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(Neuf heures quarante minutes)
Affaires du jour Affaires prioritaires
Reprise du débat sur la proposition du
premier
ministre visant l'adoption d'une question
devant faire l'objet d'une consultation
populaire portant sur un nouveau
partenariat de nature constitutionnelle
et sur la motion d'amendement
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonne journée, M
mes et MM. les députés. Si vous voulez prendre place. Alors,
l'Assemblée reprend les débats sur la motion de M. le premier
ministre visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une
consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature
constitutionnelle et sur la motion d'amendement de M. le député
de D'Arcy-McGee.
Je vous informe qu'il y a 15 heures et 19 minutes
d'écoulées au débat, il reste 11 heures et 51 minutes au
groupe parlementaire formant le gouvernement, 7 heures à l'Opposition
officielle et 50 minutes aux indépendants. Sur ce, je reconnais M. le
député de Dubuc. M. le député de Dubuc, vous avez
la parole.
M. Gérard R. Morin
M. Morin: Alors, merci, M. le Président. La question qui
est devant cette Chambre et qui sera soumise à la population, le 26
octobre prochain, a le seul mérite, et je dis bien le seul
mérite, de permettre aux Québécois et aux
Québécoises de poser enfin un geste concret sur le plan
constitutionnel. Enfin, la balle est entre les mains du citoyen, et c'est
là un moment attendu depuis fort longtemps. En effet, ça fait
plus de deux ans que le citoyen, impatient, entend parler de Constitution, et
cela, à satiété. Il a vu passer devant lui une multitude
de commissions, autant à Québec qu'à Ottawa, à
l'allure sérieuse au départ, mais devenues loufoques devant cette
utopique recheche de consensus canadien et devenues ridicules a fortiori devant
le résultat obtenu. Il ne faut donc pas se surprendre ni se scandaliser
de cette lassitude qui s'est installée au sein de la population
québécoise au cours de la dernière année.
Pour ce qui est de la formulation de la question, tout le monde convient
ou presque qu'elle manque d'objectivité, qu'elle est biaisée,
voire même tendancieuse. Mais il n'y a pas de surprise. Il fallait s'y
attendre. Pourquoi se surprendre d'une question ainsi posée,
après avoir observé les agissements incohérents et
contradictoires des deux paliers de gouvernement et de leurs commissions au
cours des derniers mois? D'ailleurs, est-il nécessaire de rappeler que
la Constitution canadienne est une des rares constitutions parmi les pays
démocratiques à n'avoir jamais été
entérinée par les citoyens? Alors, pas surprenant d'avoir tant de
difficultés à l'amender.
Ceci dit, M. le Président, même si le présent
débat porte sur la question référendaire, il
m'apparaît plus utile de faire porter la réflexion sur la
réponse qu'il faudra donner le 26 octobre prochain. Évidemment,
le contenu du projet d'entente, même sans texte juridique, constituera la
pièce maîtresse du débat référendaire.
Toutefois, considérant que certains de mes collègues ont
abordé cet aspect abondamment, particulièrement le
président du Parti québécois et chef de l'Opposition
officielle, ainsi que le porte-parole en matière constitutionnelle, le
député de Lac-Saint-Jean, et considérant aussi la forte
possibilité que, devant des points de vue aussi divergents, la
population québécoise ne puisse, pour une bonne part,
réussir à se faire une idée précise, je tenterai
donc pendant les prochaines minutes d'analyser une autre dimension, soit celle
de l'esprit qui a animé le paysage politique du Canada et qui a
inspiré la pseudo-entente qui est devant nous.
Je vous proposerai donc, M. le Président, un petit test objectif
sur les faits marquants des dernières années. Cela devrait
permettre aux citoyens de porter un jugement sur la crédibilité
du gouvernement et, par le fait même, d'être en mesure de prendre
option en faveur ou contre l'entente intervenue. Allons-y de ce questionnaire
objectif sur la crédibilité.
Alors, M. le Président, on commence par le volet de la
négociation à 11 ou à 17. Mes questions seront objectives
et seront précédées par un petit préambule
descriptif. On commence par la question no 1. Le lendemain de l'échec de
Meech, le premier ministre a fait la promesse solennelle que plus jamais il ne
négocierait à 11, sous prétexte que cette formule ne
servirait qu'à desservir les intérêts du Québec. Au
mois d'août dernier, le premier ministre acceptait la formule de
négociation, cette fois, à 17. Ma question, M. le
Président: En considération de cet état de fait, avez-vous
l'impression que le premier ministre a respecté sa parole de juillet
1990? Bien sûr, M. le Président, je laisse les citoyens
répondre à cette question.
Concernant maintenant le Sénat. Devant des pressions de plus en
plus fortes de la part des provinces de l'Ouest et des Maritimes en faveur d'un
Sénat triple «e», le premier ministre du Québec s'est
engagé, à plusieurs reprises, à ne jamais accepter un
Sénat modifié qui diminuerait le poids politique du
Québec. On connaît les résultats: la représentation
du Québec est diminuée
de 25 à 10, contre une garantie de 25 % de représentation
aux Communes. Ma question, M. le Président: En fonction de ces
éléments, croyez-vous que le premier ministre a été
fidèle à ses engagements? À vous la réponse.
Maintenant, les autochtones. Depuis deux ans, les représentations
des peuples autochtones auront permis que leur autonomie leur soit garantie par
la Constitution. Le premier ministre et ses lieutenants ont
déclaré sans réserve et sans nuance que jamais le
gouvernement du Québec n'accepterait que les droits et pouvoirs
autochtones soient tranchés par les tribunaux. Le projet d'entente, tout
en établissant quelques paramètres, stipule que les
modalités seront tranchées par la Cour suprême si une
entente n'est pas intervenue d'ici cinq ans. Ma question aux citoyens, et
à vous, M. le Président: Devant ces faits sommairement
décrits, considérez-vous que le premier ministre a
respecté sa parole en donnant son aval au volet autochtone?
Une dernière question, celle-là sur la loi 150. À
la suite du dépôt du rapport de la commission
Bélanger-Campeau, l'Assemblée nationale, sous l'égide du
gouvernement libéral, adoptait la loi 150 qui prévoyait la tenue
d'un référendum sur la souveraineté du Québec. Il y
a quelques jours, cette loi était amendée pour faire en sorte que
le référendum porte sur les offres constitutionnelles. Ma
question, et celle-là comporte trois choix de réponse: Pour
laquelle des raisons suivantes le premier ministre a-t-il changé
d'idée et opté pour une question sur les offres plutôt que
sur la souveraineté? Est-ce parce que les offres rencontrent les
recommandations de la commission Bélanger-Campeau? Est-ce parce que les
offres équivalent aux conclusions du rapport Allaire? Ou, enfin: Est-ce
parce que la loi 150 n'était, en fait, que pure stratégie?
Voilà, M. le Président, le petit test objectif qui devrait aider
les Québécois et les Québécoises à cheminer
dans leur option référendaire.
Mais, avant de passer à un autre volet de mon intervention, je
désire vous soumettre un autre exemple qui illustre de façon
très nette jusqu'où peut aller la manipulation de l'opinion
publique. Je veux faire référence ici au fait qu'il y a environ
un an le premier ministre du Québec, avec toutes les astuces dont il est
capable, a réussi à faire croire à beaucoup de monde,
même à des journalistes chevronnés, qu'il serait celui qui
ferait la souveraineté du Québec.
Une voix: II n'a jamais dit ça.
M. Morin: Je ne dis pas qu'il l'a dit...
Une voix: Bien non!
M. Morin: ...je dis qu'il a réussi à le faire
croire. Je pense que le français comporte ses nuances. Lorsqu'un premier
ministre fédéraliste comme lui a réussi un tel exploit et
qu'aujour- d'hui il veut nous vendre une pseudo-entente qui ne lie aucune
province et qui n'est appuyée par aucun texte juridique, il faut se
méfier, il faut faire preuve d'une extrême prudence. Et,
croyez-moi, M. le Président, la prudence est loin d'être du
côté du oui, comme voudrait bien nous le faire croire le premier
ministre. Au contraire, voter en faveur de l'entente équivaudrait
à plonger dans un lac sans vérifier la profondeur de l'eau, et
peu importe qu'il s'agisse du lac Meech ou Harrington. Tout compte fait, M. le
Président, accepter ces offres comporte trop de risques, et c'est
pourquoi je suis confiant que les hommes et les femmes du Québec, par
souci pour l'avenir de leurs enfants, feront preuve de prudence et diront
franchement non. (9 h 50)
Evidemment, ces arguments ne suffiront certainement pas à
convaincre tout le monde. J'inviterai tous ceux et celles qui demeurent encore
indécis à peser toute la signification des défections au
sein du Parti libéral. Bien sûr, le nombre de libéraux
dissidents n'est pas très élevé et, d'ailleurs, les
interventions du premier ministre et de ses principaux lieutenants ne se sont
pas fait attendre pour tenter de marginaliser, pour ne pas dire ridiculiser
cette défection. Je suggère donc que l'on s'arrête un peu
sur cette dissension qui m'apparatt très révélatrice de
l'échec des négociations, et cela, en regard de la qualité
des dissidents et du courage de ces mêmes dissidents. Lorsqu'on parle de
Jean Allaire, libéral de carrière et président du
comité constitutionnel de son parti, du président de la jeunesse
libérale, Mario Dumont, et du député de Drummond, M.
St-Roch, il ne s'agit pas là d'opportunistes, n'est-ce pas? Et,
connaissant l'attachement notoire et la fidélité traditionnelle
des libéraux envers leur parti, ces dissensions, bien que minimes en
nombre, doivent être considérées comme très
significatives de l'expression courageuse de l'insatisfaction, plus importante
qu'on ne voudrait le laisser paraître, des fédéralistes
libéraux. Je crois sincèrement qu'il y a, sur cet aspect,
matière à réflexion pour les indécis.
Enfin, M. le Président, je voudrais vous faire part de ma plus
profonde frustration et désillusion face à tout ce débat
constitutionnel, particulièrement en ce qui touche la notion de la
société distincte. Je ne comprends vraiment pas comment, en tant
que Québécois, on puisse se laisser entraîner dans cette
dynamique pour se faire reconnaître Canadien distinct. N'y a-t-il pas
pire façon de négocier notre dignité que celle de
quémander la reconnaissance de ce qui nous différencie,
plutôt que d'exiger le respect de notre propre identité? Il s'agit
là d'un comportement qu'il faut dénoncer pour nous faire prendre
conscience que la philosophie qui inspire cette approche en est une de
colonisés, de fidèles sujets de Sa Majesté, de porteurs
d'eau. Toute cette négociation entourant la société
distincte est une approche dévalorisante qui se résume
à ceci: dites-moi que je suis différent et je m'engage à
devenir comme les autres.
En conclusion, M. le Président, je voudrais inviter les
Québécois et les Québécoises à rejeter cette
pseudo-entente qui cache les pires supercheries et qui, contrairement à
ce qu'on veut nous faire croire, ne fera qu'institutionnaliser les chicanes
dites administratives. Donc, à ceux qui seraient tentés de voter
oui par écoeurement, je leur dis que ce serait fuir leurs
responsabilités devant une entente qui va même accentuer les
chevauchements de compétences, les chicanes administratives et les
conflits de nature constitutionnelle.
Par contre, je sais, oui, je sais que, parmi les tenants du non, on
trouvera des souverainistes inconditionnels, des partisans d'un Québec
souverain assorti de liens économiques avec le Canada et aussi des
fédéralistes qui aspirent à une Constitution
profondément renouvelée dans le sens des attentes
exprimées par la commission Bélanger-Campeau. Je crois
sincèrement que ces tenants du non y trouveront leur compte, car le
rejet de cette pseudo-entente permettra aux fédéralistes de se
remettre à la tâche avec plus de colonne vertébrale que ce
que le premier ministre a démontré jusqu'à maintenant et,
d'autre part, aux souverainistes d'offrir aux Québécois une autre
opportunité de se donner un pays, pays qui assurera notre
développement social, culturel et économique non pas en rapport
avec ce qui nous différencie des autres, mais bien en fonction de notre
identité propre, soit celle du peuple québécois.
C'est donc dans cet esprit, M. le Président, que je vais
adhérer, le moment venu, au comité référendaire du
non et c'est avec toute l'ouverture d'esprit dont je suis capable que j'invite
les citoyens du comté de Dubuc, de quelque allégeance politique
qu'ils soient, à venir me rejoindre pour militer en faveur du rejet des
offres constitutionnelles. Merci, M. le Président, de votre bonne
attention.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Dubuc, de votre intervention. Alors, nous poursuivons
le débat sur la question référendaire et je reconnais M.
l'adjoint parlementaire du premier ministre et député d'Orford.
M. le député, la parole est à vous.
Des voix: Bravo!
M. Robert Benoit
M. Benoit: M. le Président, j'écoutais les gens de
l'Opposition, depuis quelques jours. Quel désarroi! Quel désarroi
chez ces gens-là! Depuis des mois, ils nous ont dit: II n'y aura pas
d'offres. C'est bien sûr: il n'y aura pas d'offres. Ils ont
véhiculé ça à la grandeur du Québec, puis,
soudainement... Nous, on n'est pas si surpris que ça. On sait qu'on est
des alliés du reste du Canada. On sait qu'on négocie avec le
reste du Canada. On a des offres, des bonnes offres, des offres acceptables qui
vont indiquer une stabilité.
Ensuite, ils se sont promenés à travers le Québec,
dans mon comté, ailleurs, partout, pour dire: II n'y aura pas de
référendum. C'est évident qu'il n'y aura pas de
référendum. Eh bien, il y a un référendum. Ensuite,
ils ont dit: C'est bien sûr que ce ne sera pas le 26 octobre. Ils vont
amender la loi. Jamais il n'y aura un référendum le 26. Puis, le
26 octobre, il va y avoir un référendum au Québec, puis
les citoyens du Québec sont invités à y participer. Puis,
ensuite, ils ont dit: Le PLQ va se déchirer. Ça va être
épouvantable. Ça va être un carnage. M. le
Président, il n'y a pas eu une seule carte de membre de
déchirée au Parti libéral, pas plus qu'après la loi
178, d'ailleurs. Les gens du Parti libéral discutent, ont des opinions.
Ce sont des gens réfléchis, libres, mais qui, ultimement, veulent
demeurer membres de cette formation politique. Ils finissaient en disant, dans
leurs discours: Le Canada ne va jamais s'entendre ou, s'ils s'entendent, ils
vont s'entendre contre le Québec. Bien, ce n'est pas ça qui est
arrivé. Le Canada s'est entendu, puis il s'est entendu avec le
Québec.
M. le Président, en démocratie, j'ai été
élu pour représenter des gens. Je représente 41 000
électeurs, 59 000 résidents du comté d'Orford. Ces
gens-là ont, bien entendu, des problèmes. Ils sont à la
recherche constante de solutions. Ils ont des ambitions autant individuelles
que collectives. L'emploi demeure, chez ces gens-là,
indéniablement, comme ailleurs au Québec, comme ailleurs au
Canada, en Amérique et à travers le monde en ce moment, à
cause d'une crise économique, la priorité no 1, M. le
Président.
Chez nous, comme ailleurs au Québec, il y a trois grandes
industries: l'agriculture, le textile et le tourisme. Et, M. le
Président, quand on parle d'emplois, quand on parle d'économie,
on parle d'union économique très forte et, plus ces unions
économiques sont fortes, plus on a de chances, avec nos voisins, avec
nos alliés, avec nos amis, de faire des choses. Une union
économique renforcée par une union politique, c'est ça
qu'est le Canada. C'est ce que l'Europe essaie de faire en ce moment.
Alors, j'ai eu l'occasion, sur les trois commissions constitutionnelles
qui ont siégé depuis deux ans, trois ans finalement, de
participer. J'ai eu l'honneur de représenter là-bas les gens de
mon comté et ça m'a donné l'occasion de poser des
questions sur ces deux industries qui d'une façon particulière
sont chez nous: le textile et l'agriculture. On a fait venir des experts, des
gens objectifs, et on leur a demandé: Dans ces industries-là,
qu'est-ce qui arriverait s'il y avait une souveraineté? Qu'est-ce qui
arrive avec les barrières tarifaires? Quelles seraient les
conséquences sur ces industries-là?
Dans le cas du textile, nous avons fait venir l'autorité des
autorités, un M. André Côté, un gars qui est
apolitique, qui est le président d'une compagnie, de Stradeco. Il a
été le vice-président, développement commercial et
stratégique, de Dominion Textile pendant des années. Et on lui a
posé des questions: Qu'arrivera-t-il, advenant la souveraineté,
de l'industrie du textile? Chez nous, dans la région de l'Estrie, il y a
une quantité incroyable de gens qui travaillent dans cette
industrie-là. Ce qu'il nous a dit? Écoutez, l'industrie du
textile, c'est une industrie qui est complexe et compliquée. C'est une
industrie qui n'est pas en croissance, mais, quelque chose de sûr, la
souveraineté n'aiderait pas sa cause. Ce qu'il nous a expliqué,
c'est que, par exemple, chez nous, on fait des édredons. Il a dit:
Écoutez, le lin, d'abord, on le tisse dans votre comté; ensuite,
on le prend, ce lin-là, et on l'envoie en Ontario se faire coudre; on le
reprend et on l'envoie dans une autre province se faire imprimer; on le reprend
et on le ramène dans votre comté où on l'assemble,
où on l'emballe et, éventuellement, on le
redéménage dans une autre province pour l'étiqueter et le
«marketer». C'est ça, l'industrie du textile, une industrie
qui s'est spécialisée dans chacun de leurs édifices. Et ce
qui arriverait à partir du moment où le Québec serait
souverain? Il y aurait des barrières tarifaires à chaque fois que
ces produits entreraient et sortiraient, complications et, probablement,
indéniablement, en cours de ligne, baisse des profits, pertes d'emplois.
(10 heures)
Après ça, M. le Président, on a fait venir des gens
de l'industrie du lait. On aurait pu faire venir le président de l'UPA
qui nous aurait dit qu'il n'y en a pas de problème, qu'on va
échanger du lait contre du boeuf. C'est ça qu'il dit à la
grandeur du Québec. Mais on sait tous qu'il est un convaincu
souverainiste et je pense qu'il n'en voit pas clair. Alors, on a fait venir des
gens de Toronto, des gens d'une compagnie qui s'appelait Informetrica, mais,
avant qu'ils ne viennent, il y avait des gens de SECOR, il y avait Robert
Saint-Louis qui nous avait dit: Attention! Attention aux 20 000 producteurs
dans le lait; il y a des conséquences à la souveraineté.
Ce qui nous a convaincus, c'est que la très grande partie du lait du
Québec est exportée à l'extérieur du Québec
et, plus que ça, tout le régime des quotas, chez les agriculteurs
est un régime pancanadien et les autres provinces, demain matin,
advenant la souveraineté, auraient tout avantage à créer
leur propre régime de quotas et, dans certaines provinces, probablement
à importer du lait américain à meilleur prix. C'est
ça qu'on nous a dit, M. le Président. On ne nous a pas dit:
Ça va être facile d'exporter du lait et d'importer du boeuf. Ce
n'est pas comme ça que ça marche. Il n'y a pas d'industrie. La
Russie s'est essayée, un bon jour, d'échanger des services contre
de la vodka, et ça n'a pas marché très bien, M. le
Président. En économie, c'est des théories qui ne se
tiennent pas, l'échange de biens contre d'autres biens. C'est
l'échange de biens contre des dollars. Et les gens qui essaieront de
nous berner, qui essaieront de berner les 20 000 producteurs de lait au
Québec, qu'on échangera du lait contre du boeuf, ça ne
tient pas et ça ne tiendra pas.
M. le Président, le premier ministre du Québec, dans son
discours mercredi, après la question, nous disait: On a obtenu dans
cette entente du 28 août des mesures de sécurité pour le
Québec, des mesures de développement, de même que la
protection de l'avenir du Québec. Le premier ministre continuait en
disant: Nous allons chercher une sécurité additionnelle, nous
allons chercher des garanties pour un meilleur fonctionnement du marché
commun.
M. le Président, on est dans un marché commun au Canada.
On est un marché commun intégré. Des gens, avant nous, ont
essayé ou essaient d'arriver à ce que nous avons
déjà. Je vous parle de l'Europe pour un instant, M. le
Président. En Europe, 12 pays, 350 000 000 de gens qui essaient, eux, de
faire ce que nous avons déjà au Canada. On dit même en
Europe qu'on montera éventuellement, avec l'Europe du Nord, à 30
pays, 500 000 000 d'individus. La géographie économique, plus que
jamais, a son importance. Ces intégrations économiques et
politiques, plus que jamais, ont leur importance. En Europe, non seulement on
parle de la Communauté économique européenne, non
seulement on parie d'un Parlement européen maintenant, mais on parle
d'une fédération des pays européens, ce que nous avons
déjà. Et pourquoi voulons-nous faire ça en Europe? Parce
que nous voulons intégrer toute l'économie. Nous voulons
éviter maintenant les douanes pour les autos. Déjà, les
autos, les individus, les camions passent dans ces 12 pays sans aucune forme de
douane. On reconnaîtra le certificat du gradué universitaire de
l'Université de Paris en Grèce sans aucune forme d'examen quand
il arrivera en Grèce. On reconnaîtra le même écu, le
même dollar en l'an 2000 entre ces 12 pays qui seront probablement,
à cette époque, plus d'une trentaine de pays. On
reconnaîtra un même dollar et pour le reconnaître, ce dollar,
on ira jusqu'à obliger certains pays à contrôler leur
déficit, tels que la Belgique, en ce moment, qui a un déficit
trop élevé. On les obligera, les autres pays les obligeront
à contrôler leur déficit. Ça c'est de
l'intégration économique, M. le Président, et c'est
ça qu'on a au Québec, c'est ça qu'on a au Canada, c'est ce
que l'Europe veut essayer d'avoir et c'est ce qu'ils essaient de faire,
finalement.
M. le Président, nous allons chercher dans cette entente des
mesures de sécurité et de développement. En même
temps, nous protégeons l'avenir du Québec et du Canada, et tous
les droits du Québec sont respectés plus que jamais.
Dans plusieurs cas, nous confirmerons et renforcerons les pouvoirs du
Québec.
Je finis, M. le Président, en vous disant: Je m'efforcerai, avec
les concitoyens du comté d'Orford, d'ici le 26 octobre, de bâtir
le Québec sans détruire le Canada. Le 26 octobre, avec une
majorité de gens dans le comté d'Orford, nous nous
lèverons tôt et nous irons voter pour le oui. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le
député d'orford. alors, nous poursuivons le débat sur la
question référendaire proposée par m. le premier ministre,
et je reconnais m. le ministre des transports. m. le ministre.
M. Sam L. Elkas
M. Elkas: Merci, M. le Président. Je suis fier de prendre
la parole aujourd'hui en tant que ministre des Transports du Québec et
aussi comme député du comté de Robert-Baldwin. C'est
également comme citoyen du Québec que je devrai bientôt
exercer mon droit de vote sur une question qui déterminera l'avenir de
notre province et que je m'exprime.
John Stuart Mill, in his essay «On Liberty», once argued
that suppression of opinion was wrong, because it is only by «the
collision of adverse opinions that truth is discovered or confirmed».
This rationale for freedom of expression, this marketplace of ideas, which
extends to all branches of human knowledge, became the basis of all democratic
societies, and is entrenched in the Canadian Charter of Human Rights.
When my family immigrated to Canada, they did so knowing that they were
fortunate enough to be warmly welcomed, and would be able to discover and love
a new and better world. The doors would be open to unlimited opportunities.
This is what they believed... and they were not disappointed. These very
important values were ingrained in the upbringing of our family as first
generation Canadians. My brothers and sisters were given the opportunity to
flourish. We grew up knowing that the tools necessary to succeed were at our
disposal, that we could achieve anything we wanted to in this country. We
thrived in an environment free of conflict. We were offered a top-notch
education, participated in a variety of sport and cultural activities, and
never forgot our heritage.
More importantly, I say to you today that my wife and I would not have
brought up my two sons and daughter in any other way. The world is changing in
many ways, but we are fortunate enough to live in a united country with a
superior quality of life. It is through collective efforts that we reap the
most benefits. But if our strength is indeed in numbers, if the truth that
still rings in the voices of our ancestors, the ancestors of all of us sitting
here in the National Assembly today, is still valid, then, we have to work for,
and believe in a united country, a united Canada.
Québec has always been an integral part, an important part of
Canada. I was born a Que-becker, my wife and children are Quebeckers, and I am
very, very proud of this. We have been given a unique and a very distinct
opportunity to grow up in a province that offered our ancestors, and that
offers our children a chance to learn two languages, and acquire two cultures.
Those of us that are fortunate enough to acknowledge and appreciate this fact
are all the more enriched today.
M. le Président, nous, les Québécois et les
Québécoises allons faire face à un choix. Oui, nous devons
faire face à un choix qui sera d'une importance primordiale pour
l'avenir du Québec. Notre choix est soit pour l'option canadienne ou
soit pour une souveraineté très incertaine. In orther words,
should Québec be part of Canada or not? Il me semble que le choix est
très évident. Notre choix, M. le Président, reposera sur
une entente constitutionnelle négociée par un gouvernement
responsable, ayant la vision d'une province forte et solide à
l'intérieur d'un Canada uni. Notre expérience et notre grande
sagesse nous ont permis d'aller chercher plusieurs pouvoirs nous permettant de
prendre les bonnes décisions pour l'avenir du Québec.
Mr. President, the constitutional agreement that was successfully
negotiated by our Government is backed up with a solid package that will grant
us more rights and create strong bases upon which to build. Je le
répète, M. le Président, le choix me semble très
évident. Ce choix nous est encore plus facile quand nous regardons le
progrès que le Québec a fait comme membre de la
Fédération canadienne. Nous sommes devenus une
société moderne, juste et développée. Nous avons
travaillé avec fierté afin de bâtir un Québec avec
des bases solides, un Québec qui est devenu un leader parmi les autres
provinces de ce pays. (10 h 10)
Comme membre à part entière de la Fédération
canadienne, le Québec peut être fier de nos programmes sociaux qui
sont parmi les plus avancés au monde. Le Québec s'est
donné un ensemble complet de mesures et de protections sociales:
allocations familiales, gratuité des services de santé,
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,
régime de pension et de retraite, assurance-hospitalisation,
gratuité des services juridiques, promotion de l'égalité
des sexes, gratuité du système d'éducation, protection des
consommateurs, assurance-chômage, aide sociale et sécurité
du revenu, etc. Voilà, M. le Président, les privilèges que
nous avons obtenus en tant que membres de la Fédération
canadienne.
Quebec's economic strategy has developed at a rate equal to the best in
the world. We
have also done this, Mr. President, as an integral part of the Canadian
Federation. Based on our strength, we have built a constructive, productive and
competitive economy that ranks among the best in the world. Our economy has
been structured through a collective effort by many major corporations, small
and medium businesses, financial institutions and other infrastructures within
our marketplace. Our labour-management relations have been fine-tuned, and our
entrepreneurial spirit has flourished. Mr. President, Quebec's economy has a
quality that is razor-sharp. This economic leadership is a direct result of our
equal partnership in the Canadian Federation.
M. le Président, le Québec est une province unique, avec
deux langues et une culture digne de fierté. Notre participation dans
les domaines artistique et culturel ne fait qu'augmenter la richesse collective
dans notre pays. Notre participation à la francophonie internationale
est reçue avec admiration et respect. Cela a été possible
tout en étant membre à part entière de la
Fédération canadienne.
Québec has proved, beyond a reasonable doubt, that what we have
acquired as an integral part of Canadian Federation, these assets that are both
beneficial to our province, as well as our country, have enabled us to create a
modern, honest and just society whose French language and culture has proved
beneficial to all Canadians. Québec, of course, is certainly a province
to be very, very proud of.
But a province worthy of so much pride is not one that can or should be
easily unsettled. However it is this chipping away at our solid base by
so-called sovereignists with absolutely no vision of the future, weakens our
foundation. Those who wish to profess uncertainty are those who are
fundamentally afraid of progress. The path that these sovereignists choose to
follow is one that is misleading and has no direction. The path that we follow,
Mr. President, is the one that leads to progress. The direction has been
carefully laid out and well thought out. There is the direction that is
advantageous to all. The August 28th Constitutional Agreement has all the
substance of Meech and much more.
M. le Président, l'entente constitutionnelle du 28 août
1992 reprend les éléments fondamentaux du lac Meech. Les cinq
conditions incluses dans l'entente du lac Meech sont maintenant
confirmées et acquises. M. le Président, le Québec est
reconnu comme une société distincte et unique au Canada. Cette
reconnaissance fera partie de la Constitution canadienne, nous permettra
d'assumer le rôle de protéger et de promouvoir cette
société distincte au sein du Canada. Et ça, c'est un
acquis. Le Québec devient responsable de la sélection et de
l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des
immigrants au Québec. Et je crois très fortement que le
contrôle de l'im- migration est la clé de la
sécurité culturelle du Québec. Maintenant, ce pouvoir nous
sera accordé dans la Constitution canadienne.
The integration of immigrants in French Québec is of utmost
importance to both the province, as well as the Canadian Federation. We are
here today because of the role Québec, as a member of Canada, has played
in immigration. Our country is not lacking in space. There is certainly plenty
of room to welcome these people in Quebec's society. Immigration is fundamental
to the continued growth and development of the province, and the presence of
these people in our everyday lives is very, very enriching. With our birth rate
declining at an alarming rate, it is essential that we create a harmonious and
positive atmosphere in Québec: one in which those who choose to live
here may integrate in French society with the utmost confidence. These people
will play an instrumental role in the further development of our economy and
will help increase the productivity level in our work force.
Le Québec a le pouvoir de retrait de tout nouveau programme
fédéral cofinancé par les provinces et obtiendra la
compensation financière qui lui revient. Ce pouvoir fera aussi partie de
la Constitution canadienne, et je suis convaincu que ce nouveau pouvoir de
choisir nous permettra de vivre dans un fédéralisme
renouvelé.
Les politiques décisionnelles concernant les pouvoirs de
dépenser trouveront leur juste place. Cette politique de partage des
responsabilités dans les pouvoirs de dépenser se fera sur une
base plus sectorielle, et les décisions seront prises plus proche de
ceux qui vont en profiter. Un juste partage décisionnel entre le
fédéral, le provincial et les municipalités s'imposait.
Nous pouvons finalement établir nos priorités selon nos
connaissances et le faire de façon claire et concise.
Le Québec aura un droit de veto sur toute nouvelle modification
de la Cour suprême. Il ne pourra jamais y avoir un changement à la
Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec, en ce qui
concerne son existence et ses pouvoirs. Sur un total de neuf juges, nous avons
obtenu la garantie de trois juges, parmi eux, qui viendront de la province de
Québec. Avec la nouvelle importance des Chartes des droits, il
était primordial d'avoir le contrôle et un droit de regard sur la
Cour suprême. Avec le statut de plus haut tribunal de notre pays, la Cour
suprême établit les règles jurisprudentielles qui nous
permettront de sauvegarder les droits et libertés fondamentales pour
notre province et notre pays. Les juges québécois et
québécoises feront le tiers du total des juges sur le banc et
nous représenteront avec justesse et équité.
Le Québec aura un droit de veto sur toute nouvelle modification
de ces trois institutions centrales de la Fédération canadienne.
Comme partenaires majeurs dans une fédération cana-
dienne, le droit de veto que nous avons gagné nous permettra de
refuser tout changement aux institutions canadiennes fait sans l'accord du
Québec.
Les droits et les pouvoirs du Québec seront aussi
sauvegardés dans leur exercice législatif au niveau provincial.
Cette protection nous permettra de nous opposer à toute tentative de
diminution de pouvoirs de son Assemblée nationale. Nous avons la
garantie absolue que les pouvoirs constitutionnels du Québec, que notre
héritage ainsi que les instruments essentiels à notre
développement seront intouchables et protégés.
Cette entente confirmée, et même accrue, nous laissera le
pouvoir de jouir d'une influence considérable au sein des institutions
canadiennes. Nous avons juste à regarder les pouvoirs additionnels
acquis dans notre représentativité à la Chambre des
communes, le noyau du pouvoir décisionnel fédéral. De
plus, le nombre total des députés fédéraux et
sénateurs siégeant ensemble sera proportionnel à la
population au sein du Canada. Les sénateurs francophones auront un droit
de veto absolu au Sénat égal contre toute mesure qui affecte les
droits de la langue et de la culture françaises. Voilà, M. le
Président, les résultats positifs des négociations
fructueuses de notre gouvernement.
Le Parti québécois parle beaucoup de la
souveraineté-association mais ne dit rien. Où est son plan? C'est
quoi, ses intentions face à la responsabilité conjointe entre les
deux niveaux de gouvernement? Les réponses ne sont pas là, M. le
Président. Mais, comme gouvernement responsable, nous avons la
priorité de respecter et de sauvegarder nos droits acquis. Une partie de
cette responsabilité est liée à notre partage de
compétences avec le gouvernement fédéral, notamment dans
le domaine des transports. (10 h 20)
The Federal Government is the owner of many infrastructures integrated
in the Québec transport industry, not only in Québec, elsewhere
in Canada. The major airports, wharfs and several bridges are owned and
operated by the Federal Department of Transport. They pour millions of dollars
per year into the Québec transport industry. This money, of course, is
used for the maintenance and repairs of these infrastructures, as well as
towards the development of new projects. And who benefits? Québec
society. Mr. President, I believe that the cost in assuming the complete
responsibilities of these infrastructures would be much, much too high. The
aswer is and remains yes to a renewed federalism, yes to a Québec within
a united Canada.
A resounding yes must be heard from all Quebeckers. We must remain
united and stand by our province and our country. This renewed federalism is
the answer to the safekeeping of Québec and to the development of our
pluralistic society. With an important anglophone com- munity, diverse cultural
communities and native communities, we must work together to build a
Québec that we will all be proud of and honoured to live in. We must all
take part in the advancement of this country.
The Constitutional agreement of August 28th will not be an easy sell,
but I believe it effectively addresses the concerns of all Quebeckers. This
package is an excellent compromise that I believe we should all be able to live
with. It gives a place to the concerns of the provinces and recognizes the
regional differences that make this country of ours unique. It makes place for
the aboriginal people and recognizes their contribution to the birth and growth
of the land we have shared for the last several hundred years. And,
interestingly enough, Mr. President, it recognizes the two founding linguistic
groups and their role in the development of this country. The Canada clause
clearly enunciates the commitment of our governments to protect the development
of our minority rights. I believe that this is a significant step and it
provides the English-speaking community in Québec all the tools to
insure its development.
I know that my views are not shared by all. I see the concerns, when I
talk like this, by the members of the Opposition. I realize that some of them
have some form of hatred towards others, which is really unfortunate. There are
those, also, who feel that this article threatens Bill 101 and the survival of
the francophone majority. Then there are, of course, those, on the other side,
who argue that the clause does not go far enough. The truth, obviously, lies
somewhere in beetween.
Let me, Mr. President, take this opportunity to issue a word of caution.
The referendum debate will undoubtedly spark some animosity and acrimony on
both sides. Inflammatory statements and speculations as to the potential legal
uses of the new clause will serve to heighten distrust. If I could make one
plea, it would be to work hard in the next few weeks for your convictions and
to do so in a climate of mutual respect.
It is with this pride that I add my voice to this historic debate. And
it is with pride and devotion that I continue to work hard so that I may turn
to a true national heritage, turn it over to my offspring. Mr. President, I
thank you very much for this opportunity.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre
des Transports et député de Robert-Baldwin. Alors, nous
poursuivons le débat sur la question référendaire, et je
cède la parole à M. le vice-président de la commission des
institutions et député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue. M.
le député, la parole est à vous.
M. Rémy Trudel M. Trudel: Merci, M. le Président.
Nous
avons appris hier, le 9 septembre 1992, avec effarement, de la bouche
même du ministre de la Santé et des Services sociaux, que le
Québec, aux discussions constitutionnelles du mois d'août 1992,
avait abandonné une revendication essentielle du Québec en
matière de santé et services sociaux, après 82
années de revendications. Le ministre de la Santé et des Services
sociaux déclarait hier, ici à l'Assemblée nationale, que,
non, à la conférence des premiers ministres, là où
notre premier ministre, M. Bourassa, était présent avec 16 autres
intervenants, 10 des provinces, d'autres des territoires et d'autres des
communautés autochtones, non le premier ministre du Québec n'a
pas, n'a jamais réclamé l'exclusivité en matière de
santé et de services sociaux pour le Québec.
M. le Président, c'est proprement renversant, c'était la
fin de 82 années de revendications traditionnelles du Québec,
depuis 1920, et c'était laisser aller le contrôle où
l'espoir de contrôler au moins 6 000 000 000 $ d'argent, 6 000 000 000 $
de dépenses que nous effectuons au Québec, en matière de
santé et de services sociaux.
M. le Président, dès 1920, Alexandre Taschereau - c'est
pour bien faire voir la dimension historique de ce combat en matière de
santé et de services sociaux que je veux le rappeler... Si, en 1867, M.
le Président, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique
spécifiait clairement que le secteur de la santé et des services
sociaux relève de la compétence exclusive du Québec, en
écrivant à l'article 92, paragraphe 7, que
«rétablissement, l'entretien et l'administration des
hôpitaux, asiles, institutions et hospices de charité dans la
province, autres que les hôpitaux de marine, relèvent du
Québec», dès ce moment-là, le gouvernement
fédéral a quand même commencé à
dépenser de l'argent dont, grosso modo, 25 % des recettes proviennent du
Québec dans le secteur de la santé et des services sociaux. C'est
pourquoi, dès 1920, Alexandre Taschereau réclamait le
rapatriement, l'exclusivité du Québec en matière de
santé et de services sociaux.
Et l'invasion du gouvernement fédéral dans les secteurs de
la santé et des services sociaux repose essentiellement sur son pouvoir
de dépenser nos impôts et sa propension, par ailleurs, à
laisser gonfler le déficit fédéral hors des proportions.
Dans ce sens-là, M. le Président, toute la question du pouvoir de
dépenser du gouvernement fédéral était une question
cruciale, essentielle, dans les discussions constitutionnelles. On a amplement
démontré, depuis le début de ce débat et depuis que
s'est terminée la conférence des premiers ministres de
Charlottetown, on a bien démontré que nous avons, sur ce plan
aussi, au Québec, de la part du gouvernement, abandonné,
abdiqué, nous avons laissé le gouvernement fédéral
agir à sa guise.
Donc, M. le Président, malgré la clarté de
l'article 91 de la Constitution, Ottawa n'a pas su résister bien
longtemps à pénétrer le champ de la santé et des
services sociaux. Dès 1919, le gouvernement fédéral
commençait à offrir des subventions dans ces secteurs. Cette
même année, le ministère de la Santé
fédéral était créé et la dynamique
centralisatrice était commencée.
M. le Président, dès 1919, le gouvernement
fédéral, malgré la disposition de l'article 92, paragraphe
7, de 1867, créait un ministère de la Santé pour envahir
ce champ qui était réservé, dans la Constitution, aux
provinces. Prélevant des impôts au détriment de l'assiette
fiscale québécoise, Ottawa met donc sur pied de vastes programmes
cofinancés et devient un acteur majeur dans le secteur de la
santé et des services sociaux. C'est ainsi qu'on verra naître les
programmes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-santé,
cofinancés par le gouvernement fédéral, avec de l'argent
des Québécois, mais contrôlé - on le verra plus
tard, en 1984 - par des normes fédérales.
L'envahissement est tel que, en 1977-1978, 45 % des dépenses de
santé au Québec, financées, ne l'oublions pas, par les
contribuables québécois, doivent d'abord transiter par Ottawa.
C'est là que l'inévitable devait arriver et se produisit. C'est
fort de sa contribution importante en matière de dépenses en
santé et services sociaux qu'Ottawa vote, en 1984, la loi C-3 qui fixe
les normes auxquelles les systèmes de santé et de services
sociaux dans les provinces doivent être soumises, doivent avoir un
certain nombre d'obligations pour en arriver à toucher les programmes
financiers de transferts du gouvernement fédéral. (10 h 30)
M. le Président, témoin de l'ampleur de
l'empiétement fédéral, le ministère de la
Santé et des Services sociaux du Canada emploie 1115 personnes, et la
seule administration du ministère fédéral de la
santé coûte 80 000 000 $ par année. Vous avez bien entendu,
tout le monde, à chaque année, la responsabilité exclusive
de la santé, occupée par le gouvernement fédéral,
ça se fait avec 80 000 000 $ que l'on dépense à chaque
année. En plus des dépenses des quelque 1000 fonctionnaires et 75
000 000 $ qu'on dépense au Québec à cette fin, le
gouvernement fédéral en dépense 80 000 000 $ et emploie
1115 personnes pour administrer ce qui est un champ de compétence
exclusif du Québec en matière de santé et de services
sociaux, tel que le disait la Constitution de 1867.
Et, pourtant, M. le Président, les Québécois ont
commencé, comme je le disais il y a quelques minutes, à
revendiquer dès 1920. C'est le premier ministre Alexandre Taschereau qui
dénonçait l'ingérence du gouvernement
fédéral dans le secteur de la santé. Un petit peu plus
près de nous, M. le Président, et pour les gens qui nous
écoutent, et là il y a plusieurs personnes au Québec qui
vont s'en souvenir, Maurice Duplessis, en 1946,
réitérait fermement que le secteur de la santé
était du ressort exclusif des provinces. Dans le mémoire
présenté à la conférence
fédérale-provinciale, le 25 avril 1946, sur le
rétablissement des juridictions pour le Québec, Maurice
Duples-sis disait que les droits exclusifs en matière de
législation sociale devaient être intégralement
conservés et sauvegardés si la Confédération devait
survivre.
Plus près de nous, M. le Président, un grand premier
ministre, Jean Lesage, en 1965, revendiquait à son tour la santé
et l'assurance-maladie en tant que compétence exclusive du
Québec, et je cite: Ils s'inscrivent dans les droits et les besoins des
provinces, et celles-ci, mieux que le gouvernement fédéral,
peuvent y excercer une action durable et efficace.
En 1966 et 1967, M. le Président, un autre
Québécois, un autre premier ministre, Daniel Johnson, estimait
que le Québec devait être maître de ses décisions
dans plusieurs domaines dont la sécurité sociale et la
santé sous toutes ses formes. Le Québec devait aussi être
le seul responsable de toutes dépenses publiques relatives à la
santé.
Jean-Jacques Bertrand, un autre premier ministre du Québec, M. le
Président, à la conférence
fédérale-provinciale des ministres des Finances du 4 et du 5
septembre 1968, affirmait que l'assurance-maladie devait relever de la
compétence exclusive du Québec. En 1969, M. Bertrand
réitérait, à la conférence constitutionnelle tenue
du 8 au 10 décembre, que la santé et les hôpitaux devaient
être attribués exclusivement aux provinces.
M. le Président, même le premier ministre actuel,
première version, en 1970, à la conférence de Victoria...
On sait que le non, à l'époque du premier ministre, à
Victoria, était essentiellement lié au fait du refus du
gouvernement fédéral de redonner au Québec
l'exclusivité de la maîtrise d'oeuvre de ses politiques sociales
et des dépenses en matière de santé et de services
sociaux. L'histoire a bien établi, M. le Président, que le non de
Robert Bourassa, en 1971, à Victoria, même s'il était en
accord avec la formule de rapatriement, s'il était en accord avec le
droit de veto, s'il était en accord avec les autres dispositions,
essentiellement... Cet homme avait dit non à Victoria parce qu'on lui
refusait l'exclusivité en matière de santé et de services
sociaux.
Et, finalement, M. le Président, en 1971, Claude Castonguay - je
m'excuse, M. le Président, pour être plus exact, c'est en 1970 -
déclarait à la conférence
fédérale-provinciale des ministres de la Santé:
L'organisation et la distribution des soins et des services sociaux et
sanitaires se situent clairement dans le champ de compétences exclusives
des provinces. Alors, que M. Castonguay se fasse le chantre, aujourd'hui, de
l'acceptation du compromis, du fait que le fédéral va continuer
à avoir le droit d'empiéter dans un secteur de compétence
qui doit être exclusif et qui a été
décidément nommé comme exclusif dans la Constitution de
1867, c'est proprement renversant.
M. le Président, cette longue enumeration, c'est tout simplement
pour bien démontrer qu'à la Conférence des premiers
ministres du mois d'août 1992, à Charlottetown, en matière
de santé et de services sociaux, pour des dépenses de 12 000 000
000 $ par année au Québec, notre gouvernement a abandonné
une revendication traditionnelle que nous avons faite, que tous les premiers
ministres ont faite depuis 1920. Nous avons abandonné une revendication
que nous avions placée depuis 82 ans auprès du gouvernement
fédéral. La brisure historique, M. le Président, est
immense. Nous ne pouvons accepter que l'on ait renoncé, que l'on ait
abandonné cette revendication historique du Québec. C'est
pourquoi les offres du 22 août, en matière de santé et de
services sociaux, mes collègues et d'autres personnes au Québec
se feront fort de démontrer les aspects, les faiblesses de ce contrat,
de ces offres du 22 août 1992. Mais, en matière de santé et
de services sociaux, le Québec a abandonné, le Québec a
laissé aller, le Québec a renoncé à 82
années de revendications.
M. le Président, quand j'entends le ministre de la Santé
et des Services sociaux déclarer, mais le plus simplement du monde, que
nous n'avons rien obtenu à Charlottetown en matière de
santé et de services sociaux parce que nous n'avons rien demandé,
c'est proprement effrayant. M. le Président, s'il y a un homme, dans
cette Assemblée, qui devrait savoir ce que c'est qu'être
abandonné, être laissé à lui-même, c'est bien
le ministre de la Santé et des Services sociaux. Les
Québécois, le 22 août, se sont fait faire ce que le
ministre de la Santé et des Services sociaux s'est fait faire le 12 juin
1991. Pendant qu'il mettait les poings sur la table en disant: Jamais je ne
céderai devant les médecins, souvenons-nous que cet homme, comme
titrait Le Journal de Québec le lendemain matin, s'est fait
trancher les jarrets par son propre premier ministre. Il s'est fait abandonner
par son propre premier ministre et, croyant qu'il avait l'appui total, comme
les Québécois le pensaient, eu égard aux
négociations constitutionnelles avec la position du rapport Allaire et
du Parti libéral, comme les Québécois et les
Québécoises pensaient que notre premier ministre transportait les
revendications historiques du Québec, les Québécois et les
Québécoises ont été abandonnés par leur
premier ministre comme le ministre de la Santé et des Services sociaux a
été abandonné le 12 juin 1991 face aux médecins. Et
on sait ce que c'a voulu dire pour le ministre de la Santé et des
Services sociaux. C'est pour ça que c'est assez incroyable, M. le
Président, et, en même temps que c'est incroyable, il faut
s'attendre pour la prochaine période référendaire, je
dirais, au pire.
Quand je vois, au lendemain du congrès du Parti libéral,
M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux
et organisateur en chef de cette formation politique dire qu'il va tout faire
pour vendre cette offre aux Québécois, je suis inquiet, M. le
Président. Je suis inquiet parce qu'un homme qui va jusqu'à
bâtir pour 500 000 $ une route qui ne mène nulle part, quand on
pense qu'un homme qui a organisé son propre spectacle à
Charlesbourg en 1990 pour 1 000 000 $, l'entendre dire qu'il va vendre de
gré ou de force cette entente aux Québécois, oui, M. le
Président, d'un homme qui a été abandonné lui aussi
- il devrait le savoir - par son premier ministre au mois de juin 1991, oui, M.
le Président, je suis inquiet. Et c'est pourquoi nous allons être
de toutes les tribunes, dans toutes les dimensions des organisations de la vie
publique québécoise pour donner des précisions, donner
l'information, avec le maximum d'honnêteté et le maximum de
précisions, sur les tenants et les aboutissants de ces offres, de cette
offre du contrat d'Ottawa et du Canada anglais le 22 août dernier. (10 h
40)
M. le Président, oui, le Québec a donc abandonné.
Aussi inconcevable que cela puisse paraître, le gouvernement Bourassa a
abandonné une revendication traditionnelle du Québec en
matière constitutionnelle: faire de la santé et des services
sociaux une juridiction exclusivement québécoise, c'est
impardonnable, et c'est ce que nous allons dire aux Québécois et
aux Québécoises. Tout cela, M. le Président, il faut
l'affirmer haut et fort, constitue un recul majeur et, surtout, place une
hypothèque sérieuse sur notre système de santé et
de services sociaux dont on a vu que le financement souffre d'un manque
à gagner de 200 000 000 $ par année parce que le gouvernement
fédéral, en vertu de son pouvoir de dépenser et de limiter
ses transferts au Québec, nous prive de 200 000 000 $ par année.
C'est pourquoi le ministre de la Santé et des Services sociaux a
été obligé, cette année, d'imposer ce petit 2 $ aux
personnes âgées pour leurs médicaments, d'imposer des frais
en opto-métrie, d'imposer d'autres frais et de couper un certain nombre
de services en santé et services sociaux parce que le gouvernement
fédéral, en vertu de son empiétement et de sa
capacité exclusive de limiter ses dépenses, nous prive de 200 000
000 $ par année. C'est ça, M. le Président, qu'il faut
dénoncer.
M. le Président, il faut, à mon avis, sur la base de ce
qui s'est passé dans le secteur de la santé et des services
sociaux, de l'abandon du Québec par notre premier ministre et par
l'équipe qui le conseille, c'est pourquoi nous pensons le plus
sincèrement du monde qu'il faut dire non aux offres d'Ottawa et du
Canada anglais qui veulent étouffer le Québec, qui veulent
boucher l'avenir. Nous pensons que nous méritons mieux que cela. Nous
pensons que nous pouvons, dans ce Québec cassé en deux, offrir
une perspective de bâtir ici, avec tout le dynamisme, avec toutes les
forces que recèle le Québec, que nous sommes capables de
bâtir ici un grand pays ouvert, en relation avec les autres forces
dynamiques et économiques du monde, en Amérique du Nord, que nous
avons la capacité, que nous avons les possibilités de
réaliser ce pays parce que nous avons, au Québec, traversé
au-delà de 250 ans d'histoire, 250 années de luttes, parce qu'on
a toujours tenté de nous faire disparaître, les parlant
français en Amérique regroupés autour de leur foi et de
leurs institutions au Québec et, qu'encore une fois, nous allons nous
battre et nous allons, j'en suis très confiant, traverser cette
épreuve.
M. le Président, il faut battre, oui, littéralement, il
faut battre Brian Mulroney. Il faut battre également, au vote, on
s'entend, bien sûr, il faut battre Robert Bourassa. Il faut battre ces
gens qui nous ont imposé la TPS et la TVQ, parce que le système
est composé essentiellement de dépenses de 2 000 000 000 $
à 3 000 000 000 $, de dédoublements administratifs, et il faut
dire non à cela.
C'est pourquoi, aussi, dans le comté de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, parce qu'il faut toujours retourner
à la base de nos populations qui nous ont délégués
ici, à l'Assemblée nationale, je dis que dans les 38
municipalités qui sont regroupées dans le comté de
Rouyn-Noranda-Témiscamingue, le 26 octobre 1992, nous allons dire non
aux offres fédérales, non au contrat qui nous est offert par
Ottawa et le Canada anglais et, à Arntfield, M. le Président,
à Beaudry, à Bellecombe, à Cadillac, à
Cléricy, à Cloutier, à D'Alembert, à Destor,
à Héva, à Saint-Guillaume-de-Granada, au lac Dufault,
à McWatters, à Montbeillard, à Mont-Brun, à Relais
et à Rouyn-Noranda, nous allons dire non aux offres
fédérales. Nous allons expliquer pourquoi il faut garder
l'ouverture, pourquoi il faut persister pour faire ici un pays. C'est pourquoi,
aussi, dans la partie du Témiscamingue, à Angliers, à
Béarn, à Belle-terre, à Duhamel-Ouest, à Fabre,
à Fugèreville, à Guérin, à
Saint-Eugène-de-Guigues, à Kipawa, à Laforce, à
Latulippe, à Laverlochère, à Saint-Bruno-de-Guigues,
à Lorrainville, à Moffet, à Nedélec, à
Notre-Dame-du-Nord, à Rémigny, à Saint-Eugène,
à Témiscaming, à Ville-Marie, nous allons, dans ces 38
municipalités du comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue,
dire non, M. le Président, aux offres du Canada anglais, aux offres
d'Ottawa.
M. le Président, j'habite, nous habitons la partie en
Abitibi-Témiscamingue, la deuxième partie du Québec, le
Québec cassé en deux. Nous voulons, en disant non le 26 octobre
prochain, garder ouvert l'avenir pour les jeunes. Nous voulons garder ouverte
la possibilité de bâtir ici un pays et, dans le plus grand respect
d'information politique, des idées des autres, de l'expression
démocratique, de la liberté de s'exprimer,
nous allons tenter de dire, nous allons tenter de prouver, de
démontrer que nous n'avons pas à accepter ces offres du Canada
anglais. Le lendemain, le 27 octobre, bien sûr, le soleil va toujours
continuer à se lever, et le Québec va continuer son combat
historique pour se donner un pays, un véritable pays, le pays du
Québec. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Nous poursuivons le
débat sur la question référendaire proposée par M.
le premier ministre. Je reconnais monsieur l'adjoint parlementaire au ministre
de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et
député de Gaspé. M. le député, la parole est
à vous.
M. André Beaudin
M. Beaudin: Merci, M. le Président. Depuis maintenant deux
jours, le vrai débat est véritablement commencé. C'est un
moment que nous attendions tous depuis fort longtemps parce qu'enfin, M. le
Président, nous pourrons rectifier, pour ne pas dire démentir les
propros qui sont véhiculés par les membres de l'Opposition
péquiste quant à la teneur de l'entente constitutionnelle du 28
août dernier.
M. le Président, je pense que les avantages de cet accord sont
indéniables pour le Québec. En effet, il est écrit noir
sur blanc que le Québec est maintenant reconnu comme une
société distincte et unique au sein du Canada, et toute la
Constitution du Canada sera désormais interprétée dans le
respect de la société distincte. Aussi, l'Assemblée
nationale devient responsable de la sélection et de l'intégration
économique, sociale et culturelle des immigrants au Canada
français. Le gouvernement du Québec pourra aussi se soustraire de
tout nouveau programme fédéral cofinancé dans des domaines
provinciaux et obtenir une compensation financière qui lui permettra
d'agir librement, selon les besoins exprimés par notre population.
L'entente prévoit également qu'il ne pourra jamais y avoir de
changement à la Cour suprême du Canada sans le consentement du
Québec en ce qui concerne son existence, ses pouvoirs et la garantie de
trois juges québécois. Le Québec gagne également un
droit de veto sur toute nouvelle modification aux institutions centrales de la
Fédération canadienne. Le Québec est un partenaire majeur
de la Fédération et, alors, aucune des institutions canadiennes
ne pourra être modifiée sans l'accord du Québec.
Finalement, avec cette entente, le Québec obtient une protection absolue
de s'opposer à toute tentative de diminution des pouvoirs de son
Assemblée nationale. Il aura un droit de retrait avec compensation
financière.
En définitive, M. le Président, on peut affirmer sans
détour que cette entente consti- tutionnelle respecte la
sécurité du Québec et les outils qui lui permettent de se
développer. Cette entente met fin à la crise constitutionnelle en
réparant les erreurs qui ont été commises par nos
prédécesseurs. Cette entente renferme six droits de veto, assure
la protection de la langue française et entreprend l'élimination
de chevauchements et de dédoublements. Il s'agit donc d'une entente qui
n'a pas de précédent en 125 ans d'histoire. Et il faut le dire,
M. le Président, c'est un précédent. Ce
précédent, c'est nous qui en sommes responsables, et j'en suis
fier. J'en suis fier car, en plus d'établir la paix constitutionnelle au
pays, il nous permettra de rester à l'intérieur de la
Fédération canadienne.
M. le Président, je pense qu'il faut être conscient de
notre chance de pouvoir vivre dans un pays comme le Canada, dans un pays
démocratique, tolérant et ou la qualité de vie est l'une
des meilleures au monde. Dire non à l'entente du 28 août dernier,
c'est dire non à ce pays, c'est renier les réalisations, c'est
renier nos acquis et une bonne partie de notre histoire. Un non à
l'entente veut dire un non à la cohabitation de deux grandes cultures,
un non à l'ouverture, un non à la tolérance.
M. le Président, personne ne peut nier que les deux cultures qui
se côtoient quotidiennement au pays, la culture anglaise et la culture
française, viennent enrichir cette contrée. En ce qui me
concerne, M. le Président, je dirai oui à cette entente parce que
je crois au Canada et je crois que le Québec continuera de
s'épanouir au sein de la Fédération canadienne.
M. le Président, dire oui à cette entente ne signifie pas
enterrer la liberté dont jouit le Québec, bien au contraire. Il
suffit de se rappeler ce qu'est devenu le Québec, alors qu'il
était membre à part entière de cette
Fédération. Premièrement, le Québec est aujourd'hui
une société moderne, juste et développée. Le
Québec d'aujourd'hui fait l'objet de notre fierté parce que nous
sommes une terre de liberté. En effet, les Québécoises et
les Québécois bénéficient de la protection de leurs
libertés fondamentales par le biais de la Charte canadienne et de la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Personne ne peut nier que cela a été fait alors que le
Québec était membre de la Fédération canadienne.
(10 h 50)
Deuxièmement, le Québec peut compter sur un ensemble
complet de mesures et de protections sociales sans comparaison. Nous n'avons
qu'à penser aux allocations familiales, à la gratuité des
services de santé, à la protection de la santé et de la
sécurité des travailleurs, aux régimes de pension et de
retraite, à l'assurance-hospitalisation. Nous bénéficions
également de la gratuité des services juridiques, de la
promotion de l'égalité des sexes, de la gratuité du
système d'éducation, de l'assurance-chômage, de l'aide
sociale, de la sécurité du revenu. Cela aussi, M.
le Président, a été fait alors que le Québec
était membre de la Fédération canadienne.
Troisièmement, nous savons que le Québec partage un niveau
de développement économique compatible avec les meilleurs au
monde. En effet, le Québec a, malgré ses faiblesses, une
économie moderne et développée, à la fois
productive et compétitive. J'en veux pour preuve la compétence de
nos entreprises québécoises, ('«entrepreneur-ship»
que l'on retrouve chez un bon nombre de Québécois, le dynamisme
de nos petites et moyennes entreprises et le climat civilisé que l'on
retrouve au sein des conditions de travail, du climat de travail au
Québec. Ça aussi, M. le Président, a été
fait alors que le Québec était membre de la
Fédération canadienne. nous savons, quatrièmement, que le
québec est une terre de langue et de culture françaises. la
création artistique y est exceptionnelle et le québec
français participe avec éclat à la francophonie
internationale. cela aussi, m. le président, a été fait
alors que le québec était membre de la fédération
canadienne.
Alors, par cette addition de ressources propres au Québec et au
Canada, le Québec est devenu, à l'intérieur du Canada, une
société moderne, juste et développée. En fait, nous
sommes devenus une société de langue et de culture
françaises, cette société qui, aujourd'hui, est l'objet de
notre fierté.
M. le Président, avant de terminer, j'aurais peut-être
quelques remarques à nos opposants d'aujourd'hui et de demain, en leur
demandant: Qui sont-ils pour dire comment négocier, après le
boulet qu'ils traînent depuis 1981? Qui sont-ils pour nous dire qu'on ne
se tient pas debout, alors que plusieurs d'entre eux, qui sont ici aujourd'hui
devant nous, ont abandonné leurs chefs successifs dans les moments les
plus pénibles? Qui sont-ils pour venir nous parler d'économie,
alors que dans l'espace de sept à huit ans on a sextuplé la dette
du Québec? Enfin, qui sont-ils pour nous parler de recul, alors qu'ils
n'ont jamais obtenu l'ombre de l'entente que nous avons présentement sur
la table?
Rappelons-nous une seule chose, M. le Président: Nous ne pouvons
juger l'entente que par ce à quoi elle s'oppose. Alors, il faut la juger
par rapport à l'indépendance du Québec. Dans ce contexte,
j'accepte cette entente parce que je ne veux pas vivre dans l'incertitude
qu'entraînerait inévitablement l'indépendance du
Québec. Bref, M. le Président, le 26 octobre prochain, je dirai
oui à l'entente constitutionnelle parce que je dis oui à
l'efficacité, oui à la sécurité, oui à
l'ouverture, oui à la solidarité, oui à la force du plus
grand nombre. Je vous remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Gaspé. Nous sommes toujours sur le débat
sur la question référendaire. Je cède la parole à
M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et
de la Formation professionnelle. M. le ministre.
M. André Bourbeau
M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Les
sociétés modernes se développent dans la mesure où
leur économie est performante. En définitive, le progrès
social et culturel d'un pays demeure tributaire de la vivacité de son
économie. Les plus grands projets politiques qui ne reposent pas sur une
assise économique solide échouent fatalement. On est toujours
rattrapé par la réalité implacable de l'économie.
Au cours de la campagne référendaire qui commencera dans quelques
jours, il sera forcément question d'économie. De ce
côté-ci de l'Assemblée nationale, nous attachons une
très grande importance aux impacts économiques des
décisions que la population du Québec doit prendre. Nous allons
donc en parler, et en parler sobrement, M. le Président.
Au lendemain du référendum, le ciel ne tombera sur la
tête de personne. La sécurité économique du
Québec ne se joue pas totalement dans un scrutin ou un
référendum. Je n'adhère, personnellement, à aucune
chapelle qui prêche soit le fatalisme apocalyptique ou le romantisme
économique à l'eau de rose. Au lendemain du
référendum, le Québec devra continuer à se battre
pour obtenir sa place au soleil de la prospérité. Ce combat, il
sera exigeant et requerra des efforts constants. Si tout ne se jouera pas en un
tournemain, on doit cependant choisir les situations qui nous avantagent, qui
accroissent nos chances de progresser, de prospérer. L'entente
constitutionnelle sur laquelle nos concitoyens sont appelés à se
prononcer réunit les conditions propices au redressement durable de
l'économie du Québec.
La ratification de l'entente est susceptible en premier lieu de lever
une hypothèque qui pèse lourdement sur le potentiel
économique du Québec, celui de l'incertitude constitutionnelle.
Tous les milieux financiers qui parlent avec objectivité vous diront que
l'incertitude qui plane toujours sur le statut éventuel du Québec
nuit à son économie. Cette incertitude accroît la
nervosité des marchés financiers, fait hésiter certains
investisseurs et fait reporter à plus tard des projets d'expansion, de
modernisation ou encore d'implantation industrielle.
Bien sûr, ce n'est pas la Yougoslavie ou la Lituanie.
Québec n'est pas Sarajevo ou Vilnius. Il possède des actifs, une
assise industrielle certaine, une main-d'oeuvre compétente et
productive, des institutions publiques et privées solides et un
passé démocratique sécurisant. Tout cela met en quelque
sorte le Québec à l'abri de folles déviations politiques,
sociales et économiques.
Non, l'incertitude constitutionnelle se manifeste plus insidieusement.
Elle mine petit à petit, sans coup d'éclat scandaleux ou
spectaculaire, la santé financière du Québec et sa
capacité d'uti-
User pleinement son potentiel. Les observateurs constatent en effet que
le Québec constitue l'un des endroits privilégiés pour les
investisseurs. On y trouve une fiscalité, des individus et des
entreprises hautement compétitives, résultat des efforts de
rationalisation des dépenses publiques que nous avons
déployés depuis 1986.
Le Québec excelle sur les marchés mondiaux, dans des
domaines d'avenir. Il est en train de restructurer son industrie
manufacturière pour faire face rapidement à la concurrence
internationale. Le Québec est la province canadienne qui affiche
l'attitude la plus positive et probablement la plus agressive à
l'égard de la libéralisation des échanges, ce qui devrait
lui donner une bonne longueur d'avance. La main-d'oeuvre
québécoise, même si elle a des besoins importants de
perfectionnement et de développement, demeure compétente et
démontre des taux de productivité fort séduisants pour les
investisseurs. Enfin, le Québec a élu un gouvernement qui place
l'économie en haut de ses priorités et qui a un discours
cohérent en matière économique. La convergence de toutes
ces conditions favorables devrait favoriser une croissance économique
soutenue. (11 heures)
Alors, M. le Président, pourquoi le taux de chômage ne
baisse-t-il pas plus significativement? Pourquoi, en dépit d'un
potentiel incroyable, l'économie du Québec progresse-t-elle plus
lentement qu'on ne le souhaiterait? Loin de moi l'idée de jouer au
simplisme. Il n'y a sans doute pas une seule raison, mais on doit
reconnaître en toute objectivité qu'aussi longtemps que nous
allons entretenir la pagaille constitutionnelle, les efforts dévolus au
redressement de l'économie québécoise risquent
d'être vains. Le doute ou l'incertitude constitutionnelle
représente une sorte d'agacement lancinant, un irritant, une inhibition
qui entraîne un gaspillage d'énergie et qui ralentit l'élan
du Québec. Il faudra donc un jour regarder la réalité bien
en face, se dire, M. le Président, qu'il y a un prix à ce jeu
où l'on reporte toujours à plus tard la prise de vraies
décisions. Le mieux est l'ennemi du bien, se plaît-on à
dire. À trop rechercher la solution parfaite, à refuser toute
entente parce qu'elle ne permet pas au Québec d'accéder à
toutes ses demandes, on se cantonne dans un statu quo qui est en train de nous
alanguir, de nous faire prendre des reculs, de nous faire rater des virages
significatifs. Nous ne pouvons plus nous permettre ce genre de gaspillage.
Refuser de prendre une décision, attendre le grand soir avant d'agir,
c'est précisément prendre la décision de glisser presque
fatalement dans la médiocrité. Ne jouons pas à l'autruche.
Le Québec et le Canada perdent du terrain aux plans de la
productivité et de la compétitivité. Ces tendances sont
lourdes de conséquences, dans un univers dominé par la
concurrence. Il vient un moment où le silence du Québec parle
énormément, devient une négation d'envisager les
conséquences économiques d'un refus global.
Avec l'entente constitutionnelle conclue entre les premiers ministres et
les leaders autochtones, nous avons la chance, qui ne se représentera
sans doute pas de sitôt, de sortir de cette impasse. Nous pouvons lever
l'hypothèque que représentent nos hésitations
constitutionnelles de longue date. Nous avons l'occasion de mettre fin à
un climat de méfiance et d'incompréhension en disant oui à
l'entente constitutionnelle. Nous avons l'occasion de nous brancher fort
honorablement en faveur du Canada tout en ayant l'assurance d'assumer
pleinement notre différence, avec ce qu'elle représente de
richesse et de potentiel de développement et d'affirmation.
Je suis d'accord avec ceux qui plaident qu'un non à l'entente
constitutionnelle ne signifie pas nécessairement un oui à
l'indépendance du Québec. C'est vrai que la question que nous
avons devant nous ne cherche pas à savoir si les Québécois
sont pour ou contre la souveraineté du Québec. Mais, cela
étant dit, il ne faut pas pour autant banaliser le non à
l'entente constitutionnelle, prétendre qu'il sera sans
conséquence ou sans lendemain. Un non signifie, à tout le moins,
que l'on n'a pas avancé d'un pas depuis le rapatriement
unilatéral de la Constitution, en 1982, que l'on replonge dans la
mélasse constitutionnelle, pour reprendre l'expression du chef de
l'Opposition. Or, M. le Président, la mélasse, ça nuit aux
mouvements, ça freine l'ardeur, n'est-ce pas?
J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ici, M. le
Président, ce que l'entente constitutionnelle et les engagements
politiques conclus entre les premiers ministres signifient pour le domaine de
la main-d'oeuvre que j'ai l'honneur de défendre, de par les fonctions
que j'occupe. Vous ne vous étonnerez sans doute pas que j'y revienne,
parce que les accords conclus en cette matière illustrent très
bien l'importance des gains que nous avons réalisés et les outils
stratégiques qu'ils procurent au Québec. Le gouvernement du
Québec et le gouvernement fédéral consacrent des sommes
colossales dans le domaine de la main-d'oeuvre. Quand on additionne tous les
budgets consacrés par les deux ordres de gouvernement aux personnes
aptes au travail qui se trouvent, pour toutes sortes de raisons, privées
d'emploi, on en arrive, cette année, à des dépenses de 9
600 000 000 $. Cela représente 5,5 % du produit intérieur brut au
Québec. À titre de comparaison, je vous signale qu'en moyenne les
pays membres de l'OCDE consacrent, en dépenses publiques, environ 3 % de
leur produit intérieur brut à ce que les économistes
appellent la politique du marché du travail. On fournit donc presque
deux fois l'effort de la moyenne des pays industrialisés, et on
récolte des performances moins intéressantes sur le plan de
l'emploi et du développement de la main-d'oeuvre. Mais alors, pourquoi?
Encore là, il y a plusieurs
raisons. Tout le monde s'entend cependant sur deux diagnostics
évidents: le premier, une lourdeur et un fouillis administratif
où deux gouvernements, fédéral et provincial, oeuvrent en
même temps dans le même domaine, avec deux réseaux de
fonctionnaires différents au Québec, deux réseaux qui se
superposent, se dédoublent et souvent se heurtent ou se contredisent
dans de coûteux tiraillements; et, deuxièmement, un engagement
mitigé des partenaires du marché du travail que sont les patrons
et les représentants des travailleurs.
L'entente constitutionnelle nous donne enfin les moyens de mettre fin au
fouillis administratif tant décrié au Québec, dans le
domaine de la main-d'oeuvre. Le gouvernement canadien se retirera donc du champ
de la formation et du développement de la main-d'oeuvre. Nous pourrons
enfin, en fusionnant les budgets, concevoir des programmes
québécois de formation, de recyclage, d'adaptation, d'aide
à l'emploi et de placement de la main-d'oeuvre en fonction de nos
besoins à nous et des priorités que nous établirons. Il
n'y aura plus de confusion ni de concurrence stérile entre des
programmes québécois et des programmes
fédéraux.
Cet exercice de conception des programmes québécois de
main-d'oeuvre, nous allons le confier à nos partenaires du marché
du travail, réunis au sein de la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre et des
sociétés régionales de main-d'oeuvre que nous mettrons en
place dans les prochains mois. Fini l'isolement des patrons d'un bord, des
syndicats de l'autre, de l'éducation dans son coin et de
l'administration de la main-d'oeuvre dans deux arènes, l'une provinciale
et l'autre fédérale. Désormais, c'est en partenariat que
nous allons travailler. Nous allons pouvoir canaliser vers nos priorités
les budgets consacrés au développement de la main-d'oeuvre, et
rechercher activement la complémentarité des interventions et des
uns et des autres.
Pour raffermir cette simplification, nous avons obtenu un engagement
politique à l'effet que la gestion du régime
d'assurance-chômage soit unifiée, afin qu'il n'y ait plus qu'un
seul réseau de main-d'oeuvre au Québec. Autrement dit, les
chômeurs et les travailleurs du Québec n'auront qu'à se
présenter à un seul endroit pour obtenir tous les services de
formation, de placement, d'aide à l'emploi et d'assurance-chômage.
C'est cela, le guichet unique dont nous parlons et que nous revendiquons. Ce
regroupement administratif devrait nous faire économiser des dizaines de
millions de dollars en frais d'administration, en mettant fin au fonctionnement
parallèle souvent discordant de deux réseaux de main-d'oeuvre sur
le territoire du Québec.
Quand on se compare aux autres pays de l'OCDE, au chapitre des
dépenses administratives, on estime que l'économie ainsi
réalisée pourrait atteindre 250 000 000 $ par année. Ce
n'est pas rien, M. le Président. Par-dessus tout, l'entente
constitutionnelle procure au Québec des outils indispensables à
son développement économique, les outils qui lui permettront de
définir et de contrôler sa politique d'emploi et de
développement de la main-d'oeuvre. Ce qui distingue, de nos jours, les
économies à fort potentiel de développement de celles dont
l'avenir apparaît plus incertain, c'est le niveau de développement
de la main-d'oeuvre, sa capacité de s'adapter aux changements rapides et
constants, et son niveau de productivité qui demeure étroitement
lié à sa compétence. Bien sûr, la formation, ce
n'est pas une panacée, ce n'est pas, non plus, la pierre philosophale
qui transforme le chômage en emploi. Mais c'est un ingrédient de
base, c'est le levain sans lequel l'économie ne lève pas. (11 h
10)
Si la formation et le développement de la main-d'oeuvre ne
constituent pas des gages absolus d'emplois, on peut affirmer en toute
certitude que l'absence de formation et de développement de la
main-d'oeuvre conduit inévitablement au chômage, au sous-emploi et
à la précarité économique. Quand on dispose
d'outils pour élaborer des politiques de main-d'oeuvre dynamiques et
adaptées à notre réalité, quand on rassemble tous
les budgets de développement de la main-d'oeuvre, quand on assoit
ensemble les partenaires du marché du travail et qu'on leur confie le
mandat stratégique d'élaborer et de gérer les programmes
qui permettent de faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain, on a
entre les mains les leviers du développement économique durable.
À nous de nous en servir à bon escient. À nous de tirer le
maximum de profit de cet effet de levier.
Or, l'entente constitutionnelle remet au Québec ces instruments
essentiels des politiques de main-d'oeuvre et, par là, les commandes de
son développement économique. Allons-nous bouder l'offre, M. le
Président? Il y a plus de 30 ans que le Québec revendique ce qui
est maintenant sur la table. Jamais, et de très loin, une offre aussi
complète n'a été soumise au Québec. Jamais le
gouvernement fédéral, qui, à tort ou à raison,
occupe le champ de la formation et du développement de la main-d'oeuvre
depuis 1901, n'a offert de s'en retirer en offrant aux provinces, en
l'occurrence au Québec, une compensation financière
adéquate. J'oserais même affirmer, M. le Président, que
jamais le Parti québécois, qui a réclamé à
cor et à cri ce retrait fédéral, n'a espéré
autant que ce que nous avons obtenu. Cette offre, elle est écrite en
toutes lettres dans l'entente constitutionnelle. Alors, comment pourrions-nous
faire la fine bouche? Comment pouvons-nous laisser passer la chance
inespérée qui se présente à nous de pouvoir enfin
faire le ménage dans les politiques de main-d'oeuvre?
Il nous restera, au lendemain du référendum, à
retrousser nos manches, à fusionner et à simplifier les
programmes fédéraux et québécois
de main-d'oeuvre, à regrouper les administrations et à
harmoniser le régime d'assurance-chômage, qui demeure intact, avec
les mesures de développement de la main-d'oeuvre. Cela ne se fera pas
sans heurt, mais au moins on peut travailler dans la perspective d'une
maîtrise d'oeuvre québécoise de ces questions et d'une
complémentarité entre le développement de la main-d'oeuvre
et l'assurance-chômage.
M. le Président, on ne devient pas prospère du jour au
lendemain ou du simple passage d'un régime politique à un autre.
Le référendum du 26 octobre, quel qu'en soit le résultat,
ne produira pas de miracle qui déclenchera un boom économique
soudain ou un cyclone dévastateur de notre économie. Il va
cependant extraire du pied du Québec une épine, une épine
qui ralentit son économie, ou encore enfoncer davantage cette
épine, selon que le oui ou que le non l'emportera.
Nous sommes de ceux, M. le Président, qui veulent soulager
l'économie du Québec des malaises qui font obstacle à sa
course et à sa vitesse de croisière. C'est pourquoi nous dirons
oui à la question que le gouvernement du Québec posera à
la population le 26 octobre prochain. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
ministre.
Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion du
premier ministre relativement à la question référendaire,
et je reconnais, à partir de maintenant, M. le député de
Lac-Saint-Jean et whip en chef de l'Opposition officielle, en lui rappelant
qu'il dispose d'une période maximale de 20 minutes.
M. Jacques Brassard
M. Brassard: Merci, M. le Président. J'aurai cependant
l'occasion de revenir la semaine prochaine plus en détails sur les
offres, ce qu'on appelle l'entente, ou sur le rapport des consensus de
Charlottetown, un document non signé. Comme le signalait d'ailleurs,
avec raison, le premier ministre cette semaine, ce n'est pas signé par
les premiers ministres. Ils ne l'ont pas signé. C'est ce qui fait,
d'ailleurs, et je commencerai là-dessus parce que je pense que c'est
important que les Québécois le sachent, que ce qu'on a en face de
nous - et, à cet effet-là, la décision prise par le
président de la commission sur les offres est d'une importance capitale
- ce qu'on a en face de nous, ce ne sont d'aucune façon des offres liant
formellement le gouvernement du Canada et les provinces. Et la loi 150 est
très claire là-dessus, puis on ne l'a pas amendée.
L'amendement qu'on a apporté, c'est pour remplacer le
référendum sur la souveraineté par un
référendum sur les propositions constitutionnelles. Ces
dispositions-là, sur lesquelles s'est appuyé le président
Dauphin, n'ont pas été amendées.
La commission sur les offres devait apprécier, juger des offres
à la condition que ces offres lient formellement le gouvernement du
Canada et les provinces, c'est-à-dire obligent légalement le
gouvernement du Canada et les provinces. La décision du président
de la commission est très claire, très nette: ce qu'on a en face
de nous, ce ne sont pas des offres liant formellement le gouvernement du Canada
et les provinces. Par conséquent, j'en arrive même à dire,
M. le Président, que le référendum qui va se tenir le 26
octobre prochain est entaché d'illégalité, puisque l'objet
du référendum qui est soumis au choix des citoyens n'est pas
conforme aux dispositions de la loi 150: ça ne lie pas formellement le
gouvernement du Canada et les provinces. Malgré la plaidoirie du
ministre responsable du dossier constitutionnel, ses talents de juriste ont
été durement mis à l'épreuve, puisqu'il n'a pas
réussi, d'aucune façon, en plaidant, à convaincre le
président qu'il s'agissait d'offres liant formellement.
C'est donc un brouillon qu'on a en face de nous, un brouillon de
contrat. Parce que c'est ça, finalement, une constitution, c'est un
contrat qui régit les institutions d'une société. C'est
donc important, parce que c'est pour longtemps. Ce sur quoi les
Québécois auront à se prononcer, c'est un brouillon de
contrat, avec toutes sortes de ficelles qui pendent. C'est 25 points au moins,
au moins 25 points, dans ce contrat-là, sur 60, qui ne sont pas
réglés, qui exigent des négociations ultérieures
donnant suite à des accords politiques ou à des ententes
administratives. C'est 25 points sur 60 qui ne sont pas réglés,
puis on va demander aux Québécois de se prononcer
là-dessus. Un véritable brouillon de contrat.
Il n'y a pas un Québécois, dans notre
société, il n'y a pas un adulte le moindrement prudent, dans
notre société, qui signerait un contrat avec autant de points non
réglés, qui serait un brouillon de cette nature-là.
Personne. Personne ne s'achèterait une maison, au Québec, si le
contrat était dans l'état où sont les propositions
constitutionnelles actuelles: 25 clauses pas réglées, autant de
ficelles qui pendent, des textes flous, des textes juridiques qui n'existent
pas, qui ne sont pas encore là. Il n'y a pas un citoyen normal, un
adulte normal, au Québec, qui consentirait à signer un contrat
libellé, formulé de cette façon-là. Et c'est
ça qu'on demande aux Québécois. On leur demande, le 26
octobre: Dites donc oui à ce contrat bâclé, à ce
brouillon de contrat. Ça n'a pas de bon sens. (11 h 20)
L'autre image que je pourrais prendre, M. le Président, c'est que
le premier ministre, de façon très imprudente, est allé
à Ottawa puis à Charlottetown signer un chèque en blanc.
Le montant n'est pas dessus, le montant n'est pas écrit dessus, puis il
demande aux Québécois de
l'endosser le 26 octobre. C'est ça, la situation devant laquelle
on est présentement. Le premier ministre, imprudemment, a signé
un chèque en blanc; le montant, on va l'écrire après. Puis
il demande aux Québécois: Endossez donc ça, là, ce
chèque en blanc. Ça n'a pas de bon sens! C'est clair que la
réaction normale de prudence élémentaire d'un citoyen
devant une telle proposition, c'est de dire: Non! Non, je n'endosserai pas un
chèque en blanc comme ça. Ça n'a pas de bon sens. Puis, M.
le Président, sur le fond des choses, parce que, quand on regarde ces
propositions, ces prétendues offres, il y a quand même des
remarques à faire.
En particulier en réponse au discours du ministre hier, je
voudrais faire deux séries de remarques: la première porte sur
les fameux droits de veto. Là, vraiment, on est en face d'une
véritable fumisterie, d'une mystification de premier ordre, et je
comprends pourquoi, là. C'est que, évidemment, ils ont quelque
chose dans les mains qui n'est pas très vendable, qui n'est pas
très défendable; alors ils ont monté un scénario de
communication, une stratégie de communication pour essayer de vendre
ça aux Québécois. Puis, l'un des axes de cette
stratégie de communication, c'est d'agiter la collection de droits de
veto. À un moment donné, il y en avait quatre, puis cinq puis,
là, ils sont rendus à six. Le ministre se comporte comme un
collectionneur d'épinglettes: Regardez, je suis rendu à six
droits de veto. À la fin de la campagne, je ne sais pas combien il va en
avoir: une douzaine peut-être.
Mais voyons ça de plus près. Je pense que ça
mérite un examen sérieux parce que je vous le dis, moi, c'est une
mystification, ça. On essaie de tromper le monde parce que,
évidemment, avec un jargon comme celui-là, un jargon
constitutionnel, ça permet de tromper le monde, de berner le monde;
c'est très facile de tromper le monde en utilisant ce jargon-là.
Le droit de veto, ah! montrer et faire croire au monde que c'est quelque chose
d'extraordinaire, puis qu'on en a six. Imaginez! C'est extraordinaire,
formidable comme protection. Voyons ça d'un peu plus près.
D'abord, remarques préliminaires. M. le Président, je veux
bien qu'on continue d'utiliser l'expression «droit de veto», mais
ce n'est pas vraiment ça dont il s'agit. En réalité, il
s'agit de la règle d'unanimité. Vous savez, pour ceux qui nous
écoutent, dans la Constitution, pour amender, modifier la Constitution,
il y a deux procédures majeures: la première, c'est qu'il faut le
consentement de 7 provinces qui représentent 50 % de la population. Dans
le jargon, c'est ce qu'ils appellent le 7-50. Pour amender la Constitution, il
faut que 7 provinces soient d'accord puis il faut que les 7 provinces qui sont
d'accord représentent 50 % de la population. Si on a ça, on peut
modifier la Constitution. Mais pas toute la Constitution. Il y a certains
éléments dans la
Constitution qui, pour être modifiés, exigent
l'unanimité. Il faut que tout le monde soit d'accord: les 10 provinces
plus le gouvernement fédéral et le Parlement. S'il y en a une qui
n'est pas d'accord, on ne peut pas. Ce n'est pas possible. Alors, c'est la
règle de l'unanimité. Le ministre, lui, appelle ça le
droit de veto du Québec. Le droit de veto du Québec, je vous
signale que c'est aussi le droit de veto de
l'île-du-Prince-Édouard, que c'est aussi le droit de veto de
Terre-Neuve puisque c'est la règle de l'unanimité.
Voyons ça d'un peu plus près. Le ministre dit: J'ai
récupéré le droit de veto sur la formule d'amendement.
Faux! Faux! Faux! Le droit de veto sur la formule d'amendement existe depuis
1982. Il est là depuis 1982. Ça n'a jamais été
perdu, donc, il n'a pas pu le récupérer. Il y en a un, ça,
c'est sûr. Il peut arrêter de se vanter de ça, là, de
se glorifier de ça; il ne l'a pas récupéré.
C'était là, puis c'est toujours là.
Deuxièmement: J'ai récupéré le droit de veto
sur le Sénat. C'est vrai. C'est vrai, sauf que, contrairement à
ce qui se passait dans Meech, le Sénat va être
réformé avant qu'on lui donne son droit de veto. Alors, il ne
servira plus à rien. Le Sénat, la réforme du Sénat
dont on parle, la réduction du nombre de sénateurs
québécois de 24 à 6, une diminution considérable du
poids politique du Québec au Sénat, ça, ça va se
faire; ça va se faire. Ça va être fait, puis le droit de
veto du Québec, le Québec ne pourra pas l'utiliser
là-dessus. Une fois que la réforme du Sénat va être
faite - puis elle est évidemment très défavorable au
Québec - une fois qu'elle va être faite, là, le droit de
veto ou la règle de l'unanimité va jouer. Ça va servir
quand? À peu près jamais. Ça ne servira plus. C'est ce que
j'appelle une vraie épinglette, hein! Une plaque murale. Il ne servira
plus, ce droit de veto sur le Sénat. Il l'a
récupéré, mais il l'a récupéré au
mauvais moment. Il l'a récupéré pour après que la
réforme aura été faite.
Troisièmement, le droit de... Ah! là, ça, c'est
fort, ça. C'est fort, M. le Président! Dans son discours d'hier,
le ministre a dit: J'ai récupéré le droit de veto sur
l'entrée de nouvelles provinces. Ça, ce n'est pas vrai non plus.
C'est faux. Et même son invité expert, hier, Patrice Garant, l'a
contredit là-dessus. Il a dit: Non, non, le droit de veto sur
l'entrée de nouvelles provinces, vous ne l'avez plus. On l'avait dans
Meech mais on ne l'a plus. Les nouvelles provinces vont pouvoir être
créées uniquement par décision unilatérale du
Parlement fédéral. C'est dans l'accord. Il faudrait apprendre
à lire, aussi. C'est un conseil que je lui ai donné hier aussi,
en commission. Il désapprend à lire, le ministre. Il ne sait plus
lire. Un retour à l'école primaire, en vertu des nouveaux
programmes annoncés par le ministre de l'Éducation, ça
pourrait lui servir. Ce droit de veto sur la création de nouvelles
provinces, il ne l'a pas. Le droit de veto sur la
formule d'amendement, il ne l'a pas récupéré,
ça existait déjà. Ça, ça fait deux qui
viennent de sauter, là. Puis le droit de veto sur le Sénat, il
devient inutile parce que le Sénat est déjà
réformé.
Quatrièmement, le droit de veto sur l'immigration, qui
était dans Meech, vous ne l'avez plus. Il a sauté aussi. Il a
sauté aussi. Dans Meech, on prévoyait comment les pouvoirs
concurrents du gouvernement fédéral et des gouvernements des
provinces, dont le Québec... Parce que c'est un pouvoir concurrent,
l'immigration, soit dit en passant. Il faut le signaler encore une fois, s'il y
en a quelques-uns qui nous écoutent en cette Chambre ou ailleurs, le
pouvoir sur l'immigration, ce n'est pas un pouvoir qu'on vient d'obtenir.
L'article 95 de la Constitution de 1867... Ça va, M. le
Président? L'article 95 de la Constitution de 1867 - ça fait 125
ans - accordait au Québec et aux provinces un pouvoir sur l'immigration,
mais aussi au gouvernement fédéral, avec
prépondérance des lois fédérales. C'est ce qu'on
appelle un pouvoir concurrent. Ce n'est pas nouveau, ça, là.
Ça fait 125 ans que ça existe. Les dispositions qu'on veut
ajouter sur l'immigration, c'est qu'on veut essayer de délimiter les
compétences, comment ce pouvoir concurrent va s'appliquer par voie
d'entente. Eh bien! ces dispositions-là pourraient être
amendées, modifiées en vertu de la formule 7-50, et le
Québec n'a pas de droit de veto. Il y en avait un dans Meech. Oui, oui,
il y en avait un dans Meech. Dans Meech, ça disait: Vous ne pourrez pas
changer ça si toutes les provinces qui ont signé des accords sur
l'immigration ne le veulent pas, dont le Québec. Si le Québec dit
non, on est parmi les provinces signataires d'ententes sur l'immigration et on
ne veut pas changer ces règles-là. Ça ne pouvait pas
être changé. C'était dans Meech. Mais ce n'est pas dans
l'entente actuelle. Perte du droit de veto en matière d'immigration. Ne
le comptez pas. Le ministre le compte dans sa collection. Ne le comptez
pas.
Le droit de veto sur la clause «nonobstant». Il a brandi
ça encore une fois, hier. On a obtenu un droit de veto sur la clause
«nonobstant», la clause dérogatoire. Bien, voyons donc!
C'était là déjà. C'est là depuis 1982. La
clause dérogatoire est là depuis 1982, et le droit de veto existe
aussi depuis 1982. Vous n'avez pas récupéré ce droit de
veto. Il y a un bout à conter des peurs au monde! Il y a un bout
à mystifier le monde! Je n'utiliserai pas des termes non parlementaires,
mais il y a des limites à dire n'importe quoi, à additionner les
droits de veto pour impressionner le monde alors que ce n'est pas vrai. C'est
faux. Il y en a au moins trois de ces supposés droits de veto
récupérés qui existent déjà, qui sont
déjà dans la Constitution depuis 1982. Il y en a un qui devient
inutile, celui sur le Sénat. Il faut quand même être, je
dirais, un peu rigoureux. Pour un ancien professeur de droit constitution- nel,
on devrait s'attendre à un peu plus de rigueur.
(11 h 30)
Deuxième remarque, M. le Président, ça porte sur le
partage des pouvoirs. Là aussi, on est en face d'une véritable
mystification, mais je ne pense pas que ça ait beaucoup d'effets parce
que le simple sens commun va prévaloir et le monde va bien s'apercevoir
qu'en matière de partage des compétences le gouvernement du
Québec, dans cette négociation, n'a rien obtenu du tout. Rien du
tout. Aucun pouvoir nouveau. Aucune compétence exclusive nouvelle. La
preuve est faite, la démonstration est faite, et c'est ce qui
déchire d'ailleurs le Parti libéral. Vous savez très bien
- je n'ai pas besoin de vous relire les textes, les déclarations de Jean
Allaire, les déclarations et les documents signés par les jeunes
du Parti libéral - sur quoi les dissensions se fondent au sein du Parti
libéral. Ça se déchire sur quoi? Ça se
déchire là-dessus. Ça se chicane là-dessus, sur la
question du partage des pouvoirs.
Allaire, les jeunes, plusieurs libéraux dissidents qui ont
démissionné de l'exécutif du Parti libéral,
pourquoi ils ont fait ça? Pas pour la question des droits de veto, pas
pour la question de la société distincte, c'est une espèce
de bibelot plus ou moins utile. Pour la question centrale des
compétences, du partage des pouvoirs. C'est pour ça qu'ils vont
voter contre les propositions constitutionnelles. Pourquoi? Parce qu'il n'y a
pas de nouvelles compétences. Il n'y en a pas une. Pas une seule
nouvelle. C'est important de le signaler et c'est important que les
Québécois le comprennent. Et non seulement il n'y en a pas une
seule, non seulement le mieux qui puisse nous arriver en matière de
partage des compétences, c'est le statu quo, mais, à bien des
égards, on recule en matière de partage des pouvoirs. On recule.
On recule, je vais vous dire, sur deux points.
Le premier point qui est capital, on recule parce qu'à plusieurs
endroits dans le document on reconnaît explicitement et on
constitution-nalise le pouvoir du gouvernement fédéral de
dépenser de l'argent dans des secteurs de compétence exclusive
des provinces. Ça, ce n'était pas reconnu dans la Constitution.
Ça ne l'a jamais été. Je ne veux pas dire que le
gouvernement fédéral ne l'a pas appliqué. Au contraire,
ça fait 50 ans et plus que le gouvernement fédéral a
envahi à peu près tout ce qu'il y a de compétences
exclusives des provinces, avec le résultat, d'ailleurs, que c'est le
gouvernement probablement le plus endetté de la planète, qui est
en banqueroute technique, parce que, quand on dépense de l'argent tous
azimuts comme ça, dans tous les domaines, y compris surtout ceux qui
relèvent des provinces, bien, ça prend de l'argent. Ça
prend beaucoup d'argent. Ça veut dire beaucoup de taxes, beaucoup
d'impôts, c'est des gros déficits et il y a un
endettement, là, faramineux. La situation actuelle est
là.
Ça, c'est important parce qu'il y en a qui nous disent: Ah! la
Constitution, ça ne concerne pas le monde, ça. Ça ne
concerne pas le monde. Ah! Ah! je regrette. Ça concerne le monde comme
contribuables, payeurs de taxes et d'impôts. Pourquoi on est devant une
situation qui est un véritable fouillis, actuellement, une situation
d'endettement extraordinaire, scandaleux des gouvernements? Pourquoi on est
devant cette situation-là, des déficits astronomiques? En
très grande partie parce que le gouvernement fédéral,
utilisant son pouvoir de dépenser, a envahi à peu près
tout ce qu'il y a de domaines connus dans la société, initiant
des programmes et dépensant de l'argent. Et, quand les gouvernements
dépensent de l'argent, l'argent, ils ne le prennent pas sur la
planète Mars, ils le prennent dans la poche des contribuables. Alors,
les citoyens qui m'écoutent, qui s'imaginent que la question
constitutionnelle, ça ne les concerne pas, ça les concerne
directement comme payeurs de taxes et d'impôts.
Et ça ne règle rien, ce qu'on a sur la table. Ça ne
règle rien du tout. Ça ne règle pas la question des
déficits et ça ne règle pas la question des endettements.
Ça ne fait que constitu-tionnaliser la chicane. Ça ne fait que
constitu-tionnaliser le taponnage, le zigonnage, mais ça ne règle
rien, et les payeurs de taxes du Québec ou d'ailleurs vont continuer
d'avoir un fardeau fiscal très lourd, une charge fiscale très
lourde pour financer ce fouillis-là, ces dédoublements, ces
chevauchements, financer les ingérences et les invasions du
fédéral dans des domaines sup-posément de
compétence exclusive du Québec. On y reviendra, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Lac-Saint-Jean. Sur le même sujet, je cède
maintenant la parole à M. le député de
Trois-Rivières. Vous avez droit, M. le député, à
une période maximale de 20 minutes.
M. Paul Philibert
M. Philibert: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup
de plaisir, M. le Président, que je m'adresse à cette Chambre, ce
matin, de même qu'à mes concitoyens et concitoyennes de
Trois-Rivières et à l'ensemble des Québécois et
Québécoises pour leur dire que je vais voter oui à la
question référendaire.
Je vais voter oui tout d'abord parce qu'il m'apparaît important de
préserver le Canada géographique. Il m'apparaît important,
pour le Québec, d'être partie prenante dans le
développement de ce territoire, dans le développement de ce pays
qui est parmi les sept pays les plus industrialisés au monde, un des
sept pays les plus enviés de la planète par sa qualité de
vie, par les libertés qu'on y retrouve et par la possibilité de
voir ses composantes se développer en sécurité. Ce pays
doit se définir maintenant... À l'intérieur de ce cadre
géographique doivent habiter des citoyens qui sont régis par des
organisations politiques qui les représentent adéquatement.
Nous avions choisi, en 1867, une fédération avec des
pouvoirs qui avaient été déterminés aux provinces
et avec des pouvoirs qui avaient été déterminés au
gouvernement central. Et le pays s'est développé. Les provinces
se sont développées. Le système s'est adapté, mais
on est arrivés, depuis les 30, 50 dernières années,
à une évolution plus rapide, à des exigences plus pointues
des différentes composantes, de ce pays-là. Le
fédéralisme qui, dans sa définition même, est une
organisation politique qui répond aux besoins de l'heure, qui s'adapte
donc, qui est dans une mouvance constante pour refléter les
intérêts de ses composantes, a dû évoluer, mais pour
le Québec il y eut des frustrations, il y eut des difficultés. Le
Québec a toujours eu des demandes spéciales pour tenir compte de
sa spécificité, et nous en sommes arrivés au
référendum de 1980 où les gens ont dit non à la
séparation, ont dit oui au fédéralisme. Nous en sommes
arrivés à l'échec de la négociation par le Parti
québécois et là le Parti libéral est arrivé
au pouvoir.
Nous avions conclu Meech qui est devenu, malgré que l'Opposition
ait voté contre, pour le Parti libéral, pour le gouvernement
comme pour l'Opposition, comme pour l'ensemble des Québécois et
des Québécoises, le test de la fierté du Québec
pour réintégrer la Confédération canadienne. C'est
tellement vrai que c'était devenu le test que ce que les gens veulent
qu'on leur dise aujourd'hui, ce qu'ils veulent qu'on leur explique aujourd'hui,
c'est: Est-ce que vous êtes certain que l'entente de Charlottetown
reflète exactement ce que Meech était? L'inquiétude n'est
pas de savoir: Est-ce qu'on va voter oui ou non? Les gens veulent voter oui et
ils veulent avoir la certitude que l'entente agréée
reflète ce que Meech donnait comme espoir aux Québécois et
aux Québécoises. (11 h 40)
Eh bien, M. le Président, l'entente de Charlottetown, c'est Meech
plus. Il y avait deux objectifs fondamentaux dans cette négociation:
assurer la sécurité du Québec d'abord et avoir les outils
nécessaires pour notre développement culturel et
économique. Nous avons réussi a avoir les garanties qui nous
permettent de dire haut et fort aujourd'hui: Le Québec sera en
sécurité dans la nouvelle Fédération canadienne,
parce que nous avons obtenu la reconnaissance de la société
distincte, nous avons récupéré, malgré ce qu'en dit
l'Opposition, le droit de veto et nous avons également, en termes de
sécurité, des garanties constitutionnelles en termes
d'immigration qui vont nous permettre de maintenir le fondement de notre
culture, mais qui vont nous
permettre également de maintenir le plus possible notre poids
démographique dans la Confédération canadienne.
En plus, M. le Président, nous avons la garantie
constitutionnelle assortie du droit de veto inclus dans la clause Canada pour
la protection de la langue française, ce qui nous différencie, la
définition même de la société distincte.
L'Opposition nous reprochait, à Meech, de ne pas avoir décrit la
société distincte et d'avoir laissé aux tribunaux le soin
de l'interpréter. Nous avons négocié et obtenu des
paramètres qui sont assez précis pour rassurer l'ensemble des
Québécois et des Québécoises.
La clause Canada reconnaît trois éléments essentiels
à la société distincte, c'est-à-dire la langue
française au Québec - on sait que le Québec est le foyer
de la langue française - le Code civil du Québec - y a-t-il, au
plan de la démocratie, quelque chose de plus représentatif de la
distinction du Québec que le Code civil, par rapport au «common
law» dans le Canada anglophone? - et cette culture, également
unique au Québec, en troisième lieu, qui est incluse dans cette
définition globale de la société distincte. Donc, le
Québec a l'assurance de la sécurité.
En ce qui concerne le partage des pouvoirs, M. le Président, on
sait qu'une fédération est composée d'un gouvernement
central et de gouvernements provinciaux qui adhèrent à la
fédération. Il s'est développé au fil des ans, M.
le Président, un courant centralisateur important et le gouvernement
fédéral décidait d'intervenir dans les champs provinciaux,
parfois sans consultation, parce que le besoin lui semblait identifié.
Et les interventions fédérales ne correspondaient pas toujours
aux besoins essentiels qui étaient ressentis, qui étaient voulus
par les gouvernements provinciaux. Et cette politique de centralisation a
été incarnée pendant plusieurs années par l'ancien
premier ministre, Pierre Elliott Trudeau, qui, au plan idéologique, a
droit à cette pensée-là et qui, d'ailleurs, l'a mise de
l'avant avec beaucoup de détermination. Mais ce qui me rassure dans
l'entente constitutionnelle, c'est que la rumeur veut que Pierre Elliott
Trudeau soit contre l'entente constitutionnelle que nous avons
présentement parce que c'est l'entente qui concrétise la
décentralisation définitive et permanente, qui rend le
fédéralisme dans lequel nous vivions - un
fédéralisme qui était rigide - souple et capable de
s'adapter aux besoins des différentes composantes, aux besoins des
provinces. Alors, si Pierre Elliott Trudeau, le centralisateur, est contre
cette entente-là, c'est qu'il n'accepte pas cette grande
décentralisation que le premier ministre du Québec, M. Robert
Bourassa, est parvenu à aller négocier à
Charlottetown.
Et cette décentralisation-là, M. le Président,
s'explique de la façon suivante. Dans les pouvoirs partagés, le
gouvernement du Québec a la garantie constitutionnelle de son droit
d'«opt- ing out». Ça recoupe d'abord le concept de la
société distincte parce que, s'il y a des orientations qui ne
correspondent pas à ce qu'on souhaite pour le Québec, nous
pourrons nous retirer. Et c'est constitutionnalisé. Alors, c'est le
fondement même de ce que doit être une décentralisation, de
se retirer avec une compensation financière. Et, à ce que je
sache, nos amis d'en face, dans leur livre bleu, avaient consacré cet
aspect-là de la décentralisation qui, maintenant, va être
consacré constitutionnellement.
Dans les pouvoirs exclusifs provinciaux on sait - M. le
Président, vous me faites signe qu'il me reste deux minutes, alors je
vais aller rapidement - que le gouvernement fédéral s'est
ingéré par ses sociétés, par des interventions dans
différents secteurs d'activité. Mais nous avons, M. le
Président, la garantie constitutionnelle de négocier des ententes
pour baliser, selon les objectifs du Québec, l'intervention du
gouvernement fédéral dans des domaines qui sont exclusivement
provinciaux. Ça veut dire, en clair et en net, M. le Président,
que le Québec est le maître d'oeuvre, le maître de son
développement chez lui. Ça veut dire que le
fédéralisme s'est adapté à ce que doit être
le fédéralisme, c'est-à-dire une formule d'interrelations
politiques souples qui saura s'adapter aux besoins des composantes.
Et, M. le Président, je conclus en vous disant que le XXIe
siècle nous convie à nous occuper d'un capital qui est
extrêmement important, c'est le capital humain, c'est notre
main-d'oeuvre. Constitutionnellement, M. le Président, le Québec
se voit donner le pouvoir de former et de développer sa main-d'oeuvre
et, donc, d'adapter ses programmes de développement aux besoins de sa
spécificité, aux besoins du génie québécois.
Et, en plus, il y aura une entente administrative dans un complément
pour une congruence de la formation et du développement de la
main-d'oeuvre. Dans le dossier de l'assurance-chômage, une entente
interviendra pour qu'on puisse intégrer tout cet aspect de la
main-d'oeuvre. Mais nous n'avons pas réclamé la
responsabilité constitutionnelle de l'assurance-chômage parce
qu'il nous en aurait coûté 1 000 000 000 $
supplémentaires.
M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté,
d'enthousiasme et de conviction que je dis aux Trifluviens et aux
Trifluviennes, aux Québécoises et aux Québécois
qu'il faut adhérer fièrement à cette entente, parce que
cette entente fait du Québec un Québec fort, un Québec
fier, fier d'être partenaire à part entière, sûr de
lui-même parce que les protections dont il avait besoin, il les a, et
outillé, M. le Président, pour affronter le défi des
années deux mille, pour affronter le défi du XXIe siècle.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Trois-Rivières. Sur la même motion,
je cède la parole à M. le député de Richmond
et ministre délégué à l'Agriculture, aux
Pêcheries et à l'Alimentation. M. le député.
M. Yvon Vallières
M. Vallières: Merci, M. le Président. C'est avec
plaisir que je prends la parole aujourd'hui dans le cadre de ce débat
entourant l'adoption de la question référendaire qui sera soumise
à la population québécoise le 26 octobre prochain.
Il s'agit d'une étape décisive dans l'histoire du
Québec. Il importe donc que la population puisse faire un choix
éclairé, un choix objectif basé sur les véritables
éléments et enjeux de l'accord du 28 août dernier car notre
avenir politique, en réalité, M. le Président, c'est
là le thème central du débat
référendaire.
Un oui à l'entente du 28 août dernier nous permettra de
faire un pas important en avant, un pas dans la bonne direction pour continuer
à assurer la prospérité et le développement du
Québec. Un non signifierait un recul inacceptable privant encore pour
longtemps les Québécois et Québécoises d'outils
essentiels à leur développement. La population se doit donc de
faire un choix, un choix sur des éléments concrets et non sur
l'inconnu, sur le vague, comme le propose le Parti québécois,
avec son projet d'indépendance pour le Québec. (11 h 50)
Dans cette optique, il importe que la vérité soit connue,
que les véritables enjeux soient connus. La population ne peut se
laisser berner par ces marchands d'illusions dont plusieurs sont ici en cette
Chambre ou à l'extérieur de cette Chambre. Ils oublient
totalement que le Québec a évolué positivement et s'est
même démarqué avantageusement à maints égards
dans la Fédération canadienne. Bien sûr, notre
évolution est due en grande partie aux moyens que nous nous sommes
donnés et, le 28 août 1992, nous en avons obtenu d'autres. C'est
là-dessus que la population sera appelée à se prononcer,
soit afin d'accepter ces nouveaux moyens, ces nouveaux outils, ou de les
rejeter. Par contre, les rejeter, comme le propose le Parti
québécois, serait lourd de conséquences pour
l'évolution politique et économique du Québec.
Notre engagement, de ce côté-ci de la Chambre, est clair.
Nous voulons que le Québec redevienne un partenaire à part
entière de la Fédération canadienne. Nous voulons que le
Québec prenne la place qui lui revient. Évidemment, les gens d'en
face, les représentants de l'Opposition et leurs compagnons de fortune
du Bloc québécois, à Ottawa, ne répandent qu'une
vision négative du Canada. Ils se refusent à reconnaître
les gains majeurs obtenus dans l'entente du 28 août dernier par le
premier ministre du Québec, l'honorable Robert Bourassa. C'est clair,
ils ne veulent que l'éclatement du pays et rien d'autre. Et, quelle que
soit l'en- tente, ils tiendront toujours le même discours. Ils trompent
la population québécoise, ils l'induisent volontairement en
erreur.
Il importe donc d'exposer les faits réels. Il faut
reconnaître que le Québec, à l'intérieur du Canada,
est devenu une société moderne et juste, qui a su se doter, au
fil de son histoire, des outils pour assurer son développement, une
société québécoise qui fait l'envie de bien
d'autres et qui, pour nous, Québécoises et
Québécois, représente l'objet de notre fierté. Il
faut voir les choses comme elles sont et non pas comme les
indépendantistes qui n'agissent qu'en fonction du désir
émotif d'un soi-disant beau risque. Or, M. le Président, on ne
peut pas jouer de risque lorsqu'il s'agit de notre avenir collectif.
Il faut reconnaître que le Québec jouit d'une
qualité exceptionnelle de vie démocratique. Ne dit-on pas que le
Québec est le berceau de la démocratie en Amérique du
Nord? Encore cette semaine, l'ex-secrétaire des Nations unies, M. Perez
de Cuellar, en témoignait dans le cadre du Symposium sur la
démocratie. Cette réputation enviable n'a-t-elle pas
été acquise en régime fédéral? Par ailleurs,
le Québec est une terre de liberté. Celle-ci est
protégée par les chartes canadienne et québécoise
des droits et libertés de la personne, et cela a été fait
alors que le Québec était membre de la Fédération
canadienne.
Il faut reconnaître que le Québec s'est donné un
ensemble complet de mesures de protection sociale. Je vous mentionne simplement
les allocations familiales, la gratuité des services de santé, la
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,
les régimes de pension et de retraite, l'assurance-hospitalisation, la
gratuité des services juridiques, la gratuité du système
d'éducation, la protection des consommateurs, l'aide sociale, la
sécurité du revenu, et combien d'autres. Et tout cela, M. le
Président, alors que le Québec était membre de la
Fédération canadienne. Ce sont là des acquis que nous nous
sommes donnés à l'intérieur d'un régime
fédéral.
Il faut reconnaître que le Québec a atteint un niveau de
développement économique qui se compare avantageusement avec les
pays les plus performants sur la scène internationale. Le Québec
constitue un exemple d'économie moderne et développée,
productive, structurée et complète. Notre vitalité
économique s'est développée dans un environnement
favorable et les principaux intervenants économiques,
développeurs et investisseurs, vous le diront. Le résultat, nous
le voyons par la présence de grandes entreprises manufacturières
et de services, par un réseau de PME et d'entrepreneurs dynamiques, par
des relations de travail civilisées, par une situation découlant
d'une infrastructure d'accueil avantageuse et un positionnement
stratégique face au marché nord-américain et, voire
même, aux marchés mondiaux.
Nous sommes en avance à plusieurs égards, et cela,
rappelons-le, alors que le Québec était membre de la
Fédération canadienne.
Il faut reconnaître que le Québec est le berceau de la
langue et de la culture françaises en Amérique du Nord. Par
ailleurs, la création artistique y est exceptionnelle. Le Québec
exerce aussi un leadership certain face aux activités de la francophonie
internationale, tout cela encore, M. le Président, dans un contexte,
alors que le Québec était et demeure membre de cette
Fédération canadienne. Ces arguments prouvent qu'au fil des ans -
et cela, quoi qu'en disent nos adversaires séparatistes d'en face - le
Québec a su se développer avantageusement à
l'intérieur du Canada. Il faut le dire et le reconnaître,
au-delà de certaines faussetés qui servent de base à la
démarche du Parti québécois.
Il est donc primordial que nous prenions la place qui nous revient
à l'intérieur de la Fédération, et c'est ce que
nous assure l'entente du 28 août dernier. Notre position est connue, elle
est claire et réaliste. C'est pourquoi nous avons formulé cinq
conditions minimales d'adhésion à la Constitution canadienne. Ces
cinq conditions furent, à l'époque, la base de l'accord du lac
Meech, une base très acceptable, non pas vue comme une finalité,
mais bien comme une pierre d'assise répondant aux besoins
évolutifs du Québec. En fait, une base, un résultat que le
Parti québécois lui-même n'a jamais réussi à
obtenir du gouvernement fédéral, malgré ses menaces
d'indépendance et l'élaboration d'une stratégie
axée - on s'en souvient tous - sur le beau risque. Cette base, nous
l'avons retrouvée dans l'entente du 28 août 1992.
La nouvelle entente marque un progrès substantiel, une
réalisation concrète pour le Québec. En tout état
de fait, cette nouvelle entente est encore meilleure que celle du lac Meech, et
c'est pour cela que je dirai oui à l'avenir du Québec, oui
à cette entente du 28 août 1992, oui, oui, et encore oui, M. le
Président. Oui, parce que le Québec est reconnu comme une
société distincte et unique au sein du Canada. D'ailleurs, cette
reconnaissance ne se limite pas au préambule, mais couvre l'ensemble de
la Constitution. Le gouvernement du Québec aura désormais le
rôle de protéger et de promouvoir cette société
distincte, caractérisée par son droit civil, sa culture unique et
sa langue française. Je dirai oui, parce que le Québec devient
responsable de la sélection et de l'intégration linguistique,
culturelle et sociale des immigrants sur son territoire, afin qu'ils puissent
bâtir avec nous une société reflétant nos
aspirations collectives.
Je dirai oui, M. le Président, parce que le Québec pourra
dorénavant se retirer de tout nouveau programme fédéral
cofinancé par les provinces et obtenir la compensation financière
qui lui revient. Je dirai oui, parce que le consentement du Québec sera
nécessaire pour effectuer des changements à la Cour suprême
du Canada, quant à son existence et à ses pouvoirs. Je dirai oui,
parce que, avec l'entente du 28 août dernier, nous obtenons la garantie
absolue que trois des neuf juges qui siégeront à cette Cour, soit
33 %, seront des juges québécois. Nous obtenons, là
encore, une sécurité complète sur l'un des aspects
fondamentaux pour l'avenir du Québec. Je dirai oui, M. le
Président, parce que le Québec récupère son droit
de veto, abandonné par le Parti québécois en 1981, un
droit de veto sur le Sénat, un droit de veto sur la
représentation de 25 % des députés québécois
à la Chambre des communes, un droit de veto sur la formule d'amendement,
un droit de veto sur la formulation des nouvelles provinces, un droit de veto
sur la société distincte et un droit de veto sur la clause
«nonobstant». Au total, donc, six droits de veto que nous
récupérons afin d'assurer la protection des intérêts
québécois. Ces veto représentent des atouts majeurs, et
nous réparons l'erreur grossière du Parti québécois
de 1981.
Il y a plus, M. le Président. Oui, le temps est venu de
démontrer qu'avec la nouvelle entente le Québec obtient non
seulement les garanties d'avenir conclues dans Meech, mais davantage. Oui, le
temps est venu de mettre un terme à cette propagande qui est
véhiculée par nos amis d'en face qui, de toute façon,
n'ont qu'une seule idée en tête: l'indépendance pure et
simple, la séparation du Québec.
Oui, M. le Président, l'entente du mois d'août nous offre
des gains majeurs, dans plusieurs domaines extrêmement importants pour
notre évolution collective. À ce chapitre, je veux rappeler que
Québec est assuré d'avoir un minimum de 25 % des
députés à la Chambre des communes, et cela, même si
la population du Québec devait représenter un jour moins de 25 %
de la population canadienne. D'autre part, les pouvoirs de l'Assemblée
nationale en matière de langue sont pleinement assurés, tout en
respectant les droits des Québécoises et Québécois
anglophones et ceux des différentes communautés culturelles. (12
heures)
N'en déplaise, M. le Président, au député de
Lac-Saint-Jean qui m'a précédé il y a quelques minutes.
Avec la nouvelle entente, le Québec s'assure de nouveaux pouvoirs qui
n'étaient même pas inclus dans l'entente du lac Meech. Qui osera
dire maintenant que le Québec s'est fait avoir, que le Québec va
devenir une province comme les autres, avec moins de pouvoirs? Ce serait une
fausseté que de le prétendre, M. le Président. Ceux qui,
en 1981, ont hypothéqué notre avenir collectif comme jamais un
gouvernement ne l'avait fait auparavant devraient regarder de plus près
cette nouvelle entente qui marque un progrès réel en
matière de partage des pouvoirs.
Mais qu'avons-nous obtenu? La formation et
le perfectionnement de la main-d'oeuvre deviennent clairement de
compétence exclusive du Québec. Ainsi, avec l'éducation et
la main-d'oeuvre, le Québec aura dorénavant le contrôle de
la formation de l'ensemble de ses ressources humaines. Et, en ce qui concerne
la culture, elle devient aussi une compétence exclusive du
Québec. L'aide du gouvernement fédéral à nos
artistes devra se faire dans le respect de la politique culturelle du
Québec. Je veux rappeler que le tourisme, les forêts, les mines,
les loisirs, le logement et les affaires municipales sont de compétence
exclusive du Québec, et cela même si certains programmes de ces
secteurs sont financés par le fédéral. Il s'agit là
de gains majeurs. Grâce à la nouvelle entente, le Québec
pourra demander au gouvernement fédéral de se retirer de ces
programmes et obtenir pour chacun d'eux pleine compensation
financière.
Enfin, en matière de développement régional, les
ententes où le Québec est maître d'oeuvre seront
protégées en étant incluses dans la Constitution. La mise
en place de ce mécanisme permettra de répondre aux besoins
spécifiques du Québec et de garantir que le gouvernement
fédéral respectera ses engagements.
M. le Président, le temps est donc venu de mettre fin à ce
que j'appelle cette propagande véhiculée par les gens d'en face,
par le Parti québécois et leurs acolytes de fortune du Bloc
québécois à Ottawa. Le non qu'ils proposent à la
population signifie, en fait, un recul important pour l'avenir du
Québec. Ce non signifierait, même si le Parti
québécois tente de le cacher, un vote pour la séparation
du Québec. Ce non signifierait une longue période d'incertitude
qui serait marquée par un déséquilibre, un
déséquilibre absolument catastrophique aux plans
économique, politique et constitutionnel pour le Québec. Vous
savez, M. le Président, le seul objectif qu'ont les gens d'en face est
de détruire le système en place. Pour ma part, lorsque le 26
octobre on me demandera: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada
soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
dernier?» je répondrai oui, M. le Président. Oui, j'accepte
cette entente issue d'un consensus national. Oui, j'accepte que la base des
revendications traditionnelles du Québec soit reconnue par tous nos
partenaires à travers le Canada. Oui, j'accepte les
éléments de sécurité et de protection garantis au
Québec. Oui, j'accepte ce fédéralisme évolutif qui
tient compte des besoins du Québec. Oui, j'accepte la stabilité
économique.
En terminant, M. le Président, je suis confiant que, lorsque
l'entente sera soumise au jugement de la population du Québec, elle
recevra l'appui de la majorité qui dira: Oui, j'accepte les outils de
développement que le Québec se donne pour construire l'avenir
dans un climat de confiance à l'intérieur du Canada. Je suis fier
de cette entente, M. le Président, fier du Québec dont je suis
persuadé de défendre les intérêts en m'associant
à tous ceux et celles qui croient en l'avenir de ce pays et en notre
capacité, comme Québécois et Québécoises, de
contribuer à l'édification de ce pays et d'y jouer un rôle
prépondérant, dans les meilleurs intérêts de tout le
Québec. Merci.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.
Sur le même sujet, je cède la parole à M. le
député de Masson. Vous avez droit a une période de 20
minutes.
M. Yves Blais
M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Nous parlons
aujourd'hui de la question référendaire. Juste avant le
départ, je veux dire que nous sommes souverainistes de notre
côté. C'est vrai. Quel que soit le résultat de ce
référendum, nous serons toujours souverainistes. Ceci dit, nous
aurions aimé et nous aurions voulu, comme le gouvernement, un temps, que
la question porte sur la souveraineté. Le gouvernement a
décidé que cette question ne porterait pas sur la
souveraineté, mais porterait sur autre chose. Et voici la question. Il
faut la lire avec attention, cette question. Certains experts l'ont
analysée. On leur a demandé: Est-ce que cette question favorise
plus le oui que le non? C'est la seule analyse qui a été faite
et, cette analyse-là, je la laisse tomber. Mais je vais étudier
le texte: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit
renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992?»
Des voix: Oui. Des voix: Ha,ha, ha! M. Blais:
Acceptez-vous... Une voix: Oui.
M. Blais: La question, M. le Président, c'est:
«Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur
la base de l'entente du 28 août 1992?» Ça veut dire,
ça, en d'autres mots... il faut lire la question, là. Ça
veut dire, ça: Est-ce que vous nous permettez, à nous,
gouvernement, de renouveler la Constitution en nous basant sur ce qui a
été décidé le 28 août 1992?
Une voix: C'est bien compris.
M. Blais: C'est bien compris, mais ce n'est pas ça qu'on
dit ni d'un côté ni de l'autre, de ce temps-là.
Une voix: Ha, ha, ha!
M. Blais: Cette question veut dire tout simplement, en termes
polis: Est-ce que vous donnez le mandat au gouvernement en place de
poursuivre des négociations pour renouveler la
Constitution...
Une voix: Oui.
M. Blais: ...sur les bases des petites ententes qu'il y a eu le
28 août? Donc, c'est un mandat de négocier que vous demandez. Vous
demandez un mandat de négocier. C'est donc un référendum
qu'on pourrait traiter d'inutile; le mandat de négocier, une fois
élus, vous l'avez.
Une voix: C'est ça que vous avez demandé en
1980...
M. Blais: Vous l'avez!
Une voix: ...le mandat de négocier.
Une voix: M. le Président!
M. Blais: En 1980, nous n'avions pas le mandat...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant!
M. Blais: ...de négocier la souveraineté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant,
M. le député de Masson, je m'excuse. Oui, M. le
député de Labelle.
M. Léonard: M. le Président, je voudrais que vous
rappeliez les collègues d'en face à l'ordre parce qu'ils
interrompent sans arrêt le mien, mon collègue qui est en train de
s'exprimer.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, il y a
évidemment les règles prévues à l'article 32 quant
au décorum, que vous connaissez tous. Le député de Masson
est en droit de s'exprimer sans être dérangé. Allez-y, M.
le député de Masson.
M. Blais: Intervention charmante, M. le Président.
M. Bourassa est un homme très fort en duperie du peuple. Il a
l'intelligence de l'ambivalence. Et il a préparé depuis longtemps
l'atmosphère pour que les discussions portent à côté
de la question demandée. Il a fait ça une première fois,
on le sait, tout dernièrement, après l'échec de Meech, il
est venu faire son numéro de désolation. Il semblait
outré, presque la larme à l'oeil. Il a dit que le Québec
sera toujours maître de sa destinée. C'était très
beau. On avait tendance à le croire.
Il a demandé de façon directe, un peu comme mère
Teresa, la charité à l'ensemble du Québec de faire
consensus avec lui pour les intérêts supérieurs de la
nation. C'était noble et c'était digne, s'il était
sincère à l'époque.
Aujourd'hui, on pense qu'il ne l'était pas.
Il forme la commission Bélanger-Campeau, demande le consensus et
l'obtient. Bélanger-Campeau fait son rapport: 82 % du monde qui est venu
là a demandé à peu près la souveraineté du
Québec ou une série de pouvoirs qui ressemblent un peu au rapport
Allaire, mais conclut qu'il y a deux voies, et donne à M. Bourassa ce
rapport. M. le premier ministre, vous avez à décider, selon ce
que les gens de Bélanger-Campeau nous ont dit: Est-ce que vous faites la
souveraineté ou est-ce que vous voulez renouveler profondément la
Constitution canadienne? C'était ses deux options. (12 h 10)
Ça discute longtemps. La 150 est là. Elle arrive. Un
référendum sur la Constitution qui portait sur la
souveraineté du Québec. Rien sur l'autre chose. Là, il
arrive. Il se rend compte, depuis le mois de mars 1991, des discussions qui se
font, qu'il va obtenir un échec avec les autres premiers ministres,
comme premier ministre du Québec, parce qu'il a parié
bilatéralement à tout le monde durant toutes ces
années-là. là, on arrive à la base du consensus du
7 juillet. c'est un échec total. c'était censé être
le rapport final, parce que m. bourassa avait dit au monde: jamais, je ne
retournerai discuter à 11, et québec ne s'humiliera plus à
faire des propositions à ottawa parce que, à toutes les fois
qu'on a fait des propositions à ottawa, nous avons eu des rebuffades. il
avait raison.
Voyant venir cet échec, il avait prévenu plusieurs mois
d'avance qu'il ne ferait pas un référendum sur la
souveraineté, parce qu'il n'y croit pas. Il avait dupé les gens
de la commission Bélanger-Campeau, il avait dupé les jeunes
libéraux, il avait dupé son congrès en mars 1991, il avait
dupé la population en signant le rapport Allaire. Il avait fait
ça, et ça avait l'air tout naturel. C'est malheureux qu'il ait
l'air si naturel quand il ne dit pas ce qu'il pense. C'est malheureux, mais
c'est ainsi.
Il n'a jamais voulu faire un référendum sur la
souveraineté. Il a cru bon d'entretenir cette flamme à
l'intérieur de son parti, cette possibilité devant un groupe -
surtout avec les jeunes et les gens du rapport Allaire - pour un peu
éloigner ceux qui sont porteurs de cette idée de
souveraineté, c'est-à-dire le Parti québécois, des
feux de la rampe en faisant de l'opposition dans son propre parti. Du
côté tactique, il est très fort en tactique et en duperie.
Très fort!
Mais il nous arrive aujourd'hui, il va chercher la loi 150. Il dit: On
la change, je ne veux pas que ça porte sur la souveraineté, je
veux que ça porte sur les offres d'Ottawa. Écoutez bien,
là. Encore là, il nous trompe. Encore là, il nous trompe.
Et c'est là sa force, de nous duper. Il veut que ça porte sur les
offres d'Ottawa. Il change par la loi 44. Il arrive avec une question qui ne
porte pas sur les offres d'Ottawa. Et on discute de chaque côté
de
la Chambre comme si c'était un... Et, certains l'ont dit, ce sera
la première fois que le peuple vote pour approuver sa Constitution.
Ça ne peut pas être une menterie plus directe.
Si ce référendum-là est gagné par le Parti
libéral et qu'ils font une constitution, après qu'elle aura
été écrite, s'ils la mettent en référendum,
là, ce sera un référendum pour approuver notre
Constitution. Ce n'est pas ça qui est écrit ici. C'est
écrit: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit
renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août»?
Ceci veut dire: Nous permettez-vous de continuer les négociations, parce
que nous ne voulons pas admettre que nous avons eu un échec et que nous
ne pouvons pas répondre à la loi 150 du Québec, du 26
octobre? C'est facile, de l'autre côté, de dire oui, pour
plusieurs, sachez bien que, nous, dire non... Pourquoi on dirait non, d'abord,
à une telle question si on dit que c'est continuer à
négocier? On est d'accord, nous, que ça continue à
négocier parce qu'on n'est pas contents de la base du 28 août.
Mais par ce référendum, le gouvernement cerne le minimum. Par
l'entente du 28 août, il veut élaborer sur ça. Le 7
juillet, le premier ministre dit: J'ai gagné des points. Nous, on dit
qu'il n'a pas gagné grand-chose, mais admettons qu'il a gagné des
peccadilles, comme dit notre chef. Il a gagné des choses parce que
c'était la base du 7 juillet où il est allé discuter. La
base du 28 août si on donne la permission au Québec d'aller
discuter, qui est en bas, qui est sous le tapis des revendications historiques
du Québec, il ne se sentira pas obligé là, et les autres
premiers ministres qui ont signé des choses contradictoires, quand ils
vont arriver après un oui, ils vont modifier à la baisse, mais
à la baisse.
Nous disons non, nous, parce que nous voulons que les
négociations reprennent sur les bases des demandes traditionnelles du
Québec, et c'est ça qu'un non veut dire. Un non veut dire que
l'entente du 28 août comme base de discussion, demandée comme
mandat de discussion et de négociation dans cette question, ce n'est pas
suffisant comme base, ça ne vaut pas plus que la base du 7 juillet. Nous
demandons donc aux gens de dire non à ça pas parce que nous ne
voulons pas, comme la question le demande, que les discussions continuent.
Cette question ne demande que les négociations continuent dans le
domaine constitutionnel avec tout ce que ça entraîne, des
rencontres de premiers ministres, la finalisation d'une sorte d'entente entre
eux, la marge des trois ans après qu'un premier Parlement l'aurait... On
va aller à l'an 2000. On demande de retarder les discussions à
l'an 1998, je ne sais pas quoi, et certains nous laissent croire que si on vote
oui à ça c'est la fin des discussions. Bien voyons donc!. C'est
écrit tout le contraire et ce n'est pas nécessaire d'être
un grand professeur de français pour comprendre: Acceptez-vous que la
Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue
le 28?
Si on voulait que le peuple se prononce sur la Constitution qui aurait
été décidée le 28 août, on aurait simplement
dit... J'en ai fait plusieurs exemples. Je m'en ai sorti des phrases qui
veulent dire ce qu'eux autres nous font croire que ça veut dire. Juste
une seconde, M. le Président, je vais en sortir. Bon. Il y aurait pu
avoir celle-là. Si c'est un référendum pour accepter les
offres comme on dit, pour que les offres qui sont là le peuple approuve
qu'elles deviennent constitutionnelles et dans la Constitution, ça
aurait été: Approuvez-vous la nouvelle Constitution telle que
modifiée le 28 août 1992 par les 11 premiers ministres du Canada?
Si on voulait que le peuple se prononce sur la constitution nouvelle ou
renouvelée, on leur dirait: On a modifié une constitution le 28
août, est-ce que vous approuvez les changements qu'on a faits là
et qu'on les mette partie prenante de la Constitution? Ce n'est pas ça
qu'on dit. Ce n'est pas ça qu'on demande. C'est ça que les
discours disent, par exemple. Mais la question ne demande pas d'approuver. La
question ne fait que demander un mandat d'extensionner les étemelles
rencontres sur la base du 28 août 1992. Ce n'est pas, M. le
Président, un référendum pour que le peuple accepte ou pas
sa Constitution. Et nous, nous disons non à ça, non parce que
nous ne voulons pas que les discussions continuent. On a hâte qu'elles
finissent. Si on faisait un référendum sur la
souveraineté, ça finirait là, mais vu que le gouvernement
ne veut pas, on dit non parce que la base du 28 août est une base indigne
de début de discussions pour améliorer le sort du Québec
au sein de la Confédération. Nous voulons qu'ils changent de
base, qu'ils prennent les revendications historiques du Québec pour
recommencer à discuter.
M. le Président, je sais que c'est difficile, mais arrêtez
de nous dire, au moins, qu'un non à ça veut dire la
souveraineté du Québec. Arrêtez au moins ça! Il y a
un minimum de décence intellectuelle à respecter, un minimum.
Faire le trottoir constitutionnel pour aguicher les autres premiers ministres,
ce n'est pas des arguments de taille bien, bien forts, ça. On a
essayé souvent de faire du collage entre deux choses. On essaie de
coller de la céramique avec du plastique. C'est aussi différent
que ça, le Canada anglais et le Canada français ou le
Québec, comme on l'appelle, nous. C'est incollable. Vous n'êtes
pas capables de faire un pays avec l'Allemagne et la France, non pas parce que
c'est du mauvais monde et qu'ils se haïssent. Vous n'êtes pas
capables de faire un seul pays avec l'Italie et la France. C'est deux bons
peuples extraordinaires, que j'aime, mais demandez donc aux Italiens de faire
un seul pays avec l'Italie et la France. Pas juste essayer de faire du
recollage, il va falloir qu'ils fassent du racolage pour venir à bout de
faire accroire au monde... Bien, c'est ça qu'on
fait. Cette question est une question de racolage constitutionnel. On
fait croire au monde qu'on lui demande de voter sur la constitution de
l'éventuel pays Canada. Ce n'est même pas un
référendum sur les offres. Alors, on nous trompe encore, et on
discute des offres. On dit: Elles sont acceptables, elles ne sont pas
acceptables. Bien, voyons donc! Ce n'est même pas un
référendum sur les offres. C'est un référendum pour
demander le mandat de continuer à négocier, et on va nous faire
croire que ce référendum-là, ce serait la fin des
discussions? C'est incroyable. (12 h 20)
Là, je tiens à féliciter - je n'en suis pas fier -
la force du premier ministre du Québec dans l'art de préparer une
éventuelle duperie, une éventuelle tromperie. Il s'y est pris
longtemps d'avance. Alors, pour nous du Parti québécois qui
sommes élus dans un gouvernement fédéraliste, le
Québec est dans la fédération. Vous savez tous que nous
voulons que le Parlement devienne maître de tous ses pouvoirs. C'est
notre but, on ne le cache pas, mais ne venez pas nous reprocher et
arrêtez de nous reprocher de ne pas dire que le non voudra dire oui
à la souveraineté. Ce n'est pas vrai que le non voudra dire oui
à la souveraineté. Si vous faisiez un référendum
pour demander au peuple du Québec: Est-ce que les magasins doivent
être tous ouverts le dimanche? Supposons que vous dites oui, puis nous
autres, on dit non. Supposons. Est-ce que vous nous demanderiez, durant ce
référendum-là, de parler de la souveraineté? Si on
ne parlait pas de la souveraineté, vous nous diriez qu'on n'est pas
constants? C'est comme quelqu'un qui joue au «bowling» et qui est
végétarien. À toutes les boules, tu lui demandes: Puis,
avant de lancer ta boule, dis-nous que tu es végétarien. Ce n'est
pas nécessaire, il joue au «bowling».
Là, vous nous avez défendu de faire un
référendum. C'est vous qui l'avez fait. Vous avez changé
la loi 150. Vous nous avez défendu... Vous avez subi un échec et
vous nous demandez, par une contorsion, de continuer à négocier
pour ne pas admettre votre échec. Eh bien, vous en subirez les
conséquences. On va dire non, et les libéraux, là, c'est
parce que les bases des conclusions du 28 ne sont pas assez fortes dans la
répartition des pouvoirs, qui ne respectent pas les droits historiques
du Québec, que les libéraux disent non. Beaucoup de
libéraux disent non.
Alors, nous autres, nous voulons que M. le premier ministre qui
retournera discuter ait une deuxième chance d'arriver en force. S'il
arrive avec un oui, il aura les épaules collées à la
moquette constitutionnelle, et ça donnerait des résultats
mièvres comme ceux qu'on nous annonce dans l'entente du 28. Je vous
remercie beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Masson. Sur le même sujet, à savoir la
motion de M. le premier ministre relativement à la question
référendaire, je cède maintenant la parole à M. le
député de Montmagny-L'lslet.
M. Real Gauvin
M. Gauvin: Merci, M. le Président. Le 26 octobre prochain
sera un grand jour pour l'avenir du Québec et, par le fait même,
pour celui du Canada. C'est ce jour-là, en effet, que toute la
population sera appelée à se prononcer sur l'entente
constitutionnelle conclue le 28 août dernier à Charlottetown.
C'est aussi un sujet d'intérêt pour plusieurs des citoyens du
comté de Montmagny-L'lslet.
Pour ma part, j'envisage avec optimisme l'issue de ce
référendum québécois et évidemment
pancanadien, parce que je suis convaincu que l'ensemble de la population
désire que le pays reste uni. Je sais que les Québécoises
et les Québécois prendront l'option de la raison,
c'est-à-dire l'option qui est prévue à l'entente, au lieu
de la voie de l'indépendance incertaine. En d'autres termes, M. le
Président, les Québécois diront oui à l'entente
constitutionnelle parce que, tout d'abord, le Québec se voit octroyer de
nouveaux pouvoirs qui n'étaient même pas inclus dans l'entente du
lac Meech.
Tout d'abord, la formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre
deviendront clairement des compétences exclusives du Québec.
J'aimerais qu'on se rappelle, qu'il y a quelques minutes, dans cette Chambre,
le député de Laporte nous a décrit très clairement
ce que comportait ce secteur, soit celui de la formation et du perfectionnement
de la main-d'oeuvre, et il était très confiant du cheminement du
dossier pour ce qui est des négociations en vue d'avoir un guichet
unique au Québec. C'est ce que souhaitent les Québécois
depuis très longtemps. Donc, avec l'Éducation et la
Main-d'oeuvre, le Québec aurait le contrôle de la formation de ses
ressources humaines, comme je viens de vous le décrire. L'entente de
développement régional pour le Québec, qui nous verrait
maître d'oeuvre de notre avenir sur le plan du développement
régional, sera protégée par la Constitution, ce qui rendra
impossible le désengagement du gouvernement fédéral dans
ce domaine.
En ce qui a trait au tourisme, à la forêt, aux mines, aux
loisirs, au logement et aux affaires municipales, nous savons
déjà que ces secteurs deviendront des compétences
exclusives du Québec. La nouvelle entente prévoit en effet que le
Québec pourra dorénavant demander au fédéral de se
retirer de ces programmes, et obtenir pour chacun d'eux une pleine compensation
financière.
Puis, la culture deviendra une compétence exclusive du
Québec, même si le gouvernement fédéral peut
continuer d'aider nos artistes, en autant que cela respecte la politique
culturelle du Québec. Par ailleurs, le fédéral, toujours
via
l'accord constitutionnel, s'engagera à trouver les moyens qui
permettront au Québec d'encadrer et de limiter davantage le pouvoir de
dépenser du fédéral. Cela permettra aux
Québécois de renforcer leur autonomie politique et
économique.
Finalement, les télécommunications feront l'objet d'une
entente qui bénéficiera de la protection constitutionnelle. Il
s'agit là de gains importants, M. le Président, et cela, nul ne
peut le contester.
M. le Président, il y a plus que tout cela. Effectivement, je
suis persuadé que les Québécois diront oui à
l'entente parce qu'elle signifie plus que Meech. Avec elle, le Québec
obtient non seulement les garanties d'avenir que l'on retrouvait dans l'entente
du lac Meech, mais, encore plus, le Québec ne pourra jamais avoir moins
de 25 % des députés à la Chambre des communes, et ce,
même si la population du Québec devait un jour représenter
moins que 25 % de la population canadienne.
En ce qui a trait aux pouvoirs de l'Assemblée nationale en
matière de la langue, ils seront pleinement assurés, tout en
respectant les droits des Québécois anglophones et ceux des
différentes communautés culturelles. Puis, les peuples
autochtones pourront exercer leur autonomie gouvernementale dans le respect de
l'intégrité du territoire québécois, de la paix et
de l'ordre du bon gouvernement. Cela aussi, M. le Président, sera dans
la Constitution canadienne.
Enfin, je sais que les Québécois diront oui à
l'entente constitutionnelle, parce qu'elle renferme les éléments
fondamentaux contenus dans l'accord du lac Meech. Ainsi, le Québec sera
reconnu comme une société distincte...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le
député de Montmagny-L'lslet. À moins qu'on ne m'indique
qu'il y a consentement pour que nous puissions continuer nos travaux, je devrai
interrompre, étant donné qu'il est 12 h 30. Est-ce qu'il y a
consentement? Allez-y, M. le député de Montmagny-L'lslet.
M. Gauvin: Merci, M. le Président. Ce que je vous
mentionnais... Le Québec sera reconnu comme une société
distincte et unique au sein du Canada. À cet égard, le
gouvernement du Québec aura désormais le rôle de
protéger et de promouvoir cette société distincte. Le
Québec pourra se retirer de tout nouveau programme fédéral
cofinancé par les provinces et obtenir la pleine compensation
financière qui lui revient. Le Québec deviendra responsable de la
sélection, de l'intégration linguistique, culturelle, sociale et
économique des immigrants sur son territoire. (12 h 30)
Aussi, aucun changement ne pourra être effectué à la
Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec quant
à son existence, ses pouvoirs et à la présence garantie de
trois juges sur neuf. Le Québec aura également un droit de veto
sur toute nouvelle modification de ces trois institutions centrales. Puis le
Québec pourra s'opposer à toute mesure qui diminuerait les
pouvoirs de l'Assemblée nationale et pourrait, dans chaque cas, exercer
son droit de retrait avec pleine compensation financière. Tout cela, M.
le Président, sera dans la Constitution canadienne.
Donc, à ceux qui nous disent que le Québec va devenir une
province comme les autres avec cette entente et qu'il aurait moins de pouvoirs,
je leur dis... Et ça ressemble beaucoup aux discours qu'on entend depuis
quelques jours de ce côté-ci de la Chambre, du côté
de l'Opposition, des représentants du Parti québécois dont
le seul objectif est de diviser le Canada en supportant l'option
séparatiste. La vérité, c'est que cette entente
représente ce que le Québec a obtenu de mieux lorsqu'il a
négocié. La vérité, c'est que le Québec
n'aura jamais été en aussi bonne posture. Enfin, la
vérité, c'est que l'entente du 28 août dernier est
meilleure que l'entente du lac Meech.
J'aimerais, M. le Président, à ce moment-ci, vous
référer au discours ou aux réponses que M.
Gérin-Lajoie donnait hier en commission sur les offres. Je pense qu'il a
très bien détaillé sa perception de cette entente pour
l'avenir des Québécois. Aussi, M. le Président, à
ceux qui nous disent que nous avons fait un recul, je leur répondrai en
leur rappelant les propos d'un de mes collègues: Le seul recul que nous
avons fait, c'est un recul vis-à-vis de l'option
indépendantiste.
M. le Président, je voterai donc oui à l'entente
constitutionnelle du 28 août dernier, parce que le prix d'un échec
nous apparaît beaucoup trop élevé. Ce prix, je ne veux pas
le payer et je ne veux pas que les générations futures le paient
aussi. Je dirai oui, le 26 octobre prochain, parce que l'accord répond
aux attentes des Québécois et qu'elle fait l'objet d'un large
consensus au pays. Je dirai oui, parce que je ne crois pas que l'on pourrait
obtenir plus de garanties même si on négociait davantage à
ce moment-ci. Je dirai oui, parce que le contexte actuel est risqué
d'assumer trop d'inconnu. Enfin, je dirai oui parce que l'objectif principal du
premier ministre du Québec et de notre gouvernement est atteint, soit
celui de protéger l'avenir des Québécoises et des
Québécois et de notre jeunesse. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Montmagny-L'lslet. Sur la même motion, je
cède maintenant la parole à Mme la députée de
Mégantic-Compton.
Mme Madeleine Bélanger
Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Nous ;
amorçons présentement une étape cruciale du
dossier constitutionnel, une étape que tous attendaient depuis
longtemps puisqu'elle nous permettra, enfin, de mettre un terme à des
années d'incertitude.
Oui, M. le Président, vous le savez que depuis six ans nous, du
gouvernement libéral, nous nous battons pour réparer les erreurs
commises par l'ancien gouvernement péquiste, des erreurs lamentables.
Nous nous battons pour redonner au Québec la place qui lui revient au
sein de la Fédération canadienne. On peut dire que l'incertitude,
avec cette entente, est maintenant chose du passé. Aujourd'hui, ce que
l'on constate avec l'entente constitutionnelle du 28 août dernier, c'est
que nos efforts ont porté fruit. Ces efforts déployés avec
l'énergie de la conviction et de l'espoir par le premier ministre du
Québec ne démontrent qu'une chose, que le Québec a fait un
pas de géant dans le sens des revendications traditionnelles du
Québec.
M. le Président, même si les résultats sont
là, il n'en demeure pas moins que le débat ne fait que commencer,
un débat qui permettra d'éclaircir certains points de l'entente
qui, manifestement, n'ont pas été saisis par les membres de
l'Opposition officielle. Depuis quelques jours, tout ce que nous entendons de
la part de nos adversaires, c'est que le Québec a fait un recul. Mais,
de quel droit viennent-ils nous dire que le Québec a reculé,
quand tout le monde sait que, jamais, un premier ministre du Québec n'a
pu retirer une entente aussi significative que celle du 28 août dernier?
Il faut arrêter, M. le Président, de proférer des propos
mensongers et de faire croire que le Québec, au sein du Canada, se
compare à une société sous-dévelop-pée.
M. le Président, je pense que la liste de réalisations
québécoises démontre à quel point le Québec
a su se prendre en main et bénéficier des avantages à
faire partie de la Fédération canadienne. Toutefois, je peux
peut-être comprendre cet oubli de la part de l'Opposition officielle
parce que, inutile de se le cacher, les réalisations libérales
doivent être impressionnantes aux yeux de nos adversaires. Bien que la
liste soit longue, M. le Président, je ferai un bref rappel de ces
grandes réalisations. Pensons simplement à la
Société générale de financement, à la Caisse
de dépôt et placement, des sociétés
financières crées pour canaliser l'épargne vers
l'investissement productif. Il y a, bien sûr, la création
d'Hydro-Québec, la Société québécoise
d'exploration minière, en 1965, et Sidérurgie du Québec,
en 1964. Je crois également qu'il faut mentionner la création de
la SDI, en 1971, de la Société d'énergie de la Baie James
et de la Société québécoise d'initiatives
agro-alimentaires, en 1974.
Nous avons également créé les CLSC, la Cour des
petites créances, l'aide juridique et cette autre réalisation, et
non la moindre, la Charte québécoise des droits et des
libertés de la personne, le 27 juin 1975. Alors, M. le Président,
dire que le Québec a été brimé à
l'intérieur du fédéralisme canadien, c'est une aberration.
Bien au contraire, le Québec a su se développer et ainsi
favoriser l'épanouissement de notre société, maintenant
distincte.
Cette identité propre du Québec, M. le Président,
nous l'avons forgée, bâtie et instituée dans le cadre de la
Fédération canadienne. Aussi, je ne crois pas qu'avoir agi ainsi
a nui à la canalisation des forces d'épanouissement de notre
société et que cela nous empêchera de mieux maîtriser
notre avenir. Bien au contraire, au fil des ans, le Québec se solidifie,
et ce, dans le meilleur intérêt des générations
futures.
Alors, M. le Président, je pense qu'il faut mettre un terme
à toutes les faussetés véhiculées par les membres
de l'Opposition péquiste et, particulièrement, par le chef de
l'Opposition lui-même. Je crois qu'il est temps qu'il arrête de
rapetisser le Québec, de le ramener à un statut de
société déficiente, constamment à la remorque des
autres. Il en est tout autrement. Je voudrais bien voir qui sera à la
remorque de qui si le Québec, aujourd'hui pour demain, on se
séparait. Donner cette opinion aux Québécois serait leur
faire donner trop cher le prix de l'incertitude.
M. le Président, qui est le chef de l'Opposition péquiste
pour venir qualifier les gains du Québec comme étant des
pacotilles? Est-ce qu'il qualifie les résultats du mandat du
gouvernement péquiste comme tel? Les dettes qu'il nous ont
laissées en héritage sont des pacotilles qui souffrent
d'embonpoint de même que le trou de 500 000 000 $ en éducation.
Doit-on considérer les propos de l'actuelle députée de
Taillon comme des pacotilles, lorsqu'elle affirmait que les politiques
économiques de son gouvernement constituaient un échec? (12 h
40)
Tout bien considéré, M. le Président, vous me
permettrez d'ignorer les propos des membres de l'Opposition officielle. Donc,
M. le Président, je suis persuadée que le population du
Québec votera oui au référendum du 26 octobre prochain, et
ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, un non signifierait une chance
manquée de mettre fin à l'incertitude persistante au sujet de
l'avenir politique du Québec. Un non serait une occasion ratée de
permettre au gouvernement du Québec et à celui du Canada de
consacrer tout le temps aux problèmes économiques. Un non du
Québec voudrait également dire le maintien des pressions en
faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes ses implications
politiques, sociales, économiques et financières. Il s'agirait
d'une perte considérable de la crédibilité du
Québec à l'égard des partenaires canadiens.
De plus, un non du Québec voudrait dire une perte en ce qui
concerne les acquis de l'entente constitutionnelle. Pensons notamment
à
la reconnaissance de la société distincte, des droits de
veto sur les institutions, et à l'entente sur l'immigration. Cela
mettrait fin aussi à la reconnaissance de la compétence exclusive
du Québec sur la main-d'oeuvre, la culture, les mines, les forêts,
le loisir, les affaires urbaines, le tourisme et le logement.
Un non mettrait fin à la garantie à vie des 25 % de
Québécois à la Chambre des communes. Un non mettrait fin
à la garantie des 33 % de juges québécois à la Cour
suprême. Un non du Québec signifierait la perte du renforcement de
l'union économique et de la stabilité des ententes de
développement économique.
Enfin, M. le Président, un non créerait un accroissement
des tensions avec les peuples autochtones, qui verraient tous leurs efforts
anéantis. De même, un non ferait persister les inquiétudes
légitimes des Québécois anglophones et des membres des
communautés culturelles quant à l'avenir du Canada, une
inquiétude partagée par l'ensemble des
Québécois.
M. le Président, on voit bien qu'une seule réponse est
possible à l'entente constitutionnelle, et cette réponse, c'est
oui. Le fédéralisme canadien a permis au Québec de devenir
une société moderne, juste et développée. Le
fédéralisme a également contribué à faire du
Québec ce qu'il est devenu aujourd'hui, c'est-à-dire l'objet de
notre fierté. M. le Président, personne ne peut nier que le
Québec jouit d'une qualité exceptionnelle de vie
démocratique, ce que l'ancien Secrétaire général de
l'Organisation des Nations unies, M. Javier Perez de Cuellar, n'a pas
manqué de mentionner avant-hier, lors de la cérémonie
d'ouverture du Symposium sur la Démocratie qui se tient au
Québec.
Nous savons tous que les Québécois jouissent de la
protection de leur fierté fondamentale via la Charte canadienne et la
Charte québécoise des droits et libertés de la personne.
Le Québec s'est également donné un ensemble complet de
mesures et de protections sociales à l'intérieur du
fédéralisme canadien. Songeons aux allocations familiales,
à la gratuité des services de santé, à la
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs,
aux régimes de pension et de retraite, à
l'assurance-hospitalisation, à la gratuité des services
juridiques, et j'en passe. Ce sont là des mesures dont jouit le
Québec et des mesures qui ont été mises sur pied alors que
le Québec était membre de la Fédération canadienne.
Puis le Québec a une économie moderne et
développée, productive et compétitive. Nous avons de
grandes entreprises, nous bénéficions de services financiers et
d'infrastructures qui font l'envie de plusieurs sociétés. Donc,
M. le Président, grâce aux ressources propres au Québec et
au Canada, le Québec a pu devenir une société moderne,
juste, et une société de langue et de culture françaises.
Contester cela, c'est renier la capacité du Québec de se
développer.
En terminant, M. le Président, je veux simplement vous dire que
je me battrai jusqu'au bout. Comme je le disais au début de mon
intervention, ce débat ne fait que commencer, j'en suis consciente.
C'est pourquoi je redoublerai d'efforts pour veiller aux intérêts
supérieurs des Québécois et Québécoises
ainsi qu'aux intérêts supérieurs des citoyens et citoyennes
de Mégantic-Compton. Je me battrai pour que tous comprennent que
l'avenir du Québec ne pourra mieux être protégé
qu'à l'intérieur du fédéralisme canadien. Je me
battrai pour assurer un avenir prospère aux générations
qui nous succéderont. Enfin, je me battrai pour que le Québec
continue à être distinct par sa langue, sa culture, son dynamisme
et sa force.
Je dis oui à la force du Québec, et c'est pour toutes ces
raisons, M. le Président, que le 26 octobre je dirai oui aux ententes.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la
députée.
Je vous rappelle qu'à 14 heures nous allons procéder
à l'étape des affaires courantes, avec, particulièrement,
la période des questions et réponses orales, et que nous
reprendrons immédiatement après le débat sur la question
référendaire.
Je suspends donc les travaux jusqu'à 14 heures cet
après-midi.
(Suspension de la séance à 12 h 46)
(Reprise à 14 h 7)
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques
instants.
Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.
Affaires courantes
Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.
Il n'y a pas de déclarations ministérielles.
Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.
Présentation de projets de loi
M. Pagé: M. le Président, je vous invite à
appeler l'article a du feuilleton.
Projet de loi 45
Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le
ministre des Approvisionnements et Services présente le projet de loi
45, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et la Loi sur
le ministère des Approvisionnements et Services. M. le ministre.
M. Robert Dirtil
M. Dutil: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi
sur l'administration financière et la Loi sur le ministère des
Approvisionnements et Services afin de permettre au gouvernement d'exempter
sans condition certains organismes publics de l'application de l'ensemble de la
réglementation prise en vertu de ces lois et portant sur les conditions
des contrats faits par les organismes publics et sur l'acquisition et la
fourniture de biens et services par de tels organismes.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte
d'être saisie de ce projet de loi?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté. M. le leader du
gouvernement.
M. Pagé: Je vous invite à appeler l'article b, s'il
vous plaît.
Projet de loi 46
Le Président: à l'article b du feuilleton, m. le
ministre des transports présente le projet de loi 46, loi modifiant la
loi sur la société de l'assurance automobile du québec. m.
le ministre.
M. Sam L. Elkas
M. Elkas: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi
sur la Société de l'assurance automobile du Québec afin
d'autoriser cette Société à verser au fonds
consolidé du revenu, au cours de l'exercice financier 1992-1993 du
gouvernement, la contribution annoncée dans le Discours sur le budget
1992-1993 du 14 mai 1992.
Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte
d'être saisie de ce projet de loi?
Des voix: Adopté.
Le Président: Adopté.
Maintenant, dépôt de documents.
Dépôt de rapports de commissions.
Dépôt de pétitions.
Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de
privilège ou sur un fait personnel.
M. Chevrette: M. le Président...
Le Président: M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: J'aurais une question au leader du gouvernement, M.
le Président, compte tenu qu'on nous a signalé l'absence de 10
ministres. Je voudrais demander au leader du gouvernement si c'est
l'application du rapport Poulin ou si c'est parce que ces ministres sont
allés négocier des ententes sectorielles administratives.
Des voix: Ha. ha, ha!
Le Président: M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: J'aimerais vous dire: On ne peut rien vous
cacher.
Des voix: Ha,ha, ha!
(14 h 10)
M. Pagé: M. le Président, vous savez, pour le
bénéfice des membres de cette Chambre et pour le
bénéfice de celles et ceux qui nous écoutent, à
chaque matin où l'Assemblée siège, je fais parvenir
à mon bon ami, le leader parlementaire de l'Opposition, la liste des
ministres qui, en raison des engagements antérieurement pris, se voient
dans l'obligation d'être absents de la Chambre et privés du
plaisir d'échanger avec les députés de l'Opposition
notamment. Alors, effectivement, j'ai fait parvenir la liste avec les
affectations, les raisons, les motifs et, moi aussi, j'arrive au chiffre 10.
Mais vous devriez convenir que le premier ministre est ici pour répondre
à vos questions, Mme la vice-première ministre, le ministre de
l'Environnement, Mme la ministre des Communautés culturelles et de
l'Immigration, M. le ministre de la Main-d'oeuvre et de la
Sécurité du revenu et les ministres des affaires
intercanadiennes, des Transports, des Approvisionnements et Services, le
ministre délégué à la Francophonie, le ministre
délégué aux Transports, Mme la ministre des Affaires
culturelles, M. le ministre du Travail, Mme la ministre
déléguée à la Condition féminine et M. le
ministre de la Santé, qui est ici. Alors...
M. Chevrette: Pas ceux-là. On veut avoir les autres.
M. Pagé: Les autres, je vous ai donné les motifs.
Alors, vous les questionnerez mardi.
Le Président: Très bien. À l'ordre, s'il
vous plaît! Nous allons maintenant procéder à la
période des questions et réponses orales, et je reconnais en
première question principale M. le chef de l'Opposition.
Questions et réponses orales
Nécessité d'un plan de relance de
l'économie du Québec
M. Parizeau: M. le Président, avant-hier, ce n'est pas
sans une certaine surprise qu'on a entendu le premier ministre dire en cette
Chambre, et je le cite: «On a besoin de libérer le gouvernement de
manière à ce qu'il puisse
affecter ses toutes premières énergies à la relance
de l'économie. Je veux dire, depuis un mois et demi, en autant que je
suis concerné, ou mon gouvernement, ça a été des
jours et des semaines de négociations constantes.» Oui,
effectivement, bien que le gouvernement ait refusé de reconnaître
pendant plusieurs mois qu'une récession commençait, il y en a
une. Elle dure même depuis un certain temps, pas depuis un mois et demi.
À travers cette récession, le Québec a perdu 168 000
emplois dont le tiers depuis le début de l'année. Le premier
ministre, sur le plan des gestes économiques à poser avec son
gouvernement, n'a bien réussi - alors, là, démontrant une
imagination remarquable - que des augmentations de taxes successives.
Ça! Rapides, souvent, fréquentes. La dernière, le 1er
juillet, 4 % sur les services.
Est-ce que, là, enfin, le premier ministre est en train de nous
dire qu'il reconnaît la nécessité d'avoir un plan de
relance pour l'économie du Québec? Que c'est seulement
aujourd'hui, à l'occasion de la campagne référendaire,
qu'il se réveille et qu'il dit: Oui, il faudrait que mes toutes
-'premières énergies passent à un plan de relance? C'est
ça qu'il a voulu dire avant-hier?
Des voix: Bravo!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit avant-hier - le
chef de l'Opposition m'a cité hors contexte - que, depuis plusieurs
semaines, je devais assumer, comme chef du gouvernement, le travail avec mon
collègue, le ministre des affaires canadiennes, qui m'a appuyé
d'une façon extraordinaire, que nous devions, tous les deux, avec la
collaboration d'autres collègues, assumer des négociations
très intenses. Et il l'a lui-même constaté, parfois,
ça allait jusqu'à 17 heures par jour, dans un contexte qui
était exigeant. Il y avait 16 partenaires, et avec des
conséquences historiques très, très, très
importantes aussi.
Alors, je dis au chef de l'Opposition que, le lendemain du
référendum, nous serons libérés. C'est un mot que
doit apprécier le chef de l'Opposition. Je veux dire que nous aurons
plus de temps, si on peut dire, pour nous activer en toute priorité sur
les questions économiques. Ça ne veut pas dire que, depuis le
début de la récession, on a négligé ce
secteur-là. Autrement, c'a toujours été la priorité
des priorités du gouvernement libéral, sauf que, depuis quelques
semaines, la Constitution, par la force des choses, a pris beaucoup de temps.
Mais je pourrais énumérer au chef de l'Opposition toutes les
mesures qui ont été prises. Et, dans l'ensemble, je crois que la
population comprend que ce n'est pas un contexte qui est facile. Sur le plan
économique, on a une traversée du désert qui est presque
interminable. Et ça, ça ne s'applique pas uniquement au
Québec. D'ailleurs, c'est pire dans certaines autres régions. Si
on regarde le nombre de pertes d'emplois au Québec par rapport à
d'autres régions, à d'autres voisins, je crois que c'est
comparable, mais ça ne règle pas le problème pour ceux qui
doivent assumer d'être en chômage. Ça, je suis d'accord avec
le chef de l'Opposition et c'est pourquoi j'ai dit dans mon discours -
ça, il ne l'a pas mentionné - qu'en votant oui on vote pour une
stabilité politique qui va aider au progrès
économique.
Le Président: En question complémentaire, M. le
chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Ce n'est pas ce que j'ai compris du premier
ministre; j'ai compris du premier ministre qu'en votant oui, là, on
assure que les discussions et les chicanes avec Ottawa continuent. C'est
ça que j'ai compris!
Revenons à l'économie. Hier, l'Organisation de
coopération et de développement économiques, l'OCDE, a
publié un rapport sur l'économie canadienne qui est
catastrophique. Il n'y a pas d'autres mots. Sur le plan de sa
compétitivité sur les marchés internationaux, c'est la
dégringolade, et les causes de cette dégringolade n'ont rien
à voir avec les questions d'insécurité politique ou de
discussions politiques qu'on évoque en cette Chambre.
Des voix: Ah!
M. Parizeau: Non, non, non, pas du tout. C'est lié, selon
l'OCDE, à... Oui. Est-ce que le premier ministre conviendra que,
effectivement, c'est lié à la formation professionnelle, la
recherche et le développement, la modernisation des entreprises, des
caractères, essentiellement, qui durent, qui sont structurels, comme on
dit? Est-ce que le premier ministre conviendra qu'il n'a à peu
près rien fait avec son gouvernement sur ce plan, depuis que la
récession est commencée? Est-ce que le premier ministre
conviendra que, devant des réclamations faites par l'Association des
manufacturiers, qui rejoignent exactement le diagnostic de l'OCDE, rien, sauf
des changements de structures à certains moments, n'a été
fait pour pallier ce que dénonce l'OCDE? Est-ce que le premier ministre
ne conviendra pas que ce n'est pas depuis un mois et demi de
négociations constitutionnelles que ce que dénonce l'OCDE doit
être corrigé, au Québec, et d'urgence?
Le Président: Alors, j'apprécierais simplement la
collaboration de tous les députés, s'il vous plaît. J'ai
reconnu le chef de l'Opposition et je reconnais maintenant, pour la
réponse, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, cet après-
midi, le chef de l'Opposition a décidé de laisser tomber
les nuances, dire qu'on n'a rien fait... Depuis le début de la
récession qui a commencé, je crois, en avril 1990 - on pourra
vérifier, il me semble que, selon les experts, statistiquement,
ça aurait commencé en avril 1990 - il y a eu quand même le
budget de 1990, le budget de 1991, le budget de 1992 qui sont...
Une voix: Des taxes.
M. Bourassa: M. le Président, il y a toute une
série de mesures. On sait que la TVQ, par exemple, de 4 % - d'ailleurs,
le chef de l'Opposition s'était prononcé pour la TVQ - c'est pour
favoriser la compétitivité des entreprises à travers les
remboursements. Il le sait, M. le Président. Je ne sais pas, là.
Il a décidé de faire du théâtre, cet
après-midi. Il sait fort bien que la TVQ de 4 % a pour but de rembourser
certaines taxes qui sont payées par les entreprises pour les rendre plus
concurrentielles. Il le sait. C'est pourquoi ils ont approuvé le
principe de la TPS ou de la TVQ, lui et ses collaborateurs. Alors, qu'ils ne
disent pas que la taxe est une taxe antiéconomique; c'est le fondement
de la réforme fiscale. C'est vrai qu'il y a eu des augmentations
d'impôts, on l'admet, ou de taxes, de manière à
réduire le déficit, puis c'est vrai qu'il fallait régler
certains problèmes économiques qui étaient durs à
régler: la question de l'amiante, notamment, ça faisait partie de
l'héritage. On avait investi 500 000 000 $, puis la ministre
responsable, Mme la vice-première ministre, a fait un travail
extraordinaire, comme d'habitude, pour régler cette question-là.
Je veux lui rendre hommage cet après-midi.
Des voix: Bravo! (14 h 20)
M. Bourassa: Ça, ce n'est pas une création du
gouvernement actuel, ce n'était pas sa responsabilité. Donc, je
termine, M. le Président. Il y avait quand même plusieurs
questions dans la question additionnelle du chef de l'Opposition. Je pourrais
énumérer toute une série de mesures. Quand le chef de
l'Opposition dit: Le gouvernement n'a rien fait. Quand même! Avec tout le
plan de relance! J'étais, la semaine dernière, dans le
comté de Portneuf où j'ai inauguré un investissement de 1
000 000 000 $ dans la région de Québec. Le plus important,
historiquement, depuis la nuit des temps. Alors, quand même, 1 000 000
000 $ dans la région de Québec! Je dis au chef de l'Opposition...
Je termine, M. le Président. Il parlait de la formation professionnelle.
Ça fait partie des discussions constitutionnelles de retrouver la pleine
juridiction du Québec en ce qui a trait à la formation de la
main-d'oeuvre, au perfectionnement, de manière également à
avoir une coordination avec l'as surance-chômage, le guichet unique, pour
aider...
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Trois phrases, M. le Président. Pour aider la
main-d'oeuvre du Québec à devenir l'une des plus dynamiques et
des plus productives. Ça, c'est des gestes concrets. Alors,
stabilité politique, progrès économique,
récupération de pouvoirs essentiels au développement
économique du Québec, voilà des résultats, M. le
Président, que nous offrons à la population.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Parizeau: Quels résultats, M. le Président! 13 %
de la population active du Québec en chômage, 20 % d'adultes aptes
au travail de plus sur l'aide sociale cette année que l'an dernier.
Quels résultats, M. le Président!
J'ai demandé, il y a déjà un bout de temps, au
premier ministre s'il avait l'intention de convoquer une commission
parlementaire pour examiner les conséquences de l'Accord de
libre-échange entre le Mexique, les États-Unis et le Canada.
Est-ce que c'est les négociations constitutionnelles qui empêchent
le premier ministre de convoquer une commission parlementaire pour explorer ce
qu'il y a à faire comme recyclage des entreprises, comme aide aux
travailleurs, pour examiner les conséquences de cet Accord de
libre-échange? C'est économique, ça aussi. Le premier
ministre s'intéresse aux questions économiques. Est-ce qu'il a
l'intention de convoquer une commission parlementaire, comme il l'avait fait
dans le cas du traité de libre-échange entre le Canada et les
États-Unis, ou bien si ça aussi disparaît dans la brume
constitutionnelle?
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, quand le chef de
l'Opposition a fait cette proposition - si ma mémoire est bonne,
c'était le 14 août dernier - le 16 août, j'ai dit que je
l'acceptais. Non, mais, oui, il y a eu un accord de principe, il y a eu un
accord de principe sur cette entente-là. On sait que l'Opposition est
d'accord avec le principe d'une zone de libre-échange avec le Mexique.
Je ne sais pas si c'est unanime, mais je crois que l'Opposition s'est
prononcée. Là-dessus, c'est comme pour le cas du
libre-échange, on est unanime, de part et d'autre, pour appuyer le
principe de l'intégration économique, que ce soit avec l'Accord
de libre-échange ou le libre-échange avec le Mexique. C'est
possible qu'il y ait un ou deux de ses collègues, puis on les comprend,
qui soient réticents vis-à-vis de cela, mais, dans l'ensemble, il
y a unanimité.
Sur la question de l'Accord de libre-échange, le ministre
responsable des Affaires internationales me signale que, d'ici quelques jours
ou
quelques semaines, on devrait avoir tous les documents - parce que c'est
une entente de principe qui a été conclue - qui nous permettront
d'avoir une discussion utile en commission parlementaire.
Donc, j'ai accepté presque instantanément la proposition
du chef de l'Opposition. Il ne peut pas dire que je me suis traîné
les pieds pour lui tendre la main sur cette question-là. Alors, j'ai
accepté sa proposition, mais nous attendons les documents de
manière à avoir une discussion plus utile en commission
parlementaire.
Le Président: Toujours en question
complémentaire.
M. Parizeau: M. le Président, comme si on ne pouvait pas
avoir ces conversations sur la base des documents existants. Il attend les deux
pieds de documents détaillés. Ce n'est pas sérieux! Ce
n'est pas sérieux, voyons!
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! Je reconnais le chef de l'Opposition, pour une question.
Question additionnelle, M. le chef de l'Opposition.
M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre a l'intention,
après son acceptation de principe, de réserver le même sort
a cette commission parlementaire opérationnelle... Après tout, il
s'agit de protéger les gens et les entreprises. On a une
responsabilité à cet égard-là. Est-ce qu'il a
l'intention de réserver le même sort à cette commission que
le ministre des Finances a réservé - il s'en souviendra -
à la commission sur la fiscalité que tellement de gens
demandaient, qu'il a acceptée en principe il y a plusieurs mois et dont
on n'a jamais entendu parler? Ça va être la même chose?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Essayant en toute bonne foi de mettre de la
cohérence dans l'argumentation du chef de l'Opposition, je lui souligne
qu'encore hier ou avant-hier il insistait pour avoir le «fine
print», si on peut dire, le détail des propositions
constitutionnelles, qu'il ne voyait aucune utilité véritable
à une discussion sans avoir... Même si plusieurs des textes sont
sous forme juridique, il voulait les textes définitifs, sur le plan
juridique, dans le moindre détail. Très pointilleux une
journée et, le lendemain, on veut discuter sans texte!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Bourassa: M. le Président, je ne comprends pas.
Le Président: Alors, pour une autre question
complémentaire.
M. Parizeau: Le premier ministre vient de nous dire qu'il n'a pas
vu les textes publiés par le gouvernement canadien sur cette entente de
libre-échange, il y a déjà quelque chose comme trois
semaines, un mois? Il ne les a pas vus? Pauvre Québec!
Des voix: Ah!
M. Parizeau: Oui, oui! Oui, oui! Avoir un premier ministre comme
ça!
Des voix:...
Le Président: Alors, pour votre question, s'il vous
plaît, M. le chef de l'Opposition.
Des voix:...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Parizeau: M. le Président, puis-je demander au premier
ministre, dans la foulée de ce qu'il a dit en Chambre avant-hier: Est-ce
qu'effectivement il a demandé au ministre de l'Industrie et du Commerce,
aux autres ministres économiques du cabinet, au ministre des Finances,
qui ne sont pas, eux, impliqués tous les jours dans les discussions
constitutionnelles, de préparer un véritable plan de relance pour
l'économie du Québec? Est-ce qu'il a passé la commande
dans le sens de ce qu'il disait avant-hier? Est-ce qu'un plan de relance est en
préparation ou bien si c'était simplement un voeu pieux?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: J'ai répondu tantôt au chef de
l'Opposition que nous préférions avoir des documents plus
complets avant de convoquer la commission parlementaire. Autrement, il est fort
possible que si on la convoque - et j'en ai discuté avec le ministre
responsable - il y ait trop d'interrogations étant donné que les
textes seront loin d'être complets. Il me semble que c'est logique, et il
devrait comprendre ça rapidement.
Ceci étant dit, on en a parlé à chaque
séance du Conseil des ministres durant le mois d'août,
début de septembre. Le ministre faisait rapport à chaque semaine
sur l'évolution des discussions: la protection de certains secteurs, par
exemple, qui intéressent le Québec, les conséquences de
cet accord pour le secteur du textile et du vêtement, les avantages que
ça peut comporter pour d'autres secteurs. Alors, on a
discuté de ça abondamment au Conseil des ministres, et
nous allons continuer de le faire avec les collègues
intéressés. Le comité de développement
économique également va en discuter pour avoir les mesures de
transition qui permettent de protéger l'économie du Québec
et d'encourager son dynamisme. Mais ça n'empêche pas le
gouvernement, de différentes façons... (14 h 30)
C'est une vérité de La Palice. J'ai dit qu'au mois
d'août et au début de septembre le gouvernement, son chef et
quelques ministres avaient été accaparés, d'une certaine
façon, par la négociation constitutionnelle; je n'aurais pas pu
dire le contraire. Mais ça n'empêche pas que le gouvernement du
Québec garde l'économie comme priorité. C'est pour
ça qu'il souhaite que le 26 octobre on puisse tourner la page en
acceptant tous ces gains que l'accord constitutionnel contient et
qu'après ça on puisse, d'une façon encore plus
énergique, plus complète - même si c'est la priorité
des priorités et qu'on a quand même une situation très
comparable avec nos voisins - d'une façon aussi complète que
possible, concentrer nos efforts sur le dynamisme économique. Et on
pourra le faire davantage - c'est ma dernière phrase, M. le
Président - parce qu'on contrôlera le développement des
ressources humaines encore mieux si le oui est accepté, un oui
raisonnable, un oui responsable. Si ce oui est appuyé par la population,
on va contrôler davantage le développement des ressources
humaines, on pourra travailler avec les chefs syndicaux. Les chefs syndicaux
insistent pour la récupération de ces pouvoirs. On va voir ce
qu'ils vont faire durant la campagne. Mais le lendemain, avec le oui, on pourra
travailler avec eux pour développer les ressources humaines et rendre
l'économie du Québec plus dynamique.
Des voix: Bravo!
Le Président: Alors, en question principale, maintenant,
M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.
Compétence du Québec en matière
d'immigration
M. Brassard: M. le Président, en matière
d'immigration, il semble que le sénateur Caston-guay soit mieux
informé que les membres de cette Chambre. Il répondait ainsi
à mon collègue de Joliette, hier: «J'ai bien examiné
le texte - il parlait du "Rapport du consensus sur la Constitution" - et, comme
vous, je n'ai pas trouvé cette garantie dans le texte de l'accord que
nous avons ici. Alors, je suis allé aux renseignements et on me dit que
dans les textes juridiques, plus spécifiquement ceux qui ont
été rédigés, je crois, le 17 juillet - on m'a
donné une date - on retrouvait cette garantie, et aussi qu'il y avait un
échange de lettres qui serait complété incessamment -
peut-être qu'aujourd'hui même il est complété - une
lettre en provenance du premier ministre, M. Mulroney, confirmant, afin qu'il
n'y ait pas de doute, que l'entente sur l'immigration serait
constitutionnalisée.» C'est M. Castonguay qui parle. Il
était plus informé que les membres de cette Chambre.
Ma question première au premier ministre: Le document
intitulé «Projet de modification de la répartition des
compétences», marqué «confidentiel», le 17
juillet 1992, qui traite des accords relatifs à l'immigration, que le
ministre a broché en annexe au «Rapport du consensus sur la
Constitution» quand il l'a déposé, ce document a-t-il
reçu l'aval, la caution des premiers ministres à Charlottetown?
Fait-il partie intégrante des propositions? Est-ce que ce sont là
les textes juridiques en matière d'immigration? A-t-il reçu aussi
une lettre du premier ministre fédéral à cet effet ou
doit-on conclure qu'il s'agit d'une initiative personnelle du ministre qui a
décidé de jouer de la brocheuse?
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: Le sens de l'humour du député de
Lac-Saint-Jean est un peu plus lourd aujourd'hui. Je veux...
M. Pagé: La question fait broche à foin.
M. Bourassa: ...dire au député de Lac-Saint-Jean
que, concernant nos discussions, les discussions que j'ai eues avec le premier
ministre du Canada ces jours-ci, il n'y aura pas de problème. Ce qu'a
déposé le ministre responsable est tout à fait conforme
à la volonté politique. L'accord sur l'immigration, comme l'avait
dit également la ministre de l'Immigration, est
constitutionnalisé dans l'entente, selon l'article 95, sauf que
l'article 95E - comme je l'ai dit, je crois, avant-hier - est remplacé
par l'article 38.3. Donc, c'est un faux problème. Tout ceci, si on peut
dire, pour être le plus clair possible, tout ceci sera confirmé
dans les prochaines heures par une lettre du premier ministre du Canada. Donc,
ce que j'ai dit dans mon discours, ce qu'a déposé le ministre
responsable, ce que j'ai dit dans mon discours avant-hier, ce qu'a dit la
ministre de l'Immigration hier ou avant-hier - avant-hier, plutôt - tout
cela est exact. J'inviterais amicalement le député de
Lac-Saint-Jean à poser des questions sur d'autres sujets, parce que, sur
ce sujet-là, il risque de subir un échec regrettable pour sa
crédibilité.
Le Président: Alors, pour une question
complémentaire.
M. Brassard: Non, non, on va continuer là-dessus. Est-ce
qu'il reconnaît que, si c'est le cas, si ce document-là a
été validé - on verra,
parce que les lettres du premier ministre fédéral, ce
n'est pas des garanties constitutionnelles bien fortes... Mais, dans le cas
où ça serait validé, est-ce qu'il reconnaît que
c'est moins que Meech, puisque le Québec perd le droit de veto qui
était prévu, comme il vient de le mentionner, à l'article
95E dans l'accord de Meech? Et le ministre, qui collectionne les droits de veto
comme des épinglettes, ne pourra pas l'ajouter à sa liste,
celui-là, il est perdu. Est-ce qu'il reconnaît que 95E
n'étant pas partie de ces dispositions, c'est la perte d'un droit de
veto que vous aviez réussi à obtenir dans l'accord du lac
Meech?
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: Je reconnais maintenant que le sens d'humour du
député se raffine quelque peu. J'ai dit, dans mon discours,
que... Je ne comprends pas. Ce que je dis au député, j'ai dit,
dans mon discours, que l'article 38E...
Une voix: 3. Troisième.
M. Bourassa: 3. Oui, c'est ça, troisième... Le
troisième paragraphe de l'article 38 de la Constitution se trouvait
à remplacer et donnait une plus grande flexibilité. D'ailleurs,
ce n'est pas la première fois qu'on le dit au député de
Lac-Saint-Jean ou au chef de l'Opposition. Je l'ai dit, je crois, au mois de
juillet, parce que j'ai dit que, sur le plan de l'immigration, on demandait
certaines clarifications et qu'on les avait obtenues, qu'on avait eu des avis
juridiques qui nous disaient qu'à cause de cet article 38, paragraphe 3,
nous avions la protection qui pouvait être impliquée par l'article
95E qui pouvait supposer une certaine rigidité.
Là, on tombe dans le détail. Jusqu'à quel point nos
électeurs communs nous suivent dans cette discussion sur
différents articles? C'est quand même très
détaillé. Ce que les Québécois veulent savoir,
c'est: Est-ce que oui ou non, on a la protection constitutionnelle? Est-ce que
c'est en vertu de l'article 95 ou l'article 38? Je crois que cela, on tombe
dans le détail, mais on peut en parier si c'est nécessaire pour
satisfaire le représentant de l'Opposition, dont la
responsabilité est d'obtenir les réponses les plus claires
possible du gouvernement.
Alors, je n'ai pas d'objection à répondre au
député de Lac-Saint-Jean que nous considérons, de ce
côté-ci de la Chambre, avoir obtenu la protection
constitutionnelle. Je comprends qu'il ne prend pas au sérieux - je
termine, M. le Président, mais on pose tellement de questions en
même temps - la lettre du premier ministre fédéral, M.
Mulroney, pour lequel, comme je lui ai dit souvent, il a voté à
deux reprises. Il a voté à deux reprises pour le premier ministre
fédéral...
Le Président: S'il vous plaît!
M. Bourassa: ...et le député de Joliette a
voté également, lui aussi, pour le...
Des voix: Oui, oui, oui, oui...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît, M. le député. M. le
député de Chauveau, s'il vous plaît. S'il vous plaît!
Alors, question complémentaire.
M. Brassard: M. le Président, le premier ministre
reconnaîtra-t-il que ce que les Québécois veulent, c'est la
vérité et non pas d'entendre leur premier ministre jargonner?
Une voix: Oui.
Le Président: Oui, un instant s'il vous plaît! S'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!
M. le député de Chauveau, s'il vous plaît, je vous
rappelle à l'ordre une première fois. J'ai une question de
règlement. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: Je me dois, à ce moment-ci, de rappeler
l'application des dispositions du règlement de l'Assemblée
nationale comme quoi, dans le cadre d'une question additionnelle, il n'y a pas
de préambule. Je comprends qu'en raison du style, de
l'intérêt qu'il suscite, parfois, on laisse une certaine marge de
manoeuvre au député du comté de Lac-Saint-Jean. Je retiens
que la semaine n'a pas été bonne pour eux. Il est probablement un
peu agressif ce matin. Tenez-vous en au texte.
Le Président: Oui? Un instant. Alors, sur la question de
règlement. (14 h 40)
M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse. Si on permet
au leader du gouvernement de parler des résultats de la semaine, il
faudrait parler de la brillante décision du président de la
commission sur les offres après le brillant plaidoyer du ministre
responsable...
Le Président: Bon. Très bien. D'accord. Alors, je
retiens simplement que les messages ont été faits. Les messages
sont faits. Très bien. J'invite le député de
Lac-Saint-Jean... Écoutez, je n'accepterai pas que, sous prétexte
d'une question de règlement, on contrevienne... Écoutez, ce que
je constate, vous avez fait une question de règlement. Vous en avez
profité pour passer un message, ce que le leader vous a retourné
également. Donc, le débat est clos. Exactement. Et je vous
convie... S'il vous plaît! M. le leader, s'il vous plaît. M. le
leader. Alors, je vous convie à respecter le règlement, s'il vous
plaît.
Pour une question complémentaire, sans
préambule, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Oui. M. le Président, si 38, paragraphe 3,
qui existe dans la Constitution depuis 1982 - ce n'est pas nouveau là -
était si efficace comme protection, comme rempart, pourquoi avez-vous,
en 1987, exigé et obtenu l'inscription d'un droit de veto
spécifique à l'immigration dans l'accord du lac Meech? Pourquoi
vous avez obtenu ça? Vous avez dû insister pour obtenir ça,
95E. Évidemment, c'est un peu compliqué là. Vous avez
obtenu un droit de veto en 1987 dans l'accord du lac Meech. Comment ça
se fait que soudainement, en 1992, ce n'était pas important, ça?
On le laisse tomber. Il y a 38, paragraphe 3. Il était là depuis
1982.
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: II devient impossible... D'abord, je ne blâme
pas le député d'essayer d'obtenir des réponses au nom de
la population qu'il représente.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Bon. Très bien. S'il vous
plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
Alors, M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je l'ai dit et j'ai
répété ça tantôt. Je ne fais que
répéter ce que j'ai dit tantôt au député.
C'est que c'est sa responsabilité d'essayer d'avoir toutes les
réponses de la part du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi on devient
tout à coup d'une grande jovialité puisque je viens de
répéter ça il y a quelques secondes.
Je dis au député de Lac-Saint-Jean que c'est comme pour la
définition de la société distincte. C'est toujours non.
Quoi qu'on propose, ça ne fait pas... La société
distincte, il fallait la définir. On la définit. C'est encore
non. C'est non au partage des pouvoirs. C'est non au Sénat. C'est non
à la souveraineté. C'est toujours non. On dirait que les
députés de l'Opposition, M. le Président, éprouvent
une volupté à dire non.
Des voix: Ha, ha, ha!
Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le
premier ministre. Alors, j'en appelle encore une fois à la collaboration
des deux côtés de l'Assemblée, s'il vous plaît. S'il
vous plaît. M. le premier ministre, si vous voulez conclure.
M. Bourassa: M. le Président...
Le Président: Écoutez... Écoutez, oui, j'ai
compris. J'ai avisé le député. Je lui ai signifié,
le député de Masson... Et j'avertis à nouveau, pour une
deuxième fois, le député de Chauveau.
J'apprécierais qu'il respecte le règlement. Alors, M. le
premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président...
Mme Bacon: Aie! le député de Lévis,
là.
M. Bourassa: ...dans l'examen de toute cette question-là,
je dis...
Le Président: à l'ordre! écoutez, mm. les
députés, s'il vous plaît. j'en appelle à votre
responsabilité, s'il vous plaît. m. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, le député se
réfère à 1987, à l'accord du lac Meech. Nous avons,
depuis ce temps, signé une entente que nous voulons constitutionnaliser.
Le député me suit? Donc là, nous prenons une
décision à la lumière d'une entente qui a
été signée, qui a été négociée
pendant un certain temps et, à la lumière de cette
entente-là, le texte en main, nous venons à la conclusion que
38.3 est au moins aussi valable que 95E parce qu'il permet un droit de retrait.
Ça donne plus de flexibilité, avec révolution des montants
qui, forcément, peuvent évoluer avec le temps, puisque les
montants sont liés au nombre d'immigrants. Alors, ça a
été examiné d'une façon très objective, et
avec des avis juridiques appropriés on est venus à la conclusion
qu'avec le troisième paragraphe de l'article 38 on avait un droit de
veto, l'équivalent de ce droit de veto qui donnait plus de
flexibilité, un droit de retrait, de manière à adapter
l'entente à l'évolution des circonstances ou de la conjoncture.
Alors, je ne vois pas pourquoi, lorsqu'il y a des faits nouveaux comme la
signature d'une entente concrète, réelle, une entente qu'on a
devant nous, ce qu'on n'avait pas quand on a signé l'accord du lac
Meech, ça ne permettrait pas à un gouvernement responsable et non
un gouvernement dogmatique ou doctrinaire de dire: À toutes fins
pratiques, on n'a pas besoin de 95E parce qu'on a cette entente maintenant qui
est signée et, au surplus, on a l'article 38, paragraphe 3. Alors, c'est
ça la réponse. J'espère que cette fois-ci il va être
satisfait. C'est ça la réponse que j'apporte au
député de Lac-Saint-Jean. S'il veut contribuer à la
qualité du débat, il va remercier le gouvernement. S'il veut
faire de la politicaillerie, il va continuer.
Le Président: Pour une dernière question
additionnelle, M. le député de Lac-Saint-Jean.
M. Brassard: Est-ce que la protection de 38, paragraphe 3, c'est
aussi bon que le droit de veto que vous deviez avoir sur le nombre de
sénateurs? C'est aussi efficace que ça? Vous deviez avoir un
droit de veto sur le nombre de sénateurs. C'était fort. Vous
l'avez utilisé?
Une voix: Une question.
M. Brassard: Question? Pourquoi le premier ministre
n'admettrait-il pas tout simplement que même en matière
d'immigration il a reculé par rapport à Meech, il a
abandonné des choses essentielles? Admettez-le donc.
Des voix: Oh! Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, je pensais avoir
répondu d'une façon satisfaisante au député de
Lac-Saint-Jean en lui donnant les raisons qui justifiaient le gouvernement.
Tout ça pourrait être expliqué ou continué de
l'être... Je pense que c'est assez clair. Si c'est le seul reproche,
entre guillemets, qu'a l'Opposition sur l'entente, ce n'est pas encourageant
pour leurs troupes au cours de la fin de semaine. Je veux dire, si c'est
tout-Alors, on discute entre le poids de deux articles. Je veux dire, il parle
du droit de veto sur le Sénat. Il sait fort bien... Je ne sais pas s'il
était ministre à ce moment-là mais, en tout cas, le chef
de l'Opposition et le leader étaient là. Il sait fort bien qu'il
est resté silencieux, s'il était au Conseil des ministres, quand
on lui a présenté l'entente du 16 avril 1981 qui se trouvait
à appliquer la formule 7-50 sur le Sénat.
M. Pagé: II n'était pas là. M. Bourassa:
II n'était pas là. M. Pagé: II était
whip.
M. Bourassa: II était whip. Ah! d'accord. Non, mais il
n'était pas loin. Il n'était pas loin.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Bourassa: Je trouve, M. le Président, que s'il y a une
chose qui ne devrait pas être soulevée par l'Opposition, c'est le
droit de veto sur le Sénat, parce qu'en signant, le 16 avril, au nom du
gouvernement, le fait que la formule 7-50, dorénavant, s'applique
à la réforme du Sénat, à ce moment-là, le
droit de veto politique que possédait le Québec n'existait plus.
Alors, M. le Président, je veux dire, ça prend...
Le Président: M. le premier ministre, en conclusion, s'il
vous plaît.
M. Bourassa: Nous frôlons... Soulever cette question
à l'Assemblée nationale, c'est frôler l'effronterie, et je
pense qu'on devrait rapide- ment changer de sujet pour que l'Opposition garde
sa crédibilité.
Le Président: Alors, pour une autre, une dernière
additionnelle, M. le leader de l'Opposition.
M. Chevrette: M. le Président, si on se fait traiter
d'effrontés parce qu'on veut avoir des clarifications... Je voudrais
demander au premier ministre: Si c'est si clair que ça, pourquoi vous
vous traînez pour demander une lettre pour clarifier? Expliquez-moi donc
ça?
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: M. le premier ministre.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit «frôler
l'effronterie». Je ne pense pas que je n'ai pas respecté le
règlement.
M. Pagé: Mais ça, c'est avant que le
député de Joliette parle, ça.
M. Bourassa: M. le Président, j'ai donné les
explications au député de Lac-Saint-Jean. Je lui ai dit ce qui
était arrivé. On n'a qu'à lire l'entente, je crois, du 7
juillet. Les documents ont été déposés. Les
réponses ont été données à plusieurs
reprises par le ministre responsable, le ministre aux Affaires canadiennes, et
par moi-même. Je ne vois pas l'utilité de passer la moitié
de la période de questions sur ce point-là. Je trouve qu'à
ce moment-là ça reflète le désarroi de l'Opposition
vis-à-vis des progrès du gouvernement. (14 h 50)
Le Président: En question principale, M. le
député de Bertrand.
Discours du délégué
général du
Québec à Londres en l'honneur
des Canadiens de Montréal
M. Beaulne: Merci, M. le Président. Hier, au cours d'une
réception offerte à Londres conjointement par le haut-commissaire
du Canada et le délégué général du
Québec en l'honneur du club de hockey le Canadien de Montréal,
institution chère au coeur de tous les Québécois, le
délégué général s'est adressé
à ses invités sans dire un traître mot en français.
Est-ce que le ministre des Affaires internationales entend rappeler à
l'ordre...
Le Président: Un instant! Un instant! Un instant, s'il
vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît, MM. les
députés!
À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!
Alors, simplement, je souhaite la collaboration des collègues.
J'ai reconnu le député de Bertrand. S'il vous plaît! Alors,
votre question,
M. le député.
M. Beaulne: Alors, est-ce que le ministre des Affaires
internationales entend rappeler à l'ordre M. Mailhot, son
délégué général à Londres, pour ne
pas s'être adressé en français à ses
invités?
Le Président: M. le ministre des Affaires
internationales.
M. Ciaccia: M. le Président, les propos du
député...
Le Président: Écoutez, je pense que la patience de
la présidence a été assez grande jusqu'à
maintenant. J'en appelle à tous les députés, s'il vous
plaît! Alors, vous avez la parole, M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, les accusations du
député de Bertrand sont absolument fausses.
Des voix: Bravo!
M. Ciaccia: Je vais vous lire le commencement du discours du
délégué général à Londres.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Ciaccia: II a commencé: «Mesdames et messieurs,
pour utiliser - et je cite le discours de M. Mailhot - une expression
québécoise, c'est de la visite rare que nous accueillons à
Londres aujourd'hui».
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre,
s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À
l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.
M. Ciaccia: M. le Président, les rapports de cet incident
sont exagérés, puis il faut replacer l'incident dans le contexte
de ce qui s'est produit. C'était une courte allocution, et le but de la
rencontre était pour remercier les organisateurs britanniques d'avoir
organisé cet événement. Ils ne parlaient pas, ils ne
comprenaient pas le français. Alors, M. Mailhot, comme un digne
représentant du Québec, a commencé son allocution dans la
langue française. Mais pour se faire comprendre et pour remercier les
organisateurs, il a continué en anglais. Je crois que c'était
tout à fait approprié de le faire, et je dois signaler que
ça démontre l'esprit tolérant, le rayonnement du
Québec et l'image du Québec que nous voulons projeter à
travers le monde. Nous sommes une société majoritairement
francophone, mais nous respectons les auditoires qui parlent une autre langue
et nous nous adressons à eux dans leur propre langue.
Des voix: Bravo!
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
S'il vous plaît! S'il vous plaît! Pour une question
complémentaire, M. le député de Bertrand.
M. Beaulne: M. le Président, le ministre nous prend pour
des vraies valises. D'abord, pourrait-il continuer... D'abord,
pourrait-il...
Des voix: Ha,ha, ha!
Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous
plaît! Un instant! S'il vous plaît! Alors, je demanderais au
député de poser une question sans commentaire et sans
préambule. Allez-y!
M. Beaulne: Tout d'abord, est-ce que le ministre pourrait
déposer la suite du discours, d'une part? D'autre part, comment peut-il
concilier la réponse qu'il vient de nous donner avec les propos que
tenait, la semaine dernière, le premier ministre qui affirmait que le
français est la langue de la diplomatie internationale? Est-ce à
dire que le français n'est pas la langue de la diplomatie
québécoise? Comment peut-il affirmer...
Des voix:...
Le Président: Un instant! S'il vous plaît! Je vous
demande de respecter le droit de parole de votre collègue, s'il vous
plaît. MM. les députés! Mmes les députées!
S'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît!
Alors, je peux simplement déplorer l'attitude de certains
collègues à ce moment-ci. Alors, M. le député,
complétez rapidement votre question.
M. Beaulne: Comment le ministre peut-il justifier sa
réponse en disant que le délégué s'adressait
à un auditoire anglophone alors que le président du Comité
olympique s'est adressé en catalan à plus de 1 000 000 000 de
personnes?
Des voix:...
Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!
À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous
plaît!
MM. les députés, s'il vous plaît! Alors, pour la
réponse, M. le ministre.
M. Ciaccia: Oui, et le président de la France s'est
adressé à 54 000 000 de Français en français.
Alors, qu'est-ce que ça prouve, ça? La décence... Vous
parlez des règles diplomatiques. Le délégué a
commencé son allocution en fran-
cals. Il a continué parce que son auditoire était
majoritairement anglophone, anglais, britannique. Ils ne comprenaient pas le
français. On fait la même chose.
Des voix: À Londres.
M. Ciaccia: II était à Londres. J'ai fait la
même chose. Je reviens de Madrid. J'ai commencé à parler en
français, mais mon auditoire était espagnol, alors, j'ai
continué en espagnol. C'est tout à fait décent.
Des voix: Bravo!
M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais juste ajouter un
autre élément pour démontrer un peu l'exagération
de l'Opposition. Premièrement, je ne crois pas que le
député de Bertrand ait pris le conseil de son chef de
l'Opposition qui voulait, lui, «kick in the behind» tous ceux qui
ne parlaient pas l'anglais.
Des voix: Ha,ha, ha!
M. Ciaccia: Finalement, M. le Président, l'allocution du
délégué général était de 21 lignes,
très courte. Il a commencé en français; il a
terminé en anglais pour les organisateurs britanniques.
Une voix: Et voilà!
M. Ciaccia: Et ça me fait grand plaisir de pouvoir
déposer l'allocution du délégué
général. Soyez plus tolérants!
Des voix: Bravo!
Le Président: S'il vous plaît! S'il vous
plaît! Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt du
document?
Une voix: Oui.
Le Président: Consentement. Donc, le document est
déposé. Alors, c'est la fin de la période de questions.
Mmes et MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît!
Dans ces circonstances, je vais suspendre l'Assemblée pour deux
minutes.
(Suspension de la séance à 15 heures)
(Reprise à 15 h 3)
Le Président: Mesdames et messieurs les
députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît!
Rapidement, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Veuillez
procéder, s'il vous plaît!
Alors, il n'y a pas de vote reporté.
Maintenant, aux motions sans préavis, M. le député
de Jacques-Cartier.
Motions sans préavis
Souligner le décès de trois professeurs
de l'Université Concordia
M. Cameron: Merci, M. le Président. Je voudrais
présenter la motion suivante: «Que cette Chambre souligne le
décès de trois professeurs de l'Université Concordia, le
Dr Matthew Douglass, professeur de génie civil, et Michael Hogben,
professeur de chimie, décès survenus lors d'une fusillade
à cette université le 24 août 1992, ainsi que le Dr Aaron
Jaan Saber, professeur de génie mécanique,
décédé quelques jours plus tard des suites de cet
événement malheureux.»
Le Président: Oui, M. le député de
Jacques-Cartier, c'est la motion que vous présentez.
M. Chevrette: M. le Président, je crois qu'il y a
consentement au niveau des formations politiques.
Le Président: Ma question est la suivante: Est-ce qu'il y
a consentement pour que nous débattions de cette motion? M. le leader de
l'Opposition, il y a consentement? Consentement, très bien. Alors, nous
allons procéder. Je vous cède la parole, M. le
député de Jacques-Cartier.
M. Neil Cameron
M. Cameron: Merci. I would like to say a few words about the
tragic events at Concordia for reasons that are not only related to my
constituency, but even to a sense of personal involvement.
I worked for and studied at and taught at Concordia University for many
years. Michael Hogben invited me to be a guest lecturer in his classes at one
time and I have been a guest in his home. Professor Matthew Douglass, one of
the most popular professors in the University, also a prominent figure in my
own constituency where he was both loved and respected, active in his community
and his church. In the case of Dr. Saber, I did not know him personally but I
came to know his wife quite well for the excellent work she has carried out for
Alliance Québec on the health dossier in the preparation of Bill 120.
So, for each of these individuals who died, I fell the sense of connection
myself and I know many other people in Montréal did as well, both
anglophone and francophone.
In some respects, they are a remarkable microcosm of the
English-speaking community in modern Montréal, White and Black,
Christian and Jew, with family roots in Europe, United States, the Caribbean,
but they will also be remembered as individual human beings. Too many good men
and women have died in this century because they have been dragged in to the
theatrical
melodramas dreamed up by deranged lunatics, and I hope there will not be
too many more. We all feel a sense of helplessness in such cases and we turn to
concern about firearms or security measures or things of that kind, and
sometimes wish and hope that we could have done things better.
But, to some extent, on such things we never can know. In the
neighbourhood I grew up in when I was a child, a man who lived down the street,
who we had always regarded as a quite likable individual, one day came home and
destroyed his family and then killed himself. Most of us can remember such
ghastly incidents at one time or another.
This particular one perhaps struck our community with particular force
because of the high respect with which those individuals were regarded by their
families, their friends and the society at large. I believe that I speak for
all of the National Assembly in extending my deepest sympathy to the families
and to the friends of Matthew Douglass, Michael Hogben and Aaron Jaan Saber.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Jacques-Cartier. Alors, sur cette même motion de
M. le député de Jacques-Cartier, je vais maintenant
reconnaître M. le député de Sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: Merci, M. le Président. J'aimerais me joindre au
député de Jacques-Cartier et ajouter quelques mots à la
motion qu'il a présentée. En l'absence de la ministre de
l'Enseignement supérieur et de la Science, Mme Lucienne Robillard, qui
est retenue à Montréal pour une rencontre avec les dirigeants des
universités McGill et Concordia, celle-ci m'a prié, à
titre d'adjoint parlementaire, de vous faire part de quelques
réflexions, suite aux événements tragiques survenus
à l'Université Concordia.
Il y a des moments, M. le Président, où il n'est pas
facile de trouver les mots justes afin d'exprimer les sentiments que nous
ressentons lorsque nous sommes confrontés à des situations pour
le moins pénibles. Tout d'abord, je voudrais offrir aux proches parents
des trois victimes du 24 août dernier nos plus sincères
condoléances. Le Québec a perdu à cette occasion trois
membres actifs du corps professoral universitaire qui étaient
aimés et appréciés, particulièrement des
étudiantes, étudiants et des jeunes chercheurs qui les
côtoyaient quotidiennement. MM. Michael Hogben, Matthew Douglass ainsi
que Jaan Saber contribuèrent ardemment à former des personnes
hautement qualifiées dont le Québec et le Canada ont tant besoin.
(15 h 10)
I also would like to assure the entire staff and all the students of
Concordia of our support in these particularly difficult times. I know that
only time and human solidarity will ease our distress and the sorrow of the
whole Concordia universitary community. Incidentally, yesterday, at Loyola
campus, we had the opportunity to see a true demonstration of human solidarity,
during the commemorative ceremony in memory of the victims of that tragedy.
Qu'il me soit permis à ce moment de rappeler aux membres de cette
Assemblée que seul le silence et le recueillement nous permettront de
mesurer l'horreur qu'ont vécue les membres de cette université et
leurs proches. Il ne faut pas oublier les personnes qui souffrent encore, suite
au geste inconsidéré de l'auteur de ces crimes, et penser
à les réconforter, les supporter et les écouter.
Je m'en voudrais, avant de terminer, M. le Président, de ne pas
souligner le travail extrêmement efficace de tous ceux qui, de
près ou de loin, ont porté secours et assistance aux victimes et
aux familles. Je fais référence aux membres de la
communauté étudiante, au personnel de l'Université
Concordia, à ceux d'Urgences-santé, du service constabulaire de
la Communauté urbaine de Montréal, au personnel
dévoué et empressé des centres hospitaliers qui ont
accueilli les blessés ainsi qu'à tous ceux et celles qui, de
près ou de loin, ont apporté leur aide précieuse. Je leur
adresse un témoignage de notre profonde reconnaissance. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Sherbrooke. Sur cette même motion de M. le
député de Jacques-Cartier, je vais maintenant céder
à parole à M. le député de Westmount.
M. Richard B. Holden
M. Holden: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition
officielle, je félicite le député de Jacques-Cartier
d'avoir pensé à faire cette motion et j'appuie fortement les
sentiments qui sont dedans.
I also, Mr. Speaker, had met one of the professors through professor
Saber, through his wife, and was very impressed with his intelligence and his
quick wittiness. The other two, I did not have the opportunity to meet or get
to know. One of the tragedies which has accompanied this event are the rumors
that may lead us to believe that it might have been avoided, and that makes it
all the more chocking and unacceptable. Concordia University is one of Quebec's
great universities, known internationally, and I trust that this event will not
have any adverse effects on its reputation.
Je sais pertinemment que la communauté anglophone est
très, très en deuil à cause des événements
du 24 août. Et nous, de l'Opposition officielle, nous joignons à
tous les membres de cette Assemblée; nous offrons nos sympathies et nos
plus profondes condoléances aux familles.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Westmount. Alors, est-ce que cette motion de M. le
député de Jacques-Cartier, qui propose «Que cette Chambre
souligne le décès de trois professeurs de l'Université
Concordia, le Dr Matthew Douglass, professeur de génie civil, et Michael
Hogben, professeur de chimie, décès survenus lors d'une fusillade
à cette université le 24 août 1992, ainsi que le Dr Aaron
Jaan Saber, professeur de génie mécanique,
décédé quelques jours plus tard des suites de cet
événement malheureux.», est-ce que cette motion est
adoptée?
Des voix: Adopté.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. Alors, il
n'y a pas d'autres motions sans préavis.
Affaires du jour
Nous en arrivons à l'étape des affaires du jour et nous
continuons le débat sur la motion de M. le premier ministre relativement
à la question référendaire.
Je cède immédiatement la parole à M. le
député de Joliette, leader de l'Opposition officielle.
Affaires prioritaires
Reprise du débat sur la proposition
du premier ministre visant l'adoption
d'une question devant faire l'objet d'une
consultation populaire portant sur un nouveau
partenariat de nature constitutionnelle
et sur la motion d'amendement
M. Guy Chevrette
M. Chevrette: Merci, M. le Président. Combien de temps,
d'argent et d'énergie nous avons consacrés, depuis plusieurs
années, pour discuter de constitution! Je pense, entre autres, à
la commission Bélanger-Campeau qui a coûté plus de 4 500
000 $, à toute la question des commissions parlementaires sur la
souveraineté et sur les offres qui ont coûté plus de 3 500
000 $, M. le Président. Je pense à tout le temps,
l'énergie et l'argent qui a été dépensé par
le gouvernement fédéral, argent dépensé dont nous
assumons 25 % des frais. Je pense à la commission Spicer: 22 000 000 $,
M. le Président. Ce n'est pas de la petite bière.
Beaudoin-Edwards, plus de 1 000 000 $. Beaudoin-Dobbie, pour leur
tournée, plus de 10 500 000 $; Beaudoin-Dobbie, pour la rédaction
et la promotion de leur rapport, 20 000 000 $, M. le Président. Et je
pourrais continuer. La commission sur les autochtones: 9 000 000 $. Canada 125,
50 000 000 $. Secrétariat d'État, promotion sur l'unité
nationale: 12 000 000 $.
M. le Président, c'est 150 000 000 $ et plus que ça a
coûté, plus un référendum qui va nous coûter
150 000 000 $. Beaucoup de temps, beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie.
Et ce, ces dépenses de près de 300 000 000 $, M. le
Président, se situent dans une pleine récession
économique, récession durant laquelle nos concitoyens ont vu
leurs taxes scolaires doubler, ont vu leurs taxes municipales augmenter. Dans
bien des milieux, ce fut une taxe sur la police. Au mois d'avril, ce sera une
taxe sur la voirie tertiaire, M. le Président. En même temps,
depuis deux ans et demi, en pleine récession, les comptes
d'électricité ont augmenté de près de 30 %. Les
citoyens se sont vu imposer une TPS de 7 % sur tout et une TVQ de 8 % sur les
biens et de 4 % sur les services.
Tout en dépensant ce temps, cette énergie et cet argent,
les citoyens ont joué le jeu, ils se sont présentés devant
nous pour nous dire ce qu'ils voulaient. Ils se sont exprimés. Des
individus l'ont fait seuls. Des gens l'ont fait en groupe. De tous les milieux,
de l'âge d'or aux groupes de jeunes, aux groupes: la Corporation de
développement économique; des sommets économiques; des
municipalités. M. le Président, des gens a peu près de
tous les milieux, de toutes les classes sociales, si je peux m'exprimer
ainsi.
Durant tout ce temps, des citoyens et des milliers de travailleurs, M.
le Président, ont perdu leur emploi. Des centaines et des milliers de
Québécois se sont ramassés sur l'aide sociale. Il y a de
modestes propriétaires qui ont dû vendre leur maison. Et ces
gens-là se sont présentés, dans le temps, pour dire
à Bélanger-Campeau: Voici ce que nous voulons. Essentiellement,
ce qu'ils nous ont dit, c'est quoi? C'est ça qu'il faut d'abord se
rappeler, ce que ces citoyens sont venus nous dire. Ils sont venus nous dire
presque unanimement... Ils nous ont dit qu'ils en avaient soupe des discussions
interminables, qu'ils souhaitaient, qu'ils désiraient ardemment que l'on
trouve des solutions durables, qu'il fallait que le Québec obtienne des
pouvoirs pour se développer sur tous les plans, sur les plans
économique, social et culturel, sur le plan politique.
Le patronat, les chambres de commerce sont venus nous dire, M. le
Président, qu'ils exigeaient le rapatriement des outils pour nous
développer sur le plan économique sans être à la
remorque des deux paliers de gouvernement qui se chicanaient. Le monde
municipal, les corporations de développement économique nous ont
dit: II est essentiel que l'on obtienne tous les pouvoirs en matière de
développement économique régional. Ça, M. le
Président, c'était unanime. Les groupes de l'âge d'or sont
venus nous dire aussi que leurs modestes revenus les inquiétaient face
aux dédoublements. Les jeunes sont venus nous dire: Ne bloquez pas notre
avenir. C'est ça qu'ils sont venus nous dire, M.
le Président. Et le monde de la culture, unanimement, est venu
nous dire: La langue et tous les pouvoirs s'y rattachant devraient relever
exclusivement du Québec. Et il en va de même pour toutes les
dimensions du développement culturel. (15 h 20)
M. le Président, ces personnes-là sont conviées, le
26 octobre prochain, par MM. Mulroney et Bourassa, pour essentiellement
répondre à une question. Mais on se doit de leur dire: La
question qu'on vous pose, ça ne correspond malheureusement pas à
ce que vous nous aviez dit durant la commission Bélanger-Campeau ou au
cours des forums qui ont été tenus, les colloques de toute
nature.
Est-ce qu'on a récupéré ces pouvoirs? Est-ce que
cette entente met fin définitivement aux innombrables
négociations qui n'en finissent plus, M. le Président? C'est
ça à quoi il faut répondre.
Pourtant, nous aurions cru que MM. Bourassa et Mulroney avaient compris.
Rappelez-vous, M. Bourassa nous avait dit, le 23 juin 1990, et je vais le
citer, M. le Président: Jamais plus je ne négocierai à 11.
Désormais, le Québec a tout en main pour s'assumer
lui-même. M. le Président, on est loin de cela. M. Mulroney avait
ajouté: Nous allons faire en sorte que les Québécois
réintègrent la Constitution dans l'honneur et l'enthousiasme,
s'il vous plaît. Où est l'honneur, M. le Président, puis
où est l'enthousiasme?
Et, M. le Président, il faut se rappeler que M. Bourassa avait
donné des signes de compréhension vis-à-vis les messages
des Québécois, puisqu'il avait signé le rapport
Bélanger-Campeau, et, pas longtemps après, il avait signé
également, M. le Président, le rapport Allaire. Donc, les
Québécois étaient en droit de s'attendre à ce que
leur premier ministre ait vraiment compris les messages clairs que ces derniers
lui avaient exprimés, au cours des audiences de la commission
Bélanger-Campeau, ou encore dans son propre parti.
M. le Président, je crois qu'il y a beaucoup de gens qui
l'avaient cru parce que je me souviens d'une de ses déclarations, en
particulier le 13 juin 1991, où il disait: II est également de
l'intérêt du Québec et aussi du Canada - et c'est le
premier ministre Bourassa qui parle - de se rendre compte que nous n'avons plus
les moyens de maintenir un fédéralisme compétitif. Quand
le Canada était financièrement à l'aise, disait-il, il
pouvait y avoir une compétition entre deux niveaux de gouvernement de
manière à servir au maximum les citoyens.
Mais, aujourd'hui, alors que nous avons un endettement énorme
à plusieurs niveaux, nous ne pouvons plus dédoubler, nous ne
pouvons plus avoir de dédoublements qui sont très coûteux
pour les contribuables. C'est M. Bourassa qui parle toujours, M. le
Président. Donc, la décentralisation, à cet égard,
est une option réaliste et valable. C'est ce que l'on retrouve dans le
rapport Allaire, disait-il. C'est ce que l'on retrouve également dans le
rapport d'experts qui avait été soumis à son cabinet dans
les quelques jours qui ont suivi, parlant d'un livre beige, également,
dans un rapport qu'il avait reçu de la Chambre de commerce du
Québec, qui approuvait la position du gouvernement, disait-il, sur le
fédéralisme efficace.
On voit qu'il y a plusieurs appuis, disait-il, actuellement pour la
thèse qu'a développée le gouvernement depuis plusieurs
années. À partir d'un type de déclarations du genre, M. le
Président, entre vous et moi, nous étions en droit de nous
attendre qu'il y ait des réponses aux attentes des
Québécois qui s'étaient exprimées.
Et M. Bourassa d'ajouter: Mais il faut continuer nos démarches
dans le domaine des communications, qui est un secteur important pour le
développement culturel et aussi économique du Québec, et
il nous faut un nouveau partage très approprié à ces
objectifs. Et, M. le Président, écoutez bien ce que son acolyte,
le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, disait le 11 mars
1992. Ce n'est n'est pas loin, ça. Il disait: II y a une règle de
base qui existe pour faire ce partage de compétences législatives
entre le gouvernement central et les provinces. Cette règle, c'est de
dire: Lorsqu'un gouvernement est près d'un problème, on devrait
lui donner une responsabilité complète pour qu'il puisse
travailler d'une façon efficace.
M. le Président, qui pouvait être divergent d'opinion? Ni
les souverainistes, ni les fédéralistes qui exigeaient des
changements en profondeur ne pouvaient rajouter à une telle affirmation.
Nous croyions, à l'époque, qu'il avait compris le message. Et, M.
le Président, nous étions en droit d'autant plus de croire qu'il
avait compris le message parce que, quand le rapport Beaudoin-Dobbie est sorti,
tout ce beau monde, autant le premier ministre que le ministre des Affaires
intergouvernementales canadiennes, a dit: C'est insuffisant. Ils ont même
trouvé que l'offre du 7 juillet, c'était insuffisant.
M. le Président, ce qui était inacceptable dans
Beaudoin-Dobbie, ce qui était inacceptable le 7 juillet et qui est
exactement ce qu'on propose aux Québécois, ce qui était
inacceptable le 7 juillet est devenu quelque chose de formidable. Ce qui
était un recul avant le 28 août est devenu un progrès. Ce
qui était indispensable avant le carnaval des aubaines du lac Harrington
et de Charlottetown n'est plus nécessaire. Ce qui devait changer est
maintenant tolerable. Tous ces beaux mots d'avant, M. le Président, sont
devenus résumés dans la phrase suivante: C'est mieux que rien.
Ça aurait pu être pire, nous disent-ils. Est-ce que c'est cela,
transposer les consensus des Québécois et des
Québécoises? Est-ce que c'est cela, transposer les consensus qui
ont coûté des millions de dollars en pleine
récession?
M. le Président, 30 ans de mésententes, 30 ans de
tergiversations et même de chicanes pour se faire dire qu'il y aura un
Sénat où^ le Québec sera sur un pied
d'égalité avec l'île-du-Prince-Édouard et la
Nouvelle-Ecosse. Franchement, depuis 1967, nous, on s'est
débarassés de cette structure qui nous coûte de gros sous.
C'est devenu un gain, imaginez-vous! Alors qu'on avait 28 % de
représentation et qu'on tombe en bas de 10 %. M. le Président,
comment se fait-il que c'était inconcevable, inacceptable, qu'il fallait
rejeter ça avant le 28 août et qu'aujourd'hui, c'est devenu
formidable? Expliquez-moi ça! En quoi est-ce un progrès pour le
Québec? En quoi est-ce un progrès pour le Québec? M. le
Président, le poids politique du Québec a chuté.
Trente ans pour se faire dire que ce sont des juges qui,
dorénavant, trancheront les litiges advenant l'échec des
négociations avec le peuple autochtone. M. le Président, 30 ans,
entre vous et moi, alors que le Québec a toujours maintenu et a toujours
voulu que les transactions ou les échanges ou les ententes entre les
peuples, ça se traduise par des traités, des conventions ou des
ententes. Et on en avait fait la preuve au Québec, que c'était
possible, puisque nous avions signé l'entente de la Baie James. Jamais,
disait le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, on
n'acceptera que les juges se substituent au pouvoir politique dans ce genre de
relations avec le peuple autochtone. Aujourd'hui, ce qui était
inacceptable, inconcevable et que jamais il n'accepterait, c'est devenu une
excellente entente à laquelle on nous convie le 26 octobre prochain.
Franchement, on veut se rire de nous. C'est aussi simple que ça. On rit
de la population.
Trente ans pour se faire dire que le développement
régional, dorénavant, il faudra le négocier. Quand on sait
qu'il y en a eu à la pochetée, des ententes sur le
développement régional. Ce n'est pas ça que les gens sont
venus nous dire sur le développement régional. Ils sont venus
nous dire: Ça nous prend les pouvoirs exclusifs parce qu'on en signe,
des ententes de 900 000 000 $, de 1 000 000 000 $ et on n'est même pas
capables de les dépenser parce qu'on ne s'entend même pas sur la
manière de dépenser. Les gens ont dit: II faut que ce soit un
seul gouvernement qui administre les fonds de développement
régionaux et qu'on n'ait pas à s'embêter l'un l'autre. Ce
qui était inacceptable avant le 28, c'est devenu une entente
extraordinaire.
Pire encore, pire encore, les autochtones, eux, ont l'aboutissement; ils
savent qu'après cinq ans ils pourront se présenter devant les
tribunaux. Nous, là, on pourrait parler 6 ans, 10 ans, encore 30 ans, il
n'y a aucune clause, dans le document constitutionnel du 28 août, qui
prévoit la manière de régler le dilemme si on ne s'entend
pas. Ce n'est pas des farces. Aucune preuve de résultat n'est
exigée. C'est sérieux, ça. On a dit, pendant 30 ans, qu'il
fallait rapatrier un paquet de pouvoirs, y compris le pouvoir de
dépenser. On en a entendu des vertes et des pas mûres dans cette
Chambre. (15 h 30)
Ce matin, le député de Trois-Rivières, croyez-le ou
non, disait, dans son exposé: M. Bourassa a obtenu I'«opting
out» sur la clause de la société distincte. Imaginez-vous!
On peut bien dire ce qu'on veut dans cette Chambre, mais il faut quand
même être sérieux. Il y a un texte. Il faut l'avoir lu, il
faut l'avoir compris pour expliquer à notre population. Clause
d'«opting-out» sur la société distincte. Et je vous
en sortirai bien d'autres mardi ou mercredi, à part ça, M. le
Président.
Il y a eu des perles échappées en cette Chambre. Il faut
arrêter de se rire du monde. Il y a des limites. La population n'a pas
consenti à ce qu'on dépense ces paquets de millions pour faire
rire d'elle. La population québécoise qui doit assumer la facture
veut avoir l'heure juste, veut avoir la vérité, veut avoir les
tenants et aboutissants, veut voir si on répond véritablement au
consensus et aux voeux exprimés par la population lors de ces
consultations, M. le Président. Trente ans pour se faire dire que le
développement régional fera partie d'ententes. Puis, si on ne
s'entend pas, il n'y a pas de mécanisme prévu. Puis, si on
s'entend, c'est le maximum de cinq ans pour qu'on recommence à se
chicaner. Ce n'est pas ça que les Québécois voulaient. Ils
voulaient le rapatriement des pouvoirs exclusifs pour enfin régler le
problème une fois pour toutes. Trente ans, M. le Président, pour
découvrir que les six pouvoirs dont parlent le premier ministre et le
ministre des Affaires intergouvernementales sont tous compris dans l'article 92
de la Constitution actuelle. Dans la Constitution actuelle, au point 5 et
à l'article 92.16, c'est très clair, nous avions tous ces
pouvoirs.
M. le Président, c'est pire. On recule sur ce point-là
d'une façon majeure. Même les pouvoirs que nous avions, en vertu
de la Constitution, de façon exclusive. Qu'est-ce qui est marqué
dans le texte du 28 août? Dans le texte du 28 août, M. le
Président, il est écrit que pour exercer ces pouvoirs exclusifs
que nous avons depuis 1867, ça va prendre des ententes. Ça va
prendre des ententes puis un cadre de partage. Puis, si on ne s'entend pas,
ça veut dire que les pouvoirs qu'on avait de façon exclusive
depuis 1867 ne pourront même pas être exercés. Voyons! On
n'a pas mis tout ce temps-là, toutes ces énergies-là puis
tout cet argent-là pour aller scruter ce que les citoyens avaient dans
la tête et dans le coeur pour essayer de leur faire croire des affaires
de même. Trente ans, M. le Président, pour découvrir une
chose, ce qui est typique dans l'entente, et dans la question, d'ailleurs. Et
là on voit bien que ça a été pensé. On se
rend bien compte, M. le Président, que la culture, ce n'était
pas
attaché. En catastrophe, ça s'est mis à
échanger des lettres. Concernant l'immigration, le premier ministre
attend encore une lettre.
Avez-vous remarqué leur question, comment elle est posée?
Consentez-vous à ratifier sur la base... Sur la base. Vous savez que le
premier ministre est fort. Il parle de Meech, de la substance de Meech, du
semblant de substance. Là, c'est la base. Ce n'est pas l'entente. Si on
prend le soin minutieux de mettre le mot «base», c'est parce qu'il
y a autre chose. Sinon, on dirait: Votez pour ou contre l'entente telle que
rédigée définitivement. Quand on dit «renouveler la
Constitution sur la base», ça veut dire qu'on n'a peut-être
pas fini d'avoir des reculs, à part ça, M. le Président.
Ça ne fait pas sérieux. Moi, je pense qu'il nous faut absolument,
absolument, M. le Président, renvoyer ces gens-là faire leurs
devoirs. Pour répondre au consensus qui s'était
dégagé au Québec, est-ce qu'il y aura des nouveaux
pouvoirs transférés le 26? Eux autres vont dire: II y aura
probablement des ententes.
J'entendais la ministre des Affaires culturelles dire: Oh! oui, je vais
négocier, il y a des ententes. Mais, M. le Président,
qu'arrivera-t-il après le 26 octobre? Quel rapport de forces ils
auraient, ces gens-là, pour négocier, surtout si c'est un Jean
Chrétien qui remplaçait, même, un Mulroney? Vous
êtes-vous imaginé le rapport de force qu'ils ont? Si ce n'est pas
les mêmes philosophies, si ce n'est pas les mêmes concepts, les
mêmes standards nationaux, qu'est-ce qui va arriver avec tout ça?
Ce n'est pas ça que les Québécois voulaient, M. le
Président. Les Québécois voulaient une entente qui
règle définitivement les problèmes, une entente qui
accroisse les pouvoirs, une entente qui empêche qu'on se traîne
à quatre pattes devant Ottawa. Ils voulaient quelque chose de clair,
quelque chose de définitif.
Je demeure convaincu que lorsqu'on aura expliqué, point par
point, ce à quoi on nous convie, ce sur quoi on veut nous faire voter,
ce à quoi ça nous engage, je suis persuadé, j'ai la
conviction profonde que c'est avec une forte majorité qu'on dira au
gouvernement Bourassa: Non merci, retournez faire vos devoirs, arrêtez de
nous endormir, dites-nous la vérité, parce que je ne
conçois pas qu'on ait soutenu pendant deux ans au moins, minimum de deux
ans, à se faire dire: Ça n'a pas d'allure; il faut qu'il nous
donne ça; c'est inconcevable de donner le pouvoir aux juges; c'est
inconcevable qu'on n'ait pas tous les pouvoirs en matière de
main-d'oeuvre, tous les pouvoirs en matière de développement
économique, tous les pouvoirs en matière de langue, tous les
pouvoirs en matière de culture. C'est impossible qu'on nous ait dit
ça pendant deux ans, M. le Président. Quand on ouvre l'offre, on
ne retrouve aucun de ces pouvoirs exclusifs. C'est toujours par des ententes et
des ententes qui ne font que faire recommencer le fameux dédale des
négociations qui n'en finissent plus, sans avoir de mécanisme
pour régler, pour mettre fin à ça, M. le Président.
Ce n'est pas ça que les Québécois voulaient. Les
Québécois ne voulaient pas une entente qui constitutionnalise la
mésentente. Ils voulaient une entente qui mette fin au problème,
qui mette fin au problème. Et ça, qu'on me prouve...
Je mets au défi n'importe qui du pouvoir de me prouver que cette
entente-là répond au voeu de la population qui voulait avoir
véritablement des solutions qui mettent fin à ces
tergiversations, à ces mésententes continuelles, à ces
négociations stériles, à ces confrontations
perpétuelles. Durant ce temps-là, M. le Président, on
coupe les transferts en santé. En 1996, on n'aura plus de transferts en
santé, selon ce qu'on nous informe - c'est le ministre lui-même
qui nous l'a dit, mais que l'année référendaire, il avait
reçu une somme - et par des standards nationaux, ils nous obligeraient
à maintenir des choses sans que l'argent ne suive. C'est inacceptable,
M. le Président, c'est inconcevable, et on ne le prendra pas. On ne le
prendra pas, non merci, et on va lutter, M. le Président,
démocratiquement. Non pas, M. le Président, sur des faux
prétextes, non pas sur des faux thèmes. On va discuter d'une
entente qu'on veut nous faire avaler. Personnellement, M. le Président,
le menu ne me plaît pas, parce qu'il ne correspond pas à ce qu'on
a dit à la population, il ne correspond pas à ce que la
population nous a dit. C'est un gros non merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Joliette. Sur cette même question, à
savoir la motion de M. le premier ministre relativement à la question
référendaire, je vais maintenant céder la parole, pour une
période de 20 minutes, à M. le député de
Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux.
M. Marc-Yvan Côté
M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le
Président. À une semaine d'intervalle, M. le Président, je
me retrouve à la suite du député de Joliette à
intervenir, et je trouve que le hasard fait bien les choses, à tout le
moins en ce qui me concerne. Il y a donc une semaine, j'avais
l'opportunité de m'adresser à cette Assemblée dans le
cadre des débats entourant la loi 150, le prélude, en quelque
sorte, à ce qui allait être dit et véhiculé sur la
place publique au cours des prochaines semaines.
À mes heures, M. le Président, et vous en serez
très certainement étonné, il m'arrive de me faire
observateur. Ce que j'ai vu et surtout entendu au cours de ces journées
a de quoi me faire dresser les quelques cheveux qu'il me reste sur la
tête. À en croire l'Opposition officielle, M. le Président,
le Québec se dirige tout droit en enfer, probablement parce qu'il y a
une similitude entre l'enfer et le rouge, comme quoi
l'entente de Charlottetown du 28 août dernier ne comporte, mais ne
comporte réellement aucune espèce de vertu. Loin de moi, ici,
l'idée de faire entendre raison à mes amis d'en face, à
tous ces détenteurs de la vérité qui, le temps d'un non,
se retrouvent réunis dans un même but. Ce serait, à toutes
fins pratiques, peine perdue. Ce que nous entendons depuis une semaine, c'est
un non qui ne veut pas dire non. C'est un non modulé où l'on
cherche surtout, M. le Président, à dire ce qu'il ne signifie
pas. Vous aurez compris que ça ne signifie pas l'indépendance.
Mais, au juste, qu'est-ce que c'est qu'il signifie?
Je vous dis, à vous qui aurez à éclairer l'ensemble
des intervenants de tout le Québec qui auront à poser un choix,
éclairé le plus possible: Ayez au moins le courage de dire un non
signifiant et non pas un non insignifiant, comme vous vous apprêtez
à le faire avec plusieurs de vos compères. Quand on poursuit un
seul objectif, soit celui de briser le système actuel, on a beau
argumenter pendant des heures et des heures, apporter des faits précis,
la vérité, rien à faire, rien ne peut être fait pour
convaincre ces personnes. (15 h 40)
Mais je ne capitule pas pour autant, M. le Président. Et c'est
très mal connaître l'homme politique que je suis, puisque le
message que j'ai livré ici même vendredi dernier et que je
livrerai aujourd'hui, je vais le multiplier par dizaines, par centaines et par
milliers partout à travers le Québec pour que les gens puissent
juger, puisque je n'ai et nous n'avons rien à vendre, M. le
Président. Et c'est ça, un discours honnête, un discours
vrai dans ce débat qui s'amorce aujourd'hui et qui vise effectivement
à répondre à la question qui est posée à
l'ensemble des Québécois, une question beaucoup moins
alambiquée que celle que nos amis d'en face ont posée à la
population du Québec en 1980, une question beaucoup plus claire et
beaucoup plus simple.
Je dirai donc, M. le Président, à mes électeurs de
Chaiiesbourg ainsi qu'à tous ceux que je pourrai rencontrer à
travers le Québec: C'est un oui à l'entente, un oui
sincère, un oui franc et fier de dire oui. En même temps - et
personne ne pourra reprocher à qui que ce soit de ce
côté-ci de la Chambre, à tous ceux qui diront oui, de
tenter d'amplifier la valeur du oui, de lui donner des vertus qu'il n'a pas
puisque, dès le début, nous l'avons dit et nous le
répétons: Nous n'avons pas obtenu le rapport Allaire. C'est
clair. On aurait espéré davantage - le premier ministre l'a dit
dans son intervention de mercredi - mais ça ne veut pas dire pour autant
que nous n'avons rien obtenu et que nous avons reculé, comme tentent de
le laisser croire les gens de l'Opposition.
C'est donc oui, parce que c'est plus que Meech, avec son concept de
société distincte, ses pleins pouvoirs en immigration, son droit
de veto sur toutes les nouvelles modifications à la Chambre des
communes, au Sénat et à la Cour suprême.
L'entente du 28 août, M. le Président, nous allons le dire
et le redire que ça plaise ou que ça déplaise - c'est
plus, et c'est encore plus que cela - c'est un oui pour garantir, à tout
jamais, le poids du Québec dans les institutions fédérales
et, en particulier, aux 25 % de la Chambre des communes. Et si Peter Blaikie a
pris soin de dénoncer hier l'apport des 25 % et que d'autres
s'apprêtent à le faire à l'intérieur du Canada,
c'est qu'il doit y avoir tout de même une certaine vérité
sur le poids relatif et réel que nous avons réussi à
obtenir par cette entente. Et ça, c'est des faits. C'est des faits
vrais. C'est des faits que personne ne peut contredire.
C'est aussi, M. le Président, un statut de partenaire de plein
droit des autochtones. Dites-nous et faites-nous dire par vos beaux esprits,
dont le député de Bertrand... Et on a vu ce dont il est capable
tout à l'heure, à la période des questions, de quoi faire
rougir le député de Westmount, j'imagine, qui, par la suite,
s'adressait devant cette Assemblée en anglais alors que le
délégué du Québec à Londres ne pourrait pas
s'adresser en anglais aux Anglais.
Une voix: C'est un scandale!
M. Côté (Charlesbourg): M. le Président,
c'est avec ce genre d'individu qu'on veut diriger le Québec.
M. le Président, dites-nous, dans le dossier des autochtones, ce
que votre position à vous et ce qu'un non apporterait en termes de
règlement. Dites-nous et dites-le à la population si, par
exemple, dire non à l'entente constitutionnelle règle le
problème des autochtones partout à travers le Canada et au
Québec? Dites-nous et dites à la population de Châteauguay
et d'Oka si dire non à l'entente constitutionnelle règle le
problème de Châteauguay et règle le problème d'Oka.
Dites-le à la population et vous aurez, à ce moment-là,
l'étiquette de gens qui ont l'honnêteté de dire la
vérité. C'est aussi, M. le Président...
M. Gendron: Ça règle en disant oui?
M. Côté (Charlesbourg): J'entends le
député d'Abitibi-Ouest. Il dit: Ça règle en disant
oui. Vous avez exactement tout compris. Oui, c'est de l'ouverture d'esprit, ce
que vous n'avez pas. Oui, c'est effectivement dire au peuple autochtone: Vous
êtes des partenaires à part entière du Canada. Et c'est
ça, l'esprit d'ouverture qui caractérise ce côté-ci
de la Chambre par rapport à toute cette amplitude d'ouverture qu'on voit
de l'autre côté, y compris par le genre de question posée
par le député de Bertrand tantôt. Et c'est ça, c'est
à partir de ça qu'il faut juger de la
volonté réelle des gens de régler les
problèmes de ce Québec et de ce pays.
Qu'il suffise, M. le Président, en termes de pouvoirs, de dire
à la population du Québec, en termes de formation de la
main-d'oeuvre, formation professionnelle, qu'il y a là des acquis tout
à fait exceptionnels, et de ne pas avoir peur de le dire, parce qu'il
s'agit de l'avenir économique du Québec et, par
conséquent, de l'avenir de cette jeunesse qui espère davantage
des hommes politiques et des pouvoirs politiques et qui espère
être capable... être en pleine situation, en plein contrôle
de tous les leviers d'action qui vont nous permettre, finalement,
d'espérer que notre avenir économique soit encore plus
prospère que ce que nous avons maintenant puisque nous, comme à
travers le monde, notre économie subit quelques essoufflements.
Donc, M. le Président, c'est un oui, un oui sincère et un
oui fier que je dirai, parce qu'il y a plus que ce que nous avions dans Meech.
Donc, des plus pour le Québec qui lui confèrent une place de
choix, mais surtout une influence majeure dans l'ensemble canadien. Tout cela
ne vaudrait pas la peine d'être véhiculé largement sur la
place publique? M. le Président, ce que je peux vous dire, pour autant
que je suis concerné, je vais m'employer à le faire
connaître, à faire connaître cette entente, et dans ses
moindres détails, parce que les Québécois ont le droit de
savoir autrement que par des spécialistes ou des sondages
interposés, interprétés par un certain nombre de
personnages qui écrivent et qui sont en mal de sensations ou qui
cherchent une satisfaction personnelle à exprimer ce qu'un sondage ne
veut pas dire, mais passer leurs propres opinions personnelles en les faisant
passer sur le dos des sondages.
Nous en avons eu un exemple, cette semaine, avec SOM, lorsqu'on
regardait la page frontispice du Soleil, avec la première phrase
qui se lisait: Les gens très insatisfaits de Robert Bourassa. Quand on
posait la vraie question à l'intérieur, on y retrouvait, en
répondant à la question: Le seul et celui qui est le mieux
habilité à défendre les intérêts des
Québécois à l'intérieur du Canada, c'était
Robert Bourassa. C'est ça, M. le Président, carrément et
simplement.
M. le Président, puisque nous en sommes à parler du
rôle de la presse, vous ne serez très certainement pas
étonné, puisque j'ai relu ce que j'avais dit devant cette
Assemblée, le 4 décembre 1989, au moment où nous nous
sommes retrouvés après une campagne électorale. Je ne
retire strictement rien de ce que j'ai dit à l'époque, M. le
Président. Je le prends, je le redépose à
l'Assemblée nationale pour rafraîchir des mémoires puisque,
à l'époque, la fédération québécoise
des journalistes avait senti le besoin, au lendemain de cette campagne, de
s'interpeller sur le rôle de la presse durant une campagne
électorale, et la même chose durant un référen- dum,
pour faire en sorte que l'on véhicule strictement la
vérité et les faits aux citoyens du Québec pour qu'ils
puissent se faire un certain nombre d'opinions.
M. le Président, vous le savez, dans le domaine de la presse, il
y a des éditorialistes qui prennent position et qui défendent
leur point de vue. Et ça, c'est acquis, c'est clair, et personne ne veut
toucher à cela. Il y a aussi un certain nombre de journalistes
reporters, que ce soit dans l'écrit, que ce soit dans
l'électronique, qui ont une responsabilité sociale et morale de
transmettre à la population du Québec les faits tels qu'ils sont.
Vous avez en quelque sorte l'obligation de faire passer vos
intérêts et votre vision personnelle bien après
l'intérêt supérieur de la nation.
C'était ça, le sens du message que j'ai passé le 4
décembre 1989. Et, M. le Président, je me suis dit: Cette
année, en tenant compte de chacun des intervenants, que ce soit les
éditorialistes, que ce soit les journalistes reporters, les faits ou
d'autres plus cachés derrière les pupitres... Très
souvent, vous parlez à un journaliste qui dit: Mon article est correct,
mais c'est le titre qui n'est pas bien, bien correct. Ce n'est pas moi. C'est
quelqu'un qui est à quelque part au journal, qui fait un beau titre et
qui, bien plus souvent qu'autrement, ne dit pas ce que l'article veut dire, ou
celui qui choisit une photo, parce qu'il y a toutes sortes de moyens. C'est par
les textes et aussi par les photos et par les articles. (15 h 50)
M. le Président, je me suis beaucoup réconcilié,
depuis 1989, avec la profession. Je me suis surtout réconcilié en
regardant le style d'émission qui a été faite par
«Le Point». Je ne nommerai pas Radio-Canada parce qu'on va me dire:
À Radio-Canada, c'est bien évident, Canada est dedans, hein? -
par Jean-François Lépine, où on interrogeait un
spécialiste constitutionnel qui a verbalisé, et qui n'a pas dit
que du bien, mais qui a dit du bien, parce qu'il en existe, de cette entente
constitutionnelle. C'est ça, être professionnel de l'information,
être capable de donner à la population les éléments
qu'il lui faut pour prendre une décision, laissant le peuple
lui-même décider et faire ses choix quant à ce qui doit se
passer.
Il est clair qu'ayant fait cela, M. le Président, il y a un
certain nombre de devoirs, de réserves que les citoyens devront avoir.
Au premier chapitre, tous ces parlementaires du Québec qui
siègent à Ottawa, ils ont eux aussi un devoir de réserve,
M. le Président. Ils ont tous - peu importe, les Bouchard (les deux),
les Plamondon, les Rocheleau, les autres - ils ont tous le devoir de venir
parce que ce sont des citoyens du Québec. J'ai dit, hier, Mulroney, je
dis aussi que Jean Chrétien, Audrey McLaughlin ont le devoir
d'être présents au Québec pour expliquer leur vision du
Québec dans le Canada
et, M. le Président, à l'intérieur des
règles qui nous régissent, parce que nous avons voulu tenir ce
référendum sur nos lois et avec nos lois et notre loi
référendaire. Donc, dans cet esprit, sans inonder le
Québec d'une publicité que nous devrions dénoncer si elle
devait dépasser les limites de ce que la loi nous permet, les
Québécois ne seront pas dupes d'une publicité tapageuse
qui pourrait finalement avoir très mauvais goût.
M. le Président, oui à un certain nombre de devoirs et
réserves aux mandarins d'Ottawa qui ont le pouvoir permanent. Il y a
beaucoup de bonne volonté, et il y en a eu à travers les
âges et les décennies de la bonne volonté des hommes
politiques, qu'on les aime ou pas, ou des femmes politiques, ces gens à
Ottawa. Souvent, cette volonté politique de faire des choses, d'arrimer
des choses était défaite par des mandarins supérieurs qui,
eux, avaient leur fauteuil à défendre, et défendaient
davantage leur fauteuil et leurs conditions que les intérêts du
Québec à l'intérieur du Canada. Eux aussi, M. le
Président, doivent avoir un certain nombre de messages sur les devoirs
et réserves qui leur incombent dans la campagne que nous menons
maintenant.
Finalement, bien sûr, M. le Président, un devoir de
réserve vis-à-vis un certain nombre de constitutionnalistes ou
d'experts qui pullulent et fourmillent de ce temps-ci. Je les classe en deux
catégories: ceux qui ont un c.v. à rendre crédible et ceux
qui ont un c.v. crédible. Mais, M. le Président, on en a vu des
c.v. crédibles qui sont venus devant la commission parlementaire: M. de
Gandpré, M. Fortier, je dirais même M. Frémont que vous
connaissez très bien, mes amis d'en face, puisqu'il a déjà
été un membre du cabinet de M. Jacques-Yvan Morin, et d'autres
aussi qui ont des c.v. qui sont tout à leur honneur - je dirais le juge
Deschênes - qui ont fait part de leur opinion et qui peuvent, bien
sûr, être alimentés ou contestés. D'autre part, un
certain nombre d'autres c.v. ou personnages qui circulent un peu partout
à travers le Québec, et qui veulent effectivement rendre leur
c.v. crédible en pouvant ajouter quelques pièces de collection
et, par la suite, bien sûr, se retrouver dans une situation où on
puisse citer ces grands maîtres, ces grands penseurs un peu partout
à travers le Québec.
M. le Président, c'est donc un débat, et il y a une
question qui est posée à la population. Il y a une question qui
est simple. Elle est là, cette question. Je veux tout simplement, dans
les quelques minutes qui me restent, tenter de vous faire partager des moments
tout à fait exceptionnels que nous aurons à vivre puisque nous
sommes dans une démocratie. Le thème central de ce débat
référendaire est celui de l'avenir politique. Qu'on soit
indépendantiste ou pas, il est clair que nous avons tous à coeur
le développement du Québec sur le plan politique, et la question
fondamentale est celle-ci: Est-ce que c'est à l'intérieur ou en
dehors du Canada? Je pense que c'est la question que nous débattons et
que nous devrons débattre.
La question: Qu'est devenu le Québec, alors qu'il est membre
à part entière de cette Fédération canadienne?
Est-ce qu'il est devenu un de ces pays comme nous voyons en Europe, avec
beaucoup de difficultés, après la levée du rideau de fer?
Est-ce qu'on ne peut pas dire, M. le Président, que le Québec est
devenu une société moderne, juste, et une société
développée? Est-ce qu'on ne peut pas dire, M. le
Président, aujourd'hui, notre fierté d'être
Québécois, de nous promener partout à travers le monde et
de pouvoir dire que nous sommes effectivement des Québécois, mais
aussi dire que nous sommes des Québécois et aussi des Canadiens,
mais d'abord des Québécois et des Canadiens ensuite, partageant
la fierté d'être Québécois et la fierté aussi
de vivre dans ce pays qu'est le Canada, malgré nos différences et
malgré nos distinctions?
M. le Président, est-ce qu'on peut dire que le Québec
n'est pas une terre de liberté fondamentale? Est-ce qu'à travers
tout cela, pendant ces nombreuses années, nous ne jouissions pas d'un
climat, d'une situation démocratique qui fait l'envie d'à peu
près tous les pays à travers le monde? Est-ce que le
Québec n'est pas cette terre de liberté où on peut
s'exprimer de la manière dont on le fait depuis de nombreuses
années, sur n'importe quel sujet? Est-ce que les
Québécoises et les Québécois ne jouissent pas d'une
protection de chartes des droits, du Québec et du Canada? Et, M. le
Président, il faut le dire à cette population qui aura à
voter demain, est-ce que ces libertés fondamentales n'ont pas
été acquises dans le Québec à l'intérieur du
Canada?
Oui, M. le Président, il faut le dire, c'est oui, avec le
Québec à l'intérieur du Canada, et c'est à
l'intérieur de ces règles de fonctionnement . que nous nous
retrouvons aujourd'hui. Est-ce qu'on peut dire que le Québec, à
travers ces 125 ans, n'est pas devenu une terre de justice et
d'égalité sociale? Est-ce que, M. le Président, nous ne
sommes pas dotés de mesures complètes au niveau des allocations
familiales, de la gratuité des services de santé, de
l'éducation, de l'assurance-hospitalisation, de
l'assurance-chômage, de la protection du consommateur, de la
sécurité du revenu? Est-ce que tous ces acquis que nous avons
aujourd'hui, M. le Président, n'ont pas été faits dans le
Québec à l'intérieur du Canada? M. le Président,
est-ce que le Canada a été un empêchement au Québec
de se développer? Non, M. le Président. La trajectoire du
Québec depuis les années soixante est claire. Dans les
années soixante, ce fut l'éducation, notre système qu'on a
pu développer avec la participation du gouvernement
fédéral sur le plan financier. Dans les années
soixante-dix, la santé, M. le Président, et aussi
l'économie. Est-ce qu'on n'a pas pu faire cela, M. le Président,
et tout
cela en français, en défendant notre langue, notre
culture, nos pouvoirs sur le plan de l'immigration?
M. le Président, moi, des gens essaieraient de me convaincre
aujourd'hui, malgré les imperfections de l'entente, que je devrais dire
non à tout cela? Moi, je dis, M. le Président, avec toute la
sincérité dont je suis capable, que je vais me battre avec toutes
les énergies que je peux avoir pour dire oui, M. le Président,
à l'entente. Ce n'est pas parfait, c'est la marche en avant, c'est
respecter l'évolution qu'a connue le Québec depuis les
années 1960, et c'est aussi respecter cette jeunesse qui attend un
avenir économique, social, et qui attend de ses leaders politiques qu'on
lui dise la vérité et qu'on lui prépare un avenir, M. le
Président, comme on a pu en avoir un pour nous. Et je dirai donc oui
avec fierté à l'entente du 28 août, oui au Québec,
et oui au Québec à l'intérieur du Canada. Merci beaucoup.
(16 heures)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre et
député de Chariesbourg. Sur la même motion du premier
ministre relativement à la question référendaire, je
cède la parole à M. le député de Chauveau et whip
adjoint du gouvernement.
M. Rémy Poulin
M. Poulin: Merci, M. le Président. Avant d'entrer dans le
fond du sujet, j'aimerais reprendre ce que mon collègue, le
député de Charles-bourg et ministre de la Santé, a dit
tantôt, quand il parlait des autochtones.
J'écoute ces gens-là, de l'autre côté, nous
dire non à cette entente-là. Quand je regarde, il y a quelques
années, lors d'un certain congrès au Concorde, ces gens-là
ont accueilli à bras ouverts Max Gros-Louis, chef de la nation hu-ronne,
et lui ont dit: Tu es le bienvenu dans ce grand parti, tu es bienvenu.
J'aimerais voir le même chef de l'Opposition, aujourd'hui, accueillir M.
Max Gros-Louis, de quelle façon il l'accueillerait, en lui disant non.
Je pense qu'il attendrait à la porte, puis il lui dirait non. Il y a
deux ans, c'était beau parce que c'était le jeu, puis,
aujourd'hui, c'est non. Rien savoir des autochtones! Rien savoir de la nation
huronne! Quand je vois aujourd'hui le député de Westmount... Oui,
il a été accueilli à bras ouverts: Oui, viens-t'en avec
nous, comme le grand chef, ce grand chef de l'Opposition. Mais il y a des
surprises qui vont se réserver pour le député de
Westmount, après le 26 octobre, quand la population du Québec,
les Québécois et les Québécoises auront dit oui
à l'entente.
M. le Président, j'aimerais aussi reprendre quelques paroles qui
ont été dites par le député de Drummond. C'est lui
qui a parlé de ses petits enfants. C'est lui qui a parlé aussi
d'un William. Moi aussi, j'ai un fils qui s'appelle William. Et ce fils, qui a
13 ans et demi, aujourd'hui, M. le Président, je peux vous dire une
chose, cet enfant-là a vécu des expériences fort
agréables avec le Canada quand il a eu des échanges avec des
enfants de l'Ontario, quand il a visité
l'île-du-Prince-Édouard. C'est cette jeunesse-là... Il n'y
a rien qui l'empêche, ce fils, mon fils, oui, d'être francophone,
oui, d'avoir sa culture, oui, de rester à l'intérieur du
Québec, oui, d'y croire, mais de partager avec l'ensemble des Canadiens
et des Canadiennes ce pays, ce pays, comme le disait le ministre de la
Santé et des Services sociaux, ce pays de liberté, ce pays plein
de démocratie, ce pays qui a un développement économique,
mais avec l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.
J'aimerais, M. le Président, reprendre un terme qu'il y a
quelques jours le chef de l'Opposition se plaisait à dire, quand il
parlait des petits pains pour les Québécois... C'est ce chef qui,
de 1976 à 1983, a été ministre des Finances. C'est lui qui
vient nous dire que nous, dans cette entente, ce que nous donnons aux
Québécois et aux Québécoises, à notre
jeunesse, c'est un petit pain. Du temps où le chef de l'Opposition
était ministre des Finances: augmentation du nombre d'assistés
sociaux, hausse également des impôts des particuliers, une baisse
de qualité de la vie, un abandon littéral des régions du
Québec, alors qu'elles éprouvaient des difficultés, en
1981 et 1982.
D'autre part, ce grand pâtissier nous a donné toute une
fournée de mesures sociales qui ont eu pour effet d'accentuer les
inégalités au Québec. Je donne ici l'exemple du
plafonnement du salaire minimum, du manque de budget pour le réseau des
autoroutes au Québec. Ce sont eux, M. le Président, qui... Toutes
les nouvelles constructions ont été abandonnées, de 1976
à 1985, dans les régions. Quand on pense à la 30, quand on
pense à la 50, quand on parle de la 20, quand on parle de la 73, quand
on parte du boulevard du Vallon, dans la région de Québec... Et
c'est ces gens-là, dans mon comté, qui s'élèvent,
aujourd'hui.
Quand je vois l'ex-député de Chauveau, dans le temps du
PQ, qui s'élève contre la construction de du Vallon, qu'on ne la
fait pas. Il a été là quatre ans, et c'est nous qui avons
réalisé son boulevard Talbot, à ce
député-là. Lui qui le prenait tous les jours, de
l'Assemblée nationale à chez lui, à Stoneham, il n'a pas
fait le moindre geste. C'est ces gens-là qui, aujourd'hui, vont dire non
à cette entente, non à cette entente parce que rien n'est
bon.
M. le Président, j'écoutais le député de
Chariesbourg, le ministre de la Santé. C'est vrai que tout n'est pas
parfait dans l'entente. C'est vrai. Je ne connais pas un syndicaliste qui a
gagné toutes ses conventions collectives non plus à 100 %, que
chaque clause a été gagnée, que chaque clause a
été donnée. Regardons l'évolution, dans les 20
dernières années, dans la
fonction publique. C'est gain par gain, à chaque convention
collective. Que je me souvienne de ce que nous, comme M. le premier ministre
Robert Bourassa a négocié, a donné à cette fonction
publique, a changé littéralement le rôle de la fonction
publique, non pas en coupant nos fonctionnaires de 20 %, comme ces
gens-là ont fait, mais en leur donnant à chaque fois des
négociations, en leur donnant des gains à chaque fois, M. le
Président, quand la situation économique était bonne.
M. le Président, je pense que le Parti québécois
manque de réalisme, en ce sens qu'il affirme à tort que nous ne
pouvons conclure d'entente constitutionnelle en raison de l'absence de textes
juridiques. Le chef de l'Opposition le sait lui-même puisque cela fait 36
ans qu'il est en politique, M. le Président. Comme il le dit
lui-même, à chaque conférence
fédérale-provinciale à laquelle il a assisté, les
textes juridiques ou administratifs ne l'attendaient pas sur la table pour
approbation. Bien souvent, M. le Président, les
délégations canadiennes rassortent de ces conférences ou
de ces pourparlers avec en poche des documents contenant des principes
directeurs. Les modalités d'application ne sont définies que six
mois ou un an après la conférence en question, M. le
Président.
Dans le domaine des relations de travail, le chef de l'Opposition, je
pense, M. le Président, avec toute sa grandeur, n'a de leçon
à donner à personne. Il a recommandé - je vois certains de
ses collègues qui étaient ministres du temps - de couper, oui,
nos fonctionnaires, oui, cette base de fonctionnaires, M. le Président,
qui gagnent 17 000 $, 15 000 $, 16 000 $, 20 000 $ de salaire, qui eux aussi
avaient besoin de leur petit pain, qui eux aussi attendaient ce chèque
pour, justement, boucler les fins de mois, M. le Président. Et ces
gens-là s'en sont foutus carrément. Ils ont pris le petit pain et
ils l'ont changé en biscuit soda, M. le Président. Ça,
c'est notre président de la république, le chef de l'Opposition,
M. le Président. Il s'est foutu carrément de ces gens qui
gagnaient des petits salaires, nos petits salariés, M. le
Président.
M. le Président, je pense que le 26 octobre les
Québécois et les Québécoises auront compris que,
oui, c'est avec sagesse, c'est avec toute la fierté que notre premier
ministre a dit oui à cette entente. Mais j'aurais peut-être un
conseil à donner - pas un grand conseil, parce que le président
de la république ne doit pas en prendre tellement, de conseils, quand on
regarde ce qui se passe autour de lui - mais, le 26 octobre, probablement une
nouvelle carrière de cinéaste pourra s'offrir à ce grand
chef de l'Opposition, et son premier titre de film, il pourra le reprendre...
Quand je regarde le sort que ces gens-là ont réservé
à René Lévesque, à Pierre Marc Johnson, son premier
film pourrait s'intituler, lui aussi: «II danse avec les loups». Je
regarde deux des ex-collègues qui ont vécu justement le
règne de René Lévesque, de Pierre Marc Johnson et qui,
aujourd'hui, sont même assis en arrière du chef de l'Opposition;
je conseillerais au chef de l'Opposition de se promener, M. le
Président, sur le bord des murs après le 26 octobre.
M. le Président, c'est avec fierté que je dirai oui
à cette entente et que je travaillerai de tout mon coeur pour que les
Québécois et les Québécoises, après cette
entente, continuent ensemble à donner et à redonner encore plus
d'avenir pour notre jeunesse et ceux qui y ont participé. Merci, M. le
Président.
Une voix: C'est beau. (16 h 10)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Chauveau. Alors, je vous rappelle, et également
à ceux et celles qui nous écoutent, que nous sommes à
discuter de la motion de M. le premier ministre relativement à la
question référendaire. Je reconnais maintenant M. le
député de Labelle. Vous avez droit à 20 minutes, M. le
député.
M. Jacques Léonard
M. Léonard: Merci, M. le Président. Les
Québécois, le 26 octobre, auront à répondre
à une question à laquelle certains auront des difficultés
à répondre: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada
soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992?» La réponse devra être oui ou non. Je pense, M. le
Président, que, pour répondre à cette question, il
convient de regarder vers l'avenir plutôt que vers le passé. Je le
dis parce qu'il est important qu'on le considère ainsi, parce que ce que
nous entendons, à l'heure actuelle, c'est beaucoup d'éloges sur
ce qu'a été le Canada pour le Québec et, donc, en
conclusion, que les Québécois devraient voter oui à la
question.
Le Canada, effectivement, même sur le plan économique, a
vécu à l'abri de barrières tarifaires, de barrières
douanières de part et d'autre d'un chemin de fer qui a couru de l'est
à l'ouest. Mais la question doit être considérée en
fonction de l'avenir: Est-ce que ce concept est-ouest à l'abri de
barrières tarifaires tient toujours? Et est-ce qu'on peut juger de
l'avenir en fonction du passé?
Je pense, M. le Président, que la question est majeure et qu'il
faut considérer deux facteurs au moins qui sont neufs dans le
décor ou relativement neufs, mais dont on n'a pas tiré non plus
toutes les conséquences. D'abord, le développement des
communications implique une ouverture sur le monde telle qu'on n'en avait
jamais connu jusque-là. Le développement des transports, de la
même façon, rapproche, par la rapidité, par la
facilité, tous les citoyens de la planète. Effectivement, nous
faisons face à des développements majeurs sur ce plan-là
qui changent nos comportements et notre façon de
vivre. Chacun poursuit l'amélioration de ses conditions de vie,
bien sûr, et cela se répercute dans le domaine de la santé,
dans le domaine économique, dans le domaine culturel, dans le domaine
social et des institutions - et nous y reviendrons - et chacun tend aussi,
comme les pays, comme les gouvernements, à protéger les droits de
la personne.
M. le Président, les conséquences sont majeures. Le
passé du Canada, c'était un passé à l'abri de
barrières douanières et tarifaires, autour d'un chemin de fer,
alors que, dorénavant, le monde auquel nous faisons face, c'est celui,
premièrement, du continent nord-américain bientôt
élargi par l'Accord de libre-échange entre plusieurs autres pays,
dont le Mexique, aux continents nord et sud-américains, et c'est
ça le contexte des 25, des 50 prochaines années, au moins,
disons, pour l'avenir prévisible.
Ce n'est plus du tout ce que nous avons vécu jusqu'ici. Lorsque
nous considérons une Constitution qui est faite pour nos enfants, pour
le futur, ce sont des facteurs qu'il faut considérer. À
côté de ce contexte, nous avons ici, au Québec, une
société qu'on a voulu qualifier de distincte, mais que
j'appellerai une société réelle, un peuple réel,
qui vit et qui s'inscrit dans le contexte que je viens de décrire, dans
le continent que je viens de décrire. Nous sommes dans le continent
nord-américain. Nous n'aurons plus de barrières tarifaires et de
barrières douanières pour nous protéger et pour
protéger notre économie ni même notre culture.
Effectivement, ce que je dis ici pour le Québec est aussi
applicable pour le reste du Canada, la pression, l'influence des
États-Unis sur l'Ouest du pays, sur les autres provinces du Canada est
déterminante à l'heure actuelle, et il est illusoire de se
protéger par des constitutions ou par des dispositifs comme ceux qu'on
veut nous faire adopter.
M. le Président, le Québec constitue une
société et un peuple, et ses commettants, ses citoyens vont
voyager dans ce continent, vont vivre dans ce continent, vont écouter la
télévision des États-Unis. Ils vont aller de plus en plus
à Boston, à New York, à Washington. Ils vont
déjà beaucoup en Floride et au Mexique, beaucoup plus souvent
qu'ils ne vont dans l'Ouest, qu'ils ne vont à Regina ou qu'ils ne vont
à Vancouver. Beaucoup, beaucoup plus souvent. Cela commande des
relations très différentes de celles que nous avons connues et
cela commande de nous poser la question si le pays qu'on a appelé le
Canada jusqu'ici correspond à la réalité du futur. M. le
Président, je pense que le dire ou poser la question, c'est
déjà répondre en bonne partie parce que, au fond, ce pays,
ce n'est plus le même, ce ne sera sûrement plus le même. Je
pense qu'en écoutant le premier ministre dire récemment qu'il
fallait avoir les politiques de sa géographie... Justement, il faut
avoir les politiques de sa géographie. La géogra- phie, c'est que
nos liens dans le futur iront vers le Sud, ils n'iront pas vers l'Ouest. De la
même façon que dans l'ouest du pays, dans l'ouest du Canada, les
liens vont se faire beaucoup plus directement avec les États-Unis, comme
c'est déjà le cas, d'ailleurs, si on veut vraiment
s'arrêter à examiner la situation, beaucoup plus vers l'Ouest que
ces liens ne se feront jamais vers l'Est.
Dans ce contexte, la société, le peuple bien réel
qu'est le Québec a besoin de se développer. Le constat que nous
faisons à l'heure actuelle de ce pays qu'est le Canada, c'est un constat
très négatif parce que, à côté des splendeurs
du passé, il faut voir la réalité du présent
où le comportement économique du Canada a faibli de façon
considérable. Je rappellerai simplement - dans l'actualité
d'aujourd'hui - que le rapport de l'OCDE le dénote et le démontre
admirablement.
Je résume, là-dessus, M. le Président, simplement
en disant que le comportement économique du Canada, qui devrait appuyer
l'existence de ce peuple bien réel, de cette société qui
existe au Québec, est en train de tourner à la catastrophe. Un
élément sur le rapport de l'OCDE était rapporté
hier par La Presse, mais en particulier, ce matin encore, dans un
commentaire, par M. Claude Picher. L'OCDE dit que les Canadiens sont en train
de manquer le bateau, qu'ils se font royalement distancer par tous leurs
concurrents. La productivité du Canada s'effiloche comme une peau de
chagrin parce que les Canadiens ont terriblement mal fait leurs devoirs dans
les dossiers de la recherche et du développement, parce qu'ils ont
épouvantablement négligé le dossier de la formation, etc.
Je pourrais aller beaucoup plus loin. Nous avons simplement ici un tableau pour
résumer le comportement du Canada en termes de croissance de son produit
intérieur brut, qui dénote effectivement le ralentissement de la
croissance économique au Canada. Ce tableau démontre une courbe
où la croissance moyenne du PIB diminue considérablement. C'est
le noir sur ce tableau.
Dans le contexte de cette ouverture internationale, il faut voir qu'une
société comme celle du Québec aura besoin de son
gouvernement pour s'en sortir, aura besoin d'établir des politiques de
développement et de recherche, des politiques de formation de la
main-d'oeuvre, des politiques aussi où l'on crée un climat
favorable au développement, économique comme politique. C'est
fondamental, fondamental. Dans le contexte de cette internationalisation, il
faut qu'il y ait un État qui appuie son peuple, qui appuie sa
société, ses institutions. Il faut que cet État soit
simplifié, qu'il soit bien intégré à tout ce tissu
économique et politique. Et le problème du Canada, qui explique
d'ailleurs sa décroissance économique, c'est justement que ses
structures étatiques sont extrêmement compliquées.
Elles
l'ont été, elles lui ont nui dans le passé.
Effectivement, des fédérations et des
confédérations comme celle que nous avons ici sont des
institutions du XIXe siècle qui aboutissent, à l'heure actuelle,
à la faillite, qui n'ont pas tenu de la conférence
d'après-guerre, et l'on veut perpétuer ce système par la
proposition qui nous est faite. C'est cela, la question. (16 h 20)
Au contraire, dans le contexte, il faut que les décisions se
prennent rapidement. Il faut que l'État soit efficace. Il faut, surtout
au départ, que les orientations soient claires et qu'ensuite on soit
rapides dans les décisions, on soit efficaces dans leur application. Or,
si vous avez un État à deux têtes, c'est là
où le bât blesse le plus parce qu'il n'y a pas de direction
claire, il n'y a pas d'orientation claire. C'est le système qu'on
perpétuera par le projet qui est sur la table, un gouvernement à
deux têtes, et je dirais même plus, on a réussi à
trouver un troisième ordre de gouvernement. Encore faut-il voir ou
examiner l'ampleur de ce troisième ordre.
Mais je reviens à une chose: les éléments
déterminants du progrès économique ou de ce qu'il faut,
pour se sortir de la récession et de la crise économique que nous
vivons, sont la recherche et le développement, la formation de la
main-d'oeuvre, avec un système d'éducation qui soit adapté
et le climat économique et politique sain.
Dans ce qui nous est proposé, malheureusement, je pense que ce
constat n'a pas été fait et les conclusions, évidemment,
n'en ont pas été tirées. Toutes les négociations
qui ont eu cours, les études qui ont été faites, les
témoignages qui ont été rendus démontrent qu'on
s'est tournés vers le passé. Lorsqu'on fait l'éloge qu'on
entend ou les éloges qu'on entend, à l'heure actuelle, c'est
tourné vers le passé; malheureusement, ce n'est
déjà plus la situation actuelle.
Je voudrais simplement, encore une fois, donner un dernier constat.
Avant-hier, j'étais chez moi et je reçois, finalement, un petit
dépliant publicitaire. On me dira que ça n'a pas d'influence
référendaire, mais c'est indiqué «Le défi du
commerce international». Ça vient du fédéral,
publication fédérale, où l'on dit:
«Libre-échange... un gagnant». C'est le titre de la
troisième page. «Les chiffres commencent à le montrer. Le
libre-échange a favorisé les exportations, créé des
emplois et permis d'amortir la récession.» Bien. Je l'ai lu parce
que cela a attiré mon attention. C'était évidemment un
document qui prêtait à des questions parce que, en ce qui concerne
le libre-échange, il y a quand même des questions qui se posent.
Même si on est d'accord avec le principe, encore faut-il voir quelles en
sont les retombées.
Or, il y a un petit tableau où l'on dit:
«Libre-échange... un gagnant». Un petit tableau. L'Alberta,
les exportations ont augmenté de 30 %, pour un total de 11 800 000 000
$. La
Saskatchewan, les exportations ont augmenté de 18 %, pour un
total de 2 300 000 000 $. Ça va bien. Le Québec. Le
Québec, les exportations ont augmenté de 2 %, de 1989 à
1991, pour un total de 17 700 000 000 $. Je n'invente pas les chiffres. Ce sont
des chiffres fédéraux publiés, distribués dans un
document fédéral à toutes les portes, j'imagine, du
Québec ou, en tout cas, de la région de Québec, pour
l'instant, mais cela nous indique très clairement quelles ont
été les retombées, dans les circonstances actuelles, de ce
que nous vivons: même pas, en termes d'augmentation, le taux d'inflation.
Cela veut dire qu'en termes réels nos exportations ont diminué.
Alors, M. le Président, on nous présente un projet qui, à
mon sens, ne répond pas à la vraie question, au défi de
l'avenir.
Je vais prendre dans ce projet deux éléments importants,
on va me le concéder. D'abord, celui du transfert des
compétences. Le Parti libéral avait examiné toute la
situation, en 1990 et 1991, et il avait abouti, à son congrès, au
rapport Allaire où l'on demandait le transfert de 22 compétences,
22. On demandait surtout l'étan-chéité des
compétences, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de chevauchement, de
dédoublement entre les niveaux de gouvernement, que ce soit clair qui
fait quoi, que fait le fédéral et que fait le gouvernement
provincial, le Québec en l'occurrence. Ça devait être
clair, et je pense que c'est une des conditions pour que des institutions
fonctionnement bien. Nous l'avons vécu dans le domaine municipal lorsque
nous avons fait la réforme de la fiscalité. Les
municipalités avaient des compétences attribuées
très claires, avec des sources de revenus clairement identifiées,
exclusives, et cela allait bien jusqu'à ce qu'il y ait des gens, des
apprentis sorciers, qui touchent à la réforme. Donc, même
le Parti libéral, en congrès, en consultation de toutes ses
associations de comté, en était venu à la conclusion qu'il
fallait rapatrier au Québec 22 compétences. Cela a
été voté à plus de 80 % au congrès
libéral, à plus de 80 %. Ces propositions allaient dans le bon
sens, qui était celui d'identifier à chacun son rôle.
Qu'est-ce qu'on disait? Effectivement, que dans le domaine de la recherche et
du développement, que dans le domaine de la formation professionnelle,
que dans le domaine de l'éducation, que dans le domaine de la
santé le Québec devait s'en occuper exclusivement, et dans
d'autres domaines, dans le monde des affaires municipales.
Or, qu'est-ce qui arrive après les propositions ou la proposition
qui a été mise sur la table? Non, il n'y a aucune
compétence de transférée. Le président de la
commission des institutions du Parti libéral l'a constaté, les
jeunes l'ont constaté: aucune compétence
transférée. On reste avec des programmes à frais
partagés, avec une juridiction générale du gouvernement
fédéral qui peut dépenser dans tous les domaines, dans
toutes les compéten-
ces - donc, qui conserve intégralement son pouvoir de
dépenser - et les provinces et le Québec devront négocier
des ententes administratives en prenant du temps, et Dieu sait,
l'expérience devrait nous le dire, que cela prend beaucoup
d'énergie pour arriver à très peu de choses. C'est
l'expérience du passé et ce sera aussi l'expérience de
l'avenir. Ce serait l'expérience de l'avenir si jamais on devait se
rendre à cette proposition.
M. le Président, les négociations seront interminables en
ce qui concerne ces ententes administratives, alors qu'au fond, ce qu'il faut
sur ce territoire qu'est le Canada, sur le territoire du Québec, c'est
qu'il y ait une décentralisation des pouvoirs telle qu'elle a
été réclamée dans tous les travaux ou à peu
près par tous les intervenants de la commission Bélanger-Campeau.
On va à l'inverse de cette tendance.
Autre question, M. le Président - vous me faites signe
déjà que le temps avance - le Sénat. Avant cette
proposition ou avant l'été, on en parlait très peu au
Québec. Laissez-moi simplement faire une réflexion sur la
composition du Sénat. Nous allons, ou cette proposition va
institutionnaliser le blocage des décisions au Canada et, effectivement,
s'il y a une proposition qui est tournée vers le passé, c'est
bien celle qui concerne cette réforme du Sénat, alors qu'on va
donner à de petites unités, à de petites provinces, un
pouvoir aussi grand de bloquer les décisions que celui qui est
attribué au Québec et à l'Ontario. S'il y a vraiment un
procédé antidémocratique, c'est bien celui-là. Un
pays qui est au bord de la faillite et dont on voudra préserver les
retombées, les programmes sociaux envers et contre tous, dont on voudra
aussi s'attribuer à peu près tous les avantages sans en payer les
coûts. Vraiment, M. le Président, en ce qui concerne le
Sénat, c'est inacceptable, comme on le disait auparavant. Ça
l'est encore plus maintenant dans la proposition. (16 h 30)
M. le Président, dernière remarque. Le projet qui est sur
la table n'est qu'un projet; 25 clauses sur 60 ne sont pas
réglées, ne sont pas négociées. Nous n'avons pas le
texte écrit, juridique. Il n'est pas sur la table. Contrairement
à ce qui se passe en Europe, alors qu'on discute de Maastricht,
n'importe quel citoyen là-bas peut obtenir le texte écrit,
juridique. Ici, non, nous n'avons rien de cela. Et, ce qu'on nous demande, ce
qu'on demande aux Québécois, c'est de signer un chèque en
blanc, un chèque en blanc à un gouvernement quand il est
sûr que ce qu'il y a sur la table sera encore diminué dans les
négociations qui vont perdurer par la suite.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le
député de labelle. sur la même motion de m. le premier
ministre, je cède maintenant la parole à m. le
député de sherbrooke.
M. André J. Hamel
M. Hamel: Merci, M. le Président. Permettez-moi, avant de
commencer mon intervention, de féliciter chaleureusement un
athlète handicapé de Sherbrooke, M. André Viger, qui a
gagné hier la médaille d'or aux Jeux olympiques pour
handicapés, à Barcelone.
Ceci étant dit, M. le Président, vous comprendrez que
c'est avec grand plaisir que j'interviens aujourd'hui dans le cadre de ce
débat référendaire, afin de rappeler aux citoyens et
citoyennes de Sherbrooke, et à ceux et celles du Québec,
l'importance primordiale de conserver le choix de cette option canadienne.
Le 28 août dernier, notre premier ministre a réussi
à obtenir pour le Québec des gains réels et l'assurance
d'une reconnaissance non équivoque de la caractéristique
spécifique du Québec au sein de la Fédération
canadienne. Un bref retour historique nous rappelle qu'en 1867 un autre accord
important fut signé afin de permettre au Canada de connaître ses
premiers développements.
Or, il est tout à fait normal, M. le Président, qu'au fil
des ans le groupe fondateur se soit agrandi et que les juridictions se soient
multipliées afin de répondre aux besoins et aux aspirations de la
population canadienne, et que constamment les associés de notre pays
aient travaillé à améliorer la situation sociale,
économique et politique de ce Canada. C'est la notion même du
fédéralisme, M. le Président, que d'être en
constante évolution afin de maintenir cette souplesse et cette
efficacité nécessaires à son bon fonctionnement.
Ainsi, la population du Québec est maintenant conviée
à nouveau à un référendum, le 26 octobre prochain,
afin de décider si, oui ou non, elle accepte que la Constitution du
Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août
1992. Cette entente, M. le Président, permettra au Québec de
tourner une page importante d'une longue succession de difficiles
négociations constitutionnelles. Cette entente permettra au
Québec de réintégrer la Constitution canadienne avec
dignité et fierté et elle servira de tremplin à un avenir
encore plus prometteur. En effet, M. le Président, le premier ministre
du Québec a réussi à obtenir la reconnaissance
constitutionnelle de la société distincte dans un texte qui
assure le Québec de garanties encore plus solides que le projet de
Meech. Reconnaissance publique que le Québec obtient pour la
première fois et dont il doit se réjouir, disait avant-hier M.
Jules Deschênes, ancien juge à la Cour suprême du
Canada.
Le Québec obtient également un droit de veto absolu sur
tous les transferts de pouvoirs provinciaux qui pourraient se faire en faveur
du Parlement fédéral, et ceci avec droit de retrait et pleine
compensation financière pour le Québec; un droit de veto sur la
formule d'amendement à
la Constitution; un droit de veto sur les changements aux institutions
nationales: Chambre des communes, Sénat, Cour suprême; un minimum
assuré à perpétuité de 25 % des sièges
à la Chambre des communes, et ce, peu importe l'évolution
démographique du Québec.
En matière de pouvoirs, le Québec détiendra la
responsabilité du perfectionnement et de la formation de la
main-d'oeuvre. Le Québec acquiert également la
constitutionnalisation de l'entente sur l'immigration. La loi 101 obtient une
protection accrue dans l'entente du 28 août. Et ceci nous a
été confirmé par M. Louis-Philippe de Grandpré,
ancien juge à la Cour suprême, ici même, à la
séance du 8 septembre dernier au salon rouge de l'Assemblée
nationale du Québec. Voilà donc, M. le Président, quelques
éléments de cette entente du 28 août qui,
déjà, nous assurent de gains indéniables pour le
Québec. Nous aurons, bien entendu, l'occasion d'élaborer
davantage sur ce sujet dans les prochaines semaines, alors que nous nous
appliquerons et que nous réussirons à démontrer à
la population du Québec qu'elle a grand intérêt à
choisir de maintenir son appartenance au Canada et à appuyer sans
équivoque cette entente.
Le Québec est une société moderne, dynamique,
ouverte sur le monde, et ceci ne fera que s'accentuer dans son appartenance au
Canada. Nos petites, moyennes et grandes entreprises québécoises
se sont développées magistralement depuis un quart de
siècle, et ce, toujours au sein de la Fédération
canadienne. Le Québec a su se doter - et les développer - de
leviers économiques, financiers et industriels majeurs, qui font
d'ailleurs l'envie de certains pays du monde et de certaines provinces
canadiennes, et ce, toujours en faisant partie du Canada. Le Québec
français a pris un essor et une assurance remarquables, toujours
à l'intérieur du Canada, et ces acquis seront solidement
protégés par l'entente du 28 août 1992. Le Québec
culturel est animé d'un dynamisme exceptionnel et il a réussi
à s'imposer sur toutes les scènes du monde, et ce, toujours
à l'intérieur du Canada.
M. le Président, cette entente du 28 août 1992 propose
encore une fois au Québec des gains appréciables, garantissant
des droits parlementaires qui seront enfin inscrits dans la Constitution
canadienne. Nous obtenons des champs importants et exclusifs dans des secteurs
clés comme l'immigration, la culture, la formation de la main-d'oeuvre,
la protection de la langue française et d'autres encore. Cette entente
acceptée, le Québec pourra continuer à travailler à
l'essor économique de tous ses citoyens et citoyennes et à
progresser dans tous les secteurs qui en ont fait une société
distincte, dynamique, tolérante et ouverte sur le monde.
C'est pour toutes ces raisons que je travaillerai sans relâche,
d'ici le 26 octobre prochain, à convaincre mes concitoyens et
concitoyennes que voter non, c'est le maintien de l'incertitude sociale,
politique et économique pour encore plusieurs années et, comme le
disait le chef de l'Opposition, avant-hier, un pas de plus vers la
souveraineté. Et voter oui à cette entente permettra au
Québec de poursuivre le développement de sa
spécificité dans ce Canada qui nous appartient toujours.
En terminant, M. le Président, permettez-moi de faire part
à cette Assemblée de témoignages qui m'ont
été spontanément exprimés durant le Symposium
international sur la démocratie, auquel j'ai eu le privilège de
participer ces deux derniers jours. Ce fut pour moi une occasion de rencontrer
des hommes et des femmes remarquables provenant de presque tous les pays du
monde. Ces gens s'informent évidemment de la situation canadienne et
québécoise et ils nous donnent un message que je résumerai
à peu près comme ceci. Le Canada et le Québec, c'est le
pays où cohabitent des races différentes, des langues
différentes, des cultures différentes, des religions
différentes. Mais, si le Québec et le Canada ne peuvent plus
cohabiter, où allons-nous? Car le Canada, c'est le scheme de
référence par excellence et, pour de nombreux pays du monde, le
Canada, c'est la formule de l'espoir.
M. le Président, le 26 octobre prochain, je dirai oui au
Québec et au Canada. Merci. (16 h 40)
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le
député de Sherbrooke. Sur la même motion du premier
ministre, je cède maintenant la parole à M. le
député de Roberval et ministre responsable du Loisir, de la
Chasse et de la Pêche.
M. Gaston Blackburn
M. Blackburn: Merci, M. le Président. Lorsque j'ai
été élu, en 1988, j'ai apprécié, bien
sûr, ce vote de confiance de la population de mon comté. Je savais
que j'aurais à vivre, à l'intérieur de cette enceinte, des
moments particuliers, des défis importants et des situations très
intéressantes. Je suis en train de vivre personnellement, et avec tous
mes collègues qui sont ici, en Chambre, bien sûr, un de ces
moments historiques pour le Canada et pour le Québec. Je suis
très fier d'être présent pour participer à ce
débat, et j'en remercie la population de mon comté.
La semaine dernière, notre gouvernement a démontré,
hors de tout doute, M. le Président, l'importance de modifier la loi 150
afin de soumettre à la population québécoise une entente
constitutionnelle qui nous permet, enfin, de faire un grand pas en avant dans
des secteurs stratégiques. On se souvient des arguments alors
invoqués dans cette Assemblée: une entente valable, une entente
acceptable que le premier ministre a conclue, et qui a fait l'unanimité
de la part des intervenants réunis à Charlottetown.
M. le Président, la question est maintenant connue.
Au-delà de cette question, au-delà même
de l'entente constitutionnelle, les Québécoises et les
Québécois ont maintenant le choix entre deux options: l'option
canadienne qui, depuis maintenant 125 ans, a rapporté des dividendes
importants, et celle de cette souveraineté, proposée par les gens
d'en face, incertaine, inconnue. Où est-ce qu'on va? Le débat
concerne donc notre avenir politique. C'est très important. Ce que nous
devons décider maintenant, c'est si nous voulons rester au sein du
Canada ou quitter cette Fédération, avec les conséquences
que cela implique, conséquences importantes, parce qu'un non à
l'entente nous plongera indéniablement dans l'incertitude, puisque la
souveraineté proposée par nos opposants s'avère
très ambiguë. Encore hier, le député de
Lac-Saint-Jean disait, dans une entrevue à la télévision
avec M. Mongrain, qu'un non à cette question importante, ce serait un
retour à la case départ. Donc, on recommence à
zéro. Ça fait déjà 30 ans qu'on est dans ce
débat, 30 ans qu'on discute, 30 ans qu'on essaie de trouver une formule
acceptable pour toutes les Québécoises et tous les
Québécois et on l'a, cette entente, à l'unanimité,
non seulement par le Québec, mais acceptée aussi par toutes les
autres provinces.
Au cours des prochaines minutes, M. le Président, j'aurai
l'opportunité d'expliquer pourquoi la population
québécoise doit répondre affirmativement à
l'entente constitutionnelle dont il est question. Le Québec, et
ça, personne ne peut le nier, est une société moderne,
juste et développée dont nous pouvons tous, et j'en suis
convaincu - l'Opposition est d'accord avec nous - être très fiers.
Je crois que nos adversaires auront de la difficulté à
démontrer que la Fédération canadienne a ralenti notre
développement. Qu'il s'agisse de nos libertés fondamentales, de
notre justice, de l'égalité sociale, de notre
développement économique, de notre fait français, le
Québec peut se comparer avantageusement à n'importe laquelle des
provinces et des autres communautés à travers le monde.
Vous me permettrez, M. le Président, de reprendre quelques-uns
des éléments que je viens d'énumérer, et qui me
donneront cette opportunité, cette occasion de démontrer, une
fois de plus, que la solution à notre avenir, c'est le Canada. Je vous
parlais plus tôt des libertés fondamentales du Québec. Y
a-t-il quelqu'un qui puisse nier que le Québec jouit d'une
qualité de vie démocratique exceptionnelle? À bien des
égards, cette qualité de vie fait l'envie de bien des peuples.
Nous devons évidemment nous en réjouir, mais, surtout, nous
devons faire tout en notre possible afin de garder intact cet aspect de notre
quotidien. Liberté d'expression, liberté de choisir, voilà
ce qu'est le Québec. À cela s'ajoutent les chartes canadienne et
québécoise des droits.
Or, M. le Président, je tiens à rappeler que cette
liberté a été acquise alors que le Québec
était membre à part entière du Canada. Si nous le voulons,
nous pouvons continuer dans la même veine. Au fil des ans, M. le
Président, le Québec s'est doté d'un ensemble de mesures
et de protections sociales. Que l'on pense aux allocations familiales, à
la gratuité des services de santé, à la protection de la
santé et de la sécurité des travailleurs ou, encore, aux
régimes de pension et de retraite sans, bien sûr, oublier
l'assurance-hospitalisation, la gratuité des services juridiques, la
promotion de l'égalité des sexes, la gratuité du
système d'éducation, la protection des consommateurs,
l'assurance-chômage, l'aide sociale et la sécurité du
revenu.
Notre gouvernement a toujours donné la priorité au
développement économique de notre province, c'est bien connu. Or,
le Québec partage, sans l'ombre d'un doute, un niveau de
développement économique comparable aux meilleures
sociétés du monde. Malgré quelques faiblesses et la crise
économique que nous avons traversée et dans laquelle nous sommes
malheureusement, encore, actuellement, nous possédons une
économie des plus modernes et, surtout, très
développée et compétitive. Est-il utile de vous rappeler
que notre province compte de nombreuses grandes entreprises, reconnues non pas
seulement au Québec, mais partout à travers le monde? Que l'on
pense à Bombardier dont on est tous très fiers. Cette
économie se caractérise par de nombreuses exportations
essentielles à notre développement. Et que dire de nos
marchés d'exportation, de notre esprit d'«entrepreneur-ship»
et de nos PME? M. le Président, toute cette infrastructure et toute
cette activité économique, caractérisée par un
dynamisme certain, se sont réalisées à l'intérieur
d'un pays uni, le Canada.
Il est donc important de le dire et de le redire pour que les
Québécoises et les Québécois le sachent. Ce que
nous proposons, c'est la continuité. Depuis 125 ans, on veut, bien
sûr, partir de ce que nous avons atteint en termes d'étape et nous
voulons continuer vers l'avant. Nous voulons surtout éviter de revenir
en arrière. C'est ce que nous propose l'Opposition. Partout dans le
monde, le Québec a joué un rôle important,
prépondérant dans la promotion du fait français. Comme on
le sait, le Québec est une terre de langue et de culture
françaises. La création artistique est exceptionnelle. Le
Québec français participe avec éclat à la
francophonie internationale. L'entente constitutionnelle va nous permettre de
poursuivre notre développement culturel.
Donc, M. le Président, le choix est clair. D'une part, il y a
l'option que nous offrons à la population du Québec, soit celle
du renouvellement de la Fédération canadienne, un renouvellement
basé sur une entente constitutionnelle claire, répondant aux
revendications traditionnelles du Québec. D'autre part, il y a la
souveraineté - incertaine - car, il faut bien l'avouer, on ne peut pas
être en désaccord avec l'entente et
dire non à la souveraineté. On ne peut qu'être en
désaccord, bien sûr. Une souveraineté incertaine.
Lorsque nous avons été élus, en 1985, comme
gouvernement, M. le Président, nous nous étions engagés
à ce que le Québec redevienne un partenaire à part
entière dans la Fédération canadienne. Il était
donc primordial pour nous, comme parti politique, comme gouvernement
responsable, de refaire du Québec un membre à part entière
de ce pays. Or, l'entente du lac Meech nous procurait les cinq conditions
essentielles à notre adhésion à la Constitution
canadienne: premièrement, que le Québec soit reconnu comme une
société distincte; deuxièmement, que le Québec
puisse assurer sa sécurité démographique par une
compétence en matière d'immigration; troisièmement, que
l'on puisse limiter l'exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral dans les champs de compétence provinciale;
quatrièmement, que l'on puisse garantir au Québec trois juges sur
neuf à la Cour suprême du Canada, étant donné
l'importance de cette Cour dans l'interprétation des lois et des
règles de notre société; puis, cinquièmement, que
l'on récupère ce droit de veto qui avait été perdu
par l'Opposition, dans le temps le gouvernement, en 1981. Ils ne sont pas fiers
de ça, ils n'en parlent pas très souvent, mais c'est une
réalité.
Voilà, M. le Président, ce à quoi nous nous
étions engagés en 1985 et que, grâce à cette entente
du 22 août dernier, nous avons respecté. Maintenant, il est
très important de l'expliquer à la population parce que, dans le
fond, l'enjeu, il est là: être capables de faire prendre
conscience à toute la population du Québec, que ce nous
proposons, c'est quelque chose d'important et c'est quelque chose d'acceptable,
et c'est ce que nous allons nous engager à faire au cours des prochaines
semaines à travers, bien sûr, ces rencontres que nous ferons sur
la place publique, à travers ce porte-à-porte dans tous les
foyers du Québec - dans mon comté de Roberval, vous pouvez
être sûrs que je vais être présent - pour expliquer
les enjeux et, bien sûr, les détails de l'entente, parce que c'est
important de les comprendre. C'est très compliqué, mais je pense
que, quelque part, il y a des éléments essentiels qu'il nous faut
accepter, et je pense qu'à quelque part, on va être capables de
faire cette démonstration que ces gains que nous avons, à
l'intérieur de cette entente du 22 août, sont des
éléments que nous recherchions depuis longtemps et que nous avons
enfin. (16 h 50)
En ce qui concerne cette société distincte, comme dans
Meech, le Québec est reconnu à ce titre. Le Québec aura
désormais le rôle de protéger et de promouvoir cette
société distincte, élément d'autant plus important
qu'il sera enchâssé dans la Constitution. M. le juge de
Grandpré, cet ex-juge de la Cour suprême du
Canada, M. le Président, lors de sa comparution devant la
commission sur la souveraineté, livrait ce propos tout à fait
important, et je cite une partie de son propos à propos de la
société distincte: Dès le départ, le
caractère distinct du Québec était un fait acquis de
caractère appartenant à un corps vivant, devant prendre des
couleurs différentes au cours des années, et il continuera de le
faire, guidé par la Législature et le gouvernement du
Québec, dans le rôle de protection et de promotion. La clause
donc, disait le juge, affirme la spécificité du Québec
dans la dualité canadienne. Non seulement la clause pose-t-elle cette
affirmation mais elle va beaucoup plus loin - et c'est une sommité en
matière constitutionnelle qui parle - elle va beaucoup plus loin,
exprimant, dans un paragraphe séparé: La Législature et le
gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de
promouvoir la société distincte. C'est extrêmement
important de la part d'une telle sommité.
Concrètement, pour les tenants du non à l'entente, cela
n'est pas trop réjouissant. Comme je le disais plus tôt, ce qui
fait l'objet d'une entente, de quelque entente que ce soit, de quelque gain que
ce soit, pour l'Opposition, ça ne sera jamais assez. C'est
évident, parce que leur objectif, ce n'est pas, bien sûr, le
renouvellement de la Fédération canadienne, c'est la disparition
de cette Fédération. J'ai donc l'impression - et à le voir
par leurs mines déconfites - que le tapis leur glisse sous les pieds;
ils perdent leur raison d'être, d'où le ton de leurs arguments,
pour ne pas dire que ça sent la panique. La population du Québec
ne sera pas dupe de votre ton, de votre démagogie, de vos propos qui ne
sont, d'aucune façon, acceptables dans un niveau de débat aussi
important dans l'histoire du Québec et l'histoire du Canada. Et je pense
que c'est important de maintenir... Moi, ce que je veux, ce qu'on va essayer de
faire ici, au niveau de l'Assemblée nationale et du côté du
gouvernement, c'est de donner cette information éclairée et de ne
pas tomber dans le piège de cette démagogie que l'Opposition
utilise depuis déjà trop longtemps.
Le Québec et l'immigration, maintenant. S'il est un domaine
essentiel au développement de sa culture, c'est bien celui de
l'immigration. Or, l'entente du 28 août permet au Québec de
devenir responsable de la sélection et de l'intégration
linguistique, culturelle, sociale et économique des immigrants sur son
territoire. Et, comme c'est le cas avec la société distincte,
ça sera enchâssé dans la Constitution canadienne. Rien
encore là pour réjouir l'Opposition.
Point majeur de l'entente: le pouvoir de dépenser du gouvernement
fédéral. Cela fait un demi-siècle que nous en parlons,
donc, d'essayer de rationaliser ces dépenses qui se rajoutent quand on a
des programmes qui se doublent. On parle de ces dédoublements, des
dépenses inutiles
dans les programmes cofinancés par les provinces et par le
gouvernement fédéral. Le Québec pourra dorénavant -
et c'est important - se retirer de tout nouveau programme et obtenir cette
compensation financière qui lui revient.
Le Québec et la Cour suprême, maintenant. Nous obtenons la
garantie absolue que trois juges sur neuf qui siégeront sur cette Cour
seront des juges québécois. En ce qui a trait à la Chambre
des communes, au Sénat, à la Cour suprême, il est important
de préciser, au stade actuel, que le Québec aura un droit de veto
pour toute nouvelle modification de ces trois institutions centrales. De plus,
cette réforme du Sénat n'enlève aucun pouvoir au
Québec, puisque nous sommes représentés par six
sénateurs.
Enfin, le Québec pourra s'opposer à toute mesure qui
diminuerait les pouvoirs de l'Assemblée nationale et pourra, dans chaque
cas, excercer son droit de retrait avec pleine compensation. Donc, M. le
Président, l'entente constitutionnelle du 28 août répond en
tout point aux revendications du Québec, dont celles obtenues dans
Meech. Mais notre gouvernement ne s'est pas limité à obtenir des
garanties d'avenir contenues dans Meech. Nous avons obtenu plus que Meech:
plus, plus. Ainsi, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des
députés à la Chambre des communes, même si la
population du Québec devait représenter un jour moins de 25 % de
la population canadienne.
Pour ceux qui s'interrogent sur la précarité de notre
langue française, je crois qu'il est important de savoir que l'entente
du 28 août dernier assure les pouvoirs de l'Assemblée nationale en
matière de langue, et ce, dans le respect des droits des
Québécois anglophones et ceux des différentes
communautés culturelles. J'ai entendu, en fin de semaine
dernière, certains ténors souverainistes déclarer que nous
n'avons pas obtenu de nouveaux pouvoirs avec cette nouvelle entente. On va leur
faire la démonstration contraire. Le Québec se voit octroyer de
nouveaux pouvoirs qui n'étaient même pas inclus dans Meech.
Parlons simplement de la formation et du perfectionnement de la main-d'oeuvre
qui est un secteur important, capital pour notre avenir. À cet
égard, ces deux champs d'activité deviennent clairement des
compétences exclusives du Québec. Et, même à cela,
on prétend qu'il s'agit d'un recul. Pas nouveau du côté de
l'Opposition! Avec l'éducation et la main-d'oeuvre, le Québec
aura dorénavant le total contrôle de la formation de ses
ressources humaines. Alors, pourquoi vouloir cacher la vérité et
dire que cela est insuffisant? C'est une étape importante de franchie
dans cette entente. Le XXe siècle, celui dans lequel nous sommes, a
été celui de nos richesses naturelles, le XXIe siècle,
à n'en pas douter, sera celui de la main-d'oeuvre de qualité,
donc de la formation de celle-ci.
La culture devient une compétence exclusive du Québec,
même si le gouvernement fédéral pourra continuer d'aider
nos artistes, pour autant que cela respecte la politique culturelle du
Québec. En ce qui a trait aux télécommunications, elles
feront l'objet d'une entente qui va bénéficier de la protection
constitutionnelle. Par ailleurs, le tourisme, les forêts, les mines, les
loisirs, le logement et les affaires municipales sont de compétence
exclusive du Québec, même si certains programmes sont encore
financés par le fédéral. Avec cette entente, le
Québec pourra demander au fédéral de se retirer de ces
programmes et obtenir, pour chacun de ces programmes, pleine compensation
financière.
Vous savez, M. le Président, comment le secteur du
développement régional nous tient particulièrement
à coeur, comme gouvernement responsable. Voilà pourquoi les
ententes de développement régional où le Québec est
maître d'oeuvre seront, elles aussi, protégées par la
Constitution, rendant ainsi impossible tout désengagement de la part du
fédéral. Lorsqu'il est question de Constitution, d'entente
constitutionnelle, on parle très souvent d'autonomie politique et
économique, et pour cause. Toutes les provinces, sans exception,
désirent augmenter et améliorer leur autonomie dans ces deux
domaines. L'entente constitutionnelle du 28 août que nous proposons aux
Québécoises et aux Québécois répond à
nos attentes, répond à leurs attentes. Tout en donnant son
approbation au marché économique unique, notre premier ministre a
fait valoir de façon très claire l'importance de protéger
nos institutions financières. Nous devions donc obtenir la garantie que
nos institutions ne seraient aucunement touchées. Or, cette assurance,
cette garantie, nous l'avons obtenue. Ce ne sont pas les tribunaux qui vont
déterminer l'économie du Québec ou du Canada. Les premiers
ministres à eux seuls développeront cette union, et cela, bien
sûr, en fonction des arguments apportés par M. Bourassa lors de
ces négociations.
M. le Président, l'entente constitutionnelle dont nous venons de
parler donne au Québec les outils essentiels à son
développement et à son avenir. M. le Président, nous
pouvons facilement conclure que, comme Québécoises et comme
Québécois, il y a longtemps que nous n'avons pas reçu
d'offre constitutionnelle d'une telle envergure, un tel pas. Comme je l'ai
mentionné plus tôt, et surtout comme je l'ai
démontré, cette entente répond, bien sûr, aux
demandes contenues dans Meech. Mais, au-delà de Meech, et c'est ce qui
importe le plus, l'entente vient répondre à nos attentes. Bien
sûr, il s'en trouvera toujours - et c'est le rôle de l'Opposition -
pour rabrouer le travail de notre gouvernement. Notre responsabilité,
c'est de l'expliquer et de le faire connaître. Il s'en trouvera toujours
pour pavoiser et affirmer qu'eux et eux seuls auraient pu obtenir plus de la
part du Canada anglais, et cela, ils le savent, c'est totalement faux. M. le
Président, notre gouvernement, après
avoir étudié les conséquences d'une rupture avec le
reste du Canada, en vient à la conclusion que cette entente est ce qu'il
y a de mieux pour assurer le développement social et économique
de notre province. C'est ce qu'il y a de mieux pour assurer notre avenir, un
avenir que nous pouvons entrevoir avec plus de confiance.
Enfin, je ne voudrais pas être alarmiste, mais je me dois de faire
une mise en garde sur ce qu'un non du Québec voudrait dire. Ce serait
certainement une occasion ratée, une autre bonne occasion de
ratée. Premièrement, une chance manquée de mettre fin
à cette incertitude persistante au sujet de l'avenir politique du
Québec; deuxièmement, une occasion ratée de permettre au
gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada de consacrer
à l'avenir tout leur temps aux problèmes économiques - et
on sait combien ils sont importants; troisièmement, ce serait aussi la
quasi impossibilité de remettre en route à court terme un nouveau
processus de révision du fédéralisme canadien. Ce serait
aussi une nouvelle incertitude politique, un accroissement marqué des
pressions en faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes ses
implications politiques, sociales, économiques et financières. Ce
serait une perte considérable de la crédibilité du
Québec à l'égard des partenaires canadiens et même
des interlocuteurs éventuels. Ce serait aussi, bien sûr, des
pertes considérables. Que l'on pense seulement à cette perte
probablement irrémédiable des acquis de l'entente
constitutionnelle, la reconnaissance de la société distincte, les
droits de veto sur les institutions, l'entente sur l'immigration, la
reconnaissance de la compétence exclusive du Québec sur la
main-d'oeuvre, la culture, les mines, les forêts, les loisirs, les
affaires urbaines, le tourisme, le logement, cette garantie à vie de 25
% des Québécois à l'intérieur de la Chambre des
communes, cette garantie...
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de
conclure. (17 heures)
M. Blackburn: Je termine, M. le Président. Cette garantie
de 33 % des juges québécois à la Cour suprême, ce
renforcement de l'union économique que nous perdrions, cette
stabilité des ententes de développement économique. Ce
serait aussi l'accroissement des tensions avec les peuples autochtones qui
verraient tous leurs efforts anéantis. Ce serait la persistance des
inquiétudes légitimes des Québécoises et des
Québécois anglophones et des membres des communautés
culturelles, quant à l'avenir du Canada. C'est une inquiétude,
d'ailleurs, partagée par l'ensemble de la population
québécoise. Alors, merci, M. le Président. J'espère
que, le 26 octobre, tout comme moi, la population du Québec votera
majoritairement oui à cette entente constitutionnelle extrêmement
importante pour l'avenir du Québec et l'avenir du Canada. Merci, M. le
Président.
Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Je
vous rappelle que nous sommes à débattre la motion de M. le
premier ministre relativement à la question référendaire
du 26 octobre prochain. Je reconnais, à partir de maintenant, Mme la
députée de Verchères. Vous avez droit, Mme la
députée, à un maximum de 20 minutes.
Mme Luce Dupuis
Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Nous sommes à
débattre d'un projet dont les résultats, on le sait tous, auront
des conséquences très importantes pour l'avenir du Québec.
Le 26 octobre prochain, les Québécois et les
Québécoises auront à dire oui ou non à un projet
élaboré par qui, comment et pourquoi? Si on se remémore un
petit peu les derniers événements, on sait tous que notre premier
ministre a refusé de se rendre à la table de négociation
et que, lorsqu'il s'est rendu, il y avait déjà une entente sur la
table, concoctée par ses collègues, les autres premiers ministres
du Canada. Donc, s'il y a eu entente entre eux, ce n'est pas une entente
à laquelle le Québec a d'abord participé. À partir
de ça, je serais légitimée de dire que les autres premiers
ministres se sont entendus entre eux. Alors, lorsqu'on parle d'une entente,
c'est l'entente du reste du Canada, élaborée par eux, à
leur satisfaction.
À la toute dernière minute, notre premier ministre
décide de se joindre. Remarquez que, si je veux être
honnête, je dirais qu'il ne s'était pas assis à la table
avant, mais qu'il avait rôdé autour de la table pas mal. Il y
avait eu des discussions au téléphone. Il s'en était
occupé légèrement. Mais là, dans un dernier
élan de courage, il décide de se rendre là-bas et,
finalement, son rôle est pratiquement réduit à prendre les
ententes et à venir les proposer au Québec. Alors, on peut parler
d'entente, on peut parler de projet. On peut parler de contrat et on peut
parler de propositions. On est tous aussi légitimés d'employer un
mot au lieu de l'autre. Alors, M. Bourassa prend cette entente et vient la
proposer aux Québécois. On pourrait même aller
jusqu'à dire qu'il a joué un rôle presque uniquement de
commissionnaire. Nous sommes à discuter de ce contrat qu'on demande aux
Québécois de signer, pratiquement un chèque en blanc.
M. le Président, afin d'avoir une opinion éclairée,
j'ai écouté pas tous, mais pratiquement la majorité des
discours qui ont eu lieu en cette Chambre. Pour me faire une opinion encore
plus exacte, plus juste, pour ne pas tomber dans la démagogie, comme on
nous en accuse régulièrement, en disant: Bien, oui, c'est les
péquistes, ils veulent faire la souveraineté, qu'on mette
n'importe quoi, ils vont le démolir, ils veulent dire non, j'ai lu
l'entente, j'ai relu l'entente. Je
trouve navrant que chaque Québécois n'ait pas le texte
dans les mains, qu'il ne le reçoive pas chez lui pour avoir la
possibilité lui-même de se faire une opinion plus
éclairée ou de pouvoir consulter et non pas de se faire seulement
une opinion à partir de l'opinion des autres, M. le Président. Je
suis assurée que, si ça avait été possible qu'on
puisse agir de cette façon, il n'y aurait pas eu d'inquiétude
à ce que les gens du Québec, les Québécois et les
Québécoises, disent non à ce projet d'entente.
J'ai écouté les discours, M. le Président, et je
n'arrivais pas à saisir, après avoir lu le texte aussi, comment
notre premier ministre pouvait bien être arrivé à endosser
des propositions que je trouvais bâclées et même dangereuses
pour le Québec, pour son développement, pour son autonomie et
basées sur la protection. Je sentais tout le long qu'on était
ailé se protéger au lieu de revendiquer des choses pour le
développement du Québec. Mais la lumière fut et je fus
passablement éclairée lorsque j'ai écouté le
discours du ministre des Affaires municipales, M. Claude Ryan. Pour ne pas mal
le citer, je vais même lire le paragraphe, ses dernières phrases,
pour ne pas qu'on m'accuse de sortir ses paroles du contexte. Là, je
cite: «La politique est très souvent un lieu où l'on
assiste à des calculs sordides, des calculs où chacun essaie de
s'enrichir aux dépens de l'autre, souvent au détriment du bien
général». Il n'a pas tort. «Mais la politique peut
aussi être, lorsque les chefs politiques le veulent, un lieu où
l'on procède à des échanges sincères et loyaux en
vue de la recherche d'un bien supérieur». Je suis tout à
fait d'accord. C'est vrai que ça pourrait être ça,
idéalement. «C'est dans cet esprit que M. Bourassa est allé
à la rencontre des autres chefs de gouvernement du Canada. C'est dans
cet esprit, nous a-t-il rapporté, qu'il a été accueilli
par ses collègues des autres provinces et du gouvernement
fédéral. C'est également - et je cite toujours M. Ryan -
dans cet esprit de dialogue et de recherche du bien supérieur de tout le
Canada qu'il a négocié avec ses collègues une nouvelle
entente entraînant le renouvellement substantiel du
fédéralisme canadien sur un grand nombre de sujets.»
Les intérêts supérieurs «du Canada», je
n'en croyais pas mes oreilles! J'ai dit: Ça ne se peut pas. J'ai fait
ressortir les galées, et c'était exact. Que M. Mulroney, M. le
Président, défende les intérêts supérieurs du
Canada, je comprendrais, mais que notre premier ministre du Québec aille
défendre les intérêts supérieurs du Canada, je ne
comprends plus. S'il y en a qui peuvent m'éclairer, je serais
très heureuse. Mais là, en voyant ça, en entendant ces
paroles, oui, j'ai commencé à comprendre certaines choses. J'ai
commencé à comprendre pourquoi on pouvait dire de l'autre
côté: C'est mieux que rien. Parce que la perspective change
complètement si tu vas défendre le Canada au lieu de
défendre le
Québec. C'est toute une autre dynamique. Donc, si on va
défendre le Canada et qu'on revient avec quelques miettes pour le
Québec, bien, ce n'est pas si mal, c'est mieux que rien. Mais, est-ce
que c'est le rôle du premier ministre du Québec d'aller
défendre le Canada? Je ne parle pas de Québécois,
là. M. Mulroney, c'est un Québécois, mais il est premier
ministre du Canada, il joue son rôle. Je ne vous dis pas qu'il le joue
bien, je n'ai pas à porter de jugement de valeur. Ça, c'est une
autre histoire. Il ne faut pas tout mélanger. À un moment
donné, moi, je me demande si Terre-Neuve n'est pas mieux servie avec
Clyde Wells. C'est à se poser la question sincèrement.
Là, c'est devenu plus clair pourquoi il essaie de faire avaler
aux Québécois des accords qui n'apportent rien de neuf, aucun
nouveau pouvoir, et que ça a coûté des milliers de dollars,
pas des milliers, des millions de dollars aux Québécois pour la
commission Bélanger-Campeau, pour des études, pour des avis
d'experts et tout. M. le Président, 100 000 000 $, uniquement à
partir de ce qui s'est passé au fédéral de
l'après-Meech à aller jusqu'au dépôt des ententes.
Tout ça pour défendre les intérêts supérieurs
du Canada? Ce n'est pas étonnant non plus qu'on retrouve des attitudes
aussi contradictoires que celle de dire: Non, je ne négocierai pas
à 11, puis il va négocier à 17. Ce n'est pas
étonnant non plus qu'il dise: Le Sénat? Non, non, non, on n'en a
pas besoin. Et, après ça, ce n'est pas grave, on l'accepte, le
Sénat. (17 h 10)
M. le Président, on peut dire que j'exagère, mais je pense
que la meilleure façon, c'est de rester le plus près des textes.
Je vais en lire quelques passages pour voir comment, d'une pan, on dit des
choses, puis, dans le paragraphe suivant ou à la fin du paragraphe, on
vient défaire ce qu'on a tricoté avant. Si on parle, par exemple,
des transferts des 22 compétences, on dit qu'on en a 6. Bon, bien
sûr, c'est de compétence exclusive du Québec. Bon. C'est
titré, dans le projet tel qu'il nous a été fourni, le
texte définitif, sous le chapitre troisième: «Les
rôles et les responsabilités. Le pouvoir fédéral de
dépenser - et ils mettent: les nouveaux programmes
cofinancés».
Et là je le lis textuellement. «Il conviendrait d'ajouter
à la Constitution une disposition prévoyant que le gouvernement
du Canada fournira une juste compensation au gouvernement d'une province qui
choisit de ne pas participer à un nouveau programme cofinancé mis
sur pied par le gouvernement fédéral dans un domaine de
compétence provinciale exclusive». Un domaine de compétence
exclusive aux provinces, et le gouvernement décide de venir injecter de
l'argent! Remarquez aussi - ce n'est pas mauvais de le dire, en passant - que
c'est notre argent, c'est nos taxes qui vont là-bas, puis qui
reviennent. Elles ne reviennent pas toutes, mais, ça,
c'est une autre histoire. Il vient financer, s'ingérer en
injectant de l'argent par des programmes! Et là on ajoute, du même
souffle et dans le même paragraphe: «si cette province met en
oeuvre un programme ou une initiative compatible avec les objectifs
nationaux».
Ça, ça veut dire que c'est le grand frère qui
décide. Le grand frère, même là, je suis polie.
Ça, c'est du paternalisme à outrance. On me parlait de famille.
Il y avait un député qui me disait: Oui, mais la belle grande
famille du Canada. Moi, je veux bien, mais, là, on est traités
comme si on était encore ou des enfants ou des adolescents. Il me semble
que, là, c'est le rôle des parents d'amener leurs enfants à
la vie adulte et, après ça, de leur laisser leur autonomie et de
les laisser décider eux-mêmes. Il va donner pleine compensation,
M. le Président, uniquement si on met au Québec des programmes
qui répondent aux objectifs nationaux c'est-à-dire aux objectifs
que le Canada aura bien voulu établir.
Et je continue: «II conviendrait d'élaborer un cadre devant
guider l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser dans des
sphères de compétence provinciale exclusive». Mais pourquoi
dit-on «exclusive» lorsqu'on sait très bien que le
gouvernement fédéral vient encore se mettre le nez dans des
champs de juridiction provinciale exclusive, comme on dit? «Une fois
arrêté, ce cadre pourrait devenir une entente multilatérale
qui serait protégée dans la Constitution grâce au
mécanisme prévu au point 26 du présent document. Ce cadre
ferait en sorte que lorsque le pouvoir fédéral de dépenser
est exercé dans une sphère de compétence provinciale
exclusive: il contribue à la réalisation d'objectifs
nationaux.»
C'est ça. Ils nous disent qu'on a gagné des points. Ils
nous disent qu'on a réussi à avoir l'autonomie dans certains
champs, puis, d'autre part, à la fin du paragraphe, on vient le
dédire. Et c'est comme ça pratiquement tout le long, M. le
Président. Si je parle de la formation professionnelle, on nous dit, par
exemple: «La formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre
devraient être reconnus à l'article 92 de la Constitution comme
une sphère de compétence provinciale exclusive.» Je m'en
vais au sixième paragraphe et qu'est-ce que je découvre?
«Il conviendrait d'inclure dans une disposition constitutionnelle
prévoyant que le gouvernement fédéral continuera à
jouer un rôle dans l'établissement d'objectifs nationaux pour les
aspects nationaux du perfectionnement de la main-d'oeuvre. On établirait
les objectifs nationaux en matière de main-d'oeuvre au moyen d'un
processus qui pourrait être énoncé dans la
Constitution». Et le paragraphe suivant, M. le Président:
«Les provinces ayant négocié une entente visant à
limiter le pouvoir fédéral de dépenser devraient
être tenues de s'assurer que leurs programmes de perfectionnement de la
main-d'oeuvre sont compatibles avec les objectifs nationaux, compte tenu de
leur situation et de leurs besoins particuliers».
Avec des objectifs nationaux, ça veut dire que, si le
Québec a des besoins particuliers et que ces besoins particuliers ne
sont pas compatibles avec les besoins nationaux, pas d'aide, refus complet. On
envoie nos taxes, cependant, mais on n'aide pas parce qu'il faut que ce soit
compatible avec les besoins nationaux. Donc, négociations,
négociations.
Et on le voit, je pourrais continuer à lire le texte de cette
entente et, tout le long, que ce soit en matière de culture, c'est la
même chose, les forêts, les mines, M. le Président. Et on a
dit qu'on a gagné des pouvoirs dans des champs de compétence. Et
surtout qu'à tous les cinq ans, ce sera à renégocier. Et
l'on nous parie de paix sociale. On nous dit que c'est des gains. C'est
toujours à renégocier tous les cinq ans, M. le Président.
On n'avance pas, on recule ou, du moins, on piétine.
Je parlais tantôt, M. le Président, du pouvoir de
dépenser. Vous allez nous dire: Oui, mais, bien sûr, les
péquistes, ils veulent la souveraineté, c'est de la
démagogie. Je vais simplement lire un paragraphe, sur le même
sujet du pouvoir de dépenser et qui ne vient pas des péquistes,
qui vient pratiquement de gens de leur formation politique, et ils ont le droit
de le faire, et c'est ça la démocratie. «Pour ce qui est du
pouvoir de dépenser, notre programme constitutionnel - et c'est le
programme du Parti libéral - fondé sur les revendications
traditionnelles du Québec, proposait de mettre fin une fois pour toutes
à cette pratique qui n'a jamais cessé de réduire
l'autonomie politique du Québec. Cette entente, pourtant, ne fait que
stipuler que, si le Québec choisit de ne pas participer à un
nouveau programme cofinancé mis sur pied par le gouvernement
fédéral dans un domaine de compétence provinciale
exclusive, le gouvernement fédéral lui versera une juste
compensation, à la condition qu'il mette sur pied un programme qui soit
compatible avec les objectifs nationaux.» Il le dénonce, tout
comme les péquistes le dénoncent, M. le Président, comme
on dit de l'autre bord en nous taxant de démagogues. «Autrement
dit, bien que le gouvernement fédéral reconnaisse enfin son
empiétement dans nos compétences exclusives, il ne s'engage
à y renoncer qu'à la seule condition que le Québec agisse
selon des objectifs édictés par le gouvernement
fédéral; faute de quoi, les Québécois seront
privés d'une juste compensation financière tirée à
même leurs propres impôts.» (17 h 20)
M. le Président, vous dites que mon temps est déjà
terminé. Je suis donc forcée de conclure. Mais, en conclusion, M.
le Président, j'invite la population de Verchères à dire
non à ces ententes et surtout à aller chercher toute
l'information possible par tous les moyens
possibles. Dans mon comté, M. le Président, je
m'efforcerai de rassembler les gens de tous horizons, quelle que soit leur
couleur politique, et d'amener le débat au-dessus de la partisanerie
politique pour qu'ensemble, collectivement, les Québécois disent
non à un projet qui ne respecte ni leur honneur, ni leur fierté.
Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup, Mme la
députée.
M. Baril: M. le Président, question de
règlement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de
règlement, M. le député de...
M. Baril: Vu l'importance du débat, je vous demanderais de
vérifier le quorum. L'Opposition est aussi nombreuse que le
gouvernement.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le
député d'Arthabaska, à votre demande, je vais
vérifier s'il y a quorum dans cette Assemblée. Je constate qu'il
n'y a pas quorum. Alors, qu'on appelle les députés. (17 h 21 - 17
h 23)
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez
prendre vos places. Alors, nous poursuivons le débat sur la question
référendaire et je cède la parole à Mme la
vice-présidente de la commission de l'éducation et
députée de Matane. Mme la députée, la parole est
à vous.
Mme Claire-Hélène Hovington
Mme Hovington: Merci, merci, merci. M. le Président, c'est
le 26 octobre 1992, le 26 octobre prochain, que les Québécois et
les Québécoises seront invités à se prononcer sur
leur avenir en répondant à la question suivante:
«Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur
la base de l'entente conclue le 28 août 1992?»
Des voix: Oui.
Mme Hovington: Oui. M. le Président, c'est là une
question importante et les Québécois devront répondre oui
à cette question. Vous savez, M. le Président, la Constitution,
c'est important. La réforme sur laquelle nous sommes en train de
travailler, elle est importante parce que la Constitution, c'est là que
les droits des citoyens sont inscrits et protégés. La
Constitution, c'est là que les pouvoirs du Québec et de
l'Assemblée nationale sont créés et sont garantis. La
réforme de la Constitution, c'est pour permettre au pays et au
Québec de faire face aux défis de l'avenir.
La population devra donc voter oui à cette question, à
cette réforme, parce que c'est une entente qui est encore meilleure que
celle du lac Meech. Elle reprend, en fait, les éléments
fondamentaux de Meech. Premièrement, elle reconnaît le
Québec comme société distincte. Le Québec est
reconnu comme une société distincte et unique au sein du Canada.
Ce sera dans la Constitution canadienne, à l'intérieur de la
clause Canada.
Pour cette clause Canada, M. le Président, je veux citer les
propos de M. de Grandpré, que nous avons reçu comme expert
à la commission des offres, sur laquelle je siège, M. le
Président. Souvenez-vous que la commission des offres a
été mise sur pied pour analyser et évaluer les offres
faites par le Canada anglais au Québec. Alors, M. de Grandpré
disait de cette clause Canada, dans son texte, et je cite:
«Qu'apporte-t-elle, cette clause Canada au Québec? Elle affirme
d'abord que nous constituons au sein du Canada une société
distincte et enchâsse dans la Constitution le rôle que notre
Législatif et notre Exécutif doivent jouer pour protéger
et promouvoir cette société.» Et je continue toujours de
citer M. de Grandpré, cet ex-juge de la Cour suprême, M. le
Président. Il dit: «Cet apport est considérable. À
toutes fins pratiques, il nous donne les moyens de nous développer sans
autres restrictions que celles imposées a toute liberté par la
vie à l'intérieur d'une communauté». Et il disait:
«Je n'ai aucune hésitation à conclure comme je viens de le
faire».
Alors, M. le Président, ce caractère distinct, il est
important. Il se lit comme suit: «Le Québec forme au sein du
Canada une société distincte, comprenant notamment une
majorité d'expression française, une culture qui est unique et
une tradition de droit civil». Cette clause, elle confirme la
spécificité du Québec sans limitation aucune, parce que le
terme «notamment» n'exclut pas les autres signes extérieurs
de la société distincte du Québec. D'ailleurs, nous avons
reçu, à la même commission des offres, un autre expert, M.
Fortier, un avocat plaideur qui a plaidé dans des causes importantes
devant les tribunaux de toutes les juridictions au Canada, de même que
devant les tribunaux d'arbitrage nationaux et internationaux. Et M. Fortier
disait aux membres de la commission des offres: «Certains opposants
à l'entente de 1992 soutiennent que la société distincte
se limite désormais aux seuls trois éléments
mentionnés. Juridiquement, cette affirmation est sans fondement.
L'emploi des mots "comprenant notamment" dans la version française et du
mot "includes" dans la version anglaise traduit sans conteste l'intention de ne
pas circonscrire le contenu de la société distincte aux
éléments mentionnés. En somme, disait M. Fortier, j'estime
que le Québec obtient, par l'entente de 1992, une reconnaissance de son
caractère distinct d'une valeur au moins égale sinon
supérieure à celle que l'on retrouvait dans l'accord du lac
Meech», M. le Président.
et m. fortier continuait en disant: «en fait, l'entente de 1992
elle-même se propose de consacrer deux exceptions très importantes
pour le québec au principe de l'égalité des provinces. en
vertu de ces deux exceptions, tous ses partenaires canadiens garantissent au
québec 25 % des représentants à la chambre des communes,
33 % des juges au plus haut tribunal du pays. qui plus est, ces deux garanties
sont assorties d'un droit de veto.» et c'est m. fortier qui le dit
lui-même. et il continue, parce que souvenez-vous de ces huit professeurs
de droit constitutionnel qui ont publié dans certains journaux du
québec, la semaine dernière, qu'ils étaient contre
l'entente; et il dit: «j'ai eu beau relire et relire plusieurs fois cet
écrit de ces huit professeurs, je n'y trouve aucune justification pour
l'affirmation que le texte de l'article 2, s'il est inscrit dans la
constitution, comporterait un recul pour le québec». alors, c'est
m. fortier lui-même qui le dit, m. le président.
M. le Président, elle va beaucoup plus loin, cette clause de la
société distincte, car elle s'exprime dans un paragraphe
différent, le paragraphe 2, et le paragraphe se lit comme suit:
«La Législature et le gouvernement du Québec ont le
rôle de protéger et de promouvoir la société
distincte.» Alors, nous partons avec huit caractéristiques
fondamentales dans la clause Canada, mais la société distincte du
Québec est la seule protégée, parmi les huit, par
l'article 2. Alors, ne faut-il pas accorder une grande importance, M. le
Président, au fait que la Législature et le gouvernement du
Québec sont les seuls à se voir explicitement conférer un
rôle actif dans la promotion de l'une des caractéristiques de la
clause Canada? Et lorsque l'on considère la garantie de
représentation du Québec à la Cour suprême, 33 %,
à la Chambre des communes, 25 %, lorsqu'on considère le droit de
veto du Québec sur toute tentative de porter atteinte à des
garanties de représentation, enfin, lorsqu'on confie au gouvernement et
aux parlementaires du Québec le rôle de protéger et de
promouvoir la société distincte, ne doit-on pas considérer
que la notion de société distincte est bel et bien
concrétisée en termes pratiques dans la Constitution? Je dois
dire oui à ça, M. le Président. (17 h 30)
Oh! Certains ténors de l'Opposition, qui sont opposés
à cette entente, il va sans dire, parce qu'ils sont souverainistes...
Ils l'ont dit, ils sont indépendantistes, donc, ils ne peuvent pas
être pour les offres, même les meilleures offres de la terre. Ils
ont voté contre la loi 150, en plus. Alors, ils sont contre les offres.
Alors, certains de ces ténors de l'Opposition disent: Mais ce sera des
négociations à n'en plus finir. Nous ne finirons jamais de
négocier. Mais, M. le Président, j'étais membre de la
commission Bé-langer-Campeau. Et, à la commission
Bélanger-Campeau, souvenez-vous de certains passages, quand on rejetait
l'idée de l'indépendance pure et dure, dans le rapport, et qu'on
privilégiait surtout le concept de souveraineté partagée.
Alors, on écrivait: «En fait, après l'accession à la
souveraineté, certains des principaux éléments du
marché commun pourraient être conservés par le maintien en
vigueur au Québec de la plupart des législations
fédérales existantes et par un certain degré
d'harmonisation subséquente. Les domaines de la concurrence, des
institutions financières, de la faillite constituent des exemples
importants à cet égard.» C'était dans la commission
Bélanger-Campeau. Donc, nous touchons ici à trois domaines
précis: la concurrence, les institutions financières et la
faillite.
Mais ce n'est pas tout, parce que le rapport Bélanger-Campeau
continuait sur sa lancée de souveraineté partagée et de
réassociation: «De même, dans certains domaines qui sont
présentement de compétence provinciale, le Québec pourrait
continuer à harmoniser, comme il le fait déjà, plusieurs
de ses législations économiques avec celles des autres provinces
ou du gouvernement fédéral.» Je continue: «D'autre
part, plusieurs réglementations gouvernementales sont déjà
l'objet d'une certaine harmonisation, comme c'est le cas, par exemple, en
matière de propriété industrielle, des droits d'auteurs,
de télécommunications.»
Comme vous voyez, M. le Président, la souveraineté du
Québec ne ferait pas flotter qu'un seul drapeau sur les actions
gouvernementales; il y aurait toujours un drapeau du Québec et un
drapeau du Canada. On a déjà parlé de la concurrence, des
institutions financières, de la faillite. Il faudrait ajouter les
législations économiques, le transport routier, la
fiscalité, les valeurs mobilières, les assurances, la
propriété intellectuelle, les droits d'auteur, les
télécommunications. On pourrait continuer longtemps ici en
parlant de politique monétaire, de politique de commerce
extérieur.
Alors, ce qu'il faut retenir de cela, M. le Président, c'est que
le rapport de Bélanger-Campeau prévoyait que le Québec
devait s'entendre avec le Canada, le Québec devait conclure des ententes
avec le Canada. Et le rapport va au-delà de la simple enumeration des
compétences; il peut parler aussi de programmes. Alors, devant tous ces
secteurs qu'il nous faudrait partager avec le Canada avec qui il faudrait
conclure des ententes ou encore accepter de copier sans rien dire la
législation du Canada, pouvez-vous nous dire, vous, M. le
Président, en quoi cette solution serait avantageuse, cette solution de
souveraineté, d'indépendance du Québec? En quoi cette
solution pourrait-elle être avantageuse par rapport à la
présente entente où on prévoit déjà des
mécanismes de négociation à deux et où on
prévoit que les accords qui en découleraient seraient, eux,
protégés dans la Constitution?
Il ne faut pas l'oublier, le Québec est quand même
représenté du côté du gouvernement
québécois, évidemment, mais aussi du
côté du gouvernement fédéral, avec une
représentation accrue à la Chambre des communes, un plancher de
représentation garanti à 25 %. Alors, comment peuvent-ils
prétendre que cette entente va nous mener à des
négociations sans terme, indéfiniment, quand le rapport de la
commission Bélan-ger-Campeau disait vraiment qu'une association avec le
reste du Canada... qu'un État souverain aurait des ententes à
négocier aussi après. Donc, ce ne serait pas un terme final aux
négociations.
Lors d'un discours devant le Canadian Club à Vancouver, le 24
septembre 1965, M. Jean Lesage déclara que le statut particulier pour le
Québec n'était peut-être pas un objectif en lui-même.
Il disait: «Le statut particulier peut fort bien être la
résultante possible d'une évolution, administrative d'abord et
constitutionnelle ensuite, qui, tout en étant en principe applicable
à toutes les provinces, n'intéresserait en pratique que le
Québec, et cela, pour des raisons qui sont propres au
Québec.»
Alors, M. le Président, considérant le retrait du
fédéral des secteurs suivants: tourisme, forêt, mines,
loisirs, logement, affaires municipales et urbaines; considérant les
ententes obligatoires et constitutionnelles dans les secteurs suivants:
immigration, développement régional, culture, formation,
perfectionnement de la main-d'oeuvre; considérant le plancher garanti de
25 % à la Chambre des communes et la garantie de 33 % à la Cour
suprême, ne peut-on pas prétendre que la présente entente
va dans le sens des revendications historiques du Québec? Je
répondrai oui à cette question. Cette entente va vraiment dans le
sens des revendications historiques du Québec.
M. le Président, je voterai oui à cette question du 26
octobre prochain, et soyez assuré que j'expliquerai cette entente qui va
dans le sens du Québec à tous mes électeurs et à
toute la population du comté de Matane pour que les gens puissent voter
en connaissance de cause, mais surtout pour que les gens puissent dire oui
à un avenir du Québec à l'intérieur du Canada, car
c'est l'avenir de toute la population du Québec et de tous les jeunes,
la jeunesse du Québec. Alors, il faut voter oui à la question du
26 octobre 1992 prochain. Merci, M. le Président.
Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, mme la
députée. toujours sur ce débat de la question
référendaire, je reconnais m. le député de
prévost. m. le député, la parole est à vous.
M. Paul-André Forget
M. Forget: Merci, M. le Président, nous voici
plongés de nouveau dans un débat historique auquel je suis plus
que fier de contribuer. Ce débat, c'est celui d'un choix, d'une
décision qu'aura à prendre la population devant la question qui
lui sera soumise le 26 octobre prochain.
Nous, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre,
nous sommes pour cette entente. Nous disons oui à cette entente. Nos
adversaires, eux, sont dans le camp opposé. Cette entente menace leur
raison d'être et, surtout, celle de leur chef. Mais, dans ce
débat, dans ce référendum, c'est la démocratie et
le pluralisme qui s'exprimeront.
L'Opposition péquiste, depuis le début de ce débat,
s'acharne a montrer que l'entente est un recul pour le Québec. M. le
Président, toute entente, quelle qu'elle soit, sera perçue comme
un recul pour ceux et celles qui croient que la seule option valable pour le
Québec est la séparation du reste du Canada. Nous ne partageons
pas cette conviction. Nous ne croyons pas que la séparation du
Québec serve les intérêts supérieurs du peuple
québécois. Pour nous, s'il y a quelque chose qui nous fera
reculer, c'est l'option indépendantiste.
M. le Président, l'option canadienne, c'est la nôtre. Nous
sommes convaincus que nous vivons dans un pays où il fait bon vivre.
Nous vivons dans un pays qui a déjà des tiraillements et l'un des
pays les plus en vue au monde. Nous vivons dans un pays où la
démocratie, la liberté d'expression, la circulation des hommes et
des femmes existent. Le pluralisme y est une valeur chérie, tout comme
d'ailleurs la justice sociale.
Je ne suis pas prêt, comme beaucoup d'autres de mes concitoyens,
concitoyennes, à remettre en cause tout cela. Car, il faut le dire, il
est loin d'être certain que ce soit des valeurs chéries pour nos
adversaires. Je suis loin d'en être convaincu. J'ai plutôt
l'impression qu'ils chérissent l'unanimisme. M. le Président,
l'un des conseillers, des ténors de l'Opposition péquiste, en
l'occurrence Pierre Bourgault, ne s'est-il pas demandé si l'État
devrait circonscrire, pour un certain temps, la liberté de presse? Tout
ceci, M. le Président, sous le prétexte de bien informer la
population à sa cause et à son option.
Mais il y a pire encore, M. le Président. Il ne s'est
trouvé, de l'autre côté de la Chambre, personne, je dis
bien personne, pour dénoncer cette atteinte à la liberté
d'expression. Qui peut les croire lorsqu'ils parlent de pluralisme, de
démocratie et de liberté d'opinion? Moi, M. le Président,
et d'autres, beaucoup d'autres, ne croyons pas que le pluralisme soit
profondément enraciné chez les partisans de l'option
indépendantiste et souverainiste. (17 h 40)
Les libertés sont les valeurs chères à ce pays, des
valeurs chéries, des valeurs sans cesse réaffirmées par
les femmes et les hommes qui ont forgé, modelé et bâti ce
pays. Notre liberté, liberté de parole, liberté de
circulation, liberté de mobilité des capitaux et de
main-d'oeuvre, liberté de penser... Même si la démocratie
progresse sur la planète, on peut encore se poser la question: Combien
de pays sur celle-ci ont la liberté, le pluralisme profondément
ancré dans leurs traditions? Il y en a tellement peu que l'on
ne saurait remettre en cause ces valeurs pour la promesse d'un pays
où on est loin d'être certains que le pluralisme serait
vécu avec la même profondeur. Nos adversaires croient en un
humanisme; c'est leur droit. Notre démocratie l'autorise. Mais la
démocratie autorise également son refus, et nous le refusons.
Ce qu'il y a, M. le Président, dans l'option canadienne, qui est
au-delà de l'entente dont nous discutons les termes, cette entente,
c'est un Meech plus. Elle constitue un progrès réel pour le
Québec, et je suis persuadé qu'avec cette entente le
Québec progresse et que les intérêts supérieurs du
peuple québécois sont bien servis. L'option canadienne, telle
qu'exprimée dans cette entente, est une voie d'avenir, une voie
adaptée aux réalités de cette fin de siècle, une
fin de siècle qui pose aux femmes et aux hommes que nous sommes
d'exigeants défis sur la route de la démocratie et du
développement économique. Plus que jamais notre époque
exige lucidité, détermination et réalisme, et c'est cette
voie que nous proposons à la population le 26 octobre prochain. Je dirai
oui à cette entente, je dirai oui à un Québec plus fort.
Merci beaucoup, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Prévost, de votre intervention. Sur cette
même question, je cède la parole à Mme la
députée des îles de la Chaudière.
Mme Carrier-Perreault: Des Chutes-de-la-Chaudière.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Des
Chutes-de-la-Chaudière. Merci.
Mme Denise Carrier-Perreault
Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Ça
me fait drôle de me faire appeler la députée des Des de la
Chaudière, mais enfin... C'est les Chutes-de-la-Chaudière, M. le
Président.
Écoutez, d'entrée de jeu, M. le Président, je
voudrais vous dire que je me sens un peu comme quelqu'un qui aurait un
rôle à jouer dans un mauvais film. Vous savez, le genre de film
où les textes, les répliques des textes sont tellement mal
écrites, mal adaptées qu'on est constamment obligé de les
retoucher en cours de route. Un mauvais film où, aussi, on a un mauvais
scénario, parce que le scénario, au départ, vous le savez
comme moi, M. le Président - et je pense que tous, ici, on en est
conscients - aurait dû être un référendum sur la
souveraineté. C'était ce qui avait été entendu,
c'était ce que les gens désiraient, c'était ce qui avait
fait l'unanimité, si on veut, à la commission
Bélanger-Campeau.
Donc, le scénario aurait dû être dans cette
ligne-là, M. le Président. Le gouvernement en a
décidé autrement. On se ramasse avec un scénario
très différent maintenant, un scénario où on aura
à prendre position sur des offres, sur des offres qui ne sont même
pas finales; parce qu'on n'a pas de texte, c'est une base de
négociation. On est dans le flou total et on sait que c'est des choses
qui vont nous engager à négocier perpétuellement, à
perpétuité avec le gouvernement fédéral. Donc,
mauvais scénario, et un mauvais metteur en scène aussi, M. le
Président, parce que, vous savez, au moment où on se parie, on ne
sait pas trop qui est le véritable metteur en scène de ce
référendum. Est-ce que c'est le premier ministre du Québec
ou si c'est le premier ministre du Canada? La situation où on est
présentement, c'est qu'on vit, tout le monde, un
référendum sur le territoire québécois, bien
sûr, dans le cadre d'un référendum pancanadien, parce que
tout le monde au Canada, de la Colombie-Britannique jusqu'à Terre-Neuve,
en passant, bien sûr, par chez nous, on aura à répondre
exactement à la même question le 26 octobre, la même
journée. On ira répondre à la même question,
à savoir si on veut renouveler la Confédération canadienne
sur les bases de l'entente du 28, qui n'est même pas terminée.
Vous savez, M. le Président, ce que je ne comprends pas, au fond,
c'est que, de l'autre côté de cette Chambre, tout le monde a l'air
d'accord avec ce genre de processus, de procédé. Tout le monde a
l'air de dire que c'est beau, c'est parfait, c'est comme ça qu'on doit
vivre ça. Même le ministre des Affaires municipales... Parce que
j'ai lu quelque chose, M. le Président, que le ministre des Affaires
municipales... On le cite beaucoup chez nous, parce que le ministre des
Affaires municipales, vous savez, s'exprimait beaucoup, longuement, dans Le
Devoir, lorsqu'il était un homme libre. Tout à l'heure, je
voyais le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui a l'habitude
de dire cette phrase-là en parlant du chef de l'Opposition. Alors, moi,
je trouve que ça s'adapte très bien au ministre des Affaires
municipales, parce qu'il écrivait beaucoup quand il était au
Devoir. Je ne l'ai pas entendu tellement s'exprimer sur ce fait qu'on a
un référendum québécois pancanadien,
contrôlé et dirigé, question soufflée par le
fédéral. Je ne l'ai pas beaucoup entendu, ces derniers temps.
Mais pourtant, M. Ryan lui-même, alors qu'il était au
Devoir, disait, puis là, je vous le cite au texte: On doit
proclamer avec force qu'un référendum qui prétendrait
s'adresser à tout le peuple canadien plutôt qu'au seul peuple
québécois serait une négation effrontée du droit
des peuples à l'autodétermination et un stratagème
grossier en vue de noyer la volonté de la nation minoritaire dans celle
de la nation majoritaire. C'est curieux, on ne l'a pas entendu.
C'est, en effet, un stratagème grossier. On a beau dire toutes
sortes de choses, on a beau dire que le référendum se tient au
Québec, c'est un référendum québécois, selon
la Loi sur la consultation populaire du Québec. Il y en a d'autres qui
sont un petit peu plus clairs. On a
beau dire ça, mais on se rend bien compte qu'on n'a comme pas
beaucoup de dents au Québec pour faire appliquer notre loi
référendaire comme telle, notre Loi sur la consultation
populaire, je m'excuse.
D'ailleurs, tellement que ce matin, je regardais dans les journaux, et
le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan
Côté, lui, il dit que, si le référendum
s'était tenu sous la responsabilité du fédéral, il
aurait payé sa tenue, il aurait payé la facture. Alors, il trouve
que ce serait normal, lui, que le référendum, il y ait des
montants qui soient réclamés au fédéral. Ça
veut dire que lui, au moins, reconnaît à quelque part que c'est un
référendum pan-canadien.
Quand je vous dis que notre Loi sur la consultation populaire n'a pas de
dents, c'est que même le Directeur général des
élections reconnaissait qu'il est impuissant, à toutes fins
pratiques, à stopper un éventuel déferlement de
publicité sur le Québec qui viendrait des autres paliers de
gouvernement, le gouvernement fédéral entre autres. Alors, quand
on dit que c'est un référendum québécois, il faut
quand même prendre ça avec un grain de sel.
J'aurais aimé vraiment que le ministre des Affaires municipales
s'exprime, ces derniers temps, pendant le débat
référendaire, pendant ces heures qu'on a à notre
disposition, pour nous dire comment ça se fait qu'il a changé
d'avis à ce point. Il a l'air d'applaudir cette façon de faire
présentement. Il y a beaucoup de gens qui disent que le pouvoir use. Il
y en a d'autres qui disent que le pouvoir corrompt. C'est selon. Enfin!
Une voix:...
Mme Carrier-Perreault: Oui, c'est selon. On peut le prendre comme
on veut.
M. le Président, depuis que le débat est commencé,
on nous dit que, nous, les souverainistes, on ne sera jamais contents parce que
ce n'est pas ça qu'on veut. On veut faire la souveraineté du
Québec. Dans mon cas, je peux vous dire, M. le Président,
effectivement, que je suis une souverainiste. Je pense qu'on aura vraiment tous
les moyens en notre possession lorsqu'on fera l'indépendance du
Québec. C'est dans ce sens-là que je vous dis que je me sens
comme dans un mauvais film parce que, pour ma part, j'aurais
préféré de beaucoup faire le débat sur la
souveraineté du Québec. Ça aurait été,
à mon sens, beaucoup plus emballant et beaucoup plus enthousiasmant que
de faire un débat sur ce genre de textes qu'on a devant nous
présentement et qui, à mon sens, ne mèneront nulle part et
vont continuer tout simplement le genre de chevauchements, de
dédoublements, de perte de temps, d'énergie et d'argent, comme
ça l'a été jusqu'à maintenant.
Présentement, on n'a pas les textes juridi- ques. Tout ce qu'on a
en main, ce qui nous a été distribué, à toutes fins
pratiques, c'est le procès-verbal de la réunion des premiers
ministres, des rencontres des premiers ministres, d'abord, au lac Harrington,
et, ensuite, à Charlottetown. C'est, à toutes fins pratiques, un
procès-verbal. Les textes juridiques suivront, on ne sait pas quand.
Ça peut être très long. Habituellement, les textes
juridiques - et ça, tout le monde en conviendra - vont moins loin,
généralement, en tout cas, sont fidèles, mais ne vont
jamais plus loin que ce qui a été dans le plan, que ce qui a
été mis dans le plan.
Alors, les discussions ne sont pas finies, les discussions ne sont pas
terminées, et ce qu'on demande aux Québécois,
présentement, c'est de mettre leur x au bas d'une page comme signature
sur un document, sur des propositions que même les premiers ministres,
entre autres, n'ont pas encore signées. (17 h 50)
Depuis le début des débats sur la question
référendaire, on assiste, de part et d'autre, à toutes
sortes de déclarations dans cette Chambre. On voit que c'est un peu
comme un dialogue de sourds. On dirait qu'on n'a pas lu les mêmes textes.
Ce qu'on a en main, c'est le seul outil qu'on a pour essayer de se faire une
idée présentement. Je répète que ce n'est pas les
textes juridiques, ce n'est pas le vrai contrat. Le vrai contrat, on ne l'a pas
vu nulle part. Il n'est pas encore fait de toute façon, mais il faut se
servir de ce qu'on a, et essayer d'interpréter au moins, par le biais de
ce texte-là, un texte politique. On se rend compte qu'on n'a pas du tout
la même interprétation de ce texte-là. Ça, je peux
vous dire que ce n'est pas juste parce que je suis souverainiste, M. le
Président. Tout simplement, je sais lire, hein, et je pense que la
plupart des gens dans cette Chambre savent lire.
C'est à croire, des fois, qu'il y a des paragraphes qui ont
été enlevés quand j'entends certains députés
ministériels parler. Il y a des gens qui oublient carrément que
les ententes devront être négociées et rediscutées.
Ils ont fait des gains à peu près partout. La phrase qu'on entend
le plus souvent - on l'a encore entendue tout à l'heure, dans la bouche
du député de Prévost - et le plus souvent, la comparaison
qui nous est faite, on dit: C'est Meech plus. C'est plus que Meech. On a obtenu
davantage que Meech. C'est à croire, M. le Président, qu'au
Québec, depuis le lac Meech, il ne s'est rien passé du tout.
C'est à croire que ces gens-là ont complètement
oublié ce qui s'est passé ici, chez nous, entre la défaite
de Meech, si on veut, la mort de Meech et les propositions qu'on a devant nous
présentement.
Pourtant, on le sait très bien, la population a été
conviée, a été invitée à venir
déposer ses demandes, à venir faire ses recommandations. La
population a été invitée par le gouvernement, par le biais
de la commission Bélanger-Campeau. On
a reçu des groupes à cette commission-là. Ils sont
tous venus s'exprimer et exprimer des besoins. Qu'est-ce que ça prend
pour que le Québec se développe de façon cohérente?
Qu'est-ce que ça prend pour améliorer la situation au
Québec, selon les besoins qu'on a?
Il y a eu la commission Bélanger-Campeau en 1990. Il y avait des
demandes très claires, des récupérations de pouvoirs. On
demandait... De façon traditionnelle, de toute façon, il n'y a
pas eu vraiment de surprise parce que, de façon traditionnelle, le
Québec a toujours demandé de récupérer des pouvoirs
d'Ottawa et de limiter aussi, dans des secteurs de compétence exclusive
qui appartiennent au Québec, le pouvoir de dépenser qu'avait
Ottawa. C'est facile à comprendre, au fond. Ce pouvoir-là de
dépenser, ça veut dire qu'Ottawa n'a pas d'affaire à venir
se mettre les pieds dans les plates-bandes du Québec, dans des
juridictions qui nous appartiennent - comme la santé,
l'éducation, l'ensemble de toutes les juridictions
québécoises. Ce n'est pas nouveau. Il n'y a pas eu de surprise,
comme je vous dis, M. le Président. Quand les gens sont venus nous dire
ça, on avait quand même une bonne idée. Je pense qu'il n'y
a personne qui est tombé en bas de sa chaise à la commission
Bélanger-Campeau en entendant ça, parce que ça fait 30 ans
au moins que le Québec demande à Ottawa de se retirer de certains
secteurs, parce que ce n'est pas ses affaires, d'une part, et, d'autre part,
parce que ça fait 30 ans aussi que le Québec demande à
Ottawa de récupérer certains pouvoirs pour pouvoir mieux assumer
son propre développement.
Il y a eu ça depuis Meech, M. le Président, mais il y a
comme un grand blanc de mémoire de l'autre côté de cette
Chambre. On nous ramène toujours à Meech, Meech plus, Meech plus
plus plus... Moi, quand j'entends ça, je trouve ça très
drôle. Je me demande comment la population peut se retrouver avec le
jargon qu'on utilise ici en cette Chambre. On l'a vu, il n'y a personne qui
savait ce qu'il y avait là-dedans, Meech. Meech est devenu une formule,
une formule comme ça, dans les airs. C'est le meilleur moyen de
mêler tout le monde. C'est de faire comme s'il ne s'était rien
passé, et de faire des comparaisons, boiteuses à mon avis. On
peut, nous, ici, entre nous autres, comparer ce qu'il y avait dans Meech - oui
- parce qu'on a étudié longtemps, on a discuté longuement
de Meech aussi.
D'un côté, on dit que c'est Meech plus. Nous, de notre
côté, on dit: Non, non. Attention, vous n'avez pas Meech plus.
Chacun y va, comme je vous dis, de son interprétation, toujours à
partir d'un texte politique qu'on a en main, sans aucun article juridique
encore, présentement.
Voyez-vous, M. le Président, nous autres, on dit: Par rapport
à Meech, la société distincte s'est amenuisée.
Ça s'est rapetissé. Il y a des gens qui me disent non en cette
Chambre, mais il reste qu'il n'y a pas seulement les gens de l'Opposition
officielle qui disent ça. Il n'y a pas seulement les péquistes
qui disent ça parce qu'on veut la souveraineté. Il n'y a pas
seulement nous autres, M. le Président.
Je regardais, dans les journaux, Léon Dion, professeur à
l'Université Laval. M. Dion, ardent fédéraliste qui, lui,
croit énormément à la Confédération
canadienne, nous dit: Je suis dans l'abîme. La loi 101 est en
péril. Et ça, ce n'est pas des péquistes qui ont
écrit ça, ce n'est pas nous autres, ce n'est pas des
méchants séparatistes, comme il y en a qui aiment nous appeler
pour faire peur un petit peu plus. C'est tellement plus épeurant, M. le
Président. On a vu M. Dion qui a fait un commentaire comme
celui-là.
Par rapport à l'immigration, on a vu, dans cette Chambre, il y a
eu des débats, à la période de questions, des questions
qui ont été posées au premier ministre, qui ont
été posées, en cette Chambre, au ministre des Affaires
internationales. On nous dit: II n'y a pas de problème. C'est tout beau,
c'est pareil comme Meech. Pourtant! Pourtant, même le sénateur
Claude Castonguay a été obligé de reconnaître qu'il
manquait des bouts au texte et que le gouvernement du Québec attendait -
au moment où on se parle, il attend toujours probablement parce qu'il ne
l'avait pas encore eue hier - une lettre du premier ministre pour pouvoir
confirmer que le gouvernement avait raison. C'est assez inquiétant, M.
le Président, et c'est là-dessus qu'on va demander aux
Québécois de prendre position.
Nous, notre tâche, à ce moment-ci, ce sera d'essayer de
démontrer comment il n'y a rien dans ça. Si, au moins, on pouvait
produire... Si tout le monde se donnait la peine de lire les textes. N'importe
qui est capable de lire ça, ce n'est pas si compliqué que
ça. On peut voir, un paragraphe après l'autre, qu'il n'y a rien
de réglé. Même dans les six secteurs. On nous dit, de ce
côté-ci de la Chambre... on nous donne six secteurs exclusifs, de
compétence exclusive du Québec.
La formation professionnelle... J'ai entendu plusieurs personnes qui
nous disent: compétence exclusive du Québec. Ah oui! Pourtant, on
sait qu'il y a des paragraphes un petit peu plus loin qui disent quoi? Qui
disent que, si on fait des programmes pour pouvoir se retirer, il faudra aller
selon des normes nationales, et les normes nationales, c'est par là que
le gouvernement fédéral fait toujours de l'ingérence
aussi. On a des normes nationales en santé. Là, on va en avoir en
éducation, c'est clair; ils ont même mis un ministre
là-dessus. En développement régional, on en aura.
Mais où ça s'arrête? On a vu les débats qu'il
y a eu ici. Le ministre de l'Environnement qui se plaignait, l'an dernier,
mais, en fait, pas l'an dernier, au printemps, en plein débat
constitutionnel, où on essaie de s'entendre. Le ministre de
l'Environnement qui nous dit: Ça n'a
pas de bon sens. Ils vont pouvoir s'ingérer partout, même
dans les bouts de route. C'est épouvantable de voir ça, M. le
Président. Le ministre des Communications, comment il fait, lui aussi,
pour applaudir à cette entente-là qui, à toutes fins
pratiques, ne règle pas son problème? Il était contre le
projet de loi fédéral. Le ministre de l'Environnement
était contre le projet de loi fédéral en environnement.
Comment ces gens-là font-ils pour applaudir à cette espèce
de procès-verbal d'entente constitutionnelle qu'on a devant nous
présentement? Il y a de quoi s'interroger, M. le Président.
Ce n'est pas des propos que, nous, on a tenus parce qu'on est biaises
par notre option souverainiste. C'est des propos qui ont été
tenus par des ministres libéraux, en cette Chambre. Comment ça ce
qui n'était pas bon au printemps, ça devient bon maintenant? Le
ministre de la Santé, il a des normes nationales à respecter. On
coupe ses budgets, mais on lui dit: Tu vas respecter les normes
fédérales quand même. En 1996, il n'y aura plus rien
probablement, là, dans les transferts du fédéral au
provincial en matière de santé. C'est prévu dans les
livres du budget du gouvernement que le gouvernement nous remet à chaque
année.
Quand on regarde ce qui s'est passé... Je reviens à
Bélanger-Campeau, M. le Président, parce que je voudrais parler
des recommandations et des demandes que les femmes ont faites à
Bélanger-Campeau. Vous savez, M. le Président, comme porte-parole
de la condition féminine et de la politique familiale, je suis contente
de voir que la ministre est là dans cette Chambre. Elle se rappellera
sûrement des demandes que les femmes ont exprimées à la
commission Bélanger-Campeau. Elle se rappellera sûrement aussi des
propos qui ont été tenus en commission parlementaire sur les
normes minimales de travail. Ça ne fait pas si longtemps, ça, M.
le Président. C'est en... Je vais vous donner ça tout de suite.
Voyez-vous, c'est récent. (18 heures)
II y a eu des propos qui ont été tenus concernant les
banques de congés de maternité, congés parentaux. Les
femmes nous ont dit qu'elles avaient besoin que ce soit rapatrié, qu'on
se crée une banque québécoise pour les congés de
maternité, congés parentaux. Projet très bien fait,
d'ailleurs, qui avait été présenté par le Conseil
du statut de la femme. La ministre elle-même avait trouvé que
c'était un projet intéressant, à l'époque.
Ça faisait consensus, à toutes fins pratiques. Pour ce faire, M.
le Président, il fallait aller récupérer du
fédéral la partie de l'assurance-chômage qui sert, en fait,
à assumer la partie payée des congés de
maternité.
Même M. Dufour, le président du Conseil du patronat,
était venu et lui-même était d'accord avec ça.
Lui-même nous disait: Bon... Je vous le cite parce que j'avais
trouvé ça excellent. M.
Dufour nous disait que, quand on veut bonifier quelque chose, dans un
contexte comme ça, on aime autant que le Québec le bonifie
lui-même. Alors, il était d'accord avec le procédé.
Tout le monde était d'accord là-dessus. Pourtant, il ne s'est
rien passé dans ce dossier-là, pas un mot. Et même qu'on
dit: Le fédéral va garder - c'est écrit en toutes lettres
dans l'entente - à toutes fins pratiques le contrôle exclusif, la
compétence exclusive en ce qui a trait à
l'assurance-chômage, devrait conserver sa compétence exclusive
aussi à l'égard du soutien du revenu et des services connexes
qu'il fournit dans le cadre du régime d'assurance-chômage.
Qu'est-ce que ça veut dire ça, M. le Président? Est-ce
qu'on devra faire une croix là-dessus? Ils n'ont pas voulu en parler,
ils n'en ont pas discuté.
J'espère que les femmes, qui sont, semble-t-il, très
indécises - il y a beaucoup de femmes indécises
présentement - vont voter contre ça. On n'a absolument rien
gagné. On n'a pas été écoutées, M. le
Président, ni en termes de mariage ni en termes de divorce. Pourtant,
c'est assez simple. Pas du tout. Ils ont convenu de ne pas en parler. On n'en
discute plus. Terminé. C'est dans la dernière page annexe de tous
les sujets qu'un jour on reprendra, peut-être. Si ça adonne, on
reprendra les discussions. On avait demandé des choses au niveau du
travail, au niveau de la formation professionnelle. Ça, on y a un petit
peu touché. En fait, là, de toutes les demandes que les groupes
de femmes du Québec sont venus faire chez nous à
Bélanger-Campeau, il n'y a rien qui est ressorti.
Ça aurait été l'occasion idéale d'aller
récupérer les sommes d'assurance-chômage pour pouvoir au
moins faire avancer ce dossier-là. Ça aurait été
l'occasion idéale. Et pourtant, rien du tout, M. le Président. On
n'a rien retenu. Même le rapport Allaire aussi était d'accord pour
qu'on fasse une politique familiale québécoise
cohérente.
Vous me signalez qu'il faut que je conclue, M. le Président.
Bien, écoutez, en terminant, ce que je demande, c'est à la
population de mon comté, à la population du Québec
d'être très attentive, de vérifier comme il faut tout ce
qu'il y a dans ce papier-là, parce que ça ne mène nulle
part. On n'a pas le bon débat. Ce n'est pas le vrai débat, mais
il va falloir y passer quand même et voter non à tout ça,
surtout les femmes, qui n'ont rien obtenu dans ce dossier-là. Et je vous
remercie, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée des Chutes-de-la-Chaudière.
Alors, nous poursuivons le débat référendaire sur
la proposition du premier ministre. Nous poursuivons le débat sur la
question référendaire et je reconnais M. l'adjoint parlementaire
au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et
député de Taschereau. M. le député, la parole est
à vous.
M. Jean Leclerc
M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis heureux de
prendre la parole pendant ce débat sur la question
référendaire. Je me remémore encore mon humble
participation à la campagne référendaire de 1980,
où j'étais bien loin de me douter, comme beaucoup d'entre nous,
que 12 ans plus tard le débat serait encore aussi
d'actualité.
Nous tenons actuellement le débat sur la question, débat
qui déborde, vous en conviendrez, sur l'environnement politique que nous
désirons nous donner, nous, les Québécois, pour les
années 2000. Bien sûr, il est important de situer les offres
actuelles par rapport à Meech, par rapport aux revendications
historiques du Québec. D'autres avant moi ont fait ce débat. Mais
il faut surtout se demander si nous désirons toujours vivre dans ce pays
qu'est le Canada.
Il y a un adage qui dit que, lorsqu'on veut faire tuer son chien, on lui
trouve toutes les maladies. Bien sûr, M. le Président, les
péquistes trouvent le Canada malade, trouvent notre entente
constitutionnelle mauvaise, mais ils désirent quitter le Canada. Je les
regarde agir, nos opposants péquistes, et je vous dis, M. le
Président, qu'ils ne sont pas très convaincants. Au-delà
des discours, des allusions à des scénarios de films, des farces
plates du député de Lac-Saint-Jean, lui qui fut le petit
général en charge du beau risque, lui qui était un
«affir-mationniste» dans l'âme, lui dont les organisateurs,
au Lac-Saint-Jean, appuyaient les députés conservateurs.
M. le Président, je vous assure qu'ils ne sont pas très
convaincants. Ils prétendent que le Canada ne permettra pas de
sauvegarder la langue française, alors qu'ils la parlent moins bien que
certains de nos collègues ici, dont ce n'est même pas la langue
maternelle. Ils se présentent comme candidats aux élections sous
la bannière du NPD fédéral, comme le député
de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et le député de Bertrand,
et moins de quatre ans plus tard tentent de détruire ce pays. Ils ont
accepté des postes d'ambassadeurs, de ministres à Ottawa, des
présidences de sociétés d'État au
fédéral. Ils ont voté pour Meech, comme, par exemple, les
membres du Bloc québécois qui étaient conservateurs. Eux,
carriéristes, qui n'ont pu dire non à ces postes prestigieux,
à ces gros salaires, pour respecter leur idéal, nous disent
aujourd'hui de quitter ce pays. Alors qu'ils n'ont pu y croire assez pour faire
passer leur idéal avant leurs bénéfices personnels,
comment pourront-ils, le jour d'une hypothétique indépendance,
accepter de faire des sacrifices pour se donner le pays qu'ils désirent?
Pas besoin d'être devin pour comprendre que la situation
économique d'un Québec souverain ne sera pas meilleure que pour
un Québec dans le Canada. Ça risque d'être pire. Au mieux,
ce ne serait que différent, mais non meilleur.
M. le Président, c'était à la mode d'être
souverainiste, il y a 20 ans. Je me rappelle, au dernier
référendum, alors que je fréquentais l'université,
on était deux ou trois, dans le fond de la classe, qui portaient un
macaron pour le non et le reste de la classe était pour le oui.
C'était à la mode à ce moment-là; c'était
être dans le vent. C'est un concept qui a très mal
résisté au temps et qui devient de plus en plus
dépassé. Le libre-échange avec les Américains, le
libre-échange à trois avec le Mexique, l'Europe de 1992, la
mondialisation des marchés sont à l'antithèse du petit
nationalisme défensif qui nous a donné des décisions aussi
néfastes pour notre économie que la nationalisation de Que-becair
et de l'amiante par le Parti québécois. Le vrai nationalisme est
proactif. Les vrais nationalistes sont les Québécois dont les
entreprises exportent. Les vrais nationalistes sont les Québécois
qui, à qualité égale, achètent des produits
québécois. Les vrais nationalistes n'ont pas peur de se mesurer
aux autres provinces. Ils sont fiers de leur savoir-faire et n'ont pas besoin
de barrières politiques pour se prémunir contre le reste du
Canada.
M. le Président, l'histoire de tous les pays est empreinte de
moments difficiles, de périodes bouleversantes. Notre pays n'a jamais
été à l'abri de tout cela. Mais quand on se compare, on se
rend compte aisément que l'histoire nous a quand même
ménagés et que nos problèmes, bien que sérieux, ne
sont pas insurmontables. C'est pourquoi tant de citoyens de partout au monde,
tant de citoyens de tous les continents veulent immigrer chez nous. Une entente
politique comme celle que nous avons devant nous, même sans les textes
juridiques, n'est-elle pas préférable à une
éventuelle indépendance au sujet de laquelle le PQ n'a aucun
texte ni même aucune assurance que le reste du Canada voudra
négocier avec lui?
M. le Président, rappelez-vous le fameux budget de l'an 1 de M.
Parizeau. Rappelez-vous, M. le Président, comment il fut la risée
de tout le Canada, de tout le Québec, avec ce budget de l'an 1. Le Parti
québécois nous présente un Québec souverain comme
la Terre promise. Le PQ aspire au meilleur de deux mondes: le meilleur du
fédéral avec le meilleur que nous donnerait le Québec
devenant un pays. C'est une notion profondément théorique. Un
pays, ce n'est pas un repas que l'on choisit au gré d'un menu. Les
Québécois tiennent au passeport canadien? Qu'à cela ne
tienne, ils l'auront! Les Québécois sont attachés à
la monnaie canadienne? Nous la garderons! (18 h 10)
M. le Président, soyons sérieux. En disant oui au Canada,
j'affirme que j'ai confiance dans les moyens qu'a le Québec de se
développer comme société distincte à
l'intérieur du Canada. J'affirme aussi que j'ai confiance dans le
savoir-faire des Québécoises et des Québécois pour
compétitionner économiquement dans l'ensemble
canadien.
M. le Président, quand je dis oui au Canada, à l'entente
constitutionnelle avec le reste du Canada, je pense également aux gens
de mon comté, un des comtés les plus âgés au
Québec, un des comtés où il y a le plus de personnes
âgées, qui n'ont pas le goût de risquer ce qu'ils ont
trimé dur à acquérir. Lorsque je dis oui à
l'entente, oui au Canada, je donne le signal que j'ai confiance dans l'avenir,
confiance dans la spécificité de ma culture, de ma langue, de mes
origines. Et je dis également, M. le Président, que je ne veux
pas de Jacques Parizeau comme président de la république du
Québec, que je ne veux pas de Claude Morin comme ambassadeur à
Ottawa et que je ne veux pas de Louise Beaudoin comme ambassadrice à
Paris.
M. le Président, je dis également que je ne veux pas
suivre Jean Campeau, président de Souveraineté inc., qui dit que
le niveau de vie des Québécoises et des Québécois
ne baissera pas, dans l'éventualité d'un Québec
indépendant. Facile à dire, M. le Président. Facile
à dire, comme affirmation, quand on gagne 125 000 $ par année en
travaillant deux jours par semaine chez Domtar. Facile à dire, M. le
Président. Mais toutes les Québécoises et tous les
Québécois n'ont pas un tel coussin pour afficher pareille
assurance.
M. le Président, une fédération comme la
Fédération canadienne se doit d'évoluer, de s'adapter.
C'est un processus continu, jamais achevé, qui demande
détermination et ouverture d'esprit. C'est un défi exaltant,
aussi exaltant que le défi que s'est donné le Parti
québécois, mais combien plus réaliste. Ce pays qu'est le
Canada est aussi à nous, Québécois. Nous l'avons
fondé, nous l'avons fait prospérer. Il a besoin de nous comme
nous avons besoin de lui. Je vous remercie.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Taschereau. Nous poursuivons le débat sur la
question référendaire, et je cède la parole à M. le
député de Fabre. M. le député, la parole est
à vous.
M. Jean A. Joly
M. Joly: Merci, M. le Président. Ce matin, lorsque je me
dirigeais vers le parlement, sans raison apparente, ma première
pensée s'est dirigée envers la présidence. Je me suis dit:
La présidence, les gens qui sont en place, les gens de jugement,
qu'est-ce qu'ils ont à subir et à souffrir durant un tel
débat! Alors, j'avais quasiment un peu de sympathie pour vous, M. le
Président, de savoir que vous, le gardien de l'ordre, le gardien du bon
déroulement, aviez à écouter tout ce qui se disait, autant
du côté de l'Opposition que du côté
ministériel, et qui frôlait, dans bien des cas, un
quasi-délire paranoïaque. C'est ce qu'on avait eu l'habitude
d'avoir durant beaucoup de débats. Mais, moi, ce soir, M. le
Président, je vais essayer de vous éviter ça, sachant que
vous ne pouvez pas trancher la question, sachant que, malgré votre bon
jugement, votre rôle n'en est pas un d'arbitre, de censeur, où
souvent on se doit quand même de vous enlever pratiquement votre droit de
parole. Mais ça ne m'enlève pas encore la croyance que j'ai,
à savoir que déjà votre jugement est sur le
côté de ce qu'on peut appeler la grande logique et que, vous
aussi, j'imagine, vous joindrez votre voix à toutes celles qui croient
que le oui se doit d'être proclamé haut et fort. Nous sommes
conviés à un rendez-vous historique, une date qui restera
gravée longtemps dans l'histoire, soit celle du 26 octobre, et
nécessairement, un coup que l'histoire aura été
écrite, il faudra vivre avec les conséquences. Tous les yeux sont
rivés vers le Québec, M. le Président, puis je pense que
je ne vous apprends rien en vous faisant cet énoncé, cette
déclaration. Tous les pays du monde, qui envient déjà le
Canada, se tournent vers ce Québec et vers ce Canada en souhaitant que
les gens puissent être en mesure d'aller chercher assez d'informations
pour être capables de prendre une décision non
émotionnelle, éclairée, rationnelle.
Nous avons l'avantage, cette semaine, M. le Président, de vivre
ici, à Québec, une activité assez particulière qui
a été désignée sous le nom de Symposium sur la
Démocratie. Ça ne pouvait pas mieux tomber pour certains - ou pas
plus mal tomber pour certains autres - parce que, si on croit dans la
démocratie, on croit nécessairement dans ce que ça
confère comme droits, mais dans ce que ça confère aussi
comme obligations.
Je pense qu'à travers les ans le Parti libéral a su
prouver hors de tout doute que c'était un parti conséquent, un
parti, bien sûr, de grandes réalisations, un parti qui a su,
à travers les années, s'affirmer, et avec son chef, M. Robert
Bourassa, pour ne pas parler des autres, qui a su faire valoir ce que
c'étaient, les intérêts supérieurs du Québec.
Qu'on retourne quelques années en arrière, soit en 1987, et tout
le monde, d'une façon ou d'une autre, avait ce qu'on peut appeler la
mort dans l'âme quand Meech n'est pas passé. À ce
moment-là, les sondages nous indiquaient que 80 % de la population du
Québec était d'accord avec Meech. Aujourd'hui, c'est Meech plus.
Alors, j'imagine que cette même population qui était d'accord avec
Meech à 80 %, bien, devrait au moins donner aujourd'hui un minimum de 80
% dans les sondages.
Tout ceci pour vous dire, M. le Président, qu'actuellement la
population du Québec est mêlée. Elle est mêlée
parce qu'il y en a qui s'y prêtent et qui s'y prêtent bien, parce
qu'il y en a qui, à travers le temps, à travers les ans, sont
devenus de grands spécialistes, et le résultat qu'on vit
actuellement n'est pas étranger à ce que les gens d'en face se
sont donné comme
mission. M. le Président, il y a deux sortes de parlementaires:
il y a les informateurs et il y a les agitateurs. C'est exactement ce que je ne
voudrais pas avoir à vivre pour la balance de la campagne, soit les 46
ou 47 prochains jours.
M. le Président, très, très tôt, dans ma
jeunesse, j'ai eu à découvrir et à me confirmer que
j'étais Canadien. La plus belle expérience que j'ai vécue
et que j'aurais souhaité à tous les Canadiens, ça a
été de faire partie d'une façon quelconque d'un mouvement
des forces armées, que ça soit dans les cadets ou que ça
soit dans les forces actives. J'ai eu le bonheur, M. le Président,
d'être trois ans, trois ans pleins, dans les forces actives, dans
l'Aviation royale canadienne, et ça m'a permis, M. le Président,
de connaître ce que c'était, le Canada, et de connaître ce
que c'étaient, les Canadiens. C'est bien sûr que, pour ceux qui
ont des visées de faire le rapatriement total de tout ce qu'on peut
appeler pouvoirs ou leviers, sans regarder ce qui se passe de positif à
l'intérieur d'une telle union ou d'une telle
confédération, et par après, dire: On s'arrangera, puis je
suis certain que ça va bien aller, eh bien, compte tenu de cette
façon de penser, M. le Président, c'est ce que je disais il y a
déjà une semaine ou à peu près, c'est s'en aller
dans l'inconnu. Essayons d'enlever la partisanerie d'un tel débat,
essayons de faire en sorte que ce soit ni des libéraux, ni des
péquistes, ni des fédéralistes à outrance, ni des
séparatistes à outrance, mais des gens de bonne logique qui
disent: Au-dessus de tout ça, il y a nécessairement
l'intérêt du Québec et il y a l'intérêt du
Canada. (18 h 20)
Regardons le passé. Est-ce que, dans le passé, ce
Québec a si mal évolué? D'une petite bande de terre que
nous avions le long du Saint-Laurent, nous sommes rendus une des provinces les
plus étendues et avec une population enviable. Une province ne se
développe pas si ce n'est pas intéressant d'y être. La plus
belle preuve de ça, c'est que nous continuons à avoir notre
immigration à laquelle nous croyons pour nécessairement continuer
à se développer. Nous avons des atouts, nous avons des attributs
au Québec qui permettent d'avoir ce sens ou cette attirance qui fait en
sorte que les gens ayant des choix viennent aboutir au Québec. Nous
progressons dans un système évolutif, dans un système qui
fait en sorte que le pacte social qu'on est en train d'établir va
garantir une stabilité politique qui va nécessairement permettre
un développement économique parce que notre problème est
situé là.
On nous faisait mention que... À l'OCDE, on nous disait que le
développement de la main-d'oeuvre était excessivement important
et qu'on n'y avait pas vu. Bien, M. le Président, moi, je tiens, ici,
à vous parler d'un projet de loi sur lequel nous avons eu à
travailler, au mois de juin de cette année, qui a fait en sorte que
l'Opposition a quasiment déchiré sa chemise. C'est le projet de
loi 408, qui est le projet de loi sur la Société
québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Nous
avions en tête de nous doter des outils nécessaires pour faire en
sorte que lorsqu'on contrôlerait pleinement notre main-d'oeuvre, on
serait déjà équipés à y faire face. Avec
votre permission, je peux peut-être vous lire juste un peu l'objectif
où on disait que la Société aura pour mission de
promouvoir le développement de la main-d'oeuvre et de favoriser
l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur les
marchés du travail et de l'emploi. Je vous fais grâce de la
balance des objectifs qui sont endossés par ce projet de loi.
Mais j'aimerais juste ouvrir une parenthèse pour vous dire
comment les conseils d'administration, à travers toute la province,
seront formés. Vous allez voir ce à quoi je veux en venir, M. le
Président, en vous disant qu'il y aura six membres qui
représentent la main-d'oeuvre québécoise, dont cinq sont
choisis après consultation des associations de salariés les plus
représentatives. Les associations de salariés les plus
représentatives, on appelle ça des syndicats, lesquels syndicats
sont venus à la barrière pour dire: On va voter contre l'entente.
Un syndicat, ça a sa raison d'être, mais quand on n'a pas de cause
à défendre comme telle à l'intérieur d'un
syndicat... Parce qu'il ne faut quand même pas oublier que pour les chefs
syndicaux, pour eux autres, là, ça va bien quand ça va
mal. Alors, comme ils n'ont pas de cause à défendre, comme ils ne
peuvent pas justifier les 20 $ par semaine qu'ils vont chercher sur la paye des
employés un peu partout, ils s'attaquent à une cause qui fait en
sorte que ça va leur donner une forme de visibilité et ça
va justifier un peu leur raison d'être.
Dans le cas du parti de l'Opposition, c'est exactement le même
phénomène, exactement la même chose. Parce que vous
n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que, s'ils ne
réussissent pas à amener la population sur le chemin de la
souveraineté, c'est que, par après, leur raison d'être va
être encore questionnée. La raison d'être du chef, que
j'appelais, moi, ce matin, Sa Sainteté Jacques 1er, parce que, de la
manière qu'il s'exprimait, je ne vous le cache pas, il semblait
détenir la voie, la vérité et la vie... Parce que
c'était ça qu'on avait à vivre, ce matin, M. le
Président, et je veux vraiment me dédouaner de cette forme
d'approche ou de cette forme de performance, dire que nous sommes des
collègues et dire que nous représentons à la même
Assemblée les mêmes intérêts de la population du
Québec. Je suis drôlement content, M. le Président, d'avoir
un chef comme M. Bourassa qui a su garder toute sa
sérénité, toute sa lucidité, toute cette
fierté d'être un vrai Québécois, sa sagesse
d'être capable de savoir faire et de savoir dire, à des gens qui
avaient aussi les mêmes objectifs, à savoir, protéger le
Canada.
Je ne voudrais pas comparer notre chef, M. Bourassa, au chef de
l'Opposition, mais regardons ce qui a été accompli sous
l'égide de M. Bourassa à travers les années. Quand on
parle de crédibilité au niveau du Parti libéral, qu'on
prenne l'assurance-maladie, qu'on prenne l'hydroélectricité,
qu'on prenne la Caisse de dépôt, au niveau du Parti
libéral, qu'on prenne la Société générale de
financement, qu'on prenne le Régime de rentes du Québec, c'est
toujours dans la même continuité. Au gouvernement libéral,
prudence, sagesse, respect des individus, respect des vrais besoins.
Par opposition, qu'on prenne ce qui s'est passé en 1982, lorsque
la signature a été reniée. Qu'est-ce que c'est que
ça a fait, ça, au niveau, disons, de la déstabilité
au Québec? Ça a permis à peu près à tout le
monde de rouvrir toutes les conventions collectives. C'est ça que
ça a permis. Quand on parle de 1976 à 1985, un règne dont
plusieurs se souviennent mais aussi que plusieurs voudraient oublier:
déficit, en 1976, sur l'année, 300 000 000 $; déficit, en
1985, sur l'année, 3 700 800 000 $. Si on fait le total de tout
ça, M. le Président, c'est pratiquement 25 000 000 000 $ qui se
sont additionnés dans ces années-là, ce qui fait que,
actuellement, à tous les lundis matins, le président du Conseil
du trésor se doit de faire un chèque de 50 000 000 $, soit 6 000
000 000 $ par année, pour faire le paiement de l'intérêt de
la dette. Ça, c'est un peu la particularité, là, qui
colle, si vous voulez, au règne de 1976 à 1985.
Qu'on prenne la façon de penser du chef de l'Opposition quand on
a eu la crise, le problème d'Oka, où sa philosophie était
la ligne dure. À l'écouter parler, il se serait agi d'envoyer
deux bazookas, un camion de cercueils et quelqu'un qui savait compter. C'est
ça qui était sa philosophie, au chef de l'Opposition. Alors, je
ne peux pas imaginer pour une minute, M. le Président, qu'à
travers notre population les gens n'ont pas compris qu'actuellement les gens
d'en face sont en train d'essayer d'assurer leur survie. C'est une question
peut-être de vie ou de mort, mais pour qui? Il faut se poser la question.
Pas pour le Parti libéral, pas pour la population du Québec. Pour
certains individus a l'intérieur d'un certain parti qui ont une certaine
philosophie puis qui parlent de brisure, qui parlent de rupture, qui parlent de
séparation. C'est exactement ça. Leur objectif, c'est ça,
M. le Président. Ce n'est pas autre chose. C'est à peine
voilé.
Si on veut parler des offres, on pourrait s'étendre sur la clause
Canada, on pourrait s'étendre sur la société distincte.
Qu'on parle de langue, qu'on parle de culture ou qu'on parle du Code civil. On
pourrait s'étendre sur nécessairement la réforme du
Sénat, mais déjà plusieurs de mes collègues s'y
sont attardés et ont réussi, je pense, à démontrer
à la population tous les gains qui se sont faits, de là
l'expression «Meech plus, plus, plus». Ce n'est pas une vente,
comme un certain député d'Anjou le laissait supposer l'autre
jour. S'il faut souligner davantage certains des éléments qui ont
été conférés par l'entente, eh bien, je ne pense
pas qu'on puisse, dans notre façon de faire, nous blâmer de mettre
de l'avant les convictions qui sont déjà des écrits puis
qui sont déjà des engagements. Ce n'est pas s'en aller sur une
voie où c'est strictement de l'inconnu. Nous savons que sur cette
voie-là il y a les garanties que je viens de mentionner, dont la
garantie du 25 % au niveau, disons, de la Chambre des communes, les droits de
veto, les pouvoirs exclusifs dans six champs d'action, les pouvoirs
combinés ou partagés dans deux autres, les juges à la Cour
suprême. Alors, si ce n'est pas ça que d'avoir un Meech plus et
où c'était à 80 % accepté au moment où Meech
était sur la table et qu'il était sur le point d'être
endossé par tout le monde, c'était à 80 % que la
population disait oui à Meech. Et là, nécessairement, il y
a encore plus que Meech, et on a réussi à mettre assez de doute
dans la tête des gens pour les amener à se questionner. La preuve,
il y a 28 % à 30 % d'indécis. Ça, ça laisse
supposer que chez vous, vous ne faites pas votre job et que peut-être que
chez nous aussi, on ne la fait pas. (18 h 30)
Mais mettons de côté la démagogie, regardons en
toute objectivité le rôle d'un parlementaire et, à ce
moment-là, je suis drôlement convaincu que les gens reprendront
confiance dans leurs élus, les hommes, les femmes qui mettent un nombre
d'heures incalculables pour essayer, justement, de faire avancer des causes,
d'enlever des inéquités dans le système ou enlever des
injustices. Qu'on regarde la mondialisation, M. le Président, des
marchés, qu'on regarde ce à quoi on aura à faire face
tantôt. On se devra de se rallier à l'intérieur des
pouvoirs que nous avons rapatriés, dont celui dont je vous parlais
tantôt, qui est la compétence exclusive en formation de la
main-d'oeuvre. Que la population sache que nous sommes prêts à
assumer ces responsabilités qui ont été
négociées justement dans cette spécialité, dans ce
domaine, que nous avons les outils par le biais de la loi 408, que nous sommes
tous fin prêts à faire face à ce défi qui nous
amènera à réaliser le projet des grappes industrielles,
qui fera en sorte que nous ne serons pas simplement bons dans un produit fini,
mais dans toutes les composantes avant d'en arriver dans un produit fini, et
qu'à travers les 16 ou 17 champs de compétence qui ont
été identifiés nous serons capables d'être
autosuffisants pour faire en sorte que nous aurons des jobs, faire en sorte
que, quand on aura ce levier-là, on sera capables de les bâtir,
nos propres jobs, parce que nous aurons évalué les besoins.
Alors, compte tenu de tout ça, M. le Président, si la
logique, c'est comme de la confiture, comme disaient certains individus,
bien, il y en a qui l'étendent pas mal mince. J'espère
qu'on aura réussi à en convaincre quelques-uns. Il y en a un qui
ne serait peut-être pas trop difficile à convaincre, c'est le
député de Westmount qui a déjà
démontré qu'il avait - je m'excuse, juste une petite minute, M.
le Président - déjà, disons, une bonne base, et je ne sais
pas ce qui l'a amené là.
Dire non serait de s'infliger une défaite à
nous-mêmes; dire oui à l'entente, c'est dire oui au partenariat,
c'est développer des partenaires et non des adversaires, c'est
éliminer l'inconnu et c'est avoir la stabilité politique, et
soyez assuré, M. le Président, qu'il n'y a pas d'équivoque
dans ma tête à moi, que je voterai oui à l'entente et que
je suis fier d'être un Canadien.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Fabre. Alors, nous poursuivons le débat sur la
question référendaire proposée par M. le premier ministre,
et je reconnais Mme la députée de Terrebonne.
Mme Jocelyne Caron
Mme Caron: Merci, M. le Président. Avant de commencer mon
intervention, M. le Président, je reviendrai sur certains propos du
député de Taschereau, qui semblait considérer que, du
côté du Parti québécois, il y avait beaucoup de
carriéristes. Je pense que nous n'avons pas tout à fait la
même définition de carriériste. Quelqu'un peut garder ses
convictions et décider d'aller travailler dans un gouvernement
étranger, d'aller travailler dans un autre pays en conservant ses
convictions profondes. Pour moi, lorsqu'on parle de carriériste,
lorsqu'on parle d'opportuniste, c'est quelqu'un qui, malgré des
convictions profondes, décide un jour de passer de l'autre
côté de la barrière.
Le député de Taschereau ne nous trouvait pas convaincant;
j'utiliserai donc les paroles d'un de ses collègues, aujourd'hui
député libéral, qui, en 1981, nous disait, M. le
Président, lors d'une convention: «Notre option, la
souveraineté-association, n'a pas rallié la majorité lors
du référendum du 20 mai dernier. Est-ce à dire qu'il
faille abandonner notre combat pour la souveraineté? Est-ce à
dire que l'espoir de toute la jeune génération doit être
déçu? Nous répondons à notre tour «non
merci» à toutes ces questions - je rappelle que c'est un de leurs
collègues libéraux, M. le Président - car plus de 40 % des
électeurs ont endossé notre projet. Seulement 12 ans après
notre existence en tant que parti politique, la souveraineté du
Québec reste à mes yeux un objectif plus que valable qu'il nous
faudra réaliser ensemble, car sans elle, le Québec ne pourra
jamais s'épanouir pleinement. Par contre, c'est à nous tous,
militantes et militants, que revient la tâche ardue de reprendre notre
bâton du pèlerin pour aller convaincre nos citoyens, sans
relâche, et plus que jamais. C'est notre devoir - disait-il - si nous
croyons au Québec. C'est cela aussi que je me propose de faire avec vous
pour les années a venir. «Notre nouveau comté de Rousseau
doit être parcouru sans arrêt dans le but de parler aux gens de
notre option. C'est là le rôle du futur député
péquiste de Rousseau. Dix ans après mon adhésion à
la cause de la souveraineté, je suis toujours prêt à cette
mission». Et il terminait son discours, M. le Président, ce
nouveau député de Rousseau maintenant pour le parti
libéral: «Si nous ne nous battons pas de tout coeur et de toutes
nos forces aux prochaines élections, le Québec et les citoyens de
Rousseau reviendront 20 ans en arrière avec les libéraux et
Claude Ryan. Leur politique est claire: C'est au plus fort la poche. Est-ce
cela que nous voulons vraiment?» Et il concluait: «Ryan et les
libéraux, ça coûte trop cher». Robert Thérien,
député de Rousseau, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député de Verdun, je vous demanderais la même collaboration
que les députés ont accordée aux autres
députés qui ont parlé avant Mme la députée
de Terrebonne. Si vous ne m'accordez pas votre collaboration, j'agirai en
conséquence. Mme la députée de Terrebonne.
Mme Caron: Merci M. le Président. Donc, M. le
Président, avant de parler de carriériste, le
député de Taschereau devrait regarder juste derrière
lui.
M. le Président, avant de s'engager, avant de prendre une
décision, il est important de connaître ce que l'on nous propose,
de vérifier la valeur d'une proposition et d'exiger un contrat
écrit. Et ça, M. le Président, c'est important pour une
personne, c'est aussi important pour un peuple. Comme consommateurs, on nous
dit constamment qu'un consommateur doit se protéger contre
d'éventuelles mauvaises surprises en consignant par écrit toutes
les conditions de la transaction dans un contrat en bonne et due forme. Nous
n'avons pas, à l'heure actuelle, toutes les clauses par écrit de
cette transaction.
Mais il faut surtout, M. le Président, lorsqu'on examine une
proposition, se rappeler ce que l'on voulait, se rappeler quel était
notre but, ce que nous voulions collectivement. C'est la même chose que
lorsqu'on veut quelque chose personnellement. Qu'est-ce que les gens avaient
défini? On ne nous avait pas dit qu'on voulait Meech, on nous compare la
proposition actuelle constamment à Meech. Ce n'est pas ce qu'on nous
avait proposé, M. le Président. Il faudrait peut-être se
rappeler qu'il y a eu des commissions parlementaires. Et j'aimerais rappeler
qu'elles ont coûté cher aux contribuables québécois,
M. le Président. Il y en a eu plusieurs. Il y a eu la commission Spicer,
le comité parlementaire Beaudoin-Edwards, le comité parlementaire
Beaudoin-Dobbie, la tenue de six conférences sur
l'avenir constitutionnel suite à Beaudoin-Dobbie, des audiences
constitutionnelles relatives aux groupes autochtones, la diffusion publique des
diverses propositions fédérales 1991-1992, des dépenses
supplémentaires spéciales pour ces propositions et des contrats
à des experts pour conseils constitutionnels en 1991-1992; 99 300 000 $
qui ont été payés, et le quart payé par les
contribuables québécois alors que ces commissions voulaient
régler l'ensemble du dossier constitutionnel pour l'ensemble des
provinces canadiennes. Mais ce sont les Québécois qui ont
payé le quart de la facture, M. le Président.
Nous nous sommes ajouté, évidemment, ici, 4 600 000 $ pour
Bélanger-Campeau et deux commissions parlementaires, suite à la
loi 150, sur les offres et sur les questions afférentes à la
souveraineté et non à la souveraineté partagée, je
vous rappellerai, M. le Président. C'est le gouvernement que nous avons
en face de nous qui a choisi ces commissions, au coût de 6 000 000 $.
Rappelons que ces commissions n'ont toujours pas déposé de
rapports, M. le Président, et qu'on nous annonçait hier que la
commission sur les offres, malgré ce coût, ne déposera pas
de rapport. Donc, 10 600 000 $ qui se rajoutent. Et qu'est-ce qui se rajoute
aussi comme coûts, pour les contribuables québécois, avec
l'entente que nous avons devant nous, M. le Président, avec la
proposition de Sénat égal et de rajout de députés
aux Communes? Eh bien, nous aurons une facture de 6 100 000 $ de plus par an,
et ça, bien sûr, sans compter les rénovations qu'il faudra
faire à la Chambre des communes, parce qu'actuellement elle est trop
petite pour accueillir les 42 nouveaux députés. Donc, on aura
aussi le coût des travaux, M. le Président. (18 h 40)
Une voix:...
Le Vice-Président (m. bissonnet): s'il vous plaît,
m. le député de taschereau! quand vous vous êtes
adressé à l'assemblée, je pense que tous les gens vous ont
laissé parler. alors, je vous demanderais la même collaboration
pour mme la députée de terrebonne.
Mme la députée.
Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous savez, nous sommes
des payeurs de taxes avant tout, et il faut savoir ce qui nous arrive, parce
qu'avec ce gouvernement, tout au long de l'année, tout ce que nous avons
eu, ce sont des taxes. Alors, il faudrait peut-être voir combien
ça nous a coûté, cette proposition, et voir si elle
répond aux demandes. Alors, avec toutes ces dépenses, on va
regarder, M. le Président, ce que les gens sont venus demander. Ils ne
sont pas venus demander Meech. Dans Bélanger-Campeau, ils nous ont dit:
L'autonomie des provinces insiste sur l'exclusivité des
compétences législatives attribuées en 1867. Eh bien,
là, avec l'entente, en 1867, nous avions 11 compétences
législatives exclusives. Eh bien, avec cette nouvelle entente, M. le
Président, nous en avons 6, et le fédéral se garde le
droit, évidemment, d'intervenir, d'utiliser son pouvoir de
dépenser, mais en continuant avec des ententes, évidemment.
Toujours soucieux de préserver l'autonomie de l'Assemblée
nationale, le Québec a de tout temps dénoncé les
interventions et les empiétements du gouvernement fédéral
dans ses champs de compétence exclusive. Eh bien, on nous a
annoncé, dans l'entente, qu'on continuerait à le faire, mais
qu'on pourrait discuter longtemps avant, par exemple. Inévitablement,
des tensions et des conflits allaient naître au fur et à mesure
que s'accentuaient les tendances centralisatrices. Eh bien, passer de 11
à 6, pour moi, c'est augmenter les tendances centralisatrices, M. le
Président.
On nous disait aussi, dans les conclusions: La très grande
majorité des mémoires reçus - on n'oublie pas, M. le
Président, que ça nous a coûté tout près de
100 000 000 $, hein! - et des témoignages entendus par la commission
souligne le caractère inacceptable des arrangements constitutionnels
existants et insiste sur la nécessité de modifier en profondeur
le cadre juridique qui établit les compétences et les
responsabilités du Québec, son statut politique et ses liens avec
le gouvernement fédéral et les provinces. Est-ce qu'on appelle
ça réformer en profondeur ce qu'on a devant nous? On nous
garantit qu'on va avoir 25 % des députés à la Chambre des
communes; c'est ce qu'on a déjà. On nous annonce qu'on va avoir 6
sénateurs sur 62 alors qu'on en avait 24; c'est une réforme en
profondeur, là, dans ce cas-ci, mais à notre détriment, M.
le Président. Et il ne faut pas oublier que, si le gouvernement en place
au fédéral est un gouvernement minoritaire ou à
très faible majorité, il arrivera souvent qu'on fera
siéger et la Chambre des communes et le Sénat, ce nouveau
Parlement, et qu'à ce moment-là les Québécois
seront extrêmement pénalisés. Mais ils pourront continuer
à payer 25 % de la facture, par exemple, M. le Président;
ça, on nous la maintient, il n'y a pas de problème.
On avait aussi, toujours dans Bélanger-Campeau, dans les
conclusions, qui étaient partagées par ceux qui ont
siégé - M. le Président, vous vous rappellerez - par le
gouvernement libéral: Les attentes de la population sont
élevées. La population ne s'attendait pas à un Meech plus
ou à un Meech moins, elle avait des attentes élevées. Elle
veut voir le Québec récupérer des compétences dans
tous les secteurs, qu'ils soient du domaine économique, social ou
culturel. Il lui apparaît urgent de mettre fin à l'incertitude par
une démarche claire qui devra mettre fin à l'impasse et mener
à des résultats sans tarder.
Ce qu'on a devant nous, ce n'est pas une démarche claire, ce
qu'on a devant nous, c'est
un recul au niveau des pouvoirs, et ce qu'on a devant nous, ce sont des
discussions à n'en plus finir, donc pas des résultats qui vont
arriver sans tarder, M. le Président.
Est-ce que seulement Bélanger-Campeau réclamait ça?
Non, M. le Président. Les libéraux dissidents réclamaient
la même chose. Ce n'est pas des membres du Parti québécois,
M. le Président. Ils nous disaient dans leur texte tout récent,
de septembre 1992: «Le plus important pilier de notre programme
constitutionnel, le nouveau partage des pouvoirs devant mener à une plus
grande autonomie politique du Québec, demeure un élément
primordial et incontournable des attentes du Québec face à
l'entente du 28 août. L'autre objectif qui nous guide est celui
d'atteindre la plus grande efficacité possible dans la gestion et la
livraison des services gouvernementaux. Avec une économie ralentie par
les emprunts gouvernementaux et d'énormes pressions sur les finances
publiques à tous les niveaux du gouvernement, il nous semble
évident que le Canada ne peut plus se permettre le gaspillage
qu'entraînent les chevauchements et les dédoublements de
pouvoir.» Ce sont les dissidents du Parti libéral qui disent
ça, M. le Président. Est-ce qu'on enlève les
dédoublements? Est-ce qu'on coupe le gaspillage? Non, on vient de
s'ajouter, juste au niveau du Sénat et des députés, une
facture de 6 100 000 $ de plus par année, M. le Président, je
vous le rappelle.
La Chambre de commerce du Québec, c'était la même
chose qu'ils nous avaient dit: «Nous sommes convaincus que le
fédéralisme pratiqué au Canada est un échec
économique et qu'il faut couper dans les dédoublements.»
Tout le monde est venu le dire, M. le Président, et on se retrouve avec
une proposition qui ne tient aucunement compte de toutes ces dépenses
qu'on a faites. Nous avons dépensé plus de 100 000 000 $ pour
demander aux gens ce qu'ils voulaient, et l'entente qu'on nous propose ne
répond aucunement à ces besoins.
Qu'est-ce que les gens voulaient? Est-ce qu'ils voulaient des pouvoirs
pour des pouvoirs? Non, ils voulaient des pouvoirs pour régler les vrais
problèmes. 1 134 000 Canadiens sur le chômage, 27 août 1992.
Des millions de Canadiens viendront gonfler les rangs des prestataires de
l'assistance sociale si les gouvernements ne repensent pas leurs
priorités économiques et ne trouvent pas des nouveaux emplois, 13
août 1992. Une génération perdue. Les économistes
sonnent l'alarme devant le chômage chez les jeunes. Au Québec, 13
% de chômeurs. Recrudescence des faillites. Nouvelle chute de l'indice
des offres d'emploi. Chômage à 10 %, pas avant 1996. Année
de commerce de détail encore difficile. Et le dernier, 9 septembre, M.
le Président, l'OCDE - ce n'est quand même pas le Parti
québécois - qui représente 24 économies
industrialisées signale que la faible productivité du Canada
dépend, en partie, de l'échec du système scolaire à
former des travailleurs qualifiés et de la négligence des
compagnies à se maintenir à la fine pointe de la technologie.
M. le Président, les gens venaient demander des pouvoirs parce
que ça va mal et parce que ça nous coûte trop cher et parce
que les Québécois étaient tannés d'être
surtaxés, M. le Président. Et est-ce qu'on a donné des
solutions? Absolument pas. Est-ce qu'on a touché, dans cette
proposition, au développement régional qui a été
demandé par tous les groupes? Est-ce qu'on a répondu, comme le
disait ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière, porteuse du
dossier tantôt, aux demandes des femmes? Aucunement, M. le
Président. Rien pour la politique familiale. Rien comme pouvoir exclusif
pour la santé et les services sociaux. Pour l'éducation, on a
maintenu le pouvoir de dépenser. La voix des femmes n'a pas
été entendue. Peut-être, M. le Président, parce
qu'il n'y avait aucune femme présente lors des négociations.
Vous savez, M. le Président, je ne ferai pas de débat sur
la société distincte. Je ne suis pas une spécialiste, pas
plus que la plupart d'entre nous, au niveau constitutionnel. Mais ce que je
sais, c'est que huit constitutionnalistes sont venus nous dire que la
société distincte qui était dans la proposition
était inacceptable, c'était un recul. Cinq experts sont venus
dire le contraire. Alors, moi, il m'apparaft une chose bien sûre, c'est
que, par rapport à la société distincte, c'est obscur,
c'est confus et que ce sont les tribunaux qui vont décider, puisque
même les constitutionnalistes ne s'entendent pas. Donc, pour moi, ce
n'est pas acceptable. (18 h 50)
Vous savez, lors des nombreuses commissions, les gens sont venus dire,
dans une grande partie des cas: Ce que nous voulons, c'est notre propre maison.
Nous ne voulons plus être locataires dans l'immeuble
fédéral, parce que ça nous coûte trop cher et que
nos besoins sont différents. Et ceux qui demandaient le moins sont venus
dire: Nous voulons continuer à être locataires dans cet immeuble
fédéral, mais nous voulons de grandes transformations. Nous
voulons des rénovations importantes parce qu'on ne vit plus, dans cet
immeuble. Eh bien, tout ce qu'on nous offre, M. le Président, ce ne sont
pas des rénovations. Tout ce qu'on nous a dit: Nous allons
déplacer vos meubles. C'est tout.
Ça ne me surprend pas tellement, parce que je relisais un petit
texte du premier ministre, le 16 juin 1970. En page éditoriale du
Montréal-Matin, on apercevait le monument effrité de la
Constitution et le premier ministre actuel, M. Bourassa, qui disait: Bah! Rien
qu'un peu de peinture suffirait pour l'instant. Eh bien, c'est ce qu'on nous a
donné. On a déplacé les meubles, puis une petite couche de
peinture, même pas la couleur qu'on voulait, M. le Président.
C'est ça qu'on nous a donné.
M. le Président, je n'accepte pas cette
proposition inachevée, tout comme mes collègues du Parti
québécois, mais aussi tout comme les dissidents libéraux
et aussi tout comme les femmes et les hommes de toute allégeance
politique qui rejettent ce projet parce qu'ils ont compris que ça ne
nous convient pas. Je n'accepte pas, M. le Président, qu'on
réduise le Québec à une province comme les autres et qu'on
ne nous considère pas comme un peuple et une nation, qu'on nous
considère comme une province qui doit payer 25 % de la facture
canadienne mais qui ne doit recevoir que 18 % des services, M. le
Président. Je n'accepte pas ces offres incomplètes qui nous
proposent des négociations éternelles et qui n'apporteront
aucunement la paix constitutionnelle, puisqu'il n'y aura pas de solution
définitive.
M. le Président, lorsque j'étais enseignante, je ne me
contentais pas de brouillons. Je demandais que les textes soient
révisés, qu'il soient corrigés et qu'on me les
présente au propre. Je n'accepterai pas un brouillon pour l'avenir
collectif de notre peuple. M. le Président, parce que j'ai confiance en
notre avenir, parce que je crois que le peuple québécois vaut
beaucoup plus que ce qu'on nous propose, je dirai non.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la
députée de Terrebonne.
Nous poursuivons le débat sur la question
référendaire, et je reconnais M. le député de
LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.
M. Jean-Claude Gobé
M. Gobé: Merci, M. le Président. Comme je l'avais
dit cette semaine, lors d'une précédente intervention, je
reviendrai dans cette Chambre pour parler non seulement de l'entente, mais de
la question, et plus profondément de certains sujets. Et, s'il y a un
sujet qui me tient à coeur maintenant, c'est bien l'entente qui a
été conclue au niveau de l'immigration, car chacun sait qu'au
Québec, afin d'assurer la vitalité de notre population, nous
devons de plus en plus faire appel à une immigration.
Pourquoi? Tout le monde le sait, la natalité
québécoise est parmi les plus basses dans les pays occidentaux.
Si nous voulons continuer à avoir une vitalité, une population
jeune et éviter notre déclin démographique, nous devons
donc avoir recours à ce moyen. Et on sait que le Québec a
traditionnellement été une terre d'immigration, ainsi que le
Canada, d'ailleurs, depuis des siècles, car ce pays, notre pays, s'est
bâti avec des immigrants. Donc, l'entente qui a été
signée le 22 août par le premier ministre, M. Bourassa, est
certainement une entente extrêmement importante pour nous, car on va
mettre dans la Constitution l'entente de l'immigration qui a été
signée par la ministre, Mme McDougall, et la ministre Monique
Gagnon-Tremblay.
Dans cette entente, Québec fait des gains très importants,
M. le Président, et je pense qu'il faut le dire. Il est temps que la
population connaisse les avantages de cette entente en ce qui concerne
l'immigration. En effet, M. le Président, l'entente, l'accord
prévoit maintenant l'obligation du gouvernement du Canada de prendre
avis du Québec afin de déterminer les taux d'immigration globaux
du Canada et de faire en sorte que Québec puisse conserver une part
d'environ 33 % de tous ses immigrants. Et on sait l'importance que ça
doit avoir, lorsqu'on sait les populations, actuellement, qui veulent
immmi-grer.
Aussi, l'accord oblige le Canada à poursuivre une politique
d'immigration canadienne qui corresponde aussi à son poids
démographique et à celui du Québec. Par rapport aux
ententes précédentes, et l'entente avait été
signée par le Parti québécois, dans le temps, alors, on
voit là les gains qui ont été faits par notre
gouvernement. Dans le temps, l'entente qu'avait signée le Parti
québécois et qu'avait signée le gouvernement
fédéral, c'était une entente paritaire,
c'est-à-dire que, lorsqu'un immigrant voulait venir au Québec, le
gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec,
à l'étranger, faisaient la sélection ensemble. Avec
l'entente qui va être signée, qui a été
signée, qui va être dans la Constitution, dans la nouvelle entente
qu'on va passer au référendum, le Québec a maintenant
l'exclusivité totale dans la sélection des immigrants, non
seulement à l'étranger mais aussi ici au pays, les gens qui sont
ici au Québec et au Canada. Alors, je crois que c'est là un gain
extrêmement important, car nous allons enfin avoir - et malheureusement
le Parti québécois n'a pas pu l'obtenir dans le temps - un outil
qui va nous permettre de sélectionner les immigrants qui vont
correspondre à ce dont nous avons besoin au Québec et
correspondre à l'intégration que nous espérons et
souhaitons qu'ils vont faire de notre société
québécoise, tant au niveau linguistique que culturel. Je crois
que c'est là, M. le Président, un gain majeur pour le pays.
Le troisième champ couvert par l'accord est celui de l'accueil et
de l'intégration des immigrants. Dans le temps, on se rappelle,
lorsqu'on était immigrants, on arrivait au Québec, au Canada
quelque part, et c'étaient les services fédéraux qui
voyaient à l'intégration des immigrants. Alors, bien entendu,
ça pouvait de temps en temps être dirigé du
côté anglophone, du côté francophone. On ne savait
trop jamais. Maintenant, le Québec a la maîtrise d'oeuvre pour
ça, et chaque immigrant qui arrive au Québec est pris en charge
par les services de l'Immigration du Québec qui voient à
l'orienter vers des cours de français ou de l'intégration en
français prioritairement. Je crois que c'est là un autre gain
très important. Personne ne pourra dire que nous avons reculé
dans ce débat-là, dans ce dossier, car l'ancienne entente
Cullen-Coutu-re - Couture qui était le ministre péquiste de
l'Immigration - était bien en dessous de cela. Je crois qu'on
peut dire merci à M. le premier ministre du Québec d'avoir
protégé ainsi l'apport démographique, l'apport de
l'immigration du Québec par cette sélection, par cet accueil et
l'intégration des immigrants parce que c'est important pour l'avenir si
on veut conserver la culture française et la langue française au
Québec.
Non seulement ça, on n'a pas eu seulement l'accord. M. le
Président, nous sommes allés chercher de l'argent. Il n'y pas de
péquistes en avant qui sont là pour dire le contraire. Je ne les
vois pas, ils se sauvent lorsqu'on parle d'acquis. Ils n'aiment pas ça,
M. le Président, lorsqu'on dit que, dans cette entente, il y a des
choses profitables et intéressantes pour le Québec. Je vais le
dire, M. le Président. Je les ai, les chiffres. Juste pour
l'année financière 1991-1992, nous allons recevoir 75 000 000 $
du gouvernement fédéral pour nous occuper des services d'accueil;
en 1992-1993, 82 000 000 $; en 1993-1994, 85 000 000 $; et en 1994-1995, c'est
90 000 000 $ que le gouvernement fédéral nous fera parvenir pour
pouvoir intégrer nos immigrants, pour faire en sorte qu'ils deviennent
des citoyens québécois, des citoyens francophones, dans un Canada
intéressant pour eux aussi.
Moi-même, M. le Président, qui suis un immigrant, je dois
vous dire l'importance de l'accueil, car lorsqu'on arrive dans ce pays, la
première chose qui nous importe, c'est les gens qui nous accueillent. Si
on était accueilis par des fonctionnaires fédéraux, on
pouvait être tentés de penser qu'on pouvait être dans un
système ou dans l'autre. Mais lorsqu'on est accueillis par le
gouvernement provincial, par les gens du Québec, qui ont
l'exclusivité de l'intégration et de l'acceptation, je dois vous
dire que c'est là un message très clair qu'on va devenir des
Québécois, qu'on va devenir des francophones, tout en restant des
Canadiens.
Je vois le député de Westmount qui s'esclaffe, M. le
Président. Peut-être que vous pourriez le rappeler à
l'ordre, lui, qui a un collègue au PQ qui a interdit à notre
délégué à Londres de parler en anglais à des
Anglais. M. le Président, je crois que c'est une honte pour quelqu'un
qui représente soi-disant la communauté anglophone pour le Parti
québécois. Il est vrai que lorsqu'on trahit une fois, on peut
trahir deux fois.
M. le Président, nous avons deux chefs actuellement: le chef du
Parti québécois, Jacques Parizeau, et M. Robert Bourassa. Les
citoyens vont avoir à juger qui est le plus crédible des deux. Je
vais vous donner un petit exemple de crédibilité, et je pourrais
en citer beaucoup d'autres. Souvenez-nous, M. le Président, il y a
quelques années, lorsque le Parti québécois a pris le
pouvoir, le chef actuel du Parti québécois, ministre des Finances
de l'époque, avait décidé d'appuyer la nationalisation de
l'amiante. On se rappellera de ça, bien que le PQ, malgré
ça, depuis cinq ou six ans, appuyé par la CSN, dénigrait
l'amiante. Il fallait fermer ça, ça appartenait à des
Américains. Ce n'était pas bon, c'était
anti-écologique, c'était contre la santé. Mais lorsqu'ils
ont pris le pouvoir... (19 heures)
J'ai là, dans la main, un texte de La Tribune, un journal
de Sherbrooke, pas un journal d'Ottawa, pas un journal de Toronto, de
Sherbrooke, un éditorialiste, M. Roch Bilodeau. M. Bilodeau dit, et je
vais en faire citation pour tous les électeurs, pour tous les auditeurs,
les téléspectateurs qui ne reçoivent pas La Tribune
de Sherbrooke - je vois mon ami, M. Hamel, le député de
Sherbrooke, probablement qui est très heureux de ça parce que
c'est lui qui m'a communiqué cet editorial: «D'accord le PQ n'est
ni l'unique ni le premier responsable de cet échec. Probablement que les
lobbies américains se sont de toute façon chargés
d'alimenter la psychose anti-amiante. On reconnaît là qu'ils l'ont
alimentée eux aussi. N'empêche que les péquistes ont
investi des fonds publics dans une industrie qu'ils avaient contribué
à dénigrer et que cette nationalisation ne pouvait pas avoir pire
timing. - Je m'excuse pour le mot anglais - Le calcul fut, en effet,
très mauvais. D'ailleurs, on n'a trouvé aucun observateur
sérieux pour appuyer cette nationalisation tout simplement parce qu'il
était évident que le marché ne se redresserait pas avant
plusieurs années et au prix des plus grands efforts; donc, les
contribuables et citoyens du Québec y perdraient forcément.
Alors, ce ne pouvait être la raison économique qui motivait la
nationalisation et il ne reste que deux autres possibilités:
l'incompétence ou l'opportunisme politique.
En tant que ministre des Finances à l'époque, Jacques
Parizeau, l'actuel chef de l'Opposition, occupa un rôle de premier plan
dans cette décision. Or, tout le monde en convient, il n'est pas
forcément incompétent en matière économique, sauf
qu'on constate qu'il a mis ses connaissances au service d'une idéologie
plutôt que de l'intérêt général de la
population. La nationalisation de l'amiante devenait un symbole politique plus
utile au PQ qu'au Québec. Malheureusement pour M. Parizeau, le PQ, c'est
maintenant le symbole d'un échec et d'une très aventureuse
aventure.
M. le Président, c'est là le meilleur exemple de la
politique du PQ, de la démagogie actuelle. Le PQ ne veut pas travailler
contre les offres. Il veut faire la séparation du Québec et il
met avant les intérêts des Québécois les
intérêts du Parti québécois, l'intérêt
partisan pour prendre le pouvoir, non pas pour développer le
Québec, non pas pour faire que notre société soit une
société pluraliste, démocratique, moderne, dans laquelle
les jeunes, les personnes âgées et les familles puissent se
développer, avoir des emplois. Tout ce qu'ils veulent, M. le
Président, c'est dénigrer
l'accord, faire en sorte que les gens votent contre. Et, après,
ils diront: On ne s'entend pas; maintenant, il ne nous reste plus qu'à
nous séparer. Et, lorsque les gens seront séparés,
peut-être que cinq ou six ans après, on a des
éditorialistes qui écriront des textes comme cela et qui diront:
On voit encore que l'incompétence ou l'opportunisme politique a
été mis au service du PQ et non pas des meilleurs
intérêts de la population.
Aussi, M. le Président, je vais voter pour le oui. J'invite toute
la population à voter pour le oui parce que je pense que c'est le
meilleur accord. Il est temps que nous réglions ce problème, que
nous passions à autre chose, que nous ayons la paix sociale et la paix
constitutionnelle afin de commencer à réduire le chômage,
à régler les problèmes économiques et à
travailler pour l'avenir, pour nos enfants. Merci, M. le Président.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de LaFontaine. Nous poursuivons le débat sur la
question référendaire proposée par M. le premier ministre.
Je reconnais, et lui cède la parole, M. le président de la
commission de la culture et député de Louis-Hébert.
M. Réjean Doyon
M. Doyon: Merci, M. le Président. M. le Président,
le Québec est de nouveau à la croisée des chemins. Nous
sommes à regarder vers où nous voulons aller, vers quel avenir
nous nous destinons. Nous avons un guide qui est le chef du Parti
libéral et il y en a un autre, de l'autre côté, qui nous
indique une autre voie, qui nous amène dans une voie pleine de
précipices, de ravins, qu'il ne connaît même pas, une terra
incognita complètement, une terre inconnue totale. On voudrait qu'on le
suive, on voudrait qu'on embarque avec lui, on voudrait qu'on lui fasse
confiance. Et mon collègue de LaFontaine vient de donner un bel exemple
de la confiance qu'on peut avoir dans ce guide qui est aussi le chef du Parti
québécois, le chef de l'Opposition. Vous voyez où nous a
amenés l'amiante, par exemple. Vous voyez quelle sorte de succès
ça a été, la politique québécoise, avec le
chef actuel de l'Opposition, en ce qui concerne l'amiante. M. le
Président, là-dedans comme dans d'autres choses, le passé
est le garant de l'avenir. Il faut se méfier et, très souvent, il
faut payer pour apprendre. Dans le cas de l'amiante, nous avons payé le
gros prix, nous avons payé 500 000 000 $. C'est très cher. Mais,
pour connaître le chef de l'Opposition, c'est bon marché. C'est
bon marché parce que ça nous permettra d'éviter le
pire.
M. le Président, nous sommes avertis et nous n'aurions aucune
excuse de suivre ce guide qui ne sait pas où il va, qui ne sait pas non
plus où il veut aller. Il a décidé que
l'indépendance, la séparation du Québec était la
solution à tous les maux. Cette idée fixe donne lieu à
toutes sortes d'abus. Nous en avons eu un bel exemple cet après-midi en
Chambre. Nous avons vu un député péquiste de l'Opposition
se lever - M. le Président, vous en étiez le témoin - dans
cette Chambre, tout insulté, tout outragé, le trémolo dans
la voix, interroger un ministre du gouvernement, le ministre des Affaires
internationales, en lui disant: Imaginez-vous, le délégué
général du Québec à Londres a osé s'adresser
en anglais à des gens qui parlaient l'anglais en Angleterre! Quelle
horreur, M. le Président! Quelle horreur!
Je vois le député de Westmount. Je suis gêné
pour lui, M. le Président. Je suis gêné et
embarrassé pour lui. Le député de Westmount est un
gentleman. Il s'est embarqué dans un bourbier, dans un guêpier
épouvantable. Il se demande probablement: Qu'est-ce que je vais faire
dans cette galère? Qu'est-ce que je peux faire dans cette galère?
Mon cher ami, ramez maintenant.
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Doyon: Ramez maintenant. Vous y êtes. Vous y êtes,
ramez. M. le Président, quand on s'insulte qu'un diplomate
québécois s'adresse dans la langue des gens qui vivent à
cet endroit... Et le pire, le pire là-dedans - ça me vient
à l'idée, il ne faut pas que je le passe sous silence - le type
qui s'insulte de ça, le député péquiste, est un
ex-diplomate du gouvernement canadien comme moi-même d'ailleurs, du
gouvernement canadien qu'il a représenté, je pense, à
Boston ou à San Francisco, je ne sais trop où. C'est curieux, M.
le Président. J'ai été aussi un diplomate du gouvernement
canadien. J'ai représenté le Canada aux Nations unies, j'ai
représenté le Canada en Autriche et je n'ai pas honte de dire
que, quand je me suis adressé aux Autrichiens, dans des circonstances
officielles, je faisais un effort, malgré les difficultés que
j'avais, pour m'adresser à eux en allemand, pour une raison bien simple:
c'était du savoir-vivre pur et simple. C'était
élémentaire. Ça demandait un effort de ma part, mais
c'était une marque de considération à leur égard,
parce que je n'ai pas cette allergie intolérante à la langue
anglaise. C'est l'intolérance, M. le Président, patentée,
carabinée, à toute épreuve. On est allergique à
l'anglais. Imaginez-vous le crime épouvantable: l'anglais! Comme si
l'anglais n'était composé que de mots sales, comme si l'anglais
était une langue dont on doit avoir honte. L'anglais est une langue
parfaitement respectable comme l'est le français, comme l'est
l'allemand, comme l'est le chinois, comme l'est le russe. Les gens qui parlent
ces langues-là ont droit à notre respect.
Imaginez-vous que le délégué général
du Québec à Londres a tout simplement dit: Mesdames et messieurs,
je vous souhaite la bien-
venue et vous êtes pour nous «de la visite rare» et,
après ça, il a continué pour une vingtaine de lignes - le
discours du délégué a été
déposé ici, en Chambre - en anglais. Quel crime
épouvantable! Qu'on me pende ce délégué
général haut et court au plus tôt. Qu'on me le pende, M. le
Président, pour crime de lèse-majesté ou de
lèse-langue, je ne sais trop qu'est-ce qu'on devrait employer. C'est
épouvantable, M. le Président, d'avoir osé faire
ça! Et, M. le Président, si c'était là la
réaction d'un seul individu, je me dirais: Ce type-là fait bande
à part, il n'est pas représentatif. Quand il a posé sa
question, il a été applaudi. Il a été applaudi par
les membres de l'Opposition. Je ne suis pas sûr que le
député de Westmount l'ait applaudi; on me dit que oui.
Peut-être qu'il voudra bien me le dire tout à l'heure en
arrière du trône, Je suis prêt à le croire, mais
ça devait être drôlement embarrassant. Drôlement
embarrassant!
M. le Président, moi, je vois, à ces petites choses, un
signe d'intolérance qui me fait peur. Et c'est ça qui est
inquiétant dans la démarche péquiste, c'est de vouloir
nous embarquer sur le chemin de l'intolérance, de l'intégrisme,
la façon d'avoir des oeillères et de limiter son champ de vision,
de ne pas être capable de s'ouvrir à l'horizon qu'il y a devant
nous sous prétexte que ceux qui n'ont pas les yeux de la même
couleur, qui n'ont pas les cheveux de la même couleur et surtout qui ont
le malheur de ne pas parler la même langue ne sont pas des vrais
Québécois. J'ai entendu ça 10 fois dans cette
Assemblée, M. le Président, depuis les 2 dernières
journées. Oui, les vrais Québécois. On dit: Nous, nous
n'avons pas de schizophrénie, nous n'avons pas de dédoublement de
la personnalité, nous ne pouvons être en même temps un
Canadien et un Québécois, comme si c'était l'affaire la
plus épouvantable qu'il pouvait arriver à quelqu'un, comme si
c'était défendu d'aimer son père et sa mère en
même temps. M. le Président, c'est parfaitement possible. La
plupart de nous en sont fiers et un n'exclut pas l'autre, il y a de la place
dans un coeur qui aime pour tout le monde, M. le Président. (19 h
10)
Cette façon intolérante de présenter la
réalité peut nous amener dans toutes sortes d'abus. M. le
Président, s'il y a une arme dangereuse sur la terre, c'est le
nationalisme mal compris, mal vécu, le nationalisme mal compris et mal
vécu, M. le Président. Et, pour paraphraser une phrase
célèbre: Ô nationalisme, que de crimes on commet en ton
nom! Que de crimes on commet en ton nom! Sous le manteau du nationalisme, M. le
Président, on peut se draper et se réfugier, cacher notre
intolérance, cacher notre incapacité de comprendre et d'accepter
les autres. Et on dit: Ça c'est du nationalisme. Einstein disait:
«Le nationalisme, c'est la petite vérole des peuples», une
maladie infantile. Il faut y faire attention, M. le Président. Quand je
parle du nationalisme, je ne parle pas du patriotisme qui est tout autre chose.
L'amour de la patrie, c'est une chose. Le nationalisme peut nous amener au
facisme, peut nous amener au culte de la personnalité, peut nous amener
au totalitarisme, ce qu'il fait très souvent.
M. le Président, ce que nous vivons ici est un moment capital
dans la vie du Québec et du Canada. Nous ne pouvons pas nous permettre
de faire une erreur. L'erreur serait terrible et accablante et nous en
payerions le prix pour le restant de nos jours, de même que nos enfants
et nos petits-enfants. Bien sûr, M. le Président, on
présentera l'option péquiste sous un couvert où on
essaiera de ne pas la reconnaître. M. le Président, le non que
propose le Parti québécois, le non du Parti
québécois est tout simplement un oui à la
séparation, un oui à l'indépendance quoi qu'on dise, quoi
qu'on dise.
Je ne peux pas croire ce parti quand ils nous disent qu'ils sont
capables de faire abstraction de leur préoccupation fondamentale, de ce
pour quoi ils existent et de ce pour quoi ils font de la politique. M. le
Président, s'ils nous reprochent actuellement de ne pas faire le
référendum sur la souveraineté, pourquoi n'en-tends-je pas
le chef de l'Opposition de même que ses acolytes dire aux gens
clairement: Nous, nous allons transformer ce référendum en un
référendum sur l'indépendance du Québec et le non
que vous nous donnerez sera un oui à l'indépendance? Je vous mets
au défi de faire ça. Mais, au contraire, je dis, moi, que ce que
vous allez aller chercher, c'est une réponse que vous ne voulez pas
avoir parce qu'elle vous fait peur, cette réponse. Vous savez que cette
réponse va vous annihiler. Cette réponse va vous annihiler parce
qu'elle va vous dire très clairement que les Québécois et
les Québécoises ne veulent pas de la séparation, ne
veulent pas de l'indépendance.
M. le Président, ce qu'on entend me renverse, c'est
extraordinaire. On fait grand état des millions que vont coûter
quelques députés de plus, des quelques millions que vont
coûter quelques députés de plus à Ottawa, à
la Chambre des communes. On nous fait accroire cependant qu'on aura des
ambassades partout et que ça sera gratuit. Hein? Ça, ça
sera gratuit, bien sûr. De la même façon que le
député de Lévis nous disait qu'il ne voulait pas avoir
l'école navale dans le Vieux-Port, mais il voulait bien construire des
frégates, par exemple, dans son comté. Ça se conduit
comment, des frégates, vous pensez? Hein? Il faut apprendre ces
choses-là. L'incohérence, M. le Président, est terrible.
Le député de Lévis et d'autres faisaient des gorges
chaudes des difficultés que connaissent actuellement Air Canada et
Canadien. On disait: On fusionne, on détruit des emplois, etc. Qu'est-ce
qui se passe en Europe? Lufthansa s'allie avec Sabena, je crois, ou avec
Alitalia, Air France avec Sabena. Aux États-Unis, les compagnies
fusionnent de tous bords et de tous côtés. C'est
un phénomène mondial. C'est un phénomène
mondial et on essaie de trouver dans ces épiphé-nomènes
qui existent ici aussi un argument en faveur de l'indépendance. Bien, il
faut aller le chercher loin, ce genre d'argument!
Et, moi, je suis convaincu qu'au Québec ça ne peut pas
prendre. Ça ne peut pas prendre parce que les Québécois et
les Québécoises, fondamentalement, sont des gens
généreux, sont des gens qui sont tolérants et capables de
vivre ce genre de cohabitation avec leurs partenaires canadiens. Parce que,
quoi qu'on en dise, le Canada est un grand pays dont nous avons toutes les
raisons d'être fiers. C'est un pays qui nous a pris en son sein et dont
nous avons fait partie. Et moi, ce n'est pas vrai, pas plus que j'ai fait avec
mes parents, que mes enfants feront avec moi, que je renoncerai à
l'héritage qu'il me laisse parce que ce Canada, il m'appartient autant
qu'à tout le monde, parce que mes ancêtres sont partis, sont
allés à la Baie d'Hud-son, sont allés découvrir,
avec La Vérendrye, les Rocheuses, se sont rendus jusqu'à
l'océan Pacifique. Et ce Canada, c'est mon héritage et je ne suis
pas prêt à y renoncer. Je ne suis prêt à y renoncer,
à cet héritage. Parce que ce que vous voulez faire, dans votre
option, c'est de nous faire abandonner l'héritage qui est le
nôtre, c'est nous faire abandonner cet héritage qui nous
appartient de plein droit. Et un héritage, c'est trop précieux
pour qu'on le laisse aller, pour qu'on cède au chant des sirènes,
qu'elles soient des sirènes indépendantistes ou autres. M. le
Président, le chant des sirènes est un chant qui peut être
attirant parfois, mais n'oublions pas que les sirènes se tiennent sur
des récifs et des écueils et que c'est très mauvais pour
un bateau, les récifs et les écueils, il ne faut pas s'approcher
de ça.
M. le Président, je m'adresse plus particulièrement
à la population du comté de Louis-Hébert que j'ai
l'honneur de représenter depuis plus de 10 ans maintenant, dans cette
Assemblée. Je leur dis, comme je voudrais leur dire personnellement:
Essayons de comprendre les enjeux, essayons de les évaluer à leur
juste valeur, regardons les choses calmement, regardons ce qu'est le Canada. Je
dis aux personnes âgées: Votre sécurité sera-t-elle
accrue par une indépendance éventuelle du Québec? Je vous
dis: Posez-vous cette question. Demandez-vous si cette sécurité
pour laquelle vous avez travaillé toute votre vie, si cette
sécurité serait maintenant accrue advenant l'accession du
Québec à l'indépendance.
Je dis aussi aux jeunes: Est-ce que vous êtes prêts à
vous boucher des horizons, à vous enlever des chances de réussir,
à limiter les défis qui sont le propre de la jeunesse? Est-ce que
vous voulez qu'on bouche ces horizons par des frontières? Est-ce que
vous voulez avoir besoin d'un passeport pour aller à Toronto? Est-ce que
vous voulez qu'on vous traite en étran- gers quand vous traversez
l'autre côté de la rivière? Je vous dis que l'avenir est
trop long. Quand on a 20 ans, on est au monde pour encore tellement longtemps
qu'on a besoin de grands espaces. Je vous dis, aux jeunes, qu'un pays,
finalement...
Qu'est-ce qu'un pays? Un pays, on peut le définir de toutes
sortes de façons. Un pays, ça a des racines historiques,
ça a une réalité géographique. Mais, au-delà
de tout ça, je vous demande de réaliser qu'un pays, avant toute
chose, c'est un espace de solidarité, c'est-à-dire de gens qui
sont prêts à s'entraider et à se rendre service et qui ne
veulent pas se détester et se jalouser. C'est ça, un pays. Nous
n'avons pas un pays qui est parfait. Nous avons un pays, comme bien d'autres,
qui connaît ses difficultés. Mais je pense que ce n'est pas en
faisant machine arrière, en se drapant dans le manteau de
l'intolérance, qui est souvent le même que celui du nationalisme,
que nous arriverons à atteindre des objectifs que nous tous, nous
voulons aussi, c'est-à-dire un Québec plus prospère, un
Québec plus stable, un Québec capable de faire face aux
défis, un Québec capable de faire concurrence à
l'intérieur du Canada, parce que c'est ça, notre avenir, parce
que notre passé nous indique que notre avenir est là. Et
méfions-nous de ceux qui essaient de nous faire accroire le contraire,
ils ne veulent pas notre bien. Ils veulent faire gagner et faire vaincre une
idéologie au détriment de nous tous. Soyons prudents et tous
ensemble assurons-nous que le 26 octobre ce sera oui en grande
majorité.
Des voix: Bravo! Bravo!
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député de Louis-Hébert, de votre intervention. Nous
poursuivons le débat sur la question référendaire, et je
cède la parole à M. le député d'Arthabaska.
M. Jacques Baril
M. Baril: M. le Président, une maudite chance...
Excusez!
Des voix: Ha, ha, ha!
M. Baril: Je retire mes paroles, M. le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va.
M. Baril: Une chance que le ridicule ne tue pas parce que toutes
les personnes qui sont ici en cette Chambre seraient mortes, morts et mortes.
(19 h 20)
M. le Président, le député de Louis-Hébert
vient de démontrer, à peu près, la réaction d'un
petit coq bandy qui se promène dans une basse-
cour, qui picosse sur tout ce qui passe au bord, qui picosse dans la
vitre en même temps, il picosse partout. La même chose, exactement,
un vrai petit coq bandy qui se pense beau, qui se pense fin, qui se pense
viril, plus que l'ensemble des autres coqs, et il fait accroire à tout
le monde que c'est lui le meilleur, et c'est lui le plus fin. Il nous a
parlé du nationalisme. Le nationalisme péquiste, le nationalisme
québécois, c'est du nationalisme dangereux, c'est de la petite
vérole - pour prendre ses expressions. Il s'en va. J'aimerais qu'il
m'écoute. Je l'ai écouté, j'aimerais qu'il
m'écoute... M. le Président, le député de
Louis-Hébert il dit qu'il s'en va voir ses clubs de l'âge d'or.
J'aurais aimé qu'il m'écoute, parce que justement ça
l'aurait empêcher de mentir au gens l'âge d'or. C'est ça, M.
le Président.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le
député, si vous voulez retirer vos derniers propos. M. le
député d'Arthabaska, vous les retirez? Très bien.
M. Baril: Je vous demanderais de demander au député
des biscuits Leclerc... Je n'ai pas parlé quand il a parlé.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, très
brièvement.
M. Pagé: Très brièvement. Je crois que
l'ensemble de nos règles s'appuie sur un concept de décorum, de
respect mutuel. Je comprends que la semaine aura été longue pour
nos amis d'en face. Je me rappelle très bien que le député
d'Arthabaska, généralement, témoigne davantage de
gentilhommerie, de respect de ses collègues, et je l'inviterai à
reprendre la sagesse qui l'a toujours identifié, soit celle de
l'agriculteur qu'il est, pour nous entretenir sur ses visions d'avenir à
l'égard de la question qui est soulevée.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et je voudrais ajouter
aux membres de la formation ministérielle également de porter
attention à ceux qui font des discours, d'arrêter d'intervenir
quand ils parlent. M. le député.
M. Baril: M. le Président. Le nationalisme
québécois, selon le député de Louis-Hébert,
c'est du fascisme, du «totalisme», de la petite vérole, etc.
Je pourrais poser une question. Pourquoi c'est plus dangereux que le
nationalisme canadien, le nationalisme québécois? Il n'y a pas un
peuple, M. le Président, au Canada qui respecte ses minorités
comme les Québécois et les Québécoises le font. Et
si nous n'avions pas été un peuple tolérant, si nous
n'avions pas été un peuple tolérant, surtout depuis les
dernières années, avec ce que les autochtones nous font subir, M.
le Président, à cause de la mollesse de ce gouvernement qui ne
veut pas mettre ses culottes, il y aurait eu des drames au Québec. Je
félicite les Québécois et les Québécoises
d'avoir eu cette tolérance. Quand on vient nous dire que nous ne sommes
pas tolérants, M. le Président, j'ai mon voyage.
Deuxième chose, on ridiculisait la question de mon
collègue cet après-midi parce que le délégué
du Québec à Londres s'est adressé en anglais. Le Parti
québécois a été le premier gouvernement au
Québec à obliger l'enseignement de l'anglais au niveau primaire.
Qu'est-ce que vous avez contre ça, messieurs, mesdames d'en face?
Qu'est-ce que vous avez contre ça? On a été le premier
gouvernement... Pensez-vous qu'on est contre les anglophones? Pensez-vous qu'on
est contre le respect de la langue anglaise, la langue seconde? Jamais de la
vie. C'est comme si on voulait nous ridiculiser...
Une voix:...
M. Baril: Le ministre de l'Éducation regardera dans ses
papiers et c'est le Parti québécois qui a obligé
l'enseignement de l'anglais au niveau primaire, M. le ministre de
l'Éducation.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît!
M. le député, vous vous adressez à la présidence.
M. le leader du gouvernement, vous aurez l'occasion d'intervenir à cette
Assemblée. Ce n'est pas le temps actuellement, et vous le savez
très bien, vous qui connaissez très bien le règlement. M.
le député, si vous voulez poursuivre.
M. Baril: M. le Président, ça a été
le Parti québécois qui a été le premier à
réussir à négocier une entente avec le gouvernement
fédéral sur l'immigration. Si on n'avait pas été
ouvert aux nouvelles ethnies, on n'aurait pas travaillé pour signer
cette entente-là. C'est l'entente Cullen-Couture qui a dû
être signée dans les années 1977, 1978, je peux me tromper
d'une année. En 1977, voyez-vous? Pourquoi essaye-t-on de
démontrer que le Parti québécois, les méchants
séparatistes en face, on est du monde effrayant, on est du monde
épouvantable? Pourquoi essaye-t-on de démontrer... C'est
là que j'aurais aimé que le député de
Louis-Hébert reste ici. Il dit: Je m'en vais voir mes clubs d'âge
d'or. «C'est-u» le Parti québécois qui a dit au
dernier référendum, aux personnes âgées, ces pauvres
personnes: Profitez de manger les oranges et les bananes qui vous restent parce
que, si le oui passe en 1980, vous n'en mangerez plus de bananes, parce que le
Québec va être séparé et ça... Qui a dit
ça, M. le Président? Ce n'est pas de ce côté...
C'est le chef du non, dans le temps, M. Claude Ryan, qui a eu ces
expressions-là. Pourquoi? Ce n'est pas nous qui avons...
Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous
plaît! S'il vous plaît! Vous vous adressez toujours à
la présidence, et je demanderais... S'il vous plaît! M. le leader
du gouvernement, vous n'avez pas la parole et vous le savez très bien.
M. le député, si vous voulez poursuivre.
M. Baril: Ça a été dit à des
personnes âgées, M. le Président. Qui, M. le
Président... Quand on parle au député de
Louis-Hébert, il dit: Faites bien attention et il s'adressait, avec les
trémolos dans la voix, aux personnes retraitées, aux personnes
âgées, comment pensez-vous... Qui vous assure que vous allez
garder votre niveau de vie, votre sécurité dans un Québec
indépendant? Ce n'est pas là qu'est la question, là; la
question n'est pas là. Je vais retourner la question: Qui est le premier
gouvernement qui a enlevé justement cette sécurité aux
personnes âgées? Qui a commencé à exiger le
remboursement des pensions de vieillesse, pour se comprendre, pour les
personnes qui gagnent un gros revenu? Après ça, on parle - un
instant! - après ça, on parle d'«uniformalité»
des soins, des services, etc. C'est le gouvernement fédéral qui
est le premier à s'attaquer aux pensions de vieillesse des vieux en leur
coupant - après qu'ils gagnent un certain revenu, ils sont
obligés de retourner leur pension de vieillesse. Ce n'est pas le PQ qui
a fait ça, ce n'est pas un Québec souverain qui a fait ça,
c'est le gouvernement fédéral, le système actuel qui
s'attaque directement aux personnes âgées. Est-ce que le
député de Louis-Hébert, M. le Président, va avoir
l'honnêteté de leur dire ça, tout à l'heure, aux
personnes âgées qu'il va aller voir? Est-ce qu'il va avoir
l'honnêteté de leur dire ça? Ça, je m'en
étonne. Je serais très étonné s'il le faisait.
Pourquoi, M. le Président, vient-on nous faire accroire... Et
ça les choque en face, ça les choque que l'on ne parle pas de
souveraineté du Québec. Pourquoi avez-vous amendé la loi
150? Nous étions prêts, le peuple québécois
était prêt à en parler de la loi 150, il était
prêt à parler de la souveraineté du Québec. Il y a
eu une commission parlementaire, la commission Bélan-ger-Campeau, qui a
été tenue là-dessus. Votre premier ministre, je l'ai dit
la dernière fois, a tombé assis sur le bacul, parce que M.
Mulroney, comme une team de chevaux, il était plus fort que lui l'autre
bord, il a vu la vision du Canada et, en tirant plus fort, l'autre, l'autre
bord, s'est écrasé sur le bacul et il a laissé tomber le
Québec. C'est ça, l'histoire actuellement. Et là, quand on
lit l'entente...
J'écoutais le ministre de la Santé, après-midi -
j'étais dans mon bureau - dire que tous les constitutionnalistes...
Là, il montrait leur curriculum vitae, ceux qui ont une tendance
souverainiste: Ce n'est pas bon ça, ils ne sont pas bons eux autres,
c'est faux. Pourquoi les constitutionnalistes - ce n'est pas à moi de
juger la valeur de chacun - pourquoi les constitutionnalistes à tendance
fédéraliste seraient meilleurs que les autres? C'est quoi la
différence? S'il y a des constitutionnalistes, M. le Président,
qui s'obstinent sur les textes - et je ne suis pas un professionnel, je ne suis
pas un connaisseur -s'ils s'obstinent sur les textes, c'est parce que les
textes ne sont pas clairs et c'est pour ça qu'on va laisser aux
tribunaux juger de ça, à l'avenir. Qui sont les citoyens et les
citoyennes qui aiment ça aller devant les tribunaux pour défendre
leurs droits? Tu vas là la dernière limite. Mais là,
puisqu'ils ne peuvent pas s'entendre, les gouvernements vont dire: Les
tribunaux s'arrangeront avec ça. Mais là ils font accroire au
monde qu'ils vont s'entendre, M. le Président.
Ça n'a pas de bon sens et c'est pour ces raisons-ià et
bien d'autres, M. le Président, que les Québécois et les
Québécoises, le 26 octobre... Je les invite à ne pas se
laisser organiser, comme ils se sont fait organiser par ces mêmes
personnes, lors du référendum de 1980, ceux qui étaient
dans le non, c'étaient Mulroney, Bouras-sa, Chrétien, Ouellet,
Ryan, c'est tout ce même monde là qui disait au monde, à
l'époque: Votez pour le non, puisqu'on va faire votre place dans ce beau
et grand Canada; on vous aime, vous êtes beaux, vous êtes fins.
Aujourd'hui, ils disent aux gens: ils nous ont fait notre place, mais quelle
place? Complètement en arrière, au bout de la file. C'est comme
ça que les Québécois vont se retrouver après le 26
octobre avec un vote pour le oui. Je les invite à
réfléchir et à voter non d'abord et à s'informer
comme il faut sur la teneur des textes si, un jour, on peut les avoir.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le
député d'Arthabaska. M. le leader du gouvernement.
M. Pagé: M. le Président, après une
intervention de ce niveau, je vous invite à ajourner nos travaux
à mardi, 14 heures.
Le Vice-Président (M. Bissonnet): Conformément
à l'ordre de la Chambre, une motion d'ajournement des travaux, est-ce
que cette motion est adoptée? Adopté. Alors, les travaux de cette
Assemblée sont ajournés au mardi 15 septembre, à 14
heures.
(Fin de la séance à 19 h 30)