recueilli le consentement de toutes les Législatures provinciales, ce qui aurait permis la proclamation et son entrée en vigueur. C'est pourtant la première réponse jamais donnée par le reste du Canada aux démarches constitutionnelles amorcées par le Québec. Son échec, après trois années de débats publics, a soulevé la question de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. La rigidité de la procédure de modification constitutionnelle et la conjoncture politique canadienne, de 1987 à 1990, ont fait que nous sommes arrivés à un échec, à une impasse. On a remarqué que les débats qui ont entouré l'accord constitutionnel de 1987 ont montré que les visions politiques, les identités nationales et les aspirations semblaient de plus en plus difficiles à concilier.

De plus, le 4 septembre 1990, notre gouvernement créait la Commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec, la commission Bélanger-Campeau, qui concluait, après son travail de quelques mois, à la nécessité d'un changement majeur de nos institutions politiques et à la volonté très profonde du peuple québécois d'une plus grande autonomie. M. le Président, le projet de loi 150 étudié en juin 1991 respectait en tout point le contenu du rapport Bélanger-Campeau, c'est-à-dire la tenue d'un référendum au Québec au plus tard le 26 octobre 1992, la mise sur pied de deux commissions parlementaires spéciales: l'une ayant pour mandat d'étudier les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté, l'autre, d'analyser toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du Canada. De cette façon, notre gouvernement respectait les termes de l'important consensus qui s'était forgé à la commission Bélanger-Campeau. Le gouvernement libéral a pris les moyens nécessaires pour exprimer ce qu'il considérait comme essentiel pour le Québec et ce que nous ne pouvions avoir dans Meech et que nous devions avoir d'une façon autre. Il faut le reconnaître, M. le Président, notre gouvernement a agi de façon responsable et pondérée, comme il l'a toujours fait depuis sa prise de pouvoir en 1985, et l'expérience et la force de notre chef seront une contribution déterminante quant à notre avenir.

M. le Président, la raison de cet amendement à la loi 150 est bien simple. C'est l'entente du 22 août 1992, les offres du gouvernement fédéral. Cet amendement va permettre la tenue

d'un référendum, le 26 octobre, sur l'entente constitutionnelle. Comme le disait mon collègue, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, le 9 mai 1986, au Mont-Gabriel, et je le cite, M. le Président: «L'avenir du Québec est à l'intérieur du Canada. C'est là la conviction profonde de l'immense majorité de la population du Québec comme c'est là l'engagement premier et fondamental du présent gouvernement. Le gouvernement du Québec croit au fédéralisme parce que, à l'intérieur du régime fédéral, le Québec peut être fidèle à son histoire et à son identité particulière en y trouvant, à la fois, les conditions favorables à son plein épanouissement économique, social et culturel.» (12 h 30)

M. le Président, ce que nous propose l'entente constitutionnelle de 1992, c'est un progrès pour le Québec. Cette entente comporte, pour le Québec, des outils de protection et des outils de changement.

En ce qui a trait à la protection de son identité, le Québec dispose d'un arsenal qu'il n'a jamais pu obtenir et qui, à certains égards, se compare avantageusement à Meech. Avec ses trois juges à la Cour suprême, une clause de société distincte efficace, la garantie de 25 % des sièges aux Communes, la double majorité linguistique au Sénat, le droit de veto, le Québec a certainement ici les outils nécessaires à son épanouissement, avec les limites au pouvoir fédéral de dépenser, de nouvelles règles du jeu pour l'immigration, pour la formation de la main-d'oeuvre, pour la culture, pour les forêts, pour les mines, pour le tourisme, pour le logement, pour les loisirs, pour les affaires municipales, pour le développement régional. Ces changements sont importants et ils contribuent certainement à créer dans les faits une dynamique de décentralisation, et renforceront l'existence de la société distincte.

M. le Président, l'entente comporte une autre dimension d'une grande importance. Cette entente qu'a acceptée notre premier ministre comporte de nombreux compromis, mais aucune compromission. Ce compromis est raisonnable parce qu'il respecte ce que nous sommes et ce que nous voulons être. M. le Président, comme le disait un éditorialiste, si on fait passer la raison avant les émotions, le bien d'un peuple avant les passions individuelles, la survie pour l'avenir plutôt que la satisfaction du moment, il faut accepter l'entente.

M. le Président, dans la Constitution, c'est là que les droits des citoyens sont inscrits et protégés. C'est là que les pouvoirs du Québec et de l'Assemblée nationale sont créés et garantis. La réforme de la Constitution, c'est pour permettre au pays et au Québec de faire face aux défis de l'avenir.

Pour le Québec, l'entente du 22 août 1992 comporte des gains. Premièrement, un Québec distinct, la reconnaissance de la société distincte, rôle dynamique et responsabilité du gouvernement de promouvoir la société distincte, 33 % des juges à la Cour suprême, l'ajout de 18 députés à la Chambre des communes, la garantie de 25 % des sièges à la Chambre des communes, la double majorité au Sénat en matière de langue et de culture, un veto sur le Sénat, un veto sur la représentation à la Chambre des communes, un veto sur l'existence et la composition de la Cour suprême, un veto sur la participation des nouvelles provinces à la procédure de modificaton constitutionnelle et au Sénat, et le retrait de compensations pour tout transfert de juridiction provinciale au fédéral.

Deuxièmement, M. le Président, un partenariat amélioré. La compétence exclusive provinciale accrue: culture, perfectionnement, formation de main-d'oeuvre, tourisme, forêts, mines, loisir, logement, affaires municipales et urbaines; la maîtrise d'oeuvre en immigration, développement régional et télécommunications, la constitutionnalisation de l'entente d'immigration déjà conclue, l'encadrement du pouvoir fédéral de dépenser et respect des priorités provinciales, l'intégration économique accrue tout en maintenant les outils de développement des provinces, l'implication des provinces à l'égard de la composition de la Cour suprême, et un nouveau pacte pour les autochtones.

M. le Président, lorsqu'on parle de crédibilité du Parti libéral du Québec pour négocier, nous n'avons qu'à nous remémorer tous les débats qui ont entouré les négociations autour de l'Accord de libre-échange. Nous remarquons que, dès le début des travaux préparatoires, soit au début de 1986, le gouvernement a tenu à associer toutes les parties intéressées, c'est-à-dire les entreprises, les travailleurs et les syndicats ainsi que la population en général à tout ce processus de détermination des intérêts du Québec.

Voilà un bel exemple, M. le Président, pour expliquer cette crédibilité qui a toujours appartenu au Parti libéral du Québec quand vient le temps de décider d'exprimer ce qu'il considère comme meilleur pour le Québec. Le Parti libéral du Québec n'a donc aucune leçon à recevoir de l'Opposition officielle quand vient le temps de défendre les intérêts du Québec. En continuant d'agir comme il l'a toujours fait, le Parti libéral du Québec contribuera à créer un Québec encore plus fort. Ce n'est que la continuité dans le discours qui rend crédible l'Opposition. Au contraire, on ne sait trop où donner de la tête pour s'y retrouver.

M. le Président, il faut le dire, le seul homme capable de renforcer le Québec est notre premier ministre, M. Robert Bourassa. Cet homme a réussi à faire passer par-dessus tout les intérêts supérieurs du Québec. C'est maintenant l'heure des choix pour les Québécoises et les Québécois. Le contexte économique actuel est difficile, vous en conviendrez avec moi, et, dans ce sens, les Québécois se questionnent sur les

conséquences économiques de la souveraineté. Les payeurs de taxes que nous sommes tous ne tarderont pas à en faire les frais.

Avant de terminer, M. le Président, vous me permettrez, lorsque l'on discute de questions économiques, de faire allusion à certaines déclarations de certaines personnes, des gens d'en face, des péquistes qui viennent de temps à autre dans l'Outaouais québécois tenter de leurrer ma population en lui faisant accroire qu'avec la souveraineté il n'y aurait pas de problème dans l'Outaouais québécois. Les fonctionnaires fédéraux, ne vous inquiétez pas, on va vous incorporer dans notre fonction publique provinciale.

M. le Président, nous sommes près de 7 000 000 au Québec. Il y a environ 3 000 000 de travailleurs au Québec. Il y a environ 390 000 fonctionnaires ou personnes qui sont à la solde de l'État au Québec. On veut en rajouter 125 000. On en aurait au-delà de 500 000 payés par l'État au Québec. Ça ne se voit nulle part, M. le Président, payer un nombre aussi considérable de fonctionnaires dans un État. Lorsque l'on dit également à ces mêmes personnes: Ne vous inquiétez pas, on va transférer des ministères de la ville de Québec dans l'Outaouais québécois pour maintenir le nombre d'emplois de fonctionnaires dans l'Outaouais, les gens de l'Outaouais québécois ne les croient pas. Et une des raisons principales pour lesquelles ils ne les croient pas, M. le Président, ces mêmes personnes, avec leurs propres fonctionnaires, lorsqu'elles étaient au pouvoir, leur avaient donné des augmentations de salaire avant le référendum, pour leur soutirer plus qu'elles ne leur en avaient donné après le référendum, tout simplement pour attirer leurs votes. M. le Président, les fonctionnaires provinciaux se rappellent. Les fonctionnaires fédéraux le savent et sauront de quelle façon voter au prochain référendum.

Je terminerai donc, M. le Président, en disant que c'est une bonne entente. Le Québec a obtenu de solides protections pour son identité et de nombreux transferts de pouvoirs. Les premiers ministres ont proposé ce à quoi on ne croyait plus: une solution négociée et un projet unanime. Comme le disait notre premier ministre au congrès: Dans les choix que nous acceptons, nous devons évaluer les risques pour le présent, mais surtout pour l'avenir.

Une voix: C'est ça.

M. LeSage: Les paramètres qui nous ont guidés, c'est la confiance, le réalisme et, bien entendu, l'intérêt supérieur des Québécoises et des Québécois. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je vous remercie, M. le député de Hull, de votre intervention. Sur ce même sujet, je reconnais maintenant M. le président de la commission de l'aménagement et des équipements et député de Lévis. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean Garon

M. Garon: M. le Président, j'écoutais parler le député de Hull, et il donnait un exemple frappant d'un parti qui ne sait pas compter. Parce que, quand il parlait des fonctionnaires fédéraux, justement, on paie 25 % des taxes à Ottawa et on a 17 % des fonctionnaires au Québec. Ça veut dire qu'on paie pour 25 % de fonctionnaires, on en a 17 %, on paie pour les fonctionnaires d'ailleurs. Essentiellement, c'est ça. Et qu'est-ce qu'on observe dans cette entente-là? Une entente de gens qui ne savent pas compter, parce que ces grands esprits qui pensent connaître l'économique, le seul point, M. le Président, sur lequel ils ne se sont pas entendus, nous disent-ils, c'est justement sur l'union économique. Et vous voyez aujourd'hui ces gens sincères, M. Claude Castonguay, libéral notoire, pour une paye de sénateur, maintenant, devient conservateur; Mme Solange Chaput-Roiland, qui était une libérale en cette Chambre, pour une paye de sénateur, maintenant, est une conservatrice. Vous voyez M. Roch Bolduc, libéral notoire - il vient de Bellechasse, on connaît la famille - siège maintenant, libéral notoire, comme conservateur, pour une paye de sénateur. Vous voyez Mme Lavoie-Roux, ministre dans cette Chambre, qui a quitté, nommée à Ottawa; maintenant, elle est devenue bleue pour la paye. Et on va nous dire que ces gens sincères là, ces grands esprits qui étaient tous pour l'abolition du Sénat, maintenant, ils sont pour la perpétuation du Sénat pour garder leur job, M. le Président. Et, en même temps, alors qu'on a le chômage au Canada, on crée des postes de députés additionnels comme si on n'en avait pas assez de députés, comme si au lieu d'avoir 22 % des députés, avec 24 % ou 25 % des députés on va gagner davantage, M. le Président, comme si on gagnait plus une partie de hockey quand le «score» est 7-3 plutôt que 7-2. Voyons donc, M. le Président! (12 h 40)

La seule partie sur laquelle ils n'ont rien discuté, c'est l'économie. Ghislain Dufour, ce spécialiste du libre-échange, pas un mot. Il devisait, avec Ovide Mercredi, du pays de ses ancêtres, M. le Président. On a vu qui, après ça? On a vu tous ces gens-là qui parlaient du libre-échange. Pas un mot sur la question économique! Pourquoi? Parce qu'ils ont fait durer un débat pendant deux ans pour ne pas en parler. Je vais vous dire une chose: il y en a un qui va vous en parler pendant les deux prochains mois, du débat économique.

On a actuellement, au Canada, 13 % de chômeurs, le niveau le plus élevé de tous les pays du monde industrialisé. Il n'y a pas un pays au monde actuellement industrialisé qui a

autant de chômeurs que le Canada. Une dette de près de 500 000 000 000 $. La dette la plus élevée de tous les pays du monde industrialisé! Même les États-Unis, actuellement, qui parlent qu'ils ont une grosse dette ont une dette d'à peu près la moitié de celle du Canada si on tient compte de la population: 3 000 000 000 000 $. On est à 500 000 000 $. Si on avait 10 fois la population, 10 fois plus, il faudrait peut-être avoir 5 000 000 000 000 $ au lieu de 500 000 000 000 $, comparé à 3 000 000 000 000 $ aux États-Unis, alors qu'ils trouvent que c'est trop gros, leur dette, et le débat se fait là-dessus.

Nous autres, on a des beaux esprits qui parlent du Canada comme si on était au XIXe siècle. Pendant ce temps-là, on parle des relations est-ouest comme si c'était l'avenir, mais on voit ce que ça donne: des compagnies d'aviation en faillite, des chemins de fer qui ferment, des garages qui ferment pour les chemins de fer. Pourquoi? Parce que l'avenir n'est pas dans les relations avec Regina, mais dans les relations avec Boston, avec New York, avec Chicago. Qui avez-vous entendu dans le débat? Le Conseil du patronat, Ghislain Dufour? Non. Pas un son. M. Bourassa? Pas un son. Celui qui se prétend économiste, je n'ai jamais vu son diplôme. Hein!

Parlons des gens sincères, des gens hypocrites. Je regrette. Comme summum d'hypocrisie, nos sénateurs qui siègent comme conservateurs à Ottawa, vous ne viendrez pas me dire, M. le Président, que c'est ça, la sincérité. Ils sont devenus conservateurs pour une paie. Aujourd'hui, on regarde un débat, un débat où il n'y a rien sur l'économie. On ne s'entend pas sur l'économie, de sorte qu'il n'y a rien sur l'économie. Quand les gens vont écouter ça, le chômeur qui va dire: Ces gens-là pensent à moi. Il va y avoir trois juges de la Cour suprême. Grosse victoire! Grosse victoire, M. le Président. On en avait trois avant, on en a encore trois. Grosse victoire! Des députés, on va en avoir quelques-uns de plus dans le Parlement, mais on ne dépassera pas 25 %. Comme société égale, grosse victoire!

Le député de Chaiiesbourg, je l'écoutais parler. Je suis persuadé qu'il ne comprend rien à l'entente, il ne parle pas l'anglais, M. le Président. Vous avez un beau fédéraliste qui ne parle pas l'anglais. Tous les textes sont faits en anglais. On vient d'avoir les traductions et on apprend que les traductions ne sont pas bien faites seulement. On a mal traduit les mots. Il n'a même pas compris l'entente. Il veut apprendre l'anglais une fois qu'il aura quitté la politique. Il serait mieux d'apprendre l'anglais et de venir en politique après. Il comprendrait plus quand on négocie avec Ottawa.

M. le Président, on va arrêter de dire des sornettes. Ce gouvernement-là, le mal qu'il y a au Canada actuellement, c'est un pays en faillite. En faillite! Tous ceux qui savent compter savent que le Canada est un pays en faillite, avec 500 000 000 000 $ de déficit. Quand on compte les fonds de pension pas accumulés... Vous allez me dire: Ce n'est pas... Oui. Plus de 425 000 000 000 $. Mais comptez que les fonds de pension, au Canada, il n'y en a pas un de capitalisé. Les gens pensent qu'ils sont en sécurité dans ce pays-là. Quelle somme est capitalisée dans les fonds de pension des vétérans, des fonctionnaires, des personnes âgées? Pas une cent! Tous des systèmes «pay-as-you-go». Alors qu'actuellement 35 % des revenus du gouvernement fédéral servent à quoi? À payer les intérêts sur la dette, M. le Président. Mais à quoi? Qui a fait ça? Deux premiers ministres ne comprenaient rien à l'économie: M. Trudeau et M. Mulroney. Deux zéros en économie. Aujourd'hui, M. Mulroney va nous faire le fanfaron alors qu'il est à 12 % à 15 % dans les sondages depuis deux ans, alors qu'il essaie de sauver sa peau en évitant de parler de la question économique, alors que le taux d'insatisfaction à l'égard du gouvernement libéral de M. Bourassa est à 70 % parce que c'est un échec.

Essentiellement, ça va si bien, M. le Président. Les taxes de vente sur les vêtements, les chaussures, les meubles et les appareils ménagers ont été rétablies par ce gouvernement-là il n'y a pas longtemps. La taxe sur l'essence, qu'ils trouvaient épouvantable dans notre temps, qui était à 0,133 $, le litre est rendu à 0,199 $ le litre, M. le Président. Le permis de conduire a augmenté de 6 $ à 20 $: 300 % d'augmentation, plus de 300 %. L'immatriculation, qui coûtait 37 $, est rendue à 120 $, M. le Président. Dans quelques années, ça. Surtaxe de 30 %, même aux automobilistes. Même ceux de l'île d'Orléans. Je vois mon collègue de Montmorency; l'île d'Orléans paie 30 $ pour un transport en commun qu'elle n'a même pas, M. le Président. Combien de municipalités comme ça, au Québec, actuellement? Plus d'une centaine de municipalités paient 30 $ du permis d'immatriculation alors qu'elles n'ont même pas de transport en commun. HydroQuébec: depuis deux ans, les taux ont augmenté de plus de 30 %. Des hausses de taxes municipales, grâce à la réforme du ministre des Affaires municipales, M. Claude Ryan, qui se présente comme un spécialiste qui était à l'Éducation et qui n'a même pas vu qu'il y avait 40 % de décrochage et que ça prenait trois ans et demi pour faire deux ans de cégep, M. le Président.

Des gens aveugles comme ça, qui ne voient rien, c'est ça, notre problème, actuellement. On n'est plus compétitifs. Les taxes scolaires ont plus que doublé depuis trois ans. Les frais de scolarité: hausse de 130 %, M. le Président. La TPS et la TVQ, 15,56 % de taxes maintenant. Vous allez aux États-Unis, et il y a des États qui n'en ont même pas, de taxe de vente. Zéro au New-Hampshire, à nos portes, au sud. Zéro de taxe de vente. Quand on arrive là, les routes

sont belles. Il n'y a pas de craques, il n'y a pas de trous, il n'y a pas d'ornières et il n'y a pas de vallons. Allez rien que sur la route en arrière de Sherbrooke! Que le ministre des Transports aille faire un tour! Quand je suis revenu en janvier, j'étais sur une route comme une planche à laver. Rendu à Sherbrooke, j'ai dit à ma femme: On devrait s'acheter un cheval; on a le «swing» tellement ça saute. Je suis redescendu par cette route-là pour voir l'autre bord cet été, si c'était mieux. J'avais l'impression d'être sur un jeu de Nintendo, avec une route qui gondolait dans tous les sens. Dangereuse à outrance! Avec une fausse autoroute 55 qui a rien que deux voies, M. le Président! L'inflation verbale du ministre des Transports, qui a promis toutes les autoroutes au Québec; il n'est pas resté aux Transports, par exemple. Il a promis la 50, il a promis la 30, il a promis la 25, il a promis la 13. Il les a toutes promises, il n'en a pas fait un pouce. Le seul bout qu'il a fait, c'est 500 000 $ pour une route qui ne mène nulle part, pour son «chum» qui était président de l'Assemblée nationale, M. Jean-Noël Lavoie.

M. le Président, continuons: TPS, TVQ, alcool et tabac, des taxes de partout, des tarifs de partout. La même chose à Ottawa. Est-ce qu'ils ont parlé de ça? C'est ça qui intéresse les gens. Ce qui intéresse les gens, c'est les taxes qu'ils paient. Pendant deux ans, ces spécialistes du XIXe siècle, plus de souvenirs que de projets, plus près du musée de cire que de l'avenir... Quand je vois M. Bourassa accompagné du député de Bonaventure, du député d'Argenteuil, de la députée de Chomedey, j'ai bien plus l'impression de voir le passé que l'avenir, M. le Président. J'ai l'impression de voir une équipe de «has been». Pas de projet économique, rien sur l'économie dans cette entente-là, puis ils pensent qu'on n'en parlera pas? M. Mulroney pense qu'on n'en parlera pas.

Envoyer ensemble Bob Rae, Robert Bourassa puis Brian Mulroney, trois pas bons! On va les battre, les trois ensemble, M. le Président. C'est eux autres, la source des problèmes. C'est eux autres, la cause du problème économique, avec des déficits incroyables. On nous a dit qu'on faisait 3 000 000 000 $ de déficit, oui, quand les taux d'intérêt étaient à près de 20 %. Avec eux, les taux d'intérêt baissent et le déficit augmente. Cette année, le déficit est de près de 4 000 000 000 $. Il a augmenté considérablement depuis l'an dernier. Il a plus que doublé, alors que les taux d'intérêt n'ont jamais été aussi bas. Quelle est la raison? Il faudrait peut-être bien apprendre à compter. M. le Président, il faudrait peut-être bien apprendre à compter.

Une équipe qui ne connaît rien de l'économie! Rien de l'économie! Ah! il y a des moralisateurs. Des Moïse, il y en a. Ils se comportent dans leur congrès comme si le chef était le pape, puis le ministre des Affaires municipales serait Moïse s'il arrivait avec les Tables de la Loi. Puis les délégués, eux autres, ils votent sur des textes qu'ils n'ont jamais vus. J'aurais aimé ça que le ministre des Affaires municipales soit directeur du Devoir à cette époque-là. Qu'est-ce qu'il aurait dit d'un parti qui vote des constitutions sans même avoir les textes? Il aurait trouvé ça infâme. Puis, aujourd'hui, il trouve ça beau? Sépulcre blanchi! Sépulcre blanchi, M. le Président, qu'un tel homme qui est prêt à accepter qu'on vote des textes sur l'avenir d'un peuple sans même les voir! Bref, mépris de ses partisans, mépris de ses militants, qui l'ont d'ailleurs sacré dehors à la première opportunité. Puis il a vu qu'il s'était trompé quand les éditoriaux puis les discours, ce n'était pas pareil. (12 h 50)

Oui, comme ils disent, la vertu était dans la théorie, mais le vice, dans la pratique. Le jupon dépasse, M. le Président. Et ces gens-là vont venir nous enseigner la vertu! Les gens sont fatigués de gens qui ne voient pas clair, des plans qui nous touchent sur le plan économique, M. le Président, des normes par rapport au libre-échange négocié en fous, pas parce que le libre-échange est mauvais en soi, parce que c'a été mal négocié. Il y a un secteur que... Je vais vous dire même plus que ça. Le député de Hull en a parlé, il m'a donné une belle ouverture. Puis, quand le ministre des Transports à Ottawa, M. Crosbie, a dit: Je suis tellement gêné de la partie qui a été négociée sur le transport que j'ai honte. Est-ce que vous pensez que le reste, c'était mieux? On avait donné tout notre marché dans le domaine maritime aux Américains, alors qu'eux gardaient le système du Jones Act protectionniste comme avant. Ils avaient la même protection puis, nous autres, on avait tout enlevé la protection qu'on pouvait avoir. Urbi et orbi. Même le ministre fédéral a dû admettre, il a dit: On n'a pas le temps de renégocier ça. C'est épouvantable! J'espère qu'ils étaient meilleurs dans le reste. Regardez les usines qui ferment une par derrière l'autre.

Même votre chef libéral, qui va être sur les mêmes tribunes que vous autres, M. Jean Chrétien, tantôt... quand il demande la révision du libre-échange, est-ce qu'il trouve ça bon? Est-ce qu'il y en a des dispositions sur le libre-échange? Est-ce qu'il y a des dispositions sur la formation de la main-d'oeuvre? Est-ce qu'il y a des dispositions concernant l'harmonisation? Des ententes administratives? On en a une belle: TVQ, TPS. Le fouillis, le bordel! Si les commerçants du Québec en veulent plus, qu'ils votent oui à cette entente-là, ils vont en avoir en masse, de ces ententes administratives avec des TVQ, TPS, avec des piles de rapports, avec des fonctionnaires qui ne s'entendent pas.

Puis, l'Europe est en train de dire non à Maastricht, pourquoi? Parce qu'ils disent non à la bureaucratie. Essentiellement, ils ne disent pas non à l'Europe. Non à la bureaucratie.

Actuellement, on a un gouvernement paresseux qui nous dit le contraire de ce qu'il fait. Rappelez-vous comment M. Mulroney traitait M. Trudeau, de Chef Boyardee avec ses nouilles. Rappelez-vous de la première chose qu'il a faite: il a engagé le marmiton en chef, Paul Tellier. Le même marmiton que M. Trudeau pour s'occuper des questions constitutionnelles, le même marmiton qu'il trouvait centralisateur. Ces gens-là, vous dites, sont sincères. Voyons donc! Passe-moi l'assiette au beurre! C'est ça, le slogan. Passe-moi l'assiette au beurre! D'autres disent: Passe-moi l'auge! Mais ce débat dépassé du XIXe siècle, M. le Président...

On va parler de l'économie, dans les deux prochains mois, à des gens qui sont tannés d'être en chômage, à des gens qui sont insécures, à des consommateurs qui achètent même moins d'épicerie, tellement ils sont insécures. Quand vous êtes rendus que les ventes au détail baissent même dans le domaine de l'épicerie, M. le Président, c'est parce que ça va mal, pas parce que les taux d'intérêt sont hauts. Nous autres, on a vécu une époque où c'était dur, avec des taux d'intérêt qui étaient à près de 20 %. Actuellement, on a des taux d'intérêt plus bas que jamais, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Berthier, vous avez une question de règlement?

M. Houde: Oui, M. le Président, j'aimerais que les parlementaires prennent leur place, s'il vous plaît, selon l'article 32.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): En vertu de l'article 32 et à la demande du député de Berthier, je demanderais aux députés de prendre la banquette que la présidence leur a assignée dans cette salle.

M. le député de Lévis, si vous voulez poursuivre.

M. Garon: Je vais dire plus que ça, M. le Président. On va parier des fonds de pension dans cette campagne, parce que sachez, M. le Président, qu'à Ottawa, il n'y a pas de fonds de pension capitalisé. Il n'y a pas de fonds de pension capitalisé. Les gens qui avaient peur des fonds de pension sous l'indépendance, je vais vous dire que vos fonds de pension sont en danger sous le régime fédéral actuel. Sous le régime fédéral actuel, les fonds de pension sont en danger parce qu'ils ne sont pas capitalisés et, actuellement, la dette, au niveau où elle est rendue, quand 35 % des revenus servent à payer les intérêts de la dette, je vais vous dire, M. le Président, que vous êtes en danger. Ça devance être haut. Ceux qui savent compter, actuellement, vous commencez à voir ça. L'Association des manufacturiers québécois, je ne parie pas de Ghislain Dufour. Ghislain Dufour, il a vendu son âme. Excepté que... parions de ceux qui parient et qui savent compter.

Regardez les commerçants comme ils sont contents de la TPS et de la TVQ. Regardez les restaurateurs, à 15,56 %, comme ils sont contents dans les restaurants. Demandez-leur si c'est la joie des consommateurs dans les restaurants, alors qu'ils sont tous dans la misère. On va leur dire. M. Cortina, du Michelangelo, je vais lui demander s'il aime autant les libéraux aujourd'hui qu'il les aimait avant, quand il trouvait que, nous autres, quand je pariais du pourboire et de taxer le pourboire, c'était épouvantable, c'était des revenus. Je vais lui demander si, à 15,56 %, il est content. On va prendre à témoin des gens qui vous ont mis en place, puis qu'ils voient les taxes qui vont augmenter dans l'essence, dans la TPS, dans la TVQ, dans les plaques d'automobiles, dans les permis de conduire, dans l'hydro, dans l'impôt, partout. Une entente constitutionnelle, ça ne porte pas nécessairement rien que sur du placotage de sénateurs parce que ceux qui y étaient, qui souhaitaient un référendum au Canada, l'ont-ils donné, le choix, aux gens? Demandez-vous: Voulez-vous plus de sénateurs ou vous voulez les abolir, les sénateurs? Je vais vous le dire d'avance: à 90 %, on aime autant ne pas avoir de sénateurs. On va sauver ça.

Demandez aux gens, faites-en un, référendum, franc. Si vous pensez, quand vous négociez des postes de sénateurs pour l'île-du-Prince-Édouard, quand vous négociez des postes de sénateurs... Vous savez, l'île-du-Prince-Édouard, c'est la population de mon comté avant qu'il ait été divisé en deux, en 1989. J'aurais dû former, peut-être bien, une île-du-Prince-Édouard avec mon comté, M. le Président, j'aurais droit, j'aurais droit...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! Un rappel au règlement, M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Johnson: M. le Président, compte tenu de l'importance du sujet, j'aurais pensé qu'il y aurait un peu plus de monde de part et d'autre. Alors, je fais un rappel au quorum.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Demande de quorum. Alors, qu'on appelle les députés. (12 h 56 - 12 h 58)

Je suspends les travaux de cette Assemblée à 14 heures.

(Suspension de la séance à 12 h 59)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président: Mmes, MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Décision du député de Drummond,

M. Jean-Guy St-Roch, de siéger

comme indépendant

J'ai reçu de M. le député de Drummond, aujourd'hui même, une lettre dont je vous lis l'extrait suivant: «M. le Président, permettez-moi, par la présente, de vous faire part de la décision que j'ai arrêtée et communiquée au premier ministre le 2 septembre 1992, soit celle de quitter l'équipe gouvernementale libérale et de siéger, à partir de maintenant, à titre de député indépendant.» C'est signé: M. Jean-Guy St-Roch. Je dépose donc cette lettre.

Nouveau diagramme de l'Assemblée

Également, je voudrais maintenant déposer le nouveau diagramme de l'Assemblée nationale daté du 4 septembre 1992. Le document est déposé.

Affaires courantes

Déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi.

Dépôt de documents, de rapports de commissions, de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel. En conséquence, nous allons procéder immédiatement à la période de questions et réponses orales.

Je vais reconnaître, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.

Questions et réponses orales

M. Parizeau: M. le Président, ma question s'adresserait au premier ministre. Est-ce qu'il doit venir en Chambre d'ici peu?

Le Président: Très bien, M. le chef de l'Opposition. On m'informe que le premier ministre sera en Chambre dans les secondes qui suivent. Nous allons attendre quelques minutes pour le début de la période de questions.

On m'informe que le premier ministre entre à l'instant. Alors, à ce moment-ci, nous débutons officiellement la période de questions et réponses et je reconnais, en première question principale, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: M. le Président, je vous remercie. J'espère que, depuis hier, le premier ministre est revenu à de meilleurs sentiments, qu'il s'est calmé un peu et que nous pourrons, aujourd'hui, aborder d'autres aspects des propositions constitutionnelles qu'il entend soumettre à la population, calmement et bien décidés, j'en suis sûr, lui et moi, d'aller au fond des choses. (14 h 10)

Poursuite des négociations sur les

propositions constitutionnelles

du 28 août 1992

M. le Président, les fédéralistes, dans leur majorité, j'imagine, au Québec, demandaient à ces propositions constitutionnelles essentiellement trois choses. D'abord, que le partage des pouvoirs entre Ottawa et le Québec soit profondément modifié, de façon à transférer au Québec un nombre important de compétences. Nous sommes tous d'accord, ça fait très longtemps que les fédéralistes, que beaucoup de fédéralistes au Québec demandent ça. Deuxièmement, ils voulaient aussi que les chicanes s'arrêtent une bonne fois, que le partage soit devenu clair et non que les gaspillages soient éliminés entre Ottawa et Québec. Évidemment, troisièmement, ils ne demandaient pas de recul par rapport à la situation existante. Trois demandes éminemment raisonnables. Or, M. le Président, on en est rendu à ceci: il est clair pour tout le monde qu'il n'y aura pas de transfert appréciable de pouvoirs d'Ottawa à Québec. Deuxièmement, on constitutionnalise les chicanes. Comme le disait un quotidien de ce matin, sur les 60 points des propositions constitutionnelles, il y en a 25 où on constitutionnalise les discussions pour des années. Troisièmement, on commence à voir qu'il y a un certain nombre de reculs. C'est sérieux, l'avis des huit constitutionnalistes, qui est publié aujourd'hui dans les journaux, indiquant des reculs certains quant à la clause de la société distincte, en particulier.

Alors, puis-je demander au premier ministre ceci: Compte tenu de ce que je viens de dire, compte tenu du fait que, clairement, ces propositions constitutionnelles ne satisfont même pas sa clientèle, après tout, les fédéralistes qu'il veut représenter, est-ce qu'il a l'intention de poursuivre des négociations avec Ottawa pour essayer d'améliorer un peu les choses? En somme, le rapport dit «définitif» du consensus de Charlottetown que nous avons devant nous, on sait que le premier ministre a cherché à l'améliorer par des négociations téléphoniques. Est-ce qu'il a l'intention de continuer? Est-ce que le premier ministre va chercher à améliorer cette entente ou si, dans son esprit, c'est définitif, ça?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je félicite le chef de l'Opposition pour le ton qu'il utilise, la sobriété. Quant au fond, il me permettra de diverger avec lui. Il sait fort bien que dans certains cas... Il a soulevé plusieurs points, probablement qu'il reviendra en question additionnelle. Prenons le cas de la société distincte. Il me semble que j'ai été très clair, hier, sur les gains qu'a faits le Québec pour sa reconnaissance dans la Constitution comme société distincte. Nous serons en mesure, en commission pariemen-

taire, de le démontrer au cours du débat référendaire. Il dit: Les fédéralistes ont été déçus. C'est possible. J'ai moi-même mentionné qu'on aurait souhaité en avoir davantage, mais il reste à considérer, M. le Président, les gains réels qui ont été faits. On peut toujours en avoir plus. Vous l'avez constaté vous-mêmes lorsque vous avez essayé de négocier. Je ne vois pas comment il peut dire que c'est un recul. Je sais qu'un ancien collègue, M. Claude Morin, a écrit ça, hier, dans Le Devoir, que c'est un recul. Ce grand patriote qui a toujours servi bénévolement la patrie!

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: Alors, on sait que, pour lui, c'est peut-être un recul. Lui qui a tenu la main de René Lévesque le 16 avril 1981, il est mal placé pour donner des leçons.

Alors, pour répondre au chef de l'Opposition, il n'y a pas de recul, loin de là. Loin de là, quand on voit les gains qu'on obtient dans l'immigration - on pourra élaborer là-dessus, on aura l'occasion - les gains qu'on a obtenus dans le secteur de la main-d'oeuvre. C'est clair que ça prend beaucoup, que ça va prendre un certain temps pour arriver à une entente. Il y a des milliers de fonctionnaires qui sont en cause. C'est clair que nous n'avons pas demandé la récupération de la compétence constitutionnelle de l'assurance-chômage. C'était dans le rapport du Parti libéral, j'en conviens, mais il faut quand même... On fixe des objectifs, mais le gouvernement doit prendre des décisions en fonction de la réalité. Récupérer la compétence constitutionnelle de l'assurance-chômage, si on l'avait demandé, comme on le souhaitait dans le rapport du Parti, mais le gouvernement doit examiner la réalité immédiate, c'est 1 000 000 000 $ qu'il aurait fallu trouver. Le chef de l'Opposition, qui a été ministre des Finances, il sait que trouver 1 000 000 000 $ additionnel ce n'est quand même pas facile. Il a dû apprendre à compter depuis qu'il a été ministre des Finances. Alors, je dis au chef de l'Opposition...

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît!

M. Bourassa: Je dis au chef de l'Opposition, M. le Président, qu'il fallait quand même être réaliste. Nous avons obtenu des gains considérables sur le plan des institutions, sur le plan de la reconnaissance du Québec comme société distincte, sur le plan du partage des pouvoirs. Nous avons participé à la réconciliation avec l'histoire dans le cas des autochtones. On pourra revenir. Peut-être que le député de Lac-Saint-Jean va m'adresser des questions à cet égard tantôt, mais je crois, M. le Président, que le chef de l'Opposition devrait faire un petit effort d'objectivité et reconnaître les gains sans précédent qu'a obtenus le Québec dans cette négociation.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Qu'est-ce que ça donne au premier ministre, M. le Président, de procéder comme ça, par insinuations? Les allusions à Claude Morin, c'est destiné à quoi, exactement? Je demandais au premier ministre... Je faisais allusion...

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le député, s'il vous plaît! Alors, la parole est au chef de l'Opposition pour une question complémentaire. Votre question, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Je faisais allusion tout à l'heure devant le premier ministre à ce rapport de huit constitutionnalistes auquel on a fait allusion dans un quotidien hier, et qui est publié dans d'autres quotidiens aujourd'hui. C'est un avis de huit constitutionnalistes, professeurs de droit, qui est intitulé «La clause relative à la société distincte du projet d'accord constitutionnel de 1992, un recul pour le Québec». Est-ce que le premier ministre a lu ça? Est-ce qu'il est conscient, est-ce qu'il a lu la liste des signatures? Au cas où il ne l'aurait pas, je la lui donne. MM. Henri Brun et Ghislain Otis, de l'Université Laval, MM. Jacques-Yvan Morin, Daniel Turp et José Woehriing, de l'Université de Montréal, M. Daniel Proulx de l'Université d'Ottawa, M. William Schabas, de l'Université du Québec à Montréal, M. Pierre Patenaude, de l'Université de Sherbrooke. Huit professeurs de droit constitutionnel...

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! Alors, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Je ne comprends toujours pas ce qui les fait rire. Est-ce que le premier ministre est conscient que cet avis de constitutionnalistes nombreux et connus au Québec rejoint ce que le professeur Dion dit aussi? Est-ce que le premier ministre se rend compte qu'à l'heure actuelle, la majorité des opinions juridiques, c'est que la clause de la société distincte dont il s'est targué si longtemps est considérée par eux comme un recul pour le Québec et décrite dans ces termes-là?

M. Bourassa: M. le Président... (14 h 20)

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: ...dans son préambule, le chef de l'Opposition se réfère à mes propos sur Claude Morin. Si je l'ai fait, c'est que lui-même a dit qu'il y avait recul. Or, hier, dans un interview du Devoir, M. Morin reprenait également ces propos-ià qu'il y avait recul, et il va le faire probablement comme il l'a fait à la télévision, dimanche dernier.

Alors, j'ai droit, M. le Président, puisqu'il reprend les propos de M. Claude Morin, de lui citer, et je m'étonne qu'il me le reproche. Lui-même a dit qu'il avait posé un geste totalement inacceptable en acceptant de l'argent comme informateur de la GRC. M. le Président, alors... Lui-même l'a dit qu'il avait posé un geste totalement inacceptable. Alors, il ne doit pas s'étonner. C'est le moins qu'on puisse dire.

Le Président: Un instant, s'il vous plaît! Je vais demander la collaboration de tous les collègues, s'il vous plaît. Alors, je reconnais une personne à la fois. S'il vous plaît! Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, sur les experts, le chef de l'Opposition invoque des arguments d'autorité. Il invoque des arguments d'autorité, bon, Jacques-Yvan Morin, André Turp... Non, Daniel. André Turp, c'est le chanteur, ça. Daniel Turp.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: II invoque des arguments d'autorité. Je dis, M. le Président, nous aurons une commission parlementaire. Nous aurons une commission parlementaire et, à ce moment-là, différents experts pourront venir. Bon, je comprends qu'il invoque des experts. On sait qu'ils ont milité pour son parti. Ça ne leur enlève pas leur compétence, mais ils ne sont pas les seuls. Ils ne sont pas les seuls à pouvoir donner un point de vue. Il y aura des experts qui vont venir.

Nous, on a examiné la question. Je pense bien que le chef de l'Opposition doit comprendre qu'on n'a pas accepte cette clause-là sans protection, sans garantie. Nous l'avons examinée avec des experts qui sont reconnus. On en discutera comme il veut le faire, je suis d'accord avec lui, sobrement, objectivement, et on pourra évaluer les conclusions. Je veux dire, je ne le blâme pas d'arriver, cet après-midi, et dire: Bien, ces experts disent que ce n'est pas acceptable comme définition, mais je lui dis, de mon côté, que ça me paraît un progrès pour le Québec, même pour le profane, quand on voit, par exemple, la distinction qui est faite entre les éléments de la clause Canada, qui sont tous regroupés, et qu'on voit que, dans le cas de la société distincte, c'est un article isolé, indépendant, à part, qui est mis en relief. Même pour des profanes, on peut conclure qu'il y a là un véritable progrès du Québec.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Parizeau: Le premier ministre m'a l'air d'être comme son article, M. le Président, isolé.

Des voix: Ah! Ah!

M. Parizeau: Bien, quand on en est rendu à se vanter d'isoler un article, franchement! Est-ce que le premier ministre serait capable de nous expliquer - j'imagine qu'il l'a fait à son Conseil des ministres et à son caucus - pourquoi il a accepté, en vertu du point 30 de l'entente, pour ce qui a trait aux forêts, mines, tourisme, logement, loisirs, affaires municipales, des secteurs où le Québec avait une compétence exclusive depuis 1867 - ça fait 125 ans qu'on avait la compétence exclusive là-dessus - que, et je cite le point 30: «II conviendrait que les assemblées législatives aient le pouvoir de limiter dans leur province les dépenses fédérales»?

M. le Président, est-ce que je me trompe en disant que jamais la Constitution canadienne n'avait reconnu l'ingérence du gouvernement fédéral dans des secteurs comme ça? C'est vrai qu'il en faisait, mais jamais on ne l'avait reconnu. Est-ce que je me trompe, M. le Président, en prenant pour acquis que c'est la première fois que la Constitution canadienne reconnaîtrait le droit du gouvernement fédéral d'intervenir dans ces secteurs et que le seul pouvoir qu'auraient les provinces, ce n'est pas d'exclure le fédéral, ce serait simplement de le limiter à la suite d'ententes? Est-ce que je comprends bien? Est-ce que c'est ça que le premier ministre a dit à son Conseil des ministres pour lui faire accepter l'entente?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je m'étonne, M. le Président, alors que toutes ces questions pourront être abordées dans le détail à la commission parlementaire, que le chef de l'Opposition s'attarde sur ces points auxquels on pourra lui répondre, alors qu'on s'aperçoit qu'il y a presque 13 % de chômeurs au Québec, alors que les Québécois considèrent que le développement économique est la grande priorité. Là, on commence à invoquer des arguties juridiques pour essayer de piéger le gouvernement, sans succès. Ce qu'on a fait, c'est qu'essayer de réparer votre erreur de 1984, quand vous avez reconnu le pouvoir de dépenser dans le développement économique régional. Ça, vous l'oubliez. Alors, il faut se désengager. Il faut se désengager, M. le Président, et ça suppose un certain processus. Pourquoi, donc, le chef de l'Opposition me pose des questions aussi évidentes dans leur réponse, dans leur compréhension?

Le Président: En question principale, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.

Revendications du Québec au sujet du partage des pouvoirs

M. Brassard: M. le Président, le nouveau partage des pouvoirs a toujours été le coeur des revendications constitutionnelles des gouvernements québécois qui se sont succédé depuis plus de 30 ans, parce que c'était jugé essentiel pour assurer le développement du peuple québécois. Après la mort de Meech, le premier ministre ne cessait de plaider en faveur d'une révision en profondeur du fédéralisme, d'un nouveau partage des pouvoirs, qui soit clair et qui mette fin au chevauchement et au dédoublement coûteux et inefficace.

Or, le premier ministre n'a obtenu aucune compétence exclusive, nouvelle pour le Québec dans la proposition de la conférence des premiers ministres, comme le soulignait d'ailleurs avec pertinence M. Allaire. Pourquoi le premier ministre a-t-il renoncé à obtenir de nouvelles compétences exclusives, et pourquoi a-t-il abandonné les revendications historiques du Québec pour se contenter de simples ententes administratives? Comment le premier ministre peut-il, par exemple, prétendre sérieusement, comme il l'a fait tantôt, que le Québec obtient une compétence exclusive en matière de formation de la main-d'oeuvre, alors que le texte de l'entente dit: Le gouvernement fédéral devrait conserver sa compétence exclusive à l'égard du soutien du revenu et des services connexes qu'il fournit dans le cadre du régime d'assurance-chômage. Le pouvoir fédéral d'engager des dépenses dans les programmes de création d'emplois devrait être protégé au moyen d'une disposition constitutionnelle, et il conviendrait d'inclure une disposition constitutionnelle prévoyant que le gouvernement fédéral continuera à jouer un rôle dans l'établissement d'objectifs nationaux qui devront respecter les programmes québécois. Pourquoi a-t-il abandonné le coeur des revendications historiques et n'a-t-il pas réclamé le rapatriement de nouveaux pouvoirs exclusifs?

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je ne m'attendais pas, cet après-midi, à devoir mettre les points sur les «i» au député de Lac-Saint-Jean. Il sait fort bien que je peux le référer à la page 25 du livre bleu auquel il a collaboré, je présume. Non? Il était ministre du gouvernement. M. le Président, je crois que...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Parizeau:...

M. Bourassa: Alors, ce que je dis, c'est que... Je l'ai dit à l'occasion du discours inaugural...

Le Président: O.K. Un instant, s'il vous plaît, M. le premier ministre! Je vais demander la collaboration des collègues des deux côtés afin d'éviter toute interpellation. J'ai cédé la parole au premier ministre; je voudrais qu'on reconnaisse uniquement le premier ministre et qu'on l'écoute. Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit à l'occasion du discours inaugural que désintégrer certains pouvoirs du gouvernement fédéral, ça suppose une période de transition. Il y a un désengagement qui doit s'opérer. Dans d'autres cas, il y a une coordination, comme dans le cas de la main-d'oeuvre ou de l'assurance-chômage. Vous-mêmes, vous acceptez un marché commun. Je ne sais pas si le chef de l'Opposition et le député de Lac-Saint-Jean ont eu l'occasion, hier soir - je comprends qu'on a beaucoup à faire, mais je l'ai fait, quant à moi - de constater la performance extraordinaire du président Mitterrand à TV5, qui est, comme on le sait, une réalisation de la francophonie à laquelle nous avons participé. Alors, nous avons pu, hier soir, constater jusqu'à quel point...

Une voix:...

(14 h 30)

M. Bourassa: Non, non, mais, M. le Président, j'y arrive, j'y arrive. Je veux dire, il y en a qui vont faire le lien. Je parle de marché commun. Il y a... Je parle... Je parle... Alors, je vois que je n'ai pas été le seul, M. le Président. Ha, ha, ha! Je vois que je n'ai pas été le seul à constater la qualité de cette émission. C'est pertinent, le chef de l'Opposition m'a offert un débat sur les accords de Maastricht. C'est le chef de l'Opposition lui-même qui m'a offert un débat sur les accords de Maastricht, et là on s'étonne que je...

Le Président: Rapidement, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, on s'étonne que je me réfère au marché commun européen, marché unique. Alors, ce que je dis au député de Lac-Saint-Jean, lui qui a une grande culture, il va comprendre sûrement que, dans un marché commun canadien, s'il y a une pleine liberté de circulation des biens, des services, des personnes, des capitaux, c'est incontournable qu'il y ait des... Mais oui, mais on me pose des questions, M. le Président. C'est incontournable qu'il y ait des accords, qu'il y ait des ententes. Dans le cas de l'assurance-chômage, il ne m'a pas écouté. J'ai répondu au chef de l'Opposition que nous n'avions pas demandé la compétence exclusive sur l'assurance-chômage parce que ça coûterait 1 000 000 000 $ de plus aux contribuables du

Québec. Il me semble que c'est facile à comprendre. Ça vous indiffère, 1 000 000 000 $ de plus?

Le Président: Alors, en conclusion, M. le premier ministre, s'il vous plaît.

M. Bourassa: Vous qui critiquez la hausse des impôts. Alors, ça suppose des accords en respectant les priorités et les droits historiques du Québec.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, d'abord, le premier ministre reconnaît-il que l'essentiel des revendications historiques depuis 40 ans, ça a toujours porté sur le rapatriement, l'obtention de nouveaux pouvoirs? Pas se faire reconnaître les pouvoirs qu'on détient depuis 1867, mais le rapatriement de nouveaux pouvoirs exclusifs? Reconnaît-il cela, d'abord? Reconnaît-il que dans l'entente qu'il a signée - enfin, je ne sais pas s'il l'a signée parce que, dans l'entente qu'on a, il n'y a pas de signature, je ne sais pas s'il l'a signée - dans l'entente de Charlottetown, le désengagement du gouvernement fédéral dont il parle, qui va se faire par voie d'entente administrative, ça se fait dans des secteurs de compétence exclusive depuis 1867 pour le Québec; il n'y a donc pas là de pouvoirs nouveaux. Même chose pour la main-d'oeuvre. Pourquoi? La question est très simple. Au moment où il est allé à la table de négociation, pourquoi a-t-il oublié, négligé, mis au rancart le coeur, l'essentiel des revendications historiques du Québec, c'est-à-dire obtenir pour le Québec, afin d'assurer son développement, de nouveaux pouvoirs exclusifs? Où sont-ils, les nouveaux pouvoirs exclusifs que vous avez réussi à obtenir? Où sont-ils?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je dois reprendre encore ce que j'ai dit en partie. D'abord, quant à la signature, le député de Lac-Saint-Jean devrait savoir qu'il y a un référendum sur les offres; c'est le peuple qui va accepter de signer ou qui va refuser de signer. Alors, je pense bien qu'il respecte le principe de la souveraineté populaire. Nous avons accepté d'avoir un référendum sur les offres. Le chef de l'Opposition lui-même a accepté que ce référendum porte sur les offres, puisqu'il commence à préparer sa stratégie à cet égard. Alors, ce que je dis au député de Lac-Saint-Jean, c'est que je lui demande de ne pas faire une lecture sélective du document du 28 août, d'examiner tous les gains. Il y a des ententes, c'est inévitable qu'il y ait des ententes pour le désengagement. Mais vous admettiez vous-mêmes, quand vous avez tenté avec un succès mitigé de changer ou de modifier la Fédération, vous admettiez vous-même, dans vos documents, qu'il fallait négocier des accords. Mais, je veux dire, on reconnaît... Je termine par cela. Si le député de Masson a une question à me poser, je l'invite à le faire. Qu'il demande...

M. Blais: J'aimerais bien ça!

M. Bourassa: Demandez à votre whip!

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Alors, si vous voulez... S'il vous plaît! Pour terminer, M. le premier ministre, rapidement.

M. Bourassa: M. le Président, il sait fort bien, s'il lit attentivement, que dans le cas du tourisme, des affaires municipales, des mines, des forêts, de la main-d'oeuvre, etc., ce sont des ententes qui seront protégées par la Constitution. Pourquoi il ne le dit pas? Ça m'étonne parce que, habituellement, il ne veut pas tromper la population. Et là, il omet de dire que ces ententes vont être protégées par la Constitution. Je m'étonne, aujourd'hui, de cette approche sélective de mon ami, le député de Lac-Saint-Jean.

Le Président: Toujours en question complémentaire, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Reconnaît-il d'abord, puisqu'il en a parlé au tout début, que puisque c'est à l'occasion du référendum que la décision sera prise, reconnaît-il, à ce moment-là, que son gouvernement n'est pas encore lié formellement à l'entente, comme le prétendait ce matin le ministre, à la commission sur les offres?

Des voix: Ha,ha, ha! Des voix: Bravo! Bravo! Une voix: Ah! C'est bon, ça!

M. Brassard: Et ma question, M. le Président, demeure la même, puisque tout le monde, au Québec, reconnaît que le gouvernement a été incapable d'obtenir de nouveaux pouvoirs exclusifs pour le Québec, incapable.

Une voix: Tout le monde!

M. Brassard: Oui, tout le monde.

Le Président: Votre question, s'il vous plaît.

M. Brassard: Et la question est très simple: Pourquoi le gouvernement du Québec, pourquoi le premier ministre accepte-t-il, maintenant, ce qu'il a qualifié, il n'y a pas si longtemps, de

fédéralisme dominateur? C'est-à-dire un fédéralisme où le gouvernement fédéral maintient sa présence dans tous les secteurs, reconnaît, de façon simplement formelle, la compétence exclusive...

Le Président: M. le député.

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Brassard: Où sont les nouveaux pouvoirs? Je n'ai pas eu de réponse à ma question. Où sont les nouveaux pouvoirs qu'il a réussi à obtenir? Il n'y en a pas, il le sait, qu'il le dise sincèrement et honnêtement.

Le Président: M. le député.

Des voix: Bravo!

M. Bourassa: M. le Président.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: D'abord, le député...

Mme Bacon: Écoutez donc la réponse, si vous voulez l'avoir!

Le Président: Oui, s'il vous plaît! Mme Bacon: Voyons! Voyons!

Le président: m. le député, m. le député, s'il vous plaît! s'il vous plaît, m. le député. je cède la parole au premier ministre. m. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je pense que le whip devrait permettre une question au député de Masson.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: M. le Président, j'ai énuméré... D'abord, le député de Lac-Saint-Jean a joué sur les mots quand il s'est référé aux propos du ministre des Affaires intergouvernementales candiennes. Je pense qu'il y a un référendum, c'est voté par la loi, ça sera voté par la loi au cours des prochains jours, ça respecte les recommandations de la commission Bélanger-Campeau. M. le Président, je pourrai... J'aurai à parler, la semaine prochaine, sur la question qui sera proposée aux Québécois. J'aurai l'occasion de préciser, à cet égard-là. M. Campeau lui-même disait, il y a quelques semaines, que s'il y a des offres acceptables, on peut faire un référendum sur les offres, mais c'est le peuple qui aura le dernier mot. Mais, pour les pouvoirs comme tels, je ne comprends pas que le député de Lac-Saint-

Jean ou le chef de l'Opposition s'imagine qu'on pourrait, comme ça, sans qu'il y ait d'entente de désengagement... On est sur la même planète, on est dans un même territoire, dans un même marché commun. Alors, je veux dire... Dans l'interpellation que j'aurai le plaisir d'avoir avec le chef de l'Opposition - on pourrait s'entendre sur la date - on pourra peut-être élaborer plus en profondeur et espérer... En commission également, on pourra compléter, mais on parle... Entre nous, entre le chef de l'Opposition et le premier ministre, on aura sûrement une interpellation et, à ce moment-là, on pourra aller plus en profondeur, objectivement, comme d'habitude, en laissant la population décider.

Une voix:...

M. Bourassa: Non, mais je vous l'ai dit, et je vous le répète, dans le cadre... Je termine, M. le Président. Dans le cadre de la période de questions, je réponds constamment... Le président me fait signe d'être concis, d'être... Comment?

Des voix:...

M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Bourassa: ...j'ai répété... Je termine par cela, M. le Président. Vous respectez l'esprit et la lettre pour la période de règlement. J'ai dit tantôt, j'ai donné toute une série d'accords, je pourrais élaborer tous les gains qu'on a faits avec l'immigration, tous les gains qu'on va faire avec la culture, avec la main-d'oeuvre, avec les autres secteurs, tous les gains qu'on va faire sur la protection du Québec dans les institutions canadiennes sans précédent depuis 125 ans. C'est ça que vous devrez admettre un jour ou l'autre.

Le Président: En question principale, M. le leader adjoint de l'Opposition et député d'Abi-tibi-Ouest.

Ajout de ressources financières pour augmenter la sécurité du transport scolaire

M. Gendron: Oui, hier le gouvernement faisait connaître des mesures qu'il entend préconiser afin d'assurer la sécurité des quelque 700 000 écoliers transportés quotidiennement par autobus scolaires. Le gouvernement recommande aux commissions scolaires l'instauration de 24 mesures sur la sécurité scolaire, mais il les avertit très sérieusement qu'il n'investira aucune somme supplémentaire à cet effet, comme si les seuls investissements pour ces gens-là au niveau des autobus jaunes étaient valables pour le déplacement des congressistes libéraux. (14 h 40)

Or, on sait tous que le gros bon sens nous dicte qu'il est impensable de croire que ces mesures de sécurité pourront se réaliser à l'intérieur des subventions actuellement allouées par le ministre des Transports, d'autant plus que la Fédération des commissions scolaires du Québec prévient qu'il faudra un support financier accru pour que les commissions scolaires puissent répondre aux attentes. Ma question au ministre des Transports. Pour que le gouvernement s'assure que ces mesures soient mises en place, parce que tout compte fait on parle de protéger la vie de nos jeunes enfants, entend-t-il s'assurer que l'application des mesures puisse se faire mais par l'ajout de ressources financières?

Le Président: M. le ministre des Transports.

M. Elkas: M. le Président, il est vrai qu'on transporte un grand nombre d'enfants; à tous les jours, 650 000, 8000 véhicules, plus que 200 000 000 de kilomètres parcourus par année. C'est tout un dossier à essayer de gérer. Ce n'est pas fait nécessairement par un ministère. C'est l'affaire de tout le monde, incluant les commissions scolaires. S'il y a une commission scolaire qui a décidé d'engager des brigadiers scolaires et d'envoyer la facture au gouvernement après avoir embauché ces gens pour faire leur tâche, bien, il me semble que lorsqu'on parle d'imputabilité - puis souvent, on en parle - ceux qui prennent la décision pour dépenser de l'argent devraient faire leur devoir, aller chercher l'argent pour payer les comptes.

Le Président: Alors, en question complémentaire.

M. Gendron: M. le Président, est-ce que le ministre se rend compte que ça ne fait pas très sérieux et responsable que vous prétendiez, trois ministres du même gouvernement, arriver avec 24 recommandations après peut-être trois ans de retard sur la nécessaire plus grande sécurité dans le transport scolaire et que vous disiez: Nous, on vous recommande quoi faire, mais arrangez-vous avec vos troubles, on n'a pas une cent à mettre là-dedans. Est-ce que c'est une priorité pour vous autres ou ça n'en est pas une?

Le Président: M. le ministre.

M. Elkas: M. le Président, je n'ai pas de leçon à prendre de ce parti, pas de leçon à prendre de ces gens-là. Ce gouvernement dépose à tous les ans, et cette année, un montant record de 406 000 000 $ pour les commissions scolaires pour faire le transport des écoliers. Quant aux montants additionnels qu'on doit déposer pour assurer la sécurité, on va vous dire une chose: il s'en est investi, il s'en est investi dans le passé. Vous dites qu'on attend à la dernière minute pour agir et poser des gestes concrets, c'est totalement faux; 62 % des commissions scolaires ont travaillé cet été pour changer les parcours. C'est des choses qui vont être faites, mais pas nécessairement d'encourir des dépenses pour ceux qui doivent payer la facture.

Quant aux équipements additionnels, le bras d'arrêt, c'est la loi aujourd'hui lorsqu'on en parie. C'est des investissements additionnels qui ont été faits. On essaie aujourd'hui, au moment où on se parie, des bras d'éloignement. Ce sont des équipements qui doivent assurer la sécurité des jeunes, non seulement des équipements qui vont aider les personnes mais des équipements qui seront des aides à la formation de nos jeunes, pour que ces jeunes sachent pour une fois que l'autobus scolaire, c'est un moyen de se transporter mais qu'ils doivent le faire en grande sécurité. Il y a de la formation qui s'ajoute à toutes les sommes d'argent qu'on dépose aujourd'hui pour assurer la sécurité de nos jeunes.

Le Président: Pour une question principale, M. le député de D'Arcy-McGee.

Engagement du gouvernement à

assurer la vitalité et le développement

des minorités au Québec

M. Libman: Merci, M. le Président. M. le Président, the First Ministers' agreement concluded recently in the Canada Clause, article 2.(1)(d) it says, and I quote: «Canadians and their Governments are committed to the vitality and development of official language minority communities throughout Canada.» Yesterday, the Premier began to back off somewhat. He began to back down on this element of the Constitutional Agreement that I believe is a very positive sign. It is a sign of tolerance and respect towards minorities in Québec. I would like to know if the Premier is willing today to affirm his government's commitment to the vitality and development of minority communities in Québec, and will he play a prominent role in convincing the other Premiers in this country to also commit themselves to this clause?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je crois qu'à l'occasion des discussions à Charlottetown, au lac Harrington et à l'édifice Pearson, nous avons longuement traité de ces questions-là. Je ne vois pas ce que j'ai à ajouter sur ce que j'ai répondu hier au chef de l'Opposition. J'ai constaté, d'ailleurs, que le chef de l'Opposition manifestait quand même un peu d'ouverture, probablement sous l'influence de l'ancien collègue du député de D'Arcy-McGee, qui est rendu avec le Parti québécois. Je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit hier.

Le Président: Pour une question complémentaire.

M. Libman: Would he be willing to reaffirm his commitment to this clause that his government is committed to the vitality and development of linguistic minorities in Canada by saying that he approves the first recommendation of the Chambers Report which his own Minister of Education has come out and favoured? Does he feel this would be a sign to the vitality and development of minority communities in Québec if he affirms his approval to that clause?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je crois que c'est écrit dans l'accord. Je ne comprends pas la pertinence de la question du député de D'Arcy-McGee. Je veux dire, c'est écrit en toutes lettres. Il n'a qu'à lire l'accord.

Le Président: Une dernière question additionnelle.

M. Libman: Would the Premier of Québec give his approval to this first recommendation of the Chambers Report as a sign of his government's political commitment to the vitality and development of minority communities in Québec?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Même réponse, M. le Président.

Le Président: Alors, en question principale maintenant, Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve.

Pouvoirs du Québec en matière de gestion de la main-d'oeuvre et de l'assurance-chômage

Mme Harel: M. le Président, contrairement à l'impression que veut maintenant laisser le premier ministre, son ministre de la Main-d'oeuvre a maintes fois réclamé la gestion de l'assurance-chômage et le rapatriement de la gestion de l'assurance-chômage et, surtout, a maintes fois promis un guichet unique aux Québécois.

Ce qu'on sait maintenant, M. le Président, en matière de main-d'oeuvre, c'est que le gouvernement propose le mot à mot de l'entente intervenue entre les premiers ministres anglophones le 7 juillet. Et ce qui sera protégé par la Constitution, ce sont les activités fédérales en matière d'assurance-chômage, le pouvoir fédéral d'engager des dépenses dans les programmes de création d'emplois et le pouvoir fédéral de fixer les normes et les objectifs des programmes de perfectionnement de la main-d'oeuvre, pourtant jugés de compétence provinciale exclusive.

Comment le ministre de la Main-d'oeuvre peut-il prétendre être rassuré et satisfait, alors que le directeur d'Emploi et Immigration Canada au Québec écrit aux employés: La gestion de l'assurance-chômage continuerait d'être administrée par le gouvernement fédéral. Tout comme vous, j'ai pu lire les déclarations de M. Bourbeau à l'effet que le Québec assumerait cette responsabilité. Des négociations devront être engagées. Elles risquent d'être complexes, vraisemblablement longues et, pour l'instant, nous n'en connaissons pas l'échéancier. Vous devez comprendre que certains points sont fort nébuleux et méritent d'être clarifiés. D'autres donnent déjà lieu à des interprétations divergentes.

M. le Président, faut-il comprendre qu'en disant oui aux offres, non seulement rien n'est fini mais qu'après avoir capitulé le ministre de la Main-d'oeuvre propose de recommencer à négocier?

Le Président: M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle.

M. Bourbeau: M. le Président, il n'y a absolument aucun changement par rapport a la situation actuelle avec ce que j'ai dit dans le temps. Je suis content de voir que l'Opposition officielle est d'accord avec nous, que ce que nous avons obtenu est exactement ce que nous avons demandé, c'est-à-dire la totalité...

Le Président: Un instant! Je demande la collaboration, encore une fois. Allez-y, M. le ministre!

M. Bourbeau: Nous avons demandé au gouvernement fédéral la totalité de la juridiction en matière de main-d'oeuvre. Nous l'avons. C'est clair dans l'entente du 28; je peux vous en lire un extrait. On dit ceci: «La formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre - donc, pas seulement la formation mais tout le champ de la main-d'oeuvre, le développement; en anglais, on dit "development", en français, on traduit par "perfectionnement" de la main-d'oeuvre - devraient être reconnus à l'article 92 comme une sphère de compétence provinciale exclusive.» Il me semble que c'est clair, ça. C'est l'entente. Donc, dans la main-d'oeuvre, c'est clair, il n'y a pas de problème. (14 h 50)

Pour ce qui est de l'assurance-chômage, nous n'avons pas demandé la compétence, M. le premier ministre l'a dit tantôt, pour une bonne raison: ça nous coûterait 1 000 000 000 $ si on la recevait, étant donné que le fonds d'assurance-chômage est un fonds de péréquation canadien et que le taux de chômage est plus élevé au Québec qu'ailleurs. Quand on sait compter, on sait ce que ça veut dire. Donc, nous n'avons pas demandé la compétence en matière d'assurance-

chômage, mais la gestion du programme d'assurance-chômage. Et ça, j'ai les garanties que le fédéral va négocier avec le Québec pour la gestion de l'assurance-chômage. Et d'ailleurs, dans la lettre que vient de citer la députée tantôt, l'individu dont elle parlait reconnaissait que le Québec va négocier - elle en a fait état elle-même tout à l'heure - dans les prochains mois. Combien de temps vont durer les négociations? Moi, je sais que ces négociations-là devraient se tenir rapidement et aboutir à ce que nous souhaitons tous et que nous aurons tous, j'en suis convaincu, un réseau unique, un guichet unique en main-d'oeuvre au Québec et en gestion d'assurance-chômage.

Des voix: Bravo!

Le Président: En question complémentaire.

Mme Harel: M. le Président, comment le ministre espère-t-il convaincre les Québécois qu'il pourrait obtenir de négocier après avoir signé ce qu'il n'a pas obtenu avant de signer?

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: M. le ministre.

Des voix: II ne l'a pas demandée!

M. Bourbeau: M. le Président, le Québec n'obtiendra pas la compétence constitutionnelle en matière d'assurance-chômage, il ne l'a pas demandée et ne la veut pas, je l'ai dit tout à l'heure. Pour ce qui est de la gestion de l'assurance-chômage, nous avons des assurances que le gouvernement fédéral va négocier avec nous le transfert au Québec de la gestion de l'assurance-chômage, ce qui fait que nous n'aurons, au Québec, qu'un seul réseau, réseau main-d'oeuvre-assurance-chômage. En ce qui concerne le reste, M. le Président, je ne vois pas où sont les problèmes de la députée de Hochelaga-Maison-neuve.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

Mme Harel: M. le Président, comment le ministre peut-il se contenter des assurances, comme il le dit, d'un gouvernement dont l'engagement va durer le temps que va durer ce gouvernement, c'est-à-dire pas très longtemps?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, des ententes, le Québec en a signé plusieurs, des ententes, dans le passé. Pourquoi est-ce qu'on n'en aurait pas une ici, puisqu'on a déjà un engagement du premier ministre du Canada? Et, quant à moi, si les élections fédérales doivent arriver plus tôt que plus tard, ça veut dire qu'on a de bonnes chances que l'entente arrive plus tôt que plus tard.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: S'il vous plaît! Pour une question complémentaire.

Mme Harel: M. le Président, est-ce que les ententes dont parle le ministre sont celles que son gouvernement a signées et qui sont échues depuis trois ans?

Le Président: M. le ministre.

M. Bourbeau: M. le Président, la députée de Hochelaga-Maisonneuve fait des blagues. Elle parle d'ententes sur la main-d'oeuvre alors que la main-d'oeuvre, c'est réglé. Je viens de le lire tout à l'heure: juridiction exclusive des provinces. Donc, il ne sera plus question de faire des ententes sur la main-d'oeuvre puisque le fédéral se retire totalement, s'engage à se retirer totalement du champ de la main-d'oeuvre. Donc, n'en parlons plus de la main-d'oeuvre, c'est réglé. Parlons de la gestion de l'assurance-chômage et là, dans les prochains mois, je suis convaincu, parce que nous avons des assurances du premier ministre du Canada, le gouvernement fédéral va signer une entente pour faire en sorte que l'assurance-chômage soit gérée au Québec. Non pas la compétence constitutionnelle, mais qu'elle soit gérée au Québec.

En ce qui concerne les objectifs dont parlait tantôt la députée, et non pas les normes - on parle d'objectifs nationaux - bien, je n'ai aucune objection à ce que le fédéral indique des objectifs nationaux. En ce qui nous concerne, nos objectifs, ils sont internationaux. Donc, les objectifs nationaux, on peut s'en contenter aussi.

Des voix: Bravo!

Le Président: Pour une dernière question principale, M. le leader de l'Opposition et député de Joliette.

Respect des règles démocratiques du Québec

pour le financement du référendum

du 26 octobre 1992

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Le gouvernement du Québec a décidé de tenir un référendum le 26 octobre, conformément aux lois du Québec. M. le Président, on sait que les camps du oui et du non, selon les normes du Québec, que chaque camp aura probablement aux alentours de 4 000 000 $ et quelque chose chacun. On sait, d'autre part, qu'au référendum de 1980, M. le Président, malgré les lois québécoises, le fédéral a injecté quelque 17 000 000 $; on parle même allant jusqu'à 26 000 000 $,

27 000 000 $ à l'intérieur de cette campagne référendaire, bafouant ainsi les règles québécoises que nous nous sommes données. Le ministre responsable de la réforme électorale et parlementaire a bien dit qu'il espérait que les ténors du fédéral comprennent qu'il fallait respecter les règles démocratiques du Québec. Ma question est la suivante: Est-ce que le premier ministre du Québec a obtenu les garanties formelles du gouvernement fédéral à l'effet qu'il n'injectera aucun argent, sauf ce qui est permis par les lois du Québec, dans cette campagne référendaire?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, d'abord, on doit constater qu'on a accepté de respecter la loi du Québec dans ce référendum national. Donc, il faut quand même voir là la volonté du gouvernement fédéral de la respecter, s'il accepte que la loi du Québec s'applique. J'entendais les dirigeants des partis fédéraux qui disaient que c'est le premier ministre du Québec qui serait responsable du comité du oui, et je ne vois pas en quoi ils peuvent, d'un côté, respecter la loi du Québec, accepter de la respecter et, par la suite, ne pas le faire. Je veux dire, je conclus que si on dit que la loi fédérale le permettait, nous allons respecter sa loi. La loi du Québec s'applique, alors je ne vois pas en quoi, M. le Président, pour répondre à la question... D'ailleurs, on respecte également la loi 150. On l'a vu hier. On a décidé de faire le référendum national selon la loi 150. Vous avez refusé de la voter, mais il faut quand même constater que l'ensemble des provinces, tout le Canada respecte l'échéancier établi par le gouvernement du Québec. M. le Président, je veux dire, je tiens à souligner ça. Le leader parlementaire est sceptique quant à certaines intentions de ses anciens amis, parce qu'il a été très proche, on le sait... Maintenant, est-ce que je pourrais, s'il vous plaît, terminer la question?

Le Président: Alors, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Bourassa: C'est encore ses amis, probablement. Ce n'est pas parce qu'il ne partage pas son point de vue que le premier ministre du Canada a cessé d'être un ami du leader parlementaire de l'Opposition. Ils ont travaillé plusieurs années ensemble. Mais je lui dis qu'il fasse confiance. S'il y en a un qui connaît les dirigeants à Ottawa, c'est lui. Ils ont dit qu'ils étaient pour accepter la loi du Québec. Je termine, parce qu'on est arrivé à la fin. Ils ont dit qu'ils étaient pour accepter la loi du Québec. S'ils acceptent la loi du Québec, ils vont la respecter.

Le Président: Alors, c'est la fin de la période de questions.

Il n'y a pas de votes reportés.

Avis touchant les travaux des commissions

Maintenant, aux avis touchant les travaux des commissions. Je vous avise que mardi, le 8 septembre 1992, de 10 heures à 12 h 30, à la salle Louis-Joseph-Papineau, la commission de l'économie et du travail se réunira afin de procéder à la vérification des engagements financiers du ministère des Forêts, contenus dans les listes des mois de juillet 1991 à juillet 1992.

Renseignements sur les travaux de l'Assemblée.

Affaires du jour

Nous allons donc procéder aux affaires du jour. Aux affaires du jour, nous allons reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 44. Je demanderais simplement, à ce moment-ci, l'attention des collègues, s'il vous plaît. Alors, nous allons reprendre le débat sur la motion d'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Au moment de la suspension, M. le député de Lévis avait la parole. Je constate donc que M. le député de Lévis a terminé son droit de parole.

Je vais maintenant reconnaître comme intervenant M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. À ce moment-ci, je requiers l'attention de tous les collègues, s'il vous plaît. Merci. Je cède donc la parole à M. le ministre.

Projet de loi 44

Reprise du débat sur l'adoption du principe M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. On sait que l'économie canadienne et celle du Québec essuient les bourrasques d'une concurrence internationale plus vive que jamais. Elles sont sous la grêle, pourrait-on dire, ou, du moins, sous la menace de grêle. Comme le disait fort judicieusement le poète Aragon: Quand les blés sont sous la grêle, est bien fou qui fait le délicat. Il faut trouver un moyen de s'occuper à plein temps de ces intempéries, de s'y prémunir, d'engranger le blé, et de faire face aux défis de notre époque. (15 heures)

Les difficultés constitutionnelles du Québec sont sérieuses. Je suis le premier à admettre que l'affront fait au Québec en 1982, lors du rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne, doit être réparé dans l'honneur et dans l'enthousiasme, comme on l'a dit un jour sur la Côte-Nord.

Je suis conscient aussi que nos luttes constitutionnelles accaparent, tant au Québec qu'ailleurs au Canada, une part trop importante de nos énergies, il faut sortir d'une impasse qui mine, petit à petit, notre capacité de redresser l'économie pendant qu'il en est encore temps. L'entente constitutionnelle intervenue il y a deux semaines entre les premiers ministres représente la première lueur d'espoir que l'on ait pu apercevoir depuis quelques années, un espoir de sortir fort honorablement de cette impasse, un espoir qui se fonde sur les résultats d'une négociation conduisant à la satisfaction des principales demandes historiques du Québec, un espoir, enfin, parce qu'avec les résultats obtenus, le Québec conserve l'influence majeure qu'exerce le Québec au sein de la Confédération canadienne.

Depuis fort longtemps, en effet, le Québec joue un rôle déterminant dans le choix du gouvernement fédéral, c'est-à-dire dans l'élection d'une majorité de députés au gouvernement fédéral. Dans l'histoire récente, c'est dans une très large mesure le Québec qui a décidé du sort de plusieurs gouvernements dirigés par Pierre Trudeau et des deux gouvernements de M. Mulroney, en garantissant, quelle que soit notre évolution démographique, que nous conserverons au moins 25 % des députés de la Chambre des Communes. Là où se prennent les vraies décisions, nous détenons un levier majeur et probablement déterminant dans le choix des gouvernements fédéraux futurs. Il s'agit d'une protection de taille, d'un véritable gain constitutionnel.

Je ne vais pas me livrer, M. le Président, à une exégèse de l'entente constitutionnelle. Compte tenu de mes responsabilités au sein du gouvernement, je tiens, à l'occasion de cet important débat, à présenter les demandes historiques du Québec dans le domaine de la main-d'oeuvre, les demandes que notre gouvernement a formulées dans la présente ronde de négociations et les résultats que nous avons obtenus. On pourra voir que nous sommes allés au-delà des demandes historiques du Québec et que nous avons atteint les objectifs ambitieux que nous nous étions fixés. Voyons voir.

Le domaine de la main-d'oeuvre couvre un large spectre de préoccupations, comprenant, notamment, la formation, le recyclage, l'adaptation aux nouvelles technologies, la réorientation professionnelle, la protection de l'emploi, l'aide à l'emploi, le placement et la création d'emploi. Quand on parle de développement de la main-d'oeuvre, on se situe donc au coeur du développement économique. Les politiques de main-d'oeuvre constituent donc des stratégies qui permettent de lutter contre le chômage, d'accroître la compétence et la productivité des travailleurs, d'assurer la compétitivité de notre économie et la prospérité de notre société. C'est dire l'importance cruciale de ce domaine pour l'avenir économique du Québec. J'y reviendrai.

Depuis le début des années 1960, le Québec revendique un plus grand contrôle des instruments d'une politique de développement de la main-d'oeuvre. Ce fut une constante de l'attitude des gouvernements qui se sont succédé à Québec depuis la Révolution tranquille. Le premier ministre Jean Lesage déclarait, en 1965, que le Québec doit instaurer sa politique de main-d'oeuvre et d'emploi qui se révèle l'un des instruments d'une planification économique efficace. «Au fur et à mesure que le Québec exercera ses responsabilités en ces matières, précisait-il, il deviendra nécessaire d'apporter des modifications substantielles aux mesures fédérales déjà en vigueur: réévaluation des programmes conjoints, fonctionnement du service fédéral de placement, transfert au Québec des budgets relatifs aux prêts et allocations de déplacement et d'établissement de la main-d'oeuvre.» Fin de la citation.

En 1967, M. Daniel Johnson, premier ministre de l'époque, soutenait que le Québec doit devenir graduellement le seul responsable sur son territoire de toute dépense publique relative au placement et à la formation de la main-d'oeuvre.

Les programmes fédéraux doivent être assumés par le Québec, disait-il. M. Claude Castonguay, en 1971, défendait l'idée que le Québec doit avoir une responsabilité prioritaire à la conception de la politique sociale, ce qui inclut la formation professionnelle et les centres de main-d'oeuvre. M. Castonguay ajoutait, et je cite: Quant à la politique de main-d'oeuvre, elle vise à la fois le maintien de l'équilibre du marché du travail et la protection sociale des personnes en cause. On ne saurait dissocier ces deux aspects sans qu'il n'en résulte une discrimination, un éparpillement des ressources et une concurrence fausse.

Entre 1971 et 1985, le Québec a réclamé à maintes reprises le rapatriement des sommes consacrées par le gouvernement fédéral à la formation professionnelle. Nos amis de l'Opposition officielle ont clamé bien haut ces positions historiques du Québec sans ébranler les autorités fédérales et sans empêcher une présence fédérale de plus en plus marquée dans le domaine de la main-d'oeuvre au Québec. Il est très important de souligner, M. le Président, que pendant toute cette période, le Québec n'a pas inclus dans ses revendications la gestion du régime d'assurance-chômage. Nous avons été les premiers à exiger la ratification d'une entente administrative qui permettra au Québec de gérer le régime d'assurance-chômage sur son territoire afin qu'il n'y ait qu'une seule organisation de main-d'oeuvre, qu'un seul guichet, et nous l'avons obtenu.

Notre gouvernement a non seulement épousé les revendications historiques du Québec en matière de main-d'oeuvre, il a haussé la barre en réclamant du même souffle la compétence exclusive en matière de formation et de développement de la main-d'oeuvre, le rapatriement de

tous les budgets consacrés à ces fins, y compris ceux puisés à même le compte d'assurance-chômage, une entente administrative en vertu de laquelle le Québec gérera le régime d'assurance-chômage sur son territoire, afin qu'il n'y ait qu'une seule organisation de main-d'oeuvre au Québec.

C'est précisément ce que nous avons obtenu, c'est-à-dire, premièrement, la reconnaissance d'une compétence provinciale exclusive en matière de formation et de développement de la main-d'oeuvre. Pour le gouvernement fédéral, qui intervient dans ce domaine depuis 1901, il s'agit d'une concession majeure. Dans ces domaines cruciaux, à la demande d'une province, le gouvernement fédéral sera tenu de se retirer de ces champs d'activité et de négocier des ententes qui s'accompagneraient, dis-je, d'une juste compensation financière. Voilà une réponse claire à une revendication incessante du Québec depuis 30 ans. Deuxièmement, nous avons obtenu le rapatriement au Québec de tous les budgets consacrés au développement de la main-d'oeuvre. Troisièmement, un accord sur le transfert au Québec de la gestion ou de l'administration de l'assurance-chômage. Cette entente a fait l'objet d'un engagement clair de la part du gouvernement fédéral, ce qui est confirmé par le premier ministre du Canada dans une correspondance.

Qu'est-ce que cela signifie? Ça signifie que c'est au Québec que seront arrêtées les priorités en matière de formation, de recyclage, d'aide à l'emploi et de placement. Ces priorités seront définies avec les partenaires du marché du travail, notamment au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Il n'y aura plus de chevauchement des programmes fédéraux et québécois de main-d'oeuvre. Le gouvernement du Québec disposera d'un budget annuel dépassant le 1 000 000 000 $ pour les programmes de développement de la main-d'oeuvre, lorsqu'il aura complété le rapatriement des budgets fédéraux. Il y aura une seule organisation de main-d'oeuvre, c'est-à-dire une fusion des centres d'emploi du Canada, des commissions de formation professionnelle du Québec et des autres services de main-d'oeuvre du gouvernement du Québec. Plus de 6000 fonctionnaires fédéraux oeuvrant au Québec sont affectés par cette entente et des prestations d'assurance-chômage qui dépassent 5 000 000 000 $ par année au Québec. (15 h 10)

Nous obtenons enfin le réseau unifié de main-d'oeuvre dont parlent nos partenaires du marché du travail depuis tant d'années, c'est-à-dire qu'il y aura un seul endroit où il sera possible d'obtenir tous les services de main-d'oeuvre, y compris l'assurance-chômage. Il s'agira des bureaux locaux de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et de la Société régionale de développement de la main-d'oeuvre.

Mais pourquoi, M. le Président, cela est-il si important? Dans les économies modernes, seules les nations qui peuvent mobiliser une main-d'oeuvre qualifiée peuvent réalistement aspirer à la prospérité. On ne peut pas espérer de progrès ou d'expansion économique durable sans des investissements importants dans le domaine de la main-d'oeuvre. Avec le développement technologique et les fluctuations considérables des marchés, les besoins de perfectionnement, de recyclage et d'adaptation de la main-d'oeuvre s'accroissent. Pour y répondre, il faut un effort concerté des patrons, des travailleurs et des gouvernements. Les pays qui ont relevé le défi de la concertation sur les politiques de main-d'oeuvre connaissent le plus de succès, tels l'Allemagne, les pays Scandinaves et quelques autres.

Le marché du travail varie considérablement d'une région à l'autre du Canada. Il faut que les politiques de main-d'oeuvre et d'emploi en conséquence soient définies le plus près possible des marchés régionaux du travail et qu'on puisse réagir rapidement aux changements qui s'y opèrent. Il faut pouvoir canaliser rapidement et efficacement tout l'argent disponible pour le développement de la main-d'oeuvre vers les priorités du marché québécois du travail. Il faut que cessent les dédoublements, les chevauchements et les tiraillements entre deux administrations qui interviennent chacune à leur façon sur le territoire du Québec. La mise en place de cette organisation regroupée peut conduire à des économies importantes au plan des dépenses administratives. On estime que l'on pourrait réaliser des économies de l'ordre de 250 000 000 $ par année si on se compare aux autres pays de l'OCDE. C'est autant d'argent que l'on pourrait affecter à des fins plus productives, pour le développement de la main-d'oeuvre québécoise.

M. le Président, il faut briser l'isolement dans lequel se sont cantonnés respectivement les employeurs, les représentants des travailleurs, le secteur de l'enseignement et les institutions de main-d'oeuvre. Désormais, il faut que ces gens se parlent, agissent ensemble et travaillent en partenariat. Nous avons la possibilité de développer ce partenariat au Québec. La Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en sera l'instrument privilégié. Le transfert des responsabilités du développement de la main-d'oeuvre n'est pas un gage absolu de prospérité, mais il s'agit d'une prémisse essentielle au développement durable. Il nous appartiendra de tirer le plus grand profit de cette compétence exclusive et du guichet unique de main-d'oeuvre. Ce sera exigeant. On ne devient pas compétent et compétitif sans effort, mais nous disposerons désormais des leviers pour atteindre notre plein développement. L'Opposition officielle, qui s'alimente à toutes les canonnières par les temps qui courent, trouvera sans doute à redire de

cette entente de main-d'oeuvre même si nous avons obtenu davantage que le Parti québécois n'en a jamais demandé lorsqu'il formait le gouvernement.

Je vois déjà nos amis de l'Opposition s'en prendre aux fameux objectifs nationaux, et on l'a vu tout à l'heure, M. le Président, lors de la période des questions. L'entente stipule, en effet, que le gouvernement fédéral continuera de jouer un rôle dans l'établissement d'objectifs nationaux pour les aspects du développement de la main-d'oeuvre. Ceux qui ont l'indignation à fleur de peau pourraient s'imaginer que, par le biais de ces objectifs nationaux, le gouvernement fédéral conserve le pouvoir ou conserverait le pouvoir de contraindre le Québec à s'engager dans des avenues qu'il ne privilégie pas. Je vais vous lire, M. le Président, les quatre objectifs nationaux de la stratégie canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre.

Premier objectif: Obtenir du secteur privé qu'il joue un plus grand rôle dans la formation des employés et veiller à ce que la formation soit plus en harmonie avec les besoins actuels du marché du travail. Au Québec, notre stratégie consiste à travailler au développement d'une culture de la formation dans les milieux de travail et à rapprocher l'école des entreprises. Les objectifs fédéraux et québécois concordent donc parfaitement.

Deuxième objectif: Réaffecter les dépenses à l'intérieur du Régime d'assurance-chômage de façon à ce qu'une plus grande proportion des ressources serve à financer des activités dynamiques de formation et de réemploi à l'intention des chômeurs. Nous avons adopté exactement la même politique en matière de sécurité du revenu. Cet objectif fédéral ne nous cause donc aucune difficulté.

Troisième objectif: Conformément à la Charte canadienne des droits et des libertés, améliorer de façon significative les prestations d'assurance-chômage afin de mieux répondre aux besoins des parents qui exercent un emploi et d'encourager la pleine participation au marché du travail des travailleurs de plus de 65 ans. Est-ce qu'il y a quelqu'un au Québec qui oserait s'élever contre un objectif aussi noble?

Enfin, quatrième objectif de la stratégie fédérale: Réduire les facteurs de désincitation que comporte le Régime d'assurance-chômage. Encore là, bien mal venu celui qui se lèvera pour combattre cet objectif.

Comme vous le voyez, M. le Président, les objectifs nationaux sont rédigés de façon suffisamment générale pour permettre d'y répondre de façons très diverses au Québec et dans les autres provinces canadiennes. On a l'habitude de tels objectifs nationaux dans le cadre du Régime d'assistance publique du Canada, le RAPC. En vertu de ce régime, en effet, le gouvernement fédéral défraie 50 % des dépenses provinciales d'aide sociale en autant que les provinces se conforment à des objectifs nationaux. L'existence de ces objectifs nationaux permet néanmoins au Régime de la sécurité du revenu du Québec d'être fort différent de celui de l'Ontario ou de celui de la Colombie-Britannique. Bref, il faut savoir, M. le Président, à l'occasion, tempérer son indignation. Elle pourrait ne reposer que sur du vent.

M. le Président, j'ai plusieurs raisons d'accueillir favorablement l'accord constitutionnel conclu par les premiers ministres. Dans le domaine de la main-d'oeuvre, où nous avons atteint tous nos objectifs de négociation, j'ai toutes les raisons de m'en réjouir. Et c'est précisément, M. le Président, ce que je fais sans détour, je m'en réjouis. Je vous remercie.

Le Vice-Président (m. bissonnet): alors, merci, m. le ministre de la main-d'oeuvre, de la sécurité du revenu et de la formation professionnelle. je reconnais sans plus tarder m. le député de mercier. m. le député.

M. Gerald Godin

M. Godin: M. le Président, je vous remercie. Alors que notre premier ministre négociait avec ses collègues un Sénat trois «e» de manière à donner à l'île-du-Prince-Édouard autant de sénateurs qu'au Québec, ce qui est absolument aberrant, on peut demander, nous, membres de l'Opposition, qu'il y ait à Québec un gouvernement trois «r». Et je m'explique, M. le Président: un gouvernement rapide, respectueux et rigoureux.

Rapide pourquoi, M. le Président? C'est parce que, au moment où on se parle, on n'a pas encore lu le texte de l'entente, ni en anglais, ni en français. Et les journaux de ce matin disent que l'entente ne sera même pas déposée officiellement avant le jour où on va voter sur ladite entente. Alors, seul un gouvernement rapide pourrait reprendre le temps perdu et mettre à notre disposition le texte officiel de l'entente en français ou en anglais pas trop loin du français, comme d'habitude dans les textes gouvernementaux. Autrement, on va voter sur ce qu'on ne connaît pas. Certains diront: C'est normal dans un pays comme le Canada. Ainsi, le vote qui s'est pris pour la Loi sur les mesures de guerre, à Ottawa, en octobre 1970, a été pris, ce vote, dans l'ignorance relative, sinon totale, de la situation au Québec par rapport à la justice et par rapport à la manière dont les choses se déroulaient au Québec. Mais une fois n'est pas coutume, je le souhaite, M. le Président. C'est pourquoi je souhaite que le gouvernement devienne au moins le porteur d'un «r», qui serait un gouvernement rapide, pour qu'on ait les textes de l'entente en question le plus rapidement possible. (15 h 20)

Et je souhaite aussi qu'on ait un gouverne-

ment respectueux de ses commettants, donc de l'électorat québécois, en l'informant régulièrement, ce qui ne fut pas fait pendant la période avant la signature de Charlottetown, ce qui fait qu'il y a peu de Québécois, au moment où on se parte, sauf le premier ministre, sauf les experts constitutionnalistes déjà nommés tout à l'heure par le chef de l'Opposition officielle, qui ont pu lire à tête reposée l'entente de Charlottetown, l'entente finale, que certains appellent un consensus, ce qui est un drôle de mot, M. le Président, dans les circonstances. Est-ce qu'il vaut mieux un «con sans suce ou une suce sans con»? M. le Président, je suis sûr que vous comprenez ce genre de... pour l'avoir pratiqué à plusieurs reprises à l'époque où j'étais votre vis-à-vis, l'autre côté, pendant des nuits entières, devrais-je dire. Alors, un gouvernement aussi respectueux du peuple qui l'a élu deux fois de suite... Et le respect du peuple, ça veut dire qu'on informe constamment, comme MétéoMédia le fait toutes les deux heures. On informe sur la météo au Québec, on informe de manière permanente le peuple du Québec de l'évolution des choses. Je me souviens d'une époque où les demandes du Québec n'étaient pas pour une société distincte, elles étaient pour un rapatriement des impôts. Le tout a commencé sous Maurice Duplessis et a été poursuivi par Daniel Johnson qui voulait 100 % de l'impôt sur le revenu, ce qui avait déjà été réalisé par un gouvernement précédent; le deuxième 100 %, c'était l'impôt sur les entreprises, et le troisième, c'était l'impôt sur...

Mme Bleau: Les successions.

M. Godin: ...les successions. Merci, Mme la députée de Bleau. De Groulx, pardon. Bleau, c'est votre nom. Et si nous avions eu, par exemple, un premier ministre qui était allé se battre à 1 contre 17 à une époque, qui avait dit qu'il ne négocierait plus qu'à 1 à 1, comme le fameux match Fischer-Spassky, aux échecs, qui vient d'avoir lieu en Finlande - je crois, à moins que je ne me trompe de pays... Alors, le premier ministre souhaitait une partie d'échecs entre lui et le premier ministre du Canada, mais il se retrouvait un peu comme un joueur de hockey des Nordiques, seul en finale contre cinq joueurs d'un autre club. Mais il y avait 17 joueurs de l'autre club. Ce que je crains, c'est que nous soyons maintenant dans... Et c'est la lecture que je fais à partir du texte du Globe and Mail, qui est le seul journal qui l'a publié, le projet d'entente. Je crains que nous ne nous retrouvions, dans tous les domaines vitaux pour le Québec, avec des situations où le Québec jouerait sur la patinoire nationale à quatre contre cinq perpétuellement, parce qu'au fond, si on analyse bien le soi-disant gain de 25 % des élus du Parlement fédéral, ça veut dire que nous sommes condamnés à perpétuité dans ce Parlement-là, la

Chambre des communes et des communs. Je constate que nous sommes condamnés à perpétuité au statut d'infériorité, c'est-à-dire 25 %, alors que le reste du pays aurait 75 %. Donc, on va constamment jouer à notre sport national, le parlementarisme, ou le hockey, par analogie, à cinq contre quatre, avec un homme en punition. Donc, ça a l'air beau, tout ça, et c'est la façon, d'ailleurs, dont le gouvernement a présenté ce gain soi-disant fabuleux. 25 % de la Chambre des Communes sera composée de députés québécois. Ça, ça nous condamne à perpétuité à jouer à cinq contre quatre sur la patinoire, alors que les Anglais, eux, sont condamnés à perpétuité à jouer avec le reste, c'est-à-dire 75 % des députés.

Donc, ce qu'on appelle un gain, à mon avis, est une soumission perpétuelle à la majorité anglaise du pays, qui est le vieux rêve de Lord Durham et d'autres admirateurs de Lord Durham, nommément Mordecai Richler, qui ont toujours rêvé, eux, et Durham et Richler - il le rappelle dans un article qu'il a écrit pour The Economist de Londres - il rappelle qu'il aurait fallu que Lord Durham ait raison. Il le souhaitait a posteriori, puisque Lord Durham est mort depuis longtemps, et il aurait souhaité, donc, que le Québec soit avalé par une majorité quelconque, et que, par conséquent, tôt ou tard, le Québec cesse d'être un empêcheur de tourner en rond pour la majorité anglaise du Canada.

Mais contrairement à toutes les prévisions, à tous les voeux, à tous les souhaits de ceux qui veulent que le Canada existe sans être tenu et forcé de respecter la majorité francophone ou française du Québec, au moins... Combien de francophones hors Québec, chaque mois ou chaque semaine, sont avalés par la majorité anglaise du pays? Je pense que c'est dans les milliers, chaque semaine et chaque mois, qu'ils renoncent à leur langue française et qu'ils s'anglicisent, c'est-à-dire qu'ils s'assimilent plus rapidement, en fait, que dans le passé. Le grand reproche qu'on peut faire au système fédéral, tel qu'on le connaît, c'est précisément celui-là. C'est de n'avoir jamais pris les... (15 h 30)

Le Québec distribue chaque année 5 000 000 000 $ aux institutions anglaises du Québec, ce qui est plus que ce que le fédéral donne de son côté pour le maintien de la culture française dans les autres provinces. C'est plus, et quand... j'ai eu une question tout à l'heure de M. ... pas «j'ai une question», mais il y a une question que j'ai entendue du chef du Parti Egalité, M. Libman, le député de D'Arcy-McGee, qui dit: Pouvez-vous garantir, M. le premier ministre, que vous allez respecter le deuxième paragraphe de la nouvelle entente, et protéger les institutions anglaises du Québec? Je lui aurais dit, moi, illico, immédiatement, sans même réfléchir longtemps, que, déjà, le Québec est le plus généreux des gouvernements provinciaux à

l'égard de sa minorité: 5 000 000 000 $ par année, M. le député d'Argenteuil. Je sais que vous savez que ce que je dis est la vérité. Alors, par conséquent, l'engagement, en ce qui nous concerne, au Québec, est déjà pris et respecté depuis longtemps. Si, d'autre part, le Canada anglais avait - ou le fédéral, enfin - traité aussi bien les minorités françaises hors Québec que le Québec a traité sa minorité anglaise ici, on n'aurait pas les problèmes que nous avons eus par le passé et nous serions aujourd'hui une communauté francophone pancanadienne en bonne santé linguistique, culturelle et même, je dirais, institutionnelle.

Si vous faites l'inventaire des institutions anglophones du Québec, universités, postes de radio, CLSC, hôpitaux, quand on sait que le Québec y consacre 5 000 000 000 $ par année, on ne peut que souhaiter que le même modèle se transfère hors Québec de la part du fédéral et que les francophones hors Québec aient maintenant, par la suite d'une telle politique aussi généreuse que la nôtre à l'égard des anglophones, qu'ils se rendent compte qu'ils ont erré pendant des générations et des générations, périodes pendant lesquelles les francophones hors Québec ont été littéralement avalés par le crocodile canado-anglais, alors qu'ici, il y a eu un développement du nombre de CLSC, développement du nombre d'universités, développement du nombre d'écoles anglaises, développement de cégeps.

Quand on voit le cégep Dawson, installé à demeure dans un édifice historique, un des plus beaux sites de Montréal, où d'ailleurs, c'est la congrégation Notre-Dame, CND, qui correspond au collège Dawson, les mêmes portes en fer forgé, donc, ont été conservées parce que c'était les mêmes initiales. Quand on voit avec quel respect on les a traités, M. le Président, et avec quelle générosité, surtout... on ne peut que souhaiter que la mentalité qui s'est développée au Québec soit maintenue et, deuxièmement, se répande comme une tempête de neige en hiver dans l'ensemble des autres provinces pour que nous soyons sûrs que, dans le Manitoba, à Winnipeg, les patients francophones soient traités avec autant d'égard que les patients anglophones le sont au Québec dans leur langue par des médecins qui parlent leur propre langue et avec un personnel infirmier et hospitalier dont la condition d'emploi est précisément qu'ils maîtrisent la langue de l'autre, alors que c'est le contraire qui se passe.

Je suis allé souvent, moi, au Manitoba. Je me suis informé à chaque fois que j'y suis allé, dans les hôpitaux et ailleurs dans les centres de santé, et le nombre de personnes... À Kingston, ils appellent ça le Doo, l'Hôtel Doo, ils appellent ça maintenant le Doo. «Go to the Doo», va au Dieu. On ira peut-être un jour, mais c'est une autre histoire. Alors, quand on va au Doo, à Kingston, M. le Président, on se rend compte que le personnel, uniquement et spécialement bilingue, est à peu près inexistant et que, deuxièmement, le personnel qui maîtrise la langue de l'autre, c'est-à-dire, dans le cas qui nous occupe, le français, est moins qu'inexistant, il est sous la barre des zéros.

M. le Président, je fais un discours qui aborde la réalité anglophone du Québec parce que je pense qu'on n'a pas de leçon, comme disent les libéraux souvent, à recevoir de personne par rapport au statut dont jouissent ici la communauté anglaise et ses institutions. Alors, M. le Président, c'était mon propos aujourd'hui. J'en ferai un autre plus tard. Merci bien. Au revoir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Mercier, de votre intervention. Je reconnais maintenant M. le député de NDG.

M. Gordon Atkinson

M. Atkinson: M. le Président, nous sommes la nation la plus chanceuse de toutes les nations sur la terre. De toutes les nations dans notre hémisphère, le Canada est la seule nation qui fut créée par évolution et non par révolution. Nous avons évolué grâce au dialogue, non par la bouche des canons. Je suis fier d'avoir servi dans les Forces armées canadiennes, comme mon père avant moi, mon grand-père, et mon arrière-grand-père avant lui, comme mon fils qui a également servi pour défendre le Canada et les principes d'une société libre et démocratique.

My ancestors would twirl in their graves if they even suspected that I might participate in any movement to dismember the nation. Then there are those people who left the United States during their revolution of 1776 to come to Canada as United Empire Loyalists to create a nation through the evolutionary process rather than the divisive process of revolution, and, along with the French-speaking settlers of an earlier time, created the cornerstone the nation of Canada that extends to three great oceans and encompasses the world's largest landmass nation.

Le Canada a été une nation dans laquelle son peuple discute de ses différences et évolue de consentement mutuel. Le Canada aujourd'hui est très différent d'il y a 125 ans. Le Canada de ma jeunesse était une nation très différente. Par le respect mutuel et la consultation, nous sommes arrivés à cette grande nation, le Canada. C'est ce que nous devons, ou devrions discuter, une nation unie qui poursuit le but commun pour la justice afin d'assurer la liberté individuelle à la poursuite des objectifs de chacun en affaires, en éducation. Les Pères de la Confédération ont imaginé cela comme étant la mosaïque du Canada.

Somewhere, Mr. Speaker, we seem to have lost the sense of mutual appreciation of the diversity of that mosaic. The agreement reached

by the First Ministers of Canada and our First Peoples of Canada has put before us another in the long process of evolving as a people, as a nation of people.

Mon coeur saignerait si les principes pour lesquels ma famille, votre famille, tous nos ancêtres se sont battus depuis les débuts de l'Amérique du Nord devaient être déchirés en morceaux. Le processus continuel d'évolution est la réalité du Canada.

When I was a child, I thought like a child, I acted like a child. But now I am a man. I must put aside these childish behaviours and act like a man, taking the full responsibility for all that implies, meaning that I must act responsibly towards the nation that has succored five generations of my family. And that responsibility weighs heavily on my heart. I cannot desert the principles of my ancestors nor the values of these successive generations that my family maintained in order that my nation might survive.

Je ne suis pas d'accord avec tout dans l'accord constitutionnel actuel. Cela va à rencontre de ce que mon instinct et mon sens inné disent ce qu'est un Canadien et un Québécois. Seulement un enfant boude et agit de façon irritable quand on ne lui donne pas ce qu'il veut sur un plateau d'argent. Nous ne sommes pas des enfants. Nous avons la responsabilité de la nation. Je suis un Québécois anglophone, mais, avant tout, je suis un Québécois qui est fier de la diversité de notre nation et du petit coin de cette nation qui sera toujours mon chez-moi.

The new accords are part of the evolution of the nation of Canada in the same way as the original contract between the people of Canada evolved from the primitive wilderness in which they first placed the plow to the ground, the axe to the forests and the intellect to create a caring and just society of which we might all be grateful and thankful.

These accords, Mr. Speaker, are not a restaurant menu where you pick one from column A, two from column B, but rather these accords are a banquet, a banquet to be enjoyed by all Canadians.

Nous persévérons. Nous changerons le visage du Canada plusieurs fois avant la fin des temps, mais nous le ferons ensemble, avec respect et honnêteté pour tous les peuples de la grande nation qu'on appelle le Canada, de concert avec notre Québec. Merci, M. le Président. (15 h 40)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Notre-Dame-de-Grâce. Je rappelle aux membres de cette Assemblée que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et je cède la parole à M. le député de l'Acadie.

M. Yvan Bordeleau

M. Bordeleau: Merci, M. le Président. À mon tour, aujourd'hui, je veux intervenir pour me prononcer sur l'amendement que nous désirons apporter à la loi 150, Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Permettez-moi, pendant quelques instants, de partager avec mes concitoyens du Québec et mes confrères de l'Assemblée nationale mes vues sur la situation actuelle et toutes les raisons qui nous amènent aujourd'hui à débattre cette question.

Comme on se le rappelle tous, le gouvernement libéral s'est mis à la tâche, depuis près de sept ans, de convenir avec les gouvernements fédéral et provinciaux des termes de son adhésion à la loi constitutionnelle de 1982. Pour ce faire, le gouvernement du Québec a fait connaître ses cinq conditions. Un accord constitutionnel, en juin 1987, a traduit les termes d'une entente intervenue au lac Meech entre le Québec, Ottawa et les neuf autres provinces au regard des cinq conditions posées par le Québec.

L'accord du lac Meech, conclu en 1987 avec l'assentiment de tous les premiers ministres, comportait des conditions minimales qu'exigeait le Québec pour réintégrer le pacte confédératif de 1982. Malheureusement, cette entente unanime entre les 11 gouvernements n'a pas recueilli le consentement de toutes les législatures provinciales, ce qui aurait permis sa proclamation et son entrée en vigueur. Nous avions donc, en partie, réussi à faire bouger le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, à les asseoir à une même table pour reprendre les discussions. Tous les premiers ministres s'étaient entendus pour faire ratifier l'entente avant la fin de juin 1990. Le tout s'est terminé malheureusement le 22 juin 1990.

La façon dont le gouvernement libéral a mené les négociations jusqu'à la dernière minute prouve une fois de plus la compétence de ce gouvernement dans ce domaine et l'intérêt du gouvernement du Québec à défendre les intérêts profonds des Québécois. Ces événements nous forcèrent à souhaiter de plus en plus ce que nous voulons de mieux pour notre avenir, en y mettant notre coeur et notre énergie. Cependant, on aura noté que les débats qui ont entouré l'Accord constitutionnel de 1987 ont montré que les visions politiques, les identités nationales et les aspirations au sein du régime fédéral canadien semblaient de plus en plus difficiles à concilier. C'était ma conviction profonde, M. le Président, que nous devions et allions continuer à défendre jusqu'au bout ce régime qui nous a accordé tant depuis tant d'années, et qu'on n'avait pas le droit d'abandonner, en dépit des difficultés rencontrées.

Le 4 septembre 1990, le gouvernement libéral créait la commission sur l'avenir cons-

titutionne! et politique du Québec, la commission Bélanger-Campeau. M. le Président, le projet de loi 150, étudié en juin 1991, respectait en tout point le rapport Bélanger-Campeau, soit la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec au plus tard le 26 octobre 1992, la constitution de deux commissions parlementaires spéciales, l'une ayant pour mandat d'étudier les questions afférentes à l'accession du Québec à la souveraineté et l'autre, d'analyser toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement canadien. Ainsi, notre gouvernement respectait en tout point l'important consensus développé à la commission Bélanger-Campeau.

On doit se rappeler le Québec d'hier pour bien saisir et comprendre le Québec d'aujourd'hui et, surtout, celui de demain. Quoi de mieux pour ce faire qu'un survol des grandes réalisations libérales, de 1960 à nos jours, pour réaliser jusqu'à quel point notre société a été dynamique et a pu s'épanouir à l'intérieur du cadre fédéral.

À partir de 1960, les Québécois se sont donné des outils de développement extrêmement importants. Qu'il suffise de se référer à la Caisse de dépôt et placement, à la Régie des rentes, à la Société générale de financement, qui jouent des rôles de premier plan pour le développement et le renforcement de l'économie du Québec. Sur tous les plans, le Québec, au cours de ces années, a vécu des mutations extrêmement importantes. Ces acquis ne sauraient disparaître du jour au lendemain. Aucun changement politique ne devra affecter de façon négative l'évolution du Québec. Au contraire, nous devons assurer son développement ou sa croissance dans la perspective de la continuité et du renouvellement. L'objectif de notre gouvernement était d'avoir un statut politique qui lui donnait tous les pouvoirs pour promouvoir son identité tout en favorisant l'essor et le développement économique. Ce sont là des objectifs fondamentaux pour notre gouvernement et pour notre société.

La raison de cet amendement à la loi 150, aujourd'hui, est bien simple: c'est l'entente du 22 août 1992 du gouvernement fédéral et de tous les autres gouvernements canadiens. Le préambule de la loi 150 reflétant l'essentiel des recommandations de la commission Bélanger-Campeau et l'esprit dans lequel cette loi a été conçue lors de son adoption nous permet de retrouver les raisons profondes de notre débat actuel. En effet, il est clairement indiqué ce qui suit, et je cite: «Considérant que la commission sur l'avenir politique et constitutionnel du Québec reconnaît, outre la voie de la souveraineté politique du Québec, celle du renouvellement en profondeur du fédéralisme que rendrait possible l'établissement d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle; «Considérant la volonté du Québec d'assurer l'égale compréhension de tous tant à l'égard des changements nécessaires pour rendre acceptable au Québec le système fédéral canadien qu'à l'égard d'une juste définition de la souveraineté et de ses implications politiques, économiques, sociales et culturelles; «Considérant que le gouvernement du Québec conserve en tout temps sa pleine faculté d'initiative et d'appréciation des mesures favorisant les meilleurs intérêts du Québec; «Considérant que l'Assemblée nationale demeure souveraine pour décider de toute question référendaire et, le cas échéant, adopter les mesures législatives appropriées.»

Cet amendement va donc permettre la tenue d'un référendum le 26 octobre, sur l'entente constitutionnelle et non sur la souveraineté, tel que prévu à l'origine par la loi, puisque nos partenaires ont su répondre aux besoins et aux aspirations traditionnelles des Québécois. Nous étions confiants que le gouvernement central ferait au Québec des offres de partenariat constitutionnel raisonnables et ce, à l'intérieur de l'échéancier que le Québec s'était fixé. C'est ce qui arrive aujourd'hui, et nous devons en tenir compte.

Comme le disait notre premier ministre, M. Robert Bourassa, le 10 mars 1991, lors du congrès du Parti libéral du Québec, et je cite: «Nous avons des valeurs communes, deux siècles d'histoire commune. Le Canada est l'un des pays les plus enviés du monde. Les Québécois veulent pouvoir développer leur identité et assurer leur sécurité économique, mais ils préfèrent que cela se fasse à l'intérieur de la structure canadienne.» Nous avons donc devant nous une option valable et très importante pour l'avenir du Québec.

Cette entente du 22 août dernier équivaut à des gains inégalés au cours des 125 dernières années. Premièrement, un Québec distinct: reconnaissance de la société distincte; rôle dynamique et responsabilité du gouvernement de promouvoir la société distincte; 33 % des juges à la Cour suprême; ajout de 18 députés à la Chambre des communes; garantie de 25 % des sièges à la Chambre des communes; double majorité au Sénat en matière de langue et de culture, donc un veto absolu; veto sur la constitution du Sénat; veto sur la représentation à la Chambre des Communes; veto sur l'existence et la composition de la Cour suprême; veto sur la participation des nouvelles provinces à la procédure de modifications constitutionnelles et au Sénat; retrait et compensation pour tout transfert de juridiction provinciale au fédéral. (15 h 50)

Deuxièmement, un partenariat amélioré: compétence exclusive provinciale accrue en matière de culture, de perfectionnement et de formation de la main-d'oeuvre, de tourisme, de forêts, de mines, de loisirs, de logement, d'affaires municipales et urbaines; maîtrise d'oeuvre en matière d'immigration, de développement régional et de télécommunications; constitution-

nalisation de l'entente d'immigration déjà conclue; encadrement du pouvoir fédéral de dépenser, dans le respect des priorités provinciales; intégration économique accrue, tout en maintenant les outils de développement économique des provinces; rôle accru des provinces dans le processus de nomination des juges de la Cour suprême; nouveau pacte réaliste et respectueux avec les autochtones.

M. le Président, comme le disait le ministre délégué aux Affaires intergouvernementales canadiennes lors de l'assemblée générale spéciale des membres du Parti libéral du Québec le 29 août dernier, et je cite: «C'est la première fois, dans 125 ans, qu'un gouvernement du Québec, qu'un premier ministre du Québec revient de négociations avec une entente de cette envergure. C'est la première fois qu'on propose aux Québécois, d'une part leur sécurité et, d'autre part, les outils de développement nécessaires. Jamais, dans toute l'histoire du Québec, un premier ministre n'aura fait autant pour le Québec. Il ne fait aucun doute que le Québec croit plus que jamais nécessaire et légitime de contrôler les pouvoirs et les outils essentiels à son épanouissement et au maintien de sa spécificité.»

À ce chapitre, M. le Président, il importe de souligner la ratification d'une entente majeure signée en 1991 avec le gouvernement fédéral en matière d'immigration. Cette entente remplace l'entente Cullen-Couture qui existait depuis 1978. Elle s'inscrit dans la logique de la récupération par le gouvernement du Québec des pouvoirs essentiels à son développement. M. le Président, cette entente a été constitutionnalisée dans l'entente du 22 août. Voilà la preuve que le Québec peut se développer dans le cadre d'un fédéralisme évolutif. Qu'il suffise de se rappeler également les négociations entourant le protocole d'entente entre le gouvernement fédéral et le Québec concernant l'administration unifiée de la TPS et de la taxe de vente québécoise. Encore une fois, le gouvernement québécois bénéficiait dès lors d'économies importantes, et cela, toujours dans le but de défendre les intérêts des Québécois.

M. le Président, c'est maintenant l'heure des choix pour les Québécois. Le contexte économique est difficile, vous en conviendrez avec moi, et, dans ce sens, les Québécois ont le devoir de se questionner sur les conséquences économiques de l'indépendance prônée par nos collègues d'en face. Comment se fait-il que l'Opposition n'ait jamais abordé cette question des coûts de la souveraineté? Quand on pense qu'un changement politique important provoque des conséquences, il est essentiel, je crois, de connaître celles-ci et de prendre des décisions en toute connaissance de cause.

Au cours des prochaines semaines, nos compatriotes seront en mesure d'évaluer la valeur de l'entente et la pertinence de son acceptation, dans la perspective du développement et de l'épanouissement du Québec. Notre gouvernement n'a ménagé aucun effort pour impliquer la population dans ce processus déterminant et fondamental pour l'avenir politique et constitutionnel du Québec, et c'est cette dernière qui tranchera la question. Malgré nos différences, nous sommes parvenus, au Québec, à l'intérieur du Canada, à former une société qui compte parmi les plus avancées au monde en ce qui concerne le standard de vie, la créativité et l'innovation. Nous ne devons jamais oublier cette réalité indéniable.

M. le Président, je terminerai donc en disant que je suis convaincu que, pour le Québec, il s'agit du meilleur arrangement que nous pouvions espérer à l'intérieur d'un processus réaliste de négociations, et ce, en tenant compte des règles actuelles du fédéralisme canadien.

Le 26 octobre prochain, un oui à l'égard de l'entente sera un geste de réalisme et de confiance à l'égard de l'avenir du Canada et du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de l'Acadie. Sur cette même question, je reconnais M. le leader adjoint de l'Opposition officielle et député d'Abitibi-Ouest.

M. François Gendron

M. Gendron: Oui, M. le Président. Je pense que nous devons nous assurer que ce débat se fait dans des conditions autres que ce que j'ai entendu ce matin. J'étais presque atterré, renversé de voir que des membres de ce gouvernement-là avaient employé davantage un discours de taverne, de brasserie. Ça a été le cas, entre autres, du ministre de la Santé et des Services sociaux. Je n'ai jamais vu de ma vie un discours aussi bassement inexact, partisan, erroné, comme s'il n'avait qu'un seul chapeau, être le chef des troupes serviles. Ils nous ont donné une preuve évidente de ce qu'ils sont, lors de leur dernier congrès, comme si l'intelligence les avait complètement abandonnés, et ce qui leur servait de seul point de repère, c'est l'adoration du veau d'or.

Je félicite les collègues, membres de cette Assemblée de cet après-midi, d'avoir eu un discours à la hauteur du débat qu'on devrait avoir. Je ne suis pas d'accord avec le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu, mais il a fait un discours de parlementaire responsable. Je viens d'écouter le député de l'Acadie; je ne suis pas d'accord, il y a des choses qui sont complètement erronées là-dedans, mais il a fait un discours à la hauteur d'un parlementaire responsable.

J'essaierai, et je compte sur vous, M. le Président, pour me permettre de faire un discours responsable, parce que la question est trop importante, trop majeure pour la traiter avec

démagogie. Je vois quelques répondeurs automatiques qui se questionnent de l'autre côté. Je vais vous donner trois exemples avant d'aborder le fond du discours. Est-ce que, honnêtement, vous croyez, comme parlementaires, que vous contribuez à éclairer le débat et répondre aux aspirations des Québécois qui veulent avoir l'heure juste lorsque vous affirmez que cette entente est l'équivalent de l'accord du lac Meech? Vous répondrez personnellement à cette question-là. Est-ce que vous croyez que vous répondez aux attentes de la population et que vous contribuez à éclairer le débat lorsque vous commencez ce qu'on est en train de faire en disant: Si on discute de la loi 150 et si on la modifie, c'est pour mieux la respecter? Vous répondrez à cette question-là.

Quand un ministre responsable a le culot de commencer une modification majeure à un projet de loi et qu'il dit: Si je la modifie, c'est parce que nous, de ce côté-ci de cette Chambre - en parlant de ses chers libéraux - on veut respecter la loi. Vous vous poserez la même question lorsque vous pensez que vous contribuez à éclairer le débat, alors que cinq, six d'entre vous affirment que, lorsque nous, on dit à M. Allaire: Bien sûr que tu peux venir combattre les offres avec nous parce que le débat va porter sur les offres, et que le ministre de la Santé et des Services sociaux commence son propos en disant: Voilà, ces gens-là ne sont plus souverainistes! Voilà, ces gens-là viennent de renier leur option! Vous répondrez à cette question-là et, si votre réponse est que vous contribuez à éclairer le débat et permettre aux citoyens et aux citoyennes de se faire une meilleure idée sur les offres, vous resterez avec vos problèmes de conscience.

Dernier exemple. Lorsque ces gens-là, encore là, ont le culot, comme j'appelle, de faire des bulles. Ces gens-là disent des choses et ça s'arrête là. Je donne deux exemples. Je viens d'entendre le député de l'Acadie - et je le répète, j'ai trouvé qu'il avait fait un discours correct - mais quand il dit, en parlant de nous: Pensez-vous que c'est responsable, comme alternative, quand on sait que ces gens-là n'ont même pas examiné le coût de la souveraineté? Ils n'ont jamais regardé cette question-là, et juste de l'autre côté de cette Chambre, il existe des paquets d'études comme ça qui ont prouvé, noir sur blanc, qui ont fait la preuve de a à z des coûts de la souveraineté et leur idole, leur veau d'or est assis sur ce paquet de documents et le veau d'or ne veut pas rendre publics ces documents-là. Vous croyez que ça contribue à éclairer la population d'avoir de telles attitudes? Je m'arrête là, et je veux parler de ce qui est sur la table. (16 heures)

Ce gouvernement-là a décidé de modifier la loi 150, qui devait porter sur la souveraineté politique, et ils ont dit: Non, ça ne portera pas là-dessus, ça va porter sur les offres. Bien, écoutez, il me semble que quelqu'un de responsable doit parler des offres. C'est là-dessus qu'il y aura une consultation référendaire, même jour, même heure, même poste, «coast to coast», à travers le Canada. Donc, en passant, ce n'est pas le référendum des Québécois, c'est le référendum du reste du Canada et parce que, dans la vision de ces gens-là, le Québec est une province comme les autres - d'ailleurs, ils l'ont prouvé dans l'entente quand ils félicitent leur premier ministre - le Québec est une province comme Terre-Neuve, comme PÎle-du-Prince-Édouard, c'est une province comme les autres. Donc, on va passer par le même traitement que les autres.

Mais, sur les offres, M. le Président, j'ai bel et bien l'intention de prouver ce que je vais dire. Un, le 7 juillet, nous avons eu l'annonce d'une entente, et cette entente-là a été commentée par à peu près tout ce qui existe de Québécois et de Québécoises, fédéralistes, souverainistes, «blocquistes», indépendantistes, peu importe. Tous ces gens-là, unanimement, ont dénoncé, décrié, pourfendu une entente qui ne correspondait pas aux aspirations légitimes des Québécois et des Québécoises.

Le 22 août, il y a eu une autre entente, et là je reviens aux propos du ministre des Affaires municipales, et il disait ceci: Si M. Bourassa a accepté de retourner à la table, c'est parce qu'il y avait des propositions concrètes sur la table. M. le ministre des Affaires municipales a raison quand il dit ça, mais ça s'arrête là, parce qu'il a ajouté: il y est allé dans un esprit d'ouverture, il a été accueilli et il a négocié une nouvelle entente - comme s'il y avait une nouvelle entente! C'est là que ça se gâte, parce que c'est de là que vient toute la confusion entre ce que j'appelle l'habillage d'une proposition qu'ils ne sont pas capables de vendre et ce qu'ils ont décidé d'en dire sans rien prouver. Je vais essayer de le prouver, point par point.

Les fonctionnaires fédéraux qui ont assisté aux échanges, M. le Président, ont senti le besoin de dire à M. Bourassa: M. Bourassa, vous n'avez rien obtenu de neuf. Là, ils donnent un exemple. Parce que les hauts fonctionnaires, quand ils sont rendus à être obligés de sortir pour expliquer que des policitiens qui doivent servir dans leurs fonctions, pour lesquelles ces gens-là ont prêté un serment d'office... J'ai été ministre de la Fonction publique; j'ai beaucoup de respect pour les hauts fonctionnaires qui, règle générale, servent correctement les gouvernements pour lesquels ils sont mandatés. Là, les hauts fonctionnaires ont dit à M. Bourassa: Je regrette, entre l'entente du 7 et celle du 22, au chapitre du partage des compétences ou au chapitre de nouveaux pouvoirs, c'est la même chose, il n'y a rien de neuf. Donc, arrêtez de faire accroire à la population qu'il y a de quoi de neuf. Mais je peux comprendre que ces gens-là essaient de faire accroire qu'il y a de quoi de neuf. Quand on véhicule n'importe quoi sans le

prouver...

Et, à titre d'exemple - parce que j'ai dit que je parlerais avec des exemples - quand j'ai le ministre régional - parce qu'il se fait appeler de même en région - le député d'Abitibi-Est... Le ministre du Revenu, là, je le cite. Regardez ce qu'il dit, ce brillant personnage: L'entente intervenue contient de bons éléments, particulièrement en ce qui touche l'Abitibi-Témiscamingue, soit les secteurs des mines, des forêts et du développement régional. Non, mais, écoutez, c'est quand même grave, dramatique qu'un membre du gouvernement depuis 1985 ait le culot d'indiquer que, pour les gens de l'Abitibi-Témiscamingue, région que je connais et que j'essaie de servir le mieux possible depuis 16 ans, il y a là quelque chose d'extraordinaire parce que, dorénavant, nous aurons pleine juridiction dans le domaine de la forêt et des mines. Ça existe depuis 125 ans! Depuis que le Canada existe, si vous allez chercher une copie de la Constitution à la Bibliothèque nationale, vous allez constater que le Québec a pleine et entière juridiction dans le domaine de la forêt, dans le domaine des mines. Mais quand un membre de ce gouvernement-là - et là je vous pose la question - vient affirmer haut et fort que l'entente du 22 août est bien meilleure que celle du 7 juillet parce qu'elle nous donne pleine juridiction dans des domaines comme la forêt et les mines, qu'on a depuis 125 ans, la question que je vous pose: Est-ce que vous croyez que ça contribue à éclairer les électeurs et les électrices? Est-ce que vous pensez que ça contribue à améliorer le débat? Moi, ma réponse, c'est toujours la même: Bien non! Ce n'est pas parce qu'on répète qu'on fait des bulles dans une piscine qu'on va augmenter le volume de l'eau dans la piscine. Ces gens-là font des bulles en répétant les mêmes phrases.

Alors, lui, M. le ministre régional, ça fait longtemps que je savais qu'il faisait des bulles, mais, là, au niveau constitutionnel, ça dépasse l'entendement. Faire accroire aux gens de la région que parce que, dorénavant, on va avoir un champ de juridiction exclusif - et lorsqu'on va voir les textes, ça ne dit même pas ça - dans un champ de juridiction qui était nôtre... Le texte, je vous le lis, là, intégralement: «Ainsi, au chapitre de la division des pouvoirs, le texte de l'accord du 7 juillet demeure intact - demeure intact! Moi, j'ai appris ce que ça voulait dire, le mot "intact" - à l'exception - parce que je veux lire les textes exactement - des ajouts concernant - écoutez bien ça - les promesses - donc, on est rendu au deuxième conditionnel - de tenir dans l'avenir une conférence fédérale-provinciale dans le but de banaliser le pouvoir fédéral de dépenser et d'harmoniser la réglementation en matière de télécommunications», ainsi de suite. Quand des hauts fonctionnaires sont obligés de dire: Écoutez, la réalité qu'on observe, nous, en siégeant à ces réunions- là, est tout autre que celle qu'on tente d'affirmer, j'ai l'impression que ça devrait éclairer les citoyens et les citoyennes du Québec, comme ça a été dit, d'ailleurs, ce matin.

Le député de Saguenay, lui, ne se l'est pas caché. C'est vrai que ce n'est pas le plus fort de la gang, là, mais il ne s'est pas caché, en disant: II ne sera pas question des offres. On n'en parlera pas, des offres. Il l'a dit dans son discours, très clairement: II n'est pas question qu'on parle des offres. Je le comprends. Ce n'est pas vendable et, quand on veut cacher quelque chose, on l'ignore. Pas question de parier des offres! Il dit: Nous, on fait le débat sur la souveraineté et sur l'alternative. Imaginez! C'est brillant, alors que ces gens-là, aujourd'hui, nous convoquent pour modifier la loi 150 pour faire accroire qu'en la modifiant c'est pour mieux la respecter. Ça va faire, le mensonge, M. le Président! Et ce n'est pas parce que je veux faire des insultes. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?

Tous les commentateurs... Parce que, là, moi, je préfère croire des gens qui sont un peu plus neutres et un peu plus détachés. Quand Mme Bissonnette, qui a suivi ce dossier-là, qui a une expertise des dossiers constitutionnels, qui a toujours développé une crédibilité honnête - elle n'est pas à 11 % dans les sondages, elle n'est pas en course au leadership, comme c'est le cas du ministre pancanadien Rémillard, elle n'est pas dans une course au leadership - et elle, elle dit: Écoutez, la vérité des choses: il n'y a rien de neuf là-dedans, et l'entente du 7 et celle du 22, c'est exactement la même chose. La différence, ça a été dit par leur vice-président. Le vice-président de la commission politique du Parti libéral a eu un sursaut d'honnêteté intellectuelle. Il a dit: Je ne suis plus capable. Je ne suis plus capable, mais je vous garantis que celle du 22, par exemple, elle va être mieux vendue; il n'y aura pas d'erreur de stratégie dans la vente de cette entente-là ou de ces offres-là. Moi, je vous le dis, ces offres-là n'ont rien de différent de l'offre du 7 juillet qui a été débattue, pourfendue, décriée, dénoncée par tous.

Et on peut faire le même exercice au niveau de chacun des éléments de l'entente. Je voudrais juste revenir au niveau du droit de veto. Rappelez-vous les articles qu'on a pu observer quand M. Gilles Lesage, un chroniqueur spécialisé, chevronné, a été obligé de dire: Ça «prend-tu» un premier ministre qui aime fafiner et rire du monde pour faire accroire que lui avait obtenu cinq droits de veto! À titre d'exemple. Êtes-vous au courant que le veto politique du Québec sur la création de nouvelles provinces ne repose, en fait, que sur un simple engagement écrit du ministre Joe Clark, dans une lettre adressée au chef du gouvernement du Yukon? Le Québec ne détient pas de droit de veto constitutionnel sur la création de nouvelles provinces. Ce n'est pas moi qui dis ça, c'est des gens

avertis de ces questions-là, Lise Bissonnette, Gilles Lesage, des spécialistes. Le premier ministre a ri d'eux autres.

Il y a huit constitutionnalistes qui regardent ça. C'est des vauriens, c'est des gens qui ne connaissent pas ça, parce qu'eux autres ils n'adorent pas le veau d'or, ils ne répètent pas tous la même chose: qu'il s'agit des meilleures offres, qu'il s'agira de faire des bulles, et qu'en faisant des bulles on va essayer de grossir le bulbe jusqu'à la consultation, prétendant que les Québécois vont marcher là-dedans.

Quand on lit, en immigration, que le texte définitif ne donne rien de plus au Québec, j'aime bien mieux me fier à ça qu'au discours que ces gens-là vont nous faire, quand on sait toute la détermination qu'ils ont eue lors de leur congrès et de leur caucus. Ils ont écouté, et ils ont été dociles, attentifs. J'arrête là dans mes qualificatifs, parce que je veux rester à un niveau correct. (16 h 10)

Quand on dit: Les efforts de dernière heure de Québec échouent, quand on regarde n'importe quel document: Québec n'obtient pas la gestion de l'assurance-chômage... Et le meilleur exemple, c'est toujours de revenir à leur conseiller politique, Le Président de la commission politique du Parti libéral, M. Allaire. Et, je répète, M. Jean Allaire, président de la commission politique du Parti libéral, dit très clairement: Ces offres-là sont inacceptables, et il n'y a pas de nouveaux pouvoirs. Il n'y a pas de nouveaux pouvoirs. Je rejette catégoriquement l'entente constitutionnelle qui ne contient, selon moi, aucun nouveau transfert de pouvoirs. Puis là, il y a de plus en plus de libéraux qui répètent cette même réalité parce que c'est la réalité. Gilles Lesage disait ceci: À la suite de l'entente d'Ottawa, les hauts fonctionnaires fédéraux ont donné, la semaine dernière, une séance d'information qui a permis à la presse de savoir un peu mieux ce qui mijotait dans la marmite constitutionnelle. On a appris que bien des gains revendiqués par Québec devront faire l'objet d'ententes administratives ou d'accords politiques ultérieurs. De plus, les fameux transferts de pouvoirs célébrés par M. Bourassa ne signifient pas qu'Ottawa se retire. Puis là, il nomme à peu près tous les ministères.

Toujours, si on prend la peine d'apprécier véritablement les vrais documents, je cite également M. Claude Castonguay. M. Castonguay, moi, en ce qui me concerne, avant qu'il ne soit nommé sénateur, a toujours réfléchi à ces questions-là, et a une compétence qui permet de porter des jugements. Le 7 juillet, M. Castonguay a dénoncé l'entente à tour de bras. Puis le 22, il a décidé de donner son appui à l'accord constitutionnel. Mais voici ce qu'il dit, par exemple. Prenons un exemple au chapitre du pouvoir de dépenser. M. Castonguay a au moins l'honnêteté que je ne retrouve pas en face, de ces gens-là. M. Castonguay l'a dit, lui: Pour ce qui est du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans le domaine des compétences provinciales, j'admets que le Québec n'obtient pas de garanties. Je répète: J'admets que Québec n'obtient aucune garantie concernant la limitation du pouvoir de dépenser, qui est un autre des secteurs qui a toujours constitué, dans nos demandes traditionnelles historiques, un point important. Que M. Castonguay ajoute: Oui, mais moi, je suis d'accord avec l'offre parce que je suis un fédéraliste. C'est son droit, je respecte ça. Ce n'est pas ça, le débat. Le débat, c'est: Est-ce que ces offres-là correspondent à quelque chose qui reprend l'ensemble de la problématique historique des Québécois et correspondent à quelque chose de différent du 7 juillet? La réponse est non. Même Claude Castonguay, qui est un fédéraliste, qui est d'accord avec les offres, nous dit: Au chapitre de la limitation du pouvoir de dépenser, je dis clairement... Parce que j'ai toujours pensé que M. Castonguay avait pas mal plus d'honnêteté qu'on en a vu ici en cette Chambre, de ces faux-fuyants, de ces gens qui soufflent le chaud et le froid à la fois. Il l'a dit: Au niveau de la limitation du pouvoir de dépenser, rien de neuf.

C'est un peu, M. le Président, pourquoi je pense que le débat, il est très important, mais à la condition qu'on soit assez convaincus, tous et chacun, que c'est un débat qui regarde le peuple du Québec, et pour que le peuple du Québec puisse l'arbitrer le mieux possible. On n'a pas le droit de faire passer ce qu'on appelle nos convictions politiques très intimes dans ce débat-là sans les éclairer sur le contenu des offres. À chaque fois que vous direz: entre l'offre du 7 juillet versus celle du 22 août, au chapitre du pouvoir de dépenser, supposons, au chapitre du partage des compétences, voici ce qu'il y a de plus... Bien, prouvez-le donc, mais pas en disant ce que le ministre régional est venu dire en Abitibi-Témiscamingue: C'est meilleur qu'avant parce qu'on a les mines. Voyons donc! C'est rire du monde. Nous les avons depuis 125 ans. C'est meilleur qu'avant parce que nous avons les forêts. Nous les avions depuis 125 ans comme pouvoir exclusif puis, dorénavant, on va être obligés de s'entendre pour qu'ils se retirent de ces juridictions-là.

Qu'est-ce que le premier ministre du Québec a répondu à la question d'aujourd'hui sur les nouveaux partages de compétences, sur ce qu'on a de plus? Rien d'autre que dire qu'il avait obtenu, comme M. le ministre des Affaires municipales l'a laissé voir ce matin, des clarifications, des précisions, des bidules, des informations additionnelles. Mais ce n'est pas de ça qu'il s'agit, il s'agit de dire aux Québécois: Est-ce que vous êtes d'accord avec ces offres-là, alors que celles du 7 juillet ont été pourfendues et décriées, et que celles du 22, il n'y a rien de plus?

Donc, c'est sûr que le sort qu'on veut qui arrive aux offres constitutionnelles du 22 août,

on veut que ce soit le même que celui du 7 juillet parce que, en conclusion, M. le Président, ça ne correspond pas du tout, honnêtement, aux aspirations traditionnelles, fondamentales et légitimes des Québécois. Ça dessert nos intérêts, puis ça ne permet pas de voir notre avenir. Ça bloque à tout jamais l'avenir du Québec, si on se confine dans un tel créneau.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Abitibi-Ouest. Sur cette même question, je reconnais M. le député de Jacques-Cartier. M. le député, la parole est à vous.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci, M. le Président. I must begin by saying that it is a charateristic of the parliamentary system that those in office have all the power, but those in Opposition get most of the fun, and I never feel this more than when I watch the Member for Abitibi-Ouest or the Member for Lac-Saint-Jean. They obviously are having a great deal of fun at the Government's expense at the moment.

Nonetheless, I think it is easy for them to do that, partly because we would not merely have to consider the special case of the Parti québécois or the special case of the Province of Québec. An Opposition party, anywhere, at anytime, has an advantage in attacking any constitutional agreement whatsoever, since by the very nature of an accord, it lays down specific provisions, which therefore means that it does not put down other provisions. And all you have to do is think of the provisions that are not in the accord and, then, spend as much time as you want talking about that, irrespective of the virtues or vices of the accord itself. So, I do not think this is too persuasive an argument, perhaps not even to some of the supporters of the Parti québécois.

I think today I would like to look a little more broadly at the constitutional context and the accord that is appearing now. We are not declaring ourselves today as to exactly where we are in this accord, but we can, at least, say something about what we think it means for the minorities in Québec and for the political future of Canada in general, whether it succeeds or fails.

Before taking up that topic or those topics however, I would also like to say a little in response to the comments of the Member for Mercier and some of the comments of the Member for Abitibi-Ouest.

The Member for Mercier raised an argument very often used in this House, which is that the anglophone minority in Québec is wonderfully treated, that billions of dollars are expended on its health and educational institutions, that if such comparable generosity were extended for the other provinces of Canada to the francopho- ne minorities, they might be in comparable condition and we would not even face exactly the sort of political division in the country we do.

I have heard this argument many times and it strikes me as amazing that something so ridiculous can be put forward by someone as intelligent as the Member for Mercier. I suppose it is part of the standard kind of cant that always does get expressed in Parliaments but it, after all, bears no correspondence to reality or to the actual evolution of institutions on the part of the Anglophones here or the Francophones elsewhere.

It is important, I think, to remember the fundamental differences in francophone and anglophone society: that, both in Québec and in other parts of Canada, for most of the history of this country were defined far more by the differences between the fundamental values of the Roman Catholic religious faith and the mainly Protestant population of the rest of the country or of the anglo minority here, that the approach to educational institutions was profoundly different, that the approach to family life was profoundly different and, for that matter, the approach to entering business, accumulating capital, getting rich was profoundly different. That, I suppose, you could say that the fact that the anglophone minority in Québec produced some generations of entrepreneurial people like the Redpaths, the Workmans and the McConnells, and then, more recently, the Bronf-mans and the Steinbergs should be some indication therefore that Saint-Boniface and Sudbury should produce the same.

Well, I suppose, around the case of Sudbury, we could even say to an extent that it did: Mr. Campeau, for a while at least, and Mr. Desmarais still. But the existence of strong English educational institutions in the Province of Québec, the existence of major universities, the existence of large, well-equipped, well-directed hospitals is not a consequence, after all, of the generosity of the Québec Government and never has been. (16 h 20)

I will agree that there is a spirit of generosity and tolerance and humane fairness in this society which is much appreciated by the English-speaking population, but it is not the basis of their institutions. It is merely something that makes it possible for them to continue, although increasingly uncomfortably, as they depend on government financing in periods when all institutions, both anglophone and francophone, are subject to the restraint that comes about when governments begin to go broke.

I think it is also important, when I look at the debate that is taking place so far in this House, to say that there are positions, not only on the constitutional issue, but on politics in general in this Province, which really need a

hearing here, which have not received a hearing so far. For instance, once one has the issue of a party like the Parti québécois, defining to some extent the terms of debate in Opposition, we are then forced into the situation of watching a nominally federalist party and Government trying its best to indicate how much power it has successfully wrenched away from the Canadian Central Government or at the cost of the other provinces, while the party that in fact supposedly does not care about Québec being in Canada at all, but instead wishes to launch a new sovereign State, is busy explaining that the Government has somehow failed to do this.

When I listen to this kind of debate, I occasionally wonder how many of the individuals, if they could put aside their party labels for a moment, would be willing to admit that a constant battle about whether Ottawa or Québec gets the power in many areas conceals the fact that neither of them exercise it very well, and that in many cases, it does not serve the interest of other Canadians in general or Que-beckers in particular for the power of the State to enter that area at all. It is open to question whether some of the Ministries and some of the areas of jurisdiction that are being discussed in the present constitutional agreement, for instance, in any way contribute to the distinctive character of Québec or any other society. They are, in fact, neutral Government Ministries, and we are talking only of an argument about power, if we come to the idea of the sovereignty that is advocated by the Parti québécois, or the substitute for it, if you like, that is advocated by the Liberals, this in itself is a rather strange thing at this point in the 20th century.

I might point out to Members of this House that, arguably, a man who would be the world's most powerful banker in the United States, the best-known and most influential one, named Walter Wriston, when he got out of the banking business and finally decided to write a book, decided to call it «The Twilight of Sovereignty». This is an American writing on such a subject. That is, in other words, a man at the heart of the colossus, in New York City, running Citicorp, looks at a world in which, he says, the financial and governmental and business institutions of our time are ceasing to be sovereign or characterized by the functioning of sovereign nation States, and this is something that really belongs to another century, and it is pretty well all over.

There will remain certainly interest groups, there will remain cultural identities, there will remain desires by groups of people to maintain forms of their identity, special kinds of meaning, special kind of language, and so on. But the idea that, for instance, by gaining control of the traditional levers of the State, you somehow acquire power, at the end of this century begins to look stranger and stranger.

I might also point out just what is meant by the distinct society clause, I suspect, is probably somewhat puzzling both to the supporters of the present constitutional accord; and to the opponents of the constitutional accord; and to those, like us, who just exist in agony. It is apparently the case that it has now been changed compared to the one that greatly alarmed those of us in the minority community in its original form.

What the change means, I will admit, I am not entirely sure. The idea of development that is used in the present clause is one that, after all, even the Parti québécois was willing to accept in a certain way. I have always thought the Parti québécois has a genuine tolerance of the minority. It is just that their tolerance is what I call the «colorful native-dances'-type of tolerance. I always had the feeling that even Dr. Laurin would have been willing to provide adequate subsidies for me to write articles for magazines in Montréal in English as long as the magazines were the appropriate kind of magazines. Whether or not he would feel as well disposed towards the idea that we would write whatever we bloody well felt like, including about, let's say, the Parti québécois Government, there, I think, his enthusiasm would be somewhat more restrained.

Now, it is entirely possible for governments to simultaneously claim they are promoting minorities, not just in Québec, but across Canada, while effectively destroying them with some other part of their policy. It is therefore not our assumption in the minorities or in this party that represents them that the kind of legislation that will probably continue to exist or could continue to exist as a result of this agreement is by any means of a kind that makes us confident that rights will be fully restored to the anglophone minority in Québec.

If we look at the other provisions of the agreement, on the other hand, we could say they do not necessarily represent what someone demanding the maximum amount of power for Québec would want, but they may represent the maximum amount of powers that can reasonably be divided in a federal State between a central government and a particularly large, important and unusual province.

The idea that the rest of Canada treats Québec as a province like the others is again, it seems to me, merely a sort of convenient fiction that people will use in this House. This has, after all, never been the case, even before our recent arguments and discussions. The flag that flies over Canada now is, I think, widely popular, including in English Canada and, I believe, with many Francophones. But, it is not the flag that the country got because the majority English-speaking population wanted it. They did not want it at all. The national anthem that is sung in this country and which was actually

originally composed for the Saint-Jean-Baptiste Society was not something that was particularly wanted by the majority English population of the country. The changes in symbols, the changes in demarcations, the changes in the use of terms like «royal» and all the rest of it that applied across the country to the armed services, the post office and so on were not necessarily what the majority English-speaking population in this country wanted.

But to talk about something in a way even more substantial, the Constitution of 1982 that Mr. Trudeau provided, the one that produces controversy with everyone because it was first promised in the referendum campaign in this Province, then, when it arrived, did not gain the signature of Québec or, I should say, Québec did not sign an accord of acceptance of this Constitution, that it provided a Charter of Rights and yet, at the same time, provided a «notwithstanding» clause that seemed to make the Charter of Rights ineffective at exactly the points where it would need to be used.

That Constitution was not something that was imposed on this place by the majority English-speaking population. I would say the majority English-speaking population of Canada, and probably of Québec, did not want Canada to have a written constitution of any kind, and, in fact, would have preferred to proceed with the old arrangement, which had the immense advantage that the Privy Council on the other side of the water might decide for the Federal Government or for the provinces, and left a tremendous number of things not down in written agreements anywhere where they can produce all the politicking and wasteful consumption of time and energy and economic difficulty that we now have in our new American-style system.

But we accepted those things. We accepted that flag. We accepted that anthem. We accepted that Constitution. We accepted that Charter of Rights. We, in some cases, accepted the «notwithstanding» clause and, in some, did not, but, either way, assume we are dealing with what is in fact the Constitution of the country. We accepted the idea that, in an imperfect world, imperfect agreements are made by imperfect and fallible mortals, but they are sometimes all you can get. And we also accepted the fact that we lived in a great country and that although we could maintain our respect for those individuals within it who entirely disagreed with us and wished to move out into a country of their own, we did not believe that they represented the majority of their own people and we did not believe then they were going to succeed and we do not believe so now. Merci, M. le Président. (16 h 30)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Je rappelle que nous en sommes à l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du québec, et je reconnais m. le chef de l'opposition officielle. m. le chef de l'opposition officielle.

M. Jacques Parizeau

M. Parizeau: M. le Président, nous nous trouvons, je pense, placés à un moment que certains attendaient depuis longtemps. Ce que je veux dire par là, c'est qu'un projet de loi adopté en cette Chambre par un gouvernement qui manifestement n'y croyait pas, peut-être voulait s'en servir comme instrument de manoeuvre, a donné lieu pendant des mois à des déclarations de membres du gouvernement et du premier ministre à l'effet que de toute façon, à un moment donné, il serait changé. Bien, M. le Président, il est changé. C'est de ça dont on parle.

Il faut faire rapidement, je pense, la genèse de ce qui s'est produit. C'est intéressant. Je vous rappelle, M. le Président, qu'au sortir de la commission Bélanger-Campeau il n'y avait vraiment que deux catégories de Québécois; tout au moins, c'est l'impression qu'on avait. Il y avait les souverainistes qui avaient trouvé dans les travaux de Bélanger-Campeau des raisons additionnelles de croire que vraiment ce qu'ils cherchaient était non seulement réalisable mais souhaitable, puis, il y avait des fédéralistes pour qui il était évident que le système fédéral devait être profondément remanié. Des amateurs de statu quo, au Québec, à la sortie de Bélanger-Campeau, je vous assure que c'était rare, M. le Président, et les fédéralistes étaient les premiers à le reconnaître. Le mot «statu quo», c'était très péjoratif au sortir de Bélanger-Campeau. Il est clair aussi qu'on s'attendait plutôt à ce que le gouvernement tombe, si on le poussait suffisamment, vers la souveraineté ou une forme de souveraineté.

C'est intéressant de voir, à cet égard, que les conclusions de Bélanger-Campeau prévoient qu'il y a probablement deux voies pour l'avenir: le renouvellement profond du fédéralisme ou bien la souveraineté. Mais quand on est arrivés aux recommandations, les recommandations de Bélanger-Campeau comportaient une seule chose: un référendum sur la souveraineté, au plus tard le 26 octobre. C'est tellement vrai ce que je dis que dans la loi... On ne parle jamais de ce paragraphe-là dans la loi 150. Dans la loi, on indiquait clairement que si le résultat - c'est à peu près ça que dit la loi - est favorable à la souveraineté, le résultat du référendum, le Québec devient un pays souverain un an jour pour jour après la date du référendum. C'était l'époque, M. le Président, on s'en souviendra, où dans le public on disait souvent: C'est M. Bourassa qui va faire la souveraineté.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Parizeau: On s'en souvient, hein! On avait réussi à ce point à infléchir, à intoxiquer au fond, en un certain sens, l'opinion qu'on s'attendait dans beaucoup de milieux a ce que ça soit les libéraux qui fassent la souveraineté. Certains d'entre nous, peut-être plus anciens à ces questions politiques, avions un sain scepticisme. Moi, après toutes les années que j'ai passées là-dedans, avant que je crois un instant que certains de ceux dont je viens de parler seraient susceptibles même d'envisager la souveraineté du Québec, on serait mieux, pour me persuader, de se lever de bonne heure. Mais enfin!

À un moment donné, l'idée est apparue que sans doute il y avait chez le gouvernement et chez le premier ministre du Québec une sorte d'habileté diabolique pour faire reculer les autres provinces, pour préparer des offres merveilleuses pour le Québec, des propositions sensationnelles, imaginatives et nouvelles, le premier ministre du Québec et son gouvernement s'étaient entendus pour pousser dans le sens de la souveraineté, histoire de faire peur. Vous vous souvenez, M. le Président, c'était l'idée du couteau sur la gorge, la technique de négociation le couteau sur la gorge. Bien, le couteau, il est tombé assez vite. Il y a eu quelque chose qui s'est produit à un moment donné, où le premier ministre du Québec - peut-être que c'était l'enthousiasme, je ne sais pas, d'une entrevue avec le journal Le Monde; vous savez, ce grand journal de Paris - a été dire: Ah bien! de toute façon, ce n'est pas sur la souveraineté que je vais tenir un référendum, c'est sur les offres. Il n'y avait rien sur la table à ce moment-là, il n'y avait pas d'offres, mais lui était persuadé qu'il y en aurait. Il avait fait son lit. Le couteau sur la gorge est tombé par terre.

Il reste néanmoins qu'on se disait: Quand même, une occasion comme ça de voter sur la souveraineté, s'il y a moyen, pourquoi ne pas la prendre? Ça s'adonne qu'il y en a qui y croient, à la souveraineté, eux, et ils pensent que ça devrait se faire. Et là il y a un gouvernement qui, par imprudence peut-être, par calcul peut-être, avait été flanquer dans un projet de loi une promesse de référendum sur la souveraineté. Vous comprendrez, M. le Président, que des gens comme nous, qui avions voté contre la loi 150 - parce que, les considérants qu'il y avait, c'était quelque chose; moi, je continue de considérer que ces considérants méritaient un vote ce qu'il y a de plus négatif - qui trouvaient que les deux commissions parlementaires - et Dieu sait si on est en train, une fois de plus, de nous le démontrer aujourd'hui - étaient des commissions parlementaires où il n'y avait pas de sens commun. Nous, on avait voté contre la loi 150, mais il y avait quand même cet engagement du gouvernement de tenir un référendum sur la souveraineté.

Alors, on a poussé. On a poussé, avec des centaines de milliers de Québécois, pour convaincre le gouvernement de tenir un référendum sur la souveraineté. Ça correspondait, d'ailleurs, à une situation de l'opinion publique qui demeure. Les Québécois, à l'heure actuelle, ils veulent voter sur quelque chose de façon à ce que les débats constitutionnels s'arrêtent. Ils en ont assez. Ils veulent que ça se règle, ces affaires-là. Alors, on se disait: Très bien, les gens veulent que ça se règle, une majorité de Québécois - tous les sondages le montraient - veulent un référendum sur la souveraineté - ça ne veut pas dire qu'ils vont tous voter oui, ça - la plupart veulent qu'il y ait un référendum sur la souveraineté, poussons sur le gouvernement. Alors, on a poussé sur le gouvernement.

On a poussé sur le gouvernement jusqu'à quand? Jusqu'à hier. Et là, finalement, hier, le chat ou le lapin est sorti du chapeau. Remarquez qu'il ne fallait pas être grand clerc, il ne fallait pas avoir des pouvoirs de divination pour soupçonner que le chat ou le lapin était dans le chapeau et qu'à un moment donné il sortirait. Mais c'est hier, à 16 heures, qu'enfin le lapin fut dévoilé. Là, il est clair que ce que le gouvernement veut, c'est un référendum sur des offres.

Bon, bien, alors, on va parler un peu des offres. Quelles offres? Eh bien! il est clair que les Canadiens, ils ont beaucoup travaillé sur des offres, sur des propositions. Ah! il s'en est fait du travail sur la Constitution au Canada depuis quelque temps. Il y a eu une série de propositions. On s'en souvient à peine maintenant, parce que, finalement, il y a une sorte d'écoeu-rement chez les gens à propos de ces histoires-là, et le temps passe. Mais le premier jeu de propositions, ça a été le 24 septembre dernier, 1991, donc, il y a presque un an. Ça, c'étaient les propositions du gouvernement fédéral - du gouvernement fédéral. Ça a été abattu en flammes à peu près en trois jours au Québec, mais aussi à cause d'un certain nombre d'implications économiques dans le reste du Canada, dans les milieux d'affaires en particulier. Ça a pris trois jours. Et pourtant, qu'est-ce qu'ils avaient travaillé là-dessus! C'était beau, ces propositions. Ce n'est pas comme les emmanchures qu'on nous présente aujourd'hui, miméographiées à la dernière minute. C'était sur papier glacé, imprimé, avec des belles couvertures en couleur. Trois jours, que ça a pris! (16 h 40)

Ensuite, il y a eu Castonguay-Dobbie, et là, ça s'est perdu quelque part dans les marécages du Manitoba. C'est devenu Beaudoin-Dobbie. Beaudoin-Dobbie... Là, attention, ce n'était plus le gouvernement fédéral; c'était le rapport des trois partis politiques fédéraux, propositions. Ça, ça a tenu trois jours. C'est là que notre premier ministre a dénoncé l'exercice comme en étant un de fédéralisme dominateur, excusez du peu. Soit dit en passant, c'est là que les histoires d'enten-

tes, là, dont on parle à l'heure actuelle, toutes ces ententes qui vont durer encore des années, c'est là que c'a été inventé, Beaudoin-Dobbie. Alors, pour le premier ministre, à ce moment-là, c'était du fédéralisme dominateur. À l'heure actuelle, ces ententes qui vont se poursuivre pendant des années dans à peu près tous les domaines, il trouve ça adorable. Comme quoi les temps changent et les gens aussi!

Et puis, qu'est-ce qu'il y a eu à part ça? Eh bien, il y a eu l'entente du 7 juillet. Ce coup-ci, l'entente du 7 juillet, c'était les leaders autochtones, les neuf premiers ministres anglophones, puis le ministre fédéral des... comment dire, de la Constitution. Là, 9s ont fait une entente en dessous ou, enfin, plus défavorable pour le Québec à Beaudoin-Dobbie, nettement. Le 7 juillet, c'a été pour bien des Québécois l'horreur intégrale. C'est là que le premier ministre du Québec s'est rendu compte que ça glissait tellement que bientôt, il se ferait estamper sur le mur. Là, il fallait qu'il retourne, le pauvre homme, à la table de négociation. Mais on était en train de le massacrer complètement. Il avait mis tous ses oeufs dans le panier des propositions. Il lui en faut, des propositions, au premier ministre du Québec.

Et là, de période en période, de négociation en négociation, on était en train de l'enfoncer dans le mur. Vous vous souvenez, le 7 juillet? Mais, est-ce qu'il y a eu une voix au Québec, après le 7 juillet, pour vanter ces propositions-là? C'a été condamné uniformément, partout, même par des gens qu'on considérait comme des fédéralistes patentés. M. Castonguay se voile la face après le 7 juillet. Le sénateur Beaudoin se voile la face après le 7 juillet. Il faut le faire! Il n'y avait pas un Québécois qui était prêt à supporter ça.

Alors, le premier ministre du Québec s'est précipité à Ottawa en disant: Écoutez, ne faites pas les fous. Donnez-moi un peu quelque chose. Permettez-moi de sauver la face un peu. Bon. Alors, on a essayé à Ottawa, pendant quelques jours, puis ensuite à Charlottetown, de lui sauver la face. Quel sauvetage, quelle farce, M. le Président!

Le Sénat égal. Le premier ministre du Québec s'était engagé manifestement à accepter une forme quelconque de Sénat égal. Le Sénat, il est égal, M. le Président, il l'est. Mais on a ajouté des postes à la Chambre des communes en disant: Écoutez, là, 18 sénateurs que vous perdez, 18 de plus à la Chambre des communes. Vous êtes contents, un sénateur pour un député, ça devrait faire. Oui, évidemment, c'était un certain sauvetage de face. Puis on a dit: Dorénavant, vous n'aurez jamais comme députés moins que 25 % des députés fédéraux. Ah! Combien est-ce qu'on en a actuellement? 25,4 %. Est-ce qu'on n'a jamais eu en bas de 25 %? Non, on n'a jamais eu en bas de 25 %. Qu'est-ce qu'il faudrait pour qu'on soit en bas de 25 % sans cette garantie-là? Bien, comme disait le ministre - ça vous indique d'ailleurs comment toutes ces propositions, avec quel sérieux c'est pris - comme le disait M. Sihota, le ministre des Affaires constitutionnelles de Colombie-Britannique: II faudrait qu'ils arrêtent toute activité sexuelle au Québec pendant un bout de temps. Bon. Franchement, franchement! Puis on appelle ça une garantie, une protection.

Mais attention, sur le Sénat, par exemple, il faut voir ce qui a été fait. Je vais vous en donner un exemple. Parce qu'il faut, des fois, rentrer dans ces choses-là un peu précisément. L'entente, là, finale, définitive, enfin, provisoirement définitive qu'on a devant nous depuis maintenant deux jours, cette entente-là prévoit que le Sénat va nommer, va autoriser les nominations, va entériner les nominations du gouverneur de la Banque du Canada. Ça, tout le monde le savait déjà. Mais on savait qu'il y aurait d'autres postes dont ils entérineraient la nomination. Alors, là, on apprend que ça va être les dirigeants des grandes institutions culturelles, puis des organismes de réglementation.

Savez-vous ce que ça veut dire ça, M. le Président? C'est que Le Président de Radio-Canada, il ne sera pas nommé sans être entériné par la moitié des sénateurs. Si plus de la moitié des sénateurs disent non à sa nomination, il ne sera pas nommé. Ça, ça veut dire que les présidents de toutes les grandes institutions culturelles canadiennes vont être placés dans cette situation-là. Le président du CRTC, celui qui répartit les ondes entre la télévision, la radio, etc., les postes, celui qui contrôle Bell Canada et ce genre de choses-là, cet homme-là ne pourra être nommé que moyennant l'accord du Sénat. Est-ce qu'on se rend compte que l'Office de commercialisation des produits agricoles, c'est un organisme de réglementation, ça? Il va être nommé par le Sénat. Qui nomme tous ces gens-là, à l'heure actuelle? C'est le cabinet fédéral. Dans le cabinet fédéral, il y a toujours à peu près 25 % de ministres du Québec - à peu près un quart, des fois plus, des fois moins, mais, en général, c'est à peu près ça. Et là, on renonce à ce que ce soit le cabinet fédéral qui nomme pour que ce soit le Sénat, dans lequel le Québec aura nettement moins que 10 % des sièges. Est-ce qu'on se rend compte de ce qu'on vient de faire?

Comme succès du grand négociateur, c'est quelque chose! Et, comme des crétins, nous allons payer quelle proportion du coût du Sénat? Le quart. On va payer 25 % du coût du Sénat pour avoir 8,8 % des sièges. Ah bien, brillant! Ah bien, bravo! Je suppose que c'est conforme, comme dit le premier ministre, aux intérêts supérieurs du Québec. Quand ils sont soignés comme ça, les intérêts supérieurs du Québec, on aimerait mieux qu'il s'occupe d'autre chose, ce qui, j'imagine, va lui arriver d'ici pas longtemps.

Les veto. Il a dit: Aïe! j'ai réussi à en récupérer, des veto! Bien, il a récupéré des veto

comme celui qui se précipite pour fermer la porte de la grange une fois que le cheval est sorti. Les veto dont on parlait dans Meech, c'était quoi? C'étaient des veto qui devaient s'appliquer avant la réforme du Sénat, de la Chambre des communes. Là, il va récupérer des veto après ces changements-là. S'il y a une chose qui est claire, M. le Président, c'est que s'il fallait que ça marche, ces propositions constitutionnelles, le Canada ne discuterait plus de constitution pour les 50 prochaines années. Alors, là, parce que ce n'est pas un veto du Québec, il faudra l'unanimité des provinces pour des changements que personne ne va envisager dans le prochain demi-siècle, après que les changements actuels auront été entérinés. Illusion! Poudre aux yeux!

Et, ce que ça veut dire, M. le Président, c'est que, maintenant, après ces épisodes assez lamentables, on a un amendement pour dire que c'est sur ces propositions qu'un référendum va être demandé, en vertu de la loi 150. Propositions, oui. Est-ce que ce sont des propositions en vertu de la loi que nous avons devant nous? M. le Président, je voudrais déposer ici un avis juridique de Me Real Forest, de Stikeman, Elliott, que nous avons demandé parce que, à la commission des offres, de l'autre côté, dans le salon rouge, ils n'en ont pas demandé, eux autres. Là, ils sont en train de discuter des offres, et on leur demande: Est-ce que c'est liant? Est-ce que ce sont de vraies offres en vertu de la loi? Est-ce que, en vertu de la loi, c'est liant pour le gouvernement fédéral et les provinces? Avez-vous des avis juridiques? Ah! ils disent non. Avez-vous demandé? Je ne le sais pas. Mais comment pouvez-vous alors discuter d'amendements à la loi si vous ne savez même pas si ce que vous avez devant vous est conforme à la loi?

Bon, bien, M. le Président, est-ce qu'on m'autorisera à déposer cet avis juridique?

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Y a-t-il consentement pour le dépôt du document?

Une voix: ...déposé à la commission qui va étudier les offres.

Des voix: Ho! Ho! Franchement!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): II n'y a pas de consentement.

S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader adjoint du gouvernement, je m'excuse. J'ai demandé s'il y avait un consentement, il n'y en a pas. Vous poursuivez votre intervention, et je vous indique qu'il vous reste une minute. M. le leader... (16 h 50)

M. Parizeau: Voilà, M. le Président, on ne veut pas savoir. On cache. Vous comprenez, M. le Président, puisque je dois terminer, je termine rapidement. Vous comprendrez, M. le Président, pourquoi le cheminement que nous avons à suivre, nous, à l'heure actuelle, nous paraît tellement clair? Oui, c'est vrai, nous allons, nous, les souverainistes, travailler avec ces fédéralistes qui voulaient profondément renouveler un système dans lequel ils croyaient et dans lequel certains croient encore, j'en suis convaincu. Nous allons travailler ensemble à faire battre ces propositions qui, au fond, non seulement sont contraires aux intérêts du Québec, mais représentent en plus de ça une sorte de tentative de camouflage, une poudre aux yeux qui, en un certain sens, est indigne des Québécois. Oui, nous allons avoir comme tâche, dans les six prochaines semaines, de faire battre ces propositions, de faire en sorte que les Québécois rejettent ce qui, au fond, à bien des égards, pour nous tous, est une sorte de marque de mépris qu'on nous sert.

Je sais bien que nos amis libéraux sont enragés à la seule pensée que, pendant six semaines, au lieu de faire une campagne sur la souveraineté, on va les prendre au mot et leur dire: Vous voulez qu'on juge ces propositions, jugeons ces propositions. Vous nous demandez ce qu'on pense de ces propositions? Nous rejetons ces propositions. Oui, c'est vrai que pendant six semaines, c'est cela que nous allons faire avec, je pense, beaucoup d'énergie, avec beaucoup d'espoir aussi que, au fond, en six semaines, en peu de temps, le succès couronnera ces efforts et que, une bonne fois, ces gens qui auront cherché à flouer les Québécois apprendront enfin que ça ne se fait pas et que ça n'est pas possible.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: En vertu de l'article 213 de notre règlement, M. le Président...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Je m'excuse, M. le leader adjoint du gouvernement. Conformément à la suspension des règles, il n'y a pas de question en vertu de l'article 213. Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Nous sommes ici réunis pour une raison bien précise: amender la loi 150 sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Mais pour bien comprendre cela, je crois qu'il faut faire un petit tour en arrière et se rappeler le mandat de la loi 150. Lorsqu'elle fut votée, cette pièce législative devait nous conduire à un référendum sur la souveraineté, un référendum qui devait avoir lieu entre le 8 et le

22 juin 1992 ou bien entre le 12 et le 26 octobre de cette même année.

Mais, entre-temps, M. le Président, bien des choses se sont produites. Nous avons, en effet, mis sur pied deux commissions parlementaires: l'une chargée d'étudier toute question afférente à l'accession du Québec à la souveraineté, l'autre, d'apprécier toute offre d'un nouveau partenariat de nature constitutionnelle faite par le gouvernement du Canada liant formellement celui-ci et les autres provinces.

Mais l'événement majeur est sans contredit l'entente survenue le 22 août dernier entre le premier ministre du Québec, le premier ministre du Canada, les premiers ministres des autres provinces et les représentants autochtones. En effet, suite à ces négociations, qui se sont échelonnées sur une dizaine de jours, des offres ont été faites au Québec.

M. Perron: Je m'excuse après de ma collègue.

Mme Bélanger: Des offres...

M. Perron: je m'excuse auprès de ma collègue. est-ce que la règle du quorum est suspendue aussi, par rapport au vote qui a été pris hier?

Le Président suppléant (M. Gauvin): Non, si vous appelez le quorum...

M. Perron: On demande le quorum.

Le Président suppléant (M. Gauvin): J'appelle le quorum. (16 h 56 - 17 h 3)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Nous avons maintenant quorum et nous poursuivons le débat sur l'adoption du principe du projet de loi 44. Mme la députée de Mégantic-Compton, qui a la parole, peut poursuivre son intervention, et je lui indique qu'il lui reste 17 minutes à son intervention.

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Alors, comme je le disais, il y a eu une entente, le 22 août, entre le premier ministre du Canada, les premiers ministres des autres provinces et le gouvernement du Québec ainsi que les représentants autochtones. En effet, suite à des négociations qui se sont échelonnées sur une dizaine de jours, des offres ont été faites au Québec, des offres que nous qualifions de valables et d'acceptables et contenant un progrès réel pour le Québec. Mais, avant de les qualifier comme telles, il a fallu les examiner attentivement point par point. Il a fallu voir également en quoi chacun de ces points soulevés dans l'entente était acceptable pour le Québec.

Mais, M. le Président, comment peut-on espérer que l'Opposition trouve quoi que ce soit de bon dans cette entente quand on sait que la raison d'être du Parti québécois, c'est l'indépendance? On sait, et vous avez entendu les ténors d'en face, que même avant qu'on ait une entente, c'est-à-dire pendant qu'on négociait, on accusait le premier ministre de faire de l'à-plat-ventris-me, d'être un traître. Et, depuis qu'ils ont les textes, ils les interprètent d'une façon démagogique, comme c'est leur habitude. Mais c'est après une étude plus que minutieuse du contenu de cette entente que notre chef et premier ministre, M. Robert Bourassa, accompagné du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, M. Gil Rémillard, a conclu que le Québec faisait des gains appréciables en l'acceptant. Ces gains, M. le Président, je vous en parlerai plus en détail dans quelques instants. Mais, auparavant, je crois qu'il est bon de rappeler les choix qui s'offrent aux Québécois et Québécoises.

Une voix: Lesquels sont?

Mme Bélanger: On sait qu'il y a la souveraineté pleine et entière: ça, c'est le choix des péquistes. Mais ce choix, M. le Président, n'est pas nécessairement celui des Québécois et des Québécoises. En effet, cette voie suppose des conséquences économiques que notre premier ministre qualifie d'imprévisibles. On peut comprendre que faire éclater une Fédération ne se fait pas sans heurts. Mais, surtout, il est difficile de croire toutes les belles paroles de nos adversaires lorsque l'issue est à toutes fins pratiques incertaine. Pour nous, du Parti libéral, cette voie n'est pas souhaitable, entre autres parce qu'elle ne permet pas de garantir la sécurité économique, sociale et politique des Québécois et des Québécoises.

Alors, M. le Président, c'est en pesant le pour et le contre de l'offre qui nous a été faite par le reste du Canada que nous en sommes arrivés à la conclusion que ces dernières offraient la meilleure sécurité pour les Québécois et les Québécoises. Plus encore, ces offres, nous en sommes persuadés, feront avancer le Québec, mais, ça, à l'intérieur de la Fédération canadienne.

Premièrement, le Québec obtient la reconnaissance du principe de la société distincte. Ce principe, M. le Président, sera dans la Constitution canadienne. Concrètement, avec cette entente, le rôle de promotion de la société distincte ne se trouve plus noyé parmi les autres valeurs interprétatives. Ensuite, l'entente stipule que la reconnaissance du Québec comme société distincte demeure une valeur canadienne servant à l'interprétation de l'ensemble de la Constitution, y compris le partage des pouvoirs. Cette reconnaissance ne se limite pas au préambule de la Constitution ou à la seule section de la Charte, mais couvre plutôt l'ensemble de la Constitution.

Deuxièmement, en ce qui a trait à l'immigration, l'Assemblée nationale devient, avec cette entente, responsable de l'intégration économique, sociale et culturelle des immigrants au Québec français. Là aussi, M. le Président, vous conviendrez avec moi qu'il s'agit d'un avantage pour le Québec. La question de l'immigration était importante pour nous, puisque l'on sait que notre avenir est intimement lié à notre poids démographique. Et lorsque l'on prend conscience de cette réalité, il est nécessaire, voire capital, de pouvoir intégrer les immigrants, tant sur le plan culturel et économique que linguistique.

Troisièmement, M. le Président, j'aimerais aborder la question du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Comme on le sait, le Québec insiste depuis longtemps sur le besoin d'encadrer ce pouvoir de dépenser. Mais voilà qu'après des années de débats sur cette question, un engagement constitutionnel se matérialise. Cet engagement implique qu'on devra désormais tenir compte, dans le pouvoir de dépenser, des priorités québécoises; on devra également tenir compte des chevauchements et des dédoublements. Enfin, le gouvernement du Québec pourra se soustraire de tout programme fédéral futur et cofinancé dans des domaines provinciaux et obtenir compensation financière. Cela, M. le Président, nous permettra d'agir plus librement. Il y a là un gain pour le Québec; il sera inclus dans la Constitution canadienne.

Quatrièmement, aucun changement ne pourra être apporté à la Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec en ce qui concerne son existence, ses pouvoirs et le fait garanti de la présence de trois juges québécois sur neuf. Cela aussi sera inclus dans la Constitution canadienne.

Pour ce qui est des modifications aux institutions centrales de la Fédération canadienne, le Québec gagne un droit de veto, lui aussi enchâssé dans la Constitution du Canada. Enfin, le Québec obtient une protection absolument sûre de pouvoir s'opposer à toute tentative de diminution des pouvoirs de son Assemblée nationale. Il aura un droit de retrait avec compensation financière. Là aussi, cet aspect sera dans la Constitution du Canada. M. le Président, il est donc facile de constater que le Québec obtient des gains avec cette entente. Il s'agit de gains substantiels qui renforceront l'action du Québec au sein de la Fédération canadienne. (17 h 10)

À titre d'exemple, j'aimerais vous dire, et j'en suis fière, qu'avec cette entente, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % de députés à la Chambre des communes, cela même si la population du Québec passe en dessous de ce seuil de 25 %. Également, les sénateurs francophones auront un droit de veto absolu au Sénat égal contre toute mesure qui aurait pour effet de diminuer les droits de la langue et de la culture françaises du Canada. De plus, l'As- semblée nationale pourra continuer de disposer de l'intégralité de ses pouvoirs linguistiques en vue de défendre et de promouvoir la langue française. Cela aussi est dans la Constitution canadienne. Quant aux francophones hors Québec, aux Québécois anglophones et aux membres des autres communautés nationales du Québec, ils seront considérés comme des citoyens à part entière ayant droit à la survie et à l'épanouissement. En ce qui a trait aux peuples autochtones, il auront le statut de partenaires de plein droit du pays par l'octroi de l'autonomie gouvernementale sujette au principe de l'intégrité du territoire québécois, du respect des lois et de l'obligation de négocier de bonne foi des ententes.

Au-delà de cette enumeration sommaire, il est un aspect de l'entente qui demeure l'un des plus importants pour le gouvernement du Québec. Il s'agit des pouvoirs de l'Assemblée nationale. Déjà, dans la Constitution, l'Assemblée nationale a un nombre imposant de pouvoirs, lesquels ont permis au gouvernement de bâtir le Québec tel qu'on le connaît aujourd'hui. Mais, avec cette entente, de nouveaux pouvoirs explicites seront ajoutés à l'Assemblée nationale afin de consolider l'autonomie gouvernementale du Québec. Tout d'abord, la formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre deviennent une compétence exclusive du Québec, renforçant ainsi les pouvoirs de l'Assemblée nationale sur les ressources humaines. Ensuite, la culture devient une compétence exclusive du Québec avec possibilité pour le gouvernement fédéral de continuer d'aider nos artistes, mais en respectant la politique culturelle du Québec.

Ensuite, sur simple demande du gouvernement du Québec, le fédéral se retirera des six secteurs suivants en versant une pleine compensation financière. Il s'agit des affaire urbaines, le logement, le loisir, les mines, les forêts et le tourisme. Le pouvoir de dépenser du fédéral dans ces secteurs est à toutes fins pratiques éliminé et le respect des pouvoirs constitutionnels du Québec, garanti. Pour ce qui est des communications, elles seront l'objet d'une entente protégée par la Constitution pour permettre au Québec de s'assurer que les décisions en matière de communications seront prises par des Québécois et en conformité avec les ententes du Québec.

En ce qui a trait aux ententes de développement régional, là où le Québec a la maîtrise d'oeuvre, elles auront désormais une protection constitutionnelle pour ainsi éviter les désengagements unilatéraux du gouvernement fédéral. Enfin, pour ce qui est de l'union économique, il y aura enchâssement du principe que le Canada est une union économique, de l'engagement des gouvernements à ne pas ériger de barrière allant à l'encontre des quatre libertés, avec une liste d'exceptions. Le Québec conserve donc ses outils de développement, tout en bénéficiant d'une intégration économique accrue.

Avec cette entente, il est évident que l'avenir non seulement du Québec, mais aussi du Canada est en train de se jouer sous nos yeux. Des choix devront être faits par l'ensemble de la population québécoise et canadienne, des choix que nous devrons assumer pour l'avenir, des choix que nous devrons assumer pour les générations futures. Mais, lorsqu'on a des choix à faire, il faut être conscient qu'il peut être risqué d'assumer trop d'inconnu. Cette voie de l'inconnu, c'est celle que prône le chef de l'Opposition officielle, soit l'indépendance du Québec. Les membres de l'Opposition sont ceux qui viennent nous dire que cette entente n'est pas acceptable, qu'elle est insuffisante.

Mais devrais-je leur rappeler que cette entente est plus que le Québec n'a jamais obtenu, plus que ce que demandait le gouvernement péquiste en 1985. Si on regarde la question du partage des pouvoirs, nos adversaires politiques nous disent qu'il ne répond pas aux attentes du Québec. Mais si la situation actuelle nous a permis de nous développer et de connaître un essor remarquable, il est faux de prétendre que ce que nous propose l'entente en cette matière viendra nuire au Québec. Elle ne peut que renforcer et améliorer la situation actuelle. De plus, la garantie d'un minimum de 25 % de sièges au Parlement fédéral est un gain substantiel pour le Québec. Cela nous permettra de participer encore davantage à l'élaboration des politiques canadiennes.

Alors, M. le Président, ce sont ces raisons, et bien d'autres encore, qui me portent à croire que s'il existe des traîtres dans toute la politique québécoise, ce n'est pas de ce côté-ci de la Chambre qu'ils sont. Je n'accepterai jamais qu'on vienne amoindrir ou rabaisser les efforts de négociation de M. Bourassa à ce niveau. N'eût été de sa détermination et de sa volonté, nous n'en serions pas là aujourd'hui, à discuter des modalités de cette entente constitutionnelle.

C'est pourquoi, M. le Président, je veux rendre hommage à notre chef et premier ministre pour avoir atteint son objectif et celui du gouvernement: protéger l'avenir du Québec. M. Bourassa a toujours, depuis 25 ans, travaillé pour les intérêts supérieurs des Québécois et des Québécoises, et il sait que la seule façon pour le Québec et pour l'ensemble du Canada de préparer un avenir solide pour nos enfants est d'amener tous les gouvernements à travailler ensemble, en mutuelle confiance, et non isolément, chacun de son côté. Merci, M. le Président.

Une voix: Bravo, madame!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée. Sur ce même sujet, je cède maintenant la parole au vice-président de la commission du budget et de l'administration et député de La Prairie. M. le député, la parole est à vous.

M. Denis Lazure

M. Lazure: Merci, M. le Président. Si nous sommes aujourd'hui en train de discuter entre parlementaires, c'est parce que ce gouvernement a décidé d'amender la loi qu'il avait lui-même pilotée il n'y a pas si longtemps, la loi 150, qui lui imposait l'obligation de faire un référendum sur la souveraineté du Québec.

Ce gouvernement nous demande, puisqu'il a changé d'idée, de maintenant faire le référendum sur les offres, sur les propositions constitutionnelles. Et, en même temps, les gens d'en face ont le culot de venir nous dire: Vous allez parler de souveraineté. On vient de nous convoquer ici justement pour nous dire: II n'y en aura pas, de référendum sur la souveraineté; le référendum va porter sur les offres. Et on nous reproche de parler des offres. Je pense que ce gouvernement avait peur de faire un référendum sur la souveraineté. Il savait que 70 % des gens voulaient un référendum sur la souveraineté. Il sait, depuis hier, que près de 800 000 personnes ont signé la pétition demandant que le gouvernement respecte sa parole et fasse un référendum sur la souveraineté. En dépit de tout ça, il dit: Non. J'ai enfin eu quelque chose qui ressemble à des offres, et c'est là-dessus qu'on va faire le référendum.

M. le Président, il faudrait que les ministériels cessent d'être aussi illogiques. Hier soir, on a entendu l'élite des ministériels, la troupe de choc des ministériels: le député de Mille-Îles, le député de Saguenay, le député de Louis-Hébert, ceux qui disent n'importe quoi n'importe comment, surtout le député de Saguenay. Le député de Mille-Îles a un peu de lettres. Il se prend même pour un écrivain, parfois. _ II s'est pris pour un écrivain, le député de Mille-Îles, mais il a un peu plus de lettres que le député de Saguenay. Mais ces gens-là ont recouru hier soir et ce matin - et il semble bien que c'est leur intention de faire la même chose durant la campagne référendaire - à ce qu'il y a de plus bas, à peu près, en faisant appel au sentiment de peur de la population québécoise, en disant: Si vous votez non, ça va vouloir dire la séparation, la souveraineté, et là vous allez avoir de la misère. C'est ça qu'on a entendu hier soir, M. le Président. Heureusement, la qualité du débat a changé un peu aujourd'hui, avec les derniers orateurs qu'on a eus du côté ministériel.

Mais, M. le Président, je me demande où sont les députés ministériels qui sont les ténors du nationalisme. Le député de Vanier, on ne l'a pas vu depuis deux jours. Le député des îles-de-la-Madeleine, on ne l'a pas vu depuis deux jours. Où sont-ils? Là, je vois le député de Saguenay arriver, mais c'est le député de Vanier que je voudrais entendre, moi. (17 h 20)

Alors, M. le Président, les conditions... Ce que nous avons devant nous, dans ce méli-mélo

de documents qui sont plus ou moins officiels, plus ou moins officieux, plus ou moins terminés, plus ou moins en négociations encore, ce que nous avons devant nous, au fond, ce sont les conditions que le Canada anglais et le fédéral mettent au retour du Québec dans la famille canadienne, puisque le Québec a été exclu à deux reprises du Canada. Il faut s'en rappeler, M. le Président. En 1982, par Pierre Elliot Trudeau, qui a passé sur le corps de tout le monde au Québec, et à peu près tous les députés de l'Assemblée nationale ont voté contre le rapatriement de Pierre Elliot Trudeau, sauf cinq ou six libéraux, à l'époque. Donc, c'était quasi unanime au Québec. Première exclusion en 1982, Pierre Elliot Trudeau.

Deuxième exclusion, l'accord du lac Meech. Rappelons-nous, de 1987 à 1990, M. Mulroney et M. Bourassa ont fait des pieds et des mains pour que le Québec réintègre la famille canadienne dans l'honneur et l'enthousiasme. Mais, on sait ce qui est arrivé. Pour une deuxième fois, le Québec s'est fait exclure par le Canada anglais. C'est une troisième reprise, une troisième chance, pour ainsi dire.

Alors, voyons un peu ce qu'il y a dans ces offres-là. Mais avant, voyons aussi qui a été le négociateur en chef: notre cher premier ministre. Et je vais me permettre, M. le Président, de vous citer quelques paragraphes d'un editorial, celui du lundi 24 août, dans Le Devoir. Je pense que ça décrit bien le comportement du négociateur en chef des intérêts supérieurs du Québec. Je cite: «Ses défenses sont tombées à la vitesse de l'éclair. Mardi matin, il acceptait officiellement le processus de négociations multilatérales qu'il boycottait jusque-là en le disant "entièrement discrédité". Mercredi, il acceptait une réforme du Sénat fondée sur l'égalité des provinces, principe répudié par lui et par son parti. Jeudi, il concourait à la création d'un troisième ordre de gouvernement au Canada, celui des autochtones, et ravalait son opposition au jugement final des tribunaux sur la définition de ses pouvoirs. Vendredi, il remballait la requête québécoise d'une nouvelle répartition des compétences et se rangeait à l'accord canadien-anglais du 7 juillet, donc au "fédéralisme dominateur" qu'il avait dénoncé. Samedi, il acceptait de tempérer la fameuse clause de "société distincte" avec un engagement touchant la dualité linguistique, malgré qu'il ait promis de quitter les lieux si ses homologues poussaient jusque-là l'offensive. Si dimanche n'avait été jour de repos, il aurait fallu élargir le cimetière des aspirations perdues.»

Et c'est cette personne-là, qui s'est contredite jour après jour pendant toute la semaine, c'est cette personne-là qui prétend maintenant nous faire accepter des offres qui sont absolument inacceptables, qui constituent le pire recul! Parce que, M. le Président, la loi 150, elle découlait du rapport Bélanger-Campeau. Et, au cours des séances de Bélanger-Campeau, on a vu clairement - comme plusieurs l'ont dit, mais il vaut la peine de le répéter - que la plupart des groupes qui sont venus disaient: Oui, il faut mettre un terme à ces chicanes constitutionnelles. Ou bien nous obtenons un changement majeur dans le fédéralisme, un renouvellement fondamental du fédéralisme - ça, c'était la position honnête des fédéralistes - ou bien, position tout aussi honnête, qui ralliait encore plus de monde, à ce moment-là, prenons un vote sur la souveraineté du Québec. C'est ça, l'historique.

Et combien de groupes sont venus dire: On veut ce référendum sur la souveraineté. Je me rappelle, entre autres... Et des groupes qui avaient fait des sondages parmi leurs rangs: la FADOQ, la Fédération de l'âge d'or du Québec, après un sondage, constatait que les 2/3 de ses membres, non seulement voulaient un référendum sur la souveraineté mais étaient prêts à voter pour la souveraineté du Québec.

Alors, regardons-les, ces offres-là, M. le Président. Moi, je pense qu'il y a au moins cinq raisons pour lesquelles il faut les rejeter. Premièrement, c'est la fin du pacte des deux peuples fondateurs et c'est le début d'un régime où le Québec est sur le même pied que toutes les autres provinces; deuxièmement, il n'y a aucun nouveau pouvoir; troisièmement, il n'y a aucun frein au pouvoir de dépenser du fédéral; quatrièmement, la société distincte est toute rapetissée, et, cinquièmement, les gouvernements autochtones seront décidés par les tribunaux.

La première caractéristique, la fin de la notion qui était à la base même du pacte de la Confédération en 1867, les deux peuples fondateurs, c'est fini, c'est fini. Par exemple, on l'a, la preuve, dans le nouveau Sénat où le Québec aura comme représentation la même chose que toutes les autres provinces, y compris d'une province qui a une population de 160 000. Alors, au Québec, on aura^ un sénateur pour 1 200 000 personnes et, à l'île-du-Prince-Édouard, on aura un sénateur pour 26 000 personnes. C'est fini la notion d'une Confédération basée sur deux peuples fondateurs.

Deuxième caractéristique: aucun nouveau pouvoir, et ça, c'est à la base même de notre position, de notre opposition à ce projet, M. le Président, parce que, historiquement, depuis au moins une cinquantaine d'années, tous les premiers ministres ont ou bien refusé des offres semblables à celle-là ou ont réussi à obtenir des concessions du Canada anglais. Le seul premier ministre depuis 50 ans qui n'a rien obtenu et qui a même cédé des choses, c'est Adélard Godbout, en 1942, mais au moins, M. le Président, il avait l'excuse que c'était en temps de guerre et qu'il fallait prêter des pouvoirs de taxation au fédéral. Mais on sait ce que l'histoire a réservé à l'honorable Adélard Godbout: l'oubli le plus total.

Et, 50 ans plus tard, on a le premier ministre Robert Bourassa qui, lui, vient nous

dire: Je suis content, j'ai une offre, j'ai une proposition qui est un début, c'est mieux que rien. Mais on a vu que, dans son propre parti, la personne qui était responsable du dossier constitutionnel, M. Jean Allaire, il a démontré noir sur blanc que non seulement son premier ministre n'avait rien rapporté de ces négociations-là, mais au contraire qu'il avait cédé, que c'était un recul, et c'est contre ce recul que nous allons nous battre.

Troisième caractéristique: aucun frein, aucun stop au pouvoir fédéral de dépenser dans tous les domaines. M. le Président, lorsqu'on vient nous dire que cette entente va apporter la paix dans les relations fédérales-provinciales, c'est faux, parce que tout ce qu'on fait, c'est de commencer une ronde interminable de négociations dans à peu près 22 secteurs. Quand on connaît la capacité, l'endurance du fédéral de prolonger des négociations, vous pouvez être sûr, M. le Président, qu'on va se retrouver, si jamais la population du Québec disait oui à ces propositions, dans une négociation à n'en plus finir.

La société distincte, ce que ce document nous révèle, c'est qu'elle est moins forte que ce que Meech offrait. Pourquoi? Parce qu'elle est neutralisée par l'obligation que les gouvernements des provinces ont de promouvoir la langue seconde. Ça veut dire pour le Québec, en clair, que le gouvernement du Québec sera obligé - et c'est le tribunal qui décidera - de faire la démonstration que le français, langue du travail, ça ne nuit pas à l'épanouissement de l'anglais. Vous pouvez être sûr, M. le Président, que les avocats vont avoir beaucoup de clients très payants qui vont se rendre jusqu'à la Cour suprême, et on sait d'avance que la Cour suprême, quand il s'agit de la loi 101, elle penche toujours du même côté. Cette société distincte, toute ratatinée, toute rapetissée que notre premier ministre nous rapporte, c'est la pire des choses qui pouvait arriver à la loi 101. Ça compromet de façon majeure l'avenir de la loi 101. (17 h 30)

Une autre caractéristique. Les tribunaux auront à décider si, après cinq ans, les gouvernements ne s'entendent pas avec les autochtones, à supposer que le Québec et les autochtones ne s'entendent pas, ce sont les tribunaux qui décideront quelle sorte de gouvernement les autochtones auront au Québec, quels pouvoirs ils auront.

M. le Président, le premier ministre et son ministre des Affaires canadiennes ont répété à satiété: Jamais nous n'accepterons que ce soit les tribunaux qui viennent dicter une ligne de conduite. Il faut que ce soit les élus du peuple qui décident, en négociations avec les autochtones, le genre de gouvernement autochtone qui existera. Le débat commence. Le débat commence, mais déjà on voit dans le camp du oui toute cette confusion, cette démagogie, parce que le camp du oui, ce n'est pas seulement les gens d'en face ici, c'est aussi, évidemment, les collègues du fédéral.

Pas plus tard qu'hier soir, l'ineffable Benoît Bouchard disait, un peu comme les ministériels le disent ici depuis hier: Un vote non, c'est un vote pour détruire le Canada. Mais, par contre, André Ouellet, porte-parole libéral qui faisait partie de la commission Bélanger-Campeau, M. André Ouellet dit: Non, un vote non à ces propositions-là, ça veut dire que la population n'en veut pas, ne les trouve pas satisfaisantes.

C'est pour ça, M. le Président, que dans la coalition du non, la position, contrairement à la coalition du camp du oui, dans le camp du non, la position est claire. Nous allons faire la démonstration, comme nous tentons de le faire depuis hier, que ces offres-là sont un recul épouvantable pour le Québec, et nous allons le faire avec des amis qui partagent les mêmes idées, les mêmes convictions, à commencer par M. Jean Allaire. Celui que les libéraux d'en face considéraient comme leur expert en matière constitutionnelle depuis quelques années, tout d'un coup, parce qu'il a l'honnêteté de dire: C'est inacceptable, il devient à leurs yeux, M. le Président, un être à rejeter.

C'est ça, le manque de démocratie dans ce Parti libéral. M. Jean Allaire, d'autres, des jeunes, notamment, vont travailler dans le camp du non. Parce que, M. le Président, il faut, une fois pour toutes, que le peuple québécois se prononce en jugeant de la valeur du bien-fondé de ces conditions que le Canada met au retour du Québec dans la Confédération, parce que ce sont des conditions du Canada anglais. On le voit dans cet ensemble que, pour eux, ça reflète l'image qu'ils se font d'une société canadienne. Mais, M. le Président, ça ne mettra pas fin au gaspillage, ça ne mettra pas fin au dédoublement, ça ne mettra pas fin non plus au fédéralisme dominateur que le premier ministre, secondé par son ministre de l'Environnement et le député de Saguenay aussi, avaient dénoncé il n'y a pas si longtemps.

Alors, en conclusion, M. le Président, il faut que la population prenne le temps de bien écouter non pas les arguments démagogiques des ministériels qui sont en face, qui ont recours à l'instinct de la peur pour fausser le débat, mais il faut que la population prenne ces soi-disant conditions une par une, les analyse en regard des demandes historiques du Québec, et on s'apercevra, M. le Président, que sur toute la ligne c'est un net recul. Alors, il faut dire non, non à la fin de ce qui était un pacte des deux peuples fondateurs, il faut dire non à des gouvernements autochtones dictés par les tribunaux, il faut dire non au pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral qui, entre parenthèses, sera à surveiller dans les premières semaines parce que les millions vont pleuvoir pour supporter la propagande qui, d'ailleurs, est commencée depuis quelque temps.

Alors, M. le Président, nous pensons, de ce côté-ci de la Chambre, que le premier ministre est revenu avec un papier qui a l'air d'une entente, qui a l'air de conditions de retour, mais qui en réalité est une série de capitulations et, à la capitulation... Si le député de La Peltrie veut me poser une question, il aura son tour tantôt.

Alors, M. le Président, je dis, en terminant, que le recul que ces offres constituent doit être accompagné d'un non retentissant de la population. Merci!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de La Prairie. Sur ce même sujet, je reconnais maintenant M. l'adjoint parlementaire au ministre de l'Environnement et député de Saguenay.

M. Ghislain Maltais

M. Maltais: Merci beaucoup, M. le Président. Je ferai une très brève intervention, mais il faudrait peut-être placer dans le contexte les propos de mon aimable collègue, le député de La Prairie, lorsqu'il reproche aux gens d'en face de manquer de lettres. À mon égard, je crois qu'il a raison. Manquer de lettres n'est pas manquer d'éducation, n'est pas manquer d'instruction, n'est pas manquer de savoir-vivre et, surtout lorsqu'on ne partage pas une option politique, c'est peut-être faire preuve de rigueur intellectuelle, comme l'ensemble des Québécois et des Québécoises se proposent de le faire.

M. le Président, je suis tout à fait peiné que mon collègue ait quitté, puisque, suivant ses bons conseils, il y a quelques minutes, après m'être fait dire que je manquais de lettres, j'ai décidé de m'instruire, et pas de m'instruire dans n'importe quel livre, le livre de M. René Léves-que, ancien premier ministre du Québec, «Attendez que je me rappelle». Et voilà ce qu'il disait concernant mon ami, le docteur Lazure, député de La Prairie: «Puis, le docteur - lui aussi, l'appelait comme moi, et je le cite - revient d'un long voyage pour repartir aussitôt pour de bon.» Voilà, il a même fait un mensonge à l'ancien premier ministre, puisqu'il est revenu et il est reparti de la Chambre tantôt. Il est revenu pour une chose - et on doit reconnaître au député de La Prairie qu'il n'a aucune ambition politique, aucune ambition d'être au Conseil des ministres - sa seule ambition, c'est la séparation du Québec. Voilà, c'est ça, il nous l'a dit, carrément! Il l'a répété, et je respecte son engagement, puisqu'il a été franc et il n'a pas, par exemple, comme certains de ses ex-collègues, fait de tergiversations, de la valse à trois temps, à deux temps. Tout simplement, il a été honnête envers lui-même, et on doit reconnaître ça.

Mais, vous savez, lorsqu'on reproche aux gens, souvent, de manquer de lettres, il faut toujours faire attention, parce que la science n'est pas une vertu, elle s'apprend. La psychana- lyse que le bon Dr Lazure pratique régulièrement, des fois, ça lui joue des tours. Un de ses collègues, dans Le Journal de Québec de mercredi, un eminent psychanalyste aussi, le Dr Lapoin-te, disait, au sujet du Parti québécois, que le grand ménage était à faire. Les idées psychanalysées étaient démodées, les idées étaient vieilles, dépassées, mal comprises, bref, on devrait repartir à zéro. Encore une fois, je cite l'ancien premier ministre du Québec: «Le Dr Lazure est reparti.»

Or, M. le Président, il est bien important, dans le débat qu'on est en train de préparer, d'avoir les idées claires. Je pense qu'entre psychiatres ils devraient se comprendre. Moi, je n'ai pas compris exactement ce que voulait dire le Dr Lapointe mais, lui, le Dr Lazure, député de La Prairie, l'a certainement compris. Sans doute, puisque c'est un de ses collègues. Et je ne suis pas sûr qu'il partage son avis. Voilà, M. le Président: des constitutionnalistes d'un côté, des constitutionnalistes de l'autre, qui ne partagent pas leurs avis; des psychiatres d'un bord, des psychiatres de l'autre, et je ne suis pas sûr que le Dr Lazure et député de La Prairie partage profondément l'analyse faite par le psychiatre Lapointe dans Le Journal de Québec. Il devra nous répondre. Ce sont des gens de même profession, mais qui ne partagent pas, sans doute, les mêmes opinions. (17 h 40)

Je l'ai écouté aussi tout à l'heure et, voilà, un psychiatre n'est pas nécessairement un bon historien, M. le Président. Lorsqu'il s'est attaqué à l'ancien premier ministre du Québec, le très honorable Adélard Godbout, en oubliant de mentionner que l'histoire a marqué Adélard Godbout comme celui qui avait permis aux femmes du Québec d'avoir le droit de vote, et de permettre aussi aux femmes de rentrer à l'Assemblée nationale; n'eût été d'Adélard Godbout, des dizaines, quinzaines, vingtaines, 25, 30 personnes de sexe féminin, des Québécoises, ne pourraient siéger à l'Assemblée nationale. Il nous aurait privés de la députée de Châteauguay, de la députée de Mata-ne ici, de Mme la députée de Mégantic-Compton, de Mme la députée de Groulx, de Mme la députée de Hochelaga-Maisonneuve, de Chicoutimi et d'autres collègues. Voilà, M. le Président, lorsqu'on retourne dans l'histoire, il faut s'assurer qu'on a bien lu l'histoire. Je pense que mon collègue de La Prairie a très mal lu l'histoire.

M. le Président, le débat, qu'il soit agressif, qu'il soit mesquin, ça demeurera toujours un débat. Les Québécois sont friands de politique. Notre sang latin qui coule dans nos veines ne pourra empêcher, tout au long de ce référendum, certaines émotions. On compare des constitutionnalistes. Le député de La Prairie, tout à l'heure, citait une personne de notre parti, M. Allaire, qui a contribué à notre parti politique, qui, dans son programme, a contribué aussi à l'entente signée du 23 août. J'aurais pu ou je pourrais lui

parler longtemps de son guide politique, l'ex-député de Louis-Hébert, l'ex-ministre des Affaires internationales qui, lui, maintenant - on ne sait plus à la solde de qui... Je ne sais pas si le député de Mercier pourrait me dire pour qui il travaille présentement et, surtout, qui le paie! Voilà! Lorsqu'on touche et qu'on lance des pierres, il faut faire attention, lorsqu'on a vécu et qu'on vit dans une maison de verre, que les pierres ne fassent pas trop de dégât.

Ce qui est important, M. le Président, tout au long de ce débat... Je ne pense pas qu'on pourrait faire le débat référendaire ici pendant six mois, on ne convaincrait sans doute personne des deux côtés. Ce qui est important, c'est que chacun d'entre nous, des deux côtés de la Chambre, sur le terrain, qu'on offre à la population des explications de notre compréhension. Tous les députés en cette Chambre, ici, ont la prétention d'avoir la vérité, la seule et la vraie. Pourtant, sur les 7 000 000 de Québécois qu'on est, il y aura un résultat. Ce qui est important pour nous, les membres de l'Assemblée nationale, ça sera de se soumettre au résultat puisque le peuple du Québec aura été souverain, comme il l'a été en 1980 et comme il le sera en 1992. Mais le devoir de chacun et de chacune des membres de l'Assemblée nationale, c'est de respecter cette souveraineté. La seule vraie souveraineté qui existe dans des pays, dans des provinces, dans des comtés, c'est la voix du peuple. C'est à celle-là, cette voix-là, que chacun des membres de l'Assemblée nationale, nous avons la responsabilité de nous soumettre et, de ce côté-ci, on le fera avec plaisir. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Saguenay. Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je cède la parole à M. le député de Masson. Vous avez droit à 20 minutes, M. le député.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Je viens d'assister à un échange entre deux députés, deux collègues, un de chaque côté, qui, mutuellement, se parlaient d'avoir ou pas des lettres. Vous savez, c'est excessivement difficile à évaluer parce qu'Edmond Rostand, dans «Cyrano de Bergerac», disait, après sa grande tirade du nez... De lettres, vous n'en avez que trois qui forment le mot: sot! Eussiez-vous eu, d'ailleurs, l'invention qu'il faut pour pouvoir devant ces nobles galeries, me servir de telles plaisanteries, que vous n'en eussiez pas articulé le quart de la moitié du commencement d'une, car je me les sers moi-même avec assez de verve, mais je ne permets pas qu'un autre me les serve.

C'est bien sûr que d'un côté ou de l'autre, quand on se sert des invectives, on pense toujours que les nôtres sont les meilleures. Ce n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de lettres pour qu'on fasse de l'autocontemplation de cette façon, M. le Président.

Une chose que j'aimerais bien dire, ici nous sommes réunis d'urgence pour changer la loi 150, qui, elle, disait que le gouvernement s'engage à tenir un référendum sur la souveraineté le 26 octobre au plus tard. Le gouvernement, ne voulant pas tenir un référendum sur la souveraineté, nous rappelle en Chambre et change complètement la visée de la loi 150 et demande à l'Assemblée nationale de changer cette loi par la loi 44 afin que ce référendum porte sur les offres d'Ottawa. C'est le choix du gouvernement, c'est lui qui est majoritaire.

Un tout petit historique. Nous avons perdu l'élection de 1985. Les libéraux ont pris le pouvoir et leur chef, ça a pris deux ou trois élections avant qu'il rentre, mais il est venu à bout de rentrer en Chambre. Et ce chef-là, malgré une centaine de députés, il n'avait pas été élu, il rentre en Chambre, et pour leitmotiv, il s'était dit: II faut absolument que je règle la question constitutionnelle. Je veux passer à l'histoire et je veux régler cette question constitutionnelle, et on ne peut pas ne pas lui pardonner une chose de même, on ne peut pas l'en blâmer, il avait droit à ça, c'était son rôle, M. le Président. Il a dit: Je veux absolument régler la Constitution.

Alors, il s'est engagé, et ça a abouti... Il voulait régler à tout prix, à tout prix. Alors, il a dit: Pour régler, il faut que je fasse les demandes les plus basses que le Québec n'a jamais faites. Et devant les demandes les plus basses que le Québec n'a jamais faites, c'est bien sûr que mes compères des autres provinces et Ottawa me diront oui. Il est arrivé avec les petites propositions, les petites propositions, les miettes des revendications québécoises qui étaient le Lac Meech. Et ces miettes-là, mêmes les infimes parties des revendications historiques du Québec, ont été refusées par les autres provinces.

Alors, le premier ministre était outré comme nous. Nous, nous étions outrés parce que notre fierté était blessée; lui, parce qu'il n'avait pas gagné son défi. Il a dit lui-même - je l'ai entendu en pleine télévision - qu'il n'est pas un nationaliste naturel mais un nationaliste parce qu'il est là comme chef d'un peuple, et, ce peuple-là étant nationaliste, il se doit rationnellement de l'être un peu, au moins de façon verbale et non de façon viscérale. Il a droit à ça. Les placides, en politique, sont souvent de bons politiciens. Mais il reconnaît qu'étant placide, n'ayant pas de vibrations nationalistes, n'étant pas ébranlé par ses racines ancestrales, automatiquement, cet homme-là devait se créer

au moins une fierté artificielle. Et c'est pour ça que dans certaines lois il mettait un brin de nationalisme. Il avait subi l'échec de Meech.

Alors, il s'est dit: Écoutez-moi, citoyennes et citoyens - je le parodie, là - le Québec dorénavant demeurera libre de ses choix et de son destin. C'était très beau. Les plus ardents nationalistes n'en auraient pas dit mieux. Et il dit: Dorénavant, après plus de 30 ans de discussions avec les autres provinces de ce Canada géographique, Québec, qui est distinct, ne fera plus de propositions à Ottawa. Nous allons attendre qu'il nous en fasse et nous dirons comme gouvernement si nous acceptons leurs propositions. Et là, il dit, dans un élan de générosité semble-t-il: Je demande le consensus des Québécois et des Québécoises, de tous les partis, de toutes les associations, pour que nous nous donnions la main pour avoir un consensus et des revendications, sur des revendications nationales du peuple québécois.

On ne pouvait pas, de ce côté-ci, de façon générale, ne pas dire au moins: On vous tend la main, nous allons travailler en consensus. Ça a été fait. J'ai été le seul en cette Assemblée nationale à ne pas être d'accord sur Bélanger-Campeau parce que je disais: C'est impossible, c'est une duperie, l'homme n'est pas sincère. Il n'a jamais été nationaliste, il ne le sera jamais. Et c'est vrai, il le dit lui-même. Il faut même respecter ce qu'il dit, de temps en temps. (17 h 50)

Alors, la commission Bélanger-Campeau il y eut. Du côté didactique, c'a été excellent. Du côté didactique, une réussite. Plus de 82 % des intervenants sont arrivés avec de la documentation étoffée, et ils ont dit à l'ensemble des Québécois: C'est la souveraineté ou à peu près que l'on veut. Quelques-uns, bien sûr, l'association des vétérans polonais, Alliance Québec et quelques groupes comme ça sont venus dire non à la souveraineté. Mais même la Chambre de commerce demandait 26 pouvoirs. Même la FADOQ demandait, après le sondage dans ses rangs, à 84 %, la souveraineté du Québec. C'était à peu près unanime.

Cependant, le chef de l'Opposition et le premier ministre devaient nommer les gens de la commission Bélanger-Campeau dans ce tendage de mains. Mais le chef de l'Opposition a eu une malchance familiale. Dans la dernière semaine, sa femme est disparue et il était pris, bien sûr, par cette peine, à rester dans sa famille et à organiser le départ de sa chère disparue. Et, pendant ce temps, il a nommé unilatéralement quatre, cinq personnes pour donner une majorité de fédéralistes à Bélanger-Campeau. Alors, quand est venu le temps de voter, qu'est-ce que les gens vous ont dit? Quel est le rapport que vous faites? Malgré l'ensemble qui avait dit de prendre une orientation, ils ont dit: II y a deux orientations, soit le fédéralisme renouvelé, soit la souveraineté. Est-ce que ça prenait une commission puis des dépenses de millions pour nous faire dire une affaire comme ça? On le savait avant. Donc, on arrivait dans le piège et le cul-de-sac. Le consensus? On offre la main, mais on l'a mordue. Cette morsure, je me la rappelle. Ça ne prend pas beaucoup de lettres pour s'en rappeler non plus. Je me la rappelle, cette morsure!

M. le Président, après ça, on ne discute plus à 11, le Québec attend les offres. Les offres se sont répétées comme des coups de canon sur un champ de bataille. Et à chaque fois, l'obus ne frappait pas la cible. Dès que l'obus arrivait sur la cible, tout éclatait. C'est l'obus qui prenait sa cible et qui s'effoirait, comme on dit en québécois, et non pas la cible qui disparaissait. La balle n'a jamais été assez forte pour atteindre la cible, même si se faisait à répétition sur le champ de bataille constitutionnel.

Et quand on est arrivés à la dernière, le 7, là, tout le monde a dit encore: Ce n'est pas bon. Et là, la date de la loi du Québec du 26 octobre commençait à rendre un peu mal à l'aise le gouvernement en place. C'est normal! Si j'avais été à leur place, j'aurais été pareil. Il y avait toujours la loi du 26, là, et il se sentait obligé de faire un référendum sur la souveraineté. C'est ça qu'on étudie aujourd'hui. Et le gouvernement nous dit: Non, on ne le fera pas, le référendum sur la souveraineté. Alors, un peu avant, en Europe, il nous dit: Je n'en fais pas, un référendum sur la souveraineté. Alors, autrement dit, MM. les Anglais des autres provinces, je vous ai fait poser devant vos parlements des épouvan-tails. N'en tenez pas compte! Je ne le ferai pas. Offrez-moi ce que vous voulez, je ne le ferai pas, le référendum sur la souveraineté.

Alors, qu'est-ce qu'ils ont offert? La même chose qu'avant. Des miettes non acceptables au moindre petit moineau québécois. Comment voulez-vous qu'on arrive avec un référendum et faire picorer la population dans ces miettes constitutionnelles? On ne fait pas de trottoir constitutionnel, de ce côté-ci. Il y a des bases, il y a des planchers où on ne peut plus descendre. Sinon, c'est indigne d'un représentant en cette Chambre ou indigne d'un citoyen du peuple qui habite le territoire québécois. Et ça n'a rien à voir avec les partis politiques. Rien à voir! C'est une option de fédéralisme qui est là, sur la table. Je suis un souverainiste, je n'en veux même pas. Je suis un souverainiste, mais par respect pour les Québécois puis par respect pour ceux qui m'ont élu dans un système fédéral député provincial et colonisé, je me dois de les défendre, et c'est ça que je vais faire pendant les six semaines qui viennent. Pas parce que je suis péquiste, c'est parce que je suis un Québécois, point à la ligne. Et ceux qui veulent comprendre ces éléments qui ne nous seront pas offerts comme condiments à notre repas constitutionnel, eh bien, qu'ils aient un gros rapport, pour une fois, un vrai, un gros rapport, et qu'ils disent: Cette table est indigeste. Je ne mange

pas de ce repas. Elle passe, la Constitution, ou elle casse. Bien, elle casse, monsieur. C'est ça qu'on va faire. Elle casse.

M. le Président, quand est arrivé cet échec, comment vouliez-vous que le grand défenseur de la Fédération canadienne - la fée, la «fée des rations» canadiennes... La «fée des rations» canadiennes ne veut pas donner sa ration au Québec. C'est une fée qui n'est pas juste; elle ne fait pas bien sa distribution comme «fée dérale». Ce n'est pas une bonne «fée dérale». Ce n'est pas une bonne «fée des rations» canadiennes, parce que, notre ration, elle ne veut pas nous la donner. Elle ne veut pas. Ce serait si simple: qu'elle garde ce dont elle a besoin dans sa cour et qu'elle s'amuse, et qu'elle nous laisse nous amuser avec ce dont nous avons besoin dans une entente économique très agréable. Elle ne veut pas, cette fée. C'est une «fédéraste», une «féroce».

M. le Président, quand on a vu, de l'autre côté, arriver cet échec constitutionnel, on a repris le trottoir constitutionnel, on a recommencé à faire du trottoir constitutionnel. Jamais je ne discuterai à 11! On a repris le trottoir, et on a dit: Viens-t'en! Viens-t'en! En fin de compte, il y est allé. Mais c'était sûr d'avance que le «Viens-t'en!», c'était voué soit à dire non de là-bas ou à s'en venir ici et à discuter avec son monde pour dire: Est-ce acceptable, ce qui arrive? Il ne voulait tellement pas en discuter avec son monde qu'il a dit, pour la première fois... C'est la première fois qu'un premier ministre fait ça, dire oui de là-bas avant de voir son monde et avant de voir les textes. De là-bas! Comme Moïse avec les Tables de la Loi. Il est descendu de sa colline avec les Tables de la Loi, il est arrivé sur le bord de la mer Rouge - le congrès libéral - il a séparé les eaux. Ceux qui n'étaient pas d'accord, il les a fait passer, et après que ceux qui n'étaient pas d'accord aient été dans le centre, il a dit: Ramenez les eaux. Ils sont restés sur le bord, avec leurs Tables de la Loi. C'est beau, c'est beau, mais, moi, je n'accepte pas ça, M. le Président. Je n'accepte pas ça.

Et on l'avait prévu, M. le Président. La loi 150, j'ai été un grand artisan de ce côté-ci - ne cherchez pas qui - j'ai été un des grands artisans pour qu'on vote contre, parce que j'ai dit: C'est encore une duperie. Et c'est prouvé aujourd'hui, on est après la changer. C'est encore une duperie. Et, M. le Président, ce n'est pas nouveau au Parti libéral, ça. Dans les grandes idées, quel était le slogan du Parti libéral en 1976? Et je n'étais pas candidat, moi, j'étais vivant, je voyais les choses aller. Le slogan sur toutes les affiches, c'était: Non aux séparatistes. C'était une fausse représentation. On a gagné. Est-ce que ça voulait dire oui à la séparation? Bien non! Le Québec ne s'est pas séparé parce qu'on est rentré le 15 novembre 1976. Fausse représentation! Référendum de 1980.

La question, c'était: Voulez-vous qu'on négocie avec Ottawa? La réponse, ça a été non. On a considéré ça comme un non, on a pris le pouvoir tout de suite après. Nous autres, on a respecté. Là, on s'en vient avec une question: Êtes-vous pour les offres d'Ottawa? On va dire oui, dans la population, ou on va dire non. Nous, on choisit le non. S'ils disent non, est-ce que ça veut dire oui à autre chose? Arrêtez de duper le monde! Mais on est toujours des souverainistes, que ce soit oui ou que ce soit non, le résultat. À la prochaine élection, nous autres, on s'en vient comme souverainistes...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Masson...

M. Blais: ...et on va vouloir gagner.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le député de Masson. À moins qu'il n'y ait une indication qu'il y a un consentement, je dois suspendre.

M. Blais: Ah! J'ai fini, là. Je ne savais pas que mon temps était fait.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je dois suspendre, à moins qu'il n'y ait une entente en sens contraire.

M. Blais: Je vais conclure, M. le Président.

M. Cannon: Oui. M. le Président, à mon entendement, effectivement, il y a une entente qui est intervenue entre les leaders pour qu'on puisse poursuivre au-delà de 18 heures...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Pas de suspension?

M. Cannon: ...jusqu'à la fin du débat. Il n'y a pas de suspension.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): On ne suspend pas les travaux. Alors, allez-y, M. le député de Masson.

M. Blais: II reste combien de temps, M. le Président?

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Oui. Il reste encore à votre intervention une période de cinq minutes.

M. Blais: Je vais conclure, M. le Président. Je ne voudrais pas accaparer trop, parce que c'est excessivement rare que les députés écoutent en Chambre, mais quand je parle, ils le font, et je ne voudrais pas trop les fatiguer; nous sommes rendus un vendredi soir. Alors, M. le Président, je vais conclure bientôt. (18 heures)

II est très malheureux que ce qui nous arrive aujourd'hui ait été prévu. J'ai été un de ceux qui l'ont prévu. Je ne voulais pas de la commission Bélanger-Campeau; je disais que c'était une duperie. La loi 150, je savais que c'était encore un écrit pour des dupes, pour faire croire au monde que, peut-être, notre premier ministre pourrait penser à la souveraineté. Il nous a trompés sur toute la ligne. Aujourd'hui, le rideau tombe, et on voit le vrai visage de ceux qui ont joué la scène depuis cinq, six ans, qui ont joué sur la scène constitutionnelle. Alors, nous, M. le Président, de notre côté, on va dire non, parce qu'il faut que ce soit non. Le peuple québécois mérite plus que ça. Il mérite au moins d'être reconnu de façon directe. Et quand arriveront, mardi prochain, les discussions sur les offres mêmes, on prendra le temps de les lire. Il n'y en a pas un, de l'autre côté - on nous parle des offres, on les a ici - il n'y en a pas un qui lit un morceau de texte des offres que l'on a là. Oh! oh! oh! c'est bien trop compromettant. Attendez voir, la semaine prochaine, M. le Président, on va les lire. C'est épouvantable ce qui est écrit là-dedans. Ce n'est pas bon pour le Québec, et c'est écrit en toutes lettres.

Ça commence, d'abord: Cette nouvelle Constitution est le résultat de la ronde Canada. Québec n'était pas là. On n'était pas là. Et ça va de même sur toute la ligne. C'est une entente des 10 premiers ministres. Le onzième n'y étant pas, ils se sont entendus pour faire une petite chose dont ils avaient besoin eux-mêmes et ils ont dit: Bien, viens donc faire un petit tour et on va mettre ton nom quelque part là-dedans. On va mettre un petit paragraphe à part: société distincte.

On en parlera la semaine prochaine, M. le Président. En attendant, je suis horrifié qu'on vienne changer la loi 150 parce que c'est encore une fois un gouvernement qui ne tient pas la parole qu'il a donnée à la population. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci. merci, m. le député de masson. sur le même sujet, je cède maintenant la parole à m. le député de duplessis.

M. Denis Perron

M. Perron: Merci, M. le Président. Vous me permettrez une introduction à cette question que nous avons devant nous, face à la loi 44 qui amende la loi 150, par un editorial du 31 août dernier, sous la signature de Raymond Giroux. «La fin des subtilités. Le Parti libéral du Québec a renié son programme constitutionnel et s'est applaudi lui-même pour se rassurer. Le congrès extraordinaire de samedi, sous le signe de la fidélité au chef plutôt qu'aux idées, marque la fin de l'ère des subtilités. «Si c'est bon pour M. Bourassa, c'est bon pour moi, a lancé un délégué» libéral. «Tous les ministres qui depuis le 23 juin 1990 criaient au loup contre les ingérences répétées du gouvernement fédéral dans leur champ d'activité ont soudainement viré capot. «Le Québec ne gagne aucun pouvoir réel hormis la formation de la main-d'oeuvre, mais tous sont heureux. Si les Québécois ratifient la nouvelle Constitution, ils auront le droit de négocier à perpétuité des ententes renouvelables aux cinq ans.» Ils acceptent ce que la majorité canadienne leur reconnaît, sans intention d'en demander plus.

M. le Président, j'aurais préféré l'article 1 de la loi 150 qui s'intitulait comme suit: «Le gouvernement du Québec tient un référendum sur la souveraineté du Québec entre le 8 juin et le 22 juin 1992 ou entre le 12 octobre et le 26 octobre 1992.» Écoutez bien: «Le résultat du référendum a pour effet, s'il est favorable à la souveraineté, de proposer que le Québec acquière le statut d'État souverain un an, jour pour jour, à compter de la date de sa tenue.» Sur les 32 articles que nous avons dans la loi 150, en aucun temps, à l'exception de l'article 1, on ne parle de référendum, mais surtout en aucun temps, dans quelque article de ces 32 articles que je viens de mentionner, il n'est question d'un référendum sur les offres fédérales.

La loi 44 stipule ceci, à l'article 1: «Le gouvernement du Québec tient, au plus tard le 26 octobre 1992, un référendum sur l'entente concernant un nouveau partenariat de nature constitutionnelle résultant des réunions sur la Constitution tenues en août 1992.» Pendant quelques jours, notre premier ministre du Québec s'est affairé à signer n'importe quoi, à négocier à peu près n'importe quoi à la baisse pendant qu'au cours des trois dernières années, soit depuis le 23 juin 1990, il n'a été présent d'aucune façon à quelque table que ce soit au niveau constitutionnel. Mais c'est tout un changement que nous avons devant nous, actuellement, par rapport à la loi 150, parce que cet amendement n'a pas le même but, mais aucunement le même but pour lequel elle avait été votée par le gouvernement, en 1991.

On parlera des offres d'abord parce que c'est ça que spécifie l'amendement qui est apporté à la loi 150 par le gouvernement libéral. C'est ce que veut ce gouvernement et c'est ce qu'il aura de notre part, autant ici à l'Assemblée nationale qu'en commission parlementaire ou sur le terrain, lorsque nous aurons la question, la semaine prochaine ou la semaine après. Mais nous allons faire tout le nécessaire pour, justement, faire en sorte que les citoyens et citoyennes du Québec, ces Québécois et ces Québécoises qui, depuis plusieurs mois, pour ne pas dire plusieurs années, n'ont pas été informés correctement de la part des représentants et représentantes de ce gouvernement libéral.

Nous avons eu droit à toutes sortes de

déclarations à l'emporte-pièce de la part de ministres libéraux, de la part du premier ministre lui-même, mais aussi de la part du ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes pour se faire passer, de l'autre côté, comme étant des souverainistes, comme étant des personnes qui voulaient défendre les intérêts du Québec. Mais qu'est-ce que nous avons eu dans cette entente, dans cet accord, dans ce papier, que, moi, je qualifie de torchon? Qu'est-ce que nous avons eu qui donne plus, à savoir ce que le Québec a actuellement?

M. le Président, pour votre information, j'ai pris la peine de lire le document qui a été déposé ici en cette Chambre, en date d'hier et, à plus ou moins 40 reprises, ça amène des négociations perpétuelles entre le gouvernement du Québec, les autres gouvernements des autres provinces canadiennes ainsi que le gouvernement fédéral. D'autre part, ça amène pas moins de 28 accords politiques à l'intérieur de ce document, et tout le monde sait très bien que tout accord politique qui est signé entre les parties se devra d'être négocié.

Alors, si on fait le total, une quarantaine de négociations en plus des négociations sur les accords politiques, ça donne près de 70 endroits où on devra négocier avec les autres provinces canadiennes et le gouvernement fédéral.

M. le Président, pour moi qui, depuis 38 ans, défend la souveraineté du Québec, qui, depuis 38 ans, s'évertue à faire comprendre aux Québécois et aux Québécoises l'essentiel de cette souveraineté, je regrette énormément que cet article 1 de la loi 150 soit disparu, parce que c'est ce pour quoi je me suis présenté en politique, c'est ce pour quoi j'ai tenu à continuer au cours des 16 dernières années à défendre les intérêts du comté de Duplessis, à défendre les intérêts de la région de la Côte-Nord, et à défendre aussi les intérêts de l'ensemble du territoire québécois et des personnes qui y demeurent, les hommes et les femmes, les familles complètes.

M. le Président, nous avons aujourd'hui, cependant, une décision du gouvernement qui fait justement en sorte qu'on ne parle pas de la souveraineté, mais qu'on va parler plutôt des offres à la baisse de ce gouvernement, qui ont été entérinées par ce gouvernement, mais entérinées sans papier, entérinées sans preuve de quoi que ce soit. D'abord, au niveau du Conseil des ministres; ensuite, au niveau du congrès libéral; ensuite, au niveau du Conseil des députés; et, par la suite, ici même en cette Assemblée nationale lorsque nous avons commencé hier, où les papiers officiels ont été déposés à peu près une heure après le début de la session, hier après-midi à 14 heures. Donc, ça a été fait aux alentours de 15 heures, 15 heures 15.

Comment peut-on être aussi indécents que d'endosser un accord comme celui-là sans avoir le texte d'une telle entente, qui n'est même pas, en passant, un texte juridique, parce qu'on dit que les textes juridiques, ça va prendre n'importe où entre une année et trois années pour pouvoir les compléter. Alors, imaginez-vous toutes les négociations qu'il va y avoir au cours des prochains mois et des prochaines années pour en arriver à avoir des textes juridiques qui se tiennent debout. Alors, dans cette chose-là, dans ce genre de patente-là, organisée par les libéraux du Québec, avec l'accord des neuf premiers ministres anglophones du Canada ainsi que le premier ministre Brian Mulroney, je ne marche pas du tout. Ce que je dis aujourd'hui, je le fais au nom de mes concitoyens et de mes concitoyennes du Québec.

Il ne faut pas oublier, d'après ce que je viens de dire concernant les négociations et les accords politiques, que ça nous oblige, de façon systématique et de façon régulière, avec cette entente qui est de la foutaise, qui est de la bouillabaisse, qui est un ramassis de voeux pieux, même à la baisse, ça va nous obliger à des négociations perpétuelles qui vont nous condamner à discuter avec le gouvernement fédéral et les provinces canadiennes anglaises, et c'est une condamnation, comme on dit en français, à perpète. On n'est pas sortis du bois, on a encore pour 125 ans à négocier avec les autres provinces canadiennes et avec le gouvernement fédéral. (18 h 10)

M. le Président, lorsque, hier, j'ai vu la façon indécente où le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes a déposé l'accord du 22 août, a déposé ensuite un document de 1981, et un document de 1985, j'aimerais, pas discuter sur le fond par rapport au document de 1985, mais j'aimerais, si vous permettez, M. le Président, concernant ce dépôt d'hier, dire à cette Chambre ce qui a été écrit par Lysiane Gagnon de La Presse, samedi en date du 22 août, M. le Président, c'est-à-dire le 4 septembre dernier par M. Gilles Lesage. Ça, c'est en date d'aujourd'hui: «Pour ajouter à la confusion, s'il en est besoin, voilà que le gouvernement profite du rappel à l'Assemblée nationale pour publier enfin le texte de Charlottetown, mais aussi deux textes de 1981 et de 1985 remontant donc au gouvernement de René Lévesque. Il tente ainsi d'étayer sa thèse selon laquelle ces offres et ces gains soumis au référendum du 26 octobre rejoignent en tout point, si elles ne les dépassent pas, les ententes des péquistes d'hier et de leur père fondateur». Et je voudrais qu'on écoute, en face, le restant du paragraphe: «II est épouvantable de se servir de la sorte d'un illustre mort pour en arriver à des fins qui, de toute évidence, ne peuvent se suffire à elles-mêmes et ont besoin d'une caution d'outre-tombe.» Alors, M. le Président, qu'on laisse tranquille la personne qui a présenté ces offres en 1985, qui a fait ces demandes constitutionnelles en 1985, qui, en passant, et la

preuve a été faite, sont beaucoup plus élevées que ce que vous avez endossé en tant que gouvernement.

M. le Président, en date d'hier, le ministre, toujours le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, répondait à mon collègue de Lac-Saint-Jean à une question concernant les autochtones se rapportant à l'entente elle-même ainsi que les tribunaux. Et la réponse du ministre a été la suivante, j'en donne en partie: «C'est en 1984, M. le Président, dans cette Assemblée, qu'il a été décidé que les autochtones devraient pouvoir avoir leur gouvernement autonome.» Et il continue par la suite: «Et ce que nous avons dans l'entente, M. le Président, reflète essentiellement ce qui a été décidé ici dans cette Assemblée en 1984.» D'abord, ce n'était pas en 1984, la motion de René Lévesque, c'était en 1985. Et il continue, à la fin: «II me semble que refuser ce droit aux autochtones, c'est particulièrement mesquin.»

M. le Président, en aucun temps nous n'avons refusé ce droit aux autochtones quant au gouvernement autonome. Et, d'ailleurs, c'est avec beaucoup de plaisir que j'ai non seulement travaillé à la motion du 20 mars 1985, mais c'est aussi avec plaisir que j'ai voté pour cette motion concernant les droits des autochtones, et où d'ailleurs le Parti libéral s'est lui-même mis de côté en votant contre cette entente. Puis, aujourd'hui, il s'en sert et il vient nous dire qu'on n'a pas fait notre travail.

M. le Président, qu'on se rappelle des 15 principes du 9 février 1983 où les 15 principes concernant les nations autochtones du Québec avaient été endossés à l'unanimité par le Conseil des ministres, et où par la suite il y a eu des présentations qui ont été faites auprès de toutes les nations autochtones du Québec. Qu'on se rappelle aussi de cette motion du 20 mars 1985. Ni les 15 principes ni la motion elle-même de mars 1985 ne parlent de la présence des tribunaux. On y parie de négociation. On y parie de signature d'ententes après négociation et on y parie de respect des ententes après signature; il n'était pas question de tribunaux dans quelque texte que ce soit. M. le Président, je n'ai pas besoin de déposer cette motion du 20 mars 1985 à l'Assemblée nationale, mais je vais cependant me charger d'en lire quelques phrases.

La résolution de l'Assemblée nationale... Le 20 mars 1985, l'Assemblée nationale adoptait la résolution dont le texte suit: Motion portant sur la reconnaissance des droits des autochtones. «Presse le gouvernement de poursuivre les négociations avec les nations autochtones en se fondant, sans s'y limiter, sur les 15 principes qu'il a approuvés le 9 février 1983 en réponse aux propositions qui lui ont été transmises le 30 novembre 1982 et à conclure avec les nations qui le désirent ou l'une ou l'autre des communautés qui les constituent des ententes leur assurant l'exercice: «a) du droit à l'autonomie au sein du Québec; «b) du droit à leur culture, leur langue, leurs traditions; «c) du droit de posséder et de contrôler des terres; «d) du droit de chasser, pêcher, piéger, récolter et participer à la gestion des ressources fauniques; «e) du droit de participer au développement économique du Québec et d'en bénéficier, de façon à leur permettre de se développer en tant que nations distinctes ayant leur identité propre et exerçant leurs droits au sein du Québec. «Déclare que les droits des autochtones s'appliquent également aux hommes et aux femmes.»

M. le Président, que les libéraux d'en face, hommes ou femmes, libéraux, libérales, essaient de me trouver dans ce texte que nous étions d'accord avec le fait que les cours fédérales interprètent la signature d'une entente ou des ententes négociées avec les autochtones. Qu'on me dise où ça se trouve, et je vais me plier, et je vais même aller m'en excuser.

Mais, à ce que je sache, M. le Président, en aucun temps, dans cette motion, dans cette résolution de l'Assemblée nationale qui a été présentée par René Lévesque, on ne mentionne la question des tribunaux. Mais ce qui vient de nous arriver actuellement, et ce, dans l'ensemble du chapitre IV se rapportant aux nations autochtones, c'est qu'à peu près dans tous les cas, à peu près dans toutes les négociations, à peu près dans n'importe quoi, on va se ramasser avec une cour de justice fédérale qui va venir mettre son mot, puis prendre la place de gens qui devraient prendre leur décision aujourd'hui.

M. le Président, ce n'est pas la faute des représentants et représentantes du Parti québécois, de l'Opposition officielle à l'Assemblée nationale si les libéraux d'en face, avec leur premier ministre en tête, ont décidé, au lieu de prendre leurs responsabilités propres comme députés à cette Assemblée nationale... Ce n'est pas notre problème à nous, mais c'est leur problème à eux et à elles d'avoir décidé qu'au lieu de prendre leurs responsabilités politiques, au lieu de négocier vraiment des ententes, au lieu de signer vraiment des ententes avec les autochtones, au lieu de mettre en application des ententes qui pourraient être signées éventuellement ou qui ont déjà été signées... C'est de prendre leurs responsabilités politiques de façon légale.

Je voudrais bien dire aux gens d'en face qu'ils se rappellent que, lorsqu'il y a eu l'entente de la Baie James et du Nord québécois de signée en date du 11 novembre 1975, c'était les libéraux, à ce moment-là, qui étaient au pouvoir. C'est vrai et, en ce qui me concerne, c'est une bonne entente, c'était une première. Donc, ça se

fait si c'était une première, et on n'avait pas besoin que ça soit mis dans la Constitution pour faire ça. Mais, là, il nous arrive, actuellement... c'est qu'on se ramasse avec toute la question des autochtones dans la Constitution, et si j'avais à choisir un négociateur pour aller négocier quelque chose pour le Québec, je prendrais quelqu'un du style d'Ovide Mercredi plutôt que de prendre quelqu'un comme le premier ministre que nous avons en face de nous, qui a négocié à peu près tout à rabais.

M. le Président, je voudrais vous lire ici une partie de l'entente concernant les autochtones, une partie seulement, lorsqu'on dit, par exemple, à la page 16, concernant le processus de négociations, le mécanisme de déclenchement des négociations. «Il conviendrait que les négociations sur l'autonomie gouvernementale soient engagées par les représentants des peuples autochtones, quand ils y seront disposés.» Ils seront disposés quand, les représentants et les représentantes des nations autochtones, lorsqu'on parle du délai de cinq ans à l'intérieur de ça? Quelles sont les nations autochtones qui, aujourd'hui, sont prêtes, sur le territoire québécois, à négocier des ententes formelles avec le gouvernement du Québec? Il y en a très peu. Vous avez les Algonquins sur un côté et vous avez le CAM de l'autre, le Conseil Attikamek-Montagnais, avec les Attikameks et les Montagnais, mais à part ça, quels sont les représentants et représentantes des nations autochtones qui ont déjà les outils nécessaires pour négocier des ententes?

M. le Président, je suis l'une des personnes les plus favorables à la négociation, à la signature d'ententes avec les autochtones, mais que ça se fasse de la part d'un gouvernement politique qui se tient debout, puis qui est capable de négocier, de signer des ententes, puis, par la suite, de les mettre en application.

Je vais conclure en disant, M. le Président, qu'en aucun temps, sur cette question précise concernant les autochtones, je n'accepterai que ce soit des cours de justice qui prennent la place des politiciens et des politiciennes pour avoir des ententes concrètes et, par la suite, être dans l'obligation, par une décision de la cour, de les mettre en application. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce qu'il y a d'autres interventions?

M. Boulerice: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le...

M. Boulerice: ...mais je me demande s'il y a assez de députés dans cette Chambre.

Une voix: Quorum...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors il y a une demande de quorum. Qu'on appelle les députés!

(18 h 20 - 18 h 22)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, allez-y, M. ie député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous avez droit à une période de 20 minutes pour votre intervention.

M. André Boulerice

M. Boulerice: Vous comprendrez qu'il est passablement anormal qu'un gouvernement qui convoque d'une façon urgente ce Parlement ne soit pas capable d'assumer le quorum, M. le Président. Un gouvernement qui suspend toutes les règles de procédure... D'ailleurs, remarquez que le fait n'est pas nouveau. C'est le champion de la suspension des règles de procédure. On l'a vu en fin de session, au mois de juin dernier où, d'ailleurs, il nous fallait à tout moment exiger le quorum puisqu'il n'était pas capable de l'assumer, donc suspendre les règles de procédure pour voter en bloc une quarantaine de lois. Des démocrates, M. le Président. De toute façon, ils nous ont donné une très belle illustration, télédiffusée d'ailleurs, de leur démocratie, qui a été leur congrès ici, à Québec, et j'y reviendrai ultérieurement.

M. le Président, pour mon intervention, je me suis dit: Je vais tenter d'écouter le discours d'un ou d'une députée du parti ministériel, celui qui, à mon point de vue, refléterait sans aucun doute le mieux l'image de cette formation politique. Mon choix s'est porté sur la vice-première ministre et députée de Chomedey, et j'ai trouvé ça, encore là, fort révélateur, M. le Président. Je vous demanderais d'ailleurs, à nouveau, de vérifier le quorum.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Qu'on appelle les députés! (18 h 24 - 18 h 26)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, allez-y, M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques.

M. Boulerice: Alors, je vous disais que j'avais pris comme modèle, mais modèle dans le sens de prototype, la députée de Chomedey, quoique, remarquez, j'aurais pu m'inspirer de la région de Montréal aussi qui, à mon point de vue, est la plus partisane de ce gouvernement. J'ai remarqué dans son discours qu'elle avait découvert Napoléon. Remarquez que ça manquait beaucoup à sa culture, mais je suis heureux qu'elle l'ait fait. Elle parle à tout bout de champ de l'intérêt supérieur de la nation. On voit que la vice-première ministre a l'intérêt supérieur à la nation. Je l'aurais crue, M. le Président, reposée, compte tenu des moments de détente qu'elle a passés dans le comté de Charievoix, comme l'ensemble de ses collègues du Conseil des ministres, qui ont tous séjourné quelques heures

dans la maison de campagne d'un riche homme d'affaires franco-ontarien, qui, sans doute, leur indiquait quelle était la bonne piste à suivre dans le cas d'une entente constitutionnelle. Mais il faut croire que ce séjour dans la belle région de Charlevoix ne l'a pas suffisamment reposée.

La ministre disait: «À l'aube du prochain millénaire - remarquez qu'elle est forte en mathématiques, bravo! - à chaque jour, la télévision, la radio, les journaux rapportent et analysent les transformations à survenir, tantôt en Europe de l'Est, et l'on peut constater à quel point elles ne se font pas dans l'honneur, dans la paix et dans le respect des droits.»

Voilà un bel exemple de démagogie coutu-mière à laquelle nous habitue la députée de Chomedey, M. le Président. Il est intéressant qu'elle parle de l'Europe de l'Est, mais elle aurait dû ajouter que c'était, pour la majorité de ces pays, la façon qu'ils avaient de recouvrir l'indépendance qu'ils avaient et qu'ils avaient perdue - la Lituanie, l'Estonie, la Lettonie, la Moldavie, la Biélorussie... et je pourrais en nommer plusieurs autres. Donc, la ministre essaie de mélanger les genres, et la ministre est en train de sombrer dans cette image - je me souviendrai toujours, en 1976, d'une image qui avait été employée par une folle, que je ne nommerai pas, une folle délirante qui, au moment de l'approche de l'élection disait que ce sera terrible, le Québec sera à la sauce chili - la ministre essaie encore d'aller un peu dans ce sens-là.

La ministre, toujours aussi sobre dans son propos, toujours aussi calme, rajoutait un petit peu plus loin: «Dire oui à l'entente, c'est dire oui au réalisme, c'est dire oui aux grands projets, c'est dire oui à un type de modernité qui s'empare de tous les pays du monde.»

Oui, le Québec est différent, comme l'Allemagne est différente, comme le Mexique est différent, comme les États-Unis sont différents. La différence n'empêche pas ces sociétés, M. le Président, et je la cite, «de rechercher à faire partie de grands ensembles. La toute puissante Allemagne, qui pourrait fort bien faire route seule, a choisi le parapluie européen qui n'est rien d'autre qu'une forme de fédéralisme», M. le Président. (18 h 30)

C'est dommage qu'elle nous ait quittés, je sais qu'il y a un grand bassin de population dans Chomedey, donc elle doit aller les rencontrer, mais, M. le Président, quand on parle de l'Europe, la vice-première ministre devrait se rappeler que ce sont des pays qui sont, d'abord et avant tout, souverains. L'Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, l'Irlande, l'Espagne, l'Italie n'ont renoncé à rien de leur souveraineté. Ils peuvent avoir délégué à un Parlement certaines responsabilités, mais, pour les déléguer, il faut les avoir. Donc, ils ont la souveraineté.

La ministre mélange les genres, M. le Président. La ministre essaie de faire croire que rechercher une souveraineté... Et là j'en parle, parce qu'ils ne veulent pas qu'on en parle; ils modifient le projet de loi 150, qui devait porter sur un référendum qui donne accès à la souveraineté pour le Québec. Ça, ils l'ont changé. Ils nous reprochent de ne pas en parler. Moi, je vous le dis, je vais en parler quand je vais le vouloir; ça ne me gêne pas du tout. Je ne vais pas mélanger le monde non plus, par contre. Je sais que le non sera un non prémonitoire, il va de soi, à un autre non qui surviendra quelques moments après, où on verra disparaître du paysage ce que j'ai devant moi, très rapidement. Et quand on connaît les majorités qu'ils ont eues, d'ailleurs, ça ne serait pas difficile pour certaines organisations dans certaines circonscriptions. On n'a qu'à penser à la rive sud, en particulier.

Donc, la vice-première ministre, ministre de l'Énergie, essaie de mélanger tous les genres. Elle essaie de dire, comme je viens de le dire, qu'on essaie de mettre en sourdine notre option, alors que c'est eux qui ne veulent absolument pas que nous en parlions, puisqu'ils sont ici, rassemblés d'urgence, en Parlement, pour modifier une loi qu'ils ont voulue, qui a été votée, issue d'un rapport où leur premier ministre a apposé sa signature. Et voilà que tout cela est défait de façon à tourner une page de l'histoire - est-ce qu'on peut ouvrir les portes à deux battants, s'il vous plaît? Pardon! - de façon à ouvrir une porte sur l'histoire, comme le disait la ministre un peu plus loin dans son texte.

Oui, mais cette page d'histoire, le gouvernement a décidé quelle page ce serait et a décidé dans quel livre. La seule page d'histoire issue du seul livre qui était acceptable, c'était la page dite 150 - pour faire référence à la loi 150 - issue du seul livre qui devait nous guider et qui est le rapport Bélanger-Campeau. Au demeurant, ils auraient peut-être pu employer le rapport Allaire, mais on a bien vu ce que ça donnait. Déjà, un deuxième reniement! On aurait cru le Parti libéral plongé dans l'histoire biblique, où le coq chanta trois fois avant le reniement et la trahison.

La ministre va toujours en disant: une réconciliation avec l'histoire - c'est quoi, une réconciliation avec l'histoire? - avec en tête un objectif de paix. Ah! Sommes-nous en guerre? Sommes-nous en guerre? La ministre ne blesse même pas avec ses paroles; heureusement, la ministre n'est pas armée. Je me dis: Mais quelle paix? Oui! Et qui a dit: II faut signer une entente avec les autochtones qui garantisse au Québec l'intégralité territoriale? Eh bien! je pense que s'il y a un spécialiste en ce domaine, c'est le député de Duplessis. On se rend compte que l'intégrité territoriale québécoise, elle n'est même plus dans les mains des Québécois, elle est dans les mains des tribunaux, donc de la Cour suprême du Canada. Il faut toujours se rappeler

de cette phrase de Duplessis, qui n'était peut-être pas un modèle à tous égards, mais qui, à ce niveau-là, avait raison: «La Cour suprême, c'est comme la tour de Pise; ça penche toujours du même bord, et les jugements de la Cour suprême du Canada ont toujours penché vers le Canada.» Rappelons-nous aussi que la dernière fois qu'un jugement de tribunal a eu lieu quant à un territoire québécois, c'est dans le début des années 1900, et ça a été le Labrador que le Québec a perdu au profit Terre-Neuve, qui n'était pas une province canadienne. Ceux qui ont observé une carte géographique se rendent bien compte que oui, Terre-Neuve est un prolongement du territoire québécois, qui est une île. C'est une He.

M. le Président, on a assisté, durant la fin de semaine, à un congrès libéral vraiment très édifiant, où on a décidé que les jeunes n'avaient pas leur place. Il a d'ailleurs paru, en tout début de semaine, un article fort intéressant dans le journal Voir. Je vais me permettre, M. le Président, de vous en citer certains extraits: «Pour leurs débats du week-end dernier, les libéraux ont utilisés une des deux patinoires du Pavillon d'éducation physique de l'Université Laval. «Deux équipes se sont affrontées. D'un côté, le puissant appareil du parti, avec son capitaine Robert Bourassa, pour qui ce congrès devait être aussi prévisible qu'un épisode de «Lance et Compte». De l'autre, la Commission-Jeunesse du PLQ - et, d'ailleurs, j'aimerais saluer un jeune militant de la Commission-Jeunesse du Parti libéral, Frédéric Dubé, qui a démissionné et qui va maintenant travailler avec l'équipe du non, et non pas le clan du oui -avec Mario Dumont dans les buts, pour qui Bourassa est le champion du patinage à reculons. «Mais Dumont et ses troupes se sont rapidement fait plaquer dans la baie vitrée par les John Kordic du PLQ. Un jeune libéral désabusé dit avoir compté dans les gradins 150 membres de la circonscription de Jean-Talon, celle de M. Rémillard. Un autre, David, de la région de Québec, affirme que son député l'avait sommé de démissionner plutôt que de semer la pagaille au congrès. Des hordes de supporters venus dans la Vieille Capitale en autobus scolaire aux frais de leurs députés ont complété l'attaque-avant de l'équipe Bourassa. «Les Bacon, Ryan et autres Rémillard venus vendre à leurs membres une entente qui n'avait pas encore été rendue publique - et on sait que l'entente ne le sera pas avant même le référendum du 26 - n'ont pas ménagé leurs efforts pour semer la confusion dans le camp adverse. "On ne sait plus quoi penser de cette entente", a lancé Stéphane Davidson, un jeune du comté de Bertrand sur la rive sud. Le premier ministre a beau postillonner de tout son saoul sur écran géant à propos de l'accord qu'il a conclu le 22 dernier, il ne réussissait pas à convaincre Stéphane et ses voisins: "Bourassa et Rémillard nous disent que l'entente est très bonne pour nous, mais des constitutionnalistes comme Léon Dion nous disent qu'elle est mauvaise..." «Il n'y avait cependant aucune confusion dans l'esprit de Marc Snyder. "J'ai subi beaucoup de pression depuis le mois de mai, raconte celui qui représente l'est de Montréal sur l'exécutif de la Commission-Jeunesse. Seulement cette semaine, j'ai participé à une dizaine de rencontres au sommet avec l'establishment du parti, le chef, les ministres, Le Président, nomme-les." «mais la pression ne semble pas l'atteindre. alors que rémillard s'égosillait sur les six droits de veto que l'entente du 22 août a donnés au québec, marc blaguait avec ses collègues: "six veto? c'est drôle, avant, il disait qu'on en avait gagné cinq. c'est la multiplication des pains!" rémillard a continué en soulignant que bourassa avait assuré au québec 25 % des sièges à la chambre des communes. "un gain majeur!" a ironisé snyder en faisant tournoyer son poing à la arsenio hall. "qu'est-ce que ça change? on a déjà 24 % des sièges aux communes, a pour sa part commenté stéphane davidson. de toute façon, ce ne sont pas deux ou trois jean chrétien de plus qui vont travailler dans les intérêts du québec!".» je pense que c'était fort pertinent comme information.

M. Marcil: M. le Président...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant. M. le député de Salaberry-Soulanges.

M. Marcil: Ça semble tellement intéressant, ce que le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques dit, qu'il serait intéressant également que nos collègues puissent l'écouter. Pourriez vous demander le quorum, s'il vous plaît?

M. Boulerice: Merci! Merci! Ha, ha, ha!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Donc, qu'on appelle les députés. (18 h 39 - 18 h 44)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, vous pouvez continuer votre intervention. Je vous rappelle que vous disposez encore d'une période de six minutes.

M. Boulerice: Alors, vous avez vu comme moi, M. le Président, que cette chronique du congrès libéral de la fin de semaine, surtout vu par les jeunes de la Commission-Jeunesse du Parti libéral, est fort révélatrice du grand esprit démocratique qui animait ce congrès.

Pour revenir à l'entente, M. le Président, c'est très simple. Effectivement, moi, j'aurais préféré avoir comme négociateur, même si je ne partage pas son point de vue, Ovide Mercredi. Si l'on regarde ce qu'il a fait, M. le Président, ce n'est pas compliqué. Il a regardé l'ensemble de

ceux qui étaient alentour de la table, puis il a dit: Ce n'est pas compliqué. Moi, je vais prendre le plus mou. Le plus mou, puis si je suis capable de lui rentrer une cheville, ça va bien aller. Et, forcément, le plus mou, ce n'est pas compliqué, c'est toujours le même, c'est le premier ministre du Québec, qui nous arrive avec des propositions qu'on ne connaît pas, dont on n'a pas les textes, que la population du Québec n'aura pas avant le lendemain, alors que, si en France on est en train de se prononcer sur le traité de Maastricht, il faut quand même convenir que 38 000 000 d'exemplaires de ce traité ont été distribués dans toutes les portes, alors que chez nous on ne peut même pas les déposer en Chambre; on est obligé de crier pour les obtenir, et on s'aperçoit que ce n'est pas définitif et que les seuls vrais textes définitifs ne seront disponibles que le lendemain du jour où la population du Québec aura à voter sur ces pseudos-offres, qui n'en sont pas, M. le Président.

Si je regarde le domaine particulier qui me concerne, eh bien, il faut dire qu'inévitablement le Québec n'a rien gagné, et c'est pour ça, d'ailleurs, que dans L'actualité de cette semaine, si on lit l'interview que donne la ministre des Affaires culturelles, eh bien, je suis fort sympathique à son propos. Mais, malheureusement, elle le dit elle-même, elle est obligée de le dire, qu'elle ne peut parler qu'en son nom personnel, parce qu'elle ne peut malheureusement pas compter sur son premier ministre pour aller chercher des pouvoirs importants qui sont les pouvoirs dans le domaine de la culture, au même titre que, comme elle a déjà assumé le ministère des Communications, elle sait fort bien que, quand la vice-première ministre parle de modernité, la modernité, ce sont les communications. Il n'y a aucun nouveau pouvoir au niveau des communications.

M. le Président, on va en discuter plus amplement, des offres, et on ne va pas se gêner. Je l'ai dit, je l'ai dit très clairement, nous n'allons pas mélanger la population. Ce non qui «va-t-être» donné...

M. Marcil: Qui va être.

M. Boulerice: ...n'est qu'un non...

M. Marcil: Pas «va-t-être», «va être».

M. Boulerice: Va être donné. Je remercie M. le député de Vaudreuil-Soulanges d'avoir corrigé, malheureusement, une mauvaise conjugaison que j'ai faite. Lui a fait une mauvaise union. Que voulez-vous, ça se corrige mieux, une conjugaison, qu'une union. Lui a décidé de s'unir au oui, moi, j'ai décidé d'aller vers le non, mais un non qui ne sera qu'un non aux offres. Mais ne vous inquiétez pas, l'autre étape arrivera, et l'autre étape, dans la circonscription de Sainte-Marie-Saint-Jacques, sera principalement dirigée par M.

Gaston Clermont, qui était l'ancien adjoint du regretté député fédéral Jean-Claude Malépart, et on sait fort bien que, si Jean-Claude vivait, il serait avec le non parce qu'il jugerait inacceptables ces offres. M. Clermont, d'ailleurs, est aussi un ancien organisateur du député libéral défait de Sainte-Marie, Michel Laporte, et il est maintenant avec nous pour combattre ces offres avec de nombreux organisateurs du Parti libéral dans Sainte-Marie qui sont maintenant passés du côté du non aux offres, mais d'un oui profond à des ambitions plus grandes pour le Québec, des ambitions plus nobles pour le Québec.

Une voix: L'indépendance. C'est ça.

M. Boulerice: Oui, l'indépendance, comme la Syrie est un pays indépendant. L'indépendance. Mais le Québec, naturellement, ne sera pas une force impérialiste d'occupation au Liban, mais... Oui, l'indépendance du Québec, l'indépendance du Québec, absolument, et nous allons faire la bataille. Et je tiens personnellement à vous inviter tous, les uns comme les autres, à venir dans cette circonscription. Vous êtes les bienvenus. Si vous voulez des débats contradictoires, on est disponibles. Mais le Plateau Mont-Royal et le Centre-Sud ont dit oui au Québec en 1970. En 1992, ils vous répondront non, comme ils vous ont répondu non, aussi, de façon successive au cours des élections depuis 1970; et après, on replacera des gens sérieux et on fera un Québec qui se tient. Pas avec un premier ministre qui part à genoux, qui négocie à quatre pattes, puis qui revient à plat ventre. Ça, ce n'est pas vrai. Pas avec un mou, pas avec un mou. Ah bien, avec quelque chose de concret. (18 h 50)

Et, pour reprendre le journal Voir, il y a une importante caricature, il y a une chaise sur laquelle il y a une fleur de lis, puis il y a une chaise de bébé sur laquelle il y a une feuille d'érable. Bien, on sera des adultes, au Québec, on ne sera plus uniquement les petits enfants du fédéral et des gens convaincus aussi - je termine là-dessus, M. le Président - pas les faux ténors, les girouettes du nationalisme qui se promènent. Il y en a, d'ailleurs, de ces pseudo-ténors qu'on n'a pas vus depuis le début de cette session. Est-ce que c'est parce qu'ils ont des transes et des angoisses ou qu'ils espéreraient bien que les caméras de télévision s'inquiètent de leur absence et aillent les interroger, ce qui leur permettrait de passer un bon petit clip de 30 secondes à la télévision? On a vu ce que ça donnait, M. le Président, les pseudo-nationalistes, ceux qui se répandaient en transes à l'extérieur, et qui avaient de profondes hésitations. On a vu quelles étaient leurs vraies valeurs. Ceux qui, véritablement, ont de la valeur...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure.

M. Boulerice: ...étaient à la Commission-Jeunesse du Parti libéral.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Sur le même sujet, soit la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, je cède la parole à M. le député de Louis-Hébert. Vous avez droit à 20 minutes, M. le député.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. N'eût été le fait que l'orateur précédent a décidé de faire parler les morts, je me serais abstenu d'intervenir. M. le Président, quand on est obligé de faire appel à des gens qui sont décédés pour justifier sa prise de position, en pariant du député Malépart... Je pense qu'il y a des moyens qui ne sont pas très, très catholiques. C'est assez spécial de déterrer les morts pour avoir raison.

Une voix:...

M. Doyon: II n'est pas le premier à le faire? Je regardais, dans Le Devoir...

Une voix:...

M. Doyon: M. le Président, je pense que j'ai la parole. M. le député, si vous voulez vous taire et m'écouter. C'est votre tour de m'écouter.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant! M. le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, on vous a permis de vous exprimer, tout à l'heure, en toute quiétude. Je requiers, pour le député de Louis-Hébert, la même ambiance. Allez-y, M. le député de Louis-Hébert.

M. Doyon: Merci, M. le Président. J'ai bien l'intention de continuer, M. le Président, dans ce que j'avais à dire. Qu'on soit obligé d'aller chercher des gens qui ne se sont pas prononcés là-dessus, qui n'ont pas eu l'occasion de voir l'entente, qui n'ont pas eu l'occasion d'évaluer les gains que fait le Québec pour avoir une approbation de l'au-delà... Je pense qu'il y a des moyens dont on pourrait s'abstenir. Il n'est pas le premier à le faire. Là-dedans, il suit l'exemple de... Je pense que c'est Claude Morin qui déterre Duplessis, qui déterre Daniel Johnson, Bertrand et Jean Lesage pour prétendre que, si ces gens-là avaient à se prononcer... Parce que, lui, il les connaît tellement qu'il sait ce qu'ils auraient dit, «mes premiers ministres». Je peux vous dire ce qu'ils diraient, moi, «mes premiers ministres». Le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques rit. Il fait pire que ça parce que, eux autres, au moins, ça fait plus longtemps qu'ils sont morts. Il trouve ça drôle quand on parle de Claude Morin, mais quand on parle de lui, il ne trouve pas ça drôle. Pourtant, c'est la même affaire, il n'y a pas de différence.

M. le Président, le référendum que nous allons vivre est, comme on dit en langage de cinéma, un remake. C'est un remake de ce qui s'est passé en 1980. Je peux vous dire que, comme tous les remakes, ça va se terminer de la même façon: c'est que les forces fédéralistes vont l'emporter. Un remake, ça a la même fin, en l'occurrence un «happy end», une bonne fin, une fin qui finit bien. Ce remake, M. le Président, on s'en serait bien passé. Nous sommes obligés de le faire pour établir une fois pour toutes - et j'espère que ce sera la dernière -que les Québécois ont choisi la voie du fédéralisme, avec toutes les imperfections qu'il y a dans ce système-là, avec toutes les difficultés qu'il comporte, mais en même temps tous les défis.

Il y a des gens qui préfèrent jouer dans les ligues mineures. Dans les ligues mineures, ils sont certains de gagner. Ils ont peur des ligues majeures. Les Québécois, moi, je suis certain qu'ils ne sont pas comme ça. Ils ne sont pas comme ça, M. le Président. C'est entendu que le fédéralisme, c'est un combat qui n'est jamais gagné, qui est toujours à recommencer. Ce n'est pas une situation de tout repos, le fédéralisme. Ce n'est pas une situation qui plaît aux paresseux, que ce soient les paresseux «physiquement paresseux» ou «mentalement paresseux», parce qu'on est obligé de toujours prouver qu'on est capables de se défendre, qu'on est capables de gagner des points, qu'on est capables d'avancer.

Mais ça, M. le Président, c'est gratifiant pour les gens qui n'ont pas peur de l'effort. C'est gratifiant parce qu'on ne gagne pas contre des pas-bons. On gagne dans des ligues majeures. C'est ça que j'invite la population québécoise à décider de continuer de faire, comme ils ont décidé de le faire le 20 mai 1980. À un moment donné, il va falloir en revenir des referenda - parce que c'est pluriel. Il va falloir en revenir des referenda, M. le Président, parce qu'un après l'autre, ça ne peut pas durer. C'est pour ça que le fiel qui nous vient de l'autre côté s'explique. Ils jouent leur survie, M. le Président. Ils le savent fort bien. Ils le savent fort bien que, pour eux, une acceptation des offres est un déni à leur endroit qui ne leur laisse plus de place sur l'échiquier politique du Québec.

Devant cette évidence, ils sont comme des noyés qui sont prêts à s'accrocher au moindre fétu de paille. Ils sont prêts à apostasier leur foi, leur foi séparatiste, souverainiste. Ils sont prêts à apostasier tout ce qu'ils ont de plus cher et ce qui est leur raison d'exister. La preuve, M. le Président, vous avez entendu pas n'importe qui, le chef des forces séparatistes, des forces souverainistes dire: Nous autres, la souveraineté, on n'en parle pas, ça ne nous regarde pas. Il

n'est pas question de souveraineté à ce référendum-là. Ah oui? Ah oui? Vous demanderez aux gens un peu partout. Ce n'est que de ça que vous pariez. Vous avez vécu par la souveraineté, vous périrez par la souveraineté. Je vous l'annonce. Je vous l'annonce parce que c'est inévitable. Qui vit par l'épée périt par l'épée. Qui vit par la souveraineté périt par la souveraineté.

Vous avez cette immense pierre au cou qui vous entraîne dans le fond, et vous le savez. Vous allez caler, vous allez sombrer, vous allez vous noyer. C'est inévitable. C'est écrit. Tous les cris que vous pourrez lancer ne vous épargneront pas le sort qui vous attend. Il est évident... et je ne peux pas, malgré le bon coeur que j'ai, c'est reconnu partout, avoir la moindre sympathie pour vous autres.

Des voix: Ha, ha, ha! Bravo! Bravo!

M. Doyon: Quand on court après quelque chose et qu'on se fait rattraper par cette chose, bien, on ne peut pas dire autrement que c'est bien fait. C'est bien fait.

M. le Président, on en entendra de toutes les couleurs. C'est drôle qu'on change de fusil d'épaule quand ça nous plaît. Mais, là, le fusil, non seulement vous êtes en train de le changer d'épaule, vous êtes en train de le pointer vers vous. Ne tirez pas sur la gâchette parce que ça va mal finir pour vous autres. Trompez-vous pas, là.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: C'est ça que vous êtes en train de faire. Vous n'êtes pas capables de vous apercevoir que le Québec est en train de faire des gains extraordinaires et que d'avoir eu un gouvernement qui a eu la force d'aller chercher ça, avec le premier ministre qui s'est battu, mois après mois, semaine après semaine, heure après heure, M. le Président. Ça a été un combat qui aurait découragé Goliath lui-même. Et ça finit comme avec David. C'est que David le remporte.

Il faut amener cette preuve-là devant la population qui est prête à dire oui. La population est prête à dire oui parce que les offres, fondamentalement, sont bonnes. La société distincte, la Cour suprême, le partage des pouvoirs, la limite dans le pouvoir de dépenser, l'immigration. On peut passer toutes les demandes traditionnelles du Québec. Nous faisons des gains indéniables partout. (19 heures)

II faudrait être malade pour tenter sa chance en disant: Le pot n'est pas assez gros. Quand on joue au poker et qu'on a un beau jeu, on ne fait pas monter les enchères indéfiniment jusqu'à ce que quelqu'un se trouve avec une «full straight» ou avec un carré d'as. À un moment donné, on se dit: J'ai trois dames, deux valets, je pense que je suis capable d'aller chercher le pot.

Il est assez gros, le pot, pour moi. C'est ça qu'on a fait. C'est ça qu'on a fait. Il y en a dans tous les casinos du monde. On en aura peut-être ici. Moi, je ne suis pas trop pour ça, mais c'est une autre histoire. Il y en a dans tous les casinos du monde qui tentent leur chance jusqu'à la dernière piastre. Ils sont à la roulette, puis ils viennent de ramasser, là. Ils ont misé sur le 2 et le 3, puis les deux ont sorti de suite. Ils disent: Je prends tout ce que j'ai ramassé, puis je le mets sur le 0. Le 0 ne sort pas. Il dit: Maudit, j'aurais dû partir avec mon 2 et mon 3, j'aurais été pas mal mieux. Il est trop tard, trop tard. La politique, ce n'est pas un jeu de poker, c'est trop sérieux pour ça. Les gens, dans tous nos comtés ici, ne veulent pas qu'on joue au poker avec leur avenir. Ils ne sont pas prêts à risquer de tout perdre pour montrer qu'on est brave, qu'on n'a pas peur du vide devant nous.

Quand je regarde les péquistes agir, je me dis que ce sont des adeptes du «bungee» politique. Ce sont des adeptes du «bungee» politique, mais ils ne sont pas sûrs de leur élastique. Ils ne sont même pas sûrs d'être attachés après, mais ils veulent se lancer pareil parce qu'ils n'ont pas peur! Bon. C'est un choix que vous faites, mais emmenez-nous pas avec vous autres.

M. le Président, parfois, pour faire comprendre des situations qui paraissent très sérieuses et très compliquées, il faut avoir recours à la caricature. On comprend mieux avec des caricatures. Ça paraît rigolo ce que je raconte, M. le Président, mais transposez ça dans la vie politique, vous verrez que le poker et le «bungee» s'appliquent parfaitement à nos adversaires politiques. Je ne leur reproche pas de jouer au poker, je ne leur reproche pas de sauter dans le vide, ça, c'est leur affaire. Tout ce que je leur dis: On n'y va pas avec vous autres, puis n'amenez pas la population. C'est tout ce que je vous dis. Mais, remarquez bien que la terre est parfois assez rigide et assez solide. Elle est comme la réalité, elle a le défaut d'être têtue, et elle ne cède pas la place, qu'est-ce que vous voulez? Alors, vous risquez d'avoir des ecchymoses, c'est le moins qu'on puisse dire.

Alors, M. le Président, moi, je comprends difficilement le raisonnement péquiste, je ne le comprends pas sur bien des points de vue. J'écoutais juste le chef de l'Opposition en période de questions, tout à l'heure. Il nous disait que l'entente constitutionnelle était pour constitutionnaliser la chicane fédérale-provinciale, parce qu'il faudrait signer des ententes dans différents domaines, dans le domaine de l'environnement, dans le domaine de la formation professionnelle, etc. Ça, que c'était la pire des choses, que c'était pour constitutionnaliser la chicane, disait-il. Pourtant, il est le premier à dire: Nous autres, on va faire un pays à part, et on va signer des traités. Qu'est-ce que c'est qu'un traité? Ce n'est pas une négociation, une discussion, ce n'est pas de la chicane à un

niveau de pays à pays? Il n'y a pas de différence entre signer un traité entre un Québec indépendant et un Canada qui ferait bande à part, et signer des ententes qu'on signera et qu'on constitutionnalisera. C'est beaucoup plus difficile. C'est beaucoup plus difficile parce que le rapport de force est moins favorable pour nous, moins favorable. C'est reconnu.

Qu'est-ce que vous pensez qu'on a l'air, nous autres du Québec, tout seuls? Je ne nous enlève pas nos qualités, je dis tout simplement que celui qui est assez fin pour s'allier avec quelqu'un qui est plus fort que lui sort grandi, et celui qui s'est allié avec lui aussi. Je me dis qu'on a tout avantage à discuter avec les États-Unis en ayant comme partenaire politique, économique, social, à tous les niveaux, le reste du Canada, qu'on va s'en tirer avec une entente qui va faire bien plus notre affaire. Si la logique péquiste dit que les ententes constitutionnelles à signer, à intervenir sont de la chicane, que seront les traités à intervenir entre un Québec éventuellement et potentiellement - d'une façon éloignée - indépendant vis-à-vis des partenaires qu'il voudra, avec lesquels il voudra signer des traités, que ce soit dans le domaine économique, que ce soit dans le domaine de la défense, que ce soit dans n'importe quel domaine?

Alors, M. le Président, je suis à court de compréhension dans la logique péquiste. Ils nous disent: On ne s'entendra pas avec des gens avec lesquels on est habitués de s'entendre depuis 125 ans. Ça fait 125 ans qu'on fait des affaires avec ce monde-là, puis là, la pire des affaires qui puisse nous arriver, c'est de continuer d'en faire. Ça, c'est la fin du monde.

Mais, d'un autre côté, on ne recule pas, on ne fait pas état des efforts qu'il y aurait à faire pour signer des traités, par exemple, avec d'autres partenaires qui nous sont totalement étrangers, avec lesquels on n'a jamais transigé, qui s'appellent les États-Unis, qui s'appellent le Mexique, qui s'appellent l'Europe et, pourtant, ça, ça ne leur fait pas peur. Philosophie du «bungee», M. le Président, philosophie du poker. On dit: On va tout risquer pour avoir plus, en risquant de tout perdre, alors qu'il est évident que la table tourne en faveur du tenancier et non pas en faveur du joueur, parce que le casino, il fermerait autrement, si ce n'était pas comme ça.

M. le Président, je suis un peu désemparé devant la façon dont les choses se passent. J'aurais souhaité que nous puissions discuter des articles de l'entente. On a ici l'entente, le rapport du comité sur la Constitution, Charlottetown, 28 août 1992, un texte définitif, qui fait une vingtaine de pages, 21 pages, et qui nous permettrait de prendre les clauses l'une après l'autre, regarder ce qui en est, évaluer les gains que fait le Québec.

Ce n'est pas ça qu'on fait. On dit: On refuse parce qu'on préfère risquer plus pour avoir le tout, en sachant que les chances d'avoir le tout sont absolument minimes. Il est décourageant, M. le Président, d'avoir à recommencer indéfiniment ce genre de discussion et à faire des preuves ad nauseam que, dans la réalité de tous les jours, ce qu'ils appellent la «Real Politik», les choses ne se passent pas comme ça, parce que la politique, qu'elle se fasse à n'importe quel niveau - le premier ministre le disait l'autre jour - c'est un rapport de force, et il faut savoir évaluer ses propres forces, il faut savoir calculer ses faiblesses, il faut savoir savoir compenser ses faiblesses avec des alliances avec d'autres partenaires, et c'est ça que de faire une politique intelligente.

Je n'ai pas entendu de discours de la part du Parti québécois qui puissent nous mettre vis-à-vis des alternatives viables, qui puissent nous amener vers des solutions favorables à la population. On nage dans une espèce de noman'sland, où on ne sait pas trop où on se situera, et on veut entraîner la population là-dedans. Moi, la gageure que je prends, M. le Président, c'est que la population n'est pas prête à faire confiance au Parti québécois pour nous amener dans une aventure risquée comme celle-là.

Il est sûr que l'aventure peut être tentante, que, si j'avais à écrire un roman qui n'aurait pour effet que de délasser, de dérider et de faire passer une bonne soirée, j'écrirais un roman d'aventures qui aurait pour thème la souveraineté. Mais je serais dans le domaine romantique, M. le Président, je serais dans la fiction, je serais dans la politique-fiction. Mais là, on n'est pas dans la politique-fiction. Nous sommes dans la réalité, et on ne peut pas prendre de tels risques. Les gens qui ne travaillent pas, les gens qui ont toutes les difficultés du monde, et il y en a dans tous nos comtés, parce que j'ai eu des téléphones.

Aujourd'hui, je suis allé faire du bureau de comté tantôt. M. le Président, les gens m'appellent et me disent: J'ai de la difficulté à trouver les 75 $ que ça me coûte pour faire entrer mon enfant à l'école. Je leur dis: Oui, oui, mais on va tout régler ça avec la souveraineté. Probablement qu'il y a une option de ce côté-là. Si vous saviez, M. le Président, le genre de réponse que j'ai à ce moment-là. Est-ce que les collègues péquistes font du bureau de comté? Est-ce qu'ils n'ont pas ce genre de téléphone?

M. le Président, je les invite et j'invite la population à la prudence, au réalisme, de façon à ce que nous puissions faire ce débat le plus normalement possible, d'une façon la plus civilisée possible, mais que nous le fassions de façon à ce qu'une fois pour toutes, nous mettions fin à ces tergiversations et que, enfin, nous sachions qu'au Québec les choses se passent à l'intérieur du Canada, avec ce que ça comporte de bien et de mal. Merci, M. le Président. (19 h 10)

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Louis-Hébert. Mme la députée de Terrebonne, je vous cède la parole. Vous avez droit à une période de 20 minutes.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Le député de Louis-Hébert, avant de faire des sermons à mon collègue, le député de Sainte-Marie-Saint-Jacques, devrait faire des sermons à ses propres collègues qui ne cessent depuis deux jours d'utiliser le nom de René Lévesque, le fondateur de notre parti, qui a quitté le Parti libéral parce qu'il croyait à la souveraineté du Québec, qui, en 1980, savait qu'il voulait la souveraineté et votait pour le oui. Et vous ne cessez de l'utiliser depuis deux jours. Donc, vos sermons, faites-les donc pour vos collègues! Et si vous n'avez pas encore compris que quitter le statut d'une province pour devenir un pays, c'est effectivement quitter les ligues mineures pour aller dans les ligues majeures, vous ne comprendrez jamais.

M. le Président, l'intervention précédente me faisait pitié, et je comprends que la population n'ait aucunement confiance dans les politiciens et qu'ils n'aient aucune crédibilité pour elle. M. le Président, on peut utiliser des caricatures, mais on n'est pas obligé d'en être une soi-même. On n'a pas à gager sur l'avenir constitutionnel du peuple québécois, on a à lui laisser faire ses choix.

M. le Président, oui, nous faisons du bureau de comté régulièrement, et nous avons dû mettre sur pied, dans nos comtés, des comités de dépannage, instaurer des cuisines collectives, parce que ce gouvernement est incapable d'administrer et parce que nous n'avons pas en main tous les outils économiques pour notre propre développement.

M. le Président, la semaine prochaine, nous aurons des célébrations sur notre système démocratique, sur le Bicentenaire, et nous nous retrouvons encore aujourd'hui devant un non-respect du système parlementaire - nous avons aboli les règles parlementaires - le non-respect d'une loi votée par ce gouvernement, la loi 150, le non-respect des signatures, le non-respect des engagements du premier ministre et du responsable du dossier constitutionnel et le non-respect de la population.

M. le Président, non-respect du gouvernement libéral pour sa propre loi 150, qui l'oblige à revenir devant l'Assemblée nationale pour l'amender par la loi 44. Et certains ont même tenté, M. le Président, de nous dire qu'on modifiait la loi 150 pour mieux la respecter. Eh bien! si on la respectait, nous ne nous retrouverions pas devant deux projets de loi, M. le Président, nous n'aurions que la loi 150, et nous serions déjà en train de discuter de la question référendaire sur la souveraineté. C'est ça, la réalité. Si nous avons le projet de loi 44 entre les mains, c'est que ce gouvernement a décidé de ne pas respecter la loi 150. Non-respect également de la signature du premier ministre et de ceux qui ont participé à la commission Bélanger-Campeau, parce que, il faut le rappeler, toutes ces personnes avaient signé pour un référendum sur la souveraineté du Québec, au plus tard le 26 octobre. Non-respect également pour leur propre programme, pour leur propre parti politique, M. le Président. Non-respect pour l'aile jeunesse. Non-respect pour celui qui avait présenté ce qui était, à leur avis, la meilleure proposition constitutionnelle, le rapport Allaire. Il faut rappeler que le premier ministre avait signé et fait approuver par son parti le rapport Allaire, qui prévoyait qu'à défaut d'obtenir 22 pouvoirs pour le Québec un référendum sur la souveraineté aurait lieu, M. le Président. Donc, non-respect pour leur propre signature. Le premier ministre avait même dit, au terme des travaux de la commission Bélanger-Campeau, et je cite: «Un changement profond est, je crois, la volonté du peuple québécois, de la très grande majorité du peuple québécois.» Donc, un non-respect également de cette population, M. le Président, non-respect de la population qui a signé, à plus de 700 000 personnes, une pétition pour demander de respecter un référendum sur la souveraineté. Non-respect des personnes qui se sont prononcées à 75 % pour la tenue d'un référendum sur la souveraineté, et non-respect de leurs propres engagements, M. le Président, engagements du premier ministre et engagements du responsable du dossier constitutionnel. Et je vais leur rappeler ces engagements, M. le Président.

Le 14 juin 1991, dans Le Devoir, le ministre des Affaires canadiennes nous disait: Les cinq conditions sont toujours là, mais l'accord du lac Meech est mort. Les cinq conditions sont un premier pas vers une réforme, mais ce que nous voulons, c'est une réforme complète de la Constitution, des changements au partage des compétences législatives et aux institutions comme la Cour suprême et le Sénat.

M. le Président, ils n'ont pas réalisé cet engagement. Le premier ministre lui-même, le même jour, disait: II faut mettre fin au fédéralisme compétitif, au dédoublement, et en arriver à un fédéralisme efficace. Aucun nouveau pouvoir, on n'a aucunement mis fin au dédoublement dans les ministères, M. le Président.

Non-respect aussi de leurs engagements, faut-il le rappeler. Le premier ministre, dans Le Monde, nous disait: Trois points étaient prioritaires. Il fallait les maintenir à n'importe quel prix. Il faut d'abord que soit reprise la substance de l'accord du lac Meech à propos du statut de société distincte pour le Québec. Huit constitu-tionnalistes, hier, nous ont dit que, non, ça n'avait pas été tenu, non, ça n'avait pas été respecté. Il faut ensuite un nouveau partage du pouvoir qui permette un fédéralisme plus effi-

cace. Aucun nouveau partage. Aucun nouveau pouvoir exclusif. Et il ajoutait, et là on n'en entend plus parier, mais plus du tout, M. le Président: II faut, enfin, que, sur les autres objectifs de la réforme constitutionnelle - l'adoption d'une charte sociale, le renforcement de l'union économique canadienne et la réforme du Sénat -les pouvoirs du Québec ne soient pas réduits. C'est exactement ça qu'il a fait, il a laissé réduire les pouvoirs du Québec sur le Sénat. Et aucune charte sociale, M. le Président.

M. le Président, on a également oublié de tenir compte des revendications des femmes. On n'en parie pas beaucoup en cette Chambre, c'est très rare, M. le Président. Il faut peut-être rappeler que, lors de Bélanger-Campeau, des regroupements de femmes étaient venus parier de revendications. On avait demandé de récupérer des pouvoirs pour une politique familiale. On avait demandé de récupérer les allocations familiales pour cesser le dédoublement. Personne n'en a tenu compte, peut-être parce que dans ce groupe de négociateurs il n'y avait aucunement de femmes, M. le Président. Les femmes autochtones aussi ont déploré ce qui s'était passé lors des négociations.

M. le Président, parmi les non-respects de leurs engagements, il faut rappeler également, bien sûr, l'engagement du premier ministre le 23 juin 1990: C'est la décision de mon gouvernement de négocier dorénavant à 2 et non à 11. C'est vrai qu'il n'avait pas parié de 17, M. le Président, à ce moment-là.

Toujours, le 5 mai 1992, M. Bourassa commençait à émettre de très sérieuses réserves sur l'ampleur des pouvoirs à confier au Sénat et il a dit carrément non au principe d'une représentation égale pour chaque province. Nous nous retrouvons avec cette représentation égale. Tout le monde, 6 sénateurs. Le Québec a perdu 18 sénateurs, mais le Québec n'a pas perdu sa part pour payer 25 %, par exemple, du Sénat.

M. le Président, devant tous ces non-respects, c'est difficile de parier d'un système politique démocratique. Le plus étonnant, M. le Président, c'est que je m'attendais à ce que le premier ministre et le porteur du dossier constitutionnel, le ministre de la Justice, responsable de la Protection du consommateur - il ne faut pas l'oublier, même si lui-même semble l'oublier souvent - sont allés négocier et ont démontré qu'ils étaient des consommateurs tout à fait irresponsables. J'invite le ministre de la Justice, responsable de la Protection du consommateur, à relire les revues qu'il vante amplement deux fois par année, M. le Président, lorsqu'on parie de la Semaine de la protection du consommateur et lorsqu'on parie de la Journée des droits des consommateurs. Ça arrive deux fois par année. Il nous parle beaucoup de la revue Protégez-Vous. Je la feuillette régulièrement, moi, M. le Président, pas deux fois par année, et on nous dit que, pour tout achat, pour toute négociation, pour un bien et un service, avant de vous engager, vérifiez. N'hésitez pas à poser des questions. Évaluez vos besoins et, surtout, le consommateur doit exiger un contrat écrit. Le responsable de la protection du consommateur est allé négocier, il n'a pas demandé de contrat écrit, on n'en a toujours pas - et il faut rappeler qu'il est ministre de la Justice aussi - et les textes juridiques n'arriveront pas avant le référendum. Et c'est celui qui est supposé défendre les droits des consommateurs! (19 h 20)

M. le Président, on nous demande de lire les étiquettes lorsqu'on achète un bien. On nous demande de vérifier lors de l'achat d'une automobile, lors de l'achat d'une maison, de ne rien signer avant d'avoir lu, d'avoir vu le véritable texte et d'exiger un contrat écrit. Et pour l'avenir d'un peuple, pour ce contrat collectif, aucune protection. On se fie sur la parole de négociateurs qui n'ont jamais défendu nos intérêts. M. le Président, je vous avoue que c'est déplorable et je ne comprends absolument pas que des personnes qui sont supposées être responsables et qui allaient négocier au nom du peuple québécois l'aient fait de cette façon, d'une manière qui nous protégeait moins que lors de l'achat d'un bien ou d'un service. C'est révoltant!

On a peut-être oublié, parce qu'on voulait revenir avec un projet verbal à tout prix, parce qu'il y avait la fameuse date du 26 octobre, ce qu'on allait négocier. Ce qu'on allait négocier, c'était d'abord et avant tout des pouvoirs additionnels pour le Québec. En 1867, le Québec possédait 11 pouvoirs exclusifs; aujourd'hui, avec les offres, 6 pouvoirs exclusifs, un recul de 5 et, en plus, ces 6 pouvoirs, nous devrons continuer à négocier. Le rapport Allaire, quant à lui, vous vous en souvenez très bien, demandait 22 pouvoirs, et sans oublier tous les groupes qui sont venus à Bélanger-Campeau et qui réclamaient, eux, tous les pouvoirs.

Étant responsable de la protection du consommateur, je rappellerai, évidemment, les demandes de la Fédération des ACEF du Québec, Fédération qui existe depuis plus de 20 ans, qui regroupe 12 associations réparties dans 10 grandes régions du Québec. Je me contenterai de la conclusion de leur mémoire, qui était extrêmement intéressant et qui dénotait les principales lacunes du système actuel. On nous disait: Après cet exposé de notre perception de la société québécoise actuelle et de nombreuses questions qui se posent pour décider de son avenir, nous en venons à la nécessité de reprendre en main tous les pouvoirs nécessaires à la réalisation d'un nouveau projet de société, que ces pouvoirs soient politiques, économiques ou administratifs. Mais surtout, surtout, le Québec a besoin d'un gouvernement courageux qui ne balaie pas ses problèmes sociaux sous le tapis. Il est urgent de

redonner à tous les Québécois et à toutes les Québécoises, jeunes, âgés, riches, pauvres, autochtones, immigrants, la foi en un projet de société où il n'y aura pas d'exclus. M. le Président, nous avons eu un gouvernement qui est allé négocier sans courage, un gouvernement qui est allé négocier à genoux et qui était vraiment sous le tapis, contrairement à tout ce que les groupes avaient demandé.

Évidemment, à titre de porte-parole des corporations professionnelles, je rappellerai également que la Chambre des notaires du Québec avait, elle aussi, réclamé le rapatriement de tous les pouvoirs. Nous revenons sans aucun nouveau pouvoir additionnel. L'Ordre des comptables agréés avait également réclamé le rapatriement de l'assurance-chômage - nous ne l'avons pas -le rapatriement de l'ensemble de la main-d'oeuvre et non de négociations pour la main-d'oeuvre, le rapatriement de tous les pouvoirs pour la recherche et le développement, pour la formation professionnelle, pour l'immigration. L'Ordre des agronomes avait également demandé ces mêmes pouvoirs, plus le respect du pouvoir exclusif de l'éducation. Le gouvernement fédéral ne se gêne pas pour dépenser dans ce pouvoir qui était supposé nous être exclusif et ne le ramène pas dans les pouvoirs exclusifs, il faut se le rappeler. La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec avait également demandé le rapatriement de la main-d'oeuvre, M. le Président. Conclusion: Les différents groupes... et le porteur du dossier constitutionnel, lui-même, l'a rappelé dans son discours, hier. Bélanger-Campeau était claire, il fallait un renouvellement en profondeur du fédéralisme ou l'accession à la souveraineté. Comme il n'y a eu aucun renouvellement en profondeur du fédéralisme, nous devions donc passer à l'autre étape, c'est-à-dire à l'article 1 de la loi 150, un référendum sur la souveraineté.

M. le Président, de l'autre côté, on a tenté de minimiser. On a tenté de dire que les arguments ne venaient que du Parti québécois. Pourtant, tous les autres intervenants ont dénoncé ces pouvoirs que le ministre n'est pas allé chercher. Jean Allaire, ce n'est pas un péquiste, il a renouvelé sa foi au Parti libéral et, pourtant, il reconnaît que cette négociation est inacceptable. M. Garceau. Les jeunes libéraux, ce ne sont pas des péquistes, M. le Président. Les chefs des syndicats et plusieurs députés du côté du Parti libéral s'interrogeaient ce matin dans nos journaux, trouvaient qu'il y avait encore des imprécisions. J'en vois un, là, il avait des imprécisions ce matin. Huit const it utionnalistes, qui ne sont pas tous des péquistes, M. le Président, eux aussi ont trouvé que la société distincte, c'était un recul par rapport à ce que nous avons actuellement. M. le Président, ça me rappelle un petit peu les projets de loi que nous discutions l'an dernier, où on nous disait qu'il n'y avait que le Parti québécois qui s'opposait à la TPS, qu'il n'y avait que le Parti québécois qui s'opposait à la TVQ, qu'il n'y avait que le Parti québécois qui s'opposait aux augmentations de taxes. Pourtant, nous n'étions pas les seuls, M. le Président.

J'ai commencé une tournée de comté au début du mois d'août, et je peux vous assurer que les peurs que le Parti libéral va vouloir faire n'atteignent plus personne, M. le Président. Ce sont eux qui ont peur, et depuis deux jours, cette peur, on la sent. Ils ont peur de perdre un référendum sur la souveraineté; donc, on amende la loi 150. Ils ont peur de voir leur parti divisé; donc, on étouffe les débats. Ils ont peur de perdre le pouvoir parce que, suite à cet échec, le 26 octobre, ils devront faire des élections, M. le Président. Ils ont peur d'avoir peur. La peur de vous tenir debout comme un peuple, comme tous les peuples de la terre. Mais le peuple du Québec, lui, il n'a pas peur, et moi j'ai confiance en ce peuple du Québec. (19 h 30)

Le peuple du Québec, lui, sait qu'il mérite d'être traité comme un peuple et non comme une minorité, sauf pour l'argent qu'elle apporte dans le système de ce Canada ruiné. Le peuple du Québec sait que les offres sont un recul, qu'elles ne répondent aucunement à ces demandes exprimées sur toutes les tribunes, sur toutes les commissions qui nous ont coûté une fortune, M. le Président. Le peuple du Québec en a assez de faire rire de lui par l'ensemble canadien en payant pour les autres et en payant pour continuer les querelles fédérales-provinciales. Le peuple du Québec veut qu'on le respecte. C'est pourquoi nous dirons non avec lui à des offres inacceptables, qui ne viennent aucunement régler les problèmes que nous vivons, qui ne viennent aucunement régler le problème du chômage, la récession, la pauvreté qui grandit. Non, nous sommes un peuple qui se respecte, et aux offres réchauffées de septembre 1991 et du 7 juillet...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure, madame.

Mme Caron: ...nous disons non, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci. merci, mme la députée de terrebonne. alors, le reconnais maintenant m. le député d'anjou. vous avez droit également à une période d'intervention de 20 minutes.

M. Pierre Bélanger

M. Bélanger (Anjou): Je vous remercie, M. le Président. Je trouve assez particulier qu'on se retrouve maintenant en train de discuter d'un amendement à la loi 150. En effet, M. le Président, lors de la dernière session, à maintes reprises, on se faisait répéter par le premier ministre et par le ministre de la Justice que la

loi 150 telle quelle permettait ce genre de consultation populaire sur des offres. Alors, non, M. le Président, on décide tout simplement, maintenant, que ce n'est plus le cas et on amende la loi. Mais, alors, la perle, M. le Président, je pense qu'elle revient au ministre de la Justice, qui dit: On amende la loi pour mieux la respecter. Alors, là, M. le Président, pour un avocat, se présenter devant un juge et avoir un tel argument, je pense que c'est un motif pour se faire renvoyer sur un banc d'école. En effet, M. le Président, on ne modifie pas une loi pour la respecter. On la respecte telle qu'elle est, et c'est un argument qui ne tient absolument pas en soi.

C'est dommage, M. le Président, qu'on amende ainsi la loi, parce que je pense que le Québec va manquer un rendez-vous avec l'histoire. En effet, M. le Président, chez les gens, on sentait cette nécessité d'avoir un débat, un débat de fond qui allait régler la question constitutionnelle du Québec, et ce que les gens réclamaient - d'ailleurs, les pétitions au nombre de 700 000 signatures qui ont été déposées depuis les derniers mois le disaient - les gens voulaient un référendum sur la souveraineté. Ils voulaient réellement se prononcer sur la réelle question qui les préoccupait.

Non, M. le Président, tout simplement pour éviter le réel débat, pour éviter un débat sur la souveraineté, on amende la loi 150, on amende la loi 150 pour faire porter le débat sur les offres. Car, M. le Président, c'est ça, le débat qu'il va y avoir pendant les prochaines semaines. C'est un débat sur les offres et non sur la souveraineté, non pas parce qu'on l'a voulu, parce que le parti au pouvoir, parce que le gouvernement du Parti libéral a décidé que ce référendum porterait sur les offres.

On aimerait, évidemment, faire le procès de la souveraineté. Mais, si on voulait faire le procès de la souveraineté, M. le Président, il faudrait que la question, que le référendum porte sur la souveraineté. Si ces offres étaient ou sont tellement bonnes, M. le Président, pourquoi ne pas avoir laissé la loi 150 telle qu'elle est? Ça aurait été une arme redoutable, ces offres, si elles sont si bonnes que ça. Ça aurait été une arme redoutable justement pour repousser la souveraineté, battre définitivement la souveraineté et ainsi régler une fois pour toutes la question constitutionnelle au Québec. Non, M. le Président. On a décidé de ne pas prendre de chance. Ces offres sont tellement boiteuses, sont tellement ridicules qu'on a décidé d'enlever tout risque. On a enlevé complètement la souveraineté du prochain débat référendaire.

Ainsi, M. le Président, quand ces offres seront battues, eh bien, ça ne créera aucune obligation pour le gouvernement de créer, de faire la souveraineté. C'est ça, l'enjeu. Je pense que le gouvernement a vu comme tout le monde les récents sondages qui disaient qu'une majorité de francophones, s'ils avaient à choisir entre les offres qui leur sont présentées présentement et la souveraineté du Québec, une majorité opterait pour la souveraineté du Québec, et c'est une chance que le gouvernement ne veut pas prendre. Alors, je ne comprends absolument pas l'indignation du gouvernement à ce qu'on refuse de faire le procès de la souveraineté. C'est eux qui l'ont choisi. C'est eux, maintenant, qui devront vivre avec le référendum et qui devront vivre avec le débat qui va se faire.

Alors, regardons, M. le Président, ces offres. Regardons ces offres faites par le Canada anglais. Première chose que nous devons nous demander, c'est: Quelles sont ces offres? Car, dès notre arrivée à l'Assemblée nationale, notre convocation, à notre grande suprise, on a constaté qu'il n'existait aucun document, qu'il n'y avait aucun document qui nous a été déposé devant cette Assemblée, qui est à notre disposition pour pouvoir étudier réellement ces offres. Encore plus, M. le Président, on a appris que les textes juridiques, c'est-à-dire les textes liant les gouvernements, ces textes ne seront pas disponibles avant le référendum. C'est donc dire qu'ils ne sont pas prêts, c'est donc dire qu'ils ne sont pas rédigés, qu'ils n'ont pas été encore négociés.

Alors, M. le Président, je me demande comment on peut demander qu'un réel débat se fasse sur des offres, alors que ces offres ne sont même pas concrètement terminées. Nous avons quand même certains documents informels, des documents d'entente. Alors, faute de mieux, nous allons nous contenter de ces documents. Au niveau des revendications traditionnelles du Québec, M. le Président, un des éléments essentiels dans ces revendications était l'attribution de nouveaux pouvoirs, une nouvelle redistribution des pouvoirs. La majorité, la grande majorité des intervenants et des organismes qui se sont présentés devant la commission Bélanger-Campeau ont témoigné de la nécessité d'un nouveau partage des pouvoirs et d'un rapatriement des pouvoirs vers le Québec.

Alors, qu'est-ce qu'on constate, M. le Président? Aucun nouveau pouvoir pour le Québec. Aucun! alors que, comme je vous l'ai dit, M. le Président, ces organismes avaient mis en évidence la nécessité de mettre fin aux fameux dédoublements des compétences entre le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial, ces dédoublements qui nous coûtent si cher en impôts, en perte de temps, en perte d'énergie. Alors, aucun nouveau pouvoir; donc, c'est le statu quo. La Constitution de 1867 nous en reconnaissait 11, pouvoirs, qui étaient exclusifs au gouvernement du Québec. Maintenant, grâce à ce grand pas en avant, il ne nous en reste que 6.

M. Bourassa, finalement, a accepté le partage des pouvoirs qu'il avait rejeté à trois reprises lors les offres précédentes. J'ai bien

hâte de voir de quelle façon on va vendre aux Québécois le fait qu'il y a des gains là-dedans. En plus, dans les six pouvoirs qu'il nous reste, il y a la nécessité pour le gouvernement du Québec de conclure des ententes administratives avec le gouvernement fédéral. Alors, où est le gain? On le cherche, et on le cherchera longtemps.

Le deuxième aspect important, c'est le concept de société distincte. En effet, depuis longtemps, les Québécois ont compris qu'il était essentiel de se doter d'instruments pour pouvoir conserver au Québec son caractère distinct, son caractère de peuple distinct. Contrairement à Meech, la clause de la société distincte qui faisait l'objet d'une clause spéciale, maintenant, on la retrouve noyée dans une clause dite «Canada». Elle est diluée et elle est mise sur le même pied que sept autres éléments de cette clause Canada. Ce qui est vraiment dangereux dans cette clause Canada, c'est qu'elle crée l'obligation pour le Québec de contribuer à l'épanouissement et au développement de la langue et de la culture de sa minorité anglophone. Ça ne prend pas un grand constitutionnaliste pour vous dire qu'à cause de cette clause la loi 101, qui fait quand même l'objet d'un large consensus auprès des francophones, cette loi 101 est maintenant menacée. En effet, les anglophones pourront facilement dire que, vu leur recul au niveau démographique, ils ont besoin de plus de protection, ils ont besoin de plus de droits pour leur langue, au niveau de l'affichage, au niveau de l'accès à l'école anglaise pour les immigrants. Alors qu'il y avait un genre de paix au niveau linguistique, cette clause de la société distincte va rouvrir une guerre, va rouvrir une brèche dans cette loi 101. C'est tout à fait inacceptable pour le Québec, et je ne comprends pas le premier ministre d'avoir accepté une telle clause.

Je ne comprends pas non plus comment il peut dire qu'il y a un gain par rapport à la clause de la société distincte. On se souvient, d'ailleurs, que cette même clause de la société distincte, dans Meech, avait fait l'objet d'une résistance farouche de la part de Clyde Wells. Or, maintenant, M. le Président, depuis que cette clause de la société distincte se retrouve dans les nouvelles offres, M. Wells est même prêt à venir au Québec pour la vendre. Les Québécois ne sont pas fous. Ils se rendent bien compte que, si M. Wells est maintenant si farouchement en faveur de cette nouvelle clause de la société distincte, c'est qu'elle ne veut plus rien dire. Elle n'est que l'expression d'un voeu pieux. Ce n'est tout simplement qu'un bonbon qu'on donne aux Québécois en leur disant: Écoutez, maintenant, vous êtes protégés, on vous donne l'étiquette de société distincte. Une étiquette sans contenu, une étiquette sans pouvoirs qui lui sont rattachés. C'est tout à fait inacceptable, et je peux vous dire que, quand le débat va réellement se faire là-dessus, je suis certain que les

Québécois vont en comprendre l'impact et l'importance.

D'ailleurs, huit constitutionnalistes... J'entendais le premier ministre, aujourd'hui, dire que ces huit constitutionnalistes étaient des péquis-tes. M. le Président, il ne faudrait quand même pas charrier! Ces huit constitutionnalistes disent: Comme la clause mentionne trois critères de distinction du Québec - majorité d'expression française, culture unique et droits civils - il serait vain, à notre avis, de faire appel à la clause de la société distincte pour défendre les lois sociales et économiques comme des lois sur les valeurs mobilières, et tout ça. Un peu plus loin dans cet article, ils confirment que la clause de la société distincte va menacer l'intégrité de la loi 101. (19 h 40)

Autre aspect important, le Sénat. Demandez aux Québécois ce qu'ils pensent du Sénat, ils vont vous répondre très rapidement: On devrait l'éliminer, comme on l'a fait au Québec. Or, non, M. le Président. On essaie maintenant de nous dire que le Sénat est un grand pas en avant. Non, M. le Président. Le Sénat, c'est tout simplement une concession encore qu'on a faite au Canada anglais. En effet, les petites provinces voient dans le Sénat un instrument qui va réussir à les protéger de la domination du Québec et de l'Ontario.

Alors maintenant, M. le Président, on va avoir un magnifique Sénat. Un magnifique Sénat où le Québec va se retrouver avec six sénateurs, soit autant que l'île-du-Prince-Édouard. Même pas 10 % des sénateurs. Ah! en contrepartie, notre premier ministre est allé nous chercher des garanties. Quelles sont ces garanties? 25 % des députés à la Chambre des communes, 25 % alors que nous avons 25 % depuis fort longtemps. On l'a toujours eu, ce 25 %. Pourtant, ce 25 %, ça n'a pas empêché Ottawa de promulguer la Loi sur les mesures de guerre, ça n'a pas empêché Ottawa de faire un rapatriement unilatéral de la Constitution. Puis là, ça devrait constituer pour nous une garantie, ça, 25 %.

Alors, on crée un Sénat, un Sénat qui va avoir des pouvoirs. Il va pouvoir, premièrement, bloquer certaines lois et, de plus, il va faire des nominations politiques à des postes très importants, comme la Banque du Canada et plusieurs autres organismes fédéraux.

Autre point qui, d'après mois, est très important et qui constitue un recul dans cette entente, c'est le droit des autochtones. J'ai bien hâte de voir comment certains députés libéraux vont faire leur campagne pour le oui avec cette clause des autochtones. Je dois tout de suite dire, M. le Président, que les autochtones ont des revendications légitimes auxquelles le gouvernement du Québec, peu importe sa composition, devra faire face, et il devra faire des ententes qui tiennent compte des aspirations des autochtones. Et le Parti québécois a été le

premier parti au Québec à reconnaître ces aspirations dans son programme. Cependant, nous avons toujours pensé que ces revendications des autochtones devront être réglées par voie de traité et d'entente à l'amiable entre le gouvernement du Québec et les autochtones. M. le Président, ce qu'on apprend, c'est que dans cette constitution on prévoit une négociation qui va durer cinq ans avec les autochtones. Après l'expiration de ces cinq années, il reviendra aux tribunaux de déterminer quels seront les droits inhérents qui reviennent à ce troisième palier de gouvernement qui sera le gouvernement autochtone.

M. le Président, ça ne prend pas quelqu'un de très expérimenté en négociations pour comprendre ce qui va se passer. N'importe quelle personne qui a participé à une négociation vous dira que quand il y a un temps limite dans cette négociation, on attend à la dernière minute avant de commencer à négocier. Et quand le temps est expiré, à ce moment-là, on regarde ce qu'on a obtenu et, si on n'est pas satisfaits, on prend notre chance et on s'en va devant les tribunaux.

Alors, ce qui va arriver dans cinq ans, M. le Président, c'est-à-dire, les tribunaux... Ça sera la Cour suprême en dernier ressort qui dira quels seront les pouvoirs inhérents des autochtones, quelles seront les limites de leurs territoires, quelles seront les limites de leurs droits et de leurs pouvoirs. Et le Québec devra être impuissant. L'Assemblée nationale restera impuissante face à ce jugement de la Cour suprême du Canada.

M. le Président, c'est tout à fait inacceptable, et j'ai bien hâte de voir comment on va réussir à vendre ça aux Québécois, en particulier dans les comtés qui sont limitrophes aux réserves. Je pense que c'est tout à fait explosif comme clause, c'est tout à fait inacceptable. D'ailleurs, même le ministre de la Justice, le ministre Rémillard, avait dit à Anjou qu'il n'accepterait jamais que les tribunaux, en dernier ressort, accordent ou définissent les pouvoirs délégués aux autochtones. Il semblerait qu'il a changé d'avis, M. le Président. Il a changé d'avis, mais ça ne fait pas en sorte qu'on doive accepter cette chose.

Alors, M. le Président, voilà les offres du Canada. Pas besoin de vous dire qu'elles ne créent aucun emballement. On l'a vu lors de la convention libérale. On ne viendra pas nous dire quand même que Jean Allaire est un péquiste, que Mario Dumont est un péquiste. On l'a vu, d'ailleurs, après la convention libérale, M. Dumont a encore répété son allégeance à son parti. Mais ça ne l'empêche pas de voir clair dans ces offres, de voir que ces offres ne correspondent pas du tout aux aspirations des jeunes Québécois, tant du Parti québécois que du Parti libéral.

Alors, il n'y a aucun emballement qui est créé. Il n'y a aucun emballement non plus qui est créé chez les militants libéraux, j'en suis certain. Ah! évidemment, il y a quelques purs durs dont nous avons, je pense, un grand échantillonnage ici à l'Assemblée nationale. Pour ces purs durs, évidemment, tout ce qui vient du Canada et des montagnes Rocheuses, c'est bon, il faut le prendre. Mais, quand on va arriver dans les comtés, finalement, à stimuler nos membres, à mobiliser nos membres, ça va être une autre paire de manches.

M. le Président, le Québec a manqué une chance en or de vraiment sortir de ce bourbier constitutionnel. En effet, M. le Président, on avait réussi, avec cette éventualité de référendum sur la souveraineté, avec cette commission Bélanger-Campeau, avec tous ces événements qui tournaient autour de la souveraineté, on avait réussi à créer un rapport de négociations. On avait réussi à prouver au Canada anglais que, pour une fois dans notre vie, nous, les francophones, on se tiendrait debout, qu'on savait ce qu'on voulait. Mais le ballon de notre premier ministre s'est dégonflé.

On l'a vu, M. le Président, dans les dernières semaines. Tout à coup, notre premier ministre a tout réglé en 3 ou 4 jours. Alors qu'en 30 ans, M. le Président, on n'a rien réussi à régler, en 3 jours, lui, il a tout réglé. D'ailleurs, c'en était risible à la télévision, quand on voyait à tous les jours M. Mulroney et M. Bourassa qui venaient à la caméra pour dire: On a maintenant une entente là-dessus. La journée d'après: On a maintenant une entente là-dessus. Ça arrivait à un rythme tellement fou qu'on avait peine à croire ce qu'on voyait. D'ailleurs, je pense que les Québécois ne sont pas dupes. Ils voient bien que, s'il y a eu une entente, c'est au prix de concessions inacceptables.

On voulait une entente à tout prix, car le premier ministre avait compris qu'il ne pouvait pas revenir les mains vides devant cette Assemblée nationale, qu'à ce moment-là ça ne laisserait qu'un choix aux Québécois, c'est-à-dire celui de se prendre en main et de faire la souveraineté du Québec.

Mais notre premier ministre, quand même, il faut lui donner quelque chose, il connaît bien les Québécois. Ce n'est pas pour rien, d'ailleurs, qu'il est premier ministre depuis si longtemps, c'est qu'il les connaît bien. Il a senti chez les Québécois une lassitude, une lassitude de toute cette question constitutionnelle, quand on est pris dans une crise économique qui perdure et qui crée tellement de misère partout au Québec. Il a vu cette lassitude et il croit que les Québécois, endormis par cette lassitude, vont accepter n'importe quoi. Mais, où il a fait son erreur, M. le Président, c'est que cette lassitude n'a pas éteint la fierté des Québécois.

Les Québécois veulent un règlement durable. Ils ne veulent pas tout simplement un genre de panacée. Et c'est ce qu'on leur offre. Aucun Québécois ne va croire que cette entente règle

une fois pour toutes la question constitutionnelle au Québec. Ça ne règle rien. Au contraire, dès que cette entente serait acceptée, ça serait le feu vert pour une série ininterrompue de négociations fédérales-provinciales. Ça ne cessera jamais. Il y aura toujours un tribunal... En tout cas, pour la question autochtone, il y aura un tribunal, en plus, qui sera là pour trancher décisivement sans que l'Assemblée nationale puisse réagir.

C'est un recul pour le Québec, M. le Président, et j'invite tous les Québécois, de toutes tendances politiques, à réaliser exactement ce qui se passe et à réagir d'une façon vigoureuse en votant non sur ces offres. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député d'Anjou.

Nous sommes à discuter de la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec. Je reconnais maintenant M. le député de Gouin. Vous avez droit également à une intervention de 20 minutes, M. le député.

M. André Boisclair

M. Boisclair: Merci, M. le Président. L'intervention que j'aurai à faire aujourd'hui sera sans doute une de celles qui seront des plus déterminantes dans toutes celles que j'ai eu l'occasion de faire depuis que je siège avec vous, M. le Président, à cette Assemblée.

M. le Président, au moment où le Québec connaît un taux de chômage inacceptable de 13 %, à un moment donné, dans le quartier de Rosemont, le quartier de la Petite-Patrie, des paroisses comme celle de Saint-Étienne, des paroisses comme celle de Sainte-Gemma connaissent, selon les derniers recensements de 1985, des taux de chômage de 17 %, 18 %, 19 %. (19 h 50)

Alors, M. le Président, le Québec que nous représentons ici, en cette Chambre, à chaque jour, se casse un peu plus rapidement, va un peu plus loin dans les divisions qui déchirent notre tissu social, qui déchirent des familles, qui déchirent le bonheur, qui déchirent, finalement, ce que nous avons de plus précieux. À un moment où, cependant, aussi, nous sommes interpellés par de nouvelles réalités; à un moment où, M. le Président, des gens de tous les coins du monde font des efforts remarquables en termes de formation, en termes de création d'emploi; à un moment où on discute d'environnement, comme on l'a fait de façon significative à l'occasion de la dernière conférence de Rio; à un moment où les Européens discutent d'un traité sur le fond important, qui viendra changer la face de l'Europe; à un moment, M. le Président, où le Canada vient de signer un traité, un traité d'union économique, avec le Mexique et, bien sûr, par l'entremise des États-Unis et avec les États-Unis, chez nous, M. le Président, on discute de constitution. M. le Président, je n'étais pas encore né que nous parlions, à cette Assemblée, de constitution.

M. le Président, parfois, je serais tenté de dire que notre potentiel créateur, ce qui fait ce que nous sommes aujourd'hui, se trouve parfois menacé. Nous nous trouvons à discuter de constitution, nous nous trouvons à discuter encore pire, non seulement de constitution de façon générale, mais nous sommes à discuter d'une proposition fédérale, d'une proposition fédérale qu'aucun membre de cette Assemblée n'a lue pour la simple et bonne raison que les textes ne sont pas encore disponibles. Oui, nous avons bien un document, que tout le monde a en sa possession, un rapport du consensus sur la Constitution. Mais il s'agit là - et tout le monde l'a compris - d'une entente politique. Nous n'avons pas de textes juridiques.

Il faut bien comprendre l'intervention de mon collègue, le député de Joliette, qui avait demandé à votre président, qui siégeait à un autre moment où vous n'étiez pas là, de s'assurer que tous les parlementaires puissent connaître les textes. Mais non, M. le Président. À un moment, M. le Président, où on nous apprend que le Canada se classe le 20e sur 22 pays industrialisés en ce qui concerne la possibilité future de compétitivité; à un moment où le Canada se classe respectivement 18e et 19e sur 22 pays en ce qui concerne la formation professionnelle et la recherche et le développement; à un moment, M. le Président, où, en 1980, à l'occasion du référendum sur la souveraineté, la dette fédérale s'élevait à 72 000 000 000 $, en 1980, elle est actuellement de 420 000 000 000 $, M. le Président; à un moment, M. le Président, où une récente étude du Conseil fédéral du Trésor établit que 67 % de tous les programmes fédéraux chevauchent ou dédoublent les programmes du gouvernement du Québec, nous discutons d'un texte politique, d'une entente qui sera soumise par le biais de la motion qui est présentée devant nous, qui sera soumise au peuple québécois.

M. le Président, vous me permettrez d'affirmer clairement que cette entente, même si on peut se permettre de porter un jugement sur le fond, sans avoir saisi toute la quintessence de cette entente parce que les textes juridiques ne sont pas soumis, mais certainement, avec les commentaires des experts, avec les analyses que des gens neutres, que des gens objectifs, que des gens qui ont une compétence dans leur domaine, que ce soit en matière d'immigration, que ce soit en matière d'affaires culturelles, que ce soit en matière de partage des pouvoirs ou dans d'autres domaines, à un moment où tout le monde, M. le Président, questionne les vertus de cette entente, nous sommes ici en train de discuter de la

possibilité de soumettre cette entente au peuple québécois. Ça serait l'objet, M. le Président, de la motion qui sera - il faut bien le comprendre - adoptée, si ce n'est qu'à cause de l'impressionnante majorité libérale, M. le Président.

Donc, cette entente qui sera soumise, par voie de référendum, au peuple québécois, que faut-il en dire, de cette entente? Première chose, M. le Président: que cette entente ne règle rien. Si nous pouvons admettre, M. le Président, que depuis des années - la commission Bélanger-Campeau le reconnaissait - depuis que le Québec a pris conscience de ses capacités, depuis que le Québec a décidé de participer au monde moderne, que les Québécois et Québécoises ont toujours voulu s'affirmer de façon encore plus précise, de façon encore plus dynamique à tous les niveaux. Au niveau économique, au niveau social, au niveau culturel, le Québec a toujours voulu les moyens de ses ambitions, a toujours voulu les pouvoirs qui allaient lui permettre de réaliser ses rêves, qui allaient lui permettre de progresser, qui allaient permettre à ses enfants de grandir dans un contexte harmonieux et de participer pleinement à l'évolution du Québec moderne. À un moment, M. le Président, où l'ensemble des premiers ministres qui se sont succédé à la place du député de Saint-Laurent, où tous, les uns après les autres, ont demandé plus de pouvoirs pour le Québec, nous nous retrouvons avec une entente qui ne règle rien et qui reporte aux calendes grecques toute possibilité de progrès pour le Québec.

Et c'est pourquoi, M. le Président, parce que le progrès est si important, parce que les Québécois et les Québécoises, parce que les gens de ma circonscription ont besoin de plus de pouvoirs, parce que les gens de ma circonscription veulent grandir, parce que ces gens-là ne veulent pas être rapetisses, parce que les gens ont besoin d'aller plus loin, parce que les gens ont besoin de s'identifier, parce que les gens ont besoin de s'affirmer, à cause de toutes ces raisons, M. le Président, je pense que, de façon très claire, très simple, sans aucune amertume, sans aucune animosité, sereinement, nous sommes en mesure... Et je serai de ceux et celles qui, avec fierté, feront partie du camp du non.

Et, M. le Président, au-delà de cette volonté d'affirmation toujours plus grande du Québec, je pense qu'il est important de faire comprendre à nos concitoyens et à nos concitoyennes que cette campagne que nous ferons dans le camp du non, nous la ferons, bien sûr, négativement, parce que nous militerons pour le non, mais nous la ferons de façon positive, cette campagne, M. le Président. Nous la ferons en respectant ceux et celles qui nous ont élus, en leur expliquant les mérites ou l'absence de mérites de cette entente, en leur expliquant les faiblesses de cette entente, tout comme, M. le Président, n'importe quel syndiqué au Québec qui, après une entente que son syndicat a pu conclure avec la partie patronale, évalue les mérites de la proposition, discute s'il y a des choses qui sont bien, qui pourraient être améliorées, s'il y a des choses qui lui nuisent, qu'il rejette, de la même façon qu'un syndiqué qui connaît ça, qui est habitué à regarder un texte et à l'analyser peut porter un jugement sur le contenu de l'entente. De la même façon, M. le Président, que ces gens-là sont capables de porter un jugement, de la même façon, nous, de cette formation politique, discuterons du contenu de cette entente, parce que les gens ne seront pas dupes. On essaiera de les amener sur toutes sortes de terrains, tous aussi glissants les uns que les autres, mais la seule réalité, il faudra se le rappeler, la seule vérité, M. le Président, le seul véritable débat sera ce qui se retrouvera dans cette entente.

M. le Président, le premier problème, c'est que cette entente, nous ne l'avons pas entre les mains. Tous mes collègues l'ont souligné, nous avons un texte politique, mais qui ne veut rien dire. Un texte politique! Voyons donc! Réveillez-vous, de l'autre côté! Clyde Wells avait bien signé une entente politique. Qu'est-il arrivé trois mois plus tard? Rejet de l'entente politique. Filmon, au Manitoba, avait pourtant signé une entente politique. Quelques semaines plus tard, rejet de l'entente politique. On sait tous, ici, peu importe notre formation politique, qu'une entente politique ne veut rien dire tant et aussi longtemps qu'il n'y a pas de texte juridique. N'importe qui comprendrait ça, même le député de Saint-Laurent, M. le Président. Mais non! Nous discutons d'une entente politique.

Mais essayons de regarder, M. le Président, avec les informations que nous avons et malgré toute la confusion qui anime à l'heure actuelle nos concitoyens et nos concitoyennes, qui anime les Québécois et les Québécoises... Parce qu'on lit les journaux un jour, on nous dit que c'est un recul; on lit un autre journal, huit constitu-tionnalistes se prononcent: Un autre recul pour le Québec. On nous dit qu'il y a une divergence entre les textes français et anglais. Mais c'est pire que l'auberge espagnole, M. le Président! C'est à y perdre son latin. C'est finalement mépriser de façon très claire les gens que d'avoir un discours politique semblable à celui-là, mais c'est pourtant la réalité qui nous entoure, M. le Président. Mais, malgré tout ça, essayons de nous en tenir au texte et essayons d'expliquer aux gens, M. le Président, ce que cette entente politique - parce que c'est de ça dont nous devons discuter - contient. (20 heures)

J'ai eu l'occasion précédemment de vous dire, M. le Président, que depuis 30 ans le Québec revendique de nouveaux pouvoirs pour tendre à cette entente. Et il fallait voir, cet avant-midi, mon collègue, le député de Lac-Saint-Jean, demander au premier ministre: Quels nouveaux pouvoirs avez-vous obtenus? L'exercice

de quelles juridictions, de façon exclusive, avez-vous obtenu? Aucune réponse n'est venue de la bouche du député de Saint-Laurent, M. le Président. Aucune réponse! C'est bien surprenant. Si, pourtant, nous avions été fiers, s'il avait été fier de cette entente, s'il voulait vraiment s'en faire le vendeur et le défenseur, il se serait fait un grand plaisir de nous illustrer l'ensemble des pouvoirs qu'il avait obtenus, mais non, aucun mot, M. le Président, aucun pouvoir exclusif, aucun pouvoir nouveau pour le Québec. Rien de moins, M. le Président, qu'un net recul.

Qu'y a-t-il d'autre aussi dans cette entente? Notre premier ministre - et on pourra diverger de point de vue - a accepté le principe d'un Sénat égal, ce qui veut dire que le Québec est relégué au rang de simple province. Oublions les peuples fondateurs, oublions un peuple québécois qui a droit à son autodétermination, oublions tous ces principes qui ont fait la fierté des Québécois, le Québec reconnu comme une province comme les autres, le même nombre de sénateurs au Québec qu'à l'île-du-Prince-Édouard.

Pour les défenseurs du fédéralisme, peut-être y verra-t-on un avantage certain. On nous chante au Québec que oui, nous avons accepté le Sénat égal, mais à condition d'avoir toujours 25 % des sièges, à la fois à la Chambre des communes et au Sénat, qui sont réservés au Québec, 25 %. On nous présente ça comme un gain énorme pour le Québec. Mais, M. le Président, combien sommes-nous à l'heure actuelle? Combien de sièges avons-nous, à l'heure actuelle, si on réunit le Sénat à la Chambre des communes? Un peu plus de 25 %. Tout le monde le reconnaît, c'est confirmer le statu quo. On pourra nous dire: Oui, mais c'est une garantie pour 10 ans. Mais toutes les prévisions statistiques nous disent que, d'ici 10 ans, la population du Québec va se maintenir et que, finalement, cette garantie de 25 % n'est que confirmer une situation de fait, que ces 25 % ne sont qu'un simple hochet pour amuser les gens, pour attirer leur attention. Mais 25 %, quelle autre garantie est-ce que ça peut nous donner? Aucune, M. le Président.

Il y a des gens qui savent, qui connaissent la réponse à cette question. Parlez à Pierre Elliott Trudeau. À son époque, 28 % des parlementaires, à la fois au Sénat et à la Chambre des communes, 28 % représentaient les Québécois et Québécoises. Mais avec 28 %, M. le Président, nous avons eu un gouvernement libéral à Ottawa qui a adopté le rapatriement unilatéral de la Constitution, malgré un consensus ici en cette Chambre. Nous avons un gouvernement qui a adopté la Loi sur les mesures de guerre, et pourtant, ce cher M. Trudeau, il avait 28 %, à cette époque, de représentants du Québec. Tout le monde aura compris que tant et aussi longtemps que la ligne de parti s'appliquera, tant et aussi longtemps que les députés à Ottawa seront prisonniers dans cette camisole de force qu'est la ligne de parti, cette garantie de 25 %, ce n'est qu'un simple hochet.

Rappelons un exemple encore plus récent, à un moment où, dans cette Chambre, de façon unanime, nous adoptions une motion pour condamner l'intervention fédérale dans le domaine de l'environnement, à un moment où tout le monde faisait pression auprès des députés conservateurs à Ottawa pour qu'ils votent contre cette loi. On disait: On va faire de ces véritables députés des défenseurs du Québec. Mais non. Les uns après les autres, ils ont plié l'échiné, prisonniers de cette camisole de force qu'est la ligne de parti. Et 25 %, 26 %, 27 %, peu importe, ce qui est arrivé, c'est qu'on a grugé des pouvoirs qui sont les nôtres, ici à cette Assemblée. On a pris des pouvoirs de l'Assemblée nationale et contre notre volonté, contre notre gré, malgré une motion unanime, malgré les propos du ministre de l'Environnement, nous avons enlevé les pouvoirs à notre Assemblée nationale et sommes allés les transférer au gouvernement d'Ottawa.

M. le Président, nous sommes venus confirmer le statut du Québec comme étant une province comme les autres, sur le même pied que l'île-du-Prince-Édouard. M. le Président, deuxième recul du gouvernement Bourassa, d'un gouvernement qui, malgré toutes ses déclarations, qui avait dit que le processus de négociations était discrédité, qui avait dit qu'il n'était plus question de négocier à 11, qu'on négocierait face à face, le gouvernement du Québec, l'Assemblée nationale, avec le gouvernement fédéral. Nous sommes retournés, non pas à une négociation à 11, M. le Président, mais à une négociation à 17.

Troisième recul, M. le Président, du gouvernement Bourassa.

M. le Président, quatrième recul: l'exercice du droit à l'autodétermination des autochtones. Tout le monde ici peut comprendre la légitimité des revendications autochtones, mais sommes-nous prêts, nous, comme parlementaires, de prendre d'autres pouvoirs de cette Assemblée et les transférer entre les mains des juges qui ne sont pas élus par la population? Sommes-nous prêts à accepter, comme parlementaires, que, dans cinq ans, ce ne sera pas nous, les représentants de la population, nous, les membres de cette Assemblée nationale, mais bien des juges non élus qui détermineront le contenu et la portée des textes juridiques? Est-ce que nous sommes prêts à accepter cette situation de fait? Non, M. le Président! C'est le quatrième recul du gouvernement libéral.

M. le Président, cinquième recul du gouvernement libéral en matière linguistique et ça, je le dis, appuyé par d'éminents constitutionnalistes, appuyé par Léon Dion lui-même, qui invoquait la proposition fédérale et qui en disait qu'elle était encore pire que la situation actuelle, parce qu'on reconnaît dans cette entente, qui est similaire, finalement, à celle du 7 juillet, qui

avait été dénoncée par tout le gouvernement libéral. On reconnaît l'obligation du Québec de contribuer au développement et à l'épanouissement de la langue, de la culture de sa minorité anglophone. Concrètement, ce que ça veut dire, c'est qu'au nom de cette clause, des citoyens et citoyennes pourront s'adresser aux tribunaux pour, par exemple, faire invalider des pans importants de la loi 101, pour s'assurer peut-être que des immigrants puissent aller à l'école anglaise. C'est la concrétisation de ces textes qui sont proposés. Nous acceptons un libellé, le gouvernement libéral accepte un libellé directement inspiré du rapport Beaudoin-Dobbie, rapport que, pourtant, le ministre de la Justice, le premier ministre et tout le cabinet avaient unanimement rejeté. Bien de l'eau a coulé sous les ponts, M. le Président.

Tous ces reculs, et on n'a pas parlé du droit de veto... Un droit de veto politique, une lettre signée du ministre des Affaires constitutionnelles, l'honorable Joe Clark. Le gouvernement se contente d'un droit de veto politique résultant d'un engagement écrit du ministre Clark plutôt que d'obtenir un véritable droit de veto constitutionnel sur la création de nouvelles provinces, comme nous avions pourtant, auparavant, dans l'accord du lac Meech. Sixième recul, M. le Président, du gouvernement Bourassa.

Donc, M. le Président, recul après recul, pas un, pas deux, pas trois, six reculs, et nous, comme membres de cette Assemblée, devant ces faits, devant cette situation, qu'allons-nous dire à nos concitoyens? Qu'allons-nous dire à ces Québécois et Québécoises qui, comme je l'exprimais au début de mon intervention, se retrouvent, pour plusieurs, dans des situations fort difficiles? Qu'allons-nous leur dire? Nous allons leur dire, de façon très claire, que notre implication se fera, et nous le disons avec beaucoup de courage et avec beaucoup de fierté, contre ces offres. Elle se fera, cette campagne, de façon positive, je le souhaite. Elle se fera dans un contexte où les jeunes réussiront là où leurs aînés ont échoué, parce que cette campagne référendaire que nous amorcerons bientôt ne sera pas une réplique de la campagne de 1980. La campagne référendaire que nous amorcerons bientôt ne sera pas l'occasion pour des gens d'une autre génération de procéder à des règlements de compte.

Je vous promets que les jeunes seront unanimes à dénoncer cette entente parce que nous le ferons, Jacques Parizeau, le chef de l'Opposition, les membres de l'Opposition officielle le feront parce qu'ils sont conscients des responsabilités qu'ils ont à l'égard de l'avenir, parce qu'ils ont décidé non pas d'essayer de régler des querelles internes, comme c'est le cas des libéraux - on sait les nombreuses querelles qui les animent - non pas à essayer de régler à rabais, de régler à tout prix.

Ça ne sera pas ça notre point de vue.

Notre point de vue, ce sera de parler de l'avenir, de parler de la réalité des gens, de parler de l'avenir des jeunes qui, nombreux, viendront bientôt - et je les invite à venir manifester devant le parlement, à venir manifester, M. le Président, et c'est le 8, si je ne m'abuse, mardi prochain. Je les invite à venir nombreux ici, dire ce qu'ils pensent du gouvernement que nous avons en face de nous, parce que ces gens-là veulent progresser, veulent vivre dans un Québec moderne, un Québec dynamique, un Québec qui va leur permettre de s'affirmer un peu partout dans le monde, parce que ces gens veulent plus de pouvoirs pour assurer leur véritable développement, ces gens diront non à ces propositions qui, non seulement, confirment le statu quo, mais, en plus, s'érigent en véritables obstacles à leur développement. C'est ce que nous dirons. Nous le ferons, non pas en utilisant, comme le premier ministre l'a fait cet après-midi en Chambre, en utilisant des arguments de bas étage, nous le ferons en respectant les gens, en respectant le bon sens, en respectant la réalité et, surtout, en respectant la réalité historique du Québec. J'invite tous mes concitoyens, M. le Président, à faire comme moi et à s'opposer à ces offres. Je vous remercie. (20 h 10)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Gouin. Est-ce qu'il y a d'autres interventions? Alors, je vais permettre à M. le ministre de procéder à sa réplique. Vous avez droit à 20 minutes, M. le ministre.

M. Gil Rémillard (réplique)

M. Rémillard: M. le Président, je vous remercie. C'est la première journée où nous pouvons vraiment discuter de cette entente conclue à Charlottetown, avec des textes qui nous permettent donc de nous référer à ce qui a été entendu, décidé entre les premiers ministres à Charlottetown, la semaine dernière. Avant que ces textes ne soient déposés, on pouvait entendre toutes sortes de choses, toutes sortes de faussetés. Mais, maintenant que j'ai déposé ces textes à l'Assemblée nationale, on ne pourra plus dire ces faussetés. M. le Président, à plusieurs reprises, j'ai entendu des membres de l'Opposition, qui sont venus faire différents commentaires - c'est leur droit, je respecte leur option souverainiste; je ne la partage pas, mais je la respecte. Ils veulent la souveraineté du Québec, et c'est vrai que ce que nous avons négocié et obtenu dans cette entente, ce n'est pas la souveraineté du Québec, c'est un fédéralisme profondément renouvelé, un fédéralisme avec une approche qui nous permet de voir l'avenir avec confiance, parce que nous récupérons tout d'abord la sécurité que nous avions perdue par la perte des droits de veto. Nous avons les outils de développement culturel et économique dont nous avons tant besoin comme société, comme

peuple.

M. le Président, nous récupérons, oui, cette sécurité qui avait été perdue en 1981-1982, et j'entendais les intervenants de l'Opposition faire leurs commentaires. Personne n'a mentionné qu'on avait récupéré les droits de veto. Je n'ai entendu personne dire: Merci, bravo pour ce que vous avez fait. Au moins, on aurait mérité que vous nous remerciiez.

Une voix: Ce n'est pas à leur honneur.

M. Rémillard: Vous auriez pu nous dire: Vous êtes allés réparer les erreurs qu'on a faites en 1981-1982, droit de veto sur la société distincte que nous avons maintenant. Nous avons clairement établi dans la Constitution la société distincte. Québec comme société distincte, et non seulement le Québec comme société distincte mais, en plus, le rôle de l'Assemblée nationale de protéger et de promouvoir cette société distincte.

Je lisais, ce matin, dans les journaux, l'intervention de huit professeurs de droit, pour lesquels j'ai beaucoup de considération, peu importe leur option politique, beaucoup de considération et, pour certains, même beaucoup d'amitié, mais quand je regarde cet article et que dès les premières lignes où on commente la clause Canada, on se réfère au mot «engagement», alors que c'est exactement le contraire qu'on a utilisé, le mot «attachement», simplement pour mettre de la confusion...

Une voix: C'est l'inverse.

M. Rémillard: ...ou bien parce que, par inadvertance, on n'a pas utilisé le bon mot. Comment se fait-il que ces collègues, que je sais très méticuleux, aient pu faire une relation pareille? Ce que nous avons dans la clause Canada, nous allons le démontrer en commission parlementaire, dès mardi prochain, avec les experts qui viendront témoigner, quelques-uns des plus éminents juristes du Québec et du Canada, qui vont venir témoigner, et venir nous démontrer que la langue française, que la loi 101 n'a jamais été aussi bien protégée que par ce que nous avons obtenu par cette reconnaissance du Québec comme société distincte, par la reconnaissance de ce rôle de l'Assemblée nationale et du gouvernement de protéger et non seulement de protéger, mais de promouvoir cette société distincte. M. le Président, dans tout cet article, donc de ces professeurs de droit, pas un mot, pas un seul mot sur la clause «nonobstant». Pas un mot. Comment peut-on écrire un article sur la langue, la protection de la langue, sur la clause Canada et la société distincte sans mentionner une seule fois la clause «nonobstant» qui est garantie, qui est là, qui ne pourra jamais être changée sans l'accord du Québec?

M. le Président, encore ce soir, je sortais tout à l'heure de l'édifice parlementaire, et une dame m'a dit: M. Rémillard, c'est effrayant, on a perdu la clause «nonobstant». J'ai dit: Madame, au contraire, on a la garantie que cette clause va demeurer dans la Constitution, qu'elle ne pourra jamais être changée sans l'accord du Québec. Je ne crois pas que mes collègues, mes anciens collègues universitaires aient voulu cacher ce fait, aient voulu faire en sorte que les gens, finalement, pensent qu'on a laissé tomber la clause «nonobstant», que la clause «nonobstant» n'existe plus. Non, ils n'ont pas voulu ça, M. le Président. Ils ont sans doute oublié d'en parler, de cette clause «nonobstant».

Mais, M. le Président, quand on connaît l'importance d'avoir ces garanties, ces sécurités que nous avons pour l'avenir du peuple québécois, l'avenir de la société que nous sommes, on ne peut pas négliger ces sécurités que nous sommes allés chercher: société distincte et le rôle de protéger et de promouvoir qui nous est garanti. On ne pourra pas le changer sans qu'on soit d'accord. Qu'on vienne me dire le contraire. Qu'on vienne me dire le contraire. Clause «nonobstant». Quand le gouvernement doit l'utiliser, il l'utilise. On ne pourra pas toucher à cette clause «nonobstant» sans notre accord. Qu'on vienne me dire le contraire. Droit de veto sur le Sénat. Droit de veto sur la Chambre des communes avec cette garantie de 25 %.

M. le Président, j'entendais des commentaires disant: Wof! 25 %, voyons donc! Cette garantie de 25 %, on n'a pas besoin de ça. Présentement, on est à 25,3 %. On va passer à 27,6 % du nombre de députés à la Chambre des communes. Ça me fait penser à des gens qui disent: Moi, pas besoin de m'assurer, je ne passerai jamais au feu. Je ne m'assure pas, moi, pas de problème. M. le Président, c'est quand on passe au feu qu'on a besoin d'être assuré, et cette assurance pour l'avenir d'une société, d'un peuple comme le nôtre, c'est tellement important, puisque c'est à la Chambre des communes que tout se décide, que c'est la Chambre des communes qui va décider des lois fédérales. Le Sénat va jouer ce rôle de Chambre de la Fédération en quelque sorte avec des processus de suspension qui ramènent au niveau de la Chambre des communes, dans une réunion conjointe où le Sénat et la Chambre des communes ensemble vont avoir à voter. Mais c'est là que ça va se décider, et nous allons avoir 18 députés de plus avec ce droit de veto, donc sur ces 25 %. C'est drôle, je n'ai pas entendu un seul commentaire venant de l'Opposition qui nous dise ça.

Droit de veto sur l'entrée de nouvelles provinces. J'entendais tout à l'heure le dernier intervenant, le député de Gouin, je crois, qui disait: Même pas de droit de veto sur les nouvelles provinces. Mais c'est faux. Qu'il consulte les textes qui sont déposés. On ne laissera pas dire des faussetés. C'est directement inscrit dans l'entente que, dans la formule d'amendement, il ne pourra pas y avoir une autre province sans

l'accord du Québec. Au niveau du Sénat, il ne pourra pas y avoir une nouvelle province sans l'accord du Québec. Ce qui fait le coeur d'une constitution, M. le Président, c'est cette possibilité de la changer, de la faire évoluer, c'est la formule d'amendement; c'est la clé de voûte de la constitution, le contrôle. C'est nous qui l'avons, cette clé de voûte, M. le Président, et on vient nous dire qu'on n'a pas de veto sur l'entrée des nouvelles provinces? Au niveau du Sénat, avec nos 25 % en plus et, au niveau du Sénat, on a un contrôle parfait. Là aussi, droit de veto. (20 h 20)

M. le Président, il ne peut pas y avoir une nouvelle province, et au niveau du Sénat et au niveau de la formule d'amendement, sans l'accord du Québec. C'est ça qu'on a obtenu. Encore une fois, on a réparé les erreurs qui ont été faites par le gouvernement péquiste en 1981-1982.

J'entendais aussi des commentaires, tout à l'heure, disant - et ça a été le thème... C'est facile de voir un petit peu comment les choses évoluent en regardant leurs interventions, le thème: Pas un seul nouveau pouvoir. Tout le monde répétait la même phrase: Pas un seul nouveau pouvoir! Pas un seul nouveau pouvoir! M. le Président, quelle fausseté! Quelle fausseté! Huit compétences exclusives que nous avons: six dans des domaines, dans des secteurs qui sont tellement importants pour le Québec. M. le Président, dans ces six secteurs, que ce soit le tourisme, que ce soit le logement, les loisirs, les affaires municipales, les mines, les forêts, j'entendais des intervenants dire: Mais on les avait déjà. On les avait déjà, ces secteurs-là, c'était à nous. M. le Président, allez donc y comprendre quelque chose.

D'abord, qu'ils regardent donc la Constitution. Les mines, les forêts, oui, on peut les retrouver dans la Constitution. Les quatre autres ne se retrouvaient pas dans la Constitution. On pouvait bien prétendre que c'était à nous, mais le fédéral le prétendait aussi. Qu'on m'explique donc, du côté de l'Opposition, qu'on m'explique donc comment il se fait qu'en 1984 ils ont signé avec le gouvernement fédéral une entente de développement économique régional où ce tourisme, ces logements, ces loisirs, ces affaires municipales, la culture faisaient partie de ces ententes avec le gouvernement fédéral. Comment peuvent-ils venir prétendre maintenant que c'était notre juridiction, alors qu'ils ont même fait une entente avec le gouvernement fédéral pour pouvoir coordonner l'action du gouvernement fédéral dans ces domaines-là?

M. le Président, il y a une limite. Là, ça suffit. Il va falloir, quand même... On a nos textes qui sont là, on va s'y référer, et on va parler maintenant de ce qui a été négocié et de ce que nous avons obtenu. On va procéder, mot par mot, s'il le faut, mais il y aura une commission parlementaire qui va siéger mardi et jeudi prochains, avec nos experts. On va démontrer, sans l'ombre d'un doute, que le Québec, avec cette entente, obtient une sécurité qu'il n'a jamais eue dans 125 ans, que le Québec répare les erreurs faites par le gouvernement péquiste en 1981-1982 en particulier, et que le Québec obtient, avec cette entente, les outils de son développement: outils culturels, outils économiques, main-d'oeuvre.

J'entendais mon collègue, le ministre responsable de la Main-d'oeuvre, répondre aux questions de l'Opposition, cet après-midi. Mon collègue, qui a sa politique de main-d'oeuvre, qui met tellement d'énergie, et qui va pouvoir la mettre en application pour que nous puissions avoir la maîtrise d'oeuvre de cette ressource humaine qui sera la ressource du XXIe siècle, comme ma collègue des Affaires culturelles, qui aura la maîtrise d'oeuvre au niveau culturel. On vient nous dire... Je les entendais, un par derrière l'autre, qui venaient nous dire: Vous n'avez obtenu aucun nouveau pouvoir. Qu'on regarde, M. le Président. On n'a pas le droit de dire des choses pareilles. Les textes sont là. On va constater. Les Québécois ne sont pas dupes.

M. le Président, ce que nous avons comme entente est une base, une base solide, forte, une base de sécurité avec nos droits de veto, avec ces garanties que nous avons, une base de développement avec les outils que nous récupérons pour le Québec, le développement culturel, le développement économique. M. le Président, dans 125 ans de Fédération, jamais un gouvernement du Québec n'a réussi à conclure une telle entente. Jamais!

Des voix: Bravo!

M. Rémillard: M. le Président, à partir de mardi prochain, nous serons en commission parlementaire avec nos experts, et nous allons étudier mot à mot cette entente. En ce qui regarde la protection de la langue française, en ce qui regarde nos droits de veto, en ce qui regarde les institutions, Chambre des communes, Sénat, en ce qui regarde le partage des pouvoirs, on va étudier, M. le Président, mot à mot, ce que nous avons obtenu, ce que cette entente signifie. M. le Président, les Québécois vont comprendre très clairement que ce que nous avons comme entente pour renouveler le fédéralisme est quelque chose qui va nous permettre, comme société, comme peuple, de faire face aux défis de l'avenir, comme nous devons faire face avec confiance, avec détermination, et avec ce défi de l'excellence qui a toujours été au coeur de notre existence comme société, comme peuple québécois. Je vous remercie, M. le Président.

Une voix: Bravo!

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Est-ce que la motion...

Une voix: C'est un vrai Québécois.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que la motion proposant l'adoption du principe du projet de loi 44, Loi modifiant la Loi sur le processus de détermination de l'avenir politique et constitutionnel du Québec, est adoptée?

M. Bélisle: Vote enregistré, M. le Président, et nous demandons que le vote soit reporté après la période des questions, le mardi 8 septembre.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, vous demandez un vote enregistré et, en même temps, de reporter. Alors, le vote est reporté à mardi prochain. M. le leader adjoint du gouvernement.

M. Bélisle: Je fais motion, M. le Président, pour ajourner nos travaux au mardi 8 septembre 1992, à 14 heures.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Est-ce que cette motion est adoptée?

Une voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. Alors, les travaux de l'Assemblée nationale sont ajournés au mardi 8 septembre, à 14 heures.

(Fin de la séance à 20 h 28)

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