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Version finale

34e législature, 2e session
(19 mars 1992 au 10 mars 1994)

Le vendredi 11 septembre 1992 - Séance extraordinaire

Les versions HTML et PDF du texte du Journal des débats ont été produites à l'aide d'un logiciel de reconnaissance de caractères. La version HTML ne contient pas de table des matières. La version officielle demeure l'édition imprimée.

Journal des débats

(Neuf heures quarante minutes)

Affaires du jour Affaires prioritaires

Reprise du débat sur la proposition du premier

ministre visant l'adoption d'une question

devant faire l'objet d'une consultation

populaire portant sur un nouveau

partenariat de nature constitutionnelle

et sur la motion d'amendement

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Bonne journée, M mes et MM. les députés. Si vous voulez prendre place. Alors, l'Assemblée reprend les débats sur la motion de M. le premier ministre visant l'adoption d'une question devant faire l'objet d'une consultation populaire portant sur un nouveau partenariat de nature constitutionnelle et sur la motion d'amendement de M. le député de D'Arcy-McGee.

Je vous informe qu'il y a 15 heures et 19 minutes d'écoulées au débat, il reste 11 heures et 51 minutes au groupe parlementaire formant le gouvernement, 7 heures à l'Opposition officielle et 50 minutes aux indépendants. Sur ce, je reconnais M. le député de Dubuc. M. le député de Dubuc, vous avez la parole.

M. Gérard R. Morin

M. Morin: Alors, merci, M. le Président. La question qui est devant cette Chambre et qui sera soumise à la population, le 26 octobre prochain, a le seul mérite, et je dis bien le seul mérite, de permettre aux Québécois et aux Québécoises de poser enfin un geste concret sur le plan constitutionnel. Enfin, la balle est entre les mains du citoyen, et c'est là un moment attendu depuis fort longtemps. En effet, ça fait plus de deux ans que le citoyen, impatient, entend parler de Constitution, et cela, à satiété. Il a vu passer devant lui une multitude de commissions, autant à Québec qu'à Ottawa, à l'allure sérieuse au départ, mais devenues loufoques devant cette utopique recheche de consensus canadien et devenues ridicules a fortiori devant le résultat obtenu. Il ne faut donc pas se surprendre ni se scandaliser de cette lassitude qui s'est installée au sein de la population québécoise au cours de la dernière année.

Pour ce qui est de la formulation de la question, tout le monde convient ou presque qu'elle manque d'objectivité, qu'elle est biaisée, voire même tendancieuse. Mais il n'y a pas de surprise. Il fallait s'y attendre. Pourquoi se surprendre d'une question ainsi posée, après avoir observé les agissements incohérents et contradictoires des deux paliers de gouvernement et de leurs commissions au cours des derniers mois? D'ailleurs, est-il nécessaire de rappeler que la Constitution canadienne est une des rares constitutions parmi les pays démocratiques à n'avoir jamais été entérinée par les citoyens? Alors, pas surprenant d'avoir tant de difficultés à l'amender.

Ceci dit, M. le Président, même si le présent débat porte sur la question référendaire, il m'apparaît plus utile de faire porter la réflexion sur la réponse qu'il faudra donner le 26 octobre prochain. Évidemment, le contenu du projet d'entente, même sans texte juridique, constituera la pièce maîtresse du débat référendaire. Toutefois, considérant que certains de mes collègues ont abordé cet aspect abondamment, particulièrement le président du Parti québécois et chef de l'Opposition officielle, ainsi que le porte-parole en matière constitutionnelle, le député de Lac-Saint-Jean, et considérant aussi la forte possibilité que, devant des points de vue aussi divergents, la population québécoise ne puisse, pour une bonne part, réussir à se faire une idée précise, je tenterai donc pendant les prochaines minutes d'analyser une autre dimension, soit celle de l'esprit qui a animé le paysage politique du Canada et qui a inspiré la pseudo-entente qui est devant nous.

Je vous proposerai donc, M. le Président, un petit test objectif sur les faits marquants des dernières années. Cela devrait permettre aux citoyens de porter un jugement sur la crédibilité du gouvernement et, par le fait même, d'être en mesure de prendre option en faveur ou contre l'entente intervenue. Allons-y de ce questionnaire objectif sur la crédibilité.

Alors, M. le Président, on commence par le volet de la négociation à 11 ou à 17. Mes questions seront objectives et seront précédées par un petit préambule descriptif. On commence par la question no 1. Le lendemain de l'échec de Meech, le premier ministre a fait la promesse solennelle que plus jamais il ne négocierait à 11, sous prétexte que cette formule ne servirait qu'à desservir les intérêts du Québec. Au mois d'août dernier, le premier ministre acceptait la formule de négociation, cette fois, à 17. Ma question, M. le Président: En considération de cet état de fait, avez-vous l'impression que le premier ministre a respecté sa parole de juillet 1990? Bien sûr, M. le Président, je laisse les citoyens répondre à cette question.

Concernant maintenant le Sénat. Devant des pressions de plus en plus fortes de la part des provinces de l'Ouest et des Maritimes en faveur d'un Sénat triple «e», le premier ministre du Québec s'est engagé, à plusieurs reprises, à ne jamais accepter un Sénat modifié qui diminuerait le poids politique du Québec. On connaît les résultats: la représentation du Québec est diminuée

de 25 à 10, contre une garantie de 25 % de représentation aux Communes. Ma question, M. le Président: En fonction de ces éléments, croyez-vous que le premier ministre a été fidèle à ses engagements? À vous la réponse.

Maintenant, les autochtones. Depuis deux ans, les représentations des peuples autochtones auront permis que leur autonomie leur soit garantie par la Constitution. Le premier ministre et ses lieutenants ont déclaré sans réserve et sans nuance que jamais le gouvernement du Québec n'accepterait que les droits et pouvoirs autochtones soient tranchés par les tribunaux. Le projet d'entente, tout en établissant quelques paramètres, stipule que les modalités seront tranchées par la Cour suprême si une entente n'est pas intervenue d'ici cinq ans. Ma question aux citoyens, et à vous, M. le Président: Devant ces faits sommairement décrits, considérez-vous que le premier ministre a respecté sa parole en donnant son aval au volet autochtone?

Une dernière question, celle-là sur la loi 150. À la suite du dépôt du rapport de la commission Bélanger-Campeau, l'Assemblée nationale, sous l'égide du gouvernement libéral, adoptait la loi 150 qui prévoyait la tenue d'un référendum sur la souveraineté du Québec. Il y a quelques jours, cette loi était amendée pour faire en sorte que le référendum porte sur les offres constitutionnelles. Ma question, et celle-là comporte trois choix de réponse: Pour laquelle des raisons suivantes le premier ministre a-t-il changé d'idée et opté pour une question sur les offres plutôt que sur la souveraineté? Est-ce parce que les offres rencontrent les recommandations de la commission Bélanger-Campeau? Est-ce parce que les offres équivalent aux conclusions du rapport Allaire? Ou, enfin: Est-ce parce que la loi 150 n'était, en fait, que pure stratégie? Voilà, M. le Président, le petit test objectif qui devrait aider les Québécois et les Québécoises à cheminer dans leur option référendaire.

Mais, avant de passer à un autre volet de mon intervention, je désire vous soumettre un autre exemple qui illustre de façon très nette jusqu'où peut aller la manipulation de l'opinion publique. Je veux faire référence ici au fait qu'il y a environ un an le premier ministre du Québec, avec toutes les astuces dont il est capable, a réussi à faire croire à beaucoup de monde, même à des journalistes chevronnés, qu'il serait celui qui ferait la souveraineté du Québec.

Une voix: II n'a jamais dit ça.

M. Morin: Je ne dis pas qu'il l'a dit...

Une voix: Bien non!

M. Morin: ...je dis qu'il a réussi à le faire croire. Je pense que le français comporte ses nuances. Lorsqu'un premier ministre fédéraliste comme lui a réussi un tel exploit et qu'aujour- d'hui il veut nous vendre une pseudo-entente qui ne lie aucune province et qui n'est appuyée par aucun texte juridique, il faut se méfier, il faut faire preuve d'une extrême prudence. Et, croyez-moi, M. le Président, la prudence est loin d'être du côté du oui, comme voudrait bien nous le faire croire le premier ministre. Au contraire, voter en faveur de l'entente équivaudrait à plonger dans un lac sans vérifier la profondeur de l'eau, et peu importe qu'il s'agisse du lac Meech ou Harrington. Tout compte fait, M. le Président, accepter ces offres comporte trop de risques, et c'est pourquoi je suis confiant que les hommes et les femmes du Québec, par souci pour l'avenir de leurs enfants, feront preuve de prudence et diront franchement non. (9 h 50)

Evidemment, ces arguments ne suffiront certainement pas à convaincre tout le monde. J'inviterai tous ceux et celles qui demeurent encore indécis à peser toute la signification des défections au sein du Parti libéral. Bien sûr, le nombre de libéraux dissidents n'est pas très élevé et, d'ailleurs, les interventions du premier ministre et de ses principaux lieutenants ne se sont pas fait attendre pour tenter de marginaliser, pour ne pas dire ridiculiser cette défection. Je suggère donc que l'on s'arrête un peu sur cette dissension qui m'apparatt très révélatrice de l'échec des négociations, et cela, en regard de la qualité des dissidents et du courage de ces mêmes dissidents. Lorsqu'on parle de Jean Allaire, libéral de carrière et président du comité constitutionnel de son parti, du président de la jeunesse libérale, Mario Dumont, et du député de Drummond, M. St-Roch, il ne s'agit pas là d'opportunistes, n'est-ce pas? Et, connaissant l'attachement notoire et la fidélité traditionnelle des libéraux envers leur parti, ces dissensions, bien que minimes en nombre, doivent être considérées comme très significatives de l'expression courageuse de l'insatisfaction, plus importante qu'on ne voudrait le laisser paraître, des fédéralistes libéraux. Je crois sincèrement qu'il y a, sur cet aspect, matière à réflexion pour les indécis.

Enfin, M. le Président, je voudrais vous faire part de ma plus profonde frustration et désillusion face à tout ce débat constitutionnel, particulièrement en ce qui touche la notion de la société distincte. Je ne comprends vraiment pas comment, en tant que Québécois, on puisse se laisser entraîner dans cette dynamique pour se faire reconnaître Canadien distinct. N'y a-t-il pas pire façon de négocier notre dignité que celle de quémander la reconnaissance de ce qui nous différencie, plutôt que d'exiger le respect de notre propre identité? Il s'agit là d'un comportement qu'il faut dénoncer pour nous faire prendre conscience que la philosophie qui inspire cette approche en est une de colonisés, de fidèles sujets de Sa Majesté, de porteurs d'eau. Toute cette négociation entourant la société

distincte est une approche dévalorisante qui se résume à ceci: dites-moi que je suis différent et je m'engage à devenir comme les autres.

En conclusion, M. le Président, je voudrais inviter les Québécois et les Québécoises à rejeter cette pseudo-entente qui cache les pires supercheries et qui, contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, ne fera qu'institutionnaliser les chicanes dites administratives. Donc, à ceux qui seraient tentés de voter oui par écoeurement, je leur dis que ce serait fuir leurs responsabilités devant une entente qui va même accentuer les chevauchements de compétences, les chicanes administratives et les conflits de nature constitutionnelle.

Par contre, je sais, oui, je sais que, parmi les tenants du non, on trouvera des souverainistes inconditionnels, des partisans d'un Québec souverain assorti de liens économiques avec le Canada et aussi des fédéralistes qui aspirent à une Constitution profondément renouvelée dans le sens des attentes exprimées par la commission Bélanger-Campeau. Je crois sincèrement que ces tenants du non y trouveront leur compte, car le rejet de cette pseudo-entente permettra aux fédéralistes de se remettre à la tâche avec plus de colonne vertébrale que ce que le premier ministre a démontré jusqu'à maintenant et, d'autre part, aux souverainistes d'offrir aux Québécois une autre opportunité de se donner un pays, pays qui assurera notre développement social, culturel et économique non pas en rapport avec ce qui nous différencie des autres, mais bien en fonction de notre identité propre, soit celle du peuple québécois.

C'est donc dans cet esprit, M. le Président, que je vais adhérer, le moment venu, au comité référendaire du non et c'est avec toute l'ouverture d'esprit dont je suis capable que j'invite les citoyens du comté de Dubuc, de quelque allégeance politique qu'ils soient, à venir me rejoindre pour militer en faveur du rejet des offres constitutionnelles. Merci, M. le Président, de votre bonne attention.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Dubuc, de votre intervention. Alors, nous poursuivons le débat sur la question référendaire et je reconnais M. l'adjoint parlementaire du premier ministre et député d'Orford. M. le député, la parole est à vous.

Des voix: Bravo!

M. Robert Benoit

M. Benoit: M. le Président, j'écoutais les gens de l'Opposition, depuis quelques jours. Quel désarroi! Quel désarroi chez ces gens-là! Depuis des mois, ils nous ont dit: II n'y aura pas d'offres. C'est bien sûr: il n'y aura pas d'offres. Ils ont véhiculé ça à la grandeur du Québec, puis, soudainement... Nous, on n'est pas si surpris que ça. On sait qu'on est des alliés du reste du Canada. On sait qu'on négocie avec le reste du Canada. On a des offres, des bonnes offres, des offres acceptables qui vont indiquer une stabilité.

Ensuite, ils se sont promenés à travers le Québec, dans mon comté, ailleurs, partout, pour dire: II n'y aura pas de référendum. C'est évident qu'il n'y aura pas de référendum. Eh bien, il y a un référendum. Ensuite, ils ont dit: C'est bien sûr que ce ne sera pas le 26 octobre. Ils vont amender la loi. Jamais il n'y aura un référendum le 26. Puis, le 26 octobre, il va y avoir un référendum au Québec, puis les citoyens du Québec sont invités à y participer. Puis, ensuite, ils ont dit: Le PLQ va se déchirer. Ça va être épouvantable. Ça va être un carnage. M. le Président, il n'y a pas eu une seule carte de membre de déchirée au Parti libéral, pas plus qu'après la loi 178, d'ailleurs. Les gens du Parti libéral discutent, ont des opinions. Ce sont des gens réfléchis, libres, mais qui, ultimement, veulent demeurer membres de cette formation politique. Ils finissaient en disant, dans leurs discours: Le Canada ne va jamais s'entendre ou, s'ils s'entendent, ils vont s'entendre contre le Québec. Bien, ce n'est pas ça qui est arrivé. Le Canada s'est entendu, puis il s'est entendu avec le Québec.

M. le Président, en démocratie, j'ai été élu pour représenter des gens. Je représente 41 000 électeurs, 59 000 résidents du comté d'Orford. Ces gens-là ont, bien entendu, des problèmes. Ils sont à la recherche constante de solutions. Ils ont des ambitions autant individuelles que collectives. L'emploi demeure, chez ces gens-là, indéniablement, comme ailleurs au Québec, comme ailleurs au Canada, en Amérique et à travers le monde en ce moment, à cause d'une crise économique, la priorité no 1, M. le Président.

Chez nous, comme ailleurs au Québec, il y a trois grandes industries: l'agriculture, le textile et le tourisme. Et, M. le Président, quand on parle d'emplois, quand on parle d'économie, on parle d'union économique très forte et, plus ces unions économiques sont fortes, plus on a de chances, avec nos voisins, avec nos alliés, avec nos amis, de faire des choses. Une union économique renforcée par une union politique, c'est ça qu'est le Canada. C'est ce que l'Europe essaie de faire en ce moment.

Alors, j'ai eu l'occasion, sur les trois commissions constitutionnelles qui ont siégé depuis deux ans, trois ans finalement, de participer. J'ai eu l'honneur de représenter là-bas les gens de mon comté et ça m'a donné l'occasion de poser des questions sur ces deux industries qui d'une façon particulière sont chez nous: le textile et l'agriculture. On a fait venir des experts, des gens objectifs, et on leur a demandé: Dans ces industries-là, qu'est-ce qui arriverait s'il y avait une souveraineté? Qu'est-ce qui arrive avec les barrières tarifaires? Quelles seraient les conséquences sur ces industries-là?

Dans le cas du textile, nous avons fait venir l'autorité des autorités, un M. André Côté, un gars qui est apolitique, qui est le président d'une compagnie, de Stradeco. Il a été le vice-président, développement commercial et stratégique, de Dominion Textile pendant des années. Et on lui a posé des questions: Qu'arrivera-t-il, advenant la souveraineté, de l'industrie du textile? Chez nous, dans la région de l'Estrie, il y a une quantité incroyable de gens qui travaillent dans cette industrie-là. Ce qu'il nous a dit? Écoutez, l'industrie du textile, c'est une industrie qui est complexe et compliquée. C'est une industrie qui n'est pas en croissance, mais, quelque chose de sûr, la souveraineté n'aiderait pas sa cause. Ce qu'il nous a expliqué, c'est que, par exemple, chez nous, on fait des édredons. Il a dit: Écoutez, le lin, d'abord, on le tisse dans votre comté; ensuite, on le prend, ce lin-là, et on l'envoie en Ontario se faire coudre; on le reprend et on l'envoie dans une autre province se faire imprimer; on le reprend et on le ramène dans votre comté où on l'assemble, où on l'emballe et, éventuellement, on le redéménage dans une autre province pour l'étiqueter et le «marketer». C'est ça, l'industrie du textile, une industrie qui s'est spécialisée dans chacun de leurs édifices. Et ce qui arriverait à partir du moment où le Québec serait souverain? Il y aurait des barrières tarifaires à chaque fois que ces produits entreraient et sortiraient, complications et, probablement, indéniablement, en cours de ligne, baisse des profits, pertes d'emplois. (10 heures)

Après ça, M. le Président, on a fait venir des gens de l'industrie du lait. On aurait pu faire venir le président de l'UPA qui nous aurait dit qu'il n'y en a pas de problème, qu'on va échanger du lait contre du boeuf. C'est ça qu'il dit à la grandeur du Québec. Mais on sait tous qu'il est un convaincu souverainiste et je pense qu'il n'en voit pas clair. Alors, on a fait venir des gens de Toronto, des gens d'une compagnie qui s'appelait Informetrica, mais, avant qu'ils ne viennent, il y avait des gens de SECOR, il y avait Robert Saint-Louis qui nous avait dit: Attention! Attention aux 20 000 producteurs dans le lait; il y a des conséquences à la souveraineté. Ce qui nous a convaincus, c'est que la très grande partie du lait du Québec est exportée à l'extérieur du Québec et, plus que ça, tout le régime des quotas, chez les agriculteurs est un régime pancanadien et les autres provinces, demain matin, advenant la souveraineté, auraient tout avantage à créer leur propre régime de quotas et, dans certaines provinces, probablement à importer du lait américain à meilleur prix. C'est ça qu'on nous a dit, M. le Président. On ne nous a pas dit: Ça va être facile d'exporter du lait et d'importer du boeuf. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Il n'y a pas d'industrie. La Russie s'est essayée, un bon jour, d'échanger des services contre de la vodka, et ça n'a pas marché très bien, M. le Président. En économie, c'est des théories qui ne se tiennent pas, l'échange de biens contre d'autres biens. C'est l'échange de biens contre des dollars. Et les gens qui essaieront de nous berner, qui essaieront de berner les 20 000 producteurs de lait au Québec, qu'on échangera du lait contre du boeuf, ça ne tient pas et ça ne tiendra pas.

M. le Président, le premier ministre du Québec, dans son discours mercredi, après la question, nous disait: On a obtenu dans cette entente du 28 août des mesures de sécurité pour le Québec, des mesures de développement, de même que la protection de l'avenir du Québec. Le premier ministre continuait en disant: Nous allons chercher une sécurité additionnelle, nous allons chercher des garanties pour un meilleur fonctionnement du marché commun.

M. le Président, on est dans un marché commun au Canada. On est un marché commun intégré. Des gens, avant nous, ont essayé ou essaient d'arriver à ce que nous avons déjà. Je vous parle de l'Europe pour un instant, M. le Président. En Europe, 12 pays, 350 000 000 de gens qui essaient, eux, de faire ce que nous avons déjà au Canada. On dit même en Europe qu'on montera éventuellement, avec l'Europe du Nord, à 30 pays, 500 000 000 d'individus. La géographie économique, plus que jamais, a son importance. Ces intégrations économiques et politiques, plus que jamais, ont leur importance. En Europe, non seulement on parle de la Communauté économique européenne, non seulement on parie d'un Parlement européen maintenant, mais on parle d'une fédération des pays européens, ce que nous avons déjà. Et pourquoi voulons-nous faire ça en Europe? Parce que nous voulons intégrer toute l'économie. Nous voulons éviter maintenant les douanes pour les autos. Déjà, les autos, les individus, les camions passent dans ces 12 pays sans aucune forme de douane. On reconnaîtra le certificat du gradué universitaire de l'Université de Paris en Grèce sans aucune forme d'examen quand il arrivera en Grèce. On reconnaîtra le même écu, le même dollar en l'an 2000 entre ces 12 pays qui seront probablement, à cette époque, plus d'une trentaine de pays. On reconnaîtra un même dollar et pour le reconnaître, ce dollar, on ira jusqu'à obliger certains pays à contrôler leur déficit, tels que la Belgique, en ce moment, qui a un déficit trop élevé. On les obligera, les autres pays les obligeront à contrôler leur déficit. Ça c'est de l'intégration économique, M. le Président, et c'est ça qu'on a au Québec, c'est ça qu'on a au Canada, c'est ce que l'Europe veut essayer d'avoir et c'est ce qu'ils essaient de faire, finalement.

M. le Président, nous allons chercher dans cette entente des mesures de sécurité et de développement. En même temps, nous protégeons l'avenir du Québec et du Canada, et tous les droits du Québec sont respectés plus que jamais.

Dans plusieurs cas, nous confirmerons et renforcerons les pouvoirs du Québec.

Je finis, M. le Président, en vous disant: Je m'efforcerai, avec les concitoyens du comté d'Orford, d'ici le 26 octobre, de bâtir le Québec sans détruire le Canada. Le 26 octobre, avec une majorité de gens dans le comté d'Orford, nous nous lèverons tôt et nous irons voter pour le oui. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, m. le député d'orford. alors, nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par m. le premier ministre, et je reconnais m. le ministre des transports. m. le ministre.

M. Sam L. Elkas

M. Elkas: Merci, M. le Président. Je suis fier de prendre la parole aujourd'hui en tant que ministre des Transports du Québec et aussi comme député du comté de Robert-Baldwin. C'est également comme citoyen du Québec que je devrai bientôt exercer mon droit de vote sur une question qui déterminera l'avenir de notre province et que je m'exprime.

John Stuart Mill, in his essay «On Liberty», once argued that suppression of opinion was wrong, because it is only by «the collision of adverse opinions that truth is discovered or confirmed». This rationale for freedom of expression, this marketplace of ideas, which extends to all branches of human knowledge, became the basis of all democratic societies, and is entrenched in the Canadian Charter of Human Rights.

When my family immigrated to Canada, they did so knowing that they were fortunate enough to be warmly welcomed, and would be able to discover and love a new and better world. The doors would be open to unlimited opportunities. This is what they believed... and they were not disappointed. These very important values were ingrained in the upbringing of our family as first generation Canadians. My brothers and sisters were given the opportunity to flourish. We grew up knowing that the tools necessary to succeed were at our disposal, that we could achieve anything we wanted to in this country. We thrived in an environment free of conflict. We were offered a top-notch education, participated in a variety of sport and cultural activities, and never forgot our heritage.

More importantly, I say to you today that my wife and I would not have brought up my two sons and daughter in any other way. The world is changing in many ways, but we are fortunate enough to live in a united country with a superior quality of life. It is through collective efforts that we reap the most benefits. But if our strength is indeed in numbers, if the truth that still rings in the voices of our ancestors, the ancestors of all of us sitting here in the National Assembly today, is still valid, then, we have to work for, and believe in a united country, a united Canada.

Québec has always been an integral part, an important part of Canada. I was born a Que-becker, my wife and children are Quebeckers, and I am very, very proud of this. We have been given a unique and a very distinct opportunity to grow up in a province that offered our ancestors, and that offers our children a chance to learn two languages, and acquire two cultures. Those of us that are fortunate enough to acknowledge and appreciate this fact are all the more enriched today.

M. le Président, nous, les Québécois et les Québécoises allons faire face à un choix. Oui, nous devons faire face à un choix qui sera d'une importance primordiale pour l'avenir du Québec. Notre choix est soit pour l'option canadienne ou soit pour une souveraineté très incertaine. In orther words, should Québec be part of Canada or not? Il me semble que le choix est très évident. Notre choix, M. le Président, reposera sur une entente constitutionnelle négociée par un gouvernement responsable, ayant la vision d'une province forte et solide à l'intérieur d'un Canada uni. Notre expérience et notre grande sagesse nous ont permis d'aller chercher plusieurs pouvoirs nous permettant de prendre les bonnes décisions pour l'avenir du Québec.

Mr. President, the constitutional agreement that was successfully negotiated by our Government is backed up with a solid package that will grant us more rights and create strong bases upon which to build. Je le répète, M. le Président, le choix me semble très évident. Ce choix nous est encore plus facile quand nous regardons le progrès que le Québec a fait comme membre de la Fédération canadienne. Nous sommes devenus une société moderne, juste et développée. Nous avons travaillé avec fierté afin de bâtir un Québec avec des bases solides, un Québec qui est devenu un leader parmi les autres provinces de ce pays. (10 h 10)

Comme membre à part entière de la Fédération canadienne, le Québec peut être fier de nos programmes sociaux qui sont parmi les plus avancés au monde. Le Québec s'est donné un ensemble complet de mesures et de protections sociales: allocations familiales, gratuité des services de santé, protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, régime de pension et de retraite, assurance-hospitalisation, gratuité des services juridiques, promotion de l'égalité des sexes, gratuité du système d'éducation, protection des consommateurs, assurance-chômage, aide sociale et sécurité du revenu, etc. Voilà, M. le Président, les privilèges que nous avons obtenus en tant que membres de la Fédération canadienne.

Quebec's economic strategy has developed at a rate equal to the best in the world. We

have also done this, Mr. President, as an integral part of the Canadian Federation. Based on our strength, we have built a constructive, productive and competitive economy that ranks among the best in the world. Our economy has been structured through a collective effort by many major corporations, small and medium businesses, financial institutions and other infrastructures within our marketplace. Our labour-management relations have been fine-tuned, and our entrepreneurial spirit has flourished. Mr. President, Quebec's economy has a quality that is razor-sharp. This economic leadership is a direct result of our equal partnership in the Canadian Federation.

M. le Président, le Québec est une province unique, avec deux langues et une culture digne de fierté. Notre participation dans les domaines artistique et culturel ne fait qu'augmenter la richesse collective dans notre pays. Notre participation à la francophonie internationale est reçue avec admiration et respect. Cela a été possible tout en étant membre à part entière de la Fédération canadienne.

Québec has proved, beyond a reasonable doubt, that what we have acquired as an integral part of Canadian Federation, these assets that are both beneficial to our province, as well as our country, have enabled us to create a modern, honest and just society whose French language and culture has proved beneficial to all Canadians. Québec, of course, is certainly a province to be very, very proud of.

But a province worthy of so much pride is not one that can or should be easily unsettled. However it is this chipping away at our solid base by so-called sovereignists with absolutely no vision of the future, weakens our foundation. Those who wish to profess uncertainty are those who are fundamentally afraid of progress. The path that these sovereignists choose to follow is one that is misleading and has no direction. The path that we follow, Mr. President, is the one that leads to progress. The direction has been carefully laid out and well thought out. There is the direction that is advantageous to all. The August 28th Constitutional Agreement has all the substance of Meech and much more.

M. le Président, l'entente constitutionnelle du 28 août 1992 reprend les éléments fondamentaux du lac Meech. Les cinq conditions incluses dans l'entente du lac Meech sont maintenant confirmées et acquises. M. le Président, le Québec est reconnu comme une société distincte et unique au Canada. Cette reconnaissance fera partie de la Constitution canadienne, nous permettra d'assumer le rôle de protéger et de promouvoir cette société distincte au sein du Canada. Et ça, c'est un acquis. Le Québec devient responsable de la sélection et de l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des immigrants au Québec. Et je crois très fortement que le contrôle de l'im- migration est la clé de la sécurité culturelle du Québec. Maintenant, ce pouvoir nous sera accordé dans la Constitution canadienne.

The integration of immigrants in French Québec is of utmost importance to both the province, as well as the Canadian Federation. We are here today because of the role Québec, as a member of Canada, has played in immigration. Our country is not lacking in space. There is certainly plenty of room to welcome these people in Quebec's society. Immigration is fundamental to the continued growth and development of the province, and the presence of these people in our everyday lives is very, very enriching. With our birth rate declining at an alarming rate, it is essential that we create a harmonious and positive atmosphere in Québec: one in which those who choose to live here may integrate in French society with the utmost confidence. These people will play an instrumental role in the further development of our economy and will help increase the productivity level in our work force.

Le Québec a le pouvoir de retrait de tout nouveau programme fédéral cofinancé par les provinces et obtiendra la compensation financière qui lui revient. Ce pouvoir fera aussi partie de la Constitution canadienne, et je suis convaincu que ce nouveau pouvoir de choisir nous permettra de vivre dans un fédéralisme renouvelé.

Les politiques décisionnelles concernant les pouvoirs de dépenser trouveront leur juste place. Cette politique de partage des responsabilités dans les pouvoirs de dépenser se fera sur une base plus sectorielle, et les décisions seront prises plus proche de ceux qui vont en profiter. Un juste partage décisionnel entre le fédéral, le provincial et les municipalités s'imposait. Nous pouvons finalement établir nos priorités selon nos connaissances et le faire de façon claire et concise.

Le Québec aura un droit de veto sur toute nouvelle modification de la Cour suprême. Il ne pourra jamais y avoir un changement à la Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec, en ce qui concerne son existence et ses pouvoirs. Sur un total de neuf juges, nous avons obtenu la garantie de trois juges, parmi eux, qui viendront de la province de Québec. Avec la nouvelle importance des Chartes des droits, il était primordial d'avoir le contrôle et un droit de regard sur la Cour suprême. Avec le statut de plus haut tribunal de notre pays, la Cour suprême établit les règles jurisprudentielles qui nous permettront de sauvegarder les droits et libertés fondamentales pour notre province et notre pays. Les juges québécois et québécoises feront le tiers du total des juges sur le banc et nous représenteront avec justesse et équité.

Le Québec aura un droit de veto sur toute nouvelle modification de ces trois institutions centrales de la Fédération canadienne. Comme partenaires majeurs dans une fédération cana-

dienne, le droit de veto que nous avons gagné nous permettra de refuser tout changement aux institutions canadiennes fait sans l'accord du Québec.

Les droits et les pouvoirs du Québec seront aussi sauvegardés dans leur exercice législatif au niveau provincial. Cette protection nous permettra de nous opposer à toute tentative de diminution de pouvoirs de son Assemblée nationale. Nous avons la garantie absolue que les pouvoirs constitutionnels du Québec, que notre héritage ainsi que les instruments essentiels à notre développement seront intouchables et protégés.

Cette entente confirmée, et même accrue, nous laissera le pouvoir de jouir d'une influence considérable au sein des institutions canadiennes. Nous avons juste à regarder les pouvoirs additionnels acquis dans notre représentativité à la Chambre des communes, le noyau du pouvoir décisionnel fédéral. De plus, le nombre total des députés fédéraux et sénateurs siégeant ensemble sera proportionnel à la population au sein du Canada. Les sénateurs francophones auront un droit de veto absolu au Sénat égal contre toute mesure qui affecte les droits de la langue et de la culture françaises. Voilà, M. le Président, les résultats positifs des négociations fructueuses de notre gouvernement.

Le Parti québécois parle beaucoup de la souveraineté-association mais ne dit rien. Où est son plan? C'est quoi, ses intentions face à la responsabilité conjointe entre les deux niveaux de gouvernement? Les réponses ne sont pas là, M. le Président. Mais, comme gouvernement responsable, nous avons la priorité de respecter et de sauvegarder nos droits acquis. Une partie de cette responsabilité est liée à notre partage de compétences avec le gouvernement fédéral, notamment dans le domaine des transports. (10 h 20)

The Federal Government is the owner of many infrastructures integrated in the Québec transport industry, not only in Québec, elsewhere in Canada. The major airports, wharfs and several bridges are owned and operated by the Federal Department of Transport. They pour millions of dollars per year into the Québec transport industry. This money, of course, is used for the maintenance and repairs of these infrastructures, as well as towards the development of new projects. And who benefits? Québec society. Mr. President, I believe that the cost in assuming the complete responsibilities of these infrastructures would be much, much too high. The aswer is and remains yes to a renewed federalism, yes to a Québec within a united Canada.

A resounding yes must be heard from all Quebeckers. We must remain united and stand by our province and our country. This renewed federalism is the answer to the safekeeping of Québec and to the development of our pluralistic society. With an important anglophone com- munity, diverse cultural communities and native communities, we must work together to build a Québec that we will all be proud of and honoured to live in. We must all take part in the advancement of this country.

The Constitutional agreement of August 28th will not be an easy sell, but I believe it effectively addresses the concerns of all Quebeckers. This package is an excellent compromise that I believe we should all be able to live with. It gives a place to the concerns of the provinces and recognizes the regional differences that make this country of ours unique. It makes place for the aboriginal people and recognizes their contribution to the birth and growth of the land we have shared for the last several hundred years. And, interestingly enough, Mr. President, it recognizes the two founding linguistic groups and their role in the development of this country. The Canada clause clearly enunciates the commitment of our governments to protect the development of our minority rights. I believe that this is a significant step and it provides the English-speaking community in Québec all the tools to insure its development.

I know that my views are not shared by all. I see the concerns, when I talk like this, by the members of the Opposition. I realize that some of them have some form of hatred towards others, which is really unfortunate. There are those, also, who feel that this article threatens Bill 101 and the survival of the francophone majority. Then there are, of course, those, on the other side, who argue that the clause does not go far enough. The truth, obviously, lies somewhere in beetween.

Let me, Mr. President, take this opportunity to issue a word of caution. The referendum debate will undoubtedly spark some animosity and acrimony on both sides. Inflammatory statements and speculations as to the potential legal uses of the new clause will serve to heighten distrust. If I could make one plea, it would be to work hard in the next few weeks for your convictions and to do so in a climate of mutual respect.

It is with this pride that I add my voice to this historic debate. And it is with pride and devotion that I continue to work hard so that I may turn to a true national heritage, turn it over to my offspring. Mr. President, I thank you very much for this opportunity.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le ministre des Transports et député de Robert-Baldwin. Alors, nous poursuivons le débat sur la question référendaire, et je cède la parole à M. le vice-président de la commission des institutions et député de Rouyn-Noranda-Témiscamin-gue. M. le député, la parole est à vous.

M. Rémy Trudel M. Trudel: Merci, M. le Président. Nous

avons appris hier, le 9 septembre 1992, avec effarement, de la bouche même du ministre de la Santé et des Services sociaux, que le Québec, aux discussions constitutionnelles du mois d'août 1992, avait abandonné une revendication essentielle du Québec en matière de santé et services sociaux, après 82 années de revendications. Le ministre de la Santé et des Services sociaux déclarait hier, ici à l'Assemblée nationale, que, non, à la conférence des premiers ministres, là où notre premier ministre, M. Bourassa, était présent avec 16 autres intervenants, 10 des provinces, d'autres des territoires et d'autres des communautés autochtones, non le premier ministre du Québec n'a pas, n'a jamais réclamé l'exclusivité en matière de santé et de services sociaux pour le Québec.

M. le Président, c'est proprement renversant, c'était la fin de 82 années de revendications traditionnelles du Québec, depuis 1920, et c'était laisser aller le contrôle où l'espoir de contrôler au moins 6 000 000 000 $ d'argent, 6 000 000 000 $ de dépenses que nous effectuons au Québec, en matière de santé et de services sociaux.

M. le Président, dès 1920, Alexandre Taschereau - c'est pour bien faire voir la dimension historique de ce combat en matière de santé et de services sociaux que je veux le rappeler... Si, en 1867, M. le Président, l'Acte de l'Amérique du Nord britannique spécifiait clairement que le secteur de la santé et des services sociaux relève de la compétence exclusive du Québec, en écrivant à l'article 92, paragraphe 7, que «rétablissement, l'entretien et l'administration des hôpitaux, asiles, institutions et hospices de charité dans la province, autres que les hôpitaux de marine, relèvent du Québec», dès ce moment-là, le gouvernement fédéral a quand même commencé à dépenser de l'argent dont, grosso modo, 25 % des recettes proviennent du Québec dans le secteur de la santé et des services sociaux. C'est pourquoi, dès 1920, Alexandre Taschereau réclamait le rapatriement, l'exclusivité du Québec en matière de santé et de services sociaux.

Et l'invasion du gouvernement fédéral dans les secteurs de la santé et des services sociaux repose essentiellement sur son pouvoir de dépenser nos impôts et sa propension, par ailleurs, à laisser gonfler le déficit fédéral hors des proportions. Dans ce sens-là, M. le Président, toute la question du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral était une question cruciale, essentielle, dans les discussions constitutionnelles. On a amplement démontré, depuis le début de ce débat et depuis que s'est terminée la conférence des premiers ministres de Charlottetown, on a bien démontré que nous avons, sur ce plan aussi, au Québec, de la part du gouvernement, abandonné, abdiqué, nous avons laissé le gouvernement fédéral agir à sa guise.

Donc, M. le Président, malgré la clarté de l'article 91 de la Constitution, Ottawa n'a pas su résister bien longtemps à pénétrer le champ de la santé et des services sociaux. Dès 1919, le gouvernement fédéral commençait à offrir des subventions dans ces secteurs. Cette même année, le ministère de la Santé fédéral était créé et la dynamique centralisatrice était commencée.

M. le Président, dès 1919, le gouvernement fédéral, malgré la disposition de l'article 92, paragraphe 7, de 1867, créait un ministère de la Santé pour envahir ce champ qui était réservé, dans la Constitution, aux provinces. Prélevant des impôts au détriment de l'assiette fiscale québécoise, Ottawa met donc sur pied de vastes programmes cofinancés et devient un acteur majeur dans le secteur de la santé et des services sociaux. C'est ainsi qu'on verra naître les programmes d'assurance-hospitalisation et d'assurance-santé, cofinancés par le gouvernement fédéral, avec de l'argent des Québécois, mais contrôlé - on le verra plus tard, en 1984 - par des normes fédérales.

L'envahissement est tel que, en 1977-1978, 45 % des dépenses de santé au Québec, financées, ne l'oublions pas, par les contribuables québécois, doivent d'abord transiter par Ottawa. C'est là que l'inévitable devait arriver et se produisit. C'est fort de sa contribution importante en matière de dépenses en santé et services sociaux qu'Ottawa vote, en 1984, la loi C-3 qui fixe les normes auxquelles les systèmes de santé et de services sociaux dans les provinces doivent être soumises, doivent avoir un certain nombre d'obligations pour en arriver à toucher les programmes financiers de transferts du gouvernement fédéral. (10 h 30)

M. le Président, témoin de l'ampleur de l'empiétement fédéral, le ministère de la Santé et des Services sociaux du Canada emploie 1115 personnes, et la seule administration du ministère fédéral de la santé coûte 80 000 000 $ par année. Vous avez bien entendu, tout le monde, à chaque année, la responsabilité exclusive de la santé, occupée par le gouvernement fédéral, ça se fait avec 80 000 000 $ que l'on dépense à chaque année. En plus des dépenses des quelque 1000 fonctionnaires et 75 000 000 $ qu'on dépense au Québec à cette fin, le gouvernement fédéral en dépense 80 000 000 $ et emploie 1115 personnes pour administrer ce qui est un champ de compétence exclusif du Québec en matière de santé et de services sociaux, tel que le disait la Constitution de 1867.

Et, pourtant, M. le Président, les Québécois ont commencé, comme je le disais il y a quelques minutes, à revendiquer dès 1920. C'est le premier ministre Alexandre Taschereau qui dénonçait l'ingérence du gouvernement fédéral dans le secteur de la santé. Un petit peu plus près de nous, M. le Président, et pour les gens qui nous écoutent, et là il y a plusieurs personnes au Québec qui vont s'en souvenir, Maurice Duplessis, en 1946,

réitérait fermement que le secteur de la santé était du ressort exclusif des provinces. Dans le mémoire présenté à la conférence fédérale-provinciale, le 25 avril 1946, sur le rétablissement des juridictions pour le Québec, Maurice Duples-sis disait que les droits exclusifs en matière de législation sociale devaient être intégralement conservés et sauvegardés si la Confédération devait survivre.

Plus près de nous, M. le Président, un grand premier ministre, Jean Lesage, en 1965, revendiquait à son tour la santé et l'assurance-maladie en tant que compétence exclusive du Québec, et je cite: Ils s'inscrivent dans les droits et les besoins des provinces, et celles-ci, mieux que le gouvernement fédéral, peuvent y excercer une action durable et efficace.

En 1966 et 1967, M. le Président, un autre Québécois, un autre premier ministre, Daniel Johnson, estimait que le Québec devait être maître de ses décisions dans plusieurs domaines dont la sécurité sociale et la santé sous toutes ses formes. Le Québec devait aussi être le seul responsable de toutes dépenses publiques relatives à la santé.

Jean-Jacques Bertrand, un autre premier ministre du Québec, M. le Président, à la conférence fédérale-provinciale des ministres des Finances du 4 et du 5 septembre 1968, affirmait que l'assurance-maladie devait relever de la compétence exclusive du Québec. En 1969, M. Bertrand réitérait, à la conférence constitutionnelle tenue du 8 au 10 décembre, que la santé et les hôpitaux devaient être attribués exclusivement aux provinces.

M. le Président, même le premier ministre actuel, première version, en 1970, à la conférence de Victoria... On sait que le non, à l'époque du premier ministre, à Victoria, était essentiellement lié au fait du refus du gouvernement fédéral de redonner au Québec l'exclusivité de la maîtrise d'oeuvre de ses politiques sociales et des dépenses en matière de santé et de services sociaux. L'histoire a bien établi, M. le Président, que le non de Robert Bourassa, en 1971, à Victoria, même s'il était en accord avec la formule de rapatriement, s'il était en accord avec le droit de veto, s'il était en accord avec les autres dispositions, essentiellement... Cet homme avait dit non à Victoria parce qu'on lui refusait l'exclusivité en matière de santé et de services sociaux.

Et, finalement, M. le Président, en 1971, Claude Castonguay - je m'excuse, M. le Président, pour être plus exact, c'est en 1970 - déclarait à la conférence fédérale-provinciale des ministres de la Santé: L'organisation et la distribution des soins et des services sociaux et sanitaires se situent clairement dans le champ de compétences exclusives des provinces. Alors, que M. Castonguay se fasse le chantre, aujourd'hui, de l'acceptation du compromis, du fait que le fédéral va continuer à avoir le droit d'empiéter dans un secteur de compétence qui doit être exclusif et qui a été décidément nommé comme exclusif dans la Constitution de 1867, c'est proprement renversant.

M. le Président, cette longue enumeration, c'est tout simplement pour bien démontrer qu'à la Conférence des premiers ministres du mois d'août 1992, à Charlottetown, en matière de santé et de services sociaux, pour des dépenses de 12 000 000 000 $ par année au Québec, notre gouvernement a abandonné une revendication traditionnelle que nous avons faite, que tous les premiers ministres ont faite depuis 1920. Nous avons abandonné une revendication que nous avions placée depuis 82 ans auprès du gouvernement fédéral. La brisure historique, M. le Président, est immense. Nous ne pouvons accepter que l'on ait renoncé, que l'on ait abandonné cette revendication historique du Québec. C'est pourquoi les offres du 22 août, en matière de santé et de services sociaux, mes collègues et d'autres personnes au Québec se feront fort de démontrer les aspects, les faiblesses de ce contrat, de ces offres du 22 août 1992. Mais, en matière de santé et de services sociaux, le Québec a abandonné, le Québec a laissé aller, le Québec a renoncé à 82 années de revendications.

M. le Président, quand j'entends le ministre de la Santé et des Services sociaux déclarer, mais le plus simplement du monde, que nous n'avons rien obtenu à Charlottetown en matière de santé et de services sociaux parce que nous n'avons rien demandé, c'est proprement effrayant. M. le Président, s'il y a un homme, dans cette Assemblée, qui devrait savoir ce que c'est qu'être abandonné, être laissé à lui-même, c'est bien le ministre de la Santé et des Services sociaux. Les Québécois, le 22 août, se sont fait faire ce que le ministre de la Santé et des Services sociaux s'est fait faire le 12 juin 1991. Pendant qu'il mettait les poings sur la table en disant: Jamais je ne céderai devant les médecins, souvenons-nous que cet homme, comme titrait Le Journal de Québec le lendemain matin, s'est fait trancher les jarrets par son propre premier ministre. Il s'est fait abandonner par son propre premier ministre et, croyant qu'il avait l'appui total, comme les Québécois le pensaient, eu égard aux négociations constitutionnelles avec la position du rapport Allaire et du Parti libéral, comme les Québécois et les Québécoises pensaient que notre premier ministre transportait les revendications historiques du Québec, les Québécois et les Québécoises ont été abandonnés par leur premier ministre comme le ministre de la Santé et des Services sociaux a été abandonné le 12 juin 1991 face aux médecins. Et on sait ce que c'a voulu dire pour le ministre de la Santé et des Services sociaux. C'est pour ça que c'est assez incroyable, M. le Président, et, en même temps que c'est incroyable, il faut s'attendre pour la prochaine période référendaire, je dirais, au pire.

Quand je vois, au lendemain du congrès du Parti libéral, M. le Président, le ministre de la Santé et des Services sociaux et organisateur en chef de cette formation politique dire qu'il va tout faire pour vendre cette offre aux Québécois, je suis inquiet, M. le Président. Je suis inquiet parce qu'un homme qui va jusqu'à bâtir pour 500 000 $ une route qui ne mène nulle part, quand on pense qu'un homme qui a organisé son propre spectacle à Charlesbourg en 1990 pour 1 000 000 $, l'entendre dire qu'il va vendre de gré ou de force cette entente aux Québécois, oui, M. le Président, d'un homme qui a été abandonné lui aussi - il devrait le savoir - par son premier ministre au mois de juin 1991, oui, M. le Président, je suis inquiet. Et c'est pourquoi nous allons être de toutes les tribunes, dans toutes les dimensions des organisations de la vie publique québécoise pour donner des précisions, donner l'information, avec le maximum d'honnêteté et le maximum de précisions, sur les tenants et les aboutissants de ces offres, de cette offre du contrat d'Ottawa et du Canada anglais le 22 août dernier. (10 h 40)

M. le Président, oui, le Québec a donc abandonné. Aussi inconcevable que cela puisse paraître, le gouvernement Bourassa a abandonné une revendication traditionnelle du Québec en matière constitutionnelle: faire de la santé et des services sociaux une juridiction exclusivement québécoise, c'est impardonnable, et c'est ce que nous allons dire aux Québécois et aux Québécoises. Tout cela, M. le Président, il faut l'affirmer haut et fort, constitue un recul majeur et, surtout, place une hypothèque sérieuse sur notre système de santé et de services sociaux dont on a vu que le financement souffre d'un manque à gagner de 200 000 000 $ par année parce que le gouvernement fédéral, en vertu de son pouvoir de dépenser et de limiter ses transferts au Québec, nous prive de 200 000 000 $ par année. C'est pourquoi le ministre de la Santé et des Services sociaux a été obligé, cette année, d'imposer ce petit 2 $ aux personnes âgées pour leurs médicaments, d'imposer des frais en opto-métrie, d'imposer d'autres frais et de couper un certain nombre de services en santé et services sociaux parce que le gouvernement fédéral, en vertu de son empiétement et de sa capacité exclusive de limiter ses dépenses, nous prive de 200 000 000 $ par année. C'est ça, M. le Président, qu'il faut dénoncer.

M. le Président, il faut, à mon avis, sur la base de ce qui s'est passé dans le secteur de la santé et des services sociaux, de l'abandon du Québec par notre premier ministre et par l'équipe qui le conseille, c'est pourquoi nous pensons le plus sincèrement du monde qu'il faut dire non aux offres d'Ottawa et du Canada anglais qui veulent étouffer le Québec, qui veulent boucher l'avenir. Nous pensons que nous méritons mieux que cela. Nous pensons que nous pouvons, dans ce Québec cassé en deux, offrir une perspective de bâtir ici, avec tout le dynamisme, avec toutes les forces que recèle le Québec, que nous sommes capables de bâtir ici un grand pays ouvert, en relation avec les autres forces dynamiques et économiques du monde, en Amérique du Nord, que nous avons la capacité, que nous avons les possibilités de réaliser ce pays parce que nous avons, au Québec, traversé au-delà de 250 ans d'histoire, 250 années de luttes, parce qu'on a toujours tenté de nous faire disparaître, les parlant français en Amérique regroupés autour de leur foi et de leurs institutions au Québec et, qu'encore une fois, nous allons nous battre et nous allons, j'en suis très confiant, traverser cette épreuve.

M. le Président, il faut battre, oui, littéralement, il faut battre Brian Mulroney. Il faut battre également, au vote, on s'entend, bien sûr, il faut battre Robert Bourassa. Il faut battre ces gens qui nous ont imposé la TPS et la TVQ, parce que le système est composé essentiellement de dépenses de 2 000 000 000 $ à 3 000 000 000 $, de dédoublements administratifs, et il faut dire non à cela.

C'est pourquoi, aussi, dans le comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, parce qu'il faut toujours retourner à la base de nos populations qui nous ont délégués ici, à l'Assemblée nationale, je dis que dans les 38 municipalités qui sont regroupées dans le comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, le 26 octobre 1992, nous allons dire non aux offres fédérales, non au contrat qui nous est offert par Ottawa et le Canada anglais et, à Arntfield, M. le Président, à Beaudry, à Bellecombe, à Cadillac, à Cléricy, à Cloutier, à D'Alembert, à Destor, à Héva, à Saint-Guillaume-de-Granada, au lac Dufault, à McWatters, à Montbeillard, à Mont-Brun, à Relais et à Rouyn-Noranda, nous allons dire non aux offres fédérales. Nous allons expliquer pourquoi il faut garder l'ouverture, pourquoi il faut persister pour faire ici un pays. C'est pourquoi, aussi, dans la partie du Témiscamingue, à Angliers, à Béarn, à Belle-terre, à Duhamel-Ouest, à Fabre, à Fugèreville, à Guérin, à Saint-Eugène-de-Guigues, à Kipawa, à Laforce, à Latulippe, à Laverlochère, à Saint-Bruno-de-Guigues, à Lorrainville, à Moffet, à Nedélec, à Notre-Dame-du-Nord, à Rémigny, à Saint-Eugène, à Témiscaming, à Ville-Marie, nous allons, dans ces 38 municipalités du comté de Rouyn-Noranda-Témiscamingue, dire non, M. le Président, aux offres du Canada anglais, aux offres d'Ottawa.

M. le Président, j'habite, nous habitons la partie en Abitibi-Témiscamingue, la deuxième partie du Québec, le Québec cassé en deux. Nous voulons, en disant non le 26 octobre prochain, garder ouvert l'avenir pour les jeunes. Nous voulons garder ouverte la possibilité de bâtir ici un pays et, dans le plus grand respect d'information politique, des idées des autres, de l'expression démocratique, de la liberté de s'exprimer,

nous allons tenter de dire, nous allons tenter de prouver, de démontrer que nous n'avons pas à accepter ces offres du Canada anglais. Le lendemain, le 27 octobre, bien sûr, le soleil va toujours continuer à se lever, et le Québec va continuer son combat historique pour se donner un pays, un véritable pays, le pays du Québec. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre. Je reconnais monsieur l'adjoint parlementaire au ministre de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation, et député de Gaspé. M. le député, la parole est à vous.

M. André Beaudin

M. Beaudin: Merci, M. le Président. Depuis maintenant deux jours, le vrai débat est véritablement commencé. C'est un moment que nous attendions tous depuis fort longtemps parce qu'enfin, M. le Président, nous pourrons rectifier, pour ne pas dire démentir les propros qui sont véhiculés par les membres de l'Opposition péquiste quant à la teneur de l'entente constitutionnelle du 28 août dernier.

M. le Président, je pense que les avantages de cet accord sont indéniables pour le Québec. En effet, il est écrit noir sur blanc que le Québec est maintenant reconnu comme une société distincte et unique au sein du Canada, et toute la Constitution du Canada sera désormais interprétée dans le respect de la société distincte. Aussi, l'Assemblée nationale devient responsable de la sélection et de l'intégration économique, sociale et culturelle des immigrants au Canada français. Le gouvernement du Québec pourra aussi se soustraire de tout nouveau programme fédéral cofinancé dans des domaines provinciaux et obtenir une compensation financière qui lui permettra d'agir librement, selon les besoins exprimés par notre population. L'entente prévoit également qu'il ne pourra jamais y avoir de changement à la Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec en ce qui concerne son existence, ses pouvoirs et la garantie de trois juges québécois. Le Québec gagne également un droit de veto sur toute nouvelle modification aux institutions centrales de la Fédération canadienne. Le Québec est un partenaire majeur de la Fédération et, alors, aucune des institutions canadiennes ne pourra être modifiée sans l'accord du Québec. Finalement, avec cette entente, le Québec obtient une protection absolue de s'opposer à toute tentative de diminution des pouvoirs de son Assemblée nationale. Il aura un droit de retrait avec compensation financière.

En définitive, M. le Président, on peut affirmer sans détour que cette entente consti- tutionnelle respecte la sécurité du Québec et les outils qui lui permettent de se développer. Cette entente met fin à la crise constitutionnelle en réparant les erreurs qui ont été commises par nos prédécesseurs. Cette entente renferme six droits de veto, assure la protection de la langue française et entreprend l'élimination de chevauchements et de dédoublements. Il s'agit donc d'une entente qui n'a pas de précédent en 125 ans d'histoire. Et il faut le dire, M. le Président, c'est un précédent. Ce précédent, c'est nous qui en sommes responsables, et j'en suis fier. J'en suis fier car, en plus d'établir la paix constitutionnelle au pays, il nous permettra de rester à l'intérieur de la Fédération canadienne.

M. le Président, je pense qu'il faut être conscient de notre chance de pouvoir vivre dans un pays comme le Canada, dans un pays démocratique, tolérant et ou la qualité de vie est l'une des meilleures au monde. Dire non à l'entente du 28 août dernier, c'est dire non à ce pays, c'est renier les réalisations, c'est renier nos acquis et une bonne partie de notre histoire. Un non à l'entente veut dire un non à la cohabitation de deux grandes cultures, un non à l'ouverture, un non à la tolérance.

M. le Président, personne ne peut nier que les deux cultures qui se côtoient quotidiennement au pays, la culture anglaise et la culture française, viennent enrichir cette contrée. En ce qui me concerne, M. le Président, je dirai oui à cette entente parce que je crois au Canada et je crois que le Québec continuera de s'épanouir au sein de la Fédération canadienne.

M. le Président, dire oui à cette entente ne signifie pas enterrer la liberté dont jouit le Québec, bien au contraire. Il suffit de se rappeler ce qu'est devenu le Québec, alors qu'il était membre à part entière de cette Fédération. Premièrement, le Québec est aujourd'hui une société moderne, juste et développée. Le Québec d'aujourd'hui fait l'objet de notre fierté parce que nous sommes une terre de liberté. En effet, les Québécoises et les Québécois bénéficient de la protection de leurs libertés fondamentales par le biais de la Charte canadienne et de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Personne ne peut nier que cela a été fait alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne. (10 h 50)

Deuxièmement, le Québec peut compter sur un ensemble complet de mesures et de protections sociales sans comparaison. Nous n'avons qu'à penser aux allocations familiales, à la gratuité des services de santé, à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, aux régimes de pension et de retraite, à l'assurance-hospitalisation. Nous bénéficions également de la gratuité des services juridiques, de la promotion de l'égalité des sexes, de la gratuité du système d'éducation, de l'assurance-chômage, de l'aide sociale, de la sécurité du revenu. Cela aussi, M.

le Président, a été fait alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne.

Troisièmement, nous savons que le Québec partage un niveau de développement économique compatible avec les meilleurs au monde. En effet, le Québec a, malgré ses faiblesses, une économie moderne et développée, à la fois productive et compétitive. J'en veux pour preuve la compétence de nos entreprises québécoises, ('«entrepreneur-ship» que l'on retrouve chez un bon nombre de Québécois, le dynamisme de nos petites et moyennes entreprises et le climat civilisé que l'on retrouve au sein des conditions de travail, du climat de travail au Québec. Ça aussi, M. le Président, a été fait alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne. nous savons, quatrièmement, que le québec est une terre de langue et de culture françaises. la création artistique y est exceptionnelle et le québec français participe avec éclat à la francophonie internationale. cela aussi, m. le président, a été fait alors que le québec était membre de la fédération canadienne.

Alors, par cette addition de ressources propres au Québec et au Canada, le Québec est devenu, à l'intérieur du Canada, une société moderne, juste et développée. En fait, nous sommes devenus une société de langue et de culture françaises, cette société qui, aujourd'hui, est l'objet de notre fierté.

M. le Président, avant de terminer, j'aurais peut-être quelques remarques à nos opposants d'aujourd'hui et de demain, en leur demandant: Qui sont-ils pour dire comment négocier, après le boulet qu'ils traînent depuis 1981? Qui sont-ils pour nous dire qu'on ne se tient pas debout, alors que plusieurs d'entre eux, qui sont ici aujourd'hui devant nous, ont abandonné leurs chefs successifs dans les moments les plus pénibles? Qui sont-ils pour venir nous parler d'économie, alors que dans l'espace de sept à huit ans on a sextuplé la dette du Québec? Enfin, qui sont-ils pour nous parler de recul, alors qu'ils n'ont jamais obtenu l'ombre de l'entente que nous avons présentement sur la table?

Rappelons-nous une seule chose, M. le Président: Nous ne pouvons juger l'entente que par ce à quoi elle s'oppose. Alors, il faut la juger par rapport à l'indépendance du Québec. Dans ce contexte, j'accepte cette entente parce que je ne veux pas vivre dans l'incertitude qu'entraînerait inévitablement l'indépendance du Québec. Bref, M. le Président, le 26 octobre prochain, je dirai oui à l'entente constitutionnelle parce que je dis oui à l'efficacité, oui à la sécurité, oui à l'ouverture, oui à la solidarité, oui à la force du plus grand nombre. Je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Gaspé. Nous sommes toujours sur le débat sur la question référendaire. Je cède la parole à M. le ministre de la Main-d'oeuvre, de la Sécurité du revenu et de la Formation professionnelle. M. le ministre.

M. André Bourbeau

M. Bourbeau: Merci, M. le Président. Les sociétés modernes se développent dans la mesure où leur économie est performante. En définitive, le progrès social et culturel d'un pays demeure tributaire de la vivacité de son économie. Les plus grands projets politiques qui ne reposent pas sur une assise économique solide échouent fatalement. On est toujours rattrapé par la réalité implacable de l'économie. Au cours de la campagne référendaire qui commencera dans quelques jours, il sera forcément question d'économie. De ce côté-ci de l'Assemblée nationale, nous attachons une très grande importance aux impacts économiques des décisions que la population du Québec doit prendre. Nous allons donc en parler, et en parler sobrement, M. le Président.

Au lendemain du référendum, le ciel ne tombera sur la tête de personne. La sécurité économique du Québec ne se joue pas totalement dans un scrutin ou un référendum. Je n'adhère, personnellement, à aucune chapelle qui prêche soit le fatalisme apocalyptique ou le romantisme économique à l'eau de rose. Au lendemain du référendum, le Québec devra continuer à se battre pour obtenir sa place au soleil de la prospérité. Ce combat, il sera exigeant et requerra des efforts constants. Si tout ne se jouera pas en un tournemain, on doit cependant choisir les situations qui nous avantagent, qui accroissent nos chances de progresser, de prospérer. L'entente constitutionnelle sur laquelle nos concitoyens sont appelés à se prononcer réunit les conditions propices au redressement durable de l'économie du Québec.

La ratification de l'entente est susceptible en premier lieu de lever une hypothèque qui pèse lourdement sur le potentiel économique du Québec, celui de l'incertitude constitutionnelle. Tous les milieux financiers qui parlent avec objectivité vous diront que l'incertitude qui plane toujours sur le statut éventuel du Québec nuit à son économie. Cette incertitude accroît la nervosité des marchés financiers, fait hésiter certains investisseurs et fait reporter à plus tard des projets d'expansion, de modernisation ou encore d'implantation industrielle.

Bien sûr, ce n'est pas la Yougoslavie ou la Lituanie. Québec n'est pas Sarajevo ou Vilnius. Il possède des actifs, une assise industrielle certaine, une main-d'oeuvre compétente et productive, des institutions publiques et privées solides et un passé démocratique sécurisant. Tout cela met en quelque sorte le Québec à l'abri de folles déviations politiques, sociales et économiques.

Non, l'incertitude constitutionnelle se manifeste plus insidieusement. Elle mine petit à petit, sans coup d'éclat scandaleux ou spectaculaire, la santé financière du Québec et sa capacité d'uti-

User pleinement son potentiel. Les observateurs constatent en effet que le Québec constitue l'un des endroits privilégiés pour les investisseurs. On y trouve une fiscalité, des individus et des entreprises hautement compétitives, résultat des efforts de rationalisation des dépenses publiques que nous avons déployés depuis 1986.

Le Québec excelle sur les marchés mondiaux, dans des domaines d'avenir. Il est en train de restructurer son industrie manufacturière pour faire face rapidement à la concurrence internationale. Le Québec est la province canadienne qui affiche l'attitude la plus positive et probablement la plus agressive à l'égard de la libéralisation des échanges, ce qui devrait lui donner une bonne longueur d'avance. La main-d'oeuvre québécoise, même si elle a des besoins importants de perfectionnement et de développement, demeure compétente et démontre des taux de productivité fort séduisants pour les investisseurs. Enfin, le Québec a élu un gouvernement qui place l'économie en haut de ses priorités et qui a un discours cohérent en matière économique. La convergence de toutes ces conditions favorables devrait favoriser une croissance économique soutenue. (11 heures)

Alors, M. le Président, pourquoi le taux de chômage ne baisse-t-il pas plus significativement? Pourquoi, en dépit d'un potentiel incroyable, l'économie du Québec progresse-t-elle plus lentement qu'on ne le souhaiterait? Loin de moi l'idée de jouer au simplisme. Il n'y a sans doute pas une seule raison, mais on doit reconnaître en toute objectivité qu'aussi longtemps que nous allons entretenir la pagaille constitutionnelle, les efforts dévolus au redressement de l'économie québécoise risquent d'être vains. Le doute ou l'incertitude constitutionnelle représente une sorte d'agacement lancinant, un irritant, une inhibition qui entraîne un gaspillage d'énergie et qui ralentit l'élan du Québec. Il faudra donc un jour regarder la réalité bien en face, se dire, M. le Président, qu'il y a un prix à ce jeu où l'on reporte toujours à plus tard la prise de vraies décisions. Le mieux est l'ennemi du bien, se plaît-on à dire. À trop rechercher la solution parfaite, à refuser toute entente parce qu'elle ne permet pas au Québec d'accéder à toutes ses demandes, on se cantonne dans un statu quo qui est en train de nous alanguir, de nous faire prendre des reculs, de nous faire rater des virages significatifs. Nous ne pouvons plus nous permettre ce genre de gaspillage. Refuser de prendre une décision, attendre le grand soir avant d'agir, c'est précisément prendre la décision de glisser presque fatalement dans la médiocrité. Ne jouons pas à l'autruche. Le Québec et le Canada perdent du terrain aux plans de la productivité et de la compétitivité. Ces tendances sont lourdes de conséquences, dans un univers dominé par la concurrence. Il vient un moment où le silence du Québec parle énormément, devient une négation d'envisager les conséquences économiques d'un refus global.

Avec l'entente constitutionnelle conclue entre les premiers ministres et les leaders autochtones, nous avons la chance, qui ne se représentera sans doute pas de sitôt, de sortir de cette impasse. Nous pouvons lever l'hypothèque que représentent nos hésitations constitutionnelles de longue date. Nous avons l'occasion de mettre fin à un climat de méfiance et d'incompréhension en disant oui à l'entente constitutionnelle. Nous avons l'occasion de nous brancher fort honorablement en faveur du Canada tout en ayant l'assurance d'assumer pleinement notre différence, avec ce qu'elle représente de richesse et de potentiel de développement et d'affirmation.

Je suis d'accord avec ceux qui plaident qu'un non à l'entente constitutionnelle ne signifie pas nécessairement un oui à l'indépendance du Québec. C'est vrai que la question que nous avons devant nous ne cherche pas à savoir si les Québécois sont pour ou contre la souveraineté du Québec. Mais, cela étant dit, il ne faut pas pour autant banaliser le non à l'entente constitutionnelle, prétendre qu'il sera sans conséquence ou sans lendemain. Un non signifie, à tout le moins, que l'on n'a pas avancé d'un pas depuis le rapatriement unilatéral de la Constitution, en 1982, que l'on replonge dans la mélasse constitutionnelle, pour reprendre l'expression du chef de l'Opposition. Or, M. le Président, la mélasse, ça nuit aux mouvements, ça freine l'ardeur, n'est-ce pas?

J'ai déjà eu l'occasion d'exprimer ici, M. le Président, ce que l'entente constitutionnelle et les engagements politiques conclus entre les premiers ministres signifient pour le domaine de la main-d'oeuvre que j'ai l'honneur de défendre, de par les fonctions que j'occupe. Vous ne vous étonnerez sans doute pas que j'y revienne, parce que les accords conclus en cette matière illustrent très bien l'importance des gains que nous avons réalisés et les outils stratégiques qu'ils procurent au Québec. Le gouvernement du Québec et le gouvernement fédéral consacrent des sommes colossales dans le domaine de la main-d'oeuvre. Quand on additionne tous les budgets consacrés par les deux ordres de gouvernement aux personnes aptes au travail qui se trouvent, pour toutes sortes de raisons, privées d'emploi, on en arrive, cette année, à des dépenses de 9 600 000 000 $. Cela représente 5,5 % du produit intérieur brut au Québec. À titre de comparaison, je vous signale qu'en moyenne les pays membres de l'OCDE consacrent, en dépenses publiques, environ 3 % de leur produit intérieur brut à ce que les économistes appellent la politique du marché du travail. On fournit donc presque deux fois l'effort de la moyenne des pays industrialisés, et on récolte des performances moins intéressantes sur le plan de l'emploi et du développement de la main-d'oeuvre. Mais alors, pourquoi? Encore là, il y a plusieurs

raisons. Tout le monde s'entend cependant sur deux diagnostics évidents: le premier, une lourdeur et un fouillis administratif où deux gouvernements, fédéral et provincial, oeuvrent en même temps dans le même domaine, avec deux réseaux de fonctionnaires différents au Québec, deux réseaux qui se superposent, se dédoublent et souvent se heurtent ou se contredisent dans de coûteux tiraillements; et, deuxièmement, un engagement mitigé des partenaires du marché du travail que sont les patrons et les représentants des travailleurs.

L'entente constitutionnelle nous donne enfin les moyens de mettre fin au fouillis administratif tant décrié au Québec, dans le domaine de la main-d'oeuvre. Le gouvernement canadien se retirera donc du champ de la formation et du développement de la main-d'oeuvre. Nous pourrons enfin, en fusionnant les budgets, concevoir des programmes québécois de formation, de recyclage, d'adaptation, d'aide à l'emploi et de placement de la main-d'oeuvre en fonction de nos besoins à nous et des priorités que nous établirons. Il n'y aura plus de confusion ni de concurrence stérile entre des programmes québécois et des programmes fédéraux.

Cet exercice de conception des programmes québécois de main-d'oeuvre, nous allons le confier à nos partenaires du marché du travail, réunis au sein de la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre et des sociétés régionales de main-d'oeuvre que nous mettrons en place dans les prochains mois. Fini l'isolement des patrons d'un bord, des syndicats de l'autre, de l'éducation dans son coin et de l'administration de la main-d'oeuvre dans deux arènes, l'une provinciale et l'autre fédérale. Désormais, c'est en partenariat que nous allons travailler. Nous allons pouvoir canaliser vers nos priorités les budgets consacrés au développement de la main-d'oeuvre, et rechercher activement la complémentarité des interventions et des uns et des autres.

Pour raffermir cette simplification, nous avons obtenu un engagement politique à l'effet que la gestion du régime d'assurance-chômage soit unifiée, afin qu'il n'y ait plus qu'un seul réseau de main-d'oeuvre au Québec. Autrement dit, les chômeurs et les travailleurs du Québec n'auront qu'à se présenter à un seul endroit pour obtenir tous les services de formation, de placement, d'aide à l'emploi et d'assurance-chômage. C'est cela, le guichet unique dont nous parlons et que nous revendiquons. Ce regroupement administratif devrait nous faire économiser des dizaines de millions de dollars en frais d'administration, en mettant fin au fonctionnement parallèle souvent discordant de deux réseaux de main-d'oeuvre sur le territoire du Québec.

Quand on se compare aux autres pays de l'OCDE, au chapitre des dépenses administratives, on estime que l'économie ainsi réalisée pourrait atteindre 250 000 000 $ par année. Ce n'est pas rien, M. le Président. Par-dessus tout, l'entente constitutionnelle procure au Québec des outils indispensables à son développement économique, les outils qui lui permettront de définir et de contrôler sa politique d'emploi et de développement de la main-d'oeuvre. Ce qui distingue, de nos jours, les économies à fort potentiel de développement de celles dont l'avenir apparaît plus incertain, c'est le niveau de développement de la main-d'oeuvre, sa capacité de s'adapter aux changements rapides et constants, et son niveau de productivité qui demeure étroitement lié à sa compétence. Bien sûr, la formation, ce n'est pas une panacée, ce n'est pas, non plus, la pierre philosophale qui transforme le chômage en emploi. Mais c'est un ingrédient de base, c'est le levain sans lequel l'économie ne lève pas. (11 h 10)

Si la formation et le développement de la main-d'oeuvre ne constituent pas des gages absolus d'emplois, on peut affirmer en toute certitude que l'absence de formation et de développement de la main-d'oeuvre conduit inévitablement au chômage, au sous-emploi et à la précarité économique. Quand on dispose d'outils pour élaborer des politiques de main-d'oeuvre dynamiques et adaptées à notre réalité, quand on rassemble tous les budgets de développement de la main-d'oeuvre, quand on assoit ensemble les partenaires du marché du travail et qu'on leur confie le mandat stratégique d'élaborer et de gérer les programmes qui permettent de faire face aux défis d'aujourd'hui et de demain, on a entre les mains les leviers du développement économique durable. À nous de nous en servir à bon escient. À nous de tirer le maximum de profit de cet effet de levier.

Or, l'entente constitutionnelle remet au Québec ces instruments essentiels des politiques de main-d'oeuvre et, par là, les commandes de son développement économique. Allons-nous bouder l'offre, M. le Président? Il y a plus de 30 ans que le Québec revendique ce qui est maintenant sur la table. Jamais, et de très loin, une offre aussi complète n'a été soumise au Québec. Jamais le gouvernement fédéral, qui, à tort ou à raison, occupe le champ de la formation et du développement de la main-d'oeuvre depuis 1901, n'a offert de s'en retirer en offrant aux provinces, en l'occurrence au Québec, une compensation financière adéquate. J'oserais même affirmer, M. le Président, que jamais le Parti québécois, qui a réclamé à cor et à cri ce retrait fédéral, n'a espéré autant que ce que nous avons obtenu. Cette offre, elle est écrite en toutes lettres dans l'entente constitutionnelle. Alors, comment pourrions-nous faire la fine bouche? Comment pouvons-nous laisser passer la chance inespérée qui se présente à nous de pouvoir enfin faire le ménage dans les politiques de main-d'oeuvre?

Il nous restera, au lendemain du référendum, à retrousser nos manches, à fusionner et à simplifier les programmes fédéraux et québécois

de main-d'oeuvre, à regrouper les administrations et à harmoniser le régime d'assurance-chômage, qui demeure intact, avec les mesures de développement de la main-d'oeuvre. Cela ne se fera pas sans heurt, mais au moins on peut travailler dans la perspective d'une maîtrise d'oeuvre québécoise de ces questions et d'une complémentarité entre le développement de la main-d'oeuvre et l'assurance-chômage.

M. le Président, on ne devient pas prospère du jour au lendemain ou du simple passage d'un régime politique à un autre. Le référendum du 26 octobre, quel qu'en soit le résultat, ne produira pas de miracle qui déclenchera un boom économique soudain ou un cyclone dévastateur de notre économie. Il va cependant extraire du pied du Québec une épine, une épine qui ralentit son économie, ou encore enfoncer davantage cette épine, selon que le oui ou que le non l'emportera.

Nous sommes de ceux, M. le Président, qui veulent soulager l'économie du Québec des malaises qui font obstacle à sa course et à sa vitesse de croisière. C'est pourquoi nous dirons oui à la question que le gouvernement du Québec posera à la population le 26 octobre prochain. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre.

Je vous rappelle que nous sommes à discuter de la motion du premier ministre relativement à la question référendaire, et je reconnais, à partir de maintenant, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip en chef de l'Opposition officielle, en lui rappelant qu'il dispose d'une période maximale de 20 minutes.

M. Jacques Brassard

M. Brassard: Merci, M. le Président. J'aurai cependant l'occasion de revenir la semaine prochaine plus en détails sur les offres, ce qu'on appelle l'entente, ou sur le rapport des consensus de Charlottetown, un document non signé. Comme le signalait d'ailleurs, avec raison, le premier ministre cette semaine, ce n'est pas signé par les premiers ministres. Ils ne l'ont pas signé. C'est ce qui fait, d'ailleurs, et je commencerai là-dessus parce que je pense que c'est important que les Québécois le sachent, que ce qu'on a en face de nous - et, à cet effet-là, la décision prise par le président de la commission sur les offres est d'une importance capitale - ce qu'on a en face de nous, ce ne sont d'aucune façon des offres liant formellement le gouvernement du Canada et les provinces. Et la loi 150 est très claire là-dessus, puis on ne l'a pas amendée. L'amendement qu'on a apporté, c'est pour remplacer le référendum sur la souveraineté par un référendum sur les propositions constitutionnelles. Ces dispositions-là, sur lesquelles s'est appuyé le président Dauphin, n'ont pas été amendées.

La commission sur les offres devait apprécier, juger des offres à la condition que ces offres lient formellement le gouvernement du Canada et les provinces, c'est-à-dire obligent légalement le gouvernement du Canada et les provinces. La décision du président de la commission est très claire, très nette: ce qu'on a en face de nous, ce ne sont pas des offres liant formellement le gouvernement du Canada et les provinces. Par conséquent, j'en arrive même à dire, M. le Président, que le référendum qui va se tenir le 26 octobre prochain est entaché d'illégalité, puisque l'objet du référendum qui est soumis au choix des citoyens n'est pas conforme aux dispositions de la loi 150: ça ne lie pas formellement le gouvernement du Canada et les provinces. Malgré la plaidoirie du ministre responsable du dossier constitutionnel, ses talents de juriste ont été durement mis à l'épreuve, puisqu'il n'a pas réussi, d'aucune façon, en plaidant, à convaincre le président qu'il s'agissait d'offres liant formellement.

C'est donc un brouillon qu'on a en face de nous, un brouillon de contrat. Parce que c'est ça, finalement, une constitution, c'est un contrat qui régit les institutions d'une société. C'est donc important, parce que c'est pour longtemps. Ce sur quoi les Québécois auront à se prononcer, c'est un brouillon de contrat, avec toutes sortes de ficelles qui pendent. C'est 25 points au moins, au moins 25 points, dans ce contrat-là, sur 60, qui ne sont pas réglés, qui exigent des négociations ultérieures donnant suite à des accords politiques ou à des ententes administratives. C'est 25 points sur 60 qui ne sont pas réglés, puis on va demander aux Québécois de se prononcer là-dessus. Un véritable brouillon de contrat.

Il n'y a pas un Québécois, dans notre société, il n'y a pas un adulte le moindrement prudent, dans notre société, qui signerait un contrat avec autant de points non réglés, qui serait un brouillon de cette nature-là. Personne. Personne ne s'achèterait une maison, au Québec, si le contrat était dans l'état où sont les propositions constitutionnelles actuelles: 25 clauses pas réglées, autant de ficelles qui pendent, des textes flous, des textes juridiques qui n'existent pas, qui ne sont pas encore là. Il n'y a pas un citoyen normal, un adulte normal, au Québec, qui consentirait à signer un contrat libellé, formulé de cette façon-là. Et c'est ça qu'on demande aux Québécois. On leur demande, le 26 octobre: Dites donc oui à ce contrat bâclé, à ce brouillon de contrat. Ça n'a pas de bon sens. (11 h 20)

L'autre image que je pourrais prendre, M. le Président, c'est que le premier ministre, de façon très imprudente, est allé à Ottawa puis à Charlottetown signer un chèque en blanc. Le montant n'est pas dessus, le montant n'est pas écrit dessus, puis il demande aux Québécois de

l'endosser le 26 octobre. C'est ça, la situation devant laquelle on est présentement. Le premier ministre, imprudemment, a signé un chèque en blanc; le montant, on va l'écrire après. Puis il demande aux Québécois: Endossez donc ça, là, ce chèque en blanc. Ça n'a pas de bon sens! C'est clair que la réaction normale de prudence élémentaire d'un citoyen devant une telle proposition, c'est de dire: Non! Non, je n'endosserai pas un chèque en blanc comme ça. Ça n'a pas de bon sens. Puis, M. le Président, sur le fond des choses, parce que, quand on regarde ces propositions, ces prétendues offres, il y a quand même des remarques à faire.

En particulier en réponse au discours du ministre hier, je voudrais faire deux séries de remarques: la première porte sur les fameux droits de veto. Là, vraiment, on est en face d'une véritable fumisterie, d'une mystification de premier ordre, et je comprends pourquoi, là. C'est que, évidemment, ils ont quelque chose dans les mains qui n'est pas très vendable, qui n'est pas très défendable; alors ils ont monté un scénario de communication, une stratégie de communication pour essayer de vendre ça aux Québécois. Puis, l'un des axes de cette stratégie de communication, c'est d'agiter la collection de droits de veto. À un moment donné, il y en avait quatre, puis cinq puis, là, ils sont rendus à six. Le ministre se comporte comme un collectionneur d'épinglettes: Regardez, je suis rendu à six droits de veto. À la fin de la campagne, je ne sais pas combien il va en avoir: une douzaine peut-être.

Mais voyons ça de plus près. Je pense que ça mérite un examen sérieux parce que je vous le dis, moi, c'est une mystification, ça. On essaie de tromper le monde parce que, évidemment, avec un jargon comme celui-là, un jargon constitutionnel, ça permet de tromper le monde, de berner le monde; c'est très facile de tromper le monde en utilisant ce jargon-là. Le droit de veto, ah! montrer et faire croire au monde que c'est quelque chose d'extraordinaire, puis qu'on en a six. Imaginez! C'est extraordinaire, formidable comme protection. Voyons ça d'un peu plus près.

D'abord, remarques préliminaires. M. le Président, je veux bien qu'on continue d'utiliser l'expression «droit de veto», mais ce n'est pas vraiment ça dont il s'agit. En réalité, il s'agit de la règle d'unanimité. Vous savez, pour ceux qui nous écoutent, dans la Constitution, pour amender, modifier la Constitution, il y a deux procédures majeures: la première, c'est qu'il faut le consentement de 7 provinces qui représentent 50 % de la population. Dans le jargon, c'est ce qu'ils appellent le 7-50. Pour amender la Constitution, il faut que 7 provinces soient d'accord puis il faut que les 7 provinces qui sont d'accord représentent 50 % de la population. Si on a ça, on peut modifier la Constitution. Mais pas toute la Constitution. Il y a certains éléments dans la

Constitution qui, pour être modifiés, exigent l'unanimité. Il faut que tout le monde soit d'accord: les 10 provinces plus le gouvernement fédéral et le Parlement. S'il y en a une qui n'est pas d'accord, on ne peut pas. Ce n'est pas possible. Alors, c'est la règle de l'unanimité. Le ministre, lui, appelle ça le droit de veto du Québec. Le droit de veto du Québec, je vous signale que c'est aussi le droit de veto de l'île-du-Prince-Édouard, que c'est aussi le droit de veto de Terre-Neuve puisque c'est la règle de l'unanimité.

Voyons ça d'un peu plus près. Le ministre dit: J'ai récupéré le droit de veto sur la formule d'amendement. Faux! Faux! Faux! Le droit de veto sur la formule d'amendement existe depuis 1982. Il est là depuis 1982. Ça n'a jamais été perdu, donc, il n'a pas pu le récupérer. Il y en a un, ça, c'est sûr. Il peut arrêter de se vanter de ça, là, de se glorifier de ça; il ne l'a pas récupéré. C'était là, puis c'est toujours là.

Deuxièmement: J'ai récupéré le droit de veto sur le Sénat. C'est vrai. C'est vrai, sauf que, contrairement à ce qui se passait dans Meech, le Sénat va être réformé avant qu'on lui donne son droit de veto. Alors, il ne servira plus à rien. Le Sénat, la réforme du Sénat dont on parle, la réduction du nombre de sénateurs québécois de 24 à 6, une diminution considérable du poids politique du Québec au Sénat, ça, ça va se faire; ça va se faire. Ça va être fait, puis le droit de veto du Québec, le Québec ne pourra pas l'utiliser là-dessus. Une fois que la réforme du Sénat va être faite - puis elle est évidemment très défavorable au Québec - une fois qu'elle va être faite, là, le droit de veto ou la règle de l'unanimité va jouer. Ça va servir quand? À peu près jamais. Ça ne servira plus. C'est ce que j'appelle une vraie épinglette, hein! Une plaque murale. Il ne servira plus, ce droit de veto sur le Sénat. Il l'a récupéré, mais il l'a récupéré au mauvais moment. Il l'a récupéré pour après que la réforme aura été faite.

Troisièmement, le droit de... Ah! là, ça, c'est fort, ça. C'est fort, M. le Président! Dans son discours d'hier, le ministre a dit: J'ai récupéré le droit de veto sur l'entrée de nouvelles provinces. Ça, ce n'est pas vrai non plus. C'est faux. Et même son invité expert, hier, Patrice Garant, l'a contredit là-dessus. Il a dit: Non, non, le droit de veto sur l'entrée de nouvelles provinces, vous ne l'avez plus. On l'avait dans Meech mais on ne l'a plus. Les nouvelles provinces vont pouvoir être créées uniquement par décision unilatérale du Parlement fédéral. C'est dans l'accord. Il faudrait apprendre à lire, aussi. C'est un conseil que je lui ai donné hier aussi, en commission. Il désapprend à lire, le ministre. Il ne sait plus lire. Un retour à l'école primaire, en vertu des nouveaux programmes annoncés par le ministre de l'Éducation, ça pourrait lui servir. Ce droit de veto sur la création de nouvelles provinces, il ne l'a pas. Le droit de veto sur la

formule d'amendement, il ne l'a pas récupéré, ça existait déjà. Ça, ça fait deux qui viennent de sauter, là. Puis le droit de veto sur le Sénat, il devient inutile parce que le Sénat est déjà réformé.

Quatrièmement, le droit de veto sur l'immigration, qui était dans Meech, vous ne l'avez plus. Il a sauté aussi. Il a sauté aussi. Dans Meech, on prévoyait comment les pouvoirs concurrents du gouvernement fédéral et des gouvernements des provinces, dont le Québec... Parce que c'est un pouvoir concurrent, l'immigration, soit dit en passant. Il faut le signaler encore une fois, s'il y en a quelques-uns qui nous écoutent en cette Chambre ou ailleurs, le pouvoir sur l'immigration, ce n'est pas un pouvoir qu'on vient d'obtenir. L'article 95 de la Constitution de 1867... Ça va, M. le Président? L'article 95 de la Constitution de 1867 - ça fait 125 ans - accordait au Québec et aux provinces un pouvoir sur l'immigration, mais aussi au gouvernement fédéral, avec prépondérance des lois fédérales. C'est ce qu'on appelle un pouvoir concurrent. Ce n'est pas nouveau, ça, là. Ça fait 125 ans que ça existe. Les dispositions qu'on veut ajouter sur l'immigration, c'est qu'on veut essayer de délimiter les compétences, comment ce pouvoir concurrent va s'appliquer par voie d'entente. Eh bien! ces dispositions-là pourraient être amendées, modifiées en vertu de la formule 7-50, et le Québec n'a pas de droit de veto. Il y en avait un dans Meech. Oui, oui, il y en avait un dans Meech. Dans Meech, ça disait: Vous ne pourrez pas changer ça si toutes les provinces qui ont signé des accords sur l'immigration ne le veulent pas, dont le Québec. Si le Québec dit non, on est parmi les provinces signataires d'ententes sur l'immigration et on ne veut pas changer ces règles-là. Ça ne pouvait pas être changé. C'était dans Meech. Mais ce n'est pas dans l'entente actuelle. Perte du droit de veto en matière d'immigration. Ne le comptez pas. Le ministre le compte dans sa collection. Ne le comptez pas.

Le droit de veto sur la clause «nonobstant». Il a brandi ça encore une fois, hier. On a obtenu un droit de veto sur la clause «nonobstant», la clause dérogatoire. Bien, voyons donc! C'était là déjà. C'est là depuis 1982. La clause dérogatoire est là depuis 1982, et le droit de veto existe aussi depuis 1982. Vous n'avez pas récupéré ce droit de veto. Il y a un bout à conter des peurs au monde! Il y a un bout à mystifier le monde! Je n'utiliserai pas des termes non parlementaires, mais il y a des limites à dire n'importe quoi, à additionner les droits de veto pour impressionner le monde alors que ce n'est pas vrai. C'est faux. Il y en a au moins trois de ces supposés droits de veto récupérés qui existent déjà, qui sont déjà dans la Constitution depuis 1982. Il y en a un qui devient inutile, celui sur le Sénat. Il faut quand même être, je dirais, un peu rigoureux. Pour un ancien professeur de droit constitution- nel, on devrait s'attendre à un peu plus de rigueur.

(11 h 30)

Deuxième remarque, M. le Président, ça porte sur le partage des pouvoirs. Là aussi, on est en face d'une véritable mystification, mais je ne pense pas que ça ait beaucoup d'effets parce que le simple sens commun va prévaloir et le monde va bien s'apercevoir qu'en matière de partage des compétences le gouvernement du Québec, dans cette négociation, n'a rien obtenu du tout. Rien du tout. Aucun pouvoir nouveau. Aucune compétence exclusive nouvelle. La preuve est faite, la démonstration est faite, et c'est ce qui déchire d'ailleurs le Parti libéral. Vous savez très bien - je n'ai pas besoin de vous relire les textes, les déclarations de Jean Allaire, les déclarations et les documents signés par les jeunes du Parti libéral - sur quoi les dissensions se fondent au sein du Parti libéral. Ça se déchire sur quoi? Ça se déchire là-dessus. Ça se chicane là-dessus, sur la question du partage des pouvoirs.

Allaire, les jeunes, plusieurs libéraux dissidents qui ont démissionné de l'exécutif du Parti libéral, pourquoi ils ont fait ça? Pas pour la question des droits de veto, pas pour la question de la société distincte, c'est une espèce de bibelot plus ou moins utile. Pour la question centrale des compétences, du partage des pouvoirs. C'est pour ça qu'ils vont voter contre les propositions constitutionnelles. Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de nouvelles compétences. Il n'y en a pas une. Pas une seule nouvelle. C'est important de le signaler et c'est important que les Québécois le comprennent. Et non seulement il n'y en a pas une seule, non seulement le mieux qui puisse nous arriver en matière de partage des compétences, c'est le statu quo, mais, à bien des égards, on recule en matière de partage des pouvoirs. On recule. On recule, je vais vous dire, sur deux points.

Le premier point qui est capital, on recule parce qu'à plusieurs endroits dans le document on reconnaît explicitement et on constitution-nalise le pouvoir du gouvernement fédéral de dépenser de l'argent dans des secteurs de compétence exclusive des provinces. Ça, ce n'était pas reconnu dans la Constitution. Ça ne l'a jamais été. Je ne veux pas dire que le gouvernement fédéral ne l'a pas appliqué. Au contraire, ça fait 50 ans et plus que le gouvernement fédéral a envahi à peu près tout ce qu'il y a de compétences exclusives des provinces, avec le résultat, d'ailleurs, que c'est le gouvernement probablement le plus endetté de la planète, qui est en banqueroute technique, parce que, quand on dépense de l'argent tous azimuts comme ça, dans tous les domaines, y compris surtout ceux qui relèvent des provinces, bien, ça prend de l'argent. Ça prend beaucoup d'argent. Ça veut dire beaucoup de taxes, beaucoup d'impôts, c'est des gros déficits et il y a un

endettement, là, faramineux. La situation actuelle est là.

Ça, c'est important parce qu'il y en a qui nous disent: Ah! la Constitution, ça ne concerne pas le monde, ça. Ça ne concerne pas le monde. Ah! Ah! je regrette. Ça concerne le monde comme contribuables, payeurs de taxes et d'impôts. Pourquoi on est devant une situation qui est un véritable fouillis, actuellement, une situation d'endettement extraordinaire, scandaleux des gouvernements? Pourquoi on est devant cette situation-là, des déficits astronomiques? En très grande partie parce que le gouvernement fédéral, utilisant son pouvoir de dépenser, a envahi à peu près tout ce qu'il y a de domaines connus dans la société, initiant des programmes et dépensant de l'argent. Et, quand les gouvernements dépensent de l'argent, l'argent, ils ne le prennent pas sur la planète Mars, ils le prennent dans la poche des contribuables. Alors, les citoyens qui m'écoutent, qui s'imaginent que la question constitutionnelle, ça ne les concerne pas, ça les concerne directement comme payeurs de taxes et d'impôts.

Et ça ne règle rien, ce qu'on a sur la table. Ça ne règle rien du tout. Ça ne règle pas la question des déficits et ça ne règle pas la question des endettements. Ça ne fait que constitu-tionnaliser la chicane. Ça ne fait que constitu-tionnaliser le taponnage, le zigonnage, mais ça ne règle rien, et les payeurs de taxes du Québec ou d'ailleurs vont continuer d'avoir un fardeau fiscal très lourd, une charge fiscale très lourde pour financer ce fouillis-là, ces dédoublements, ces chevauchements, financer les ingérences et les invasions du fédéral dans des domaines sup-posément de compétence exclusive du Québec. On y reviendra, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Lac-Saint-Jean. Sur le même sujet, je cède maintenant la parole à M. le député de Trois-Rivières. Vous avez droit, M. le député, à une période maximale de 20 minutes.

M. Paul Philibert

M. Philibert: Merci, M. le Président. C'est avec beaucoup de plaisir, M. le Président, que je m'adresse à cette Chambre, ce matin, de même qu'à mes concitoyens et concitoyennes de Trois-Rivières et à l'ensemble des Québécois et Québécoises pour leur dire que je vais voter oui à la question référendaire.

Je vais voter oui tout d'abord parce qu'il m'apparaît important de préserver le Canada géographique. Il m'apparaît important, pour le Québec, d'être partie prenante dans le développement de ce territoire, dans le développement de ce pays qui est parmi les sept pays les plus industrialisés au monde, un des sept pays les plus enviés de la planète par sa qualité de vie, par les libertés qu'on y retrouve et par la possibilité de voir ses composantes se développer en sécurité. Ce pays doit se définir maintenant... À l'intérieur de ce cadre géographique doivent habiter des citoyens qui sont régis par des organisations politiques qui les représentent adéquatement.

Nous avions choisi, en 1867, une fédération avec des pouvoirs qui avaient été déterminés aux provinces et avec des pouvoirs qui avaient été déterminés au gouvernement central. Et le pays s'est développé. Les provinces se sont développées. Le système s'est adapté, mais on est arrivés, depuis les 30, 50 dernières années, à une évolution plus rapide, à des exigences plus pointues des différentes composantes, de ce pays-là. Le fédéralisme qui, dans sa définition même, est une organisation politique qui répond aux besoins de l'heure, qui s'adapte donc, qui est dans une mouvance constante pour refléter les intérêts de ses composantes, a dû évoluer, mais pour le Québec il y eut des frustrations, il y eut des difficultés. Le Québec a toujours eu des demandes spéciales pour tenir compte de sa spécificité, et nous en sommes arrivés au référendum de 1980 où les gens ont dit non à la séparation, ont dit oui au fédéralisme. Nous en sommes arrivés à l'échec de la négociation par le Parti québécois et là le Parti libéral est arrivé au pouvoir.

Nous avions conclu Meech qui est devenu, malgré que l'Opposition ait voté contre, pour le Parti libéral, pour le gouvernement comme pour l'Opposition, comme pour l'ensemble des Québécois et des Québécoises, le test de la fierté du Québec pour réintégrer la Confédération canadienne. C'est tellement vrai que c'était devenu le test que ce que les gens veulent qu'on leur dise aujourd'hui, ce qu'ils veulent qu'on leur explique aujourd'hui, c'est: Est-ce que vous êtes certain que l'entente de Charlottetown reflète exactement ce que Meech était? L'inquiétude n'est pas de savoir: Est-ce qu'on va voter oui ou non? Les gens veulent voter oui et ils veulent avoir la certitude que l'entente agréée reflète ce que Meech donnait comme espoir aux Québécois et aux Québécoises. (11 h 40)

Eh bien, M. le Président, l'entente de Charlottetown, c'est Meech plus. Il y avait deux objectifs fondamentaux dans cette négociation: assurer la sécurité du Québec d'abord et avoir les outils nécessaires pour notre développement culturel et économique. Nous avons réussi a avoir les garanties qui nous permettent de dire haut et fort aujourd'hui: Le Québec sera en sécurité dans la nouvelle Fédération canadienne, parce que nous avons obtenu la reconnaissance de la société distincte, nous avons récupéré, malgré ce qu'en dit l'Opposition, le droit de veto et nous avons également, en termes de sécurité, des garanties constitutionnelles en termes d'immigration qui vont nous permettre de maintenir le fondement de notre culture, mais qui vont nous

permettre également de maintenir le plus possible notre poids démographique dans la Confédération canadienne.

En plus, M. le Président, nous avons la garantie constitutionnelle assortie du droit de veto inclus dans la clause Canada pour la protection de la langue française, ce qui nous différencie, la définition même de la société distincte. L'Opposition nous reprochait, à Meech, de ne pas avoir décrit la société distincte et d'avoir laissé aux tribunaux le soin de l'interpréter. Nous avons négocié et obtenu des paramètres qui sont assez précis pour rassurer l'ensemble des Québécois et des Québécoises.

La clause Canada reconnaît trois éléments essentiels à la société distincte, c'est-à-dire la langue française au Québec - on sait que le Québec est le foyer de la langue française - le Code civil du Québec - y a-t-il, au plan de la démocratie, quelque chose de plus représentatif de la distinction du Québec que le Code civil, par rapport au «common law» dans le Canada anglophone? - et cette culture, également unique au Québec, en troisième lieu, qui est incluse dans cette définition globale de la société distincte. Donc, le Québec a l'assurance de la sécurité.

En ce qui concerne le partage des pouvoirs, M. le Président, on sait qu'une fédération est composée d'un gouvernement central et de gouvernements provinciaux qui adhèrent à la fédération. Il s'est développé au fil des ans, M. le Président, un courant centralisateur important et le gouvernement fédéral décidait d'intervenir dans les champs provinciaux, parfois sans consultation, parce que le besoin lui semblait identifié. Et les interventions fédérales ne correspondaient pas toujours aux besoins essentiels qui étaient ressentis, qui étaient voulus par les gouvernements provinciaux. Et cette politique de centralisation a été incarnée pendant plusieurs années par l'ancien premier ministre, Pierre Elliott Trudeau, qui, au plan idéologique, a droit à cette pensée-là et qui, d'ailleurs, l'a mise de l'avant avec beaucoup de détermination. Mais ce qui me rassure dans l'entente constitutionnelle, c'est que la rumeur veut que Pierre Elliott Trudeau soit contre l'entente constitutionnelle que nous avons présentement parce que c'est l'entente qui concrétise la décentralisation définitive et permanente, qui rend le fédéralisme dans lequel nous vivions - un fédéralisme qui était rigide - souple et capable de s'adapter aux besoins des différentes composantes, aux besoins des provinces. Alors, si Pierre Elliott Trudeau, le centralisateur, est contre cette entente-là, c'est qu'il n'accepte pas cette grande décentralisation que le premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, est parvenu à aller négocier à Charlottetown.

Et cette décentralisation-là, M. le Président, s'explique de la façon suivante. Dans les pouvoirs partagés, le gouvernement du Québec a la garantie constitutionnelle de son droit d'«opt- ing out». Ça recoupe d'abord le concept de la société distincte parce que, s'il y a des orientations qui ne correspondent pas à ce qu'on souhaite pour le Québec, nous pourrons nous retirer. Et c'est constitutionnalisé. Alors, c'est le fondement même de ce que doit être une décentralisation, de se retirer avec une compensation financière. Et, à ce que je sache, nos amis d'en face, dans leur livre bleu, avaient consacré cet aspect-là de la décentralisation qui, maintenant, va être consacré constitutionnellement.

Dans les pouvoirs exclusifs provinciaux on sait - M. le Président, vous me faites signe qu'il me reste deux minutes, alors je vais aller rapidement - que le gouvernement fédéral s'est ingéré par ses sociétés, par des interventions dans différents secteurs d'activité. Mais nous avons, M. le Président, la garantie constitutionnelle de négocier des ententes pour baliser, selon les objectifs du Québec, l'intervention du gouvernement fédéral dans des domaines qui sont exclusivement provinciaux. Ça veut dire, en clair et en net, M. le Président, que le Québec est le maître d'oeuvre, le maître de son développement chez lui. Ça veut dire que le fédéralisme s'est adapté à ce que doit être le fédéralisme, c'est-à-dire une formule d'interrelations politiques souples qui saura s'adapter aux besoins des composantes.

Et, M. le Président, je conclus en vous disant que le XXIe siècle nous convie à nous occuper d'un capital qui est extrêmement important, c'est le capital humain, c'est notre main-d'oeuvre. Constitutionnellement, M. le Président, le Québec se voit donner le pouvoir de former et de développer sa main-d'oeuvre et, donc, d'adapter ses programmes de développement aux besoins de sa spécificité, aux besoins du génie québécois. Et, en plus, il y aura une entente administrative dans un complément pour une congruence de la formation et du développement de la main-d'oeuvre. Dans le dossier de l'assurance-chômage, une entente interviendra pour qu'on puisse intégrer tout cet aspect de la main-d'oeuvre. Mais nous n'avons pas réclamé la responsabilité constitutionnelle de l'assurance-chômage parce qu'il nous en aurait coûté 1 000 000 000 $ supplémentaires.

M. le Président, c'est avec beaucoup de fierté, d'enthousiasme et de conviction que je dis aux Trifluviens et aux Trifluviennes, aux Québécoises et aux Québécois qu'il faut adhérer fièrement à cette entente, parce que cette entente fait du Québec un Québec fort, un Québec fier, fier d'être partenaire à part entière, sûr de lui-même parce que les protections dont il avait besoin, il les a, et outillé, M. le Président, pour affronter le défi des années deux mille, pour affronter le défi du XXIe siècle. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Trois-Rivières. Sur la même motion,

je cède la parole à M. le député de Richmond et ministre délégué à l'Agriculture, aux Pêcheries et à l'Alimentation. M. le député.

M. Yvon Vallières

M. Vallières: Merci, M. le Président. C'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui dans le cadre de ce débat entourant l'adoption de la question référendaire qui sera soumise à la population québécoise le 26 octobre prochain.

Il s'agit d'une étape décisive dans l'histoire du Québec. Il importe donc que la population puisse faire un choix éclairé, un choix objectif basé sur les véritables éléments et enjeux de l'accord du 28 août dernier car notre avenir politique, en réalité, M. le Président, c'est là le thème central du débat référendaire.

Un oui à l'entente du 28 août dernier nous permettra de faire un pas important en avant, un pas dans la bonne direction pour continuer à assurer la prospérité et le développement du Québec. Un non signifierait un recul inacceptable privant encore pour longtemps les Québécois et Québécoises d'outils essentiels à leur développement. La population se doit donc de faire un choix, un choix sur des éléments concrets et non sur l'inconnu, sur le vague, comme le propose le Parti québécois, avec son projet d'indépendance pour le Québec. (11 h 50)

Dans cette optique, il importe que la vérité soit connue, que les véritables enjeux soient connus. La population ne peut se laisser berner par ces marchands d'illusions dont plusieurs sont ici en cette Chambre ou à l'extérieur de cette Chambre. Ils oublient totalement que le Québec a évolué positivement et s'est même démarqué avantageusement à maints égards dans la Fédération canadienne. Bien sûr, notre évolution est due en grande partie aux moyens que nous nous sommes donnés et, le 28 août 1992, nous en avons obtenu d'autres. C'est là-dessus que la population sera appelée à se prononcer, soit afin d'accepter ces nouveaux moyens, ces nouveaux outils, ou de les rejeter. Par contre, les rejeter, comme le propose le Parti québécois, serait lourd de conséquences pour l'évolution politique et économique du Québec.

Notre engagement, de ce côté-ci de la Chambre, est clair. Nous voulons que le Québec redevienne un partenaire à part entière de la Fédération canadienne. Nous voulons que le Québec prenne la place qui lui revient. Évidemment, les gens d'en face, les représentants de l'Opposition et leurs compagnons de fortune du Bloc québécois, à Ottawa, ne répandent qu'une vision négative du Canada. Ils se refusent à reconnaître les gains majeurs obtenus dans l'entente du 28 août dernier par le premier ministre du Québec, l'honorable Robert Bourassa. C'est clair, ils ne veulent que l'éclatement du pays et rien d'autre. Et, quelle que soit l'en- tente, ils tiendront toujours le même discours. Ils trompent la population québécoise, ils l'induisent volontairement en erreur.

Il importe donc d'exposer les faits réels. Il faut reconnaître que le Québec, à l'intérieur du Canada, est devenu une société moderne et juste, qui a su se doter, au fil de son histoire, des outils pour assurer son développement, une société québécoise qui fait l'envie de bien d'autres et qui, pour nous, Québécoises et Québécois, représente l'objet de notre fierté. Il faut voir les choses comme elles sont et non pas comme les indépendantistes qui n'agissent qu'en fonction du désir émotif d'un soi-disant beau risque. Or, M. le Président, on ne peut pas jouer de risque lorsqu'il s'agit de notre avenir collectif.

Il faut reconnaître que le Québec jouit d'une qualité exceptionnelle de vie démocratique. Ne dit-on pas que le Québec est le berceau de la démocratie en Amérique du Nord? Encore cette semaine, l'ex-secrétaire des Nations unies, M. Perez de Cuellar, en témoignait dans le cadre du Symposium sur la démocratie. Cette réputation enviable n'a-t-elle pas été acquise en régime fédéral? Par ailleurs, le Québec est une terre de liberté. Celle-ci est protégée par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés de la personne, et cela a été fait alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne.

Il faut reconnaître que le Québec s'est donné un ensemble complet de mesures de protection sociale. Je vous mentionne simplement les allocations familiales, la gratuité des services de santé, la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, les régimes de pension et de retraite, l'assurance-hospitalisation, la gratuité des services juridiques, la gratuité du système d'éducation, la protection des consommateurs, l'aide sociale, la sécurité du revenu, et combien d'autres. Et tout cela, M. le Président, alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne. Ce sont là des acquis que nous nous sommes donnés à l'intérieur d'un régime fédéral.

Il faut reconnaître que le Québec a atteint un niveau de développement économique qui se compare avantageusement avec les pays les plus performants sur la scène internationale. Le Québec constitue un exemple d'économie moderne et développée, productive, structurée et complète. Notre vitalité économique s'est développée dans un environnement favorable et les principaux intervenants économiques, développeurs et investisseurs, vous le diront. Le résultat, nous le voyons par la présence de grandes entreprises manufacturières et de services, par un réseau de PME et d'entrepreneurs dynamiques, par des relations de travail civilisées, par une situation découlant d'une infrastructure d'accueil avantageuse et un positionnement stratégique face au marché nord-américain et, voire même, aux marchés mondiaux.

Nous sommes en avance à plusieurs égards, et cela, rappelons-le, alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne.

Il faut reconnaître que le Québec est le berceau de la langue et de la culture françaises en Amérique du Nord. Par ailleurs, la création artistique y est exceptionnelle. Le Québec exerce aussi un leadership certain face aux activités de la francophonie internationale, tout cela encore, M. le Président, dans un contexte, alors que le Québec était et demeure membre de cette Fédération canadienne. Ces arguments prouvent qu'au fil des ans - et cela, quoi qu'en disent nos adversaires séparatistes d'en face - le Québec a su se développer avantageusement à l'intérieur du Canada. Il faut le dire et le reconnaître, au-delà de certaines faussetés qui servent de base à la démarche du Parti québécois.

Il est donc primordial que nous prenions la place qui nous revient à l'intérieur de la Fédération, et c'est ce que nous assure l'entente du 28 août dernier. Notre position est connue, elle est claire et réaliste. C'est pourquoi nous avons formulé cinq conditions minimales d'adhésion à la Constitution canadienne. Ces cinq conditions furent, à l'époque, la base de l'accord du lac Meech, une base très acceptable, non pas vue comme une finalité, mais bien comme une pierre d'assise répondant aux besoins évolutifs du Québec. En fait, une base, un résultat que le Parti québécois lui-même n'a jamais réussi à obtenir du gouvernement fédéral, malgré ses menaces d'indépendance et l'élaboration d'une stratégie axée - on s'en souvient tous - sur le beau risque. Cette base, nous l'avons retrouvée dans l'entente du 28 août 1992.

La nouvelle entente marque un progrès substantiel, une réalisation concrète pour le Québec. En tout état de fait, cette nouvelle entente est encore meilleure que celle du lac Meech, et c'est pour cela que je dirai oui à l'avenir du Québec, oui à cette entente du 28 août 1992, oui, oui, et encore oui, M. le Président. Oui, parce que le Québec est reconnu comme une société distincte et unique au sein du Canada. D'ailleurs, cette reconnaissance ne se limite pas au préambule, mais couvre l'ensemble de la Constitution. Le gouvernement du Québec aura désormais le rôle de protéger et de promouvoir cette société distincte, caractérisée par son droit civil, sa culture unique et sa langue française. Je dirai oui, parce que le Québec devient responsable de la sélection et de l'intégration linguistique, culturelle et sociale des immigrants sur son territoire, afin qu'ils puissent bâtir avec nous une société reflétant nos aspirations collectives.

Je dirai oui, M. le Président, parce que le Québec pourra dorénavant se retirer de tout nouveau programme fédéral cofinancé par les provinces et obtenir la compensation financière qui lui revient. Je dirai oui, parce que le consentement du Québec sera nécessaire pour effectuer des changements à la Cour suprême du Canada, quant à son existence et à ses pouvoirs. Je dirai oui, parce que, avec l'entente du 28 août dernier, nous obtenons la garantie absolue que trois des neuf juges qui siégeront à cette Cour, soit 33 %, seront des juges québécois. Nous obtenons, là encore, une sécurité complète sur l'un des aspects fondamentaux pour l'avenir du Québec. Je dirai oui, M. le Président, parce que le Québec récupère son droit de veto, abandonné par le Parti québécois en 1981, un droit de veto sur le Sénat, un droit de veto sur la représentation de 25 % des députés québécois à la Chambre des communes, un droit de veto sur la formule d'amendement, un droit de veto sur la formulation des nouvelles provinces, un droit de veto sur la société distincte et un droit de veto sur la clause «nonobstant». Au total, donc, six droits de veto que nous récupérons afin d'assurer la protection des intérêts québécois. Ces veto représentent des atouts majeurs, et nous réparons l'erreur grossière du Parti québécois de 1981.

Il y a plus, M. le Président. Oui, le temps est venu de démontrer qu'avec la nouvelle entente le Québec obtient non seulement les garanties d'avenir conclues dans Meech, mais davantage. Oui, le temps est venu de mettre un terme à cette propagande qui est véhiculée par nos amis d'en face qui, de toute façon, n'ont qu'une seule idée en tête: l'indépendance pure et simple, la séparation du Québec.

Oui, M. le Président, l'entente du mois d'août nous offre des gains majeurs, dans plusieurs domaines extrêmement importants pour notre évolution collective. À ce chapitre, je veux rappeler que Québec est assuré d'avoir un minimum de 25 % des députés à la Chambre des communes, et cela, même si la population du Québec devait représenter un jour moins de 25 % de la population canadienne. D'autre part, les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de langue sont pleinement assurés, tout en respectant les droits des Québécoises et Québécois anglophones et ceux des différentes communautés culturelles. (12 heures)

N'en déplaise, M. le Président, au député de Lac-Saint-Jean qui m'a précédé il y a quelques minutes. Avec la nouvelle entente, le Québec s'assure de nouveaux pouvoirs qui n'étaient même pas inclus dans l'entente du lac Meech. Qui osera dire maintenant que le Québec s'est fait avoir, que le Québec va devenir une province comme les autres, avec moins de pouvoirs? Ce serait une fausseté que de le prétendre, M. le Président. Ceux qui, en 1981, ont hypothéqué notre avenir collectif comme jamais un gouvernement ne l'avait fait auparavant devraient regarder de plus près cette nouvelle entente qui marque un progrès réel en matière de partage des pouvoirs.

Mais qu'avons-nous obtenu? La formation et

le perfectionnement de la main-d'oeuvre deviennent clairement de compétence exclusive du Québec. Ainsi, avec l'éducation et la main-d'oeuvre, le Québec aura dorénavant le contrôle de la formation de l'ensemble de ses ressources humaines. Et, en ce qui concerne la culture, elle devient aussi une compétence exclusive du Québec. L'aide du gouvernement fédéral à nos artistes devra se faire dans le respect de la politique culturelle du Québec. Je veux rappeler que le tourisme, les forêts, les mines, les loisirs, le logement et les affaires municipales sont de compétence exclusive du Québec, et cela même si certains programmes de ces secteurs sont financés par le fédéral. Il s'agit là de gains majeurs. Grâce à la nouvelle entente, le Québec pourra demander au gouvernement fédéral de se retirer de ces programmes et obtenir pour chacun d'eux pleine compensation financière.

Enfin, en matière de développement régional, les ententes où le Québec est maître d'oeuvre seront protégées en étant incluses dans la Constitution. La mise en place de ce mécanisme permettra de répondre aux besoins spécifiques du Québec et de garantir que le gouvernement fédéral respectera ses engagements.

M. le Président, le temps est donc venu de mettre fin à ce que j'appelle cette propagande véhiculée par les gens d'en face, par le Parti québécois et leurs acolytes de fortune du Bloc québécois à Ottawa. Le non qu'ils proposent à la population signifie, en fait, un recul important pour l'avenir du Québec. Ce non signifierait, même si le Parti québécois tente de le cacher, un vote pour la séparation du Québec. Ce non signifierait une longue période d'incertitude qui serait marquée par un déséquilibre, un déséquilibre absolument catastrophique aux plans économique, politique et constitutionnel pour le Québec. Vous savez, M. le Président, le seul objectif qu'ont les gens d'en face est de détruire le système en place. Pour ma part, lorsque le 26 octobre on me demandera: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août dernier?» je répondrai oui, M. le Président. Oui, j'accepte cette entente issue d'un consensus national. Oui, j'accepte que la base des revendications traditionnelles du Québec soit reconnue par tous nos partenaires à travers le Canada. Oui, j'accepte les éléments de sécurité et de protection garantis au Québec. Oui, j'accepte ce fédéralisme évolutif qui tient compte des besoins du Québec. Oui, j'accepte la stabilité économique.

En terminant, M. le Président, je suis confiant que, lorsque l'entente sera soumise au jugement de la population du Québec, elle recevra l'appui de la majorité qui dira: Oui, j'accepte les outils de développement que le Québec se donne pour construire l'avenir dans un climat de confiance à l'intérieur du Canada. Je suis fier de cette entente, M. le Président, fier du Québec dont je suis persuadé de défendre les intérêts en m'associant à tous ceux et celles qui croient en l'avenir de ce pays et en notre capacité, comme Québécois et Québécoises, de contribuer à l'édification de ce pays et d'y jouer un rôle prépondérant, dans les meilleurs intérêts de tout le Québec. Merci.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Sur le même sujet, je cède la parole à M. le député de Masson. Vous avez droit a une période de 20 minutes.

M. Yves Blais

M. Blais: Merci beaucoup, M. le Président. Nous parlons aujourd'hui de la question référendaire. Juste avant le départ, je veux dire que nous sommes souverainistes de notre côté. C'est vrai. Quel que soit le résultat de ce référendum, nous serons toujours souverainistes. Ceci dit, nous aurions aimé et nous aurions voulu, comme le gouvernement, un temps, que la question porte sur la souveraineté. Le gouvernement a décidé que cette question ne porterait pas sur la souveraineté, mais porterait sur autre chose. Et voici la question. Il faut la lire avec attention, cette question. Certains experts l'ont analysée. On leur a demandé: Est-ce que cette question favorise plus le oui que le non? C'est la seule analyse qui a été faite et, cette analyse-là, je la laisse tomber. Mais je vais étudier le texte: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?»

Des voix: Oui. Des voix: Ha,ha, ha! M. Blais: Acceptez-vous... Une voix: Oui.

M. Blais: La question, M. le Président, c'est: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente du 28 août 1992?» Ça veut dire, ça, en d'autres mots... il faut lire la question, là. Ça veut dire, ça: Est-ce que vous nous permettez, à nous, gouvernement, de renouveler la Constitution en nous basant sur ce qui a été décidé le 28 août 1992?

Une voix: C'est bien compris.

M. Blais: C'est bien compris, mais ce n'est pas ça qu'on dit ni d'un côté ni de l'autre, de ce temps-là.

Une voix: Ha, ha, ha!

M. Blais: Cette question veut dire tout simplement, en termes polis: Est-ce que vous donnez le mandat au gouvernement en place de

poursuivre des négociations pour renouveler la Constitution...

Une voix: Oui.

M. Blais: ...sur les bases des petites ententes qu'il y a eu le 28 août? Donc, c'est un mandat de négocier que vous demandez. Vous demandez un mandat de négocier. C'est donc un référendum qu'on pourrait traiter d'inutile; le mandat de négocier, une fois élus, vous l'avez.

Une voix: C'est ça que vous avez demandé en 1980...

M. Blais: Vous l'avez!

Une voix: ...le mandat de négocier.

Une voix: M. le Président!

M. Blais: En 1980, nous n'avions pas le mandat...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant!

M. Blais: ...de négocier la souveraineté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Un instant! Un instant, M. le député de Masson, je m'excuse. Oui, M. le député de Labelle.

M. Léonard: M. le Président, je voudrais que vous rappeliez les collègues d'en face à l'ordre parce qu'ils interrompent sans arrêt le mien, mon collègue qui est en train de s'exprimer.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Alors, il y a évidemment les règles prévues à l'article 32 quant au décorum, que vous connaissez tous. Le député de Masson est en droit de s'exprimer sans être dérangé. Allez-y, M. le député de Masson.

M. Blais: Intervention charmante, M. le Président.

M. Bourassa est un homme très fort en duperie du peuple. Il a l'intelligence de l'ambivalence. Et il a préparé depuis longtemps l'atmosphère pour que les discussions portent à côté de la question demandée. Il a fait ça une première fois, on le sait, tout dernièrement, après l'échec de Meech, il est venu faire son numéro de désolation. Il semblait outré, presque la larme à l'oeil. Il a dit que le Québec sera toujours maître de sa destinée. C'était très beau. On avait tendance à le croire.

Il a demandé de façon directe, un peu comme mère Teresa, la charité à l'ensemble du Québec de faire consensus avec lui pour les intérêts supérieurs de la nation. C'était noble et c'était digne, s'il était sincère à l'époque.

Aujourd'hui, on pense qu'il ne l'était pas.

Il forme la commission Bélanger-Campeau, demande le consensus et l'obtient. Bélanger-Campeau fait son rapport: 82 % du monde qui est venu là a demandé à peu près la souveraineté du Québec ou une série de pouvoirs qui ressemblent un peu au rapport Allaire, mais conclut qu'il y a deux voies, et donne à M. Bourassa ce rapport. M. le premier ministre, vous avez à décider, selon ce que les gens de Bélanger-Campeau nous ont dit: Est-ce que vous faites la souveraineté ou est-ce que vous voulez renouveler profondément la Constitution canadienne? C'était ses deux options. (12 h 10)

Ça discute longtemps. La 150 est là. Elle arrive. Un référendum sur la Constitution qui portait sur la souveraineté du Québec. Rien sur l'autre chose. Là, il arrive. Il se rend compte, depuis le mois de mars 1991, des discussions qui se font, qu'il va obtenir un échec avec les autres premiers ministres, comme premier ministre du Québec, parce qu'il a parié bilatéralement à tout le monde durant toutes ces années-là. là, on arrive à la base du consensus du 7 juillet. c'est un échec total. c'était censé être le rapport final, parce que m. bourassa avait dit au monde: jamais, je ne retournerai discuter à 11, et québec ne s'humiliera plus à faire des propositions à ottawa parce que, à toutes les fois qu'on a fait des propositions à ottawa, nous avons eu des rebuffades. il avait raison.

Voyant venir cet échec, il avait prévenu plusieurs mois d'avance qu'il ne ferait pas un référendum sur la souveraineté, parce qu'il n'y croit pas. Il avait dupé les gens de la commission Bélanger-Campeau, il avait dupé les jeunes libéraux, il avait dupé son congrès en mars 1991, il avait dupé la population en signant le rapport Allaire. Il avait fait ça, et ça avait l'air tout naturel. C'est malheureux qu'il ait l'air si naturel quand il ne dit pas ce qu'il pense. C'est malheureux, mais c'est ainsi.

Il n'a jamais voulu faire un référendum sur la souveraineté. Il a cru bon d'entretenir cette flamme à l'intérieur de son parti, cette possibilité devant un groupe - surtout avec les jeunes et les gens du rapport Allaire - pour un peu éloigner ceux qui sont porteurs de cette idée de souveraineté, c'est-à-dire le Parti québécois, des feux de la rampe en faisant de l'opposition dans son propre parti. Du côté tactique, il est très fort en tactique et en duperie. Très fort!

Mais il nous arrive aujourd'hui, il va chercher la loi 150. Il dit: On la change, je ne veux pas que ça porte sur la souveraineté, je veux que ça porte sur les offres d'Ottawa. Écoutez bien, là. Encore là, il nous trompe. Encore là, il nous trompe. Et c'est là sa force, de nous duper. Il veut que ça porte sur les offres d'Ottawa. Il change par la loi 44. Il arrive avec une question qui ne porte pas sur les offres d'Ottawa. Et on discute de chaque côté de

la Chambre comme si c'était un... Et, certains l'ont dit, ce sera la première fois que le peuple vote pour approuver sa Constitution. Ça ne peut pas être une menterie plus directe.

Si ce référendum-là est gagné par le Parti libéral et qu'ils font une constitution, après qu'elle aura été écrite, s'ils la mettent en référendum, là, ce sera un référendum pour approuver notre Constitution. Ce n'est pas ça qui est écrit ici. C'est écrit: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août»? Ceci veut dire: Nous permettez-vous de continuer les négociations, parce que nous ne voulons pas admettre que nous avons eu un échec et que nous ne pouvons pas répondre à la loi 150 du Québec, du 26 octobre? C'est facile, de l'autre côté, de dire oui, pour plusieurs, sachez bien que, nous, dire non... Pourquoi on dirait non, d'abord, à une telle question si on dit que c'est continuer à négocier? On est d'accord, nous, que ça continue à négocier parce qu'on n'est pas contents de la base du 28 août. Mais par ce référendum, le gouvernement cerne le minimum. Par l'entente du 28 août, il veut élaborer sur ça. Le 7 juillet, le premier ministre dit: J'ai gagné des points. Nous, on dit qu'il n'a pas gagné grand-chose, mais admettons qu'il a gagné des peccadilles, comme dit notre chef. Il a gagné des choses parce que c'était la base du 7 juillet où il est allé discuter. La base du 28 août si on donne la permission au Québec d'aller discuter, qui est en bas, qui est sous le tapis des revendications historiques du Québec, il ne se sentira pas obligé là, et les autres premiers ministres qui ont signé des choses contradictoires, quand ils vont arriver après un oui, ils vont modifier à la baisse, mais à la baisse.

Nous disons non, nous, parce que nous voulons que les négociations reprennent sur les bases des demandes traditionnelles du Québec, et c'est ça qu'un non veut dire. Un non veut dire que l'entente du 28 août comme base de discussion, demandée comme mandat de discussion et de négociation dans cette question, ce n'est pas suffisant comme base, ça ne vaut pas plus que la base du 7 juillet. Nous demandons donc aux gens de dire non à ça pas parce que nous ne voulons pas, comme la question le demande, que les discussions continuent. Cette question ne demande que les négociations continuent dans le domaine constitutionnel avec tout ce que ça entraîne, des rencontres de premiers ministres, la finalisation d'une sorte d'entente entre eux, la marge des trois ans après qu'un premier Parlement l'aurait... On va aller à l'an 2000. On demande de retarder les discussions à l'an 1998, je ne sais pas quoi, et certains nous laissent croire que si on vote oui à ça c'est la fin des discussions. Bien voyons donc!. C'est écrit tout le contraire et ce n'est pas nécessaire d'être un grand professeur de français pour comprendre: Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28?

Si on voulait que le peuple se prononce sur la Constitution qui aurait été décidée le 28 août, on aurait simplement dit... J'en ai fait plusieurs exemples. Je m'en ai sorti des phrases qui veulent dire ce qu'eux autres nous font croire que ça veut dire. Juste une seconde, M. le Président, je vais en sortir. Bon. Il y aurait pu avoir celle-là. Si c'est un référendum pour accepter les offres comme on dit, pour que les offres qui sont là le peuple approuve qu'elles deviennent constitutionnelles et dans la Constitution, ça aurait été: Approuvez-vous la nouvelle Constitution telle que modifiée le 28 août 1992 par les 11 premiers ministres du Canada? Si on voulait que le peuple se prononce sur la constitution nouvelle ou renouvelée, on leur dirait: On a modifié une constitution le 28 août, est-ce que vous approuvez les changements qu'on a faits là et qu'on les mette partie prenante de la Constitution? Ce n'est pas ça qu'on dit. Ce n'est pas ça qu'on demande. C'est ça que les discours disent, par exemple. Mais la question ne demande pas d'approuver. La question ne fait que demander un mandat d'extensionner les étemelles rencontres sur la base du 28 août 1992. Ce n'est pas, M. le Président, un référendum pour que le peuple accepte ou pas sa Constitution. Et nous, nous disons non à ça, non parce que nous ne voulons pas que les discussions continuent. On a hâte qu'elles finissent. Si on faisait un référendum sur la souveraineté, ça finirait là, mais vu que le gouvernement ne veut pas, on dit non parce que la base du 28 août est une base indigne de début de discussions pour améliorer le sort du Québec au sein de la Confédération. Nous voulons qu'ils changent de base, qu'ils prennent les revendications historiques du Québec pour recommencer à discuter.

M. le Président, je sais que c'est difficile, mais arrêtez de nous dire, au moins, qu'un non à ça veut dire la souveraineté du Québec. Arrêtez au moins ça! Il y a un minimum de décence intellectuelle à respecter, un minimum. Faire le trottoir constitutionnel pour aguicher les autres premiers ministres, ce n'est pas des arguments de taille bien, bien forts, ça. On a essayé souvent de faire du collage entre deux choses. On essaie de coller de la céramique avec du plastique. C'est aussi différent que ça, le Canada anglais et le Canada français ou le Québec, comme on l'appelle, nous. C'est incollable. Vous n'êtes pas capables de faire un pays avec l'Allemagne et la France, non pas parce que c'est du mauvais monde et qu'ils se haïssent. Vous n'êtes pas capables de faire un seul pays avec l'Italie et la France. C'est deux bons peuples extraordinaires, que j'aime, mais demandez donc aux Italiens de faire un seul pays avec l'Italie et la France. Pas juste essayer de faire du recollage, il va falloir qu'ils fassent du racolage pour venir à bout de faire accroire au monde... Bien, c'est ça qu'on

fait. Cette question est une question de racolage constitutionnel. On fait croire au monde qu'on lui demande de voter sur la constitution de l'éventuel pays Canada. Ce n'est même pas un référendum sur les offres. Alors, on nous trompe encore, et on discute des offres. On dit: Elles sont acceptables, elles ne sont pas acceptables. Bien, voyons donc! Ce n'est même pas un référendum sur les offres. C'est un référendum pour demander le mandat de continuer à négocier, et on va nous faire croire que ce référendum-là, ce serait la fin des discussions? C'est incroyable. (12 h 20)

Là, je tiens à féliciter - je n'en suis pas fier - la force du premier ministre du Québec dans l'art de préparer une éventuelle duperie, une éventuelle tromperie. Il s'y est pris longtemps d'avance. Alors, pour nous du Parti québécois qui sommes élus dans un gouvernement fédéraliste, le Québec est dans la fédération. Vous savez tous que nous voulons que le Parlement devienne maître de tous ses pouvoirs. C'est notre but, on ne le cache pas, mais ne venez pas nous reprocher et arrêtez de nous reprocher de ne pas dire que le non voudra dire oui à la souveraineté. Ce n'est pas vrai que le non voudra dire oui à la souveraineté. Si vous faisiez un référendum pour demander au peuple du Québec: Est-ce que les magasins doivent être tous ouverts le dimanche? Supposons que vous dites oui, puis nous autres, on dit non. Supposons. Est-ce que vous nous demanderiez, durant ce référendum-là, de parler de la souveraineté? Si on ne parlait pas de la souveraineté, vous nous diriez qu'on n'est pas constants? C'est comme quelqu'un qui joue au «bowling» et qui est végétarien. À toutes les boules, tu lui demandes: Puis, avant de lancer ta boule, dis-nous que tu es végétarien. Ce n'est pas nécessaire, il joue au «bowling».

Là, vous nous avez défendu de faire un référendum. C'est vous qui l'avez fait. Vous avez changé la loi 150. Vous nous avez défendu... Vous avez subi un échec et vous nous demandez, par une contorsion, de continuer à négocier pour ne pas admettre votre échec. Eh bien, vous en subirez les conséquences. On va dire non, et les libéraux, là, c'est parce que les bases des conclusions du 28 ne sont pas assez fortes dans la répartition des pouvoirs, qui ne respectent pas les droits historiques du Québec, que les libéraux disent non. Beaucoup de libéraux disent non.

Alors, nous autres, nous voulons que M. le premier ministre qui retournera discuter ait une deuxième chance d'arriver en force. S'il arrive avec un oui, il aura les épaules collées à la moquette constitutionnelle, et ça donnerait des résultats mièvres comme ceux qu'on nous annonce dans l'entente du 28. Je vous remercie beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Masson. Sur le même sujet, à savoir la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire, je cède maintenant la parole à M. le député de Montmagny-L'lslet.

M. Real Gauvin

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Le 26 octobre prochain sera un grand jour pour l'avenir du Québec et, par le fait même, pour celui du Canada. C'est ce jour-là, en effet, que toute la population sera appelée à se prononcer sur l'entente constitutionnelle conclue le 28 août dernier à Charlottetown. C'est aussi un sujet d'intérêt pour plusieurs des citoyens du comté de Montmagny-L'lslet.

Pour ma part, j'envisage avec optimisme l'issue de ce référendum québécois et évidemment pancanadien, parce que je suis convaincu que l'ensemble de la population désire que le pays reste uni. Je sais que les Québécoises et les Québécois prendront l'option de la raison, c'est-à-dire l'option qui est prévue à l'entente, au lieu de la voie de l'indépendance incertaine. En d'autres termes, M. le Président, les Québécois diront oui à l'entente constitutionnelle parce que, tout d'abord, le Québec se voit octroyer de nouveaux pouvoirs qui n'étaient même pas inclus dans l'entente du lac Meech.

Tout d'abord, la formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre deviendront clairement des compétences exclusives du Québec. J'aimerais qu'on se rappelle, qu'il y a quelques minutes, dans cette Chambre, le député de Laporte nous a décrit très clairement ce que comportait ce secteur, soit celui de la formation et du perfectionnement de la main-d'oeuvre, et il était très confiant du cheminement du dossier pour ce qui est des négociations en vue d'avoir un guichet unique au Québec. C'est ce que souhaitent les Québécois depuis très longtemps. Donc, avec l'Éducation et la Main-d'oeuvre, le Québec aurait le contrôle de la formation de ses ressources humaines, comme je viens de vous le décrire. L'entente de développement régional pour le Québec, qui nous verrait maître d'oeuvre de notre avenir sur le plan du développement régional, sera protégée par la Constitution, ce qui rendra impossible le désengagement du gouvernement fédéral dans ce domaine.

En ce qui a trait au tourisme, à la forêt, aux mines, aux loisirs, au logement et aux affaires municipales, nous savons déjà que ces secteurs deviendront des compétences exclusives du Québec. La nouvelle entente prévoit en effet que le Québec pourra dorénavant demander au fédéral de se retirer de ces programmes, et obtenir pour chacun d'eux une pleine compensation financière.

Puis, la culture deviendra une compétence exclusive du Québec, même si le gouvernement fédéral peut continuer d'aider nos artistes, en autant que cela respecte la politique culturelle du Québec. Par ailleurs, le fédéral, toujours via

l'accord constitutionnel, s'engagera à trouver les moyens qui permettront au Québec d'encadrer et de limiter davantage le pouvoir de dépenser du fédéral. Cela permettra aux Québécois de renforcer leur autonomie politique et économique.

Finalement, les télécommunications feront l'objet d'une entente qui bénéficiera de la protection constitutionnelle. Il s'agit là de gains importants, M. le Président, et cela, nul ne peut le contester.

M. le Président, il y a plus que tout cela. Effectivement, je suis persuadé que les Québécois diront oui à l'entente parce qu'elle signifie plus que Meech. Avec elle, le Québec obtient non seulement les garanties d'avenir que l'on retrouvait dans l'entente du lac Meech, mais, encore plus, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre des communes, et ce, même si la population du Québec devait un jour représenter moins que 25 % de la population canadienne.

En ce qui a trait aux pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de la langue, ils seront pleinement assurés, tout en respectant les droits des Québécois anglophones et ceux des différentes communautés culturelles. Puis, les peuples autochtones pourront exercer leur autonomie gouvernementale dans le respect de l'intégrité du territoire québécois, de la paix et de l'ordre du bon gouvernement. Cela aussi, M. le Président, sera dans la Constitution canadienne.

Enfin, je sais que les Québécois diront oui à l'entente constitutionnelle, parce qu'elle renferme les éléments fondamentaux contenus dans l'accord du lac Meech. Ainsi, le Québec sera reconnu comme une société distincte...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je m'excuse, M. le député de Montmagny-L'lslet. À moins qu'on ne m'indique qu'il y a consentement pour que nous puissions continuer nos travaux, je devrai interrompre, étant donné qu'il est 12 h 30. Est-ce qu'il y a consentement? Allez-y, M. le député de Montmagny-L'lslet.

M. Gauvin: Merci, M. le Président. Ce que je vous mentionnais... Le Québec sera reconnu comme une société distincte et unique au sein du Canada. À cet égard, le gouvernement du Québec aura désormais le rôle de protéger et de promouvoir cette société distincte. Le Québec pourra se retirer de tout nouveau programme fédéral cofinancé par les provinces et obtenir la pleine compensation financière qui lui revient. Le Québec deviendra responsable de la sélection, de l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des immigrants sur son territoire. (12 h 30)

Aussi, aucun changement ne pourra être effectué à la Cour suprême du Canada sans le consentement du Québec quant à son existence, ses pouvoirs et à la présence garantie de trois juges sur neuf. Le Québec aura également un droit de veto sur toute nouvelle modification de ces trois institutions centrales. Puis le Québec pourra s'opposer à toute mesure qui diminuerait les pouvoirs de l'Assemblée nationale et pourrait, dans chaque cas, exercer son droit de retrait avec pleine compensation financière. Tout cela, M. le Président, sera dans la Constitution canadienne.

Donc, à ceux qui nous disent que le Québec va devenir une province comme les autres avec cette entente et qu'il aurait moins de pouvoirs, je leur dis... Et ça ressemble beaucoup aux discours qu'on entend depuis quelques jours de ce côté-ci de la Chambre, du côté de l'Opposition, des représentants du Parti québécois dont le seul objectif est de diviser le Canada en supportant l'option séparatiste. La vérité, c'est que cette entente représente ce que le Québec a obtenu de mieux lorsqu'il a négocié. La vérité, c'est que le Québec n'aura jamais été en aussi bonne posture. Enfin, la vérité, c'est que l'entente du 28 août dernier est meilleure que l'entente du lac Meech.

J'aimerais, M. le Président, à ce moment-ci, vous référer au discours ou aux réponses que M. Gérin-Lajoie donnait hier en commission sur les offres. Je pense qu'il a très bien détaillé sa perception de cette entente pour l'avenir des Québécois. Aussi, M. le Président, à ceux qui nous disent que nous avons fait un recul, je leur répondrai en leur rappelant les propos d'un de mes collègues: Le seul recul que nous avons fait, c'est un recul vis-à-vis de l'option indépendantiste.

M. le Président, je voterai donc oui à l'entente constitutionnelle du 28 août dernier, parce que le prix d'un échec nous apparaît beaucoup trop élevé. Ce prix, je ne veux pas le payer et je ne veux pas que les générations futures le paient aussi. Je dirai oui, le 26 octobre prochain, parce que l'accord répond aux attentes des Québécois et qu'elle fait l'objet d'un large consensus au pays. Je dirai oui, parce que je ne crois pas que l'on pourrait obtenir plus de garanties même si on négociait davantage à ce moment-ci. Je dirai oui, parce que le contexte actuel est risqué d'assumer trop d'inconnu. Enfin, je dirai oui parce que l'objectif principal du premier ministre du Québec et de notre gouvernement est atteint, soit celui de protéger l'avenir des Québécoises et des Québécois et de notre jeunesse. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Montmagny-L'lslet. Sur la même motion, je cède maintenant la parole à Mme la députée de Mégantic-Compton.

Mme Madeleine Bélanger

Mme Bélanger: Merci, M. le Président. Nous ; amorçons présentement une étape cruciale du

dossier constitutionnel, une étape que tous attendaient depuis longtemps puisqu'elle nous permettra, enfin, de mettre un terme à des années d'incertitude.

Oui, M. le Président, vous le savez que depuis six ans nous, du gouvernement libéral, nous nous battons pour réparer les erreurs commises par l'ancien gouvernement péquiste, des erreurs lamentables. Nous nous battons pour redonner au Québec la place qui lui revient au sein de la Fédération canadienne. On peut dire que l'incertitude, avec cette entente, est maintenant chose du passé. Aujourd'hui, ce que l'on constate avec l'entente constitutionnelle du 28 août dernier, c'est que nos efforts ont porté fruit. Ces efforts déployés avec l'énergie de la conviction et de l'espoir par le premier ministre du Québec ne démontrent qu'une chose, que le Québec a fait un pas de géant dans le sens des revendications traditionnelles du Québec.

M. le Président, même si les résultats sont là, il n'en demeure pas moins que le débat ne fait que commencer, un débat qui permettra d'éclaircir certains points de l'entente qui, manifestement, n'ont pas été saisis par les membres de l'Opposition officielle. Depuis quelques jours, tout ce que nous entendons de la part de nos adversaires, c'est que le Québec a fait un recul. Mais, de quel droit viennent-ils nous dire que le Québec a reculé, quand tout le monde sait que, jamais, un premier ministre du Québec n'a pu retirer une entente aussi significative que celle du 28 août dernier? Il faut arrêter, M. le Président, de proférer des propos mensongers et de faire croire que le Québec, au sein du Canada, se compare à une société sous-dévelop-pée.

M. le Président, je pense que la liste de réalisations québécoises démontre à quel point le Québec a su se prendre en main et bénéficier des avantages à faire partie de la Fédération canadienne. Toutefois, je peux peut-être comprendre cet oubli de la part de l'Opposition officielle parce que, inutile de se le cacher, les réalisations libérales doivent être impressionnantes aux yeux de nos adversaires. Bien que la liste soit longue, M. le Président, je ferai un bref rappel de ces grandes réalisations. Pensons simplement à la Société générale de financement, à la Caisse de dépôt et placement, des sociétés financières crées pour canaliser l'épargne vers l'investissement productif. Il y a, bien sûr, la création d'Hydro-Québec, la Société québécoise d'exploration minière, en 1965, et Sidérurgie du Québec, en 1964. Je crois également qu'il faut mentionner la création de la SDI, en 1971, de la Société d'énergie de la Baie James et de la Société québécoise d'initiatives agro-alimentaires, en 1974.

Nous avons également créé les CLSC, la Cour des petites créances, l'aide juridique et cette autre réalisation, et non la moindre, la Charte québécoise des droits et des libertés de la personne, le 27 juin 1975. Alors, M. le Président, dire que le Québec a été brimé à l'intérieur du fédéralisme canadien, c'est une aberration. Bien au contraire, le Québec a su se développer et ainsi favoriser l'épanouissement de notre société, maintenant distincte.

Cette identité propre du Québec, M. le Président, nous l'avons forgée, bâtie et instituée dans le cadre de la Fédération canadienne. Aussi, je ne crois pas qu'avoir agi ainsi a nui à la canalisation des forces d'épanouissement de notre société et que cela nous empêchera de mieux maîtriser notre avenir. Bien au contraire, au fil des ans, le Québec se solidifie, et ce, dans le meilleur intérêt des générations futures.

Alors, M. le Président, je pense qu'il faut mettre un terme à toutes les faussetés véhiculées par les membres de l'Opposition péquiste et, particulièrement, par le chef de l'Opposition lui-même. Je crois qu'il est temps qu'il arrête de rapetisser le Québec, de le ramener à un statut de société déficiente, constamment à la remorque des autres. Il en est tout autrement. Je voudrais bien voir qui sera à la remorque de qui si le Québec, aujourd'hui pour demain, on se séparait. Donner cette opinion aux Québécois serait leur faire donner trop cher le prix de l'incertitude.

M. le Président, qui est le chef de l'Opposition péquiste pour venir qualifier les gains du Québec comme étant des pacotilles? Est-ce qu'il qualifie les résultats du mandat du gouvernement péquiste comme tel? Les dettes qu'il nous ont laissées en héritage sont des pacotilles qui souffrent d'embonpoint de même que le trou de 500 000 000 $ en éducation. Doit-on considérer les propos de l'actuelle députée de Taillon comme des pacotilles, lorsqu'elle affirmait que les politiques économiques de son gouvernement constituaient un échec? (12 h 40)

Tout bien considéré, M. le Président, vous me permettrez d'ignorer les propos des membres de l'Opposition officielle. Donc, M. le Président, je suis persuadée que le population du Québec votera oui au référendum du 26 octobre prochain, et ce, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, un non signifierait une chance manquée de mettre fin à l'incertitude persistante au sujet de l'avenir politique du Québec. Un non serait une occasion ratée de permettre au gouvernement du Québec et à celui du Canada de consacrer tout le temps aux problèmes économiques. Un non du Québec voudrait également dire le maintien des pressions en faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes ses implications politiques, sociales, économiques et financières. Il s'agirait d'une perte considérable de la crédibilité du Québec à l'égard des partenaires canadiens.

De plus, un non du Québec voudrait dire une perte en ce qui concerne les acquis de l'entente constitutionnelle. Pensons notamment à

la reconnaissance de la société distincte, des droits de veto sur les institutions, et à l'entente sur l'immigration. Cela mettrait fin aussi à la reconnaissance de la compétence exclusive du Québec sur la main-d'oeuvre, la culture, les mines, les forêts, le loisir, les affaires urbaines, le tourisme et le logement.

Un non mettrait fin à la garantie à vie des 25 % de Québécois à la Chambre des communes. Un non mettrait fin à la garantie des 33 % de juges québécois à la Cour suprême. Un non du Québec signifierait la perte du renforcement de l'union économique et de la stabilité des ententes de développement économique.

Enfin, M. le Président, un non créerait un accroissement des tensions avec les peuples autochtones, qui verraient tous leurs efforts anéantis. De même, un non ferait persister les inquiétudes légitimes des Québécois anglophones et des membres des communautés culturelles quant à l'avenir du Canada, une inquiétude partagée par l'ensemble des Québécois.

M. le Président, on voit bien qu'une seule réponse est possible à l'entente constitutionnelle, et cette réponse, c'est oui. Le fédéralisme canadien a permis au Québec de devenir une société moderne, juste et développée. Le fédéralisme a également contribué à faire du Québec ce qu'il est devenu aujourd'hui, c'est-à-dire l'objet de notre fierté. M. le Président, personne ne peut nier que le Québec jouit d'une qualité exceptionnelle de vie démocratique, ce que l'ancien Secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, M. Javier Perez de Cuellar, n'a pas manqué de mentionner avant-hier, lors de la cérémonie d'ouverture du Symposium sur la Démocratie qui se tient au Québec.

Nous savons tous que les Québécois jouissent de la protection de leur fierté fondamentale via la Charte canadienne et la Charte québécoise des droits et libertés de la personne. Le Québec s'est également donné un ensemble complet de mesures et de protections sociales à l'intérieur du fédéralisme canadien. Songeons aux allocations familiales, à la gratuité des services de santé, à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, aux régimes de pension et de retraite, à l'assurance-hospitalisation, à la gratuité des services juridiques, et j'en passe. Ce sont là des mesures dont jouit le Québec et des mesures qui ont été mises sur pied alors que le Québec était membre de la Fédération canadienne. Puis le Québec a une économie moderne et développée, productive et compétitive. Nous avons de grandes entreprises, nous bénéficions de services financiers et d'infrastructures qui font l'envie de plusieurs sociétés. Donc, M. le Président, grâce aux ressources propres au Québec et au Canada, le Québec a pu devenir une société moderne, juste, et une société de langue et de culture françaises. Contester cela, c'est renier la capacité du Québec de se développer.

En terminant, M. le Président, je veux simplement vous dire que je me battrai jusqu'au bout. Comme je le disais au début de mon intervention, ce débat ne fait que commencer, j'en suis consciente. C'est pourquoi je redoublerai d'efforts pour veiller aux intérêts supérieurs des Québécois et Québécoises ainsi qu'aux intérêts supérieurs des citoyens et citoyennes de Mégantic-Compton. Je me battrai pour que tous comprennent que l'avenir du Québec ne pourra mieux être protégé qu'à l'intérieur du fédéralisme canadien. Je me battrai pour assurer un avenir prospère aux générations qui nous succéderont. Enfin, je me battrai pour que le Québec continue à être distinct par sa langue, sa culture, son dynamisme et sa force.

Je dis oui à la force du Québec, et c'est pour toutes ces raisons, M. le Président, que le 26 octobre je dirai oui aux ententes. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, Mme la députée.

Je vous rappelle qu'à 14 heures nous allons procéder à l'étape des affaires courantes, avec, particulièrement, la période des questions et réponses orales, et que nous reprendrons immédiatement après le débat sur la question référendaire.

Je suspends donc les travaux jusqu'à 14 heures cet après-midi.

(Suspension de la séance à 12 h 46)

(Reprise à 14 h 7)

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Mmes et MM. les députés, nous allons nous recueillir quelques instants.

Je vous remercie. Veuillez vous asseoir.

Affaires courantes

Nous allons maintenant procéder aux affaires courantes.

Il n'y a pas de déclarations ministérielles.

Présentation de projets de loi. M. le leader du gouvernement.

Présentation de projets de loi

M. Pagé: M. le Président, je vous invite à appeler l'article a du feuilleton.

Projet de loi 45

Le Président: À l'article a du feuilleton, M. le ministre des Approvisionnements et Services présente le projet de loi 45, Loi modifiant la Loi sur l'administration financière et la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services. M. le ministre.

M. Robert Dirtil

M. Dutil: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur l'administration financière et la Loi sur le ministère des Approvisionnements et Services afin de permettre au gouvernement d'exempter sans condition certains organismes publics de l'application de l'ensemble de la réglementation prise en vertu de ces lois et portant sur les conditions des contrats faits par les organismes publics et sur l'acquisition et la fourniture de biens et services par de tels organismes.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je vous invite à appeler l'article b, s'il vous plaît.

Projet de loi 46

Le Président: à l'article b du feuilleton, m. le ministre des transports présente le projet de loi 46, loi modifiant la loi sur la société de l'assurance automobile du québec. m. le ministre.

M. Sam L. Elkas

M. Elkas: M. le Président, ce projet de loi modifie la Loi sur la Société de l'assurance automobile du Québec afin d'autoriser cette Société à verser au fonds consolidé du revenu, au cours de l'exercice financier 1992-1993 du gouvernement, la contribution annoncée dans le Discours sur le budget 1992-1993 du 14 mai 1992.

Le Président: Est-ce que l'Assemblée accepte d'être saisie de ce projet de loi?

Des voix: Adopté.

Le Président: Adopté.

Maintenant, dépôt de documents.

Dépôt de rapports de commissions.

Dépôt de pétitions.

Il n'y a pas d'interventions portant sur une violation de droit ou de privilège ou sur un fait personnel.

M. Chevrette: M. le Président...

Le Président: M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: J'aurais une question au leader du gouvernement, M. le Président, compte tenu qu'on nous a signalé l'absence de 10 ministres. Je voudrais demander au leader du gouvernement si c'est l'application du rapport Poulin ou si c'est parce que ces ministres sont allés négocier des ententes sectorielles administratives.

Des voix: Ha. ha, ha!

Le Président: M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: J'aimerais vous dire: On ne peut rien vous cacher.

Des voix: Ha,ha, ha!

(14 h 10)

M. Pagé: M. le Président, vous savez, pour le bénéfice des membres de cette Chambre et pour le bénéfice de celles et ceux qui nous écoutent, à chaque matin où l'Assemblée siège, je fais parvenir à mon bon ami, le leader parlementaire de l'Opposition, la liste des ministres qui, en raison des engagements antérieurement pris, se voient dans l'obligation d'être absents de la Chambre et privés du plaisir d'échanger avec les députés de l'Opposition notamment. Alors, effectivement, j'ai fait parvenir la liste avec les affectations, les raisons, les motifs et, moi aussi, j'arrive au chiffre 10. Mais vous devriez convenir que le premier ministre est ici pour répondre à vos questions, Mme la vice-première ministre, le ministre de l'Environnement, Mme la ministre des Communautés culturelles et de l'Immigration, M. le ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu et les ministres des affaires intercanadiennes, des Transports, des Approvisionnements et Services, le ministre délégué à la Francophonie, le ministre délégué aux Transports, Mme la ministre des Affaires culturelles, M. le ministre du Travail, Mme la ministre déléguée à la Condition féminine et M. le ministre de la Santé, qui est ici. Alors...

M. Chevrette: Pas ceux-là. On veut avoir les autres.

M. Pagé: Les autres, je vous ai donné les motifs. Alors, vous les questionnerez mardi.

Le Président: Très bien. À l'ordre, s'il vous plaît! Nous allons maintenant procéder à la période des questions et réponses orales, et je reconnais en première question principale M. le chef de l'Opposition.

Questions et réponses orales

Nécessité d'un plan de relance de l'économie du Québec

M. Parizeau: M. le Président, avant-hier, ce n'est pas sans une certaine surprise qu'on a entendu le premier ministre dire en cette Chambre, et je le cite: «On a besoin de libérer le gouvernement de manière à ce qu'il puisse

affecter ses toutes premières énergies à la relance de l'économie. Je veux dire, depuis un mois et demi, en autant que je suis concerné, ou mon gouvernement, ça a été des jours et des semaines de négociations constantes.» Oui, effectivement, bien que le gouvernement ait refusé de reconnaître pendant plusieurs mois qu'une récession commençait, il y en a une. Elle dure même depuis un certain temps, pas depuis un mois et demi. À travers cette récession, le Québec a perdu 168 000 emplois dont le tiers depuis le début de l'année. Le premier ministre, sur le plan des gestes économiques à poser avec son gouvernement, n'a bien réussi - alors, là, démontrant une imagination remarquable - que des augmentations de taxes successives. Ça! Rapides, souvent, fréquentes. La dernière, le 1er juillet, 4 % sur les services.

Est-ce que, là, enfin, le premier ministre est en train de nous dire qu'il reconnaît la nécessité d'avoir un plan de relance pour l'économie du Québec? Que c'est seulement aujourd'hui, à l'occasion de la campagne référendaire, qu'il se réveille et qu'il dit: Oui, il faudrait que mes toutes -'premières énergies passent à un plan de relance? C'est ça qu'il a voulu dire avant-hier?

Des voix: Bravo!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit avant-hier - le chef de l'Opposition m'a cité hors contexte - que, depuis plusieurs semaines, je devais assumer, comme chef du gouvernement, le travail avec mon collègue, le ministre des affaires canadiennes, qui m'a appuyé d'une façon extraordinaire, que nous devions, tous les deux, avec la collaboration d'autres collègues, assumer des négociations très intenses. Et il l'a lui-même constaté, parfois, ça allait jusqu'à 17 heures par jour, dans un contexte qui était exigeant. Il y avait 16 partenaires, et avec des conséquences historiques très, très, très importantes aussi.

Alors, je dis au chef de l'Opposition que, le lendemain du référendum, nous serons libérés. C'est un mot que doit apprécier le chef de l'Opposition. Je veux dire que nous aurons plus de temps, si on peut dire, pour nous activer en toute priorité sur les questions économiques. Ça ne veut pas dire que, depuis le début de la récession, on a négligé ce secteur-là. Autrement, c'a toujours été la priorité des priorités du gouvernement libéral, sauf que, depuis quelques semaines, la Constitution, par la force des choses, a pris beaucoup de temps. Mais je pourrais énumérer au chef de l'Opposition toutes les mesures qui ont été prises. Et, dans l'ensemble, je crois que la population comprend que ce n'est pas un contexte qui est facile. Sur le plan économique, on a une traversée du désert qui est presque interminable. Et ça, ça ne s'applique pas uniquement au Québec. D'ailleurs, c'est pire dans certaines autres régions. Si on regarde le nombre de pertes d'emplois au Québec par rapport à d'autres régions, à d'autres voisins, je crois que c'est comparable, mais ça ne règle pas le problème pour ceux qui doivent assumer d'être en chômage. Ça, je suis d'accord avec le chef de l'Opposition et c'est pourquoi j'ai dit dans mon discours - ça, il ne l'a pas mentionné - qu'en votant oui on vote pour une stabilité politique qui va aider au progrès économique.

Le Président: En question complémentaire, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Ce n'est pas ce que j'ai compris du premier ministre; j'ai compris du premier ministre qu'en votant oui, là, on assure que les discussions et les chicanes avec Ottawa continuent. C'est ça que j'ai compris!

Revenons à l'économie. Hier, l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, a publié un rapport sur l'économie canadienne qui est catastrophique. Il n'y a pas d'autres mots. Sur le plan de sa compétitivité sur les marchés internationaux, c'est la dégringolade, et les causes de cette dégringolade n'ont rien à voir avec les questions d'insécurité politique ou de discussions politiques qu'on évoque en cette Chambre.

Des voix: Ah!

M. Parizeau: Non, non, non, pas du tout. C'est lié, selon l'OCDE, à... Oui. Est-ce que le premier ministre conviendra que, effectivement, c'est lié à la formation professionnelle, la recherche et le développement, la modernisation des entreprises, des caractères, essentiellement, qui durent, qui sont structurels, comme on dit? Est-ce que le premier ministre conviendra qu'il n'a à peu près rien fait avec son gouvernement sur ce plan, depuis que la récession est commencée? Est-ce que le premier ministre conviendra que, devant des réclamations faites par l'Association des manufacturiers, qui rejoignent exactement le diagnostic de l'OCDE, rien, sauf des changements de structures à certains moments, n'a été fait pour pallier ce que dénonce l'OCDE? Est-ce que le premier ministre ne conviendra pas que ce n'est pas depuis un mois et demi de négociations constitutionnelles que ce que dénonce l'OCDE doit être corrigé, au Québec, et d'urgence?

Le Président: Alors, j'apprécierais simplement la collaboration de tous les députés, s'il vous plaît. J'ai reconnu le chef de l'Opposition et je reconnais maintenant, pour la réponse, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, cet après-

midi, le chef de l'Opposition a décidé de laisser tomber les nuances, dire qu'on n'a rien fait... Depuis le début de la récession qui a commencé, je crois, en avril 1990 - on pourra vérifier, il me semble que, selon les experts, statistiquement, ça aurait commencé en avril 1990 - il y a eu quand même le budget de 1990, le budget de 1991, le budget de 1992 qui sont...

Une voix: Des taxes.

M. Bourassa: M. le Président, il y a toute une série de mesures. On sait que la TVQ, par exemple, de 4 % - d'ailleurs, le chef de l'Opposition s'était prononcé pour la TVQ - c'est pour favoriser la compétitivité des entreprises à travers les remboursements. Il le sait, M. le Président. Je ne sais pas, là. Il a décidé de faire du théâtre, cet après-midi. Il sait fort bien que la TVQ de 4 % a pour but de rembourser certaines taxes qui sont payées par les entreprises pour les rendre plus concurrentielles. Il le sait. C'est pourquoi ils ont approuvé le principe de la TPS ou de la TVQ, lui et ses collaborateurs. Alors, qu'ils ne disent pas que la taxe est une taxe antiéconomique; c'est le fondement de la réforme fiscale. C'est vrai qu'il y a eu des augmentations d'impôts, on l'admet, ou de taxes, de manière à réduire le déficit, puis c'est vrai qu'il fallait régler certains problèmes économiques qui étaient durs à régler: la question de l'amiante, notamment, ça faisait partie de l'héritage. On avait investi 500 000 000 $, puis la ministre responsable, Mme la vice-première ministre, a fait un travail extraordinaire, comme d'habitude, pour régler cette question-là. Je veux lui rendre hommage cet après-midi.

Des voix: Bravo! (14 h 20)

M. Bourassa: Ça, ce n'est pas une création du gouvernement actuel, ce n'était pas sa responsabilité. Donc, je termine, M. le Président. Il y avait quand même plusieurs questions dans la question additionnelle du chef de l'Opposition. Je pourrais énumérer toute une série de mesures. Quand le chef de l'Opposition dit: Le gouvernement n'a rien fait. Quand même! Avec tout le plan de relance! J'étais, la semaine dernière, dans le comté de Portneuf où j'ai inauguré un investissement de 1 000 000 000 $ dans la région de Québec. Le plus important, historiquement, depuis la nuit des temps. Alors, quand même, 1 000 000 000 $ dans la région de Québec! Je dis au chef de l'Opposition... Je termine, M. le Président. Il parlait de la formation professionnelle. Ça fait partie des discussions constitutionnelles de retrouver la pleine juridiction du Québec en ce qui a trait à la formation de la main-d'oeuvre, au perfectionnement, de manière également à avoir une coordination avec l'as surance-chômage, le guichet unique, pour aider...

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Trois phrases, M. le Président. Pour aider la main-d'oeuvre du Québec à devenir l'une des plus dynamiques et des plus productives. Ça, c'est des gestes concrets. Alors, stabilité politique, progrès économique, récupération de pouvoirs essentiels au développement économique du Québec, voilà des résultats, M. le Président, que nous offrons à la population.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Parizeau: Quels résultats, M. le Président! 13 % de la population active du Québec en chômage, 20 % d'adultes aptes au travail de plus sur l'aide sociale cette année que l'an dernier. Quels résultats, M. le Président!

J'ai demandé, il y a déjà un bout de temps, au premier ministre s'il avait l'intention de convoquer une commission parlementaire pour examiner les conséquences de l'Accord de libre-échange entre le Mexique, les États-Unis et le Canada. Est-ce que c'est les négociations constitutionnelles qui empêchent le premier ministre de convoquer une commission parlementaire pour explorer ce qu'il y a à faire comme recyclage des entreprises, comme aide aux travailleurs, pour examiner les conséquences de cet Accord de libre-échange? C'est économique, ça aussi. Le premier ministre s'intéresse aux questions économiques. Est-ce qu'il a l'intention de convoquer une commission parlementaire, comme il l'avait fait dans le cas du traité de libre-échange entre le Canada et les États-Unis, ou bien si ça aussi disparaît dans la brume constitutionnelle?

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, quand le chef de l'Opposition a fait cette proposition - si ma mémoire est bonne, c'était le 14 août dernier - le 16 août, j'ai dit que je l'acceptais. Non, mais, oui, il y a eu un accord de principe, il y a eu un accord de principe sur cette entente-là. On sait que l'Opposition est d'accord avec le principe d'une zone de libre-échange avec le Mexique. Je ne sais pas si c'est unanime, mais je crois que l'Opposition s'est prononcée. Là-dessus, c'est comme pour le cas du libre-échange, on est unanime, de part et d'autre, pour appuyer le principe de l'intégration économique, que ce soit avec l'Accord de libre-échange ou le libre-échange avec le Mexique. C'est possible qu'il y ait un ou deux de ses collègues, puis on les comprend, qui soient réticents vis-à-vis de cela, mais, dans l'ensemble, il y a unanimité.

Sur la question de l'Accord de libre-échange, le ministre responsable des Affaires internationales me signale que, d'ici quelques jours ou

quelques semaines, on devrait avoir tous les documents - parce que c'est une entente de principe qui a été conclue - qui nous permettront d'avoir une discussion utile en commission parlementaire.

Donc, j'ai accepté presque instantanément la proposition du chef de l'Opposition. Il ne peut pas dire que je me suis traîné les pieds pour lui tendre la main sur cette question-là. Alors, j'ai accepté sa proposition, mais nous attendons les documents de manière à avoir une discussion plus utile en commission parlementaire.

Le Président: Toujours en question complémentaire.

M. Parizeau: M. le Président, comme si on ne pouvait pas avoir ces conversations sur la base des documents existants. Il attend les deux pieds de documents détaillés. Ce n'est pas sérieux! Ce n'est pas sérieux, voyons!

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît!

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Je reconnais le chef de l'Opposition, pour une question. Question additionnelle, M. le chef de l'Opposition.

M. Parizeau: Est-ce que le premier ministre a l'intention, après son acceptation de principe, de réserver le même sort a cette commission parlementaire opérationnelle... Après tout, il s'agit de protéger les gens et les entreprises. On a une responsabilité à cet égard-là. Est-ce qu'il a l'intention de réserver le même sort à cette commission que le ministre des Finances a réservé - il s'en souviendra - à la commission sur la fiscalité que tellement de gens demandaient, qu'il a acceptée en principe il y a plusieurs mois et dont on n'a jamais entendu parler? Ça va être la même chose?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Essayant en toute bonne foi de mettre de la cohérence dans l'argumentation du chef de l'Opposition, je lui souligne qu'encore hier ou avant-hier il insistait pour avoir le «fine print», si on peut dire, le détail des propositions constitutionnelles, qu'il ne voyait aucune utilité véritable à une discussion sans avoir... Même si plusieurs des textes sont sous forme juridique, il voulait les textes définitifs, sur le plan juridique, dans le moindre détail. Très pointilleux une journée et, le lendemain, on veut discuter sans texte!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Bourassa: M. le Président, je ne comprends pas.

Le Président: Alors, pour une autre question complémentaire.

M. Parizeau: Le premier ministre vient de nous dire qu'il n'a pas vu les textes publiés par le gouvernement canadien sur cette entente de libre-échange, il y a déjà quelque chose comme trois semaines, un mois? Il ne les a pas vus? Pauvre Québec!

Des voix: Ah!

M. Parizeau: Oui, oui! Oui, oui! Avoir un premier ministre comme ça!

Des voix:...

Le Président: Alors, pour votre question, s'il vous plaît, M. le chef de l'Opposition.

Des voix:...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Parizeau: M. le Président, puis-je demander au premier ministre, dans la foulée de ce qu'il a dit en Chambre avant-hier: Est-ce qu'effectivement il a demandé au ministre de l'Industrie et du Commerce, aux autres ministres économiques du cabinet, au ministre des Finances, qui ne sont pas, eux, impliqués tous les jours dans les discussions constitutionnelles, de préparer un véritable plan de relance pour l'économie du Québec? Est-ce qu'il a passé la commande dans le sens de ce qu'il disait avant-hier? Est-ce qu'un plan de relance est en préparation ou bien si c'était simplement un voeu pieux?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: J'ai répondu tantôt au chef de l'Opposition que nous préférions avoir des documents plus complets avant de convoquer la commission parlementaire. Autrement, il est fort possible que si on la convoque - et j'en ai discuté avec le ministre responsable - il y ait trop d'interrogations étant donné que les textes seront loin d'être complets. Il me semble que c'est logique, et il devrait comprendre ça rapidement.

Ceci étant dit, on en a parlé à chaque séance du Conseil des ministres durant le mois d'août, début de septembre. Le ministre faisait rapport à chaque semaine sur l'évolution des discussions: la protection de certains secteurs, par exemple, qui intéressent le Québec, les conséquences de cet accord pour le secteur du textile et du vêtement, les avantages que ça peut comporter pour d'autres secteurs. Alors, on a

discuté de ça abondamment au Conseil des ministres, et nous allons continuer de le faire avec les collègues intéressés. Le comité de développement économique également va en discuter pour avoir les mesures de transition qui permettent de protéger l'économie du Québec et d'encourager son dynamisme. Mais ça n'empêche pas le gouvernement, de différentes façons... (14 h 30)

C'est une vérité de La Palice. J'ai dit qu'au mois d'août et au début de septembre le gouvernement, son chef et quelques ministres avaient été accaparés, d'une certaine façon, par la négociation constitutionnelle; je n'aurais pas pu dire le contraire. Mais ça n'empêche pas que le gouvernement du Québec garde l'économie comme priorité. C'est pour ça qu'il souhaite que le 26 octobre on puisse tourner la page en acceptant tous ces gains que l'accord constitutionnel contient et qu'après ça on puisse, d'une façon encore plus énergique, plus complète - même si c'est la priorité des priorités et qu'on a quand même une situation très comparable avec nos voisins - d'une façon aussi complète que possible, concentrer nos efforts sur le dynamisme économique. Et on pourra le faire davantage - c'est ma dernière phrase, M. le Président - parce qu'on contrôlera le développement des ressources humaines encore mieux si le oui est accepté, un oui raisonnable, un oui responsable. Si ce oui est appuyé par la population, on va contrôler davantage le développement des ressources humaines, on pourra travailler avec les chefs syndicaux. Les chefs syndicaux insistent pour la récupération de ces pouvoirs. On va voir ce qu'ils vont faire durant la campagne. Mais le lendemain, avec le oui, on pourra travailler avec eux pour développer les ressources humaines et rendre l'économie du Québec plus dynamique.

Des voix: Bravo!

Le Président: Alors, en question principale, maintenant, M. le député de Lac-Saint-Jean et whip de l'Opposition.

Compétence du Québec en matière d'immigration

M. Brassard: M. le Président, en matière d'immigration, il semble que le sénateur Caston-guay soit mieux informé que les membres de cette Chambre. Il répondait ainsi à mon collègue de Joliette, hier: «J'ai bien examiné le texte - il parlait du "Rapport du consensus sur la Constitution" - et, comme vous, je n'ai pas trouvé cette garantie dans le texte de l'accord que nous avons ici. Alors, je suis allé aux renseignements et on me dit que dans les textes juridiques, plus spécifiquement ceux qui ont été rédigés, je crois, le 17 juillet - on m'a donné une date - on retrouvait cette garantie, et aussi qu'il y avait un échange de lettres qui serait complété incessamment - peut-être qu'aujourd'hui même il est complété - une lettre en provenance du premier ministre, M. Mulroney, confirmant, afin qu'il n'y ait pas de doute, que l'entente sur l'immigration serait constitutionnalisée.» C'est M. Castonguay qui parle. Il était plus informé que les membres de cette Chambre.

Ma question première au premier ministre: Le document intitulé «Projet de modification de la répartition des compétences», marqué «confidentiel», le 17 juillet 1992, qui traite des accords relatifs à l'immigration, que le ministre a broché en annexe au «Rapport du consensus sur la Constitution» quand il l'a déposé, ce document a-t-il reçu l'aval, la caution des premiers ministres à Charlottetown? Fait-il partie intégrante des propositions? Est-ce que ce sont là les textes juridiques en matière d'immigration? A-t-il reçu aussi une lettre du premier ministre fédéral à cet effet ou doit-on conclure qu'il s'agit d'une initiative personnelle du ministre qui a décidé de jouer de la brocheuse?

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: Le sens de l'humour du député de Lac-Saint-Jean est un peu plus lourd aujourd'hui. Je veux...

M. Pagé: La question fait broche à foin.

M. Bourassa: ...dire au député de Lac-Saint-Jean que, concernant nos discussions, les discussions que j'ai eues avec le premier ministre du Canada ces jours-ci, il n'y aura pas de problème. Ce qu'a déposé le ministre responsable est tout à fait conforme à la volonté politique. L'accord sur l'immigration, comme l'avait dit également la ministre de l'Immigration, est constitutionnalisé dans l'entente, selon l'article 95, sauf que l'article 95E - comme je l'ai dit, je crois, avant-hier - est remplacé par l'article 38.3. Donc, c'est un faux problème. Tout ceci, si on peut dire, pour être le plus clair possible, tout ceci sera confirmé dans les prochaines heures par une lettre du premier ministre du Canada. Donc, ce que j'ai dit dans mon discours, ce qu'a déposé le ministre responsable, ce que j'ai dit dans mon discours avant-hier, ce qu'a dit la ministre de l'Immigration hier ou avant-hier - avant-hier, plutôt - tout cela est exact. J'inviterais amicalement le député de Lac-Saint-Jean à poser des questions sur d'autres sujets, parce que, sur ce sujet-là, il risque de subir un échec regrettable pour sa crédibilité.

Le Président: Alors, pour une question complémentaire.

M. Brassard: Non, non, on va continuer là-dessus. Est-ce qu'il reconnaît que, si c'est le cas, si ce document-là a été validé - on verra,

parce que les lettres du premier ministre fédéral, ce n'est pas des garanties constitutionnelles bien fortes... Mais, dans le cas où ça serait validé, est-ce qu'il reconnaît que c'est moins que Meech, puisque le Québec perd le droit de veto qui était prévu, comme il vient de le mentionner, à l'article 95E dans l'accord de Meech? Et le ministre, qui collectionne les droits de veto comme des épinglettes, ne pourra pas l'ajouter à sa liste, celui-là, il est perdu. Est-ce qu'il reconnaît que 95E n'étant pas partie de ces dispositions, c'est la perte d'un droit de veto que vous aviez réussi à obtenir dans l'accord du lac Meech?

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: Je reconnais maintenant que le sens d'humour du député se raffine quelque peu. J'ai dit, dans mon discours, que... Je ne comprends pas. Ce que je dis au député, j'ai dit, dans mon discours, que l'article 38E...

Une voix: 3. Troisième.

M. Bourassa: 3. Oui, c'est ça, troisième... Le troisième paragraphe de l'article 38 de la Constitution se trouvait à remplacer et donnait une plus grande flexibilité. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'on le dit au député de Lac-Saint-Jean ou au chef de l'Opposition. Je l'ai dit, je crois, au mois de juillet, parce que j'ai dit que, sur le plan de l'immigration, on demandait certaines clarifications et qu'on les avait obtenues, qu'on avait eu des avis juridiques qui nous disaient qu'à cause de cet article 38, paragraphe 3, nous avions la protection qui pouvait être impliquée par l'article 95E qui pouvait supposer une certaine rigidité.

Là, on tombe dans le détail. Jusqu'à quel point nos électeurs communs nous suivent dans cette discussion sur différents articles? C'est quand même très détaillé. Ce que les Québécois veulent savoir, c'est: Est-ce que oui ou non, on a la protection constitutionnelle? Est-ce que c'est en vertu de l'article 95 ou l'article 38? Je crois que cela, on tombe dans le détail, mais on peut en parier si c'est nécessaire pour satisfaire le représentant de l'Opposition, dont la responsabilité est d'obtenir les réponses les plus claires possible du gouvernement.

Alors, je n'ai pas d'objection à répondre au député de Lac-Saint-Jean que nous considérons, de ce côté-ci de la Chambre, avoir obtenu la protection constitutionnelle. Je comprends qu'il ne prend pas au sérieux - je termine, M. le Président, mais on pose tellement de questions en même temps - la lettre du premier ministre fédéral, M. Mulroney, pour lequel, comme je lui ai dit souvent, il a voté à deux reprises. Il a voté à deux reprises pour le premier ministre fédéral...

Le Président: S'il vous plaît!

M. Bourassa: ...et le député de Joliette a voté également, lui aussi, pour le...

Des voix: Oui, oui, oui, oui...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

S'il vous plaît, M. le député. M. le député de Chauveau, s'il vous plaît. S'il vous plaît! Alors, question complémentaire.

M. Brassard: M. le Président, le premier ministre reconnaîtra-t-il que ce que les Québécois veulent, c'est la vérité et non pas d'entendre leur premier ministre jargonner?

Une voix: Oui.

Le Président: Oui, un instant s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le député de Chauveau, s'il vous plaît, je vous rappelle à l'ordre une première fois. J'ai une question de règlement. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: Je me dois, à ce moment-ci, de rappeler l'application des dispositions du règlement de l'Assemblée nationale comme quoi, dans le cadre d'une question additionnelle, il n'y a pas de préambule. Je comprends qu'en raison du style, de l'intérêt qu'il suscite, parfois, on laisse une certaine marge de manoeuvre au député du comté de Lac-Saint-Jean. Je retiens que la semaine n'a pas été bonne pour eux. Il est probablement un peu agressif ce matin. Tenez-vous en au texte.

Le Président: Oui? Un instant. Alors, sur la question de règlement. (14 h 40)

M. Chevrette: M. le Président, je m'excuse. Si on permet au leader du gouvernement de parler des résultats de la semaine, il faudrait parler de la brillante décision du président de la commission sur les offres après le brillant plaidoyer du ministre responsable...

Le Président: Bon. Très bien. D'accord. Alors, je retiens simplement que les messages ont été faits. Les messages sont faits. Très bien. J'invite le député de Lac-Saint-Jean... Écoutez, je n'accepterai pas que, sous prétexte d'une question de règlement, on contrevienne... Écoutez, ce que je constate, vous avez fait une question de règlement. Vous en avez profité pour passer un message, ce que le leader vous a retourné également. Donc, le débat est clos. Exactement. Et je vous convie... S'il vous plaît! M. le leader, s'il vous plaît. M. le leader. Alors, je vous convie à respecter le règlement, s'il vous plaît.

Pour une question complémentaire, sans

préambule, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Oui. M. le Président, si 38, paragraphe 3, qui existe dans la Constitution depuis 1982 - ce n'est pas nouveau là - était si efficace comme protection, comme rempart, pourquoi avez-vous, en 1987, exigé et obtenu l'inscription d'un droit de veto spécifique à l'immigration dans l'accord du lac Meech? Pourquoi vous avez obtenu ça? Vous avez dû insister pour obtenir ça, 95E. Évidemment, c'est un peu compliqué là. Vous avez obtenu un droit de veto en 1987 dans l'accord du lac Meech. Comment ça se fait que soudainement, en 1992, ce n'était pas important, ça? On le laisse tomber. Il y a 38, paragraphe 3. Il était là depuis 1982.

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: II devient impossible... D'abord, je ne blâme pas le député d'essayer d'obtenir des réponses au nom de la population qu'il représente.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Bon. Très bien. S'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je l'ai dit et j'ai répété ça tantôt. Je ne fais que répéter ce que j'ai dit tantôt au député. C'est que c'est sa responsabilité d'essayer d'avoir toutes les réponses de la part du gouvernement. Je ne vois pas pourquoi on devient tout à coup d'une grande jovialité puisque je viens de répéter ça il y a quelques secondes.

Je dis au député de Lac-Saint-Jean que c'est comme pour la définition de la société distincte. C'est toujours non. Quoi qu'on propose, ça ne fait pas... La société distincte, il fallait la définir. On la définit. C'est encore non. C'est non au partage des pouvoirs. C'est non au Sénat. C'est non à la souveraineté. C'est toujours non. On dirait que les députés de l'Opposition, M. le Président, éprouvent une volupté à dire non.

Des voix: Ha, ha, ha!

Le Président: Un instant, s'il vous plaît, M. le premier ministre. Alors, j'en appelle encore une fois à la collaboration des deux côtés de l'Assemblée, s'il vous plaît. S'il vous plaît. M. le premier ministre, si vous voulez conclure.

M. Bourassa: M. le Président...

Le Président: Écoutez... Écoutez, oui, j'ai compris. J'ai avisé le député. Je lui ai signifié, le député de Masson... Et j'avertis à nouveau, pour une deuxième fois, le député de Chauveau.

J'apprécierais qu'il respecte le règlement. Alors, M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président...

Mme Bacon: Aie! le député de Lévis, là.

M. Bourassa: ...dans l'examen de toute cette question-là, je dis...

Le Président: à l'ordre! écoutez, mm. les députés, s'il vous plaît. j'en appelle à votre responsabilité, s'il vous plaît. m. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, le député se réfère à 1987, à l'accord du lac Meech. Nous avons, depuis ce temps, signé une entente que nous voulons constitutionnaliser. Le député me suit? Donc là, nous prenons une décision à la lumière d'une entente qui a été signée, qui a été négociée pendant un certain temps et, à la lumière de cette entente-là, le texte en main, nous venons à la conclusion que 38.3 est au moins aussi valable que 95E parce qu'il permet un droit de retrait. Ça donne plus de flexibilité, avec révolution des montants qui, forcément, peuvent évoluer avec le temps, puisque les montants sont liés au nombre d'immigrants. Alors, ça a été examiné d'une façon très objective, et avec des avis juridiques appropriés on est venus à la conclusion qu'avec le troisième paragraphe de l'article 38 on avait un droit de veto, l'équivalent de ce droit de veto qui donnait plus de flexibilité, un droit de retrait, de manière à adapter l'entente à l'évolution des circonstances ou de la conjoncture. Alors, je ne vois pas pourquoi, lorsqu'il y a des faits nouveaux comme la signature d'une entente concrète, réelle, une entente qu'on a devant nous, ce qu'on n'avait pas quand on a signé l'accord du lac Meech, ça ne permettrait pas à un gouvernement responsable et non un gouvernement dogmatique ou doctrinaire de dire: À toutes fins pratiques, on n'a pas besoin de 95E parce qu'on a cette entente maintenant qui est signée et, au surplus, on a l'article 38, paragraphe 3. Alors, c'est ça la réponse. J'espère que cette fois-ci il va être satisfait. C'est ça la réponse que j'apporte au député de Lac-Saint-Jean. S'il veut contribuer à la qualité du débat, il va remercier le gouvernement. S'il veut faire de la politicaillerie, il va continuer.

Le Président: Pour une dernière question additionnelle, M. le député de Lac-Saint-Jean.

M. Brassard: Est-ce que la protection de 38, paragraphe 3, c'est aussi bon que le droit de veto que vous deviez avoir sur le nombre de sénateurs? C'est aussi efficace que ça? Vous deviez avoir un droit de veto sur le nombre de sénateurs. C'était fort. Vous l'avez utilisé?

Une voix: Une question.

M. Brassard: Question? Pourquoi le premier ministre n'admettrait-il pas tout simplement que même en matière d'immigration il a reculé par rapport à Meech, il a abandonné des choses essentielles? Admettez-le donc.

Des voix: Oh! Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, je pensais avoir répondu d'une façon satisfaisante au député de Lac-Saint-Jean en lui donnant les raisons qui justifiaient le gouvernement. Tout ça pourrait être expliqué ou continué de l'être... Je pense que c'est assez clair. Si c'est le seul reproche, entre guillemets, qu'a l'Opposition sur l'entente, ce n'est pas encourageant pour leurs troupes au cours de la fin de semaine. Je veux dire, si c'est tout-Alors, on discute entre le poids de deux articles. Je veux dire, il parle du droit de veto sur le Sénat. Il sait fort bien... Je ne sais pas s'il était ministre à ce moment-là mais, en tout cas, le chef de l'Opposition et le leader étaient là. Il sait fort bien qu'il est resté silencieux, s'il était au Conseil des ministres, quand on lui a présenté l'entente du 16 avril 1981 qui se trouvait à appliquer la formule 7-50 sur le Sénat.

M. Pagé: II n'était pas là. M. Bourassa: II n'était pas là. M. Pagé: II était whip.

M. Bourassa: II était whip. Ah! d'accord. Non, mais il n'était pas loin. Il n'était pas loin.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Bourassa: Je trouve, M. le Président, que s'il y a une chose qui ne devrait pas être soulevée par l'Opposition, c'est le droit de veto sur le Sénat, parce qu'en signant, le 16 avril, au nom du gouvernement, le fait que la formule 7-50, dorénavant, s'applique à la réforme du Sénat, à ce moment-là, le droit de veto politique que possédait le Québec n'existait plus. Alors, M. le Président, je veux dire, ça prend...

Le Président: M. le premier ministre, en conclusion, s'il vous plaît.

M. Bourassa: Nous frôlons... Soulever cette question à l'Assemblée nationale, c'est frôler l'effronterie, et je pense qu'on devrait rapide- ment changer de sujet pour que l'Opposition garde sa crédibilité.

Le Président: Alors, pour une autre, une dernière additionnelle, M. le leader de l'Opposition.

M. Chevrette: M. le Président, si on se fait traiter d'effrontés parce qu'on veut avoir des clarifications... Je voudrais demander au premier ministre: Si c'est si clair que ça, pourquoi vous vous traînez pour demander une lettre pour clarifier? Expliquez-moi donc ça?

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: M. le premier ministre.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai dit «frôler l'effronterie». Je ne pense pas que je n'ai pas respecté le règlement.

M. Pagé: Mais ça, c'est avant que le député de Joliette parle, ça.

M. Bourassa: M. le Président, j'ai donné les explications au député de Lac-Saint-Jean. Je lui ai dit ce qui était arrivé. On n'a qu'à lire l'entente, je crois, du 7 juillet. Les documents ont été déposés. Les réponses ont été données à plusieurs reprises par le ministre responsable, le ministre aux Affaires canadiennes, et par moi-même. Je ne vois pas l'utilité de passer la moitié de la période de questions sur ce point-là. Je trouve qu'à ce moment-là ça reflète le désarroi de l'Opposition vis-à-vis des progrès du gouvernement. (14 h 50)

Le Président: En question principale, M. le député de Bertrand.

Discours du délégué général du

Québec à Londres en l'honneur

des Canadiens de Montréal

M. Beaulne: Merci, M. le Président. Hier, au cours d'une réception offerte à Londres conjointement par le haut-commissaire du Canada et le délégué général du Québec en l'honneur du club de hockey le Canadien de Montréal, institution chère au coeur de tous les Québécois, le délégué général s'est adressé à ses invités sans dire un traître mot en français. Est-ce que le ministre des Affaires internationales entend rappeler à l'ordre...

Le Président: Un instant! Un instant! Un instant, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît, MM. les députés!

À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît!

Alors, simplement, je souhaite la collaboration des collègues. J'ai reconnu le député de Bertrand. S'il vous plaît! Alors, votre question,

M. le député.

M. Beaulne: Alors, est-ce que le ministre des Affaires internationales entend rappeler à l'ordre M. Mailhot, son délégué général à Londres, pour ne pas s'être adressé en français à ses invités?

Le Président: M. le ministre des Affaires internationales.

M. Ciaccia: M. le Président, les propos du député...

Le Président: Écoutez, je pense que la patience de la présidence a été assez grande jusqu'à maintenant. J'en appelle à tous les députés, s'il vous plaît! Alors, vous avez la parole, M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, les accusations du député de Bertrand sont absolument fausses.

Des voix: Bravo!

M. Ciaccia: Je vais vous lire le commencement du discours du délégué général à Londres.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Ciaccia: II a commencé: «Mesdames et messieurs, pour utiliser - et je cite le discours de M. Mailhot - une expression québécoise, c'est de la visite rare que nous accueillons à Londres aujourd'hui».

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! M. le ministre.

M. Ciaccia: M. le Président, les rapports de cet incident sont exagérés, puis il faut replacer l'incident dans le contexte de ce qui s'est produit. C'était une courte allocution, et le but de la rencontre était pour remercier les organisateurs britanniques d'avoir organisé cet événement. Ils ne parlaient pas, ils ne comprenaient pas le français. Alors, M. Mailhot, comme un digne représentant du Québec, a commencé son allocution dans la langue française. Mais pour se faire comprendre et pour remercier les organisateurs, il a continué en anglais. Je crois que c'était tout à fait approprié de le faire, et je dois signaler que ça démontre l'esprit tolérant, le rayonnement du Québec et l'image du Québec que nous voulons projeter à travers le monde. Nous sommes une société majoritairement francophone, mais nous respectons les auditoires qui parlent une autre langue et nous nous adressons à eux dans leur propre langue.

Des voix: Bravo!

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! S'il vous plaît! S'il vous plaît! Pour une question complémentaire, M. le député de Bertrand.

M. Beaulne: M. le Président, le ministre nous prend pour des vraies valises. D'abord, pourrait-il continuer... D'abord, pourrait-il...

Des voix: Ha,ha, ha!

Le Président: Un instant! Un instant, s'il vous plaît! Un instant! S'il vous plaît! Alors, je demanderais au député de poser une question sans commentaire et sans préambule. Allez-y!

M. Beaulne: Tout d'abord, est-ce que le ministre pourrait déposer la suite du discours, d'une part? D'autre part, comment peut-il concilier la réponse qu'il vient de nous donner avec les propos que tenait, la semaine dernière, le premier ministre qui affirmait que le français est la langue de la diplomatie internationale? Est-ce à dire que le français n'est pas la langue de la diplomatie québécoise? Comment peut-il affirmer...

Des voix:...

Le Président: Un instant! S'il vous plaît! Je vous demande de respecter le droit de parole de votre collègue, s'il vous plaît. MM. les députés! Mmes les députées! S'il vous plaît!

À l'ordre, s'il vous plaît!

Alors, je peux simplement déplorer l'attitude de certains collègues à ce moment-ci. Alors, M. le député, complétez rapidement votre question.

M. Beaulne: Comment le ministre peut-il justifier sa réponse en disant que le délégué s'adressait à un auditoire anglophone alors que le président du Comité olympique s'est adressé en catalan à plus de 1 000 000 000 de personnes?

Des voix:...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît! À l'ordre, s'il vous plaît!

MM. les députés, s'il vous plaît! Alors, pour la réponse, M. le ministre.

M. Ciaccia: Oui, et le président de la France s'est adressé à 54 000 000 de Français en français. Alors, qu'est-ce que ça prouve, ça? La décence... Vous parlez des règles diplomatiques. Le délégué a commencé son allocution en fran-

cals. Il a continué parce que son auditoire était majoritairement anglophone, anglais, britannique. Ils ne comprenaient pas le français. On fait la même chose.

Des voix: À Londres.

M. Ciaccia: II était à Londres. J'ai fait la même chose. Je reviens de Madrid. J'ai commencé à parler en français, mais mon auditoire était espagnol, alors, j'ai continué en espagnol. C'est tout à fait décent.

Des voix: Bravo!

M. Ciaccia: M. le Président, je voudrais juste ajouter un autre élément pour démontrer un peu l'exagération de l'Opposition. Premièrement, je ne crois pas que le député de Bertrand ait pris le conseil de son chef de l'Opposition qui voulait, lui, «kick in the behind» tous ceux qui ne parlaient pas l'anglais.

Des voix: Ha,ha, ha!

M. Ciaccia: Finalement, M. le Président, l'allocution du délégué général était de 21 lignes, très courte. Il a commencé en français; il a terminé en anglais pour les organisateurs britanniques.

Une voix: Et voilà!

M. Ciaccia: Et ça me fait grand plaisir de pouvoir déposer l'allocution du délégué général. Soyez plus tolérants!

Des voix: Bravo!

Le Président: S'il vous plaît! S'il vous plaît! Alors, est-ce qu'il y a consentement au dépôt du document?

Une voix: Oui.

Le Président: Consentement. Donc, le document est déposé. Alors, c'est la fin de la période de questions. Mmes et MM. les députés, à l'ordre, s'il vous plaît! Dans ces circonstances, je vais suspendre l'Assemblée pour deux minutes.

(Suspension de la séance à 15 heures)

(Reprise à 15 h 3)

Le Président: Mesdames et messieurs les députés, veuillez prendre place, s'il vous plaît! Rapidement, s'il vous plaît! S'il vous plaît! Veuillez procéder, s'il vous plaît!

Alors, il n'y a pas de vote reporté.

Maintenant, aux motions sans préavis, M. le député de Jacques-Cartier.

Motions sans préavis

Souligner le décès de trois professeurs de l'Université Concordia

M. Cameron: Merci, M. le Président. Je voudrais présenter la motion suivante: «Que cette Chambre souligne le décès de trois professeurs de l'Université Concordia, le Dr Matthew Douglass, professeur de génie civil, et Michael Hogben, professeur de chimie, décès survenus lors d'une fusillade à cette université le 24 août 1992, ainsi que le Dr Aaron Jaan Saber, professeur de génie mécanique, décédé quelques jours plus tard des suites de cet événement malheureux.»

Le Président: Oui, M. le député de Jacques-Cartier, c'est la motion que vous présentez.

M. Chevrette: M. le Président, je crois qu'il y a consentement au niveau des formations politiques.

Le Président: Ma question est la suivante: Est-ce qu'il y a consentement pour que nous débattions de cette motion? M. le leader de l'Opposition, il y a consentement? Consentement, très bien. Alors, nous allons procéder. Je vous cède la parole, M. le député de Jacques-Cartier.

M. Neil Cameron

M. Cameron: Merci. I would like to say a few words about the tragic events at Concordia for reasons that are not only related to my constituency, but even to a sense of personal involvement.

I worked for and studied at and taught at Concordia University for many years. Michael Hogben invited me to be a guest lecturer in his classes at one time and I have been a guest in his home. Professor Matthew Douglass, one of the most popular professors in the University, also a prominent figure in my own constituency where he was both loved and respected, active in his community and his church. In the case of Dr. Saber, I did not know him personally but I came to know his wife quite well for the excellent work she has carried out for Alliance Québec on the health dossier in the preparation of Bill 120. So, for each of these individuals who died, I fell the sense of connection myself and I know many other people in Montréal did as well, both anglophone and francophone.

In some respects, they are a remarkable microcosm of the English-speaking community in modern Montréal, White and Black, Christian and Jew, with family roots in Europe, United States, the Caribbean, but they will also be remembered as individual human beings. Too many good men and women have died in this century because they have been dragged in to the theatrical

melodramas dreamed up by deranged lunatics, and I hope there will not be too many more. We all feel a sense of helplessness in such cases and we turn to concern about firearms or security measures or things of that kind, and sometimes wish and hope that we could have done things better.

But, to some extent, on such things we never can know. In the neighbourhood I grew up in when I was a child, a man who lived down the street, who we had always regarded as a quite likable individual, one day came home and destroyed his family and then killed himself. Most of us can remember such ghastly incidents at one time or another.

This particular one perhaps struck our community with particular force because of the high respect with which those individuals were regarded by their families, their friends and the society at large. I believe that I speak for all of the National Assembly in extending my deepest sympathy to the families and to the friends of Matthew Douglass, Michael Hogben and Aaron Jaan Saber. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Jacques-Cartier. Alors, sur cette même motion de M. le député de Jacques-Cartier, je vais maintenant reconnaître M. le député de Sherbrooke.

M. André J. Hamel

M. Hamel: Merci, M. le Président. J'aimerais me joindre au député de Jacques-Cartier et ajouter quelques mots à la motion qu'il a présentée. En l'absence de la ministre de l'Enseignement supérieur et de la Science, Mme Lucienne Robillard, qui est retenue à Montréal pour une rencontre avec les dirigeants des universités McGill et Concordia, celle-ci m'a prié, à titre d'adjoint parlementaire, de vous faire part de quelques réflexions, suite aux événements tragiques survenus à l'Université Concordia.

Il y a des moments, M. le Président, où il n'est pas facile de trouver les mots justes afin d'exprimer les sentiments que nous ressentons lorsque nous sommes confrontés à des situations pour le moins pénibles. Tout d'abord, je voudrais offrir aux proches parents des trois victimes du 24 août dernier nos plus sincères condoléances. Le Québec a perdu à cette occasion trois membres actifs du corps professoral universitaire qui étaient aimés et appréciés, particulièrement des étudiantes, étudiants et des jeunes chercheurs qui les côtoyaient quotidiennement. MM. Michael Hogben, Matthew Douglass ainsi que Jaan Saber contribuèrent ardemment à former des personnes hautement qualifiées dont le Québec et le Canada ont tant besoin. (15 h 10)

I also would like to assure the entire staff and all the students of Concordia of our support in these particularly difficult times. I know that only time and human solidarity will ease our distress and the sorrow of the whole Concordia universitary community. Incidentally, yesterday, at Loyola campus, we had the opportunity to see a true demonstration of human solidarity, during the commemorative ceremony in memory of the victims of that tragedy.

Qu'il me soit permis à ce moment de rappeler aux membres de cette Assemblée que seul le silence et le recueillement nous permettront de mesurer l'horreur qu'ont vécue les membres de cette université et leurs proches. Il ne faut pas oublier les personnes qui souffrent encore, suite au geste inconsidéré de l'auteur de ces crimes, et penser à les réconforter, les supporter et les écouter.

Je m'en voudrais, avant de terminer, M. le Président, de ne pas souligner le travail extrêmement efficace de tous ceux qui, de près ou de loin, ont porté secours et assistance aux victimes et aux familles. Je fais référence aux membres de la communauté étudiante, au personnel de l'Université Concordia, à ceux d'Urgences-santé, du service constabulaire de la Communauté urbaine de Montréal, au personnel dévoué et empressé des centres hospitaliers qui ont accueilli les blessés ainsi qu'à tous ceux et celles qui, de près ou de loin, ont apporté leur aide précieuse. Je leur adresse un témoignage de notre profonde reconnaissance. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Sherbrooke. Sur cette même motion de M. le député de Jacques-Cartier, je vais maintenant céder à parole à M. le député de Westmount.

M. Richard B. Holden

M. Holden: Merci, M. le Président. Au nom de l'Opposition officielle, je félicite le député de Jacques-Cartier d'avoir pensé à faire cette motion et j'appuie fortement les sentiments qui sont dedans.

I also, Mr. Speaker, had met one of the professors through professor Saber, through his wife, and was very impressed with his intelligence and his quick wittiness. The other two, I did not have the opportunity to meet or get to know. One of the tragedies which has accompanied this event are the rumors that may lead us to believe that it might have been avoided, and that makes it all the more chocking and unacceptable. Concordia University is one of Quebec's great universities, known internationally, and I trust that this event will not have any adverse effects on its reputation.

Je sais pertinemment que la communauté anglophone est très, très en deuil à cause des événements du 24 août. Et nous, de l'Opposition officielle, nous joignons à tous les membres de cette Assemblée; nous offrons nos sympathies et nos plus profondes condoléances aux familles.

Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Westmount. Alors, est-ce que cette motion de M. le député de Jacques-Cartier, qui propose «Que cette Chambre souligne le décès de trois professeurs de l'Université Concordia, le Dr Matthew Douglass, professeur de génie civil, et Michael Hogben, professeur de chimie, décès survenus lors d'une fusillade à cette université le 24 août 1992, ainsi que le Dr Aaron Jaan Saber, professeur de génie mécanique, décédé quelques jours plus tard des suites de cet événement malheureux.», est-ce que cette motion est adoptée?

Des voix: Adopté.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Adopté. Alors, il n'y a pas d'autres motions sans préavis.

Affaires du jour

Nous en arrivons à l'étape des affaires du jour et nous continuons le débat sur la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire.

Je cède immédiatement la parole à M. le député de Joliette, leader de l'Opposition officielle.

Affaires prioritaires

Reprise du débat sur la proposition

du premier ministre visant l'adoption

d'une question devant faire l'objet d'une

consultation populaire portant sur un nouveau

partenariat de nature constitutionnelle

et sur la motion d'amendement

M. Guy Chevrette

M. Chevrette: Merci, M. le Président. Combien de temps, d'argent et d'énergie nous avons consacrés, depuis plusieurs années, pour discuter de constitution! Je pense, entre autres, à la commission Bélanger-Campeau qui a coûté plus de 4 500 000 $, à toute la question des commissions parlementaires sur la souveraineté et sur les offres qui ont coûté plus de 3 500 000 $, M. le Président. Je pense à tout le temps, l'énergie et l'argent qui a été dépensé par le gouvernement fédéral, argent dépensé dont nous assumons 25 % des frais. Je pense à la commission Spicer: 22 000 000 $, M. le Président. Ce n'est pas de la petite bière. Beaudoin-Edwards, plus de 1 000 000 $. Beaudoin-Dobbie, pour leur tournée, plus de 10 500 000 $; Beaudoin-Dobbie, pour la rédaction et la promotion de leur rapport, 20 000 000 $, M. le Président. Et je pourrais continuer. La commission sur les autochtones: 9 000 000 $. Canada 125, 50 000 000 $. Secrétariat d'État, promotion sur l'unité nationale: 12 000 000 $.

M. le Président, c'est 150 000 000 $ et plus que ça a coûté, plus un référendum qui va nous coûter 150 000 000 $. Beaucoup de temps, beaucoup d'argent, beaucoup d'énergie. Et ce, ces dépenses de près de 300 000 000 $, M. le Président, se situent dans une pleine récession économique, récession durant laquelle nos concitoyens ont vu leurs taxes scolaires doubler, ont vu leurs taxes municipales augmenter. Dans bien des milieux, ce fut une taxe sur la police. Au mois d'avril, ce sera une taxe sur la voirie tertiaire, M. le Président. En même temps, depuis deux ans et demi, en pleine récession, les comptes d'électricité ont augmenté de près de 30 %. Les citoyens se sont vu imposer une TPS de 7 % sur tout et une TVQ de 8 % sur les biens et de 4 % sur les services.

Tout en dépensant ce temps, cette énergie et cet argent, les citoyens ont joué le jeu, ils se sont présentés devant nous pour nous dire ce qu'ils voulaient. Ils se sont exprimés. Des individus l'ont fait seuls. Des gens l'ont fait en groupe. De tous les milieux, de l'âge d'or aux groupes de jeunes, aux groupes: la Corporation de développement économique; des sommets économiques; des municipalités. M. le Président, des gens a peu près de tous les milieux, de toutes les classes sociales, si je peux m'exprimer ainsi.

Durant tout ce temps, des citoyens et des milliers de travailleurs, M. le Président, ont perdu leur emploi. Des centaines et des milliers de Québécois se sont ramassés sur l'aide sociale. Il y a de modestes propriétaires qui ont dû vendre leur maison. Et ces gens-là se sont présentés, dans le temps, pour dire à Bélanger-Campeau: Voici ce que nous voulons. Essentiellement, ce qu'ils nous ont dit, c'est quoi? C'est ça qu'il faut d'abord se rappeler, ce que ces citoyens sont venus nous dire. Ils sont venus nous dire presque unanimement... Ils nous ont dit qu'ils en avaient soupe des discussions interminables, qu'ils souhaitaient, qu'ils désiraient ardemment que l'on trouve des solutions durables, qu'il fallait que le Québec obtienne des pouvoirs pour se développer sur tous les plans, sur les plans économique, social et culturel, sur le plan politique.

Le patronat, les chambres de commerce sont venus nous dire, M. le Président, qu'ils exigeaient le rapatriement des outils pour nous développer sur le plan économique sans être à la remorque des deux paliers de gouvernement qui se chicanaient. Le monde municipal, les corporations de développement économique nous ont dit: II est essentiel que l'on obtienne tous les pouvoirs en matière de développement économique régional. Ça, M. le Président, c'était unanime. Les groupes de l'âge d'or sont venus nous dire aussi que leurs modestes revenus les inquiétaient face aux dédoublements. Les jeunes sont venus nous dire: Ne bloquez pas notre avenir. C'est ça qu'ils sont venus nous dire, M.

le Président. Et le monde de la culture, unanimement, est venu nous dire: La langue et tous les pouvoirs s'y rattachant devraient relever exclusivement du Québec. Et il en va de même pour toutes les dimensions du développement culturel. (15 h 20)

M. le Président, ces personnes-là sont conviées, le 26 octobre prochain, par MM. Mulroney et Bourassa, pour essentiellement répondre à une question. Mais on se doit de leur dire: La question qu'on vous pose, ça ne correspond malheureusement pas à ce que vous nous aviez dit durant la commission Bélanger-Campeau ou au cours des forums qui ont été tenus, les colloques de toute nature.

Est-ce qu'on a récupéré ces pouvoirs? Est-ce que cette entente met fin définitivement aux innombrables négociations qui n'en finissent plus, M. le Président? C'est ça à quoi il faut répondre.

Pourtant, nous aurions cru que MM. Bourassa et Mulroney avaient compris. Rappelez-vous, M. Bourassa nous avait dit, le 23 juin 1990, et je vais le citer, M. le Président: Jamais plus je ne négocierai à 11. Désormais, le Québec a tout en main pour s'assumer lui-même. M. le Président, on est loin de cela. M. Mulroney avait ajouté: Nous allons faire en sorte que les Québécois réintègrent la Constitution dans l'honneur et l'enthousiasme, s'il vous plaît. Où est l'honneur, M. le Président, puis où est l'enthousiasme?

Et, M. le Président, il faut se rappeler que M. Bourassa avait donné des signes de compréhension vis-à-vis les messages des Québécois, puisqu'il avait signé le rapport Bélanger-Campeau, et, pas longtemps après, il avait signé également, M. le Président, le rapport Allaire. Donc, les Québécois étaient en droit de s'attendre à ce que leur premier ministre ait vraiment compris les messages clairs que ces derniers lui avaient exprimés, au cours des audiences de la commission Bélanger-Campeau, ou encore dans son propre parti.

M. le Président, je crois qu'il y a beaucoup de gens qui l'avaient cru parce que je me souviens d'une de ses déclarations, en particulier le 13 juin 1991, où il disait: II est également de l'intérêt du Québec et aussi du Canada - et c'est le premier ministre Bourassa qui parle - de se rendre compte que nous n'avons plus les moyens de maintenir un fédéralisme compétitif. Quand le Canada était financièrement à l'aise, disait-il, il pouvait y avoir une compétition entre deux niveaux de gouvernement de manière à servir au maximum les citoyens.

Mais, aujourd'hui, alors que nous avons un endettement énorme à plusieurs niveaux, nous ne pouvons plus dédoubler, nous ne pouvons plus avoir de dédoublements qui sont très coûteux pour les contribuables. C'est M. Bourassa qui parle toujours, M. le Président. Donc, la décentralisation, à cet égard, est une option réaliste et valable. C'est ce que l'on retrouve dans le rapport Allaire, disait-il. C'est ce que l'on retrouve également dans le rapport d'experts qui avait été soumis à son cabinet dans les quelques jours qui ont suivi, parlant d'un livre beige, également, dans un rapport qu'il avait reçu de la Chambre de commerce du Québec, qui approuvait la position du gouvernement, disait-il, sur le fédéralisme efficace.

On voit qu'il y a plusieurs appuis, disait-il, actuellement pour la thèse qu'a développée le gouvernement depuis plusieurs années. À partir d'un type de déclarations du genre, M. le Président, entre vous et moi, nous étions en droit de nous attendre qu'il y ait des réponses aux attentes des Québécois qui s'étaient exprimées.

Et M. Bourassa d'ajouter: Mais il faut continuer nos démarches dans le domaine des communications, qui est un secteur important pour le développement culturel et aussi économique du Québec, et il nous faut un nouveau partage très approprié à ces objectifs. Et, M. le Président, écoutez bien ce que son acolyte, le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, disait le 11 mars 1992. Ce n'est n'est pas loin, ça. Il disait: II y a une règle de base qui existe pour faire ce partage de compétences législatives entre le gouvernement central et les provinces. Cette règle, c'est de dire: Lorsqu'un gouvernement est près d'un problème, on devrait lui donner une responsabilité complète pour qu'il puisse travailler d'une façon efficace.

M. le Président, qui pouvait être divergent d'opinion? Ni les souverainistes, ni les fédéralistes qui exigeaient des changements en profondeur ne pouvaient rajouter à une telle affirmation. Nous croyions, à l'époque, qu'il avait compris le message. Et, M. le Président, nous étions en droit d'autant plus de croire qu'il avait compris le message parce que, quand le rapport Beaudoin-Dobbie est sorti, tout ce beau monde, autant le premier ministre que le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, a dit: C'est insuffisant. Ils ont même trouvé que l'offre du 7 juillet, c'était insuffisant.

M. le Président, ce qui était inacceptable dans Beaudoin-Dobbie, ce qui était inacceptable le 7 juillet et qui est exactement ce qu'on propose aux Québécois, ce qui était inacceptable le 7 juillet est devenu quelque chose de formidable. Ce qui était un recul avant le 28 août est devenu un progrès. Ce qui était indispensable avant le carnaval des aubaines du lac Harrington et de Charlottetown n'est plus nécessaire. Ce qui devait changer est maintenant tolerable. Tous ces beaux mots d'avant, M. le Président, sont devenus résumés dans la phrase suivante: C'est mieux que rien. Ça aurait pu être pire, nous disent-ils. Est-ce que c'est cela, transposer les consensus des Québécois et des Québécoises? Est-ce que c'est cela, transposer les consensus qui ont coûté des millions de dollars en pleine

récession?

M. le Président, 30 ans de mésententes, 30 ans de tergiversations et même de chicanes pour se faire dire qu'il y aura un Sénat où^ le Québec sera sur un pied d'égalité avec l'île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Ecosse. Franchement, depuis 1967, nous, on s'est débarassés de cette structure qui nous coûte de gros sous. C'est devenu un gain, imaginez-vous! Alors qu'on avait 28 % de représentation et qu'on tombe en bas de 10 %. M. le Président, comment se fait-il que c'était inconcevable, inacceptable, qu'il fallait rejeter ça avant le 28 août et qu'aujourd'hui, c'est devenu formidable? Expliquez-moi ça! En quoi est-ce un progrès pour le Québec? En quoi est-ce un progrès pour le Québec? M. le Président, le poids politique du Québec a chuté.

Trente ans pour se faire dire que ce sont des juges qui, dorénavant, trancheront les litiges advenant l'échec des négociations avec le peuple autochtone. M. le Président, 30 ans, entre vous et moi, alors que le Québec a toujours maintenu et a toujours voulu que les transactions ou les échanges ou les ententes entre les peuples, ça se traduise par des traités, des conventions ou des ententes. Et on en avait fait la preuve au Québec, que c'était possible, puisque nous avions signé l'entente de la Baie James. Jamais, disait le ministre des Affaires intergouvernementales canadiennes, on n'acceptera que les juges se substituent au pouvoir politique dans ce genre de relations avec le peuple autochtone. Aujourd'hui, ce qui était inacceptable, inconcevable et que jamais il n'accepterait, c'est devenu une excellente entente à laquelle on nous convie le 26 octobre prochain. Franchement, on veut se rire de nous. C'est aussi simple que ça. On rit de la population.

Trente ans pour se faire dire que le développement régional, dorénavant, il faudra le négocier. Quand on sait qu'il y en a eu à la pochetée, des ententes sur le développement régional. Ce n'est pas ça que les gens sont venus nous dire sur le développement régional. Ils sont venus nous dire: Ça nous prend les pouvoirs exclusifs parce qu'on en signe, des ententes de 900 000 000 $, de 1 000 000 000 $ et on n'est même pas capables de les dépenser parce qu'on ne s'entend même pas sur la manière de dépenser. Les gens ont dit: II faut que ce soit un seul gouvernement qui administre les fonds de développement régionaux et qu'on n'ait pas à s'embêter l'un l'autre. Ce qui était inacceptable avant le 28, c'est devenu une entente extraordinaire.

Pire encore, pire encore, les autochtones, eux, ont l'aboutissement; ils savent qu'après cinq ans ils pourront se présenter devant les tribunaux. Nous, là, on pourrait parler 6 ans, 10 ans, encore 30 ans, il n'y a aucune clause, dans le document constitutionnel du 28 août, qui prévoit la manière de régler le dilemme si on ne s'entend pas. Ce n'est pas des farces. Aucune preuve de résultat n'est exigée. C'est sérieux, ça. On a dit, pendant 30 ans, qu'il fallait rapatrier un paquet de pouvoirs, y compris le pouvoir de dépenser. On en a entendu des vertes et des pas mûres dans cette Chambre. (15 h 30)

Ce matin, le député de Trois-Rivières, croyez-le ou non, disait, dans son exposé: M. Bourassa a obtenu I'«opting out» sur la clause de la société distincte. Imaginez-vous! On peut bien dire ce qu'on veut dans cette Chambre, mais il faut quand même être sérieux. Il y a un texte. Il faut l'avoir lu, il faut l'avoir compris pour expliquer à notre population. Clause d'«opting-out» sur la société distincte. Et je vous en sortirai bien d'autres mardi ou mercredi, à part ça, M. le Président.

Il y a eu des perles échappées en cette Chambre. Il faut arrêter de se rire du monde. Il y a des limites. La population n'a pas consenti à ce qu'on dépense ces paquets de millions pour faire rire d'elle. La population québécoise qui doit assumer la facture veut avoir l'heure juste, veut avoir la vérité, veut avoir les tenants et aboutissants, veut voir si on répond véritablement au consensus et aux voeux exprimés par la population lors de ces consultations, M. le Président. Trente ans pour se faire dire que le développement régional fera partie d'ententes. Puis, si on ne s'entend pas, il n'y a pas de mécanisme prévu. Puis, si on s'entend, c'est le maximum de cinq ans pour qu'on recommence à se chicaner. Ce n'est pas ça que les Québécois voulaient. Ils voulaient le rapatriement des pouvoirs exclusifs pour enfin régler le problème une fois pour toutes. Trente ans, M. le Président, pour découvrir que les six pouvoirs dont parlent le premier ministre et le ministre des Affaires intergouvernementales sont tous compris dans l'article 92 de la Constitution actuelle. Dans la Constitution actuelle, au point 5 et à l'article 92.16, c'est très clair, nous avions tous ces pouvoirs.

M. le Président, c'est pire. On recule sur ce point-là d'une façon majeure. Même les pouvoirs que nous avions, en vertu de la Constitution, de façon exclusive. Qu'est-ce qui est marqué dans le texte du 28 août? Dans le texte du 28 août, M. le Président, il est écrit que pour exercer ces pouvoirs exclusifs que nous avons depuis 1867, ça va prendre des ententes. Ça va prendre des ententes puis un cadre de partage. Puis, si on ne s'entend pas, ça veut dire que les pouvoirs qu'on avait de façon exclusive depuis 1867 ne pourront même pas être exercés. Voyons! On n'a pas mis tout ce temps-là, toutes ces énergies-là puis tout cet argent-là pour aller scruter ce que les citoyens avaient dans la tête et dans le coeur pour essayer de leur faire croire des affaires de même. Trente ans, M. le Président, pour découvrir une chose, ce qui est typique dans l'entente, et dans la question, d'ailleurs. Et là on voit bien que ça a été pensé. On se rend bien compte, M. le Président, que la culture, ce n'était pas

attaché. En catastrophe, ça s'est mis à échanger des lettres. Concernant l'immigration, le premier ministre attend encore une lettre.

Avez-vous remarqué leur question, comment elle est posée? Consentez-vous à ratifier sur la base... Sur la base. Vous savez que le premier ministre est fort. Il parle de Meech, de la substance de Meech, du semblant de substance. Là, c'est la base. Ce n'est pas l'entente. Si on prend le soin minutieux de mettre le mot «base», c'est parce qu'il y a autre chose. Sinon, on dirait: Votez pour ou contre l'entente telle que rédigée définitivement. Quand on dit «renouveler la Constitution sur la base», ça veut dire qu'on n'a peut-être pas fini d'avoir des reculs, à part ça, M. le Président. Ça ne fait pas sérieux. Moi, je pense qu'il nous faut absolument, absolument, M. le Président, renvoyer ces gens-là faire leurs devoirs. Pour répondre au consensus qui s'était dégagé au Québec, est-ce qu'il y aura des nouveaux pouvoirs transférés le 26? Eux autres vont dire: II y aura probablement des ententes.

J'entendais la ministre des Affaires culturelles dire: Oh! oui, je vais négocier, il y a des ententes. Mais, M. le Président, qu'arrivera-t-il après le 26 octobre? Quel rapport de forces ils auraient, ces gens-là, pour négocier, surtout si c'est un Jean Chrétien qui remplaçait, même, un Mulroney? Vous êtes-vous imaginé le rapport de force qu'ils ont? Si ce n'est pas les mêmes philosophies, si ce n'est pas les mêmes concepts, les mêmes standards nationaux, qu'est-ce qui va arriver avec tout ça? Ce n'est pas ça que les Québécois voulaient, M. le Président. Les Québécois voulaient une entente qui règle définitivement les problèmes, une entente qui accroisse les pouvoirs, une entente qui empêche qu'on se traîne à quatre pattes devant Ottawa. Ils voulaient quelque chose de clair, quelque chose de définitif.

Je demeure convaincu que lorsqu'on aura expliqué, point par point, ce à quoi on nous convie, ce sur quoi on veut nous faire voter, ce à quoi ça nous engage, je suis persuadé, j'ai la conviction profonde que c'est avec une forte majorité qu'on dira au gouvernement Bourassa: Non merci, retournez faire vos devoirs, arrêtez de nous endormir, dites-nous la vérité, parce que je ne conçois pas qu'on ait soutenu pendant deux ans au moins, minimum de deux ans, à se faire dire: Ça n'a pas d'allure; il faut qu'il nous donne ça; c'est inconcevable de donner le pouvoir aux juges; c'est inconcevable qu'on n'ait pas tous les pouvoirs en matière de main-d'oeuvre, tous les pouvoirs en matière de développement économique, tous les pouvoirs en matière de langue, tous les pouvoirs en matière de culture. C'est impossible qu'on nous ait dit ça pendant deux ans, M. le Président. Quand on ouvre l'offre, on ne retrouve aucun de ces pouvoirs exclusifs. C'est toujours par des ententes et des ententes qui ne font que faire recommencer le fameux dédale des négociations qui n'en finissent plus, sans avoir de mécanisme pour régler, pour mettre fin à ça, M. le Président. Ce n'est pas ça que les Québécois voulaient. Les Québécois ne voulaient pas une entente qui constitutionnalise la mésentente. Ils voulaient une entente qui mette fin au problème, qui mette fin au problème. Et ça, qu'on me prouve...

Je mets au défi n'importe qui du pouvoir de me prouver que cette entente-là répond au voeu de la population qui voulait avoir véritablement des solutions qui mettent fin à ces tergiversations, à ces mésententes continuelles, à ces négociations stériles, à ces confrontations perpétuelles. Durant ce temps-là, M. le Président, on coupe les transferts en santé. En 1996, on n'aura plus de transferts en santé, selon ce qu'on nous informe - c'est le ministre lui-même qui nous l'a dit, mais que l'année référendaire, il avait reçu une somme - et par des standards nationaux, ils nous obligeraient à maintenir des choses sans que l'argent ne suive. C'est inacceptable, M. le Président, c'est inconcevable, et on ne le prendra pas. On ne le prendra pas, non merci, et on va lutter, M. le Président, démocratiquement. Non pas, M. le Président, sur des faux prétextes, non pas sur des faux thèmes. On va discuter d'une entente qu'on veut nous faire avaler. Personnellement, M. le Président, le menu ne me plaît pas, parce qu'il ne correspond pas à ce qu'on a dit à la population, il ne correspond pas à ce que la population nous a dit. C'est un gros non merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Joliette. Sur cette même question, à savoir la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire, je vais maintenant céder la parole, pour une période de 20 minutes, à M. le député de Charlesbourg et ministre de la Santé et des Services sociaux.

M. Marc-Yvan Côté

M. Côté (Charlesbourg): Merci, M. le Président. À une semaine d'intervalle, M. le Président, je me retrouve à la suite du député de Joliette à intervenir, et je trouve que le hasard fait bien les choses, à tout le moins en ce qui me concerne. Il y a donc une semaine, j'avais l'opportunité de m'adresser à cette Assemblée dans le cadre des débats entourant la loi 150, le prélude, en quelque sorte, à ce qui allait être dit et véhiculé sur la place publique au cours des prochaines semaines.

À mes heures, M. le Président, et vous en serez très certainement étonné, il m'arrive de me faire observateur. Ce que j'ai vu et surtout entendu au cours de ces journées a de quoi me faire dresser les quelques cheveux qu'il me reste sur la tête. À en croire l'Opposition officielle, M. le Président, le Québec se dirige tout droit en enfer, probablement parce qu'il y a une similitude entre l'enfer et le rouge, comme quoi

l'entente de Charlottetown du 28 août dernier ne comporte, mais ne comporte réellement aucune espèce de vertu. Loin de moi, ici, l'idée de faire entendre raison à mes amis d'en face, à tous ces détenteurs de la vérité qui, le temps d'un non, se retrouvent réunis dans un même but. Ce serait, à toutes fins pratiques, peine perdue. Ce que nous entendons depuis une semaine, c'est un non qui ne veut pas dire non. C'est un non modulé où l'on cherche surtout, M. le Président, à dire ce qu'il ne signifie pas. Vous aurez compris que ça ne signifie pas l'indépendance. Mais, au juste, qu'est-ce que c'est qu'il signifie?

Je vous dis, à vous qui aurez à éclairer l'ensemble des intervenants de tout le Québec qui auront à poser un choix, éclairé le plus possible: Ayez au moins le courage de dire un non signifiant et non pas un non insignifiant, comme vous vous apprêtez à le faire avec plusieurs de vos compères. Quand on poursuit un seul objectif, soit celui de briser le système actuel, on a beau argumenter pendant des heures et des heures, apporter des faits précis, la vérité, rien à faire, rien ne peut être fait pour convaincre ces personnes. (15 h 40)

Mais je ne capitule pas pour autant, M. le Président. Et c'est très mal connaître l'homme politique que je suis, puisque le message que j'ai livré ici même vendredi dernier et que je livrerai aujourd'hui, je vais le multiplier par dizaines, par centaines et par milliers partout à travers le Québec pour que les gens puissent juger, puisque je n'ai et nous n'avons rien à vendre, M. le Président. Et c'est ça, un discours honnête, un discours vrai dans ce débat qui s'amorce aujourd'hui et qui vise effectivement à répondre à la question qui est posée à l'ensemble des Québécois, une question beaucoup moins alambiquée que celle que nos amis d'en face ont posée à la population du Québec en 1980, une question beaucoup plus claire et beaucoup plus simple.

Je dirai donc, M. le Président, à mes électeurs de Chaiiesbourg ainsi qu'à tous ceux que je pourrai rencontrer à travers le Québec: C'est un oui à l'entente, un oui sincère, un oui franc et fier de dire oui. En même temps - et personne ne pourra reprocher à qui que ce soit de ce côté-ci de la Chambre, à tous ceux qui diront oui, de tenter d'amplifier la valeur du oui, de lui donner des vertus qu'il n'a pas puisque, dès le début, nous l'avons dit et nous le répétons: Nous n'avons pas obtenu le rapport Allaire. C'est clair. On aurait espéré davantage - le premier ministre l'a dit dans son intervention de mercredi - mais ça ne veut pas dire pour autant que nous n'avons rien obtenu et que nous avons reculé, comme tentent de le laisser croire les gens de l'Opposition.

C'est donc oui, parce que c'est plus que Meech, avec son concept de société distincte, ses pleins pouvoirs en immigration, son droit de veto sur toutes les nouvelles modifications à la Chambre des communes, au Sénat et à la Cour suprême.

L'entente du 28 août, M. le Président, nous allons le dire et le redire que ça plaise ou que ça déplaise - c'est plus, et c'est encore plus que cela - c'est un oui pour garantir, à tout jamais, le poids du Québec dans les institutions fédérales et, en particulier, aux 25 % de la Chambre des communes. Et si Peter Blaikie a pris soin de dénoncer hier l'apport des 25 % et que d'autres s'apprêtent à le faire à l'intérieur du Canada, c'est qu'il doit y avoir tout de même une certaine vérité sur le poids relatif et réel que nous avons réussi à obtenir par cette entente. Et ça, c'est des faits. C'est des faits vrais. C'est des faits que personne ne peut contredire.

C'est aussi, M. le Président, un statut de partenaire de plein droit des autochtones. Dites-nous et faites-nous dire par vos beaux esprits, dont le député de Bertrand... Et on a vu ce dont il est capable tout à l'heure, à la période des questions, de quoi faire rougir le député de Westmount, j'imagine, qui, par la suite, s'adressait devant cette Assemblée en anglais alors que le délégué du Québec à Londres ne pourrait pas s'adresser en anglais aux Anglais.

Une voix: C'est un scandale!

M. Côté (Charlesbourg): M. le Président, c'est avec ce genre d'individu qu'on veut diriger le Québec.

M. le Président, dites-nous, dans le dossier des autochtones, ce que votre position à vous et ce qu'un non apporterait en termes de règlement. Dites-nous et dites-le à la population si, par exemple, dire non à l'entente constitutionnelle règle le problème des autochtones partout à travers le Canada et au Québec? Dites-nous et dites à la population de Châteauguay et d'Oka si dire non à l'entente constitutionnelle règle le problème de Châteauguay et règle le problème d'Oka. Dites-le à la population et vous aurez, à ce moment-là, l'étiquette de gens qui ont l'honnêteté de dire la vérité. C'est aussi, M. le Président...

M. Gendron: Ça règle en disant oui?

M. Côté (Charlesbourg): J'entends le député d'Abitibi-Ouest. Il dit: Ça règle en disant oui. Vous avez exactement tout compris. Oui, c'est de l'ouverture d'esprit, ce que vous n'avez pas. Oui, c'est effectivement dire au peuple autochtone: Vous êtes des partenaires à part entière du Canada. Et c'est ça, l'esprit d'ouverture qui caractérise ce côté-ci de la Chambre par rapport à toute cette amplitude d'ouverture qu'on voit de l'autre côté, y compris par le genre de question posée par le député de Bertrand tantôt. Et c'est ça, c'est à partir de ça qu'il faut juger de la

volonté réelle des gens de régler les problèmes de ce Québec et de ce pays.

Qu'il suffise, M. le Président, en termes de pouvoirs, de dire à la population du Québec, en termes de formation de la main-d'oeuvre, formation professionnelle, qu'il y a là des acquis tout à fait exceptionnels, et de ne pas avoir peur de le dire, parce qu'il s'agit de l'avenir économique du Québec et, par conséquent, de l'avenir de cette jeunesse qui espère davantage des hommes politiques et des pouvoirs politiques et qui espère être capable... être en pleine situation, en plein contrôle de tous les leviers d'action qui vont nous permettre, finalement, d'espérer que notre avenir économique soit encore plus prospère que ce que nous avons maintenant puisque nous, comme à travers le monde, notre économie subit quelques essoufflements.

Donc, M. le Président, c'est un oui, un oui sincère et un oui fier que je dirai, parce qu'il y a plus que ce que nous avions dans Meech. Donc, des plus pour le Québec qui lui confèrent une place de choix, mais surtout une influence majeure dans l'ensemble canadien. Tout cela ne vaudrait pas la peine d'être véhiculé largement sur la place publique? M. le Président, ce que je peux vous dire, pour autant que je suis concerné, je vais m'employer à le faire connaître, à faire connaître cette entente, et dans ses moindres détails, parce que les Québécois ont le droit de savoir autrement que par des spécialistes ou des sondages interposés, interprétés par un certain nombre de personnages qui écrivent et qui sont en mal de sensations ou qui cherchent une satisfaction personnelle à exprimer ce qu'un sondage ne veut pas dire, mais passer leurs propres opinions personnelles en les faisant passer sur le dos des sondages.

Nous en avons eu un exemple, cette semaine, avec SOM, lorsqu'on regardait la page frontispice du Soleil, avec la première phrase qui se lisait: Les gens très insatisfaits de Robert Bourassa. Quand on posait la vraie question à l'intérieur, on y retrouvait, en répondant à la question: Le seul et celui qui est le mieux habilité à défendre les intérêts des Québécois à l'intérieur du Canada, c'était Robert Bourassa. C'est ça, M. le Président, carrément et simplement.

M. le Président, puisque nous en sommes à parler du rôle de la presse, vous ne serez très certainement pas étonné, puisque j'ai relu ce que j'avais dit devant cette Assemblée, le 4 décembre 1989, au moment où nous nous sommes retrouvés après une campagne électorale. Je ne retire strictement rien de ce que j'ai dit à l'époque, M. le Président. Je le prends, je le redépose à l'Assemblée nationale pour rafraîchir des mémoires puisque, à l'époque, la fédération québécoise des journalistes avait senti le besoin, au lendemain de cette campagne, de s'interpeller sur le rôle de la presse durant une campagne électorale, et la même chose durant un référen- dum, pour faire en sorte que l'on véhicule strictement la vérité et les faits aux citoyens du Québec pour qu'ils puissent se faire un certain nombre d'opinions.

M. le Président, vous le savez, dans le domaine de la presse, il y a des éditorialistes qui prennent position et qui défendent leur point de vue. Et ça, c'est acquis, c'est clair, et personne ne veut toucher à cela. Il y a aussi un certain nombre de journalistes reporters, que ce soit dans l'écrit, que ce soit dans l'électronique, qui ont une responsabilité sociale et morale de transmettre à la population du Québec les faits tels qu'ils sont. Vous avez en quelque sorte l'obligation de faire passer vos intérêts et votre vision personnelle bien après l'intérêt supérieur de la nation.

C'était ça, le sens du message que j'ai passé le 4 décembre 1989. Et, M. le Président, je me suis dit: Cette année, en tenant compte de chacun des intervenants, que ce soit les éditorialistes, que ce soit les journalistes reporters, les faits ou d'autres plus cachés derrière les pupitres... Très souvent, vous parlez à un journaliste qui dit: Mon article est correct, mais c'est le titre qui n'est pas bien, bien correct. Ce n'est pas moi. C'est quelqu'un qui est à quelque part au journal, qui fait un beau titre et qui, bien plus souvent qu'autrement, ne dit pas ce que l'article veut dire, ou celui qui choisit une photo, parce qu'il y a toutes sortes de moyens. C'est par les textes et aussi par les photos et par les articles. (15 h 50)

M. le Président, je me suis beaucoup réconcilié, depuis 1989, avec la profession. Je me suis surtout réconcilié en regardant le style d'émission qui a été faite par «Le Point». Je ne nommerai pas Radio-Canada parce qu'on va me dire: À Radio-Canada, c'est bien évident, Canada est dedans, hein? - par Jean-François Lépine, où on interrogeait un spécialiste constitutionnel qui a verbalisé, et qui n'a pas dit que du bien, mais qui a dit du bien, parce qu'il en existe, de cette entente constitutionnelle. C'est ça, être professionnel de l'information, être capable de donner à la population les éléments qu'il lui faut pour prendre une décision, laissant le peuple lui-même décider et faire ses choix quant à ce qui doit se passer.

Il est clair qu'ayant fait cela, M. le Président, il y a un certain nombre de devoirs, de réserves que les citoyens devront avoir. Au premier chapitre, tous ces parlementaires du Québec qui siègent à Ottawa, ils ont eux aussi un devoir de réserve, M. le Président. Ils ont tous - peu importe, les Bouchard (les deux), les Plamondon, les Rocheleau, les autres - ils ont tous le devoir de venir parce que ce sont des citoyens du Québec. J'ai dit, hier, Mulroney, je dis aussi que Jean Chrétien, Audrey McLaughlin ont le devoir d'être présents au Québec pour expliquer leur vision du Québec dans le Canada

et, M. le Président, à l'intérieur des règles qui nous régissent, parce que nous avons voulu tenir ce référendum sur nos lois et avec nos lois et notre loi référendaire. Donc, dans cet esprit, sans inonder le Québec d'une publicité que nous devrions dénoncer si elle devait dépasser les limites de ce que la loi nous permet, les Québécois ne seront pas dupes d'une publicité tapageuse qui pourrait finalement avoir très mauvais goût.

M. le Président, oui à un certain nombre de devoirs et réserves aux mandarins d'Ottawa qui ont le pouvoir permanent. Il y a beaucoup de bonne volonté, et il y en a eu à travers les âges et les décennies de la bonne volonté des hommes politiques, qu'on les aime ou pas, ou des femmes politiques, ces gens à Ottawa. Souvent, cette volonté politique de faire des choses, d'arrimer des choses était défaite par des mandarins supérieurs qui, eux, avaient leur fauteuil à défendre, et défendaient davantage leur fauteuil et leurs conditions que les intérêts du Québec à l'intérieur du Canada. Eux aussi, M. le Président, doivent avoir un certain nombre de messages sur les devoirs et réserves qui leur incombent dans la campagne que nous menons maintenant.

Finalement, bien sûr, M. le Président, un devoir de réserve vis-à-vis un certain nombre de constitutionnalistes ou d'experts qui pullulent et fourmillent de ce temps-ci. Je les classe en deux catégories: ceux qui ont un c.v. à rendre crédible et ceux qui ont un c.v. crédible. Mais, M. le Président, on en a vu des c.v. crédibles qui sont venus devant la commission parlementaire: M. de Gandpré, M. Fortier, je dirais même M. Frémont que vous connaissez très bien, mes amis d'en face, puisqu'il a déjà été un membre du cabinet de M. Jacques-Yvan Morin, et d'autres aussi qui ont des c.v. qui sont tout à leur honneur - je dirais le juge Deschênes - qui ont fait part de leur opinion et qui peuvent, bien sûr, être alimentés ou contestés. D'autre part, un certain nombre d'autres c.v. ou personnages qui circulent un peu partout à travers le Québec, et qui veulent effectivement rendre leur c.v. crédible en pouvant ajouter quelques pièces de collection et, par la suite, bien sûr, se retrouver dans une situation où on puisse citer ces grands maîtres, ces grands penseurs un peu partout à travers le Québec.

M. le Président, c'est donc un débat, et il y a une question qui est posée à la population. Il y a une question qui est simple. Elle est là, cette question. Je veux tout simplement, dans les quelques minutes qui me restent, tenter de vous faire partager des moments tout à fait exceptionnels que nous aurons à vivre puisque nous sommes dans une démocratie. Le thème central de ce débat référendaire est celui de l'avenir politique. Qu'on soit indépendantiste ou pas, il est clair que nous avons tous à coeur le développement du Québec sur le plan politique, et la question fondamentale est celle-ci: Est-ce que c'est à l'intérieur ou en dehors du Canada? Je pense que c'est la question que nous débattons et que nous devrons débattre.

La question: Qu'est devenu le Québec, alors qu'il est membre à part entière de cette Fédération canadienne? Est-ce qu'il est devenu un de ces pays comme nous voyons en Europe, avec beaucoup de difficultés, après la levée du rideau de fer? Est-ce qu'on ne peut pas dire, M. le Président, que le Québec est devenu une société moderne, juste, et une société développée? Est-ce qu'on ne peut pas dire, M. le Président, aujourd'hui, notre fierté d'être Québécois, de nous promener partout à travers le monde et de pouvoir dire que nous sommes effectivement des Québécois, mais aussi dire que nous sommes des Québécois et aussi des Canadiens, mais d'abord des Québécois et des Canadiens ensuite, partageant la fierté d'être Québécois et la fierté aussi de vivre dans ce pays qu'est le Canada, malgré nos différences et malgré nos distinctions?

M. le Président, est-ce qu'on peut dire que le Québec n'est pas une terre de liberté fondamentale? Est-ce qu'à travers tout cela, pendant ces nombreuses années, nous ne jouissions pas d'un climat, d'une situation démocratique qui fait l'envie d'à peu près tous les pays à travers le monde? Est-ce que le Québec n'est pas cette terre de liberté où on peut s'exprimer de la manière dont on le fait depuis de nombreuses années, sur n'importe quel sujet? Est-ce que les Québécoises et les Québécois ne jouissent pas d'une protection de chartes des droits, du Québec et du Canada? Et, M. le Président, il faut le dire à cette population qui aura à voter demain, est-ce que ces libertés fondamentales n'ont pas été acquises dans le Québec à l'intérieur du Canada?

Oui, M. le Président, il faut le dire, c'est oui, avec le Québec à l'intérieur du Canada, et c'est à l'intérieur de ces règles de fonctionnement . que nous nous retrouvons aujourd'hui. Est-ce qu'on peut dire que le Québec, à travers ces 125 ans, n'est pas devenu une terre de justice et d'égalité sociale? Est-ce que, M. le Président, nous ne sommes pas dotés de mesures complètes au niveau des allocations familiales, de la gratuité des services de santé, de l'éducation, de l'assurance-hospitalisation, de l'assurance-chômage, de la protection du consommateur, de la sécurité du revenu? Est-ce que tous ces acquis que nous avons aujourd'hui, M. le Président, n'ont pas été faits dans le Québec à l'intérieur du Canada? M. le Président, est-ce que le Canada a été un empêchement au Québec de se développer? Non, M. le Président. La trajectoire du Québec depuis les années soixante est claire. Dans les années soixante, ce fut l'éducation, notre système qu'on a pu développer avec la participation du gouvernement fédéral sur le plan financier. Dans les années soixante-dix, la santé, M. le Président, et aussi l'économie. Est-ce qu'on n'a pas pu faire cela, M. le Président, et tout

cela en français, en défendant notre langue, notre culture, nos pouvoirs sur le plan de l'immigration?

M. le Président, moi, des gens essaieraient de me convaincre aujourd'hui, malgré les imperfections de l'entente, que je devrais dire non à tout cela? Moi, je dis, M. le Président, avec toute la sincérité dont je suis capable, que je vais me battre avec toutes les énergies que je peux avoir pour dire oui, M. le Président, à l'entente. Ce n'est pas parfait, c'est la marche en avant, c'est respecter l'évolution qu'a connue le Québec depuis les années 1960, et c'est aussi respecter cette jeunesse qui attend un avenir économique, social, et qui attend de ses leaders politiques qu'on lui dise la vérité et qu'on lui prépare un avenir, M. le Président, comme on a pu en avoir un pour nous. Et je dirai donc oui avec fierté à l'entente du 28 août, oui au Québec, et oui au Québec à l'intérieur du Canada. Merci beaucoup. (16 heures)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre et député de Chariesbourg. Sur la même motion du premier ministre relativement à la question référendaire, je cède la parole à M. le député de Chauveau et whip adjoint du gouvernement.

M. Rémy Poulin

M. Poulin: Merci, M. le Président. Avant d'entrer dans le fond du sujet, j'aimerais reprendre ce que mon collègue, le député de Charles-bourg et ministre de la Santé, a dit tantôt, quand il parlait des autochtones.

J'écoute ces gens-là, de l'autre côté, nous dire non à cette entente-là. Quand je regarde, il y a quelques années, lors d'un certain congrès au Concorde, ces gens-là ont accueilli à bras ouverts Max Gros-Louis, chef de la nation hu-ronne, et lui ont dit: Tu es le bienvenu dans ce grand parti, tu es bienvenu. J'aimerais voir le même chef de l'Opposition, aujourd'hui, accueillir M. Max Gros-Louis, de quelle façon il l'accueillerait, en lui disant non. Je pense qu'il attendrait à la porte, puis il lui dirait non. Il y a deux ans, c'était beau parce que c'était le jeu, puis, aujourd'hui, c'est non. Rien savoir des autochtones! Rien savoir de la nation huronne! Quand je vois aujourd'hui le député de Westmount... Oui, il a été accueilli à bras ouverts: Oui, viens-t'en avec nous, comme le grand chef, ce grand chef de l'Opposition. Mais il y a des surprises qui vont se réserver pour le député de Westmount, après le 26 octobre, quand la population du Québec, les Québécois et les Québécoises auront dit oui à l'entente.

M. le Président, j'aimerais aussi reprendre quelques paroles qui ont été dites par le député de Drummond. C'est lui qui a parlé de ses petits enfants. C'est lui qui a parlé aussi d'un William. Moi aussi, j'ai un fils qui s'appelle William. Et ce fils, qui a 13 ans et demi, aujourd'hui, M. le Président, je peux vous dire une chose, cet enfant-là a vécu des expériences fort agréables avec le Canada quand il a eu des échanges avec des enfants de l'Ontario, quand il a visité l'île-du-Prince-Édouard. C'est cette jeunesse-là... Il n'y a rien qui l'empêche, ce fils, mon fils, oui, d'être francophone, oui, d'avoir sa culture, oui, de rester à l'intérieur du Québec, oui, d'y croire, mais de partager avec l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes ce pays, ce pays, comme le disait le ministre de la Santé et des Services sociaux, ce pays de liberté, ce pays plein de démocratie, ce pays qui a un développement économique, mais avec l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes.

J'aimerais, M. le Président, reprendre un terme qu'il y a quelques jours le chef de l'Opposition se plaisait à dire, quand il parlait des petits pains pour les Québécois... C'est ce chef qui, de 1976 à 1983, a été ministre des Finances. C'est lui qui vient nous dire que nous, dans cette entente, ce que nous donnons aux Québécois et aux Québécoises, à notre jeunesse, c'est un petit pain. Du temps où le chef de l'Opposition était ministre des Finances: augmentation du nombre d'assistés sociaux, hausse également des impôts des particuliers, une baisse de qualité de la vie, un abandon littéral des régions du Québec, alors qu'elles éprouvaient des difficultés, en 1981 et 1982.

D'autre part, ce grand pâtissier nous a donné toute une fournée de mesures sociales qui ont eu pour effet d'accentuer les inégalités au Québec. Je donne ici l'exemple du plafonnement du salaire minimum, du manque de budget pour le réseau des autoroutes au Québec. Ce sont eux, M. le Président, qui... Toutes les nouvelles constructions ont été abandonnées, de 1976 à 1985, dans les régions. Quand on pense à la 30, quand on pense à la 50, quand on parle de la 20, quand on parle de la 73, quand on parte du boulevard du Vallon, dans la région de Québec... Et c'est ces gens-là, dans mon comté, qui s'élèvent, aujourd'hui.

Quand je vois l'ex-député de Chauveau, dans le temps du PQ, qui s'élève contre la construction de du Vallon, qu'on ne la fait pas. Il a été là quatre ans, et c'est nous qui avons réalisé son boulevard Talbot, à ce député-là. Lui qui le prenait tous les jours, de l'Assemblée nationale à chez lui, à Stoneham, il n'a pas fait le moindre geste. C'est ces gens-là qui, aujourd'hui, vont dire non à cette entente, non à cette entente parce que rien n'est bon.

M. le Président, j'écoutais le député de Chariesbourg, le ministre de la Santé. C'est vrai que tout n'est pas parfait dans l'entente. C'est vrai. Je ne connais pas un syndicaliste qui a gagné toutes ses conventions collectives non plus à 100 %, que chaque clause a été gagnée, que chaque clause a été donnée. Regardons l'évolution, dans les 20 dernières années, dans la

fonction publique. C'est gain par gain, à chaque convention collective. Que je me souvienne de ce que nous, comme M. le premier ministre Robert Bourassa a négocié, a donné à cette fonction publique, a changé littéralement le rôle de la fonction publique, non pas en coupant nos fonctionnaires de 20 %, comme ces gens-là ont fait, mais en leur donnant à chaque fois des négociations, en leur donnant des gains à chaque fois, M. le Président, quand la situation économique était bonne.

M. le Président, je pense que le Parti québécois manque de réalisme, en ce sens qu'il affirme à tort que nous ne pouvons conclure d'entente constitutionnelle en raison de l'absence de textes juridiques. Le chef de l'Opposition le sait lui-même puisque cela fait 36 ans qu'il est en politique, M. le Président. Comme il le dit lui-même, à chaque conférence fédérale-provinciale à laquelle il a assisté, les textes juridiques ou administratifs ne l'attendaient pas sur la table pour approbation. Bien souvent, M. le Président, les délégations canadiennes rassortent de ces conférences ou de ces pourparlers avec en poche des documents contenant des principes directeurs. Les modalités d'application ne sont définies que six mois ou un an après la conférence en question, M. le Président.

Dans le domaine des relations de travail, le chef de l'Opposition, je pense, M. le Président, avec toute sa grandeur, n'a de leçon à donner à personne. Il a recommandé - je vois certains de ses collègues qui étaient ministres du temps - de couper, oui, nos fonctionnaires, oui, cette base de fonctionnaires, M. le Président, qui gagnent 17 000 $, 15 000 $, 16 000 $, 20 000 $ de salaire, qui eux aussi avaient besoin de leur petit pain, qui eux aussi attendaient ce chèque pour, justement, boucler les fins de mois, M. le Président. Et ces gens-là s'en sont foutus carrément. Ils ont pris le petit pain et ils l'ont changé en biscuit soda, M. le Président. Ça, c'est notre président de la république, le chef de l'Opposition, M. le Président. Il s'est foutu carrément de ces gens qui gagnaient des petits salaires, nos petits salariés, M. le Président.

M. le Président, je pense que le 26 octobre les Québécois et les Québécoises auront compris que, oui, c'est avec sagesse, c'est avec toute la fierté que notre premier ministre a dit oui à cette entente. Mais j'aurais peut-être un conseil à donner - pas un grand conseil, parce que le président de la république ne doit pas en prendre tellement, de conseils, quand on regarde ce qui se passe autour de lui - mais, le 26 octobre, probablement une nouvelle carrière de cinéaste pourra s'offrir à ce grand chef de l'Opposition, et son premier titre de film, il pourra le reprendre... Quand je regarde le sort que ces gens-là ont réservé à René Lévesque, à Pierre Marc Johnson, son premier film pourrait s'intituler, lui aussi: «II danse avec les loups». Je regarde deux des ex-collègues qui ont vécu justement le règne de René Lévesque, de Pierre Marc Johnson et qui, aujourd'hui, sont même assis en arrière du chef de l'Opposition; je conseillerais au chef de l'Opposition de se promener, M. le Président, sur le bord des murs après le 26 octobre.

M. le Président, c'est avec fierté que je dirai oui à cette entente et que je travaillerai de tout mon coeur pour que les Québécois et les Québécoises, après cette entente, continuent ensemble à donner et à redonner encore plus d'avenir pour notre jeunesse et ceux qui y ont participé. Merci, M. le Président.

Une voix: C'est beau. (16 h 10)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Chauveau. Alors, je vous rappelle, et également à ceux et celles qui nous écoutent, que nous sommes à discuter de la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire. Je reconnais maintenant M. le député de Labelle. Vous avez droit à 20 minutes, M. le député.

M. Jacques Léonard

M. Léonard: Merci, M. le Président. Les Québécois, le 26 octobre, auront à répondre à une question à laquelle certains auront des difficultés à répondre: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?» La réponse devra être oui ou non. Je pense, M. le Président, que, pour répondre à cette question, il convient de regarder vers l'avenir plutôt que vers le passé. Je le dis parce qu'il est important qu'on le considère ainsi, parce que ce que nous entendons, à l'heure actuelle, c'est beaucoup d'éloges sur ce qu'a été le Canada pour le Québec et, donc, en conclusion, que les Québécois devraient voter oui à la question.

Le Canada, effectivement, même sur le plan économique, a vécu à l'abri de barrières tarifaires, de barrières douanières de part et d'autre d'un chemin de fer qui a couru de l'est à l'ouest. Mais la question doit être considérée en fonction de l'avenir: Est-ce que ce concept est-ouest à l'abri de barrières tarifaires tient toujours? Et est-ce qu'on peut juger de l'avenir en fonction du passé?

Je pense, M. le Président, que la question est majeure et qu'il faut considérer deux facteurs au moins qui sont neufs dans le décor ou relativement neufs, mais dont on n'a pas tiré non plus toutes les conséquences. D'abord, le développement des communications implique une ouverture sur le monde telle qu'on n'en avait jamais connu jusque-là. Le développement des transports, de la même façon, rapproche, par la rapidité, par la facilité, tous les citoyens de la planète. Effectivement, nous faisons face à des développements majeurs sur ce plan-là qui changent nos comportements et notre façon de

vivre. Chacun poursuit l'amélioration de ses conditions de vie, bien sûr, et cela se répercute dans le domaine de la santé, dans le domaine économique, dans le domaine culturel, dans le domaine social et des institutions - et nous y reviendrons - et chacun tend aussi, comme les pays, comme les gouvernements, à protéger les droits de la personne.

M. le Président, les conséquences sont majeures. Le passé du Canada, c'était un passé à l'abri de barrières douanières et tarifaires, autour d'un chemin de fer, alors que, dorénavant, le monde auquel nous faisons face, c'est celui, premièrement, du continent nord-américain bientôt élargi par l'Accord de libre-échange entre plusieurs autres pays, dont le Mexique, aux continents nord et sud-américains, et c'est ça le contexte des 25, des 50 prochaines années, au moins, disons, pour l'avenir prévisible.

Ce n'est plus du tout ce que nous avons vécu jusqu'ici. Lorsque nous considérons une Constitution qui est faite pour nos enfants, pour le futur, ce sont des facteurs qu'il faut considérer. À côté de ce contexte, nous avons ici, au Québec, une société qu'on a voulu qualifier de distincte, mais que j'appellerai une société réelle, un peuple réel, qui vit et qui s'inscrit dans le contexte que je viens de décrire, dans le continent que je viens de décrire. Nous sommes dans le continent nord-américain. Nous n'aurons plus de barrières tarifaires et de barrières douanières pour nous protéger et pour protéger notre économie ni même notre culture.

Effectivement, ce que je dis ici pour le Québec est aussi applicable pour le reste du Canada, la pression, l'influence des États-Unis sur l'Ouest du pays, sur les autres provinces du Canada est déterminante à l'heure actuelle, et il est illusoire de se protéger par des constitutions ou par des dispositifs comme ceux qu'on veut nous faire adopter.

M. le Président, le Québec constitue une société et un peuple, et ses commettants, ses citoyens vont voyager dans ce continent, vont vivre dans ce continent, vont écouter la télévision des États-Unis. Ils vont aller de plus en plus à Boston, à New York, à Washington. Ils vont déjà beaucoup en Floride et au Mexique, beaucoup plus souvent qu'ils ne vont dans l'Ouest, qu'ils ne vont à Regina ou qu'ils ne vont à Vancouver. Beaucoup, beaucoup plus souvent. Cela commande des relations très différentes de celles que nous avons connues et cela commande de nous poser la question si le pays qu'on a appelé le Canada jusqu'ici correspond à la réalité du futur. M. le Président, je pense que le dire ou poser la question, c'est déjà répondre en bonne partie parce que, au fond, ce pays, ce n'est plus le même, ce ne sera sûrement plus le même. Je pense qu'en écoutant le premier ministre dire récemment qu'il fallait avoir les politiques de sa géographie... Justement, il faut avoir les politiques de sa géographie. La géogra- phie, c'est que nos liens dans le futur iront vers le Sud, ils n'iront pas vers l'Ouest. De la même façon que dans l'ouest du pays, dans l'ouest du Canada, les liens vont se faire beaucoup plus directement avec les États-Unis, comme c'est déjà le cas, d'ailleurs, si on veut vraiment s'arrêter à examiner la situation, beaucoup plus vers l'Ouest que ces liens ne se feront jamais vers l'Est.

Dans ce contexte, la société, le peuple bien réel qu'est le Québec a besoin de se développer. Le constat que nous faisons à l'heure actuelle de ce pays qu'est le Canada, c'est un constat très négatif parce que, à côté des splendeurs du passé, il faut voir la réalité du présent où le comportement économique du Canada a faibli de façon considérable. Je rappellerai simplement - dans l'actualité d'aujourd'hui - que le rapport de l'OCDE le dénote et le démontre admirablement.

Je résume, là-dessus, M. le Président, simplement en disant que le comportement économique du Canada, qui devrait appuyer l'existence de ce peuple bien réel, de cette société qui existe au Québec, est en train de tourner à la catastrophe. Un élément sur le rapport de l'OCDE était rapporté hier par La Presse, mais en particulier, ce matin encore, dans un commentaire, par M. Claude Picher. L'OCDE dit que les Canadiens sont en train de manquer le bateau, qu'ils se font royalement distancer par tous leurs concurrents. La productivité du Canada s'effiloche comme une peau de chagrin parce que les Canadiens ont terriblement mal fait leurs devoirs dans les dossiers de la recherche et du développement, parce qu'ils ont épouvantablement négligé le dossier de la formation, etc. Je pourrais aller beaucoup plus loin. Nous avons simplement ici un tableau pour résumer le comportement du Canada en termes de croissance de son produit intérieur brut, qui dénote effectivement le ralentissement de la croissance économique au Canada. Ce tableau démontre une courbe où la croissance moyenne du PIB diminue considérablement. C'est le noir sur ce tableau.

Dans le contexte de cette ouverture internationale, il faut voir qu'une société comme celle du Québec aura besoin de son gouvernement pour s'en sortir, aura besoin d'établir des politiques de développement et de recherche, des politiques de formation de la main-d'oeuvre, des politiques aussi où l'on crée un climat favorable au développement, économique comme politique. C'est fondamental, fondamental. Dans le contexte de cette internationalisation, il faut qu'il y ait un État qui appuie son peuple, qui appuie sa société, ses institutions. Il faut que cet État soit simplifié, qu'il soit bien intégré à tout ce tissu économique et politique. Et le problème du Canada, qui explique d'ailleurs sa décroissance économique, c'est justement que ses structures étatiques sont extrêmement compliquées. Elles

l'ont été, elles lui ont nui dans le passé. Effectivement, des fédérations et des confédérations comme celle que nous avons ici sont des institutions du XIXe siècle qui aboutissent, à l'heure actuelle, à la faillite, qui n'ont pas tenu de la conférence d'après-guerre, et l'on veut perpétuer ce système par la proposition qui nous est faite. C'est cela, la question. (16 h 20)

Au contraire, dans le contexte, il faut que les décisions se prennent rapidement. Il faut que l'État soit efficace. Il faut, surtout au départ, que les orientations soient claires et qu'ensuite on soit rapides dans les décisions, on soit efficaces dans leur application. Or, si vous avez un État à deux têtes, c'est là où le bât blesse le plus parce qu'il n'y a pas de direction claire, il n'y a pas d'orientation claire. C'est le système qu'on perpétuera par le projet qui est sur la table, un gouvernement à deux têtes, et je dirais même plus, on a réussi à trouver un troisième ordre de gouvernement. Encore faut-il voir ou examiner l'ampleur de ce troisième ordre.

Mais je reviens à une chose: les éléments déterminants du progrès économique ou de ce qu'il faut, pour se sortir de la récession et de la crise économique que nous vivons, sont la recherche et le développement, la formation de la main-d'oeuvre, avec un système d'éducation qui soit adapté et le climat économique et politique sain.

Dans ce qui nous est proposé, malheureusement, je pense que ce constat n'a pas été fait et les conclusions, évidemment, n'en ont pas été tirées. Toutes les négociations qui ont eu cours, les études qui ont été faites, les témoignages qui ont été rendus démontrent qu'on s'est tournés vers le passé. Lorsqu'on fait l'éloge qu'on entend ou les éloges qu'on entend, à l'heure actuelle, c'est tourné vers le passé; malheureusement, ce n'est déjà plus la situation actuelle.

Je voudrais simplement, encore une fois, donner un dernier constat. Avant-hier, j'étais chez moi et je reçois, finalement, un petit dépliant publicitaire. On me dira que ça n'a pas d'influence référendaire, mais c'est indiqué «Le défi du commerce international». Ça vient du fédéral, publication fédérale, où l'on dit: «Libre-échange... un gagnant». C'est le titre de la troisième page. «Les chiffres commencent à le montrer. Le libre-échange a favorisé les exportations, créé des emplois et permis d'amortir la récession.» Bien. Je l'ai lu parce que cela a attiré mon attention. C'était évidemment un document qui prêtait à des questions parce que, en ce qui concerne le libre-échange, il y a quand même des questions qui se posent. Même si on est d'accord avec le principe, encore faut-il voir quelles en sont les retombées.

Or, il y a un petit tableau où l'on dit: «Libre-échange... un gagnant». Un petit tableau. L'Alberta, les exportations ont augmenté de 30 %, pour un total de 11 800 000 000 $. La

Saskatchewan, les exportations ont augmenté de 18 %, pour un total de 2 300 000 000 $. Ça va bien. Le Québec. Le Québec, les exportations ont augmenté de 2 %, de 1989 à 1991, pour un total de 17 700 000 000 $. Je n'invente pas les chiffres. Ce sont des chiffres fédéraux publiés, distribués dans un document fédéral à toutes les portes, j'imagine, du Québec ou, en tout cas, de la région de Québec, pour l'instant, mais cela nous indique très clairement quelles ont été les retombées, dans les circonstances actuelles, de ce que nous vivons: même pas, en termes d'augmentation, le taux d'inflation. Cela veut dire qu'en termes réels nos exportations ont diminué. Alors, M. le Président, on nous présente un projet qui, à mon sens, ne répond pas à la vraie question, au défi de l'avenir.

Je vais prendre dans ce projet deux éléments importants, on va me le concéder. D'abord, celui du transfert des compétences. Le Parti libéral avait examiné toute la situation, en 1990 et 1991, et il avait abouti, à son congrès, au rapport Allaire où l'on demandait le transfert de 22 compétences, 22. On demandait surtout l'étan-chéité des compétences, c'est-à-dire qu'il n'y ait pas de chevauchement, de dédoublement entre les niveaux de gouvernement, que ce soit clair qui fait quoi, que fait le fédéral et que fait le gouvernement provincial, le Québec en l'occurrence. Ça devait être clair, et je pense que c'est une des conditions pour que des institutions fonctionnement bien. Nous l'avons vécu dans le domaine municipal lorsque nous avons fait la réforme de la fiscalité. Les municipalités avaient des compétences attribuées très claires, avec des sources de revenus clairement identifiées, exclusives, et cela allait bien jusqu'à ce qu'il y ait des gens, des apprentis sorciers, qui touchent à la réforme. Donc, même le Parti libéral, en congrès, en consultation de toutes ses associations de comté, en était venu à la conclusion qu'il fallait rapatrier au Québec 22 compétences. Cela a été voté à plus de 80 % au congrès libéral, à plus de 80 %. Ces propositions allaient dans le bon sens, qui était celui d'identifier à chacun son rôle. Qu'est-ce qu'on disait? Effectivement, que dans le domaine de la recherche et du développement, que dans le domaine de la formation professionnelle, que dans le domaine de l'éducation, que dans le domaine de la santé le Québec devait s'en occuper exclusivement, et dans d'autres domaines, dans le monde des affaires municipales.

Or, qu'est-ce qui arrive après les propositions ou la proposition qui a été mise sur la table? Non, il n'y a aucune compétence de transférée. Le président de la commission des institutions du Parti libéral l'a constaté, les jeunes l'ont constaté: aucune compétence transférée. On reste avec des programmes à frais partagés, avec une juridiction générale du gouvernement fédéral qui peut dépenser dans tous les domaines, dans toutes les compéten-

ces - donc, qui conserve intégralement son pouvoir de dépenser - et les provinces et le Québec devront négocier des ententes administratives en prenant du temps, et Dieu sait, l'expérience devrait nous le dire, que cela prend beaucoup d'énergie pour arriver à très peu de choses. C'est l'expérience du passé et ce sera aussi l'expérience de l'avenir. Ce serait l'expérience de l'avenir si jamais on devait se rendre à cette proposition.

M. le Président, les négociations seront interminables en ce qui concerne ces ententes administratives, alors qu'au fond, ce qu'il faut sur ce territoire qu'est le Canada, sur le territoire du Québec, c'est qu'il y ait une décentralisation des pouvoirs telle qu'elle a été réclamée dans tous les travaux ou à peu près par tous les intervenants de la commission Bélanger-Campeau. On va à l'inverse de cette tendance.

Autre question, M. le Président - vous me faites signe déjà que le temps avance - le Sénat. Avant cette proposition ou avant l'été, on en parlait très peu au Québec. Laissez-moi simplement faire une réflexion sur la composition du Sénat. Nous allons, ou cette proposition va institutionnaliser le blocage des décisions au Canada et, effectivement, s'il y a une proposition qui est tournée vers le passé, c'est bien celle qui concerne cette réforme du Sénat, alors qu'on va donner à de petites unités, à de petites provinces, un pouvoir aussi grand de bloquer les décisions que celui qui est attribué au Québec et à l'Ontario. S'il y a vraiment un procédé antidémocratique, c'est bien celui-là. Un pays qui est au bord de la faillite et dont on voudra préserver les retombées, les programmes sociaux envers et contre tous, dont on voudra aussi s'attribuer à peu près tous les avantages sans en payer les coûts. Vraiment, M. le Président, en ce qui concerne le Sénat, c'est inacceptable, comme on le disait auparavant. Ça l'est encore plus maintenant dans la proposition. (16 h 30)

M. le Président, dernière remarque. Le projet qui est sur la table n'est qu'un projet; 25 clauses sur 60 ne sont pas réglées, ne sont pas négociées. Nous n'avons pas le texte écrit, juridique. Il n'est pas sur la table. Contrairement à ce qui se passe en Europe, alors qu'on discute de Maastricht, n'importe quel citoyen là-bas peut obtenir le texte écrit, juridique. Ici, non, nous n'avons rien de cela. Et, ce qu'on nous demande, ce qu'on demande aux Québécois, c'est de signer un chèque en blanc, un chèque en blanc à un gouvernement quand il est sûr que ce qu'il y a sur la table sera encore diminué dans les négociations qui vont perdurer par la suite.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): merci, m. le député de labelle. sur la même motion de m. le premier ministre, je cède maintenant la parole à m. le député de sherbrooke.

M. André J. Hamel

M. Hamel: Merci, M. le Président. Permettez-moi, avant de commencer mon intervention, de féliciter chaleureusement un athlète handicapé de Sherbrooke, M. André Viger, qui a gagné hier la médaille d'or aux Jeux olympiques pour handicapés, à Barcelone.

Ceci étant dit, M. le Président, vous comprendrez que c'est avec grand plaisir que j'interviens aujourd'hui dans le cadre de ce débat référendaire, afin de rappeler aux citoyens et citoyennes de Sherbrooke, et à ceux et celles du Québec, l'importance primordiale de conserver le choix de cette option canadienne.

Le 28 août dernier, notre premier ministre a réussi à obtenir pour le Québec des gains réels et l'assurance d'une reconnaissance non équivoque de la caractéristique spécifique du Québec au sein de la Fédération canadienne. Un bref retour historique nous rappelle qu'en 1867 un autre accord important fut signé afin de permettre au Canada de connaître ses premiers développements.

Or, il est tout à fait normal, M. le Président, qu'au fil des ans le groupe fondateur se soit agrandi et que les juridictions se soient multipliées afin de répondre aux besoins et aux aspirations de la population canadienne, et que constamment les associés de notre pays aient travaillé à améliorer la situation sociale, économique et politique de ce Canada. C'est la notion même du fédéralisme, M. le Président, que d'être en constante évolution afin de maintenir cette souplesse et cette efficacité nécessaires à son bon fonctionnement.

Ainsi, la population du Québec est maintenant conviée à nouveau à un référendum, le 26 octobre prochain, afin de décider si, oui ou non, elle accepte que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992. Cette entente, M. le Président, permettra au Québec de tourner une page importante d'une longue succession de difficiles négociations constitutionnelles. Cette entente permettra au Québec de réintégrer la Constitution canadienne avec dignité et fierté et elle servira de tremplin à un avenir encore plus prometteur. En effet, M. le Président, le premier ministre du Québec a réussi à obtenir la reconnaissance constitutionnelle de la société distincte dans un texte qui assure le Québec de garanties encore plus solides que le projet de Meech. Reconnaissance publique que le Québec obtient pour la première fois et dont il doit se réjouir, disait avant-hier M. Jules Deschênes, ancien juge à la Cour suprême du Canada.

Le Québec obtient également un droit de veto absolu sur tous les transferts de pouvoirs provinciaux qui pourraient se faire en faveur du Parlement fédéral, et ceci avec droit de retrait et pleine compensation financière pour le Québec; un droit de veto sur la formule d'amendement à

la Constitution; un droit de veto sur les changements aux institutions nationales: Chambre des communes, Sénat, Cour suprême; un minimum assuré à perpétuité de 25 % des sièges à la Chambre des communes, et ce, peu importe l'évolution démographique du Québec.

En matière de pouvoirs, le Québec détiendra la responsabilité du perfectionnement et de la formation de la main-d'oeuvre. Le Québec acquiert également la constitutionnalisation de l'entente sur l'immigration. La loi 101 obtient une protection accrue dans l'entente du 28 août. Et ceci nous a été confirmé par M. Louis-Philippe de Grandpré, ancien juge à la Cour suprême, ici même, à la séance du 8 septembre dernier au salon rouge de l'Assemblée nationale du Québec. Voilà donc, M. le Président, quelques éléments de cette entente du 28 août qui, déjà, nous assurent de gains indéniables pour le Québec. Nous aurons, bien entendu, l'occasion d'élaborer davantage sur ce sujet dans les prochaines semaines, alors que nous nous appliquerons et que nous réussirons à démontrer à la population du Québec qu'elle a grand intérêt à choisir de maintenir son appartenance au Canada et à appuyer sans équivoque cette entente.

Le Québec est une société moderne, dynamique, ouverte sur le monde, et ceci ne fera que s'accentuer dans son appartenance au Canada. Nos petites, moyennes et grandes entreprises québécoises se sont développées magistralement depuis un quart de siècle, et ce, toujours au sein de la Fédération canadienne. Le Québec a su se doter - et les développer - de leviers économiques, financiers et industriels majeurs, qui font d'ailleurs l'envie de certains pays du monde et de certaines provinces canadiennes, et ce, toujours en faisant partie du Canada. Le Québec français a pris un essor et une assurance remarquables, toujours à l'intérieur du Canada, et ces acquis seront solidement protégés par l'entente du 28 août 1992. Le Québec culturel est animé d'un dynamisme exceptionnel et il a réussi à s'imposer sur toutes les scènes du monde, et ce, toujours à l'intérieur du Canada.

M. le Président, cette entente du 28 août 1992 propose encore une fois au Québec des gains appréciables, garantissant des droits parlementaires qui seront enfin inscrits dans la Constitution canadienne. Nous obtenons des champs importants et exclusifs dans des secteurs clés comme l'immigration, la culture, la formation de la main-d'oeuvre, la protection de la langue française et d'autres encore. Cette entente acceptée, le Québec pourra continuer à travailler à l'essor économique de tous ses citoyens et citoyennes et à progresser dans tous les secteurs qui en ont fait une société distincte, dynamique, tolérante et ouverte sur le monde.

C'est pour toutes ces raisons que je travaillerai sans relâche, d'ici le 26 octobre prochain, à convaincre mes concitoyens et concitoyennes que voter non, c'est le maintien de l'incertitude sociale, politique et économique pour encore plusieurs années et, comme le disait le chef de l'Opposition, avant-hier, un pas de plus vers la souveraineté. Et voter oui à cette entente permettra au Québec de poursuivre le développement de sa spécificité dans ce Canada qui nous appartient toujours.

En terminant, M. le Président, permettez-moi de faire part à cette Assemblée de témoignages qui m'ont été spontanément exprimés durant le Symposium international sur la démocratie, auquel j'ai eu le privilège de participer ces deux derniers jours. Ce fut pour moi une occasion de rencontrer des hommes et des femmes remarquables provenant de presque tous les pays du monde. Ces gens s'informent évidemment de la situation canadienne et québécoise et ils nous donnent un message que je résumerai à peu près comme ceci. Le Canada et le Québec, c'est le pays où cohabitent des races différentes, des langues différentes, des cultures différentes, des religions différentes. Mais, si le Québec et le Canada ne peuvent plus cohabiter, où allons-nous? Car le Canada, c'est le scheme de référence par excellence et, pour de nombreux pays du monde, le Canada, c'est la formule de l'espoir.

M. le Président, le 26 octobre prochain, je dirai oui au Québec et au Canada. Merci. (16 h 40)

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le député de Sherbrooke. Sur la même motion du premier ministre, je cède maintenant la parole à M. le député de Roberval et ministre responsable du Loisir, de la Chasse et de la Pêche.

M. Gaston Blackburn

M. Blackburn: Merci, M. le Président. Lorsque j'ai été élu, en 1988, j'ai apprécié, bien sûr, ce vote de confiance de la population de mon comté. Je savais que j'aurais à vivre, à l'intérieur de cette enceinte, des moments particuliers, des défis importants et des situations très intéressantes. Je suis en train de vivre personnellement, et avec tous mes collègues qui sont ici, en Chambre, bien sûr, un de ces moments historiques pour le Canada et pour le Québec. Je suis très fier d'être présent pour participer à ce débat, et j'en remercie la population de mon comté.

La semaine dernière, notre gouvernement a démontré, hors de tout doute, M. le Président, l'importance de modifier la loi 150 afin de soumettre à la population québécoise une entente constitutionnelle qui nous permet, enfin, de faire un grand pas en avant dans des secteurs stratégiques. On se souvient des arguments alors invoqués dans cette Assemblée: une entente valable, une entente acceptable que le premier ministre a conclue, et qui a fait l'unanimité de la part des intervenants réunis à Charlottetown.

M. le Président, la question est maintenant connue. Au-delà de cette question, au-delà même

de l'entente constitutionnelle, les Québécoises et les Québécois ont maintenant le choix entre deux options: l'option canadienne qui, depuis maintenant 125 ans, a rapporté des dividendes importants, et celle de cette souveraineté, proposée par les gens d'en face, incertaine, inconnue. Où est-ce qu'on va? Le débat concerne donc notre avenir politique. C'est très important. Ce que nous devons décider maintenant, c'est si nous voulons rester au sein du Canada ou quitter cette Fédération, avec les conséquences que cela implique, conséquences importantes, parce qu'un non à l'entente nous plongera indéniablement dans l'incertitude, puisque la souveraineté proposée par nos opposants s'avère très ambiguë. Encore hier, le député de Lac-Saint-Jean disait, dans une entrevue à la télévision avec M. Mongrain, qu'un non à cette question importante, ce serait un retour à la case départ. Donc, on recommence à zéro. Ça fait déjà 30 ans qu'on est dans ce débat, 30 ans qu'on discute, 30 ans qu'on essaie de trouver une formule acceptable pour toutes les Québécoises et tous les Québécois et on l'a, cette entente, à l'unanimité, non seulement par le Québec, mais acceptée aussi par toutes les autres provinces.

Au cours des prochaines minutes, M. le Président, j'aurai l'opportunité d'expliquer pourquoi la population québécoise doit répondre affirmativement à l'entente constitutionnelle dont il est question. Le Québec, et ça, personne ne peut le nier, est une société moderne, juste et développée dont nous pouvons tous, et j'en suis convaincu - l'Opposition est d'accord avec nous - être très fiers. Je crois que nos adversaires auront de la difficulté à démontrer que la Fédération canadienne a ralenti notre développement. Qu'il s'agisse de nos libertés fondamentales, de notre justice, de l'égalité sociale, de notre développement économique, de notre fait français, le Québec peut se comparer avantageusement à n'importe laquelle des provinces et des autres communautés à travers le monde.

Vous me permettrez, M. le Président, de reprendre quelques-uns des éléments que je viens d'énumérer, et qui me donneront cette opportunité, cette occasion de démontrer, une fois de plus, que la solution à notre avenir, c'est le Canada. Je vous parlais plus tôt des libertés fondamentales du Québec. Y a-t-il quelqu'un qui puisse nier que le Québec jouit d'une qualité de vie démocratique exceptionnelle? À bien des égards, cette qualité de vie fait l'envie de bien des peuples. Nous devons évidemment nous en réjouir, mais, surtout, nous devons faire tout en notre possible afin de garder intact cet aspect de notre quotidien. Liberté d'expression, liberté de choisir, voilà ce qu'est le Québec. À cela s'ajoutent les chartes canadienne et québécoise des droits.

Or, M. le Président, je tiens à rappeler que cette liberté a été acquise alors que le Québec était membre à part entière du Canada. Si nous le voulons, nous pouvons continuer dans la même veine. Au fil des ans, M. le Président, le Québec s'est doté d'un ensemble de mesures et de protections sociales. Que l'on pense aux allocations familiales, à la gratuité des services de santé, à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ou, encore, aux régimes de pension et de retraite sans, bien sûr, oublier l'assurance-hospitalisation, la gratuité des services juridiques, la promotion de l'égalité des sexes, la gratuité du système d'éducation, la protection des consommateurs, l'assurance-chômage, l'aide sociale et la sécurité du revenu.

Notre gouvernement a toujours donné la priorité au développement économique de notre province, c'est bien connu. Or, le Québec partage, sans l'ombre d'un doute, un niveau de développement économique comparable aux meilleures sociétés du monde. Malgré quelques faiblesses et la crise économique que nous avons traversée et dans laquelle nous sommes malheureusement, encore, actuellement, nous possédons une économie des plus modernes et, surtout, très développée et compétitive. Est-il utile de vous rappeler que notre province compte de nombreuses grandes entreprises, reconnues non pas seulement au Québec, mais partout à travers le monde? Que l'on pense à Bombardier dont on est tous très fiers. Cette économie se caractérise par de nombreuses exportations essentielles à notre développement. Et que dire de nos marchés d'exportation, de notre esprit d'«entrepreneur-ship» et de nos PME? M. le Président, toute cette infrastructure et toute cette activité économique, caractérisée par un dynamisme certain, se sont réalisées à l'intérieur d'un pays uni, le Canada.

Il est donc important de le dire et de le redire pour que les Québécoises et les Québécois le sachent. Ce que nous proposons, c'est la continuité. Depuis 125 ans, on veut, bien sûr, partir de ce que nous avons atteint en termes d'étape et nous voulons continuer vers l'avant. Nous voulons surtout éviter de revenir en arrière. C'est ce que nous propose l'Opposition. Partout dans le monde, le Québec a joué un rôle important, prépondérant dans la promotion du fait français. Comme on le sait, le Québec est une terre de langue et de culture françaises. La création artistique est exceptionnelle. Le Québec français participe avec éclat à la francophonie internationale. L'entente constitutionnelle va nous permettre de poursuivre notre développement culturel.

Donc, M. le Président, le choix est clair. D'une part, il y a l'option que nous offrons à la population du Québec, soit celle du renouvellement de la Fédération canadienne, un renouvellement basé sur une entente constitutionnelle claire, répondant aux revendications traditionnelles du Québec. D'autre part, il y a la souveraineté - incertaine - car, il faut bien l'avouer, on ne peut pas être en désaccord avec l'entente et

dire non à la souveraineté. On ne peut qu'être en désaccord, bien sûr. Une souveraineté incertaine.

Lorsque nous avons été élus, en 1985, comme gouvernement, M. le Président, nous nous étions engagés à ce que le Québec redevienne un partenaire à part entière dans la Fédération canadienne. Il était donc primordial pour nous, comme parti politique, comme gouvernement responsable, de refaire du Québec un membre à part entière de ce pays. Or, l'entente du lac Meech nous procurait les cinq conditions essentielles à notre adhésion à la Constitution canadienne: premièrement, que le Québec soit reconnu comme une société distincte; deuxièmement, que le Québec puisse assurer sa sécurité démographique par une compétence en matière d'immigration; troisièmement, que l'on puisse limiter l'exercice du pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral dans les champs de compétence provinciale; quatrièmement, que l'on puisse garantir au Québec trois juges sur neuf à la Cour suprême du Canada, étant donné l'importance de cette Cour dans l'interprétation des lois et des règles de notre société; puis, cinquièmement, que l'on récupère ce droit de veto qui avait été perdu par l'Opposition, dans le temps le gouvernement, en 1981. Ils ne sont pas fiers de ça, ils n'en parlent pas très souvent, mais c'est une réalité.

Voilà, M. le Président, ce à quoi nous nous étions engagés en 1985 et que, grâce à cette entente du 22 août dernier, nous avons respecté. Maintenant, il est très important de l'expliquer à la population parce que, dans le fond, l'enjeu, il est là: être capables de faire prendre conscience à toute la population du Québec, que ce nous proposons, c'est quelque chose d'important et c'est quelque chose d'acceptable, et c'est ce que nous allons nous engager à faire au cours des prochaines semaines à travers, bien sûr, ces rencontres que nous ferons sur la place publique, à travers ce porte-à-porte dans tous les foyers du Québec - dans mon comté de Roberval, vous pouvez être sûrs que je vais être présent - pour expliquer les enjeux et, bien sûr, les détails de l'entente, parce que c'est important de les comprendre. C'est très compliqué, mais je pense que, quelque part, il y a des éléments essentiels qu'il nous faut accepter, et je pense qu'à quelque part, on va être capables de faire cette démonstration que ces gains que nous avons, à l'intérieur de cette entente du 22 août, sont des éléments que nous recherchions depuis longtemps et que nous avons enfin. (16 h 50)

En ce qui concerne cette société distincte, comme dans Meech, le Québec est reconnu à ce titre. Le Québec aura désormais le rôle de protéger et de promouvoir cette société distincte, élément d'autant plus important qu'il sera enchâssé dans la Constitution. M. le juge de Grandpré, cet ex-juge de la Cour suprême du

Canada, M. le Président, lors de sa comparution devant la commission sur la souveraineté, livrait ce propos tout à fait important, et je cite une partie de son propos à propos de la société distincte: Dès le départ, le caractère distinct du Québec était un fait acquis de caractère appartenant à un corps vivant, devant prendre des couleurs différentes au cours des années, et il continuera de le faire, guidé par la Législature et le gouvernement du Québec, dans le rôle de protection et de promotion. La clause donc, disait le juge, affirme la spécificité du Québec dans la dualité canadienne. Non seulement la clause pose-t-elle cette affirmation mais elle va beaucoup plus loin - et c'est une sommité en matière constitutionnelle qui parle - elle va beaucoup plus loin, exprimant, dans un paragraphe séparé: La Législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte. C'est extrêmement important de la part d'une telle sommité.

Concrètement, pour les tenants du non à l'entente, cela n'est pas trop réjouissant. Comme je le disais plus tôt, ce qui fait l'objet d'une entente, de quelque entente que ce soit, de quelque gain que ce soit, pour l'Opposition, ça ne sera jamais assez. C'est évident, parce que leur objectif, ce n'est pas, bien sûr, le renouvellement de la Fédération canadienne, c'est la disparition de cette Fédération. J'ai donc l'impression - et à le voir par leurs mines déconfites - que le tapis leur glisse sous les pieds; ils perdent leur raison d'être, d'où le ton de leurs arguments, pour ne pas dire que ça sent la panique. La population du Québec ne sera pas dupe de votre ton, de votre démagogie, de vos propos qui ne sont, d'aucune façon, acceptables dans un niveau de débat aussi important dans l'histoire du Québec et l'histoire du Canada. Et je pense que c'est important de maintenir... Moi, ce que je veux, ce qu'on va essayer de faire ici, au niveau de l'Assemblée nationale et du côté du gouvernement, c'est de donner cette information éclairée et de ne pas tomber dans le piège de cette démagogie que l'Opposition utilise depuis déjà trop longtemps.

Le Québec et l'immigration, maintenant. S'il est un domaine essentiel au développement de sa culture, c'est bien celui de l'immigration. Or, l'entente du 28 août permet au Québec de devenir responsable de la sélection et de l'intégration linguistique, culturelle, sociale et économique des immigrants sur son territoire. Et, comme c'est le cas avec la société distincte, ça sera enchâssé dans la Constitution canadienne. Rien encore là pour réjouir l'Opposition.

Point majeur de l'entente: le pouvoir de dépenser du gouvernement fédéral. Cela fait un demi-siècle que nous en parlons, donc, d'essayer de rationaliser ces dépenses qui se rajoutent quand on a des programmes qui se doublent. On parle de ces dédoublements, des dépenses inutiles

dans les programmes cofinancés par les provinces et par le gouvernement fédéral. Le Québec pourra dorénavant - et c'est important - se retirer de tout nouveau programme et obtenir cette compensation financière qui lui revient.

Le Québec et la Cour suprême, maintenant. Nous obtenons la garantie absolue que trois juges sur neuf qui siégeront sur cette Cour seront des juges québécois. En ce qui a trait à la Chambre des communes, au Sénat, à la Cour suprême, il est important de préciser, au stade actuel, que le Québec aura un droit de veto pour toute nouvelle modification de ces trois institutions centrales. De plus, cette réforme du Sénat n'enlève aucun pouvoir au Québec, puisque nous sommes représentés par six sénateurs.

Enfin, le Québec pourra s'opposer à toute mesure qui diminuerait les pouvoirs de l'Assemblée nationale et pourra, dans chaque cas, excercer son droit de retrait avec pleine compensation. Donc, M. le Président, l'entente constitutionnelle du 28 août répond en tout point aux revendications du Québec, dont celles obtenues dans Meech. Mais notre gouvernement ne s'est pas limité à obtenir des garanties d'avenir contenues dans Meech. Nous avons obtenu plus que Meech: plus, plus. Ainsi, le Québec ne pourra jamais avoir moins de 25 % des députés à la Chambre des communes, même si la population du Québec devait représenter un jour moins de 25 % de la population canadienne.

Pour ceux qui s'interrogent sur la précarité de notre langue française, je crois qu'il est important de savoir que l'entente du 28 août dernier assure les pouvoirs de l'Assemblée nationale en matière de langue, et ce, dans le respect des droits des Québécois anglophones et ceux des différentes communautés culturelles. J'ai entendu, en fin de semaine dernière, certains ténors souverainistes déclarer que nous n'avons pas obtenu de nouveaux pouvoirs avec cette nouvelle entente. On va leur faire la démonstration contraire. Le Québec se voit octroyer de nouveaux pouvoirs qui n'étaient même pas inclus dans Meech. Parlons simplement de la formation et du perfectionnement de la main-d'oeuvre qui est un secteur important, capital pour notre avenir. À cet égard, ces deux champs d'activité deviennent clairement des compétences exclusives du Québec. Et, même à cela, on prétend qu'il s'agit d'un recul. Pas nouveau du côté de l'Opposition! Avec l'éducation et la main-d'oeuvre, le Québec aura dorénavant le total contrôle de la formation de ses ressources humaines. Alors, pourquoi vouloir cacher la vérité et dire que cela est insuffisant? C'est une étape importante de franchie dans cette entente. Le XXe siècle, celui dans lequel nous sommes, a été celui de nos richesses naturelles, le XXIe siècle, à n'en pas douter, sera celui de la main-d'oeuvre de qualité, donc de la formation de celle-ci.

La culture devient une compétence exclusive du Québec, même si le gouvernement fédéral pourra continuer d'aider nos artistes, pour autant que cela respecte la politique culturelle du Québec. En ce qui a trait aux télécommunications, elles feront l'objet d'une entente qui va bénéficier de la protection constitutionnelle. Par ailleurs, le tourisme, les forêts, les mines, les loisirs, le logement et les affaires municipales sont de compétence exclusive du Québec, même si certains programmes sont encore financés par le fédéral. Avec cette entente, le Québec pourra demander au fédéral de se retirer de ces programmes et obtenir, pour chacun de ces programmes, pleine compensation financière.

Vous savez, M. le Président, comment le secteur du développement régional nous tient particulièrement à coeur, comme gouvernement responsable. Voilà pourquoi les ententes de développement régional où le Québec est maître d'oeuvre seront, elles aussi, protégées par la Constitution, rendant ainsi impossible tout désengagement de la part du fédéral. Lorsqu'il est question de Constitution, d'entente constitutionnelle, on parle très souvent d'autonomie politique et économique, et pour cause. Toutes les provinces, sans exception, désirent augmenter et améliorer leur autonomie dans ces deux domaines. L'entente constitutionnelle du 28 août que nous proposons aux Québécoises et aux Québécois répond à nos attentes, répond à leurs attentes. Tout en donnant son approbation au marché économique unique, notre premier ministre a fait valoir de façon très claire l'importance de protéger nos institutions financières. Nous devions donc obtenir la garantie que nos institutions ne seraient aucunement touchées. Or, cette assurance, cette garantie, nous l'avons obtenue. Ce ne sont pas les tribunaux qui vont déterminer l'économie du Québec ou du Canada. Les premiers ministres à eux seuls développeront cette union, et cela, bien sûr, en fonction des arguments apportés par M. Bourassa lors de ces négociations.

M. le Président, l'entente constitutionnelle dont nous venons de parler donne au Québec les outils essentiels à son développement et à son avenir. M. le Président, nous pouvons facilement conclure que, comme Québécoises et comme Québécois, il y a longtemps que nous n'avons pas reçu d'offre constitutionnelle d'une telle envergure, un tel pas. Comme je l'ai mentionné plus tôt, et surtout comme je l'ai démontré, cette entente répond, bien sûr, aux demandes contenues dans Meech. Mais, au-delà de Meech, et c'est ce qui importe le plus, l'entente vient répondre à nos attentes. Bien sûr, il s'en trouvera toujours - et c'est le rôle de l'Opposition - pour rabrouer le travail de notre gouvernement. Notre responsabilité, c'est de l'expliquer et de le faire connaître. Il s'en trouvera toujours pour pavoiser et affirmer qu'eux et eux seuls auraient pu obtenir plus de la part du Canada anglais, et cela, ils le savent, c'est totalement faux. M. le Président, notre gouvernement, après

avoir étudié les conséquences d'une rupture avec le reste du Canada, en vient à la conclusion que cette entente est ce qu'il y a de mieux pour assurer le développement social et économique de notre province. C'est ce qu'il y a de mieux pour assurer notre avenir, un avenir que nous pouvons entrevoir avec plus de confiance.

Enfin, je ne voudrais pas être alarmiste, mais je me dois de faire une mise en garde sur ce qu'un non du Québec voudrait dire. Ce serait certainement une occasion ratée, une autre bonne occasion de ratée. Premièrement, une chance manquée de mettre fin à cette incertitude persistante au sujet de l'avenir politique du Québec; deuxièmement, une occasion ratée de permettre au gouvernement du Québec et au gouvernement du Canada de consacrer à l'avenir tout leur temps aux problèmes économiques - et on sait combien ils sont importants; troisièmement, ce serait aussi la quasi impossibilité de remettre en route à court terme un nouveau processus de révision du fédéralisme canadien. Ce serait aussi une nouvelle incertitude politique, un accroissement marqué des pressions en faveur de l'indépendance du Québec, avec toutes ses implications politiques, sociales, économiques et financières. Ce serait une perte considérable de la crédibilité du Québec à l'égard des partenaires canadiens et même des interlocuteurs éventuels. Ce serait aussi, bien sûr, des pertes considérables. Que l'on pense seulement à cette perte probablement irrémédiable des acquis de l'entente constitutionnelle, la reconnaissance de la société distincte, les droits de veto sur les institutions, l'entente sur l'immigration, la reconnaissance de la compétence exclusive du Québec sur la main-d'oeuvre, la culture, les mines, les forêts, les loisirs, les affaires urbaines, le tourisme, le logement, cette garantie à vie de 25 % des Québécois à l'intérieur de la Chambre des communes, cette garantie...

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Je vous demande de conclure. (17 heures)

M. Blackburn: Je termine, M. le Président. Cette garantie de 33 % des juges québécois à la Cour suprême, ce renforcement de l'union économique que nous perdrions, cette stabilité des ententes de développement économique. Ce serait aussi l'accroissement des tensions avec les peuples autochtones qui verraient tous leurs efforts anéantis. Ce serait la persistance des inquiétudes légitimes des Québécoises et des Québécois anglophones et des membres des communautés culturelles, quant à l'avenir du Canada. C'est une inquiétude, d'ailleurs, partagée par l'ensemble de la population québécoise. Alors, merci, M. le Président. J'espère que, le 26 octobre, tout comme moi, la population du Québec votera majoritairement oui à cette entente constitutionnelle extrêmement importante pour l'avenir du Québec et l'avenir du Canada. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Lefebvre): Merci, M. le ministre. Je vous rappelle que nous sommes à débattre la motion de M. le premier ministre relativement à la question référendaire du 26 octobre prochain. Je reconnais, à partir de maintenant, Mme la députée de Verchères. Vous avez droit, Mme la députée, à un maximum de 20 minutes.

Mme Luce Dupuis

Mme Dupuis: Merci, M. le Président. Nous sommes à débattre d'un projet dont les résultats, on le sait tous, auront des conséquences très importantes pour l'avenir du Québec. Le 26 octobre prochain, les Québécois et les Québécoises auront à dire oui ou non à un projet élaboré par qui, comment et pourquoi? Si on se remémore un petit peu les derniers événements, on sait tous que notre premier ministre a refusé de se rendre à la table de négociation et que, lorsqu'il s'est rendu, il y avait déjà une entente sur la table, concoctée par ses collègues, les autres premiers ministres du Canada. Donc, s'il y a eu entente entre eux, ce n'est pas une entente à laquelle le Québec a d'abord participé. À partir de ça, je serais légitimée de dire que les autres premiers ministres se sont entendus entre eux. Alors, lorsqu'on parle d'une entente, c'est l'entente du reste du Canada, élaborée par eux, à leur satisfaction.

À la toute dernière minute, notre premier ministre décide de se joindre. Remarquez que, si je veux être honnête, je dirais qu'il ne s'était pas assis à la table avant, mais qu'il avait rôdé autour de la table pas mal. Il y avait eu des discussions au téléphone. Il s'en était occupé légèrement. Mais là, dans un dernier élan de courage, il décide de se rendre là-bas et, finalement, son rôle est pratiquement réduit à prendre les ententes et à venir les proposer au Québec. Alors, on peut parler d'entente, on peut parler de projet. On peut parler de contrat et on peut parler de propositions. On est tous aussi légitimés d'employer un mot au lieu de l'autre. Alors, M. Bourassa prend cette entente et vient la proposer aux Québécois. On pourrait même aller jusqu'à dire qu'il a joué un rôle presque uniquement de commissionnaire. Nous sommes à discuter de ce contrat qu'on demande aux Québécois de signer, pratiquement un chèque en blanc.

M. le Président, afin d'avoir une opinion éclairée, j'ai écouté pas tous, mais pratiquement la majorité des discours qui ont eu lieu en cette Chambre. Pour me faire une opinion encore plus exacte, plus juste, pour ne pas tomber dans la démagogie, comme on nous en accuse régulièrement, en disant: Bien, oui, c'est les péquistes, ils veulent faire la souveraineté, qu'on mette n'importe quoi, ils vont le démolir, ils veulent dire non, j'ai lu l'entente, j'ai relu l'entente. Je

trouve navrant que chaque Québécois n'ait pas le texte dans les mains, qu'il ne le reçoive pas chez lui pour avoir la possibilité lui-même de se faire une opinion plus éclairée ou de pouvoir consulter et non pas de se faire seulement une opinion à partir de l'opinion des autres, M. le Président. Je suis assurée que, si ça avait été possible qu'on puisse agir de cette façon, il n'y aurait pas eu d'inquiétude à ce que les gens du Québec, les Québécois et les Québécoises, disent non à ce projet d'entente.

J'ai écouté les discours, M. le Président, et je n'arrivais pas à saisir, après avoir lu le texte aussi, comment notre premier ministre pouvait bien être arrivé à endosser des propositions que je trouvais bâclées et même dangereuses pour le Québec, pour son développement, pour son autonomie et basées sur la protection. Je sentais tout le long qu'on était ailé se protéger au lieu de revendiquer des choses pour le développement du Québec. Mais la lumière fut et je fus passablement éclairée lorsque j'ai écouté le discours du ministre des Affaires municipales, M. Claude Ryan. Pour ne pas mal le citer, je vais même lire le paragraphe, ses dernières phrases, pour ne pas qu'on m'accuse de sortir ses paroles du contexte. Là, je cite: «La politique est très souvent un lieu où l'on assiste à des calculs sordides, des calculs où chacun essaie de s'enrichir aux dépens de l'autre, souvent au détriment du bien général». Il n'a pas tort. «Mais la politique peut aussi être, lorsque les chefs politiques le veulent, un lieu où l'on procède à des échanges sincères et loyaux en vue de la recherche d'un bien supérieur». Je suis tout à fait d'accord. C'est vrai que ça pourrait être ça, idéalement. «C'est dans cet esprit que M. Bourassa est allé à la rencontre des autres chefs de gouvernement du Canada. C'est dans cet esprit, nous a-t-il rapporté, qu'il a été accueilli par ses collègues des autres provinces et du gouvernement fédéral. C'est également - et je cite toujours M. Ryan - dans cet esprit de dialogue et de recherche du bien supérieur de tout le Canada qu'il a négocié avec ses collègues une nouvelle entente entraînant le renouvellement substantiel du fédéralisme canadien sur un grand nombre de sujets.»

Les intérêts supérieurs «du Canada», je n'en croyais pas mes oreilles! J'ai dit: Ça ne se peut pas. J'ai fait ressortir les galées, et c'était exact. Que M. Mulroney, M. le Président, défende les intérêts supérieurs du Canada, je comprendrais, mais que notre premier ministre du Québec aille défendre les intérêts supérieurs du Canada, je ne comprends plus. S'il y en a qui peuvent m'éclairer, je serais très heureuse. Mais là, en voyant ça, en entendant ces paroles, oui, j'ai commencé à comprendre certaines choses. J'ai commencé à comprendre pourquoi on pouvait dire de l'autre côté: C'est mieux que rien. Parce que la perspective change complètement si tu vas défendre le Canada au lieu de défendre le

Québec. C'est toute une autre dynamique. Donc, si on va défendre le Canada et qu'on revient avec quelques miettes pour le Québec, bien, ce n'est pas si mal, c'est mieux que rien. Mais, est-ce que c'est le rôle du premier ministre du Québec d'aller défendre le Canada? Je ne parle pas de Québécois, là. M. Mulroney, c'est un Québécois, mais il est premier ministre du Canada, il joue son rôle. Je ne vous dis pas qu'il le joue bien, je n'ai pas à porter de jugement de valeur. Ça, c'est une autre histoire. Il ne faut pas tout mélanger. À un moment donné, moi, je me demande si Terre-Neuve n'est pas mieux servie avec Clyde Wells. C'est à se poser la question sincèrement.

Là, c'est devenu plus clair pourquoi il essaie de faire avaler aux Québécois des accords qui n'apportent rien de neuf, aucun nouveau pouvoir, et que ça a coûté des milliers de dollars, pas des milliers, des millions de dollars aux Québécois pour la commission Bélanger-Campeau, pour des études, pour des avis d'experts et tout. M. le Président, 100 000 000 $, uniquement à partir de ce qui s'est passé au fédéral de l'après-Meech à aller jusqu'au dépôt des ententes. Tout ça pour défendre les intérêts supérieurs du Canada? Ce n'est pas étonnant non plus qu'on retrouve des attitudes aussi contradictoires que celle de dire: Non, je ne négocierai pas à 11, puis il va négocier à 17. Ce n'est pas étonnant non plus qu'il dise: Le Sénat? Non, non, non, on n'en a pas besoin. Et, après ça, ce n'est pas grave, on l'accepte, le Sénat. (17 h 10)

M. le Président, on peut dire que j'exagère, mais je pense que la meilleure façon, c'est de rester le plus près des textes. Je vais en lire quelques passages pour voir comment, d'une pan, on dit des choses, puis, dans le paragraphe suivant ou à la fin du paragraphe, on vient défaire ce qu'on a tricoté avant. Si on parle, par exemple, des transferts des 22 compétences, on dit qu'on en a 6. Bon, bien sûr, c'est de compétence exclusive du Québec. Bon. C'est titré, dans le projet tel qu'il nous a été fourni, le texte définitif, sous le chapitre troisième: «Les rôles et les responsabilités. Le pouvoir fédéral de dépenser - et ils mettent: les nouveaux programmes cofinancés».

Et là je le lis textuellement. «Il conviendrait d'ajouter à la Constitution une disposition prévoyant que le gouvernement du Canada fournira une juste compensation au gouvernement d'une province qui choisit de ne pas participer à un nouveau programme cofinancé mis sur pied par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale exclusive». Un domaine de compétence exclusive aux provinces, et le gouvernement décide de venir injecter de l'argent! Remarquez aussi - ce n'est pas mauvais de le dire, en passant - que c'est notre argent, c'est nos taxes qui vont là-bas, puis qui reviennent. Elles ne reviennent pas toutes, mais, ça,

c'est une autre histoire. Il vient financer, s'ingérer en injectant de l'argent par des programmes! Et là on ajoute, du même souffle et dans le même paragraphe: «si cette province met en oeuvre un programme ou une initiative compatible avec les objectifs nationaux».

Ça, ça veut dire que c'est le grand frère qui décide. Le grand frère, même là, je suis polie. Ça, c'est du paternalisme à outrance. On me parlait de famille. Il y avait un député qui me disait: Oui, mais la belle grande famille du Canada. Moi, je veux bien, mais, là, on est traités comme si on était encore ou des enfants ou des adolescents. Il me semble que, là, c'est le rôle des parents d'amener leurs enfants à la vie adulte et, après ça, de leur laisser leur autonomie et de les laisser décider eux-mêmes. Il va donner pleine compensation, M. le Président, uniquement si on met au Québec des programmes qui répondent aux objectifs nationaux c'est-à-dire aux objectifs que le Canada aura bien voulu établir.

Et je continue: «II conviendrait d'élaborer un cadre devant guider l'exercice du pouvoir fédéral de dépenser dans des sphères de compétence provinciale exclusive». Mais pourquoi dit-on «exclusive» lorsqu'on sait très bien que le gouvernement fédéral vient encore se mettre le nez dans des champs de juridiction provinciale exclusive, comme on dit? «Une fois arrêté, ce cadre pourrait devenir une entente multilatérale qui serait protégée dans la Constitution grâce au mécanisme prévu au point 26 du présent document. Ce cadre ferait en sorte que lorsque le pouvoir fédéral de dépenser est exercé dans une sphère de compétence provinciale exclusive: il contribue à la réalisation d'objectifs nationaux.»

C'est ça. Ils nous disent qu'on a gagné des points. Ils nous disent qu'on a réussi à avoir l'autonomie dans certains champs, puis, d'autre part, à la fin du paragraphe, on vient le dédire. Et c'est comme ça pratiquement tout le long, M. le Président. Si je parle de la formation professionnelle, on nous dit, par exemple: «La formation et le perfectionnement de la main-d'oeuvre devraient être reconnus à l'article 92 de la Constitution comme une sphère de compétence provinciale exclusive.» Je m'en vais au sixième paragraphe et qu'est-ce que je découvre? «Il conviendrait d'inclure dans une disposition constitutionnelle prévoyant que le gouvernement fédéral continuera à jouer un rôle dans l'établissement d'objectifs nationaux pour les aspects nationaux du perfectionnement de la main-d'oeuvre. On établirait les objectifs nationaux en matière de main-d'oeuvre au moyen d'un processus qui pourrait être énoncé dans la Constitution». Et le paragraphe suivant, M. le Président: «Les provinces ayant négocié une entente visant à limiter le pouvoir fédéral de dépenser devraient être tenues de s'assurer que leurs programmes de perfectionnement de la main-d'oeuvre sont compatibles avec les objectifs nationaux, compte tenu de leur situation et de leurs besoins particuliers».

Avec des objectifs nationaux, ça veut dire que, si le Québec a des besoins particuliers et que ces besoins particuliers ne sont pas compatibles avec les besoins nationaux, pas d'aide, refus complet. On envoie nos taxes, cependant, mais on n'aide pas parce qu'il faut que ce soit compatible avec les besoins nationaux. Donc, négociations, négociations.

Et on le voit, je pourrais continuer à lire le texte de cette entente et, tout le long, que ce soit en matière de culture, c'est la même chose, les forêts, les mines, M. le Président. Et on a dit qu'on a gagné des pouvoirs dans des champs de compétence. Et surtout qu'à tous les cinq ans, ce sera à renégocier. Et l'on nous parie de paix sociale. On nous dit que c'est des gains. C'est toujours à renégocier tous les cinq ans, M. le Président. On n'avance pas, on recule ou, du moins, on piétine.

Je parlais tantôt, M. le Président, du pouvoir de dépenser. Vous allez nous dire: Oui, mais, bien sûr, les péquistes, ils veulent la souveraineté, c'est de la démagogie. Je vais simplement lire un paragraphe, sur le même sujet du pouvoir de dépenser et qui ne vient pas des péquistes, qui vient pratiquement de gens de leur formation politique, et ils ont le droit de le faire, et c'est ça la démocratie. «Pour ce qui est du pouvoir de dépenser, notre programme constitutionnel - et c'est le programme du Parti libéral - fondé sur les revendications traditionnelles du Québec, proposait de mettre fin une fois pour toutes à cette pratique qui n'a jamais cessé de réduire l'autonomie politique du Québec. Cette entente, pourtant, ne fait que stipuler que, si le Québec choisit de ne pas participer à un nouveau programme cofinancé mis sur pied par le gouvernement fédéral dans un domaine de compétence provinciale exclusive, le gouvernement fédéral lui versera une juste compensation, à la condition qu'il mette sur pied un programme qui soit compatible avec les objectifs nationaux.» Il le dénonce, tout comme les péquistes le dénoncent, M. le Président, comme on dit de l'autre bord en nous taxant de démagogues. «Autrement dit, bien que le gouvernement fédéral reconnaisse enfin son empiétement dans nos compétences exclusives, il ne s'engage à y renoncer qu'à la seule condition que le Québec agisse selon des objectifs édictés par le gouvernement fédéral; faute de quoi, les Québécois seront privés d'une juste compensation financière tirée à même leurs propres impôts.» (17 h 20)

M. le Président, vous dites que mon temps est déjà terminé. Je suis donc forcée de conclure. Mais, en conclusion, M. le Président, j'invite la population de Verchères à dire non à ces ententes et surtout à aller chercher toute l'information possible par tous les moyens

possibles. Dans mon comté, M. le Président, je m'efforcerai de rassembler les gens de tous horizons, quelle que soit leur couleur politique, et d'amener le débat au-dessus de la partisanerie politique pour qu'ensemble, collectivement, les Québécois disent non à un projet qui ne respecte ni leur honneur, ni leur fierté. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci beaucoup, Mme la députée.

M. Baril: M. le Président, question de règlement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Question de règlement, M. le député de...

M. Baril: Vu l'importance du débat, je vous demanderais de vérifier le quorum. L'Opposition est aussi nombreuse que le gouvernement.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, M. le député d'Arthabaska, à votre demande, je vais vérifier s'il y a quorum dans cette Assemblée. Je constate qu'il n'y a pas quorum. Alors, qu'on appelle les députés. (17 h 21 - 17 h 23)

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Alors, si vous voulez prendre vos places. Alors, nous poursuivons le débat sur la question référendaire et je cède la parole à Mme la vice-présidente de la commission de l'éducation et députée de Matane. Mme la députée, la parole est à vous.

Mme Claire-Hélène Hovington

Mme Hovington: Merci, merci, merci. M. le Président, c'est le 26 octobre 1992, le 26 octobre prochain, que les Québécois et les Québécoises seront invités à se prononcer sur leur avenir en répondant à la question suivante: «Acceptez-vous que la Constitution du Canada soit renouvelée sur la base de l'entente conclue le 28 août 1992?»

Des voix: Oui.

Mme Hovington: Oui. M. le Président, c'est là une question importante et les Québécois devront répondre oui à cette question. Vous savez, M. le Président, la Constitution, c'est important. La réforme sur laquelle nous sommes en train de travailler, elle est importante parce que la Constitution, c'est là que les droits des citoyens sont inscrits et protégés. La Constitution, c'est là que les pouvoirs du Québec et de l'Assemblée nationale sont créés et sont garantis. La réforme de la Constitution, c'est pour permettre au pays et au Québec de faire face aux défis de l'avenir.

La population devra donc voter oui à cette question, à cette réforme, parce que c'est une entente qui est encore meilleure que celle du lac Meech. Elle reprend, en fait, les éléments fondamentaux de Meech. Premièrement, elle reconnaît le Québec comme société distincte. Le Québec est reconnu comme une société distincte et unique au sein du Canada. Ce sera dans la Constitution canadienne, à l'intérieur de la clause Canada.

Pour cette clause Canada, M. le Président, je veux citer les propos de M. de Grandpré, que nous avons reçu comme expert à la commission des offres, sur laquelle je siège, M. le Président. Souvenez-vous que la commission des offres a été mise sur pied pour analyser et évaluer les offres faites par le Canada anglais au Québec. Alors, M. de Grandpré disait de cette clause Canada, dans son texte, et je cite: «Qu'apporte-t-elle, cette clause Canada au Québec? Elle affirme d'abord que nous constituons au sein du Canada une société distincte et enchâsse dans la Constitution le rôle que notre Législatif et notre Exécutif doivent jouer pour protéger et promouvoir cette société.» Et je continue toujours de citer M. de Grandpré, cet ex-juge de la Cour suprême, M. le Président. Il dit: «Cet apport est considérable. À toutes fins pratiques, il nous donne les moyens de nous développer sans autres restrictions que celles imposées a toute liberté par la vie à l'intérieur d'une communauté». Et il disait: «Je n'ai aucune hésitation à conclure comme je viens de le faire».

Alors, M. le Président, ce caractère distinct, il est important. Il se lit comme suit: «Le Québec forme au sein du Canada une société distincte, comprenant notamment une majorité d'expression française, une culture qui est unique et une tradition de droit civil». Cette clause, elle confirme la spécificité du Québec sans limitation aucune, parce que le terme «notamment» n'exclut pas les autres signes extérieurs de la société distincte du Québec. D'ailleurs, nous avons reçu, à la même commission des offres, un autre expert, M. Fortier, un avocat plaideur qui a plaidé dans des causes importantes devant les tribunaux de toutes les juridictions au Canada, de même que devant les tribunaux d'arbitrage nationaux et internationaux. Et M. Fortier disait aux membres de la commission des offres: «Certains opposants à l'entente de 1992 soutiennent que la société distincte se limite désormais aux seuls trois éléments mentionnés. Juridiquement, cette affirmation est sans fondement. L'emploi des mots "comprenant notamment" dans la version française et du mot "includes" dans la version anglaise traduit sans conteste l'intention de ne pas circonscrire le contenu de la société distincte aux éléments mentionnés. En somme, disait M. Fortier, j'estime que le Québec obtient, par l'entente de 1992, une reconnaissance de son caractère distinct d'une valeur au moins égale sinon supérieure à celle que l'on retrouvait dans l'accord du lac Meech», M. le Président.

et m. fortier continuait en disant: «en fait, l'entente de 1992 elle-même se propose de consacrer deux exceptions très importantes pour le québec au principe de l'égalité des provinces. en vertu de ces deux exceptions, tous ses partenaires canadiens garantissent au québec 25 % des représentants à la chambre des communes, 33 % des juges au plus haut tribunal du pays. qui plus est, ces deux garanties sont assorties d'un droit de veto.» et c'est m. fortier qui le dit lui-même. et il continue, parce que souvenez-vous de ces huit professeurs de droit constitutionnel qui ont publié dans certains journaux du québec, la semaine dernière, qu'ils étaient contre l'entente; et il dit: «j'ai eu beau relire et relire plusieurs fois cet écrit de ces huit professeurs, je n'y trouve aucune justification pour l'affirmation que le texte de l'article 2, s'il est inscrit dans la constitution, comporterait un recul pour le québec». alors, c'est m. fortier lui-même qui le dit, m. le président.

M. le Président, elle va beaucoup plus loin, cette clause de la société distincte, car elle s'exprime dans un paragraphe différent, le paragraphe 2, et le paragraphe se lit comme suit: «La Législature et le gouvernement du Québec ont le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte.» Alors, nous partons avec huit caractéristiques fondamentales dans la clause Canada, mais la société distincte du Québec est la seule protégée, parmi les huit, par l'article 2. Alors, ne faut-il pas accorder une grande importance, M. le Président, au fait que la Législature et le gouvernement du Québec sont les seuls à se voir explicitement conférer un rôle actif dans la promotion de l'une des caractéristiques de la clause Canada? Et lorsque l'on considère la garantie de représentation du Québec à la Cour suprême, 33 %, à la Chambre des communes, 25 %, lorsqu'on considère le droit de veto du Québec sur toute tentative de porter atteinte à des garanties de représentation, enfin, lorsqu'on confie au gouvernement et aux parlementaires du Québec le rôle de protéger et de promouvoir la société distincte, ne doit-on pas considérer que la notion de société distincte est bel et bien concrétisée en termes pratiques dans la Constitution? Je dois dire oui à ça, M. le Président. (17 h 30)

Oh! Certains ténors de l'Opposition, qui sont opposés à cette entente, il va sans dire, parce qu'ils sont souverainistes... Ils l'ont dit, ils sont indépendantistes, donc, ils ne peuvent pas être pour les offres, même les meilleures offres de la terre. Ils ont voté contre la loi 150, en plus. Alors, ils sont contre les offres. Alors, certains de ces ténors de l'Opposition disent: Mais ce sera des négociations à n'en plus finir. Nous ne finirons jamais de négocier. Mais, M. le Président, j'étais membre de la commission Bé-langer-Campeau. Et, à la commission Bélanger-Campeau, souvenez-vous de certains passages, quand on rejetait l'idée de l'indépendance pure et dure, dans le rapport, et qu'on privilégiait surtout le concept de souveraineté partagée. Alors, on écrivait: «En fait, après l'accession à la souveraineté, certains des principaux éléments du marché commun pourraient être conservés par le maintien en vigueur au Québec de la plupart des législations fédérales existantes et par un certain degré d'harmonisation subséquente. Les domaines de la concurrence, des institutions financières, de la faillite constituent des exemples importants à cet égard.» C'était dans la commission Bélanger-Campeau. Donc, nous touchons ici à trois domaines précis: la concurrence, les institutions financières et la faillite.

Mais ce n'est pas tout, parce que le rapport Bélanger-Campeau continuait sur sa lancée de souveraineté partagée et de réassociation: «De même, dans certains domaines qui sont présentement de compétence provinciale, le Québec pourrait continuer à harmoniser, comme il le fait déjà, plusieurs de ses législations économiques avec celles des autres provinces ou du gouvernement fédéral.» Je continue: «D'autre part, plusieurs réglementations gouvernementales sont déjà l'objet d'une certaine harmonisation, comme c'est le cas, par exemple, en matière de propriété industrielle, des droits d'auteurs, de télécommunications.»

Comme vous voyez, M. le Président, la souveraineté du Québec ne ferait pas flotter qu'un seul drapeau sur les actions gouvernementales; il y aurait toujours un drapeau du Québec et un drapeau du Canada. On a déjà parlé de la concurrence, des institutions financières, de la faillite. Il faudrait ajouter les législations économiques, le transport routier, la fiscalité, les valeurs mobilières, les assurances, la propriété intellectuelle, les droits d'auteur, les télécommunications. On pourrait continuer longtemps ici en parlant de politique monétaire, de politique de commerce extérieur.

Alors, ce qu'il faut retenir de cela, M. le Président, c'est que le rapport de Bélanger-Campeau prévoyait que le Québec devait s'entendre avec le Canada, le Québec devait conclure des ententes avec le Canada. Et le rapport va au-delà de la simple enumeration des compétences; il peut parler aussi de programmes. Alors, devant tous ces secteurs qu'il nous faudrait partager avec le Canada avec qui il faudrait conclure des ententes ou encore accepter de copier sans rien dire la législation du Canada, pouvez-vous nous dire, vous, M. le Président, en quoi cette solution serait avantageuse, cette solution de souveraineté, d'indépendance du Québec? En quoi cette solution pourrait-elle être avantageuse par rapport à la présente entente où on prévoit déjà des mécanismes de négociation à deux et où on prévoit que les accords qui en découleraient seraient, eux, protégés dans la Constitution?

Il ne faut pas l'oublier, le Québec est quand même représenté du côté du gouvernement

québécois, évidemment, mais aussi du côté du gouvernement fédéral, avec une représentation accrue à la Chambre des communes, un plancher de représentation garanti à 25 %. Alors, comment peuvent-ils prétendre que cette entente va nous mener à des négociations sans terme, indéfiniment, quand le rapport de la commission Bélan-ger-Campeau disait vraiment qu'une association avec le reste du Canada... qu'un État souverain aurait des ententes à négocier aussi après. Donc, ce ne serait pas un terme final aux négociations.

Lors d'un discours devant le Canadian Club à Vancouver, le 24 septembre 1965, M. Jean Lesage déclara que le statut particulier pour le Québec n'était peut-être pas un objectif en lui-même. Il disait: «Le statut particulier peut fort bien être la résultante possible d'une évolution, administrative d'abord et constitutionnelle ensuite, qui, tout en étant en principe applicable à toutes les provinces, n'intéresserait en pratique que le Québec, et cela, pour des raisons qui sont propres au Québec.»

Alors, M. le Président, considérant le retrait du fédéral des secteurs suivants: tourisme, forêt, mines, loisirs, logement, affaires municipales et urbaines; considérant les ententes obligatoires et constitutionnelles dans les secteurs suivants: immigration, développement régional, culture, formation, perfectionnement de la main-d'oeuvre; considérant le plancher garanti de 25 % à la Chambre des communes et la garantie de 33 % à la Cour suprême, ne peut-on pas prétendre que la présente entente va dans le sens des revendications historiques du Québec? Je répondrai oui à cette question. Cette entente va vraiment dans le sens des revendications historiques du Québec.

M. le Président, je voterai oui à cette question du 26 octobre prochain, et soyez assuré que j'expliquerai cette entente qui va dans le sens du Québec à tous mes électeurs et à toute la population du comté de Matane pour que les gens puissent voter en connaissance de cause, mais surtout pour que les gens puissent dire oui à un avenir du Québec à l'intérieur du Canada, car c'est l'avenir de toute la population du Québec et de tous les jeunes, la jeunesse du Québec. Alors, il faut voter oui à la question du 26 octobre 1992 prochain. Merci, M. le Président.

Le Vice-Président (m. bissonnet): merci, mme la députée. toujours sur ce débat de la question référendaire, je reconnais m. le député de prévost. m. le député, la parole est à vous.

M. Paul-André Forget

M. Forget: Merci, M. le Président, nous voici plongés de nouveau dans un débat historique auquel je suis plus que fier de contribuer. Ce débat, c'est celui d'un choix, d'une décision qu'aura à prendre la population devant la question qui lui sera soumise le 26 octobre prochain.

Nous, M. le Président, de ce côté-ci de la Chambre, nous sommes pour cette entente. Nous disons oui à cette entente. Nos adversaires, eux, sont dans le camp opposé. Cette entente menace leur raison d'être et, surtout, celle de leur chef. Mais, dans ce débat, dans ce référendum, c'est la démocratie et le pluralisme qui s'exprimeront.

L'Opposition péquiste, depuis le début de ce débat, s'acharne a montrer que l'entente est un recul pour le Québec. M. le Président, toute entente, quelle qu'elle soit, sera perçue comme un recul pour ceux et celles qui croient que la seule option valable pour le Québec est la séparation du reste du Canada. Nous ne partageons pas cette conviction. Nous ne croyons pas que la séparation du Québec serve les intérêts supérieurs du peuple québécois. Pour nous, s'il y a quelque chose qui nous fera reculer, c'est l'option indépendantiste.

M. le Président, l'option canadienne, c'est la nôtre. Nous sommes convaincus que nous vivons dans un pays où il fait bon vivre. Nous vivons dans un pays qui a déjà des tiraillements et l'un des pays les plus en vue au monde. Nous vivons dans un pays où la démocratie, la liberté d'expression, la circulation des hommes et des femmes existent. Le pluralisme y est une valeur chérie, tout comme d'ailleurs la justice sociale.

Je ne suis pas prêt, comme beaucoup d'autres de mes concitoyens, concitoyennes, à remettre en cause tout cela. Car, il faut le dire, il est loin d'être certain que ce soit des valeurs chéries pour nos adversaires. Je suis loin d'en être convaincu. J'ai plutôt l'impression qu'ils chérissent l'unanimisme. M. le Président, l'un des conseillers, des ténors de l'Opposition péquiste, en l'occurrence Pierre Bourgault, ne s'est-il pas demandé si l'État devrait circonscrire, pour un certain temps, la liberté de presse? Tout ceci, M. le Président, sous le prétexte de bien informer la population à sa cause et à son option.

Mais il y a pire encore, M. le Président. Il ne s'est trouvé, de l'autre côté de la Chambre, personne, je dis bien personne, pour dénoncer cette atteinte à la liberté d'expression. Qui peut les croire lorsqu'ils parlent de pluralisme, de démocratie et de liberté d'opinion? Moi, M. le Président, et d'autres, beaucoup d'autres, ne croyons pas que le pluralisme soit profondément enraciné chez les partisans de l'option indépendantiste et souverainiste. (17 h 40)

Les libertés sont les valeurs chères à ce pays, des valeurs chéries, des valeurs sans cesse réaffirmées par les femmes et les hommes qui ont forgé, modelé et bâti ce pays. Notre liberté, liberté de parole, liberté de circulation, liberté de mobilité des capitaux et de main-d'oeuvre, liberté de penser... Même si la démocratie progresse sur la planète, on peut encore se poser la question: Combien de pays sur celle-ci ont la liberté, le pluralisme profondément ancré dans leurs traditions? Il y en a tellement peu que l'on

ne saurait remettre en cause ces valeurs pour la promesse d'un pays où on est loin d'être certains que le pluralisme serait vécu avec la même profondeur. Nos adversaires croient en un humanisme; c'est leur droit. Notre démocratie l'autorise. Mais la démocratie autorise également son refus, et nous le refusons.

Ce qu'il y a, M. le Président, dans l'option canadienne, qui est au-delà de l'entente dont nous discutons les termes, cette entente, c'est un Meech plus. Elle constitue un progrès réel pour le Québec, et je suis persuadé qu'avec cette entente le Québec progresse et que les intérêts supérieurs du peuple québécois sont bien servis. L'option canadienne, telle qu'exprimée dans cette entente, est une voie d'avenir, une voie adaptée aux réalités de cette fin de siècle, une fin de siècle qui pose aux femmes et aux hommes que nous sommes d'exigeants défis sur la route de la démocratie et du développement économique. Plus que jamais notre époque exige lucidité, détermination et réalisme, et c'est cette voie que nous proposons à la population le 26 octobre prochain. Je dirai oui à cette entente, je dirai oui à un Québec plus fort. Merci beaucoup, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Prévost, de votre intervention. Sur cette même question, je cède la parole à Mme la députée des îles de la Chaudière.

Mme Carrier-Perreault: Des Chutes-de-la-Chaudière.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Des

Chutes-de-la-Chaudière. Merci.

Mme Denise Carrier-Perreault

Mme Carrier-Perreault: Merci, M. le Président. Ça me fait drôle de me faire appeler la députée des Des de la Chaudière, mais enfin... C'est les Chutes-de-la-Chaudière, M. le Président.

Écoutez, d'entrée de jeu, M. le Président, je voudrais vous dire que je me sens un peu comme quelqu'un qui aurait un rôle à jouer dans un mauvais film. Vous savez, le genre de film où les textes, les répliques des textes sont tellement mal écrites, mal adaptées qu'on est constamment obligé de les retoucher en cours de route. Un mauvais film où, aussi, on a un mauvais scénario, parce que le scénario, au départ, vous le savez comme moi, M. le Président - et je pense que tous, ici, on en est conscients - aurait dû être un référendum sur la souveraineté. C'était ce qui avait été entendu, c'était ce que les gens désiraient, c'était ce qui avait fait l'unanimité, si on veut, à la commission Bélanger-Campeau.

Donc, le scénario aurait dû être dans cette ligne-là, M. le Président. Le gouvernement en a décidé autrement. On se ramasse avec un scénario très différent maintenant, un scénario où on aura à prendre position sur des offres, sur des offres qui ne sont même pas finales; parce qu'on n'a pas de texte, c'est une base de négociation. On est dans le flou total et on sait que c'est des choses qui vont nous engager à négocier perpétuellement, à perpétuité avec le gouvernement fédéral. Donc, mauvais scénario, et un mauvais metteur en scène aussi, M. le Président, parce que, vous savez, au moment où on se parie, on ne sait pas trop qui est le véritable metteur en scène de ce référendum. Est-ce que c'est le premier ministre du Québec ou si c'est le premier ministre du Canada? La situation où on est présentement, c'est qu'on vit, tout le monde, un référendum sur le territoire québécois, bien sûr, dans le cadre d'un référendum pancanadien, parce que tout le monde au Canada, de la Colombie-Britannique jusqu'à Terre-Neuve, en passant, bien sûr, par chez nous, on aura à répondre exactement à la même question le 26 octobre, la même journée. On ira répondre à la même question, à savoir si on veut renouveler la Confédération canadienne sur les bases de l'entente du 28, qui n'est même pas terminée.

Vous savez, M. le Président, ce que je ne comprends pas, au fond, c'est que, de l'autre côté de cette Chambre, tout le monde a l'air d'accord avec ce genre de processus, de procédé. Tout le monde a l'air de dire que c'est beau, c'est parfait, c'est comme ça qu'on doit vivre ça. Même le ministre des Affaires municipales... Parce que j'ai lu quelque chose, M. le Président, que le ministre des Affaires municipales... On le cite beaucoup chez nous, parce que le ministre des Affaires municipales, vous savez, s'exprimait beaucoup, longuement, dans Le Devoir, lorsqu'il était un homme libre. Tout à l'heure, je voyais le ministre de la Santé et des Services sociaux, qui a l'habitude de dire cette phrase-là en parlant du chef de l'Opposition. Alors, moi, je trouve que ça s'adapte très bien au ministre des Affaires municipales, parce qu'il écrivait beaucoup quand il était au Devoir. Je ne l'ai pas entendu tellement s'exprimer sur ce fait qu'on a un référendum québécois pancanadien, contrôlé et dirigé, question soufflée par le fédéral. Je ne l'ai pas beaucoup entendu, ces derniers temps.

Mais pourtant, M. Ryan lui-même, alors qu'il était au Devoir, disait, puis là, je vous le cite au texte: On doit proclamer avec force qu'un référendum qui prétendrait s'adresser à tout le peuple canadien plutôt qu'au seul peuple québécois serait une négation effrontée du droit des peuples à l'autodétermination et un stratagème grossier en vue de noyer la volonté de la nation minoritaire dans celle de la nation majoritaire. C'est curieux, on ne l'a pas entendu.

C'est, en effet, un stratagème grossier. On a beau dire toutes sortes de choses, on a beau dire que le référendum se tient au Québec, c'est un référendum québécois, selon la Loi sur la consultation populaire du Québec. Il y en a d'autres qui sont un petit peu plus clairs. On a

beau dire ça, mais on se rend bien compte qu'on n'a comme pas beaucoup de dents au Québec pour faire appliquer notre loi référendaire comme telle, notre Loi sur la consultation populaire, je m'excuse.

D'ailleurs, tellement que ce matin, je regardais dans les journaux, et le ministre de la Santé et des Services sociaux, M. Marc-Yvan Côté, lui, il dit que, si le référendum s'était tenu sous la responsabilité du fédéral, il aurait payé sa tenue, il aurait payé la facture. Alors, il trouve que ce serait normal, lui, que le référendum, il y ait des montants qui soient réclamés au fédéral. Ça veut dire que lui, au moins, reconnaît à quelque part que c'est un référendum pan-canadien.

Quand je vous dis que notre Loi sur la consultation populaire n'a pas de dents, c'est que même le Directeur général des élections reconnaissait qu'il est impuissant, à toutes fins pratiques, à stopper un éventuel déferlement de publicité sur le Québec qui viendrait des autres paliers de gouvernement, le gouvernement fédéral entre autres. Alors, quand on dit que c'est un référendum québécois, il faut quand même prendre ça avec un grain de sel.

J'aurais aimé vraiment que le ministre des Affaires municipales s'exprime, ces derniers temps, pendant le débat référendaire, pendant ces heures qu'on a à notre disposition, pour nous dire comment ça se fait qu'il a changé d'avis à ce point. Il a l'air d'applaudir cette façon de faire présentement. Il y a beaucoup de gens qui disent que le pouvoir use. Il y en a d'autres qui disent que le pouvoir corrompt. C'est selon. Enfin!

Une voix:...

Mme Carrier-Perreault: Oui, c'est selon. On peut le prendre comme on veut.

M. le Président, depuis que le débat est commencé, on nous dit que, nous, les souverainistes, on ne sera jamais contents parce que ce n'est pas ça qu'on veut. On veut faire la souveraineté du Québec. Dans mon cas, je peux vous dire, M. le Président, effectivement, que je suis une souverainiste. Je pense qu'on aura vraiment tous les moyens en notre possession lorsqu'on fera l'indépendance du Québec. C'est dans ce sens-là que je vous dis que je me sens comme dans un mauvais film parce que, pour ma part, j'aurais préféré de beaucoup faire le débat sur la souveraineté du Québec. Ça aurait été, à mon sens, beaucoup plus emballant et beaucoup plus enthousiasmant que de faire un débat sur ce genre de textes qu'on a devant nous présentement et qui, à mon sens, ne mèneront nulle part et vont continuer tout simplement le genre de chevauchements, de dédoublements, de perte de temps, d'énergie et d'argent, comme ça l'a été jusqu'à maintenant.

Présentement, on n'a pas les textes juridi- ques. Tout ce qu'on a en main, ce qui nous a été distribué, à toutes fins pratiques, c'est le procès-verbal de la réunion des premiers ministres, des rencontres des premiers ministres, d'abord, au lac Harrington, et, ensuite, à Charlottetown. C'est, à toutes fins pratiques, un procès-verbal. Les textes juridiques suivront, on ne sait pas quand. Ça peut être très long. Habituellement, les textes juridiques - et ça, tout le monde en conviendra - vont moins loin, généralement, en tout cas, sont fidèles, mais ne vont jamais plus loin que ce qui a été dans le plan, que ce qui a été mis dans le plan.

Alors, les discussions ne sont pas finies, les discussions ne sont pas terminées, et ce qu'on demande aux Québécois, présentement, c'est de mettre leur x au bas d'une page comme signature sur un document, sur des propositions que même les premiers ministres, entre autres, n'ont pas encore signées. (17 h 50)

Depuis le début des débats sur la question référendaire, on assiste, de part et d'autre, à toutes sortes de déclarations dans cette Chambre. On voit que c'est un peu comme un dialogue de sourds. On dirait qu'on n'a pas lu les mêmes textes. Ce qu'on a en main, c'est le seul outil qu'on a pour essayer de se faire une idée présentement. Je répète que ce n'est pas les textes juridiques, ce n'est pas le vrai contrat. Le vrai contrat, on ne l'a pas vu nulle part. Il n'est pas encore fait de toute façon, mais il faut se servir de ce qu'on a, et essayer d'interpréter au moins, par le biais de ce texte-là, un texte politique. On se rend compte qu'on n'a pas du tout la même interprétation de ce texte-là. Ça, je peux vous dire que ce n'est pas juste parce que je suis souverainiste, M. le Président. Tout simplement, je sais lire, hein, et je pense que la plupart des gens dans cette Chambre savent lire.

C'est à croire, des fois, qu'il y a des paragraphes qui ont été enlevés quand j'entends certains députés ministériels parler. Il y a des gens qui oublient carrément que les ententes devront être négociées et rediscutées. Ils ont fait des gains à peu près partout. La phrase qu'on entend le plus souvent - on l'a encore entendue tout à l'heure, dans la bouche du député de Prévost - et le plus souvent, la comparaison qui nous est faite, on dit: C'est Meech plus. C'est plus que Meech. On a obtenu davantage que Meech. C'est à croire, M. le Président, qu'au Québec, depuis le lac Meech, il ne s'est rien passé du tout. C'est à croire que ces gens-là ont complètement oublié ce qui s'est passé ici, chez nous, entre la défaite de Meech, si on veut, la mort de Meech et les propositions qu'on a devant nous présentement.

Pourtant, on le sait très bien, la population a été conviée, a été invitée à venir déposer ses demandes, à venir faire ses recommandations. La population a été invitée par le gouvernement, par le biais de la commission Bélanger-Campeau. On

a reçu des groupes à cette commission-là. Ils sont tous venus s'exprimer et exprimer des besoins. Qu'est-ce que ça prend pour que le Québec se développe de façon cohérente? Qu'est-ce que ça prend pour améliorer la situation au Québec, selon les besoins qu'on a?

Il y a eu la commission Bélanger-Campeau en 1990. Il y avait des demandes très claires, des récupérations de pouvoirs. On demandait... De façon traditionnelle, de toute façon, il n'y a pas eu vraiment de surprise parce que, de façon traditionnelle, le Québec a toujours demandé de récupérer des pouvoirs d'Ottawa et de limiter aussi, dans des secteurs de compétence exclusive qui appartiennent au Québec, le pouvoir de dépenser qu'avait Ottawa. C'est facile à comprendre, au fond. Ce pouvoir-là de dépenser, ça veut dire qu'Ottawa n'a pas d'affaire à venir se mettre les pieds dans les plates-bandes du Québec, dans des juridictions qui nous appartiennent - comme la santé, l'éducation, l'ensemble de toutes les juridictions québécoises. Ce n'est pas nouveau. Il n'y a pas eu de surprise, comme je vous dis, M. le Président. Quand les gens sont venus nous dire ça, on avait quand même une bonne idée. Je pense qu'il n'y a personne qui est tombé en bas de sa chaise à la commission Bélanger-Campeau en entendant ça, parce que ça fait 30 ans au moins que le Québec demande à Ottawa de se retirer de certains secteurs, parce que ce n'est pas ses affaires, d'une part, et, d'autre part, parce que ça fait 30 ans aussi que le Québec demande à Ottawa de récupérer certains pouvoirs pour pouvoir mieux assumer son propre développement.

Il y a eu ça depuis Meech, M. le Président, mais il y a comme un grand blanc de mémoire de l'autre côté de cette Chambre. On nous ramène toujours à Meech, Meech plus, Meech plus plus plus... Moi, quand j'entends ça, je trouve ça très drôle. Je me demande comment la population peut se retrouver avec le jargon qu'on utilise ici en cette Chambre. On l'a vu, il n'y a personne qui savait ce qu'il y avait là-dedans, Meech. Meech est devenu une formule, une formule comme ça, dans les airs. C'est le meilleur moyen de mêler tout le monde. C'est de faire comme s'il ne s'était rien passé, et de faire des comparaisons, boiteuses à mon avis. On peut, nous, ici, entre nous autres, comparer ce qu'il y avait dans Meech - oui - parce qu'on a étudié longtemps, on a discuté longuement de Meech aussi.

D'un côté, on dit que c'est Meech plus. Nous, de notre côté, on dit: Non, non. Attention, vous n'avez pas Meech plus. Chacun y va, comme je vous dis, de son interprétation, toujours à partir d'un texte politique qu'on a en main, sans aucun article juridique encore, présentement.

Voyez-vous, M. le Président, nous autres, on dit: Par rapport à Meech, la société distincte s'est amenuisée. Ça s'est rapetissé. Il y a des gens qui me disent non en cette Chambre, mais il reste qu'il n'y a pas seulement les gens de l'Opposition officielle qui disent ça. Il n'y a pas seulement les péquistes qui disent ça parce qu'on veut la souveraineté. Il n'y a pas seulement nous autres, M. le Président.

Je regardais, dans les journaux, Léon Dion, professeur à l'Université Laval. M. Dion, ardent fédéraliste qui, lui, croit énormément à la Confédération canadienne, nous dit: Je suis dans l'abîme. La loi 101 est en péril. Et ça, ce n'est pas des péquistes qui ont écrit ça, ce n'est pas nous autres, ce n'est pas des méchants séparatistes, comme il y en a qui aiment nous appeler pour faire peur un petit peu plus. C'est tellement plus épeurant, M. le Président. On a vu M. Dion qui a fait un commentaire comme celui-là.

Par rapport à l'immigration, on a vu, dans cette Chambre, il y a eu des débats, à la période de questions, des questions qui ont été posées au premier ministre, qui ont été posées, en cette Chambre, au ministre des Affaires internationales. On nous dit: II n'y a pas de problème. C'est tout beau, c'est pareil comme Meech. Pourtant! Pourtant, même le sénateur Claude Castonguay a été obligé de reconnaître qu'il manquait des bouts au texte et que le gouvernement du Québec attendait - au moment où on se parle, il attend toujours probablement parce qu'il ne l'avait pas encore eue hier - une lettre du premier ministre pour pouvoir confirmer que le gouvernement avait raison. C'est assez inquiétant, M. le Président, et c'est là-dessus qu'on va demander aux Québécois de prendre position.

Nous, notre tâche, à ce moment-ci, ce sera d'essayer de démontrer comment il n'y a rien dans ça. Si, au moins, on pouvait produire... Si tout le monde se donnait la peine de lire les textes. N'importe qui est capable de lire ça, ce n'est pas si compliqué que ça. On peut voir, un paragraphe après l'autre, qu'il n'y a rien de réglé. Même dans les six secteurs. On nous dit, de ce côté-ci de la Chambre... on nous donne six secteurs exclusifs, de compétence exclusive du Québec.

La formation professionnelle... J'ai entendu plusieurs personnes qui nous disent: compétence exclusive du Québec. Ah oui! Pourtant, on sait qu'il y a des paragraphes un petit peu plus loin qui disent quoi? Qui disent que, si on fait des programmes pour pouvoir se retirer, il faudra aller selon des normes nationales, et les normes nationales, c'est par là que le gouvernement fédéral fait toujours de l'ingérence aussi. On a des normes nationales en santé. Là, on va en avoir en éducation, c'est clair; ils ont même mis un ministre là-dessus. En développement régional, on en aura.

Mais où ça s'arrête? On a vu les débats qu'il y a eu ici. Le ministre de l'Environnement qui se plaignait, l'an dernier, mais, en fait, pas l'an dernier, au printemps, en plein débat constitutionnel, où on essaie de s'entendre. Le ministre de l'Environnement qui nous dit: Ça n'a

pas de bon sens. Ils vont pouvoir s'ingérer partout, même dans les bouts de route. C'est épouvantable de voir ça, M. le Président. Le ministre des Communications, comment il fait, lui aussi, pour applaudir à cette entente-là qui, à toutes fins pratiques, ne règle pas son problème? Il était contre le projet de loi fédéral. Le ministre de l'Environnement était contre le projet de loi fédéral en environnement. Comment ces gens-là font-ils pour applaudir à cette espèce de procès-verbal d'entente constitutionnelle qu'on a devant nous présentement? Il y a de quoi s'interroger, M. le Président.

Ce n'est pas des propos que, nous, on a tenus parce qu'on est biaises par notre option souverainiste. C'est des propos qui ont été tenus par des ministres libéraux, en cette Chambre. Comment ça ce qui n'était pas bon au printemps, ça devient bon maintenant? Le ministre de la Santé, il a des normes nationales à respecter. On coupe ses budgets, mais on lui dit: Tu vas respecter les normes fédérales quand même. En 1996, il n'y aura plus rien probablement, là, dans les transferts du fédéral au provincial en matière de santé. C'est prévu dans les livres du budget du gouvernement que le gouvernement nous remet à chaque année.

Quand on regarde ce qui s'est passé... Je reviens à Bélanger-Campeau, M. le Président, parce que je voudrais parler des recommandations et des demandes que les femmes ont faites à Bélanger-Campeau. Vous savez, M. le Président, comme porte-parole de la condition féminine et de la politique familiale, je suis contente de voir que la ministre est là dans cette Chambre. Elle se rappellera sûrement des demandes que les femmes ont exprimées à la commission Bélanger-Campeau. Elle se rappellera sûrement aussi des propos qui ont été tenus en commission parlementaire sur les normes minimales de travail. Ça ne fait pas si longtemps, ça, M. le Président. C'est en... Je vais vous donner ça tout de suite. Voyez-vous, c'est récent. (18 heures)

II y a eu des propos qui ont été tenus concernant les banques de congés de maternité, congés parentaux. Les femmes nous ont dit qu'elles avaient besoin que ce soit rapatrié, qu'on se crée une banque québécoise pour les congés de maternité, congés parentaux. Projet très bien fait, d'ailleurs, qui avait été présenté par le Conseil du statut de la femme. La ministre elle-même avait trouvé que c'était un projet intéressant, à l'époque. Ça faisait consensus, à toutes fins pratiques. Pour ce faire, M. le Président, il fallait aller récupérer du fédéral la partie de l'assurance-chômage qui sert, en fait, à assumer la partie payée des congés de maternité.

Même M. Dufour, le président du Conseil du patronat, était venu et lui-même était d'accord avec ça. Lui-même nous disait: Bon... Je vous le cite parce que j'avais trouvé ça excellent. M.

Dufour nous disait que, quand on veut bonifier quelque chose, dans un contexte comme ça, on aime autant que le Québec le bonifie lui-même. Alors, il était d'accord avec le procédé. Tout le monde était d'accord là-dessus. Pourtant, il ne s'est rien passé dans ce dossier-là, pas un mot. Et même qu'on dit: Le fédéral va garder - c'est écrit en toutes lettres dans l'entente - à toutes fins pratiques le contrôle exclusif, la compétence exclusive en ce qui a trait à l'assurance-chômage, devrait conserver sa compétence exclusive aussi à l'égard du soutien du revenu et des services connexes qu'il fournit dans le cadre du régime d'assurance-chômage. Qu'est-ce que ça veut dire ça, M. le Président? Est-ce qu'on devra faire une croix là-dessus? Ils n'ont pas voulu en parler, ils n'en ont pas discuté.

J'espère que les femmes, qui sont, semble-t-il, très indécises - il y a beaucoup de femmes indécises présentement - vont voter contre ça. On n'a absolument rien gagné. On n'a pas été écoutées, M. le Président, ni en termes de mariage ni en termes de divorce. Pourtant, c'est assez simple. Pas du tout. Ils ont convenu de ne pas en parler. On n'en discute plus. Terminé. C'est dans la dernière page annexe de tous les sujets qu'un jour on reprendra, peut-être. Si ça adonne, on reprendra les discussions. On avait demandé des choses au niveau du travail, au niveau de la formation professionnelle. Ça, on y a un petit peu touché. En fait, là, de toutes les demandes que les groupes de femmes du Québec sont venus faire chez nous à Bélanger-Campeau, il n'y a rien qui est ressorti.

Ça aurait été l'occasion idéale d'aller récupérer les sommes d'assurance-chômage pour pouvoir au moins faire avancer ce dossier-là. Ça aurait été l'occasion idéale. Et pourtant, rien du tout, M. le Président. On n'a rien retenu. Même le rapport Allaire aussi était d'accord pour qu'on fasse une politique familiale québécoise cohérente.

Vous me signalez qu'il faut que je conclue, M. le Président. Bien, écoutez, en terminant, ce que je demande, c'est à la population de mon comté, à la population du Québec d'être très attentive, de vérifier comme il faut tout ce qu'il y a dans ce papier-là, parce que ça ne mène nulle part. On n'a pas le bon débat. Ce n'est pas le vrai débat, mais il va falloir y passer quand même et voter non à tout ça, surtout les femmes, qui n'ont rien obtenu dans ce dossier-là. Et je vous remercie, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée des Chutes-de-la-Chaudière.

Alors, nous poursuivons le débat référendaire sur la proposition du premier ministre. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire et je reconnais M. l'adjoint parlementaire au ministre de l'Industrie, du Commerce et de la Technologie et député de Taschereau. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean Leclerc

M. Leclerc: Merci, M. le Président. Je suis heureux de prendre la parole pendant ce débat sur la question référendaire. Je me remémore encore mon humble participation à la campagne référendaire de 1980, où j'étais bien loin de me douter, comme beaucoup d'entre nous, que 12 ans plus tard le débat serait encore aussi d'actualité.

Nous tenons actuellement le débat sur la question, débat qui déborde, vous en conviendrez, sur l'environnement politique que nous désirons nous donner, nous, les Québécois, pour les années 2000. Bien sûr, il est important de situer les offres actuelles par rapport à Meech, par rapport aux revendications historiques du Québec. D'autres avant moi ont fait ce débat. Mais il faut surtout se demander si nous désirons toujours vivre dans ce pays qu'est le Canada.

Il y a un adage qui dit que, lorsqu'on veut faire tuer son chien, on lui trouve toutes les maladies. Bien sûr, M. le Président, les péquistes trouvent le Canada malade, trouvent notre entente constitutionnelle mauvaise, mais ils désirent quitter le Canada. Je les regarde agir, nos opposants péquistes, et je vous dis, M. le Président, qu'ils ne sont pas très convaincants. Au-delà des discours, des allusions à des scénarios de films, des farces plates du député de Lac-Saint-Jean, lui qui fut le petit général en charge du beau risque, lui qui était un «affir-mationniste» dans l'âme, lui dont les organisateurs, au Lac-Saint-Jean, appuyaient les députés conservateurs.

M. le Président, je vous assure qu'ils ne sont pas très convaincants. Ils prétendent que le Canada ne permettra pas de sauvegarder la langue française, alors qu'ils la parlent moins bien que certains de nos collègues ici, dont ce n'est même pas la langue maternelle. Ils se présentent comme candidats aux élections sous la bannière du NPD fédéral, comme le député de Rouyn-Noranda-Témiscamingue et le député de Bertrand, et moins de quatre ans plus tard tentent de détruire ce pays. Ils ont accepté des postes d'ambassadeurs, de ministres à Ottawa, des présidences de sociétés d'État au fédéral. Ils ont voté pour Meech, comme, par exemple, les membres du Bloc québécois qui étaient conservateurs. Eux, carriéristes, qui n'ont pu dire non à ces postes prestigieux, à ces gros salaires, pour respecter leur idéal, nous disent aujourd'hui de quitter ce pays. Alors qu'ils n'ont pu y croire assez pour faire passer leur idéal avant leurs bénéfices personnels, comment pourront-ils, le jour d'une hypothétique indépendance, accepter de faire des sacrifices pour se donner le pays qu'ils désirent? Pas besoin d'être devin pour comprendre que la situation économique d'un Québec souverain ne sera pas meilleure que pour un Québec dans le Canada. Ça risque d'être pire. Au mieux, ce ne serait que différent, mais non meilleur.

M. le Président, c'était à la mode d'être souverainiste, il y a 20 ans. Je me rappelle, au dernier référendum, alors que je fréquentais l'université, on était deux ou trois, dans le fond de la classe, qui portaient un macaron pour le non et le reste de la classe était pour le oui. C'était à la mode à ce moment-là; c'était être dans le vent. C'est un concept qui a très mal résisté au temps et qui devient de plus en plus dépassé. Le libre-échange avec les Américains, le libre-échange à trois avec le Mexique, l'Europe de 1992, la mondialisation des marchés sont à l'antithèse du petit nationalisme défensif qui nous a donné des décisions aussi néfastes pour notre économie que la nationalisation de Que-becair et de l'amiante par le Parti québécois. Le vrai nationalisme est proactif. Les vrais nationalistes sont les Québécois dont les entreprises exportent. Les vrais nationalistes sont les Québécois qui, à qualité égale, achètent des produits québécois. Les vrais nationalistes n'ont pas peur de se mesurer aux autres provinces. Ils sont fiers de leur savoir-faire et n'ont pas besoin de barrières politiques pour se prémunir contre le reste du Canada.

M. le Président, l'histoire de tous les pays est empreinte de moments difficiles, de périodes bouleversantes. Notre pays n'a jamais été à l'abri de tout cela. Mais quand on se compare, on se rend compte aisément que l'histoire nous a quand même ménagés et que nos problèmes, bien que sérieux, ne sont pas insurmontables. C'est pourquoi tant de citoyens de partout au monde, tant de citoyens de tous les continents veulent immigrer chez nous. Une entente politique comme celle que nous avons devant nous, même sans les textes juridiques, n'est-elle pas préférable à une éventuelle indépendance au sujet de laquelle le PQ n'a aucun texte ni même aucune assurance que le reste du Canada voudra négocier avec lui?

M. le Président, rappelez-vous le fameux budget de l'an 1 de M. Parizeau. Rappelez-vous, M. le Président, comment il fut la risée de tout le Canada, de tout le Québec, avec ce budget de l'an 1. Le Parti québécois nous présente un Québec souverain comme la Terre promise. Le PQ aspire au meilleur de deux mondes: le meilleur du fédéral avec le meilleur que nous donnerait le Québec devenant un pays. C'est une notion profondément théorique. Un pays, ce n'est pas un repas que l'on choisit au gré d'un menu. Les Québécois tiennent au passeport canadien? Qu'à cela ne tienne, ils l'auront! Les Québécois sont attachés à la monnaie canadienne? Nous la garderons! (18 h 10)

M. le Président, soyons sérieux. En disant oui au Canada, j'affirme que j'ai confiance dans les moyens qu'a le Québec de se développer comme société distincte à l'intérieur du Canada. J'affirme aussi que j'ai confiance dans le savoir-faire des Québécoises et des Québécois pour compétitionner économiquement dans l'ensemble

canadien.

M. le Président, quand je dis oui au Canada, à l'entente constitutionnelle avec le reste du Canada, je pense également aux gens de mon comté, un des comtés les plus âgés au Québec, un des comtés où il y a le plus de personnes âgées, qui n'ont pas le goût de risquer ce qu'ils ont trimé dur à acquérir. Lorsque je dis oui à l'entente, oui au Canada, je donne le signal que j'ai confiance dans l'avenir, confiance dans la spécificité de ma culture, de ma langue, de mes origines. Et je dis également, M. le Président, que je ne veux pas de Jacques Parizeau comme président de la république du Québec, que je ne veux pas de Claude Morin comme ambassadeur à Ottawa et que je ne veux pas de Louise Beaudoin comme ambassadrice à Paris.

M. le Président, je dis également que je ne veux pas suivre Jean Campeau, président de Souveraineté inc., qui dit que le niveau de vie des Québécoises et des Québécois ne baissera pas, dans l'éventualité d'un Québec indépendant. Facile à dire, M. le Président. Facile à dire, comme affirmation, quand on gagne 125 000 $ par année en travaillant deux jours par semaine chez Domtar. Facile à dire, M. le Président. Mais toutes les Québécoises et tous les Québécois n'ont pas un tel coussin pour afficher pareille assurance.

M. le Président, une fédération comme la Fédération canadienne se doit d'évoluer, de s'adapter. C'est un processus continu, jamais achevé, qui demande détermination et ouverture d'esprit. C'est un défi exaltant, aussi exaltant que le défi que s'est donné le Parti québécois, mais combien plus réaliste. Ce pays qu'est le Canada est aussi à nous, Québécois. Nous l'avons fondé, nous l'avons fait prospérer. Il a besoin de nous comme nous avons besoin de lui. Je vous remercie.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Taschereau. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire, et je cède la parole à M. le député de Fabre. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean A. Joly

M. Joly: Merci, M. le Président. Ce matin, lorsque je me dirigeais vers le parlement, sans raison apparente, ma première pensée s'est dirigée envers la présidence. Je me suis dit: La présidence, les gens qui sont en place, les gens de jugement, qu'est-ce qu'ils ont à subir et à souffrir durant un tel débat! Alors, j'avais quasiment un peu de sympathie pour vous, M. le Président, de savoir que vous, le gardien de l'ordre, le gardien du bon déroulement, aviez à écouter tout ce qui se disait, autant du côté de l'Opposition que du côté ministériel, et qui frôlait, dans bien des cas, un quasi-délire paranoïaque. C'est ce qu'on avait eu l'habitude d'avoir durant beaucoup de débats. Mais, moi, ce soir, M. le Président, je vais essayer de vous éviter ça, sachant que vous ne pouvez pas trancher la question, sachant que, malgré votre bon jugement, votre rôle n'en est pas un d'arbitre, de censeur, où souvent on se doit quand même de vous enlever pratiquement votre droit de parole. Mais ça ne m'enlève pas encore la croyance que j'ai, à savoir que déjà votre jugement est sur le côté de ce qu'on peut appeler la grande logique et que, vous aussi, j'imagine, vous joindrez votre voix à toutes celles qui croient que le oui se doit d'être proclamé haut et fort. Nous sommes conviés à un rendez-vous historique, une date qui restera gravée longtemps dans l'histoire, soit celle du 26 octobre, et nécessairement, un coup que l'histoire aura été écrite, il faudra vivre avec les conséquences. Tous les yeux sont rivés vers le Québec, M. le Président, puis je pense que je ne vous apprends rien en vous faisant cet énoncé, cette déclaration. Tous les pays du monde, qui envient déjà le Canada, se tournent vers ce Québec et vers ce Canada en souhaitant que les gens puissent être en mesure d'aller chercher assez d'informations pour être capables de prendre une décision non émotionnelle, éclairée, rationnelle.

Nous avons l'avantage, cette semaine, M. le Président, de vivre ici, à Québec, une activité assez particulière qui a été désignée sous le nom de Symposium sur la Démocratie. Ça ne pouvait pas mieux tomber pour certains - ou pas plus mal tomber pour certains autres - parce que, si on croit dans la démocratie, on croit nécessairement dans ce que ça confère comme droits, mais dans ce que ça confère aussi comme obligations.

Je pense qu'à travers les ans le Parti libéral a su prouver hors de tout doute que c'était un parti conséquent, un parti, bien sûr, de grandes réalisations, un parti qui a su, à travers les années, s'affirmer, et avec son chef, M. Robert Bourassa, pour ne pas parler des autres, qui a su faire valoir ce que c'étaient, les intérêts supérieurs du Québec. Qu'on retourne quelques années en arrière, soit en 1987, et tout le monde, d'une façon ou d'une autre, avait ce qu'on peut appeler la mort dans l'âme quand Meech n'est pas passé. À ce moment-là, les sondages nous indiquaient que 80 % de la population du Québec était d'accord avec Meech. Aujourd'hui, c'est Meech plus. Alors, j'imagine que cette même population qui était d'accord avec Meech à 80 %, bien, devrait au moins donner aujourd'hui un minimum de 80 % dans les sondages.

Tout ceci pour vous dire, M. le Président, qu'actuellement la population du Québec est mêlée. Elle est mêlée parce qu'il y en a qui s'y prêtent et qui s'y prêtent bien, parce qu'il y en a qui, à travers le temps, à travers les ans, sont devenus de grands spécialistes, et le résultat qu'on vit actuellement n'est pas étranger à ce que les gens d'en face se sont donné comme

mission. M. le Président, il y a deux sortes de parlementaires: il y a les informateurs et il y a les agitateurs. C'est exactement ce que je ne voudrais pas avoir à vivre pour la balance de la campagne, soit les 46 ou 47 prochains jours.

M. le Président, très, très tôt, dans ma jeunesse, j'ai eu à découvrir et à me confirmer que j'étais Canadien. La plus belle expérience que j'ai vécue et que j'aurais souhaité à tous les Canadiens, ça a été de faire partie d'une façon quelconque d'un mouvement des forces armées, que ça soit dans les cadets ou que ça soit dans les forces actives. J'ai eu le bonheur, M. le Président, d'être trois ans, trois ans pleins, dans les forces actives, dans l'Aviation royale canadienne, et ça m'a permis, M. le Président, de connaître ce que c'était, le Canada, et de connaître ce que c'étaient, les Canadiens. C'est bien sûr que, pour ceux qui ont des visées de faire le rapatriement total de tout ce qu'on peut appeler pouvoirs ou leviers, sans regarder ce qui se passe de positif à l'intérieur d'une telle union ou d'une telle confédération, et par après, dire: On s'arrangera, puis je suis certain que ça va bien aller, eh bien, compte tenu de cette façon de penser, M. le Président, c'est ce que je disais il y a déjà une semaine ou à peu près, c'est s'en aller dans l'inconnu. Essayons d'enlever la partisanerie d'un tel débat, essayons de faire en sorte que ce soit ni des libéraux, ni des péquistes, ni des fédéralistes à outrance, ni des séparatistes à outrance, mais des gens de bonne logique qui disent: Au-dessus de tout ça, il y a nécessairement l'intérêt du Québec et il y a l'intérêt du Canada. (18 h 20)

Regardons le passé. Est-ce que, dans le passé, ce Québec a si mal évolué? D'une petite bande de terre que nous avions le long du Saint-Laurent, nous sommes rendus une des provinces les plus étendues et avec une population enviable. Une province ne se développe pas si ce n'est pas intéressant d'y être. La plus belle preuve de ça, c'est que nous continuons à avoir notre immigration à laquelle nous croyons pour nécessairement continuer à se développer. Nous avons des atouts, nous avons des attributs au Québec qui permettent d'avoir ce sens ou cette attirance qui fait en sorte que les gens ayant des choix viennent aboutir au Québec. Nous progressons dans un système évolutif, dans un système qui fait en sorte que le pacte social qu'on est en train d'établir va garantir une stabilité politique qui va nécessairement permettre un développement économique parce que notre problème est situé là.

On nous faisait mention que... À l'OCDE, on nous disait que le développement de la main-d'oeuvre était excessivement important et qu'on n'y avait pas vu. Bien, M. le Président, moi, je tiens, ici, à vous parler d'un projet de loi sur lequel nous avons eu à travailler, au mois de juin de cette année, qui a fait en sorte que l'Opposition a quasiment déchiré sa chemise. C'est le projet de loi 408, qui est le projet de loi sur la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Nous avions en tête de nous doter des outils nécessaires pour faire en sorte que lorsqu'on contrôlerait pleinement notre main-d'oeuvre, on serait déjà équipés à y faire face. Avec votre permission, je peux peut-être vous lire juste un peu l'objectif où on disait que la Société aura pour mission de promouvoir le développement de la main-d'oeuvre et de favoriser l'équilibre entre l'offre et la demande de main-d'oeuvre sur les marchés du travail et de l'emploi. Je vous fais grâce de la balance des objectifs qui sont endossés par ce projet de loi.

Mais j'aimerais juste ouvrir une parenthèse pour vous dire comment les conseils d'administration, à travers toute la province, seront formés. Vous allez voir ce à quoi je veux en venir, M. le Président, en vous disant qu'il y aura six membres qui représentent la main-d'oeuvre québécoise, dont cinq sont choisis après consultation des associations de salariés les plus représentatives. Les associations de salariés les plus représentatives, on appelle ça des syndicats, lesquels syndicats sont venus à la barrière pour dire: On va voter contre l'entente. Un syndicat, ça a sa raison d'être, mais quand on n'a pas de cause à défendre comme telle à l'intérieur d'un syndicat... Parce qu'il ne faut quand même pas oublier que pour les chefs syndicaux, pour eux autres, là, ça va bien quand ça va mal. Alors, comme ils n'ont pas de cause à défendre, comme ils ne peuvent pas justifier les 20 $ par semaine qu'ils vont chercher sur la paye des employés un peu partout, ils s'attaquent à une cause qui fait en sorte que ça va leur donner une forme de visibilité et ça va justifier un peu leur raison d'être.

Dans le cas du parti de l'Opposition, c'est exactement le même phénomène, exactement la même chose. Parce que vous n'êtes pas sans savoir, M. le Président, que, s'ils ne réussissent pas à amener la population sur le chemin de la souveraineté, c'est que, par après, leur raison d'être va être encore questionnée. La raison d'être du chef, que j'appelais, moi, ce matin, Sa Sainteté Jacques 1er, parce que, de la manière qu'il s'exprimait, je ne vous le cache pas, il semblait détenir la voie, la vérité et la vie... Parce que c'était ça qu'on avait à vivre, ce matin, M. le Président, et je veux vraiment me dédouaner de cette forme d'approche ou de cette forme de performance, dire que nous sommes des collègues et dire que nous représentons à la même Assemblée les mêmes intérêts de la population du Québec. Je suis drôlement content, M. le Président, d'avoir un chef comme M. Bourassa qui a su garder toute sa sérénité, toute sa lucidité, toute cette fierté d'être un vrai Québécois, sa sagesse d'être capable de savoir faire et de savoir dire, à des gens qui avaient aussi les mêmes objectifs, à savoir, protéger le Canada.

Je ne voudrais pas comparer notre chef, M. Bourassa, au chef de l'Opposition, mais regardons ce qui a été accompli sous l'égide de M. Bourassa à travers les années. Quand on parle de crédibilité au niveau du Parti libéral, qu'on prenne l'assurance-maladie, qu'on prenne l'hydroélectricité, qu'on prenne la Caisse de dépôt, au niveau du Parti libéral, qu'on prenne la Société générale de financement, qu'on prenne le Régime de rentes du Québec, c'est toujours dans la même continuité. Au gouvernement libéral, prudence, sagesse, respect des individus, respect des vrais besoins.

Par opposition, qu'on prenne ce qui s'est passé en 1982, lorsque la signature a été reniée. Qu'est-ce que c'est que ça a fait, ça, au niveau, disons, de la déstabilité au Québec? Ça a permis à peu près à tout le monde de rouvrir toutes les conventions collectives. C'est ça que ça a permis. Quand on parle de 1976 à 1985, un règne dont plusieurs se souviennent mais aussi que plusieurs voudraient oublier: déficit, en 1976, sur l'année, 300 000 000 $; déficit, en 1985, sur l'année, 3 700 800 000 $. Si on fait le total de tout ça, M. le Président, c'est pratiquement 25 000 000 000 $ qui se sont additionnés dans ces années-là, ce qui fait que, actuellement, à tous les lundis matins, le président du Conseil du trésor se doit de faire un chèque de 50 000 000 $, soit 6 000 000 000 $ par année, pour faire le paiement de l'intérêt de la dette. Ça, c'est un peu la particularité, là, qui colle, si vous voulez, au règne de 1976 à 1985.

Qu'on prenne la façon de penser du chef de l'Opposition quand on a eu la crise, le problème d'Oka, où sa philosophie était la ligne dure. À l'écouter parler, il se serait agi d'envoyer deux bazookas, un camion de cercueils et quelqu'un qui savait compter. C'est ça qui était sa philosophie, au chef de l'Opposition. Alors, je ne peux pas imaginer pour une minute, M. le Président, qu'à travers notre population les gens n'ont pas compris qu'actuellement les gens d'en face sont en train d'essayer d'assurer leur survie. C'est une question peut-être de vie ou de mort, mais pour qui? Il faut se poser la question. Pas pour le Parti libéral, pas pour la population du Québec. Pour certains individus a l'intérieur d'un certain parti qui ont une certaine philosophie puis qui parlent de brisure, qui parlent de rupture, qui parlent de séparation. C'est exactement ça. Leur objectif, c'est ça, M. le Président. Ce n'est pas autre chose. C'est à peine voilé.

Si on veut parler des offres, on pourrait s'étendre sur la clause Canada, on pourrait s'étendre sur la société distincte. Qu'on parle de langue, qu'on parle de culture ou qu'on parle du Code civil. On pourrait s'étendre sur nécessairement la réforme du Sénat, mais déjà plusieurs de mes collègues s'y sont attardés et ont réussi, je pense, à démontrer à la population tous les gains qui se sont faits, de là l'expression «Meech plus, plus, plus». Ce n'est pas une vente, comme un certain député d'Anjou le laissait supposer l'autre jour. S'il faut souligner davantage certains des éléments qui ont été conférés par l'entente, eh bien, je ne pense pas qu'on puisse, dans notre façon de faire, nous blâmer de mettre de l'avant les convictions qui sont déjà des écrits puis qui sont déjà des engagements. Ce n'est pas s'en aller sur une voie où c'est strictement de l'inconnu. Nous savons que sur cette voie-là il y a les garanties que je viens de mentionner, dont la garantie du 25 % au niveau, disons, de la Chambre des communes, les droits de veto, les pouvoirs exclusifs dans six champs d'action, les pouvoirs combinés ou partagés dans deux autres, les juges à la Cour suprême. Alors, si ce n'est pas ça que d'avoir un Meech plus et où c'était à 80 % accepté au moment où Meech était sur la table et qu'il était sur le point d'être endossé par tout le monde, c'était à 80 % que la population disait oui à Meech. Et là, nécessairement, il y a encore plus que Meech, et on a réussi à mettre assez de doute dans la tête des gens pour les amener à se questionner. La preuve, il y a 28 % à 30 % d'indécis. Ça, ça laisse supposer que chez vous, vous ne faites pas votre job et que peut-être que chez nous aussi, on ne la fait pas. (18 h 30)

Mais mettons de côté la démagogie, regardons en toute objectivité le rôle d'un parlementaire et, à ce moment-là, je suis drôlement convaincu que les gens reprendront confiance dans leurs élus, les hommes, les femmes qui mettent un nombre d'heures incalculables pour essayer, justement, de faire avancer des causes, d'enlever des inéquités dans le système ou enlever des injustices. Qu'on regarde la mondialisation, M. le Président, des marchés, qu'on regarde ce à quoi on aura à faire face tantôt. On se devra de se rallier à l'intérieur des pouvoirs que nous avons rapatriés, dont celui dont je vous parlais tantôt, qui est la compétence exclusive en formation de la main-d'oeuvre. Que la population sache que nous sommes prêts à assumer ces responsabilités qui ont été négociées justement dans cette spécialité, dans ce domaine, que nous avons les outils par le biais de la loi 408, que nous sommes tous fin prêts à faire face à ce défi qui nous amènera à réaliser le projet des grappes industrielles, qui fera en sorte que nous ne serons pas simplement bons dans un produit fini, mais dans toutes les composantes avant d'en arriver dans un produit fini, et qu'à travers les 16 ou 17 champs de compétence qui ont été identifiés nous serons capables d'être autosuffisants pour faire en sorte que nous aurons des jobs, faire en sorte que, quand on aura ce levier-là, on sera capables de les bâtir, nos propres jobs, parce que nous aurons évalué les besoins.

Alors, compte tenu de tout ça, M. le Président, si la logique, c'est comme de la confiture, comme disaient certains individus,

bien, il y en a qui l'étendent pas mal mince. J'espère qu'on aura réussi à en convaincre quelques-uns. Il y en a un qui ne serait peut-être pas trop difficile à convaincre, c'est le député de Westmount qui a déjà démontré qu'il avait - je m'excuse, juste une petite minute, M. le Président - déjà, disons, une bonne base, et je ne sais pas ce qui l'a amené là.

Dire non serait de s'infliger une défaite à nous-mêmes; dire oui à l'entente, c'est dire oui au partenariat, c'est développer des partenaires et non des adversaires, c'est éliminer l'inconnu et c'est avoir la stabilité politique, et soyez assuré, M. le Président, qu'il n'y a pas d'équivoque dans ma tête à moi, que je voterai oui à l'entente et que je suis fier d'être un Canadien.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Fabre. Alors, nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre, et je reconnais Mme la députée de Terrebonne.

Mme Jocelyne Caron

Mme Caron: Merci, M. le Président. Avant de commencer mon intervention, M. le Président, je reviendrai sur certains propos du député de Taschereau, qui semblait considérer que, du côté du Parti québécois, il y avait beaucoup de carriéristes. Je pense que nous n'avons pas tout à fait la même définition de carriériste. Quelqu'un peut garder ses convictions et décider d'aller travailler dans un gouvernement étranger, d'aller travailler dans un autre pays en conservant ses convictions profondes. Pour moi, lorsqu'on parle de carriériste, lorsqu'on parle d'opportuniste, c'est quelqu'un qui, malgré des convictions profondes, décide un jour de passer de l'autre côté de la barrière.

Le député de Taschereau ne nous trouvait pas convaincant; j'utiliserai donc les paroles d'un de ses collègues, aujourd'hui député libéral, qui, en 1981, nous disait, M. le Président, lors d'une convention: «Notre option, la souveraineté-association, n'a pas rallié la majorité lors du référendum du 20 mai dernier. Est-ce à dire qu'il faille abandonner notre combat pour la souveraineté? Est-ce à dire que l'espoir de toute la jeune génération doit être déçu? Nous répondons à notre tour «non merci» à toutes ces questions - je rappelle que c'est un de leurs collègues libéraux, M. le Président - car plus de 40 % des électeurs ont endossé notre projet. Seulement 12 ans après notre existence en tant que parti politique, la souveraineté du Québec reste à mes yeux un objectif plus que valable qu'il nous faudra réaliser ensemble, car sans elle, le Québec ne pourra jamais s'épanouir pleinement. Par contre, c'est à nous tous, militantes et militants, que revient la tâche ardue de reprendre notre bâton du pèlerin pour aller convaincre nos citoyens, sans relâche, et plus que jamais. C'est notre devoir - disait-il - si nous croyons au Québec. C'est cela aussi que je me propose de faire avec vous pour les années a venir. «Notre nouveau comté de Rousseau doit être parcouru sans arrêt dans le but de parler aux gens de notre option. C'est là le rôle du futur député péquiste de Rousseau. Dix ans après mon adhésion à la cause de la souveraineté, je suis toujours prêt à cette mission». Et il terminait son discours, M. le Président, ce nouveau député de Rousseau maintenant pour le parti libéral: «Si nous ne nous battons pas de tout coeur et de toutes nos forces aux prochaines élections, le Québec et les citoyens de Rousseau reviendront 20 ans en arrière avec les libéraux et Claude Ryan. Leur politique est claire: C'est au plus fort la poche. Est-ce cela que nous voulons vraiment?» Et il concluait: «Ryan et les libéraux, ça coûte trop cher». Robert Thérien, député de Rousseau, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député de Verdun, je vous demanderais la même collaboration que les députés ont accordée aux autres députés qui ont parlé avant Mme la députée de Terrebonne. Si vous ne m'accordez pas votre collaboration, j'agirai en conséquence. Mme la députée de Terrebonne.

Mme Caron: Merci M. le Président. Donc, M. le Président, avant de parler de carriériste, le député de Taschereau devrait regarder juste derrière lui.

M. le Président, avant de s'engager, avant de prendre une décision, il est important de connaître ce que l'on nous propose, de vérifier la valeur d'une proposition et d'exiger un contrat écrit. Et ça, M. le Président, c'est important pour une personne, c'est aussi important pour un peuple. Comme consommateurs, on nous dit constamment qu'un consommateur doit se protéger contre d'éventuelles mauvaises surprises en consignant par écrit toutes les conditions de la transaction dans un contrat en bonne et due forme. Nous n'avons pas, à l'heure actuelle, toutes les clauses par écrit de cette transaction.

Mais il faut surtout, M. le Président, lorsqu'on examine une proposition, se rappeler ce que l'on voulait, se rappeler quel était notre but, ce que nous voulions collectivement. C'est la même chose que lorsqu'on veut quelque chose personnellement. Qu'est-ce que les gens avaient défini? On ne nous avait pas dit qu'on voulait Meech, on nous compare la proposition actuelle constamment à Meech. Ce n'est pas ce qu'on nous avait proposé, M. le Président. Il faudrait peut-être se rappeler qu'il y a eu des commissions parlementaires. Et j'aimerais rappeler qu'elles ont coûté cher aux contribuables québécois, M. le Président. Il y en a eu plusieurs. Il y a eu la commission Spicer, le comité parlementaire Beaudoin-Edwards, le comité parlementaire Beaudoin-Dobbie, la tenue de six conférences sur

l'avenir constitutionnel suite à Beaudoin-Dobbie, des audiences constitutionnelles relatives aux groupes autochtones, la diffusion publique des diverses propositions fédérales 1991-1992, des dépenses supplémentaires spéciales pour ces propositions et des contrats à des experts pour conseils constitutionnels en 1991-1992; 99 300 000 $ qui ont été payés, et le quart payé par les contribuables québécois alors que ces commissions voulaient régler l'ensemble du dossier constitutionnel pour l'ensemble des provinces canadiennes. Mais ce sont les Québécois qui ont payé le quart de la facture, M. le Président.

Nous nous sommes ajouté, évidemment, ici, 4 600 000 $ pour Bélanger-Campeau et deux commissions parlementaires, suite à la loi 150, sur les offres et sur les questions afférentes à la souveraineté et non à la souveraineté partagée, je vous rappellerai, M. le Président. C'est le gouvernement que nous avons en face de nous qui a choisi ces commissions, au coût de 6 000 000 $. Rappelons que ces commissions n'ont toujours pas déposé de rapports, M. le Président, et qu'on nous annonçait hier que la commission sur les offres, malgré ce coût, ne déposera pas de rapport. Donc, 10 600 000 $ qui se rajoutent. Et qu'est-ce qui se rajoute aussi comme coûts, pour les contribuables québécois, avec l'entente que nous avons devant nous, M. le Président, avec la proposition de Sénat égal et de rajout de députés aux Communes? Eh bien, nous aurons une facture de 6 100 000 $ de plus par an, et ça, bien sûr, sans compter les rénovations qu'il faudra faire à la Chambre des communes, parce qu'actuellement elle est trop petite pour accueillir les 42 nouveaux députés. Donc, on aura aussi le coût des travaux, M. le Président. (18 h 40)

Une voix:...

Le Vice-Président (m. bissonnet): s'il vous plaît, m. le député de taschereau! quand vous vous êtes adressé à l'assemblée, je pense que tous les gens vous ont laissé parler. alors, je vous demanderais la même collaboration pour mme la députée de terrebonne.

Mme la députée.

Mme Caron: Merci, M. le Président. Vous savez, nous sommes des payeurs de taxes avant tout, et il faut savoir ce qui nous arrive, parce qu'avec ce gouvernement, tout au long de l'année, tout ce que nous avons eu, ce sont des taxes. Alors, il faudrait peut-être voir combien ça nous a coûté, cette proposition, et voir si elle répond aux demandes. Alors, avec toutes ces dépenses, on va regarder, M. le Président, ce que les gens sont venus demander. Ils ne sont pas venus demander Meech. Dans Bélanger-Campeau, ils nous ont dit: L'autonomie des provinces insiste sur l'exclusivité des compétences législatives attribuées en 1867. Eh bien, là, avec l'entente, en 1867, nous avions 11 compétences législatives exclusives. Eh bien, avec cette nouvelle entente, M. le Président, nous en avons 6, et le fédéral se garde le droit, évidemment, d'intervenir, d'utiliser son pouvoir de dépenser, mais en continuant avec des ententes, évidemment.

Toujours soucieux de préserver l'autonomie de l'Assemblée nationale, le Québec a de tout temps dénoncé les interventions et les empiétements du gouvernement fédéral dans ses champs de compétence exclusive. Eh bien, on nous a annoncé, dans l'entente, qu'on continuerait à le faire, mais qu'on pourrait discuter longtemps avant, par exemple. Inévitablement, des tensions et des conflits allaient naître au fur et à mesure que s'accentuaient les tendances centralisatrices. Eh bien, passer de 11 à 6, pour moi, c'est augmenter les tendances centralisatrices, M. le Président.

On nous disait aussi, dans les conclusions: La très grande majorité des mémoires reçus - on n'oublie pas, M. le Président, que ça nous a coûté tout près de 100 000 000 $, hein! - et des témoignages entendus par la commission souligne le caractère inacceptable des arrangements constitutionnels existants et insiste sur la nécessité de modifier en profondeur le cadre juridique qui établit les compétences et les responsabilités du Québec, son statut politique et ses liens avec le gouvernement fédéral et les provinces. Est-ce qu'on appelle ça réformer en profondeur ce qu'on a devant nous? On nous garantit qu'on va avoir 25 % des députés à la Chambre des communes; c'est ce qu'on a déjà. On nous annonce qu'on va avoir 6 sénateurs sur 62 alors qu'on en avait 24; c'est une réforme en profondeur, là, dans ce cas-ci, mais à notre détriment, M. le Président. Et il ne faut pas oublier que, si le gouvernement en place au fédéral est un gouvernement minoritaire ou à très faible majorité, il arrivera souvent qu'on fera siéger et la Chambre des communes et le Sénat, ce nouveau Parlement, et qu'à ce moment-là les Québécois seront extrêmement pénalisés. Mais ils pourront continuer à payer 25 % de la facture, par exemple, M. le Président; ça, on nous la maintient, il n'y a pas de problème.

On avait aussi, toujours dans Bélanger-Campeau, dans les conclusions, qui étaient partagées par ceux qui ont siégé - M. le Président, vous vous rappellerez - par le gouvernement libéral: Les attentes de la population sont élevées. La population ne s'attendait pas à un Meech plus ou à un Meech moins, elle avait des attentes élevées. Elle veut voir le Québec récupérer des compétences dans tous les secteurs, qu'ils soient du domaine économique, social ou culturel. Il lui apparaît urgent de mettre fin à l'incertitude par une démarche claire qui devra mettre fin à l'impasse et mener à des résultats sans tarder.

Ce qu'on a devant nous, ce n'est pas une démarche claire, ce qu'on a devant nous, c'est

un recul au niveau des pouvoirs, et ce qu'on a devant nous, ce sont des discussions à n'en plus finir, donc pas des résultats qui vont arriver sans tarder, M. le Président.

Est-ce que seulement Bélanger-Campeau réclamait ça? Non, M. le Président. Les libéraux dissidents réclamaient la même chose. Ce n'est pas des membres du Parti québécois, M. le Président. Ils nous disaient dans leur texte tout récent, de septembre 1992: «Le plus important pilier de notre programme constitutionnel, le nouveau partage des pouvoirs devant mener à une plus grande autonomie politique du Québec, demeure un élément primordial et incontournable des attentes du Québec face à l'entente du 28 août. L'autre objectif qui nous guide est celui d'atteindre la plus grande efficacité possible dans la gestion et la livraison des services gouvernementaux. Avec une économie ralentie par les emprunts gouvernementaux et d'énormes pressions sur les finances publiques à tous les niveaux du gouvernement, il nous semble évident que le Canada ne peut plus se permettre le gaspillage qu'entraînent les chevauchements et les dédoublements de pouvoir.» Ce sont les dissidents du Parti libéral qui disent ça, M. le Président. Est-ce qu'on enlève les dédoublements? Est-ce qu'on coupe le gaspillage? Non, on vient de s'ajouter, juste au niveau du Sénat et des députés, une facture de 6 100 000 $ de plus par année, M. le Président, je vous le rappelle.

La Chambre de commerce du Québec, c'était la même chose qu'ils nous avaient dit: «Nous sommes convaincus que le fédéralisme pratiqué au Canada est un échec économique et qu'il faut couper dans les dédoublements.» Tout le monde est venu le dire, M. le Président, et on se retrouve avec une proposition qui ne tient aucunement compte de toutes ces dépenses qu'on a faites. Nous avons dépensé plus de 100 000 000 $ pour demander aux gens ce qu'ils voulaient, et l'entente qu'on nous propose ne répond aucunement à ces besoins.

Qu'est-ce que les gens voulaient? Est-ce qu'ils voulaient des pouvoirs pour des pouvoirs? Non, ils voulaient des pouvoirs pour régler les vrais problèmes. 1 134 000 Canadiens sur le chômage, 27 août 1992. Des millions de Canadiens viendront gonfler les rangs des prestataires de l'assistance sociale si les gouvernements ne repensent pas leurs priorités économiques et ne trouvent pas des nouveaux emplois, 13 août 1992. Une génération perdue. Les économistes sonnent l'alarme devant le chômage chez les jeunes. Au Québec, 13 % de chômeurs. Recrudescence des faillites. Nouvelle chute de l'indice des offres d'emploi. Chômage à 10 %, pas avant 1996. Année de commerce de détail encore difficile. Et le dernier, 9 septembre, M. le Président, l'OCDE - ce n'est quand même pas le Parti québécois - qui représente 24 économies industrialisées signale que la faible productivité du Canada dépend, en partie, de l'échec du système scolaire à former des travailleurs qualifiés et de la négligence des compagnies à se maintenir à la fine pointe de la technologie.

M. le Président, les gens venaient demander des pouvoirs parce que ça va mal et parce que ça nous coûte trop cher et parce que les Québécois étaient tannés d'être surtaxés, M. le Président. Et est-ce qu'on a donné des solutions? Absolument pas. Est-ce qu'on a touché, dans cette proposition, au développement régional qui a été demandé par tous les groupes? Est-ce qu'on a répondu, comme le disait ma collègue des Chutes-de-la-Chaudière, porteuse du dossier tantôt, aux demandes des femmes? Aucunement, M. le Président. Rien pour la politique familiale. Rien comme pouvoir exclusif pour la santé et les services sociaux. Pour l'éducation, on a maintenu le pouvoir de dépenser. La voix des femmes n'a pas été entendue. Peut-être, M. le Président, parce qu'il n'y avait aucune femme présente lors des négociations.

Vous savez, M. le Président, je ne ferai pas de débat sur la société distincte. Je ne suis pas une spécialiste, pas plus que la plupart d'entre nous, au niveau constitutionnel. Mais ce que je sais, c'est que huit constitutionnalistes sont venus nous dire que la société distincte qui était dans la proposition était inacceptable, c'était un recul. Cinq experts sont venus dire le contraire. Alors, moi, il m'apparaft une chose bien sûre, c'est que, par rapport à la société distincte, c'est obscur, c'est confus et que ce sont les tribunaux qui vont décider, puisque même les constitutionnalistes ne s'entendent pas. Donc, pour moi, ce n'est pas acceptable. (18 h 50)

Vous savez, lors des nombreuses commissions, les gens sont venus dire, dans une grande partie des cas: Ce que nous voulons, c'est notre propre maison. Nous ne voulons plus être locataires dans l'immeuble fédéral, parce que ça nous coûte trop cher et que nos besoins sont différents. Et ceux qui demandaient le moins sont venus dire: Nous voulons continuer à être locataires dans cet immeuble fédéral, mais nous voulons de grandes transformations. Nous voulons des rénovations importantes parce qu'on ne vit plus, dans cet immeuble. Eh bien, tout ce qu'on nous offre, M. le Président, ce ne sont pas des rénovations. Tout ce qu'on nous a dit: Nous allons déplacer vos meubles. C'est tout.

Ça ne me surprend pas tellement, parce que je relisais un petit texte du premier ministre, le 16 juin 1970. En page éditoriale du Montréal-Matin, on apercevait le monument effrité de la Constitution et le premier ministre actuel, M. Bourassa, qui disait: Bah! Rien qu'un peu de peinture suffirait pour l'instant. Eh bien, c'est ce qu'on nous a donné. On a déplacé les meubles, puis une petite couche de peinture, même pas la couleur qu'on voulait, M. le Président. C'est ça qu'on nous a donné.

M. le Président, je n'accepte pas cette

proposition inachevée, tout comme mes collègues du Parti québécois, mais aussi tout comme les dissidents libéraux et aussi tout comme les femmes et les hommes de toute allégeance politique qui rejettent ce projet parce qu'ils ont compris que ça ne nous convient pas. Je n'accepte pas, M. le Président, qu'on réduise le Québec à une province comme les autres et qu'on ne nous considère pas comme un peuple et une nation, qu'on nous considère comme une province qui doit payer 25 % de la facture canadienne mais qui ne doit recevoir que 18 % des services, M. le Président. Je n'accepte pas ces offres incomplètes qui nous proposent des négociations éternelles et qui n'apporteront aucunement la paix constitutionnelle, puisqu'il n'y aura pas de solution définitive.

M. le Président, lorsque j'étais enseignante, je ne me contentais pas de brouillons. Je demandais que les textes soient révisés, qu'il soient corrigés et qu'on me les présente au propre. Je n'accepterai pas un brouillon pour l'avenir collectif de notre peuple. M. le Président, parce que j'ai confiance en notre avenir, parce que je crois que le peuple québécois vaut beaucoup plus que ce qu'on nous propose, je dirai non.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, Mme la députée de Terrebonne.

Nous poursuivons le débat sur la question référendaire, et je reconnais M. le député de LaFontaine. M. le député, la parole est à vous.

M. Jean-Claude Gobé

M. Gobé: Merci, M. le Président. Comme je l'avais dit cette semaine, lors d'une précédente intervention, je reviendrai dans cette Chambre pour parler non seulement de l'entente, mais de la question, et plus profondément de certains sujets. Et, s'il y a un sujet qui me tient à coeur maintenant, c'est bien l'entente qui a été conclue au niveau de l'immigration, car chacun sait qu'au Québec, afin d'assurer la vitalité de notre population, nous devons de plus en plus faire appel à une immigration.

Pourquoi? Tout le monde le sait, la natalité québécoise est parmi les plus basses dans les pays occidentaux. Si nous voulons continuer à avoir une vitalité, une population jeune et éviter notre déclin démographique, nous devons donc avoir recours à ce moyen. Et on sait que le Québec a traditionnellement été une terre d'immigration, ainsi que le Canada, d'ailleurs, depuis des siècles, car ce pays, notre pays, s'est bâti avec des immigrants. Donc, l'entente qui a été signée le 22 août par le premier ministre, M. Bourassa, est certainement une entente extrêmement importante pour nous, car on va mettre dans la Constitution l'entente de l'immigration qui a été signée par la ministre, Mme McDougall, et la ministre Monique Gagnon-Tremblay.

Dans cette entente, Québec fait des gains très importants, M. le Président, et je pense qu'il faut le dire. Il est temps que la population connaisse les avantages de cette entente en ce qui concerne l'immigration. En effet, M. le Président, l'entente, l'accord prévoit maintenant l'obligation du gouvernement du Canada de prendre avis du Québec afin de déterminer les taux d'immigration globaux du Canada et de faire en sorte que Québec puisse conserver une part d'environ 33 % de tous ses immigrants. Et on sait l'importance que ça doit avoir, lorsqu'on sait les populations, actuellement, qui veulent immmi-grer.

Aussi, l'accord oblige le Canada à poursuivre une politique d'immigration canadienne qui corresponde aussi à son poids démographique et à celui du Québec. Par rapport aux ententes précédentes, et l'entente avait été signée par le Parti québécois, dans le temps, alors, on voit là les gains qui ont été faits par notre gouvernement. Dans le temps, l'entente qu'avait signée le Parti québécois et qu'avait signée le gouvernement fédéral, c'était une entente paritaire, c'est-à-dire que, lorsqu'un immigrant voulait venir au Québec, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec, à l'étranger, faisaient la sélection ensemble. Avec l'entente qui va être signée, qui a été signée, qui va être dans la Constitution, dans la nouvelle entente qu'on va passer au référendum, le Québec a maintenant l'exclusivité totale dans la sélection des immigrants, non seulement à l'étranger mais aussi ici au pays, les gens qui sont ici au Québec et au Canada. Alors, je crois que c'est là un gain extrêmement important, car nous allons enfin avoir - et malheureusement le Parti québécois n'a pas pu l'obtenir dans le temps - un outil qui va nous permettre de sélectionner les immigrants qui vont correspondre à ce dont nous avons besoin au Québec et correspondre à l'intégration que nous espérons et souhaitons qu'ils vont faire de notre société québécoise, tant au niveau linguistique que culturel. Je crois que c'est là, M. le Président, un gain majeur pour le pays.

Le troisième champ couvert par l'accord est celui de l'accueil et de l'intégration des immigrants. Dans le temps, on se rappelle, lorsqu'on était immigrants, on arrivait au Québec, au Canada quelque part, et c'étaient les services fédéraux qui voyaient à l'intégration des immigrants. Alors, bien entendu, ça pouvait de temps en temps être dirigé du côté anglophone, du côté francophone. On ne savait trop jamais. Maintenant, le Québec a la maîtrise d'oeuvre pour ça, et chaque immigrant qui arrive au Québec est pris en charge par les services de l'Immigration du Québec qui voient à l'orienter vers des cours de français ou de l'intégration en français prioritairement. Je crois que c'est là un autre gain très important. Personne ne pourra dire que nous avons reculé dans ce débat-là, dans ce dossier, car l'ancienne entente Cullen-Coutu-re - Couture qui était le ministre péquiste de

l'Immigration - était bien en dessous de cela. Je crois qu'on peut dire merci à M. le premier ministre du Québec d'avoir protégé ainsi l'apport démographique, l'apport de l'immigration du Québec par cette sélection, par cet accueil et l'intégration des immigrants parce que c'est important pour l'avenir si on veut conserver la culture française et la langue française au Québec.

Non seulement ça, on n'a pas eu seulement l'accord. M. le Président, nous sommes allés chercher de l'argent. Il n'y pas de péquistes en avant qui sont là pour dire le contraire. Je ne les vois pas, ils se sauvent lorsqu'on parle d'acquis. Ils n'aiment pas ça, M. le Président, lorsqu'on dit que, dans cette entente, il y a des choses profitables et intéressantes pour le Québec. Je vais le dire, M. le Président. Je les ai, les chiffres. Juste pour l'année financière 1991-1992, nous allons recevoir 75 000 000 $ du gouvernement fédéral pour nous occuper des services d'accueil; en 1992-1993, 82 000 000 $; en 1993-1994, 85 000 000 $; et en 1994-1995, c'est 90 000 000 $ que le gouvernement fédéral nous fera parvenir pour pouvoir intégrer nos immigrants, pour faire en sorte qu'ils deviennent des citoyens québécois, des citoyens francophones, dans un Canada intéressant pour eux aussi.

Moi-même, M. le Président, qui suis un immigrant, je dois vous dire l'importance de l'accueil, car lorsqu'on arrive dans ce pays, la première chose qui nous importe, c'est les gens qui nous accueillent. Si on était accueilis par des fonctionnaires fédéraux, on pouvait être tentés de penser qu'on pouvait être dans un système ou dans l'autre. Mais lorsqu'on est accueillis par le gouvernement provincial, par les gens du Québec, qui ont l'exclusivité de l'intégration et de l'acceptation, je dois vous dire que c'est là un message très clair qu'on va devenir des Québécois, qu'on va devenir des francophones, tout en restant des Canadiens.

Je vois le député de Westmount qui s'esclaffe, M. le Président. Peut-être que vous pourriez le rappeler à l'ordre, lui, qui a un collègue au PQ qui a interdit à notre délégué à Londres de parler en anglais à des Anglais. M. le Président, je crois que c'est une honte pour quelqu'un qui représente soi-disant la communauté anglophone pour le Parti québécois. Il est vrai que lorsqu'on trahit une fois, on peut trahir deux fois.

M. le Président, nous avons deux chefs actuellement: le chef du Parti québécois, Jacques Parizeau, et M. Robert Bourassa. Les citoyens vont avoir à juger qui est le plus crédible des deux. Je vais vous donner un petit exemple de crédibilité, et je pourrais en citer beaucoup d'autres. Souvenez-nous, M. le Président, il y a quelques années, lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir, le chef actuel du Parti québécois, ministre des Finances de l'époque, avait décidé d'appuyer la nationalisation de l'amiante. On se rappellera de ça, bien que le PQ, malgré ça, depuis cinq ou six ans, appuyé par la CSN, dénigrait l'amiante. Il fallait fermer ça, ça appartenait à des Américains. Ce n'était pas bon, c'était anti-écologique, c'était contre la santé. Mais lorsqu'ils ont pris le pouvoir... (19 heures)

J'ai là, dans la main, un texte de La Tribune, un journal de Sherbrooke, pas un journal d'Ottawa, pas un journal de Toronto, de Sherbrooke, un éditorialiste, M. Roch Bilodeau. M. Bilodeau dit, et je vais en faire citation pour tous les électeurs, pour tous les auditeurs, les téléspectateurs qui ne reçoivent pas La Tribune de Sherbrooke - je vois mon ami, M. Hamel, le député de Sherbrooke, probablement qui est très heureux de ça parce que c'est lui qui m'a communiqué cet editorial: «D'accord le PQ n'est ni l'unique ni le premier responsable de cet échec. Probablement que les lobbies américains se sont de toute façon chargés d'alimenter la psychose anti-amiante. On reconnaît là qu'ils l'ont alimentée eux aussi. N'empêche que les péquistes ont investi des fonds publics dans une industrie qu'ils avaient contribué à dénigrer et que cette nationalisation ne pouvait pas avoir pire timing. - Je m'excuse pour le mot anglais - Le calcul fut, en effet, très mauvais. D'ailleurs, on n'a trouvé aucun observateur sérieux pour appuyer cette nationalisation tout simplement parce qu'il était évident que le marché ne se redresserait pas avant plusieurs années et au prix des plus grands efforts; donc, les contribuables et citoyens du Québec y perdraient forcément. Alors, ce ne pouvait être la raison économique qui motivait la nationalisation et il ne reste que deux autres possibilités: l'incompétence ou l'opportunisme politique.

En tant que ministre des Finances à l'époque, Jacques Parizeau, l'actuel chef de l'Opposition, occupa un rôle de premier plan dans cette décision. Or, tout le monde en convient, il n'est pas forcément incompétent en matière économique, sauf qu'on constate qu'il a mis ses connaissances au service d'une idéologie plutôt que de l'intérêt général de la population. La nationalisation de l'amiante devenait un symbole politique plus utile au PQ qu'au Québec. Malheureusement pour M. Parizeau, le PQ, c'est maintenant le symbole d'un échec et d'une très aventureuse aventure.

M. le Président, c'est là le meilleur exemple de la politique du PQ, de la démagogie actuelle. Le PQ ne veut pas travailler contre les offres. Il veut faire la séparation du Québec et il met avant les intérêts des Québécois les intérêts du Parti québécois, l'intérêt partisan pour prendre le pouvoir, non pas pour développer le Québec, non pas pour faire que notre société soit une société pluraliste, démocratique, moderne, dans laquelle les jeunes, les personnes âgées et les familles puissent se développer, avoir des emplois. Tout ce qu'ils veulent, M. le Président, c'est dénigrer

l'accord, faire en sorte que les gens votent contre. Et, après, ils diront: On ne s'entend pas; maintenant, il ne nous reste plus qu'à nous séparer. Et, lorsque les gens seront séparés, peut-être que cinq ou six ans après, on a des éditorialistes qui écriront des textes comme cela et qui diront: On voit encore que l'incompétence ou l'opportunisme politique a été mis au service du PQ et non pas des meilleurs intérêts de la population.

Aussi, M. le Président, je vais voter pour le oui. J'invite toute la population à voter pour le oui parce que je pense que c'est le meilleur accord. Il est temps que nous réglions ce problème, que nous passions à autre chose, que nous ayons la paix sociale et la paix constitutionnelle afin de commencer à réduire le chômage, à régler les problèmes économiques et à travailler pour l'avenir, pour nos enfants. Merci, M. le Président.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de LaFontaine. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire proposée par M. le premier ministre. Je reconnais, et lui cède la parole, M. le président de la commission de la culture et député de Louis-Hébert.

M. Réjean Doyon

M. Doyon: Merci, M. le Président. M. le Président, le Québec est de nouveau à la croisée des chemins. Nous sommes à regarder vers où nous voulons aller, vers quel avenir nous nous destinons. Nous avons un guide qui est le chef du Parti libéral et il y en a un autre, de l'autre côté, qui nous indique une autre voie, qui nous amène dans une voie pleine de précipices, de ravins, qu'il ne connaît même pas, une terra incognita complètement, une terre inconnue totale. On voudrait qu'on le suive, on voudrait qu'on embarque avec lui, on voudrait qu'on lui fasse confiance. Et mon collègue de LaFontaine vient de donner un bel exemple de la confiance qu'on peut avoir dans ce guide qui est aussi le chef du Parti québécois, le chef de l'Opposition. Vous voyez où nous a amenés l'amiante, par exemple. Vous voyez quelle sorte de succès ça a été, la politique québécoise, avec le chef actuel de l'Opposition, en ce qui concerne l'amiante. M. le Président, là-dedans comme dans d'autres choses, le passé est le garant de l'avenir. Il faut se méfier et, très souvent, il faut payer pour apprendre. Dans le cas de l'amiante, nous avons payé le gros prix, nous avons payé 500 000 000 $. C'est très cher. Mais, pour connaître le chef de l'Opposition, c'est bon marché. C'est bon marché parce que ça nous permettra d'éviter le pire.

M. le Président, nous sommes avertis et nous n'aurions aucune excuse de suivre ce guide qui ne sait pas où il va, qui ne sait pas non plus où il veut aller. Il a décidé que l'indépendance, la séparation du Québec était la solution à tous les maux. Cette idée fixe donne lieu à toutes sortes d'abus. Nous en avons eu un bel exemple cet après-midi en Chambre. Nous avons vu un député péquiste de l'Opposition se lever - M. le Président, vous en étiez le témoin - dans cette Chambre, tout insulté, tout outragé, le trémolo dans la voix, interroger un ministre du gouvernement, le ministre des Affaires internationales, en lui disant: Imaginez-vous, le délégué général du Québec à Londres a osé s'adresser en anglais à des gens qui parlaient l'anglais en Angleterre! Quelle horreur, M. le Président! Quelle horreur!

Je vois le député de Westmount. Je suis gêné pour lui, M. le Président. Je suis gêné et embarrassé pour lui. Le député de Westmount est un gentleman. Il s'est embarqué dans un bourbier, dans un guêpier épouvantable. Il se demande probablement: Qu'est-ce que je vais faire dans cette galère? Qu'est-ce que je peux faire dans cette galère? Mon cher ami, ramez maintenant.

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Doyon: Ramez maintenant. Vous y êtes. Vous y êtes, ramez. M. le Président, quand on s'insulte qu'un diplomate québécois s'adresse dans la langue des gens qui vivent à cet endroit... Et le pire, le pire là-dedans - ça me vient à l'idée, il ne faut pas que je le passe sous silence - le type qui s'insulte de ça, le député péquiste, est un ex-diplomate du gouvernement canadien comme moi-même d'ailleurs, du gouvernement canadien qu'il a représenté, je pense, à Boston ou à San Francisco, je ne sais trop où. C'est curieux, M. le Président. J'ai été aussi un diplomate du gouvernement canadien. J'ai représenté le Canada aux Nations unies, j'ai représenté le Canada en Autriche et je n'ai pas honte de dire que, quand je me suis adressé aux Autrichiens, dans des circonstances officielles, je faisais un effort, malgré les difficultés que j'avais, pour m'adresser à eux en allemand, pour une raison bien simple: c'était du savoir-vivre pur et simple. C'était élémentaire. Ça demandait un effort de ma part, mais c'était une marque de considération à leur égard, parce que je n'ai pas cette allergie intolérante à la langue anglaise. C'est l'intolérance, M. le Président, patentée, carabinée, à toute épreuve. On est allergique à l'anglais. Imaginez-vous le crime épouvantable: l'anglais! Comme si l'anglais n'était composé que de mots sales, comme si l'anglais était une langue dont on doit avoir honte. L'anglais est une langue parfaitement respectable comme l'est le français, comme l'est l'allemand, comme l'est le chinois, comme l'est le russe. Les gens qui parlent ces langues-là ont droit à notre respect.

Imaginez-vous que le délégué général du Québec à Londres a tout simplement dit: Mesdames et messieurs, je vous souhaite la bien-

venue et vous êtes pour nous «de la visite rare» et, après ça, il a continué pour une vingtaine de lignes - le discours du délégué a été déposé ici, en Chambre - en anglais. Quel crime épouvantable! Qu'on me pende ce délégué général haut et court au plus tôt. Qu'on me le pende, M. le Président, pour crime de lèse-majesté ou de lèse-langue, je ne sais trop qu'est-ce qu'on devrait employer. C'est épouvantable, M. le Président, d'avoir osé faire ça! Et, M. le Président, si c'était là la réaction d'un seul individu, je me dirais: Ce type-là fait bande à part, il n'est pas représentatif. Quand il a posé sa question, il a été applaudi. Il a été applaudi par les membres de l'Opposition. Je ne suis pas sûr que le député de Westmount l'ait applaudi; on me dit que oui. Peut-être qu'il voudra bien me le dire tout à l'heure en arrière du trône, Je suis prêt à le croire, mais ça devait être drôlement embarrassant. Drôlement embarrassant!

M. le Président, moi, je vois, à ces petites choses, un signe d'intolérance qui me fait peur. Et c'est ça qui est inquiétant dans la démarche péquiste, c'est de vouloir nous embarquer sur le chemin de l'intolérance, de l'intégrisme, la façon d'avoir des oeillères et de limiter son champ de vision, de ne pas être capable de s'ouvrir à l'horizon qu'il y a devant nous sous prétexte que ceux qui n'ont pas les yeux de la même couleur, qui n'ont pas les cheveux de la même couleur et surtout qui ont le malheur de ne pas parler la même langue ne sont pas des vrais Québécois. J'ai entendu ça 10 fois dans cette Assemblée, M. le Président, depuis les 2 dernières journées. Oui, les vrais Québécois. On dit: Nous, nous n'avons pas de schizophrénie, nous n'avons pas de dédoublement de la personnalité, nous ne pouvons être en même temps un Canadien et un Québécois, comme si c'était l'affaire la plus épouvantable qu'il pouvait arriver à quelqu'un, comme si c'était défendu d'aimer son père et sa mère en même temps. M. le Président, c'est parfaitement possible. La plupart de nous en sont fiers et un n'exclut pas l'autre, il y a de la place dans un coeur qui aime pour tout le monde, M. le Président. (19 h 10)

Cette façon intolérante de présenter la réalité peut nous amener dans toutes sortes d'abus. M. le Président, s'il y a une arme dangereuse sur la terre, c'est le nationalisme mal compris, mal vécu, le nationalisme mal compris et mal vécu, M. le Président. Et, pour paraphraser une phrase célèbre: Ô nationalisme, que de crimes on commet en ton nom! Que de crimes on commet en ton nom! Sous le manteau du nationalisme, M. le Président, on peut se draper et se réfugier, cacher notre intolérance, cacher notre incapacité de comprendre et d'accepter les autres. Et on dit: Ça c'est du nationalisme. Einstein disait: «Le nationalisme, c'est la petite vérole des peuples», une maladie infantile. Il faut y faire attention, M. le Président. Quand je parle du nationalisme, je ne parle pas du patriotisme qui est tout autre chose. L'amour de la patrie, c'est une chose. Le nationalisme peut nous amener au facisme, peut nous amener au culte de la personnalité, peut nous amener au totalitarisme, ce qu'il fait très souvent.

M. le Président, ce que nous vivons ici est un moment capital dans la vie du Québec et du Canada. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire une erreur. L'erreur serait terrible et accablante et nous en payerions le prix pour le restant de nos jours, de même que nos enfants et nos petits-enfants. Bien sûr, M. le Président, on présentera l'option péquiste sous un couvert où on essaiera de ne pas la reconnaître. M. le Président, le non que propose le Parti québécois, le non du Parti québécois est tout simplement un oui à la séparation, un oui à l'indépendance quoi qu'on dise, quoi qu'on dise.

Je ne peux pas croire ce parti quand ils nous disent qu'ils sont capables de faire abstraction de leur préoccupation fondamentale, de ce pour quoi ils existent et de ce pour quoi ils font de la politique. M. le Président, s'ils nous reprochent actuellement de ne pas faire le référendum sur la souveraineté, pourquoi n'en-tends-je pas le chef de l'Opposition de même que ses acolytes dire aux gens clairement: Nous, nous allons transformer ce référendum en un référendum sur l'indépendance du Québec et le non que vous nous donnerez sera un oui à l'indépendance? Je vous mets au défi de faire ça. Mais, au contraire, je dis, moi, que ce que vous allez aller chercher, c'est une réponse que vous ne voulez pas avoir parce qu'elle vous fait peur, cette réponse. Vous savez que cette réponse va vous annihiler. Cette réponse va vous annihiler parce qu'elle va vous dire très clairement que les Québécois et les Québécoises ne veulent pas de la séparation, ne veulent pas de l'indépendance.

M. le Président, ce qu'on entend me renverse, c'est extraordinaire. On fait grand état des millions que vont coûter quelques députés de plus, des quelques millions que vont coûter quelques députés de plus à Ottawa, à la Chambre des communes. On nous fait accroire cependant qu'on aura des ambassades partout et que ça sera gratuit. Hein? Ça, ça sera gratuit, bien sûr. De la même façon que le député de Lévis nous disait qu'il ne voulait pas avoir l'école navale dans le Vieux-Port, mais il voulait bien construire des frégates, par exemple, dans son comté. Ça se conduit comment, des frégates, vous pensez? Hein? Il faut apprendre ces choses-là. L'incohérence, M. le Président, est terrible. Le député de Lévis et d'autres faisaient des gorges chaudes des difficultés que connaissent actuellement Air Canada et Canadien. On disait: On fusionne, on détruit des emplois, etc. Qu'est-ce qui se passe en Europe? Lufthansa s'allie avec Sabena, je crois, ou avec Alitalia, Air France avec Sabena. Aux États-Unis, les compagnies fusionnent de tous bords et de tous côtés. C'est

un phénomène mondial. C'est un phénomène mondial et on essaie de trouver dans ces épiphé-nomènes qui existent ici aussi un argument en faveur de l'indépendance. Bien, il faut aller le chercher loin, ce genre d'argument!

Et, moi, je suis convaincu qu'au Québec ça ne peut pas prendre. Ça ne peut pas prendre parce que les Québécois et les Québécoises, fondamentalement, sont des gens généreux, sont des gens qui sont tolérants et capables de vivre ce genre de cohabitation avec leurs partenaires canadiens. Parce que, quoi qu'on en dise, le Canada est un grand pays dont nous avons toutes les raisons d'être fiers. C'est un pays qui nous a pris en son sein et dont nous avons fait partie. Et moi, ce n'est pas vrai, pas plus que j'ai fait avec mes parents, que mes enfants feront avec moi, que je renoncerai à l'héritage qu'il me laisse parce que ce Canada, il m'appartient autant qu'à tout le monde, parce que mes ancêtres sont partis, sont allés à la Baie d'Hud-son, sont allés découvrir, avec La Vérendrye, les Rocheuses, se sont rendus jusqu'à l'océan Pacifique. Et ce Canada, c'est mon héritage et je ne suis pas prêt à y renoncer. Je ne suis prêt à y renoncer, à cet héritage. Parce que ce que vous voulez faire, dans votre option, c'est de nous faire abandonner l'héritage qui est le nôtre, c'est nous faire abandonner cet héritage qui nous appartient de plein droit. Et un héritage, c'est trop précieux pour qu'on le laisse aller, pour qu'on cède au chant des sirènes, qu'elles soient des sirènes indépendantistes ou autres. M. le Président, le chant des sirènes est un chant qui peut être attirant parfois, mais n'oublions pas que les sirènes se tiennent sur des récifs et des écueils et que c'est très mauvais pour un bateau, les récifs et les écueils, il ne faut pas s'approcher de ça.

M. le Président, je m'adresse plus particulièrement à la population du comté de Louis-Hébert que j'ai l'honneur de représenter depuis plus de 10 ans maintenant, dans cette Assemblée. Je leur dis, comme je voudrais leur dire personnellement: Essayons de comprendre les enjeux, essayons de les évaluer à leur juste valeur, regardons les choses calmement, regardons ce qu'est le Canada. Je dis aux personnes âgées: Votre sécurité sera-t-elle accrue par une indépendance éventuelle du Québec? Je vous dis: Posez-vous cette question. Demandez-vous si cette sécurité pour laquelle vous avez travaillé toute votre vie, si cette sécurité serait maintenant accrue advenant l'accession du Québec à l'indépendance.

Je dis aussi aux jeunes: Est-ce que vous êtes prêts à vous boucher des horizons, à vous enlever des chances de réussir, à limiter les défis qui sont le propre de la jeunesse? Est-ce que vous voulez qu'on bouche ces horizons par des frontières? Est-ce que vous voulez avoir besoin d'un passeport pour aller à Toronto? Est-ce que vous voulez qu'on vous traite en étran- gers quand vous traversez l'autre côté de la rivière? Je vous dis que l'avenir est trop long. Quand on a 20 ans, on est au monde pour encore tellement longtemps qu'on a besoin de grands espaces. Je vous dis, aux jeunes, qu'un pays, finalement...

Qu'est-ce qu'un pays? Un pays, on peut le définir de toutes sortes de façons. Un pays, ça a des racines historiques, ça a une réalité géographique. Mais, au-delà de tout ça, je vous demande de réaliser qu'un pays, avant toute chose, c'est un espace de solidarité, c'est-à-dire de gens qui sont prêts à s'entraider et à se rendre service et qui ne veulent pas se détester et se jalouser. C'est ça, un pays. Nous n'avons pas un pays qui est parfait. Nous avons un pays, comme bien d'autres, qui connaît ses difficultés. Mais je pense que ce n'est pas en faisant machine arrière, en se drapant dans le manteau de l'intolérance, qui est souvent le même que celui du nationalisme, que nous arriverons à atteindre des objectifs que nous tous, nous voulons aussi, c'est-à-dire un Québec plus prospère, un Québec plus stable, un Québec capable de faire face aux défis, un Québec capable de faire concurrence à l'intérieur du Canada, parce que c'est ça, notre avenir, parce que notre passé nous indique que notre avenir est là. Et méfions-nous de ceux qui essaient de nous faire accroire le contraire, ils ne veulent pas notre bien. Ils veulent faire gagner et faire vaincre une idéologie au détriment de nous tous. Soyons prudents et tous ensemble assurons-nous que le 26 octobre ce sera oui en grande majorité.

Des voix: Bravo! Bravo!

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député de Louis-Hébert, de votre intervention. Nous poursuivons le débat sur la question référendaire, et je cède la parole à M. le député d'Arthabaska.

M. Jacques Baril

M. Baril: M. le Président, une maudite chance... Excusez!

Des voix: Ha, ha, ha!

M. Baril: Je retire mes paroles, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Ça va.

M. Baril: Une chance que le ridicule ne tue pas parce que toutes les personnes qui sont ici en cette Chambre seraient mortes, morts et mortes. (19 h 20)

M. le Président, le député de Louis-Hébert vient de démontrer, à peu près, la réaction d'un petit coq bandy qui se promène dans une basse-

cour, qui picosse sur tout ce qui passe au bord, qui picosse dans la vitre en même temps, il picosse partout. La même chose, exactement, un vrai petit coq bandy qui se pense beau, qui se pense fin, qui se pense viril, plus que l'ensemble des autres coqs, et il fait accroire à tout le monde que c'est lui le meilleur, et c'est lui le plus fin. Il nous a parlé du nationalisme. Le nationalisme péquiste, le nationalisme québécois, c'est du nationalisme dangereux, c'est de la petite vérole - pour prendre ses expressions. Il s'en va. J'aimerais qu'il m'écoute. Je l'ai écouté, j'aimerais qu'il m'écoute... M. le Président, le député de Louis-Hébert il dit qu'il s'en va voir ses clubs de l'âge d'or. J'aurais aimé qu'il m'écoute, parce que justement ça l'aurait empêcher de mentir au gens l'âge d'or. C'est ça, M. le Président.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): M. le député, si vous voulez retirer vos derniers propos. M. le député d'Arthabaska, vous les retirez? Très bien.

M. Baril: Je vous demanderais de demander au député des biscuits Leclerc... Je n'ai pas parlé quand il a parlé.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, très brièvement.

M. Pagé: Très brièvement. Je crois que l'ensemble de nos règles s'appuie sur un concept de décorum, de respect mutuel. Je comprends que la semaine aura été longue pour nos amis d'en face. Je me rappelle très bien que le député d'Arthabaska, généralement, témoigne davantage de gentilhommerie, de respect de ses collègues, et je l'inviterai à reprendre la sagesse qui l'a toujours identifié, soit celle de l'agriculteur qu'il est, pour nous entretenir sur ses visions d'avenir à l'égard de la question qui est soulevée.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Et je voudrais ajouter aux membres de la formation ministérielle également de porter attention à ceux qui font des discours, d'arrêter d'intervenir quand ils parlent. M. le député.

M. Baril: M. le Président. Le nationalisme québécois, selon le député de Louis-Hébert, c'est du fascisme, du «totalisme», de la petite vérole, etc. Je pourrais poser une question. Pourquoi c'est plus dangereux que le nationalisme canadien, le nationalisme québécois? Il n'y a pas un peuple, M. le Président, au Canada qui respecte ses minorités comme les Québécois et les Québécoises le font. Et si nous n'avions pas été un peuple tolérant, si nous n'avions pas été un peuple tolérant, surtout depuis les dernières années, avec ce que les autochtones nous font subir, M. le Président, à cause de la mollesse de ce gouvernement qui ne veut pas mettre ses culottes, il y aurait eu des drames au Québec. Je félicite les Québécois et les Québécoises d'avoir eu cette tolérance. Quand on vient nous dire que nous ne sommes pas tolérants, M. le Président, j'ai mon voyage.

Deuxième chose, on ridiculisait la question de mon collègue cet après-midi parce que le délégué du Québec à Londres s'est adressé en anglais. Le Parti québécois a été le premier gouvernement au Québec à obliger l'enseignement de l'anglais au niveau primaire. Qu'est-ce que vous avez contre ça, messieurs, mesdames d'en face? Qu'est-ce que vous avez contre ça? On a été le premier gouvernement... Pensez-vous qu'on est contre les anglophones? Pensez-vous qu'on est contre le respect de la langue anglaise, la langue seconde? Jamais de la vie. C'est comme si on voulait nous ridiculiser...

Une voix:...

M. Baril: Le ministre de l'Éducation regardera dans ses papiers et c'est le Parti québécois qui a obligé l'enseignement de l'anglais au niveau primaire, M. le ministre de l'Éducation.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous plaît! M. le député, vous vous adressez à la présidence. M. le leader du gouvernement, vous aurez l'occasion d'intervenir à cette Assemblée. Ce n'est pas le temps actuellement, et vous le savez très bien, vous qui connaissez très bien le règlement. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Baril: M. le Président, ça a été le Parti québécois qui a été le premier à réussir à négocier une entente avec le gouvernement fédéral sur l'immigration. Si on n'avait pas été ouvert aux nouvelles ethnies, on n'aurait pas travaillé pour signer cette entente-là. C'est l'entente Cullen-Couture qui a dû être signée dans les années 1977, 1978, je peux me tromper d'une année. En 1977, voyez-vous? Pourquoi essaye-t-on de démontrer que le Parti québécois, les méchants séparatistes en face, on est du monde effrayant, on est du monde épouvantable? Pourquoi essaye-t-on de démontrer... C'est là que j'aurais aimé que le député de Louis-Hébert reste ici. Il dit: Je m'en vais voir mes clubs d'âge d'or. «C'est-u» le Parti québécois qui a dit au dernier référendum, aux personnes âgées, ces pauvres personnes: Profitez de manger les oranges et les bananes qui vous restent parce que, si le oui passe en 1980, vous n'en mangerez plus de bananes, parce que le Québec va être séparé et ça... Qui a dit ça, M. le Président? Ce n'est pas de ce côté... C'est le chef du non, dans le temps, M. Claude Ryan, qui a eu ces expressions-là. Pourquoi? Ce n'est pas nous qui avons...

Le Vice-Président (M. Bissonnet): S'il vous

plaît! S'il vous plaît! Vous vous adressez toujours à la présidence, et je demanderais... S'il vous plaît! M. le leader du gouvernement, vous n'avez pas la parole et vous le savez très bien. M. le député, si vous voulez poursuivre.

M. Baril: Ça a été dit à des personnes âgées, M. le Président. Qui, M. le Président... Quand on parle au député de Louis-Hébert, il dit: Faites bien attention et il s'adressait, avec les trémolos dans la voix, aux personnes retraitées, aux personnes âgées, comment pensez-vous... Qui vous assure que vous allez garder votre niveau de vie, votre sécurité dans un Québec indépendant? Ce n'est pas là qu'est la question, là; la question n'est pas là. Je vais retourner la question: Qui est le premier gouvernement qui a enlevé justement cette sécurité aux personnes âgées? Qui a commencé à exiger le remboursement des pensions de vieillesse, pour se comprendre, pour les personnes qui gagnent un gros revenu? Après ça, on parle - un instant! - après ça, on parle d'«uniformalité» des soins, des services, etc. C'est le gouvernement fédéral qui est le premier à s'attaquer aux pensions de vieillesse des vieux en leur coupant - après qu'ils gagnent un certain revenu, ils sont obligés de retourner leur pension de vieillesse. Ce n'est pas le PQ qui a fait ça, ce n'est pas un Québec souverain qui a fait ça, c'est le gouvernement fédéral, le système actuel qui s'attaque directement aux personnes âgées. Est-ce que le député de Louis-Hébert, M. le Président, va avoir l'honnêteté de leur dire ça, tout à l'heure, aux personnes âgées qu'il va aller voir? Est-ce qu'il va avoir l'honnêteté de leur dire ça? Ça, je m'en étonne. Je serais très étonné s'il le faisait.

Pourquoi, M. le Président, vient-on nous faire accroire... Et ça les choque en face, ça les choque que l'on ne parle pas de souveraineté du Québec. Pourquoi avez-vous amendé la loi 150? Nous étions prêts, le peuple québécois était prêt à en parler de la loi 150, il était prêt à parler de la souveraineté du Québec. Il y a eu une commission parlementaire, la commission Bélan-ger-Campeau, qui a été tenue là-dessus. Votre premier ministre, je l'ai dit la dernière fois, a tombé assis sur le bacul, parce que M. Mulroney, comme une team de chevaux, il était plus fort que lui l'autre bord, il a vu la vision du Canada et, en tirant plus fort, l'autre, l'autre bord, s'est écrasé sur le bacul et il a laissé tomber le Québec. C'est ça, l'histoire actuellement. Et là, quand on lit l'entente...

J'écoutais le ministre de la Santé, après-midi - j'étais dans mon bureau - dire que tous les constitutionnalistes... Là, il montrait leur curriculum vitae, ceux qui ont une tendance souverainiste: Ce n'est pas bon ça, ils ne sont pas bons eux autres, c'est faux. Pourquoi les constitutionnalistes - ce n'est pas à moi de juger la valeur de chacun - pourquoi les constitutionnalistes à tendance fédéraliste seraient meilleurs que les autres? C'est quoi la différence? S'il y a des constitutionnalistes, M. le Président, qui s'obstinent sur les textes - et je ne suis pas un professionnel, je ne suis pas un connaisseur -s'ils s'obstinent sur les textes, c'est parce que les textes ne sont pas clairs et c'est pour ça qu'on va laisser aux tribunaux juger de ça, à l'avenir. Qui sont les citoyens et les citoyennes qui aiment ça aller devant les tribunaux pour défendre leurs droits? Tu vas là la dernière limite. Mais là, puisqu'ils ne peuvent pas s'entendre, les gouvernements vont dire: Les tribunaux s'arrangeront avec ça. Mais là ils font accroire au monde qu'ils vont s'entendre, M. le Président.

Ça n'a pas de bon sens et c'est pour ces raisons-ià et bien d'autres, M. le Président, que les Québécois et les Québécoises, le 26 octobre... Je les invite à ne pas se laisser organiser, comme ils se sont fait organiser par ces mêmes personnes, lors du référendum de 1980, ceux qui étaient dans le non, c'étaient Mulroney, Bouras-sa, Chrétien, Ouellet, Ryan, c'est tout ce même monde là qui disait au monde, à l'époque: Votez pour le non, puisqu'on va faire votre place dans ce beau et grand Canada; on vous aime, vous êtes beaux, vous êtes fins. Aujourd'hui, ils disent aux gens: ils nous ont fait notre place, mais quelle place? Complètement en arrière, au bout de la file. C'est comme ça que les Québécois vont se retrouver après le 26 octobre avec un vote pour le oui. Je les invite à réfléchir et à voter non d'abord et à s'informer comme il faut sur la teneur des textes si, un jour, on peut les avoir.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Merci, M. le député d'Arthabaska. M. le leader du gouvernement.

M. Pagé: M. le Président, après une intervention de ce niveau, je vous invite à ajourner nos travaux à mardi, 14 heures.

Le Vice-Président (M. Bissonnet): Conformément à l'ordre de la Chambre, une motion d'ajournement des travaux, est-ce que cette motion est adoptée? Adopté. Alors, les travaux de cette Assemblée sont ajournés au mardi 15 septembre, à 14 heures.

(Fin de la séance à 19 h 30)

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